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1
p. 2271-2276
LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
Début :
Heureux Frion, heureux qui, loin du bruit des Villes, [...]
Mots clefs :
Sillons fertiles, Palais, Vigne, Cruches
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texteReconnaissance textuelle : LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
LA VIE
CHAMPÊTRE.
H →
ODE,
A M. Frion.
Eureux Frion , heureux qui, loin du
bruit des Villes ,
Ainsi que les
premiers
Mortels ,
Cultive les sillons fertiles ,
Des
héritages
paternels.
Qu'il entende sonner la trompette éclatante ,
A ij
Son
2272 MERCURE DE FRANCE.
Son esprit n'est point agité ;
Loin des fureurs de la tourmente
Il n'en est point épouvanté.
De mes Concitoyens qu'éleve l'injustice
Je fréquenterois les Palais !
Vainement contre l'Artifice
J'userois ma vie en Procès :
Je me ris de quiconque y consume ses veilles ,
Pendant que je vois se lier
La Vigne qui charge mes Treilles
Au branchage du Peuplier.
Utilement oisif dans un séjour tranquile
J'aperçois mon fruit s'étouffer;
J'en coupe une branche inutile
Qui me sert ensuite à greffer.
Dans une profitable et douce rêveric
Assis sur l'herbe du côteau
Je ne reconnois la prairie
Qu'en voyant mon nombreux Troupeau,
Le chien , en poursuivant la chevre bondissante ;
La ramene au jeune Chevreau ,
Auprès
OCTOBRE. 1731. 2273
Auprès de la Brebis paissante
Le Berger raporte l'Agneau.
Un essain de son miel a - t'il rempli mes Ruches
A l'entour j'allume des feux
L'Abeille sort , et dans mes Cruches
Coule son present doucereux .
Voyez-vous à la Terre une face riante ?
Que de fruits s'offrent à nos sens !
Semence , couche , greffe , plante ,
C'est l'Automne avec ses presens,
Qu'on reconnoisse ici le Dieu des Jardinages ;
Comment le louer dignement ?
Que deviendroient nos héritages
S'il n'y veilloit incessamment.
Seul , il peut éloigner parsa bonté Divine
De nos Vergers , de nos
guerets
Ces hommes nez pour la rapine
Et les hôtes de nos Forêts.
J'ai toûjours sous ce Chêne une retraitte somBre
Contre les plus vives chaleurs ;*
Et sa fraîcheur se joint à l'ombre
A iij
Sur
2274 MERCURE DE FRANCE
Sur ce Gazon mêlé de fleurs.
L'Onde vive , en fuyant d'une source très-pure
S'y forme en differens ruisseaux ;
Je m'endors à son doux murmure
Charmé du concert des Oiseaux.
Hyver, par les Arrêts du Maître du Tonnerre ;
Sêche les fleurs , gele les eaux ;
Approche et dépouille la Terre
De ses ornemens les plus beaux.
L'on me verra braver les Neiges et les Glaces ;
Le Cor anime mes limiers ;
Et je vais courir sur leurs traces ,
Livrer la Guerre aux Sangliers.
Un Pastre industrieux voit un Liévre timide
S'étrangler à ses trébuchets ;
L'autre trouve la grive avide
Embarrassée en ses filets.
Jei mon Laboureur détele sous ma vůť
Les Boeufs lass és par l'aiguillon ,
Trainant sur le col la charüc
Dont ils ont creusé le sillón.
Qui
OCTOBRE 1731. 2273
Qui pourroit nous troubler dans cet aimable
azile
Le travail assidu du jour
Nous répond d'une nuit tranquille
Que n'ose interrompre l'Amour.
Si le Dieu de l'Hymen te présente une Epouse ,
Elle s'applique à soulager
Des travaux dont elle est jalouse
Et qu'elle ne peut partager.
Telle nous la voyons , FRION , dans ton ménage
D'un mot conduire ta maison
Qu'une telle femme , un fils sage
Font bien - honneur à ta raison.
Les Troupeaux mugissans sortent de la prairie
Phebus précipite ses pas ;
Près de sa compagne chérie
L'Epoux vient chercher le répas.
Lassé par la chaleur , on lui verse un breuvage
Que Bacchus a cuit sous ses yeux ;
Il n'aimeroit pas davantage
Le Nectar qu'Hebé sert aux Dieux.
A iiij
N'a2276
MERCURE DE FRANCE
N'aprochez point d'ici , magnifiques avides
Qui dépouillez , pour un festin,
De Gibier les plaines humides ,
Et tout l'Ibere de son Vin.
Si le Loup me surprend une Agnelle bélante ;
Je joins l'Animal carnassier ;
Je reprens la bête sanglante
Et la fais cuire à mon foyer.
Je dois mes autres mets à mes couches utiles
Mes huiles à mes oliviers ;
Mes Vins à mes Treilles fertiles ;
Et mes fruits à mes Espaliers.
C'est à peu près ainsi que dans ses chants lyri
riques ,
Horace , à l'aide d'Apollon
>
Celebroit les plaisirs rustiques
Près de l'onde du saint Vallon.
Mais , plus heureux FRION, que l'ami de Mecéne
Si j'ai reüssi dans mes Vers ;
Je les dois moins à l'hypocréne
Qu'aux agrémens de ton Villers.
L. C. D. N. D. M.
CHAMPÊTRE.
H →
ODE,
A M. Frion.
Eureux Frion , heureux qui, loin du
bruit des Villes ,
Ainsi que les
premiers
Mortels ,
Cultive les sillons fertiles ,
Des
héritages
paternels.
Qu'il entende sonner la trompette éclatante ,
A ij
Son
2272 MERCURE DE FRANCE.
Son esprit n'est point agité ;
Loin des fureurs de la tourmente
Il n'en est point épouvanté.
De mes Concitoyens qu'éleve l'injustice
Je fréquenterois les Palais !
Vainement contre l'Artifice
J'userois ma vie en Procès :
Je me ris de quiconque y consume ses veilles ,
Pendant que je vois se lier
La Vigne qui charge mes Treilles
Au branchage du Peuplier.
Utilement oisif dans un séjour tranquile
J'aperçois mon fruit s'étouffer;
J'en coupe une branche inutile
Qui me sert ensuite à greffer.
Dans une profitable et douce rêveric
Assis sur l'herbe du côteau
Je ne reconnois la prairie
Qu'en voyant mon nombreux Troupeau,
Le chien , en poursuivant la chevre bondissante ;
La ramene au jeune Chevreau ,
Auprès
OCTOBRE. 1731. 2273
Auprès de la Brebis paissante
Le Berger raporte l'Agneau.
Un essain de son miel a - t'il rempli mes Ruches
A l'entour j'allume des feux
L'Abeille sort , et dans mes Cruches
Coule son present doucereux .
Voyez-vous à la Terre une face riante ?
Que de fruits s'offrent à nos sens !
Semence , couche , greffe , plante ,
C'est l'Automne avec ses presens,
Qu'on reconnoisse ici le Dieu des Jardinages ;
Comment le louer dignement ?
Que deviendroient nos héritages
S'il n'y veilloit incessamment.
Seul , il peut éloigner parsa bonté Divine
De nos Vergers , de nos
guerets
Ces hommes nez pour la rapine
Et les hôtes de nos Forêts.
J'ai toûjours sous ce Chêne une retraitte somBre
Contre les plus vives chaleurs ;*
Et sa fraîcheur se joint à l'ombre
A iij
Sur
2274 MERCURE DE FRANCE
Sur ce Gazon mêlé de fleurs.
L'Onde vive , en fuyant d'une source très-pure
S'y forme en differens ruisseaux ;
Je m'endors à son doux murmure
Charmé du concert des Oiseaux.
Hyver, par les Arrêts du Maître du Tonnerre ;
Sêche les fleurs , gele les eaux ;
Approche et dépouille la Terre
De ses ornemens les plus beaux.
L'on me verra braver les Neiges et les Glaces ;
Le Cor anime mes limiers ;
Et je vais courir sur leurs traces ,
Livrer la Guerre aux Sangliers.
Un Pastre industrieux voit un Liévre timide
S'étrangler à ses trébuchets ;
L'autre trouve la grive avide
Embarrassée en ses filets.
Jei mon Laboureur détele sous ma vůť
Les Boeufs lass és par l'aiguillon ,
Trainant sur le col la charüc
Dont ils ont creusé le sillón.
Qui
OCTOBRE 1731. 2273
Qui pourroit nous troubler dans cet aimable
azile
Le travail assidu du jour
Nous répond d'une nuit tranquille
Que n'ose interrompre l'Amour.
Si le Dieu de l'Hymen te présente une Epouse ,
Elle s'applique à soulager
Des travaux dont elle est jalouse
Et qu'elle ne peut partager.
Telle nous la voyons , FRION , dans ton ménage
D'un mot conduire ta maison
Qu'une telle femme , un fils sage
Font bien - honneur à ta raison.
Les Troupeaux mugissans sortent de la prairie
Phebus précipite ses pas ;
Près de sa compagne chérie
L'Epoux vient chercher le répas.
Lassé par la chaleur , on lui verse un breuvage
Que Bacchus a cuit sous ses yeux ;
Il n'aimeroit pas davantage
Le Nectar qu'Hebé sert aux Dieux.
A iiij
N'a2276
MERCURE DE FRANCE
N'aprochez point d'ici , magnifiques avides
Qui dépouillez , pour un festin,
De Gibier les plaines humides ,
Et tout l'Ibere de son Vin.
Si le Loup me surprend une Agnelle bélante ;
Je joins l'Animal carnassier ;
Je reprens la bête sanglante
Et la fais cuire à mon foyer.
Je dois mes autres mets à mes couches utiles
Mes huiles à mes oliviers ;
Mes Vins à mes Treilles fertiles ;
Et mes fruits à mes Espaliers.
C'est à peu près ainsi que dans ses chants lyri
riques ,
Horace , à l'aide d'Apollon
>
Celebroit les plaisirs rustiques
Près de l'onde du saint Vallon.
Mais , plus heureux FRION, que l'ami de Mecéne
Si j'ai reüssi dans mes Vers ;
Je les dois moins à l'hypocréne
Qu'aux agrémens de ton Villers.
L. C. D. N. D. M.
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Résumé : LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
Le texte est une ode dédiée à M. Frion, mettant en lumière les plaisirs de la vie champêtre. L'auteur exprime sa satisfaction à cultiver les terres héritées de ses ancêtres, loin du tumulte des villes et des conflits. Il décrit les activités agricoles et la tranquillité de la vie rurale, où il observe la nature et les animaux. L'automne est particulièrement souligné pour ses fruits abondants et la protection divine des vergers et des champs. L'auteur apprécie aussi la fraîcheur des chênes et le murmure des ruisseaux en été, ainsi que les activités de chasse en hiver. La vie rurale est présentée comme un refuge paisible, où le travail quotidien assure des nuits tranquilles. L'auteur loue également la contribution de l'épouse et du fils de Frion à la gestion harmonieuse du ménage. Il conclut en comparant sa vie rustique à celle décrite par Horace, tout en soulignant que ses vers doivent plus aux agréments du domaine de Frion qu'à l'inspiration poétique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2277-2295
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
Début :
MONSIEUR, La Médaille Romaine de grand Bronze que vous m'avez envoyée depuis peu, et [...]
Mots clefs :
Abbaye, Médailles, Impératrice Lucille, Argent, Tête de Jupiter, Prêtresse, Phocéens d'Ionie, Traducteurs latins, Marseille, Bronze
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
LETTRE écrite par M. D. L. R. à
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
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Résumé : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
La lettre de M. D. L. R. à M...... de l'Abbaye Saint-Victor de Marseille discute de deux médailles antiques. La première est une médaille romaine en bronze découverte dans le vignoble de Saint-Just, attribuée à l'impératrice Lucille, fille de Marc-Aurèle et de Faustine la Jeune. Lucille avait épousé Lucius Verus, associé à l'Empire avec son beau-père. La seconde est une pièce grecque en argent trouvée dans le Languedoc par M. Vergile de la Bastide. Elle représente une tête d'homme et un sautoir, avec les lettres 'M A' au revers, probablement en référence à Marseille ou à son fondateur. L'auteur attribue cette médaille à Massalia, le premier fondateur de Marseille selon Plutarque, tout en mentionnant d'autres fondateurs potentiels comme Furius et Peranus, qu'il considère comme secondaires. Le texte aborde également une médaille attribuée à Maximien Hercule, portant les lettres DMKV sur son revers. Le Père Hardouin interprète ces lettres comme indiquant une frappe à Marseille, mais cette hypothèse est contestée car Maximien, poursuivi par Constantin, s'y réfugia durant une période de décadence, rendant improbable la frappe de monnaie en son honneur. La médaille romaine de Lucille présente sur son revers une figure féminine assise tenant une fleur et un enfant emmailloté, avec l'inscription JUNONI LUCINE. Cette représentation symbolise Lucille sous les traits de Junon Lucine, déesse de la fécondité, suggérant soit une fécondité future, soit une maternité déjà réalisée. Cette interprétation est confirmée par d'autres médailles et médaillons similaires décrits par Vaillant. Le texte mentionne aussi une médaille grecque de Lucille, frappée par le roi arabe Mannus, qui se présente comme ami des Romains. Cette médaille est rare et élégante, frappée durant le séjour de Lucius Verus et Lucille à Antioche. L'auteur encourage les savants de Marseille à approfondir ces découvertes et à publier des explications plus exactes et étendues dans la nouvelle histoire de la ville.
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3
p. 2295-[2296]
SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
Début :
Tra quanti mai vestiro umana spoglia, [...]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
SONNET ITALIEN ,
Sur la Mort de M. de la Faye
TRa quanti mai vestiro umana spoglia,
Dallo Scita nevoso all'Indo adusto ,
Uom non vid io di cotai pregi onusta
Calcar di Pindo la superba Soglia !
Questi , che tanto ora la Senna addoglia ,
Giungeva al dette stil lo stil veausto :
Bij Egli
1126 MERCURE
DE FRANCE
Egli unía colle Muse in spatio angusto,
Le Gratie a dir che che ragion ne invoglia,
Eran con Effo in dolce lor soggiorno ,
Senno maturo con sapere accorto ,
Umana
cortesia costume adorno,
Ogni modo gentile era risorto
Solo con Lui , dell' età nostra a scorno
Ahi Muse, ahi Gratic ! il vostro Faya è morto
L'Abbate Antonini.
Sur la Mort de M. de la Faye
TRa quanti mai vestiro umana spoglia,
Dallo Scita nevoso all'Indo adusto ,
Uom non vid io di cotai pregi onusta
Calcar di Pindo la superba Soglia !
Questi , che tanto ora la Senna addoglia ,
Giungeva al dette stil lo stil veausto :
Bij Egli
1126 MERCURE
DE FRANCE
Egli unía colle Muse in spatio angusto,
Le Gratie a dir che che ragion ne invoglia,
Eran con Effo in dolce lor soggiorno ,
Senno maturo con sapere accorto ,
Umana
cortesia costume adorno,
Ogni modo gentile era risorto
Solo con Lui , dell' età nostra a scorno
Ahi Muse, ahi Gratic ! il vostro Faya è morto
L'Abbate Antonini.
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Résumé : SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
Le sonnet 'Sur la Mort de M. de la Faye' de l'Abbé Antonini loue les vertus exceptionnelles de M. de la Faye. Ce dernier incarnait élégance, dignité, maturité intellectuelle, sagesse et courtoisie. Sa disparition est perçue comme une grande perte pour son époque.
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4
p. [2296]-2297
AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Début :
Sur le bord tenebreux, la Faye est descendu, [...]
Mots clefs :
Goût, Urbanité, Muses, Culte, Tombeau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
AUTRE SONNET
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
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Résumé : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Le sonnet 'HIJATI' rend hommage à une personne décédée, incarnant le goût, l'urbanité et la raison délicate. Le poète, incapable de célébrer sa mémoire comme il le souhaite, exprime sa douleur et promet de verser des pleurs sur sa tombe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2297-2309
LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été terriblement en colere contre le Public [...]
Mots clefs :
Rire, Satire, Despréaux, Famille royale, Conspiration , Reine, Autorité, Reconnaissance, Défiance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
LETTRE de Madame la Comtesse de....
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
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Résumé : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
La Comtesse de... exprime sa colère envers le Chevalier de... après avoir appris que le public avait ri lors de la représentation de la tragédie 'Astrate' de Jean Racine. Elle critique particulièrement la réaction du Chevalier, qui a également ri, notamment lors du second acte où l'Anneau Royal est mentionné. La Comtesse défend Racine en expliquant que les vers ironiques sur l'Anneau Royal sont prononcés par un personnage campagnard par pudeur. Elle reconnaît cependant que Racine a pu avoir des sentiments similaires dans d'autres œuvres. La Comtesse résume ensuite l'intrigue d''Astrate'. L'action se déroule à Tyr, où la reine Elise a usurpé le trône d'Adraste. Elise aime Astrate, qu'elle croit être le fils de Sichée. Les sujets d'Elise souffrent de voir une femme régner et souhaitent un roi. Elise envisage de choisir Astrate comme époux, mais Sichée, qui est en réalité le père d'Astrate et le véritable roi, tente de l'en dissuader. Il révèle finalement à Astrate qu'il est le fils du roi détrôné et qu'une conspiration est prête à rétablir la famille royale. Astrate obtient une amnistie générale, mais la conspiration éclate malgré tout. Elise, craignant pour la vie d'Astrate, se suicide. La Comtesse critique l'épisode de l'Anneau Royal, qui a suscité des rires, et défend Quinault en expliquant que l'Anneau est un symbole d'autorité légitime. Elle conclut en soulignant que les rires du public sont dus au passage subit du trône à la prison et au bonheur suprême, et non à l'Anneau Royal. Elle critique également le personnage d'Agenor, qui est puni à juste titre pour sa lâcheté et son comportement odieux. Enfin, elle loue la délicatesse de la scène où Elise encourage Astrate à lui parler de son amour. Par ailleurs, le texte relate une conversation entre deux personnages, Astrea et une reine. Astrea est accusé de sentiments excessifs envers la reine. Pour se défendre, Astrea est invité à examiner son cœur et à vérifier s'il ne ressent pas pour la reine une ardeur dépassant celle d'un sujet ordinaire. Encouragé par la douceur de la reine, Astrea avoue son amour coupable et insatiable. Il exprime son désir de rester coupable plutôt que de regretter ses sentiments. Il justifie son audace par l'intensité de son amour, affirmant que seul l'excès peut expliquer un tel sentiment. La suite de la conversation est reportée au prochain Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 2309-2311
IDILLE, En forme de Ritournelle, sur une absence. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Iris, éloigné de tes yeux, [...]
Mots clefs :
Ritournelle, Absence, Iris, Martyre, Impatience, Ruisseau, Foi, Frétiller, Rival, Volage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IDILLE, En forme de Ritournelle, sur une absence. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
IDILLE ,
En forme de Ritournelle , sur une absence.
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
Iris , éloigné de tes yeux ,
Mon triste coeur toûjours soupire ;
Il n'est rien qui puisse en ces lieux
Calmer mon douloureux martire.
Le jour et la nuit je te voi,
Je languis dans l'impatience ;
Mais , helas ! à ton tour te souvient-il de moi-
Iris , charmante Iris , pendant ma longue ab
sence !
US
2310 MERCURE DE FRANCE
Un Ruisseau par un long détour ,
Vient trouver sa chere Prairie.
Ses flots jaloux lui font l'amour ,
Ils baisent sa rive fleurie.
Tout m'excite à garder ma foi ,
Tout semble affermir ma constance : -
Mais ,helas , à ton tour te souvient- il de moi ,
Iris,charmante Iris, pendant ma longue abscenceż
Quand je vois le Moineau brulant ,
Avec sa petite Maîtresse ,
Fretiller , volant, revolant ,
Finir pour commencer sans ceffe ;
Mon ame qui s'épanche en toi ,
Sent une double défaillance ;
Mais , hélas , à ton tour te souvient-il de moi ;
Bris, charmante Iris , pendant ma longue absence
L'autre jour le Berger Lucas ,
Couché sur la verte fougere ,
Tenoit à l'écart dans ses bras ,
Sa jeune et picquante Bergere ;
Il lui vola je ne sçai quoi ,
Je meurs de plaisir , quand j'y pense.
Mais , helas , à ton tour te souvient il de moi,
Eris, charmante Iris, pendant ma longue absence? .
OCTOBRE. 1731 2388
Où m'emporte une folle erreur
Que dis-je ? ma raison s'égare ,
C'est pour un autre que ton coeur ,
Peut-être aujourd'hui se déclare ,
Mon Rival soumis à ta loi ,
Se voit aimé par préference ::
Non, tu n'as point pensé le moindre instant à
moi ,
Iris , volage Iris , pendant ma longue absence.
En forme de Ritournelle , sur une absence.
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
Iris , éloigné de tes yeux ,
Mon triste coeur toûjours soupire ;
Il n'est rien qui puisse en ces lieux
Calmer mon douloureux martire.
Le jour et la nuit je te voi,
Je languis dans l'impatience ;
Mais , helas ! à ton tour te souvient-il de moi-
Iris , charmante Iris , pendant ma longue ab
sence !
US
2310 MERCURE DE FRANCE
Un Ruisseau par un long détour ,
Vient trouver sa chere Prairie.
Ses flots jaloux lui font l'amour ,
Ils baisent sa rive fleurie.
Tout m'excite à garder ma foi ,
Tout semble affermir ma constance : -
Mais ,helas , à ton tour te souvient- il de moi ,
Iris,charmante Iris, pendant ma longue abscenceż
Quand je vois le Moineau brulant ,
Avec sa petite Maîtresse ,
Fretiller , volant, revolant ,
Finir pour commencer sans ceffe ;
Mon ame qui s'épanche en toi ,
Sent une double défaillance ;
Mais , hélas , à ton tour te souvient-il de moi ;
Bris, charmante Iris , pendant ma longue absence
L'autre jour le Berger Lucas ,
Couché sur la verte fougere ,
Tenoit à l'écart dans ses bras ,
Sa jeune et picquante Bergere ;
Il lui vola je ne sçai quoi ,
Je meurs de plaisir , quand j'y pense.
Mais , helas , à ton tour te souvient il de moi,
Eris, charmante Iris, pendant ma longue absence? .
OCTOBRE. 1731 2388
Où m'emporte une folle erreur
Que dis-je ? ma raison s'égare ,
C'est pour un autre que ton coeur ,
Peut-être aujourd'hui se déclare ,
Mon Rival soumis à ta loi ,
Se voit aimé par préference ::
Non, tu n'as point pensé le moindre instant à
moi ,
Iris , volage Iris , pendant ma longue absence.
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Résumé : IDILLE, En forme de Ritournelle, sur une absence. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le poème 'Idille' de Me de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne explore la douleur et l'angoisse d'un amant séparé de sa bien-aimée, Iris. L'auteur exprime son chagrin constant et son impatience, se demandant si Iris pense à lui pendant son absence. Le texte utilise des images naturelles et pastorales pour illustrer la fidélité et la constance de l'auteur, contrastées avec son doute sur les sentiments d'Iris. Des scènes de la nature et des couples amoureux soulignent sa propre solitude et son désespoir. Le poème se conclut sur une note de désillusion, l'auteur imaginant que le cœur d'Iris pourrait appartenir à un autre pendant son absence.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 2311-2317
ODE A M. Houdart de la Motte. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Grand et fameux la Motte, Aigle rapide dont l'œil noblement audacieux [...]
Mots clefs :
Indomptable Hercule, Poésie, Rime, Liberté, Prose, Défense, Strophes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A M. Houdart de la Motte. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
O DE
A M. Houdart de la Motte. Par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croisic
en Bretagne.
GR
Grand et fameux la Motte , Aigle
Irapide dont l'oeil noblement audacieux
, va défier les regards mêmes du
brúlant Pere de la lumiere , soutien le
vol timide d'un foible Tiercelet , et vien
d'un coup de ton aîle secourable le pousser
avec toi jusqu'au dévorant séjour du
feu.
讚
Je pars , je quitte la Terre bourbeuse;
je traverse , je fends les immenses Campagnes
12 MERCURE DE FRANCE
pagnes de l'air la violence qui m'emporte
me fait perdre haleine : quel bras
puissant m'arrête audessus du double sommet
de la docte Montagne ? Un merveil
leux Spectacle s'y dévoile à mes yeux
enchantez. La majestueuse Melpomene ,
la vive et galante Polhymnie, la tête panchée
et flecissant devant toi un genou
respectueux , te rendent des hommages
qui te comblent d'honneur.
粥
Comme l'indomptable Hercule purgea
autrefois l'érable infecté du riche et superbe
Augias , ainsi tes travaux innombrables
ont purgé notre Poësie affreusesement
accablée sous le joug tirannique
de la Rime : tu l'as tirée de la prison obscure
et étroite dans laquelle , plongée depuis
si long - temps , elle poussoir des
plaintes aussi touchantes que steriles ; ta
main laborieuse a brisé ses entraves cruelles
, et dégagée du poids honteux de ses
chaînes , elle respire l'air tranquille et serain
de la liberté desirée depuis tant de
siecles.
Je te vois aujourd'hui , harmonieuse
Progeniture de l'aimable Souverain de
Helicon , je te voix , ô divine Poësie,
te
OCTOBRE. 1731. 2373
te promener çà et là librement avec les
Charites qui dansent et folatrent autour
de toi , en te faisant cent caresses naïves
Leurs blonds cheveux voltigent négligemment
épars sur leurs épaules blanches
à la fois et vermeilles , semblables à de l'ivoire
qu'une femme de Carie teint en
pourpre , ennemies de la gêne , elles ont
jetté loin d'elles leurs chaussures de drap
d'or , et sautent si legerement sur l'émail
de la riante Prairie, qu'à peine s'appercoits
on qu'elles ayent des pieds.
Toi- même , ô Poësie , toi - même toute
échevelée , tu t'es défaite de l'embarras
ajusté de ta coëffure précieuse . Tes doigts
delicats ne paroissent plus enchaînez dans
des cercles de diamans , et tu dédaignes
la pompeuse parure de tes brasselets tis
sus avec un art admirable.
La Prose qui s'avance a le port d'une
Reine ; elle te tend les bras , t'embrasse.
L'appelle sa soeur , et te jurant une amitié
éternelle , te serre avec tant de force
qu'il semble que vous ne fassiez plus que
2314 MERCURE DE FRANCE
le même corps. Les Coquillages dorez
attachez aux Rochers limoneux , la Vigne
flexible , mariée à l'Ormeau qui l'appuye
, ne sont pas liez par des noeuds plus
étroits que ceux qui vous unissent maintenant
enſemble.
Un ris modeste et gracieux s'échap
pant de tes levres entr'ouvertes , fair
éclatter sur ton visage les étincelles d'une
joye inalterable , l'éclair part des yeux
Jamboyants. Et tu réponds à la Prose
par tous les témoignages d'une fidelité
réciproque: Ciel ! que l'air aisé dont tu
marches , t'a rendue differente de ce que
tu étois autrefois ?
裝
Chante à jamais ta liberté recouvrée ;
chante la pénible défaite de la Rime or
gueilleuse qui t'a détenue dans les fers ;.
mais celebre sur tout par des productions
plus durables que le Marbre et le Bronze,
I'Invincible la Motte , et fais pleuvoir les
Lauriers et les Roses sur la tête de ton
valeureux Liberateur.
Lui seul s'est armé pour ta défense et
les
OCTOBR E. 1734. 1314
lestraits qu'ont lancez des bras de Géants,
se sont émoussez sur sa poitrine invul
nerable. Il paroît , il combat , il frappe ,
il foudroye. C'est Tancrede qui fait mordre
la poudre à Clorinde ; c'est Renaud
qui triomphe d'Armide et des vaillants
et nombreux Chevaliers qui devoient au
prix du sang de ce Heros , achepter à
l'envile coeur de cette Heroïne inhumaine.
#
Tes yeux ternis se chargent de pleurs ;
Rime malheureuse , la honte fait pâlir
tes joies amaigries , une sueur froide
coule de tous tes membres qui paroissent
pétrifiez , mais tout à coup la doul ur se
changeant en rage , t´s derniers soupirs
sont d'horribles blaphêmes.
Tes Strophes gravement Philosophi
ques , & prudent la Motte , ô Poëte sagement
sublime , nous avoient toûjours
présagé ton penchant insurmontable pour
ta chere Prose ; et qu'il viendroit un jour
où tu prendrois le Casque et la Cuirasse
pour lui conquerir l'Empire absolu de
notre Langue renommée de l'un à l'autre
Hemisphere.
Mais
1316 MERCURE DE FRANCE
Mais Ciel qu'apperçois -je encore !
quelle foule de ravissans objets frappe
à l'instant mes avides regards ! l'Ombre
glorieuse du sçavant Poëte à qui sept Villes
se disputerent l'honneur d'avoir donné
la naissance ; l'Ombre non moins celebre
de celui qui a porté jusqu'aux nuës
le nom de Mantouë ; l'Ombre rivale des
deux autres , cette Ombre dont le Godefroy
et l'Aminte ont illustré la moderne
Italie , toutes trois te donnent de pures
marques d'une amitié non suspecte
Je les entends qui par les expressions
les plus vives , te prient de briser la mesure
inutile de leurs Vers , d'écarter loin
de leur stile ces nombres ridiculement
reguliers , qui ne repetent que les mêmes
sons à l'oreille fatiguée ; et par le moyen
dont tu es l'Inventeur de prêter à leur
Poësie cette même beauté dont tu viens
d'enrichir la nôtre.
諾
Continuë , ô genereux Vainqueur de
la Rime , moissonne à plein poing les
précieuses Javelles des Lauriers immortels
, chemine à pas hardis au Temple
rayonnant de la gloire , en dépit de tes
Rivaux
OCTOBRE . 1731. 2317
Rivaux consternez . Cours y suspendre
lés dépouilles que tu leur a arrachées
encore soüillées d'une poussiere honorable
, et qu'eux-mêmes se trouvent enfin
forcez de couronner ton front triomphant
de leurs propres mains.
A M. Houdart de la Motte. Par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croisic
en Bretagne.
GR
Grand et fameux la Motte , Aigle
Irapide dont l'oeil noblement audacieux
, va défier les regards mêmes du
brúlant Pere de la lumiere , soutien le
vol timide d'un foible Tiercelet , et vien
d'un coup de ton aîle secourable le pousser
avec toi jusqu'au dévorant séjour du
feu.
讚
Je pars , je quitte la Terre bourbeuse;
je traverse , je fends les immenses Campagnes
12 MERCURE DE FRANCE
pagnes de l'air la violence qui m'emporte
me fait perdre haleine : quel bras
puissant m'arrête audessus du double sommet
de la docte Montagne ? Un merveil
leux Spectacle s'y dévoile à mes yeux
enchantez. La majestueuse Melpomene ,
la vive et galante Polhymnie, la tête panchée
et flecissant devant toi un genou
respectueux , te rendent des hommages
qui te comblent d'honneur.
粥
Comme l'indomptable Hercule purgea
autrefois l'érable infecté du riche et superbe
Augias , ainsi tes travaux innombrables
ont purgé notre Poësie affreusesement
accablée sous le joug tirannique
de la Rime : tu l'as tirée de la prison obscure
et étroite dans laquelle , plongée depuis
si long - temps , elle poussoir des
plaintes aussi touchantes que steriles ; ta
main laborieuse a brisé ses entraves cruelles
, et dégagée du poids honteux de ses
chaînes , elle respire l'air tranquille et serain
de la liberté desirée depuis tant de
siecles.
Je te vois aujourd'hui , harmonieuse
Progeniture de l'aimable Souverain de
Helicon , je te voix , ô divine Poësie,
te
OCTOBRE. 1731. 2373
te promener çà et là librement avec les
Charites qui dansent et folatrent autour
de toi , en te faisant cent caresses naïves
Leurs blonds cheveux voltigent négligemment
épars sur leurs épaules blanches
à la fois et vermeilles , semblables à de l'ivoire
qu'une femme de Carie teint en
pourpre , ennemies de la gêne , elles ont
jetté loin d'elles leurs chaussures de drap
d'or , et sautent si legerement sur l'émail
de la riante Prairie, qu'à peine s'appercoits
on qu'elles ayent des pieds.
Toi- même , ô Poësie , toi - même toute
échevelée , tu t'es défaite de l'embarras
ajusté de ta coëffure précieuse . Tes doigts
delicats ne paroissent plus enchaînez dans
des cercles de diamans , et tu dédaignes
la pompeuse parure de tes brasselets tis
sus avec un art admirable.
La Prose qui s'avance a le port d'une
Reine ; elle te tend les bras , t'embrasse.
L'appelle sa soeur , et te jurant une amitié
éternelle , te serre avec tant de force
qu'il semble que vous ne fassiez plus que
2314 MERCURE DE FRANCE
le même corps. Les Coquillages dorez
attachez aux Rochers limoneux , la Vigne
flexible , mariée à l'Ormeau qui l'appuye
, ne sont pas liez par des noeuds plus
étroits que ceux qui vous unissent maintenant
enſemble.
Un ris modeste et gracieux s'échap
pant de tes levres entr'ouvertes , fair
éclatter sur ton visage les étincelles d'une
joye inalterable , l'éclair part des yeux
Jamboyants. Et tu réponds à la Prose
par tous les témoignages d'une fidelité
réciproque: Ciel ! que l'air aisé dont tu
marches , t'a rendue differente de ce que
tu étois autrefois ?
裝
Chante à jamais ta liberté recouvrée ;
chante la pénible défaite de la Rime or
gueilleuse qui t'a détenue dans les fers ;.
mais celebre sur tout par des productions
plus durables que le Marbre et le Bronze,
I'Invincible la Motte , et fais pleuvoir les
Lauriers et les Roses sur la tête de ton
valeureux Liberateur.
Lui seul s'est armé pour ta défense et
les
OCTOBR E. 1734. 1314
lestraits qu'ont lancez des bras de Géants,
se sont émoussez sur sa poitrine invul
nerable. Il paroît , il combat , il frappe ,
il foudroye. C'est Tancrede qui fait mordre
la poudre à Clorinde ; c'est Renaud
qui triomphe d'Armide et des vaillants
et nombreux Chevaliers qui devoient au
prix du sang de ce Heros , achepter à
l'envile coeur de cette Heroïne inhumaine.
#
Tes yeux ternis se chargent de pleurs ;
Rime malheureuse , la honte fait pâlir
tes joies amaigries , une sueur froide
coule de tous tes membres qui paroissent
pétrifiez , mais tout à coup la doul ur se
changeant en rage , t´s derniers soupirs
sont d'horribles blaphêmes.
Tes Strophes gravement Philosophi
ques , & prudent la Motte , ô Poëte sagement
sublime , nous avoient toûjours
présagé ton penchant insurmontable pour
ta chere Prose ; et qu'il viendroit un jour
où tu prendrois le Casque et la Cuirasse
pour lui conquerir l'Empire absolu de
notre Langue renommée de l'un à l'autre
Hemisphere.
Mais
1316 MERCURE DE FRANCE
Mais Ciel qu'apperçois -je encore !
quelle foule de ravissans objets frappe
à l'instant mes avides regards ! l'Ombre
glorieuse du sçavant Poëte à qui sept Villes
se disputerent l'honneur d'avoir donné
la naissance ; l'Ombre non moins celebre
de celui qui a porté jusqu'aux nuës
le nom de Mantouë ; l'Ombre rivale des
deux autres , cette Ombre dont le Godefroy
et l'Aminte ont illustré la moderne
Italie , toutes trois te donnent de pures
marques d'une amitié non suspecte
Je les entends qui par les expressions
les plus vives , te prient de briser la mesure
inutile de leurs Vers , d'écarter loin
de leur stile ces nombres ridiculement
reguliers , qui ne repetent que les mêmes
sons à l'oreille fatiguée ; et par le moyen
dont tu es l'Inventeur de prêter à leur
Poësie cette même beauté dont tu viens
d'enrichir la nôtre.
諾
Continuë , ô genereux Vainqueur de
la Rime , moissonne à plein poing les
précieuses Javelles des Lauriers immortels
, chemine à pas hardis au Temple
rayonnant de la gloire , en dépit de tes
Rivaux
OCTOBRE . 1731. 2317
Rivaux consternez . Cours y suspendre
lés dépouilles que tu leur a arrachées
encore soüillées d'une poussiere honorable
, et qu'eux-mêmes se trouvent enfin
forcez de couronner ton front triomphant
de leurs propres mains.
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Résumé : ODE A M. Houdart de la Motte. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le texte est une ode à Houdart de la Motte, poète et libérateur de la poésie française, écrite par Malcrais de la Vigne. L'auteur compare Houdart de la Motte à un aigle guidant un jeune rapace vers le feu, symbolisant son rôle de mentor. Il décrit une vision où il traverse les airs et découvre les muses Melpomène et Polymnie rendant hommage à Houdart de la Motte. L'auteur célèbre les travaux de Houdart de la Motte, qui ont libéré la poésie française du joug tyrannique de la rime, permettant ainsi à la poésie de se promener librement avec les Grâces. La prose, représentée comme une reine, embrasse la poésie, scellant une alliance éternelle entre les deux. Le texte loue la victoire de Houdart de la Motte sur la rime orgueilleuse, comparant sa lutte à celles de héros mythologiques comme Hercule, Tancrede et Renaud. Les ombres de grands poètes, tels qu'Homère, Virgile et Tasse, encouragent Houdart de la Motte à poursuivre son œuvre de libération de la poésie. Enfin, l'auteur invite Houdart de la Motte à continuer de moissonner les lauriers de la gloire, triomphant de ses rivaux et suspendant les dépouilles de ses victoires au temple de la gloire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 2317
A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
Début :
J'ay porté votre nom en cent climats divers ; [...]
Mots clefs :
Climats, Muses, Lauriers, Temple de mémoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
A. M. M. D. M.
En lui envoyant pour Bouquet une petite
Figure de la Renommée : c'est la
Renommée qui parle.
J'Ay porté votre nom en cent climats divers ;
Les Muses l'ont souvent redit dans leurs Concerts;
Et je vais aujourd'hui celebrer votre Fête ;
Ma Trompette pour vous forme de nouveaux airs
Et de mes Lauriers toûjours verds ,
Puissai-je encor long-temps couronner votre tête
Pour le bonheur de vos amis ,
Vivez , sçavant M ** , vivez comblé de gloire,
Autant que vivront vos Ecrits ,
Placez par Apollon au Temple de Memoire."
L'Abbé Poncy de Neuville.
Ce 20. Août.
En lui envoyant pour Bouquet une petite
Figure de la Renommée : c'est la
Renommée qui parle.
J'Ay porté votre nom en cent climats divers ;
Les Muses l'ont souvent redit dans leurs Concerts;
Et je vais aujourd'hui celebrer votre Fête ;
Ma Trompette pour vous forme de nouveaux airs
Et de mes Lauriers toûjours verds ,
Puissai-je encor long-temps couronner votre tête
Pour le bonheur de vos amis ,
Vivez , sçavant M ** , vivez comblé de gloire,
Autant que vivront vos Ecrits ,
Placez par Apollon au Temple de Memoire."
L'Abbé Poncy de Neuville.
Ce 20. Août.
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Résumé : A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
L'Abbé Poncy de Neuville dédie un texte à un érudit, M **. La Renommée célèbre sa renommée mondiale et ses inspirations musesques. Il souhaite que l'érudit soit couronné de lauriers verts et que sa gloire perdure autant que ses écrits, placés par Apollon au Temple de la Mémoire. La date est le 20 août.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 2318-2326
REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
Début :
Le grand Critique qui enfante toutes les semaines une feüille d'impression [...]
Mots clefs :
Nouvelliste du Parnasse, Humanités, Grammairien , Abrégé de la grammaire française, Règles de poétique, Conjugaisons, Combinaisons des verbes, Syntaxe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
REMARQUES de M. Gaullier , sur la
Censure portée contre lui dans la vingtbuitiéme
Lettre du Nouvelliste du Par
nasse.
E grand Critique qui enfante toutes
les semaines une feuille d'impression
in-douze , de caractere moyen , a jugé à
propos de parler ainsi de la methode de
M. Lefevre que j'ai fait réimprimer
avec des Notes : L'infatigable M. Gaullyer
, dit-il , Professeur au College du Plessis
apublié nne Methode pour l'étude des
humanitez. C'est un Grammairien fecond ;
qui , suivant toutes les apparences , regalera
encore ses Ecoliers d'un bon nombre de Volumes.
Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire. Il me semble que le grand nombre
de Regles accable plus l'Esprit qu'il ne le
soulage.
-
M. Gaullier n'est pas si infatigable
ny si fecond en Grammaires que le Nouvelliste
l'est en Nouvelles , ou plutôt er
Censure et en Satyre . Depuis 1716 , que
parut sa premiere Methode , il n'a fait im
primer que cinq petites parties des Regle ÷
pour la Langue Latine et la Françoise
avec un Abregé de la Grammaire Françoi
se
OCTOBRE.
1737.
2219
se , et des Regles de Poëtique , tirées
d'Aristote ,
d'Horace , de
Despreaux et
d'autres célebres Auteurs , tant anciens
que modernes. Les cinq autres Volumes
de M. Gaullier sont , non des Volumes
de Regles , mais des Auteurs Grecs et.
Latins notés à l'usage des Classes . Tous
douze ont été
approuvés par une , et six
par deux Conclusions de l'Université , en
1716. et en la presente Année 1731. honneur
qui n'avoit été fait à personne avant
lui , que je sçache , et qu'un ou deux seulement
ont reçû après lui .
> Quant aux sept Volumes de Regles
ce n'est qu'un abregé et un choix de ce
que nous avons de plus excellent en ce
genre , je veux dire , des Methodes de
Port -Royal , de la
Grammaire Françoise
de l'Abbé Regnier - Desmarais . Mais com
me M. Gaullier ne regale poine ses Ecoliers
de Regles de Poëtique qui sont audessus
de leur portée , ni de versification
françoise ni de plusieurs autres choses
qu'il leur fait passer dans ses livres , com.
meles
Declinaisons et les
Conjugaisons , les
Préfaces , les
Combinaisons des Verbes ; ces
7. Volumes se réduisent à six , qui tous ensemble
ne font pas plus de cinq cent pages.
Et même M. Gaullier
connoissant un peu
les differents goûts , pour ne pas dire les
Cij
divers
23 20 MERCURE DE FRANCE
divers Caprices des hommes , il a réduit
à une Feuille d'impression de 24. pages
de petit caractere , Le Rudiment et
la Syntaxe 2 Les Préterits et Supins
qui en tiennent plus de 300. in 80. dans
Despautere , et plus de 350. aussi in 8º.
dans Port- Royal 3º plus de 400. pages
de la Methode de Bretonneau ont aussi
été réduites à 26 : et 740 in 4° . de la
Grammaire de M. l'Abbé Regnier - Desmarais
ont été abregés par lui d'abord en
52 pages de Petit-Romain , et puis en 24
de Petit-Texte.
С
Comment le Nouvelliste peut- il donc
se plaindre de la multiplication de mes
Livres de Grammaite et des Regles , et
prophetiser que je regalerai encore mes
Ecoliers d'un grand nombre de Volumes ?
Quand on fait le Métier de Satirique
comme le fait le Nouvelliste , il faudroit
au moins être exempt des fautes qu'on
reprend dans les autres , et ne leur en reprocher
que de vrayes. C'est ici tout le
contraire ; et il me paroît évident que celui
qui de son autorité privée , s'est érigé
depuis six ou sept mois en Juge de tous
les Auteurs , manque lui-même ici de
Jugement.
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur
au College du Plessis , a publié, dit- on , une
Methode pour les Humanitez.
La
OCTOBRE. 173. 232F
La Methode que M. Gaullier a publiée ,
n'est point de lui : elle est du celebre M. Le
Fevre de Saumur , Pere de Me Dacier.
Elle n'est que de trois feuilles de Gros
Romain , qui n'en valent pas une de Petit
Texte. Les Notes de M. Gaullier , ne
sont aussi que de trois Feuilles d'un caractere
presque aussi gros . Qui pourra donc
jamais penser qu'un homme qui est accoûtumé
à porter quatre heures et demie
tous les jours le pesant fardeau d'une
Classe , soit nommé infatigable à juste
titre , pour avoir donné au Public six
Feuilles de grosse Impression , dont il y
én a la moitié qui n'est pas de lui ? Mais
quelqu'un ne sera-t'il point tenté de croi
re , que le Nouvelliste , pour bien juger
des Auteurs et de leurs ouvrages , porte
l'exactitude jusqu'à ne pas lire en entier
les titres des Livres , et à passer ce qui y
est écrit en plus petit caractere : et que
c'est là la vraye raison qui paroît lui faire
attribuer à M. Gaullier , un ouvrage qui
est de M. Le Fevre ?
Que si c'est à bon droit qu'on donne le
nom d'Infatigable à M. Gaullier , pour
avoir publié en un an un Livre de six
feuilles , dont il n'y en a que trois de
lui; à combien plus forte raison doit- on le
donner au Nouvelliste , qui , sans se fa-
Ciij tiguer
2322 MERCURE DE FRANCE
"
tiguer , fatiguera tous les ans le Public
de 52. Feuilles d'impression , qui est au
dessous de celle de la Methode de M. Le
Fevre et des Notes de M. Gaullier.
C'est un Grammairién fecond , continuë
le Nouvelliste , qui , suivant toutes les ap
parences , regalera encore ses Ecoliers d'un
bon nombre de Volumes. Il me semble que
le Nouvelliste est à peu près du même
caractere que la Déesse qui préside aux
Nouvelles , je veux dire la Renommée
dont Virgile dit quelque part :
Tamficti pravique tenax quàm nuntia veri;
La difference qui me paroît être entre
elle et lui , c'est que cette Déesse publie
également la verité et la fausseté , et que
notre homme panche plus souvent du
côté de la fausseté et verifie en sa personne
d'une maniere qui lui est propre
ce qui est dit de l'homme en general ,
Omnis homo mendax,
Une autre difference qui ne me paroît
pas moins considerable , c'est que la Ré
nommée rne nous annonce que le passé ,
et que le Nouvelliste se mêle de nous
prédire l'avenir , et s'érige en Prophete
de malheur , ou en diseur de mauvaises
avantures ; car ne peut- on pas donner ce
nom au régal d'un bon nombre de Volu◄
›
mes
OCTOBRE. 1731. 2325
*
mes de Grammaire , qu'il pronostique à
mes Ecoliers ?
Mais encore sur quoi est fondée cette
nouvelle Prophetie ? Et comment peutelle
avoir aucune apparence de verité ?
Si on juge de l'avenir par le passé , comme
la raison le veut , quelle apparence que
moi , qui , depuis 1719. que la cinquiéme
partie des Regles a parue , n'ai regalé
mes Ecoliers que du petit Volume de la
Grammaire Françoise , je les regale dans
la suite d'un bon nombre de Volumes ?
Pour moi , si j'aimois à prophetiser , je
pourrois dire que le Nouvelliste est un
Critique fecond , qui , suivant toutes les
apparences , regalera encore le Public
d'un bon nombre de Lettres. Il l'a promis
; il tient parole ; depuis sept mois ,
il nous a déja servi 29. de ces Lettres :
c'est un gage presque sûr pour l'avenir ;
à moins que le Public ne persevere de plus
en plus à ne pas faire cas du régal qu'on
veut lui donner malgré lui .
Je ne sçai , c'est le Nouvelliste qui parle
, si cette multiplication est nécessaire . Il
me semble que le grand nombre de Regles
accable plus l'Esprit qu'il ne le soulage.
Pour moi je crois sçavoir que la multiplication
des Regles er des Volumes de
Grammaire , non seulement n'est pas
Ciiij néces-
-
2324 MERCURE DE FRANCE
gles ,
1
nécessaire , mais même est très- inutile
et très - préjudiciable. C'est pour cela que
j'ai tant abregé les gros Volumes de Resoit
pour le Latin soit pour le
François ; et que , comme je l'ai déja
prouvé plus haut par les faits , je les ai
réduit d'abord à 100. ou 200. pages, puis
à une feuille de 24. Pages. C'est pour la
même raison que j'ai donné au Public
une nouvelle Edition de la petite Methode
de M. Le Fevre , afin d'empêcher , s'il
est possible , la multiplication des nouveaux
systêmes pour le Latin , dont l'exposition
et les préliminaires sont souvent
beaucoup plus longs et plus ennuyeux que
toutes les Regles , et d'étouffer dans leur
naissance un bon nombre d'insectes de la
basse litterature , qui fourmillent et pul- .
lulent de tous côtés depuis quinze ou
vingt ans et qui achevent de ruiner et
de désoler le Pays de la Grammaire , qui
de sa Nature est si peu riante et si peu
fertille.
Voilà ce que je crois sçavoir , et à quoi
est bonne la nouvelle édition du petit
ouvrage de M. Le Fevre. Ce que je ne sçai
pas , c'est si cette multiplication de Nouvelles
Litteraires est bien nécessaire , et
si elle n'accable et n'assomme pas plutôt
le Public qu'elle ne le soulage . Nous
avons
OCTOBRE 1731. 2325
avons déja tant d'autres ouvrages de cette
espece , qui ont la vogue depuis tant d'années,
sans parler des autres.
Il s'en faut bien que le Nouvelliste du
Parnasse ait toutes les bonnes qualitez et
tous les avantages des autres ouvrages Periodiques
premierement le titre en est
trompeur. C'est un Nouvelliste qui n'apprend
point de Nouvelles ; il ne se borne
point au Parnasse mais il descend du
haut de cette Montagne , dans les Vallées
les plus basses , d'où ensuite il s'écarte à
droite et à gauche et s'égare dans le
pays de la Rethorique et de la Grammaire
, qu'il ne connoît que très- imparfaitement
, et des autres Arts liberaux. Le
titre de Nouvelliste du Parnasse ne lui
convient donc en aucune maniere , à
moins qu'on ne veüille faire entendre parlà
qu'il prétend jouir du Privilege du
Parnasse , c'est - à-dire , de feindre et de
mentir comme les Poëtes qui habitent
cette Montagne .
,
Mais au lieu des Nouvelles.du Parnasse
qu'il nous promet , comme il juge des
autres par lui- même , il croit que des
Censures et des Satyres , même fausses
leur feront plus de plaisir. Il monte donc
sur un Tribunal qu'il s'érige à lui-même ,
et de- là il prononce toûjours avec har-
Cv diesse
L
2326 MERCURE DE FRANCE
diessse , mais souvent sans modération et
sans équité , des Jugemens précipitez et
injustes contre tous ceux qui lui sont
bien superieurs en science et en autorité ;
contre les ROLLINS les GIBERTS
les VOLTAIRES . Il faut donc lui ôter
son nom de Nouvelliste du Parnasse , qui
est faux , comme nous venons de le prouver
, et qui de plus ne donne pas de lui
une bonne idée , puisque Nouvelliste ne
se prend gueres qu'en mauvaise part ; et
lui donner le nom de Censeur general de
la Republique des Lettres.
On peut aussi dire de lui , ce que l'E
criture dit d'Ismaël , Gen. 16. 12. Qu'il
leve la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leve-
'ront aussi la main contre lui ; Etmanus
omnium contra eum ; à moins que le peu
de cas qu'on paroît faire de lui , ne le
fasse rentrer dans le néant dont il est
sorti depuis quelques mois .
Voilà une partie de ce que j'avois à ré,
pondre , pour deffendre contre le Nouvelliste
Parnassien le peu de réputation
que je me suis acquise depuis 15. ou 20.
ans , qui m'est nécessaire pour continuer
ma Profession avec honneur , et que ce
Critique injuste veut , mais ne doit ni
ne pourra jamais m'ôter.
Censure portée contre lui dans la vingtbuitiéme
Lettre du Nouvelliste du Par
nasse.
E grand Critique qui enfante toutes
les semaines une feuille d'impression
in-douze , de caractere moyen , a jugé à
propos de parler ainsi de la methode de
M. Lefevre que j'ai fait réimprimer
avec des Notes : L'infatigable M. Gaullyer
, dit-il , Professeur au College du Plessis
apublié nne Methode pour l'étude des
humanitez. C'est un Grammairien fecond ;
qui , suivant toutes les apparences , regalera
encore ses Ecoliers d'un bon nombre de Volumes.
Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire. Il me semble que le grand nombre
de Regles accable plus l'Esprit qu'il ne le
soulage.
-
M. Gaullier n'est pas si infatigable
ny si fecond en Grammaires que le Nouvelliste
l'est en Nouvelles , ou plutôt er
Censure et en Satyre . Depuis 1716 , que
parut sa premiere Methode , il n'a fait im
primer que cinq petites parties des Regle ÷
pour la Langue Latine et la Françoise
avec un Abregé de la Grammaire Françoi
se
OCTOBRE.
1737.
2219
se , et des Regles de Poëtique , tirées
d'Aristote ,
d'Horace , de
Despreaux et
d'autres célebres Auteurs , tant anciens
que modernes. Les cinq autres Volumes
de M. Gaullier sont , non des Volumes
de Regles , mais des Auteurs Grecs et.
Latins notés à l'usage des Classes . Tous
douze ont été
approuvés par une , et six
par deux Conclusions de l'Université , en
1716. et en la presente Année 1731. honneur
qui n'avoit été fait à personne avant
lui , que je sçache , et qu'un ou deux seulement
ont reçû après lui .
> Quant aux sept Volumes de Regles
ce n'est qu'un abregé et un choix de ce
que nous avons de plus excellent en ce
genre , je veux dire , des Methodes de
Port -Royal , de la
Grammaire Françoise
de l'Abbé Regnier - Desmarais . Mais com
me M. Gaullier ne regale poine ses Ecoliers
de Regles de Poëtique qui sont audessus
de leur portée , ni de versification
françoise ni de plusieurs autres choses
qu'il leur fait passer dans ses livres , com.
meles
Declinaisons et les
Conjugaisons , les
Préfaces , les
Combinaisons des Verbes ; ces
7. Volumes se réduisent à six , qui tous ensemble
ne font pas plus de cinq cent pages.
Et même M. Gaullier
connoissant un peu
les differents goûts , pour ne pas dire les
Cij
divers
23 20 MERCURE DE FRANCE
divers Caprices des hommes , il a réduit
à une Feuille d'impression de 24. pages
de petit caractere , Le Rudiment et
la Syntaxe 2 Les Préterits et Supins
qui en tiennent plus de 300. in 80. dans
Despautere , et plus de 350. aussi in 8º.
dans Port- Royal 3º plus de 400. pages
de la Methode de Bretonneau ont aussi
été réduites à 26 : et 740 in 4° . de la
Grammaire de M. l'Abbé Regnier - Desmarais
ont été abregés par lui d'abord en
52 pages de Petit-Romain , et puis en 24
de Petit-Texte.
С
Comment le Nouvelliste peut- il donc
se plaindre de la multiplication de mes
Livres de Grammaite et des Regles , et
prophetiser que je regalerai encore mes
Ecoliers d'un grand nombre de Volumes ?
Quand on fait le Métier de Satirique
comme le fait le Nouvelliste , il faudroit
au moins être exempt des fautes qu'on
reprend dans les autres , et ne leur en reprocher
que de vrayes. C'est ici tout le
contraire ; et il me paroît évident que celui
qui de son autorité privée , s'est érigé
depuis six ou sept mois en Juge de tous
les Auteurs , manque lui-même ici de
Jugement.
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur
au College du Plessis , a publié, dit- on , une
Methode pour les Humanitez.
La
OCTOBRE. 173. 232F
La Methode que M. Gaullier a publiée ,
n'est point de lui : elle est du celebre M. Le
Fevre de Saumur , Pere de Me Dacier.
Elle n'est que de trois feuilles de Gros
Romain , qui n'en valent pas une de Petit
Texte. Les Notes de M. Gaullier , ne
sont aussi que de trois Feuilles d'un caractere
presque aussi gros . Qui pourra donc
jamais penser qu'un homme qui est accoûtumé
à porter quatre heures et demie
tous les jours le pesant fardeau d'une
Classe , soit nommé infatigable à juste
titre , pour avoir donné au Public six
Feuilles de grosse Impression , dont il y
én a la moitié qui n'est pas de lui ? Mais
quelqu'un ne sera-t'il point tenté de croi
re , que le Nouvelliste , pour bien juger
des Auteurs et de leurs ouvrages , porte
l'exactitude jusqu'à ne pas lire en entier
les titres des Livres , et à passer ce qui y
est écrit en plus petit caractere : et que
c'est là la vraye raison qui paroît lui faire
attribuer à M. Gaullier , un ouvrage qui
est de M. Le Fevre ?
Que si c'est à bon droit qu'on donne le
nom d'Infatigable à M. Gaullier , pour
avoir publié en un an un Livre de six
feuilles , dont il n'y en a que trois de
lui; à combien plus forte raison doit- on le
donner au Nouvelliste , qui , sans se fa-
Ciij tiguer
2322 MERCURE DE FRANCE
"
tiguer , fatiguera tous les ans le Public
de 52. Feuilles d'impression , qui est au
dessous de celle de la Methode de M. Le
Fevre et des Notes de M. Gaullier.
C'est un Grammairién fecond , continuë
le Nouvelliste , qui , suivant toutes les ap
parences , regalera encore ses Ecoliers d'un
bon nombre de Volumes. Il me semble que
le Nouvelliste est à peu près du même
caractere que la Déesse qui préside aux
Nouvelles , je veux dire la Renommée
dont Virgile dit quelque part :
Tamficti pravique tenax quàm nuntia veri;
La difference qui me paroît être entre
elle et lui , c'est que cette Déesse publie
également la verité et la fausseté , et que
notre homme panche plus souvent du
côté de la fausseté et verifie en sa personne
d'une maniere qui lui est propre
ce qui est dit de l'homme en general ,
Omnis homo mendax,
Une autre difference qui ne me paroît
pas moins considerable , c'est que la Ré
nommée rne nous annonce que le passé ,
et que le Nouvelliste se mêle de nous
prédire l'avenir , et s'érige en Prophete
de malheur , ou en diseur de mauvaises
avantures ; car ne peut- on pas donner ce
nom au régal d'un bon nombre de Volu◄
›
mes
OCTOBRE. 1731. 2325
*
mes de Grammaire , qu'il pronostique à
mes Ecoliers ?
Mais encore sur quoi est fondée cette
nouvelle Prophetie ? Et comment peutelle
avoir aucune apparence de verité ?
Si on juge de l'avenir par le passé , comme
la raison le veut , quelle apparence que
moi , qui , depuis 1719. que la cinquiéme
partie des Regles a parue , n'ai regalé
mes Ecoliers que du petit Volume de la
Grammaire Françoise , je les regale dans
la suite d'un bon nombre de Volumes ?
Pour moi , si j'aimois à prophetiser , je
pourrois dire que le Nouvelliste est un
Critique fecond , qui , suivant toutes les
apparences , regalera encore le Public
d'un bon nombre de Lettres. Il l'a promis
; il tient parole ; depuis sept mois ,
il nous a déja servi 29. de ces Lettres :
c'est un gage presque sûr pour l'avenir ;
à moins que le Public ne persevere de plus
en plus à ne pas faire cas du régal qu'on
veut lui donner malgré lui .
Je ne sçai , c'est le Nouvelliste qui parle
, si cette multiplication est nécessaire . Il
me semble que le grand nombre de Regles
accable plus l'Esprit qu'il ne le soulage.
Pour moi je crois sçavoir que la multiplication
des Regles er des Volumes de
Grammaire , non seulement n'est pas
Ciiij néces-
-
2324 MERCURE DE FRANCE
gles ,
1
nécessaire , mais même est très- inutile
et très - préjudiciable. C'est pour cela que
j'ai tant abregé les gros Volumes de Resoit
pour le Latin soit pour le
François ; et que , comme je l'ai déja
prouvé plus haut par les faits , je les ai
réduit d'abord à 100. ou 200. pages, puis
à une feuille de 24. Pages. C'est pour la
même raison que j'ai donné au Public
une nouvelle Edition de la petite Methode
de M. Le Fevre , afin d'empêcher , s'il
est possible , la multiplication des nouveaux
systêmes pour le Latin , dont l'exposition
et les préliminaires sont souvent
beaucoup plus longs et plus ennuyeux que
toutes les Regles , et d'étouffer dans leur
naissance un bon nombre d'insectes de la
basse litterature , qui fourmillent et pul- .
lulent de tous côtés depuis quinze ou
vingt ans et qui achevent de ruiner et
de désoler le Pays de la Grammaire , qui
de sa Nature est si peu riante et si peu
fertille.
Voilà ce que je crois sçavoir , et à quoi
est bonne la nouvelle édition du petit
ouvrage de M. Le Fevre. Ce que je ne sçai
pas , c'est si cette multiplication de Nouvelles
Litteraires est bien nécessaire , et
si elle n'accable et n'assomme pas plutôt
le Public qu'elle ne le soulage . Nous
avons
OCTOBRE 1731. 2325
avons déja tant d'autres ouvrages de cette
espece , qui ont la vogue depuis tant d'années,
sans parler des autres.
Il s'en faut bien que le Nouvelliste du
Parnasse ait toutes les bonnes qualitez et
tous les avantages des autres ouvrages Periodiques
premierement le titre en est
trompeur. C'est un Nouvelliste qui n'apprend
point de Nouvelles ; il ne se borne
point au Parnasse mais il descend du
haut de cette Montagne , dans les Vallées
les plus basses , d'où ensuite il s'écarte à
droite et à gauche et s'égare dans le
pays de la Rethorique et de la Grammaire
, qu'il ne connoît que très- imparfaitement
, et des autres Arts liberaux. Le
titre de Nouvelliste du Parnasse ne lui
convient donc en aucune maniere , à
moins qu'on ne veüille faire entendre parlà
qu'il prétend jouir du Privilege du
Parnasse , c'est - à-dire , de feindre et de
mentir comme les Poëtes qui habitent
cette Montagne .
,
Mais au lieu des Nouvelles.du Parnasse
qu'il nous promet , comme il juge des
autres par lui- même , il croit que des
Censures et des Satyres , même fausses
leur feront plus de plaisir. Il monte donc
sur un Tribunal qu'il s'érige à lui-même ,
et de- là il prononce toûjours avec har-
Cv diesse
L
2326 MERCURE DE FRANCE
diessse , mais souvent sans modération et
sans équité , des Jugemens précipitez et
injustes contre tous ceux qui lui sont
bien superieurs en science et en autorité ;
contre les ROLLINS les GIBERTS
les VOLTAIRES . Il faut donc lui ôter
son nom de Nouvelliste du Parnasse , qui
est faux , comme nous venons de le prouver
, et qui de plus ne donne pas de lui
une bonne idée , puisque Nouvelliste ne
se prend gueres qu'en mauvaise part ; et
lui donner le nom de Censeur general de
la Republique des Lettres.
On peut aussi dire de lui , ce que l'E
criture dit d'Ismaël , Gen. 16. 12. Qu'il
leve la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leve-
'ront aussi la main contre lui ; Etmanus
omnium contra eum ; à moins que le peu
de cas qu'on paroît faire de lui , ne le
fasse rentrer dans le néant dont il est
sorti depuis quelques mois .
Voilà une partie de ce que j'avois à ré,
pondre , pour deffendre contre le Nouvelliste
Parnassien le peu de réputation
que je me suis acquise depuis 15. ou 20.
ans , qui m'est nécessaire pour continuer
ma Profession avec honneur , et que ce
Critique injuste veut , mais ne doit ni
ne pourra jamais m'ôter.
Fermer
Résumé : REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
M. Gaullier, professeur au Collège du Plessis, réagit à une critique parue dans le Nouvelliste du Parnasse concernant sa méthode d'enseignement des humanités. Le critique, surnommé le 'grand Critique', reproche à M. Gaullier de publier trop de volumes de grammaire. M. Gaullier réfute cette accusation en détaillant ses publications depuis 1716. Il a publié cinq parties de règles pour le latin et le français, un abrégé de grammaire française et des règles de poétique. En outre, il a édité des auteurs grecs et latins annotés. Tous ses ouvrages ont été approuvés par l'Université. M. Gaullier précise que ses sept volumes de règles sont des abrégés des meilleures méthodes existantes, réduisant des œuvres volumineuses à des formats plus accessibles. Il critique le Nouvelliste pour ses erreurs et son manque de jugement, notant que ce dernier publie des nouvelles et des satires sans fondement. M. Gaullier défend son travail en expliquant que ses publications visent à simplifier et à rendre les règles grammaticales plus accessibles, contrairement aux affirmations du Nouvelliste. Il conclut en critiquant le titre trompeur et les jugements hâtifs du Nouvelliste, suggérant de le renommer 'Censeur général de la République des Lettres'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 2327-2328
STANCES, Sur les Enigmes et les Logogryphes.
Début :
Auteurs malins, qui chaque mois [...]
Mots clefs :
Auteurs malins, Énigmes et logogriphes, Apollon, Lyre, Inutiles rimes, Amours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES, Sur les Enigmes et les Logogryphes.
STANCES,
Surles Enigmes et les Logogryphes.
AUUteurs malins , qui chaque mois
Mettez mon Esprit à la gêne ,
Et me faites mordre les doigts
Je sens qu'il faut à cette fois
Que, pour coup d'essai de ma Veire,
Contre vous elle se déchaine.
Sans doute un funeste Demon
Sous la figure d'Apollon
De ce misterieux ouvrage
Donna la premiere leçon..
Qui de fruits ou de fleurs ne porte l'avantage
Est banni du sacré Vallon.
Du Maître de la Lyre oubliant les maximes
A forger d'inutiles rimes
Vous perdez vos rares talens :
Du Dieu des sçavantes Çimes
Vous vous rendez par Vos crimes
Indignes d'être les Enfans.
Cvj Que
2328 MERCURE DE FRANCE
Que cette nouvelle manie
Puisse à jamais être bannie
De l'Empire du Dieu des Vers :
Les chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs
Que pour avec plaisir instruire l'Univers,
Par une vive et noble Image
De la félicité du sage
Elle doit charmer les Mortels :
Voilà son véritable usage ,
Voilà le véritable hommage
Que d'Apollon demandent les Autels.
Celebrés quelquefois les beautez de Sylvie ;
D'une saine Philosophie
Empruntant l'utile secours
Poëtes , montrez -nous le bonheur de la vie
Montrez- nous la douce harmonie
De la raison et des amours.
Pouget , Avocat à Montpellier.
Surles Enigmes et les Logogryphes.
AUUteurs malins , qui chaque mois
Mettez mon Esprit à la gêne ,
Et me faites mordre les doigts
Je sens qu'il faut à cette fois
Que, pour coup d'essai de ma Veire,
Contre vous elle se déchaine.
Sans doute un funeste Demon
Sous la figure d'Apollon
De ce misterieux ouvrage
Donna la premiere leçon..
Qui de fruits ou de fleurs ne porte l'avantage
Est banni du sacré Vallon.
Du Maître de la Lyre oubliant les maximes
A forger d'inutiles rimes
Vous perdez vos rares talens :
Du Dieu des sçavantes Çimes
Vous vous rendez par Vos crimes
Indignes d'être les Enfans.
Cvj Que
2328 MERCURE DE FRANCE
Que cette nouvelle manie
Puisse à jamais être bannie
De l'Empire du Dieu des Vers :
Les chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs
Que pour avec plaisir instruire l'Univers,
Par une vive et noble Image
De la félicité du sage
Elle doit charmer les Mortels :
Voilà son véritable usage ,
Voilà le véritable hommage
Que d'Apollon demandent les Autels.
Celebrés quelquefois les beautez de Sylvie ;
D'une saine Philosophie
Empruntant l'utile secours
Poëtes , montrez -nous le bonheur de la vie
Montrez- nous la douce harmonie
De la raison et des amours.
Pouget , Avocat à Montpellier.
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Résumé : STANCES, Sur les Enigmes et les Logogryphes.
Le poème 'Stances' critique les auteurs de logogryphes et d'énigmes, que l'auteur qualifie d''auteurs malins' le mettant à l'épreuve chaque mois. Il décide de réagir en utilisant sa 'veine' poétique contre eux. Il accuse un 'funeste Demon' de les avoir initiés à ces œuvres mystérieuses et inutiles, les comparant à des fruits ou des fleurs sans avantage. Il les blâme de négliger les enseignements d'Apollon et de gaspiller leurs talents en créant des rimes inutiles, les rendant indignes d'être les enfants du dieu des savoirs. L'auteur souhaite que cette 'nouvelle manie' soit bannie de l'empire du dieu des vers. Il affirme que la poésie doit instruire l'univers avec plaisir et montrer la félicité du sage. Elle doit charmer les mortels et rendre hommage à Apollon. Il encourage les poètes à célébrer les beautés de Sylvie et à montrer le bonheur de la vie à travers une saine philosophie, en harmonisant la raison et les amours. L'auteur se présente comme Pouget, avocat à Montpellier.
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11
p. 2329-2331
REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
Début :
Dans l'Extrait d'une Lettre écrite d'Auxerre, imprimée dans le Mercure [...]
Mots clefs :
Médaille, Vaisseau, Galère, Yonne, Seine, Loire, Grande-Bretagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
REMARQUES sur une Médaille de
l'Empereur Posthume.
D
>
-
>
Ans l'Extrait d'une Lettre écrite
d'Auxerre , imprimée dans le Mercure
de Juin , premier Volume , page.
1207. concernant des Medailles Antiques
,
découvertes à une lieuë de cette
Ville , en 1730. au Territoire d'un Village
situé au bord de la Riviere d'Yonne
il s'en est trouvé des Empereurs
Adrien , Marc Aurele et autres : mais
sur-tout , beaucoup de Posthume en.
grand Bronze. Une , entr'autres , qui est
la plus conservée , represente au Revers
le Vaisseau Prétorien , Navis Prætoria ,
ou plutôt une Galere avec cette Legende
, Latitia Augusti , laquelle étoit commandée
par l'Empereur lui - même , ou
l'un de ses Generaux , pour une Expedition
Maritime , comme l'on voit parmi
nous la Reale commandée par le General
des Galeres . L'Auteur de la Lettre
demande si cette Medaille n'a point rapport
à quelque Navigation de la Riviere
d'Yonne , à quoi il n'y a aucune appapuisque
cette Riviere n'est d'aence
,
bord
2330 MERCURE DE FRANCE
.
>
bord navigable à Auxerre que pour de
petits Batteaux ou Batteaux Marchands
et ne pourroit supporter la Manoeuvre
d'une Galere. Mais parce que cette Medaille
, comme beaucoup d'autres , qui
avoient cours dans l'étendue de l'Empire
Romain , s'est trouvée sur les bords de
cette Riviere , peut-on présumer qu'elle.
y ait quelque rapport , non plus qu'elle
en auroit à la Seine ou à la Loire , si on
l'avoit découverte sur leurs bords aux en->
virons de Paris ou d'Orleans ? D'ailleurs
pareilles Medailles de Posthume , qui a regné
plusieurs années dans les Gaules , sont
très-communes et citées plusieurs fois avec
le même revers dans les Recueils des Antiquaires
, et sur - tout dans celui des Medailles
du P. Anselme Banduri . Cette
même Medaille a été auparavant rapportée
et expliquée dans Tristan , qui croit
avec raison que le revers , qui est le même
, désigne quelque notable Victoire
ou la Conquête , dit- il , de la Grande-
Bretagne , et la joye que Posthume en
reçût. Ce que Tristan confirme par une
autre Medaille de Posthume fils ; mais :
que l'on doit plutôt attribuer au Pere
suivant les sentimens de Patin et de Vaillant
, elle represente au revers le serment
de fidelité des Soldats de l'Armée , fait àz
l'EmOCTOBRE
. 1731 2331
l'Empereur , avec cette Legende , Exer
citus Iscanicus du nom de la Ville d'Isca
dans la Grande- Bretagne. D'ailleurs , cette
même Galere se trouve dans les Familles
Romaines de Patin , et sur les Legions
de Marc- Antoine , ainsi que sur les Medailles
des Empereurs Adrien de Verus ,
et autres citées par les Antiquaires..
M. D. M.
l'Empereur Posthume.
D
>
-
>
Ans l'Extrait d'une Lettre écrite
d'Auxerre , imprimée dans le Mercure
de Juin , premier Volume , page.
1207. concernant des Medailles Antiques
,
découvertes à une lieuë de cette
Ville , en 1730. au Territoire d'un Village
situé au bord de la Riviere d'Yonne
il s'en est trouvé des Empereurs
Adrien , Marc Aurele et autres : mais
sur-tout , beaucoup de Posthume en.
grand Bronze. Une , entr'autres , qui est
la plus conservée , represente au Revers
le Vaisseau Prétorien , Navis Prætoria ,
ou plutôt une Galere avec cette Legende
, Latitia Augusti , laquelle étoit commandée
par l'Empereur lui - même , ou
l'un de ses Generaux , pour une Expedition
Maritime , comme l'on voit parmi
nous la Reale commandée par le General
des Galeres . L'Auteur de la Lettre
demande si cette Medaille n'a point rapport
à quelque Navigation de la Riviere
d'Yonne , à quoi il n'y a aucune appapuisque
cette Riviere n'est d'aence
,
bord
2330 MERCURE DE FRANCE
.
>
bord navigable à Auxerre que pour de
petits Batteaux ou Batteaux Marchands
et ne pourroit supporter la Manoeuvre
d'une Galere. Mais parce que cette Medaille
, comme beaucoup d'autres , qui
avoient cours dans l'étendue de l'Empire
Romain , s'est trouvée sur les bords de
cette Riviere , peut-on présumer qu'elle.
y ait quelque rapport , non plus qu'elle
en auroit à la Seine ou à la Loire , si on
l'avoit découverte sur leurs bords aux en->
virons de Paris ou d'Orleans ? D'ailleurs
pareilles Medailles de Posthume , qui a regné
plusieurs années dans les Gaules , sont
très-communes et citées plusieurs fois avec
le même revers dans les Recueils des Antiquaires
, et sur - tout dans celui des Medailles
du P. Anselme Banduri . Cette
même Medaille a été auparavant rapportée
et expliquée dans Tristan , qui croit
avec raison que le revers , qui est le même
, désigne quelque notable Victoire
ou la Conquête , dit- il , de la Grande-
Bretagne , et la joye que Posthume en
reçût. Ce que Tristan confirme par une
autre Medaille de Posthume fils ; mais :
que l'on doit plutôt attribuer au Pere
suivant les sentimens de Patin et de Vaillant
, elle represente au revers le serment
de fidelité des Soldats de l'Armée , fait àz
l'EmOCTOBRE
. 1731 2331
l'Empereur , avec cette Legende , Exer
citus Iscanicus du nom de la Ville d'Isca
dans la Grande- Bretagne. D'ailleurs , cette
même Galere se trouve dans les Familles
Romaines de Patin , et sur les Legions
de Marc- Antoine , ainsi que sur les Medailles
des Empereurs Adrien de Verus ,
et autres citées par les Antiquaires..
M. D. M.
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Résumé : REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
En 1730, près d'Auxerre, des médailles antiques, dont plusieurs de l'empereur Posthume en grand bronze, furent découvertes. Une médaille bien conservée montre au revers une galère, identifiée comme la Navis Prætoria, avec la légende 'Laetitia Augusti'. Cette galère était utilisée par l'empereur ou un de ses généraux pour une expédition maritime. L'auteur de la lettre se demande si cette médaille pourrait être liée à une navigation sur la rivière d'Yonne, mais cette hypothèse est improbable car la rivière n'est navigable qu'à petits bateaux à Auxerre. La médaille, comme beaucoup d'autres, circulait dans l'Empire romain, et sa découverte près de l'Yonne ne prouve pas un lien direct avec cette rivière. Des médailles similaires de Posthume, qui régna plusieurs années dans les Gaules, sont courantes. Tristan suggère que la médaille commémore une victoire notable ou la conquête de la Grande-Bretagne. Patin et Vaillant attribuent plutôt cette médaille au père de Posthume, indiquant un serment de fidélité des soldats de l'armée à l'empereur, avec la légende 'Exercitus Iscanicus', du nom de la ville d'Isca en Grande-Bretagne. Des représentations similaires de galères se trouvent également dans les familles romaines de Patin, sur les légions de Marc-Antoine, et sur les médailles des empereurs Adrien et Verus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 2331-2333
L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
Début :
Il ne faut pas s'arrêter à la mine : [...]
Mots clefs :
Fauvette, Beauté, Raison, Oiseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
L'HABILE FAUVETTE.
CONTE.
I L ne faut pas s'arrêter à la mine :
Ce vieux Proverbe enferme une Doctrine
Que peu de gens sçavent mettre à profit
La Beauté plaît , nôtre coeur nous séduit ,
Et la raison devient enfin muette.
Si l'on ne sçait comme fit ma Fauvette ,
Prendre d'abord un genereux Parti
Ecoutez- en le conte , le voici ,
Certain Oiseau , bien fait , beau de Plumage
A la Fauvette offroit son tendre hommage ,
Et lui contoit , que son coeur amoureux
Plein de désirs , brûlant de mille feux ,
No
2332 MERCURE DE FRANCE
Ne pouvoit plus se réduire au Mystere :
Ah ! disoit- il , si jamais de vous plaire
Je possedois le solide bonheur ,
Point ne verriez éteindre mon 'ardeur ,
Mais bien plutôt seroit - elle augmentée
Par le plaisir de la voir acceptée.
Je suis charmant , doux , sincere et discret ,
Accommodant.... bref , sans aller au fait ,
Il enfiloit très longue Kyrielle
De ses vertus lorsqu'enfin la Donselle
L'arrêta court , et lui dit : croyez- moi ,
De nos Oiseauxvous pourriez être Roy ,
Vous êtes beau , d'agréable encolure ,
Vives couleurs ornent vôtre parure ,
Je le vois bien : mais ( soit dit entre nous )
C'est peu pour moi , si c'est beaucoup pour vous,
En cûssiez -vous une plus forte doze ,
Car en amour , beauté c'est quelque chose J
Mais n'est pas tout. Auriez -vous , dites- moi ,
Ce grand talent ? .... vous m'entendez , je croy
Las ! que trop bien , ce n'est - là mon mérite ,
Répond l'Oiseau , ma chevance est petite ,
Et ne voudrois sur ce point vous leurrer ,
Puisqu'aussi-bien , je n'en pourrois tirer
Que peu de fruit...... d'or vous parlez , beau Sirej
Ecoutez donc ce que je vais vous dire ;
Yous connoîtrez que sincere à mon tour
Pas
OCTO BRE . - 1731 2335,
Pas n'ay dessein d'amuser vôtre amour :
Il est ici , dans ce chrrmant Boccage
Mille Moineaux faits pour le Badinage
S'ils ne sont point aussi parez que vous ,
Peu nous en chault , la parure chez nous
N'est d'aucun prix : mais aussi la Nature
En négligeant leur petite figure ,
Les a comblez de ces rares faveurs ,
Qui de tout temps ont sçû gagner les coeurs
Toûjours tout prêts pour l'amoureux mystere ,
Vous les verriez revenir de Cythere ,
Y retourner chaque jour tant de fois ,
Que nous n'avons aucun lieu dans ce Bois
Qui n'aît été témoin de leur courage :
'Adonc , voyez que je serois peu sage
Si je m'allois , dans mes besoins urgents
Broüiller pour vous avec de telles gens ;
Rien n'en ferai , je suis par trop prudente :
Mais puisqu'enfin ma conquête vous tente ,
Retranchez -vous à la bonne amitié ,
Car il est vray que de vous j'ai pitié ,
Et ne voudrois du tout vous éconduire :
Or voyez donc si cela peut vous duire ;
Pour y penser , je vous donne du temps ,
Consolez -vous ; Adieu jusqu'au Printemps.
P. M. F. L.
CONTE.
I L ne faut pas s'arrêter à la mine :
Ce vieux Proverbe enferme une Doctrine
Que peu de gens sçavent mettre à profit
La Beauté plaît , nôtre coeur nous séduit ,
Et la raison devient enfin muette.
Si l'on ne sçait comme fit ma Fauvette ,
Prendre d'abord un genereux Parti
Ecoutez- en le conte , le voici ,
Certain Oiseau , bien fait , beau de Plumage
A la Fauvette offroit son tendre hommage ,
Et lui contoit , que son coeur amoureux
Plein de désirs , brûlant de mille feux ,
No
2332 MERCURE DE FRANCE
Ne pouvoit plus se réduire au Mystere :
Ah ! disoit- il , si jamais de vous plaire
Je possedois le solide bonheur ,
Point ne verriez éteindre mon 'ardeur ,
Mais bien plutôt seroit - elle augmentée
Par le plaisir de la voir acceptée.
Je suis charmant , doux , sincere et discret ,
Accommodant.... bref , sans aller au fait ,
Il enfiloit très longue Kyrielle
De ses vertus lorsqu'enfin la Donselle
L'arrêta court , et lui dit : croyez- moi ,
De nos Oiseauxvous pourriez être Roy ,
Vous êtes beau , d'agréable encolure ,
Vives couleurs ornent vôtre parure ,
Je le vois bien : mais ( soit dit entre nous )
C'est peu pour moi , si c'est beaucoup pour vous,
En cûssiez -vous une plus forte doze ,
Car en amour , beauté c'est quelque chose J
Mais n'est pas tout. Auriez -vous , dites- moi ,
Ce grand talent ? .... vous m'entendez , je croy
Las ! que trop bien , ce n'est - là mon mérite ,
Répond l'Oiseau , ma chevance est petite ,
Et ne voudrois sur ce point vous leurrer ,
Puisqu'aussi-bien , je n'en pourrois tirer
Que peu de fruit...... d'or vous parlez , beau Sirej
Ecoutez donc ce que je vais vous dire ;
Yous connoîtrez que sincere à mon tour
Pas
OCTO BRE . - 1731 2335,
Pas n'ay dessein d'amuser vôtre amour :
Il est ici , dans ce chrrmant Boccage
Mille Moineaux faits pour le Badinage
S'ils ne sont point aussi parez que vous ,
Peu nous en chault , la parure chez nous
N'est d'aucun prix : mais aussi la Nature
En négligeant leur petite figure ,
Les a comblez de ces rares faveurs ,
Qui de tout temps ont sçû gagner les coeurs
Toûjours tout prêts pour l'amoureux mystere ,
Vous les verriez revenir de Cythere ,
Y retourner chaque jour tant de fois ,
Que nous n'avons aucun lieu dans ce Bois
Qui n'aît été témoin de leur courage :
'Adonc , voyez que je serois peu sage
Si je m'allois , dans mes besoins urgents
Broüiller pour vous avec de telles gens ;
Rien n'en ferai , je suis par trop prudente :
Mais puisqu'enfin ma conquête vous tente ,
Retranchez -vous à la bonne amitié ,
Car il est vray que de vous j'ai pitié ,
Et ne voudrois du tout vous éconduire :
Or voyez donc si cela peut vous duire ;
Pour y penser , je vous donne du temps ,
Consolez -vous ; Adieu jusqu'au Printemps.
P. M. F. L.
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Résumé : L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
Le conte 'L'Habile Fauvette' relate une interaction entre oiseaux pour transmettre une leçon morale. Un oiseau séduisant courtise une fauvette en mettant en avant sa beauté, sa douceur et sa sincérité. La fauvette, bien que reconnaissant ces qualités, affirme que l'amour nécessite plus que la beauté. Elle interroge l'oiseau sur ses talents, mais celui-ci avoue en manquer. La fauvette préfère alors les moineaux, qui, malgré leur apparence moins attrayante, possèdent des qualités qui conquèrent les cœurs. Elle suggère à l'oiseau de se contenter d'une amitié et lui accorde du temps pour réfléchir, lui souhaitant de se consoler jusqu'au printemps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2334-2352
RÉPONSE aux Remarques inserées dans le Mercure de Juillet dernier, sur l'Inscription trouvée à Auxerre, au mois de May, adressée à M. Bouhier, Président au Parlement de Dijon.
Début :
MONSIEUR, Je présume qu'ayant eu la bonté de me féliciter au sujet de l'Inscription [...]
Mots clefs :
Inscription, Antiquaires, Lettres initiales, Médailles, Historien, Anonyme d'Orléans, Langage, Voyelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux Remarques inserées dans le Mercure de Juillet dernier, sur l'Inscription trouvée à Auxerre, au mois de May, adressée à M. Bouhier, Président au Parlement de Dijon.
RE'PONSE aux Remarques inserées dans
le Mercure de Juillet dernier , sur l'Inscription
trouvée à Auxerre , au mois de
May , adressée à M. Bouhier , Président
au Parlement de Dijon.
MONSIEUR ,
Je présume qu'ayant eu la bonté de
me féliciter au sujet de l'Inscription découverte
nouvellement près d'Auxerre ;
et d'applaudir à l'explication que j'en ai
donnée dans le Mercure du Mois de May
dernier , vous me permettrez aussi de
Vous communiquer la réponse que je fais
aux Remarques que deux Antiquaires
ont fait imprimer sur le même sujet dans
le Mercure du mois de Juillet suivant.
Je me suis bien attendu que ce que j'ay
écrit dans le Mercure de May , sans beaucoup
de préparation , ne resteroit pas
non plus sans subir la Critique de quel
ques Personnes attentives aux conjectures
des autres. C'est même dans le dessein
de les y inviter , que j'écrivis dès le lendemain
de la découverte ce que vous avez
lû de moy.
Mais
OCTOBRE. 1731. 2335
,
Mais , Monsieur , la contradiction qui
se trouve entre ces deux Auteurs est
bien plus capable de me confirmer dans
ma premiere pensée , que de me la faire
abandonner ; il paroît d'abord que le second
auroit dû lire avec un peu plus d'attention
qu'il n'a fait , la vie de l'Empereur
Alexandre Severe. Le premier après
avoir dit fort gravement que cette Ins-
» cription , qui n'est qu'un Fragment , seroit
plus instructive , si elle étoit entiere , ajoûte
que
>
les titres de Dominus , Domini , Dominorum
en entier , ou en lettres initiales ,
n'ont été employez que pour les Empereurs
du bas Empire , et dans le siéale de
Constantin , tant sur les Medailles, que
dans les Inscriptions et autres Monu
mens : et le second me fournit trois feuil
lets aprés dans le même Mercure des
armes contre cette opinion . Il rapporte
en effet une Inscription qui se voit dans
Gruter , à la page 121. dans laquelle on
lit GENIO D. N. SEVERI ALEXANDRI
AUG. Voilà donc sûrement Domini au
moins en lettre initiale employé à l'occasion
d'Alexandre Severe , et la remarque
du premier Critique détruite par cer
exemple.
En second lieu , ce que Lampride écrit
au commencement de la vie de cet Em
pereur ,
2336 MERCURE DE FRANCE
•
"
pereur , qu'il deffendit qu'on l'appeltâr
Dominus › prouve que la coûtume étoit
de le faire dans l'usage commun ; autrement
, il n'auroit point fait cette défense.
Alexandre fût unEmpereur beaucoup plus
modeste que bien d'autres , et par cette
raison la qualité de Maître et de Seigneur
ne lui plaisoit point. On peut donc bien
croire qu'il declara souvent de vive voix
que cet epithete n'étoit pas de son goût ,
qu'on lui feroit plaisir de s'en abstenir
mais comme c'étoit par un esprit de modestie
qu'il parloit ainsi cela ne put
empêcher que ceux qui vouloient lui
marquer leur entiere dépendance , ne
l'employassent quelquefois. Il y a
jours eu des flatteurs qui ne craignent
point de blesser la modestie des Princes
les moins ambitieux. Cependant l'objection
seroit plus forte , si Alexandre en
avoit fait une Loi ou un Edit : mais j'attends
qu'on produise cet Acte , pour
commencer à douter de l'usage du terme
de Dominus à son égard. Et quand même
il en auroit fait un Edit , il arrive souvent
que quelques Particuliers passent audessus
des Loix , et un Edit promulgué
contre un usage , n'est pas toûjours une
preuve suffisante que cet usage n'ait
point été mis en pratique depuis. L'expétoûrience
OCTOBRE . 1731 2337
›
rience n'apprend que trop , que s'il y a
des Loix , il y a aussi des gens qui les
transgressent , etet que les infracteurs sont
trés-communs sur- tout lorsqu'il n'y a
point de punition à subir . Voilà , Monsieur
, ce que j'ai à remarquer au sujet
des deux premieres pages imprimées à
mon occasion dans le Mercure du mois
de Juillet.
page
Pour ce qui est des observations de
l'Orleannois , qui commencent à la
1688. du même livre , la premiere consiste
à faire regarder comme fabuleux ce
que Lampride rapporte de l'Association
d'Ovinius Camillus à l'Empire par Ale-.
xandre Severe ; et pour le prouver, il dit
que ce récit n'est appuyé que sur des dis-
Cours populaires , et que Lampride est le
seul Auteur qui rapporte ce fait. Les
deux Articles de cette réponse ne peuvent
être discutez soigneusement qu'en
representant içi en entier le Texte de
PHistorien.
Cum quidam Ovinius Camillus Senator.
antiqua familia delicatissimus rebellare vo◄ .
luisset tyrannidem affectans eique ( Alexandro
) nuntiatum esset ac statim probatum ,
ad Palatium eum rogavit eique gratias egit
quod curam rei publice que recusantibus bonis
imponeretur spontè reciperet deinde ad
Senatum
7338 MERCURE DE FRANCE
Senatum processit et timentem ac tante con
scientia tale confectum participem Imperii
appellavit , in Palatium recepit , convivio
adhibuit , ornamentis Imperialibus et melioribus
quam ipse utebatur , affecit. Et cum
expeditio barbanica esset nuntiata, vel ipsum
si vellet ire , vel ut secum proficiscetur , hortatus
est. Et cum ipse iter pedes faceret , illum
invitavit ad laborem , quam post quinque
millia cunctanten equo sedere jussit :
cumque post duas mansiones equo etiam
fatigatus esset carpento imposuit. Hoc quoque
seu timore seu verè respuentem , abdicantem
quin etiam imperium et meri paratum dimisit
, commendatumque militibus à quibus
Alexander unicè amabatur tutum ad villas
smas ire precepit , in quibus diù vixit , sed
post jussu Imperatoris occisus est , quòd ille
militaris esset et à militibus amatus. Scio ,
vulgum hanc rem quam contexui , Trajani
putare , sed neque in vita ejus id Marius
Maximus ita exposuit , neque Fabius
Marcellinus, neque Aurelius Vetus , neque
Statius Valens , qui omnem ejus vitam in
Litteras miserunt. Contra autem et Septimius
et Acholius et Encolpius vitæ Scriptores
caterique de hoc talia prædicarunt : qued
ideò addidi, ne quis vulgi magis famam sequeretur
quam Historiam , que rumore utique
vulgi verior reperitur.
L'Ano
OCTOBRE. 1737. 2335
>
L'Anonime d'Orleans fait valoir ces papoles
de Lampride Scio vulgum , hanc rem
quam contexui , Trajani putare , et il prétend
que cela signifie que Lampride étoit
d'avis que l'Association d'Ovinius à l'Empire
par Alexandre n'étoit fondée que
sur des bruits populaires. Il est clair au
contraire , que c'est l'Association de cet
Ovinius en tant que faite par Trajan, que
cet Ecrivain traitte de fabuleuse , et qu'il
établit par les termes les plus forts la verité
de cette Association faite par Alexandre
Severe , puisqu'après avoir attribué
le fait à ce dernier Empereur , il dit expressement
qu'il a appuyé sur cet Article
, afin d'empêcher les lecteurs d'ajoûter
foi aux Traditions populaires , qui
ne sont pas si bien fondées que l'est la ve
rité de l'Histoire.
Or, sur quoi est-elle établie , la verité
de cette Association d'Ovinius à Alexan-
Are Sur le témoignage positif de trois
Auteurs qui avoient écrit sa vie , qui lui
étoient contemporains , et qui étoient de
sa Cour ; sçavoir , Septimius Acolius , et
Encolpius , et d'autres encore qu'il ne
nomme pas. Ce sont les garants de Lampride.
Ce dernier étoit bien croyable sur
l'Article , puisque c'étoit l'un des grands
amis de cet Empereur. Lampride dit de
lui
2340 MERCURE DE FRANCE
fui en parlant d'un autre fait ; Referebat
Encolpius quo ille ( Imperator ) familiarissimo
usus est. Acolius étoit un Ecrivain si
attentif aux démarches d'Alexandre Severe
, qu'il fit un livre exprès de ses Voyages
, où , par conséquent , étoit contenuë
l'expedition dans laquelle ce Prince voulût
mener Ovinius contre les Barbares.
Il ne doit point paroître incroyable que
Lampride eût sous les yeux les ouvrages
de ces trois Ecrivains , puisqu'il ne vivoit
que cent ans après eux . Quoiqu'il eût
souvent les deux derniers , il n'estimoit
pas moins l'Histoire de Septimius , dont
fl a placé les Fragmens en la place qui
leur convenoit. Gerard Vossius a mis ces
trois Ecrivains originaux de la vie d'Alexandre
au rang des Ecrivains Latins uni- '
quement sur le témoignage de Lampride.'
Cet Historien voulant marquer sa sincerité
à l'Empereur Constantin , à qui il
adressa la vie d'Alexandre Severe , qu'il
avoit redigée sur les Memoires de Septimius
, d'Acolius et d'Encolpius , crût ne
devoir pas cacher à ce Prince , que le Peuple
attribuoit à Trajan l'Association d'Ovinius
, quoiqu'elle ne fût point d'une
date si reculée . En même temps il lui apporta
les preuves les plus convainquantes
pour assurer la véritable Epoque de ce
Fait.
Pour
OCTOBRE. 1731. 2341
›
Pour que cette Association
d'Ovinius
pût être reputée avoir été faite par l'Empereur
Trajan , il auroit fallu , dit-il ,
que les Historiens de ce même Trajan en
eussent fait mention : Or de
quatre
Historiens , qui avoient écrit toute la vie
de Trajan , aucun ne rapporte cette action
prétenduë ; au contraire , les trois
Auteurs de la vie d'Alexandre Severe l'attribuent
à ce dernier
Empereur : Il est
donc nécessaire d'en conclure , comme
fait Lampride , que c'est le Peuple qui
étoit dans l'erreur , prenant un
Empereur
pour un autre. Le Peuple pouvoit s'y
méprendre
d'autant plus aisément
qu'Alexandre
Severe avoit la réputation
d'être un Prince orné des mêmes qualitez
que Trajan. On racontoit le fait parmi la
populace avec les mèmes
circonstances
qu'on les lisoit dans les Ecrivains de la
vie
d'Alexandre Severe ; mais on se trompoit
sur le nom de l'Empereur . C'est ce
qui arrive assez souvent dans les opinions
populaires. Le Vulgaire peu instruit
dans la Chronologie , est sujet à faire des
Anachronismes , et à atrribuer à un Prince
ce qui a été fait par un autre sur-tout
lorsque ces deux Princes ont passé pour
être également
favorables aux Peuples.
Je pourrois en produire icy un exem-
D ple
,
,
2342 MERCURE DE FRANCE
1
ple familier , si je n'apprehendois d'interompre
mon discours. Je laisse à l'Ecrivain
d'Orleans à se rappeller le souvenir
de certains cas semblables . Il n'y a pas
jusqu'aux Historiens de notre France qui
n'ayent long- temps attribué à Charlemagne
ce qui ne convenoit certainement qu'à
Charles le Chauve , méprise assez semblable
à celle du Peuple Romain , qui
donnoit à l'Evenement en question une
antiquité qu'il n'avoit pas . Les faits sont
veritables dans le fond ; il n'y a que l'attribution
à tel ou tel Prince dans laquelle
on se trompe. Il n'est donc pas si véritable
que l'Anonime d'Orleans l'avance >
qu'on ne puisse tabler sur le recit de Lampride.
Ce recit est tourné avec toutes les
précautions que doit prendre un Historien
qui veut empêcher qu'on ne revoque
en doute un fait extraordinaire , et je ne
vois pas comment on peut éluder l'autorité
d'un Auteur , qui écrit seulement
cent ans aprés Alexandre , sur les memoires
de trois Courtisans de cèt Empereur ,
à moins qu'on ne prétende que Septimus ,
Acolius et Encolpius sont des Ecrivains
chimeriques , et que Lampride est luimême
un Historien supposé , aussi - bien
que tous les Ecrivains de l'Histoire d'Auguste
, ce que Vossius et Monsieur de
TilOCTOBRE
.
1731.
2343
و etcequiestTillemontn'ontpascrû
une
opinion
ensevelie
depuis peu avec
son
Autheur
qu'il n'est pas besoin de
nommer aux Lecteurs
intelligens . Il n'est
pas
étonnant que des
opuscules en for
me de
Memoires , que ces trois
Courtisans
avoient
redigez , ayent été perdus ,
et ne soient point
parvenus
jusqu'à nous ;
mais l'on ne peut , ce semble ,
s'inscrire
en faux
contre un
témoiguage
aussi authentique
que celui de
Lampride , qui
nous a
conservé la
substance de ces trois
Memoires , et qui les a mis dans l'ordre
que nous voyons , pour en faire une Histoire
suivie. Il
paroîtroit
extraordinaire
que l'on doutât de la
sincerité des Fragmens
des
anciens
Auteurs ,
qu'Eusebe a
inserez dans son
Histoire
et Photius
dans sa
Bibliotheque : il doit être également
surprenant
qu'on
revoque en doute
le
témoignage
d'un Auteur , qui déclare
que ce qu'il écrit , est tiré des
Memoires
qu'avoient
laissé ceux qui étoient
témoins
des faits.
>
Quant à ce qu'ajoûte l'Ecrivain d'Orleans
, que les autres
Historiens depuis
Lampride ne parlent point de cette Association
d'Ovinius , il est aisé de voir que
c'est parce qu'ils ne sont que des Abbreviateurs
, et des
Ecrivains déja
éloignez
Dij
du
2344 MERCURE
DE FRANCE
du siécle d'Alexandre
; ces Abbreviateurs
ont même
obmis plusieurs
autres
choses
que Lampride
n'avoit
pas crûes indignes
. de passer
à la posterité
. Nous voyons quelquefois
dans nos Abregés
de l'Histoi re de France
des faits aussi mémorables
obmis
et passez sous silence. Tout ce que je puis accorder
, en finissant
cet Article
, est que l'Association
d'Ovinius
à l'Empire
, quoiqu'en
apparence
très- réelle , a pû
n'être
au fond du côté d'Alexandre
qu'une
Association
simulée
, et seulement
pour empêcher
une revolte
que ce Sena- teur auroit
pû former
. Mais ce fut un Mystere
dont les Peuples
ne pûrent
être informez
si - tôt ; et dans le temps
qu'on .
croyoit
cette Association
sincere
et veritable
, le bruit dût s'en répandre
dans tout l'Empire
Romain
; ce qui donna occasion
aux Monumens
qui y font allu sion , et entr'autres
à celui qui a été découvert
à Auxerre
.
Le Critique
d'Orleans
continue
, et dit, que quand même l'Association
d'Ovinius
Camillus
à l'Empire
par Alexandre
, seroit
veritable
, je me serois roûjours
trom- pé , en disant que ce fut dans la Guerre
d'Allemagne
qu'Ovinius
fût associé de
cette maniere. Je remarquerai
ici que
pour avoir sujet de me combattre
, il me
fait
OCTOBRE 1731. 2345
fait dire ce que je n'ay pas dit. J'ai veritablement
écrit qu'Alexandre s'associa
Ovinius , mais je n'ay pas ajoûté que ce
fût dans la guerre d'Allemagne . Je me
suis attaché étroitement au texte de Lampride
, qui rapporte le fait de l'Association
, independamment de la Guerre des
Barbares mais qui dit ensuite que peu
de temps après qu'elle fût faite , on vint
annoncer à l'Empereur que les Barbares
s'avançoient l'Association préceda done
la guerre contre les Barbares. J'ai marqué
que par ces Barbares, qui firent irruption
en 228. on ne doit entendre que les Allemans
, et je l'ay dit fondé sur les Medailles
qui attestent le fait. On en trouve de
l'an 229. et même de l'an 228. qui font
foi d'une Victoire remportée sur eux : et
comme l'Illyrie se trouve en partie entre
le Pays des Allemans et l'Italie , il paroît
que l'on doit entendre de cette Victoire
sur les Allemans , ce que Lampride marque
des succès qu'eurent dans l'Illyrie les
armes de Varius Macrinus. Je suis de ce
sentiment après M. de Tillemont . ( a )
L'Anonime d'Orleans anticipe done
extrêmement les choses , et il dérange à
plaisir la Chronologie en faveur de ses
( a) Hist. des Empereurs , T. 111.
Diij idées
2346 MERCURE DE FRANCE-
و
idées , lorsqu'il me fait dire que ce fut
dans cette expédition d'Allemagne , où
Alexandre fût tué qu'Ovinius avoit
commencé à suivre cet Empereur , et à
paroître en qualité d'Associé à l'Empire.
En effet , il s'agit en cet endroit d'une expédition
toute differente , et qui préceda
de sept à huit ans. Celle dont Lampride
parle en general sous le nom de guerre
contre les Barbares , est de l'an 228. et ce
sont les Medailles qui en fixent l'époque :
l'autre contre les . Germains , est de l'an
235. Mais quand même ce seroit dans la
guerre du côté du Rhin , qui est de cette
derniere Année , qu'Alexandre , auroit
voulu mener avec lui Ovinius , le raisonnement
du Critique porteroit toûjours à
faux , parce que rien n'engage à croire
nécessairement que ce fut Alexandre Severe
qui fit mourir cet ancien Associé ,
retiré depuis à la Campagne. Il paroît
qu'on doit plutôt s'attacher au sentiment
de M. Tillemont , ( qui est, selon lui , l'opinion
commune , ) et dire qu'il fut tué
par ordre de l'Empereur qui regnoit alors,
c'est- à-dire , d'un des successeurs d'Alexandre.
Il y auroit eû une difficulté à m'opposer
contre la Campagne d'Alexandre de
l'an 228. s'il étoit certain par la datte des
Loix
OCTOBRE . 1731. 2347
1
Loix que cet Empereur eût passé toute
cette année- là à Rome. Mais comme on
ne peut produire de Loix de cet Empereur
, sous le Consulat de Modeste et de
Probus , que des six jours qui suivent ,
sçavoir , des Calendes de Fevrier , du 10.
Mars , du 9. Juin , des 1. et 19. Août ,
et du 10. Octobre , on a la liberté toute
entiere , de croire qu'il a pû être ailleurs.
qu'à Rome dans l'intervalle de ces dattes,
sur-tout depuis le 10. Mars , jusqu'au 9.
Juins ce qui fait une espace de trois mois.
C'est le Code de Justinien qui fournit
ces dattes.
Quoique jusqu'ici j'aye produit tout
ce qui peut servir à soutenir la premiere
pensée que j'eûs touchant l'Inscription de
Saint - Amate lez - Auxerre , dès le jour
même qu'elle y fût découverte , je ne
m'obstine point cependant à prétendre
que mon explication soit inataquable ; il
n'y a qu'à relire ma Lettre pour voir que
je ne l'ai pas prétendu . Je ne la crois pas
de la derniere certitude , parce que cette
Inscription est mutilée et que le commencement
y manque ; mais en avoüant
que mon explication , quoique fondée
nommément sur l'Histoire de l'an 228.
n'est que vrai-semblable , je ne prétends
pas pour cela autoriser davantage les deux
,
Dv ου
2348 MERCURE DE FRANCE
ou trois autres explications qui viennent
d'être proposées dans le Mercure , et je
les mets toutes indifferemment dans la
même Classe , n'ayant écrit cecy précisement
que pour montrer que par Dominorum,
il est au moins aussi permis d'entendre
Alexandre et Ovinius , qu'Alexandre
et son Epouse , ou bien sa Mere avec lui ,
ou enfin des Magistrats . Si quelque jour
nous découvrons ailleurs le commencement
de cette Inscription , elle pourra
nous rendre plus sçavants , et servir à
décider qui sont ceux qui ont le mieux
deviné. Je souhaitte que cela arrive. Mais
je ne souhaitterois pas moins de voir de
nos jours quelque découverte d'Inscription
à Orleans , qui fût du premier ou du
second siécle , et qui nous persuadât que
ceux-là sont bien fondez qui croyent que
c'étoit là qu'étoit le Genabum de Cesar ;
car je compte pour rien le sentiment
d'Aimoin de Fleury , et j'ai des raisons
très - fortes pour m'en défier .
En fait de dévination , l'Anonime d'Orleans
a mieux rencontré , lorsqu'il s'est
douté que ce n'est point dans le plus grand
sérieux du monde que je demandois l'explication
des quatre Lettres initiales . En
effet , Gruter nous a appris il y a longtemps
les quatre mots qui sont significz
01-
OCTOBRE. 1731. 2349
ordinairement par ces quatre Lettres :
mais aussi il faut avouer que la coûtume
est de les voir terminer les Inscriptions
où elles se trouvent ; ce qui ne se rencontre
point dans la notre où la dédicace du
Monument est marquée ensuite , aussibien
que la date des Consuls . J'étois bienaise
outre cela , que mon doute apparent
m'attirât quelques réponses , et c'est ce
qui n'a pas manqué d'arriver , puisqu'ou
tre les deux réponses du Mercure , j'en
ai trois ou quatre autres manuscrites ,
dans lesquelles on s'accorde à expliquer
ainsi ces quatre Lettres Votum solvit libens
merito , ou libenter merito ou bien Voto
suscepto libens merito. Je préfererois au
reste cette derniere , à cause du Verbe
dedicavit , qui suit immediatement après.
,
Quelques autres Personnes s'autorisant
des explications dans lesquelles excelloit
ces années dernieres un Personnage trèscelebre
dans l'art de deviner , croyoient
que l'inscription telle qu'elle est , manquant
de Nominatif ; ce Nominatif
pou
voit être compris dans ces Lettres initiales
, et que V. S. pouvoit signifier Urbs
Senonum , qu'ensuite les deux autres lettres
pouvoient signifier l'action du sacrifice
d'un Taureau ou d'un Bellier, ou bien
d'une Chevre , comme lata mactavit , ou
DY. tel:
2350 MERCURE DE FRANCE
tel autre langage approchant qu'on voudra
imaginer ; mais il faut avouer que
ç'auroit été un style inoüi , que celui de
désigner par des lettres initiales les noms
propres et specifiques à une Inscription ,
et que ç'eût été le veritable secret de rendre
tout obscur , incertain et problématique,
Outre cela , comme on voit clairement
par la taille de la Pierre , que l'inscription
a été mutilée dans son commencement
, il ne faut point esperer de trouver
ce Nominatif ailleurs que dans ce qui
manque aujourd'ui à la Pierre en question
, si ce Fragment réparoît jamais au
jour.
Je suis surpris M. que ceux qui m'ont envoyé
directement ou par la voye du Mercure
, des remarques sur mon interprétation
, n'ayent pas insinué que l'Inscrip
tion leur paroissoit fausse , si en elle- même
elle est telle qu'on la trouve imprimée
avec des U voyelles , puisque ces U sont
d'un usage très-moderne. Comment l'un
d'eux n'a t'il point dit qu'il falloit la mettre
au rang de semblables Antiquitez prétendues
qu'Annius de Viterbe fabriqua
autrefois Ils ont mieux aimé supposer
les deux U qui s'y trouvent , que sont des
fautes d'Imprimeur , comme en effet c'est
la verité. Trouvez donc bon que je vous
cerOCTOBRE.
1731.
2351
certifie ici en passant que Salute Dominorum
est écrit ainsi sur la Pierre , SALVTE
DOMINORVM , que dans les deux lignes
de l'Inscription toutes les lettres sont
d'une hauteur égale , et que les quatre
initiales ne sont point plus hautes que les
autres.
Tout ce que vous me faites la grace de
m'envoyer , Monsieur , m'étant très - précieux
, je n'ai garde de ne pas conserver
soigneusementl'explication que vous donnez
au Fragment d'une autre Inscription
trouvée dans le même Jardin , sur lequel
il reste :
PATER ....
LUPERC ....
ET CARA ....
LA COI ....
·
J'approuve très fort vos conjectures
sur ce qui manque à chacune de ces quatre
lignes , et je crois , comme vous , qu'il
faut suppléer à cette Inscription par les
mots que vous favorisez PATER SACR.
C'est-à- dire , Sacrorum, ou bien Pater An
gustalis Lupercus et Carantilla conjux , ensorte
qu'il y auroit eû sur la Pierre lorsqu'elle
étoit entiere !
D vj PA2352
MERCURE DE FRANCE
PATER AVG.
LVPERCVS
ET CARANTIL
LA CONJVX.
Vous me faites remarquer que ce ne se
roit pas la premiere Inscription où on liroit
Pater Sacrorum pour désigner un Prêtre
des Faux - Dieux , qui présidoit aux
Sacrifices , ou bien Pater Augustalis pour
marquer l'ancien ou le premier des Augustaux.
A l'égard du nom propre de la
troisiéme ligne , qui est celui d'une Famille
, comme il se trouve trois fois dans
les Inscriptions de Dijon il ne seroit
pas étonnant qu'ils se rencontrassent aussi
à Auxerre . Ainsi , je souscris à toutes vos
remarques ; et j'ay l'honneur d'être & c.
le Mercure de Juillet dernier , sur l'Inscription
trouvée à Auxerre , au mois de
May , adressée à M. Bouhier , Président
au Parlement de Dijon.
MONSIEUR ,
Je présume qu'ayant eu la bonté de
me féliciter au sujet de l'Inscription découverte
nouvellement près d'Auxerre ;
et d'applaudir à l'explication que j'en ai
donnée dans le Mercure du Mois de May
dernier , vous me permettrez aussi de
Vous communiquer la réponse que je fais
aux Remarques que deux Antiquaires
ont fait imprimer sur le même sujet dans
le Mercure du mois de Juillet suivant.
Je me suis bien attendu que ce que j'ay
écrit dans le Mercure de May , sans beaucoup
de préparation , ne resteroit pas
non plus sans subir la Critique de quel
ques Personnes attentives aux conjectures
des autres. C'est même dans le dessein
de les y inviter , que j'écrivis dès le lendemain
de la découverte ce que vous avez
lû de moy.
Mais
OCTOBRE. 1731. 2335
,
Mais , Monsieur , la contradiction qui
se trouve entre ces deux Auteurs est
bien plus capable de me confirmer dans
ma premiere pensée , que de me la faire
abandonner ; il paroît d'abord que le second
auroit dû lire avec un peu plus d'attention
qu'il n'a fait , la vie de l'Empereur
Alexandre Severe. Le premier après
avoir dit fort gravement que cette Ins-
» cription , qui n'est qu'un Fragment , seroit
plus instructive , si elle étoit entiere , ajoûte
que
>
les titres de Dominus , Domini , Dominorum
en entier , ou en lettres initiales ,
n'ont été employez que pour les Empereurs
du bas Empire , et dans le siéale de
Constantin , tant sur les Medailles, que
dans les Inscriptions et autres Monu
mens : et le second me fournit trois feuil
lets aprés dans le même Mercure des
armes contre cette opinion . Il rapporte
en effet une Inscription qui se voit dans
Gruter , à la page 121. dans laquelle on
lit GENIO D. N. SEVERI ALEXANDRI
AUG. Voilà donc sûrement Domini au
moins en lettre initiale employé à l'occasion
d'Alexandre Severe , et la remarque
du premier Critique détruite par cer
exemple.
En second lieu , ce que Lampride écrit
au commencement de la vie de cet Em
pereur ,
2336 MERCURE DE FRANCE
•
"
pereur , qu'il deffendit qu'on l'appeltâr
Dominus › prouve que la coûtume étoit
de le faire dans l'usage commun ; autrement
, il n'auroit point fait cette défense.
Alexandre fût unEmpereur beaucoup plus
modeste que bien d'autres , et par cette
raison la qualité de Maître et de Seigneur
ne lui plaisoit point. On peut donc bien
croire qu'il declara souvent de vive voix
que cet epithete n'étoit pas de son goût ,
qu'on lui feroit plaisir de s'en abstenir
mais comme c'étoit par un esprit de modestie
qu'il parloit ainsi cela ne put
empêcher que ceux qui vouloient lui
marquer leur entiere dépendance , ne
l'employassent quelquefois. Il y a
jours eu des flatteurs qui ne craignent
point de blesser la modestie des Princes
les moins ambitieux. Cependant l'objection
seroit plus forte , si Alexandre en
avoit fait une Loi ou un Edit : mais j'attends
qu'on produise cet Acte , pour
commencer à douter de l'usage du terme
de Dominus à son égard. Et quand même
il en auroit fait un Edit , il arrive souvent
que quelques Particuliers passent audessus
des Loix , et un Edit promulgué
contre un usage , n'est pas toûjours une
preuve suffisante que cet usage n'ait
point été mis en pratique depuis. L'expétoûrience
OCTOBRE . 1731 2337
›
rience n'apprend que trop , que s'il y a
des Loix , il y a aussi des gens qui les
transgressent , etet que les infracteurs sont
trés-communs sur- tout lorsqu'il n'y a
point de punition à subir . Voilà , Monsieur
, ce que j'ai à remarquer au sujet
des deux premieres pages imprimées à
mon occasion dans le Mercure du mois
de Juillet.
page
Pour ce qui est des observations de
l'Orleannois , qui commencent à la
1688. du même livre , la premiere consiste
à faire regarder comme fabuleux ce
que Lampride rapporte de l'Association
d'Ovinius Camillus à l'Empire par Ale-.
xandre Severe ; et pour le prouver, il dit
que ce récit n'est appuyé que sur des dis-
Cours populaires , et que Lampride est le
seul Auteur qui rapporte ce fait. Les
deux Articles de cette réponse ne peuvent
être discutez soigneusement qu'en
representant içi en entier le Texte de
PHistorien.
Cum quidam Ovinius Camillus Senator.
antiqua familia delicatissimus rebellare vo◄ .
luisset tyrannidem affectans eique ( Alexandro
) nuntiatum esset ac statim probatum ,
ad Palatium eum rogavit eique gratias egit
quod curam rei publice que recusantibus bonis
imponeretur spontè reciperet deinde ad
Senatum
7338 MERCURE DE FRANCE
Senatum processit et timentem ac tante con
scientia tale confectum participem Imperii
appellavit , in Palatium recepit , convivio
adhibuit , ornamentis Imperialibus et melioribus
quam ipse utebatur , affecit. Et cum
expeditio barbanica esset nuntiata, vel ipsum
si vellet ire , vel ut secum proficiscetur , hortatus
est. Et cum ipse iter pedes faceret , illum
invitavit ad laborem , quam post quinque
millia cunctanten equo sedere jussit :
cumque post duas mansiones equo etiam
fatigatus esset carpento imposuit. Hoc quoque
seu timore seu verè respuentem , abdicantem
quin etiam imperium et meri paratum dimisit
, commendatumque militibus à quibus
Alexander unicè amabatur tutum ad villas
smas ire precepit , in quibus diù vixit , sed
post jussu Imperatoris occisus est , quòd ille
militaris esset et à militibus amatus. Scio ,
vulgum hanc rem quam contexui , Trajani
putare , sed neque in vita ejus id Marius
Maximus ita exposuit , neque Fabius
Marcellinus, neque Aurelius Vetus , neque
Statius Valens , qui omnem ejus vitam in
Litteras miserunt. Contra autem et Septimius
et Acholius et Encolpius vitæ Scriptores
caterique de hoc talia prædicarunt : qued
ideò addidi, ne quis vulgi magis famam sequeretur
quam Historiam , que rumore utique
vulgi verior reperitur.
L'Ano
OCTOBRE. 1737. 2335
>
L'Anonime d'Orleans fait valoir ces papoles
de Lampride Scio vulgum , hanc rem
quam contexui , Trajani putare , et il prétend
que cela signifie que Lampride étoit
d'avis que l'Association d'Ovinius à l'Empire
par Alexandre n'étoit fondée que
sur des bruits populaires. Il est clair au
contraire , que c'est l'Association de cet
Ovinius en tant que faite par Trajan, que
cet Ecrivain traitte de fabuleuse , et qu'il
établit par les termes les plus forts la verité
de cette Association faite par Alexandre
Severe , puisqu'après avoir attribué
le fait à ce dernier Empereur , il dit expressement
qu'il a appuyé sur cet Article
, afin d'empêcher les lecteurs d'ajoûter
foi aux Traditions populaires , qui
ne sont pas si bien fondées que l'est la ve
rité de l'Histoire.
Or, sur quoi est-elle établie , la verité
de cette Association d'Ovinius à Alexan-
Are Sur le témoignage positif de trois
Auteurs qui avoient écrit sa vie , qui lui
étoient contemporains , et qui étoient de
sa Cour ; sçavoir , Septimius Acolius , et
Encolpius , et d'autres encore qu'il ne
nomme pas. Ce sont les garants de Lampride.
Ce dernier étoit bien croyable sur
l'Article , puisque c'étoit l'un des grands
amis de cet Empereur. Lampride dit de
lui
2340 MERCURE DE FRANCE
fui en parlant d'un autre fait ; Referebat
Encolpius quo ille ( Imperator ) familiarissimo
usus est. Acolius étoit un Ecrivain si
attentif aux démarches d'Alexandre Severe
, qu'il fit un livre exprès de ses Voyages
, où , par conséquent , étoit contenuë
l'expedition dans laquelle ce Prince voulût
mener Ovinius contre les Barbares.
Il ne doit point paroître incroyable que
Lampride eût sous les yeux les ouvrages
de ces trois Ecrivains , puisqu'il ne vivoit
que cent ans après eux . Quoiqu'il eût
souvent les deux derniers , il n'estimoit
pas moins l'Histoire de Septimius , dont
fl a placé les Fragmens en la place qui
leur convenoit. Gerard Vossius a mis ces
trois Ecrivains originaux de la vie d'Alexandre
au rang des Ecrivains Latins uni- '
quement sur le témoignage de Lampride.'
Cet Historien voulant marquer sa sincerité
à l'Empereur Constantin , à qui il
adressa la vie d'Alexandre Severe , qu'il
avoit redigée sur les Memoires de Septimius
, d'Acolius et d'Encolpius , crût ne
devoir pas cacher à ce Prince , que le Peuple
attribuoit à Trajan l'Association d'Ovinius
, quoiqu'elle ne fût point d'une
date si reculée . En même temps il lui apporta
les preuves les plus convainquantes
pour assurer la véritable Epoque de ce
Fait.
Pour
OCTOBRE. 1731. 2341
›
Pour que cette Association
d'Ovinius
pût être reputée avoir été faite par l'Empereur
Trajan , il auroit fallu , dit-il ,
que les Historiens de ce même Trajan en
eussent fait mention : Or de
quatre
Historiens , qui avoient écrit toute la vie
de Trajan , aucun ne rapporte cette action
prétenduë ; au contraire , les trois
Auteurs de la vie d'Alexandre Severe l'attribuent
à ce dernier
Empereur : Il est
donc nécessaire d'en conclure , comme
fait Lampride , que c'est le Peuple qui
étoit dans l'erreur , prenant un
Empereur
pour un autre. Le Peuple pouvoit s'y
méprendre
d'autant plus aisément
qu'Alexandre
Severe avoit la réputation
d'être un Prince orné des mêmes qualitez
que Trajan. On racontoit le fait parmi la
populace avec les mèmes
circonstances
qu'on les lisoit dans les Ecrivains de la
vie
d'Alexandre Severe ; mais on se trompoit
sur le nom de l'Empereur . C'est ce
qui arrive assez souvent dans les opinions
populaires. Le Vulgaire peu instruit
dans la Chronologie , est sujet à faire des
Anachronismes , et à atrribuer à un Prince
ce qui a été fait par un autre sur-tout
lorsque ces deux Princes ont passé pour
être également
favorables aux Peuples.
Je pourrois en produire icy un exem-
D ple
,
,
2342 MERCURE DE FRANCE
1
ple familier , si je n'apprehendois d'interompre
mon discours. Je laisse à l'Ecrivain
d'Orleans à se rappeller le souvenir
de certains cas semblables . Il n'y a pas
jusqu'aux Historiens de notre France qui
n'ayent long- temps attribué à Charlemagne
ce qui ne convenoit certainement qu'à
Charles le Chauve , méprise assez semblable
à celle du Peuple Romain , qui
donnoit à l'Evenement en question une
antiquité qu'il n'avoit pas . Les faits sont
veritables dans le fond ; il n'y a que l'attribution
à tel ou tel Prince dans laquelle
on se trompe. Il n'est donc pas si véritable
que l'Anonime d'Orleans l'avance >
qu'on ne puisse tabler sur le recit de Lampride.
Ce recit est tourné avec toutes les
précautions que doit prendre un Historien
qui veut empêcher qu'on ne revoque
en doute un fait extraordinaire , et je ne
vois pas comment on peut éluder l'autorité
d'un Auteur , qui écrit seulement
cent ans aprés Alexandre , sur les memoires
de trois Courtisans de cèt Empereur ,
à moins qu'on ne prétende que Septimus ,
Acolius et Encolpius sont des Ecrivains
chimeriques , et que Lampride est luimême
un Historien supposé , aussi - bien
que tous les Ecrivains de l'Histoire d'Auguste
, ce que Vossius et Monsieur de
TilOCTOBRE
.
1731.
2343
و etcequiestTillemontn'ontpascrû
une
opinion
ensevelie
depuis peu avec
son
Autheur
qu'il n'est pas besoin de
nommer aux Lecteurs
intelligens . Il n'est
pas
étonnant que des
opuscules en for
me de
Memoires , que ces trois
Courtisans
avoient
redigez , ayent été perdus ,
et ne soient point
parvenus
jusqu'à nous ;
mais l'on ne peut , ce semble ,
s'inscrire
en faux
contre un
témoiguage
aussi authentique
que celui de
Lampride , qui
nous a
conservé la
substance de ces trois
Memoires , et qui les a mis dans l'ordre
que nous voyons , pour en faire une Histoire
suivie. Il
paroîtroit
extraordinaire
que l'on doutât de la
sincerité des Fragmens
des
anciens
Auteurs ,
qu'Eusebe a
inserez dans son
Histoire
et Photius
dans sa
Bibliotheque : il doit être également
surprenant
qu'on
revoque en doute
le
témoignage
d'un Auteur , qui déclare
que ce qu'il écrit , est tiré des
Memoires
qu'avoient
laissé ceux qui étoient
témoins
des faits.
>
Quant à ce qu'ajoûte l'Ecrivain d'Orleans
, que les autres
Historiens depuis
Lampride ne parlent point de cette Association
d'Ovinius , il est aisé de voir que
c'est parce qu'ils ne sont que des Abbreviateurs
, et des
Ecrivains déja
éloignez
Dij
du
2344 MERCURE
DE FRANCE
du siécle d'Alexandre
; ces Abbreviateurs
ont même
obmis plusieurs
autres
choses
que Lampride
n'avoit
pas crûes indignes
. de passer
à la posterité
. Nous voyons quelquefois
dans nos Abregés
de l'Histoi re de France
des faits aussi mémorables
obmis
et passez sous silence. Tout ce que je puis accorder
, en finissant
cet Article
, est que l'Association
d'Ovinius
à l'Empire
, quoiqu'en
apparence
très- réelle , a pû
n'être
au fond du côté d'Alexandre
qu'une
Association
simulée
, et seulement
pour empêcher
une revolte
que ce Sena- teur auroit
pû former
. Mais ce fut un Mystere
dont les Peuples
ne pûrent
être informez
si - tôt ; et dans le temps
qu'on .
croyoit
cette Association
sincere
et veritable
, le bruit dût s'en répandre
dans tout l'Empire
Romain
; ce qui donna occasion
aux Monumens
qui y font allu sion , et entr'autres
à celui qui a été découvert
à Auxerre
.
Le Critique
d'Orleans
continue
, et dit, que quand même l'Association
d'Ovinius
Camillus
à l'Empire
par Alexandre
, seroit
veritable
, je me serois roûjours
trom- pé , en disant que ce fut dans la Guerre
d'Allemagne
qu'Ovinius
fût associé de
cette maniere. Je remarquerai
ici que
pour avoir sujet de me combattre
, il me
fait
OCTOBRE 1731. 2345
fait dire ce que je n'ay pas dit. J'ai veritablement
écrit qu'Alexandre s'associa
Ovinius , mais je n'ay pas ajoûté que ce
fût dans la guerre d'Allemagne . Je me
suis attaché étroitement au texte de Lampride
, qui rapporte le fait de l'Association
, independamment de la Guerre des
Barbares mais qui dit ensuite que peu
de temps après qu'elle fût faite , on vint
annoncer à l'Empereur que les Barbares
s'avançoient l'Association préceda done
la guerre contre les Barbares. J'ai marqué
que par ces Barbares, qui firent irruption
en 228. on ne doit entendre que les Allemans
, et je l'ay dit fondé sur les Medailles
qui attestent le fait. On en trouve de
l'an 229. et même de l'an 228. qui font
foi d'une Victoire remportée sur eux : et
comme l'Illyrie se trouve en partie entre
le Pays des Allemans et l'Italie , il paroît
que l'on doit entendre de cette Victoire
sur les Allemans , ce que Lampride marque
des succès qu'eurent dans l'Illyrie les
armes de Varius Macrinus. Je suis de ce
sentiment après M. de Tillemont . ( a )
L'Anonime d'Orleans anticipe done
extrêmement les choses , et il dérange à
plaisir la Chronologie en faveur de ses
( a) Hist. des Empereurs , T. 111.
Diij idées
2346 MERCURE DE FRANCE-
و
idées , lorsqu'il me fait dire que ce fut
dans cette expédition d'Allemagne , où
Alexandre fût tué qu'Ovinius avoit
commencé à suivre cet Empereur , et à
paroître en qualité d'Associé à l'Empire.
En effet , il s'agit en cet endroit d'une expédition
toute differente , et qui préceda
de sept à huit ans. Celle dont Lampride
parle en general sous le nom de guerre
contre les Barbares , est de l'an 228. et ce
sont les Medailles qui en fixent l'époque :
l'autre contre les . Germains , est de l'an
235. Mais quand même ce seroit dans la
guerre du côté du Rhin , qui est de cette
derniere Année , qu'Alexandre , auroit
voulu mener avec lui Ovinius , le raisonnement
du Critique porteroit toûjours à
faux , parce que rien n'engage à croire
nécessairement que ce fut Alexandre Severe
qui fit mourir cet ancien Associé ,
retiré depuis à la Campagne. Il paroît
qu'on doit plutôt s'attacher au sentiment
de M. Tillemont , ( qui est, selon lui , l'opinion
commune , ) et dire qu'il fut tué
par ordre de l'Empereur qui regnoit alors,
c'est- à-dire , d'un des successeurs d'Alexandre.
Il y auroit eû une difficulté à m'opposer
contre la Campagne d'Alexandre de
l'an 228. s'il étoit certain par la datte des
Loix
OCTOBRE . 1731. 2347
1
Loix que cet Empereur eût passé toute
cette année- là à Rome. Mais comme on
ne peut produire de Loix de cet Empereur
, sous le Consulat de Modeste et de
Probus , que des six jours qui suivent ,
sçavoir , des Calendes de Fevrier , du 10.
Mars , du 9. Juin , des 1. et 19. Août ,
et du 10. Octobre , on a la liberté toute
entiere , de croire qu'il a pû être ailleurs.
qu'à Rome dans l'intervalle de ces dattes,
sur-tout depuis le 10. Mars , jusqu'au 9.
Juins ce qui fait une espace de trois mois.
C'est le Code de Justinien qui fournit
ces dattes.
Quoique jusqu'ici j'aye produit tout
ce qui peut servir à soutenir la premiere
pensée que j'eûs touchant l'Inscription de
Saint - Amate lez - Auxerre , dès le jour
même qu'elle y fût découverte , je ne
m'obstine point cependant à prétendre
que mon explication soit inataquable ; il
n'y a qu'à relire ma Lettre pour voir que
je ne l'ai pas prétendu . Je ne la crois pas
de la derniere certitude , parce que cette
Inscription est mutilée et que le commencement
y manque ; mais en avoüant
que mon explication , quoique fondée
nommément sur l'Histoire de l'an 228.
n'est que vrai-semblable , je ne prétends
pas pour cela autoriser davantage les deux
,
Dv ου
2348 MERCURE DE FRANCE
ou trois autres explications qui viennent
d'être proposées dans le Mercure , et je
les mets toutes indifferemment dans la
même Classe , n'ayant écrit cecy précisement
que pour montrer que par Dominorum,
il est au moins aussi permis d'entendre
Alexandre et Ovinius , qu'Alexandre
et son Epouse , ou bien sa Mere avec lui ,
ou enfin des Magistrats . Si quelque jour
nous découvrons ailleurs le commencement
de cette Inscription , elle pourra
nous rendre plus sçavants , et servir à
décider qui sont ceux qui ont le mieux
deviné. Je souhaitte que cela arrive. Mais
je ne souhaitterois pas moins de voir de
nos jours quelque découverte d'Inscription
à Orleans , qui fût du premier ou du
second siécle , et qui nous persuadât que
ceux-là sont bien fondez qui croyent que
c'étoit là qu'étoit le Genabum de Cesar ;
car je compte pour rien le sentiment
d'Aimoin de Fleury , et j'ai des raisons
très - fortes pour m'en défier .
En fait de dévination , l'Anonime d'Orleans
a mieux rencontré , lorsqu'il s'est
douté que ce n'est point dans le plus grand
sérieux du monde que je demandois l'explication
des quatre Lettres initiales . En
effet , Gruter nous a appris il y a longtemps
les quatre mots qui sont significz
01-
OCTOBRE. 1731. 2349
ordinairement par ces quatre Lettres :
mais aussi il faut avouer que la coûtume
est de les voir terminer les Inscriptions
où elles se trouvent ; ce qui ne se rencontre
point dans la notre où la dédicace du
Monument est marquée ensuite , aussibien
que la date des Consuls . J'étois bienaise
outre cela , que mon doute apparent
m'attirât quelques réponses , et c'est ce
qui n'a pas manqué d'arriver , puisqu'ou
tre les deux réponses du Mercure , j'en
ai trois ou quatre autres manuscrites ,
dans lesquelles on s'accorde à expliquer
ainsi ces quatre Lettres Votum solvit libens
merito , ou libenter merito ou bien Voto
suscepto libens merito. Je préfererois au
reste cette derniere , à cause du Verbe
dedicavit , qui suit immediatement après.
,
Quelques autres Personnes s'autorisant
des explications dans lesquelles excelloit
ces années dernieres un Personnage trèscelebre
dans l'art de deviner , croyoient
que l'inscription telle qu'elle est , manquant
de Nominatif ; ce Nominatif
pou
voit être compris dans ces Lettres initiales
, et que V. S. pouvoit signifier Urbs
Senonum , qu'ensuite les deux autres lettres
pouvoient signifier l'action du sacrifice
d'un Taureau ou d'un Bellier, ou bien
d'une Chevre , comme lata mactavit , ou
DY. tel:
2350 MERCURE DE FRANCE
tel autre langage approchant qu'on voudra
imaginer ; mais il faut avouer que
ç'auroit été un style inoüi , que celui de
désigner par des lettres initiales les noms
propres et specifiques à une Inscription ,
et que ç'eût été le veritable secret de rendre
tout obscur , incertain et problématique,
Outre cela , comme on voit clairement
par la taille de la Pierre , que l'inscription
a été mutilée dans son commencement
, il ne faut point esperer de trouver
ce Nominatif ailleurs que dans ce qui
manque aujourd'ui à la Pierre en question
, si ce Fragment réparoît jamais au
jour.
Je suis surpris M. que ceux qui m'ont envoyé
directement ou par la voye du Mercure
, des remarques sur mon interprétation
, n'ayent pas insinué que l'Inscrip
tion leur paroissoit fausse , si en elle- même
elle est telle qu'on la trouve imprimée
avec des U voyelles , puisque ces U sont
d'un usage très-moderne. Comment l'un
d'eux n'a t'il point dit qu'il falloit la mettre
au rang de semblables Antiquitez prétendues
qu'Annius de Viterbe fabriqua
autrefois Ils ont mieux aimé supposer
les deux U qui s'y trouvent , que sont des
fautes d'Imprimeur , comme en effet c'est
la verité. Trouvez donc bon que je vous
cerOCTOBRE.
1731.
2351
certifie ici en passant que Salute Dominorum
est écrit ainsi sur la Pierre , SALVTE
DOMINORVM , que dans les deux lignes
de l'Inscription toutes les lettres sont
d'une hauteur égale , et que les quatre
initiales ne sont point plus hautes que les
autres.
Tout ce que vous me faites la grace de
m'envoyer , Monsieur , m'étant très - précieux
, je n'ai garde de ne pas conserver
soigneusementl'explication que vous donnez
au Fragment d'une autre Inscription
trouvée dans le même Jardin , sur lequel
il reste :
PATER ....
LUPERC ....
ET CARA ....
LA COI ....
·
J'approuve très fort vos conjectures
sur ce qui manque à chacune de ces quatre
lignes , et je crois , comme vous , qu'il
faut suppléer à cette Inscription par les
mots que vous favorisez PATER SACR.
C'est-à- dire , Sacrorum, ou bien Pater An
gustalis Lupercus et Carantilla conjux , ensorte
qu'il y auroit eû sur la Pierre lorsqu'elle
étoit entiere !
D vj PA2352
MERCURE DE FRANCE
PATER AVG.
LVPERCVS
ET CARANTIL
LA CONJVX.
Vous me faites remarquer que ce ne se
roit pas la premiere Inscription où on liroit
Pater Sacrorum pour désigner un Prêtre
des Faux - Dieux , qui présidoit aux
Sacrifices , ou bien Pater Augustalis pour
marquer l'ancien ou le premier des Augustaux.
A l'égard du nom propre de la
troisiéme ligne , qui est celui d'une Famille
, comme il se trouve trois fois dans
les Inscriptions de Dijon il ne seroit
pas étonnant qu'ils se rencontrassent aussi
à Auxerre . Ainsi , je souscris à toutes vos
remarques ; et j'ay l'honneur d'être & c.
Fermer
Résumé : RÉPONSE aux Remarques inserées dans le Mercure de Juillet dernier, sur l'Inscription trouvée à Auxerre, au mois de May, adressée à M. Bouhier, Président au Parlement de Dijon.
Le texte est une réponse adressée à M. Bouhier, Président au Parlement de Dijon, concernant une inscription découverte près d'Auxerre. L'auteur exprime sa gratitude pour les félicitations et les critiques reçues dans le Mercure de Juillet. Il souligne la contradiction entre les deux critiques et défend son interprétation initiale de l'inscription. L'auteur mentionne que le terme 'Dominus' était utilisé pour les empereurs du Bas-Empire, y compris Alexandre Sévère, malgré les objections des critiques. L'auteur discute de l'association d'Ovinius Camillus avec l'Empire par Alexandre Sévère, réfutant les doutes exprimés par l'antiquaire d'Orléans. Il soutient que Lampride, l'historien, a basé son récit sur des mémoires contemporains et fiables. Il cite des exemples historiques et des sources pour appuyer son argumentation, notamment des médailles attestant une victoire sur les Allemans en 228 et l'importance stratégique de l'Illyrie. L'auteur critique l'Anonyme d'Orléans pour avoir perturbé la chronologie en faveur de ses idées. Il explique que l'association d'Ovinius précède la guerre contre les Barbares et que les succès en Illyrie sont attribués à Varius Macrinus. Il se range à l'opinion de M. de Tillemont, selon laquelle Ovinius aurait été tué par un successeur d'Alexandre Sévère. Le texte aborde également l'inscription découverte à Auxerre, reconnaissant que son explication est vraisemblable mais non certaine en raison de l'état mutilé de l'inscription. Il mentionne d'autres explications proposées et souhaite des découvertes futures pour éclaircir le sujet. L'auteur exprime également son désir de trouver des inscriptions à Orléans pour confirmer l'emplacement du Genabum de César, rejetant l'opinion d'Aimoin de Fleury. Enfin, l'auteur discute des lettres initiales de l'inscription et des diverses interprétations proposées, préférant l'explication 'Voto suscepto libens merito' en raison du verbe 'dedicavit' qui suit. Il critique ceux qui n'ont pas remis en question l'authenticité de l'inscription en raison des voyelles 'U', qu'il considère comme des fautes d'imprimeur. Il approuve les conjectures d'un correspondant sur un autre fragment d'inscription trouvé dans le même jardin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 2352-2353
L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
Début :
Le Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Intérêt, Plaisir, Utile
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
L'AMOUR ET L'INTERET.
LE
FABLE.
E Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour
Chez certain Partisan se trouverent un jour
L'aventure étoit rare ; un même domicile
ጉ
Par
OCTOBRE 1731 2353
Par eux n'étoit pas habité ,
Chacun alloit de son côté ,
L'un au plaisir , l'autre à l'utile ;
Voici , dit l'interêt , un Enfant bien nipé ;
Beaux traits dorez , Carquois d'Ebene ,
La dupe paroît bonne , et je suis bien trompé
Si je n'en tire quelque Aubeine :
Veux-tu jouer , fils de Cypris?
J'ay des Bijoux à ton usage ,
Pour de l'argent prêté , je les reçûs en gage ,
Bracelets de Cheveux , entourez de Rubis ,
Bagues de sentimens qui couvrent un mystere¿
C'est un Tresor ! à qui le dites- vous ?
Je connois , dit l'Amour , le Prix de ces Bijoux ,,
Le Tarif en est à. Cithere ,
Ca , jouons ; masse un trait ; Paroli ; masse trois
Va le reste de mon Carquois.
Facilement Amour se picque :
Son Joueur , habile Narquois ,.
A bien- tot raflé la boutique.
L'Enfant dévalisé s'envolle au fond des bois ,
Cacher sa défaite et ses larmes :
Son Empire est soumis à de nouvelles loix ,
L'Interêt regne seul , et dispose des armes
Dont l'Amour usoit autrefois..
LE
FABLE.
E Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour
Chez certain Partisan se trouverent un jour
L'aventure étoit rare ; un même domicile
ጉ
Par
OCTOBRE 1731 2353
Par eux n'étoit pas habité ,
Chacun alloit de son côté ,
L'un au plaisir , l'autre à l'utile ;
Voici , dit l'interêt , un Enfant bien nipé ;
Beaux traits dorez , Carquois d'Ebene ,
La dupe paroît bonne , et je suis bien trompé
Si je n'en tire quelque Aubeine :
Veux-tu jouer , fils de Cypris?
J'ay des Bijoux à ton usage ,
Pour de l'argent prêté , je les reçûs en gage ,
Bracelets de Cheveux , entourez de Rubis ,
Bagues de sentimens qui couvrent un mystere¿
C'est un Tresor ! à qui le dites- vous ?
Je connois , dit l'Amour , le Prix de ces Bijoux ,,
Le Tarif en est à. Cithere ,
Ca , jouons ; masse un trait ; Paroli ; masse trois
Va le reste de mon Carquois.
Facilement Amour se picque :
Son Joueur , habile Narquois ,.
A bien- tot raflé la boutique.
L'Enfant dévalisé s'envolle au fond des bois ,
Cacher sa défaite et ses larmes :
Son Empire est soumis à de nouvelles loix ,
L'Interêt regne seul , et dispose des armes
Dont l'Amour usoit autrefois..
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Résumé : L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
Le texte 'L'Amour et l'Intérêt' relate une rencontre entre les dieux de l'Amour et de l'Intérêt chez un partisan. L'Amour cherche le plaisir, tandis que l'Intérêt vise l'utile. Ce dernier observe un enfant bien vêtu et portant des bijoux précieux, y voyant une opportunité de profit. Il propose à l'Amour de jouer avec ces bijoux en gage. L'Amour, conscient de leur valeur, accepte mais perd rapidement. L'enfant, dépossédé, s'enfuit dans les bois pour cacher sa défaite. Cette aventure marque un changement de pouvoir, où l'Intérêt prend le contrôle des armes autrefois utilisées par l'Amour, établissant ainsi sa domination.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 2354-2358
REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Début :
Plusieurs Personnes d'esprit de l'un et de l'autre Sexe, rassemblés cet [...]
Mots clefs :
Ouvrages de goût, Critique, Merveilles, Esprit, Éloge, Peintre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Pet de l'autre sexe , rassemblés cet
Eté à la Campagne , employoient d'ordinaire
deux ou trois heures par jour à lire
en commun quelques ouvrages de goût et
d'agrément. Cette occupation si agréable
d'elle- même , le devenoit de plus en plus
par l'utilité que chacun en retiroit . Les
lectures étoient suivies de l'examen de ce
qu'on avoit lû. On tâchoit de rendre raison
de son dégoût et de son plaisir , d'éclairer
le sentiment. La Critique étoit
toûjours accompagnée de cette modetation
, qui n'est pas moins l'effet de la superiorité
de l'esprit , que de la douceur
du caractere .
*
En lisant dans les oeuvres de M. de Fontenelle
la Lettre à une Demoiselle de Suede
de .... quelqu'un de la Compagnie
proposa d'y faire une réponse au nom de
la Demoiselle. Les plus habiles
c'est l'ordinaire , fûrent les plus modes→
›
comme
(* ) Cette Lettrt se tronve parmi les Poësies
diverses de M. de Fontenelle ; et a pour titre
Lettre à une Demoiselle de Suede , dont j'avois
vu un très - agreable Portrait chez M. l'Envoyé
de Suede , qui de plus m'en avoit dit des mer
veilless
- tes ,
OCTOBRE 1731. 2355
re ,
tes , et réfuserent absolument . Moins capable
que tous les autres , et aussi modessi
on peut appeller modestie la connoissance
ou son incapacité , je travaillay
par obéïssance , et fis la réponse qu'on va
fire. Je n'avertiray point les lecteurs , qu'il
seroit peut- être à propos , pour le mieux
entendre , de lire auparavant la Lettre
de M. de Fontenelle , je ne veux point
être lûaprès lui.
REPONSE à une Lettre de
M. de Fontenelle .
O
N vous a trompé , Monsieur. Je ne
suis point , et je me crois obligée
de vous en avertir au plutôt , de peur
que tendre comme vous êtes , vous n'alliez
vous enflammer pour une idée sans
réalité. Cet amour ne pourroit manquer
de vous faire beaucoup de peine ; car je
ne vous crois pas accoutumé à aimer sans
retour ; et il n'auroit rien de flatteur pour
moy , puisque ce ne seroit pas moy que
vous aimeriez . Mon Portrait , dites vous,
represente le plus charmant visage du
monde ; on vous a dit des merveilles de
mon esprit. Ne vous y fiez pas , Monsicur
; Portrait , Eloge , tout est infidele ;
rien ne ressemble , rien n'est dans le vrai.
Mais c'est de M. l'Envoyé de Suede que
Vous
2356 MERCURE DE FRANCE
>
vous et moi devons nous plaindre davantage
; le Panegyriste a de beaucoup encheri
sur le Peintre . Dans le dessein malicieux
de vous donner de l'amour , il'a
bien vû qu'ayant affaire au plus ingénieux
Auteur de la plus ingénieuse Nation , il
falloit me relever, sur tout , du côté de l'esprit
. Mais pourquoi donc vous montroitit
de mes Vers ? Car il est vrai que j'en
ai fait quelques-uns en vôtre Langue.
N'étoit- ce pas le moyen de détruire en
un moment tout ce qu'il vous auroit dit
en ma faveur et de passer auprès de
vous pour mauvais connoisseur en Poësie ,
pendant qu'il y réussit fort bien lui- même
? Non ,Monsieur , vous n'avez point
vû de mes Vers ; je devine que pour pousser
la tromperie jusqu'au bout , M. T'Envoyé
de Suede m'aura fait honneur des
siens ; et c'étoit en effet le meilleur moyen
de vous tromper : Revenez de vôtre er--
reur je vous en conjure ; j'y perdrois
trop lorsque vous me verriez , car je vous
apprends que je vais incessamment à Paris ,
et que je veux vous y voir ; je sacrifie
volontiers les interêts de ma vanité , au
plaisir de connoître et d'entretenir un
homme dont les ouvrages m'ont donné
une si haute idée. J'y ai trouvé le Philosophe
, le bel Esprit , et l'Homme sensi-
,
ble.
OCTOBRE . 1731. 2317
ble. Quel mérite que celui qui résulte de
ces trois qualitez réunies ? Un Auteur n'at-
il pas rempli tous nos besoins , lorsqu'il
a sçû nous instruire , nous amuser , nous
toucher ? Mais ce que j'admire le plus en
vous , Monsieur , et ce qu'il me convient
plus aussi d'y admirer ; c'est la finesse et
la verité des sentimens répandus dans vos
aimables Poësies . On voit bien qu'elles
'sont l'ouvrage d'un Philosophe qui a aimé
et qui a reflechi sur son coeur , qui sent
ce qu'il exprime , et qui connoît ce qu'il
sent. Sur tout cela , Monsieur , vous êtes
pour moi l'Auteur François par excellence.
Vous possedez dans le degré le plus
éminent , ce qui caractérise votre Nation ,
et la distingue de toutes les autres . Plusieurs
de vos meilleurs Ecrivains me semblent
, si j'ose le dire , tros Grecs et trop
Romains ; ils ne sont pas assez de leur
temps et de leur Pays. Cette conformité
avec les anciens a jusqu'à present beaucoup
aidé à leur réputation ; mais je ne
sçai si elle n'y nuira point dans la suite.
Pour vous , Monsieur , je le repete , vous
êtes l'Ecrivain de la Nation Françoise ;
c'estvous qu'elle doit presenter aux Etrangers,
curieux d'étudier le Genie François
ils le trouveront dans vos ouvrages dans
toute sa perfection .
Mais
2358 MERCURE DE FRANCE
3
Mais je ne m'apperçois pas qu'il y a
bien de la présomption à m'étendre ainsi
sur vos louanges. Je suis Femme , je suis
Suedoise , et je fais ici la Sçavante et le '
bel esprit. Vos Dames Françoises , si exactes
à observer les bien -séances , ne trouveroient
- elles point que j'y ai manqué ?
Ne les en faites pas juger , je vous en prie ;
gardez moi exactement le secret que vous
m'avez promis. J'ai même envie , pour
vous y engager plus sûrement , d'y inte
resser votre délicatesse , en vous assurant
que je ne prends point votre Lettre pour
une simple galanterie , que je suis persuadée
que vous m'aimez veritablement ,
que j'en ressens un plaisir ou la vanité n'a
aucune part.
et
Cette petite Piece est de l'Auteur des Refle
xions sur la Politesse , inserées dans le second
Volume du Mercure de Juin.
Eté à la Campagne , employoient d'ordinaire
deux ou trois heures par jour à lire
en commun quelques ouvrages de goût et
d'agrément. Cette occupation si agréable
d'elle- même , le devenoit de plus en plus
par l'utilité que chacun en retiroit . Les
lectures étoient suivies de l'examen de ce
qu'on avoit lû. On tâchoit de rendre raison
de son dégoût et de son plaisir , d'éclairer
le sentiment. La Critique étoit
toûjours accompagnée de cette modetation
, qui n'est pas moins l'effet de la superiorité
de l'esprit , que de la douceur
du caractere .
*
En lisant dans les oeuvres de M. de Fontenelle
la Lettre à une Demoiselle de Suede
de .... quelqu'un de la Compagnie
proposa d'y faire une réponse au nom de
la Demoiselle. Les plus habiles
c'est l'ordinaire , fûrent les plus modes→
›
comme
(* ) Cette Lettrt se tronve parmi les Poësies
diverses de M. de Fontenelle ; et a pour titre
Lettre à une Demoiselle de Suede , dont j'avois
vu un très - agreable Portrait chez M. l'Envoyé
de Suede , qui de plus m'en avoit dit des mer
veilless
- tes ,
OCTOBRE 1731. 2355
re ,
tes , et réfuserent absolument . Moins capable
que tous les autres , et aussi modessi
on peut appeller modestie la connoissance
ou son incapacité , je travaillay
par obéïssance , et fis la réponse qu'on va
fire. Je n'avertiray point les lecteurs , qu'il
seroit peut- être à propos , pour le mieux
entendre , de lire auparavant la Lettre
de M. de Fontenelle , je ne veux point
être lûaprès lui.
REPONSE à une Lettre de
M. de Fontenelle .
O
N vous a trompé , Monsieur. Je ne
suis point , et je me crois obligée
de vous en avertir au plutôt , de peur
que tendre comme vous êtes , vous n'alliez
vous enflammer pour une idée sans
réalité. Cet amour ne pourroit manquer
de vous faire beaucoup de peine ; car je
ne vous crois pas accoutumé à aimer sans
retour ; et il n'auroit rien de flatteur pour
moy , puisque ce ne seroit pas moy que
vous aimeriez . Mon Portrait , dites vous,
represente le plus charmant visage du
monde ; on vous a dit des merveilles de
mon esprit. Ne vous y fiez pas , Monsicur
; Portrait , Eloge , tout est infidele ;
rien ne ressemble , rien n'est dans le vrai.
Mais c'est de M. l'Envoyé de Suede que
Vous
2356 MERCURE DE FRANCE
>
vous et moi devons nous plaindre davantage
; le Panegyriste a de beaucoup encheri
sur le Peintre . Dans le dessein malicieux
de vous donner de l'amour , il'a
bien vû qu'ayant affaire au plus ingénieux
Auteur de la plus ingénieuse Nation , il
falloit me relever, sur tout , du côté de l'esprit
. Mais pourquoi donc vous montroitit
de mes Vers ? Car il est vrai que j'en
ai fait quelques-uns en vôtre Langue.
N'étoit- ce pas le moyen de détruire en
un moment tout ce qu'il vous auroit dit
en ma faveur et de passer auprès de
vous pour mauvais connoisseur en Poësie ,
pendant qu'il y réussit fort bien lui- même
? Non ,Monsieur , vous n'avez point
vû de mes Vers ; je devine que pour pousser
la tromperie jusqu'au bout , M. T'Envoyé
de Suede m'aura fait honneur des
siens ; et c'étoit en effet le meilleur moyen
de vous tromper : Revenez de vôtre er--
reur je vous en conjure ; j'y perdrois
trop lorsque vous me verriez , car je vous
apprends que je vais incessamment à Paris ,
et que je veux vous y voir ; je sacrifie
volontiers les interêts de ma vanité , au
plaisir de connoître et d'entretenir un
homme dont les ouvrages m'ont donné
une si haute idée. J'y ai trouvé le Philosophe
, le bel Esprit , et l'Homme sensi-
,
ble.
OCTOBRE . 1731. 2317
ble. Quel mérite que celui qui résulte de
ces trois qualitez réunies ? Un Auteur n'at-
il pas rempli tous nos besoins , lorsqu'il
a sçû nous instruire , nous amuser , nous
toucher ? Mais ce que j'admire le plus en
vous , Monsieur , et ce qu'il me convient
plus aussi d'y admirer ; c'est la finesse et
la verité des sentimens répandus dans vos
aimables Poësies . On voit bien qu'elles
'sont l'ouvrage d'un Philosophe qui a aimé
et qui a reflechi sur son coeur , qui sent
ce qu'il exprime , et qui connoît ce qu'il
sent. Sur tout cela , Monsieur , vous êtes
pour moi l'Auteur François par excellence.
Vous possedez dans le degré le plus
éminent , ce qui caractérise votre Nation ,
et la distingue de toutes les autres . Plusieurs
de vos meilleurs Ecrivains me semblent
, si j'ose le dire , tros Grecs et trop
Romains ; ils ne sont pas assez de leur
temps et de leur Pays. Cette conformité
avec les anciens a jusqu'à present beaucoup
aidé à leur réputation ; mais je ne
sçai si elle n'y nuira point dans la suite.
Pour vous , Monsieur , je le repete , vous
êtes l'Ecrivain de la Nation Françoise ;
c'estvous qu'elle doit presenter aux Etrangers,
curieux d'étudier le Genie François
ils le trouveront dans vos ouvrages dans
toute sa perfection .
Mais
2358 MERCURE DE FRANCE
3
Mais je ne m'apperçois pas qu'il y a
bien de la présomption à m'étendre ainsi
sur vos louanges. Je suis Femme , je suis
Suedoise , et je fais ici la Sçavante et le '
bel esprit. Vos Dames Françoises , si exactes
à observer les bien -séances , ne trouveroient
- elles point que j'y ai manqué ?
Ne les en faites pas juger , je vous en prie ;
gardez moi exactement le secret que vous
m'avez promis. J'ai même envie , pour
vous y engager plus sûrement , d'y inte
resser votre délicatesse , en vous assurant
que je ne prends point votre Lettre pour
une simple galanterie , que je suis persuadée
que vous m'aimez veritablement ,
que j'en ressens un plaisir ou la vanité n'a
aucune part.
et
Cette petite Piece est de l'Auteur des Refle
xions sur la Politesse , inserées dans le second
Volume du Mercure de Juin.
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Résumé : REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Un groupe de jeunes gens, réunis à la campagne, passait quotidiennement quelques heures à lire collectivement des ouvrages de goût et d'agrément. Ces séances de lecture étaient suivies de discussions où chacun partageait ses impressions et critiques avec modération. Lors de la lecture de la 'Lettre à une Demoiselle de Suède' de Fontenelle, un participant proposa de rédiger une réponse au nom de la demoiselle. Malgré les refus des plus habiles, l'auteur, se considérant le moins capable, accepta par obéissance et écrivit la réponse. Dans cette réponse, l'auteur informe Fontenelle qu'elle n'est pas la personne décrite dans le portrait et les éloges. Elle accuse l'envoyé de Suède d'avoir exagéré ses qualités, notamment en matière d'esprit et de poésie. Elle exprime son désir de rencontrer Fontenelle à Paris pour le connaître davantage, admirant ses œuvres pour leur philosophie, leur esprit et leur sensibilité. Elle le considère comme l'écrivain français par excellence, incarnant parfaitement le génie de la nation française. L'auteur conclut en avouant sa présomption à s'étendre ainsi sur les louanges de Fontenelle et demande à garder le secret sur cette lettre, assurant qu'elle prend sa lettre au sérieux et non comme une simple galanterie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 2359-2361
A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
Début :
Eh ! quoi, la critique t'outrage, [...]
Mots clefs :
Opéra, Danseuse, Critique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
A MILE CAMARGO,
Danseuse de l'Opera.
E PIT RE ;
Au sujet d'une Piece Comique , où l'on a
prétendu critiquer ses talens.
EH ! quoi , la critique t'outrage „
Et s'efforce de t'abaiffer !
Pour confondre son vain langage,
CAMARGO , tu n'as qu'à danser.
La voix de l'injuste censure ,
Se perd dans ces heureux instans
Et cent suffrages éclatans ,
Etouffent son foible murmare.
Ton triomphe est certain ; crois-moi ,
Regarde voler sans effroi ,
Le trait malin et satirique ,
Il tetombe sur le Caustique,
Qui l'ose lancer contre toi.
Je veux publier ta victoire ,
Ne craint pas qu'en vengeant ta gloire ,
De PREVOST , j'aille bassement ,
Insulter l'illustre memoire ,
Et chicaner sans jugement ,
SALE
2360 MERCURE DE FRANCE
SALLE' , de qui la Renommée ,
Nous apprend qu'Albion charmée ,
Prise comme nous l'agrément.
Non , je ne suivrai point la piste
De maint outré Panégiriste ,
Du bon sens ennemi mortel ,
Qui préferant son goût aux nôtres ;
N'encense jamais qu'un Autel ,
Et veur renverser tous les autres.
Mais songeons à te celebrer ;
Est- ce un ouvrage a differer ?
Que tes attitudes brillantes ,
(Peintures vives et parlantes )
Forment des Tableaux excellens !
On ne connoissoit pas encore
Tous les charmes de Terpsicore ;
Quand on ignoroit tes talens.
Tu n'est que trop sure de plaire
Eh ! comment ne plairois - tu pas ?
Ta jambe seule a plus d'appas ,
Que n'en rassemble tout Cithere ;
Sur la Scene qu'elle est legere !
Que les mouvemens en sont fins !
Tel Zephire dans les Jardins ,
En cherchant les faveurs de Flore ,
Voltige au lever de l'Aurore ,
Sur les Roses et les Jasmins :
Les yeux éblouis sur tes traces
N'em
OCTOBRE . 1731. 2361
N'en suivent qu'à peine le cours ;
Tes pas enviez par les Graces ,
Sont applaudis par les Amours.
En lisant ces deux Vers , peut être ,
D'abord on me reprochera ,
Que dans un moderne Opǝra ,
Je les ai pillés ... j'en suis maître ;
Mon titre est que rien galamment ,
Sur la danse ne s'est pû dire ,
Qui ne te soit dû justement.
Lorsqu'au Théatre où l'on t'admire ,
Apollon vantoit sur sa Lyre ,
Terpsicore et son Art charmant ,
Dans les deux Vers que je répete ,
Il ne parloit pas en Poëte ,
Inspiré par son vertigo ,
Mais en illuminé Prophete ,
Al chantoit la Danse parfaite ;
C'étoit prédire CAMARGO ,
* Ces deux Vers sont du Prologue des Fêtes
Grecques et Romaines ; ils étoient chantez par
Apollon à l'honneur de Terpsicore.
Danseuse de l'Opera.
E PIT RE ;
Au sujet d'une Piece Comique , où l'on a
prétendu critiquer ses talens.
EH ! quoi , la critique t'outrage „
Et s'efforce de t'abaiffer !
Pour confondre son vain langage,
CAMARGO , tu n'as qu'à danser.
La voix de l'injuste censure ,
Se perd dans ces heureux instans
Et cent suffrages éclatans ,
Etouffent son foible murmare.
Ton triomphe est certain ; crois-moi ,
Regarde voler sans effroi ,
Le trait malin et satirique ,
Il tetombe sur le Caustique,
Qui l'ose lancer contre toi.
Je veux publier ta victoire ,
Ne craint pas qu'en vengeant ta gloire ,
De PREVOST , j'aille bassement ,
Insulter l'illustre memoire ,
Et chicaner sans jugement ,
SALE
2360 MERCURE DE FRANCE
SALLE' , de qui la Renommée ,
Nous apprend qu'Albion charmée ,
Prise comme nous l'agrément.
Non , je ne suivrai point la piste
De maint outré Panégiriste ,
Du bon sens ennemi mortel ,
Qui préferant son goût aux nôtres ;
N'encense jamais qu'un Autel ,
Et veur renverser tous les autres.
Mais songeons à te celebrer ;
Est- ce un ouvrage a differer ?
Que tes attitudes brillantes ,
(Peintures vives et parlantes )
Forment des Tableaux excellens !
On ne connoissoit pas encore
Tous les charmes de Terpsicore ;
Quand on ignoroit tes talens.
Tu n'est que trop sure de plaire
Eh ! comment ne plairois - tu pas ?
Ta jambe seule a plus d'appas ,
Que n'en rassemble tout Cithere ;
Sur la Scene qu'elle est legere !
Que les mouvemens en sont fins !
Tel Zephire dans les Jardins ,
En cherchant les faveurs de Flore ,
Voltige au lever de l'Aurore ,
Sur les Roses et les Jasmins :
Les yeux éblouis sur tes traces
N'em
OCTOBRE . 1731. 2361
N'en suivent qu'à peine le cours ;
Tes pas enviez par les Graces ,
Sont applaudis par les Amours.
En lisant ces deux Vers , peut être ,
D'abord on me reprochera ,
Que dans un moderne Opǝra ,
Je les ai pillés ... j'en suis maître ;
Mon titre est que rien galamment ,
Sur la danse ne s'est pû dire ,
Qui ne te soit dû justement.
Lorsqu'au Théatre où l'on t'admire ,
Apollon vantoit sur sa Lyre ,
Terpsicore et son Art charmant ,
Dans les deux Vers que je répete ,
Il ne parloit pas en Poëte ,
Inspiré par son vertigo ,
Mais en illuminé Prophete ,
Al chantoit la Danse parfaite ;
C'étoit prédire CAMARGO ,
* Ces deux Vers sont du Prologue des Fêtes
Grecques et Romaines ; ils étoient chantez par
Apollon à l'honneur de Terpsicore.
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Résumé : A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
En octobre 1731, Sale écrit une lettre à Mile Camargo, danseuse de l'Opéra, pour la défendre contre les critiques. Il affirme que la meilleure réponse de Camargo aux détracteurs est de continuer à danser, car son art surpasse les voix de la censure. Sale exalte les qualités exceptionnelles de Camargo, soulignant que ses mouvements et attitudes créent des tableaux vivants et brillants. Il compare sa jambe à la légèreté de Zéphyr et note que ses pas sont admirés par les Grâces et les Amours. L'auteur justifie également l'utilisation de vers tirés du prologue des 'Fêtes Grecques et Romaines', affirmant qu'ils décrivent parfaitement la danse de Camargo.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 2362-2364
REFLEXIONS de M. Capperon, sur une Lettre de M. le Beuf, sur les anciens Tombeaux, inserée dans le Mercure de May 1731. page 1045.
Début :
Notre sçavant Chanoine d'Auxerre, M. le Beuf, a pris, comme vous [...]
Mots clefs :
Urne, Médailles, Crâne humain, Chanoine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS de M. Capperon, sur une Lettre de M. le Beuf, sur les anciens Tombeaux, inserée dans le Mercure de May 1731. page 1045.
REFLEXIONS de M. Capperon ,
sur une Lettre de M. le Beuf, sur les
anciens Tombeaux , inserée dans le Mercure
de May 1731. page 1045.
N
Otre sçavant Chanoine d'Auxerre ;
M. le Beuf , a pris , comme vous
sçavez , Monfieur , occasion de l'Urne et
des Médailles trouvées proche d'Auxerre
sa Patrie , pour relever ce que j'ai avancé
en 1722. au sujet de quelques Tom .
beaux qui furent découverts ici ; sçavoir,
que selon le témoignage d'Alexandre ab
Alex. et de Gronovius , l'usage de bruler
les corps n'avoit pas passé le temps des
Antonins , et qu'on enterroit generale
ment tous les corps , du temps de Commode.
C'est ce que j'ai dit alors en effet ,
appuyé comme j'étois de l'autorité de ces
deux Sçavans.
Il est vrai que M. l'Abbé des Thuille
ries, contraria mon sentiment , sappuyant
de sa part sur l'autorité de Kircmanus,
Comme nous avions tous deux nos garants
, la question demeura indécise
n'ayant l'un et l'autre que les sentimens
des Auteurs à produire.
Enfin
OCTOBRE. 1731. 2363
Enfin , je l'avoue , la voilà decidée cette
question , par la découverte rapportée par
M. le Beuf; puisqu'ayant trouvé divers
fragmens d'une Urne , et des morceaux
de Crâne humain , dont l'un paroît avoir
souffert la violence du feu , le tout accompagné
de quelques Médailles de Posthume
, c'est une preuve qu'on bruloit
encore les Morts au temps de cet Empereur
bien posterieur à Commode , sous
lequel j'ai dit que l'usage de bruler les
corps avoit cessé : on ne peut qu'on ne
se rende à une preuve de fait , telle qu'est
celle - là .
Il n'en est pas de même de ce que le
sçavant Chanoine veut insinuer ; sçavoir ,
que M. Huet et M. l'Abbé des Thuilleries
ont eu raison de croire que le nom
de la Ville d'Eu vient des mots Allemans
ou , auu , auue , ou aug , lesquels en
Langue Teutonique signifient un Pré
et cela parce que proche d'Auxerre il y
a un Village qui se nomme Augy , lequel
est situé sur le bord de la Riviere , sur
quoi il cite encore M. Ducange , qui parlant
dans son Glossaire , d'un lieu nommé
Augia , proche le Danube , conclud
que par le mot d'Augia , il faut entendre
une Prairie située sur le bord d'une Riviere
, ou entourée d'un Fleuve ; d'où
notre
2364 MERCURE DE FRANCE
notre Chanoine prétend , comme avoit
fait M. des Thuilleries , que le nom de
la Ville d'Eu , qu'on dit en latín Augum
lui vient de même du mot de Prairie.
Je suis surpris que M. le Beuf donne
encore dans ce sentiment , après avoir vû
sans doute , la Réponse que je fis aux objections
de M. l'Abbé des Thuilleries
où je faisois voir qu'il faudroit que ceux
qui auroient donné le nom de Pré & de
Prairie , soit à la Ville d'Eu ou au Comté
d'Eu , eussent été absolument dépourvus
du bon sens , puisque la Ville , loin d'être
dans une Prairie , est située sur un
Côteau , et que le Comté est un Païs de
Forêt et de belles et vastes Campagnes.
Il me paroît que cela seul suffit pour dé
truire sans réplique , toutes les conjectures
de ces Sçavans. Je suis , &c.
A Eu , ce 9. Juillet 1731 .
sur une Lettre de M. le Beuf, sur les
anciens Tombeaux , inserée dans le Mercure
de May 1731. page 1045.
N
Otre sçavant Chanoine d'Auxerre ;
M. le Beuf , a pris , comme vous
sçavez , Monfieur , occasion de l'Urne et
des Médailles trouvées proche d'Auxerre
sa Patrie , pour relever ce que j'ai avancé
en 1722. au sujet de quelques Tom .
beaux qui furent découverts ici ; sçavoir,
que selon le témoignage d'Alexandre ab
Alex. et de Gronovius , l'usage de bruler
les corps n'avoit pas passé le temps des
Antonins , et qu'on enterroit generale
ment tous les corps , du temps de Commode.
C'est ce que j'ai dit alors en effet ,
appuyé comme j'étois de l'autorité de ces
deux Sçavans.
Il est vrai que M. l'Abbé des Thuille
ries, contraria mon sentiment , sappuyant
de sa part sur l'autorité de Kircmanus,
Comme nous avions tous deux nos garants
, la question demeura indécise
n'ayant l'un et l'autre que les sentimens
des Auteurs à produire.
Enfin
OCTOBRE. 1731. 2363
Enfin , je l'avoue , la voilà decidée cette
question , par la découverte rapportée par
M. le Beuf; puisqu'ayant trouvé divers
fragmens d'une Urne , et des morceaux
de Crâne humain , dont l'un paroît avoir
souffert la violence du feu , le tout accompagné
de quelques Médailles de Posthume
, c'est une preuve qu'on bruloit
encore les Morts au temps de cet Empereur
bien posterieur à Commode , sous
lequel j'ai dit que l'usage de bruler les
corps avoit cessé : on ne peut qu'on ne
se rende à une preuve de fait , telle qu'est
celle - là .
Il n'en est pas de même de ce que le
sçavant Chanoine veut insinuer ; sçavoir ,
que M. Huet et M. l'Abbé des Thuilleries
ont eu raison de croire que le nom
de la Ville d'Eu vient des mots Allemans
ou , auu , auue , ou aug , lesquels en
Langue Teutonique signifient un Pré
et cela parce que proche d'Auxerre il y
a un Village qui se nomme Augy , lequel
est situé sur le bord de la Riviere , sur
quoi il cite encore M. Ducange , qui parlant
dans son Glossaire , d'un lieu nommé
Augia , proche le Danube , conclud
que par le mot d'Augia , il faut entendre
une Prairie située sur le bord d'une Riviere
, ou entourée d'un Fleuve ; d'où
notre
2364 MERCURE DE FRANCE
notre Chanoine prétend , comme avoit
fait M. des Thuilleries , que le nom de
la Ville d'Eu , qu'on dit en latín Augum
lui vient de même du mot de Prairie.
Je suis surpris que M. le Beuf donne
encore dans ce sentiment , après avoir vû
sans doute , la Réponse que je fis aux objections
de M. l'Abbé des Thuilleries
où je faisois voir qu'il faudroit que ceux
qui auroient donné le nom de Pré & de
Prairie , soit à la Ville d'Eu ou au Comté
d'Eu , eussent été absolument dépourvus
du bon sens , puisque la Ville , loin d'être
dans une Prairie , est située sur un
Côteau , et que le Comté est un Païs de
Forêt et de belles et vastes Campagnes.
Il me paroît que cela seul suffit pour dé
truire sans réplique , toutes les conjectures
de ces Sçavans. Je suis , &c.
A Eu , ce 9. Juillet 1731 .
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Résumé : REFLEXIONS de M. Capperon, sur une Lettre de M. le Beuf, sur les anciens Tombeaux, inserée dans le Mercure de May 1731. page 1045.
M. Capperon réagit à une lettre de M. le Beuf publiée dans le Mercure de mai 1731. Cette lettre conteste l'affirmation de M. Capperon selon laquelle l'usage de brûler les corps avait cessé au temps de Commode. La découverte d'une urne et de médailles près d'Auxerre, ainsi que des fragments d'urne et de crânes humains montrant des traces de feu, prouve que la crémation était encore pratiquée sous un empereur postérieur à Commode. Cette découverte résout la controverse entre Capperon, qui s'appuyait sur Alexandre ab Alexandre et Gronovius, et l'abbé des Thuilleries, qui citait Kirckmanus. Par ailleurs, M. le Beuf et l'abbé des Thuilleries suggèrent que le nom de la ville d'Eu pourrait provenir des mots teutoniques signifiant 'pré', en se référant à des lieux similaires. Capperon réfute cette hypothèse, soulignant que la ville d'Eu est située sur un coteau et que le comté est boisé et agricole, ce qui contredit l'idée d'une origine liée à un pré. Capperon conclut que cette observation suffit à invalider les conjectures des savants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 2364-2365
ENIGME.
Début :
On trouve peu d'honnêtes gens, [...]
Mots clefs :
Cure-dent
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
N trouve peu d'honnêtes gens ,
S'ils ne sont accablez sous le poids de leurs ans ;
A qui je ne rende service :
Je ne sçai par quelle raison
Ils
OCTOBRE. 1731 .
2365
Ils ont cependant l'injustice ,
De me faire souffrir une étroite prison ;
Quoique mon corps soit foible et mince ,
Je suis utile au plus grand Prince.
Soir et matin de son Palais ,
Je nettoye les Avenues ,
Que mille choses superfluës ,
Pourroient faire sentir mauvais .
Lorsque fait pour un double usage ,
Mes deux bouts ont chacun leur different emplo
J'ai souvent l'oreille du Roi ,
Sans que ses Favoris en prennent de l'ombrage ,
N trouve peu d'honnêtes gens ,
S'ils ne sont accablez sous le poids de leurs ans ;
A qui je ne rende service :
Je ne sçai par quelle raison
Ils
OCTOBRE. 1731 .
2365
Ils ont cependant l'injustice ,
De me faire souffrir une étroite prison ;
Quoique mon corps soit foible et mince ,
Je suis utile au plus grand Prince.
Soir et matin de son Palais ,
Je nettoye les Avenues ,
Que mille choses superfluës ,
Pourroient faire sentir mauvais .
Lorsque fait pour un double usage ,
Mes deux bouts ont chacun leur different emplo
J'ai souvent l'oreille du Roi ,
Sans que ses Favoris en prennent de l'ombrage ,
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19
p. 2365-2366
LOGOGRYPHE.
Début :
Quatre Lettres forment mon nom, [...]
Mots clefs :
Fève
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
Qua
Uatre Lettres forment mon nom ,
Je suis d'un fort commun usage ,
Da m'employa jadis à marquer le suffrage ,
Pour le supplice , ou l'absolution ,
En Grece , pour l'Election.
L'Auteur de la Secte Italique ,
Ordonna qu'on s'abstint de moi dans le repas ,
Que sa raison fût sage ou chimerique ,
C'est ce qu'ici je ne discute pas,
Des lettres de mon nom suprimant la derniere,
J'offre à vos yeux un Element;
Si vous retranchez la premiere ,
E Je
1366 MERCURE DE FRANCE
Je vous fais voir dans le moment ,
Femme qui n'eut jamais de mere ,
Si vous combinez autrement ,
En m'ôtant un quart seulement ,
Mes soeurs et moi nous sommes sans pareilles ,
On en raconte cent merveilles ,
Qui tiennent de l'enchantement ,
Si vous ne changez rien en toute ma substance.
Enfin , Lecteur , voyez jusqu'où va ma puissance
Je fais des Reines et des Rois.
蒙
F. D. C.
Qua
Uatre Lettres forment mon nom ,
Je suis d'un fort commun usage ,
Da m'employa jadis à marquer le suffrage ,
Pour le supplice , ou l'absolution ,
En Grece , pour l'Election.
L'Auteur de la Secte Italique ,
Ordonna qu'on s'abstint de moi dans le repas ,
Que sa raison fût sage ou chimerique ,
C'est ce qu'ici je ne discute pas,
Des lettres de mon nom suprimant la derniere,
J'offre à vos yeux un Element;
Si vous retranchez la premiere ,
E Je
1366 MERCURE DE FRANCE
Je vous fais voir dans le moment ,
Femme qui n'eut jamais de mere ,
Si vous combinez autrement ,
En m'ôtant un quart seulement ,
Mes soeurs et moi nous sommes sans pareilles ,
On en raconte cent merveilles ,
Qui tiennent de l'enchantement ,
Si vous ne changez rien en toute ma substance.
Enfin , Lecteur , voyez jusqu'où va ma puissance
Je fais des Reines et des Rois.
蒙
F. D. C.
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20
p. 2366-2367
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Sous mon nom tel qu'il est, vous trouverez un arbre, [...]
Mots clefs :
Charme
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
SECOND LOGOGRYPHE
Ous mon nom tel qu'il est , vous trouverer
Sousun
arbre ,
Ensuite par combinaison ,
On me voit en chaque maison ,
De bois , de pierre , ou bien de marbre .
Coupez mon chefpresentement ,
J'ai servi chez l'Israëlite.
Dans ma totalité mettez- moi promptement ,
Coupez mon dernier tiers, vous pouvez aisement ¿
Sans vos pieds avancer fort vite ;
Lorsqu'au lieu du premier vous laissez celui- cy ,
Je puis vous attaquer , ainsi que vous deffendre ,
Si l'on m'a sçû ranger ainsi ,
L'on
OCTO
BRE.
1731 . 1731
2367
L'en
trouvera sans s'y
méprendre ,
Un Outil propre au
Marinier ,
Et puis si l'on me
décompose ,
En mettant mon chef le dernier ,
Le gout peut me trouver une mauvaise chose,
Mais je suis , dit -on , bon au coeur.
Revenez sur vos pas, si vous voulez , Lecteur ,
Au lieu de mon membre
troisiéme ,
Apportez-y le dernier ,
Puis effacez le
septième ,'
C'est un titre
commun pour un objet qu'on aime,
Je ne voudrois rien oublier ,
Si vous vouliez me le
permettre' ;
De
nouveau , de
mon
corps
Effacez la seconde lettre ,
Vous faites un
Religieux ;
entier ,
Ce n'est le tout encor ,
excusez , je vous prie ;
Deux lettres moins , se
presente à vos yeux
Un mot qui risqua d'être vieux ,
Par Arrêt de
l'Académie.
Ous mon nom tel qu'il est , vous trouverer
Sousun
arbre ,
Ensuite par combinaison ,
On me voit en chaque maison ,
De bois , de pierre , ou bien de marbre .
Coupez mon chefpresentement ,
J'ai servi chez l'Israëlite.
Dans ma totalité mettez- moi promptement ,
Coupez mon dernier tiers, vous pouvez aisement ¿
Sans vos pieds avancer fort vite ;
Lorsqu'au lieu du premier vous laissez celui- cy ,
Je puis vous attaquer , ainsi que vous deffendre ,
Si l'on m'a sçû ranger ainsi ,
L'on
OCTO
BRE.
1731 . 1731
2367
L'en
trouvera sans s'y
méprendre ,
Un Outil propre au
Marinier ,
Et puis si l'on me
décompose ,
En mettant mon chef le dernier ,
Le gout peut me trouver une mauvaise chose,
Mais je suis , dit -on , bon au coeur.
Revenez sur vos pas, si vous voulez , Lecteur ,
Au lieu de mon membre
troisiéme ,
Apportez-y le dernier ,
Puis effacez le
septième ,'
C'est un titre
commun pour un objet qu'on aime,
Je ne voudrois rien oublier ,
Si vous vouliez me le
permettre' ;
De
nouveau , de
mon
corps
Effacez la seconde lettre ,
Vous faites un
Religieux ;
entier ,
Ce n'est le tout encor ,
excusez , je vous prie ;
Deux lettres moins , se
presente à vos yeux
Un mot qui risqua d'être vieux ,
Par Arrêt de
l'Académie.
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