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1
p. 184-216
Tout ce qui s'et passé en Catalogne depuis l'ouverture de la Campagne, avec les Noms des Morts & des Blessez, & de ceux qui se sont signalez dans la derniere Défaite des Ennemis. [titre d'après la table]
Début :
Les Espagnols avoient formé le dessein d'une grande diversion de [...]
Mots clefs :
Ennemis, Espagnols, Pays, Catalogne, Valence, Duc de Navailles, Bataillons, Canon, Régiment, Marche, Hauteur, Royaume, Combat, Troupes, Cavalerie, Morts, Bagages, Blessés, Capitaines, Tués
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texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'et passé en Catalogne depuis l'ouverture de la Campagne, avec les Noms des Morts & des Blessez, & de ceux qui se sont signalez dans la derniere Défaite des Ennemis. [titre d'après la table]
Les Eſpagnols avoient formé le deffein d'une grande diver- ſion de ce coſté-là ,&cela par politique. CePaïs eſt plus pres d'eux , & les avantages qu'ils ſe tenoient affurez d'y rem- porter, devoient faire une plus forte impreffion fur l'eſprit des Peuples. Ils firent des levées
GALANT. 129
&د
dans toutes leurs Provinces ,
auſquelles ils donnent le nom de Royaumes , & choiſirent le Comte de Monterey pour Viceroy de Catalogne pourGeneral de cette Armée.
Il eſt adroit , vigilant, &d'une exactitude merveilleuſe àfaire
bien ſervir ſon Prince. Ces
grandes levées eſtant faites , &
la plupart des Nobles ayant joint l'Armée , partie comme Volontaires , partie comme Officiers , la Cour d'Eſpagne en eſpera tout , & fe fortifia encor plus dans le deſſein de de faire quelque entrepriſe conſidérable fur les François en Catalogne , pour faire oublier au Peuple de Madrid les Conquestes du Roy en Flan- dre. Ainfi le Comte de Monterey reçeut ordre de partir en
130 LE MERCURE pofte de Sarragofſe où il eſtoit,
d'aller à Barcelone , d'y arrê- ter fix Vaiſſeaux chargez de Troupes pour la Sicile , &de les faire ſervir en Catalogne.
Douze cens Fantaſſins levez
dans le Royaume de Grenade ,
arriverent en mefme temps à
Barcelone.Le Mestre de Camp
de Valence luy mena deux mille Hommes un peu apres;
&d'autres levées faites dans le
meſme Royaume &dansl'Andaloufie , les joignirent pref- que auffitoft . Le Comte de Monterey eſtant arrivé dans l'Armée qu'ildevoit comman- der , Monfieur le Marefchal
Duc de Navailles &luy s'en- voyerent faire de grandes ci- vilitez , & fe firent dire qu'ils ſe verroient. Ce Comte voufut paroiſtre le plus civil. Il fit
GALANT. 131
- avancer ſes Troupes , & mar- cha du coſté de Saint Pierre
Peſcador , où Monfieurde Navailles eſtoit poſté. Ce Duc eſtant bien aiſe de ſuy épar- gner la moitié du chemin , en- voya huit cens Chevaux pour reconnoiſtre les Ennemis , &
ces huit cens Chevaux enleverent leur grande Garde.
Deux jours apres , le Comte deMontereyvoulant paſſer un Défilé à la veuë de noſtre Armée , Monfieur de Navailles
le fit charger , &le contraignit deſe retirer en deſordre apres
une Efcarmouche de trois
2
heures , où les Eſpagnols per- dirent beaucoup de monde.
Quelque temps aprés , Mon- fieur le Duc de Navailles
ayant eu avis que le Comte de Monterey avoit comman
132 LE MERCVRE
de huit cens Miquelets avec un Détachement de Cavalerie , pour nous ofter la com- munication avec le Lampour- dan , il envoya quelques trou- pes ſous Mº de la Rablie- re , Marefchal de Camp , qui les défit. On tua les deux
Commandans, & on prit deux autres Officiers. Voilà toute la
Campagne en peu de mots juſqu'au jour delagrandeDé- faite des Ennemis dont vous
avez entendu parler , & que je vay vous apprendre , avec des particularitez que vous n'avez aſſurément point veuës enſemble. Vous treblez peut- eftre déja que je ne vous aille faire une longue Relation, que
je ne vous accable d'une infi nité de termes de Guerre , &
que je ne vous nomme tous
GALANT. 133 les Villages par où l'on a paſſé,
&tous les poſtes qu'on a oc- cupez. Rafſurez-vous , Madame , je ne vous parleray de la Guerrequed'une maniere qui n'aura rien d'ennuyeux pour vous , & qui fera tres- intelli- gible aux Dames à qui vous faites partde mes Lettres.C'eſt pour elles particulierement que j'écris , & je ne feray ce Recit que comme vousle fe- ON
riez vous-mefme. S'il n'a pas le tour aifé & naturel que vous luy donneriez , il aura du moins le charme de la brié
veté. Fiez - vous en moy , je vous prie , & hazardez - vous fur ma parole à lire ce que je vous envoye. Nous étionsen- trez en Catalogne malgré les grandes forces que les Enne- mis y avoient ; nous avions
134 LE MERCVRE
د
fait chez eux tous les dégaſts imaginables , confommé leurs Fourages , enlevé leurs Bef- tiaux & donné en meſme
temps aux Noftres le moyen de faire paiſiblement leur ré- colte dans le Rouffillon ; mais
nous n'avions pû entrer dans le Païs Ennemy , que par des paſſages étroits qui font entre les Montagnes , & queles Ef- pagnols pouvoient aiſement occuper pour nous empeſcher le retour. En effet ils s'étoient
déja ſaiſis de quelques-uns en intention de nous attaquer.
Nos Troupes leur cedoient en nombre. Il eſtoit queſtion de fortir des Montsoù nous nous
eftions engagez, & ce fut dans cette difficulté qu'éclata la prudence & la conduite de
Monfieurle Ducde Navailles.
Il
GALANT. 135 Il envoya ſes ordres à M le Chevalier d'Aubeterre , Gouverneur de Collioure,&Lieu
tenant Generaldes Arméesdu
Roy, de ſe rendre maître d'un Paſſage appellé le Col de Ba- gnols, qu'il ſçavoit qu'on avoit deſſein de luy fermer. M le Chevalier d'Aubeterre partie environ àminuit , avec undé
tachement de ſa Garniſon &
- des Milices du Païs. Il trouva
queles Ennemis avoient occu- -pé des Hauteurs &des Ro- chers eſcarpez. Il les en chaf- ſa avec une vigueur incroya- ble, &fit fuïrdeux Bataillons
qui venoient à leur ſecours.
Le chemin eſtantouvert,MonſieurdeNavailles commença à
faire marcher dés ce jour-là.
Les Ennemis vinrent camper àla portée de noſtre Canon;
D
S
S
Tome VI. M
1
136 LE MERCURE il y eut quelques eſcarmou- ches, &on les recommença le lendemain. Les Eſpagnols en Bataille voulurent gagner une Montagne fort haute, mais on les en empefcha. Cétobſtacle rompit leurs meſures , & nous occupâmes une Hauteur qui nous ofta tout lieu de rien
craindre d'eux. On demeura
trois jours en preſence,&pen- dant tout ce temps on ne fit que des eſcarmouches. On chargea trois EſcadronsEnne-- mis qui avoient paſſé une Ri- viere, &qui estoient foûtenus de ſept Regimens d'Infante- rie. L'avantage nous demeura,
avec perte pour les Eſpagnols de plus de ſept cens Hommes,
qui furent ou tuez ,
prifonniers , ou mis hors de
ou faits
combat. Nôtre General n'ayat
GALANT. 137
ان
S
و
plus rien à faire dans le Païs ,
fongea à s'en retirer , & fit marcher les premiers Bagages.
Cette marche fut dérobée à la
connoiſſance des Ennemis
auffi-bien que celle de toute l'Armée qui commença à dé- filer àminuit.Lors que le Com- te de Monterey en fut averty,
cette nouvelle le mit au deſefpoir , & il marcha avec tant de précipitation , qu'il joignit noſtre Arrieregarde. Monfieur de Navailles avec une adreffe
& une prudence admirable ,
trouva moyen de faire avan- cer encor noftre Armée ce
qui fit perdre haleine aux En- nemis qui nous pourſuivoient.
Les Eſpagnols ayans plus de
,
Troupes eftant compoſées de
S Troupes que nous ,
& ces
1
toute la Nobleſſe de leurs
Mij
138 LE MERCURE Royaumes, ſe répondoient tel- lementde la Victoire,que dans l'impatience de combattre, ils vinrentenfin àboutd'attacher
l'eſcarmouche , ce qu'ils firent avec une impétuoſité qui ſe peut àpeine concevoir. Ils oc- cuperent des Hauteurs; mais les Noſtres aprés les en avoir chaſſez en gagnerent d'autres,
& conferverent fi bien cét
avantage pendattoute la jour- née, qu'ils donnerentlieu aux Bagages d'avancer beaucoup,
&de ſe mettre en ſeureté. M
de Navailles ne craignant plus rien , & ayant fait voir au Comte de Monterey qu'il en fçavoit plus que luy , mit ſon Armée en bataille dans le lieu
qu'il jugea le plus avantageux,
&fit pofter fon Canonde for- te qu'il fut tres-bien fervy , &
GALANT. 139
1
1
incommoda fort les Ennemis.
Noftre General voulut encor
gagnerune Hauteur, &ce qui paroift incroyable , nos Trou- pes qui devoient eſtre fati- guées de tant de mouvemens,
ypaſſerent avec diligence &
fans aucune confufion , parun effet des ordres que Monfieur ☐ de Navailles donnoit avecune application & une prefence d'eſpritqui n'avoient rien d'égal que fon courage. Il animoit tous les Officiers à bien faire ;
& les Soldats encouragez par fon exemple &parſes paroles,
réſolurentde périr plûtoſt que d'abandoner ce dernierPofte.
Les Ennemis vinrent aufſi- toft
ànous en tres-bon ordre , &
le Combat s'engagea. On tira pendant trois heuresde la ſeu le longueur de deux Piques ,
Miij
140 LE MERCURE Bataillons contre Bataillons , la
Cavalerie de part & d'autre eſtant derriere l'Infanterie..
Nos Troupes ne firent aucun méchant mouvement , & on ne les pût obliger à reculer d'un ſeul pas. La Cavalerie quenous avionsſur l'aifle gau- che fit des merveilles : Elle
monta fur une Hauteur pref- que inacceffible , & en chaffa lesEnnemis. Celle de ladroite alla pluſieurs fois à la char- ge , & en tua grand nom.
bre. L'Occafion dura cinq heures & demie , &fe termina avec beaucoup de gloire pour le Roy. Les Eſpagnolsy
ont perdu plus de deux mille Hommes. On leur a entierement défait les Regimensd'Ar--
ragon, de Medina Sidonia , &
deMonteleone. TouslesOffi-
GALANT.: 141 ciers de ces trois Regimens ont eſté tuez , bleffez , ou faits
prifonniers. On a fort mal trai- té ceux de Grenade & de la
Cofte , & il y a eu un tres- grand nombre de prifonniers,
entre leſquels ſont plufieurs Perſonnes de qualité , dont quelques-uns, comme le Com- te de la Fuente, le Vicomte de S.George,& le Colonel Heffe,
✓ font morts de leurs bleſſures..
Cette Action eſt d'autant plus
glorieuſe, qu'on a batu les Ennemisdans leur Païs, quoyque plus forts, qu'ony eft demeuré maître du Champ de Bataille,
qu'on leur a pris des Dra peaux ,&tout cela en ſe reti rant ; ce qui eſt une circon - ſtance remarquable : car les
Retraites font ordinairement
- dangereuses , & on y est rar
142 LE MERCURE
rement attaqué qu'on ne ſoit batu. Les Eſpagnols n'ont rien entrepris depuis ce temps-là ,
& voilà à quoy ont abouty tous ces grands Armemens, &
toutes ces Levées, qui avoient épuiſé leurs RoyaumesdeGre- nade &d'Andaloufie. Jevous
ay tenu parole , Madame. Ce Récit n'eſt embaraſſe d'aucuns'
Noms de Paſſages,&je ne l'ay pas meſme voulu charger de ceux de nos Officiers qui ſe font fait remarquer , afin de vous en laiſſer plus aiſement fuivre le fil . Cela ne me doit
pas empeſcher de leur rendre preſentement juſtice; & pour faire honneur aux Etrangers ,
je vous diray d'abord que les Suiffes & les Allemands ne
donnerent quartier à perſon- ne , fur ce qu'un Trompette
GALANT. 143 des Ennemis vint declarer -qu'ils n'en feroient point aux Etrangers. Si les François euf- ſent ſuivy cet exemple , il ne ſeroit guere demeuré d'Eſpa- gnols.
Les Regimens de Sault, de Furſtemberg , de Navailles ,
d'Erlac , de Gaſſion , de la Rabliere , de Lanſon , de Lebret ,
&de Villeneuve , ſe ſont dif
tinguez , aufli bien que les Dragons., que rien n'a efte ca- pable d'ébranler. Jamais onn'a fi genéralement bien faitdans aucun Combat. Onn'a pas re- marqué un feul Soldat qui ait reculé,&on ne ſçait qui loüer,
particulierement des Officiers,
parce qu'ils meritent tous d'égales loüanges.
*
Monfieur le Mareſchal Duc
de Navailles diviſa ſes Trou-
144 LE MERCURE
pes enpluſieurs Corps,&quoy qu'il fuſt par tout, il ne laiſſa pas de ſe mettre à la teſte d'un de
ces Corps qu'il avoit fi judi- cieuſement diviſez. Mr de la
Rabliere Mareſchal de Camp,
eſtoit à la teſte d'un autre , &
monta fur une Hauteur où il
batit les Ennemis. Mrde Gafſion Lieutenant General , pаreillementàla teſte d'un Corps,
occupa une autre Hauteur ; &
Mr Chevreau Brigadier deCa- valerie , ſe ſignala à la teſte du quatrième Corps. Mr du Sauf- fay donna beaucoup de mar- *ques de cœur & de conduite
en cette occaſion; il commandoit la Cavalerie. M² le Marquis d'Apremont Mareſchalde Camp, y fit des merveilles. II eſtoit par tout. Ce fut luy qui foûtint les premiers efforts des
GALANT. 145
Ennemis , & qui commença à
leur faire connoiſtre qu'ils s'é- toient trompez quand ils s'é- toient voulu répondre ſi fortement de la Victoire. La con- duite des Bagages fut donnée à Mr d'Urban Brigadier d'In- fanterie. Il les mit en ſeûreté,
&revint en ſuite prendre part à la gloire de cette fameuſe journée. M' le Marquis de Villeneuve , Colonel de Cavalerie , après avoir foûtenu les efforts des Ennemis , les chargea vigoureuſement. M le Che- valier de Ganges fit des choſes
ſurprenantes , & forma des Eſcadrons , malgré tout le feu des Ennemis. Mr le Marquis
de Navailles ſervit de Briga- dier en la place de M de S. André , qui avoit eſté envoyé
depuis deux jours à Bellegarde.
146 LE MERCURE 1
Ce Marquis agit avec autant de prudence que de courage.
Il mena les Bataillons à la
Charge , & fe montradigne du Sang dont il fort. M. des
Fontaines Lieutenant d'Artillerie , fit tout ce qu'on pou- voit attendre de luy. Son Ca- non fut bien ſervy, & fi à pro- pos , que les Ennemis en fou- frirent beaucoup. Toutes les Relations parlent fi avanta- geufement de Meſſieurs de la
Rabliere & deGaffion , qu'on ne leur peut donner trop de loüanges, non--plus qu'àMon- fieur le Chevalier d'Aubeterre , qui ayant apporté une vi- gilance incroyable à ſe faifir du Col de Bagnols avant le Combat, montra une vigueur extraordinaire à chaffer les
Ennemis qui avoient occupé les
GALANT. 147
les Hauteurs des environs de
ce Paſſage, quoy qu'ils fuſſent beaucoup mieux poftez & en plus grand nombre. Monfieur de Raiſon , Capitaine au Regi- ment de Sault ,& un petit Corps de Suiffes , executerent
tres-bien ſes ordres, Monfieur
le Camus deBeaulicu , Intendant General de tout le Païs,
donna les ſiens fort à propos.
Il avoit receu une Lettre en
chifre de Monfieur le Duc de
Navailles pour faire marcher toute la Milice du Païs avec
M' le Chevalier d'Aubeterre,
& pour tenir preſtes les Munir)
tions de guerre & de bouche,
& il prit ſoin de tout avecune diligence & une ponctualité qui nepeuvent etre allezoſti mées. Il chargea Monfieur He ron, Commiſſaire ordinaire des
Tome VI. N
148 LE MERCVRE Guerres , & des Convois tant
par terre que par Mer, de l'e- xecution'de beaucoup de cho- ſes dont il s'acquita tres-fide- lement. Il ne me reſte plus qu'à vous dire les noms des Morts&des Bleſſez , tant d'actions vigoureuſes n'ayant pû fe faire ſans qu'il nous en ait couſté quelque choſe.
Capitaines tuez.
M.Choueraſqui, м. le Chevalier du Cros, M.Duran.
Capitaines bleſſez.
Mrs Praflon , Davénes, Bardonanche, Maurniay, De Tu- bas , Revellas , Tronc , Romp,
Geſſeret,Bandron,Quantagril,
Guaſque, Saint Géniez , La- barte, Sainte-Coulombe, Lan- glade, Barriere, Brouffan,Cha- tonville Vulaine M. le Marquis deVilleneu
GALANT. 149
ve Colonel de Cavalerie , &
M.de Conflans Major du Re- gimentde laRabliere, ont auffi efté bleſſez .
a
Je ne vous parle point des Eſpagnols morts oubleſſez. Ce font noms qui vous font en tierement inconnus , &d'ailleurs le nombre eneſt ſi grand,
qu'ils ne pourroient que vous ennuyer. Le ComtedeMonterey envoyé demander le Corps du Comtede la Fuente par un Trompete , & dire à
Monfieur de Navailles qu'il avoit eſté plus heureux que luy. Ce Trompete le pria en meſme temps de ſa part d'a- voir ſoin de la Nobleſſe d'ef
pagne qu'il avoit entre ſes mains.
GALANT. 129
&د
dans toutes leurs Provinces ,
auſquelles ils donnent le nom de Royaumes , & choiſirent le Comte de Monterey pour Viceroy de Catalogne pourGeneral de cette Armée.
Il eſt adroit , vigilant, &d'une exactitude merveilleuſe àfaire
bien ſervir ſon Prince. Ces
grandes levées eſtant faites , &
la plupart des Nobles ayant joint l'Armée , partie comme Volontaires , partie comme Officiers , la Cour d'Eſpagne en eſpera tout , & fe fortifia encor plus dans le deſſein de de faire quelque entrepriſe conſidérable fur les François en Catalogne , pour faire oublier au Peuple de Madrid les Conquestes du Roy en Flan- dre. Ainfi le Comte de Monterey reçeut ordre de partir en
130 LE MERCURE pofte de Sarragofſe où il eſtoit,
d'aller à Barcelone , d'y arrê- ter fix Vaiſſeaux chargez de Troupes pour la Sicile , &de les faire ſervir en Catalogne.
Douze cens Fantaſſins levez
dans le Royaume de Grenade ,
arriverent en mefme temps à
Barcelone.Le Mestre de Camp
de Valence luy mena deux mille Hommes un peu apres;
&d'autres levées faites dans le
meſme Royaume &dansl'Andaloufie , les joignirent pref- que auffitoft . Le Comte de Monterey eſtant arrivé dans l'Armée qu'ildevoit comman- der , Monfieur le Marefchal
Duc de Navailles &luy s'en- voyerent faire de grandes ci- vilitez , & fe firent dire qu'ils ſe verroient. Ce Comte voufut paroiſtre le plus civil. Il fit
GALANT. 131
- avancer ſes Troupes , & mar- cha du coſté de Saint Pierre
Peſcador , où Monfieurde Navailles eſtoit poſté. Ce Duc eſtant bien aiſe de ſuy épar- gner la moitié du chemin , en- voya huit cens Chevaux pour reconnoiſtre les Ennemis , &
ces huit cens Chevaux enleverent leur grande Garde.
Deux jours apres , le Comte deMontereyvoulant paſſer un Défilé à la veuë de noſtre Armée , Monfieur de Navailles
le fit charger , &le contraignit deſe retirer en deſordre apres
une Efcarmouche de trois
2
heures , où les Eſpagnols per- dirent beaucoup de monde.
Quelque temps aprés , Mon- fieur le Duc de Navailles
ayant eu avis que le Comte de Monterey avoit comman
132 LE MERCVRE
de huit cens Miquelets avec un Détachement de Cavalerie , pour nous ofter la com- munication avec le Lampour- dan , il envoya quelques trou- pes ſous Mº de la Rablie- re , Marefchal de Camp , qui les défit. On tua les deux
Commandans, & on prit deux autres Officiers. Voilà toute la
Campagne en peu de mots juſqu'au jour delagrandeDé- faite des Ennemis dont vous
avez entendu parler , & que je vay vous apprendre , avec des particularitez que vous n'avez aſſurément point veuës enſemble. Vous treblez peut- eftre déja que je ne vous aille faire une longue Relation, que
je ne vous accable d'une infi nité de termes de Guerre , &
que je ne vous nomme tous
GALANT. 133 les Villages par où l'on a paſſé,
&tous les poſtes qu'on a oc- cupez. Rafſurez-vous , Madame , je ne vous parleray de la Guerrequed'une maniere qui n'aura rien d'ennuyeux pour vous , & qui fera tres- intelli- gible aux Dames à qui vous faites partde mes Lettres.C'eſt pour elles particulierement que j'écris , & je ne feray ce Recit que comme vousle fe- ON
riez vous-mefme. S'il n'a pas le tour aifé & naturel que vous luy donneriez , il aura du moins le charme de la brié
veté. Fiez - vous en moy , je vous prie , & hazardez - vous fur ma parole à lire ce que je vous envoye. Nous étionsen- trez en Catalogne malgré les grandes forces que les Enne- mis y avoient ; nous avions
134 LE MERCVRE
د
fait chez eux tous les dégaſts imaginables , confommé leurs Fourages , enlevé leurs Bef- tiaux & donné en meſme
temps aux Noftres le moyen de faire paiſiblement leur ré- colte dans le Rouffillon ; mais
nous n'avions pû entrer dans le Païs Ennemy , que par des paſſages étroits qui font entre les Montagnes , & queles Ef- pagnols pouvoient aiſement occuper pour nous empeſcher le retour. En effet ils s'étoient
déja ſaiſis de quelques-uns en intention de nous attaquer.
Nos Troupes leur cedoient en nombre. Il eſtoit queſtion de fortir des Montsoù nous nous
eftions engagez, & ce fut dans cette difficulté qu'éclata la prudence & la conduite de
Monfieurle Ducde Navailles.
Il
GALANT. 135 Il envoya ſes ordres à M le Chevalier d'Aubeterre , Gouverneur de Collioure,&Lieu
tenant Generaldes Arméesdu
Roy, de ſe rendre maître d'un Paſſage appellé le Col de Ba- gnols, qu'il ſçavoit qu'on avoit deſſein de luy fermer. M le Chevalier d'Aubeterre partie environ àminuit , avec undé
tachement de ſa Garniſon &
- des Milices du Païs. Il trouva
queles Ennemis avoient occu- -pé des Hauteurs &des Ro- chers eſcarpez. Il les en chaf- ſa avec une vigueur incroya- ble, &fit fuïrdeux Bataillons
qui venoient à leur ſecours.
Le chemin eſtantouvert,MonſieurdeNavailles commença à
faire marcher dés ce jour-là.
Les Ennemis vinrent camper àla portée de noſtre Canon;
D
S
S
Tome VI. M
1
136 LE MERCURE il y eut quelques eſcarmou- ches, &on les recommença le lendemain. Les Eſpagnols en Bataille voulurent gagner une Montagne fort haute, mais on les en empefcha. Cétobſtacle rompit leurs meſures , & nous occupâmes une Hauteur qui nous ofta tout lieu de rien
craindre d'eux. On demeura
trois jours en preſence,&pen- dant tout ce temps on ne fit que des eſcarmouches. On chargea trois EſcadronsEnne-- mis qui avoient paſſé une Ri- viere, &qui estoient foûtenus de ſept Regimens d'Infante- rie. L'avantage nous demeura,
avec perte pour les Eſpagnols de plus de ſept cens Hommes,
qui furent ou tuez ,
prifonniers , ou mis hors de
ou faits
combat. Nôtre General n'ayat
GALANT. 137
ان
S
و
plus rien à faire dans le Païs ,
fongea à s'en retirer , & fit marcher les premiers Bagages.
Cette marche fut dérobée à la
connoiſſance des Ennemis
auffi-bien que celle de toute l'Armée qui commença à dé- filer àminuit.Lors que le Com- te de Monterey en fut averty,
cette nouvelle le mit au deſefpoir , & il marcha avec tant de précipitation , qu'il joignit noſtre Arrieregarde. Monfieur de Navailles avec une adreffe
& une prudence admirable ,
trouva moyen de faire avan- cer encor noftre Armée ce
qui fit perdre haleine aux En- nemis qui nous pourſuivoient.
Les Eſpagnols ayans plus de
,
Troupes eftant compoſées de
S Troupes que nous ,
& ces
1
toute la Nobleſſe de leurs
Mij
138 LE MERCURE Royaumes, ſe répondoient tel- lementde la Victoire,que dans l'impatience de combattre, ils vinrentenfin àboutd'attacher
l'eſcarmouche , ce qu'ils firent avec une impétuoſité qui ſe peut àpeine concevoir. Ils oc- cuperent des Hauteurs; mais les Noſtres aprés les en avoir chaſſez en gagnerent d'autres,
& conferverent fi bien cét
avantage pendattoute la jour- née, qu'ils donnerentlieu aux Bagages d'avancer beaucoup,
&de ſe mettre en ſeureté. M
de Navailles ne craignant plus rien , & ayant fait voir au Comte de Monterey qu'il en fçavoit plus que luy , mit ſon Armée en bataille dans le lieu
qu'il jugea le plus avantageux,
&fit pofter fon Canonde for- te qu'il fut tres-bien fervy , &
GALANT. 139
1
1
incommoda fort les Ennemis.
Noftre General voulut encor
gagnerune Hauteur, &ce qui paroift incroyable , nos Trou- pes qui devoient eſtre fati- guées de tant de mouvemens,
ypaſſerent avec diligence &
fans aucune confufion , parun effet des ordres que Monfieur ☐ de Navailles donnoit avecune application & une prefence d'eſpritqui n'avoient rien d'égal que fon courage. Il animoit tous les Officiers à bien faire ;
& les Soldats encouragez par fon exemple &parſes paroles,
réſolurentde périr plûtoſt que d'abandoner ce dernierPofte.
Les Ennemis vinrent aufſi- toft
ànous en tres-bon ordre , &
le Combat s'engagea. On tira pendant trois heuresde la ſeu le longueur de deux Piques ,
Miij
140 LE MERCURE Bataillons contre Bataillons , la
Cavalerie de part & d'autre eſtant derriere l'Infanterie..
Nos Troupes ne firent aucun méchant mouvement , & on ne les pût obliger à reculer d'un ſeul pas. La Cavalerie quenous avionsſur l'aifle gau- che fit des merveilles : Elle
monta fur une Hauteur pref- que inacceffible , & en chaffa lesEnnemis. Celle de ladroite alla pluſieurs fois à la char- ge , & en tua grand nom.
bre. L'Occafion dura cinq heures & demie , &fe termina avec beaucoup de gloire pour le Roy. Les Eſpagnolsy
ont perdu plus de deux mille Hommes. On leur a entierement défait les Regimensd'Ar--
ragon, de Medina Sidonia , &
deMonteleone. TouslesOffi-
GALANT.: 141 ciers de ces trois Regimens ont eſté tuez , bleffez , ou faits
prifonniers. On a fort mal trai- té ceux de Grenade & de la
Cofte , & il y a eu un tres- grand nombre de prifonniers,
entre leſquels ſont plufieurs Perſonnes de qualité , dont quelques-uns, comme le Com- te de la Fuente, le Vicomte de S.George,& le Colonel Heffe,
✓ font morts de leurs bleſſures..
Cette Action eſt d'autant plus
glorieuſe, qu'on a batu les Ennemisdans leur Païs, quoyque plus forts, qu'ony eft demeuré maître du Champ de Bataille,
qu'on leur a pris des Dra peaux ,&tout cela en ſe reti rant ; ce qui eſt une circon - ſtance remarquable : car les
Retraites font ordinairement
- dangereuses , & on y est rar
142 LE MERCURE
rement attaqué qu'on ne ſoit batu. Les Eſpagnols n'ont rien entrepris depuis ce temps-là ,
& voilà à quoy ont abouty tous ces grands Armemens, &
toutes ces Levées, qui avoient épuiſé leurs RoyaumesdeGre- nade &d'Andaloufie. Jevous
ay tenu parole , Madame. Ce Récit n'eſt embaraſſe d'aucuns'
Noms de Paſſages,&je ne l'ay pas meſme voulu charger de ceux de nos Officiers qui ſe font fait remarquer , afin de vous en laiſſer plus aiſement fuivre le fil . Cela ne me doit
pas empeſcher de leur rendre preſentement juſtice; & pour faire honneur aux Etrangers ,
je vous diray d'abord que les Suiffes & les Allemands ne
donnerent quartier à perſon- ne , fur ce qu'un Trompette
GALANT. 143 des Ennemis vint declarer -qu'ils n'en feroient point aux Etrangers. Si les François euf- ſent ſuivy cet exemple , il ne ſeroit guere demeuré d'Eſpa- gnols.
Les Regimens de Sault, de Furſtemberg , de Navailles ,
d'Erlac , de Gaſſion , de la Rabliere , de Lanſon , de Lebret ,
&de Villeneuve , ſe ſont dif
tinguez , aufli bien que les Dragons., que rien n'a efte ca- pable d'ébranler. Jamais onn'a fi genéralement bien faitdans aucun Combat. Onn'a pas re- marqué un feul Soldat qui ait reculé,&on ne ſçait qui loüer,
particulierement des Officiers,
parce qu'ils meritent tous d'égales loüanges.
*
Monfieur le Mareſchal Duc
de Navailles diviſa ſes Trou-
144 LE MERCURE
pes enpluſieurs Corps,&quoy qu'il fuſt par tout, il ne laiſſa pas de ſe mettre à la teſte d'un de
ces Corps qu'il avoit fi judi- cieuſement diviſez. Mr de la
Rabliere Mareſchal de Camp,
eſtoit à la teſte d'un autre , &
monta fur une Hauteur où il
batit les Ennemis. Mrde Gafſion Lieutenant General , pаreillementàla teſte d'un Corps,
occupa une autre Hauteur ; &
Mr Chevreau Brigadier deCa- valerie , ſe ſignala à la teſte du quatrième Corps. Mr du Sauf- fay donna beaucoup de mar- *ques de cœur & de conduite
en cette occaſion; il commandoit la Cavalerie. M² le Marquis d'Apremont Mareſchalde Camp, y fit des merveilles. II eſtoit par tout. Ce fut luy qui foûtint les premiers efforts des
GALANT. 145
Ennemis , & qui commença à
leur faire connoiſtre qu'ils s'é- toient trompez quand ils s'é- toient voulu répondre ſi fortement de la Victoire. La con- duite des Bagages fut donnée à Mr d'Urban Brigadier d'In- fanterie. Il les mit en ſeûreté,
&revint en ſuite prendre part à la gloire de cette fameuſe journée. M' le Marquis de Villeneuve , Colonel de Cavalerie , après avoir foûtenu les efforts des Ennemis , les chargea vigoureuſement. M le Che- valier de Ganges fit des choſes
ſurprenantes , & forma des Eſcadrons , malgré tout le feu des Ennemis. Mr le Marquis
de Navailles ſervit de Briga- dier en la place de M de S. André , qui avoit eſté envoyé
depuis deux jours à Bellegarde.
146 LE MERCURE 1
Ce Marquis agit avec autant de prudence que de courage.
Il mena les Bataillons à la
Charge , & fe montradigne du Sang dont il fort. M. des
Fontaines Lieutenant d'Artillerie , fit tout ce qu'on pou- voit attendre de luy. Son Ca- non fut bien ſervy, & fi à pro- pos , que les Ennemis en fou- frirent beaucoup. Toutes les Relations parlent fi avanta- geufement de Meſſieurs de la
Rabliere & deGaffion , qu'on ne leur peut donner trop de loüanges, non--plus qu'àMon- fieur le Chevalier d'Aubeterre , qui ayant apporté une vi- gilance incroyable à ſe faifir du Col de Bagnols avant le Combat, montra une vigueur extraordinaire à chaffer les
Ennemis qui avoient occupé les
GALANT. 147
les Hauteurs des environs de
ce Paſſage, quoy qu'ils fuſſent beaucoup mieux poftez & en plus grand nombre. Monfieur de Raiſon , Capitaine au Regi- ment de Sault ,& un petit Corps de Suiffes , executerent
tres-bien ſes ordres, Monfieur
le Camus deBeaulicu , Intendant General de tout le Païs,
donna les ſiens fort à propos.
Il avoit receu une Lettre en
chifre de Monfieur le Duc de
Navailles pour faire marcher toute la Milice du Païs avec
M' le Chevalier d'Aubeterre,
& pour tenir preſtes les Munir)
tions de guerre & de bouche,
& il prit ſoin de tout avecune diligence & une ponctualité qui nepeuvent etre allezoſti mées. Il chargea Monfieur He ron, Commiſſaire ordinaire des
Tome VI. N
148 LE MERCVRE Guerres , & des Convois tant
par terre que par Mer, de l'e- xecution'de beaucoup de cho- ſes dont il s'acquita tres-fide- lement. Il ne me reſte plus qu'à vous dire les noms des Morts&des Bleſſez , tant d'actions vigoureuſes n'ayant pû fe faire ſans qu'il nous en ait couſté quelque choſe.
Capitaines tuez.
M.Choueraſqui, м. le Chevalier du Cros, M.Duran.
Capitaines bleſſez.
Mrs Praflon , Davénes, Bardonanche, Maurniay, De Tu- bas , Revellas , Tronc , Romp,
Geſſeret,Bandron,Quantagril,
Guaſque, Saint Géniez , La- barte, Sainte-Coulombe, Lan- glade, Barriere, Brouffan,Cha- tonville Vulaine M. le Marquis deVilleneu
GALANT. 149
ve Colonel de Cavalerie , &
M.de Conflans Major du Re- gimentde laRabliere, ont auffi efté bleſſez .
a
Je ne vous parle point des Eſpagnols morts oubleſſez. Ce font noms qui vous font en tierement inconnus , &d'ailleurs le nombre eneſt ſi grand,
qu'ils ne pourroient que vous ennuyer. Le ComtedeMonterey envoyé demander le Corps du Comtede la Fuente par un Trompete , & dire à
Monfieur de Navailles qu'il avoit eſté plus heureux que luy. Ce Trompete le pria en meſme temps de ſa part d'a- voir ſoin de la Nobleſſe d'ef
pagne qu'il avoit entre ſes mains.
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Résumé : Tout ce qui s'et passé en Catalogne depuis l'ouverture de la Campagne, avec les Noms des Morts & des Blessez, & de ceux qui se sont signalez dans la derniere Défaite des Ennemis. [titre d'après la table]
Les Espagnols préparèrent une diversion en Catalogne pour compenser les conquêtes françaises en Flandre. Ils levèrent des troupes dans diverses provinces et nommèrent le Comte de Monterey vice-roi de Catalogne et général de l'armée. Les préparatifs incluaient l'arrivée de vaisseaux chargés de troupes à Barcelone et des renforts de régions comme Grenade et Valence. Le Comte de Monterey reçut l'ordre de se rendre à Barcelone et de préparer des troupes pour la Sicile. Il marcha vers Saint-Pierre-Pescador où le Duc de Navailles était posté. Après une escarmouche, les Espagnols furent contraints de se retirer en désordre. Plus tard, le Duc de Navailles envoya des troupes pour défaire un détachement espagnol près du Lampourdan. Les Français, malgré les forces espagnoles, réussirent à faire des dégâts en Catalogne et à sécuriser les récoltes dans le Roussillon. Cependant, ils étaient limités par des passages étroits entre les montagnes. Le Duc de Navailles envoya le Chevalier d'Aubeterre sécuriser le Col de Bagnols, permettant ainsi aux troupes françaises de progresser. Lors de plusieurs escarmouches, les Espagnols, bien que plus nombreux, furent repoussés. Le Duc de Navailles réussit à retirer ses troupes en sécurité malgré la poursuite des Espagnols. La bataille finale dura cinq heures et demie, se terminant par une victoire française. Les Espagnols perdirent plus de deux mille hommes et plusieurs régiments furent détruits. Les régiments français, notamment ceux de Sault, Furstemberg, et Navailles, se distinguèrent par leur bravoure. Le Duc de Navailles et plusieurs autres officiers reçurent des éloges pour leur conduite et leur courage. Après cette défaite, les Espagnols n'entreprirent plus aucune action militaire significative. Le texte mentionne également les capitaines tués et blessés lors des actions militaires, ainsi que la demande du Comte de Monterey pour le corps du Comte de la Fuente, soulignant la supériorité militaire du Duc de Navailles.
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2
p. 271-279
La Campagne du Prince d'Orange, depuis la Bataille de Cassel. [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay déja tant parlé de Guerre, que je [...]
Mots clefs :
Prince d'Orange, Troupes des Princes d'Allemagne, Siège de Charleroi, Espagnols, Quartiers
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texteReconnaissance textuelle : La Campagne du Prince d'Orange, depuis la Bataille de Cassel. [titre d'après la table]
Je vous ay déja tant parléde Guerre , que je ne vous diray que tres - peu de choſe de la Campagne du Prince d'Oran- ge. Les Troupes des Princes d'Allemagne liguez avec luy ,
paſſent tous les ans fix mois à
fortir de leurs Quartiers d'Hy- ver , à marcher , à s'aſſembler
&employent les autres fix mois
àreprendre leurs Quartiers , &
c'eſt là où elles trouvent des
coups à donner , &le temps de leur veritable Campagne , par- cequ'elles vivent avec tant de diſcipline , qu'il n'y a perſonne qui ne refuſe de les recevoir.
Elles ont fait la meſme choſe
cette année , &elles ont d'autantplus fatigué, qu'ayant pref- quetoûjours marché pourtâter toutes nos Villes de Flandre ,
elles n'enonttrouvéaucune en
GALANT. 149
1
affez méchant état pour leur permettrede s'y repoſer. Ainfi elles arriverent devant Charleroy un peu laffes & encor étourdies d'avoir fi longtemps
tournoyé. Le Siege de cette Place fut formé preſque auſſitoſt. Le Prince d'Orange fit avancer fix mille Chevaux ,
croyant obliger une partie de la Garnison à fortir; mais Monſieur le Comte de Montal plus fin &plus experimenté que luy,
les laiſſa ſe promener, &voulut reſerver ſes Gens pour les rece- voir de meilleure grace. C'é- itoit ſe mal adreſſer. Monfieur
de Montal garde bien ce qu'on
luy confie,&on a lieu d'en étre perfuadé. Il a déja fait lever { deux ou trois Sieges aux Ennemis , & traverſé leur Camp pour ſe jetter dans des Places
Rij
190 LE MERCVRE
qu'ils affiegeoient. Auſſi ſem- bloit-il ne rien ſouhaiter avec
tant de paffion que d'eſtre at- taqué , pour avoir la gloire de ſebiendéfendre.Dansle temps)
que le Prince d'Orange s'ap-,
prochoit de Charleroy , M² le Marquis de Jauvelle qui estoit dans Oudenarde , eut ordre de
s'y jetter avec cent cinquante,
Mouſquetaires de ceux qu'il commande,& une Compagnie deGrenadiers à cheval. Il fit
une diligence fi extraordinai- re , qu'il y arriva en trente heures,fans avoir fait repaître qu'une feule fois.Rien ne ſcau- roit mieux marquer le plaifir que les Moufquetaires ſe fai- foient de s'enfermer dans une
Ville afſiegée. Les Ennemis ne doutent point qu'il ne ſe hâ- taſt-d'y venir , parce qu'ils ſcai
GALANT. 191
a
,
&
voient l'ordre qu'il avoitde ſe tenir preſt d'entrer dans la pre- mierePlacequ'ils afſiegeroient,
crûrent qu'aprés que celle-cy ſeroit inveſtie, ils auroient en- cor le temps de détacher huit cent Chevaux pour aller au devantde luy ; mais ils furent trompez dans ce qu'ils s'é- toient voulu perfuader quand ils envoyerentleurCa- valerie, ils apprirent qu'il étoit entré. Ils ne laifferent pas de ſe montrer refolus à pouffer leur entrepriſe. Ils prirent leurs -Quartiers le 10.de ce mois, ils firent travailler àleurs Lignes,
&le 14. ils décamperent. On ne ſçait que s'imaginer de cet- te Retraite. Si ce Siege n'avoir eſtéqu'une feinte , ils auroient moins avancé leurs Lignes, ou ils auroient entrepris quelque
2
Rij
192 LE MERCVRE
autre Siege dans le meſme
temps ; mais ils n'en ont fait
aucun , &tout ce que nous
ſçavons, c'eſt que fi - toft qu'ils apprirent que nos Troupes s'aſſembloient , ils ſongerent à
décamper , firent partir leur Canon&leurBagage pendant deux jours,& fe retirerent ſans falüer MonfieurdeMontal,qui eſtoit bien intentionné pour les recevoir.
Admirez, Madame, comme
tout eſt preveu , &comme en France on ſe tient preparé à
tout. Apeine eut- on appris le departdeMonfieurleMarquis de Louvois , qu'on ſçeur qu'il eſtoit au milieu d'une Armée
de cinquante mille Hommes;
que les Ordres du Roy qu'il portoit,&qu'il fait fi bien exe- cuter,avoient fait aſſembler fi
4
GALANT. 193 promptement , qu'on euſt dit qu'un coup de Baguete les avoit fait fortir tout-à coup du
feinde laTerre. Les Ennemis
enfurentdéconcertez,&ils ne
le furent pas moins de la fer- meté avec laquelle nos Trou pes allerent àeux fans s'arrêter. Ce fut fans doute ce qui les empefcha de les attendre.. Ils avoient pris fi mal leurs meſures, qu'en commençantle Siege de Charleroy , ils man- quoient de Vivres &de Four- rages. Leurs Convois devoient - venir de Bruxelles , & ils ne
prenoient pas garde queMon- ſieur leBaron de Quincy étoit entr'eux & certe Ville pour leur difputer le pafſage. Ainfi le Prince d'Orange a efté , ou mal averry de nos forces , ou mal affiſté des Conféderez..
194 LE MERCVRE Monfieurde Louvois entra le
15. dansCharleroy avecMon- ſieur le Marefſchal Ducde Luxembourg. La joye que Mon- fieur de Montal eut de les recevoir , fut mêléed'unpeude chagrinde ce qu'il les recevoit fi-toft.Il auroit bienvoulu que le Prince d'Orange luy euſt fait une plus longue vifite ,&
il ſe fâchoit d'autant plusde la promptitude de ſon départ,
qu'il s'eſtoir fort diſpoſe à ne luy laiſſer pas ramener tous ceux qui l'accompagnoient.
On apprit dés qu'il ſe fut retiré , que les Conféderez apprehendoient tellement les François , qu'aucuns, de leurs Officiers Generaux ne voulurent ſouffrir que les Troupes qu'ils commandoient fuffent à
l'Arrieregarde le jour de leur:
1
GALANT. 1931
t
Décampement. Leurs come- ſtations furent ſi grandes fur ce fujet , qu'ils s'en remirent)
an Sort, qui fe declara contre les Eſpagnols.
paſſent tous les ans fix mois à
fortir de leurs Quartiers d'Hy- ver , à marcher , à s'aſſembler
&employent les autres fix mois
àreprendre leurs Quartiers , &
c'eſt là où elles trouvent des
coups à donner , &le temps de leur veritable Campagne , par- cequ'elles vivent avec tant de diſcipline , qu'il n'y a perſonne qui ne refuſe de les recevoir.
Elles ont fait la meſme choſe
cette année , &elles ont d'autantplus fatigué, qu'ayant pref- quetoûjours marché pourtâter toutes nos Villes de Flandre ,
elles n'enonttrouvéaucune en
GALANT. 149
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affez méchant état pour leur permettrede s'y repoſer. Ainfi elles arriverent devant Charleroy un peu laffes & encor étourdies d'avoir fi longtemps
tournoyé. Le Siege de cette Place fut formé preſque auſſitoſt. Le Prince d'Orange fit avancer fix mille Chevaux ,
croyant obliger une partie de la Garnison à fortir; mais Monſieur le Comte de Montal plus fin &plus experimenté que luy,
les laiſſa ſe promener, &voulut reſerver ſes Gens pour les rece- voir de meilleure grace. C'é- itoit ſe mal adreſſer. Monfieur
de Montal garde bien ce qu'on
luy confie,&on a lieu d'en étre perfuadé. Il a déja fait lever { deux ou trois Sieges aux Ennemis , & traverſé leur Camp pour ſe jetter dans des Places
Rij
190 LE MERCVRE
qu'ils affiegeoient. Auſſi ſem- bloit-il ne rien ſouhaiter avec
tant de paffion que d'eſtre at- taqué , pour avoir la gloire de ſebiendéfendre.Dansle temps)
que le Prince d'Orange s'ap-,
prochoit de Charleroy , M² le Marquis de Jauvelle qui estoit dans Oudenarde , eut ordre de
s'y jetter avec cent cinquante,
Mouſquetaires de ceux qu'il commande,& une Compagnie deGrenadiers à cheval. Il fit
une diligence fi extraordinai- re , qu'il y arriva en trente heures,fans avoir fait repaître qu'une feule fois.Rien ne ſcau- roit mieux marquer le plaifir que les Moufquetaires ſe fai- foient de s'enfermer dans une
Ville afſiegée. Les Ennemis ne doutent point qu'il ne ſe hâ- taſt-d'y venir , parce qu'ils ſcai
GALANT. 191
a
,
&
voient l'ordre qu'il avoitde ſe tenir preſt d'entrer dans la pre- mierePlacequ'ils afſiegeroient,
crûrent qu'aprés que celle-cy ſeroit inveſtie, ils auroient en- cor le temps de détacher huit cent Chevaux pour aller au devantde luy ; mais ils furent trompez dans ce qu'ils s'é- toient voulu perfuader quand ils envoyerentleurCa- valerie, ils apprirent qu'il étoit entré. Ils ne laifferent pas de ſe montrer refolus à pouffer leur entrepriſe. Ils prirent leurs -Quartiers le 10.de ce mois, ils firent travailler àleurs Lignes,
&le 14. ils décamperent. On ne ſçait que s'imaginer de cet- te Retraite. Si ce Siege n'avoir eſtéqu'une feinte , ils auroient moins avancé leurs Lignes, ou ils auroient entrepris quelque
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Rij
192 LE MERCVRE
autre Siege dans le meſme
temps ; mais ils n'en ont fait
aucun , &tout ce que nous
ſçavons, c'eſt que fi - toft qu'ils apprirent que nos Troupes s'aſſembloient , ils ſongerent à
décamper , firent partir leur Canon&leurBagage pendant deux jours,& fe retirerent ſans falüer MonfieurdeMontal,qui eſtoit bien intentionné pour les recevoir.
Admirez, Madame, comme
tout eſt preveu , &comme en France on ſe tient preparé à
tout. Apeine eut- on appris le departdeMonfieurleMarquis de Louvois , qu'on ſçeur qu'il eſtoit au milieu d'une Armée
de cinquante mille Hommes;
que les Ordres du Roy qu'il portoit,&qu'il fait fi bien exe- cuter,avoient fait aſſembler fi
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GALANT. 193 promptement , qu'on euſt dit qu'un coup de Baguete les avoit fait fortir tout-à coup du
feinde laTerre. Les Ennemis
enfurentdéconcertez,&ils ne
le furent pas moins de la fer- meté avec laquelle nos Trou pes allerent àeux fans s'arrêter. Ce fut fans doute ce qui les empefcha de les attendre.. Ils avoient pris fi mal leurs meſures, qu'en commençantle Siege de Charleroy , ils man- quoient de Vivres &de Four- rages. Leurs Convois devoient - venir de Bruxelles , & ils ne
prenoient pas garde queMon- ſieur leBaron de Quincy étoit entr'eux & certe Ville pour leur difputer le pafſage. Ainfi le Prince d'Orange a efté , ou mal averry de nos forces , ou mal affiſté des Conféderez..
194 LE MERCVRE Monfieurde Louvois entra le
15. dansCharleroy avecMon- ſieur le Marefſchal Ducde Luxembourg. La joye que Mon- fieur de Montal eut de les recevoir , fut mêléed'unpeude chagrinde ce qu'il les recevoit fi-toft.Il auroit bienvoulu que le Prince d'Orange luy euſt fait une plus longue vifite ,&
il ſe fâchoit d'autant plusde la promptitude de ſon départ,
qu'il s'eſtoir fort diſpoſe à ne luy laiſſer pas ramener tous ceux qui l'accompagnoient.
On apprit dés qu'il ſe fut retiré , que les Conféderez apprehendoient tellement les François , qu'aucuns, de leurs Officiers Generaux ne voulurent ſouffrir que les Troupes qu'ils commandoient fuffent à
l'Arrieregarde le jour de leur:
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GALANT. 1931
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Décampement. Leurs come- ſtations furent ſi grandes fur ce fujet , qu'ils s'en remirent)
an Sort, qui fe declara contre les Eſpagnols.
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Résumé : La Campagne du Prince d'Orange, depuis la Bataille de Cassel. [titre d'après la table]
Le texte relate la campagne du Prince d'Orange en Flandre. Les troupes des princes d'Allemagne, alliées au Prince d'Orange, suivaient un cycle annuel de six mois de marche et de combat, suivis de six mois de repos. En 1702, ces troupes ont tenté de prendre plusieurs villes de Flandre sans succès. Elles ont ensuite assiégé Charleroy. Le Comte de Montal, commandant de la garnison, a refusé de sortir pour les affronter. Le Marquis de Jauvelle a rejoint Charleroy avec des renforts en seulement trente heures, surprenant les ennemis qui croyaient pouvoir intercepter ces renforts. Les assiégeants ont levé le siège et se sont retirés sans combattre. Cette retraite a été facilitée par la rapidité de l'assemblage des troupes françaises, dirigées par le Marquis de Louvois et le Duc de Luxembourg. Les ennemis manquaient de vivres et de fourrages, et leur convoi a été bloqué par le Baron de Quincy. Le Comte de Montal a exprimé son regret de ne pas avoir pu combattre plus longtemps contre le Prince d'Orange. Les Confédérés, craignant les Français, ont refusé de servir à l'arrière-garde lors de leur retraite.
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3
p. 95-104
La Fére. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le jour mesme coucher à la Fére, forte Place [...]
Mots clefs :
La Fère, Ville, Place, Roi, Marcognet, Ambassadeur, Rivière, Saint-Firmin, Espagnols, Vice-sénéchal
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texteReconnaissance textuelle : La Fére. [titre d'après la table]
Ils allerent le jour meſme
coucher à la Fére, forte Place
en Picardie ſur la riviere
d'Oyſe. Elle eſt ſituée dans
un pays fort marécageux , &
96 IV. P. du Voyage
entourée de pluſieurs Baftions
& de bons remparts.
Ils font reveſtus de fortes
murailles de brique, & la riviere
en lave le pied. Elle s'y
diviſe en diverſes branches.
Il y a un Château, & la Ville
eft entre deux grands Fauxbourgs
, qu'on appelle de S.
Firmin & de Noſtre-Dame .
Elle tomba ſous la Domination
des Eſpagnols, fur la fin
du dernier fiecle, par la perfidie
de Colas Vice-Seneſchal
de Montelimar. Le marquis
de maignelay , qui en eſtoit
Gouverneur pour la Ligue,
avoir
des Amb . de Siam. 97
avoit promis au Roy Henry
IV. de rentrer dans ſon devoir
, & lors qu'il eſtoit preſt
de tenir parole , il fut affaffiné
au milieu de la Ville, par
ce Vice-Seneſchal à qui le
Duc deMayenne en donna
le Gouvernement. Ce nouveauGouverneur
s'eſtant mis
enfuite du party des Eſpagnols,
leur livra la Fére, & ils
luy en laiſſerent le Domaine
ſous le titre de Comté. Elle
fut bloquée ſur la fin de 1596.
par l'Armée du Roy. On en
commença le Siege au mois
de Mars de l'année ſuivante,
I
98 IV. P. du Voyage
& elle fut renduë aux Fran
çois dans le mois de May.
Colas qui figna à la Capitulation,
y prit le titre de Com
te de la Fére.
LesAmbaſſadeurs trouve
rent à une lieuë de cette
Ville-là , M de la Fontaine,
Major de la Place , que M
Marcognet qui y commande
, avoit envoyé au devant
d'eux avec cent Chevaux.
La Compagnie de la Jeuneſſe
les attendoit ſous les armes,
hors des Portes de la Ville.
M Marcognet les complimenta
à l'entrée du Fauxdes
Amb. de Siam. 99
bourg de S. Firmin , & leur
dit , qu'il venoit affeurer leurs
Excellences de la joye que luy
donnoit l'honneur qu'il avoit de
les recevoir , & leur dire que
les Peuples de la Fere la partageoient
avec luy. Il ajoûta ,
qu'il avoit ordre du Roy de leur
faire voir la Place, les Fortifi
cations, les Magaſins, l'Arcenal
& tout ce qu'il y a de plus curieux
, enforte qu'ils y
deroient, & qu'il ne feroitqu'obéir.
L'Ambaſſadeur , aprés
avoir répondu à fon compliment
en termes fort obligeans
, le pria particulierecomman
Lij
100 IV. P. du Voyage
ment de leur faire voir les
Fortifications & le Plan de la
Place , & le remercia en baiffant
le corps & les bras hors
de fon Carroffe. Ils trouverent
dans le Fauxbourg les
Troupes de la Garniſon & la
Milice de la Ville , qui bordoit
les rües juſqu'au lieu
préparé pour les loger , &
furent receus au bruit du canon.
M de Saint-Canal, l'un
des Capitaines de la Garnifon
, avoit monté la Garde
avec cinquante Hommes, devant
le logis où ils allerent
deſcendre. Ils furent haran
des Amb . de Siam. 101
guez à la Porte de la Ville
par M le Procureur du Roy,
àla teſte de la Juſtice; &lors
qu'ils furent entrez dans la
Ville , Ms les Magiſtrats les
complimenterent. M l'Evef.
que de Laon, Duc & Pair de
France , ſuivy de tout fon
Chapitre, alla leur rendre vifite
chez eux, en habit de ceremonie.
Les Ambaſſadeurs
de prierent à fouper, ainſi que
M Marcognet. Les Dames
feules les virent manger , &
en receurent beaucoup de civilitez
, de fruits & de confitures.
M² Marcognet ayant
I nj
102 IV . P. du Voyage
demandé l'ordre avant le
Soupé, l'Ambaſſadeur donna
pour mot , Iefuis aux Indes,
diſant qu'il avoit obſervé qu'il
estoit dans une Ville toute environnée
d'eau , & qui avoit
du rapport à celle de Siam. Le
Plan de la Place luy ayant
paru forr beau, il le demanda
avec des manieres fi obligeantes
qu'il euſt eſté difficile
de refuſer de le ſatisfaire.
Le lendemain aumatin
M Marcognet eſtant allé
à fon lever, l'Ambaſſadeur
luy montra le Plan qu'il avoit
fait mettre à la ruelle de fon
des Amb. de Siam:
103
lit avec ſon ſabre, & luy dit
qu'ilfaisoit tant de cas du prefent
qu'il avoit bien voulu luy
en faire , qu'il le mettoit avec
ce qu'il avoit de plus pretieux.
Ils partirent à huit heures du
matin , au bruit du canon,
ainſi qu'ils eſtoient entrez .
La Garnifon & les Bourgeois
eftoient encore ſous les armes
. Ils allerent dîner à
Croucy-le-Chaſteau , où M²
de Launay, qui a eſté Exemt
des Gardes du Corps du Roy,
les falüa . Comme ils avoient
ſceu que c'eſtoit un Homme
qui avoittres-bien ſervi,ils lui
I iiij
104 IV. P. du Voyage
r
firent de grandes honneftetez
, & firent l'honneur à M
de Launay fon Fils, de le retenir
à manger avec eux. Ils
prirent enfuite le chemin de
Soiffons .
coucher à la Fére, forte Place
en Picardie ſur la riviere
d'Oyſe. Elle eſt ſituée dans
un pays fort marécageux , &
96 IV. P. du Voyage
entourée de pluſieurs Baftions
& de bons remparts.
Ils font reveſtus de fortes
murailles de brique, & la riviere
en lave le pied. Elle s'y
diviſe en diverſes branches.
Il y a un Château, & la Ville
eft entre deux grands Fauxbourgs
, qu'on appelle de S.
Firmin & de Noſtre-Dame .
Elle tomba ſous la Domination
des Eſpagnols, fur la fin
du dernier fiecle, par la perfidie
de Colas Vice-Seneſchal
de Montelimar. Le marquis
de maignelay , qui en eſtoit
Gouverneur pour la Ligue,
avoir
des Amb . de Siam. 97
avoit promis au Roy Henry
IV. de rentrer dans ſon devoir
, & lors qu'il eſtoit preſt
de tenir parole , il fut affaffiné
au milieu de la Ville, par
ce Vice-Seneſchal à qui le
Duc deMayenne en donna
le Gouvernement. Ce nouveauGouverneur
s'eſtant mis
enfuite du party des Eſpagnols,
leur livra la Fére, & ils
luy en laiſſerent le Domaine
ſous le titre de Comté. Elle
fut bloquée ſur la fin de 1596.
par l'Armée du Roy. On en
commença le Siege au mois
de Mars de l'année ſuivante,
I
98 IV. P. du Voyage
& elle fut renduë aux Fran
çois dans le mois de May.
Colas qui figna à la Capitulation,
y prit le titre de Com
te de la Fére.
LesAmbaſſadeurs trouve
rent à une lieuë de cette
Ville-là , M de la Fontaine,
Major de la Place , que M
Marcognet qui y commande
, avoit envoyé au devant
d'eux avec cent Chevaux.
La Compagnie de la Jeuneſſe
les attendoit ſous les armes,
hors des Portes de la Ville.
M Marcognet les complimenta
à l'entrée du Fauxdes
Amb. de Siam. 99
bourg de S. Firmin , & leur
dit , qu'il venoit affeurer leurs
Excellences de la joye que luy
donnoit l'honneur qu'il avoit de
les recevoir , & leur dire que
les Peuples de la Fere la partageoient
avec luy. Il ajoûta ,
qu'il avoit ordre du Roy de leur
faire voir la Place, les Fortifi
cations, les Magaſins, l'Arcenal
& tout ce qu'il y a de plus curieux
, enforte qu'ils y
deroient, & qu'il ne feroitqu'obéir.
L'Ambaſſadeur , aprés
avoir répondu à fon compliment
en termes fort obligeans
, le pria particulierecomman
Lij
100 IV. P. du Voyage
ment de leur faire voir les
Fortifications & le Plan de la
Place , & le remercia en baiffant
le corps & les bras hors
de fon Carroffe. Ils trouverent
dans le Fauxbourg les
Troupes de la Garniſon & la
Milice de la Ville , qui bordoit
les rües juſqu'au lieu
préparé pour les loger , &
furent receus au bruit du canon.
M de Saint-Canal, l'un
des Capitaines de la Garnifon
, avoit monté la Garde
avec cinquante Hommes, devant
le logis où ils allerent
deſcendre. Ils furent haran
des Amb . de Siam. 101
guez à la Porte de la Ville
par M le Procureur du Roy,
àla teſte de la Juſtice; &lors
qu'ils furent entrez dans la
Ville , Ms les Magiſtrats les
complimenterent. M l'Evef.
que de Laon, Duc & Pair de
France , ſuivy de tout fon
Chapitre, alla leur rendre vifite
chez eux, en habit de ceremonie.
Les Ambaſſadeurs
de prierent à fouper, ainſi que
M Marcognet. Les Dames
feules les virent manger , &
en receurent beaucoup de civilitez
, de fruits & de confitures.
M² Marcognet ayant
I nj
102 IV . P. du Voyage
demandé l'ordre avant le
Soupé, l'Ambaſſadeur donna
pour mot , Iefuis aux Indes,
diſant qu'il avoit obſervé qu'il
estoit dans une Ville toute environnée
d'eau , & qui avoit
du rapport à celle de Siam. Le
Plan de la Place luy ayant
paru forr beau, il le demanda
avec des manieres fi obligeantes
qu'il euſt eſté difficile
de refuſer de le ſatisfaire.
Le lendemain aumatin
M Marcognet eſtant allé
à fon lever, l'Ambaſſadeur
luy montra le Plan qu'il avoit
fait mettre à la ruelle de fon
des Amb. de Siam:
103
lit avec ſon ſabre, & luy dit
qu'ilfaisoit tant de cas du prefent
qu'il avoit bien voulu luy
en faire , qu'il le mettoit avec
ce qu'il avoit de plus pretieux.
Ils partirent à huit heures du
matin , au bruit du canon,
ainſi qu'ils eſtoient entrez .
La Garnifon & les Bourgeois
eftoient encore ſous les armes
. Ils allerent dîner à
Croucy-le-Chaſteau , où M²
de Launay, qui a eſté Exemt
des Gardes du Corps du Roy,
les falüa . Comme ils avoient
ſceu que c'eſtoit un Homme
qui avoittres-bien ſervi,ils lui
I iiij
104 IV. P. du Voyage
r
firent de grandes honneftetez
, & firent l'honneur à M
de Launay fon Fils, de le retenir
à manger avec eux. Ils
prirent enfuite le chemin de
Soiffons .
Fermer
Résumé : La Fére. [titre d'après la table]
Le texte décrit la ville de La Fère, une forte place en Picardie située sur la rivière d'Oyse, dans une région marécageuse. La ville est entourée de bastions et de remparts, protégée par des murailles de brique, et la rivière se divise en plusieurs branches. La Fère comprend un château et est située entre deux grands faubourgs, Saint-Firmin et Notre-Dame. À la fin du XVIe siècle, La Fère tomba sous la domination des Espagnols après la trahison de Colas, Vice-Seneschal de Montelimar. Le marquis de Maignelay, gouverneur pour la Ligue, avait promis au roi Henri IV de se rallier, mais fut assassiné par Colas, qui livra ensuite la ville aux Espagnols. L'armée du roi bloqua La Fère en fin d'année 1596 et la ville se rendit en mai 1597. Colas obtint le titre de comte de La Fère après la capitulation. Plus tard, les ambassadeurs de Siam furent accueillis à une lieue de La Fère par M. de la Fontaine, Major de la Place, envoyé par M. Marcognet, commandant de la ville. Ils furent reçus par la compagnie de la Jeunesse sous les armes et complimentés par M. Marcognet. Les ambassadeurs visitèrent les fortifications, les magasins et l'arsenal de la ville, accompagnés par les troupes de la garnison et la milice. Ils furent également reçus par les magistrats et l'évêque de Laon, qui leur rendit visite en habit de cérémonie. Les ambassadeurs et M. Marcognet soupèrent ensemble, et les ambassadeurs reçurent de nombreuses civilités. Le lendemain, ils partirent pour Croucy-le-Château, où ils furent reçus par M. de Launay, avant de continuer leur chemin vers Soiffons.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 65-74
SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
Début :
Je vous fais, Monsieur, mon compliment sur votre heureux retour à Paris. Ce retour me [...]
Mots clefs :
Ceuta, Oran, Alger, Barbarie, Siège, Vaisseaux, Arabe, Mer, Cloches, Espagnols
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texteReconnaissance textuelle : SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
SEL.PRT.IécÈritMe Eà M.LÇleTMTarRqEuidsede; B. au
sujet de: Villes d’Or4n et de Gema.
_, E- vous fais, Monsieur, mon compliment su:
» votre heureux retour à Paris. Ce retour me
fait un double laisir car il me dis ense de vous
. 4 . P *. .
écrire aa_ suite des affaires d’Oran depuis ma der
_niere Lettre; vous en êtes sans doute déa lei-s
. . . i . l l’
nement instruit. Il m’e ar ne aussi le chaorin de
_ O
:vous apprendre le premier une triste nouvelle,
le malheur arrive’ au Marquis de Saï-n'a‘ Cruz dans
l'action du 1.1. Novembre dernier. A cela près, je
-n’aurois presque eu que des choses agréables a‘.
vous dire , et ÿaurois fini par la levée du Siege
.de cette Place , par la démolition des travaux des
Maures et par leur retraite, circonstances qui
{ont Pétat présent des choses, suivant les der-e
pseres Lettres (Pfispagne et (Ÿliflïique. .
' D v Au
l.
Z5 MERCURE DE FRANCE
Au lieu de tout ce détail’, qui seroit pour vous,’
Monsieur , une répcrition , je crois devoir vous
faire part du précis d’une Lettre que ÿai reçûë
depuis peu d’Algcr , dans laquelle Oran n'est pas
oublié , et qui contient certaines particularitez
que vous ne serez pas fâché de sçavoir. La.
Lettre est datée du 2.3. Octobre dernier et
écrite par un Voyageur éclairé. ‘
sa Jamais Expedition n’a été plus heureuse ni
u plus visiblement favorisée du Ciel que celle
a d’0ran.Le Gouverneur Maure étoit eu état de
se faire acheter bien cher cette Place aux Espa-g
a gnols, il ne manquait ni de monde ni de mus
a: nitions pour faire une longue résistance , favo
g, risé d’ailleurs par la situation avantageuse des
u Forts, et par une Arméede sa Nation , qui de
ne voit rendre le débarquement des Troupes Chré
o. tiennes très-difficile. Si ce débarquement eût
a été diEeré seulement de deux jours , il devenait
o: presque impossible, â cause d’un vent d’Est,
p: qui survinr si frais et si violent , que tous les
hBâtimens de transport seroienr in ailliblement
upériær avec leur charge. De plus , en ternpori-i
u sant un peu de la part du Commandant , une
nseconde Armée de Turcs et de Maures , accou
u rus de toutes parts , se seroit jointe à la pre-j
n» miere, et auroit rendu la retraite et le rembar
p; quement de PArmée Chrétienne absolument
a nécessaire et évalement érilleux - mais comme
. D ’
aje l’ai d'abord reimrque’, le Ciel a voulu benitfi
m les Armes et les pieuses intentions du Roy d’Es-_'
D) Pflgfltn
a Après un ‘tel succès qui a d'abord rempli
‘a de consternation et d'épouvante toute la Bar—,
ce barie ,- si la saison avancée, ou cl’autres Consi-j
a dcrations , m'envoient "pas arrêté les progrès de
i . 98E
JANVIER. I733, 57
a ces mêmes Armes , on peut assurer que les Es
» pagnols se scroicnt rendus maîtres de toute
a: cette Côte et d’Alger même, saris beaucoup
u dbposition. On craignait ici si fort cet éve
.. nemcnt, que le Dey et tout le Pays étaient
a: plus disposez â la retraite , ou plutôt â la fuite
w dans les Montagnes les plus inaccessibles, qu'à.
a la deffense.
.. Mais ces dispositions n’ont ‘pas duré; l'in
a action des Espagnols a fait reprendre courage
æ aux Infidelcs , ils ont réütii toutes leurs Forces
a pour faire le Sicge d’Oran , qu’ils ont elfective
un ment formé depuis la my-Septembre , avec une
a grande Armée de Terre et avec une Escadre
v» tic dix Vaisseaux de guerre , sans compter plu
“sieurs Galiotes , et autres Bâtimens chargez de
v munitions pour le Camp et de quelques Trou
v pes de débarquement.
v D'autres Vaisseaux Algeriens croisent ce
s: pendant sur les Côtes dOEspagne, tnlevent tou
are sorte de Bâtimens , sur tout ceux qui sont
vchargez ‘pour Oran, et troublent cntieremen;
vie commerce D’un autre côte’ les Chrétiens
Pqui sont à Alger sont assez maltraitcz dans les
' v circonstances où sont les choses. .
n Vous jugez bien que dans ce temps «le trou
cible il n’est pas facile de faire les recherches
.0- clont vous me chargez dans votre dernier Me
v moire. La Ville de Tcmectn, ou comme on
ä> prononce ici, Tlmuan, subsiste encore , mais
m elle est fort éloignée de son ancienne splendeur.
u Avant la Prise d’Oran par les Maures sur les
a: Espagnols en 17.38. c’étoit le Siege des Deys,
u ou des Gouverneurs de la Province de Porteur.
.3: On y entretient une Garnison de zoo hommes
a giron clçang tous les ans, selon Pusagc du
V . D_ v; a: Royaume
58 MERCURE DE "FRANCE
wkoyaume cPAlger à Pégard de toutes les Places‘
si qui en dépendent. Cette Ville est admirable-g
sur-ment bien située , l’air y est très-salubre , et la
sa fertilité de son Territoire ne sçauroit être plus
a grande avec les meilleures eaux du monde. Elle
a; est a go milles environ au Sud-Ouest d’Oran, et
a après de 340. milies.d’Alger.Les habitans son:
,, presque tous ]uifs. Ses Fortifications sont fore
M peu de chose. Vous trouverés dans le Morerï
a une autre peinture de cette Ville, mais for!
,, éloignée de la verité. Alger est traité de même
_,, dans ce Livre, tout y est éxageré s surtout
ale nombre des Esclaves Chrétiens qu’en y fait:
s, monter âquarante milles , et qui ne sont pas
a seulement au nombre de zyoo.
- ne M. Thomas Shaw, Ministre AnglicamDoc.‘
m1611]: de l’Université d’Oxford , et fort habile
a. homme , dont je crois vous avoir déja par-«j
a. lé , nous a epfin quitté; il s’est embarqué le
9: t; juillet det-‘Ëiier pour se retirer en Angleterre;
sa après avoir visité Pîtalie. Il a demeuré plus
a de douze ans à A-lger , pendant lequel tems il
p a parcouru tous les Lieux qui en dépendent, le—_
5, vant les Plans des plus considérables , et faisan:
n: des Cirtes éxactes des Provinces , 8re. pour en
a richir PHistoire naturelle qu’il a composée du.
o: Royaume d’Algtr , et qu-’il prétend publier
u en peu de tems. ‘On peut présumer que cette
a Histoire sera curieuse et‘ recherchée, ifAuteut
a: ayant eu tout le tems et toutes les commodi
5o tez nécessaires pour être instruit , et ayant v6
a: et éxaminé tout ce qui a été écrit sur cette
o: matiere par M. Durand , ci-devant Consul
n: d’Alger , par les Religieux Trinitaires , pars
a: M. Laugier , Commissaire de la Marine ê’
m Amstrtdam l dont [Ouvrage q; imprimé , et
' n paç
JANVIER. I733. ‘G9
a- par‘ M. Peyssonnel, Médecin de Marseille , en
» voyé par le Roi en 172,1‘. à Alger et à Tunia
o: pour faire de nouvellesdécouvertes , &c.
n Les Cloches ‘d’©ran , dont vous mäævcz
se parlé , se voyent encore aujourdïiui ici â la.
w Porte qui conduit au Port. 1l y en a six de dif
n lereute grandeur , poséeseles unes sur les au
» rres contre une muÙille. Cette situation , ce
a; les COOEODCIUIÉS présentes ne permettent guéres
a: d’en prendre les Inscriptions. Elles ne sont pas
a: extrêmement grosses , la plus considérable n’a.
a» quïînviron quatre pieds de hauteur ,avec un
a: diamétrc proportionné. ]’ai liî une seule Ins
» criprion , laquelle est en Espagnol, e: contient:
- ces mots: Ai mm de la. sais que est» hache m
uMurrin si endo Prelado el Rmo Padre Balus
ovzar al Arma 1,74. C’ÎsÎ'ài-diÎC, qu"il y a une
v des six Cloches qui a été fondue à Murcie Pan
e: 1 r74. Le Très-Révereixd Pere Baltazar en étant
u alors Evêque.
n Vous sçavez‘ que les Mahometans se font
sa une espécc de trophée des Cloches par eux en
» levées sur les Chrétiens. On. voir encore au
a jounÿhui dans la principale Mosquée de la‘
a Ville de Maroc deux grandes Cloches suspen
n: duës à rebours, attachées a‘. la Net‘ par de gros
sa ses clæînes , que le Roi Almanzot fit empor
v: ter «Pläspagne.
Depuis la date de cette Lettre les choses ont‘
changé -:lc face , comme vous le sçavez , Mon
sieur; une Escadre de Vaisseaux de Guerre Es-i
pagnols , fortifiée par deux Vaisseaux de guerre
de Malte , a fait disparoîtrc PEscadre Turque 9
qui est rentrée i A-lger. Oran a reçû 4658660113
considérables , et vous êtes instruit de’ tout le
ICÜIC.
7o MERCURE DE FRANCE
Je ne vous dirai donc rien ici d’une Relation ‘Ê
Espagnole imprimée à Barcclone, des deux sari-g
glantes actions du u. Cedu 2. 3. Novembre _, 1a
quelle je viens de recevoir , après une attente de
près d’un mois, de la part du plus lent et du
plus distrait de mes amis. On y rend bien justi
ce a‘. la conduite et à la valeur du Marquis de
Sania-Cruz , qui a été t'a’ dans une fatale cir
consiance , ex rimée en ces termes dans la Re
lation. Vifîldûp erre desarden las Moras se nacre»
nm à aprovecharla cm las arma: 1214m4: , y fue
pretisso pasmssm par encima de elles para incorpo
nme ton l» Trop» : En cuya arnsion se perdra à cl
Marque: de SantmCmz , sir; que las paras Solda
das de Crwnlltri» , y Dragage: que le Mompanns
km , pudiessen emlmraznr su desgvacizda mume ,
ton lntima univerml , par la; prendas , y valor que
l: adornalzavz. l
Mais c’est assez parler dflllger et d'Oran , je
n’oul>lit pas , Monsieur , ce que je vous ai pro
mis au sujet de la Ville de Ccuta , dont le S:égc
par les Troupes du Roi de Maroc , a déja sur
passé en longueur le Siège de Troye. je ne
crois pas cependant que Ccuta fournisse jamais
le sujet d’une lliade: ce sera beaucoup pour cette
Ville si‘ le petit morceau historique que voici
peut. se trouver de votre goût, et vougamuser
agréablement. j -
La Ville de Ceuta est située dans FEmbOu.‘
chute du détroit de Gibraltar , à Pcntlroit où ce
"' Reluion du la succedzda m las do: Funcianfs
que m et dia u. y 1,3. de Noviembre de 1731.
inca la Guamitian de 012m ton el extraite de
les Turco: , y Maros , que l» sitinwn. Barcclona.
P9: Joseph Texido, 8re. 1732.. «
fameux
JANVIER. 1733. 7:
fameux Détroit est le plus retressi par les deux
Côtes, ensorte que le trajet de celle düfllïrique ,
ou est Ceuta . en Espagne , n’esr que d’environ
cinq lieues. Si on en croit quelques Écrivains
Espagnols , cette Ville est des plus anciennes et
des plus illustres de toute la Mauritanie, les Ro- _
\
mains qui la bâtirenr y tenoient leurs Flores , a
cause de la commodite de son Port , et la nom
merent enfin la Ville des Romains , ou la Ville
ar excellence , ce ue {ont aujourd’hui setrcible lceonnfiormmgruû’elle Potte C111
Un Historien Arabe lui donne une origine
‘bien plus ancienne ; c’est , selon lui , un Fils de
Noë qui l’a fondée deux cens trente ans après
le Déluge : mais défions-nous un peu des Ecri
vains de cette Nation , qui donnent pour la plâ
art dans le merveilleux ; et traitent PI-Iistoire
gomme la Fable. Ortelius vent que Ccuta soit
Pancienne Essilissn . dont la position " est mar
qué dans Ptoloméc, mais cette position est fort
differente de celle de Ceuta , comme nous Pal
Ions voir.
Abulfeda , ce fameux Geographe Arabe dont
j’ai parlé plusieurs fois, et dont on vient de
donner une belle Édition , avec une Traduction
Latine , &c. en Angleterre , parle de Ceuta qu’il
nomme 525m au nombre LXXVII. de ses Ta
bles Géographiques: il la place â neuf degrez
cinq minutes de longitude , et â g; dcgrcz tren
.te minutes de latitude sous le (V. Climat dans
la Barbarie * Ulterieure. sa Elle est, dit-il , si
’ 1393m’. 3o min. de longit. et 3; kg. ;6
min. de tarit. - -
9‘ Cc Giagrapêc divise la Barbarie m «vitrerie»
v 7€
72 MERCURE m: FRANCE
h tuée entre deux Mers , Pocean et la Médireg:
mranée, c’est Pabord de deux grands Pays .
o: la Barbarie et FESpagne , Ville de passage e:
n de commerce. Elle est baignée de la Mer de
‘ puis son Entrée du côte’ de Terre. Le chemin
Vaoqui conduit à cette Entrée est du côté du
v Couchant: il est fort ÿroit et presque tout
h entouré de la Mer, de sorte qu’il ne tiendroit
” qu’au’x Habitans de faire passer la Mer autour
°= de la Ville , et n’cn faire une Isle. Elle a de
'° hautes muuilles de pierre. Le Port est a 1'0
=> rient de la Ville , et la Mer est très-étroite en
a cct endroit ; de sorte que quand le tems es:
o: serain on découvre de Seâta la Ville dflâlgezi
u rat-Alkozra , ou Algezire , sur les Terres .1’Es
"pagne- L’Eau y est en abondance, et il y a.
a d’ailleurs des Citernes dans lesquelles on con-g
v serve l'eau de pluye. ’
Tel émit Pétat-cie Ceuta au temps dvlbulfeda
qui acheva son ouvrage vers Pannée r32. r. Il clé
clare que cc qu’il dit de cette Ville est tire’ prin
cipalement dflothman EBnsaid,surnorume'./1l ma.
3726i, ou FAlTricain , qui étoit de ce même Païs.
Abnlfcda, pour le dire en passant , que j'ai qua
lifié de Géographe Arabe , n’avoit rien d'Arabe
que la Langue et la Religion , c'est» â-dire , celle
de Mahomct. Il éroit de Syrie et d’une Race dis
tinguée , la même qui a donné naissance au
n ou Orientale . qui commence aux Frontieres
dOEgypte , et finit à telle: du Royaume de Tzmis ,'
devers Cuzmvan ; en moyenne , qui comprend le
‘Roy vume de Tunis , et les Provinces Orientales de
celui nlîalger ,- et en uloerieuré , qui commente aux
Frontieres Occidentales dÏ/Ilgêr , et comprend tout
l; reste de la Barbarie du tête’ du Couohnnt:
grand
r JANVTER.‘ 173;: '73»
‘grand Saladin , comme je‘ l'ai remarqué ailleurs.
Lorsque les premiers Califes , successeurs de
Mahomqt , eurent conquis PAIÏriquc . cc qui aré
riva vers" Pan 4;. de l’Hégire’66 s. de j. C.) ils
chasserent les Goths de plusieurs Contrées Mari
times , dont ces Barbares s’e'toient emparcz, dans
la décadence de PEmpire Romain, et en PSHÎCÜH,
lier de la Ville de Ceuta. Cette Ville devint ce
lebre sous la Domination des Arabes , cfiest-âs
dire, sous les Califes et sous divers Rois ou Prin
' ces leurs successeurs , lesquels y firent fleurir le
commerce et les Arts. Les Artisans de Ceuta sur-Ï
passaient en habileté ceux de Damas pour toute
sorte d’Ouvrage d’Orfévrerie , de Coutellerie , et
pour la fabrique des plus belles Îztotïes, et sur
tout de riches Tapis ,dont on venoit se pour-i
voir de toutes les Parties de l'intrigue et de
PEurope. ' ‘
Les Lettres fleurirent aussi dans Ceuta , pen
dant sa. prosperité . ce qui paroît par les noms e:
par les ouvrages de quelques Sçavans , originai.
res de cette Vrle {qui sont rapporte: par les Bi
bliographes Mahométaxis; lesquels par cette rai
son , portent tous le surnom J'AI Seétbi , ou de
Ceuta. Eqtflaurres Aboulfadhl Abbns, plus connu
sous le nom de Cadhi-Aïadh , qui mourut Pan
544.. de PHégire ( r r49. de]. C. ) Il est parlé
de lui avec de grands Eloges , par Ben Schunah ,
qui a donné un Cazalogue de ses Ouvrages. [o
seph Ben jahia , fameux Medecin juif, 8c grand
Philosophe , q-ii fut" premier Medccin du Sultan
d’Alcp Aldhacr. Il mourut l’an 513. de PHégi-ä
re n26. de j.C. et Mohammes. Ben-Omar , mort
l’an 7m. de la même Époque r tu. de j. C. Son
principal Ouvrage est’ intitulé : Erlaircissemem
mr le: dxfertnzt: 8cm: du Mahamémmc ; Ou
yrage
74MERCUREDEFRANCL
vrage dont la traduction seroit necessaire pouf
empêcher les hcrivains de l’Europe de coneinuer
leurs méprises sur ce sujet.
La prosperité de cette Ville fut altérée dans
la suite par de grandes disgraces ; la plus fatale
lui vint de la part d’Abdulmumen , Roy de Ma
xoc , qui l'ayant prise,après un Siège opiniâtre ,
la fit démolir et en transporta les Habitans. Al.
mansor , l’un de ses successeurs, la fie rebâtir, et
la repeupla â cause de sa situation; ensortc qu’el.
le devint encore une Place cousidérablumais un
Roy Mahométan de Grenade s’en étant emparé
dans des tems de troublc,il la désola une seconde
fois. Il est vrai qu’elle se rétablit encore par les
avantages du commerce et de la situation _. mais
on remarque que Ceuta n’est jamais revenue dans
cette grande splendeur , où elle s’étoit vuë sous
PEmpire des Califes ,et sous quelques Princes
leurs successeurs.
Il me reste, Monsieur ,’ à vous apprendre com.‘
ment cette Ville a passé pour la premiere foil
de la domination des Mahométans au pouvoir
d'un Monarque Chrétien ; ce qui est un point
(Pflistoire des plus singuliers , et i conduire le
morceau Historique que j’ai entrepris sur Ceuta,
jusquäu temps present; ce qui fera le sujet d’une
autre Lettre , moins longue que eelle-cy , et que
vous nïattendrez pas long-temps. j’ai Fhonneu
d’être , Monsieur . 8re
_ A Pari: , ce 24 Decembrt 173 2..
sujet de: Villes d’Or4n et de Gema.
_, E- vous fais, Monsieur, mon compliment su:
» votre heureux retour à Paris. Ce retour me
fait un double laisir car il me dis ense de vous
. 4 . P *. .
écrire aa_ suite des affaires d’Oran depuis ma der
_niere Lettre; vous en êtes sans doute déa lei-s
. . . i . l l’
nement instruit. Il m’e ar ne aussi le chaorin de
_ O
:vous apprendre le premier une triste nouvelle,
le malheur arrive’ au Marquis de Saï-n'a‘ Cruz dans
l'action du 1.1. Novembre dernier. A cela près, je
-n’aurois presque eu que des choses agréables a‘.
vous dire , et ÿaurois fini par la levée du Siege
.de cette Place , par la démolition des travaux des
Maures et par leur retraite, circonstances qui
{ont Pétat présent des choses, suivant les der-e
pseres Lettres (Pfispagne et (Ÿliflïique. .
' D v Au
l.
Z5 MERCURE DE FRANCE
Au lieu de tout ce détail’, qui seroit pour vous,’
Monsieur , une répcrition , je crois devoir vous
faire part du précis d’une Lettre que ÿai reçûë
depuis peu d’Algcr , dans laquelle Oran n'est pas
oublié , et qui contient certaines particularitez
que vous ne serez pas fâché de sçavoir. La.
Lettre est datée du 2.3. Octobre dernier et
écrite par un Voyageur éclairé. ‘
sa Jamais Expedition n’a été plus heureuse ni
u plus visiblement favorisée du Ciel que celle
a d’0ran.Le Gouverneur Maure étoit eu état de
se faire acheter bien cher cette Place aux Espa-g
a gnols, il ne manquait ni de monde ni de mus
a: nitions pour faire une longue résistance , favo
g, risé d’ailleurs par la situation avantageuse des
u Forts, et par une Arméede sa Nation , qui de
ne voit rendre le débarquement des Troupes Chré
o. tiennes très-difficile. Si ce débarquement eût
a été diEeré seulement de deux jours , il devenait
o: presque impossible, â cause d’un vent d’Est,
p: qui survinr si frais et si violent , que tous les
hBâtimens de transport seroienr in ailliblement
upériær avec leur charge. De plus , en ternpori-i
u sant un peu de la part du Commandant , une
nseconde Armée de Turcs et de Maures , accou
u rus de toutes parts , se seroit jointe à la pre-j
n» miere, et auroit rendu la retraite et le rembar
p; quement de PArmée Chrétienne absolument
a nécessaire et évalement érilleux - mais comme
. D ’
aje l’ai d'abord reimrque’, le Ciel a voulu benitfi
m les Armes et les pieuses intentions du Roy d’Es-_'
D) Pflgfltn
a Après un ‘tel succès qui a d'abord rempli
‘a de consternation et d'épouvante toute la Bar—,
ce barie ,- si la saison avancée, ou cl’autres Consi-j
a dcrations , m'envoient "pas arrêté les progrès de
i . 98E
JANVIER. I733, 57
a ces mêmes Armes , on peut assurer que les Es
» pagnols se scroicnt rendus maîtres de toute
a: cette Côte et d’Alger même, saris beaucoup
u dbposition. On craignait ici si fort cet éve
.. nemcnt, que le Dey et tout le Pays étaient
a: plus disposez â la retraite , ou plutôt â la fuite
w dans les Montagnes les plus inaccessibles, qu'à.
a la deffense.
.. Mais ces dispositions n’ont ‘pas duré; l'in
a action des Espagnols a fait reprendre courage
æ aux Infidelcs , ils ont réütii toutes leurs Forces
a pour faire le Sicge d’Oran , qu’ils ont elfective
un ment formé depuis la my-Septembre , avec une
a grande Armée de Terre et avec une Escadre
v» tic dix Vaisseaux de guerre , sans compter plu
“sieurs Galiotes , et autres Bâtimens chargez de
v munitions pour le Camp et de quelques Trou
v pes de débarquement.
v D'autres Vaisseaux Algeriens croisent ce
s: pendant sur les Côtes dOEspagne, tnlevent tou
are sorte de Bâtimens , sur tout ceux qui sont
vchargez ‘pour Oran, et troublent cntieremen;
vie commerce D’un autre côte’ les Chrétiens
Pqui sont à Alger sont assez maltraitcz dans les
' v circonstances où sont les choses. .
n Vous jugez bien que dans ce temps «le trou
cible il n’est pas facile de faire les recherches
.0- clont vous me chargez dans votre dernier Me
v moire. La Ville de Tcmectn, ou comme on
ä> prononce ici, Tlmuan, subsiste encore , mais
m elle est fort éloignée de son ancienne splendeur.
u Avant la Prise d’Oran par les Maures sur les
a: Espagnols en 17.38. c’étoit le Siege des Deys,
u ou des Gouverneurs de la Province de Porteur.
.3: On y entretient une Garnison de zoo hommes
a giron clçang tous les ans, selon Pusagc du
V . D_ v; a: Royaume
58 MERCURE DE "FRANCE
wkoyaume cPAlger à Pégard de toutes les Places‘
si qui en dépendent. Cette Ville est admirable-g
sur-ment bien située , l’air y est très-salubre , et la
sa fertilité de son Territoire ne sçauroit être plus
a grande avec les meilleures eaux du monde. Elle
a; est a go milles environ au Sud-Ouest d’Oran, et
a après de 340. milies.d’Alger.Les habitans son:
,, presque tous ]uifs. Ses Fortifications sont fore
M peu de chose. Vous trouverés dans le Morerï
a une autre peinture de cette Ville, mais for!
,, éloignée de la verité. Alger est traité de même
_,, dans ce Livre, tout y est éxageré s surtout
ale nombre des Esclaves Chrétiens qu’en y fait:
s, monter âquarante milles , et qui ne sont pas
a seulement au nombre de zyoo.
- ne M. Thomas Shaw, Ministre AnglicamDoc.‘
m1611]: de l’Université d’Oxford , et fort habile
a. homme , dont je crois vous avoir déja par-«j
a. lé , nous a epfin quitté; il s’est embarqué le
9: t; juillet det-‘Ëiier pour se retirer en Angleterre;
sa après avoir visité Pîtalie. Il a demeuré plus
a de douze ans à A-lger , pendant lequel tems il
p a parcouru tous les Lieux qui en dépendent, le—_
5, vant les Plans des plus considérables , et faisan:
n: des Cirtes éxactes des Provinces , 8re. pour en
a richir PHistoire naturelle qu’il a composée du.
o: Royaume d’Algtr , et qu-’il prétend publier
u en peu de tems. ‘On peut présumer que cette
a Histoire sera curieuse et‘ recherchée, ifAuteut
a: ayant eu tout le tems et toutes les commodi
5o tez nécessaires pour être instruit , et ayant v6
a: et éxaminé tout ce qui a été écrit sur cette
o: matiere par M. Durand , ci-devant Consul
n: d’Alger , par les Religieux Trinitaires , pars
a: M. Laugier , Commissaire de la Marine ê’
m Amstrtdam l dont [Ouvrage q; imprimé , et
' n paç
JANVIER. I733. ‘G9
a- par‘ M. Peyssonnel, Médecin de Marseille , en
» voyé par le Roi en 172,1‘. à Alger et à Tunia
o: pour faire de nouvellesdécouvertes , &c.
n Les Cloches ‘d’©ran , dont vous mäævcz
se parlé , se voyent encore aujourdïiui ici â la.
w Porte qui conduit au Port. 1l y en a six de dif
n lereute grandeur , poséeseles unes sur les au
» rres contre une muÙille. Cette situation , ce
a; les COOEODCIUIÉS présentes ne permettent guéres
a: d’en prendre les Inscriptions. Elles ne sont pas
a: extrêmement grosses , la plus considérable n’a.
a» quïînviron quatre pieds de hauteur ,avec un
a: diamétrc proportionné. ]’ai liî une seule Ins
» criprion , laquelle est en Espagnol, e: contient:
- ces mots: Ai mm de la. sais que est» hache m
uMurrin si endo Prelado el Rmo Padre Balus
ovzar al Arma 1,74. C’ÎsÎ'ài-diÎC, qu"il y a une
v des six Cloches qui a été fondue à Murcie Pan
e: 1 r74. Le Très-Révereixd Pere Baltazar en étant
u alors Evêque.
n Vous sçavez‘ que les Mahometans se font
sa une espécc de trophée des Cloches par eux en
» levées sur les Chrétiens. On. voir encore au
a jounÿhui dans la principale Mosquée de la‘
a Ville de Maroc deux grandes Cloches suspen
n: duës à rebours, attachées a‘. la Net‘ par de gros
sa ses clæînes , que le Roi Almanzot fit empor
v: ter «Pläspagne.
Depuis la date de cette Lettre les choses ont‘
changé -:lc face , comme vous le sçavez , Mon
sieur; une Escadre de Vaisseaux de Guerre Es-i
pagnols , fortifiée par deux Vaisseaux de guerre
de Malte , a fait disparoîtrc PEscadre Turque 9
qui est rentrée i A-lger. Oran a reçû 4658660113
considérables , et vous êtes instruit de’ tout le
ICÜIC.
7o MERCURE DE FRANCE
Je ne vous dirai donc rien ici d’une Relation ‘Ê
Espagnole imprimée à Barcclone, des deux sari-g
glantes actions du u. Cedu 2. 3. Novembre _, 1a
quelle je viens de recevoir , après une attente de
près d’un mois, de la part du plus lent et du
plus distrait de mes amis. On y rend bien justi
ce a‘. la conduite et à la valeur du Marquis de
Sania-Cruz , qui a été t'a’ dans une fatale cir
consiance , ex rimée en ces termes dans la Re
lation. Vifîldûp erre desarden las Moras se nacre»
nm à aprovecharla cm las arma: 1214m4: , y fue
pretisso pasmssm par encima de elles para incorpo
nme ton l» Trop» : En cuya arnsion se perdra à cl
Marque: de SantmCmz , sir; que las paras Solda
das de Crwnlltri» , y Dragage: que le Mompanns
km , pudiessen emlmraznr su desgvacizda mume ,
ton lntima univerml , par la; prendas , y valor que
l: adornalzavz. l
Mais c’est assez parler dflllger et d'Oran , je
n’oul>lit pas , Monsieur , ce que je vous ai pro
mis au sujet de la Ville de Ccuta , dont le S:égc
par les Troupes du Roi de Maroc , a déja sur
passé en longueur le Siège de Troye. je ne
crois pas cependant que Ccuta fournisse jamais
le sujet d’une lliade: ce sera beaucoup pour cette
Ville si‘ le petit morceau historique que voici
peut. se trouver de votre goût, et vougamuser
agréablement. j -
La Ville de Ceuta est située dans FEmbOu.‘
chute du détroit de Gibraltar , à Pcntlroit où ce
"' Reluion du la succedzda m las do: Funcianfs
que m et dia u. y 1,3. de Noviembre de 1731.
inca la Guamitian de 012m ton el extraite de
les Turco: , y Maros , que l» sitinwn. Barcclona.
P9: Joseph Texido, 8re. 1732.. «
fameux
JANVIER. 1733. 7:
fameux Détroit est le plus retressi par les deux
Côtes, ensorte que le trajet de celle düfllïrique ,
ou est Ceuta . en Espagne , n’esr que d’environ
cinq lieues. Si on en croit quelques Écrivains
Espagnols , cette Ville est des plus anciennes et
des plus illustres de toute la Mauritanie, les Ro- _
\
mains qui la bâtirenr y tenoient leurs Flores , a
cause de la commodite de son Port , et la nom
merent enfin la Ville des Romains , ou la Ville
ar excellence , ce ue {ont aujourd’hui setrcible lceonnfiormmgruû’elle Potte C111
Un Historien Arabe lui donne une origine
‘bien plus ancienne ; c’est , selon lui , un Fils de
Noë qui l’a fondée deux cens trente ans après
le Déluge : mais défions-nous un peu des Ecri
vains de cette Nation , qui donnent pour la plâ
art dans le merveilleux ; et traitent PI-Iistoire
gomme la Fable. Ortelius vent que Ccuta soit
Pancienne Essilissn . dont la position " est mar
qué dans Ptoloméc, mais cette position est fort
differente de celle de Ceuta , comme nous Pal
Ions voir.
Abulfeda , ce fameux Geographe Arabe dont
j’ai parlé plusieurs fois, et dont on vient de
donner une belle Édition , avec une Traduction
Latine , &c. en Angleterre , parle de Ceuta qu’il
nomme 525m au nombre LXXVII. de ses Ta
bles Géographiques: il la place â neuf degrez
cinq minutes de longitude , et â g; dcgrcz tren
.te minutes de latitude sous le (V. Climat dans
la Barbarie * Ulterieure. sa Elle est, dit-il , si
’ 1393m’. 3o min. de longit. et 3; kg. ;6
min. de tarit. - -
9‘ Cc Giagrapêc divise la Barbarie m «vitrerie»
v 7€
72 MERCURE m: FRANCE
h tuée entre deux Mers , Pocean et la Médireg:
mranée, c’est Pabord de deux grands Pays .
o: la Barbarie et FESpagne , Ville de passage e:
n de commerce. Elle est baignée de la Mer de
‘ puis son Entrée du côte’ de Terre. Le chemin
Vaoqui conduit à cette Entrée est du côté du
v Couchant: il est fort ÿroit et presque tout
h entouré de la Mer, de sorte qu’il ne tiendroit
” qu’au’x Habitans de faire passer la Mer autour
°= de la Ville , et n’cn faire une Isle. Elle a de
'° hautes muuilles de pierre. Le Port est a 1'0
=> rient de la Ville , et la Mer est très-étroite en
a cct endroit ; de sorte que quand le tems es:
o: serain on découvre de Seâta la Ville dflâlgezi
u rat-Alkozra , ou Algezire , sur les Terres .1’Es
"pagne- L’Eau y est en abondance, et il y a.
a d’ailleurs des Citernes dans lesquelles on con-g
v serve l'eau de pluye. ’
Tel émit Pétat-cie Ceuta au temps dvlbulfeda
qui acheva son ouvrage vers Pannée r32. r. Il clé
clare que cc qu’il dit de cette Ville est tire’ prin
cipalement dflothman EBnsaid,surnorume'./1l ma.
3726i, ou FAlTricain , qui étoit de ce même Païs.
Abnlfcda, pour le dire en passant , que j'ai qua
lifié de Géographe Arabe , n’avoit rien d'Arabe
que la Langue et la Religion , c'est» â-dire , celle
de Mahomct. Il éroit de Syrie et d’une Race dis
tinguée , la même qui a donné naissance au
n ou Orientale . qui commence aux Frontieres
dOEgypte , et finit à telle: du Royaume de Tzmis ,'
devers Cuzmvan ; en moyenne , qui comprend le
‘Roy vume de Tunis , et les Provinces Orientales de
celui nlîalger ,- et en uloerieuré , qui commente aux
Frontieres Occidentales dÏ/Ilgêr , et comprend tout
l; reste de la Barbarie du tête’ du Couohnnt:
grand
r JANVTER.‘ 173;: '73»
‘grand Saladin , comme je‘ l'ai remarqué ailleurs.
Lorsque les premiers Califes , successeurs de
Mahomqt , eurent conquis PAIÏriquc . cc qui aré
riva vers" Pan 4;. de l’Hégire’66 s. de j. C.) ils
chasserent les Goths de plusieurs Contrées Mari
times , dont ces Barbares s’e'toient emparcz, dans
la décadence de PEmpire Romain, et en PSHÎCÜH,
lier de la Ville de Ceuta. Cette Ville devint ce
lebre sous la Domination des Arabes , cfiest-âs
dire, sous les Califes et sous divers Rois ou Prin
' ces leurs successeurs , lesquels y firent fleurir le
commerce et les Arts. Les Artisans de Ceuta sur-Ï
passaient en habileté ceux de Damas pour toute
sorte d’Ouvrage d’Orfévrerie , de Coutellerie , et
pour la fabrique des plus belles Îztotïes, et sur
tout de riches Tapis ,dont on venoit se pour-i
voir de toutes les Parties de l'intrigue et de
PEurope. ' ‘
Les Lettres fleurirent aussi dans Ceuta , pen
dant sa. prosperité . ce qui paroît par les noms e:
par les ouvrages de quelques Sçavans , originai.
res de cette Vrle {qui sont rapporte: par les Bi
bliographes Mahométaxis; lesquels par cette rai
son , portent tous le surnom J'AI Seétbi , ou de
Ceuta. Eqtflaurres Aboulfadhl Abbns, plus connu
sous le nom de Cadhi-Aïadh , qui mourut Pan
544.. de PHégire ( r r49. de]. C. ) Il est parlé
de lui avec de grands Eloges , par Ben Schunah ,
qui a donné un Cazalogue de ses Ouvrages. [o
seph Ben jahia , fameux Medecin juif, 8c grand
Philosophe , q-ii fut" premier Medccin du Sultan
d’Alcp Aldhacr. Il mourut l’an 513. de PHégi-ä
re n26. de j.C. et Mohammes. Ben-Omar , mort
l’an 7m. de la même Époque r tu. de j. C. Son
principal Ouvrage est’ intitulé : Erlaircissemem
mr le: dxfertnzt: 8cm: du Mahamémmc ; Ou
yrage
74MERCUREDEFRANCL
vrage dont la traduction seroit necessaire pouf
empêcher les hcrivains de l’Europe de coneinuer
leurs méprises sur ce sujet.
La prosperité de cette Ville fut altérée dans
la suite par de grandes disgraces ; la plus fatale
lui vint de la part d’Abdulmumen , Roy de Ma
xoc , qui l'ayant prise,après un Siège opiniâtre ,
la fit démolir et en transporta les Habitans. Al.
mansor , l’un de ses successeurs, la fie rebâtir, et
la repeupla â cause de sa situation; ensortc qu’el.
le devint encore une Place cousidérablumais un
Roy Mahométan de Grenade s’en étant emparé
dans des tems de troublc,il la désola une seconde
fois. Il est vrai qu’elle se rétablit encore par les
avantages du commerce et de la situation _. mais
on remarque que Ceuta n’est jamais revenue dans
cette grande splendeur , où elle s’étoit vuë sous
PEmpire des Califes ,et sous quelques Princes
leurs successeurs.
Il me reste, Monsieur ,’ à vous apprendre com.‘
ment cette Ville a passé pour la premiere foil
de la domination des Mahométans au pouvoir
d'un Monarque Chrétien ; ce qui est un point
(Pflistoire des plus singuliers , et i conduire le
morceau Historique que j’ai entrepris sur Ceuta,
jusquäu temps present; ce qui fera le sujet d’une
autre Lettre , moins longue que eelle-cy , et que
vous nïattendrez pas long-temps. j’ai Fhonneu
d’être , Monsieur . 8re
_ A Pari: , ce 24 Decembrt 173 2..
Fermer
Résumé : SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
La lettre traite des événements récents à Oran et Gema, et commence par féliciter le destinataire pour son retour à Paris. L'auteur mentionne la mort du Marquis de Santa Cruz lors d'une action militaire le 1er novembre précédent. Malgré ce deuil, il rapporte des nouvelles positives, notamment la levée du siège d'Oran, la démolition des travaux des Maures et leur retraite. La lettre détaille une expédition espagnole à Oran, soulignant que les Espagnols ont réussi à vaincre les Maures grâce à une intervention divine, malgré les défenses maures et les conditions météorologiques défavorables. Après cette victoire, les Espagnols ont continué leurs progrès, menaçant même Alger. Cependant, les Maures ont repris courage et ont formé un siège autour d'Oran avec une armée terrestre et une escadre navale. L'auteur mentionne également la ville de Tlemcen, autrefois siège des Deys, et sa situation géographique par rapport à Oran et Alger. Il parle des recherches difficiles dans ces circonstances et des mauvais traitements subis par les Chrétiens à Alger. La lettre se termine par des informations sur les cloches d'Oran, encore visibles à la porte du port, et sur les intentions des Mahometans de se servir des cloches comme trophées. L'auteur mentionne également des changements récents, comme la disparition de l'escadre turque et les renforts reçus par Oran. Il promet de parler de la ville de Ceuta dans une prochaine lettre. Ceuta, sous la domination arabe, connut une période de prospérité marquée par le développement du commerce et des arts. Les artisans de Ceuta étaient renommés pour leur habileté en orfèvrerie, coutellerie, et fabrication de tapisseries, attirant des clients de toute la Méditerranée et de l'Europe. La ville fut également un centre de savoir, avec des savants comme Aboulfadhl Abns, connu sous le nom de Cadhi-Aïadh, et Joseph Ben Jahia, un médecin et philosophe juif. La prospérité de Ceuta fut perturbée par des événements tragiques, notamment la destruction ordonnée par Abdulmumen, roi de Maroc, et la désolation causée par un roi mahométan de Grenade. Bien que la ville se soit rétablie par la suite, elle n'atteignit jamais plus la splendeur qu'elle avait connue sous l'Empire des Califes. Le texte mentionne également la transition de Ceuta sous la domination d'un monarque chrétien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 591-594
ESPAGNE.
Début :
Les Lettres d'Oran du 6. Fevrier, portent que le matin du même jour, quelques Travailleurs [...]
Mots clefs :
Oran, Ennemis, Espagnols, Cavalerie, Maures, Vaisseau, Infanterie, Escadre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE..
Es Lettres d'Oran du 6. Fevrier , portent que
leurs étant sortis de cette Place pour reconnoître
des Palmiers qu'on avoit abbattus la veille , cinq
d'entre eux qui s'avancerent plus que les autres ,
tomberent dans une embuscade des Ennemis qui
les auroient enveloppez , s'ils ne se fussent retirez
précipitamment. Ils avertirent les Piquets qui
soutenoient les Travailleurs du Fort de S. Philippe
, de se tenir sur leurs gardes , et aussi -tôt les
Piquets marcherent en bon ordre aux Ennemis ,
dont le nombre pouvoit monter à 1500. Il y eut
grand feu de part et d'autre , mais les Ennemis.
curent à soutenir , non seulement celui des Pi→✩
quets , mais encore celui de l'Artillerie des Forts
de S. Philippe et de S. André Les Grenadiers
eurent ordre d'aller au secours des Piquets , et on
fit monter la Cavalerie à cheval pour soutenir
les Grenadiers, Ceux- ci étant arrivez les premiers
au poste des Ennemis , se rangerent.en bataille ,
dans le dessein de couper les Ennemis , qui s'en
étant apperçus , se retirerent. La Cavalerie Espagnole
, pour engager un combat entre les Trou
pes d'Infanterie , feignit deux fois de prendre la
fuite , afin d'attirer les Ennemis , mais ce fut inutilement.
Les Maures ont perdu ffo . hommes ,
et du côté des Espagnols il y a eu un Enseigne et
deux Soldats tuez et 17. blessez.
On a appris depuis le détail qu'on va lire au
sujet de cette Action: Quatre Compagnies de Grenadiers
commandez pour couvrir des Travailleurs
qui coupoient du bois au bas de la Montagne de
da la Mazetta , étant sorties de la Place au point dujour
192 MERCURE DE FRANCE
jour , apperçurent un nombre considerable d'Ennemis
qui se voyant découverts , firent feu et les ›
obligerent de se retirer jusqu'à ce qu'elles eussent
été jointes par cinq autres Compagnies de
Grenadiers qu'on envoya du Fort S. Philippe à s
leur secours ; soutenuës de ce renfort , elles retournerent
à l'Ennemi , et l'action s'engagea vi→
vement de part et d'autre. Le Commandant de la
Place , averti que ces gens étoient aux mains avec
les Maures , sortit avec 300. chevaux et huit
Compagnies d'Infanterie , et se mit en bataille
plaçant sa Cavalerie au centre , et son Infanterie
sur les aîles. Aussi-tôt les Maures firent avancer
un Corps de Cavalerie pour attaquer la Cavalerië
Espagnole , qui recula afin que les Ennemis , la
poursuivant , fussent pris en flanc des deux côtez
par l'Infanterie. Cette feinte réussit ; les Ennemis
s'étant trop avancez , les deux ailes se replierent
, et les ayant mis entre deux feux , leur tue
rent beaucoup de monde ; le reste ne s'étant sauvé
qu'avec peine , alla se rallier près d'un Corps
d'Infanterie et de Cavalerie , qui étoit posté à
quelque distance dans la Plaine des Salines.
Cependant le Bey Bigotillo s'étoit avancé avec
dix Drapeaux , et s'étoit mis en bataille vis- à - vis
le front des Travailleurs ; le Commandant Espagnol
et le Gouverneur du Fort de Sainte Croix
l'ayant apperçu , firent chacun un détachement
pour le couper , l'un du côté de la Montagne
l'autre par le Barranco , ou Vallon creux ; mais
Bigotillo ayant vû ce mouvement , se retira a■
plus vite,et alla rejoindre le gros des Ennemis qui
prirent la fuite. Les Espagnols poursuivirent les
Fuyards pendant un assez long espace , et après .
s avoir chassez jusques hors de la vûë d'Oran ,
rentrerent dans la Place avec une grande quantité
MARS. 1733. 195
tité de chevaux pris sur les Ennemis. Cette action
a durédepuis le point du jour jusqu'à quatre heures
du soir , et les Maures ont perdu près de 600.
hommes , au lieu que les Espagnols n'ont cu
qu'un Lieutenant de Dragons et deux Soldats
de tuez.
On a reçu avis de Barcelone , que l'Escadre que
le Roy avoit dans la Méditerranée
, étoit rentrée
dans ce Port , selon les mêmes Lettres , cette Escadre
étant sur les Côtes de Barbarie
, découvrit
près du Golfe d'Arseo , à la hauteur de Mostagan
, un Vaisseau
de 46. pieces de Canon , qui
servoit cy-devant de Capitane
à l'Escadre
d'Alger
; Don Blaise de Lezo, qui commandoit
l'Escadre
du Roy , fit force de voiles pour donner
la chasse à ce Vaisseau
; mais comme le Vaisai –
seau ennemi avoit deux lieües d'avance
, la nuit
survint
avant qu'on pût le joindre , et le Capi
taine en profita pour débarquer
300. Turcs et
quelques
vivres qu'il transportoit
d'Alger
au
Camp des Maures. Le lendemain
au point du
jour , on apperçut
ce Vaisseau
derriere un Cap
et vers les neuf heures et demie on commença
le canoner. Il essuya pendant
près de deux heures
les bordées de tous les Vaisseaux
de l'Escadre
Espagnole
, sans être beaucoup
endommagé
. Cependant
le Capitaine
Algerien
voyant que le feu
de l'Artillerie
des Espagnols
ne discontinuoit
point et perdant l'espoir de conserver
son Vaisseau
, songea à sauver l'Equipage
qu'il fit débarquer.
Don Blaise de Lezo , après avoir canoné
pendant
cinq heures le Vaisseau
Algerien
, détacha
les Gardes de la Marine et 200. bommes
pour le couler à fond , ce qui fut executé malgré
le grand feu des Algeriens
rangez en bataille sous
une batterie que les Maures avoient sur le Rivage.
Les
394 MERCURE DE FRANCE
Les Espagnols qui ont enlevé les cordages , le
Canon et tout ce que les Eunemis avoient laissé
dans le Vaisseau , n'ont eu dans ce combat, que
7. hommes tuez et 33. blessez .
On apprend par des Lettres d'Allemagne , que
plusieurs Officiers Espagnols qui sont au service
de PElecteur Palatin , ont obtenu la permission
de venir en Espagne pour faire la prochaine
Campagne d'Afrique en qualité de Volontaires.
Es Lettres d'Oran du 6. Fevrier , portent que
leurs étant sortis de cette Place pour reconnoître
des Palmiers qu'on avoit abbattus la veille , cinq
d'entre eux qui s'avancerent plus que les autres ,
tomberent dans une embuscade des Ennemis qui
les auroient enveloppez , s'ils ne se fussent retirez
précipitamment. Ils avertirent les Piquets qui
soutenoient les Travailleurs du Fort de S. Philippe
, de se tenir sur leurs gardes , et aussi -tôt les
Piquets marcherent en bon ordre aux Ennemis ,
dont le nombre pouvoit monter à 1500. Il y eut
grand feu de part et d'autre , mais les Ennemis.
curent à soutenir , non seulement celui des Pi→✩
quets , mais encore celui de l'Artillerie des Forts
de S. Philippe et de S. André Les Grenadiers
eurent ordre d'aller au secours des Piquets , et on
fit monter la Cavalerie à cheval pour soutenir
les Grenadiers, Ceux- ci étant arrivez les premiers
au poste des Ennemis , se rangerent.en bataille ,
dans le dessein de couper les Ennemis , qui s'en
étant apperçus , se retirerent. La Cavalerie Espagnole
, pour engager un combat entre les Trou
pes d'Infanterie , feignit deux fois de prendre la
fuite , afin d'attirer les Ennemis , mais ce fut inutilement.
Les Maures ont perdu ffo . hommes ,
et du côté des Espagnols il y a eu un Enseigne et
deux Soldats tuez et 17. blessez.
On a appris depuis le détail qu'on va lire au
sujet de cette Action: Quatre Compagnies de Grenadiers
commandez pour couvrir des Travailleurs
qui coupoient du bois au bas de la Montagne de
da la Mazetta , étant sorties de la Place au point dujour
192 MERCURE DE FRANCE
jour , apperçurent un nombre considerable d'Ennemis
qui se voyant découverts , firent feu et les ›
obligerent de se retirer jusqu'à ce qu'elles eussent
été jointes par cinq autres Compagnies de
Grenadiers qu'on envoya du Fort S. Philippe à s
leur secours ; soutenuës de ce renfort , elles retournerent
à l'Ennemi , et l'action s'engagea vi→
vement de part et d'autre. Le Commandant de la
Place , averti que ces gens étoient aux mains avec
les Maures , sortit avec 300. chevaux et huit
Compagnies d'Infanterie , et se mit en bataille
plaçant sa Cavalerie au centre , et son Infanterie
sur les aîles. Aussi-tôt les Maures firent avancer
un Corps de Cavalerie pour attaquer la Cavalerië
Espagnole , qui recula afin que les Ennemis , la
poursuivant , fussent pris en flanc des deux côtez
par l'Infanterie. Cette feinte réussit ; les Ennemis
s'étant trop avancez , les deux ailes se replierent
, et les ayant mis entre deux feux , leur tue
rent beaucoup de monde ; le reste ne s'étant sauvé
qu'avec peine , alla se rallier près d'un Corps
d'Infanterie et de Cavalerie , qui étoit posté à
quelque distance dans la Plaine des Salines.
Cependant le Bey Bigotillo s'étoit avancé avec
dix Drapeaux , et s'étoit mis en bataille vis- à - vis
le front des Travailleurs ; le Commandant Espagnol
et le Gouverneur du Fort de Sainte Croix
l'ayant apperçu , firent chacun un détachement
pour le couper , l'un du côté de la Montagne
l'autre par le Barranco , ou Vallon creux ; mais
Bigotillo ayant vû ce mouvement , se retira a■
plus vite,et alla rejoindre le gros des Ennemis qui
prirent la fuite. Les Espagnols poursuivirent les
Fuyards pendant un assez long espace , et après .
s avoir chassez jusques hors de la vûë d'Oran ,
rentrerent dans la Place avec une grande quantité
MARS. 1733. 195
tité de chevaux pris sur les Ennemis. Cette action
a durédepuis le point du jour jusqu'à quatre heures
du soir , et les Maures ont perdu près de 600.
hommes , au lieu que les Espagnols n'ont cu
qu'un Lieutenant de Dragons et deux Soldats
de tuez.
On a reçu avis de Barcelone , que l'Escadre que
le Roy avoit dans la Méditerranée
, étoit rentrée
dans ce Port , selon les mêmes Lettres , cette Escadre
étant sur les Côtes de Barbarie
, découvrit
près du Golfe d'Arseo , à la hauteur de Mostagan
, un Vaisseau
de 46. pieces de Canon , qui
servoit cy-devant de Capitane
à l'Escadre
d'Alger
; Don Blaise de Lezo, qui commandoit
l'Escadre
du Roy , fit force de voiles pour donner
la chasse à ce Vaisseau
; mais comme le Vaisai –
seau ennemi avoit deux lieües d'avance
, la nuit
survint
avant qu'on pût le joindre , et le Capi
taine en profita pour débarquer
300. Turcs et
quelques
vivres qu'il transportoit
d'Alger
au
Camp des Maures. Le lendemain
au point du
jour , on apperçut
ce Vaisseau
derriere un Cap
et vers les neuf heures et demie on commença
le canoner. Il essuya pendant
près de deux heures
les bordées de tous les Vaisseaux
de l'Escadre
Espagnole
, sans être beaucoup
endommagé
. Cependant
le Capitaine
Algerien
voyant que le feu
de l'Artillerie
des Espagnols
ne discontinuoit
point et perdant l'espoir de conserver
son Vaisseau
, songea à sauver l'Equipage
qu'il fit débarquer.
Don Blaise de Lezo , après avoir canoné
pendant
cinq heures le Vaisseau
Algerien
, détacha
les Gardes de la Marine et 200. bommes
pour le couler à fond , ce qui fut executé malgré
le grand feu des Algeriens
rangez en bataille sous
une batterie que les Maures avoient sur le Rivage.
Les
394 MERCURE DE FRANCE
Les Espagnols qui ont enlevé les cordages , le
Canon et tout ce que les Eunemis avoient laissé
dans le Vaisseau , n'ont eu dans ce combat, que
7. hommes tuez et 33. blessez .
On apprend par des Lettres d'Allemagne , que
plusieurs Officiers Espagnols qui sont au service
de PElecteur Palatin , ont obtenu la permission
de venir en Espagne pour faire la prochaine
Campagne d'Afrique en qualité de Volontaires.
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Résumé : ESPAGNE.
Le 6 février, à Oran, cinq soldats espagnols tombèrent dans une embuscade après avoir remarqué des palmiers abattus. Ils alertèrent les piquets protégeant les travailleurs du Fort de Saint-Philippe, qui affrontèrent environ 1500 ennemis. Un combat intense s'ensuivit, impliquant l'artillerie des forts de Saint-Philippe et de Saint-André. Les grenadiers et la cavalerie espagnole intervinrent, forçant les ennemis à se retirer. Les Maures perdirent 100 hommes, tandis que les Espagnols déplorèrent la mort d'un enseigne et de deux soldats, ainsi que 17 blessés. Par la suite, quatre compagnies de grenadiers, protégeant des travailleurs coupant du bois, furent attaquées par les ennemis. Renforcées par cinq autres compagnies, elles contre-attaquèrent. Le commandant de la place, avec 300 cavaliers et huit compagnies d'infanterie, engagea les Maures en bataille. La cavalerie espagnole feignit la fuite pour attirer les ennemis dans un piège, tuant beaucoup d'entre eux. Le Bey Bigotillo, avec dix drapeaux, tenta une attaque mais se retira face aux détachements espagnols. Les Espagnols poursuivirent les fuyards jusqu'à les chasser hors de vue d'Oran, rentrant avec une grande quantité de chevaux ennemis. Cette action dura de l'aube à 16 heures, avec près de 600 Maures tués contre un lieutenant de dragons et deux soldats espagnols. À Barcelone, l'escadre royale espagnole, revenue de la Méditerranée, découvrit un vaisseau algérien près du golfe d'Arseo. Malgré une poursuite, la nuit permit au vaisseau ennemi de débarquer 300 Turcs et des vivres. Le lendemain, l'escadre espagnole canonna le vaisseau pendant cinq heures, le coulant finalement à fond malgré la résistance algérienne. Les Espagnols récupérèrent les cordages et le canon, subissant 7 morts et 33 blessés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 643-649
NEUVIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta, en particulier sur M. le Marquis de Santa-Cruz.
Début :
Vous me faites, Monsieur, l'honneur de me demander ce que je pense de certains bruits [...]
Mots clefs :
Oran, Ceuta, Alger, Maures, Marquis de Santa Cruz, Espagnols, Prisonnier
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texteReconnaissance textuelle : NEUVIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta, en particulier sur M. le Marquis de Santa-Cruz.
NEUVIE' ME LETTRE de
M. D. L R. écrite à M. le Marquis
de B. au sujet des Villes d'Oran et de
Ceuta , en particulier sur M. le Marquis
de Santa-Cruz;
'Ous me faites , Monsieur , l'honneur de me
V demander ceque je pense de certains bruits
qui se sont répandus , et dont on a même imprimé
quelque chose dans des Nouvelles publiques
, au sujet du Marquis de Santa- Cruz , qu'on
a prétendu n'avoir pas été tué dans l'Action du
21. Novembre devant Oran , et être actuellement
prisonnier à Alger . Votre demande ne pouvoit
jamais me venir plus à propos ; une Lettre tout
récemment reçuë d'Alger , me met en état d'y
répondre pertinemment. Elle est de la même personne
, dont vous avez déja vû une autre Lettre,
insérée dans une des miennes. Voici , Monsieur,
tout ce qu'elle contient sur ce sujet.
93
MONSIEUR,
J'ai reçû le premier jour de cette année la
B Lettre
644 MERCURE DE FRANCE
>>
రు
95
» Lettre que vous m'avez fait l'honneur de mé
crire pour avoir quelque éclaircissement sur le
>> triste sort de M. le Marquis de Santa- Cruz ,
dans la malheureuse sortie qu'il fit le 21. Novembre
dernier. Les motifs que vous me détaillez
pour m'y engager , font connoître la
haute estime qu'on avoit pour ce grand hommè,
et que son mérite personnel rend sa perte
» veritablement digne des regrets les plus amers ;
mais il n'en falloit pas tant pour me porter
faire une chose à laquelle je m'interesse et je
» prens autant de part que personne ; heureux si
dans mes perquisitions je pouvois trouver de
quoi flatter les foibles esperances de Madame
la Marquise son Epouse, et temperer un peu sa
juste douleur ; mais la mort de ce Seigneur ne
» me paroît que trop certaine ; les Turcs et les
»Maures d'une part , et de l'autre les Officiers er
» les Soldats faits prisonniers , et arrivez ici de-'
» puis huit jours , l'assurent tous unanimement ;
גכ
و د
il y en a même plusieurs qui certifient avoir
» été témoins oculaires de la barbare cruauté avec
laquelle ce brave Géneral a été traité ; enfin ,
Monsieur , quelques Algeriens ajoûtent les fus
» nestes circonstances que voici.
ɔɔ
Ayant été d'abord renversé de son cheval
par un coup de fusil à la cuisse , et le cheval s'é-
" tant échappé , le General fut aussi - tôt saisi par
cinq ou six Maures , ausquels il se fit connoî-
» tre , avec promesse d'une grande récompense
»si on le traitoit humainement ; ces Barbares lui
" arracherent d'abord tout ce qu'il avoit de pré
" cieux , en commençant par la chaîne d'or à laquelle
étoient attachez ses Ordres de Chevale-
Prie , ensuite une Montre et une Bague de grand
prix , l'or qu'il avoit sur lui , & c . Il survint
un
AVRIL. 1733- 645
၁
» un moment après une dispute entre les Maures
au sujet du Prisonnier , chacun voulant le
posseder ; mais enfin craignant que le Commandant
des Turcs ne se le fit rendre d'autorité
avec toutes ses dépouilles , ils prirent le
cruel parti de lui couper la tête et de met-
» tre ensuite son corps en pieces : voilà ce
» que j'ai entendu dire à plusieurs personnes ,qui,
comme je l'ai dit , se donnent pour témoins
D de l'action.
» Ce qu'il y a de bien certain , Monsieur , c'est
» que M. de Santa - Cruz n'est ni à Alger ni dans
»le Camp des Algeriens ; il n'y a pas non plus
םכ
23
d'apparence qu'il soit prisonnier parmi les
» Maures. Après les grandes diligences qu'a fait
Bigotillos pour le découvrir mort ou vif, il
» n'auroit pas manqué de le trouver , s'il étoit
» en vie , je crois que sa tête et son corps ont été
»si fort défigurez qu'il n'aura pas été possible
» de le reconnoître. Une partie de ceux qui fu-
» rent faits prisonniers dans cette même journée,
au nombre de 119. sont ici, comme je l'ai
marqué cy- dessus ; j'en ai questionné plusieurs,
» les autres Font été par les Religieux Espagnols
de laRédemption,que j'ai employez pour ce sujet,
lesquels m'ont donné une Liste des Officiers,
la même que le General Turc fit faire par une
» feinte qui lui réussit ; car pour bien reconnoî-
> noître les Officiers , il fit dire à toute la troupe
»des Prisonniers , qu'il vouloit envoyer les Soldats
à Alger , mais qu'à l'égard des Officiers ,
»son intention étoit de négocier leur rançon
par argent ou par échange , et cependant les
renvoyer à Oran ; alors chacun s'empressa de
>> se faire connoître pour ce qu'il étoit ; mais le
» General Turc ayant fait le discernement qu'il
Bij souhaitoit
"
646
MERCURE
DE FRANCE
souhaitoit , les a tous envoyez à Alger avec la
Liste contenant leurs qualitez . Aucun de ces
Officiers n'est François, mais il y a beaucoup de
» Soldats ; on assure qu'il y en a encore un grand
nombre de toutes les Nations de l'Europe , qui
» sont restez au pouvoir des Maures , lesquels
> ne veulent ni les rendre ni les vendre aux
Turcs, dans l'esperance d'en tirer un plus grand
prix d'ailleurs.
כ כ
ם כ
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pû apprendre
de la fatale destinée de M. le Marqnis
» de Santa- Cruz . La perte d'un General si plein
» de valeur , si expérimenté , si zelé pour la Religion
et pour sa Patrie , ne peut être assez
» pleurée ; sur tout , s'il est vrai , comme on le
» dit, qu'elle ait été occasionnée par la mauvaise
>> manoeuvre de quelques Régimens , qui auroient
dû se sacrifier mille fois pour la conservation
de ce grand Capitaine . Nous commençons d'être
ici un peu plus tranquiles, ce qui m'engagera
à continuer de vous donner de mes nouvelles.
» J'ai l'honneur d'être , &c.
>>
A Alger , le 6. Janvier 1733 .
Je n'aurai pas , Monsieur , beaucoup de cho
ses à vous dire aujourd'hui au sujet d'Ōran et de
Ceuta 3 vous sçavez , sans doute , les nouvelles
courantes et l'inaction qu'il y a eû de
part et d'autre à l'égard de ces deux Places jusqu'au
. Février , jour auquel il y eut une action
assez vive entre les Troupes de la Garnison d'Oran
et les Maures , laquelle dura depuis le matinjusqu'au
soir , et fut tout à l'avantage des Espagnols.
La saison où nous allons entrer , fournira
, sans doute , d'autres Evenemens , et je
17
compte
AVRIL. 1733. 647
compte fort sur mes Correspondances pour avoir
le plaisir de continuer de vous instruire des nouvelles
d'Affrique , sur tout si dans ce temps-là
vous n'êtes point à Paris .
En attendant je crois , Monsieur , que vous
ferez bien de continuer votre lecture de Marmol,
Auteur Espagnol , qui a fait un Ouvrage assez
instructif sur cette grande Partie du Monde ;
vous y apprendrez des choses curieuses , et qui
vous mettront au fait de plusieurs sujets qui se
présentent souvent , et sur lesquels on n'a ordinairement
que des idées superficielles ; mais lisez
, s'il est possible , cet Auteur dans sa Langue
naturelle , n'ayez pas , du moins , trop de confiance
en la Traduction qu'en a faite M. d'Ablancourt
, qui n'eut ni le temps de la revoir ni
de publier lui-même son travail. Outre que les
noms Arabes composez, des Lieux et des Personnes
, déja assez mal traitez pár Marmol , sont
encore plus défigurez dans d'Ablancourt , je
trouve en quelques endroits sa Version fort deffectueuse
, peu limée , même par rapport à notre
Langue , qu'il devoit sçavoir mieux qu'un autre ,
vous pourrez en juger par la maniere dont il
s'exprime à l'égard du fameux Port de Marsalquibir
, qui est auprès d'Oran , et dont le nom
signifie en Arabe ce que les Romains ont dit en
Latin , Portus Magnus . Notre Traducteur écrit
Marsa-qui-Vir , ce qui est une veritable corruption.
Cette Place , dit - il ensuite , qui signifie le
grand Port , &c. Je vous demande , Monsieur , si
c'est là du François ? une place qui signifie , &c .
Je puis vous assurer que ce n'est pas non plus le
sens de la phrase Espagnole.
Je vois aussi avec plaisir que vous prenez goût
à la Géographie d'Abulfeda , cet Auteur Arabe ,
B iij
dont
648 MERCURE DE FRANCE
dont je vous ai parlé à l'occasion de la Ville de
Ceuta , et dont l'Edition entiere doit être présentement
publiée à Londres. Vous me demandez
si ce Géographe , qui vivoit dans le XIV . siecle ,
a fait quelque mention d'Oran . Il n'a assurément
pas oublié cette Ville dans la courte Description
qu'il fait de la Côte de Barbarie. » Oran,
ou Ouahran , dit - il , est une Ville du Pays des
» Bereberes,du côté du Couchant située sur le bord
» de la Mer , distante d'une journée de chemin
de Tremecen ; ceux qui l'ont vûë rapportent
qu'elle sert de Port à Tremecen ; elle est située
» à l'Orient , tant soit peu Septentrional de cette
Capitale. Sa longitude est d'environ 15. D. 20.
M. et sa latitude de 18 : D. 5o . M. Le Cherif
Edrisi dit dans sa Géographie , que cette Ville
» Maritime est ceinte d'une très forte Muraille ,
et qu'elle est située vis - à- vis d'Almerie en Espagne.
39
Marmol n'a pas connu ce Géographe qui auroit
pû le redresser en plusieurs endroirs de son
Affrique , Ouvrage , comme je l'ai déja dit , qui a
son merite et ses deffauts . L'Auteur est presque
toujours prévenu en faveur de la prétendue antiquité
des Lieux dont il parle . C'est lui qui le
premier a fait d'Oran , de Ceuta , et de quelques
autres Places de l'Affrique , des Colonies Romai
nes , ce qui n'a pas le moindre fondement dans
l'Histoire ni ailleurs . La plupart de ces Villes
doivent leur origine aux Califes ou à des Princes
Mahométans leurs Successeurs.
Il me reste à vous dire un mot des affaires de
Ceuta , qui n'ont pas changé de situation depuis
mes dernieres Lettres. L'inaction est encore plus
grande de la part des Maures qui sont devant
cette Place , que de ceux qui sont aux environs
d'Oran
AVRIL. 1733. 649
d'Oran. On prétend même que les Troupes du
Camp de Ceuta sont fort diminuées par la retrai
te de près de 2000. Noirs , occasionnée par les
troubles du Royaume de Maroc , que le nouveau
Roy a bien de la peine à appaiser. Quoiqu'il en
soit c'est une grande entreprise pour d'aussi mauvais
guerriers , que celle de prendre par force une
telle Place .
Je suis encore plus fortifié dans mon opinion
depuis que j'en ai vu le Plan ces jours passez tel
qu'il a été levé sur les lieux par d'habiles Ingénieurs
Espagnols ; ce qui me donne une grande
idée de la Ville et des Fortifications , qui sont en
grand nombre et bien entendues. Comme rien
n'est oublié dans ce Plan , et que tous les environs
de Ceuta y sont exactement décrits , j'y ai
remarqué avec plaisir jusqu'à l'ancienne Eglise
de S. Samson , qui subsiste encore à une lieue du
corps de la Place , dans laquelle Jean I. Roy de
Portugal , fit les Princes ses fils Chevaliers , après
la Prise d'Oran , suivant le Projet dont je vous
ai parlé dans ma précédente Lettre. J'ai l'honneur
d'être , Monsieur , &c.
A Paris le 14. Mars 1733-
M. D. L R. écrite à M. le Marquis
de B. au sujet des Villes d'Oran et de
Ceuta , en particulier sur M. le Marquis
de Santa-Cruz;
'Ous me faites , Monsieur , l'honneur de me
V demander ceque je pense de certains bruits
qui se sont répandus , et dont on a même imprimé
quelque chose dans des Nouvelles publiques
, au sujet du Marquis de Santa- Cruz , qu'on
a prétendu n'avoir pas été tué dans l'Action du
21. Novembre devant Oran , et être actuellement
prisonnier à Alger . Votre demande ne pouvoit
jamais me venir plus à propos ; une Lettre tout
récemment reçuë d'Alger , me met en état d'y
répondre pertinemment. Elle est de la même personne
, dont vous avez déja vû une autre Lettre,
insérée dans une des miennes. Voici , Monsieur,
tout ce qu'elle contient sur ce sujet.
93
MONSIEUR,
J'ai reçû le premier jour de cette année la
B Lettre
644 MERCURE DE FRANCE
>>
రు
95
» Lettre que vous m'avez fait l'honneur de mé
crire pour avoir quelque éclaircissement sur le
>> triste sort de M. le Marquis de Santa- Cruz ,
dans la malheureuse sortie qu'il fit le 21. Novembre
dernier. Les motifs que vous me détaillez
pour m'y engager , font connoître la
haute estime qu'on avoit pour ce grand hommè,
et que son mérite personnel rend sa perte
» veritablement digne des regrets les plus amers ;
mais il n'en falloit pas tant pour me porter
faire une chose à laquelle je m'interesse et je
» prens autant de part que personne ; heureux si
dans mes perquisitions je pouvois trouver de
quoi flatter les foibles esperances de Madame
la Marquise son Epouse, et temperer un peu sa
juste douleur ; mais la mort de ce Seigneur ne
» me paroît que trop certaine ; les Turcs et les
»Maures d'une part , et de l'autre les Officiers er
» les Soldats faits prisonniers , et arrivez ici de-'
» puis huit jours , l'assurent tous unanimement ;
גכ
و د
il y en a même plusieurs qui certifient avoir
» été témoins oculaires de la barbare cruauté avec
laquelle ce brave Géneral a été traité ; enfin ,
Monsieur , quelques Algeriens ajoûtent les fus
» nestes circonstances que voici.
ɔɔ
Ayant été d'abord renversé de son cheval
par un coup de fusil à la cuisse , et le cheval s'é-
" tant échappé , le General fut aussi - tôt saisi par
cinq ou six Maures , ausquels il se fit connoî-
» tre , avec promesse d'une grande récompense
»si on le traitoit humainement ; ces Barbares lui
" arracherent d'abord tout ce qu'il avoit de pré
" cieux , en commençant par la chaîne d'or à laquelle
étoient attachez ses Ordres de Chevale-
Prie , ensuite une Montre et une Bague de grand
prix , l'or qu'il avoit sur lui , & c . Il survint
un
AVRIL. 1733- 645
၁
» un moment après une dispute entre les Maures
au sujet du Prisonnier , chacun voulant le
posseder ; mais enfin craignant que le Commandant
des Turcs ne se le fit rendre d'autorité
avec toutes ses dépouilles , ils prirent le
cruel parti de lui couper la tête et de met-
» tre ensuite son corps en pieces : voilà ce
» que j'ai entendu dire à plusieurs personnes ,qui,
comme je l'ai dit , se donnent pour témoins
D de l'action.
» Ce qu'il y a de bien certain , Monsieur , c'est
» que M. de Santa - Cruz n'est ni à Alger ni dans
»le Camp des Algeriens ; il n'y a pas non plus
םכ
23
d'apparence qu'il soit prisonnier parmi les
» Maures. Après les grandes diligences qu'a fait
Bigotillos pour le découvrir mort ou vif, il
» n'auroit pas manqué de le trouver , s'il étoit
» en vie , je crois que sa tête et son corps ont été
»si fort défigurez qu'il n'aura pas été possible
» de le reconnoître. Une partie de ceux qui fu-
» rent faits prisonniers dans cette même journée,
au nombre de 119. sont ici, comme je l'ai
marqué cy- dessus ; j'en ai questionné plusieurs,
» les autres Font été par les Religieux Espagnols
de laRédemption,que j'ai employez pour ce sujet,
lesquels m'ont donné une Liste des Officiers,
la même que le General Turc fit faire par une
» feinte qui lui réussit ; car pour bien reconnoî-
> noître les Officiers , il fit dire à toute la troupe
»des Prisonniers , qu'il vouloit envoyer les Soldats
à Alger , mais qu'à l'égard des Officiers ,
»son intention étoit de négocier leur rançon
par argent ou par échange , et cependant les
renvoyer à Oran ; alors chacun s'empressa de
>> se faire connoître pour ce qu'il étoit ; mais le
» General Turc ayant fait le discernement qu'il
Bij souhaitoit
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MERCURE
DE FRANCE
souhaitoit , les a tous envoyez à Alger avec la
Liste contenant leurs qualitez . Aucun de ces
Officiers n'est François, mais il y a beaucoup de
» Soldats ; on assure qu'il y en a encore un grand
nombre de toutes les Nations de l'Europe , qui
» sont restez au pouvoir des Maures , lesquels
> ne veulent ni les rendre ni les vendre aux
Turcs, dans l'esperance d'en tirer un plus grand
prix d'ailleurs.
כ כ
ם כ
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pû apprendre
de la fatale destinée de M. le Marqnis
» de Santa- Cruz . La perte d'un General si plein
» de valeur , si expérimenté , si zelé pour la Religion
et pour sa Patrie , ne peut être assez
» pleurée ; sur tout , s'il est vrai , comme on le
» dit, qu'elle ait été occasionnée par la mauvaise
>> manoeuvre de quelques Régimens , qui auroient
dû se sacrifier mille fois pour la conservation
de ce grand Capitaine . Nous commençons d'être
ici un peu plus tranquiles, ce qui m'engagera
à continuer de vous donner de mes nouvelles.
» J'ai l'honneur d'être , &c.
>>
A Alger , le 6. Janvier 1733 .
Je n'aurai pas , Monsieur , beaucoup de cho
ses à vous dire aujourd'hui au sujet d'Ōran et de
Ceuta 3 vous sçavez , sans doute , les nouvelles
courantes et l'inaction qu'il y a eû de
part et d'autre à l'égard de ces deux Places jusqu'au
. Février , jour auquel il y eut une action
assez vive entre les Troupes de la Garnison d'Oran
et les Maures , laquelle dura depuis le matinjusqu'au
soir , et fut tout à l'avantage des Espagnols.
La saison où nous allons entrer , fournira
, sans doute , d'autres Evenemens , et je
17
compte
AVRIL. 1733. 647
compte fort sur mes Correspondances pour avoir
le plaisir de continuer de vous instruire des nouvelles
d'Affrique , sur tout si dans ce temps-là
vous n'êtes point à Paris .
En attendant je crois , Monsieur , que vous
ferez bien de continuer votre lecture de Marmol,
Auteur Espagnol , qui a fait un Ouvrage assez
instructif sur cette grande Partie du Monde ;
vous y apprendrez des choses curieuses , et qui
vous mettront au fait de plusieurs sujets qui se
présentent souvent , et sur lesquels on n'a ordinairement
que des idées superficielles ; mais lisez
, s'il est possible , cet Auteur dans sa Langue
naturelle , n'ayez pas , du moins , trop de confiance
en la Traduction qu'en a faite M. d'Ablancourt
, qui n'eut ni le temps de la revoir ni
de publier lui-même son travail. Outre que les
noms Arabes composez, des Lieux et des Personnes
, déja assez mal traitez pár Marmol , sont
encore plus défigurez dans d'Ablancourt , je
trouve en quelques endroits sa Version fort deffectueuse
, peu limée , même par rapport à notre
Langue , qu'il devoit sçavoir mieux qu'un autre ,
vous pourrez en juger par la maniere dont il
s'exprime à l'égard du fameux Port de Marsalquibir
, qui est auprès d'Oran , et dont le nom
signifie en Arabe ce que les Romains ont dit en
Latin , Portus Magnus . Notre Traducteur écrit
Marsa-qui-Vir , ce qui est une veritable corruption.
Cette Place , dit - il ensuite , qui signifie le
grand Port , &c. Je vous demande , Monsieur , si
c'est là du François ? une place qui signifie , &c .
Je puis vous assurer que ce n'est pas non plus le
sens de la phrase Espagnole.
Je vois aussi avec plaisir que vous prenez goût
à la Géographie d'Abulfeda , cet Auteur Arabe ,
B iij
dont
648 MERCURE DE FRANCE
dont je vous ai parlé à l'occasion de la Ville de
Ceuta , et dont l'Edition entiere doit être présentement
publiée à Londres. Vous me demandez
si ce Géographe , qui vivoit dans le XIV . siecle ,
a fait quelque mention d'Oran . Il n'a assurément
pas oublié cette Ville dans la courte Description
qu'il fait de la Côte de Barbarie. » Oran,
ou Ouahran , dit - il , est une Ville du Pays des
» Bereberes,du côté du Couchant située sur le bord
» de la Mer , distante d'une journée de chemin
de Tremecen ; ceux qui l'ont vûë rapportent
qu'elle sert de Port à Tremecen ; elle est située
» à l'Orient , tant soit peu Septentrional de cette
Capitale. Sa longitude est d'environ 15. D. 20.
M. et sa latitude de 18 : D. 5o . M. Le Cherif
Edrisi dit dans sa Géographie , que cette Ville
» Maritime est ceinte d'une très forte Muraille ,
et qu'elle est située vis - à- vis d'Almerie en Espagne.
39
Marmol n'a pas connu ce Géographe qui auroit
pû le redresser en plusieurs endroirs de son
Affrique , Ouvrage , comme je l'ai déja dit , qui a
son merite et ses deffauts . L'Auteur est presque
toujours prévenu en faveur de la prétendue antiquité
des Lieux dont il parle . C'est lui qui le
premier a fait d'Oran , de Ceuta , et de quelques
autres Places de l'Affrique , des Colonies Romai
nes , ce qui n'a pas le moindre fondement dans
l'Histoire ni ailleurs . La plupart de ces Villes
doivent leur origine aux Califes ou à des Princes
Mahométans leurs Successeurs.
Il me reste à vous dire un mot des affaires de
Ceuta , qui n'ont pas changé de situation depuis
mes dernieres Lettres. L'inaction est encore plus
grande de la part des Maures qui sont devant
cette Place , que de ceux qui sont aux environs
d'Oran
AVRIL. 1733. 649
d'Oran. On prétend même que les Troupes du
Camp de Ceuta sont fort diminuées par la retrai
te de près de 2000. Noirs , occasionnée par les
troubles du Royaume de Maroc , que le nouveau
Roy a bien de la peine à appaiser. Quoiqu'il en
soit c'est une grande entreprise pour d'aussi mauvais
guerriers , que celle de prendre par force une
telle Place .
Je suis encore plus fortifié dans mon opinion
depuis que j'en ai vu le Plan ces jours passez tel
qu'il a été levé sur les lieux par d'habiles Ingénieurs
Espagnols ; ce qui me donne une grande
idée de la Ville et des Fortifications , qui sont en
grand nombre et bien entendues. Comme rien
n'est oublié dans ce Plan , et que tous les environs
de Ceuta y sont exactement décrits , j'y ai
remarqué avec plaisir jusqu'à l'ancienne Eglise
de S. Samson , qui subsiste encore à une lieue du
corps de la Place , dans laquelle Jean I. Roy de
Portugal , fit les Princes ses fils Chevaliers , après
la Prise d'Oran , suivant le Projet dont je vous
ai parlé dans ma précédente Lettre. J'ai l'honneur
d'être , Monsieur , &c.
A Paris le 14. Mars 1733-
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Résumé : NEUVIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta, en particulier sur M. le Marquis de Santa-Cruz.
Le texte est une lettre adressée au Marquis de B. pour clarifier les rumeurs concernant la mort du Marquis de Santa-Cruz. L'auteur répond à une demande d'éclaircissements sur ces rumeurs et fournit des informations basées sur une lettre récente reçue d'Alger. Cette lettre confirme la mort du Marquis de Santa-Cruz, tué après avoir été renversé de son cheval et capturé par des Maures. Les témoins et les prisonniers confirment la cruauté de son traitement et l'absence de son corps reconnaissable. La lettre mentionne également l'inaction militaire récente à Oran et Ceuta. Elle rapporte une action militaire vive en février où les Espagnols ont eu l'avantage. L'auteur recommande la lecture de l'œuvre de Marmol sur l'Afrique et discute de la géographie d'Abulfeda concernant Oran. Il note également les troubles au Maroc et l'état des fortifications de Ceuta.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1019-1020
ESPAGNE.
Début :
Par le Courrier arrivé d'Oran le 27. Avril, on a appris que la nuit du 19. au 20. du même [...]
Mots clefs :
Ennemis, Compagnies, Espagnols, Forts, Feu
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texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE,
Ar le Courrier arrivé d'Oran le 27. Avril , on
a appris que la nuit du 19. au 20. du même
mois , l'armée des Ennemis s'étoit approchée par
le Barranco ou Vallon creux , des postes qui couvrent
les Travailleurs des nouvelles Fortifications
des Forts S. Ferdinand et S. Philippe . Deux Compagnies
de Grenadiers qui étoient au pied de la
Montagne de la Mazetta , ayant découvert l'avant-
garde des Maures , la chargerent , mais
nayant reconnu le grand nombre des Ennemis
elles se retirerent de leur poste , qui fut occupé
par un Détachement des Ennemis , jusqu'à ce
que le Marquis de Villadarias , Commandant
General des Troupes Espagnoles , eut envoyé
dix autres Compagnies qui les en chasserent. Če
Détachement s'étant retiré sur l'une des éminences
qui commandent le Barranco , obligea par
le feu continuel de sa Mousqueterie , les Espagnols
de quitter ce même poste ; mais ceux - cy
ayant reçû un renfort de sept Compagnies de
Grenadiers , de quatre de Gardes Espagnoles et
Walonnes , d'une du Régiment d'Espagne , et de
deux du Régiment de Victoria , retournerent à la
charge , attaquerent vivement les Troupes postées
SU
1020 MERCURE DE FRANCE
sur la hauteur , et les mirent en fuite. Alors l'armée
des Maures , composée de 9000. hommes
d'Infanterie et de 2000. chevaux , marcha en
Bataille contre les Espagnols , et ceux- cy s'étant
postez sous le Canon des Forts S. Ferdinand
et S. Philippe , les Ennemis avancerent jusqu'à
la demie portée du fusil de ces Forts , d'où
ils furent très-mal traitez par de fréquentes décharges
d'Artillerie et de Mousqueterie. Après
avoir demeuré pendant quelques heures exposez
à ce feu , et voyant qu'ils perdoient beaucoup de
monde , ils se retirerent sans vouloir engager
le combat avec la Cavalerie Espagnole , qui étoit
postée près du Fort S. André , et qui les attaqua
pour les attirer sous le feu de ce Fort. Quelques
Déserteurs des Ennemis ont rapporté que leur
perte montoit à 1500. hommes. Du côté des Espagnols
il n'y a eu que trois Officiers et sept
Soldats de tuez , et environ 80. blessez .
Ar le Courrier arrivé d'Oran le 27. Avril , on
a appris que la nuit du 19. au 20. du même
mois , l'armée des Ennemis s'étoit approchée par
le Barranco ou Vallon creux , des postes qui couvrent
les Travailleurs des nouvelles Fortifications
des Forts S. Ferdinand et S. Philippe . Deux Compagnies
de Grenadiers qui étoient au pied de la
Montagne de la Mazetta , ayant découvert l'avant-
garde des Maures , la chargerent , mais
nayant reconnu le grand nombre des Ennemis
elles se retirerent de leur poste , qui fut occupé
par un Détachement des Ennemis , jusqu'à ce
que le Marquis de Villadarias , Commandant
General des Troupes Espagnoles , eut envoyé
dix autres Compagnies qui les en chasserent. Če
Détachement s'étant retiré sur l'une des éminences
qui commandent le Barranco , obligea par
le feu continuel de sa Mousqueterie , les Espagnols
de quitter ce même poste ; mais ceux - cy
ayant reçû un renfort de sept Compagnies de
Grenadiers , de quatre de Gardes Espagnoles et
Walonnes , d'une du Régiment d'Espagne , et de
deux du Régiment de Victoria , retournerent à la
charge , attaquerent vivement les Troupes postées
SU
1020 MERCURE DE FRANCE
sur la hauteur , et les mirent en fuite. Alors l'armée
des Maures , composée de 9000. hommes
d'Infanterie et de 2000. chevaux , marcha en
Bataille contre les Espagnols , et ceux- cy s'étant
postez sous le Canon des Forts S. Ferdinand
et S. Philippe , les Ennemis avancerent jusqu'à
la demie portée du fusil de ces Forts , d'où
ils furent très-mal traitez par de fréquentes décharges
d'Artillerie et de Mousqueterie. Après
avoir demeuré pendant quelques heures exposez
à ce feu , et voyant qu'ils perdoient beaucoup de
monde , ils se retirerent sans vouloir engager
le combat avec la Cavalerie Espagnole , qui étoit
postée près du Fort S. André , et qui les attaqua
pour les attirer sous le feu de ce Fort. Quelques
Déserteurs des Ennemis ont rapporté que leur
perte montoit à 1500. hommes. Du côté des Espagnols
il n'y a eu que trois Officiers et sept
Soldats de tuez , et environ 80. blessez .
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Résumé : ESPAGNE.
Le 27 avril, des informations d'Oran ont rapporté qu'une nuit du 19 au 20 avril, l'armée ennemie s'est approchée des postes couvrant les travailleurs des nouvelles fortifications des forts Saint-Ferdinand et Saint-Philippe. Deux compagnies de grenadiers espagnols ont chargé l'avant-garde des Maures mais se sont retirées face à leur nombre. Le marquis de Villadarias a envoyé des renforts pour chasser les ennemis, qui se sont repliés sur une éminence. Les Espagnols, renforcés par sept compagnies de grenadiers, quatre de gardes espagnols et wallons, une du régiment d'Espagne, et deux du régiment de Victoria, ont attaqué et mis en fuite les troupes ennemies. L'armée maure, composée de 9 000 hommes d'infanterie et 2 000 chevaux, a alors avancé en bataille contre les Espagnols. Ces derniers, positionnés sous le canon des forts, ont repoussé les Maures par des décharges d'artillerie et de mousqueterie. Après plusieurs heures sous ce feu, les Maures se sont retirés sans engager la cavalerie espagnole. Les pertes ennemies sont estimées à 1 500 hommes, tandis que les Espagnols ont déploré trois officiers et sept soldats tués, et environ 80 blessés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 148-158
Histoire abrégée des guerres des Algériens avec les Hollandois, traduite de l'Allemand, par M. Radix de Sainte-Foy. 1755.
Début :
Selon toute apparence, Alger, ainsi que toute la côte de Barbarie, fut peuplée [...]
Mots clefs :
Vaisseaux, Guerre, Algériens, États généraux , Ennemis, Espagnols, Roi d'Espagne, Barbarie, Hollandais
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texteReconnaissance textuelle : Histoire abrégée des guerres des Algériens avec les Hollandois, traduite de l'Allemand, par M. Radix de Sainte-Foy. 1755.
Hiftoire abrégée des guerres des Algériens avec
les Hollandois , traduite de l'Allemand ,
par M. Radix de Sainte- Foy . 1755 .
Elon toute apparence , Alger, ainfi que
toute la côte de Barbarie , fut peuplée
d'abord par les Egyptiens . Les Pheniciens
y établirent enfuite des colonies , & y bâtirent
Utique & Carthage. Depuis, tous les
petits Princes de la côte furent fubjugués
par les Carthaginois , ou devinrent leurs
tributaires : mais ces Princes , las enfin de
la domination Garthaginoife , s'offrirent
aux Romains pour leur aider à foumettre
Carthage. Ceux- ci refterent maîtres de la
côte jufqu'au cinquiéme fiécle , que les
Vandales s'en emparerent. Les Barbares
furent obligés dans la fuite de rendre leur
AOUST. 1755. 149
conquête aux Empereurs Romains , ou
pour mieux dire , aux Empereurs Grecs ,
qui poffederent cette côte , jufqu'à ce que
les Califes Sarrazins , fucceffeurs de Mahomet
envahirent dans le feptiéme fiécle
toute la partie feptentrionale de l'Afrique,
auquel tems l'Alger que nous connoiffons
devint la ville capitale de la Mauritanie .
Alger dépendit enfuite , premierement de
la ville de Conftantine , & fucceffivement
de Bugie , d'Hyppone , & enfin de Tremecen
, ou Telencin , jufqu'à l'incurfion
des Barbares Mahométans , qui diviferent
la côte de Barbarie en plufieurs royaumes ,
entre lefquels étoient Alger , Tunis & Tripoli
. Quelques fiécles après , la ville d'Alger
devint tributaire du Roi de Tunis ,
qui promit de lui laiffer , comme à une
République , la jouiffance de fes privileges.
L'an 1510 , Alger fe foumit par crainte
du Roi d'Espagne à un riche More ,
nommé Sélim Eutimi ; cependant quelques
années après , Ferdinand , Roi d'Efpagne ,
la prit , bâtit une forte citadelle fur la place
où eft à préfent le port , & y mit une
nombreuſe garnifon. Après la mort de
Ferdinand , les Algériens chercherent à fecouer
le joug des Efpagnols , & vers l'an
1516 ils appellerent à leur fecours le fameux
Pirate Barberouffe qui vint , maffa-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
cra Eutimi , s'érigea lui - même en Roid'Alger
, & regna jufqu'en l'année 1517 ,
qu'il fut tué dans un combat. Les Algériens
élurent pour leur Roi Héreddin Barberouffe
fon frere ; mais comme il n'étoit
pas en état de faire tête à fes ennemis , &
fur tout aux Efpagnols , il eut recours à
la Porte , & rendit tributaire du Grand
Seigneur Alger , & une grande partie de
la côte de Barbarie .
Les Algériens enflés d'une telle protection
, en devinrent plus audacieux à pillerles
vaiffeaux Chrétiens ; l'on vit de jour
en jour accroître leur infolence. L'Empereur
Charlequint irrité de leurs pirateries,
vint affiéger Alger l'an 1 541 , avec cent
gros vaiffeaux , & dix- huit grandes galeres
qui portoient en tout vingt- deux mille
hommes : mais une tempête violente & un
ouragan terrible qui s'éleverent le 20 Octobre
, firent couler à fond tous les vaiffeaux
& quinze galeres , pendant que les
troupes de débarquement furent pourfuivies
dans leur retraite précipitée . La plus
grande partie fut paffée au fil de l'épée , &
l'Empereur lui -même eût bien de la peine
à regagner la Sicile avec une feule galere.
De ce moment , Alger devint une retraite
formidable de Pirates , & un nid de voleurs
. Sa marine augmenta , & les courfes
A O UST. 1755 15 !
de fes Barbares habitans , firent un grand
tort aux Chrétiens , principalement aux
habitans des Pays-Bas , fur- tout depuis
l'année 1590 que ceux - ci commencerent
à étendre leur commerce par le Détroit de
Gibraltar en Italie , & même jufqu'au Levant.
Enfin au commencement du dix-feptiéme
fiécle le mal devint fi grand que les
Etats Généraux fe déterminerent en 1612
à envoyer à Conftantinople , en qualité
d'Ambaſſadeur , le fieur Cornelius Hage
pour obtenir par un traité , à l'exemple des
autres nations , un commerce libre dans
toutes les provinces dépendantes de la Porte.
Cette Ambaffade eut un fuccès fi heureux
, que les Turcs dans le vingt & unié-.
me article du traité défendirent aux Algé
riens de jamais faire le moindre tort aux
vaiffeaux hollandois , fous quelque prétexte
que ce put être : Mais ceux - ci fe
conformerent mal à cette défenſe , foit
que l'autorité des Turcs fut affez peu refpectée
dans la Barbarie , foit que la Porte
ne pût donner affez de fecours à ceux
d'Alger & de Tunis contre les infultes des
Efpagnols établis à Oran : d'ailleurs , les
premiers repréfenterent que fi on les em →
pêchoit d'aller en courfe , il leur étoit abe
folument impoffible d'entretenir le nombre
G
iiij
152 MERCURE DE FRANCE .
néceſſaire de Janiffaires. La Porte fut donc
obligée de fermer les yeux fur leurs procé
dés , & ils continuerent d'attaquer indifféremment
amis & ennemis.
Cependant en 1617 , à la follicitation
de Cornelius Hage , la Porte renouvella la
défenfe faite aux Algériens , de prendre
les bâtimens hollandois ; mais ils continuerent
à les arrêter , & à s'emparer de
toutes les marchandiſes appartenantes aux
Efpagnols & aux Italiens ; & fur les plaintes
réitérées , en 1619 ils écrivirent aux
Etats Genéraux une lettre , dans laquelle
ils leurs faifoient connoître » qu'ils ne
pouvoient nullement ceffer de vifiter
leurs navires , & d'en enlever toutes les
" marchandiſes des Efpagnols & des Ita
» liens , mais qu'afin qu'ils n'en fouffrif
fent aucun tort , ils leurs promettoient
de leur en payer exactement le fret .
و و
-
Les Etats Généraux leur objecterent
que cette propofition étoit formellement
oppofée au traité fait en 1612 , avec le
Grand Seigneur , & ils les menacerent ,
s'ils refufoient plus long- tems de s'y conformer
, de les traiter en ennemis . En effet
en l'année 1619 leurs Hautes Puiffances
commencerent contre ces Corfaires des
hoftilités ouvertes.
Les Algériens , dans l'efpace de treize
A O UST. 1755. 153
mois,prirent aux Hollandois cent quarantetrois
vaiſſeaux , ceux-ci leur en prirent auffi
plufieurs ; & leur animofité étoit fi forte
contre ces Pirates , que tous ceux qu'ils
prenoient étoient incontinent jettés à la
mer ; mais les Hollandois virent bientôt
que la guerre ne conduifoit pas à leur objet
; ils firent de nouvelles propofitions
aufquelles les Algériens répondirent » que
» leurs Hautes Puiffances pouvoient en-
» voyer quelqu'un avec des vaiffeaux de
»guerre pour emmener les efclaves , &
qu'ils verroient alors que » leur paix
feroit une véritable paix , leur parole une
parole inviolable , & leurs affurances des
furetés. Cependant la fauffeté de cette promeffe
s'eft foutenue jufqu'à préfent.
39
Dans le mois de Juin 1622 , les Etats
Généraux envoyerent le fieur Pinacker
Profeffeur dans l'Univerfité de Groningue,
à Alger , où il arriva le 3 Septembre ; il
fit tant par fes négociations qu'il obtint
que la vifite des vaiffeaux hollandois cefferoit
, & que les prifonniers feroient mis
en liberté & afin d'ôter tout prétexte aux
Pirates , leurs Hautes Puiffances ordonnerent
que tous leurs vaiffeaux deftinés pour
le Détroit de Gibraltar ou pour le Levant ,
feroient munis d'un paffeport , qui déclareroit
que les Capitaines étoient vé-
,
:
»
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
و ر
ritablement Hollandois , & qu'ils avoient
» fait ferment que leurs vaiffeaux , auffi-
» bien que leur chargement , n'apparte-
» noient ni en entier ni en partie aux en-
» nemis du Grand Seigneur.
Leurs Hautes Puiffances publierent dans
la même année une défenfe aux vaiffeaux
marchands de ne plus fortir fans eſcorte.
Malgré ces précautions la paix fut encore
rompue par les Algériens , dont la puiffance
augmenta tellement , qu'en l'année
1659 ils mirent en mer , en différentes
efcadres , feize vaiffeaux de guerre de
vingt quatre à trente- fix piéces de canon ,
de quatre à cinq cens hommes d'équipage
, & deux galeres de vingt- deux à vingthuit
paires de rames , ayant à bord un pareil
nombre d'hommes ; alors les vaiffeaux
de guerre hollandois coururent eux - mêmes
rifque d'être enlevés avec les marchands
auxquels ils fervoient d'efcorte .
On avoit déja employé plufieurs moyens
pour détruire cette ville corfaire , & le fameux
Amiral Ruiter fut envoyé en 1655
pour brûler ces Barbarefques dans leur
port ; cependant ce projet échoua à cauſe
d'un trop grand calme , & c'eft alors que
ce grand Amiral dit , que celui qui voudroit
attaquer la ville ou le port d'Alger , devroit
avoir pour lui le foleil & la lune , le jour &
A O UST. 1755. 155
la nuit , le vent & le tems ; le vent favoiable
pour s'approcher de la ville & pour
s'en éloigner , le tems clair & ferein pour
découvrir l'entrée de la rade , ou au moins
un Pilote habile à qui la fituation des lieux
fut entierement connue fans compter
qu'il faudroit que les habitans de la ville
ignoraflent abfolument ce deffein , parce
que pour peu qu'ils fuffent fur leurs gardes
, il leur feroit facile d'empêcher l'entrée
des vaiffeaux dans leur port.
›
Cependant perfonne n'a attaqué ces
Corfaires avec plus d'avantage , perfonne
ne leur a fait plus de tort que le méme
Amiral Ruiter , & n'a fçu mieux les combattre.
Il les ferra de fi près , & jetta fi
fort l'allarme parmi eux ; que leurs foldats
refufoient de s'embarquer : deforte
qu'en l'année 1662 ils furent obligés de
demander le rétabliffement de la paix aux
mêmes conditions qu'ils venoient de la renouveller
avec les Anglois, c'est- à- dire que
»leurs armateurs, lorfqu'ils rencontreroient
» un vaiffeau Hollandois , feroient obligés
d'envoyer à fon bord deux hommes de leur
Ȏquipage pour demander amiablement s'il
» n'avoit pas des hommes ou des marchan-
» difes qui appartiendroient à leurs ennemis.
Cette ftipulation fut rejettée , &
ils furent fort heureux d'obtenir des Hol
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
landois la paix le 16 Novembre 1662 fous
cette condition : Vaiffeau libre , marchandifes
libres , nulle vifite .
"
La ville d'Alger & fes châteaux étoient
alors garnis de fept cens quatre - vingtcinq
pieces de canon , dont toutes les bouches
étoient tournées vers la mer , & les
rénégats difoient fecrettement à l'Amiral
Ruiter , que fi les Etats Généraux vou-
» loient que la paix fut bien obſervée , ils
» ne devoient jamais laiffer fortir aucun
vaiffeau marchand fans efcorte , "qu'ils
» devoient avoir un bon nombre de vaif-
"feaux de guerre dans la Méditerranée , &
» les faire voir quelquefois fur la rade d'Alfous
prétexte de faire de l'eau , pour
tenir dans la crainte les ennemis , parce
» que fans cela les Algériens pourroient
facilement enfreindre les traités.
» ger ,
Dans la paix de 662 , la Régence d'Alger
ftipula deux ou trois articles pour prévenir
dans la fuite des tems toute occafion
de différens fâcheux : 1 ° . » Qu'il fe-
» roit défendu à tous les Hollandois de
tirer fur les vaiffeaux algériens qu'ils
» pourroient rencontrer. 2 °. Que les Etats
» Généraux feroient faire un fceau particulier
pour les paffeports de mer , qu'ils
l'enverroient au Conful d'Alger , qui
l'imprimeroit fur tous les pleins pouvoirs
» des Armateurs algériens , afin que ceux-
39
X
AOUST. 1755. 157
ci puffent conftater la vérité des paffe-
» ports , en confrontant le fceau des Hollandois
avec le leur. 3 ° . Que les Etats
» Généraux auroient feuls le droit d'accor-
» der les paffeports de mer.
Ceci eft d'autant plus remarquable que
l'Amiral Ruiter écrivit peu de tems après
aux Etats Généraux , que les Hambour
geois avoient des correfpondans à Amfterdam
, qui pour de l'argent faifoient ferment
que les vaiffeaux appartenoient à des
négocians de cette ville , & qu'il avoit auffi
découvert que plufieurs Confuls ne faifoient
nul fcrupule de délivrer des paſſeports
à des Capitaines de vaiffeaux étrangers
.
Quoiqu'il en foit , la paix ne
ne dura
pas
long- tems ; car dès l'année fuivante 1663 ,
les Algériens vifiterent de nouveau quelques
vaiffeaux hollandois , ils rompirent
par conféquent le traité , & enleverent
diverfes marchandifes , fous le prétexte
qu'elles appartenoient à leurs ennemis , &
que la ratification du traité des Etats Géneraux
, ainfi que le payement de la rançon
des Efclaves hollandois , avoit tardé
trop long tems .
La guerre recommença donc encore
une fois , & l'Amiral Tromp prit le 10
Janvier 1664 deux vaiffeaux algériens
+18 MERCURE DE FRANCE.
qui emmenoient deux prifes avec eux.
Cette perte fit un fi grand tort à ces Pirates
qu'ils promirent de » rendre toutes
» les marchandifes qu'ils avoient enlevées
» fur mer , d'exécuter à l'avenir religieufement
le traité , & même de rompre la
"
paix avec les Anglois , fi les Etats Gé-
» néraux étoient bien difpofés à la faire
» avec eux . Leurs Hautes Puiffances ,
bien loin de prêter l'oreille à ces propoftions
captieufes , propoferent à la France ,
à l'Efpagne & à l'Angleterre de fe joindre
à eux pour envoyer une flotte qui pourfuivroit
par- tour ces Barbares , bloqueroit
leurs ports , & empêcheroit abfolument
leurs croifieres & leurs pirateries , fans
jamais entendre à aucune propofition de
paix de leurs part , mais aucune de ces
trois Puiffances ne voulut s'y prêter ; cependant
les Hollandois envoyerent l'Amiral
Ruiter avec une flotte de douze vaiffeaux
de guerre dans la Méditerranée , &
à Alger pour hâter la conclufion du traité
avec la Régence ; mais les Algériens le
retinrent long- tems fans fujet , & l'amuferent
fous des prétextes frivoles ; deſorte
qu'il fe vit obligé de leur déclarer la guerre
par ordre de leurs Hautes Puiffances.
On donnera lafuite dans le Mercure du
mois prochain.
les Hollandois , traduite de l'Allemand ,
par M. Radix de Sainte- Foy . 1755 .
Elon toute apparence , Alger, ainfi que
toute la côte de Barbarie , fut peuplée
d'abord par les Egyptiens . Les Pheniciens
y établirent enfuite des colonies , & y bâtirent
Utique & Carthage. Depuis, tous les
petits Princes de la côte furent fubjugués
par les Carthaginois , ou devinrent leurs
tributaires : mais ces Princes , las enfin de
la domination Garthaginoife , s'offrirent
aux Romains pour leur aider à foumettre
Carthage. Ceux- ci refterent maîtres de la
côte jufqu'au cinquiéme fiécle , que les
Vandales s'en emparerent. Les Barbares
furent obligés dans la fuite de rendre leur
AOUST. 1755. 149
conquête aux Empereurs Romains , ou
pour mieux dire , aux Empereurs Grecs ,
qui poffederent cette côte , jufqu'à ce que
les Califes Sarrazins , fucceffeurs de Mahomet
envahirent dans le feptiéme fiécle
toute la partie feptentrionale de l'Afrique,
auquel tems l'Alger que nous connoiffons
devint la ville capitale de la Mauritanie .
Alger dépendit enfuite , premierement de
la ville de Conftantine , & fucceffivement
de Bugie , d'Hyppone , & enfin de Tremecen
, ou Telencin , jufqu'à l'incurfion
des Barbares Mahométans , qui diviferent
la côte de Barbarie en plufieurs royaumes ,
entre lefquels étoient Alger , Tunis & Tripoli
. Quelques fiécles après , la ville d'Alger
devint tributaire du Roi de Tunis ,
qui promit de lui laiffer , comme à une
République , la jouiffance de fes privileges.
L'an 1510 , Alger fe foumit par crainte
du Roi d'Espagne à un riche More ,
nommé Sélim Eutimi ; cependant quelques
années après , Ferdinand , Roi d'Efpagne ,
la prit , bâtit une forte citadelle fur la place
où eft à préfent le port , & y mit une
nombreuſe garnifon. Après la mort de
Ferdinand , les Algériens chercherent à fecouer
le joug des Efpagnols , & vers l'an
1516 ils appellerent à leur fecours le fameux
Pirate Barberouffe qui vint , maffa-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
cra Eutimi , s'érigea lui - même en Roid'Alger
, & regna jufqu'en l'année 1517 ,
qu'il fut tué dans un combat. Les Algériens
élurent pour leur Roi Héreddin Barberouffe
fon frere ; mais comme il n'étoit
pas en état de faire tête à fes ennemis , &
fur tout aux Efpagnols , il eut recours à
la Porte , & rendit tributaire du Grand
Seigneur Alger , & une grande partie de
la côte de Barbarie .
Les Algériens enflés d'une telle protection
, en devinrent plus audacieux à pillerles
vaiffeaux Chrétiens ; l'on vit de jour
en jour accroître leur infolence. L'Empereur
Charlequint irrité de leurs pirateries,
vint affiéger Alger l'an 1 541 , avec cent
gros vaiffeaux , & dix- huit grandes galeres
qui portoient en tout vingt- deux mille
hommes : mais une tempête violente & un
ouragan terrible qui s'éleverent le 20 Octobre
, firent couler à fond tous les vaiffeaux
& quinze galeres , pendant que les
troupes de débarquement furent pourfuivies
dans leur retraite précipitée . La plus
grande partie fut paffée au fil de l'épée , &
l'Empereur lui -même eût bien de la peine
à regagner la Sicile avec une feule galere.
De ce moment , Alger devint une retraite
formidable de Pirates , & un nid de voleurs
. Sa marine augmenta , & les courfes
A O UST. 1755 15 !
de fes Barbares habitans , firent un grand
tort aux Chrétiens , principalement aux
habitans des Pays-Bas , fur- tout depuis
l'année 1590 que ceux - ci commencerent
à étendre leur commerce par le Détroit de
Gibraltar en Italie , & même jufqu'au Levant.
Enfin au commencement du dix-feptiéme
fiécle le mal devint fi grand que les
Etats Généraux fe déterminerent en 1612
à envoyer à Conftantinople , en qualité
d'Ambaſſadeur , le fieur Cornelius Hage
pour obtenir par un traité , à l'exemple des
autres nations , un commerce libre dans
toutes les provinces dépendantes de la Porte.
Cette Ambaffade eut un fuccès fi heureux
, que les Turcs dans le vingt & unié-.
me article du traité défendirent aux Algé
riens de jamais faire le moindre tort aux
vaiffeaux hollandois , fous quelque prétexte
que ce put être : Mais ceux - ci fe
conformerent mal à cette défenſe , foit
que l'autorité des Turcs fut affez peu refpectée
dans la Barbarie , foit que la Porte
ne pût donner affez de fecours à ceux
d'Alger & de Tunis contre les infultes des
Efpagnols établis à Oran : d'ailleurs , les
premiers repréfenterent que fi on les em →
pêchoit d'aller en courfe , il leur étoit abe
folument impoffible d'entretenir le nombre
G
iiij
152 MERCURE DE FRANCE .
néceſſaire de Janiffaires. La Porte fut donc
obligée de fermer les yeux fur leurs procé
dés , & ils continuerent d'attaquer indifféremment
amis & ennemis.
Cependant en 1617 , à la follicitation
de Cornelius Hage , la Porte renouvella la
défenfe faite aux Algériens , de prendre
les bâtimens hollandois ; mais ils continuerent
à les arrêter , & à s'emparer de
toutes les marchandiſes appartenantes aux
Efpagnols & aux Italiens ; & fur les plaintes
réitérées , en 1619 ils écrivirent aux
Etats Genéraux une lettre , dans laquelle
ils leurs faifoient connoître » qu'ils ne
pouvoient nullement ceffer de vifiter
leurs navires , & d'en enlever toutes les
" marchandiſes des Efpagnols & des Ita
» liens , mais qu'afin qu'ils n'en fouffrif
fent aucun tort , ils leurs promettoient
de leur en payer exactement le fret .
و و
-
Les Etats Généraux leur objecterent
que cette propofition étoit formellement
oppofée au traité fait en 1612 , avec le
Grand Seigneur , & ils les menacerent ,
s'ils refufoient plus long- tems de s'y conformer
, de les traiter en ennemis . En effet
en l'année 1619 leurs Hautes Puiffances
commencerent contre ces Corfaires des
hoftilités ouvertes.
Les Algériens , dans l'efpace de treize
A O UST. 1755. 153
mois,prirent aux Hollandois cent quarantetrois
vaiſſeaux , ceux-ci leur en prirent auffi
plufieurs ; & leur animofité étoit fi forte
contre ces Pirates , que tous ceux qu'ils
prenoient étoient incontinent jettés à la
mer ; mais les Hollandois virent bientôt
que la guerre ne conduifoit pas à leur objet
; ils firent de nouvelles propofitions
aufquelles les Algériens répondirent » que
» leurs Hautes Puiffances pouvoient en-
» voyer quelqu'un avec des vaiffeaux de
»guerre pour emmener les efclaves , &
qu'ils verroient alors que » leur paix
feroit une véritable paix , leur parole une
parole inviolable , & leurs affurances des
furetés. Cependant la fauffeté de cette promeffe
s'eft foutenue jufqu'à préfent.
39
Dans le mois de Juin 1622 , les Etats
Généraux envoyerent le fieur Pinacker
Profeffeur dans l'Univerfité de Groningue,
à Alger , où il arriva le 3 Septembre ; il
fit tant par fes négociations qu'il obtint
que la vifite des vaiffeaux hollandois cefferoit
, & que les prifonniers feroient mis
en liberté & afin d'ôter tout prétexte aux
Pirates , leurs Hautes Puiffances ordonnerent
que tous leurs vaiffeaux deftinés pour
le Détroit de Gibraltar ou pour le Levant ,
feroient munis d'un paffeport , qui déclareroit
que les Capitaines étoient vé-
,
:
»
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
و ر
ritablement Hollandois , & qu'ils avoient
» fait ferment que leurs vaiffeaux , auffi-
» bien que leur chargement , n'apparte-
» noient ni en entier ni en partie aux en-
» nemis du Grand Seigneur.
Leurs Hautes Puiffances publierent dans
la même année une défenfe aux vaiffeaux
marchands de ne plus fortir fans eſcorte.
Malgré ces précautions la paix fut encore
rompue par les Algériens , dont la puiffance
augmenta tellement , qu'en l'année
1659 ils mirent en mer , en différentes
efcadres , feize vaiffeaux de guerre de
vingt quatre à trente- fix piéces de canon ,
de quatre à cinq cens hommes d'équipage
, & deux galeres de vingt- deux à vingthuit
paires de rames , ayant à bord un pareil
nombre d'hommes ; alors les vaiffeaux
de guerre hollandois coururent eux - mêmes
rifque d'être enlevés avec les marchands
auxquels ils fervoient d'efcorte .
On avoit déja employé plufieurs moyens
pour détruire cette ville corfaire , & le fameux
Amiral Ruiter fut envoyé en 1655
pour brûler ces Barbarefques dans leur
port ; cependant ce projet échoua à cauſe
d'un trop grand calme , & c'eft alors que
ce grand Amiral dit , que celui qui voudroit
attaquer la ville ou le port d'Alger , devroit
avoir pour lui le foleil & la lune , le jour &
A O UST. 1755. 155
la nuit , le vent & le tems ; le vent favoiable
pour s'approcher de la ville & pour
s'en éloigner , le tems clair & ferein pour
découvrir l'entrée de la rade , ou au moins
un Pilote habile à qui la fituation des lieux
fut entierement connue fans compter
qu'il faudroit que les habitans de la ville
ignoraflent abfolument ce deffein , parce
que pour peu qu'ils fuffent fur leurs gardes
, il leur feroit facile d'empêcher l'entrée
des vaiffeaux dans leur port.
›
Cependant perfonne n'a attaqué ces
Corfaires avec plus d'avantage , perfonne
ne leur a fait plus de tort que le méme
Amiral Ruiter , & n'a fçu mieux les combattre.
Il les ferra de fi près , & jetta fi
fort l'allarme parmi eux ; que leurs foldats
refufoient de s'embarquer : deforte
qu'en l'année 1662 ils furent obligés de
demander le rétabliffement de la paix aux
mêmes conditions qu'ils venoient de la renouveller
avec les Anglois, c'est- à- dire que
»leurs armateurs, lorfqu'ils rencontreroient
» un vaiffeau Hollandois , feroient obligés
d'envoyer à fon bord deux hommes de leur
Ȏquipage pour demander amiablement s'il
» n'avoit pas des hommes ou des marchan-
» difes qui appartiendroient à leurs ennemis.
Cette ftipulation fut rejettée , &
ils furent fort heureux d'obtenir des Hol
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
landois la paix le 16 Novembre 1662 fous
cette condition : Vaiffeau libre , marchandifes
libres , nulle vifite .
"
La ville d'Alger & fes châteaux étoient
alors garnis de fept cens quatre - vingtcinq
pieces de canon , dont toutes les bouches
étoient tournées vers la mer , & les
rénégats difoient fecrettement à l'Amiral
Ruiter , que fi les Etats Généraux vou-
» loient que la paix fut bien obſervée , ils
» ne devoient jamais laiffer fortir aucun
vaiffeau marchand fans efcorte , "qu'ils
» devoient avoir un bon nombre de vaif-
"feaux de guerre dans la Méditerranée , &
» les faire voir quelquefois fur la rade d'Alfous
prétexte de faire de l'eau , pour
tenir dans la crainte les ennemis , parce
» que fans cela les Algériens pourroient
facilement enfreindre les traités.
» ger ,
Dans la paix de 662 , la Régence d'Alger
ftipula deux ou trois articles pour prévenir
dans la fuite des tems toute occafion
de différens fâcheux : 1 ° . » Qu'il fe-
» roit défendu à tous les Hollandois de
tirer fur les vaiffeaux algériens qu'ils
» pourroient rencontrer. 2 °. Que les Etats
» Généraux feroient faire un fceau particulier
pour les paffeports de mer , qu'ils
l'enverroient au Conful d'Alger , qui
l'imprimeroit fur tous les pleins pouvoirs
» des Armateurs algériens , afin que ceux-
39
X
AOUST. 1755. 157
ci puffent conftater la vérité des paffe-
» ports , en confrontant le fceau des Hollandois
avec le leur. 3 ° . Que les Etats
» Généraux auroient feuls le droit d'accor-
» der les paffeports de mer.
Ceci eft d'autant plus remarquable que
l'Amiral Ruiter écrivit peu de tems après
aux Etats Généraux , que les Hambour
geois avoient des correfpondans à Amfterdam
, qui pour de l'argent faifoient ferment
que les vaiffeaux appartenoient à des
négocians de cette ville , & qu'il avoit auffi
découvert que plufieurs Confuls ne faifoient
nul fcrupule de délivrer des paſſeports
à des Capitaines de vaiffeaux étrangers
.
Quoiqu'il en foit , la paix ne
ne dura
pas
long- tems ; car dès l'année fuivante 1663 ,
les Algériens vifiterent de nouveau quelques
vaiffeaux hollandois , ils rompirent
par conféquent le traité , & enleverent
diverfes marchandifes , fous le prétexte
qu'elles appartenoient à leurs ennemis , &
que la ratification du traité des Etats Géneraux
, ainfi que le payement de la rançon
des Efclaves hollandois , avoit tardé
trop long tems .
La guerre recommença donc encore
une fois , & l'Amiral Tromp prit le 10
Janvier 1664 deux vaiffeaux algériens
+18 MERCURE DE FRANCE.
qui emmenoient deux prifes avec eux.
Cette perte fit un fi grand tort à ces Pirates
qu'ils promirent de » rendre toutes
» les marchandifes qu'ils avoient enlevées
» fur mer , d'exécuter à l'avenir religieufement
le traité , & même de rompre la
"
paix avec les Anglois , fi les Etats Gé-
» néraux étoient bien difpofés à la faire
» avec eux . Leurs Hautes Puiffances ,
bien loin de prêter l'oreille à ces propoftions
captieufes , propoferent à la France ,
à l'Efpagne & à l'Angleterre de fe joindre
à eux pour envoyer une flotte qui pourfuivroit
par- tour ces Barbares , bloqueroit
leurs ports , & empêcheroit abfolument
leurs croifieres & leurs pirateries , fans
jamais entendre à aucune propofition de
paix de leurs part , mais aucune de ces
trois Puiffances ne voulut s'y prêter ; cependant
les Hollandois envoyerent l'Amiral
Ruiter avec une flotte de douze vaiffeaux
de guerre dans la Méditerranée , &
à Alger pour hâter la conclufion du traité
avec la Régence ; mais les Algériens le
retinrent long- tems fans fujet , & l'amuferent
fous des prétextes frivoles ; deſorte
qu'il fe vit obligé de leur déclarer la guerre
par ordre de leurs Hautes Puiffances.
On donnera lafuite dans le Mercure du
mois prochain.
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Résumé : Histoire abrégée des guerres des Algériens avec les Hollandois, traduite de l'Allemand, par M. Radix de Sainte-Foy. 1755.
Le texte 'Histoire abrégée des guerres des Algériens avec les Hollandois' décrit les conflits entre les Algériens et les Hollandais, en situant les événements dans un contexte historique riche. Alger et la côte de Barbarie ont été successivement peuplées par les Égyptiens, les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Byzantins, et enfin les Arabes musulmans. Alger est devenue la capitale de la Mauritaine sous les Califes Sarrazins. Au XVIe siècle, Alger est passée sous la domination espagnole avant de se libérer avec l'aide du pirate Barberousse. Sous la protection de l'Empire ottoman, les Algériens ont intensifié leurs attaques contre les navires chrétiens, notamment ceux des Pays-Bas. En 1612, les États Généraux des Provinces-Unies ont envoyé un ambassadeur à Constantinople pour obtenir un traité garantissant la sécurité de leurs navires. Cependant, les Algériens ont continué leurs attaques, menant à des hostilités ouvertes en 1619. Les conflits ont culminé avec des prises de navires des deux côtés. En 1622, un accord a été négocié pour cesser les visites des navires hollandais et libérer les prisonniers. Malgré des précautions, la paix a été rompue à plusieurs reprises. En 1659, la puissance navale algérienne a atteint son apogée, forçant les Hollandais à renforcer leur escorte. L'amiral Ruiter a tenté de détruire Alger en 1655, mais sans succès. En 1662, une paix a été conclue avec des conditions strictes pour éviter les différends futurs. Cependant, la paix n'a pas duré, et les Algériens ont repris leurs attaques en 1663. La guerre a repris, et l'amiral Tromp a capturé des navires algériens en 1664. Les Algériens ont proposé de rendre les marchandises et de respecter le traité, mais les Hollandais ont refusé, préférant une alliance avec d'autres puissances pour contrer les pirates. Par ailleurs, les Algériens ont retenu des individus pendant une longue période sans motif valable, en utilisant des prétextes futiles. Cette situation a conduit à une déclaration de guerre par ordre des autorités supérieures de la partie retenue.
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