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1
p. 175-197
LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
Début :
Le 12. Septembre à la faveur d'une bruine fort épaisse, nous parusmes sur [...]
Mots clefs :
Rio de Janeiro, Pièces de canon, Vaisseau, Capitulation, Expédition, Portugais, Monsieur du Clerc, Canon, Sucre
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
L E TTR E
d'un Capitaine de Vaiffeau
qui a eflé prefent à l'expedition de Rio Janeiro.
Lee 12. 12. Septembre à la «
faveur d'une bruine fort
épaiffe nous parufmes furles dix heures du matin «
proche l'entrée de Rio
Janeiro , ayant reconnu “
Piiij.
176 MERCURE
la Terre deux jours aupa 03
3
→ravant , dès que le temps
1029
03/
09
30
commença à´ss'éclaircir
Mr Du Gué fit le fignal
pour entrer tous en li-
" gne fuivant l'ordre qu'il
- en avoit donné , fçavoir
» le Magnanime , le Lys ,
le Brillant , l'Achille , le
Glorieux , le Mars , le Fidele , l'Argonaute , l'A-
→ mazone, la Bellone , l'Aigle , l'Aftrée , le Chance-
» lier, la Glorieufe , la Con-
- corde & les deux Traverfiers, nous entraẩmes tous
avec un vent de Sud Eft
*
GALANT 177
beau & frais en forçant le
grandfort de fainteCroix
qui eft le premier en en- «
trant & d'autres forts
dont il nous fallut effuyer
le feu nous allafmesmoüil
ler , nonobftant leur feu ,
proche la ville hors la por--
tée du canon , nous y avons trouvé quatre Vaiffeaux de guerre Portugais
de 64, 62. 60. à 58. canons , dont la moitié de«
leur artillerie eftoit de «
fonte. Mr du Gué, avec «
le Confeil de guerre , re
folut qu'il falloit fe rendre
178 MERCURE
" maiftres de l'Ifle aux Che
vres, & que c'eftoit le feul
endroit où on pourroit
eftablir fes batteries. Mr
du Gué ordonna qu'on fe
tint preft à debarquer
avec une partie des trou
pes à la petite pointe du
* jour. Mr de Gouyon ,
commeeftant le plus ancien , commanda la defcente & fat avec toutes
les chalouppes & canots
armez , dans lefquels il y
avoit cinq cens hommes ,
#& s'en rendit maiftre. Les
Portugais s'y eftoient des
GALANT. 179
ja eftablis, &avoient com-*
mencé à faire des batteries , dont ils avoient desja fix pieces de canon de «
fer qu'ils enclouérent
quand ils furent obligez
d'abandonner.Aprés cet
te expedition faite , Mr
Gouyonfe rembarqua, &
en laiffa le commande- &
mentau Marquis de faint •
Simon Lieutenant de
Vaiffeau, avec trois cens •
foldats , & ila donné des
marques de ſa valeur, &
a tousjours tres bien fait.
Le 13. dudit mois deux de «
180 MERCURE
03
ces Vaiffeaux Portugais
fe bruflerent , le Cheva-
»lier de Veaurealle cut ordre d'aller avec fa Chaloupe à bord d'un autre
qui en vouloit faire au,
tant , il s'en rendit maif,
etre , mais il ne put point
le haller au large , parce
qu'un Fort faifoit conti,
" nuellement feu deffus ne
voyant aucun espoir de
le fauver , parce qu'il ef
toit crible de coups de
& qu'il faifoit • canon
beaucoup d'eau , tout ce
qu'il put faire ce fut de
GALANT. 181
ce
се
Téchouer proche de la
pointe de l'Ifle aux Ché
vres , il ne s'y eft trouvé -
que feize piecesde canon «
de fonte de vingt quatre,
qu'on tranſporta la nuit
à terres quant à l'autre
Vaiffeau il fe brufla deux
jours aprés , on ne put
point l'aller prendre où
i eftoit proche une batterie de quatre pieces de
canon de quarante huit ,
Mr Du Gué ordonna
tous nos mortiers fuffent
mis à terre en batterie à«e
l'ffle aux Chevres. Leque C
се
сс
182 MERCURE
»
22 Chevalier de la Ruffinie
➡re qui commandoit l'artillerie , y fut tué la nuit
13. au 14. De Beauve
fut à la faveur de la nuit
23
33
» du
avec huit Chalouppes &
cinq canots armez , enle
→ ver cinqà fix Baſtiments
qui eftoient moüillez proche de terre , qui pouvoient empeſcher noftre
defcente generale , ils
avoient du dix - huit fur
deux de ces navires, dont
» un eftoit de 44. & l'autre
»detrente- fix, tous eftoient
chargez de beau fucre
57
GALANT. 183
CC
blanc de Brefil , on eftime ces carguaifons , ain- «
fi que ces Vaiffeaux plus
de cent mille écus. Le14.
nous filmes noftre defcen- «
te generale au nombre.
de trois mille hommes , «
toutes nos troupes furent
à terre à midy , & nous «
marchaſmes dans la plus .
grande ardeur du Soleil ,
& fufmes à une grande «
lieue pour pouvoir nous «
rendre maiftres d'une ri «,
viere qui fournit la legarde d'eau , mais nous ne «
pufmes paffer, parce que
се
CR
184 MERCURE
»
→cet endroit eft ifolé &
qu'il y avoit un bras de
riviere qui le rendoit inacceffible , nous fufmes
obligez de nous en retourner proche le debar-
» quement où nous cam-
→pafmes par brigades, nous
» y reftames huit jours fans
faire grand mouvement.
Le 19. Mr du Gué envoya
»un Tambour au Gouver-
» neur de la Ville avec une
»
35
"
Lettre pour luy deman-
» der juftice des mauvais
»traitements & des cruau-
» tez qu'on avoit fait àtous
les
GALANT. 185
les prifonniers de Mr le
Clerc, & defon affaffinat, "
& qu'il le fommoit de fe «
rendre , il fit refponfe
qu'il avoit des forces fuperieures de beaucoup
aux noftres pour fe def
fendre , & qu'à l'égard de
l'affaffinat deMr duClerc Ce
«
il n'y avoit eu aucune
part , & qu'il avoit fait «
les perquifitions neceffi
res pour en fçavoir les «
complices.
Quand Mr du Gué eut«
receu cette Lettre il envo «
ya un canot à l'ifle des «
Février. 1712. Q
186 MERCURE
Chevres avec ordre de
» commencerà tirer , alors
→ on ouvrit toutes nos batteries ; fur les fix heures
» du foir , l'on tira detren
>> te pieces de trente fix , &
le lendemain de dix au.
tres de vingt quatre & de
» dix- huit. Le 22. les Jefui-
» tes envoyerent Mr de la
Salle Volontaire de Mr
du Clerc à Mr du Gué
pour l'avertir que le Gou25
verneur avec toute la
garuifon & les habitants
»avoient pris la fuite pen-
» dant la nuit , & qu'ils
GALANT. 187
fe
ce
avoient abandonné la -
Ville de Rio Janeiro &
tous les Forts ; qu'ils euffent à s'y rendre pour en «
prendre poffeffion. On «
s'affura des portes les plus
importantes. La Brigade
de MrGouyonfut aux Be- .
nedictins , & l'on prit le
Fort & tout ce qui en dépend. Nous n'avons perdu en cette occafion que
vingt hommes. Par les «
avis de plufieurs priſon
niers de Mr du Clerc , «
qui fe fauvoient de la Ville, nous avons appris que
co
Qij
188 MERCURE
*
30
53
les Ennemis avoient plus
de dix mille hommes por
tant les armes , y compre
" nant des Negres libres
qui font auffi agueris que
des Soldats. Sitoft que
nous fufmes à la Ville on
diftribua noftre petite armée en cinq Brigades
pour occuper les poftes
les plus avantageux auffi-
>bien que les dehors où
l'on fe campa. Mr du Gué
fe logea à la maifon de
l'Evefque. I nous vint
360. Soldats de Mr du
Clerc qui fortirent de
30
"
39
53
227
GALANT. 189
се
ec
RE
prifon quel'on incorpora
dans nos Troupes. Le 23.
tous les Fortsfe rendirent
par capitulation , & on y "
envoya des garnifons.
Mr du Gué voyant que
le Gouverneur ne vouloit
point compoſer pour fa
Ville luy écrivit pour luy
reprefenter que tout fon «
pays eftoit en noftre puif
fance, preft d'eftre ruiné , «
& qu'ilcherchoit évidem «
ment fa perte ; que fon
Roy le puniroit toft ou
tard de n'avoir pas ména
gé fes interefts ; il l'avere
LC
the
190 MERCURE
* tiffoit d'envoyer chercher fes bleffez & les
malades pour leur éviter
d'eftre embrafez dans les
* ruines de fa Ville qu'il
alloit bruler & miner les
Forts pour les faire fauter,
Il fit réponſe qu'il vouloit
» confulter fes Generaux ,
& demanda deux jours.
Le 28. voyant qu'il ne
répondoit point on fit
» marcher toute l'Armée
»vers lesfix heures du matin. On ne laiffa que trespeu de monde pour gar- 20
» der les Forts que nous
GALANT. 191
occupions. Nous fulmes a
droit à l'ennemyqui eftoit «
campé à deux lieuës de la
Ville. On les furprit fi à «
propos que fi on les avoit
attaqués onles auroit dé- ➡
faits entierement ; nos
deux Armées eftoient en «
veuë à la portée du canon: mais le Gouverneur
demanda à capituler. Le «
premier Article fut que
l'on nous donneroit en
poudre d'or 1600000, li- «
vres poids de France en
trois payements afin -
qu'on confervaft la Ville , «
19 MERCURE
33
دو
$
33
les Couvents des Jefuites,
& des Benedictins , fous
condition qu'on leur donneroit des oftages pour
feureté. Nous leur laiffames le Chevalier de la
Grange Enfeigne de Vaif
feau , qui a efté autrefois
au Port Louis. Ils nous
» envoyerent leur Préfi
» dent , & un Mestre de
Camp de Cavalerie que
→ nous amenames à laVille.
» Ils nous accorderent cent
quaiffes de fucre blanc
53
de neuf cens livres chacune s'obligerent de
nous
CALANT. 193
cc
+
«
nous fournir gratis 200. «
boeufs fous condition
qu'on leur rendroit tous «
les Forts , & tout ce qui
en dépend , l'artillerie
avecfix coupspar canon ; «
que la Ville ne feroit «
point brulée , & qu'ils s'o- «
bligeoient de nous ache- «
ter toutes les poudres qui
cftoient en grande quanrité & toutes les mar- «
chandifes pourpeu qu'on
leur en fit bonne compofition. Il ne s'eft donné «
que deux efcarmouches
où nous avons tué aux «
Février 1712.
R
ec
ec
сс
EC
194 MERCURE
59
33
52
ဘ
32
Ennemis plus de 150.
hommes;nous n'en avons
perdu que quatre ou cinq,
Nonobftant la capitulation faite on ne laiffoit
point de fe tenir fur fes
gardes. Nous recevions
fouvent des avis qu'on
devoit nous furprendre..
Quand on nous eut fait
le premier payement
→ nous ne primes plus tant:
de précaution. Comme
les Portugais mouroient
defaim , on leur permet-
» toit d'entrer dans la Ville
» pour y prendre des fari37
32
22.
50
GALANT. 195
EC
nes de magniottes qu'ils -
avoient dans leurmaifon
ayant avec eux des fauve- c
gardesqui les ramenoient
dehors ; nous recevions «
d'eux tous les jours des
rafraifchiffements qui
.co :
nous eftoient d'un tres. «
4
OC
ce
grand' fecours. Le bruit
commun porte qu'on a «
trouvé dans les monta- Le
gnes un trefor d'environ
deux millions cinq cent «
mille livres en lingots
d'or , poudre , & vaiſſelle
d'argent , & trois mille .
quaiffes de fucre blanc «
>
cc
Rij
196 MERCURE
دو qui font de neuf cens li.:
vres chacune , eftimées
trois cens mille écus
» trente pieces de canon de
fonte de vingt - quatre
eftimées deux cens dix
mille livres ; l'on a vendu
plufieurs Navires pour
53
SP
دو
50
38
"
22
»7 cent foixante mille livres;
l'on a vendu les poudres
» cent vingt mille livres , &
des marchandifes vendues dans tous les vaiffeaux au profit de l'arme-
» ment vingt mille livres ;
le tout enfemble compre5
57
دو
- nant ce qu'on a receu
GALANT. 197
(C
f5 ས
CC
pour la capitulation , on
compte que nous avons «
cu de Rio Janeiro huit
millions. Tous nos Soldats ont donné beaucoup
de marques de leur va- «
leur eſtant remplis tous "
de bonne volonté ; la «
ce
"
ce plufpart ont fait de gros
butins & ceux qui n'ont *
pas profité dans cette oc- «
cafion , c'eft qu'ils fe font
trop attachés à boire.
d'un Capitaine de Vaiffeau
qui a eflé prefent à l'expedition de Rio Janeiro.
Lee 12. 12. Septembre à la «
faveur d'une bruine fort
épaiffe nous parufmes furles dix heures du matin «
proche l'entrée de Rio
Janeiro , ayant reconnu “
Piiij.
176 MERCURE
la Terre deux jours aupa 03
3
→ravant , dès que le temps
1029
03/
09
30
commença à´ss'éclaircir
Mr Du Gué fit le fignal
pour entrer tous en li-
" gne fuivant l'ordre qu'il
- en avoit donné , fçavoir
» le Magnanime , le Lys ,
le Brillant , l'Achille , le
Glorieux , le Mars , le Fidele , l'Argonaute , l'A-
→ mazone, la Bellone , l'Aigle , l'Aftrée , le Chance-
» lier, la Glorieufe , la Con-
- corde & les deux Traverfiers, nous entraẩmes tous
avec un vent de Sud Eft
*
GALANT 177
beau & frais en forçant le
grandfort de fainteCroix
qui eft le premier en en- «
trant & d'autres forts
dont il nous fallut effuyer
le feu nous allafmesmoüil
ler , nonobftant leur feu ,
proche la ville hors la por--
tée du canon , nous y avons trouvé quatre Vaiffeaux de guerre Portugais
de 64, 62. 60. à 58. canons , dont la moitié de«
leur artillerie eftoit de «
fonte. Mr du Gué, avec «
le Confeil de guerre , re
folut qu'il falloit fe rendre
178 MERCURE
" maiftres de l'Ifle aux Che
vres, & que c'eftoit le feul
endroit où on pourroit
eftablir fes batteries. Mr
du Gué ordonna qu'on fe
tint preft à debarquer
avec une partie des trou
pes à la petite pointe du
* jour. Mr de Gouyon ,
commeeftant le plus ancien , commanda la defcente & fat avec toutes
les chalouppes & canots
armez , dans lefquels il y
avoit cinq cens hommes ,
#& s'en rendit maiftre. Les
Portugais s'y eftoient des
GALANT. 179
ja eftablis, &avoient com-*
mencé à faire des batteries , dont ils avoient desja fix pieces de canon de «
fer qu'ils enclouérent
quand ils furent obligez
d'abandonner.Aprés cet
te expedition faite , Mr
Gouyonfe rembarqua, &
en laiffa le commande- &
mentau Marquis de faint •
Simon Lieutenant de
Vaiffeau, avec trois cens •
foldats , & ila donné des
marques de ſa valeur, &
a tousjours tres bien fait.
Le 13. dudit mois deux de «
180 MERCURE
03
ces Vaiffeaux Portugais
fe bruflerent , le Cheva-
»lier de Veaurealle cut ordre d'aller avec fa Chaloupe à bord d'un autre
qui en vouloit faire au,
tant , il s'en rendit maif,
etre , mais il ne put point
le haller au large , parce
qu'un Fort faifoit conti,
" nuellement feu deffus ne
voyant aucun espoir de
le fauver , parce qu'il ef
toit crible de coups de
& qu'il faifoit • canon
beaucoup d'eau , tout ce
qu'il put faire ce fut de
GALANT. 181
ce
се
Téchouer proche de la
pointe de l'Ifle aux Ché
vres , il ne s'y eft trouvé -
que feize piecesde canon «
de fonte de vingt quatre,
qu'on tranſporta la nuit
à terres quant à l'autre
Vaiffeau il fe brufla deux
jours aprés , on ne put
point l'aller prendre où
i eftoit proche une batterie de quatre pieces de
canon de quarante huit ,
Mr Du Gué ordonna
tous nos mortiers fuffent
mis à terre en batterie à«e
l'ffle aux Chevres. Leque C
се
сс
182 MERCURE
»
22 Chevalier de la Ruffinie
➡re qui commandoit l'artillerie , y fut tué la nuit
13. au 14. De Beauve
fut à la faveur de la nuit
23
33
» du
avec huit Chalouppes &
cinq canots armez , enle
→ ver cinqà fix Baſtiments
qui eftoient moüillez proche de terre , qui pouvoient empeſcher noftre
defcente generale , ils
avoient du dix - huit fur
deux de ces navires, dont
» un eftoit de 44. & l'autre
»detrente- fix, tous eftoient
chargez de beau fucre
57
GALANT. 183
CC
blanc de Brefil , on eftime ces carguaifons , ain- «
fi que ces Vaiffeaux plus
de cent mille écus. Le14.
nous filmes noftre defcen- «
te generale au nombre.
de trois mille hommes , «
toutes nos troupes furent
à terre à midy , & nous «
marchaſmes dans la plus .
grande ardeur du Soleil ,
& fufmes à une grande «
lieue pour pouvoir nous «
rendre maiftres d'une ri «,
viere qui fournit la legarde d'eau , mais nous ne «
pufmes paffer, parce que
се
CR
184 MERCURE
»
→cet endroit eft ifolé &
qu'il y avoit un bras de
riviere qui le rendoit inacceffible , nous fufmes
obligez de nous en retourner proche le debar-
» quement où nous cam-
→pafmes par brigades, nous
» y reftames huit jours fans
faire grand mouvement.
Le 19. Mr du Gué envoya
»un Tambour au Gouver-
» neur de la Ville avec une
»
35
"
Lettre pour luy deman-
» der juftice des mauvais
»traitements & des cruau-
» tez qu'on avoit fait àtous
les
GALANT. 185
les prifonniers de Mr le
Clerc, & defon affaffinat, "
& qu'il le fommoit de fe «
rendre , il fit refponfe
qu'il avoit des forces fuperieures de beaucoup
aux noftres pour fe def
fendre , & qu'à l'égard de
l'affaffinat deMr duClerc Ce
«
il n'y avoit eu aucune
part , & qu'il avoit fait «
les perquifitions neceffi
res pour en fçavoir les «
complices.
Quand Mr du Gué eut«
receu cette Lettre il envo «
ya un canot à l'ifle des «
Février. 1712. Q
186 MERCURE
Chevres avec ordre de
» commencerà tirer , alors
→ on ouvrit toutes nos batteries ; fur les fix heures
» du foir , l'on tira detren
>> te pieces de trente fix , &
le lendemain de dix au.
tres de vingt quatre & de
» dix- huit. Le 22. les Jefui-
» tes envoyerent Mr de la
Salle Volontaire de Mr
du Clerc à Mr du Gué
pour l'avertir que le Gou25
verneur avec toute la
garuifon & les habitants
»avoient pris la fuite pen-
» dant la nuit , & qu'ils
GALANT. 187
fe
ce
avoient abandonné la -
Ville de Rio Janeiro &
tous les Forts ; qu'ils euffent à s'y rendre pour en «
prendre poffeffion. On «
s'affura des portes les plus
importantes. La Brigade
de MrGouyonfut aux Be- .
nedictins , & l'on prit le
Fort & tout ce qui en dépend. Nous n'avons perdu en cette occafion que
vingt hommes. Par les «
avis de plufieurs priſon
niers de Mr du Clerc , «
qui fe fauvoient de la Ville, nous avons appris que
co
Qij
188 MERCURE
*
30
53
les Ennemis avoient plus
de dix mille hommes por
tant les armes , y compre
" nant des Negres libres
qui font auffi agueris que
des Soldats. Sitoft que
nous fufmes à la Ville on
diftribua noftre petite armée en cinq Brigades
pour occuper les poftes
les plus avantageux auffi-
>bien que les dehors où
l'on fe campa. Mr du Gué
fe logea à la maifon de
l'Evefque. I nous vint
360. Soldats de Mr du
Clerc qui fortirent de
30
"
39
53
227
GALANT. 189
се
ec
RE
prifon quel'on incorpora
dans nos Troupes. Le 23.
tous les Fortsfe rendirent
par capitulation , & on y "
envoya des garnifons.
Mr du Gué voyant que
le Gouverneur ne vouloit
point compoſer pour fa
Ville luy écrivit pour luy
reprefenter que tout fon «
pays eftoit en noftre puif
fance, preft d'eftre ruiné , «
& qu'ilcherchoit évidem «
ment fa perte ; que fon
Roy le puniroit toft ou
tard de n'avoir pas ména
gé fes interefts ; il l'avere
LC
the
190 MERCURE
* tiffoit d'envoyer chercher fes bleffez & les
malades pour leur éviter
d'eftre embrafez dans les
* ruines de fa Ville qu'il
alloit bruler & miner les
Forts pour les faire fauter,
Il fit réponſe qu'il vouloit
» confulter fes Generaux ,
& demanda deux jours.
Le 28. voyant qu'il ne
répondoit point on fit
» marcher toute l'Armée
»vers lesfix heures du matin. On ne laiffa que trespeu de monde pour gar- 20
» der les Forts que nous
GALANT. 191
occupions. Nous fulmes a
droit à l'ennemyqui eftoit «
campé à deux lieuës de la
Ville. On les furprit fi à «
propos que fi on les avoit
attaqués onles auroit dé- ➡
faits entierement ; nos
deux Armées eftoient en «
veuë à la portée du canon: mais le Gouverneur
demanda à capituler. Le «
premier Article fut que
l'on nous donneroit en
poudre d'or 1600000, li- «
vres poids de France en
trois payements afin -
qu'on confervaft la Ville , «
19 MERCURE
33
دو
$
33
les Couvents des Jefuites,
& des Benedictins , fous
condition qu'on leur donneroit des oftages pour
feureté. Nous leur laiffames le Chevalier de la
Grange Enfeigne de Vaif
feau , qui a efté autrefois
au Port Louis. Ils nous
» envoyerent leur Préfi
» dent , & un Mestre de
Camp de Cavalerie que
→ nous amenames à laVille.
» Ils nous accorderent cent
quaiffes de fucre blanc
53
de neuf cens livres chacune s'obligerent de
nous
CALANT. 193
cc
+
«
nous fournir gratis 200. «
boeufs fous condition
qu'on leur rendroit tous «
les Forts , & tout ce qui
en dépend , l'artillerie
avecfix coupspar canon ; «
que la Ville ne feroit «
point brulée , & qu'ils s'o- «
bligeoient de nous ache- «
ter toutes les poudres qui
cftoient en grande quanrité & toutes les mar- «
chandifes pourpeu qu'on
leur en fit bonne compofition. Il ne s'eft donné «
que deux efcarmouches
où nous avons tué aux «
Février 1712.
R
ec
ec
сс
EC
194 MERCURE
59
33
52
ဘ
32
Ennemis plus de 150.
hommes;nous n'en avons
perdu que quatre ou cinq,
Nonobftant la capitulation faite on ne laiffoit
point de fe tenir fur fes
gardes. Nous recevions
fouvent des avis qu'on
devoit nous furprendre..
Quand on nous eut fait
le premier payement
→ nous ne primes plus tant:
de précaution. Comme
les Portugais mouroient
defaim , on leur permet-
» toit d'entrer dans la Ville
» pour y prendre des fari37
32
22.
50
GALANT. 195
EC
nes de magniottes qu'ils -
avoient dans leurmaifon
ayant avec eux des fauve- c
gardesqui les ramenoient
dehors ; nous recevions «
d'eux tous les jours des
rafraifchiffements qui
.co :
nous eftoient d'un tres. «
4
OC
ce
grand' fecours. Le bruit
commun porte qu'on a «
trouvé dans les monta- Le
gnes un trefor d'environ
deux millions cinq cent «
mille livres en lingots
d'or , poudre , & vaiſſelle
d'argent , & trois mille .
quaiffes de fucre blanc «
>
cc
Rij
196 MERCURE
دو qui font de neuf cens li.:
vres chacune , eftimées
trois cens mille écus
» trente pieces de canon de
fonte de vingt - quatre
eftimées deux cens dix
mille livres ; l'on a vendu
plufieurs Navires pour
53
SP
دو
50
38
"
22
»7 cent foixante mille livres;
l'on a vendu les poudres
» cent vingt mille livres , &
des marchandifes vendues dans tous les vaiffeaux au profit de l'arme-
» ment vingt mille livres ;
le tout enfemble compre5
57
دو
- nant ce qu'on a receu
GALANT. 197
(C
f5 ས
CC
pour la capitulation , on
compte que nous avons «
cu de Rio Janeiro huit
millions. Tous nos Soldats ont donné beaucoup
de marques de leur va- «
leur eſtant remplis tous "
de bonne volonté ; la «
ce
"
ce plufpart ont fait de gros
butins & ceux qui n'ont *
pas profité dans cette oc- «
cafion , c'eft qu'ils fe font
trop attachés à boire.
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Résumé : LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
Le texte décrit l'expédition de Rio de Janeiro dirigée par le capitaine de vaisseau M. Du Gué. Le 12 septembre, la flotte française pénétra dans la baie de Rio de Janeiro malgré la résistance des forts portugais. M. Du Gué ordonna la prise de l'île aux Chèvres pour y installer des batteries. M. de Gouyon, commandant la descente, s'empara de l'île malgré la résistance portugaise. Le 13 septembre, deux vaisseaux portugais furent incendiés. Le 14 septembre, les Français tentèrent une descente générale mais furent arrêtés par une rivière. Le 19 septembre, M. Du Gué envoya un tambour au gouverneur portugais pour demander justice pour les mauvais traitements infligés aux prisonniers de M. du Clerc. Le gouverneur refusa, affirmant disposer de forces supérieures. Le 22 septembre, les Jésuites informèrent les Français que le gouverneur avait fui. Les Français prirent alors possession de la ville et des forts sans rencontrer de résistance significative. Le 23 septembre, tous les forts se rendirent par capitulation. Le gouverneur, après avoir demandé deux jours pour consulter ses généraux, accepta de capituler le 28 septembre. Les termes de la capitulation incluaient le paiement de 1 600 000 livres en poudre d'or, la livraison de sucre et de bœufs, ainsi que la restitution des forts et de l'artillerie. La prise de Rio de Janeiro rapporta environ huit millions de livres aux Français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 198-252
AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
Début :
Le 9. du mois de Juin 1711. le Sieur du Guay-Troüin mit à la voile [...]
Mots clefs :
Rio de Janeiro, Expédition, Troupes, Canon, Batteries, Chevalier, Vaisseau
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
AUTRE EXTRAIT
de plufieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de
la Relation imprimée à Paris fur ce qui s'eft paffédans
l'expedition deRiofaneiro.
LE 9. du mois de Juin
4711. le Sieur du GuayTrouin mit à la voile des
rades de la Rochelle avec
fon Efcadre , & les deux
Vaiffeaux , le Chancelier:
& le Glorieux , dans le def
fein d'aller tenter la conquefte de Rio Janeiro
GALANT. 199
Place importante à la coſte
du Brefil , où le fieur Du
Clerc , & huit cens Soldats
de la Marine avoient efté
tuez ou pris l'année précedente. Le 2 Juillet, il moüilla à l'Ile de Saint Vincent ,
où la Fregate l'Aigle vint le
joindre , & n'y trouvant
point derafraifchiffements
il remir à la voile le 6. avec
le feul avantage d'avoir mis
les troupes à terre , pour
leur faire connoiftre le
rang & l'ordre qu'elles de
voient obferver en cas de
defcente. Le 11. du mois
R iiij
200 MERCURE)
d'Aouſt il paffa la Ligne
Le 19. il eut connoillance
de l'Ile de l'Afcenfion , &
le
27
2 . fe
trouvant
à la
hauteur
de
la
Baye
de
tous
les
Saints
, il affembla
le . Confeil
où
il fut
réfolu
qu'on
fe
rendroit
à droiture
au
Rio
Janeiro
, Le
1.
de
Septembre
on
trouva
fond
, fans
:
avoir
cependant
connoif
.
fance
de
terre
. Il
fit
fes
remarques
là
deffus
, &
fur
la
hauteur
qu'on
avoit
ob
!
fervée
, aprés
quoy
profi
tant
d'un
vent
frais
qui
s'é
leva
à l'entrée
de
la nuit
, il
GALANIM 267-
fit forcer de voiles à toute
l'Efcadre, malgréla brume
& le mauvais temps , & il
fe trouva à la pointe du jour
Jprécisémentà l'embouchu
re duRio Janeiro.
llordonna au Chevalier
de Courferac , qui en con
noiffoitl'entrée , de fe met
tre à la tefte de l'Eſcadre, &
aux Chevaliers de Gouyon
& de Beauve de marcher
immediatement aprés , &
ilTuivic, eftant alors en fi
tuation desvoir ce qui fe
paffoit à la tefte & à la
queue. Il fut en mefmetems
•
1
102 MERCURE
fignal aux Sieurs de la Jail.
le , de la Moinerie Miniac ,
& à tous les Capitaines de
l'Efcadre de marcher les
uns aprés les autres , fuis
vant le rang & la force de
leur Vaiffeau , cequ'ils executerent ponctuellement ' ,
ainsi que les Maiftres des
deuxTraverfiers qui effuye
rent le feu de toutes les Bat
teries fans changer de rou.
te.
LeChevalier de Courſe.
rac , s'eft acquis une gloire
particuliere dans cette ac
tion, parla bonne mancu
'
GALANT. 1203
1
vre qu'il a faite & la fierté
avec laquelle il a montré le
chemin. Ce fut dans cet
ordre qu'on força l'entrée
de ce Port , défendu par
une prodigieufe quantité
d'artillerie , & par quatre
Vaiffeaux de Guerre de cinquante-fix à foixante - dix
canons , commandez par
•
Gafpar da Cofta , General
de la Flote , que le Royde
Portugal avoit envoyée exprés avec des Troupes pour
la défenfe de cetté Place.
Ces quatre Vaiffeaux ju
geant par la manoeuvre
204 MERCURE
qu'on les alloit aborder ,
couperent leurs cables , &
allerent s'échouer fous les
Batteries de la Ville. On
avoit eu jufqu'alors environ trois cens hommes
hors de combat. Il eft neceffaire pour l'intelligence
decette Relation d'ajouter
icy un eftat de la Ville &
de la Baye de Rio Janeiro ,
de fes Fortereffes & de la
fituation de fon entrée. La
Baye de Rio Janeiro eft
fermée parungoulet beaucoupplus eftroit que celuy
de Breft ; elle eft défendue
GALANT. 205"
du cofté droit par le Fort
de Sainte Croix , garni de
quarante quatre pieces de
canon de tout calibre , de-
| puis quarante huit livres
de bale jufqu'à huit , d'une
autre Batterie de fix pieces.
qui eft au dehors de ceFort,
& du cofté gauche par le
Fort de Saint Jean , & par
deux autres Batteries garnies de quarante huit pieces de gros canon qui croifent l'entrée , au milieu de
laquelle fe trouve une Ifle
ou gros Rocher qui peut
avoir quatre- vingt ou cent
206 MERCURE
braffes de longueur. Au
dedans de l'entrée du cofté
droit , on trouve une Bat
terie nommée Noftre- Dame de bonvoyage , qui eft
furune montagne inacceffible ,oùil y a dix pieces de
canon de dix- huit à vingtquatre, qui fe croiſent avec
le Fort de l'Ifle de Villega
gnon qui eft à la gauche ,
& oùil y a vingt pieces du
mefme calibre qui battent
l'entrée de la Baye. Audelà de ce dernier Fort , &
de celuy de Saint Jean , il y
a un Fort nommé Saint
GALANT 207
Theodofe , de feize pieces
de canon , qui bat la plage
qui eft du cofté de la Carioque , au milieu de la
quelle les Portugais ont encore bafti une espece de
Demi- lune. Quand on a
paffé toutes ces Batteries
& tous ces Forts , on voit
I'lfle des Chevres qui n'eft
qu'à la portée du fufil de la
Villeducofté des Benedictins , où il y a un petit Fort
de quatre baftions avec
huit pieces de canon , &
fur un plateau qui eft au bas
de l'Ifle , une Batterie de
08 MERCURE
quatre pieces qui bat le
cofté de la Mer & fe croife
avec le Fort de la Miferi
corde. Ily aencore des Batteries de l'autre cofté de la
Rade & il n'y a pas un
feul endroit pourfaire def
cente , où les Portugais
n'euffent remué la terre
fait des abbatis d'arbres &
mis du canon en batterie.
Al'égard de la Baye , on ne
peut gueres en trouver de
plusbelle , de plus grande ,
ny de plus commode : le
moüillage y eft parfaitement bon , le Vent & la
Mer
GALANT 209
Mer n'y entrent prefque
jamais , & il y a au fond
une Riviere qui s'eltend
quatorze lieues en terre
du cofté du Nord - Eft.
La Ville eft baſtie le long
de la Baye , au milieu de
trois montages fort éle
vées , qui font occupées ,
l'une qui eft à une des extremitez , par les Jefuites ,
l'autre par les Benedictins ,
& la troifiéme , nommée la
Conception , par l'Evef
que ces trois montagnes
commandent entierement
la Ville & la Campagne
Février 1712. S
110 MERCURE
& font garnies de Forts &
de Batteries . Au deffus de
celle qu'occupent les Jefuites , eft un Fort nommé
Saint Sebaftien , reveftu de
murailles & entouré d'un
bon foffé , garni de quatorze pieces de cánon & de
beaucoup de pierriers. Sur
la gauche de ce Forty du
coftéde la plaine à my cofte eft un Fort nomméSaint
Yague , où il y a douze
pieces de canon : un autre
nommé Sainte Aloufie , de
huic pieces ; une Batterié
de douze , & le Fort de la
GALANT 211
Mifericordesqui eft baſti
fur un Rocher qui avance
dans la Mer, oùil y a douze
pieces de canon qui battent du cofté de la Ville &
de celuy de la Mer. La
montagne des Benedictins
eft fortifiée d'un retranchement garni de plufieurs
pieces de canon , qui bat
tent du cofté de l'ifle des
Chevres du cofté de la
montagne de la Concep
tion & de la plaine. La
montagne de la Conception eft retranchée du coftéde la campagne par un
Sij
212 MERGURE
foffé , une haye vive derriere , & des pieces de cas
non de diftance en diſtan.
ce , qui en occupent tout le
front. La Ville eft fortifiée
par des Redans & des Batteries de diftance en diftance , dont les feux fe crois
fent : du cofté de la plaine
elle eft défendue par un
Camp retranché & un bon
foffe plein d'eau , au de
dans duquel il y a deux
places d'armes à pouvoir
contenirquinze cens hom
mes en bataille , plufieurs
pieces de canon & des
GALANT 21
maifons crenelées de tou
tes parts ; c'eftoit le lieu où
les Ennemis avoient une
partie de leurs Troupes ,
qui montoient à douze ou
treize mille hommës, par
my lefquels plufieurs a
voient fervi en Eſpagne à
la bataille d'Almanza , &
un tres -grand nombre de
Negres. Le Sicur du Guay
Troüin , furpris de trouver
la Place en fi bon eftat, apprit qu'un Paquebot venu
d'Angleterre à Lisbonne ,
avoit donné avis que fon
Efcadre étoit deftinée pour
#14 MERCURE
le Rio Janeiro: & comme
il ne fe trouva point dans
ce temps- là de Baftiment
armé pour y en porter la
nouvelle , le Roy de Portugal y avoit envoyé ce
mefme paquebot qui ¡y ef
toit arrivé quinze jours auparavant. Cet , avis avoit
donné lieu au Gouverneur
de faire travailler avec tant
de diligence à des retran
chements , & à eftablir des
Batteries dans tous les endroits où il jugeoit qu'il
pouvoit estre attaqué.
La journée le paffa à for.
GALANT. 25
cer l'entrée , & le fieur du
Guay-Troüin fit avancer
la Galiote & les Traver
fiers , & détacha le 3 à la
pointe du jour le Chevalier
de Gouyonavec cinq cents
foldats d'élite , pour s'em
parer de l'ifle des Chevres
Il l'executa dans le mo
ment, & en chaffa les ennemis fi brufquement, qu
ils eurent à peine le temps
d'enclouer leur canon. Ils
coulerentà fond en fe reti
rant deux de leurs plus gros
Vaiffeaux marchands entre les batteries des Bene
21 MERCURE
dictins & l'Ile des Chevres , & ils firent fauter
deux de leurs Vaiffeaux de
guerre échouez fous le
Fort de la Mifericorde
mais voulant en faire autant d'un troifiéme échoué
à la pointe de l'Ile des
Chevres , le Chevalier de
Gouyon y envoya deux
Chaloupes commandées
par les fieurs de Vaureal &
de Saint Oſmanes , qui
malgré le feu du canon de
la Place , s'en rendirent
maiftres & y arborerent le
Pavillon du Roy ; mais ils
nc
GALANT. 217
ne purent le mettre à flot ,
parce qu'il ſe trouva plein
d'eau par les coups de canon dont il eftoit percé. Le
Chevalier de Gouyon envoyaauffi toft rendre compte de la fituation avantageufe de l'Ile des Chevres :
le fieur du Guay Trouin
alla vifiter ce pofte ; & l'ayant trouvé tel qu'il le luy
avoit marqué , ordonna
aux fieurs de la Ruffiniere
& Effiot Officiers d'artillerie , & au fieur Keguelin
Capitaine de Brulot d'y eftablir des batteries de morFévrier 1712.
Τ
218 MERCURE'
tiers & de canon. Le fieur
deSaint Simon Lieutenant
de Vaiffeau , fut chargé de
faire fouftenir les travailleurs avec un Corps de
troupes : les uns & les autres remplirent leur devoir
avec toute la fermeté poffible , eftant expoſez au feu
continuel du canon & de
la moufqueterie. Cependant la plupart des Vaiffeaux de l'Efcadre manquoient d'eau , & il eſtoir
abfolument neceffaire de
s'affeurer de l'aiguade , &
de faire defcente pour cou-
GALANT. 212
per , s'il eftoit poffible , la
retraite aux ennemis , &
les empefcher d'emporter
leurs richeffes dans les
montagnes. Il ordonna
pour cet effet au Chevalier
de Bauve de prendre le
commandement des Fregates l'Amazone , l'Aigle ,
Aftrée & la Concorde ,
dans lesquelles on fit embarquer une partie des
troupes , le chargeant de
s'emparer pendant, la nuit
de quatre Vaiffeaux marchands qui mouilloient
près de l'endroit où on
+
Tij
220 MERCURE GU
prétendoit faire deſcente ,
& d'y establir un entrepoft pour les troupes , ce
qu'il executa avec beaucoup d'ordre & de condui
te. Ainfi ce debarquement
fe fit le lendemain avec
d'autant plus de feureté
qu'on en avoit ofté la connoiffance aux ennemis par
$
d'autres mouvements qui
attirerent toute leur attention.
Le 14. Septembre,toutes
les troupes eftant debarquées au nombre de deux
mille cent cinquante fol-
GALANT. 221
dats & de fix cents matelots armez , le fieur du
Guay-Trouin envoya les
fieurs Gouyon & de Courferac , s'emparer de deux
hauteurs , d'où l'on décou
vroit tout ce qui fe paffoit
dans la Ville. Le Sicur
d'Auberville Capitaine de
Grenadiers de la Brigade
de ce premier, chaffa quel
ques Troupes Portugailes
d'un bois où ils eftoient en
embufcade , aprés quoy les
Troupes camperent dans
cette difpofition.
L'aile droite commanTiij
222 MERCURE
ན ༥༠
par le
dée par le Chevalier de
Gouyon , occupa la hauteur qui regardoit la Place :
l'aile gauche commandée
par le Chevalier de Cour
lerac, celle qui eftoit à l'op
pofite ; & le corps de Ba
taille , commandé
Chevalier de Beauve , fut
placé au milieu , auffi bien
que le Quartier general ,
afin d'eftre à portée de fe
foutenir les uns les autres ,
& d'eftre maiftre du bord
de la Mer , où les Chalou
pes faifoient de l'eau &apportoient continuellement
GALANT. 223
les munitions de guerre &
de bouche dont on avoit
befoin. Le Sieur de Ricoüart, Inspecteur general,
à la fuite de l'Efcadre, refta
dans la Rade pour avoir
foin de les envoyer & de
faire fournir les materiaux
neceffaires à l'eftabliffe. ?
ment des Batteriesfur l'Ile
des Chevres.
Le 15. le sieur du Guay
Troüin fit marcher toutes
les troupes dans la plaine :
des détachements s'avan
cerent jufqu'à la portée du
fufil de la Place , & tuerent
Tiiij
224 MERCURE
des beftiaux , & pillerent
des maifons , fans aucune
oppofition. Les Portugais
efperoient que les troupes
Françoiles s'engageroient
dans les retranchements.
oùils efperoient les envelopper , mais voyant qu'ils
• ne branloient pas , le Sieur
du Guay Troüin fit retirer
les Troupes , aprés avoir
bien reconnu le terrain qui
fe trouva impraticable , de
forte qu'il parut impoffible,
mefme avec dix mille hommes , de pouvoir couper la
retraite aux ennemis , ny
GALANT. 225
leur empefcher de fauver
leurs richeffes.d
ne
Il en fut convaincu , lors
qu'ayant remarquéun party des ennemis au pied d'u
montagne , il voulut le
faire couper par le Batail
lon du Lys & celuy du Maj
gnanime , qu'il avoit fait
couler à droit & à gauche,
Mais s'en eftant appro
chez avec bien de la peine,
ils trouverent un marais &
des halliers impenetrables
qui les arrefterent , & les
obligerent à s'en revenir.
Le 16. un de fes déta-
226 MERCURE
chements s'eftant avancé ,
les ennemis firent jouer un
fourneauavec tant de précipitation , qu'il ne fit au
cun effet. Ce mefme jouril
chargea les Sieurs de Beau.
ve & dela Calandre d'eftablirune Batterie de dix pieces de canon fur une Prefqu'Ifle qui prenoit les Batteries des Benedictins à re
vers, & ils y firent travail- sy
ler fi diligemment , que
dans trente- fix heures elle
fut en eftat detirer.
Le 17. les Ennemis bru
lerent de grands magazins
GALANT. 227
remplis de fucre , d'agrez
& de munitionsfur le bord
de la Mer. Ils firent auffi
fauter en l'air le dernier de
leurs quatre Vaiffeaux de
guerre échoüez fous les
Benedictins , & ils brule
rent deux autresBaftiments
appartenants au Roy de
Portugal , quitouchoient à
terre.
Le 18. les Ennemis firent fortir de leurs retranchements douze cens hommes de leurs meilleures
Troupes, pour enlever un
pofte avancé que le Sieur
228 MERCURE
de Lifta gardoit avec cinquante Soldats , mais il fe
défenditfi bien qu'il donna
le temps au Chevalier de
Gouyon d'y envoyer le
Sieur de Bourville , AydeMajorde fa Brigade , avec
les Compagnies des Sieurs.
Drouallen & d'Auberville
qui chafferent lesEnnemis,
aprés en avoir tué ou bleffé
plus de cent cinquante. Le
Sieur dePontlo- Coetlogon;
Ayde de Camp du Cheva,
lier de Gouyon y fut bleffé,
avec environ vingt cinq
Soldats. Ce mefme jour
GALANT 229
P
la Batterie des Sieurs de
Beauve & de la Calandre ,
commença à tirer fur les
retranchements & les Batteries des Benedictins.
Le 19. le Sieur de la Rufiniere ayant donné avis
qu'il avoit cinq mortiers &
dix-huit pieces de gros canon en batterie fur l'ifle des
Chevres , le Sieur du GuayTroüin fit fommer le Gouverneur de ſe rendre , &
fur fa réponſe pleine de
fierté , il refolut de l'attaquervivement. Il alla pour
cet effet avec le Chevalier
40 MERCURE
de Beauve le long de la
cofte , depuis le Campjuf
ques à l'Ile des Chevres ,
reconnoiftre les endroits
par où on pourroit plus aisément forcer les ennemis.
On remarqua cinq Vaiffeaux Marchands à demi
portée du fufil des Benedi-
"
etins , qui pouvoient fervir
d'entrepoft à une partie des
Troupes qui feroient deftinées à attaquer ce pofte : il
ordonna pour cela que l'on
fit avancer le Vaiffeau le
Mars entre ces deux Batteries , & de le placer à por-
GALANT. 235
tée de les fouftenir en cas
de befoin.
Le 20. il envoya ordre
au Vaiffeau le Brillant de
s'approcher du Mars , &
il fit faire de toutes les Batteries & des Vaiffeaux un
feu continuel , & donnant
en mefme temps les ordres
neceffaires pour attaquer
le lendemain.
La nuit du 20. au 21. il
envoyaune partie des troupes dans les Vaiffeaux
moüillez prés des Benedictins : les Ennemis s'en ef
tant apperçus firent fur les
12 MERCURE
Chaloupesun grand feu de
moufqueterie qui fut bientoft ralenti parle canon des
Batteries , & par celuy du
Vaiffeau le Mars , ce qui
jetta une grande confternation dans la Place.
Le 21. à la pointe du jour,
le fieur du Guay-Trouin
s'embarqua avec le refte
destroupes pour aller commencer l'attaque , ordonnant au Chevalier de Gou
yon de filer le long de la
Cofte avec la Brigade, afin
d'attaquer les ennemis par
differens endroits.
Sur
GALANT 233
Sur ces entrefaites le
fieur de la Salle qui avoit
efté fait priſonnier avec le
fieur du Clerc à qui il avoit
fervi d'Ayde de Camp ,
s'eftant échapé des ennemis , vint fe rendre , &
donna avis que les ennemis abandonnoient la place avec une terreur eltonnante qu'en fe retirant ils
avoient mis le feu à un des
plus riches Magafins de la
Ville , & qu'ils avoient miné le Fort des Jefuites , &
celuy des Benedictins : le
fieur du Guay- Trouin enFévrier 1712.
V
234 MERCURE
tra enfuite dans la place
avec le Chevalier de Courferac , & huit Compagnies
de Grenadiers, pour fe rendre maiftres des Forts de
Saint Sebaftien , de S. Yague, & de la Mifericorde ,,
laiffant aux fieurs de Gou
yon & de Beauve le commandement du refte des
troupes , avec deffenfe fur
peine de la vie aux foldatss
de s'écarter , & de quitter
leurs rangs.
En entrant dans la Ville , on trouva ce qui reftoit
de priſonniers de la défaite
GALANT 2.35
du fieur du Clerc, qui ayant
brisé les portes de leur pri
fon , s'eftoient desja répandus pour enfoncer & piller
les Maifons qu'ils connoiffoient les plus riches , ce
qui excita l'avidité des foldats , & les porta d'abord à
fe debander , mais la pun ition qui fut faite fur le
champ de quelques uns ,
arrefta les autres ; & les prifonniers furent conduits
fur la hauteur des Benedic
tins. Enfuite il fe rendit
maiftre des Forts & de tous
les poftes , aprés avoir fait
Vije
236 MERCURE
éventer les mines , &ilen
laiffa le commandement.
au Sieur de Courferac, avec
ordre de faire avancer fa
Brigade pour en prendre
poffeffion.
Enfuite pour empefcher
le pillage qui paroiffoir
inévitable , il fit mettre des
Corps de garde, pofer des
fentinelles en divers endroits , & il ordonna des
patrouilles , pour marcher
jour & nuit , avec défenfe
fur peine de la vie aux Matelots & Soldats d'entrer
dans la Ville fous quelque
GALANT. 237
prétexte que ce foit.
Nonobftant toutes ces
précautions , l'avidité du
gain & l'efpoir du pillage
l'emporterent fur la crainte des chaftiments , les
Corps de garde meſme &
les patrouilles commencerent à augmenter le defor
dre pendant la nuit : enforte que le lendemain matin
les trois quarts des portes
des maifons & des maga
fins fe trouverent enfonçées , les vins répandus , les
marchandiſes & les meubles eſparts au milieu des
3 MERCURE
ruës : & enfin tout fe trouva
dans un defordre & une
confuſion eſtonnante. Il
ordonna que l'on paffaft
par les armes ceux qui fe
trouveroient dans le cas du
Ban ; mais les chaſtiments
*
réiterez n'ayant pas efté
capables d'arrefter cette
fureur , il n'y eut d'autre
party à prendre que d'employer pendant le jour la
meilleure partie des Troupes à ramaffer ce qu'on
put d'effets ou de marchan
difes dans des Magafins
qu'il fit eftablir , & où le
GALANT 2391
Sieur de Ricoüart eut foin
de mettredes gens de con
fiance & des Ecrivains de
Roy.
Le 23. il envoya fommer
le Gouverneur du Fort de
Sainte Croix qui ſe rendit
par Capitulation : le Sieur
de Beauville , Ayde Major
General, en prit poffeffion,.
auffi-bien que des Forts de
Villegagnon, de SaintJean,
& des Batteries de l'entrée.
Le Sieur du Guay- Troüin
apprit cependant par differents Negres qui fe ren
dirent , que le Gouverneur
240 MERGURE
de la Place , & le General
de la Flote ayant ramaffé
les debris de leurs Troupes
àune lieuë & demie , attendoient un puiffant fecours
commandépar Don Antonio d'Albuquerque , General des Mines , fort eftimé.
Ainfi pour s'affurer contre
les entrepriſes des Ennemis , il eftablit le Chevalier
de Gouyon avecla Brigade
dans les retranchements
qui regardoient la plaine
& le Chevalier de Beauve
avec le Corps de Bataille
fur la hauteur de la Conception,
GALANT 241
ception , où le Quartier general fut placé pour eftre à
portée de fecourir ceux qui
en auroient befoin. A l'é
gard de la Brigade du Chevalier de Courferac , elle
eftoit déja deſtinée à gar-
´der les Forts & la hauteur
des Jefuites.
Les Ennemis avoient
emporté leur or , bruflé
leurs meilleurs Vaiffeaux &
leurs Magafins les plus riches, & tout le refte demeuroit enproye à la fureur du
pillage , qu'aucun chaſtiment ne pouvoit arrefter :
Février. 1712.
X
242 MERCURE
d'ailleurs il eftoit impoffi
ble de conferver cette Colonie , par le peu de vivres
qui reſtoient dans la Place ,
& par l'impoffibilité de penetrer dans le pays. Ainfi
le Sieur du Guay - Troüin
envoyadire au Gouverneur
que s'il tardoit plus longtemps à racheter la Ville
par une bonne contribu
tion , il alloit la mettre en
cendres : &afin de luy ren
dre cette menace plus fenfible, il détacha deux Compagnies de Grenadiers ,
commandez par les fieurs
GALANT 243 .
de Brignon & de Cheridan,
pour aller bruler toutes les
maiſons de la campagne.lls
rencontreret un gro Corps
des Ennemis , mais eftant
foutenus par une Compagnie deCaporaux, ils enfon
cerentles ennemis, en tuerent plufieurs , & mirent
le refte en fuite . Leur
Commandant, homme de
reputation , demeurafur la
place. Les fieurs de Brignon , de Cheridan , & le
fieur de Kret- Kavel garde
Marine , fe diftinguerent
dans cette action : le fieur
x ij
344 MERGURE
de Brignon , entre autres ,
perça le premier la bayon
nette au bout du fofil , à la
tefte de fa Compagnie ,
dont eftoient Officiers les
fieurs du Bodon & de Mortone gardes de la Marine
Comme cette affaire pou
voit devenir ferieuſe , jefis
avancer le Chevalier de
Beauve avec fix cents hommes , qui penetra encore
plus avant , brufla la maifon qui fervoir de retraite
au Commandant de cette
troupe & fe retira enfuite.
.e GALANT
245
&
Le Gouverneur envoya
unMestre de Camp , & le
Préfident de la Chambre
pour traiter , & ils reprefenterent au fieur du GuayTrouin , que le peuple les
ayant abandonnez
tranfportétout leur or dans
les montagnes,il leur eftoit
impoffible de trouver plus
de fix cents mille crufades:
pour la contribution : ils
demanderent mefme un
affez longtemps pourfaire
revenir l'or appartenant
au Royde Portugal , qu'on
avoit tranfportébien avant
X iij
146 MERCURE
dans les terres. Lefieur du
Guay Troüin rejetta cette
propofition , & congedial
les députezaprès leur avoir
fait voir qu'il faifoit miner
les endroits que le feu ne
pourroit deftruire : cependant il ſe paſſa encore fix
jours fans qu'on entendifti
parler du Gouverneur : on
apprit mefme que Don An
tonio d'Albuquerque devoit arriver inceffamment,
Comme il n'y avoit point
de temps à perdre, le fieur
du Guay- Trouin fit mettre
le lendemain à la pointe
GALANT 247
du jour toutes les troupes
en marche , & malgré las
difficulté des chemins il
arriva de bonne heure en
preſence des ennemis , &
fi près d'eux , que l'avantgarde commandée par le
Chevalier de Gouyon ſe
trouva à demi portée du
fufil de la premiere hauteur qu'ils occupoient , &
fur laquelle une partie de
leurs troupes parut en bataille. Le Gouverneur furpris envoya auffi toft deux
Officiers pour reprefenter
qu'il avoit offert tout l'or
248 MERCURE
dont il pouvoit difpofer
pour le rachat de la Ville:
qu'il luy eftoit abfolument
impoffible d'en trouver da
vantage: que tout ce qu'il
pouvoit faire eftoit d'y.
joindre dix mille crufades
de fa propre bourſe , cent
caiffes de fucre , & tous les
boeufs neceffaires pour la
fubfiftance des troupes , &
qu'aprés cela le fieur du
Guay Trouin eftoit le maiftre de le combattre , & de
deftruire la Colonie. On
tint confeil , & il fut refolu
d'accepter cette propofi
GALANT 249
tion pluſtoft que de tout
perdre ; & fit donner des
oftages, avec promeffe de
payer le tout dans quinze
jours, be my
Lelendemain 11. Octobre
Don Antonio d'Albuquer
que arriva avectrois mille
hommes de troupes , moitié cavalerie & moitié infanterie , & plus de fix mil
le Negres bien armez. Ce
pendant on travailloit tou
jours à tranfporter dans les
Vaiffeaux de l'Efcadre le
fucre qui s'eftoit trouvé , &
à remplir les Magafins des
2go MERCURE
autres marchandiſes que
l'on pouvoit ramaffer.adua
Le 4.Octobre les ennemis
ayant achevé leur dernier
payement, on fit embar
quer les troupes: on garda
feulement les Forts del'ifle
de Villegagnon , de l'ifle
des Chevres , & ceux de
l'entrée.
Le 13. aprés avoir fait
mettre le feu aux Vaiffeaux échoüez fous l'lfle
des Chevres , & aux autres
Baſtimens que l'on n'avoit
pointtrouvéàvendre, l'EC
cadre mit à la voile avec
GALANT. 251
del'eau & des vivres , pour environ trois mois , embarquant
un Officier , quatre gardes de
Marine , & trois cents cinquantefoldats qui reftoient de
la défaite du fieur du Clerc :
tous les autres Officiers avoient
efté envoyez à la Baye de tous
les Saints. Le fieur du Guay.
Trouin prétendoit aller les délivrer , & tirer mefme de cette
Colonie une nouvelle contribution mais ayant employé
quarante jours , à caufe des
vents contraires , pour arriver
à la hauteur de cette Baye , &
ayant à peine affez d'eau &
de vivres pour arriver en
France , il continua fa route.
11 fut mefme obligé de laiffer
la prife commandéepar le fieur
:
52 MERCURE
de la Ruffiniere , trop peſante:
la Fregate l'Aigle ayant ordre
de l'escorter jufqu'en France.
L'Efcadre palla enfin la Ligne le 25. Octobre. Les vents
eftant devenus plus favorables,
on arriva le 19. Janvier à la
hauteur des Ifles des Açores ,
où on effuya une grande tempefte , qui difperfa une partie
de la Flote.
Enfin aprés avoir mis plu
fieurs fois à travers pour attendre les Vaiffeaux, nous continuames noftre route vers
Breft , où l'Eſcadre arriva le
6. Février 1712.
de plufieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de
la Relation imprimée à Paris fur ce qui s'eft paffédans
l'expedition deRiofaneiro.
LE 9. du mois de Juin
4711. le Sieur du GuayTrouin mit à la voile des
rades de la Rochelle avec
fon Efcadre , & les deux
Vaiffeaux , le Chancelier:
& le Glorieux , dans le def
fein d'aller tenter la conquefte de Rio Janeiro
GALANT. 199
Place importante à la coſte
du Brefil , où le fieur Du
Clerc , & huit cens Soldats
de la Marine avoient efté
tuez ou pris l'année précedente. Le 2 Juillet, il moüilla à l'Ile de Saint Vincent ,
où la Fregate l'Aigle vint le
joindre , & n'y trouvant
point derafraifchiffements
il remir à la voile le 6. avec
le feul avantage d'avoir mis
les troupes à terre , pour
leur faire connoiftre le
rang & l'ordre qu'elles de
voient obferver en cas de
defcente. Le 11. du mois
R iiij
200 MERCURE)
d'Aouſt il paffa la Ligne
Le 19. il eut connoillance
de l'Ile de l'Afcenfion , &
le
27
2 . fe
trouvant
à la
hauteur
de
la
Baye
de
tous
les
Saints
, il affembla
le . Confeil
où
il fut
réfolu
qu'on
fe
rendroit
à droiture
au
Rio
Janeiro
, Le
1.
de
Septembre
on
trouva
fond
, fans
:
avoir
cependant
connoif
.
fance
de
terre
. Il
fit
fes
remarques
là
deffus
, &
fur
la
hauteur
qu'on
avoit
ob
!
fervée
, aprés
quoy
profi
tant
d'un
vent
frais
qui
s'é
leva
à l'entrée
de
la nuit
, il
GALANIM 267-
fit forcer de voiles à toute
l'Efcadre, malgréla brume
& le mauvais temps , & il
fe trouva à la pointe du jour
Jprécisémentà l'embouchu
re duRio Janeiro.
llordonna au Chevalier
de Courferac , qui en con
noiffoitl'entrée , de fe met
tre à la tefte de l'Eſcadre, &
aux Chevaliers de Gouyon
& de Beauve de marcher
immediatement aprés , &
ilTuivic, eftant alors en fi
tuation desvoir ce qui fe
paffoit à la tefte & à la
queue. Il fut en mefmetems
•
1
102 MERCURE
fignal aux Sieurs de la Jail.
le , de la Moinerie Miniac ,
& à tous les Capitaines de
l'Efcadre de marcher les
uns aprés les autres , fuis
vant le rang & la force de
leur Vaiffeau , cequ'ils executerent ponctuellement ' ,
ainsi que les Maiftres des
deuxTraverfiers qui effuye
rent le feu de toutes les Bat
teries fans changer de rou.
te.
LeChevalier de Courſe.
rac , s'eft acquis une gloire
particuliere dans cette ac
tion, parla bonne mancu
'
GALANT. 1203
1
vre qu'il a faite & la fierté
avec laquelle il a montré le
chemin. Ce fut dans cet
ordre qu'on força l'entrée
de ce Port , défendu par
une prodigieufe quantité
d'artillerie , & par quatre
Vaiffeaux de Guerre de cinquante-fix à foixante - dix
canons , commandez par
•
Gafpar da Cofta , General
de la Flote , que le Royde
Portugal avoit envoyée exprés avec des Troupes pour
la défenfe de cetté Place.
Ces quatre Vaiffeaux ju
geant par la manoeuvre
204 MERCURE
qu'on les alloit aborder ,
couperent leurs cables , &
allerent s'échouer fous les
Batteries de la Ville. On
avoit eu jufqu'alors environ trois cens hommes
hors de combat. Il eft neceffaire pour l'intelligence
decette Relation d'ajouter
icy un eftat de la Ville &
de la Baye de Rio Janeiro ,
de fes Fortereffes & de la
fituation de fon entrée. La
Baye de Rio Janeiro eft
fermée parungoulet beaucoupplus eftroit que celuy
de Breft ; elle eft défendue
GALANT. 205"
du cofté droit par le Fort
de Sainte Croix , garni de
quarante quatre pieces de
canon de tout calibre , de-
| puis quarante huit livres
de bale jufqu'à huit , d'une
autre Batterie de fix pieces.
qui eft au dehors de ceFort,
& du cofté gauche par le
Fort de Saint Jean , & par
deux autres Batteries garnies de quarante huit pieces de gros canon qui croifent l'entrée , au milieu de
laquelle fe trouve une Ifle
ou gros Rocher qui peut
avoir quatre- vingt ou cent
206 MERCURE
braffes de longueur. Au
dedans de l'entrée du cofté
droit , on trouve une Bat
terie nommée Noftre- Dame de bonvoyage , qui eft
furune montagne inacceffible ,oùil y a dix pieces de
canon de dix- huit à vingtquatre, qui fe croiſent avec
le Fort de l'Ifle de Villega
gnon qui eft à la gauche ,
& oùil y a vingt pieces du
mefme calibre qui battent
l'entrée de la Baye. Audelà de ce dernier Fort , &
de celuy de Saint Jean , il y
a un Fort nommé Saint
GALANT 207
Theodofe , de feize pieces
de canon , qui bat la plage
qui eft du cofté de la Carioque , au milieu de la
quelle les Portugais ont encore bafti une espece de
Demi- lune. Quand on a
paffé toutes ces Batteries
& tous ces Forts , on voit
I'lfle des Chevres qui n'eft
qu'à la portée du fufil de la
Villeducofté des Benedictins , où il y a un petit Fort
de quatre baftions avec
huit pieces de canon , &
fur un plateau qui eft au bas
de l'Ifle , une Batterie de
08 MERCURE
quatre pieces qui bat le
cofté de la Mer & fe croife
avec le Fort de la Miferi
corde. Ily aencore des Batteries de l'autre cofté de la
Rade & il n'y a pas un
feul endroit pourfaire def
cente , où les Portugais
n'euffent remué la terre
fait des abbatis d'arbres &
mis du canon en batterie.
Al'égard de la Baye , on ne
peut gueres en trouver de
plusbelle , de plus grande ,
ny de plus commode : le
moüillage y eft parfaitement bon , le Vent & la
Mer
GALANT 209
Mer n'y entrent prefque
jamais , & il y a au fond
une Riviere qui s'eltend
quatorze lieues en terre
du cofté du Nord - Eft.
La Ville eft baſtie le long
de la Baye , au milieu de
trois montages fort éle
vées , qui font occupées ,
l'une qui eft à une des extremitez , par les Jefuites ,
l'autre par les Benedictins ,
& la troifiéme , nommée la
Conception , par l'Evef
que ces trois montagnes
commandent entierement
la Ville & la Campagne
Février 1712. S
110 MERCURE
& font garnies de Forts &
de Batteries . Au deffus de
celle qu'occupent les Jefuites , eft un Fort nommé
Saint Sebaftien , reveftu de
murailles & entouré d'un
bon foffé , garni de quatorze pieces de cánon & de
beaucoup de pierriers. Sur
la gauche de ce Forty du
coftéde la plaine à my cofte eft un Fort nomméSaint
Yague , où il y a douze
pieces de canon : un autre
nommé Sainte Aloufie , de
huic pieces ; une Batterié
de douze , & le Fort de la
GALANT 211
Mifericordesqui eft baſti
fur un Rocher qui avance
dans la Mer, oùil y a douze
pieces de canon qui battent du cofté de la Ville &
de celuy de la Mer. La
montagne des Benedictins
eft fortifiée d'un retranchement garni de plufieurs
pieces de canon , qui bat
tent du cofté de l'ifle des
Chevres du cofté de la
montagne de la Concep
tion & de la plaine. La
montagne de la Conception eft retranchée du coftéde la campagne par un
Sij
212 MERGURE
foffé , une haye vive derriere , & des pieces de cas
non de diftance en diſtan.
ce , qui en occupent tout le
front. La Ville eft fortifiée
par des Redans & des Batteries de diftance en diftance , dont les feux fe crois
fent : du cofté de la plaine
elle eft défendue par un
Camp retranché & un bon
foffe plein d'eau , au de
dans duquel il y a deux
places d'armes à pouvoir
contenirquinze cens hom
mes en bataille , plufieurs
pieces de canon & des
GALANT 21
maifons crenelées de tou
tes parts ; c'eftoit le lieu où
les Ennemis avoient une
partie de leurs Troupes ,
qui montoient à douze ou
treize mille hommës, par
my lefquels plufieurs a
voient fervi en Eſpagne à
la bataille d'Almanza , &
un tres -grand nombre de
Negres. Le Sicur du Guay
Troüin , furpris de trouver
la Place en fi bon eftat, apprit qu'un Paquebot venu
d'Angleterre à Lisbonne ,
avoit donné avis que fon
Efcadre étoit deftinée pour
#14 MERCURE
le Rio Janeiro: & comme
il ne fe trouva point dans
ce temps- là de Baftiment
armé pour y en porter la
nouvelle , le Roy de Portugal y avoit envoyé ce
mefme paquebot qui ¡y ef
toit arrivé quinze jours auparavant. Cet , avis avoit
donné lieu au Gouverneur
de faire travailler avec tant
de diligence à des retran
chements , & à eftablir des
Batteries dans tous les endroits où il jugeoit qu'il
pouvoit estre attaqué.
La journée le paffa à for.
GALANT. 25
cer l'entrée , & le fieur du
Guay-Troüin fit avancer
la Galiote & les Traver
fiers , & détacha le 3 à la
pointe du jour le Chevalier
de Gouyonavec cinq cents
foldats d'élite , pour s'em
parer de l'ifle des Chevres
Il l'executa dans le mo
ment, & en chaffa les ennemis fi brufquement, qu
ils eurent à peine le temps
d'enclouer leur canon. Ils
coulerentà fond en fe reti
rant deux de leurs plus gros
Vaiffeaux marchands entre les batteries des Bene
21 MERCURE
dictins & l'Ile des Chevres , & ils firent fauter
deux de leurs Vaiffeaux de
guerre échouez fous le
Fort de la Mifericorde
mais voulant en faire autant d'un troifiéme échoué
à la pointe de l'Ile des
Chevres , le Chevalier de
Gouyon y envoya deux
Chaloupes commandées
par les fieurs de Vaureal &
de Saint Oſmanes , qui
malgré le feu du canon de
la Place , s'en rendirent
maiftres & y arborerent le
Pavillon du Roy ; mais ils
nc
GALANT. 217
ne purent le mettre à flot ,
parce qu'il ſe trouva plein
d'eau par les coups de canon dont il eftoit percé. Le
Chevalier de Gouyon envoyaauffi toft rendre compte de la fituation avantageufe de l'Ile des Chevres :
le fieur du Guay Trouin
alla vifiter ce pofte ; & l'ayant trouvé tel qu'il le luy
avoit marqué , ordonna
aux fieurs de la Ruffiniere
& Effiot Officiers d'artillerie , & au fieur Keguelin
Capitaine de Brulot d'y eftablir des batteries de morFévrier 1712.
Τ
218 MERCURE'
tiers & de canon. Le fieur
deSaint Simon Lieutenant
de Vaiffeau , fut chargé de
faire fouftenir les travailleurs avec un Corps de
troupes : les uns & les autres remplirent leur devoir
avec toute la fermeté poffible , eftant expoſez au feu
continuel du canon & de
la moufqueterie. Cependant la plupart des Vaiffeaux de l'Efcadre manquoient d'eau , & il eſtoir
abfolument neceffaire de
s'affeurer de l'aiguade , &
de faire defcente pour cou-
GALANT. 212
per , s'il eftoit poffible , la
retraite aux ennemis , &
les empefcher d'emporter
leurs richeffes dans les
montagnes. Il ordonna
pour cet effet au Chevalier
de Bauve de prendre le
commandement des Fregates l'Amazone , l'Aigle ,
Aftrée & la Concorde ,
dans lesquelles on fit embarquer une partie des
troupes , le chargeant de
s'emparer pendant, la nuit
de quatre Vaiffeaux marchands qui mouilloient
près de l'endroit où on
+
Tij
220 MERCURE GU
prétendoit faire deſcente ,
& d'y establir un entrepoft pour les troupes , ce
qu'il executa avec beaucoup d'ordre & de condui
te. Ainfi ce debarquement
fe fit le lendemain avec
d'autant plus de feureté
qu'on en avoit ofté la connoiffance aux ennemis par
$
d'autres mouvements qui
attirerent toute leur attention.
Le 14. Septembre,toutes
les troupes eftant debarquées au nombre de deux
mille cent cinquante fol-
GALANT. 221
dats & de fix cents matelots armez , le fieur du
Guay-Trouin envoya les
fieurs Gouyon & de Courferac , s'emparer de deux
hauteurs , d'où l'on décou
vroit tout ce qui fe paffoit
dans la Ville. Le Sicur
d'Auberville Capitaine de
Grenadiers de la Brigade
de ce premier, chaffa quel
ques Troupes Portugailes
d'un bois où ils eftoient en
embufcade , aprés quoy les
Troupes camperent dans
cette difpofition.
L'aile droite commanTiij
222 MERCURE
ན ༥༠
par le
dée par le Chevalier de
Gouyon , occupa la hauteur qui regardoit la Place :
l'aile gauche commandée
par le Chevalier de Cour
lerac, celle qui eftoit à l'op
pofite ; & le corps de Ba
taille , commandé
Chevalier de Beauve , fut
placé au milieu , auffi bien
que le Quartier general ,
afin d'eftre à portée de fe
foutenir les uns les autres ,
& d'eftre maiftre du bord
de la Mer , où les Chalou
pes faifoient de l'eau &apportoient continuellement
GALANT. 223
les munitions de guerre &
de bouche dont on avoit
befoin. Le Sieur de Ricoüart, Inspecteur general,
à la fuite de l'Efcadre, refta
dans la Rade pour avoir
foin de les envoyer & de
faire fournir les materiaux
neceffaires à l'eftabliffe. ?
ment des Batteriesfur l'Ile
des Chevres.
Le 15. le sieur du Guay
Troüin fit marcher toutes
les troupes dans la plaine :
des détachements s'avan
cerent jufqu'à la portée du
fufil de la Place , & tuerent
Tiiij
224 MERCURE
des beftiaux , & pillerent
des maifons , fans aucune
oppofition. Les Portugais
efperoient que les troupes
Françoiles s'engageroient
dans les retranchements.
oùils efperoient les envelopper , mais voyant qu'ils
• ne branloient pas , le Sieur
du Guay Troüin fit retirer
les Troupes , aprés avoir
bien reconnu le terrain qui
fe trouva impraticable , de
forte qu'il parut impoffible,
mefme avec dix mille hommes , de pouvoir couper la
retraite aux ennemis , ny
GALANT. 225
leur empefcher de fauver
leurs richeffes.d
ne
Il en fut convaincu , lors
qu'ayant remarquéun party des ennemis au pied d'u
montagne , il voulut le
faire couper par le Batail
lon du Lys & celuy du Maj
gnanime , qu'il avoit fait
couler à droit & à gauche,
Mais s'en eftant appro
chez avec bien de la peine,
ils trouverent un marais &
des halliers impenetrables
qui les arrefterent , & les
obligerent à s'en revenir.
Le 16. un de fes déta-
226 MERCURE
chements s'eftant avancé ,
les ennemis firent jouer un
fourneauavec tant de précipitation , qu'il ne fit au
cun effet. Ce mefme jouril
chargea les Sieurs de Beau.
ve & dela Calandre d'eftablirune Batterie de dix pieces de canon fur une Prefqu'Ifle qui prenoit les Batteries des Benedictins à re
vers, & ils y firent travail- sy
ler fi diligemment , que
dans trente- fix heures elle
fut en eftat detirer.
Le 17. les Ennemis bru
lerent de grands magazins
GALANT. 227
remplis de fucre , d'agrez
& de munitionsfur le bord
de la Mer. Ils firent auffi
fauter en l'air le dernier de
leurs quatre Vaiffeaux de
guerre échoüez fous les
Benedictins , & ils brule
rent deux autresBaftiments
appartenants au Roy de
Portugal , quitouchoient à
terre.
Le 18. les Ennemis firent fortir de leurs retranchements douze cens hommes de leurs meilleures
Troupes, pour enlever un
pofte avancé que le Sieur
228 MERCURE
de Lifta gardoit avec cinquante Soldats , mais il fe
défenditfi bien qu'il donna
le temps au Chevalier de
Gouyon d'y envoyer le
Sieur de Bourville , AydeMajorde fa Brigade , avec
les Compagnies des Sieurs.
Drouallen & d'Auberville
qui chafferent lesEnnemis,
aprés en avoir tué ou bleffé
plus de cent cinquante. Le
Sieur dePontlo- Coetlogon;
Ayde de Camp du Cheva,
lier de Gouyon y fut bleffé,
avec environ vingt cinq
Soldats. Ce mefme jour
GALANT 229
P
la Batterie des Sieurs de
Beauve & de la Calandre ,
commença à tirer fur les
retranchements & les Batteries des Benedictins.
Le 19. le Sieur de la Rufiniere ayant donné avis
qu'il avoit cinq mortiers &
dix-huit pieces de gros canon en batterie fur l'ifle des
Chevres , le Sieur du GuayTroüin fit fommer le Gouverneur de ſe rendre , &
fur fa réponſe pleine de
fierté , il refolut de l'attaquervivement. Il alla pour
cet effet avec le Chevalier
40 MERCURE
de Beauve le long de la
cofte , depuis le Campjuf
ques à l'Ile des Chevres ,
reconnoiftre les endroits
par où on pourroit plus aisément forcer les ennemis.
On remarqua cinq Vaiffeaux Marchands à demi
portée du fufil des Benedi-
"
etins , qui pouvoient fervir
d'entrepoft à une partie des
Troupes qui feroient deftinées à attaquer ce pofte : il
ordonna pour cela que l'on
fit avancer le Vaiffeau le
Mars entre ces deux Batteries , & de le placer à por-
GALANT. 235
tée de les fouftenir en cas
de befoin.
Le 20. il envoya ordre
au Vaiffeau le Brillant de
s'approcher du Mars , &
il fit faire de toutes les Batteries & des Vaiffeaux un
feu continuel , & donnant
en mefme temps les ordres
neceffaires pour attaquer
le lendemain.
La nuit du 20. au 21. il
envoyaune partie des troupes dans les Vaiffeaux
moüillez prés des Benedictins : les Ennemis s'en ef
tant apperçus firent fur les
12 MERCURE
Chaloupesun grand feu de
moufqueterie qui fut bientoft ralenti parle canon des
Batteries , & par celuy du
Vaiffeau le Mars , ce qui
jetta une grande confternation dans la Place.
Le 21. à la pointe du jour,
le fieur du Guay-Trouin
s'embarqua avec le refte
destroupes pour aller commencer l'attaque , ordonnant au Chevalier de Gou
yon de filer le long de la
Cofte avec la Brigade, afin
d'attaquer les ennemis par
differens endroits.
Sur
GALANT 233
Sur ces entrefaites le
fieur de la Salle qui avoit
efté fait priſonnier avec le
fieur du Clerc à qui il avoit
fervi d'Ayde de Camp ,
s'eftant échapé des ennemis , vint fe rendre , &
donna avis que les ennemis abandonnoient la place avec une terreur eltonnante qu'en fe retirant ils
avoient mis le feu à un des
plus riches Magafins de la
Ville , & qu'ils avoient miné le Fort des Jefuites , &
celuy des Benedictins : le
fieur du Guay- Trouin enFévrier 1712.
V
234 MERCURE
tra enfuite dans la place
avec le Chevalier de Courferac , & huit Compagnies
de Grenadiers, pour fe rendre maiftres des Forts de
Saint Sebaftien , de S. Yague, & de la Mifericorde ,,
laiffant aux fieurs de Gou
yon & de Beauve le commandement du refte des
troupes , avec deffenfe fur
peine de la vie aux foldatss
de s'écarter , & de quitter
leurs rangs.
En entrant dans la Ville , on trouva ce qui reftoit
de priſonniers de la défaite
GALANT 2.35
du fieur du Clerc, qui ayant
brisé les portes de leur pri
fon , s'eftoient desja répandus pour enfoncer & piller
les Maifons qu'ils connoiffoient les plus riches , ce
qui excita l'avidité des foldats , & les porta d'abord à
fe debander , mais la pun ition qui fut faite fur le
champ de quelques uns ,
arrefta les autres ; & les prifonniers furent conduits
fur la hauteur des Benedic
tins. Enfuite il fe rendit
maiftre des Forts & de tous
les poftes , aprés avoir fait
Vije
236 MERCURE
éventer les mines , &ilen
laiffa le commandement.
au Sieur de Courferac, avec
ordre de faire avancer fa
Brigade pour en prendre
poffeffion.
Enfuite pour empefcher
le pillage qui paroiffoir
inévitable , il fit mettre des
Corps de garde, pofer des
fentinelles en divers endroits , & il ordonna des
patrouilles , pour marcher
jour & nuit , avec défenfe
fur peine de la vie aux Matelots & Soldats d'entrer
dans la Ville fous quelque
GALANT. 237
prétexte que ce foit.
Nonobftant toutes ces
précautions , l'avidité du
gain & l'efpoir du pillage
l'emporterent fur la crainte des chaftiments , les
Corps de garde meſme &
les patrouilles commencerent à augmenter le defor
dre pendant la nuit : enforte que le lendemain matin
les trois quarts des portes
des maifons & des maga
fins fe trouverent enfonçées , les vins répandus , les
marchandiſes & les meubles eſparts au milieu des
3 MERCURE
ruës : & enfin tout fe trouva
dans un defordre & une
confuſion eſtonnante. Il
ordonna que l'on paffaft
par les armes ceux qui fe
trouveroient dans le cas du
Ban ; mais les chaſtiments
*
réiterez n'ayant pas efté
capables d'arrefter cette
fureur , il n'y eut d'autre
party à prendre que d'employer pendant le jour la
meilleure partie des Troupes à ramaffer ce qu'on
put d'effets ou de marchan
difes dans des Magafins
qu'il fit eftablir , & où le
GALANT 2391
Sieur de Ricoüart eut foin
de mettredes gens de con
fiance & des Ecrivains de
Roy.
Le 23. il envoya fommer
le Gouverneur du Fort de
Sainte Croix qui ſe rendit
par Capitulation : le Sieur
de Beauville , Ayde Major
General, en prit poffeffion,.
auffi-bien que des Forts de
Villegagnon, de SaintJean,
& des Batteries de l'entrée.
Le Sieur du Guay- Troüin
apprit cependant par differents Negres qui fe ren
dirent , que le Gouverneur
240 MERGURE
de la Place , & le General
de la Flote ayant ramaffé
les debris de leurs Troupes
àune lieuë & demie , attendoient un puiffant fecours
commandépar Don Antonio d'Albuquerque , General des Mines , fort eftimé.
Ainfi pour s'affurer contre
les entrepriſes des Ennemis , il eftablit le Chevalier
de Gouyon avecla Brigade
dans les retranchements
qui regardoient la plaine
& le Chevalier de Beauve
avec le Corps de Bataille
fur la hauteur de la Conception,
GALANT 241
ception , où le Quartier general fut placé pour eftre à
portée de fecourir ceux qui
en auroient befoin. A l'é
gard de la Brigade du Chevalier de Courferac , elle
eftoit déja deſtinée à gar-
´der les Forts & la hauteur
des Jefuites.
Les Ennemis avoient
emporté leur or , bruflé
leurs meilleurs Vaiffeaux &
leurs Magafins les plus riches, & tout le refte demeuroit enproye à la fureur du
pillage , qu'aucun chaſtiment ne pouvoit arrefter :
Février. 1712.
X
242 MERCURE
d'ailleurs il eftoit impoffi
ble de conferver cette Colonie , par le peu de vivres
qui reſtoient dans la Place ,
& par l'impoffibilité de penetrer dans le pays. Ainfi
le Sieur du Guay - Troüin
envoyadire au Gouverneur
que s'il tardoit plus longtemps à racheter la Ville
par une bonne contribu
tion , il alloit la mettre en
cendres : &afin de luy ren
dre cette menace plus fenfible, il détacha deux Compagnies de Grenadiers ,
commandez par les fieurs
GALANT 243 .
de Brignon & de Cheridan,
pour aller bruler toutes les
maiſons de la campagne.lls
rencontreret un gro Corps
des Ennemis , mais eftant
foutenus par une Compagnie deCaporaux, ils enfon
cerentles ennemis, en tuerent plufieurs , & mirent
le refte en fuite . Leur
Commandant, homme de
reputation , demeurafur la
place. Les fieurs de Brignon , de Cheridan , & le
fieur de Kret- Kavel garde
Marine , fe diftinguerent
dans cette action : le fieur
x ij
344 MERGURE
de Brignon , entre autres ,
perça le premier la bayon
nette au bout du fofil , à la
tefte de fa Compagnie ,
dont eftoient Officiers les
fieurs du Bodon & de Mortone gardes de la Marine
Comme cette affaire pou
voit devenir ferieuſe , jefis
avancer le Chevalier de
Beauve avec fix cents hommes , qui penetra encore
plus avant , brufla la maifon qui fervoir de retraite
au Commandant de cette
troupe & fe retira enfuite.
.e GALANT
245
&
Le Gouverneur envoya
unMestre de Camp , & le
Préfident de la Chambre
pour traiter , & ils reprefenterent au fieur du GuayTrouin , que le peuple les
ayant abandonnez
tranfportétout leur or dans
les montagnes,il leur eftoit
impoffible de trouver plus
de fix cents mille crufades:
pour la contribution : ils
demanderent mefme un
affez longtemps pourfaire
revenir l'or appartenant
au Royde Portugal , qu'on
avoit tranfportébien avant
X iij
146 MERCURE
dans les terres. Lefieur du
Guay Troüin rejetta cette
propofition , & congedial
les députezaprès leur avoir
fait voir qu'il faifoit miner
les endroits que le feu ne
pourroit deftruire : cependant il ſe paſſa encore fix
jours fans qu'on entendifti
parler du Gouverneur : on
apprit mefme que Don An
tonio d'Albuquerque devoit arriver inceffamment,
Comme il n'y avoit point
de temps à perdre, le fieur
du Guay- Trouin fit mettre
le lendemain à la pointe
GALANT 247
du jour toutes les troupes
en marche , & malgré las
difficulté des chemins il
arriva de bonne heure en
preſence des ennemis , &
fi près d'eux , que l'avantgarde commandée par le
Chevalier de Gouyon ſe
trouva à demi portée du
fufil de la premiere hauteur qu'ils occupoient , &
fur laquelle une partie de
leurs troupes parut en bataille. Le Gouverneur furpris envoya auffi toft deux
Officiers pour reprefenter
qu'il avoit offert tout l'or
248 MERCURE
dont il pouvoit difpofer
pour le rachat de la Ville:
qu'il luy eftoit abfolument
impoffible d'en trouver da
vantage: que tout ce qu'il
pouvoit faire eftoit d'y.
joindre dix mille crufades
de fa propre bourſe , cent
caiffes de fucre , & tous les
boeufs neceffaires pour la
fubfiftance des troupes , &
qu'aprés cela le fieur du
Guay Trouin eftoit le maiftre de le combattre , & de
deftruire la Colonie. On
tint confeil , & il fut refolu
d'accepter cette propofi
GALANT 249
tion pluſtoft que de tout
perdre ; & fit donner des
oftages, avec promeffe de
payer le tout dans quinze
jours, be my
Lelendemain 11. Octobre
Don Antonio d'Albuquer
que arriva avectrois mille
hommes de troupes , moitié cavalerie & moitié infanterie , & plus de fix mil
le Negres bien armez. Ce
pendant on travailloit tou
jours à tranfporter dans les
Vaiffeaux de l'Efcadre le
fucre qui s'eftoit trouvé , &
à remplir les Magafins des
2go MERCURE
autres marchandiſes que
l'on pouvoit ramaffer.adua
Le 4.Octobre les ennemis
ayant achevé leur dernier
payement, on fit embar
quer les troupes: on garda
feulement les Forts del'ifle
de Villegagnon , de l'ifle
des Chevres , & ceux de
l'entrée.
Le 13. aprés avoir fait
mettre le feu aux Vaiffeaux échoüez fous l'lfle
des Chevres , & aux autres
Baſtimens que l'on n'avoit
pointtrouvéàvendre, l'EC
cadre mit à la voile avec
GALANT. 251
del'eau & des vivres , pour environ trois mois , embarquant
un Officier , quatre gardes de
Marine , & trois cents cinquantefoldats qui reftoient de
la défaite du fieur du Clerc :
tous les autres Officiers avoient
efté envoyez à la Baye de tous
les Saints. Le fieur du Guay.
Trouin prétendoit aller les délivrer , & tirer mefme de cette
Colonie une nouvelle contribution mais ayant employé
quarante jours , à caufe des
vents contraires , pour arriver
à la hauteur de cette Baye , &
ayant à peine affez d'eau &
de vivres pour arriver en
France , il continua fa route.
11 fut mefme obligé de laiffer
la prife commandéepar le fieur
:
52 MERCURE
de la Ruffiniere , trop peſante:
la Fregate l'Aigle ayant ordre
de l'escorter jufqu'en France.
L'Efcadre palla enfin la Ligne le 25. Octobre. Les vents
eftant devenus plus favorables,
on arriva le 19. Janvier à la
hauteur des Ifles des Açores ,
où on effuya une grande tempefte , qui difperfa une partie
de la Flote.
Enfin aprés avoir mis plu
fieurs fois à travers pour attendre les Vaiffeaux, nous continuames noftre route vers
Breft , où l'Eſcadre arriva le
6. Février 1712.
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Résumé : AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
Le 9 juin 1711, René Duguay-Trouin quitta La Rochelle avec son escadre composée des vaisseaux 'Le Chancelier' et 'Le Glorieux' pour conquérir Rio de Janeiro. Le 2 juillet, il rejoignit la frégate 'L'Aigle' à l'île de Saint Vincent. Le 11 août, il passa l'équateur et le 27 août, il atteignit la baie de Tous les Saints. Après un conseil, il décida de se rendre à Rio de Janeiro. Le 1er septembre, malgré une forte défense incluant quatre vaisseaux de guerre portugais et une abondante artillerie, il força l'entrée du port. Rio de Janeiro était bien fortifiée, avec plusieurs forts et batteries le long de la baie. La ville était construite entre trois montagnes occupées par des ordres religieux et garnies de fortifications. Le Gouverneur portugais avait renforcé les défenses après avoir été informé de l'arrivée de l'escadre française par un paquebot venu d'Angleterre. Le 3 septembre, le Chevalier de Gouyon captura l'île des Chevres, permettant d'établir des batteries pour bombarder la ville. Les troupes françaises, au nombre de 2 150 soldats et 500 matelots armés, débarquèrent le 14 septembre et prirent position sur des hauteurs stratégiques. Cependant, après avoir reconnu le terrain, Du Guay-Trouin conclut qu'il était impraticable et impossible de couper la retraite aux ennemis ou de les empêcher de sauver leurs richesses. Du 16 au 21 février 1712, plusieurs actions militaires eurent lieu. Le 16 février, les ennemis tentèrent d'utiliser un fourneau sans succès, et les Sieurs de Beauve et de la Calandre établirent une batterie de dix pièces de canon. Le 17 février, les ennemis brûlèrent des magasins et des vaisseaux. Le 18 février, ils attaquèrent un poste avancé gardé par le Sieur de Lifta, mais furent repoussés par le Sieur de Bourville et ses hommes. La batterie des Sieurs de Beauve et de la Calandre commença à tirer sur les retranchements ennemis. Le 19 février, Du Guay-Trouin prépara une attaque contre l'île des Chevres. Le 20 février, il ordonna un feu continuel depuis les batteries et les vaisseaux. La nuit du 20 au 21 février, les ennemis ripostèrent, mais furent ralentis par le canon des batteries et du vaisseau le Mars. Le 21 février, Du Guay-Trouin attaqua la place avec ses troupes, et le Sieur de la Salle, échappé des ennemis, informa de leur retraite. Du Guay-Trouin prit possession des forts et des postes, malgré des pillages initiaux. Il établit des mesures pour empêcher le pillage et prit possession des forts restants. Le 23 février, le Gouverneur du Fort de Sainte Croix se rendit. Du Guay-Trouin apprit que les ennemis préparaient une contre-attaque et établit des défenses. Il menaça de brûler la ville si une contribution n'était pas payée. Après des négociations, une contribution fut acceptée. Le 11 octobre, Don Antonio d'Albuquerque arriva avec des renforts, mais les paiements furent effectués. Le 13 octobre, l'escadre mit à la voile, laissant certains forts occupés. Le voyage de retour fut marqué par des vents contraires et une tempête aux Açores. L'escadre arriva finalement à Brest le 6 février 1712.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 121-151
RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
Début :
Ayant eu le malheur d'estre du nombre de ceux qui [...]
Mots clefs :
Portugais, Troupes, Rio de Janeiro, Monsieur du Clerc, Bataille, Magasins
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texteReconnaissance textuelle : RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
RELATIO N
envoyée à Monfieur
Le Comte de Pontchartrin.
MONSEIGNEUR,
A
I
Yant eu le malheur
d'eftre du nombre de
ceux qui ont efté faits prifonniers dans la defcente de
Mr du Clerc à Rio deJaneiro ; je crois qu'il eft de
mon devoir de rendre
Juin 1712.
L •
122 MERCURE
compte à Voftre Grandeur
de mon retour en France
auffi bien que de ce qui
s'eft paffé de plus remarquable dans cette occafion.
Le Samedy 6 Aouſt
1710. On commença à voir
la terre à huit heures du
matin , d'un vent affez frais .
on n'eut pas courru deffus
trois heures , qu'on découvrit le pain de fucre; c'est
une Montagne fort élevéc
qui eft à l'entrée de la Baye
de Rio de Janeiro , & qui
fert de marque pour la ret
connoiftre : elle cft ainfi
GALANT. 123
nommée à caufe de fa
figure.
.
Amidy le Commandant
fit fon fignal, pour apelles
rousles Gardes de la Marine,
& tous les Grenadiers de
l'Eſcadre à fon bord, afin
d'entrer ce jour- là nean
moinsil étoit déja 3 heures
qu'on eftoit encore à plus
d'une lieuë de l'entrée : ainfi
on pritleparti de moüiller,
pour ne pas s'engager la
nuit dans un pays qu'on ne
connoift pas.
La Brife que l'on s'étoit
flatté d'avoir le lendemain
Lij
114 MERGURE
huit heures du matin , ne
commença qu'à deux heures
aprés midy, on leva d'abord l'Ancre pour en pro
fiter , & chacun étant bien
difpofé par l'ordre que tous
avoient receu de Mr du
Clerc de fe tenir prefts à
faire la defcente, nous nous
preſentâmes à la Barre de
Rio de Janeiro pour entrer
dans le Port avecdes Navires
du Roy, le Dimanche 17
Aouft 1710. entre trois &
quatre heures du foir; mais
le vent nous ayant manqué,
Tout à coup, dés que nous
GALANT 125
fumes à l'abry des terres, on
fut contraint de mouiller à
une grande portée de canon
du grand Fort de S, Croix
Nous n'eumes pas pluſtoſt
jetté l'Ancre, qu'il le pre5 fenta une Soumaque , petit
Baftiment venant de la Baye
de tous les Saints , qui në
balança point d'entrer fur
la foy de nos Pavillons An
glois , qu'elle nous vit à
tous : mais Mr du Clerc
jugea à propos de l'arrefter,
en paffant, afin de tirer s'il
fe pouvoit quelque éclaircif.
fement pour fon entreprife,
A
Liij
126 MERCURE
Le grand Fort , qui depuis
que nous étions moüillez ,
paroiffoit fufpendre fon jugement, & nefçavoir encore
fi nous cftions amis on ennemis , ne douta plus que
nous ne fuflions François ,
lorfquil vit arrefter le petit
Baſtiment. Il commença
déflors à tirer du canon fur
les Vaiffeaux, ce qui étoit
affez mal fervi , mettant une
intervalle confiderable entre chaque coup qu'il tiroits
enfin lorfque la nuit furvint,
& qu'il fut obligé de ceffer ,
il n'avoit pas tiré plus de
GALANT 127
1
quinze ou vinge coups de
canon qui n'avoient incommodé aucun Navire.
Mr du Clerc aprés avoir
interrogé les Portuguais
qu'il venoit de prendre, af
fembla pendant la nuit le
confeil de fes Officiers pour
fçavoir ce qu'il étoit le plus
à propos de faire , quoyque
fon avis fut de faire la def
cente cette nuit meſme qui
étoit fort obfcure , & trespropre à favorifer l'entreprife , les Chaloupes pouvant paffer à la faveur des
tenebres devant tous les
1
Liiij
128 MERCURE
Forts fans avoir rien à crain
dre,cequiauroit fans doute
furpris les ennemis qui ne
pourroient pas encore eftre
rous raffemblez , il fut ce
pendant refolu de l'avis de
fon confeil d'aller à l'IfleGrande fe rafraichir , &
qu'enfuite on iroit furpren
dre la Ville , par terre.
Il fit embarquer rout fon
monde dans les deux Fregat
tes, la Diane & l'Attalante;
* C'eft une Iſle qui eft à zo lieues
de Rio de Janeiro , où les Vaiffeaux
ont coûtume d'aller faire de l'Eau ,
& du Bois.
GALANT 125
qu'il choifir pour le tranft
port des Troupes , & ceux
qui ne purene y trouver
place fuivirent dans les Cha
loupes , & dans deux Bri
gantins.
Les trois Vaiffeaux du
Roy , l'Oriflame , la Valeur
&la Venus, refterent à l'IleGrande , fous le comman
dement de Mr de Champagnu , Lieutenant de Vaif.
feaux; & nous en partîmes
dans l'ordre que je viens de
dire le Samedy 6. Septembre, fous la conduite de
trois Noirs qui s'étant écha
M
130 MERCURE
"T
pez de la maifon de leur
Maiftres , s'étoient venus
rendre à Mr du Clerc: ils
affuroient qu'il n'y avoit à
Ja Ville que cinq à fix cens
hommes de Troupes à
combattre , & s'offrirent de
nous y conduire par terre
fans aucun obftacle.
Nousmines pied à terre
un petit Village, à douze
ou quinze lieues de Rio de
Jineiro , ce fut là que nous
scommençames la deſcenté,
Je Dimanche au foir 14. du
mois, &le Lundy matin le
refte des Troupes étant auffi
i
GALANT. 131
S
FAD
3
#
deſcendu , nous marchâmes
droit à la Ville , au nombre
de prés dehuiccens hommes
fur la bonne foy des trois
Noirs qui nous y conduifi,
fent. 20 N
Les trois premiers jours
de marche ne furent trou
blez par aucun ennemy,
ayant trouvé dans les Campagnes toutes les habita
tions defertes ; foit que les
habitans fe fuffent retirez à
la Ville comme dans un lieude feureté, foit qu'ils s'y
fuffent affemblez pour la
mieux deffendre , mais le
132 MERGURE
quatrième jour qui fut le
Jeudy 18. du mefme mois
étant arrivez avec beaucoup
de peine fur le fommet
d'une Montagne fort éle véc, peu de temps avant
midy nous y trouvâmes un
abbatis d'arbres confidera
ble, ce qui barroit entiere
ment tout le chemin , qui
étoit de luy mefme fort
étroit , mais nous étant aperceus qu'il n'y avoit perfonne derriere qui s'oppoſat
à noftre paffage , comme
nous l'avions crû d'abord ,
nousnousenfimes bien toft
GALANT. 133
un autre dans le bois à la
faveur des haches d'armes
L'aprés
que portoit la Compagnie
des Canonniers.
midy environ les deux
heures à peine la moitié des
Troupes avoit defcendu la
Montagne que la Compa
gnie des Gardes de la Marine
marchoit à la tefte fut falüée
5 de quelques coups de fuzils
qui partirent in opinement
du Bois dont , trois Gardes
de la Marine furent bleſſez
fans qu'on pût découvrir
cenx qui les venoient de
tirer. L'on fit grand feu fur
# 34 MERCURE
Pendroit d'où on avoit veu
fortir celuy des ennemis , &
l'on doubla le pas pour
pouvoir pluftaft trouver la
fin du Bois qui avoit encore
demie- lieue , & où l'on ne
pouvoit marcher au plus
que deux depfront: les
Troupes qui fuivirent ef
fuyerent encore plufieurs
coups de fuzils , dont il n'y
eut cependant que deux
Soldats bleffez , car les déb
charges continuelles que
l'on faifoit à droit & à la
gauche, par tout où l'on
paffoit , impoferent biens
GALANT. 135
toft filence à ceux qui
étoient cachez , & les ren-.
dirent bien plus mal adroits
à tirer qu'ils n'avoient eſté
dens fe commencement, ou
ils choifirent leurs objets
fans qu'on fe deffiat d'eux.
Erantenfin arrivez, caw
deboucher , &n'ayant point
trouvé d'ennemis qui nous
difputaffent l'entrée dans la
Plaine , nous nous y mîmes
en bataille à mefurd que
nous fortions du Bois , &
nous marchâmes roûjours
en bon ordre , autant que
les chemins & les lieux par
136 MERCURE
où nous paffames enfuite
nous le peurent permettre.
Sur le foir le Soleil étant
preft de fe coucher , on
apperceut de loin une Compagnie de Cavalerie qui
fembloit nous attendre dans
une grande prairie prés
d'une des maiſon des Je
fuites , qui eft à une grande
demie lieuë de la Ville : l'on
marcha droit à elle croyant
que les Portuguais avoient
toutes leurs forces prés de
cet endroit à deffein de
nous combattre ; mais
voyant ces Cavaliers ſe reM
i
GALANT. 137
tirer à mesure que nous
avancions, on jugea bien
qu'ils étoient là pour nous
obferver feulement , & non
pas pour nous engager à au.
cune affaire. Mr du Clerc
ayant jugé àpropos de faire
prendre quelque repos aux
Troupes qui étoient extre
mement fatiguées , l'on s'ar
3 refta à cette maifon des Jfuires , & l'on y paffà la
nuit.
Le lendemain toutes les
Troupes furent en bataille
à la pointe dujour, & aprés
les Prieres accoutumées on
Juin 1712 M
138 MERCURE
fe miten marche . La Com
pagnie de Cavalerie Portugaife que nousavions veuë le
Loir, fembloit nous vouloir
enfeigner les chemins qui
conduifoient à la ville &
marcha longtemps devant
nous à grande portée de canon, nous obfervant toû
jours à veuëde, moment en
moment, ilfe détachoit un
Cavalier d'entr'eux pour aller annoncer au Gouverneur
notreaproche , &l'informer
autant qu'ils en pourroient
juger du nombre que nous
étions, & des routes par lef
GALANT. 139
1
I
quelles nous marchions à lui.
Mr du Clerc ayant veu
fur une hauteur une Eglife ,
nommée Notre- Dame des
Elton , où il aprit que les
ennemis étoient retranchez,
y enuoya deux Compagnies
de Grenadiers qui s'en rendirent bien-toft Maitres
malgré le grand nombre
de ceux qui la gardoient
la plupart des Portuguais ,
s'en étant enfuys dans le
Bois aprés leur premiere
décharge ; ceux qui refterent
furent faits prifonniers. On
apprit depuis qu'ils y étoient
Mij-
140 MERCURE
retranchez, au nombre de
deux cens hommes ; onper
dit dans cette action un
Capitaine de Grenadiers , &
cinq ou fix Soldats qui y
furent tuez.
Un gros de Portugais
étant fortis de la Ville , ils
parurent le longde quelques
arcades qui n'en font qu'à
demic portée du fuzil , &
firent mine d'en vouloir
difputer l'entrée à nos
Troupes qui s'avançoient à
grands pas ; mais ils ne fou
tinrent pas long temps la
furcur Françoife; car ils
"1
GALANT 147.
1
lacherent le pied aprés leur
feconde décharge , & ren.
trerent auffi-toft en defor
dre.
Jamais Troupes ne montrerent un courage plus in
trepide que ceux qui fuivi
rent Mr du Clerc dans cette
•
entrepife ; malgré le feu
continuel des ennemis qui
faifoit tomber nos gens de
rous coſtez, ayant du monde
caché dans tous les endroits "
par où nous paffions nous
entrâmes dans la Ville avec
autant d'ardeur & d'audace
que fi le peril n'eut pas efte
142 MERCURE
pour nous, & que nous
fuffions venus dans nos propres maifons; toutfuyoit devant nous par tout où nous
nous prefentions : Cependant nous n'y marchames
pas longtemps fans êrre fort
incommodez du feu qui
nous venoit des coins de ruës
dont nos gens étoient affaf,
finez fans que nous viffions
perfonne , contre qui nous
puiffions prendre noftre revanche. Dans cette fituation
on crut devoir chercher
quelque endroit favorable
pour le mettre à couvert,
2
GALANT. 43
1
& où l'on ſe pût retrancher,
ce ne fut pas fans peine , &
fans qu'il en coûtat beaucoup, que Mr du Clerc fe
rendit Maiſtre d'un Magaſin
àfucre proche de la Merque
l'on nommele Trepiche , &
où il y avoit quantité de
Portugais retranchez qu'il
fallut forcer , on y trouva
quatre pieces de canon avec
lefquels onfit bonfeu ; mais
ne s'y érant rencontré que
fort peu de munitions , on
ne s'en pût pas fervir long
temps.at
Pendant que ces chofes
144 MERCURE
fe paffoient dans la Ville ; la
Compagnie des Canonniers
qui avoient refté derriere ,
fe trouvant féparée du gros
des Troupes; parce qu'elle
n'avoit pas pû fuivre, tomba entreles mains des ennemis, qui aprés leur avoir
fait mettre bas les armes en
་
leur promettant bon quar
tier ; par la plus lâche per
fidic , dont on ait guère
vû d'exemple , furent affez
barbares pour leur arracher
à tous la vie. Ils en firent
un horrible carnage & leur
firent fouffrir les tourmens
less
GALANT 145
les plus rigoureux que leur
eruauté leur pûr faire
inventer.
En ce moment quelques
Officiers bleffez du nombre
: defquels étoit Mr de Ruys
Lieutenant de Vailleaux
Commandant de la Colon.
nelle, s'étant retitez dans
une maison pour le faire
pånfer , y furent furpris par
les Portugais , & furent em
menez prifonniers dans une
Chapelle qui eft au dehors
de la Ville nommée Noftre
Damedu Rozaire, oùétoient
les autres François que l'or
Juin 1712.
N
1
46 MERGURE
avoit arreltez. Le Gouver
neur y vint auffi toft avec
quantité d'Officiers Portugais ; il interrogea ces nouyeaux priſonniers avec le
moins de douceur qu'il luy
fur poffible. Enfin apres
bien des façons , les Officiers
François pour éviter le fuplice de la mort, dont on
les menaçoit, furent obligez
dedéclarer que le nombrede
Troupes qui étoient defcendues à terre étoit d'environ
huit cens hommes, le Gouverneur s'étant fait rendre
compte des morts à peu
M
GALANT 47
prés autant que l'on en pourroit juger , & de tous les
prifonniers qu'il avoit déja
faits , n'eut pasde peine à
deviner que le nombre de
ceux qui étoient encore avec Mr du Clerc ne pouvoit
pas eftre bien confiderable
alors 7 ou 8 mille hommes
de Troupes Portugaifes
& qui n'avoient pas ofez
venir à noftre rencontre
pour nous empefcher d'entrer dans leut Ville ', commencerent à fe fentir quelque courage.
Mais ne fe confiants pas
Nij
148 MERCURE
encore tout à fait à ce qu'ils,
venoient d'entendre de la
bouche des prifonniers; le
Gouverneur engagea Mr de
Ruys d'écrire à Mr du
Clerc , pour luy aprendre,
combien les forces Portu
gaifes étoient confiderables , & pour le foliciter de
fe rendre.
Mr du Clerc répondit
qu'il avoit encore de la poudre & des balles , & que
tandis qu'elles dureroient ,
il ne fe rendroit point; cependant il n'étoit point fans
affaires & fans embarras
GALANT. 149
dans le Trepiche depuis que
nous l'y avions laiffe , étant
obligé d'effuyer le feu continuel de deux Fregattes qui
s'étant avancées fort prés du
Magafin où nous étions ,
firent de grandes bréches ,
à l'aide de leur canon qu'elles
tiroient fans ceffe , & qui
nousfaifoit perdre toûjours
du monde, & en incommodoit beaucoup par les éclats.
Fevvous pafferay icy un long
détail d'une defenfe qui coûta
aux Portugais dixfoldats pour
un des noſtres ; mais ils
eftoient encore en trop grand
"
N iij
150 MERCURE
nombre pour leur reſiſter. On
leur fit pourtant fignifier qu'on
alloitfortirfur euxlabayonette
au bout dufufil, ce qu'ils crait
gnirent tant qu'ils firent une
Capitulation tres-vantageufe:
mais ils la rompirent enfuite
avec une perfidie dont il n'y a
jamais eu d'exemples , en fai
fans fauffrir avec des crùautez
inoüies à leurs Prifonniers tous
les indignitez
C
Les tourmens
imaginables.
Voila en peu de mors
ane legere peinture de ce
qui s'eſt paſſé à Rio de Janeiro entre les François &
GALANT 156
les Portugais , le Vendredy
19. Septembre 17.no) val
Cette action qui dura
depuis les dix heures du matin , jufqu'à cinq heures du
foir , à été de plus chaudes ,
& des plus fanglantes done
on ait our parler, depuis
fort longtemps : il refta
deux cens hommes de tuez
fur la place , huic Officiers
Be trois Gardesde la Marine ;
deux cens autres furent
Bleffez , avec quinze Officiers & deux Gardes de la
Marine.
envoyée à Monfieur
Le Comte de Pontchartrin.
MONSEIGNEUR,
A
I
Yant eu le malheur
d'eftre du nombre de
ceux qui ont efté faits prifonniers dans la defcente de
Mr du Clerc à Rio deJaneiro ; je crois qu'il eft de
mon devoir de rendre
Juin 1712.
L •
122 MERCURE
compte à Voftre Grandeur
de mon retour en France
auffi bien que de ce qui
s'eft paffé de plus remarquable dans cette occafion.
Le Samedy 6 Aouſt
1710. On commença à voir
la terre à huit heures du
matin , d'un vent affez frais .
on n'eut pas courru deffus
trois heures , qu'on découvrit le pain de fucre; c'est
une Montagne fort élevéc
qui eft à l'entrée de la Baye
de Rio de Janeiro , & qui
fert de marque pour la ret
connoiftre : elle cft ainfi
GALANT. 123
nommée à caufe de fa
figure.
.
Amidy le Commandant
fit fon fignal, pour apelles
rousles Gardes de la Marine,
& tous les Grenadiers de
l'Eſcadre à fon bord, afin
d'entrer ce jour- là nean
moinsil étoit déja 3 heures
qu'on eftoit encore à plus
d'une lieuë de l'entrée : ainfi
on pritleparti de moüiller,
pour ne pas s'engager la
nuit dans un pays qu'on ne
connoift pas.
La Brife que l'on s'étoit
flatté d'avoir le lendemain
Lij
114 MERGURE
huit heures du matin , ne
commença qu'à deux heures
aprés midy, on leva d'abord l'Ancre pour en pro
fiter , & chacun étant bien
difpofé par l'ordre que tous
avoient receu de Mr du
Clerc de fe tenir prefts à
faire la defcente, nous nous
preſentâmes à la Barre de
Rio de Janeiro pour entrer
dans le Port avecdes Navires
du Roy, le Dimanche 17
Aouft 1710. entre trois &
quatre heures du foir; mais
le vent nous ayant manqué,
Tout à coup, dés que nous
GALANT 125
fumes à l'abry des terres, on
fut contraint de mouiller à
une grande portée de canon
du grand Fort de S, Croix
Nous n'eumes pas pluſtoſt
jetté l'Ancre, qu'il le pre5 fenta une Soumaque , petit
Baftiment venant de la Baye
de tous les Saints , qui në
balança point d'entrer fur
la foy de nos Pavillons An
glois , qu'elle nous vit à
tous : mais Mr du Clerc
jugea à propos de l'arrefter,
en paffant, afin de tirer s'il
fe pouvoit quelque éclaircif.
fement pour fon entreprife,
A
Liij
126 MERCURE
Le grand Fort , qui depuis
que nous étions moüillez ,
paroiffoit fufpendre fon jugement, & nefçavoir encore
fi nous cftions amis on ennemis , ne douta plus que
nous ne fuflions François ,
lorfquil vit arrefter le petit
Baſtiment. Il commença
déflors à tirer du canon fur
les Vaiffeaux, ce qui étoit
affez mal fervi , mettant une
intervalle confiderable entre chaque coup qu'il tiroits
enfin lorfque la nuit furvint,
& qu'il fut obligé de ceffer ,
il n'avoit pas tiré plus de
GALANT 127
1
quinze ou vinge coups de
canon qui n'avoient incommodé aucun Navire.
Mr du Clerc aprés avoir
interrogé les Portuguais
qu'il venoit de prendre, af
fembla pendant la nuit le
confeil de fes Officiers pour
fçavoir ce qu'il étoit le plus
à propos de faire , quoyque
fon avis fut de faire la def
cente cette nuit meſme qui
étoit fort obfcure , & trespropre à favorifer l'entreprife , les Chaloupes pouvant paffer à la faveur des
tenebres devant tous les
1
Liiij
128 MERCURE
Forts fans avoir rien à crain
dre,cequiauroit fans doute
furpris les ennemis qui ne
pourroient pas encore eftre
rous raffemblez , il fut ce
pendant refolu de l'avis de
fon confeil d'aller à l'IfleGrande fe rafraichir , &
qu'enfuite on iroit furpren
dre la Ville , par terre.
Il fit embarquer rout fon
monde dans les deux Fregat
tes, la Diane & l'Attalante;
* C'eft une Iſle qui eft à zo lieues
de Rio de Janeiro , où les Vaiffeaux
ont coûtume d'aller faire de l'Eau ,
& du Bois.
GALANT 125
qu'il choifir pour le tranft
port des Troupes , & ceux
qui ne purene y trouver
place fuivirent dans les Cha
loupes , & dans deux Bri
gantins.
Les trois Vaiffeaux du
Roy , l'Oriflame , la Valeur
&la Venus, refterent à l'IleGrande , fous le comman
dement de Mr de Champagnu , Lieutenant de Vaif.
feaux; & nous en partîmes
dans l'ordre que je viens de
dire le Samedy 6. Septembre, fous la conduite de
trois Noirs qui s'étant écha
M
130 MERCURE
"T
pez de la maifon de leur
Maiftres , s'étoient venus
rendre à Mr du Clerc: ils
affuroient qu'il n'y avoit à
Ja Ville que cinq à fix cens
hommes de Troupes à
combattre , & s'offrirent de
nous y conduire par terre
fans aucun obftacle.
Nousmines pied à terre
un petit Village, à douze
ou quinze lieues de Rio de
Jineiro , ce fut là que nous
scommençames la deſcenté,
Je Dimanche au foir 14. du
mois, &le Lundy matin le
refte des Troupes étant auffi
i
GALANT. 131
S
FAD
3
#
deſcendu , nous marchâmes
droit à la Ville , au nombre
de prés dehuiccens hommes
fur la bonne foy des trois
Noirs qui nous y conduifi,
fent. 20 N
Les trois premiers jours
de marche ne furent trou
blez par aucun ennemy,
ayant trouvé dans les Campagnes toutes les habita
tions defertes ; foit que les
habitans fe fuffent retirez à
la Ville comme dans un lieude feureté, foit qu'ils s'y
fuffent affemblez pour la
mieux deffendre , mais le
132 MERGURE
quatrième jour qui fut le
Jeudy 18. du mefme mois
étant arrivez avec beaucoup
de peine fur le fommet
d'une Montagne fort éle véc, peu de temps avant
midy nous y trouvâmes un
abbatis d'arbres confidera
ble, ce qui barroit entiere
ment tout le chemin , qui
étoit de luy mefme fort
étroit , mais nous étant aperceus qu'il n'y avoit perfonne derriere qui s'oppoſat
à noftre paffage , comme
nous l'avions crû d'abord ,
nousnousenfimes bien toft
GALANT. 133
un autre dans le bois à la
faveur des haches d'armes
L'aprés
que portoit la Compagnie
des Canonniers.
midy environ les deux
heures à peine la moitié des
Troupes avoit defcendu la
Montagne que la Compa
gnie des Gardes de la Marine
marchoit à la tefte fut falüée
5 de quelques coups de fuzils
qui partirent in opinement
du Bois dont , trois Gardes
de la Marine furent bleſſez
fans qu'on pût découvrir
cenx qui les venoient de
tirer. L'on fit grand feu fur
# 34 MERCURE
Pendroit d'où on avoit veu
fortir celuy des ennemis , &
l'on doubla le pas pour
pouvoir pluftaft trouver la
fin du Bois qui avoit encore
demie- lieue , & où l'on ne
pouvoit marcher au plus
que deux depfront: les
Troupes qui fuivirent ef
fuyerent encore plufieurs
coups de fuzils , dont il n'y
eut cependant que deux
Soldats bleffez , car les déb
charges continuelles que
l'on faifoit à droit & à la
gauche, par tout où l'on
paffoit , impoferent biens
GALANT. 135
toft filence à ceux qui
étoient cachez , & les ren-.
dirent bien plus mal adroits
à tirer qu'ils n'avoient eſté
dens fe commencement, ou
ils choifirent leurs objets
fans qu'on fe deffiat d'eux.
Erantenfin arrivez, caw
deboucher , &n'ayant point
trouvé d'ennemis qui nous
difputaffent l'entrée dans la
Plaine , nous nous y mîmes
en bataille à mefurd que
nous fortions du Bois , &
nous marchâmes roûjours
en bon ordre , autant que
les chemins & les lieux par
136 MERCURE
où nous paffames enfuite
nous le peurent permettre.
Sur le foir le Soleil étant
preft de fe coucher , on
apperceut de loin une Compagnie de Cavalerie qui
fembloit nous attendre dans
une grande prairie prés
d'une des maiſon des Je
fuites , qui eft à une grande
demie lieuë de la Ville : l'on
marcha droit à elle croyant
que les Portuguais avoient
toutes leurs forces prés de
cet endroit à deffein de
nous combattre ; mais
voyant ces Cavaliers ſe reM
i
GALANT. 137
tirer à mesure que nous
avancions, on jugea bien
qu'ils étoient là pour nous
obferver feulement , & non
pas pour nous engager à au.
cune affaire. Mr du Clerc
ayant jugé àpropos de faire
prendre quelque repos aux
Troupes qui étoient extre
mement fatiguées , l'on s'ar
3 refta à cette maifon des Jfuires , & l'on y paffà la
nuit.
Le lendemain toutes les
Troupes furent en bataille
à la pointe dujour, & aprés
les Prieres accoutumées on
Juin 1712 M
138 MERCURE
fe miten marche . La Com
pagnie de Cavalerie Portugaife que nousavions veuë le
Loir, fembloit nous vouloir
enfeigner les chemins qui
conduifoient à la ville &
marcha longtemps devant
nous à grande portée de canon, nous obfervant toû
jours à veuëde, moment en
moment, ilfe détachoit un
Cavalier d'entr'eux pour aller annoncer au Gouverneur
notreaproche , &l'informer
autant qu'ils en pourroient
juger du nombre que nous
étions, & des routes par lef
GALANT. 139
1
I
quelles nous marchions à lui.
Mr du Clerc ayant veu
fur une hauteur une Eglife ,
nommée Notre- Dame des
Elton , où il aprit que les
ennemis étoient retranchez,
y enuoya deux Compagnies
de Grenadiers qui s'en rendirent bien-toft Maitres
malgré le grand nombre
de ceux qui la gardoient
la plupart des Portuguais ,
s'en étant enfuys dans le
Bois aprés leur premiere
décharge ; ceux qui refterent
furent faits prifonniers. On
apprit depuis qu'ils y étoient
Mij-
140 MERCURE
retranchez, au nombre de
deux cens hommes ; onper
dit dans cette action un
Capitaine de Grenadiers , &
cinq ou fix Soldats qui y
furent tuez.
Un gros de Portugais
étant fortis de la Ville , ils
parurent le longde quelques
arcades qui n'en font qu'à
demic portée du fuzil , &
firent mine d'en vouloir
difputer l'entrée à nos
Troupes qui s'avançoient à
grands pas ; mais ils ne fou
tinrent pas long temps la
furcur Françoife; car ils
"1
GALANT 147.
1
lacherent le pied aprés leur
feconde décharge , & ren.
trerent auffi-toft en defor
dre.
Jamais Troupes ne montrerent un courage plus in
trepide que ceux qui fuivi
rent Mr du Clerc dans cette
•
entrepife ; malgré le feu
continuel des ennemis qui
faifoit tomber nos gens de
rous coſtez, ayant du monde
caché dans tous les endroits "
par où nous paffions nous
entrâmes dans la Ville avec
autant d'ardeur & d'audace
que fi le peril n'eut pas efte
142 MERCURE
pour nous, & que nous
fuffions venus dans nos propres maifons; toutfuyoit devant nous par tout où nous
nous prefentions : Cependant nous n'y marchames
pas longtemps fans êrre fort
incommodez du feu qui
nous venoit des coins de ruës
dont nos gens étoient affaf,
finez fans que nous viffions
perfonne , contre qui nous
puiffions prendre noftre revanche. Dans cette fituation
on crut devoir chercher
quelque endroit favorable
pour le mettre à couvert,
2
GALANT. 43
1
& où l'on ſe pût retrancher,
ce ne fut pas fans peine , &
fans qu'il en coûtat beaucoup, que Mr du Clerc fe
rendit Maiſtre d'un Magaſin
àfucre proche de la Merque
l'on nommele Trepiche , &
où il y avoit quantité de
Portugais retranchez qu'il
fallut forcer , on y trouva
quatre pieces de canon avec
lefquels onfit bonfeu ; mais
ne s'y érant rencontré que
fort peu de munitions , on
ne s'en pût pas fervir long
temps.at
Pendant que ces chofes
144 MERCURE
fe paffoient dans la Ville ; la
Compagnie des Canonniers
qui avoient refté derriere ,
fe trouvant féparée du gros
des Troupes; parce qu'elle
n'avoit pas pû fuivre, tomba entreles mains des ennemis, qui aprés leur avoir
fait mettre bas les armes en
་
leur promettant bon quar
tier ; par la plus lâche per
fidic , dont on ait guère
vû d'exemple , furent affez
barbares pour leur arracher
à tous la vie. Ils en firent
un horrible carnage & leur
firent fouffrir les tourmens
less
GALANT 145
les plus rigoureux que leur
eruauté leur pûr faire
inventer.
En ce moment quelques
Officiers bleffez du nombre
: defquels étoit Mr de Ruys
Lieutenant de Vailleaux
Commandant de la Colon.
nelle, s'étant retitez dans
une maison pour le faire
pånfer , y furent furpris par
les Portugais , & furent em
menez prifonniers dans une
Chapelle qui eft au dehors
de la Ville nommée Noftre
Damedu Rozaire, oùétoient
les autres François que l'or
Juin 1712.
N
1
46 MERGURE
avoit arreltez. Le Gouver
neur y vint auffi toft avec
quantité d'Officiers Portugais ; il interrogea ces nouyeaux priſonniers avec le
moins de douceur qu'il luy
fur poffible. Enfin apres
bien des façons , les Officiers
François pour éviter le fuplice de la mort, dont on
les menaçoit, furent obligez
dedéclarer que le nombrede
Troupes qui étoient defcendues à terre étoit d'environ
huit cens hommes, le Gouverneur s'étant fait rendre
compte des morts à peu
M
GALANT 47
prés autant que l'on en pourroit juger , & de tous les
prifonniers qu'il avoit déja
faits , n'eut pasde peine à
deviner que le nombre de
ceux qui étoient encore avec Mr du Clerc ne pouvoit
pas eftre bien confiderable
alors 7 ou 8 mille hommes
de Troupes Portugaifes
& qui n'avoient pas ofez
venir à noftre rencontre
pour nous empefcher d'entrer dans leut Ville ', commencerent à fe fentir quelque courage.
Mais ne fe confiants pas
Nij
148 MERCURE
encore tout à fait à ce qu'ils,
venoient d'entendre de la
bouche des prifonniers; le
Gouverneur engagea Mr de
Ruys d'écrire à Mr du
Clerc , pour luy aprendre,
combien les forces Portu
gaifes étoient confiderables , & pour le foliciter de
fe rendre.
Mr du Clerc répondit
qu'il avoit encore de la poudre & des balles , & que
tandis qu'elles dureroient ,
il ne fe rendroit point; cependant il n'étoit point fans
affaires & fans embarras
GALANT. 149
dans le Trepiche depuis que
nous l'y avions laiffe , étant
obligé d'effuyer le feu continuel de deux Fregattes qui
s'étant avancées fort prés du
Magafin où nous étions ,
firent de grandes bréches ,
à l'aide de leur canon qu'elles
tiroient fans ceffe , & qui
nousfaifoit perdre toûjours
du monde, & en incommodoit beaucoup par les éclats.
Fevvous pafferay icy un long
détail d'une defenfe qui coûta
aux Portugais dixfoldats pour
un des noſtres ; mais ils
eftoient encore en trop grand
"
N iij
150 MERCURE
nombre pour leur reſiſter. On
leur fit pourtant fignifier qu'on
alloitfortirfur euxlabayonette
au bout dufufil, ce qu'ils crait
gnirent tant qu'ils firent une
Capitulation tres-vantageufe:
mais ils la rompirent enfuite
avec une perfidie dont il n'y a
jamais eu d'exemples , en fai
fans fauffrir avec des crùautez
inoüies à leurs Prifonniers tous
les indignitez
C
Les tourmens
imaginables.
Voila en peu de mors
ane legere peinture de ce
qui s'eſt paſſé à Rio de Janeiro entre les François &
GALANT 156
les Portugais , le Vendredy
19. Septembre 17.no) val
Cette action qui dura
depuis les dix heures du matin , jufqu'à cinq heures du
foir , à été de plus chaudes ,
& des plus fanglantes done
on ait our parler, depuis
fort longtemps : il refta
deux cens hommes de tuez
fur la place , huic Officiers
Be trois Gardesde la Marine ;
deux cens autres furent
Bleffez , avec quinze Officiers & deux Gardes de la
Marine.
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Résumé : RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
En juin 1712, un individu capturé lors de la descente de M. du Clerc à Rio de Janeiro en 1710 envoya une relation au Comte de Pontchartrain. Le 6 août 1710, les navires français aperçurent la terre et le Pain de Sucre, repère pour l'entrée de la baie de Rio de Janeiro. Le commandant rassembla les gardes et les grenadiers, mais le vent manqua, obligeant les navires à mouiller loin du fort de Saint-Croix. Une soumaque portugaise fut arrêtée pour obtenir des informations. Le fort ouvrit le feu sans causer de dommages significatifs. M. du Clerc, après avoir interrogé des prisonniers portugais, décida de se rendre à l'île Grande pour se rafraîchir avant d'attaquer la ville. Les troupes furent transportées par des frégates et des chaloupes, guidées par trois Noirs évadés qui affirmèrent que Rio de Janeiro n'avait que cinq à six cents hommes de troupes. Le 14 septembre, les troupes débarquèrent et marchèrent vers Rio de Janeiro. Après trois jours de marche sans encombre, elles rencontrèrent un abattis d'arbres le quatrième jour. Malgré quelques tirs de fusils, les troupes françaises continuèrent leur avancée et se mirent en bataille dans une plaine. Le lendemain, les troupes françaises attaquèrent et prirent une église où étaient retranchés les ennemis, faisant plusieurs prisonniers. Un groupe de Portugais tenta de défendre l'entrée de la ville mais recula après une seconde décharge. Les troupes françaises entrèrent dans la ville malgré le feu ennemi caché dans les coins de rues. M. du Clerc prit un magasin à sucre près de la mer, où il trouva des canons et des munitions. Cependant, la compagnie des canonniers, séparée du gros des troupes, fut capturée et massacrée par les Portugais. Quelques officiers français, blessés, furent faits prisonniers et interrogés par le gouverneur. Ce dernier, informé du nombre réduit de troupes françaises restantes, tenta de négocier avec M. du Clerc, mais ce dernier affirma qu'il avait encore de la poudre et des balles. Le 19 septembre 1710, une bataille intense eut lieu à Rio de Janeiro. Les Français, positionnés dans le Trepiche, subissaient des attaques continues de deux frégates portugaises, causant des pertes humaines et des dommages importants. Malgré les efforts des Français pour se défendre, les Portugais, en surnombre, infligeaient des pertes lourdes. Les Français menacèrent d'attaquer à la baïonnette, poussant les Portugais à accepter une capitulation avantageuse. Cependant, les Portugais violèrent cette capitulation en infligeant des cruautés à leurs prisonniers. La bataille, qui dura de 10 heures du matin à 5 heures du soir, fut particulièrement sanglante, laissant 200 hommes tués sur le champ de bataille, dont huit officiers et trois gardes de la marine, ainsi que 200 autres blessés, dont quinze officiers et deux gardes de la marine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 208-216
Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Début :
Avant de partir du Bresil, j'avois reçû de Monsieur [...]
Mots clefs :
Supplément, Rio de Janeiro, Monsieur du Clerc, La Reine des Anges, Vaisseau, Cayenne, Brésil, France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Supplément de la Relation de
la defiente de Monfieur
du Clerc à Rio de Janeiro,
donnée dans le Mercure de
May dernier.
Avant de partir du Brefil , j'avois reçûde Monfieur
du Guay un ordre de fervir
d'Officier fur le vaiffeau la
Reine des Anges , qui avoit
été pris dans la baye de Rio
de Janeiro, & que l'on a
voit
GALANT 209
voit chargé de fucre du
pays , pour l'amener en
France : mais nous étions
armez fi à la hâte , & avec
fi peu de précaution , que
fitôt que nous fûmes à la
mer le vaiffeau fit beaucoup d'eau , & qu'au premier coup devent que nous
reçûmes nous eûmes, une
partie de nos voiles empor
tées.
Nous étions fi fort chargez , qu'il ne nous fut pas
poffible de fuivre l'efcadre :
ainfi Monfieur du Guay në
jugeant pas à propos
Sept. 17.12.
S
de
1/210
MERCURE
14
nousattendre,àcauſe du re
tardement cófiderable que
nous aurions caufé à tous les
autres vaiffeaux,nous affifta
du mieux qu'il fut poffible
avant de nous quitter , &
donna ordre au Chevalier
de la Rufiniere , qui commandoit la Reine des Anges , de relâcherpen cas
d'incommodité, à une des.
Iles de la Martinique, pour
y prendre les chofes qui lui
feroient neceffaires & fe
mettre en état d'arriver en
France. Il détacha auffi la
fregate du Roy l'Aigle i
GALANT. 211
commandée par Monfieur
de la Marre de Caen , pour
› nous convoyer ; & nous
donnertousles fecours dont
* nous aurions befoin.
Le Capitaine de l'Aigle
fe trouvant Commandant
des deux navires , en ver
-tu de la Commiſſion de
Lieutenant de vaiffeau ,
nous amena relâcher à l'Ifle
de Cayenne : mais n'ayant
pû ycarenner le navire , &
n'y ayant trouvé ni les vivres , ni les autres chofes
qui nous manquoient , on
fur obligé de defarmer la
Sij
212 MERCURE
Reine des Anges , & de la
laiffer a Cayenne avec fa
cargaiſon. Nous étions deftinez , aprés cet accident ,
de paffer fur la fregate du
Roy l'Aigle mais par un
malheur inattendu elle fe
perdit la nuit du 6. au 7. Fe-
::
vrier 1712. par une tourmente de vent nordnordeft , qui la porta fur un
banc , où elle a été enticrement crevée..
44
Aprés un coup fi funeſte , il a falu avoir recours
à la Reine des Anges , qui
étoit déja échouée fur les
1
GALANT
213
vales. On s'eft mis en devoir de la raccommoder
du débris de l'Aigle , dont
on a fauvé une grande partie des vivres , & tous les
grés. On ne fçait pas encore fi on pourra la mettre en état d'aller en France ; fi cela n'eft pas poffible , on tâchera au moins
de la mener à la Martinique afin d'y paffer les
troupes , & les équipages
des deux navires , qui
incommoderoient
derablement la colonie
de Cayenne , s'ils étoient
confi-
214 MERCURE
obligez d'y refter longtemps.
રે
Cependant Monfieur de
la Marre de Caen étant
chargé de plus de monde
-qu'il n'en pouvoit conte
nir dans la Reine des Anges , a jugé à propos de:
-faire un detachement de
foldats & d'Officiers
nombre defquels j'ai été,
pour paffer en France , fur
un petit navire Marchand
de Saint Malo , nommé
le faint Jean Baptiſte , qui
étoit prêt à partir , & ila.
*
du
V
JGALANTA $215
donné un ordre au Sieur
des Vaux , Capitaine du
dit vaiffeau , de nous donner paffage. Nous fommes partis de Cayenne le
Mercredi dixiéme Février
mil fept cent douze , &
fommes arrivez au Portlouis le onziéme Avril.
Voila , Monſeigneur
害
un compte fidele de toute
ma conduite , & de ce qui
s'eft paffé , à peu prés , de
plus memorable dans les
lieux où je me fuis trouvé , depuis le dixiéme May
216 MERCURE
mil ſept cent dix , qui fut
le jour que l'efcadre de
Monfieur du Clerc partit:
de la Rochelle.
la defiente de Monfieur
du Clerc à Rio de Janeiro,
donnée dans le Mercure de
May dernier.
Avant de partir du Brefil , j'avois reçûde Monfieur
du Guay un ordre de fervir
d'Officier fur le vaiffeau la
Reine des Anges , qui avoit
été pris dans la baye de Rio
de Janeiro, & que l'on a
voit
GALANT 209
voit chargé de fucre du
pays , pour l'amener en
France : mais nous étions
armez fi à la hâte , & avec
fi peu de précaution , que
fitôt que nous fûmes à la
mer le vaiffeau fit beaucoup d'eau , & qu'au premier coup devent que nous
reçûmes nous eûmes, une
partie de nos voiles empor
tées.
Nous étions fi fort chargez , qu'il ne nous fut pas
poffible de fuivre l'efcadre :
ainfi Monfieur du Guay në
jugeant pas à propos
Sept. 17.12.
S
de
1/210
MERCURE
14
nousattendre,àcauſe du re
tardement cófiderable que
nous aurions caufé à tous les
autres vaiffeaux,nous affifta
du mieux qu'il fut poffible
avant de nous quitter , &
donna ordre au Chevalier
de la Rufiniere , qui commandoit la Reine des Anges , de relâcherpen cas
d'incommodité, à une des.
Iles de la Martinique, pour
y prendre les chofes qui lui
feroient neceffaires & fe
mettre en état d'arriver en
France. Il détacha auffi la
fregate du Roy l'Aigle i
GALANT. 211
commandée par Monfieur
de la Marre de Caen , pour
› nous convoyer ; & nous
donnertousles fecours dont
* nous aurions befoin.
Le Capitaine de l'Aigle
fe trouvant Commandant
des deux navires , en ver
-tu de la Commiſſion de
Lieutenant de vaiffeau ,
nous amena relâcher à l'Ifle
de Cayenne : mais n'ayant
pû ycarenner le navire , &
n'y ayant trouvé ni les vivres , ni les autres chofes
qui nous manquoient , on
fur obligé de defarmer la
Sij
212 MERCURE
Reine des Anges , & de la
laiffer a Cayenne avec fa
cargaiſon. Nous étions deftinez , aprés cet accident ,
de paffer fur la fregate du
Roy l'Aigle mais par un
malheur inattendu elle fe
perdit la nuit du 6. au 7. Fe-
::
vrier 1712. par une tourmente de vent nordnordeft , qui la porta fur un
banc , où elle a été enticrement crevée..
44
Aprés un coup fi funeſte , il a falu avoir recours
à la Reine des Anges , qui
étoit déja échouée fur les
1
GALANT
213
vales. On s'eft mis en devoir de la raccommoder
du débris de l'Aigle , dont
on a fauvé une grande partie des vivres , & tous les
grés. On ne fçait pas encore fi on pourra la mettre en état d'aller en France ; fi cela n'eft pas poffible , on tâchera au moins
de la mener à la Martinique afin d'y paffer les
troupes , & les équipages
des deux navires , qui
incommoderoient
derablement la colonie
de Cayenne , s'ils étoient
confi-
214 MERCURE
obligez d'y refter longtemps.
રે
Cependant Monfieur de
la Marre de Caen étant
chargé de plus de monde
-qu'il n'en pouvoit conte
nir dans la Reine des Anges , a jugé à propos de:
-faire un detachement de
foldats & d'Officiers
nombre defquels j'ai été,
pour paffer en France , fur
un petit navire Marchand
de Saint Malo , nommé
le faint Jean Baptiſte , qui
étoit prêt à partir , & ila.
*
du
V
JGALANTA $215
donné un ordre au Sieur
des Vaux , Capitaine du
dit vaiffeau , de nous donner paffage. Nous fommes partis de Cayenne le
Mercredi dixiéme Février
mil fept cent douze , &
fommes arrivez au Portlouis le onziéme Avril.
Voila , Monſeigneur
害
un compte fidele de toute
ma conduite , & de ce qui
s'eft paffé , à peu prés , de
plus memorable dans les
lieux où je me fuis trouvé , depuis le dixiéme May
216 MERCURE
mil ſept cent dix , qui fut
le jour que l'efcadre de
Monfieur du Clerc partit:
de la Rochelle.
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Résumé : Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Après avoir reçu l'ordre de servir sur le vaisseau 'La Reine des Anges', capturé à Rio de Janeiro et destiné à être ramené en France, l'officier a dû faire face à plusieurs difficultés. Le vaisseau, chargé à la hâte, a commencé à prendre l'eau et a subi des dommages aux voiles. En raison de sa charge excessive, il a été abandonné par Monsieur du Guay, qui a ordonné au Chevalier de la Rufinière de se ravitailler aux Îles de la Martinique et a détaché la frégate 'L'Aigle' pour l'escorter. La frégate a tenté de relâcher à l'île de Cayenne, mais a dû désarmer 'La Reine des Anges' et la laisser sur place faute de vivres et de réparations. 'L'Aigle' s'est perdue lors d'une tempête le 7 février 1712. 'La Reine des Anges' a été réparée avec les débris de 'L'Aigle'. Si le vaisseau ne pouvait être remis en état, il serait dirigé vers la Martinique pour débarquer les troupes et les équipages. Monsieur de la Marre de Caen a organisé un détachement de soldats et d'officiers, dont l'auteur, pour les envoyer en France sur un navire marchand de Saint-Malo, 'Le Saint Jean Baptiste'. Ils sont partis de Cayenne le 10 février 1712 et sont arrivés à Port-Louis le 11 avril 1712. Le texte se conclut par un compte rendu des événements survenus depuis le départ de l'escadre de Monsieur du Clerc de La Rochelle le 10 mai 1710.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 344-345
Diamans arrivez en Portugal, [titre d'après la table]
Début :
La Flotte du Rio de Janeiro, arrivée à Lisbonne le [...]
Mots clefs :
Diamants, Rio de Janeiro, Carats
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texteReconnaissance textuelle : Diamans arrivez en Portugal, [titre d'après la table]
La Flotte du Rio de Janeiro, arrivée à Lisbonne
le 7. et le 8. Decembte 1731. composée de 14.
Vaisseaux Marchands , escortée par deux Vais,
seaux de Guerre, y a apporté outre l'Or et les
Marchandises ordinaires , des Diamans,
Il y en a eu de déclarez sur le premier Vais- seau de Guerre
sur le second ,
et on croit qu'il en aura passé sans être déclaré
TOTAL
Il en est aussi arrivé de Goa le
19. Novembre dernier, et 2. autres
Vaisseaux venus de la Baye de tous
23400. Carats.
I2600.
46000.
82000. Carats,
les Saints, en ont apporté environ 18000. Carats
On compte que la Flotte de la
Baye de tous les Saints, qui arrivera
en Janvier 1732. en apportera 33000. Carats.
TOTAL GENERAL. 133000. Carats,
Ces Diamans sont estimez les uns dans les au
tres à quinze Cruzades le Carat , ce qui feroit 1995000. Cruzades.
On est persuadépar les lettres qui ont été écrites
du Bresil et par le rapport qui a été fait par plus
sieurs personnes de l'endroit où se trouvent ces Diamans , qu'il n'en viendra presque plus , parce
qu'lls n'ont pas été tirés d'une Mine , et qu'on fes apêchez au fond de plusieurs petites Rivieres,
où l'on prétend qu'ils se sont formés; ce qui est difficile à croire, O
FEVRIER. 1732 345
On assure ce préjugé sur ce qu'on a recommencé la pêche dans ces mêmes Rivieres après de
grandesavalaisons d'eaux, et on n'y a rien trouvé.
Quoiqu'il en soit, on dit qu'il n'y a plus qu'une
de ces Rivieres où il s'en trouve encore quelques- uns.
Le plus gros Diamant qui soit venu est de 39.
Carats , les autres sont depuis quatorze et au dessous et presque tous petits.
Ces Diamans sont generalement plus nets que
ceux d'Orient , aussi durs et par consequent bril
lans et pleins de feu.
celles
Il s'est trouvé dans d'autres endroits du Bresil
des Topazes aussi belles et aussi dures que d'Orient, et resistant à la lime.
On ne connoît point encore parfaintement des
Pierres rouges qui s'y trouvent qui resistent à la
lime comme les Diamans : on croit cependant
que ce seront des Rubis Balais.
le 7. et le 8. Decembte 1731. composée de 14.
Vaisseaux Marchands , escortée par deux Vais,
seaux de Guerre, y a apporté outre l'Or et les
Marchandises ordinaires , des Diamans,
Il y en a eu de déclarez sur le premier Vais- seau de Guerre
sur le second ,
et on croit qu'il en aura passé sans être déclaré
TOTAL
Il en est aussi arrivé de Goa le
19. Novembre dernier, et 2. autres
Vaisseaux venus de la Baye de tous
23400. Carats.
I2600.
46000.
82000. Carats,
les Saints, en ont apporté environ 18000. Carats
On compte que la Flotte de la
Baye de tous les Saints, qui arrivera
en Janvier 1732. en apportera 33000. Carats.
TOTAL GENERAL. 133000. Carats,
Ces Diamans sont estimez les uns dans les au
tres à quinze Cruzades le Carat , ce qui feroit 1995000. Cruzades.
On est persuadépar les lettres qui ont été écrites
du Bresil et par le rapport qui a été fait par plus
sieurs personnes de l'endroit où se trouvent ces Diamans , qu'il n'en viendra presque plus , parce
qu'lls n'ont pas été tirés d'une Mine , et qu'on fes apêchez au fond de plusieurs petites Rivieres,
où l'on prétend qu'ils se sont formés; ce qui est difficile à croire, O
FEVRIER. 1732 345
On assure ce préjugé sur ce qu'on a recommencé la pêche dans ces mêmes Rivieres après de
grandesavalaisons d'eaux, et on n'y a rien trouvé.
Quoiqu'il en soit, on dit qu'il n'y a plus qu'une
de ces Rivieres où il s'en trouve encore quelques- uns.
Le plus gros Diamant qui soit venu est de 39.
Carats , les autres sont depuis quatorze et au dessous et presque tous petits.
Ces Diamans sont generalement plus nets que
ceux d'Orient , aussi durs et par consequent bril
lans et pleins de feu.
celles
Il s'est trouvé dans d'autres endroits du Bresil
des Topazes aussi belles et aussi dures que d'Orient, et resistant à la lime.
On ne connoît point encore parfaintement des
Pierres rouges qui s'y trouvent qui resistent à la
lime comme les Diamans : on croit cependant
que ce seront des Rubis Balais.
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Résumé : Diamans arrivez en Portugal, [titre d'après la table]
En décembre 1731, la flotte du Rio de Janeiro, composée de 14 vaisseaux marchands et escortée par deux vaisseaux de guerre, est arrivée à Lisbonne avec de l'or, des marchandises et des diamants. Les déclarations officielles mentionnent 23 400 carats sur le premier vaisseau de guerre et 12 600 carats sur le second, avec des suspicions de diamants non déclarés. Des diamants sont également arrivés de Goa le 19 novembre, totalisant 46 000 carats, et de la Baie de tous les Saints, environ 18 000 carats. La flotte de la Baie de tous les Saints, attendue en janvier 1732, devrait apporter 33 000 carats, portant le total général à 133 000 carats. Ces diamants sont estimés à quinze cruzades le carat, soit 1 995 000 cruzades. Les sources brésiliennes indiquent une possible diminution de la production de diamants, car ils sont trouvés au fond des rivières plutôt que dans des mines. Le plus gros diamant pesait 39 carats. Les diamants brésiliens sont réputés pour leur netteté et leur dureté. Des topazes et des pierres rouges, potentiellement des rubis balais, ont également été découvertes au Brésil.
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6
p. 185
De LISBONNE, le 22 Juin 1763.
Début :
On mande de Bahia que deux Corsaires Anglois le Lord-Clive [...]
Mots clefs :
Corsaires anglais, Troupes, Colonie, Attaque, Vaisseaux, Rio de Janeiro, Capitaine, Cargaison
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texteReconnaissance textuelle : De LISBONNE, le 22 Juin 1763.
De LISBONNE , le 22 Juin 1763 .
On mande de Bahia que deux Corfaires Anglois
le Lord - Clive & l'Embuscade ayant pris à bord
quelques troupes & s'étant joints à une Frégate
Portugaife, avoient attaqué la Colonie du S. Sacrement.
Après une Canonnade vive & opiniâtre ,
les Anglois avoient forcé les Eſpagnols à fe retirer ,
quand tout-à-coup le feu prit au bâtiment du Lord-
Clive qui fauta en l'air. Alors les Espagnols revinrentfur
leurs pas , & forcerent les autres Vaiffeaux
de retourner à Rio- Janeiro . Les Corfaires Anglois
avoient fait plufieurs prifes confidérables ; mais on
fuppofe que l'argent & les effets les plus précieux
étant à bord du Lord- Clive auront été perdus. Suivant
quelques relations , le Capitaine Macnamara,
qui commandoit ce Corfaire , défefperé de la perte
de fon Vaiffeau, s'eft brûlé la cervelle d'un coup de
Piftolet ; mais fuivant un autre récit plus probable,
il a péri avec trois cens- cinquante hommes de fon
équipage.
On mande de Bahia que deux Corfaires Anglois
le Lord - Clive & l'Embuscade ayant pris à bord
quelques troupes & s'étant joints à une Frégate
Portugaife, avoient attaqué la Colonie du S. Sacrement.
Après une Canonnade vive & opiniâtre ,
les Anglois avoient forcé les Eſpagnols à fe retirer ,
quand tout-à-coup le feu prit au bâtiment du Lord-
Clive qui fauta en l'air. Alors les Espagnols revinrentfur
leurs pas , & forcerent les autres Vaiffeaux
de retourner à Rio- Janeiro . Les Corfaires Anglois
avoient fait plufieurs prifes confidérables ; mais on
fuppofe que l'argent & les effets les plus précieux
étant à bord du Lord- Clive auront été perdus. Suivant
quelques relations , le Capitaine Macnamara,
qui commandoit ce Corfaire , défefperé de la perte
de fon Vaiffeau, s'eft brûlé la cervelle d'un coup de
Piftolet ; mais fuivant un autre récit plus probable,
il a péri avec trois cens- cinquante hommes de fon
équipage.
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Résumé : De LISBONNE, le 22 Juin 1763.
Le 22 juin 1763, deux navires anglais et une frégate portugaise attaquent la colonie espagnole du Sacrement. Après une canonnade, les Anglais se retirent, mais le Lord Clive explose. Les Espagnols repoussent les autres vaisseaux. Le capitaine Macnamara et 350 membres d'équipage périssent. Les prises anglaises sont perdues.
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