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1
p. 242-282
Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir satisfait vostre curiosité dans une de mes Lettres, [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Roi de France, Envoyés, Monarque, Présents, Prince, Vaisseau, Bâtiment, Londres, Royaume, Majesté, Remèdes, Argent, Sujets, Missionnaires, Nations, Europe, Gloire, Banten, Amitié, Angleterre, Voyage, États, Religion, Hommes, Peuples, Siam
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texteReconnaissance textuelle : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Aprés avoir satisfait vostre
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
Fermer
Résumé : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Le texte décrit les interactions entre les missionnaires français, appelés Millionnaires, et le roi de Siam. Ces missionnaires, établis au Siam, ont gagné la faveur des habitants en distribuant des remèdes et en soignant les malades sans demander de paiement, ce qui a favorisé l'expansion de la religion catholique dans le royaume. Le roi de Siam, intrigué par ces missionnaires, a découvert qu'ils étaient financés par des missions en France et des donations de particuliers. Impressionné par cette générosité, il a développé une haute estime pour le roi de France. Cependant, la perte d'un vaisseau chargé de présents pour le roi de France a contrarié le roi de Siam. Malgré cet incident, il a décidé d'envoyer de nouveaux envoyés à Paris à bord d'un petit bâtiment anglais. Ces envoyés, choisis parmi les officiers de la maison royale et exempts de certaines taxes, avaient pour missions de s'informer du sort du premier ambassadeur, de solliciter des moyens pour renforcer l'amitié entre les deux couronnes, et de féliciter le roi de France pour la naissance du Duc de Bourgogne. Le roi de Siam a également demandé à un missionnaire, M. Vachet, de les accompagner et de rapporter fidèlement ses observations sur la cour et les États français. Pour éviter que les présents destinés aux ministres français ne soient taxés en Angleterre, le roi de Siam a pris des mesures appropriées et a fourni à M. Vachet un habit de satin pour les audiences. Malgré les tentatives de sabotage par des nations jalouses, les envoyés ont finalement quitté Londres à bord d'un vaisseau anglais pour se rendre à Calais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 50-60
SECONDE LETTRE. Sur l'Abjuration de Mr Vignes. De Grenoble ce 20. Decembre 1684.
Début :
Monsieur, Ma Lettre du 9 de ce mois vous à [...]
Mots clefs :
Religion, Église, Évêque, Convertis, Prédication, Abjuration, Religion prétendue réformée
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE. Sur l'Abjuration de Mr Vignes. De Grenoble ce 20. Decembre 1684.
SECONDE LETTRE.
Sur l'Abjuration de Mr Vignes.
De Grenoble ce 20. Decembre 1684.
M ONSIEUR ,
9.
Ma Lettre du de ce mois vous
à dû apprendre
la retraite de Monfieur
Vignes, cy- devant Miniftre
de
la Religion
Prétendue
Reformée
de
cette Ville , pour fe bien preparer
à
fon Abjuration
qu'il devoit faire ,
Dimanche
dernier , & qui a esté
faite avec toutes les folemnitez
que
meritoit une fi belle Action.
Vous Scaure done qu'apres Vefpres,
& environ fur les trois heures,
ilferendit à l'Eglife Cathédrale de
GALANT.
SI
t
Notre- Dame , avec le Pere Lamy
Preftre de l'Oratoire , dont la grande
erudition vous doit eftre connuë
par les Ouvrages qu'illa donnez au
Public, & qui par des Converfations
Sçavantes & Spirituelles a beaucoup
contribué à faire revenir Monfieur
Vignes de fes erreurs. Eftans entrez
dans l'Eglife , ils prirent place au
milieu de la Nef, vis- à- vis de la
Chaire où Monfieur l'Evefque devoitprefcher.
Iamais cette Eglife n'a efté remplie
de tant de monde ; & bien
qu'elle foit grande & vafte , neantmoins
outre tous les endroits qui
pouvoient eftre occupez , les Tribunes
, les Chapelles , les Corniches
même, & les piliers , furent d'abord
fi remplis , qu'à midy il n'y eut ancuneplace
vuide , & quelques Portes
affez éloignées , pour ne pouvoir de
Ca
52
4
MERCURE
là oüir le Prédicateur , ne laifferent
pas d'avoir fi grande quantité de.
monde , qu'on ne pût plus y entrer à.
l'heure que je viens de dire ; tellement
que dans une grande Place qui
fert de Cimetiere , & dans les Ruës
voifines . les plus paresseux furent
obligez de s'arrefter , & y referent
jufques à la fin de la Cerémonie
quelque froid rigoureux qu'il fit
alors .
Monfieur l'Evefque monta en
Chaire environ à trois heures & fit
une Prédication qui ne furprit pas,
parce qu'il n'en fait jamais que
de belles & de bonnes , mais qui
charma tous fes Auditeurs par le
prix de la matiere , par l'elegance
du difcours , par la maniere de le
debiter , & par l'application au
fujet de la Converfion de Monfieur
Vignes.
Il commença par la Miffion de
GALANT. $ 3
Saint Tean- Baptifte , fit voir la déference
qu'il eut aux ordres du Ciel
qu'il exécutoit fon humilité à ne
point recevoir des bonneurs qui
n'eftoient deubs qu'à celuy dont il
eftoit le Précurseur , & à ne point
accepter le titre de Meffie qu'on
vouloit luy donner. De là il paffa
aux veritables Miffions des Evêques
des Pasteurs , prouva que dans
l'Eglife Catholique il n'y en avoit
point qui ne fuft dérivée des Apôtres
, rapporta pour exemple la fienne
, & celles des Evefques fes Predeceffeurs
jufques à Domnin , lequel
affifta au Concile d'Aquilée l'an 381 .
qui tenoit la fienne , & fon Ordination
, de l'Evefque de Vienne, & celuy
cy des Apoftres , par
le moyen
de S.Crefcent, premier Prélat de cette
Ville , qui avoit efté Difciples des
Apoftres, & qui mefme felon le raport
d'Adon en fa Chronique ,y avoit
C 3
54 MERCURE
efté laiffe par S. Paul paſſant par
cette Province pour aller en Efpagne.
Qu'il n'en eftoit pas de mesme
de celle des Miniftres , qui ne l'avoient
reçûë que de ceux qui leur
avoient prefché à la naissance de
leur Religion , qui bien loin d'eftre
envoyez par de veritables Paſteurs ,
ne l'estoient que par des Moines dé
froquez , par des Prévaricateurs, &
par des Débauchez ,fans ordre &
Jans approbation.Il s'étendit enfuite
fur quelques autres points de Controverfe
qu'il démela parfaitement
bien ,fit l'éloge de noftre illuftre Converty
, exhorta ceux de la Religion
Prétendue Reformée à suivre Som
exemple, & les Catholiques à perfeverer
, donna cette louange à fon
Diocefe qu'il estoit moins corrompu
que lors qu'il y arriva , & qu'ily
reconnoiffoit des changemens avantageux
à la gloire de Dieu , fit cora
GALANT. 55
noiftre le zele de noftre augufte Momarque
pour éteindre l'Hérefie dans
fon Royaume , & finit par les moyens
de bien fe convertir. Apres fa Prédication
, où affifterent le Parlement
& la Chambre des Comptes en Corps,
il paffa dans le Choeur de l'Eglife reveftu
de fes Habits Pontificaux , &
precedé de fon Chapitre qui l'eftoit
de la Croix, & qui chantoit le Veni
Creator. Il alla la Croffe en main
au Lieu d'où Monfieur Vignes avoit
oiy fa Prédication , & là il reçeut
fon Abjuration que ce fage Converty
fit avec une prefence d'efprit , &
une conftance admirable ; apres laquelle
le Chapitre reprit fon chemin
vers le Grand Autel. Monfieur l'Evefque
y conduifit toûjours par la
main Monfieur Vignes , & y eftant
arrive , il luy donna le Sacrement
de Confirmation , en la ceremonie
duquel Monfieur de Saint André ,
C 4
56 MERCURE
Premier Prefident au Parlement , &
Madame la Comteffe de Clermont ,
furent le Parrain & la Marraine.
Cette Solemnité finie , on chanta le
Te Deum , & on donna la Benediction
du Saint Sacrement ; puis
Monfieur l' Evefque , les Chanoines,
les Preftres , & tous les Cleres , embrafferent
noftre nouveau Converty.
Son illuftre Parrain en fit autant.
On vit répandre des yeux de plufieurs
Perfonnes des larmes de joyez
Monfieur le Duc Makarin , &
Monfieur le Prince de Vvirtemberg,
qui s'y trouverent , en furent fort
édifiek
•
Il n'en eftoit pas arrivé de même
au Temple le lendemain de fa
retraite, qui efloit un Dimanche, car
Les Pfeaumes y furent chantez fi
lamentablement , qu'on connut bien
que ces pauvres Dévoyez avoient le
coeur trifte par l'eloignement de leur
GALANT.
57
le
Pasteur , qu'ils aimoient & eftimoient
fi parfaitement , qu'ils ne
l'appelloient point autrement que
bon Ifraëlite . Le Steur Railly leur
fecond Miniftre , tâcha de les appaifer
par le Difcours qu'il fit fort
éloquemment , fur ce qu'on devoit
fe confoler des pertes qu'on faifoit ;
& bien qu'il n'appliquaft ouvertement
fur la Converfion de Monfieur
Vignes , on vit bien que fa perte les
devoit toucher , & qu'il s'efforçoit
de les en confoler.
Dimanche dernier fon Texte fut
fort diferents car comme les Prétendus
Reformez veulent eftre perfuadez
que Monfieur Vignes a eu des
intérefts temporels pourfe convertir,
il déclama fort contre l'avarice. Il
n'est calomnie , il n'eft outrage , it'
n'eft invective dont les Prétendus
Reformez de cette Ville ne chargent
nostre celebre Converty. Leurs in
CS
58
MERCURE
ce que
juftes reffentimens leur font oublier
que pendant vingt ans ils n'ont
parlé de luy qu'avec éloge , & luy
ont toûjours donné les loüanges qu'il
méritoit . C'est une pauvre vangeancelle
des injures ; mais elle a
esté de tous les Siecles parmy les Heretiques
, & on a toujours veu que
manquant de bonnes raifons , ils fe
font retranche à vouloir perdre de
réputation ceux qui ont connu leurs
erreurs , & qui les ont quittez. Ils
ne vont jamais aux veritables motifs
des Converfions , ils les veulent
ignorer , pour cacher le regret qu'ils
ont de perdre leurs plus honneftes
Gens ; mais tout ce qu'ils difent contr'eux
, n'eft pas capable de diminuer
leur gloire ; & tant d'illuftres
Convertis quiviennent à nous ſiſouvent
, prennent un chemin qui leur
promet non feulement celle du Ciel ,
mais encore toute celle qu'ils peu
GALANT.
59
vent raisonnablement efperer en ce
monde.
le vous envoyeray bientoft une
Lettre que Monfieur Vignes écrit
aux Prétendus Reformez. Elle contiendra
les preuves des veritez de la
Religion Catholique , tirées de leurs
propres Principes. Il donnera auſſi
un Livre qui prouvera ces mefmes
veritez par l'Ecriture , interpretée
par les Peres des quatre premiers
Siecles , & par les Principes des
Protestans, Ainfi le Public appren
dra de la main mefme de ce nouveau
Converty , des motifs plus juftes
de fa Converfion, que ceux qui luy
font attribuez par fes Ennemis .
Te fuis pourtant perfuadé que tous
les Pretendus Reforme de cette Ville
ne le font pas car il y en a tant
qui ont de l'honneur , dufçavoir, &
de la vertu , que difficilement pourront
- ils luy refufer la justice qu'ils
C 6
60
MERCURE
lay doivent , apres l'avoir eftimé
comme il le merite . Ie fuis voftre ,
&c.
ALLARD , Ancien Préfident
en l'Election de Grenoble.
Sur l'Abjuration de Mr Vignes.
De Grenoble ce 20. Decembre 1684.
M ONSIEUR ,
9.
Ma Lettre du de ce mois vous
à dû apprendre
la retraite de Monfieur
Vignes, cy- devant Miniftre
de
la Religion
Prétendue
Reformée
de
cette Ville , pour fe bien preparer
à
fon Abjuration
qu'il devoit faire ,
Dimanche
dernier , & qui a esté
faite avec toutes les folemnitez
que
meritoit une fi belle Action.
Vous Scaure done qu'apres Vefpres,
& environ fur les trois heures,
ilferendit à l'Eglife Cathédrale de
GALANT.
SI
t
Notre- Dame , avec le Pere Lamy
Preftre de l'Oratoire , dont la grande
erudition vous doit eftre connuë
par les Ouvrages qu'illa donnez au
Public, & qui par des Converfations
Sçavantes & Spirituelles a beaucoup
contribué à faire revenir Monfieur
Vignes de fes erreurs. Eftans entrez
dans l'Eglife , ils prirent place au
milieu de la Nef, vis- à- vis de la
Chaire où Monfieur l'Evefque devoitprefcher.
Iamais cette Eglife n'a efté remplie
de tant de monde ; & bien
qu'elle foit grande & vafte , neantmoins
outre tous les endroits qui
pouvoient eftre occupez , les Tribunes
, les Chapelles , les Corniches
même, & les piliers , furent d'abord
fi remplis , qu'à midy il n'y eut ancuneplace
vuide , & quelques Portes
affez éloignées , pour ne pouvoir de
Ca
52
4
MERCURE
là oüir le Prédicateur , ne laifferent
pas d'avoir fi grande quantité de.
monde , qu'on ne pût plus y entrer à.
l'heure que je viens de dire ; tellement
que dans une grande Place qui
fert de Cimetiere , & dans les Ruës
voifines . les plus paresseux furent
obligez de s'arrefter , & y referent
jufques à la fin de la Cerémonie
quelque froid rigoureux qu'il fit
alors .
Monfieur l'Evefque monta en
Chaire environ à trois heures & fit
une Prédication qui ne furprit pas,
parce qu'il n'en fait jamais que
de belles & de bonnes , mais qui
charma tous fes Auditeurs par le
prix de la matiere , par l'elegance
du difcours , par la maniere de le
debiter , & par l'application au
fujet de la Converfion de Monfieur
Vignes.
Il commença par la Miffion de
GALANT. $ 3
Saint Tean- Baptifte , fit voir la déference
qu'il eut aux ordres du Ciel
qu'il exécutoit fon humilité à ne
point recevoir des bonneurs qui
n'eftoient deubs qu'à celuy dont il
eftoit le Précurseur , & à ne point
accepter le titre de Meffie qu'on
vouloit luy donner. De là il paffa
aux veritables Miffions des Evêques
des Pasteurs , prouva que dans
l'Eglife Catholique il n'y en avoit
point qui ne fuft dérivée des Apôtres
, rapporta pour exemple la fienne
, & celles des Evefques fes Predeceffeurs
jufques à Domnin , lequel
affifta au Concile d'Aquilée l'an 381 .
qui tenoit la fienne , & fon Ordination
, de l'Evefque de Vienne, & celuy
cy des Apoftres , par
le moyen
de S.Crefcent, premier Prélat de cette
Ville , qui avoit efté Difciples des
Apoftres, & qui mefme felon le raport
d'Adon en fa Chronique ,y avoit
C 3
54 MERCURE
efté laiffe par S. Paul paſſant par
cette Province pour aller en Efpagne.
Qu'il n'en eftoit pas de mesme
de celle des Miniftres , qui ne l'avoient
reçûë que de ceux qui leur
avoient prefché à la naissance de
leur Religion , qui bien loin d'eftre
envoyez par de veritables Paſteurs ,
ne l'estoient que par des Moines dé
froquez , par des Prévaricateurs, &
par des Débauchez ,fans ordre &
Jans approbation.Il s'étendit enfuite
fur quelques autres points de Controverfe
qu'il démela parfaitement
bien ,fit l'éloge de noftre illuftre Converty
, exhorta ceux de la Religion
Prétendue Reformée à suivre Som
exemple, & les Catholiques à perfeverer
, donna cette louange à fon
Diocefe qu'il estoit moins corrompu
que lors qu'il y arriva , & qu'ily
reconnoiffoit des changemens avantageux
à la gloire de Dieu , fit cora
GALANT. 55
noiftre le zele de noftre augufte Momarque
pour éteindre l'Hérefie dans
fon Royaume , & finit par les moyens
de bien fe convertir. Apres fa Prédication
, où affifterent le Parlement
& la Chambre des Comptes en Corps,
il paffa dans le Choeur de l'Eglife reveftu
de fes Habits Pontificaux , &
precedé de fon Chapitre qui l'eftoit
de la Croix, & qui chantoit le Veni
Creator. Il alla la Croffe en main
au Lieu d'où Monfieur Vignes avoit
oiy fa Prédication , & là il reçeut
fon Abjuration que ce fage Converty
fit avec une prefence d'efprit , &
une conftance admirable ; apres laquelle
le Chapitre reprit fon chemin
vers le Grand Autel. Monfieur l'Evefque
y conduifit toûjours par la
main Monfieur Vignes , & y eftant
arrive , il luy donna le Sacrement
de Confirmation , en la ceremonie
duquel Monfieur de Saint André ,
C 4
56 MERCURE
Premier Prefident au Parlement , &
Madame la Comteffe de Clermont ,
furent le Parrain & la Marraine.
Cette Solemnité finie , on chanta le
Te Deum , & on donna la Benediction
du Saint Sacrement ; puis
Monfieur l' Evefque , les Chanoines,
les Preftres , & tous les Cleres , embrafferent
noftre nouveau Converty.
Son illuftre Parrain en fit autant.
On vit répandre des yeux de plufieurs
Perfonnes des larmes de joyez
Monfieur le Duc Makarin , &
Monfieur le Prince de Vvirtemberg,
qui s'y trouverent , en furent fort
édifiek
•
Il n'en eftoit pas arrivé de même
au Temple le lendemain de fa
retraite, qui efloit un Dimanche, car
Les Pfeaumes y furent chantez fi
lamentablement , qu'on connut bien
que ces pauvres Dévoyez avoient le
coeur trifte par l'eloignement de leur
GALANT.
57
le
Pasteur , qu'ils aimoient & eftimoient
fi parfaitement , qu'ils ne
l'appelloient point autrement que
bon Ifraëlite . Le Steur Railly leur
fecond Miniftre , tâcha de les appaifer
par le Difcours qu'il fit fort
éloquemment , fur ce qu'on devoit
fe confoler des pertes qu'on faifoit ;
& bien qu'il n'appliquaft ouvertement
fur la Converfion de Monfieur
Vignes , on vit bien que fa perte les
devoit toucher , & qu'il s'efforçoit
de les en confoler.
Dimanche dernier fon Texte fut
fort diferents car comme les Prétendus
Reformez veulent eftre perfuadez
que Monfieur Vignes a eu des
intérefts temporels pourfe convertir,
il déclama fort contre l'avarice. Il
n'est calomnie , il n'eft outrage , it'
n'eft invective dont les Prétendus
Reformez de cette Ville ne chargent
nostre celebre Converty. Leurs in
CS
58
MERCURE
ce que
juftes reffentimens leur font oublier
que pendant vingt ans ils n'ont
parlé de luy qu'avec éloge , & luy
ont toûjours donné les loüanges qu'il
méritoit . C'est une pauvre vangeancelle
des injures ; mais elle a
esté de tous les Siecles parmy les Heretiques
, & on a toujours veu que
manquant de bonnes raifons , ils fe
font retranche à vouloir perdre de
réputation ceux qui ont connu leurs
erreurs , & qui les ont quittez. Ils
ne vont jamais aux veritables motifs
des Converfions , ils les veulent
ignorer , pour cacher le regret qu'ils
ont de perdre leurs plus honneftes
Gens ; mais tout ce qu'ils difent contr'eux
, n'eft pas capable de diminuer
leur gloire ; & tant d'illuftres
Convertis quiviennent à nous ſiſouvent
, prennent un chemin qui leur
promet non feulement celle du Ciel ,
mais encore toute celle qu'ils peu
GALANT.
59
vent raisonnablement efperer en ce
monde.
le vous envoyeray bientoft une
Lettre que Monfieur Vignes écrit
aux Prétendus Reformez. Elle contiendra
les preuves des veritez de la
Religion Catholique , tirées de leurs
propres Principes. Il donnera auſſi
un Livre qui prouvera ces mefmes
veritez par l'Ecriture , interpretée
par les Peres des quatre premiers
Siecles , & par les Principes des
Protestans, Ainfi le Public appren
dra de la main mefme de ce nouveau
Converty , des motifs plus juftes
de fa Converfion, que ceux qui luy
font attribuez par fes Ennemis .
Te fuis pourtant perfuadé que tous
les Pretendus Reforme de cette Ville
ne le font pas car il y en a tant
qui ont de l'honneur , dufçavoir, &
de la vertu , que difficilement pourront
- ils luy refufer la justice qu'ils
C 6
60
MERCURE
lay doivent , apres l'avoir eftimé
comme il le merite . Ie fuis voftre ,
&c.
ALLARD , Ancien Préfident
en l'Election de Grenoble.
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE. Sur l'Abjuration de Mr Vignes. De Grenoble ce 20. Decembre 1684.
Le 20 décembre 1684, une lettre de Grenoble rapporte l'abjuration de Monsieur Vignes, ancien ministre de la Religion Prétendue Réformée, qui a eu lieu le dimanche précédent. Vignes s'était préparé à cette abjuration en se retirant. La cérémonie s'est déroulée dans la cathédrale Notre-Dame de Grenoble, en présence d'une grande foule. Monsieur l'Évêque a prononcé un sermon sur la mission de Saint Jean-Baptiste, soulignant son humilité et sa déférence. Il a ensuite comparé les missions des évêques catholiques à celles des ministres protestants, critiquant ces derniers pour leur manque de légitimité apostolique. Après le sermon, Vignes a fait son abjuration avec une grande présence d'esprit et de confiance. Il a ensuite reçu le sacrement de confirmation, avec Monsieur de Saint-André et Madame la Comtesse de Clermont comme parrain et marraine. La cérémonie s'est conclue par le chant du Te Deum et des embrassades. Le lendemain, au temple, les psaumes ont été chantés lamentablement, reflétant la tristesse des réformés face à la perte de leur pasteur. Le ministre Railly a tenté de les réconforter, mais sans succès. Les réformés de Grenoble ont accusé Vignes de s'être converti par intérêt temporel, oubliant les éloges qu'ils lui avaient autrefois adressés. La lettre mentionne également l'envoi prochain d'une lettre et d'un livre écrits par Vignes, contenant des preuves des vérités de la religion catholique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 92-112
DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
Début :
Messieurs de l'Académie Royale d'Arles ont fait depuis / Messieurs, Comme c'est le prix & le merite [...]
Mots clefs :
Mérite, Académie royale d'Arles, Sciences, Ouvrages, Honneur, Savants, Vertu, Moeurs, Religion, Hérésie, Ignorance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
Meffieurs de l'Académie
Royale d'Arles ont fait depuis
peu une une acquifition tresconfidérable
, en recevant
M ' Magnin dans leur Corps .
Son mérite vous eft connu
par tant d'Ouvrages que je .
vous ay envoyez de luy, qu'il
me feroit inutile de vous en
parler. Voicy le Remerci
ment qu'il leur a fait.
GALANT. 93
SSSS SSS2 Ssess 522
DISCOURS
DE M MAGNINI
A MESSIEURS
Ꭰ Ꭼ .
L'ACADEMIE ROYALE
M
D'ARLE S...
ESSIEURS,
Comme c'est le prix & le merite
des graces , qui regle la mefure&
le degré de la reconnoiffance
, celle
que je dois avoir de
l'honneur que vous m'avez fait,
م ت
94 MERCURE
en m'accordant une place parmy.
Vous , ne sçauroit avoir , ny plus
defenfibilité, ny plus d'étendue;
mais fi c'est auffi par ce mefme
prix qu'on doit juger de la diffi
culté qu'il y a d'en faire un jufte
Remerciment , vous vous perfuaderezfans
peine , que je n'ayrien
entrepris de ma vie de fi difficile à
bien executer, que celuy que j'ofe
& que je dois vous faire aujourd'huy
. Le Titre glorieux d'Academicien
Royal , étonne mes idées
au lieu d'élever mon efprit , &
me met dans un jour dont la furprife
m'éblouit , au lieu de m'éclairer.
GALANT.
9 ནྡ
di-
Vous le fçavez par vous - mefmes
, Meffieurs , vous le fçavez;
ilfuppofe un meriteſolide &
fingué , un génie heureux , une
fçavante fine politeſſe ,
mille autres talens que je reconnois
, que je revere , & que tout
le monde admire en chacun de
vous .
Comment pourrois- je donc ,
quand je ne fens & ne puis fairs
remarquer aucun de ces avanta
ges en moy , me perfuader que
jauray celuy de foutenir dignement
un Titre dont on doit avoir
une idée fi noble & fi élevée ?
Que je ferois heureux , Mef
96 MERCURE
fieurs , que je ferois heureux , fi
dans une occafion fi effencielle à
mon devoir, à ma reputation,
je pouvois de bonne foy & fans
Supercherie , me dispenfer de vous
faire un aveu fi propre
propre à vous
donner un jufte repentir du choix
que vous venez de faire ! Que
je ferois heureux encore unefois
fije pouvois me flater un moment
que cette déclaration ſi honteuse
& fi fincere toutefois , paſſera
pour une de ces figures ingenieufes
qui fervent à faire valoir le
merite à force de le defavoüer ,
& quirehauffent la réputation de
l'esprit par celle de la modeftie!
Mais
GALANT.
97
Mais quand je confidere à
quoy je suis engagé par le Titre
d'Académicien Royal dans cette
premiere action ; quand je meſu
re mes pensées & mes expreſſions
à la hauteur des merveilles que
j'entrevois , & qui devroient entrer
dans monfujet, fi j'avois l'adreffe
de les ranger , je ſens bien
que je n'auray dit que trop vray,
que le prétexte de l'Art , &
de la Figure ne fera rien à mon
avantage.
Diſpenſez-moy donc , Meffieurs
, difpenfez-moy de la néceffité
que le Titre que vous m'avezfait
l'honneurde me donner,
Fevrier
1685. I
98 MERCURE
femble m'impofer , de repafferfur
tant de beaux traits , qui rehauf
fent le merite & la gloire de
l'Academie Royale , dans mille
circonftances toutes plus avanta
geuſes l'une que l'autre , & qui
la ménent à l'immortalité , par la
mefme route & par le mefme
l'Academie Françoiſe
voeu que
qui la reconnoît
pour fa Fille
atnée
, eft depuis
fi long- temps
en
droit d'y afpirer
. Qu'ajouterois
-je
à tout ce que ceux qui m'ont
de
vancé
, vous
ont dit de riche
, de
fçavant
& de poly ,fur la dignité
du Titre
Royal
que vous
portez
?
Nefçait- on pas que fi les Noms
GALANT. 99
que le Créateur voulut impofer à
fes Ouvrages , exprimoient les
qualitez la nature des chofes
nommées , Louis LE GRAND
dont la conduite eft une Image fi
wifible de la Sageffe du Tout-
Puiffant , n'a donné le furnom de
Royale à l'Academie d'Arles,
que pour exprimer par ce beau
Titre l'excellence des foins , aufquels
il l'a deftinée , &parce
la Gloire & les Merveilles
de for Regne le plus floriffant
le plus augufte qui fut jamais
, devoient eftre l'objet de fes
veilles , de fes études , & de fes
ouvrages?
que
$21
I ij
Too MERCURE
Certes , ce grand Roy qui con
noift fi diftinctement , & ce qui a
manqué aux Regnesprécedens,
ce qui peut fervir à la gloire du
fien , apres avoir par des Con
questes qui ont étonné l'Univers
par la force invincible de leur rapidité,
étendu & affure fes Fron
tieres , a bien jugé que le repose
le bon-heur de fes Etats & de
fes Sujets , dépendoit de l'établiſfement
des Sciences , & de la
Culture des beaux Arts , & remontant
par l'esprit de cette Sa
geffe , qui voit & penetre tout
dans unfi bel ordre , juſques à la
fource de l'Herefie , dont l'extir
GALANT. IOI
n'a
pation fait le plus cher, le plus
conftant, & le plus affidu de tous
fesfoins , il s'eft bien aperceu que
cette Cangréne fi maligne dans
fon origine , & fifunefte dansfon
progrez, ne s'eft introduite
pris racine dans fes Etats , qu'à la
faveur de l'ignorance , & pour
combatre un malfidangereux &*
fi opiniâtre par un reméde conve
nable , il ménage , il foûtient , it
protége les Sciences par des établiffemens
commodes ,
beralitez genereuſes & néceſſaires
, & les a mifes , enfin en état
de triompher par tout des piéges
des fuites de l'erreur & du
des li-
I iij
102 MERCURE
"
menfonge & de faire comprendre
à tout ce qui n'a pas abandonné
le party de la raison & du
bon fens , que celuy de l'Herefie
n'a plus que l'obstination pour
toute défenſe.
Apres que les Sciences auront
fecondé les pieufes intentions de
Louis LE GRAND , en
foutenant les Droits Sacrez de la
Religion & de l'Eglife ,qui n'aja
mais eu , n'aura jamais de plus.
ferme appuy que fon Fils aîné,
ellesferviront encore avantageufement
au deffein qu'il a d'infpirer
à tous fes Sujets , l'amour &
la pratique des vertus morales,
GALANT. 103
& des moeurs honneftes . Elles
forment le coeur en éclairant l'efprit.
La lumiere du Soleil dans
l'ordre naturel précede la cha
leur, & les connoiffances doivent
difpofer l'ame à l'amour , & à la
poursuite du bien; c'eft pourquoy
Dieu qui en est la fource immenfe
, ne sçauroit eftre fouveraine
ment aimé , comme parle faint
Denis , qu'il ne foit parfaitement
aimé.
Que vous concevez bien ,
Meffeurs , le merite , la grandeur
& l'excellence de vos foins,
& de vos applications , & dans
leur principe , dans leur objet !
د ن ن ز
I
104 MERCURE
"
Vous n'étes pas à la Cour & fous
la vue augufte & Royale de
LOUIS LE GRAND , mais Louis
vous ne laiffez pas de reffentir les
effets glorieux de fes foins & de
fafageffe. Le Soleil produit les
plus riches Metaux, au delà de la
portée de fes rayons , fes vertus
s'infinüent où fa lumiere ne penetre
pas ; ce Monarque Augufte
, le Soleil non feulement de
fes Etats , mais de plufieurs Mondes
s'il y en avoit , fait fentir les
influences de fa fageffe par tout.
Elle eft immenfe dans fes foins ,
dansfes operations , comme fa
puiffance eft invincible dans fes
entrepriſes.
GALANT. 105
ques
Il fçait que les Sciences font
dans Arles comme dans leur centre,
qu'elles yfont naturalifées depuis
plufieurs Siécles . Les Obelifles
Arénes , les Amphitéatres
, & tant d'autres Antiquitez
dont elle mõtre encore aujourd'huy
les magnifiques monumens , font
affez connoistre de quelle confideration
elle a efté dans tous les
tems . Qui voudroit remonterjufques
aux plus anciens & moins
connus , découvriroit fans doute
que la politeffe y régnoit , avant
mefme que les Romains y euffent
élevé tant de marques , de la
magnificence de leur Empire ,
106 MERCURE
de l'eftime qu'ils faifoient de fon
Sejour; qu'aparemment la Co
lonie des Grecs qui vint aborder à
Marſeille , & qui vint àpropos
pour polir les moeurs des premiers
Gaulois , eut fes premiers établiffemens
dans la Ville d' Arles ; &
LOUIS LE GRAND qui recherche
jufques à la fource les femences
des beaux Arts, n'y afans
doute étably l' Academie Royale ,
que parce qu'il a jugé que
dans un
air , où les Sciences font en commerce
depuis fi long- temps , elles
ne manqueroient pas de faire un
progrés éclatant , & digne de la
glaire de fon Regne.
GALANT. 107
Jouiffez, Meffieurs , jouiſſez
des beaux jours qu'enfantent aux
deffeins de vos veilles , des aufpices
fi heureux , fi conftans & fi
magnifiques. Vous vivez , graces
auxfoins & à la faveur du
plusparfait des Roys ; vous vivez
d'une vie glorieufe & fpirituelle,
dont unfeuljour vaut mieux que
les plus longues années de l'ignorance.
Vous aprenez au Monde
tout ce qu'il y a de plus curieux à
fçavoir , des moeurs , de la Police
de la Religion des Anciens.
Vous tirez des ruines qui vous
environnent , mille monumens
d'antiquité, propres àfaire admi108
MERCURE
que
rer la penetration fçavante de
vos recherches. Que n'avez- vous
pas dit de curieux , fur la verité
de cette belle & fameufe Statue
Diane & Venus ont difpu.
tée fi long- temps , & d'une mamiere
fi fine & fi fpirituelle , &
qui enfin fous le nom de Venus,
doit eftre placée avec tant d'autres
, qui font venuës de tous les
endroits du Monde , pour rendre
hommage à Louis Le Grand,
dans la Galerie de Verfailles ?
Vivez , Meffieurs , vivez heureux
dans le noble foin qui vous
occupe. Vousfervez aux deffeins
d'un Monarque qui vient renouGALANT.
10g
veler la face du Monde , &
finir tous ces grands deffeins, que
ceux qui l'ont précedé n'ont fait
qu'ébaucher. Afpirez à la gloire
immortelle qu'il vous propoſe ; rien
ne vous manque pour y arriver.
Vous avez de fa main , & par
fon choix , un Protecteur, illuftre
par fa naiffance , diftingué parfa
faveur , recommandable parfon
merite , qui fçait allier avec tant
d'art & tant d'agrément, la plus
douce , la plus fine , & la plus
fçavante delicateffe des Mufes,
avec la fiere intrepidité de Mars,
en qui l'on voit la belle ame , le
bel efprit , & la grandeur de
110 MERCURE
courage , dans un fi noble & fe
doux accord, que les Sçavans &
les Guerriers peuvent également
y trouver un modéle pour fefor
mer l'esprit & le coeur.
Que je trouverois , tout foible
que je fuis , Meffieurs , que je
trouverois de chofes à repreſenter,
s'il m'étoit permis de m'abandonner
à tout ce qui vient s'offrir à
mes idées , & fi je pouvois ou
blier , que ne pouvant vous donner
des marques d'érudition &
d'efprit , je dois au moins vous
en donner de ma retenuë ! Ge
fera , Meffieurs , en étudiant
me formerfur voftre merite , &
GALANT. III
Jur tant de nobles & avantageufes
qualitez , qui vous diftin.
guent parmy les Sçavans , que je
puis efperer d'aprendre àfurmonter
une partie des defaurs qui me
rendent indigne de l'honneur que
vous m'avezfait , & cette rudeffe
que je fens mieux dans mes
expreffions , que je ne lafçay corriger.
le méditerayfur la beauté
de vos Ouvrages , pour m'inftruire
àpolir les miens ; & comme
ceux qui marchent au Soleil
font colorezfans qu'ils y penfent,
je fortifieray mes connoiffances à
force de ftre éclairépar vos lumie-
Dans la paffion que j'ay
res.
112. MERCURE
toûjours euë, & que j'auray tant
que je vivray , de faire diftinguer
ma voix parmy tant d'autres , qui
chantent & fans ceffe, & fi bien
la gloire , les vertus , les tra
vaux de Louis LE GRAND ,
j'eſſayeray de regler mes tons fur
vos doux accens , d'adoucir mes
Chalumeaux , en étudiant les ac
cordsfçavans de vos Luts ; &ne
pouvant meriter l'honneur de
voftre aprobation par aucune production
d'efprit, jeferayfoigneux
de meriter celuy de vos bonnes graces
, & de vostre eftime , par le
respect & la fincere foumifsion
que j'auray toûjourspour vous.
Royale d'Arles ont fait depuis
peu une une acquifition tresconfidérable
, en recevant
M ' Magnin dans leur Corps .
Son mérite vous eft connu
par tant d'Ouvrages que je .
vous ay envoyez de luy, qu'il
me feroit inutile de vous en
parler. Voicy le Remerci
ment qu'il leur a fait.
GALANT. 93
SSSS SSS2 Ssess 522
DISCOURS
DE M MAGNINI
A MESSIEURS
Ꭰ Ꭼ .
L'ACADEMIE ROYALE
M
D'ARLE S...
ESSIEURS,
Comme c'est le prix & le merite
des graces , qui regle la mefure&
le degré de la reconnoiffance
, celle
que je dois avoir de
l'honneur que vous m'avez fait,
م ت
94 MERCURE
en m'accordant une place parmy.
Vous , ne sçauroit avoir , ny plus
defenfibilité, ny plus d'étendue;
mais fi c'est auffi par ce mefme
prix qu'on doit juger de la diffi
culté qu'il y a d'en faire un jufte
Remerciment , vous vous perfuaderezfans
peine , que je n'ayrien
entrepris de ma vie de fi difficile à
bien executer, que celuy que j'ofe
& que je dois vous faire aujourd'huy
. Le Titre glorieux d'Academicien
Royal , étonne mes idées
au lieu d'élever mon efprit , &
me met dans un jour dont la furprife
m'éblouit , au lieu de m'éclairer.
GALANT.
9 ནྡ
di-
Vous le fçavez par vous - mefmes
, Meffieurs , vous le fçavez;
ilfuppofe un meriteſolide &
fingué , un génie heureux , une
fçavante fine politeſſe ,
mille autres talens que je reconnois
, que je revere , & que tout
le monde admire en chacun de
vous .
Comment pourrois- je donc ,
quand je ne fens & ne puis fairs
remarquer aucun de ces avanta
ges en moy , me perfuader que
jauray celuy de foutenir dignement
un Titre dont on doit avoir
une idée fi noble & fi élevée ?
Que je ferois heureux , Mef
96 MERCURE
fieurs , que je ferois heureux , fi
dans une occafion fi effencielle à
mon devoir, à ma reputation,
je pouvois de bonne foy & fans
Supercherie , me dispenfer de vous
faire un aveu fi propre
propre à vous
donner un jufte repentir du choix
que vous venez de faire ! Que
je ferois heureux encore unefois
fije pouvois me flater un moment
que cette déclaration ſi honteuse
& fi fincere toutefois , paſſera
pour une de ces figures ingenieufes
qui fervent à faire valoir le
merite à force de le defavoüer ,
& quirehauffent la réputation de
l'esprit par celle de la modeftie!
Mais
GALANT.
97
Mais quand je confidere à
quoy je suis engagé par le Titre
d'Académicien Royal dans cette
premiere action ; quand je meſu
re mes pensées & mes expreſſions
à la hauteur des merveilles que
j'entrevois , & qui devroient entrer
dans monfujet, fi j'avois l'adreffe
de les ranger , je ſens bien
que je n'auray dit que trop vray,
que le prétexte de l'Art , &
de la Figure ne fera rien à mon
avantage.
Diſpenſez-moy donc , Meffieurs
, difpenfez-moy de la néceffité
que le Titre que vous m'avezfait
l'honneurde me donner,
Fevrier
1685. I
98 MERCURE
femble m'impofer , de repafferfur
tant de beaux traits , qui rehauf
fent le merite & la gloire de
l'Academie Royale , dans mille
circonftances toutes plus avanta
geuſes l'une que l'autre , & qui
la ménent à l'immortalité , par la
mefme route & par le mefme
l'Academie Françoiſe
voeu que
qui la reconnoît
pour fa Fille
atnée
, eft depuis
fi long- temps
en
droit d'y afpirer
. Qu'ajouterois
-je
à tout ce que ceux qui m'ont
de
vancé
, vous
ont dit de riche
, de
fçavant
& de poly ,fur la dignité
du Titre
Royal
que vous
portez
?
Nefçait- on pas que fi les Noms
GALANT. 99
que le Créateur voulut impofer à
fes Ouvrages , exprimoient les
qualitez la nature des chofes
nommées , Louis LE GRAND
dont la conduite eft une Image fi
wifible de la Sageffe du Tout-
Puiffant , n'a donné le furnom de
Royale à l'Academie d'Arles,
que pour exprimer par ce beau
Titre l'excellence des foins , aufquels
il l'a deftinée , &parce
la Gloire & les Merveilles
de for Regne le plus floriffant
le plus augufte qui fut jamais
, devoient eftre l'objet de fes
veilles , de fes études , & de fes
ouvrages?
que
$21
I ij
Too MERCURE
Certes , ce grand Roy qui con
noift fi diftinctement , & ce qui a
manqué aux Regnesprécedens,
ce qui peut fervir à la gloire du
fien , apres avoir par des Con
questes qui ont étonné l'Univers
par la force invincible de leur rapidité,
étendu & affure fes Fron
tieres , a bien jugé que le repose
le bon-heur de fes Etats & de
fes Sujets , dépendoit de l'établiſfement
des Sciences , & de la
Culture des beaux Arts , & remontant
par l'esprit de cette Sa
geffe , qui voit & penetre tout
dans unfi bel ordre , juſques à la
fource de l'Herefie , dont l'extir
GALANT. IOI
n'a
pation fait le plus cher, le plus
conftant, & le plus affidu de tous
fesfoins , il s'eft bien aperceu que
cette Cangréne fi maligne dans
fon origine , & fifunefte dansfon
progrez, ne s'eft introduite
pris racine dans fes Etats , qu'à la
faveur de l'ignorance , & pour
combatre un malfidangereux &*
fi opiniâtre par un reméde conve
nable , il ménage , il foûtient , it
protége les Sciences par des établiffemens
commodes ,
beralitez genereuſes & néceſſaires
, & les a mifes , enfin en état
de triompher par tout des piéges
des fuites de l'erreur & du
des li-
I iij
102 MERCURE
"
menfonge & de faire comprendre
à tout ce qui n'a pas abandonné
le party de la raison & du
bon fens , que celuy de l'Herefie
n'a plus que l'obstination pour
toute défenſe.
Apres que les Sciences auront
fecondé les pieufes intentions de
Louis LE GRAND , en
foutenant les Droits Sacrez de la
Religion & de l'Eglife ,qui n'aja
mais eu , n'aura jamais de plus.
ferme appuy que fon Fils aîné,
ellesferviront encore avantageufement
au deffein qu'il a d'infpirer
à tous fes Sujets , l'amour &
la pratique des vertus morales,
GALANT. 103
& des moeurs honneftes . Elles
forment le coeur en éclairant l'efprit.
La lumiere du Soleil dans
l'ordre naturel précede la cha
leur, & les connoiffances doivent
difpofer l'ame à l'amour , & à la
poursuite du bien; c'eft pourquoy
Dieu qui en est la fource immenfe
, ne sçauroit eftre fouveraine
ment aimé , comme parle faint
Denis , qu'il ne foit parfaitement
aimé.
Que vous concevez bien ,
Meffeurs , le merite , la grandeur
& l'excellence de vos foins,
& de vos applications , & dans
leur principe , dans leur objet !
د ن ن ز
I
104 MERCURE
"
Vous n'étes pas à la Cour & fous
la vue augufte & Royale de
LOUIS LE GRAND , mais Louis
vous ne laiffez pas de reffentir les
effets glorieux de fes foins & de
fafageffe. Le Soleil produit les
plus riches Metaux, au delà de la
portée de fes rayons , fes vertus
s'infinüent où fa lumiere ne penetre
pas ; ce Monarque Augufte
, le Soleil non feulement de
fes Etats , mais de plufieurs Mondes
s'il y en avoit , fait fentir les
influences de fa fageffe par tout.
Elle eft immenfe dans fes foins ,
dansfes operations , comme fa
puiffance eft invincible dans fes
entrepriſes.
GALANT. 105
ques
Il fçait que les Sciences font
dans Arles comme dans leur centre,
qu'elles yfont naturalifées depuis
plufieurs Siécles . Les Obelifles
Arénes , les Amphitéatres
, & tant d'autres Antiquitez
dont elle mõtre encore aujourd'huy
les magnifiques monumens , font
affez connoistre de quelle confideration
elle a efté dans tous les
tems . Qui voudroit remonterjufques
aux plus anciens & moins
connus , découvriroit fans doute
que la politeffe y régnoit , avant
mefme que les Romains y euffent
élevé tant de marques , de la
magnificence de leur Empire ,
106 MERCURE
de l'eftime qu'ils faifoient de fon
Sejour; qu'aparemment la Co
lonie des Grecs qui vint aborder à
Marſeille , & qui vint àpropos
pour polir les moeurs des premiers
Gaulois , eut fes premiers établiffemens
dans la Ville d' Arles ; &
LOUIS LE GRAND qui recherche
jufques à la fource les femences
des beaux Arts, n'y afans
doute étably l' Academie Royale ,
que parce qu'il a jugé que
dans un
air , où les Sciences font en commerce
depuis fi long- temps , elles
ne manqueroient pas de faire un
progrés éclatant , & digne de la
glaire de fon Regne.
GALANT. 107
Jouiffez, Meffieurs , jouiſſez
des beaux jours qu'enfantent aux
deffeins de vos veilles , des aufpices
fi heureux , fi conftans & fi
magnifiques. Vous vivez , graces
auxfoins & à la faveur du
plusparfait des Roys ; vous vivez
d'une vie glorieufe & fpirituelle,
dont unfeuljour vaut mieux que
les plus longues années de l'ignorance.
Vous aprenez au Monde
tout ce qu'il y a de plus curieux à
fçavoir , des moeurs , de la Police
de la Religion des Anciens.
Vous tirez des ruines qui vous
environnent , mille monumens
d'antiquité, propres àfaire admi108
MERCURE
que
rer la penetration fçavante de
vos recherches. Que n'avez- vous
pas dit de curieux , fur la verité
de cette belle & fameufe Statue
Diane & Venus ont difpu.
tée fi long- temps , & d'une mamiere
fi fine & fi fpirituelle , &
qui enfin fous le nom de Venus,
doit eftre placée avec tant d'autres
, qui font venuës de tous les
endroits du Monde , pour rendre
hommage à Louis Le Grand,
dans la Galerie de Verfailles ?
Vivez , Meffieurs , vivez heureux
dans le noble foin qui vous
occupe. Vousfervez aux deffeins
d'un Monarque qui vient renouGALANT.
10g
veler la face du Monde , &
finir tous ces grands deffeins, que
ceux qui l'ont précedé n'ont fait
qu'ébaucher. Afpirez à la gloire
immortelle qu'il vous propoſe ; rien
ne vous manque pour y arriver.
Vous avez de fa main , & par
fon choix , un Protecteur, illuftre
par fa naiffance , diftingué parfa
faveur , recommandable parfon
merite , qui fçait allier avec tant
d'art & tant d'agrément, la plus
douce , la plus fine , & la plus
fçavante delicateffe des Mufes,
avec la fiere intrepidité de Mars,
en qui l'on voit la belle ame , le
bel efprit , & la grandeur de
110 MERCURE
courage , dans un fi noble & fe
doux accord, que les Sçavans &
les Guerriers peuvent également
y trouver un modéle pour fefor
mer l'esprit & le coeur.
Que je trouverois , tout foible
que je fuis , Meffieurs , que je
trouverois de chofes à repreſenter,
s'il m'étoit permis de m'abandonner
à tout ce qui vient s'offrir à
mes idées , & fi je pouvois ou
blier , que ne pouvant vous donner
des marques d'érudition &
d'efprit , je dois au moins vous
en donner de ma retenuë ! Ge
fera , Meffieurs , en étudiant
me formerfur voftre merite , &
GALANT. III
Jur tant de nobles & avantageufes
qualitez , qui vous diftin.
guent parmy les Sçavans , que je
puis efperer d'aprendre àfurmonter
une partie des defaurs qui me
rendent indigne de l'honneur que
vous m'avezfait , & cette rudeffe
que je fens mieux dans mes
expreffions , que je ne lafçay corriger.
le méditerayfur la beauté
de vos Ouvrages , pour m'inftruire
àpolir les miens ; & comme
ceux qui marchent au Soleil
font colorezfans qu'ils y penfent,
je fortifieray mes connoiffances à
force de ftre éclairépar vos lumie-
Dans la paffion que j'ay
res.
112. MERCURE
toûjours euë, & que j'auray tant
que je vivray , de faire diftinguer
ma voix parmy tant d'autres , qui
chantent & fans ceffe, & fi bien
la gloire , les vertus , les tra
vaux de Louis LE GRAND ,
j'eſſayeray de regler mes tons fur
vos doux accens , d'adoucir mes
Chalumeaux , en étudiant les ac
cordsfçavans de vos Luts ; &ne
pouvant meriter l'honneur de
voftre aprobation par aucune production
d'efprit, jeferayfoigneux
de meriter celuy de vos bonnes graces
, & de vostre eftime , par le
respect & la fincere foumifsion
que j'auray toûjourspour vous.
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Résumé : DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
M. Magnin adresse un discours de remerciement à l'Académie Royale d'Arles pour son admission. Il exprime son honneur et son humilité face à cette distinction, reconnaissant la difficulté de rendre justice à un tel honneur. Magnin souligne que le titre d'Académicien Royal implique des qualités telles que le mérite solide, le génie et la politesse savante, qu'il admire chez les membres de l'Académie. Il mentionne également la grandeur de Louis le Grand, qui a fondé l'Académie pour promouvoir les sciences et les arts, et pour combattre l'hérésie par l'éducation et la culture. Magnin loue Arles pour son riche passé et ses contributions aux arts et aux sciences. Il conclut en exprimant son désir de s'améliorer et de mériter l'honneur qui lui a été accordé, en étudiant et en admirant les œuvres des membres de l'Académie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 308-311
Entrée de Madame l'Abbesse de la Virginité à Port-Royal, [titre d'après la table]
Début :
Enfin Dieu s'est laissé fléchir aux larmes des Religieuses [...]
Mots clefs :
Dieu, Religieuses, Port Royal, Prières, Abbesse, Archevêque, Abbayes, Gouvernement, Satisfaction, Sagesse, Douceur, Gloire, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Entrée de Madame l'Abbesse de la Virginité à Port-Royal, [titre d'après la table]
Enfin Dieu s'eft laiffé flé
chir aux larmes des Religieufes
de Port Royal , & a
exaucé leurs prieres . Elles
ont tant fait d'inftances &
GALANT. 309
de tres humbles fupplications
au Roy , afin d'avoir pour
leur Abbeffe Madame de la
Virginité , que Sa Majesté a
ordonné à M '
l'Archevefque
de la faire venir à Paris. Le
Roy a bien voulu luy don .
ner une année pour faire fon
option fur l'une des deux
Abbaies , défirant que: durant
cet intervalle elle prift
le gouvernement de Port-
Royal , fur une Commiffion
de M. l'Archevefque , & avec
le confentement de fes Supérieurs
. Elle a obeï aux commandemens
de Sa Majefté ;
310 MERCURE
•
& les Dames de Port Royal,
qui à l'ombre de fon nom
avoient commencé à joüir
d'une profonde paix , ont
maintenant la fatisfaction de
la voir affermie par fa préfence
. Cette illuftre Abbeffe
les conduit avec une fageffe
& une douceur qui les char-
Elles font tous me toutes.
leurs efforts pour la déterminer
en faveur de leur Maifon.
Cependant elle fe laiffe
aller à la volonté de fes Supérieurs
, perfuadée que c'eft
dans cette foûmiffion que
confifte le véritable efprit de
GALANT. ZIT
Religion , dont elle a fait
jufques icy tout fon bonheur
& toute fa gloire .
chir aux larmes des Religieufes
de Port Royal , & a
exaucé leurs prieres . Elles
ont tant fait d'inftances &
GALANT. 309
de tres humbles fupplications
au Roy , afin d'avoir pour
leur Abbeffe Madame de la
Virginité , que Sa Majesté a
ordonné à M '
l'Archevefque
de la faire venir à Paris. Le
Roy a bien voulu luy don .
ner une année pour faire fon
option fur l'une des deux
Abbaies , défirant que: durant
cet intervalle elle prift
le gouvernement de Port-
Royal , fur une Commiffion
de M. l'Archevefque , & avec
le confentement de fes Supérieurs
. Elle a obeï aux commandemens
de Sa Majefté ;
310 MERCURE
•
& les Dames de Port Royal,
qui à l'ombre de fon nom
avoient commencé à joüir
d'une profonde paix , ont
maintenant la fatisfaction de
la voir affermie par fa préfence
. Cette illuftre Abbeffe
les conduit avec une fageffe
& une douceur qui les char-
Elles font tous me toutes.
leurs efforts pour la déterminer
en faveur de leur Maifon.
Cependant elle fe laiffe
aller à la volonté de fes Supérieurs
, perfuadée que c'eft
dans cette foûmiffion que
confifte le véritable efprit de
GALANT. ZIT
Religion , dont elle a fait
jufques icy tout fon bonheur
& toute fa gloire .
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Résumé : Entrée de Madame l'Abbesse de la Virginité à Port-Royal, [titre d'après la table]
Le roi a décidé de faire venir Madame de la Virginité à Paris pour qu'elle choisisse entre deux abbayes. Les religieuses de Port-Royal avaient demandé au roi qu'elle devienne leur abbesse. Le roi a accordé une année à Madame de la Virginité pour prendre sa décision, durant laquelle elle gouvernerait Port-Royal avec l'accord de ses supérieurs et une commission de l'archevêque. Les religieuses de Port-Royal, ayant déjà trouvé la paix sous son influence, sont satisfaites de sa présence. Madame de la Virginité dirige les religieuses avec sagesse et douceur, ce qui les ravit. Elles tentent de la convaincre de rester, mais elle se soumet à la volonté de ses supérieurs, croyant que la soumission est essentielle à l'esprit religieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 6-20
Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Début :
Comme ce Monarque travaille sans cesse pour le bien & [...]
Mots clefs :
Compagnie, Sujets, Commerce, Conseils, Royaume, Déclaration, Religion, Monarque, Marchandises, Articles, Étrangers, Articles, Ordonnances, Conseil d'État
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Comme ce Monarque travaille
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
Fermer
Résumé : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Le texte relate les actions du monarque en faveur du bien-être de ses sujets et du développement du commerce. Le roi a fondé la Compagnie de Guinée, qui détient le monopole du commerce des esclaves, de la poudre d'or et d'autres marchandises sur la côte africaine, depuis la rivière de Serre-Lionne jusqu'au Cap de Bonne-Espérance. Cette initiative vise à augmenter le commerce et à procurer l'abondance dans le royaume. La compagnie est autorisée à occuper des terres, construire des forts, et établir des commandants et des soldats pour assurer sa sécurité. Le roi insiste également sur l'emploi exclusif de catholiques au sein de la compagnie et sur l'établissement de missionnaires pour propager la religion catholique. Le texte mentionne plusieurs déclarations et arrêts du Conseil d'État visant à punir les ministres de la religion prétendue réformée et à protéger les intérêts des sujets du roi. Par exemple, un arrêt oblige les protestants à remettre les minutes des contrats aux greffes des instances royales. Un autre arrêt exonère de droits de fret les navires étrangers apportant des céréales, facilitant ainsi l'importation de blé. Un autre arrêt prévoit le remboursement des étapes fournies aux troupes depuis 1676. Enfin, un arrêt concerne la liquidation des effets restants de la Compagnie des Indes Occidentales pour rembourser les créanciers et actionnaires, et pour augmenter les îles françaises d'Amérique et du Canada. Le roi montre ainsi une grande sollicitude pour le bien-être de ses sujets et pour le développement du commerce et de la religion catholique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 236-280
Suite curieuse des Affaires d'Angleterre, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay parlé assez amplement dans ma derniere Lettre [...]
Mots clefs :
Angleterre, Proclamation, Décès, Monarque, Seigneurs, Milord, Couronne, Conseil, Charge, Armes, Cérémonies, Religion, Obéissance, Serments, Magistrats, Royaume, Archevêque, Héritiers, Reine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite curieuse des Affaires d'Angleterre, [titre d'après la table]
Je vous ay parlé aſſez amplement
dans ma derniere
Lettre de ce qui s'eſt paffé
pendant les premiers jours de
la maladie du Roy d'Angleterre
; mais comme je vous
ay dit peu de chofes des deux
derniers
, parce que je n'étois
pas encore bien informé
du détail , je crois que vous
ne ferez pas fâchée que je reprenne
cette matiere , pour
vous apprendre des chofes
que vous pouvez ignorer.
Le leudy is.de Fevrier, veille
GALANT. 237
7 de la mort de ce Monarque,
les Medecins dirent à Mon.
fieur le Duc d'York , qu'il étoit
hors de danger , qu'ils répondoient
de fa vie ; & que s'il mouroit de
cette maladie - là , ce ne pourroit
eftre que par leurfaute . Sur une
affeurance fi pofitive , Monfieur
le Duc d'York , qui par
la prudence qu'on a toûjours
veuë inféparable de toutes fes
actions , avoit fait fermer tous
les Ports d'Angleterre, donna
des ordres pour les faire'r'ouvrir.
Cependant le foir de ce
mefme jour, le Roy fut nouyellement
attaqué de con238
MERCURE
vulfions ; le poux commença
à luy manquer ; depuis le bas
de fon corps la moitié devint
froide , & il perdit peu à peu
la parole,quoy qu'il ait encore
parlé avec une grade préfence
d'efprit , trois heures avant fa
mort. On ne peut montrer
plus de refignation , ny des
fentimens plus pieux & plus
Chrétiens , qu'il en fit voir dás
les intervales de foulagement
que fon grand mal luy laiffoit,
Il demanda premierement
pardon à Dieu , & enfuite à la
Reyne fa femme , qui n'étoit
pas préfente dans ce moment,,
4
GALANT. 239
puis à Mofieur le Duc d'York,
Pappellant fon cher Frere , fon
aimable Frere, qui luy avoit toûjours
efté meilleur Frere , qu'il ne
L'avoit efté pour luy pendantfon
vivant; ce qui attendrit ſi fort
ceux qui l'écoutoient , qu'ils
ne purent retenir leurs larmes.
Il parla auffi fort avantageuſement
du grand merite de Madame
la Ducheffe d'York,
& de la haute eftime qu'il
avoit toûjours euë pour cette
Princeffe. Il recommanda à
tous les grands Officiers de la
Couronne qui eftoient autour
de fon lit , l'entiere obeïffance
240 MERCURE
qu'ils devoient à Monfieur le
Duc d'York , fon unique Frere,
& Heritier du Royaume , les
affurant qu'il le furpafferoit en
bonté pour eux . Apres cela
il pria ce Prince d'avoir foin
des Ducs de Graffeton , Northumberland
, S. Alban , &
Richemont, puis il luy donna
la Clef de fon Cabinet où
eftoient fes Papiers les plus
fecrets , & luy témoigna , & à
tous ceux qui avoient paffé la
nuit dans fa Chambre , & qui.
eftoient la plupart des Grands
du Royaume , beaucoup de
douleur des peines qu'ils prenoient
GALANT 241
noient pour l'affifter. Il ajoûtoit
par intervale , qu'il valoit
• mieux , puifque le temps de fa
1 mort eftoit venu , que ce moment
s'avançaft , afin que leurs fati-
I gues ceffaffent. Trois heures
avant qu'il expiraft , il parla
quelque temps à l'oreille de
Monfieur le Duc d'York , &
I mourut le Vendredy 16. à
onze heures trois quarts du
matin. Il a plus paru de convulfion
dans le fujet de la
mort de ce Monarque , que
d'Apoplexie. On l'a ouvert,
& on luy a trouvé les Vifceres
tres- bons. Il avoit une eau
X
Mars 1685.
242 MERCURE
noire dans le Cerveau , quelques
- uns veulent que cette
eau foit un effet du Tabac, &
la caufe de fa mort. D'autres
l'attribuent au contretemps
d'avoir arrefté une fluxion
qu'il avoit fur les Jambes .
Le Roy ayant rendu le
dernier foûpir , Monfieur le
Duc d'York fortit de laChambre
où ce Monarque venoit
de mourir , & dit luy- mefme
aux Seigneurs qu'il trouva
dehors , que le Roy fon Frere
eftoit mort , & qu'il eftoit
devenuleur Souverain . Quoy
que la plus vive douleur fuft
GALANT. 243.
peinte fur fon vifage, il avoit
neanmoins un air de grandeur
& de fermeté , qui imprimoit
du refpect , & qui
auroit pû intimider les malintentionnez
pour luy , s'il
s'en fuft trouvé quelquesuns.
Ce nouveau Monarque
alla enfuite apprendre cette
nouvelle à la Princeffe fa
Femme. Auffi- toft apres , le
Grand Chancelier avec le
Seau , accompagné des Confeillers
d'Etat , vint falüer le
nouveau Roy & la nouvelle
Reyne , & ils demandérent
à Sa Majefté fi Elle vouloit
x ij
244 MERCURE
tenir Confeil. Le Roy fe rendit
dans la Chambre où il fe
tient ordinairement , & la
Reyne , à l'Apartement de
la Reyne Douairiere , pour
la confoler dans fon déplaifir.
Le Roy eftant au Confeil
, fit appeller tous ceux
qui le compofoient , & tous
les Pairs du Royaume qui
eftoient pour lors à la Cour,
& Sa Majesté leur fit le Dif
cours que je vous ay envoyé
dans ma derniere Lettre . J'oubliay
de vous marquer qu'avant
qu'il le commençaſt , il
ſe ſentit fi vivement pénétré
GALANT. 245
de fa douleur , qu'il ne pût
retenir fes larmes , & pria
l'Affemblée de compatir à la
perte qu'il venoit de faire . Je
vous ay parlé de ce qui fe fit
dans le Confeil , & de la Pro
clamation du Roy , que je
yous ay envoyée dans les
mefmes termes qu'elle fut
faite ; mais je ne vous ay rien
dit des Cerémonies de cette
Proclamation
. Elles font affez
curieuſes pour eftre fçeües .'
Sur les trois heures apres midy
le Duc de Norfolk , Grand-
Maréchal , avec les Hérauts:
d'Armes fuivy du Grand
X iij
246 MERCURE
Chancelier , du Préfident du
Confeil, du Garde des Seaux ,,
de tous les Seigneurs du Confeil
, de l'Archevefque de
Cantorbery , & des Pairs du
Royaume , fit à la Porte de
Witheal la Proclamation du
nouveau Roy & de la nouvelle
Reyne ; & tous enfem
ble allérent à la Porte de la
Ville , partie en Carroffe, partie
à Cheval ,
accompagnez
d'un grand Corps deCavalerie
bien montée & bien armée ,
& dont les Chevaux eftoient
magnifiquement caparaçonnez.
Milord Maire fe trouva à
GALANT. 247.
la Porte de la Ville , fuivy des
Juges & des Magiftrats de la
Ville , reveftus de Robes d'Ecarlate,
& fuperbement montez.
Ils eftoient accompagnez
de cent de leurs Gardes
portans des Halebardes , &
d'un grand nombre d'Offciers
auffi à pied , avec des
Robes violettes. Dés que
Milord Maire apperceut !
Grand Maréchal avec faSuite,
il fit fermer la Porte de la
Ville. Un des Hérauts heurta
à cette Porte , criant
le
que
le
Roy
Charles
eftoit
mort
, &
que
Le
Roy
Jacques
vouloit
entrer
.
X iiij
248 MERCURE
LaPortefut auffi toft ouverte,
& l'on y fit une feconde Pro.
clamation . Le Peuple dont
la foule eftoit tres - grande,
cria d'abort en Anglois Vive
le Roy Jacques , avec de grandes
demonftrations d'allegreffe
, & plufieurs mefme,
pour mieux témoigner leur
joye,jettérent leurs Chapeaux
en l'air. Toute la Compagnie
entra dans la Ville avec Milord
Maire. La Cavalerie
eftoit à la tefte & à la queuë.
Cette Marche fut continuée
jufques à la moitié de la
Ville , & s'arreſta devant la
J
GALANT 249
Grande Bourſe , où l'on fit
une nouvelle Proclamation ;
de forte que trois heures apres
la mort du Roy , toutes ces
Cerémonies furent finies ,.
avec une tres - grande tranquilité.
Il ne faut pas s'en
étonner. Le Peuple craint,
eftime & aime le nouveau
Roy , & eft perfuadé de fon
intrépidité & de fa valeur .
Cette Cerémonie eftant finie,
toute l'Artillerie de la Tour
fit plufieurs Salves , & les
Cloches carillonnérent toute
la nuit.Je vous ay déja marqué
le mefme jour le nou
que
250 MERCURE
veau Roy déclara , Que ceux
dont le Pouvoir, & les Reve
nus , ou Salaires eftoient finis &
ceffez, feroient &fe tiendroient
continuez dans leurs Charges &
Emplois , fous les meſmes conditions
, & ainfi qu'ils en jouif
foient cy-devant , jusqu'à ce que
les intentions de Sa Majestéfuffent
plus amplement expliquées.
Je dois ajoûter icy , qu'il s'expliqua
dans le mefme temps
fur ce que plufieurs grands
Seigneurs ne payoient point
leurs debres , fous prétexte
qu'ils avoient des Charges à
la Cour , & dit que ce n'é
GALANT. 251
toit pas fon intention. Le 17.
les Juges preftérent Serment,
& reprirent leurs Séances ; &
le lendemain , Milord Chef
de Juſtice , avec tous les Juges
qui l'accompagnoient,
baifa la main à Sa Majefté.
Le mefme jour Elle déclara
par une Proclamation qui fut
publiée , qu'elle avoit deffein
de convoquer dans peu de
temps un Parlement , eſtant
perfuadée qu'il prendroit foin
d'établir des Revenus fuffifans
pour foûtenir les dépen
fes aufquelles le Gouverne
ment de l'Etat l'engageroit.
252 MERCURE
Elle ordonna cependant, que
l'on continüeroit à lever les
droits d'Entrée & de Sortie fur
toutes les Marchandiſes dans
les Ports de fon Royaume.Ce
jour- là Milord Darmouth &
Milord Chef de Juſtice , qui
n'avoient pû fe trouver au
Confeil le 16 , preftérent Serment
entre les mains de ce
Prince, & prirent Séance. Le
Corps du feu Roy fut embaumé
, & délivré pour cela
par le Comte de Bath , Premier
Gentilhomme
de fa
Chambre , au Comte d'At
lington , Chambellan de fa
1
GALANT. 253
Maiſon . On le tranſporta
fans Cerémonie à l'Apartement
du Prince au Palais de
Sommerfet , où il fut gardé
par fes Officiers jufques au
jour de l'Enterrement . Le
19. le Prince Georges de Dan.
nemark , qui a épousé la feconde
Fille du nouveau Roy,
prit Séance au Confeil Privé
de Sa Majesté. Le 24. le
Cercueil où l'on avoit mis le
Corps du feu Roy , fut porté
au Palais de Westminster, à
l'Eglife de l'Abbaïe , par les
Gentilshommes de la Chambre.
Six Comtes foûtenoient
254 MERCURE
les coins du Drap Mortuaire.
La Marche de ce Convoy fut
commencée par les Domeſtiques
des Seigneurs & des
Officiers de la Couronne , du
Prince & de la Princeffe de
Dannemark , du Roy & de
la Reyne,de la Reyne Douairiere
, & du feu Roy, Les
Officiers fuivoient , puis les
Barons , les Vicomtes , les
Comtes , les Marquis , les
Ducs , les Evefques , & les
Grands Officiers de la Couronne
, chacun felon fa Dignité.
L'Archevefque de Cantorbery
marchoit le dernier,
GALANT 255
1
à caufe qu'il eft le Premier
Pair d'Angleterre. Le Prince
Georges de Dannemark,Chef
du Deüil , marchoit apres
eux. Il eftoit conduit par les
Ducs de Sommerfet & de
Beaufort , & accompagné de
feize Comtes. Les Roys d'Armes
portoient la Couronne,
& les autres marques de la
Royauté ; & la marche eftoit
fermée par les Gentilshommies
Penfionnaires , & par
les Yeomans de la Garde . Le
Doven & les Chanoines de
Weſtminſter vinrent recevoir
le Corps à la Porte ; & le Ser256
MERCURE
Les
vice ayant efté fait felon l'U.
fage de l'Eglife Anglicane
,
on l'enterra dans la Chapelle
de Henry VII. C'est le Lieu
de la Sépulture ordinaire des
Roys d'Angleterre.
Grands Officiers rompirent
alors leurs Baftons , & un
Roy d'Armes proclama le
Roy Jacques H. felon la coûtume.
Comme en ces occafions
on attend toûjours à
donner les Charges
, que le
dernier Roy foit enterré, cette
lugubreCerémonie
ayanteſté
faite , on donna au Comte
de Rochefter
la Charge de
GALANT. 257
Grand Tréforier d'Angle
terre , exercée depuis quel
ques années par Commif
fion ; celle de Préfident Privé:
au Marquis de Hallifax , &
celle de Garde du Seau Privé
qu'avoit ce Marquis, au Cóte
de Clarendon. On fit le Duc
de Beaufort , Préfident du:
Raïs de Galles , & Milord
Godolphin , Chambellan dè
La Reyne..
Le lendemain 25, le Roy
?
& la Reyne firent leurs dévo
tions dans leur Chapelle , ens
prefence de plufieurs de leurs
premiers Officiers , & de
Mars 1685,
Ya
258 MERCURE
quantité de Seigneurs Anglois
, le Roy ayant fait ou
vrir les portes . Sa Majefté
ayant auparavant communiqué
fa réfolution à fon Confeil
, avoit dit , Que faifant profeffion
de la Religion Catholique,
il croyoit , pour faire mieux connoiftre
fa fincerité, & fa bonne
foy , ne devoirpas fe cacher à l'avenir
, faire mieux fon devoir,
comme chacun eft obligé de
faire dans la Religion qu'il profeffe.
Ces paroles eftant d'un
grand Roy , d'un Prince fincere
& plein de coeur , qui ne
fait point déguifer , & enfin
GALANT.. 259
d'un honnefte Homme , il
n'y a perfonne , de quelque
Religion qu'il puiffe eftre,
qui ne doive approuver la
franchiſe de ce procedé , &
qui ne tombe d'accord que
ce Monarque a pû ſe ſervic
de la mefme liberté qu'il laif
fe à ſes Sujets.
Le 27 on publia une Proclamation
, portant que le
Roy avoit fait examiner le .
Bail de l'Excife , par les Juges
& par les plus habiles Jurif
confultes , l'Excife eft un Impoftfur
la Biere & fur les Boif
fons étrangeres , conclu au:
Y ij
260 MERCURE
nom du feu Roy , par les
Commiflaires de la Treforerie
, avec les Fermiers Generaux
pour trois ans , moyen,
nant cinq cens cinquante
mille livres Sterlin par an,
payables par Quartier , dont
le premier Terme devoit eſtre
le de ce mois. Je croy,
Madame , que vous fçavez
qu'une livre Sterlin , eft en
viron treize Francs de noftre
Monnoye. Sa Majesté déclára
par cette Proclamation, que
la mort du Roy ne reſolvoit
pas ce Bail de l'Excife , & que
Lon intention estoit qu'on
25.
GALANT. 261
Texecutaft fuivant les Actes
du Parlement , par lesquels
ce Droit a efté accordé au feu
Roy , pour en jouir pendant
fa vie , & à caufe de la part
que les mefmes Actes en accordent
à fes Heritiers & Succeffeurs.
Je ne vous nommeray
point toutes les Villes où
le Roy a efté proclamé, fi-toft
qu'on y a receu la nouvelle
de la mort du Roy Charles II .
Je vous diray feulement que
cette Ceremonie s'eft faire
par tout , avec des marques
de joye extraordinaires . Elles
font connoiftre combien te
262 MERCURE
nouveau Roy eft aimé de fes
Sujets . Apres la Proclamation
faite par le principal Officier
à la grande Place de chaque
Ville, où les Magiftrats fe font
rendus en Robes d'écarlates,
les Canons ont fait trois dé
charges generales , qui ont
efté fuivies d'autant de Salves
des Milices , fous les Armes.
Dans les Villes Maritimes,
tous les Vaiffeaux qui étoient
dans les Ports , ont fait plu
fieurs décharges de leur Artillerie
, les Cloches ont fonné
dans toutes , pendant le jour-
& toute la nuit , & on n'a veu
GALANT. 263
que Feux de joye dans toutes
les Ruës. La Proclamation
de l'Univerfité de Cambridge
a efté particuliere. Le Vice-
I Chancelier ayant affemblé
tous les Principaux des Colle-
-ges, & tous les Ecoliers , ils fe
rendirent à la Proceffion à la
5 grande Place de la Ville , où
illût la Proclamation. Enſuite
elle fut annoncée à haute
voix , par l'Ancien de l'Univerfité
, & un grand Repas,
dans lequel on but la fanté du
Roy & de la Reyne , finit la
Ceremonie. Je paffe toutes
les Adreffes que l'on prefente
264 MERCURE
&
tous les jours à Sa Majeſté , aur
nom des principales Villes &
des Communautez du Royau
me. Les Affurances de zéle
& de fidelité pour ſon ſervice
dont elles font pleines , font
conceuës en des termes firef
pectueux & fi foûmis , qu'on
voit ailément qu'elles font
finceres. On y fait pareillement
des remercimens au
Roy,de ce qu'il a déclaré que
fa réfolution eft de maintenir
Gouvernement étably dans
l'Eglife & dans l'Etat , felon
les Loix du Royaume. Les
Compagnies du Commerce
d'Afrique
Le
GALANT 265
201
d'Afrique du Levant , des
Indes Orientales, & plufieurs
autres de Marchands , ont
auffi prefenté des Adreffes à
Sa Majefté , pour luy témoigner
qu'elles fe foûmettent
volontiers à payer les Impofts
fur les Marchandiſes , confor
mément à la Déclaration qui
en a efté publiée.
Il fautvous parler preſente
ment de la Proclamation qui
a efté faite en Ecoffe , apres
qu'on y eut receu les Lettres
du Roy , conceües en ces
termes.
Mars 1685.
z
266 MERCURE
JACQUES
ROY.
J AcquesVII. par la Grace de
Dieu , Roy d'Ecoffe , d'Angleterre
, d'Irlande , Défenfeur
de la Foy , à tous & un chacun
de nos bons Sujets qu'il apartiendra
, Salut. Comme il a plû à
Dieu d'appeller aujourd'huy de
cette vie , le feu Roy noftre trescher
& bien aimé Frere Charles
II, Nous avons jugé à propos
de vous faire fçavoir que
noftre Royal Plaifir eft , Que
tous nos Officiers d'Etat , Con
feillers du Confeil Privé , Ma
giftrats , & autres Officiers quel
GALANT. 267
conques, de Robe ou d'Epée, dans
noftre ancien Royaume d'Ecoffe,
continuent leurs Fonctions , ainfi
qu'ilsfont autorifez par les Prefentes
,pour executer tous cha
cun en particulier , toutes les chofes
qui font du devoir de leurs
> Charges
Commiffions Instructions à
eux données par le feu Roy de
benite Memoire , jufqu'à ce qu'ils
en ayent receu de nouvelles , qui
leur foient envoyées de noftre
part, & cette prefente Lettre
fervira à tous , & à chacun en
particulier à les autorifer fuffi-
Samment pour le faire . Donné à
conformément aux
Z ij
268 MERCURE
Witthal le 16. Fevrier 1685. de
noftre Regne le premier. Par
commandement de Sa Majefté,
I. D. RUMMOND.
Vous voyez , Madame ,
que fi le Roy qui fe fait nom
mer lacques II. en Angleterre
, prend icy le nom de Iacques
VII . c'est pour conſerver
la fucceffion des Roys d'E
coffe. lacques VI. Roy d'E
coffe , Fils de Marie Stuard,
eftoit petit Fils de Margueri
te d'Angleterre , Soeur de
Henry VIII. & Elizabeth ,Fille
de ce mefme Henry VIII
efant morte en 1603. la Cou
GALANT. 269
&
*
ronne d'Angleterre apartint
de droit à lacques VI. Roy.
d'Ecoffe , qui ayant uny les
trois Royaumes d'Angleterre
, d'Ecoffe & d'Irlande , prit
le Tître de Roy de la grande
Bretagne avec le nom de
Lacques I. Ainfi le Roy qui
regne prefentement , eft lacques
II. en Angleterre, & laċques
VII. en Ecoffe. Voicy
les termes dans lefquels Sa
Proclamation a eſté faite en
ce Royaume.
Comme il a pleu à Dieu d'appeller
le Roy Charles II. noftre
Souverain Seigneur de glorieufe
Z iij
270 MERCURE
Memoire , de la Couronne Temporelle
à une Couronne Eternelle
dans le Ciel , & qu'ainfi le Droit
inconteftable de la fucceffion à la
Couronne de ce Royaume , eft dévolu
à la Perfonne Sacrée de fon
Royal Tres- cher Frere , à prefent
noftre Souverain Seigneur,
que Dieu conferve longues an
nées Nous , les Seigneurs du
Confeil Privé du Roy , autorifez
à cet effet par les Lettres de Sa
Majefté , écrites à Withal le 16.
de ce mois , & du confentement·
de plufieurs autres Seigneurs, Ecclefiaftiques
, des Barons , & des
Bourgeois de ce Royaume, Décla
GALANT. 271
rons &
Proclamons à ce que perfonne
n'en ignore, que noftre Souverain
Seigneur Tacques VII. eft
par legitime indubitable Succeffion,
Roy d'Ecoffe , d'Angleter
re , d'Irlande , & des Pais qui en
dépendent , Défenfeur de la Foy,
c. Que Dieu conferve & beniffe,
en luy accordant une longue,
heureufe vie , glorieuse ,
un heureux Regne. Nous décla
rons que nous sommes réfolus de
Luy obeir , & de le fervir avec
toute lafoumiffion & fidelité poffible
, de le défendre au peril de
nos vies de nos biens , contre
toute forte d'Ennemis , comme
Z iiij
272 MERCURE
noftre feul legitime Roy , ayant
une autorité Souveraine fur toutes
Perſonnes , & en toute forte
d'affaires , comme tenant la Cou
ronne de Dieufeul. En témoi
gnage dequoy , Nous, en la prefence
de Dieu , & d'un grand
nombre de Peuple & de fidelles
Sujets de Sa Majesté , de tous
Etats & Conditions qui fent icy
prefens à cette Publication So-
Temnelle , par laquelle nous reconnoiſſons
fa fupreme # ſouveraine
Autorité , à la Croix du
Marché de cette Ville d'Edim
bourg , déclarons & publions que .
noftre Souverain Seigneur , eft
GALANT. 273
par la Grace & Providence de
Dieu , Tour-puiffant , Roy d'E
coffe , d'Angleterre , d'Irlande,
Pais dépendans ; & en mesme
temps nous faisons Serment
en levant la main , d'avoir une
veritable & entiere fidelité envers
noftre Souverain Seigneur
Lacques VII. Roy de la Grande
Bretagne , &c. & àfes legitimes!
Heritiers & Succeffeurs , & de
nous acquiter de tous devoirs,fervice,
& obeiffance qui luyfont
deus , ainsi qu'il apartient à de
loyaux, foumis , & fidelles Sujets .
Ainfi Dieu nous aide. Par Acte
des Secretaires du Confeil. A
274 MERCURE
Milord Lansdovvn le
Chevalier Silvius , M Poley,
Skelton , Rich , & Etheridge,
que le Roy Charles II. avoit
nommez pour aller en qualité
d'Envoyez Extraordinai
res en Efpagne , en Danemark
, en Suéde , en Hollan
de , à Hambourg , & à Ratisbonne
, ont efté confirmez
dans leurs Emplois par Sa
Majeſté.
Apres plufieurs Affemblées
des Seigneurs du Confeil Privé
, touchant les préparatifs
du Couronnement du Roy,
il a eſté réſolu qu'il fe fera le
GALANT. 275
May , Feſte de S. Georges,.
felon l'ancien Calendrier. On
y obfervera toutes les Cere-:
monies de celuy du défunt
Roy , à la referve de celle de
créer des Chevaliers du Bain,
de faire la Cavalcade de Witheal
à Weſtminſter , & d'une
partie des Services qui fe faifoient
ordinairement au Cel
pas Royal , apres le Couron
nement. La Reyne fera cou
ronnée en mefme temps,
comme le füt Anne de Danemark
,avec lacques I. Ayeuls
de Sa Majefté. Le Duc d'Or
mond , Gouverneur General
276 MERCURE
d'Irlande , a ordre de venir à
la Cour L'Archevefque d'Armagh
, Primat d'Irlande , &
le Comte de Granard , doivent
gouverner le Royaume,
comme Lords -Juftices , Out
fuprêmes Magiftrats , ſuivant
une Commiffion qui leur a
efté crpadiée par re du
Roy , & dont ils ne feront
ouverture qu'apres le depart
du Duc d'Ormond. On a
expedié les Lettres circulaires
pour convoquer le Parlement
au 29. May prochain , &
on les a envoyées dans les
Provinces, afin que les Villes ,
GALANT. 277.
les Bourgs & les Communautez
élifent les Députez , qui
doivent entrer à la Chambre
des Communes. Le feu Roy
avoit convoqué le Parlement
d'Ecoffe , & il devoit s'affembler
à Edimbourg , mais l'au
torité des Lettres Patentes ne
fubfiftant plus , Sa Majeſté
qui devoit y préfider en qualité
de grand Commiffaire , a
ordonné qu'il s'affemblera en
la maniere accoûtumée le 9.
d'Avril , fans avoir encore
'nommé celuy qui exercera la
Commiflion . On publia la
Proclamation à Edimbourg
278 MERCURE
le zo. du dernier mois , Par
my les Adreffes que l'on continue
de prefenter au Roy au
nom des principales Villes,
celle de l'Univerfitéd'Oxford
eft fort remarquable. Cette
Adreffe porte que confor
mément à la Religion que
les Loix ont établie , & à la
doctrine que profeffe cette
Univerfité , elle fe croit indifpenfablement
obligée à une
fidelité inviolable envers le
Roy,fans aucune reſtriction ,
nylimitation ; que ceux de fon
Corps l'ont affez fait paroiftre
dans les troubles arrivez fous 1
GALANT. 279
le regne de Charles I. & dans
les derniers temps , demeurát
fermes dás l'obeiffance qu'ils
devoient au Roy Charles II.
qu'ils font dans les mefmes
fentimens de fidelité & de
refpect pour Sa Majesté à
preſent regnante , & qu'ils
font prefts de luy en donner
des marques en toutes fortes
d'occafions , en maintenant
cette mefme Doctrine , & en
l'enſeignant dans les Ecoles ,
pour affeurer la tranquilité
publique. Le Roy doit aller
demeurer dans quelque
temps au Palais de Sommer280
MERCURE
fet , & on le prépare pour fon
logement. Le Service de la
Chapelle Royale à Witheal,
fe fait tous les jours de la
mefme maniere qu'il le faifoit
du temps du feu Roy . Le 4
de ce mois , Sa Majeſté apres
avoir entendu la Prédication ,
affifta à la Meffe dans la Chapelle
de la Reyne , & y communia.
dans ma derniere
Lettre de ce qui s'eſt paffé
pendant les premiers jours de
la maladie du Roy d'Angleterre
; mais comme je vous
ay dit peu de chofes des deux
derniers
, parce que je n'étois
pas encore bien informé
du détail , je crois que vous
ne ferez pas fâchée que je reprenne
cette matiere , pour
vous apprendre des chofes
que vous pouvez ignorer.
Le leudy is.de Fevrier, veille
GALANT. 237
7 de la mort de ce Monarque,
les Medecins dirent à Mon.
fieur le Duc d'York , qu'il étoit
hors de danger , qu'ils répondoient
de fa vie ; & que s'il mouroit de
cette maladie - là , ce ne pourroit
eftre que par leurfaute . Sur une
affeurance fi pofitive , Monfieur
le Duc d'York , qui par
la prudence qu'on a toûjours
veuë inféparable de toutes fes
actions , avoit fait fermer tous
les Ports d'Angleterre, donna
des ordres pour les faire'r'ouvrir.
Cependant le foir de ce
mefme jour, le Roy fut nouyellement
attaqué de con238
MERCURE
vulfions ; le poux commença
à luy manquer ; depuis le bas
de fon corps la moitié devint
froide , & il perdit peu à peu
la parole,quoy qu'il ait encore
parlé avec une grade préfence
d'efprit , trois heures avant fa
mort. On ne peut montrer
plus de refignation , ny des
fentimens plus pieux & plus
Chrétiens , qu'il en fit voir dás
les intervales de foulagement
que fon grand mal luy laiffoit,
Il demanda premierement
pardon à Dieu , & enfuite à la
Reyne fa femme , qui n'étoit
pas préfente dans ce moment,,
4
GALANT. 239
puis à Mofieur le Duc d'York,
Pappellant fon cher Frere , fon
aimable Frere, qui luy avoit toûjours
efté meilleur Frere , qu'il ne
L'avoit efté pour luy pendantfon
vivant; ce qui attendrit ſi fort
ceux qui l'écoutoient , qu'ils
ne purent retenir leurs larmes.
Il parla auffi fort avantageuſement
du grand merite de Madame
la Ducheffe d'York,
& de la haute eftime qu'il
avoit toûjours euë pour cette
Princeffe. Il recommanda à
tous les grands Officiers de la
Couronne qui eftoient autour
de fon lit , l'entiere obeïffance
240 MERCURE
qu'ils devoient à Monfieur le
Duc d'York , fon unique Frere,
& Heritier du Royaume , les
affurant qu'il le furpafferoit en
bonté pour eux . Apres cela
il pria ce Prince d'avoir foin
des Ducs de Graffeton , Northumberland
, S. Alban , &
Richemont, puis il luy donna
la Clef de fon Cabinet où
eftoient fes Papiers les plus
fecrets , & luy témoigna , & à
tous ceux qui avoient paffé la
nuit dans fa Chambre , & qui.
eftoient la plupart des Grands
du Royaume , beaucoup de
douleur des peines qu'ils prenoient
GALANT 241
noient pour l'affifter. Il ajoûtoit
par intervale , qu'il valoit
• mieux , puifque le temps de fa
1 mort eftoit venu , que ce moment
s'avançaft , afin que leurs fati-
I gues ceffaffent. Trois heures
avant qu'il expiraft , il parla
quelque temps à l'oreille de
Monfieur le Duc d'York , &
I mourut le Vendredy 16. à
onze heures trois quarts du
matin. Il a plus paru de convulfion
dans le fujet de la
mort de ce Monarque , que
d'Apoplexie. On l'a ouvert,
& on luy a trouvé les Vifceres
tres- bons. Il avoit une eau
X
Mars 1685.
242 MERCURE
noire dans le Cerveau , quelques
- uns veulent que cette
eau foit un effet du Tabac, &
la caufe de fa mort. D'autres
l'attribuent au contretemps
d'avoir arrefté une fluxion
qu'il avoit fur les Jambes .
Le Roy ayant rendu le
dernier foûpir , Monfieur le
Duc d'York fortit de laChambre
où ce Monarque venoit
de mourir , & dit luy- mefme
aux Seigneurs qu'il trouva
dehors , que le Roy fon Frere
eftoit mort , & qu'il eftoit
devenuleur Souverain . Quoy
que la plus vive douleur fuft
GALANT. 243.
peinte fur fon vifage, il avoit
neanmoins un air de grandeur
& de fermeté , qui imprimoit
du refpect , & qui
auroit pû intimider les malintentionnez
pour luy , s'il
s'en fuft trouvé quelquesuns.
Ce nouveau Monarque
alla enfuite apprendre cette
nouvelle à la Princeffe fa
Femme. Auffi- toft apres , le
Grand Chancelier avec le
Seau , accompagné des Confeillers
d'Etat , vint falüer le
nouveau Roy & la nouvelle
Reyne , & ils demandérent
à Sa Majefté fi Elle vouloit
x ij
244 MERCURE
tenir Confeil. Le Roy fe rendit
dans la Chambre où il fe
tient ordinairement , & la
Reyne , à l'Apartement de
la Reyne Douairiere , pour
la confoler dans fon déplaifir.
Le Roy eftant au Confeil
, fit appeller tous ceux
qui le compofoient , & tous
les Pairs du Royaume qui
eftoient pour lors à la Cour,
& Sa Majesté leur fit le Dif
cours que je vous ay envoyé
dans ma derniere Lettre . J'oubliay
de vous marquer qu'avant
qu'il le commençaſt , il
ſe ſentit fi vivement pénétré
GALANT. 245
de fa douleur , qu'il ne pût
retenir fes larmes , & pria
l'Affemblée de compatir à la
perte qu'il venoit de faire . Je
vous ay parlé de ce qui fe fit
dans le Confeil , & de la Pro
clamation du Roy , que je
yous ay envoyée dans les
mefmes termes qu'elle fut
faite ; mais je ne vous ay rien
dit des Cerémonies de cette
Proclamation
. Elles font affez
curieuſes pour eftre fçeües .'
Sur les trois heures apres midy
le Duc de Norfolk , Grand-
Maréchal , avec les Hérauts:
d'Armes fuivy du Grand
X iij
246 MERCURE
Chancelier , du Préfident du
Confeil, du Garde des Seaux ,,
de tous les Seigneurs du Confeil
, de l'Archevefque de
Cantorbery , & des Pairs du
Royaume , fit à la Porte de
Witheal la Proclamation du
nouveau Roy & de la nouvelle
Reyne ; & tous enfem
ble allérent à la Porte de la
Ville , partie en Carroffe, partie
à Cheval ,
accompagnez
d'un grand Corps deCavalerie
bien montée & bien armée ,
& dont les Chevaux eftoient
magnifiquement caparaçonnez.
Milord Maire fe trouva à
GALANT. 247.
la Porte de la Ville , fuivy des
Juges & des Magiftrats de la
Ville , reveftus de Robes d'Ecarlate,
& fuperbement montez.
Ils eftoient accompagnez
de cent de leurs Gardes
portans des Halebardes , &
d'un grand nombre d'Offciers
auffi à pied , avec des
Robes violettes. Dés que
Milord Maire apperceut !
Grand Maréchal avec faSuite,
il fit fermer la Porte de la
Ville. Un des Hérauts heurta
à cette Porte , criant
le
que
le
Roy
Charles
eftoit
mort
, &
que
Le
Roy
Jacques
vouloit
entrer
.
X iiij
248 MERCURE
LaPortefut auffi toft ouverte,
& l'on y fit une feconde Pro.
clamation . Le Peuple dont
la foule eftoit tres - grande,
cria d'abort en Anglois Vive
le Roy Jacques , avec de grandes
demonftrations d'allegreffe
, & plufieurs mefme,
pour mieux témoigner leur
joye,jettérent leurs Chapeaux
en l'air. Toute la Compagnie
entra dans la Ville avec Milord
Maire. La Cavalerie
eftoit à la tefte & à la queuë.
Cette Marche fut continuée
jufques à la moitié de la
Ville , & s'arreſta devant la
J
GALANT 249
Grande Bourſe , où l'on fit
une nouvelle Proclamation ;
de forte que trois heures apres
la mort du Roy , toutes ces
Cerémonies furent finies ,.
avec une tres - grande tranquilité.
Il ne faut pas s'en
étonner. Le Peuple craint,
eftime & aime le nouveau
Roy , & eft perfuadé de fon
intrépidité & de fa valeur .
Cette Cerémonie eftant finie,
toute l'Artillerie de la Tour
fit plufieurs Salves , & les
Cloches carillonnérent toute
la nuit.Je vous ay déja marqué
le mefme jour le nou
que
250 MERCURE
veau Roy déclara , Que ceux
dont le Pouvoir, & les Reve
nus , ou Salaires eftoient finis &
ceffez, feroient &fe tiendroient
continuez dans leurs Charges &
Emplois , fous les meſmes conditions
, & ainfi qu'ils en jouif
foient cy-devant , jusqu'à ce que
les intentions de Sa Majestéfuffent
plus amplement expliquées.
Je dois ajoûter icy , qu'il s'expliqua
dans le mefme temps
fur ce que plufieurs grands
Seigneurs ne payoient point
leurs debres , fous prétexte
qu'ils avoient des Charges à
la Cour , & dit que ce n'é
GALANT. 251
toit pas fon intention. Le 17.
les Juges preftérent Serment,
& reprirent leurs Séances ; &
le lendemain , Milord Chef
de Juſtice , avec tous les Juges
qui l'accompagnoient,
baifa la main à Sa Majefté.
Le mefme jour Elle déclara
par une Proclamation qui fut
publiée , qu'elle avoit deffein
de convoquer dans peu de
temps un Parlement , eſtant
perfuadée qu'il prendroit foin
d'établir des Revenus fuffifans
pour foûtenir les dépen
fes aufquelles le Gouverne
ment de l'Etat l'engageroit.
252 MERCURE
Elle ordonna cependant, que
l'on continüeroit à lever les
droits d'Entrée & de Sortie fur
toutes les Marchandiſes dans
les Ports de fon Royaume.Ce
jour- là Milord Darmouth &
Milord Chef de Juſtice , qui
n'avoient pû fe trouver au
Confeil le 16 , preftérent Serment
entre les mains de ce
Prince, & prirent Séance. Le
Corps du feu Roy fut embaumé
, & délivré pour cela
par le Comte de Bath , Premier
Gentilhomme
de fa
Chambre , au Comte d'At
lington , Chambellan de fa
1
GALANT. 253
Maiſon . On le tranſporta
fans Cerémonie à l'Apartement
du Prince au Palais de
Sommerfet , où il fut gardé
par fes Officiers jufques au
jour de l'Enterrement . Le
19. le Prince Georges de Dan.
nemark , qui a épousé la feconde
Fille du nouveau Roy,
prit Séance au Confeil Privé
de Sa Majesté. Le 24. le
Cercueil où l'on avoit mis le
Corps du feu Roy , fut porté
au Palais de Westminster, à
l'Eglife de l'Abbaïe , par les
Gentilshommes de la Chambre.
Six Comtes foûtenoient
254 MERCURE
les coins du Drap Mortuaire.
La Marche de ce Convoy fut
commencée par les Domeſtiques
des Seigneurs & des
Officiers de la Couronne , du
Prince & de la Princeffe de
Dannemark , du Roy & de
la Reyne,de la Reyne Douairiere
, & du feu Roy, Les
Officiers fuivoient , puis les
Barons , les Vicomtes , les
Comtes , les Marquis , les
Ducs , les Evefques , & les
Grands Officiers de la Couronne
, chacun felon fa Dignité.
L'Archevefque de Cantorbery
marchoit le dernier,
GALANT 255
1
à caufe qu'il eft le Premier
Pair d'Angleterre. Le Prince
Georges de Dannemark,Chef
du Deüil , marchoit apres
eux. Il eftoit conduit par les
Ducs de Sommerfet & de
Beaufort , & accompagné de
feize Comtes. Les Roys d'Armes
portoient la Couronne,
& les autres marques de la
Royauté ; & la marche eftoit
fermée par les Gentilshommies
Penfionnaires , & par
les Yeomans de la Garde . Le
Doven & les Chanoines de
Weſtminſter vinrent recevoir
le Corps à la Porte ; & le Ser256
MERCURE
Les
vice ayant efté fait felon l'U.
fage de l'Eglife Anglicane
,
on l'enterra dans la Chapelle
de Henry VII. C'est le Lieu
de la Sépulture ordinaire des
Roys d'Angleterre.
Grands Officiers rompirent
alors leurs Baftons , & un
Roy d'Armes proclama le
Roy Jacques H. felon la coûtume.
Comme en ces occafions
on attend toûjours à
donner les Charges
, que le
dernier Roy foit enterré, cette
lugubreCerémonie
ayanteſté
faite , on donna au Comte
de Rochefter
la Charge de
GALANT. 257
Grand Tréforier d'Angle
terre , exercée depuis quel
ques années par Commif
fion ; celle de Préfident Privé:
au Marquis de Hallifax , &
celle de Garde du Seau Privé
qu'avoit ce Marquis, au Cóte
de Clarendon. On fit le Duc
de Beaufort , Préfident du:
Raïs de Galles , & Milord
Godolphin , Chambellan dè
La Reyne..
Le lendemain 25, le Roy
?
& la Reyne firent leurs dévo
tions dans leur Chapelle , ens
prefence de plufieurs de leurs
premiers Officiers , & de
Mars 1685,
Ya
258 MERCURE
quantité de Seigneurs Anglois
, le Roy ayant fait ou
vrir les portes . Sa Majefté
ayant auparavant communiqué
fa réfolution à fon Confeil
, avoit dit , Que faifant profeffion
de la Religion Catholique,
il croyoit , pour faire mieux connoiftre
fa fincerité, & fa bonne
foy , ne devoirpas fe cacher à l'avenir
, faire mieux fon devoir,
comme chacun eft obligé de
faire dans la Religion qu'il profeffe.
Ces paroles eftant d'un
grand Roy , d'un Prince fincere
& plein de coeur , qui ne
fait point déguifer , & enfin
GALANT.. 259
d'un honnefte Homme , il
n'y a perfonne , de quelque
Religion qu'il puiffe eftre,
qui ne doive approuver la
franchiſe de ce procedé , &
qui ne tombe d'accord que
ce Monarque a pû ſe ſervic
de la mefme liberté qu'il laif
fe à ſes Sujets.
Le 27 on publia une Proclamation
, portant que le
Roy avoit fait examiner le .
Bail de l'Excife , par les Juges
& par les plus habiles Jurif
confultes , l'Excife eft un Impoftfur
la Biere & fur les Boif
fons étrangeres , conclu au:
Y ij
260 MERCURE
nom du feu Roy , par les
Commiflaires de la Treforerie
, avec les Fermiers Generaux
pour trois ans , moyen,
nant cinq cens cinquante
mille livres Sterlin par an,
payables par Quartier , dont
le premier Terme devoit eſtre
le de ce mois. Je croy,
Madame , que vous fçavez
qu'une livre Sterlin , eft en
viron treize Francs de noftre
Monnoye. Sa Majesté déclára
par cette Proclamation, que
la mort du Roy ne reſolvoit
pas ce Bail de l'Excife , & que
Lon intention estoit qu'on
25.
GALANT. 261
Texecutaft fuivant les Actes
du Parlement , par lesquels
ce Droit a efté accordé au feu
Roy , pour en jouir pendant
fa vie , & à caufe de la part
que les mefmes Actes en accordent
à fes Heritiers & Succeffeurs.
Je ne vous nommeray
point toutes les Villes où
le Roy a efté proclamé, fi-toft
qu'on y a receu la nouvelle
de la mort du Roy Charles II .
Je vous diray feulement que
cette Ceremonie s'eft faire
par tout , avec des marques
de joye extraordinaires . Elles
font connoiftre combien te
262 MERCURE
nouveau Roy eft aimé de fes
Sujets . Apres la Proclamation
faite par le principal Officier
à la grande Place de chaque
Ville, où les Magiftrats fe font
rendus en Robes d'écarlates,
les Canons ont fait trois dé
charges generales , qui ont
efté fuivies d'autant de Salves
des Milices , fous les Armes.
Dans les Villes Maritimes,
tous les Vaiffeaux qui étoient
dans les Ports , ont fait plu
fieurs décharges de leur Artillerie
, les Cloches ont fonné
dans toutes , pendant le jour-
& toute la nuit , & on n'a veu
GALANT. 263
que Feux de joye dans toutes
les Ruës. La Proclamation
de l'Univerfité de Cambridge
a efté particuliere. Le Vice-
I Chancelier ayant affemblé
tous les Principaux des Colle-
-ges, & tous les Ecoliers , ils fe
rendirent à la Proceffion à la
5 grande Place de la Ville , où
illût la Proclamation. Enſuite
elle fut annoncée à haute
voix , par l'Ancien de l'Univerfité
, & un grand Repas,
dans lequel on but la fanté du
Roy & de la Reyne , finit la
Ceremonie. Je paffe toutes
les Adreffes que l'on prefente
264 MERCURE
&
tous les jours à Sa Majeſté , aur
nom des principales Villes &
des Communautez du Royau
me. Les Affurances de zéle
& de fidelité pour ſon ſervice
dont elles font pleines , font
conceuës en des termes firef
pectueux & fi foûmis , qu'on
voit ailément qu'elles font
finceres. On y fait pareillement
des remercimens au
Roy,de ce qu'il a déclaré que
fa réfolution eft de maintenir
Gouvernement étably dans
l'Eglife & dans l'Etat , felon
les Loix du Royaume. Les
Compagnies du Commerce
d'Afrique
Le
GALANT 265
201
d'Afrique du Levant , des
Indes Orientales, & plufieurs
autres de Marchands , ont
auffi prefenté des Adreffes à
Sa Majefté , pour luy témoigner
qu'elles fe foûmettent
volontiers à payer les Impofts
fur les Marchandiſes , confor
mément à la Déclaration qui
en a efté publiée.
Il fautvous parler preſente
ment de la Proclamation qui
a efté faite en Ecoffe , apres
qu'on y eut receu les Lettres
du Roy , conceües en ces
termes.
Mars 1685.
z
266 MERCURE
JACQUES
ROY.
J AcquesVII. par la Grace de
Dieu , Roy d'Ecoffe , d'Angleterre
, d'Irlande , Défenfeur
de la Foy , à tous & un chacun
de nos bons Sujets qu'il apartiendra
, Salut. Comme il a plû à
Dieu d'appeller aujourd'huy de
cette vie , le feu Roy noftre trescher
& bien aimé Frere Charles
II, Nous avons jugé à propos
de vous faire fçavoir que
noftre Royal Plaifir eft , Que
tous nos Officiers d'Etat , Con
feillers du Confeil Privé , Ma
giftrats , & autres Officiers quel
GALANT. 267
conques, de Robe ou d'Epée, dans
noftre ancien Royaume d'Ecoffe,
continuent leurs Fonctions , ainfi
qu'ilsfont autorifez par les Prefentes
,pour executer tous cha
cun en particulier , toutes les chofes
qui font du devoir de leurs
> Charges
Commiffions Instructions à
eux données par le feu Roy de
benite Memoire , jufqu'à ce qu'ils
en ayent receu de nouvelles , qui
leur foient envoyées de noftre
part, & cette prefente Lettre
fervira à tous , & à chacun en
particulier à les autorifer fuffi-
Samment pour le faire . Donné à
conformément aux
Z ij
268 MERCURE
Witthal le 16. Fevrier 1685. de
noftre Regne le premier. Par
commandement de Sa Majefté,
I. D. RUMMOND.
Vous voyez , Madame ,
que fi le Roy qui fe fait nom
mer lacques II. en Angleterre
, prend icy le nom de Iacques
VII . c'est pour conſerver
la fucceffion des Roys d'E
coffe. lacques VI. Roy d'E
coffe , Fils de Marie Stuard,
eftoit petit Fils de Margueri
te d'Angleterre , Soeur de
Henry VIII. & Elizabeth ,Fille
de ce mefme Henry VIII
efant morte en 1603. la Cou
GALANT. 269
&
*
ronne d'Angleterre apartint
de droit à lacques VI. Roy.
d'Ecoffe , qui ayant uny les
trois Royaumes d'Angleterre
, d'Ecoffe & d'Irlande , prit
le Tître de Roy de la grande
Bretagne avec le nom de
Lacques I. Ainfi le Roy qui
regne prefentement , eft lacques
II. en Angleterre, & laċques
VII. en Ecoffe. Voicy
les termes dans lefquels Sa
Proclamation a eſté faite en
ce Royaume.
Comme il a pleu à Dieu d'appeller
le Roy Charles II. noftre
Souverain Seigneur de glorieufe
Z iij
270 MERCURE
Memoire , de la Couronne Temporelle
à une Couronne Eternelle
dans le Ciel , & qu'ainfi le Droit
inconteftable de la fucceffion à la
Couronne de ce Royaume , eft dévolu
à la Perfonne Sacrée de fon
Royal Tres- cher Frere , à prefent
noftre Souverain Seigneur,
que Dieu conferve longues an
nées Nous , les Seigneurs du
Confeil Privé du Roy , autorifez
à cet effet par les Lettres de Sa
Majefté , écrites à Withal le 16.
de ce mois , & du confentement·
de plufieurs autres Seigneurs, Ecclefiaftiques
, des Barons , & des
Bourgeois de ce Royaume, Décla
GALANT. 271
rons &
Proclamons à ce que perfonne
n'en ignore, que noftre Souverain
Seigneur Tacques VII. eft
par legitime indubitable Succeffion,
Roy d'Ecoffe , d'Angleter
re , d'Irlande , & des Pais qui en
dépendent , Défenfeur de la Foy,
c. Que Dieu conferve & beniffe,
en luy accordant une longue,
heureufe vie , glorieuse ,
un heureux Regne. Nous décla
rons que nous sommes réfolus de
Luy obeir , & de le fervir avec
toute lafoumiffion & fidelité poffible
, de le défendre au peril de
nos vies de nos biens , contre
toute forte d'Ennemis , comme
Z iiij
272 MERCURE
noftre feul legitime Roy , ayant
une autorité Souveraine fur toutes
Perſonnes , & en toute forte
d'affaires , comme tenant la Cou
ronne de Dieufeul. En témoi
gnage dequoy , Nous, en la prefence
de Dieu , & d'un grand
nombre de Peuple & de fidelles
Sujets de Sa Majesté , de tous
Etats & Conditions qui fent icy
prefens à cette Publication So-
Temnelle , par laquelle nous reconnoiſſons
fa fupreme # ſouveraine
Autorité , à la Croix du
Marché de cette Ville d'Edim
bourg , déclarons & publions que .
noftre Souverain Seigneur , eft
GALANT. 273
par la Grace & Providence de
Dieu , Tour-puiffant , Roy d'E
coffe , d'Angleterre , d'Irlande,
Pais dépendans ; & en mesme
temps nous faisons Serment
en levant la main , d'avoir une
veritable & entiere fidelité envers
noftre Souverain Seigneur
Lacques VII. Roy de la Grande
Bretagne , &c. & àfes legitimes!
Heritiers & Succeffeurs , & de
nous acquiter de tous devoirs,fervice,
& obeiffance qui luyfont
deus , ainsi qu'il apartient à de
loyaux, foumis , & fidelles Sujets .
Ainfi Dieu nous aide. Par Acte
des Secretaires du Confeil. A
274 MERCURE
Milord Lansdovvn le
Chevalier Silvius , M Poley,
Skelton , Rich , & Etheridge,
que le Roy Charles II. avoit
nommez pour aller en qualité
d'Envoyez Extraordinai
res en Efpagne , en Danemark
, en Suéde , en Hollan
de , à Hambourg , & à Ratisbonne
, ont efté confirmez
dans leurs Emplois par Sa
Majeſté.
Apres plufieurs Affemblées
des Seigneurs du Confeil Privé
, touchant les préparatifs
du Couronnement du Roy,
il a eſté réſolu qu'il fe fera le
GALANT. 275
May , Feſte de S. Georges,.
felon l'ancien Calendrier. On
y obfervera toutes les Cere-:
monies de celuy du défunt
Roy , à la referve de celle de
créer des Chevaliers du Bain,
de faire la Cavalcade de Witheal
à Weſtminſter , & d'une
partie des Services qui fe faifoient
ordinairement au Cel
pas Royal , apres le Couron
nement. La Reyne fera cou
ronnée en mefme temps,
comme le füt Anne de Danemark
,avec lacques I. Ayeuls
de Sa Majefté. Le Duc d'Or
mond , Gouverneur General
276 MERCURE
d'Irlande , a ordre de venir à
la Cour L'Archevefque d'Armagh
, Primat d'Irlande , &
le Comte de Granard , doivent
gouverner le Royaume,
comme Lords -Juftices , Out
fuprêmes Magiftrats , ſuivant
une Commiffion qui leur a
efté crpadiée par re du
Roy , & dont ils ne feront
ouverture qu'apres le depart
du Duc d'Ormond. On a
expedié les Lettres circulaires
pour convoquer le Parlement
au 29. May prochain , &
on les a envoyées dans les
Provinces, afin que les Villes ,
GALANT. 277.
les Bourgs & les Communautez
élifent les Députez , qui
doivent entrer à la Chambre
des Communes. Le feu Roy
avoit convoqué le Parlement
d'Ecoffe , & il devoit s'affembler
à Edimbourg , mais l'au
torité des Lettres Patentes ne
fubfiftant plus , Sa Majeſté
qui devoit y préfider en qualité
de grand Commiffaire , a
ordonné qu'il s'affemblera en
la maniere accoûtumée le 9.
d'Avril , fans avoir encore
'nommé celuy qui exercera la
Commiflion . On publia la
Proclamation à Edimbourg
278 MERCURE
le zo. du dernier mois , Par
my les Adreffes que l'on continue
de prefenter au Roy au
nom des principales Villes,
celle de l'Univerfitéd'Oxford
eft fort remarquable. Cette
Adreffe porte que confor
mément à la Religion que
les Loix ont établie , & à la
doctrine que profeffe cette
Univerfité , elle fe croit indifpenfablement
obligée à une
fidelité inviolable envers le
Roy,fans aucune reſtriction ,
nylimitation ; que ceux de fon
Corps l'ont affez fait paroiftre
dans les troubles arrivez fous 1
GALANT. 279
le regne de Charles I. & dans
les derniers temps , demeurát
fermes dás l'obeiffance qu'ils
devoient au Roy Charles II.
qu'ils font dans les mefmes
fentimens de fidelité & de
refpect pour Sa Majesté à
preſent regnante , & qu'ils
font prefts de luy en donner
des marques en toutes fortes
d'occafions , en maintenant
cette mefme Doctrine , & en
l'enſeignant dans les Ecoles ,
pour affeurer la tranquilité
publique. Le Roy doit aller
demeurer dans quelque
temps au Palais de Sommer280
MERCURE
fet , & on le prépare pour fon
logement. Le Service de la
Chapelle Royale à Witheal,
fe fait tous les jours de la
mefme maniere qu'il le faifoit
du temps du feu Roy . Le 4
de ce mois , Sa Majeſté apres
avoir entendu la Prédication ,
affifta à la Meffe dans la Chapelle
de la Reyne , & y communia.
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Résumé : Suite curieuse des Affaires d'Angleterre, [titre d'après la table]
Le texte relate les événements entourant la maladie, la mort de Charles II et l'accession au trône de son frère Jacques II. Le 7 février, les médecins rassurent le duc d'York (futur Jacques II) sur l'état de santé du roi, mais Charles II est de nouveau victime de convulsions et perd progressivement la parole. Le roi exprime sa résignation et ses sentiments pieux, demande pardon à Dieu, à la reine et au duc d'York, et recommande l'obéissance à ce dernier. Charles II meurt le 16 février à onze heures trois quarts du matin. Jacques II, devenu roi, annonce la nouvelle avec dignité et fermeté. Les cérémonies de proclamation se déroulent rapidement et sans trouble, le peuple acclamant le nouveau roi. Jacques II déclare que les fonctionnaires conservent leurs charges jusqu'à nouvel ordre et exprime son intention de convoquer un Parlement pour établir des revenus suffisants. Le corps de Charles II est embaumé et enterré à l'abbaye de Westminster. Jacques II et la reine font des dévotions publiques, et le roi annonce sa profession de la religion catholique, appelant à la franchise et à la sincérité. Les cérémonies et proclamations suivant l'accession au trône de Jacques II en Angleterre et Jacques VII en Écosse sont marquées par des manifestations de joie extraordinaire dans toutes les villes, avec des salves d'artillerie, des feux de joie et des proclamations officielles. Les magistrats, vêtus de robes d'écarlate, proclament l'avènement du nouveau roi, suivi de décharges de canons et de salves des milices. Dans les villes maritimes, les vaisseaux tirent également des salves. À Cambridge, la proclamation est faite lors d'une procession académique, suivie d'un grand repas en l'honneur du roi et de la reine. Les principales villes et communautés présentent des adresses au roi, exprimant leur zèle et leur fidélité, et remerciant le roi pour son engagement à maintenir le gouvernement établi dans l'Église et l'État selon les lois du royaume. Les compagnies de commerce soumettent également des adresses, acceptant de payer les impôts sur les marchandises conformément à la déclaration publiée. En Écosse, la proclamation est faite après la réception des lettres du roi, confirmant la continuité des officiers d'État et des magistrats dans leurs fonctions jusqu'à nouvel ordre. Jacques II, devenu Jacques VII en Écosse, est proclamé roi d'Écosse, d'Angleterre et d'Irlande, avec des serments de fidélité prêtés par les sujets. Les préparatifs pour le couronnement sont planifiés pour le mois de mai, avec des cérémonies similaires à celles du règne précédent, à l'exception de certaines traditions comme la création des chevaliers du Bain. Le duc d'Ormond reçoit l'ordre de se rendre à la cour, et des lettres circulaires sont envoyées pour convoquer le Parlement. L'université d'Oxford présente également une adresse, affirmant sa fidélité au roi et son engagement à maintenir la doctrine religieuse établie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 86-93
Mort de Madame la Marquise de Robias, [titre d'après la table]
Début :
La pieté qui accompagne ordinairement les personnes de vostre sexe, [...]
Mots clefs :
Piété, Ordres de Dieu, Christianisme, Madame Dauphine de Sartre, Marquis de Robias, Décès, Fille, Connaissances, Morale, Estime, Éducation, Santé, Maux, Mariage, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mort de Madame la Marquise de Robias, [titre d'après la table]
La pieté qui accompagne
ordinairement les perſonnes
de voſtre ſexe , nous en fair
voir un grand nombre , qui
dans leurs derniers momens
ont une parfaite ſoumiffion
aux ordres de Dieu , & les
reçoivent avec une réſignation
veritablement Chreſtienne.
Telle a eſté Madame
Dauphine de Sartre , femme
GALANT. 87
de M' le Marquis de Robias
d'Eſtoublon , morte dans la
ville d'Arles le 17. du mois
paſſé. Elle eſtoit fille unique
de M' de Sartre Conſeiller en
la Cour des Aydes & Finances
de Montpellier , & de
Dame Brigide de Maſſauve ,
&n'avoit pas moins herité de
leurs vertus , 'que de leurs
grands biens. Elle estoit
doüée d'un eſprit ſi relevé
& fi propre aux connoiſſan.
ces ſublimes , qu'elle n'igno.
roit rien de tout ce qui peut
établir l'eſtime d'une perſonne
ſçavante. Elle ſçavoit juſ
1
88 MERCURE
qu'aux parties les plus diffi.
ciles des Mathematiques,
telles que l'Algebre , la Philofophie
ancienne & moderne
, & tout ce qu'il faut croire
de plus raiſonnable de l'une
& de l'autre. Elle s'eſtoit
même acquis les principes
de la Medecine ; mais quelque
avantage qu'elle receuſt
de ces differentes connoiſſances,
fon plus fort attachement
eſtoit la Morale , & fur tout ,
la Chreftienne qu'elle prenoit
pour regle de toutes ſes
actions. On a peu vû de femmes
avoir une intelligence &
GALANT. 89
une penetration plus rafinée,
une netteté d'eſprit & d'expreſſion
plus forte , foit à
écrire , ſoit à parler , ny un
talent plus fingulier à s'atti
rer également l'eſtime , l'admiration
& le reſpect de tous
ceux qui l'approchoient. EL
le avoit le jugement exquis ,
&l'on pouvoit s'en tenir à
ce qu'elle décidoit ſur toutes
fortes d'Ouvrages. On peut
juger de la force de ſon ge
nie & de ſa memoire , par
l'extrême facilité qu'elle avoir
à mettre fidellement ſur le
papier les Sermons les plus
Avril 1685. H
१० MERCURE
relevez qu'elle entendoit,
fans alterer ny le ſens ny les
paroles , ny obmettre quel
que texte que ce fuſt dans
ſa juſte citation . Elle ſçavoit
parfaitement la Muſique , &
compoſoit tres - facilement .
Sa methode à chanter eſtoit
admirable , auſſi - bien que
fon talent pour les Inſtru
mens , tels que le Claveſſin,
le Lut , & le Theorbe. Dans
le temps où la plus heureuſe
conſtitution ſembloit la flater
d'une longue vie , ſa ſanté fue
attaquée , & elle tomba in
ſenſiblement dans une mala
GALANT. 91
die , qui ayant duré fept ou
huit mois , luy a donné lieu
de faire admirer dans una
grandaccablement de maux,.
tous les ſentimens d'une Ame
heroïque & prédeſtinée.
L'extrême moderation avec
laquelle elle a fupporté se
coup, a fait d'autant plus pa--
roiſtre la fermeté de fon ame,,
qu'il ſembloit alors qu'elle ne
duſt ſonger qu'à la joye , à
cauſe du Mariage de M' le
Marquis d'Eſtoublon ſon fils,,
Gentilhomme aufli bien fait :
que ſpirituel , avec Mademoifelle:
Eugenie de Mire-
Hij
92 MERCURE
beau de Marſeille , dont le
merite répond à l'eſprit & à
la naiſſance. Lors qu'elle vit
qu'il n'y avoit plus aucune
eſperance de guériſon , elle
fit quantité de Legs pieux ,
&répandit ſes bienfaits juſque
fur le moindre de ſes Dometiques.
L'inclination particuliere
qu'elle avoit toûjours
euë pour les Carmelites , l'engagea
à leur laiſſer ſon Coeur
avec une ſomme tres confiderable,
pour eſtre employée
à la conſtruction de leur
Egliſe. Enfin eſtant preſte de
mourir , elle fit des remon
GALANT. 93
trances ſi Chreſtiennes , fi
fortes & fi touchantes au genéral
& au particulier de ſa
Famille , qu'on peut dire que
jamais perſonne n'a quitté le
Monde avec plus de fermeté
& de courage , ny donné de
plus apparens témoignages
du bonheur que Dieu préparoit
à ſa vertu. Toute la Ville
a pris part à l'affliction de M
le Marquis de Robias ſon
Mary. Il eſtd'un merite genéralement
reconnu , & Secretaire
pepetuel de l'Academie
Royale d'Arles .
ordinairement les perſonnes
de voſtre ſexe , nous en fair
voir un grand nombre , qui
dans leurs derniers momens
ont une parfaite ſoumiffion
aux ordres de Dieu , & les
reçoivent avec une réſignation
veritablement Chreſtienne.
Telle a eſté Madame
Dauphine de Sartre , femme
GALANT. 87
de M' le Marquis de Robias
d'Eſtoublon , morte dans la
ville d'Arles le 17. du mois
paſſé. Elle eſtoit fille unique
de M' de Sartre Conſeiller en
la Cour des Aydes & Finances
de Montpellier , & de
Dame Brigide de Maſſauve ,
&n'avoit pas moins herité de
leurs vertus , 'que de leurs
grands biens. Elle estoit
doüée d'un eſprit ſi relevé
& fi propre aux connoiſſan.
ces ſublimes , qu'elle n'igno.
roit rien de tout ce qui peut
établir l'eſtime d'une perſonne
ſçavante. Elle ſçavoit juſ
1
88 MERCURE
qu'aux parties les plus diffi.
ciles des Mathematiques,
telles que l'Algebre , la Philofophie
ancienne & moderne
, & tout ce qu'il faut croire
de plus raiſonnable de l'une
& de l'autre. Elle s'eſtoit
même acquis les principes
de la Medecine ; mais quelque
avantage qu'elle receuſt
de ces differentes connoiſſances,
fon plus fort attachement
eſtoit la Morale , & fur tout ,
la Chreftienne qu'elle prenoit
pour regle de toutes ſes
actions. On a peu vû de femmes
avoir une intelligence &
GALANT. 89
une penetration plus rafinée,
une netteté d'eſprit & d'expreſſion
plus forte , foit à
écrire , ſoit à parler , ny un
talent plus fingulier à s'atti
rer également l'eſtime , l'admiration
& le reſpect de tous
ceux qui l'approchoient. EL
le avoit le jugement exquis ,
&l'on pouvoit s'en tenir à
ce qu'elle décidoit ſur toutes
fortes d'Ouvrages. On peut
juger de la force de ſon ge
nie & de ſa memoire , par
l'extrême facilité qu'elle avoir
à mettre fidellement ſur le
papier les Sermons les plus
Avril 1685. H
१० MERCURE
relevez qu'elle entendoit,
fans alterer ny le ſens ny les
paroles , ny obmettre quel
que texte que ce fuſt dans
ſa juſte citation . Elle ſçavoit
parfaitement la Muſique , &
compoſoit tres - facilement .
Sa methode à chanter eſtoit
admirable , auſſi - bien que
fon talent pour les Inſtru
mens , tels que le Claveſſin,
le Lut , & le Theorbe. Dans
le temps où la plus heureuſe
conſtitution ſembloit la flater
d'une longue vie , ſa ſanté fue
attaquée , & elle tomba in
ſenſiblement dans une mala
GALANT. 91
die , qui ayant duré fept ou
huit mois , luy a donné lieu
de faire admirer dans una
grandaccablement de maux,.
tous les ſentimens d'une Ame
heroïque & prédeſtinée.
L'extrême moderation avec
laquelle elle a fupporté se
coup, a fait d'autant plus pa--
roiſtre la fermeté de fon ame,,
qu'il ſembloit alors qu'elle ne
duſt ſonger qu'à la joye , à
cauſe du Mariage de M' le
Marquis d'Eſtoublon ſon fils,,
Gentilhomme aufli bien fait :
que ſpirituel , avec Mademoifelle:
Eugenie de Mire-
Hij
92 MERCURE
beau de Marſeille , dont le
merite répond à l'eſprit & à
la naiſſance. Lors qu'elle vit
qu'il n'y avoit plus aucune
eſperance de guériſon , elle
fit quantité de Legs pieux ,
&répandit ſes bienfaits juſque
fur le moindre de ſes Dometiques.
L'inclination particuliere
qu'elle avoit toûjours
euë pour les Carmelites , l'engagea
à leur laiſſer ſon Coeur
avec une ſomme tres confiderable,
pour eſtre employée
à la conſtruction de leur
Egliſe. Enfin eſtant preſte de
mourir , elle fit des remon
GALANT. 93
trances ſi Chreſtiennes , fi
fortes & fi touchantes au genéral
& au particulier de ſa
Famille , qu'on peut dire que
jamais perſonne n'a quitté le
Monde avec plus de fermeté
& de courage , ny donné de
plus apparens témoignages
du bonheur que Dieu préparoit
à ſa vertu. Toute la Ville
a pris part à l'affliction de M
le Marquis de Robias ſon
Mary. Il eſtd'un merite genéralement
reconnu , & Secretaire
pepetuel de l'Academie
Royale d'Arles .
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Résumé : Mort de Madame la Marquise de Robias, [titre d'après la table]
Madame Dauphine de Sartre, épouse du Marquis de Robias d'Estoublon, est décédée à Arles le 17 du mois précédent. Fille unique de Monsieur de Sartre, conseiller à la Cour des Aydes et Finances de Montpellier, et de Dame Brigide de Massauve, elle avait hérité de leurs vertus et biens. Dotée d'un esprit élevé et d'une grande érudition, elle maîtrisait les mathématiques, l'algèbre, la philosophie et la médecine. Son attachement principal était la morale chrétienne, qu'elle suivait dans toutes ses actions. Connue pour son intelligence et son talent pour attirer l'estime et le respect, elle possédait une mémoire et un jugement exceptionnels, lui permettant de transcrire des sermons et de composer de la musique. Malgré une santé florissante, elle tomba gravement malade et supporta ses souffrances avec fermeté. Avant sa mort, elle fit plusieurs legs pieux et des bienfaits à ses domestiques, laissant son cœur aux Carmélites pour la construction de leur église. Elle quitta le monde avec courage, laissant une profonde affliction à sa famille et à la ville d'Arles. Son mari, le Marquis de Robias, est décrit comme un homme de mérite et secrétaire perpétuel de l'Académie Royale d'Arles.
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8
p. 280-282
Benéfices donnez par le Roy, [titre d'après la table]
Début :
Le Roy ne voulant s'occuper le jour de Pasques qu'à [...]
Mots clefs :
Religion, Abbayes, Abbé, Décès, Évêque, Diocèse, Démission, Bénéfices
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Benéfices donnez par le Roy, [titre d'après la table]
Le Roy ne voulant s'occuper
le jour de Paſques qu'à
des chofes qui regardent, la
Religion , donna pluſieurs
Abbayes . M l'Abbé de la
Chaftre,Neveu de Madame
la Mareſchale de Humieres,
fut nommé à celle de Saint
Sever , vacante par la mort de
M' l'Eveſque d'Aire . Cette
Abbaye eſt dans le meſme
Eveſché. L'Abbaye de Saint
Victor de Caux Diocéſe de
Roüen, fut donnée àM l'Abbé
de Beauvau , Fils de M' le
Marquis duRivau. Elle estoit
vacante par la démiſſionvo.
4
GALANT 281
lontaire de M'le Comte de
Clere,&M-l'Abbé de la Motte,
Chanoine , & Archidiacte
de l'Eglife de Paris,& frere de
Medela Motte Intendant des
Bâtimens de fa Majesté , cut
l'Abbaye de Maffay Dioceſe
de Bourges , vacante par la
mortdeM' l'Abbé Bourdelot.
Ce premier s'eftoit démis de
I'Abbaye de Vertus Diocéſe
deChalons en Champagne,
que Sa Majefté a donnée à
MF'Abbé de Lufancy , Do-
Steur de la Maiſon de Sorbonne,
& Frere de M de
Lifancy , qui a cité Capitai
Avril 168 Aa
•
28 MERCURE
ne aux Gardes. Quelques
jours auparavant Madame
de Vaudetar avoit efté pour
veue de l'Abbaye de Saint
Leger de Preaux , Ordre de
Saint Benoift , Diocéſe de Li
fieux , vacante par la démis
fion de Madame Olivier de
Neuville.
le jour de Paſques qu'à
des chofes qui regardent, la
Religion , donna pluſieurs
Abbayes . M l'Abbé de la
Chaftre,Neveu de Madame
la Mareſchale de Humieres,
fut nommé à celle de Saint
Sever , vacante par la mort de
M' l'Eveſque d'Aire . Cette
Abbaye eſt dans le meſme
Eveſché. L'Abbaye de Saint
Victor de Caux Diocéſe de
Roüen, fut donnée àM l'Abbé
de Beauvau , Fils de M' le
Marquis duRivau. Elle estoit
vacante par la démiſſionvo.
4
GALANT 281
lontaire de M'le Comte de
Clere,&M-l'Abbé de la Motte,
Chanoine , & Archidiacte
de l'Eglife de Paris,& frere de
Medela Motte Intendant des
Bâtimens de fa Majesté , cut
l'Abbaye de Maffay Dioceſe
de Bourges , vacante par la
mortdeM' l'Abbé Bourdelot.
Ce premier s'eftoit démis de
I'Abbaye de Vertus Diocéſe
deChalons en Champagne,
que Sa Majefté a donnée à
MF'Abbé de Lufancy , Do-
Steur de la Maiſon de Sorbonne,
& Frere de M de
Lifancy , qui a cité Capitai
Avril 168 Aa
•
28 MERCURE
ne aux Gardes. Quelques
jours auparavant Madame
de Vaudetar avoit efté pour
veue de l'Abbaye de Saint
Leger de Preaux , Ordre de
Saint Benoift , Diocéſe de Li
fieux , vacante par la démis
fion de Madame Olivier de
Neuville.
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9
p. 145-171
Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Début :
Comme les Ambassadeurs n'avoient pas encore eu Audience, ils [...]
Mots clefs :
Paris, France, Chine, Maladie du roi, Roi, Audience, Procession, Abbé de La Mothe, Office, Ambassadeurs, Entrer, Manger, Église, Parlement, Monde, Lettre, Femmes, Religion, Jardins, Père de La Chaise, Hôtel des ambassadeurs, Église de Notre-Dame de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Comme les Ambaſsadeurs
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
Fermer
Résumé : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, en attente de leur audience avec le roi de France, décidèrent de ne pas apparaître en public avant cette rencontre et demandèrent que personne ne les voie manger. Ils furent invités à assister à la procession annuelle de l'Assomption à Notre-Dame, où ils furent accueillis par l'abbé de la Mothe. La foule les obligea à se rendre directement à l'église. À l'intérieur, ils montrèrent un grand intérêt pour l'architecture de l'église, posant des questions sur sa hauteur et sa largeur et exprimant le désir d'obtenir un plan. Ils furent également impressionnés par la musique et l'orgue, posant des questions détaillées à l'abbé de la Mothe. Après l'office, ils observèrent attentivement les différences dans les habits des dignitaires et reçurent plusieurs d'entre eux avec honneur. Les ambassadeurs étaient très reconnaissants et curieux, posant des questions sur divers aspects de la religion et des cérémonies. Ils offrirent du bétel à l'abbé de la Mothe, expliquant ses bienfaits. Après la procession, ils s'agenouillèrent devant l'autel de la Vierge, déclarant qu'ils auraient aimé assister à d'autres offices. Ils employèrent quatre secrétaires pour noter toutes leurs observations. Le second ambassadeur, ayant été en mission en Chine, compara les deux pays, notant que la France semblait aussi peuplée que la Chine, bien qu'il n'ait pas vu de femmes en Chine. Il trouva les jardins français plus beaux que ceux de la Chine. Les ambassadeurs rencontrèrent plusieurs personnes distinguées et leur firent des marques d'affection, malgré leur résolution de ne pas manger en public avant l'audience royale. Ils étaient également intéressés par la composition des mets français et voulurent tout apprendre sur les arts et coutumes de France. Ils plantèrent même des arbres dans le jardin de leur hôtel pour ne rien oublier. Lorsqu'ils furent sur le point d'avoir audience, le roi tomba malade, et ils redoublèrent leurs instances pour ne voir personne, montrant un profond respect pour leur souverain. La lettre qu'ils devaient remettre au roi de France était placée dans trois boîtes emboîtées, la dernière en or, et était écrite sur une lame d'or. Ils faisaient des inclinations profondes chaque fois qu'ils passaient devant cette lettre. Malgré l'absence de talapoins en France, ils pratiquaient leur religion en se mettant à genoux et en touchant le sol avec leur tête. Ils méditaient sur les devoirs familiaux et amicaux, considérant la vertu comme la sainteté suprême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 171-225
Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Début :
Le Roy estant guery de la Fiévre-quarte, dont il [...]
Mots clefs :
Roi, Roi de Siam, Trône, Audience, Ambassadeur, Ambassadeurs, Gardes du corps, Prince, Galerie, Duc de La Feuillade, Dauphin, Gardes de la porte, Suisses, Bonnets, Fleurs, Inclinations, Religion, Parler, France, Officiers, Versailles, Gardes françaises, Louvre, Trompettes, Compliments, Cérémonies, Maison royale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Le Roy estant guery de
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Après sa guérison de la fièvre quarte, le roi de France annonça qu'il recevrait les ambassadeurs siamois le 1er septembre. Le maréchal Duc de la Feuillade, accompagné de M. de Bonneuil et M. Giraut, se rendit à leur hôtel pour les escorter. Durant le trajet vers Versailles, les ambassadeurs discutèrent de la religion des Siamois, soulignant que chaque religion peut sembler ridicule à ceux qui en ignorent les détails. À Versailles, les ambassadeurs furent accueillis par des gardes en uniforme et traversèrent plusieurs cours avant d'être conduits dans la salle de descente. Ils refusèrent de déjeuner mais se préparèrent en mettant leurs bonnets de dignité ornés de couronnes d'or et de rubis. Escortés par plusieurs dignitaires, ils furent conduits à l'escalier du roi. La lettre du roi de Siam, portée par douze Suisses, fut accompagnée de tambours et de trompettes. Les ambassadeurs traversèrent les cours remplies de monde, montèrent l'escalier au son des fanfares et firent des inclinations profondes en entrant dans la galerie. Le roi, vêtu d'un habit brodé de pierreries, était entouré de princes et de grands officiers. Après la harangue de l'ambassadeur, traduite par l'abbé de Lionne, le roi reçut la lettre debout et découvert. Il demanda des nouvelles du roi de Siam et de la reine, puis invita l'ambassadeur à faire des propositions. Les ambassadeurs se retirèrent en faisant des inclinations et en marchant à reculons jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus voir le roi. Les ambassadeurs exprimèrent leur admiration pour la beauté et la richesse des appartements royaux. Ils furent invités à un dîner somptueux, avec une table décorée de fleurs et de nombreux plats. Après le repas, ils rencontrèrent le Dauphin, qui répondit favorablement à leurs compliments. Ils rendirent également visite au duc de Bourgogne, au duc d'Anjou, et au duc de Berry, en leur adressant des compliments appropriés. Ils rencontrèrent également Monsieur et Madame, exprimant leur admiration pour leurs exploits et leur union avec le roi. Tout au long de leur visite, les ambassadeurs montrèrent une grande déférence et furent reçus avec des honneurs égaux pour toute la maison royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 21-28
Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Début :
Je viens à la suite du Journal. Les Ambassadeurs ayant [...]
Mots clefs :
Charles Colbert de Croissy, Conversation, Croissy, Ambassadeurs, Ministre, Majesté, Ambassadeur, Abbé de Lionne, Religion
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texteReconnaissance textuelle : Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Je viens à la fuire du Journal.
Les Ambaſſadeurs ayant
rendu viſite à Mede Croiſſy ,
Miniſtre & Secretaire d'Etat ,
dans ſon Hoſtel à Paris , ce
Miniſtre leur rendit cette
viſite le 24. Septembre , à
'Hoſtel des Ambaſladeurs
Extraordinaires , où ils font
A
togez . Si toſt qu'il fut entré
desAmb. de Siam . z
rs
er
dans la court , fix Mandarins
deſcendirent pour le receue
voir à la deſcente de ſon Caerroffe
, & les Ambaſſadeurs.
l'attendirent au haut du de-
& gré. Ils paſſerent enſuite dans.
bu la Chambre de parade , fous
le Dais de laquelle il y avoit
ur quatre Fauteüils préparez ;
ant ſçavoir un à la droite ,& les
Ty, trois autres vis à vis de ce
at, Fauteüil. M. de Croiſſy ſe
ce mit dans le premier , & les
ette Ambaſſadeurs ſe placerent
, dans les autres. Ce Miniftre
eus leur dit qu'il n'avoit pasen-
Con core eu le temps de s'acquiter de
La visite qui leur de voir qu'ik AAN
২
Biij
22
t
Suite duVoyage
mé
avoit rendu compte à Sa Majesté
de la Lettre que leRoyde Siam
luy avoit fait l'honneur de luy
écrire , & qu'il l'avoit trouvée
diſpoſee à entretenir l'alliance qui
eſtoit entre les deux Rois ,
me à la fortifier ; que SaMajeſté
avoit souvent ouy parler de
leur esprit , &qu'elle avoit reconnu
qu'ils en avoient beaucoup
parles choses qu'on luy avoit rapportées
cequi luy avoitfaitplaifir;
qu'au refte. Elle estoit tres-
Satisfaite de leur conduitte ,puis
qu'ils n'avoient fait aucune dé
marche depuis qu'ils estoient en
France, qui ne luy eust esté agréa
ble. L'Ambaſſadeur répondit
des Amb. de Siam.
23
favec la maniere honneſte &
am fpirituelle , qui luy a attiré
( Teſtime de tous ceux qui ont
cudes affaires avec luy , ou
qu occaſion de luy parler. Il remt
mercia M² deCroiſſy de ce
daje qu'il avoit dit au Roy , &
marqua une ſenſible joye de
t ce qu'on étoit content d'eux.
400 L dit , Que tout ce qu'il avoient
rap fait , n'estoit que pourse conformer
plat aux ordres du Royleur Maistre
trer qu'ils avoient táché deſuivre en
plus exactement qu'il leur
Jede avoit esté poſſible ; qu'il les avoirs
mt a fur tout chargez de se gouverner
de maniere, qu'il puiffent estre a
و ر
grew
pi tout le
Sindi gréables au Roy , qu'ils y met24
Suite du Voyage
toient toute leur application, qu'ils
voudroient avoir le bonheur de
plaire jusqu'au moindre François,
&qu'ils s'y attacheroient avec
tant de ſoin fi les Coutumes de
France leur estoient mieux connuës
, qu'ils se tiendroient feur
d'y réüffir. Mr de Croiſſy leur
dit enſuite , Que le plusgrand
plaisir que le Roy de Siam pust
faire à Sa Majesté , es la plus
grande marque d'amitié qu'ilpuſt
luy donner , c'estoit nonſeulement
de proteger les Miſſionaires François
qui estoient enſes Estats,mais
auſſi les siamois qui se feroient
Catholiques. L'Ambaſſadeur
répondit , Que leRoyfonMai-
Stre
des Amb. de Siam,
25
-d
stre avoit déja fait tout ce que le
da Roy Souhaitoit de luy là-deſſus ;
ith & il en prit à témoin M'l'Abbé
de Lionne , qui ſervoit
d'Interprete en cette Converſation.
Il ajoûta , Qu'il ne
fem doutoit point que l'amitié des deux
cut Rois eftant augmentée par toutes
and les preuves que ces deux Souvepu
rains s'estoient données d'uneforte
pla &fincere eftime , elle nefist augmenter
auffi la protection que le
met Roy fon Maistre donnoit aux
rah Mißionnaires & aux Catholimai
ques qui estoient dans ſes Estats.
with Cette Converfation , qui fue
Hew publique , attira des applaus
Mar diffemens de tous ceux qui
C
26 Snite du Voyage
l'entendirent , & chacun ſe
récria ſur le diſcours que fit
Mr de Croiſſy en faveurde la
Religion. Mais ce Miniſtre
ayant là - deffus l'efprit du
Roy , dont il ſeconde les intontions
en toutes chofes ,
eſtoit animé d'un zele trop
fincere & trop ardent pour
oublier rien de ce qu'on pouvoit
attendre de luy. Il finit
endiſant aux Ambaffadeurs,
Que ce jour- là eftant un jour de
divertißement pour eux, puis qu'il
devoient aller à l'Opera , il ne
vouloit pas pouffer plus loin la
Conversation , de crainte de reculer
leurs plaisirs. Ils l'accompades
Amb. de Siam.
27
gnerent juſqu'au bas du degré
avec tous les Mandarins
de leur fuire.
Les Ambaſſadeurs ayant
rendu viſite à Mede Croiſſy ,
Miniſtre & Secretaire d'Etat ,
dans ſon Hoſtel à Paris , ce
Miniſtre leur rendit cette
viſite le 24. Septembre , à
'Hoſtel des Ambaſladeurs
Extraordinaires , où ils font
A
togez . Si toſt qu'il fut entré
desAmb. de Siam . z
rs
er
dans la court , fix Mandarins
deſcendirent pour le receue
voir à la deſcente de ſon Caerroffe
, & les Ambaſſadeurs.
l'attendirent au haut du de-
& gré. Ils paſſerent enſuite dans.
bu la Chambre de parade , fous
le Dais de laquelle il y avoit
ur quatre Fauteüils préparez ;
ant ſçavoir un à la droite ,& les
Ty, trois autres vis à vis de ce
at, Fauteüil. M. de Croiſſy ſe
ce mit dans le premier , & les
ette Ambaſſadeurs ſe placerent
, dans les autres. Ce Miniftre
eus leur dit qu'il n'avoit pasen-
Con core eu le temps de s'acquiter de
La visite qui leur de voir qu'ik AAN
২
Biij
22
t
Suite duVoyage
mé
avoit rendu compte à Sa Majesté
de la Lettre que leRoyde Siam
luy avoit fait l'honneur de luy
écrire , & qu'il l'avoit trouvée
diſpoſee à entretenir l'alliance qui
eſtoit entre les deux Rois ,
me à la fortifier ; que SaMajeſté
avoit souvent ouy parler de
leur esprit , &qu'elle avoit reconnu
qu'ils en avoient beaucoup
parles choses qu'on luy avoit rapportées
cequi luy avoitfaitplaifir;
qu'au refte. Elle estoit tres-
Satisfaite de leur conduitte ,puis
qu'ils n'avoient fait aucune dé
marche depuis qu'ils estoient en
France, qui ne luy eust esté agréa
ble. L'Ambaſſadeur répondit
des Amb. de Siam.
23
favec la maniere honneſte &
am fpirituelle , qui luy a attiré
( Teſtime de tous ceux qui ont
cudes affaires avec luy , ou
qu occaſion de luy parler. Il remt
mercia M² deCroiſſy de ce
daje qu'il avoit dit au Roy , &
marqua une ſenſible joye de
t ce qu'on étoit content d'eux.
400 L dit , Que tout ce qu'il avoient
rap fait , n'estoit que pourse conformer
plat aux ordres du Royleur Maistre
trer qu'ils avoient táché deſuivre en
plus exactement qu'il leur
Jede avoit esté poſſible ; qu'il les avoirs
mt a fur tout chargez de se gouverner
de maniere, qu'il puiffent estre a
و ر
grew
pi tout le
Sindi gréables au Roy , qu'ils y met24
Suite du Voyage
toient toute leur application, qu'ils
voudroient avoir le bonheur de
plaire jusqu'au moindre François,
&qu'ils s'y attacheroient avec
tant de ſoin fi les Coutumes de
France leur estoient mieux connuës
, qu'ils se tiendroient feur
d'y réüffir. Mr de Croiſſy leur
dit enſuite , Que le plusgrand
plaisir que le Roy de Siam pust
faire à Sa Majesté , es la plus
grande marque d'amitié qu'ilpuſt
luy donner , c'estoit nonſeulement
de proteger les Miſſionaires François
qui estoient enſes Estats,mais
auſſi les siamois qui se feroient
Catholiques. L'Ambaſſadeur
répondit , Que leRoyfonMai-
Stre
des Amb. de Siam,
25
-d
stre avoit déja fait tout ce que le
da Roy Souhaitoit de luy là-deſſus ;
ith & il en prit à témoin M'l'Abbé
de Lionne , qui ſervoit
d'Interprete en cette Converſation.
Il ajoûta , Qu'il ne
fem doutoit point que l'amitié des deux
cut Rois eftant augmentée par toutes
and les preuves que ces deux Souvepu
rains s'estoient données d'uneforte
pla &fincere eftime , elle nefist augmenter
auffi la protection que le
met Roy fon Maistre donnoit aux
rah Mißionnaires & aux Catholimai
ques qui estoient dans ſes Estats.
with Cette Converfation , qui fue
Hew publique , attira des applaus
Mar diffemens de tous ceux qui
C
26 Snite du Voyage
l'entendirent , & chacun ſe
récria ſur le diſcours que fit
Mr de Croiſſy en faveurde la
Religion. Mais ce Miniſtre
ayant là - deffus l'efprit du
Roy , dont il ſeconde les intontions
en toutes chofes ,
eſtoit animé d'un zele trop
fincere & trop ardent pour
oublier rien de ce qu'on pouvoit
attendre de luy. Il finit
endiſant aux Ambaffadeurs,
Que ce jour- là eftant un jour de
divertißement pour eux, puis qu'il
devoient aller à l'Opera , il ne
vouloit pas pouffer plus loin la
Conversation , de crainte de reculer
leurs plaisirs. Ils l'accompades
Amb. de Siam.
27
gnerent juſqu'au bas du degré
avec tous les Mandarins
de leur fuire.
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Résumé : Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Le texte décrit une visite diplomatique entre les ambassadeurs de Siam et M. de Croissy, Ministre et Secrétaire d'État, à Paris. Le 24 septembre, M. de Croissy se rendit à l'hôtel des ambassadeurs. À son arrivée, des mandarins descendirent pour l'accueillir, et les ambassadeurs l'attendirent en haut des marches. Ils se dirigèrent ensuite vers la chambre de parade, où quatre fauteuils étaient préparés. M. de Croissy s'assit dans le premier fauteuil, et les ambassadeurs se placèrent dans les autres. M. de Croissy expliqua qu'il n'avait pas encore eu le temps de rendre compte au roi de France de la lettre du roi de Siam, mais que Sa Majesté était disposée à entretenir et renforcer l'alliance entre les deux royaumes. Il exprima également sa satisfaction quant à la conduite des ambassadeurs depuis leur arrivée en France. L'ambassadeur de Siam répondit avec honneur et esprit, remerciant M. de Croissy et exprimant sa joie de voir que leur conduite était appréciée. Il souligna que leurs actions étaient conformes aux ordres du roi de Siam et qu'ils cherchaient à plaire au roi de France et à tous les Français. M. de Croissy mentionna que la plus grande marque d'amitié que le roi de Siam pouvait offrir au roi de France était de protéger les missionnaires français et les Siamois catholiques dans ses États. L'ambassadeur de Siam assura que le roi de Siam avait déjà pris des mesures en ce sens et que l'amitié entre les deux rois se renforcerait par la protection des missionnaires et des catholiques. La conversation, qui fut publique, reçut des applaudissements pour le discours de M. de Croissy en faveur de la religion. Ce dernier conclut en souhaitant aux ambassadeurs de profiter de leur journée de divertissement à l'opéra, mettant ainsi fin à la conversation.
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12
p. 219-227
Ce qui se passa le jour même en Sorbonne à l'égard des Ambassadeurs, tout ce qu'ils y ont vû, & ce qu'ils ont dit. [titre d'après la table]
Début :
Le jour que cette These fut soûtenuë en Sorbonne, les [...]
Mots clefs :
Sorbonne, Siam, Religion chrétienne, Docteurs, Siamois, Religion, Reconnaissance, Église, Salle
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texteReconnaissance textuelle : Ce qui se passa le jour même en Sorbonne à l'égard des Ambassadeurs, tout ce qu'ils y ont vû, & ce qu'ils ont dit. [titre d'après la table]
Le jour que cette Theſe fut
foûtenuë en Sorbonne , les
Ambaſſadeurs y allerent, tant
par cette raifon que pour voir
un lieu ſi renommé par toute
la terre. Ils y arriverent fur
Tij
220 IV. P. du Voyage
les deux heures aprés midy,
&furent receus en deſcendant
de Carroſſe par des anciens
Docteurs de la maifon
qui lesconduiſirent dans une
chambre contiguë à la Sale
où le Siamois devoit foûtenir.
Le plus ancien des Docteurs
leur fit compliment , & leur
marqua que la Sorbonne fe
croyoit obligée de remercier le
Roy de Siam en leurs perſonnes,
de la protection qu'il a la bonté
de donner en ſon Royaume à
quelques Docteurs du College de
Sorbonne ,& à quelques Miffionnaires
qui estoientpartis d'Eu
des Amb. de Siam, 221
rope pour aller aux Indes , à
deffein d'y annoncer la Religion
Chrétienne. Il ajoûta qu'il prioit
leurs Excellences , d'avoir la bontéde
témoigner au Roy de Siam
la reconnoiſſance qu'auroit toujours
la Sorbonne de la bien-veillance
, qu'iltémoignoit à ces Do-
Eteurs Miſſionnaires. L'Ambaffadeur
répondit , que leRoy
leur Maître continuëroit de permettre
à chacun le libre Exercice
de la Religion qu'il profeffoit
& principalement de la
Religion Chrétienne ; qu'il permettroitqu'elle
fût annoncée àfes
Sujets ,&qu'ils enfiffent même
Tij
222 IV. P. du Voyage
profeffion ; qu'il eſtimoit particu
lierement les Miſſionnaires , &
les appuyoit de ſon authorité
Royale dans leurs fonctions Apoftoliques,
&qu'ils ne manque
roient pas à leur retour de luy témoigner
la reconnoiſſance, que la
Sorbonne en avoit , & les remerciemens
qu'elle luy en fai
foit. On les conduiſit enfuire
à l'Eglife. Ils en examinerent
l'Architecture qu'ils trouverent
belle , & les Autels magnifiques
. Ils admirerent en
fortant le veſtibule qui regarde
fur la court , & la belle
fimetrie de tout le bâtiment.
des Amb. de Siam. 22.3
Apres cela on les fit monter
à la Bibliotheque ; ils furent
d'abord furprisàla veuë d'un
fi grand vaiſſeau , & fi élevé ,
& remply juſques au haut
d'une fi grande quantité de
Livres , imprimez ou manufcrits
. Me le Bibliothequaire
fit voir à l'Ambaſſadeur un
Tite-live manufcrit , remply
de tres -belles mignatures, qui
reprefentent les Sieges & les
Combats des Romains. L'Ambaffideur
le feuillera , & le
onfidera avec plaisir ,&pen
dant ce remps , le Bibliothequaire
prefenta aux deux au
Tiny
224 IV.P.duVoyage
dit , un Altres
, & particulierement au
ſecond Ambaffadeur qui a
beaucoup voyagé , ainſi que
je vous l'ay déja dit
coran bien écrit en Arabe fur
du papier de la Chine. Ils s'arrêterent
beaucoup à quelques
Livres Modernes qui reprefentoient
les Triomphes de
Sa Majefté. L'Ambaſſadeur
conſidera auſſi quelquesGlobes
; il marqua du doigt fur
celuyde la terre le chemin de
Siam,& nomma les Illes qui
en ſont les plus proches. IP
parcourut enfuire le Globe
Celeſte, noma pluſieurs Etoi
des Amb. de Siam. 225
les en fa langue , & fit paroître
qu'il les connoiffoit , &
leur ſituation. Apres avoir
parcouru la Bibliotheque , ils
defcendirent dans la Sale où
ſe devoit faire l' Acte , & avant
que de s'affcoir , ils ſaluerent
le Portrait du Roy qui estoit
poſé fous un dais ; ils ſaluerent
enfuite le Prefident , &
laCompagnie ,&ne fortirent
qu'à la fin de l'Acte du Siamois
qui fut loïé par le Prefident
de l'Acte , & fort exhorté
à continuer ſes études..
Ce Preſident infera dans fon
diſcours les Loüanges desAm
226 IV . P. du Voyage
baffadeurs qui eſtant ſurpris
du bruit que firent les applau
diſſemens que le Siamois receur
, demanderent fi l'on
n'étoit pas content. On leur
expliqua ce que c'eſtoit que
Ies bâtemens de mains qu'ils
entendoient , & ils furent ravis
de voir qu'un Homme de
leur Nation euſt paru dans
une fi belle Aſſemblée , &
dans un Corps auſſi ſçavane
que celuy de Sorbonne. Ils
furent reconduits par quelques
Docteurs juſqu'à leur
Carroffe , & ils les remercierent
de leur bonne reception,
des Amb. de Siam. 227
& de l'honneur qu'on leur
avoit fair.
foûtenuë en Sorbonne , les
Ambaſſadeurs y allerent, tant
par cette raifon que pour voir
un lieu ſi renommé par toute
la terre. Ils y arriverent fur
Tij
220 IV. P. du Voyage
les deux heures aprés midy,
&furent receus en deſcendant
de Carroſſe par des anciens
Docteurs de la maifon
qui lesconduiſirent dans une
chambre contiguë à la Sale
où le Siamois devoit foûtenir.
Le plus ancien des Docteurs
leur fit compliment , & leur
marqua que la Sorbonne fe
croyoit obligée de remercier le
Roy de Siam en leurs perſonnes,
de la protection qu'il a la bonté
de donner en ſon Royaume à
quelques Docteurs du College de
Sorbonne ,& à quelques Miffionnaires
qui estoientpartis d'Eu
des Amb. de Siam, 221
rope pour aller aux Indes , à
deffein d'y annoncer la Religion
Chrétienne. Il ajoûta qu'il prioit
leurs Excellences , d'avoir la bontéde
témoigner au Roy de Siam
la reconnoiſſance qu'auroit toujours
la Sorbonne de la bien-veillance
, qu'iltémoignoit à ces Do-
Eteurs Miſſionnaires. L'Ambaffadeur
répondit , que leRoy
leur Maître continuëroit de permettre
à chacun le libre Exercice
de la Religion qu'il profeffoit
& principalement de la
Religion Chrétienne ; qu'il permettroitqu'elle
fût annoncée àfes
Sujets ,&qu'ils enfiffent même
Tij
222 IV. P. du Voyage
profeffion ; qu'il eſtimoit particu
lierement les Miſſionnaires , &
les appuyoit de ſon authorité
Royale dans leurs fonctions Apoftoliques,
&qu'ils ne manque
roient pas à leur retour de luy témoigner
la reconnoiſſance, que la
Sorbonne en avoit , & les remerciemens
qu'elle luy en fai
foit. On les conduiſit enfuire
à l'Eglife. Ils en examinerent
l'Architecture qu'ils trouverent
belle , & les Autels magnifiques
. Ils admirerent en
fortant le veſtibule qui regarde
fur la court , & la belle
fimetrie de tout le bâtiment.
des Amb. de Siam. 22.3
Apres cela on les fit monter
à la Bibliotheque ; ils furent
d'abord furprisàla veuë d'un
fi grand vaiſſeau , & fi élevé ,
& remply juſques au haut
d'une fi grande quantité de
Livres , imprimez ou manufcrits
. Me le Bibliothequaire
fit voir à l'Ambaſſadeur un
Tite-live manufcrit , remply
de tres -belles mignatures, qui
reprefentent les Sieges & les
Combats des Romains. L'Ambaffideur
le feuillera , & le
onfidera avec plaisir ,&pen
dant ce remps , le Bibliothequaire
prefenta aux deux au
Tiny
224 IV.P.duVoyage
dit , un Altres
, & particulierement au
ſecond Ambaffadeur qui a
beaucoup voyagé , ainſi que
je vous l'ay déja dit
coran bien écrit en Arabe fur
du papier de la Chine. Ils s'arrêterent
beaucoup à quelques
Livres Modernes qui reprefentoient
les Triomphes de
Sa Majefté. L'Ambaſſadeur
conſidera auſſi quelquesGlobes
; il marqua du doigt fur
celuyde la terre le chemin de
Siam,& nomma les Illes qui
en ſont les plus proches. IP
parcourut enfuire le Globe
Celeſte, noma pluſieurs Etoi
des Amb. de Siam. 225
les en fa langue , & fit paroître
qu'il les connoiffoit , &
leur ſituation. Apres avoir
parcouru la Bibliotheque , ils
defcendirent dans la Sale où
ſe devoit faire l' Acte , & avant
que de s'affcoir , ils ſaluerent
le Portrait du Roy qui estoit
poſé fous un dais ; ils ſaluerent
enfuite le Prefident , &
laCompagnie ,&ne fortirent
qu'à la fin de l'Acte du Siamois
qui fut loïé par le Prefident
de l'Acte , & fort exhorté
à continuer ſes études..
Ce Preſident infera dans fon
diſcours les Loüanges desAm
226 IV . P. du Voyage
baffadeurs qui eſtant ſurpris
du bruit que firent les applau
diſſemens que le Siamois receur
, demanderent fi l'on
n'étoit pas content. On leur
expliqua ce que c'eſtoit que
Ies bâtemens de mains qu'ils
entendoient , & ils furent ravis
de voir qu'un Homme de
leur Nation euſt paru dans
une fi belle Aſſemblée , &
dans un Corps auſſi ſçavane
que celuy de Sorbonne. Ils
furent reconduits par quelques
Docteurs juſqu'à leur
Carroffe , & ils les remercierent
de leur bonne reception,
des Amb. de Siam. 227
& de l'honneur qu'on leur
avoit fair.
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Résumé : Ce qui se passa le jour même en Sorbonne à l'égard des Ambassadeurs, tout ce qu'ils y ont vû, & ce qu'ils ont dit. [titre d'après la table]
Le jour de la soutenance de thèse à la Sorbonne, les ambassadeurs siamois assistèrent à l'événement et découvrirent ce lieu prestigieux. Arrivés deux heures après midi, ils furent accueillis par des docteurs anciens de la Sorbonne, qui les menèrent dans une chambre adjacente à la salle de soutenance. Le doyen remercia le roi de Siam pour la protection accordée aux docteurs et missionnaires du Collège de Sorbonne aux Indes, et exprima la reconnaissance de la Sorbonne pour la bienveillance royale envers ces missionnaires. L'ambassadeur répondit que le roi de Siam continuerait de permettre le libre exercice de toutes les religions, y compris la religion chrétienne, et soutiendrait les missionnaires. Les ambassadeurs visitèrent ensuite l'église et la bibliothèque, admirant l'architecture, les livres, et divers ouvrages, dont un manuscrit de Tite-Live et des livres modernes représentant les triomphes du roi de France. Ils examinèrent également des globes terrestres et célestes, et l'ambassadeur montra ses connaissances en astronomie. Après la visite, ils assistèrent à la soutenance, saluèrent le portrait du roi, le président et la compagnie, puis quittèrent la salle. Le président loua leur intérêt et admiration. Les docteurs reconduisirent les ambassadeurs à leur carrosse, qui les remercièrent pour l'accueil et l'honneur reçu.
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13
p. 1-10
Prelude. [titre d'après la table]
Début :
Toutes les choses qui éclatent aujourd'hui le plus dans le [...]
Mots clefs :
Roi, Siamois, Religion, Monde, Progrès, Siam, Ambassadeurs, Ecclésiastique, Convertir
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texteReconnaissance textuelle : Prelude. [titre d'après la table]
T1OUTES les choses
quiéclatentaujourd'huy..
leAplu.s-dans- e monde, & qui ne feront
pasmoinsl'étonnement des
Siecles àvenir,qu'elles font
~'admiration de celuy-cy -,
onteu un commenceme
& un progrés, avant q d'ateindre à un certain~po
de perfection
,
auquel
n'est presque plus possil
derienajoûter, quoy qu'
travaille toûjours à en ~che
cherles moyens. Le mode
de ces grands Vaisseaux
~qu
on voitvoguer sur les Me
fut pris d'abord de deux
; cloüez ensemble, & c'est
qui a servy de commenc
ment auxFlotes quiseroie
aujourd'huy capables
tmroanndseptoorutetrdcaenqsuuecnonatiuet
eluy-cy, supposé qu'on le
oulustaller habiter LaPeinure
a commencé par les conours
qu'on prenoit de l'omre
que formoit la figure d'uf
personne sur la terre,ou
ontre une muraille Les Sçaans
ont appris à connoistre
~es lettres de l'Alphabeth,
vant que de penetrer la
rofondeur des Sciences,
: les plus grands Pecheurs,
: ceux mesme qui n'ont
pnnu le vrayDieu que long-
~emps aprés qu'ils sont venus
,1 monde, l'ont preschéaux
dolâtres, & leur ont fait
part des lumieres de la Foy.
Quand on a portéceslumieres
chez les Nations qui n'cstoient
point éclairées, ~on
y a fait d'abord si peu ~do
progrés, qu'il sembloit quo
l'ardeur des plus zclcz ~pou
le salut de ces Peuples, de
voit demeurer infructueux
Cependant le temps qui M
mene tout, pourveu ~qu'on
ait la constance de ne Il
point relâcher, a fait ~con
vertir des Villes & des Pra
vinces entieres. C'est, Ma
dame, ce qui nous doit fai
re esperer des fruits beau
~pup plus considerables, des
randes choses que le Roy a
~ites,& qu'il execute encore
~pus les jours, afin que les
~rogrés de la Mission de
~lams'augmententOn ne
~oit plus que Temples élevez
la gloire duvrayDieu,dans
: Pays, où l'Idolâtrie re-
~noit seule avant quelesMisonnaires
y eussent esté re-
~eus ; & ce qui marque le
~ien que le Roy fait à la Region
Chrestienne,en soûte-
~ant cette Mission,c'est que
~e puissantEstat setrouvant
~emplyde peuples d'un tresgrand
nombre de Nations
differentes
,
la Religion y
fait tous les jours d'autant
plus de fruit, que
ceux qui seconvertissent
annoncent eusuite l'Evangile
dans les lieux de ~leu
naissance. Les Siamois ~me
mes qui embrassent la Religion
Catholique, font ~do
grands progrés sur ceux ~de 1leur Nation, & l'Ecclesiastique
de Siam dont je vous a
déja parlé plusieurs fois,& su
tout lors qu'ilsoûtint ei
Sorbonne, estant
demeur
à Paris dans le Seminai
re des Missionsétrangeres,
a instruit à la Foy Catholique
deux Siamois, qui avoient
esté amenez en France
par les Mandarins qui y
vinrent en l'an 1685 &: huit
lutres que les Ambassadeurs
qui viennent de s'en rerourner
, y ont laissez pour se
~perfectionner dans les Arts,
que le Roy de Siam a luge
qui luy pourroient estre les
plusutiles. Le mesme Ecclesiastique
a encoreinstruit
an Siamois qui apprend la
conduite des EauxàVersail-
~cs, & îls ont tous receu le
Baptesme. Il y a sujet de croire
qu'ayant esté convertis par
unEcclesiastique de leur Nation,
lors qu'ils seront retournez
en leur Pays,ils y répandrontles
lumieres qu'ils ont
receuës, à l'imitation deceluy
dont ils les tiennent. Ce
qu'il y a de remarquable, ôc;
qui doit faire esperer beaucoup
pour l'avancement de
laReligion chrestienne,c'est
que les Ambassadeurs de
Siam
, avant que de quiter;
la France,ont permis aux
Siamois qu'ils yontlaissez,de
fc faire baptiser
, en casqu'ils
1
s'y sentissent portez. Il ne
faut point de raisonnement
pour faire connoistre que la
consideration qu'ils ont pour
le Roy, les a obligez à leur
donner ce contentement.
Ainsî j'ay eu raison de vous
dire que la Religion devra
beaucoup à ce Prince, & de
croire que puis qu'il s'attache
à tout cequi la peut augmen
ter dans toutes les parties
du monde, ces heureuxcommencemens
ne peuvent avoir
que de grandes suites,
& seront semblables à ce que
je vousaymarquéquiavoit Je VOl1~ ay nlarque qtll aVOlt
receu de si grands accroissemens.
Onpourroit mesme
se promettre davantage, &
en moins de temps puisqu'on
n'a point encore veude
lenteur en aucune chose que
le Roy ait entreprise, & que
recoudre,exécuter & reüssir,
sont presque la mesme chose
encegran,d /Monarque.
quiéclatentaujourd'huy..
leAplu.s-dans- e monde, & qui ne feront
pasmoinsl'étonnement des
Siecles àvenir,qu'elles font
~'admiration de celuy-cy -,
onteu un commenceme
& un progrés, avant q d'ateindre à un certain~po
de perfection
,
auquel
n'est presque plus possil
derienajoûter, quoy qu'
travaille toûjours à en ~che
cherles moyens. Le mode
de ces grands Vaisseaux
~qu
on voitvoguer sur les Me
fut pris d'abord de deux
; cloüez ensemble, & c'est
qui a servy de commenc
ment auxFlotes quiseroie
aujourd'huy capables
tmroanndseptoorutetrdcaenqsuuecnonatiuet
eluy-cy, supposé qu'on le
oulustaller habiter LaPeinure
a commencé par les conours
qu'on prenoit de l'omre
que formoit la figure d'uf
personne sur la terre,ou
ontre une muraille Les Sçaans
ont appris à connoistre
~es lettres de l'Alphabeth,
vant que de penetrer la
rofondeur des Sciences,
: les plus grands Pecheurs,
: ceux mesme qui n'ont
pnnu le vrayDieu que long-
~emps aprés qu'ils sont venus
,1 monde, l'ont preschéaux
dolâtres, & leur ont fait
part des lumieres de la Foy.
Quand on a portéceslumieres
chez les Nations qui n'cstoient
point éclairées, ~on
y a fait d'abord si peu ~do
progrés, qu'il sembloit quo
l'ardeur des plus zclcz ~pou
le salut de ces Peuples, de
voit demeurer infructueux
Cependant le temps qui M
mene tout, pourveu ~qu'on
ait la constance de ne Il
point relâcher, a fait ~con
vertir des Villes & des Pra
vinces entieres. C'est, Ma
dame, ce qui nous doit fai
re esperer des fruits beau
~pup plus considerables, des
randes choses que le Roy a
~ites,& qu'il execute encore
~pus les jours, afin que les
~rogrés de la Mission de
~lams'augmententOn ne
~oit plus que Temples élevez
la gloire duvrayDieu,dans
: Pays, où l'Idolâtrie re-
~noit seule avant quelesMisonnaires
y eussent esté re-
~eus ; & ce qui marque le
~ien que le Roy fait à la Region
Chrestienne,en soûte-
~ant cette Mission,c'est que
~e puissantEstat setrouvant
~emplyde peuples d'un tresgrand
nombre de Nations
differentes
,
la Religion y
fait tous les jours d'autant
plus de fruit, que
ceux qui seconvertissent
annoncent eusuite l'Evangile
dans les lieux de ~leu
naissance. Les Siamois ~me
mes qui embrassent la Religion
Catholique, font ~do
grands progrés sur ceux ~de 1leur Nation, & l'Ecclesiastique
de Siam dont je vous a
déja parlé plusieurs fois,& su
tout lors qu'ilsoûtint ei
Sorbonne, estant
demeur
à Paris dans le Seminai
re des Missionsétrangeres,
a instruit à la Foy Catholique
deux Siamois, qui avoient
esté amenez en France
par les Mandarins qui y
vinrent en l'an 1685 &: huit
lutres que les Ambassadeurs
qui viennent de s'en rerourner
, y ont laissez pour se
~perfectionner dans les Arts,
que le Roy de Siam a luge
qui luy pourroient estre les
plusutiles. Le mesme Ecclesiastique
a encoreinstruit
an Siamois qui apprend la
conduite des EauxàVersail-
~cs, & îls ont tous receu le
Baptesme. Il y a sujet de croire
qu'ayant esté convertis par
unEcclesiastique de leur Nation,
lors qu'ils seront retournez
en leur Pays,ils y répandrontles
lumieres qu'ils ont
receuës, à l'imitation deceluy
dont ils les tiennent. Ce
qu'il y a de remarquable, ôc;
qui doit faire esperer beaucoup
pour l'avancement de
laReligion chrestienne,c'est
que les Ambassadeurs de
Siam
, avant que de quiter;
la France,ont permis aux
Siamois qu'ils yontlaissez,de
fc faire baptiser
, en casqu'ils
1
s'y sentissent portez. Il ne
faut point de raisonnement
pour faire connoistre que la
consideration qu'ils ont pour
le Roy, les a obligez à leur
donner ce contentement.
Ainsî j'ay eu raison de vous
dire que la Religion devra
beaucoup à ce Prince, & de
croire que puis qu'il s'attache
à tout cequi la peut augmen
ter dans toutes les parties
du monde, ces heureuxcommencemens
ne peuvent avoir
que de grandes suites,
& seront semblables à ce que
je vousaymarquéquiavoit Je VOl1~ ay nlarque qtll aVOlt
receu de si grands accroissemens.
Onpourroit mesme
se promettre davantage, &
en moins de temps puisqu'on
n'a point encore veude
lenteur en aucune chose que
le Roy ait entreprise, & que
recoudre,exécuter & reüssir,
sont presque la mesme chose
encegran,d /Monarque.
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Résumé : Prelude. [titre d'après la table]
Le texte décrit l'évolution progressive de diverses réalisations humaines, telles que la construction de vaisseaux, la peinture et la diffusion de la foi chrétienne. Chaque domaine a commencé modestement et a progressé vers la perfection. Par exemple, les premiers vaisseaux étaient simples mais ont évolué pour devenir des flottes capables de naviguer sur de longues distances. La peinture a débuté par des contours simples avant de se développer en œuvres plus complexes. De même, la propagation de la foi chrétienne a commencé par des efforts modestes, mais a finalement converti des villes et des provinces entières. Le texte met en avant les efforts du roi pour soutenir la mission chrétienne, notamment en soutenant les missionnaires dans diverses régions. Les résultats sont visibles avec la construction de temples dédiés au vrai Dieu dans des pays autrefois idolâtres. Les Siamois montrent des progrès significatifs dans leur adoption de la religion catholique. Un ecclésiastique siamois, basé à Paris, a instruit plusieurs Siamois dans la foi catholique, et ces convertis sont susceptibles de répandre leur nouvelle foi à leur retour en Siam. Les ambassadeurs siamois ont également permis aux Siamois restés en France de se faire baptiser, démontrant ainsi leur respect pour le roi de France. Le texte conclut en soulignant que les initiatives du roi pour promouvoir la religion chrétienne sont prometteuses et devraient continuer à porter des fruits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 336-355
Nouvelles de Siam. [titre d'après la table]
Début :
Je vous tiens parole touchant les nouvelles de Siam, que [...]
Mots clefs :
Siam, Roi de Siam, Prince, Flotte, Hollandais, Constantin Phaulkon, Roi de Jambi, Prince Makassar, Clémence, Barcalon, Clémence, Religion, Tenasserim
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Siam. [titre d'après la table]
- Je vous tiens parole touchant
les nouvelles de Siam,
que je vous promis le mois
passé, & vous envoye deux
Extraits de Lettres tombez
entre mes mains sur la mesme
affaire. Le premier vient d'un
lieu qui n'est éloigné que de
trois ou quatre journées de
Siam;& l'autreest tiré d'une
Lettre venuë de Siam mesme.
Vous les trouverez differens
en quelques endroits, mais
vous ne devez pas vous en étonner.
Nous voyonssouvent
que plusieurspersonnes qui
ont eux-mesmes vu ce qu'ils 4
racontent
racontent, le rapportent difseremment.
Quoy qu'il en
foit , à quelques doutes prés,
vous ne laisserez pas de connoistre
la verité du fait dont
il s'agit. Si l'on pouvoit aisément
avoir des éclaircisse,
mens de six mille lieuës, je
vous envoyerois une Relation
plus reguliere. Ce qui
fuit l'est pourtant assez pour
meriter d'estre lû.
On a etrvoje de Siam à Paris
un détailde la Conjpiration
tyittnPrinceMacassary afaite,
&comme je croyqu'elle tombera
entre vos mainsJje ne
-
njousen
écris point toutes les particularite^.
je vous dirayfeulement
que ce Prince ejloit Frere
j ou
proche Parent du Roy qui gouyernoitlifte
de MacajJar lors
lqeusi les Hollandois s'en rendirent
Maigrest&qu'il 'Vint chercher
azjle à Siam, ou je l'ay 1.;Û1
tycuilvivoitenperjonneprivée.
LaConspiration ayant.eslé découverte,
le Roy de Siam envoya
offrir la grâce à tous ceux quiy
éwoient trempé" & ils ne voulurent
point l'accepter. On resolut
de les forcer dans leurCamp.34
qui efi à un quart de lieue de U
pille-Capitale. On envoya desTroupes
pour cela. Il n'y avoit
que deuxcensMacajjars
)
quelques-
uns disent mejme beaucoup
moins ; mats comme ce
font des gens qui ne reculent »' jamais quand ils ont mangé
leur^Amphion ou Opium, &
qu'ilsJefontdétermine^ a mOt:-
rir, on nepeut les exterminer
qu'avec peIne) & aprèsavoir
perdu beaucoup de monde. plusieurs
Anglois particuliers &
Serviteurs du Royje trouvèrent
dans l'aéîion.Les Officiers de Lt
* Compagnie & quelques au'rcs jjde !.~
Françoisvoulurentc'ire Lt
, partie. L'on fit la brers.cr- ch-fcentedans
le Camp desMacaf
fars en petit nombre &sans,
ordre. L'on fut repousé& oblige
de regagner les Balons ou
Chaloupes. Quarre François y
furent tuez ounoye%.Quelques
Angloisperirent de mesme. Lion
se rallia
> & tony retourna anjec
plus de monde & plus de
précautionqu'auparavant. Les
Jlfacafjarsfe battirent en defef
pere-,1%. ; mais leur Prince ayant
este tue d'un coup de Afoufquet
parunFrançois3 la pluspart demeurerent
sur la place
y
& les
autres furentfaits prisonniers.
jay entendu dire a des person:.-
iftes qui s'efloient trouvées en
flufieurs"Combats5 qu'ils n'avaient
jarnais veu de gens f
flirieux,que ceux-là. Mr du
Hautmejnil emmene avec luy
les deuxFils de ce Prince Macassar.
On les envoie au Roy.
Je croy que ceJontles Peres TVJuites
qui- font ctharge^deles
frefenter,
Voicy l'autre Exrait qui
cft beauco p plusconfidcfable.
Ily a environ vingt-fat ans
• que les Hollandois s'eslans rendus
Maigres du pays de A^fa- •€affar3 qui est aPointe de 1*1fit
Celcbes, le Roy de Adacaffarfut
obligé de se retirer chez'le Roy
de Jambi
3
où il fut fort bien recc'u,
maisejlant naturellement
fort rfmuant, il ne put sempescher
de cabaler contre ce Roy
t
qui estoitJonbienfaiteur. La
ebofeayant esié découverte
3
on le fit mourir. Son Fils alla
si jetter aux pieds du Roy
de Jambi> auquel il representa
que nayant point eu de part a
la maunjaife conduite de[on Pere
til cfperoit de sa clemence
qu'il n'en auroit pointàfinsupplice.
En effet le Roy de Jambi
donna à ce jeune Prince MacaJfJY,
nonfeulement la permif-
Fon de se retirer où il njoudroït,
avec environ deux cens cinquan*
quanteA4aca(jars qu'il anjoit
avec hty3mais encore il leur
fournitunBajlîmrntPour aller
J'- 1 1 d,¿ns les Efiâts duRoy de Siam)
qui leur donna un Camp auprès
île laVille,pouryfaire commodene/'
it leur refdrnce
.>
demesme
que plufî:ro's autresNations qui
ont des Camps autour de Siam.
Ce PrinceMacajJar;, fort zelé
Mahometan3 ayant cru décou-
* urir depuisenviron trois ans3
, que le Royde Siamsongeoit a
* quitter le Pavanifme
3 ci donna
fiujjt-tojt avis au Roy de Perse
)
d}Jti envoya un Ambassadeurà Sa
JWajejléSiamoise3pour l'exhorter
À embrdJfer lAlcotan. Cet Amhafjadeurarriva
a Tennaferim
lors que M. le Chevalier de
Chaumont partoit de Siam pour
retourner en France3 fyy ayant
appris la bonne reception que le
Roy de Siam luy avoit faite3 il
crut que ce Prince avoitembrafe
l'Evangile3 parce que dans l'Orient,
lors que les Rois ontchajigédeReligion,
ils ont toujours
pris la Chreflienne> ou celle de
Adahomet3félon que ceux qui
se font
prefente%les
premiers,
pour les prier àembrajjer leur
Religion3 efioient Chrestiensou
MahometAns.Ainsi cet AmbaffadeurPersan
ne doutant pas
tauuya son retour en Perse on ne
sijs couper le cou parce qu'en
effet contre les ordres du Royjon
Afaiftre ilavoitbeaucoup plus
tardéqu'il ne devoit3 il s'égorgea
luy-mesme à Tennaferim..
Cette nouvelle qui affligea le
Prince Macassar> ne luy ossa
pas l'envie de conspirer contre la
vie du Roy de Siam,&de pren-
Mdre desmefkres pourvenir a bout
'deson deOeinJ qui devoit s'exe-
• euter le If.Aoust de l*année der:
niere. Il voulut en donner avis
aun grandSeigneur qui ejioit à Loi:voavecle
ROJI, qu'il ne
qu-iitoitpointacanjedeJes o de Î(es
Char-es> r<r!ny écrivitunBil- CI.
B
Ict par i:n
Àf.iC<fjarafjidé3qui
.J JJ.i qui
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"Í ',', >.~
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r fiant entreclansicPalais,> v si fut
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il si' r',. '1
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1 rcnco-itrit "d- >.r- Ad. \Ju"j.nc:..) de-
,', '1
Venu as/o7s' ipr>" .,r..r,c. alon pa,"r llaamtor,i
d,-cc!-
,''y CIIUI de ccl cette Cl;,ir- ':.Y qui Pccfdoit C7 arge.
M. Confiance ayant demandek
ce Afttcajjar qu'ilreconnut)
ce qu'ilvenoitfaire a Louvoy
& s'il ne Jçavoit pds qu'aucun
Etranger ne devoit entrer danJ
ia Maijon du Roysans en avoir
demandé lafermijJion.) iLletrou*
1Ja chancclant
>
ce qui luy fit
soupçonner quelque chosè
„ &
l'obligea d'ordonner qu'on le Ó
- fouetaft
> pour avoir ose entrer
cJJe;( le Roysans leconsentement
du grand Bdrcalon. Lors qu'on
voulut luyosier Id PttJïne, le , J'" Bilktdu PrinceMacaffarc3") qui
cJtoit en chiffre
3
tomhx de la
poche queles Siamois portentdit
devant de cet habillement. On
1
essay t en 'Vain de le déchiffrerj
cc qui fit refondresur le champ
a en mettre le Porteur a la que-.
ion,pour luy faire avouer la
ventéj ce qu'il fit aprèsquon
»
luy eutpromis de luy pardonner.
Lors qu'on eut appris que les
mejurfi soient ejicprises pour
le II. Aoust" & que le grand
,j'eigneur qui elloit alors en (our)
sefioitmis de la païtie., le Roy
-de Siam s'abandonna entierementa
M. Confiance pourfaire
et qu'il jugeroit A propos. Comme
M. Conjlace] est humain3 il
envoya quérir ce Seigneur, &
luy ayantfaitconnoistre que
tout estoit découvert, illuy conseilla
d'avoir recours ala clemence
du Roy
>
auprès duquel
il promit de leservir, A con.
dition qu'il avoueroit toutes
thofeSjCe qu'iljît avecfranchifl;
âpres quoyM. Confiancepartit
toute
la
nuit de Louvo pourse
rendre à Siam3 d'où il alla att
Camp desMacassars> où ayant
fait entendre à leurPrince que
sa Conspiration efioitdécouverte^ qu'il n'y avoitpointd'autre
farty à prendre rour luy que
d'avoir recours a la clemencè dM
Roy, ce Prince loin de l'écouterx
éclata en injures contre la condutte
duRoy de Siam, quil traita
de chien pour avoir préféré
l'Evangile à l'Alcoran. Cela fit
frefoudre M. Confiancederetourner
dans la Ville, ou il
vajjembla ce qu'il put d'amis3
pour venir assieger le Camp du
JMacafjars3 & poury prendre
Uur Prince; maïsayant debarqué
avec une vingtaine de sa
,oinis-, dont il connoijjoitle courage
& le Zele pour luy.) les
Siamois qui estoient dans les Ba-.
Ions pour lesoûtenir3 Je retire^
rent @' emmenoient les Ba-
Ipns, lors que M. Confiance s'é.
tant jette a l'eau pour les faire
revenir
3 en vint a tout fort
heureusement. Le Prince MacajJàr
les voyantvenir3fe presensaavec
deux cens desfient-*
la lance à la main pour les repousser.
M. Confiance efioitalors
devec.stes Troupes sur une pointe
de terre dont le Camp des Maçaffars
cfloit commandé ; leur
Prince efioit presl de le percer,
lors que tJH.Veret, Chef 4%
Comptoir de la Compagnie Fran.
çoife, s'avança
3 & retirant
A4, Confianced'un si grand pe*
ril? tira un coup de fusil dans
fépaule droite du Prince Ala*
cajfar, qui en moûtutpeu après3
ce qui obligea jes gens de Il
rendre. On en fit
mourirlesplus
coupables
3
, ù les autres furent tecondamne^ a porter de la terre refle de leur rouie. Les deux
>
fils de ce Prince malheureux
ont partis pour France>dans le
Navire nomméle Cochc, commandéfarAf.
de Hautmejnih
Cet Article de Siam m'engage
à vous dire que Ion a eu des nouvelles
des Ambaffadeuts de ce
Royaume là qui estoient en France.
Un coup de vent qui avoit incommodé
leur petite Flote, lors
qu'ilsestoient au Cap de Finistierre,&
qui les avoit tourmentez
pendant neuf jours , en separa une
Flûte, qui arriva le 4. de Juin sous
le Fort du Cap de BonneEsperance.
Elle dit qu'elle attendoitson
Amiral. Ce mot d'Amiral fit présuposerune
Flote considerable,& A
les Hollandois ayant pris l'alarme,
deffendirent à cette Flute de moüiller
fous le Fort; en sorte qu'elle fut
obligée de demeurer' deux jours
fous les Voiles, aprés quoy elle
fut réjointe par les autres Bastimens
au nombre de six qui composoient
cette Flote. Les Hollandois
ayant esté eclaircis de ce que
c'estoit
, ne voulurent d'abord permettre
de descendre
,
qu'aux Ambassadeurs,
auxCommandans,&
à cinquante des plus malades;mais
enfin les choses s'accommoderent;
il fut arresté que tout l'Equipage
& toutes les Troupes descendroient,
à condition que les premiers
cinquante qui auroient mis
pied-à-terre s'en retourneroient
aprés un certain temps, & qu'il
enarienviseindroit cinquante autres, de tout le restejusqu'a
ce qu'ils fussent tous dcfcendus.
Celadura jusqu'au 27. du mesme
mois, que toute cette Flote- fit
voile pour Siam. Tant qu'à duré
le dé barquement
,
les Hollandois
ont fait bonne garde dans tout le
Cap, & nos gens se sont fort rafraîchis,
8c ont eu beaucoup de
plaisir à en vi siter les beaux Jardins.
On a appris cesnouvelles
par la Fregate, nommée la Ma-
-ligne, qui est partie du Cap pour •
retourner en France, dans le mesme
temps que le reste de la Flote
en est partie pour Siam. Ce retour
avoitesté resolu dés que l'on
partitde Brest. Les Bastimens destinez
à faire le Voyage de Siam,ne
s'estant pas trouvez suffisans, pour
- porter tous les Balots, & tous les
vivres , on en ajoûta un qui eut
ordre de revenir quand la flote
feroitarrivée auCap,&cela, parce
que la plus grande partie des vivres
devant alors estre consumée,
la Fregate que l'on avoir ajoûtée
ne pourroit plus estre necessaire,
On a sceu que pendant tout le
cours de ce Voyage, les Jesuites
ont eu grand foin de faire faire
beaucoup d'exercices de pieté, à
quoy leurs exhortations & leurs
btornsiexbempulesén'o
les nouvelles de Siam,
que je vous promis le mois
passé, & vous envoye deux
Extraits de Lettres tombez
entre mes mains sur la mesme
affaire. Le premier vient d'un
lieu qui n'est éloigné que de
trois ou quatre journées de
Siam;& l'autreest tiré d'une
Lettre venuë de Siam mesme.
Vous les trouverez differens
en quelques endroits, mais
vous ne devez pas vous en étonner.
Nous voyonssouvent
que plusieurspersonnes qui
ont eux-mesmes vu ce qu'ils 4
racontent
racontent, le rapportent difseremment.
Quoy qu'il en
foit , à quelques doutes prés,
vous ne laisserez pas de connoistre
la verité du fait dont
il s'agit. Si l'on pouvoit aisément
avoir des éclaircisse,
mens de six mille lieuës, je
vous envoyerois une Relation
plus reguliere. Ce qui
fuit l'est pourtant assez pour
meriter d'estre lû.
On a etrvoje de Siam à Paris
un détailde la Conjpiration
tyittnPrinceMacassary afaite,
&comme je croyqu'elle tombera
entre vos mainsJje ne
-
njousen
écris point toutes les particularite^.
je vous dirayfeulement
que ce Prince ejloit Frere
j ou
proche Parent du Roy qui gouyernoitlifte
de MacajJar lors
lqeusi les Hollandois s'en rendirent
Maigrest&qu'il 'Vint chercher
azjle à Siam, ou je l'ay 1.;Û1
tycuilvivoitenperjonneprivée.
LaConspiration ayant.eslé découverte,
le Roy de Siam envoya
offrir la grâce à tous ceux quiy
éwoient trempé" & ils ne voulurent
point l'accepter. On resolut
de les forcer dans leurCamp.34
qui efi à un quart de lieue de U
pille-Capitale. On envoya desTroupes
pour cela. Il n'y avoit
que deuxcensMacajjars
)
quelques-
uns disent mejme beaucoup
moins ; mats comme ce
font des gens qui ne reculent »' jamais quand ils ont mangé
leur^Amphion ou Opium, &
qu'ilsJefontdétermine^ a mOt:-
rir, on nepeut les exterminer
qu'avec peIne) & aprèsavoir
perdu beaucoup de monde. plusieurs
Anglois particuliers &
Serviteurs du Royje trouvèrent
dans l'aéîion.Les Officiers de Lt
* Compagnie & quelques au'rcs jjde !.~
Françoisvoulurentc'ire Lt
, partie. L'on fit la brers.cr- ch-fcentedans
le Camp desMacaf
fars en petit nombre &sans,
ordre. L'on fut repousé& oblige
de regagner les Balons ou
Chaloupes. Quarre François y
furent tuez ounoye%.Quelques
Angloisperirent de mesme. Lion
se rallia
> & tony retourna anjec
plus de monde & plus de
précautionqu'auparavant. Les
Jlfacafjarsfe battirent en defef
pere-,1%. ; mais leur Prince ayant
este tue d'un coup de Afoufquet
parunFrançois3 la pluspart demeurerent
sur la place
y
& les
autres furentfaits prisonniers.
jay entendu dire a des person:.-
iftes qui s'efloient trouvées en
flufieurs"Combats5 qu'ils n'avaient
jarnais veu de gens f
flirieux,que ceux-là. Mr du
Hautmejnil emmene avec luy
les deuxFils de ce Prince Macassar.
On les envoie au Roy.
Je croy que ceJontles Peres TVJuites
qui- font ctharge^deles
frefenter,
Voicy l'autre Exrait qui
cft beauco p plusconfidcfable.
Ily a environ vingt-fat ans
• que les Hollandois s'eslans rendus
Maigres du pays de A^fa- •€affar3 qui est aPointe de 1*1fit
Celcbes, le Roy de Adacaffarfut
obligé de se retirer chez'le Roy
de Jambi
3
où il fut fort bien recc'u,
maisejlant naturellement
fort rfmuant, il ne put sempescher
de cabaler contre ce Roy
t
qui estoitJonbienfaiteur. La
ebofeayant esié découverte
3
on le fit mourir. Son Fils alla
si jetter aux pieds du Roy
de Jambi> auquel il representa
que nayant point eu de part a
la maunjaife conduite de[on Pere
til cfperoit de sa clemence
qu'il n'en auroit pointàfinsupplice.
En effet le Roy de Jambi
donna à ce jeune Prince MacaJfJY,
nonfeulement la permif-
Fon de se retirer où il njoudroït,
avec environ deux cens cinquan*
quanteA4aca(jars qu'il anjoit
avec hty3mais encore il leur
fournitunBajlîmrntPour aller
J'- 1 1 d,¿ns les Efiâts duRoy de Siam)
qui leur donna un Camp auprès
île laVille,pouryfaire commodene/'
it leur refdrnce
.>
demesme
que plufî:ro's autresNations qui
ont des Camps autour de Siam.
Ce PrinceMacajJar;, fort zelé
Mahometan3 ayant cru décou-
* urir depuisenviron trois ans3
, que le Royde Siamsongeoit a
* quitter le Pavanifme
3 ci donna
fiujjt-tojt avis au Roy de Perse
)
d}Jti envoya un Ambassadeurà Sa
JWajejléSiamoise3pour l'exhorter
À embrdJfer lAlcotan. Cet Amhafjadeurarriva
a Tennaferim
lors que M. le Chevalier de
Chaumont partoit de Siam pour
retourner en France3 fyy ayant
appris la bonne reception que le
Roy de Siam luy avoit faite3 il
crut que ce Prince avoitembrafe
l'Evangile3 parce que dans l'Orient,
lors que les Rois ontchajigédeReligion,
ils ont toujours
pris la Chreflienne> ou celle de
Adahomet3félon que ceux qui
se font
prefente%les
premiers,
pour les prier àembrajjer leur
Religion3 efioient Chrestiensou
MahometAns.Ainsi cet AmbaffadeurPersan
ne doutant pas
tauuya son retour en Perse on ne
sijs couper le cou parce qu'en
effet contre les ordres du Royjon
Afaiftre ilavoitbeaucoup plus
tardéqu'il ne devoit3 il s'égorgea
luy-mesme à Tennaferim..
Cette nouvelle qui affligea le
Prince Macassar> ne luy ossa
pas l'envie de conspirer contre la
vie du Roy de Siam,&de pren-
Mdre desmefkres pourvenir a bout
'deson deOeinJ qui devoit s'exe-
• euter le If.Aoust de l*année der:
niere. Il voulut en donner avis
aun grandSeigneur qui ejioit à Loi:voavecle
ROJI, qu'il ne
qu-iitoitpointacanjedeJes o de Î(es
Char-es> r<r!ny écrivitunBil- CI.
B
Ict par i:n
Àf.iC<fjarafjidé3qui
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Venu as/o7s' ipr>" .,r..r,c. alon pa,"r llaamtor,i
d,-cc!-
,''y CIIUI de ccl cette Cl;,ir- ':.Y qui Pccfdoit C7 arge.
M. Confiance ayant demandek
ce Afttcajjar qu'ilreconnut)
ce qu'ilvenoitfaire a Louvoy
& s'il ne Jçavoit pds qu'aucun
Etranger ne devoit entrer danJ
ia Maijon du Roysans en avoir
demandé lafermijJion.) iLletrou*
1Ja chancclant
>
ce qui luy fit
soupçonner quelque chosè
„ &
l'obligea d'ordonner qu'on le Ó
- fouetaft
> pour avoir ose entrer
cJJe;( le Roysans leconsentement
du grand Bdrcalon. Lors qu'on
voulut luyosier Id PttJïne, le , J'" Bilktdu PrinceMacaffarc3") qui
cJtoit en chiffre
3
tomhx de la
poche queles Siamois portentdit
devant de cet habillement. On
1
essay t en 'Vain de le déchiffrerj
cc qui fit refondresur le champ
a en mettre le Porteur a la que-.
ion,pour luy faire avouer la
ventéj ce qu'il fit aprèsquon
»
luy eutpromis de luy pardonner.
Lors qu'on eut appris que les
mejurfi soient ejicprises pour
le II. Aoust" & que le grand
,j'eigneur qui elloit alors en (our)
sefioitmis de la païtie., le Roy
-de Siam s'abandonna entierementa
M. Confiance pourfaire
et qu'il jugeroit A propos. Comme
M. Conjlace] est humain3 il
envoya quérir ce Seigneur, &
luy ayantfaitconnoistre que
tout estoit découvert, illuy conseilla
d'avoir recours ala clemence
du Roy
>
auprès duquel
il promit de leservir, A con.
dition qu'il avoueroit toutes
thofeSjCe qu'iljît avecfranchifl;
âpres quoyM. Confiancepartit
toute
la
nuit de Louvo pourse
rendre à Siam3 d'où il alla att
Camp desMacassars> où ayant
fait entendre à leurPrince que
sa Conspiration efioitdécouverte^ qu'il n'y avoitpointd'autre
farty à prendre rour luy que
d'avoir recours a la clemencè dM
Roy, ce Prince loin de l'écouterx
éclata en injures contre la condutte
duRoy de Siam, quil traita
de chien pour avoir préféré
l'Evangile à l'Alcoran. Cela fit
frefoudre M. Confiancederetourner
dans la Ville, ou il
vajjembla ce qu'il put d'amis3
pour venir assieger le Camp du
JMacafjars3 & poury prendre
Uur Prince; maïsayant debarqué
avec une vingtaine de sa
,oinis-, dont il connoijjoitle courage
& le Zele pour luy.) les
Siamois qui estoient dans les Ba-.
Ions pour lesoûtenir3 Je retire^
rent @' emmenoient les Ba-
Ipns, lors que M. Confiance s'é.
tant jette a l'eau pour les faire
revenir
3 en vint a tout fort
heureusement. Le Prince MacajJàr
les voyantvenir3fe presensaavec
deux cens desfient-*
la lance à la main pour les repousser.
M. Confiance efioitalors
devec.stes Troupes sur une pointe
de terre dont le Camp des Maçaffars
cfloit commandé ; leur
Prince efioit presl de le percer,
lors que tJH.Veret, Chef 4%
Comptoir de la Compagnie Fran.
çoife, s'avança
3 & retirant
A4, Confianced'un si grand pe*
ril? tira un coup de fusil dans
fépaule droite du Prince Ala*
cajfar, qui en moûtutpeu après3
ce qui obligea jes gens de Il
rendre. On en fit
mourirlesplus
coupables
3
, ù les autres furent tecondamne^ a porter de la terre refle de leur rouie. Les deux
>
fils de ce Prince malheureux
ont partis pour France>dans le
Navire nomméle Cochc, commandéfarAf.
de Hautmejnih
Cet Article de Siam m'engage
à vous dire que Ion a eu des nouvelles
des Ambaffadeuts de ce
Royaume là qui estoient en France.
Un coup de vent qui avoit incommodé
leur petite Flote, lors
qu'ilsestoient au Cap de Finistierre,&
qui les avoit tourmentez
pendant neuf jours , en separa une
Flûte, qui arriva le 4. de Juin sous
le Fort du Cap de BonneEsperance.
Elle dit qu'elle attendoitson
Amiral. Ce mot d'Amiral fit présuposerune
Flote considerable,& A
les Hollandois ayant pris l'alarme,
deffendirent à cette Flute de moüiller
fous le Fort; en sorte qu'elle fut
obligée de demeurer' deux jours
fous les Voiles, aprés quoy elle
fut réjointe par les autres Bastimens
au nombre de six qui composoient
cette Flote. Les Hollandois
ayant esté eclaircis de ce que
c'estoit
, ne voulurent d'abord permettre
de descendre
,
qu'aux Ambassadeurs,
auxCommandans,&
à cinquante des plus malades;mais
enfin les choses s'accommoderent;
il fut arresté que tout l'Equipage
& toutes les Troupes descendroient,
à condition que les premiers
cinquante qui auroient mis
pied-à-terre s'en retourneroient
aprés un certain temps, & qu'il
enarienviseindroit cinquante autres, de tout le restejusqu'a
ce qu'ils fussent tous dcfcendus.
Celadura jusqu'au 27. du mesme
mois, que toute cette Flote- fit
voile pour Siam. Tant qu'à duré
le dé barquement
,
les Hollandois
ont fait bonne garde dans tout le
Cap, & nos gens se sont fort rafraîchis,
8c ont eu beaucoup de
plaisir à en vi siter les beaux Jardins.
On a appris cesnouvelles
par la Fregate, nommée la Ma-
-ligne, qui est partie du Cap pour •
retourner en France, dans le mesme
temps que le reste de la Flote
en est partie pour Siam. Ce retour
avoitesté resolu dés que l'on
partitde Brest. Les Bastimens destinez
à faire le Voyage de Siam,ne
s'estant pas trouvez suffisans, pour
- porter tous les Balots, & tous les
vivres , on en ajoûta un qui eut
ordre de revenir quand la flote
feroitarrivée auCap,&cela, parce
que la plus grande partie des vivres
devant alors estre consumée,
la Fregate que l'on avoir ajoûtée
ne pourroit plus estre necessaire,
On a sceu que pendant tout le
cours de ce Voyage, les Jesuites
ont eu grand foin de faire faire
beaucoup d'exercices de pieté, à
quoy leurs exhortations & leurs
btornsiexbempulesén'o
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p. 27-73
Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
Début :
Quoyqu'il s'agisse d'une Oraison funebre dans l'article qui suit, [...]
Mots clefs :
Oraison funèbre, Madame de Maubuisson, Plaisir, Exorde, Électeurs, Histoire, Princesse Louise Hollandine Palatine, Maison Palatine, Abbé Maboul, Gloire, Religion, Dieu, Éloge
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texteReconnaissance textuelle : Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
Quoyqu'il s'agiffe d'une Oraifon funebre dans l'article Cij 28 MERCURE qui fuit, vous le trouverez bien different de ce qui regarde ordinairement ces fortes d'ouvrages qui contiennent plus de traits d'éloquence & de loüanges que de faits , ceux qui s'y trouvent n'yétant prefque toujours rapportezque pour donner lieu de briller à l'éloquence de l'Orateur ; mais ce que vous allez lire doit être regardé comme l'Hiftoire entiere d'une vie remplie d'incidens merveilleux & de l'hiftoire d'une converfion encore plus mer veilleufe , & dont la lecture ne doit pas moins attacher GALANT 29 & faire de plaifir , que feroit celle de l'hiftoire la plus curieufe. On a fait un Service magnifique dans l'Eglife de l'Abbaye de Maubuiffon , pour la Princeffe Loüife Hollandine , Palatine , dernière Abbeffe de cette Abbaye. Mr l'Evêque de Beziers officia ; & Mr l'Abbé 'Maboul , Grand Vicaire de Poitiers , & nommé à l'Evêché d'Alet , prononça l'Oraiſon funebre en prefence de Madame la Princeffe. Mr l'Evêque d'Alet prit pour texte ces paroles du 44. Pfeaume : OMNIS GLOC iij 30 MERCURE 1 les RIA EJUS FILIE REGIS AB INTUS. Toute la gloire de la Fille du Roy vient de fon cœur. Lefaint Efprit , dit- il , dans fon Exorde , parlant dans l'Ecriture de la Fille du Roy , ne fait entendre dans fon éloge , ni les avantages de la naiſſance , ni preeminences du rang: il ne la louë ni par la majefté de fes traits, ni parla dignité defa perfonne ; il ne luy fait un merite ni de l'éclat de fes richeffes , ni de la magnifi cence defa Cour: il ne la chèrche, il ne la regarde qu'en elle- même, il met toutefa gloire dansfon cœur. Chargé du glorieux , mais GALANT 31 difficile Miniftere de rendre à la Fille d'un Roy un jufte tribut de louange , me fera-t - il permis de chercher hors d'elle- même les titres de fa gloire ? Vousparleray je de la nobleffe de ce Sang illuſtre, qui deHeros en Heros a coulétout pur dans fes veines ? Affembleray - je fur fon tombeau les lauriers que fes Anceftres ont ceüillis en tant d'occafions ? Vous reprefenteray-je la hauteur de tant de Trônes , au milieu defquels elle est née ? Feray-je le dénombrement det Empereurs , des Rois , des Electeurs que fa Maiſon a donnez à l'Europe &qui ont rempli le monde C iiij 32 MERCURE entier du bruit de leur nom? Elle-même m'en défavoüeroit , & elle me défend encore aprés fa mort de la revêtir de ces grandeurs hereditaires , & dont elle s'eft pendant fa vie figenereusement dépouillée ? Cette Princeffe étoit feconde fille de Frederic V. dit le Contant , Electeur Palatin , & élú Royde Boheme , d'Elizabeth Stuart , fille de Facques 1. Roy d'Angleterre. L'Ŏrateur tira le partage de fon Difcours de l'Hiftoire de la Converfion de cette Princeffe. Egalement fuperieure , dit-il , e aux obftacles & aux devoirs , CALANT 33 elle furmonte ces obftacles par la grandeur de fafoy ; elle remplit &furpaffe même fes devoirs , par l'étendue de fa charité. L'herefte continua- t- il au commencement de la premiere partie , qui comme un torrent impetueux , innonda dans le penultiémefiecle toute l'Allemagne & qui foûtenu par les interrefts d'u ne politique mondaine , entraîna prefque malgré eux , tous les plus puiffans Princes de l'Empire , s'étoit fait du Chef de la Marfon Palatine un de fes plus grands Protecteurs. ( C'étoit l'Ayeul de Madame l'Abbeffe de Maubuif- 34 MERCURE fon ) devenue comme hereditaire dans cette augufte Maifon , elle paffa auxPrinces fes defcendans , elle fe vantoit d'avoir en eux fes plus fermes appuis , & de trouver dans leur haute valeur, dans leur faux zele autant que des armes pour pouffer plus loin fes conqueftes. Vous le permites. ainfi, o mon Dieu , pourſuivit Mr d'Alet , non pour détruire, maispour purifier votre Eglife : Vousfiftes de ces Princes , les nobles inftrumens de vôtre Justice : Vous empruntates leurs bras pour châtier Ifrael, y établirparces falutaires effets de vôtre colere pa- GALANT 35 ternelle, la pureté de vôtre culte... Le Duc de Brunſwick & la Republique d'Hollande prefenterent au Baptême le Princeffe Loüife , ces Princes , continua- t- il , quifuivant lafage Inftitution de cette ancienne ceremonie auroient dú répondre à l'Eglife de l'integritéde fa foy , fervirent de caution & d'interpreftes de fon dévouement au Calvinisme. Il parla enfuite de l'éducation que lui donna Sybille de Keller de la Maifon des Ducs de Curlande, qui avoit auffi eu ſoin de celle du Roy de Boheme fon pere. Faifant de la droiture du 36 MERCURE cœur, dit- il , en parlant de cette Dame & de la pureté des moeurs , du mépris de la vanité de l'horreur du menfonge ; de lacompaffion pour les pauvres , de la tendreffe pour les malheu reux ; de la crainte de Dieu & de fon amour , fes plus familieres inftructions , elle verfoit dans cette amo tendre lepoifon de l'erreur avec d'autant plus de facilité , qu'à lafaveurde ces grandes vertus , ils y trouvoientplus d'accés & qu'ils fe prefentoient à elle fous les noms empruntez de verité & de Religion.... Les préjugezde la Princeffe, continua t - il, GALANT 37 pour groffiffoient encore par lapolitique des Miniftres attentifs à les cultiver : découvrant de jour en jour en elle de nouvelles vertus qui meuriffoient avec l'âge , comprenant tout ce qu'ils devoient en attendre l'honneur de la fecte pour leurpropre reputation , ils s'accrediterentde plus en plus auprés d'elle fous la qualité uſurpée d'Envoyez du Seigneur , & couvrant leur fauffe doctrine de la parole de Dieu , pour elle toujours reſpectable , ils n'oublioient rien pour luy en faire une religieufe habitude , toujoursplusforte plus infurmontable que la 38 MERCURE . nature même. Il dit enfuite , que la lecture affiduè de l'Ecriturefainte commença à diffiper fes tenebres , & il oppofa l'utilité de cette lecture au danger inévitable de celle des Romans , & autres Livres profanes. Cet endroit fut délicatement touché , & aprés quelques foli- · des réflexions fur la témerité des Proteftans , qui prétendent être feuls les Juges & les Interpretes de l'Ecriture. Il fit voir le premier moyen dont la Providence fe feroit pourtoucher le cœur de la Princeffe , la conference qu'un Medecin Catho- GALANT 39 lique de la Reine de Boheme eut en preſence de ces deux Princeffes fur le Baptême des enfans , & il dit : Que le Mini tre étant demeuré fans replique , demanda huit jours poury répondre, qu'à la fin de ce terme ayant manqué au rendez- vous s'excufant fur des affaires ; enfin preffé par la Reine , il luy avoia qu'aprés une longue attention & un penible travail , il n'avoit rien trouvédans la Bible de quoy répondre aux objections du Medecin ; que la Princeffe alors âgée de huit ans s'enfouvint toûjours depuis que la grace luy en fit 1 40 MERCUKE tirer dans un ageplus avancé des motifs de converfion. La mauvai fe foy d'un Miniftre , ajoûta ce Prélat , dont dans un âge tendre , elle avoit esté un témoin nonfufpect , vint fortifier fes doutes.... Cesfalutaires doutes , ces heureufes inquiétudes croiffoient encore lorfque lifant dans l'Ecriture les terribles vengeances que Dieu jaloux de l'honneur de fon Culte, exerce contre les Rois qui l'ont abandonné, elle enfaifoit une trifte mais juſte application aux difgraces du Royfon pere. L'Orateur fit en cet endroit un détail des mécontentemens des Etats de GALANT 41 Boheme, qui appellerent à leur fecours l'Electeur Palatin , & le firent leur Roy ; & dit que l'on trouvoit l'éloge de ce ' Prince terminé par cette penLéc. Quel Prince plus digne du trônefi l'herefie ne luy avoitfervi de premier degré pour y monter. Il fit enfuite un détail de la bataille de Prague ( en 1620) que Maximilien , Duc de Baviere , ayeul de l'Electeur de ce nom , gagna fur le Roy de Boheme : Bataille , continuat-il,dontlesfuitesfurentfifuneftes pour ce dernier &fi avantageufespour lepremier , puifque la Janvier 1710. D 42 MERCURE dignité Electorale fut transportée de la branche aînée dans la branche cadete de la Maiſon Palatine de Baviere ; pendant que les Courtisans , continua le Prélat, regardoient ces évenemens commed'injuftes caprices d'une aveuglefortune, la Princeffe yadoroit lesJugemensprofonds d'unefecrette providence, la grace fe me lant à fes réflexions , luy faifoit appercevoir dans ces malheursdomeftiques , les malheurs inévita bles que doivent craindre toft ou tard les protecteurs de l'Herefie. Il parla enfuite des Révolutions d'Angleterre, qui furent GALANT 43 pour la Princeffe un champfecond de falutaires reflexions : >> Ce Schifme fameux ', dit - il , d'un Roy , qui comme un autre Salomon abandonna la Sageffe pourfacrifierauxIdoles d'une bon teufe volupté ( il parloit d'Henry VIII.) & qui pour ferrer de plus prés les liens fcandaleuxqu'- une aveuglepaffion avoitformez, rompit les nœuds facrez qui l'attachoient à l'Eglife. Ce Schifme qui par une malheureufe fecondi. té produifit dans un Royaume autrefois fi fidelle ces monstrueuses Sectes , qui divifées entre ellesmêmes , ont donné prefque de nos Dij 44 MERCURE Į jours le plus horrible fpectacle ( il parloit de la mort tragique du Roy Charles I. oncle maternel de cette Abbeffe ) que tous les crimes enfemble puiffent donner à l'Univers : ce Schifme lafunefte origine des malheurs d'une Royale Maifon dont les plus heroïques vertus unies aux droits du fang n'ont pú la garentir. Cette Princeffe inftruite par des pieces - authentiques, & d'autant moinsfufpectes , parce qu'elle les tenoit des mains même les plus intereffées à les cacher, ne pût voir fans horreur les que nomsfpecieux de pureté &de reforme , qui l'avoient GALANT 45 n abufée , n'avoient efté que le maf que de l'ambition & de l'intereft; le zele qu'une aveugle fureur; lafeparation de l'Eglife , qu'une revolte declarée contre les Puiffances legitimes , E... Aidée, dans lafituation où ces reflexions la mettoient , des confeils de la Princeffe d'Oxeldre , fon illuftre Amie, quefon merite plus quefa naiffance luy avoit justement acquife ; éclairée de Miniftresfideles ( des Preftres Ecoffois ) enfin pleinement convaincuëpar la lecture d'un livre où l'herefie forcée dans fes derniers retranchemens , fe trouve accablée fous le poids 46 MERCURE immenfe de l'éternelle verité(c'eft un Traité écrit en Langue Flamande contre les Miniftres de BofLeduc ) elle fe declara àfes Confi dens : Catholique dans le cœur , il ne manquoit àfaparfaite converfion qu'uneprofeffion publique. Réjouiffez- vous , s'écria le Prelat en cet endroit , Anges du Ciel, la Brebis égarée eft fur les épaules du Pafteur ; la dragme perduë eſt retrouvée ; l'enfantprodigue va revenir dans la maiſon paternelle. Il fit enfuite un éloquent détail des combats interieurs que la Princeffe eut à foûtenir pour manifeſter ſa GALANT 47 1 que creance. Latendreffe paternelle , les préjugez , & les liens l'éducation luy avoit formez dans Lafamilles les hommages les deferences refpectueufes qu'unepuifSante Republique luy rendoient ; la note d'ingratitude qu'elle alloit encourir ; le regret de l'avoir efti mée prendre la place de l'eftime qu'on a eu pour elle; foûtenirfeu · le contre tous une Religionprofcrite décriée, fefaire de tous ceux qu'elle connoiffoit & qu'elle aimoit fes plus implacables ennemis. Quelle tentation ! quelle épreuve ! fondez vous icy, Grands dumonde , s'écria l'éloquent Prelat , 48 MERCURE interrogez vos cœurs nous dites quels efforts il en coûteroit à voftre Foy, fi au préjudice des plus forts des plus anciens engagemens ;ft au préjudice des liaifons les plus tendres ; jîau préjudice de vôtrefortune & de vôtre gloire ; fi au préjudice des plus flatteufes efperances elle avoit à fe declarer.... Une tentation encore plus forte s'éleva , la crainte de déplaire à une Mere Angufte qu'elle aimoit uniquement & dont elle eftoit tendrement aimée , qui faifoitfeule toutefajoye , &dont elle eftoit reciproquement la plus douce confolation ; cette crainte formée GALANT 49 formée par les plus nobles & les plus religieuxfentimens luy deffendoit de fe découvrir : elle fe défia d'elle - même ; elle apprehendoit deftre trahie par fa propre tendreffe ; elle redoutoit des larmes puiffantes; elle craignoit une douleur refpectable & n'ofant s'expofer à un combat trop inégal , elle fermapour lapremierefois defa vie à la Reinefa mere lefanctuaire de fon cœur.... Mais une voix evangelique luycriafans ceffe que quiconque ne haïfſoit pas fon pere & fa mere ne pouvoit eftre Difciple de Jefus Chrift. La Princeffe fe réveilla à cette Janvier 1710. E So MERCURE voix, penetrée de cette importante maxime, fit taire la nature pour n'entendre que la Grace & quoy qu'il en puft coûter à fon cœur , elle s'arracha par une fuite genereufe du fein de la Reine pour Je réunirà l'Eglife. Ce Prelat fit enfuite le détail de la fuite de cette Princeffe , qui déguiféc traverfa toutes les rues de la Haye, & fans aucun fecours ny aucune des précautions que la prudence peut fuggerer en pareille occafion , arriva à Anvers où elle fe jetta dans les Carmelites Angloifes. Le détail de cette fuite fut fuivi de GALANT 51 1 celuy de la defolation où fe trouva la Cour de Boheme , touchant l'éclypfe de la Princeffe , & fur tout aprés qu'on en cut reconnu le motif par un billet trouvéfur la toilette, & où eftoient écrits ces mots: Je paffe en France pour me faire Catholique merendre Religieufe ( paroles courtes , s'écria MrdAlet) mais admirables , dignes d'eftre tranfmifes à la pofteri té dans les Annales de l'Eglife , paroles marquées dufceau de l'Ef prit de Dieu qui les a dictées qui refpirant cette noble fimplicité de l'Evangile qui ne connoift ny E ij 52 MERCURE de déguisement , ny artifice , font un miroirfidelle de la candeur lapureté du cœur de la Princeffe qui les a écrites..... Aprés s'eftre affermie , ajoûta - t - il , de plus enplus fous la conduite d'un Miniftre habile & fidelle ( un Pere Jefuite) quicomme un autre Ananie , luy ouvrit deplus en plus les yeuxfur la verité de nos Myfteres , elle renonça publiquement à l'Herefie , qu'elle avoit depuis long-temps abjurée dansfon cœur. Il parla enfuite de fon exactitude fur les moindres pratiques de la Religion Catholique. Point de doutes inquiets , GALANT 53 dit-il , point de curiofité indifcrette , point d'orgueilleufe fingularité ; respectant jufques dans les moindres Ceremonies l'autorité de l'Eglife , toutluyenparoiftgrand, tout luy en paroift auguste. elleParlant cutduitedu defir qu fe confacrer à Dieu dans la Religion , il rapporta ſon voyage en France , & dit qu'elle fut reçue à Rouen par Edouard Prince Palatin fonfrere. Vous diray-je , s'écria-t - il , quels furent les tranfports de leur mutuelle amitié , qui formée par les plus purs fentimens de la nature empruntoit de nouvelles forces de E ij 54 MERCURE la conformité de Religion ? ( ce Prince ayant abjuré la Religion Proteftante) vousreprefenteray je les tendres mouvemens de fon cœur, lorfquepaffantpar la Royale Abbaye de Maubuiffon , elle embraffa les trois Princeffes fes nieces , Marie-Loüife Princeffe de Salms , AnnePrinceffe de Condé , devant qui Mr d'Alet pare loit , Benedicte de Brunswick, mere de l'Imperatrice & de la Ducheſſe de Modene; &que dans leurs vertus naiffantes elle appergutpar un heureuxpreffentiment , tout ce que l'Europe en devoit attendre , non-feulementpour le bon- GALANT 55 heur des Etats où la Providence les deftinoit mais plus encore pour lagloire & l'édification de l'Eglife. gue Il fit enfuite un éloge court, mais vif , d'Anne de Gonzaleur mere, & belle-four de Me de Maubuiffon. Enfin dit- il , la Princeffe arrivée à la Cour fut prefentée au Roy par Henriette-Marie de France , Reine d'Angleterre , Princeffe plus celebre par lagrandeur defon courage que par la fingularité de fes malheurs. Ce Prince , en parlant du Roy , joignant aux bien-faits l'accueil le plus gratieux , fit conE iiij 56 MERCURE noiftre par ce noble effai defa bondefa liberalité Royale qu'il té feroit deformaisle Protecteur, & lazile des Princes perfecutez pour laJustice, &que malgré la duretédes temps les plus difficiles il leur fourniroit du fonds de fes propres befoins dequoy foutenir avec éclar la majesté des Rois & l'honneur de la Religion. La Prin ceffe fe retira enfuite à la Vifitation de Chaillot auprés de la Reine d'Angleterre fa tante , & aprés y avoir affermifa vocation pendant une année , elle alla fe renfermer àMaubuiffon. Mr d'Alet commença faſe- GALANT 57 conde Partie par une peinture de l'état Monaftique, qui fut vi ve & touchante & qu'il finis par ces paroles : quel prodige de voir une Princeffe de 36. ans qui joignoit à la noble fierté qu'elle avoit puifée dans fon fang, un efprit folide & élevé ; & qui accoûtumée aux douceurs d'une Courflatenfe voyoit l'obeiffance courir au-devant d'elle de la voir , dis-je ,fe plier tout d'un coup àdes obfervancesfi penibles ; courir à fon tour au devant de L'obeïſſance , & oublier ce qu'elle eftoit néepour defcendre à ce qu'il yadeplus bas er de plus humi1 58 MERCURE Veut liant dans la Religion ; en vain une Sage Abbeſſe ( Catherine Angelique d'Orleans ) ménager une foy naiffante & épargnerà un temperament délicar ce que la Religion à de trop auftere ; la Princeffe n'y peut confentir leur charité en cela peu d'accord fe manifefte également dans la Superieure par la prudence & dans la Novice par la ferveur. Il prit à témoin de fa ferveur & de fon exactitude de fon humilité ; & de fes autres vertus Religieufes les Vierges fes compagnes qui luy ont furvécu. рец GALANT 59 Me de Maubuiffon , dit-il , attaquée d'une maladie mortelle & dépofitaire des vœux unanimes de fa Communauté dont tous les regards eftoient fixez fur la Princeffe , écrivit au Roj pour luy reprefenter des vœux fi juftes. Ce Prince , ajoûta-t il , qui dans le choix des Miniftres de l'Eglife a plus d'égard à la grandeur de la vertu qu'à éclat de la naiffance , les trouvant réünis au plus haut degré dans la perfonne de la Princeffe, la nomma à cette a Abbaye choix le bonheur de ce Monaftere ilpropofa àtousceuxdu Royaume affurant par ce noble 60 MERCURL من unmodele duplus fage du plus heureux Gouvernement. L'Orateur , fit enfuite un portrait de la nouvelle Abbeffe dont il oppofa la conduite à celle de quelques autres Abbelfes dont la digniténe fait qu'amollir la vertu ; & aptés les avoir peintes d'aprés le naturel , il s'écria, plut au Cielque ce nefût icy qu'un portrait defantaifie qui ne trouvat point de reffemblance; & ayant encore chargé celuy de la nouvelle Abbeffe de Maubuiffon de nouveaux traits,il le finit ainfi : contente de porter la Croix de Jefus- Chrift, GALANT 61 dans le cœur , elle ne portajamais celle qui eftant dans l'inftitution un fymbole de penitence , eft devenue dans l'opinion des hommes un ornement de dignité : confentant à peine d'eftre la premiere dans le Choeur , elle defcendit de Chaire qui l'élevoit au-deffus des autres pouryplacer l'Image de la Sainte Vierge , ofterpar cette fage conduite à celles qui viendront aprés elle jusqu'à la tentation d'y remonter ; elle effaça elle-mêmefes Armes qu'on avoit peintes à coté d'un Autel , perJonne n'ofant toucher à un monumentfirefpectable ; ce qui don. 62 MERCURE na occafion à l'Orateur de dire , qu'elle fçavoit peindre ; & que dansfes heures de loifir , elle avoit fait un grand nombre de Tableaux dont l'Eglife & fa Maifon font remplies , & qu'elle en avoit donné pluſieurs auxParoiffes , & Communautez voifines. En parlant de fon humilité, il raporta une délicate conceffion qu'elle fit à une autre Abbeſſe , ſur la fimplicité d'une naïve réponfe. Cette Abbeffe voulant venir àMaubuiffon , fit demander à la Princeffe fi elle luy donneroit la droite , Me de GALANT 63 Maubuiffon répondit : depuis que je fuis Religieufe je ne connois ni la droite ni lagauche que pourfairelefigne de la Croix. Un Orateur continua t'il la montrant elle-même dans un portrait fidelle , tout le monde s'y reconnoift , elle feule ne s'y trou ve pas , elle regarde un éloge délicat & détourné comme un innocent moyen pratiqué avec Art pour l'inftruireplus poliment de fes devoirs. Mr d'Alet s'étendit fur les fruits & l'utilité du bon exemple : les hommes, dit il , naturellementportez à l'imitation ne s'ac- 64 MERCURE ! coutument qu'à ce qu'il voyent, &l'obéiffance aux loix penibles rigoureufes par elles - mêmes ne leur devient fuportable & facile qu'autant qu'elles font gardées par ceux mêmes qui les ontfaites. Cela fut precedé d'un détail circonftancié de l'exactitude & de la pureté des mœurs de Me de Maubuiffon ; ce qu'il dit de fa douceur eftoit peint d'aprés le naturel , &il finit cet endroit par ces paroles : cette fage Abbeffe naturellement incapable des foupçons inquiets & des injurieufes défiances qui font plus d'Hypocrites que de Saints GALANT 65 Reg Jaiffoit à fes filles une liberté honnefte qui loin de dégenerer en abus ne fervoit qu'à donner de l'éclat plus de merite à la ferveur. La familiarité avec laquelle elle vivoit avec fes + Religieufes & l'accés qu'elle leur donnoit en tout temps auprés d'elle , fournirent de beaux traits à l'Orateur , mais par quel fecret pensez- vous ajouta t il , qu'elle ait entretenu danscettefainte Maiſon ( Maubuiſſon ) cette auftere regularité qui depuis tant d'années ne s'eft jamais démentie & qui fervant d'exemple aà toutes les CommuJanvier 1710, F 66 MERCURE nautez de fon Ordre , en eft en même temps l'admiration ; cefut parunrare & prudent defintereffe ment une attention particuliere à n'y admettre que des filles d'une vocation éprouvée. Il s'éleva alors contre les maximes de quelques Superieures qui fous le nom tant vanté du bien du Monaftere cachant fouvent une infatiable avarice qui met à prix l'entrée du Sanctuaire , &font un indigne trafic du vœu de pauvreté , & qui jaloufes de fignaler leur Gouvernement par de fuperbes édifices , le font peu de GALANT 67 former des temples vivans au Saint8 Elprit. Le refte fut également fort & foutenu &ce fut undes plus beaux endroits du Difcours. Jamais Traité jamais Convention , ajoutatil , en parlant de Me de Maubuiffon , dans la reception desfujets , elle laiffoit à la difcretion des parens ce que leur tendreffe ou leur charité leur infpiroit & les recevant comme une aumofne elle ne l'exigea jamais comme une dette. Ce qu'elle faifoit pour examiner la vocation des filles fut extraordinaire & éloquemment traité Fij 68 MERCURE & en parlant de fon amour pour les Pauvres , il poursuivic de la forte: dans une année de calamité dont le trifte fouvenir dureroit encore , s'il n'eftoit étouf fé fous lepoids d'une calamitéprefente , plus longue & plus rigoureufe, Mde Maubuiffonfe trou vaaffiegée parune infinité de malheureuxque lafaim, lanudité,les maladies , plus encore la répu tation de ce charitableMonafterey attiroientde toutes parts ; lesfonds prefque épuifez, &fa Communauté prête à tomber dans l'indigence qu'elle avoit voulu faire éviter aux autres , elle voit croî- GALANT 69 tre toutd'un coup les reffources & cette providence aux promeffes de qui elle avoit eftéfidelle foutenir fa Communautéallarméefans que les paurores ceffaffent d'eftre fecourus , ce qui donna lieu à M d'Alet de s'élever avec force contre les riches avares qui fe refuſent aux befoins connus • d'une mifere prefente pour prévenir les befoins incertains d'une mifere à venir. Cet endroit fur fort applaudi , & à l'occafion des vœux que M de Maubuiffon faifoit con. tinuellement pour l'extirpation de l'Herefie , & la part 70 MERCURE qu'elle prenoit aux malheurs de ceux qui errent dans la foy, l'Orateur dit qu'elle redoubloit chaque jour fes prieres & fes vœux pour la Perfonne Sacrée du Roy. L'Herefie vaincuë par fes bontez & profcrite parfapuiffance , les Nouveautez confonduës ; la Veritéprotegée , la Pieté en honneur ; la Religion affife avecluy fur le Trône ; ces merveilles toujours prefentes àſon efprit , luy faifoient compter les triomphes de la Foy par les jours de Louis le Grand, e fa charité en cela d'accordavec fa reconnoif fance , luyfaifoit un devoirpar- GALANT 71 ticulier & perfonnel d'implorer fans ceffe de nouvelles Benedictionsfurfon regne & de demander à Dieu la confervation d'un Prince fi cher à fes fujets , & fi neceffaire à l'Eglife. A des vœux fi legitimes &fi faints , continua l'eloquent Prelat , fe joignoit un zele ardent pour les Princes de l'Augufte Maifon Pa latine. Zele qui formépar la tendreffe & la charité unies enfemble, avoit moins pour objet leurs profperitez temporelles , que leur fanctification. Zele glorieufement récompenfe parla converfion d'une grande Princeffe ( Mr l'Evê 72 MERCURE que d'Alet parloit en cet endroit de S. A. R. Madame ) qui dans la place la plus proche du premier Trône du monde , ne s'y fait pas moins aimer parfes rares bontez, qu'elle y eft admirée par le brillant éclat de fes heroiques vertus. Cet endroit fut extrê mement applaudi , & il convenoit d'autant plus de louer ces deux Princeffes , que Madame & M la Princeffe qui eftoir prefente à la Ceremonie , font toutes deux niéces de feuë M de Maubuiffon , & filles de fes deux freres , feu M' l'Electeur Palatin & le feu Prince Edouard. GALANT 73 douard. Ce Prelat finit par un Compliment qu'il fit à M˚ la Princeffe ; par des éloges de la Maifon de Condé , & par un détail de la mort de cette illuftre Abbeffe à laquelleelle s'étoit preparée pendant une maladie de fept ans
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Résumé : Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
L'oraison funèbre pour Louise Hollandine, princesse palatine et dernière abbesse de l'abbaye de Maubuisson, se distingue par son accent sur les faits plutôt que sur l'éloquence. Prononcée par l'abbé Maboul, grand vicaire de Poitiers et nommé à l'évêché d'Alet, cette oraison relate la vie de Louise Hollandine, marquée par des événements remarquables et une conversion religieuse significative. Louise Hollandine était la seconde fille de Frédéric V, électeur palatin et roi de Bohême, et d'Élisabeth Stuart, fille de Jacques Ier, roi d'Angleterre. Son éducation rigoureuse l'avait formée aux valeurs de droiture, de pureté et de compassion. La princesse avait été influencée par des lectures assidues des Écritures saintes et par des ministres, ce qui avait conduit à sa conversion au catholicisme. Cette conversion fut le résultat de réflexions profondes et de rencontres, notamment avec un médecin catholique, et elle dut surmonter des obstacles intérieurs et sociaux pour manifester sa foi. Après sa conversion, Louise Hollandine quitta la Cour de Bohême pour se rendre en France. Elle fut influencée par un ministre jésuite et renonça publiquement à l'hérésie protestante. En France, elle fut reçue à Rouen par son frère, le prince Édouard Palatin, également converti au catholicisme. Elle exprima son désir de se consacrer à Dieu et fut présentée au roi de France par Henriette-Marie de France, reine d'Angleterre. Le roi promit de protéger les princes persécutés pour la justice et la religion. Louise Hollandine se retira ensuite à la Visitation de Chaillot auprès de sa tante, la reine d'Angleterre, avant de s'installer à l'abbaye de Maubuisson. Elle y affirma sa vocation pendant une année avant de devenir abbesse. Malgré son rang noble, elle s'adapta aux observances monastiques avec humilité et ferveur. L'orateur loua sa sagesse, son humilité, son exactitude et sa charité envers les pauvres. Elle maintint une austère régularité dans l'abbaye, formant des 'temples vivants au Saint-Esprit'. Louise Hollandine priait continuellement pour l'extirpation de l'hérésie et la protection de la foi. Son zèle se manifesta également par ses prières pour la famille palatine et pour la conversion de la princesse Madame. La princesse s'était préparée à sa mort pendant une maladie qui avait duré sept ans. L'oraison funèbre se conclut par des éloges à la princesse présente lors de la cérémonie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 218-246
LETTRE D'un sçavant Directeur à une Dame de la Cour, sur la reception de Monsieur le Duc d'Anjou au Rosaire.
Début :
Je reivens à ce qui regarde Monseigneur le Duc d'Anjou, [...]
Mots clefs :
Duc d'Anjou, Rosaire, Réception, Religion, Père Mespolié Dominicain, Confrérie, Église, Piété, Papes, Rois chrétiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE D'un sçavant Directeur à une Dame de la Cour, sur la reception de Monsieur le Duc d'Anjou au Rosaire.
e reviens à ce qui regarde
Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
dont je vous parleray peut-
CALANT 219
eftre plus d'une fois avant de
finir ma Lettre.
LETTRE
emp
D'un fçavant Directeur à une
Dame de la Cour , fur la reception de Monfeigneur le
Duc d'Anjou au Rofaire.
Vous me demandez ,
Madame,des éclairciffemensfur la Confrerie du Rofaire dans laquelle
Monfeigneur le Duc d'Anjou a
efté reçu par le Pere Mefpolié
Dominicain, le 27. de Février.
C'estune desplus excellentes devotions de la Religion qui nourrit
une folide pieté quand on enfuit
Tij
220 MERCURE
l'esprit & qu'on en remplit les
devoirs. Ses fondemens font les
principaux Mysteres de la Vie , de
la mort, e de la gloire de JeſusChrift de fafainte mere. Elle
renferme les Prieres vocales les
plus efficaces pour ſerendre agreables à l'un à l'autre & adorer
Dieu en efprit & en verité, les
reflexions les plus touchantes , ta
frequentation des Sacremens avec
les difpofitions requifes ; fçavoir
l'imitation des vertus de JefusChrift & de fafainte Mere &
les plus effentiels devoirs de la
charité. Car on cft obligé d'appli
quer le premier Chapelet du Rox
GALANT 228
faire pourles Confreres vivans ,
afin que s'ils font en eftat de peché qu'ils fe convertiffent , s'ils
font en eftat de grace qu'ils
perfeverent , & s'ils font expofez à quelque fâcheux accident , qu'ils en foient prefervez.
Le fecond Chapelet eft recité pour
les Agonizants , afin qu'ils foient
fortifiez à l'heure de la mort contre l'ennemi du falut, &que leur
mort foit preticufe aux aux yeux de
Dieu; & le troifiéme Chapelet
pour les Confreres deffunts , afin
qu'ilsfoient foulagez en Purgatoire , & qu'ils en foient promptement délivrez.
Tiij
222 MERCURE
plus
a
De fi grands avantages ontporté en tout temps depuis l'inftitution
de cette Confrerie les Papes , les
Rois Chreftiens , & les Saints les
recommandablesparleurfcien
cee parleurpieté àfaire une eftimefinguliere de cette devotion.
Sixte IV. dit que le Rofaire
eft une devote &religieufe pra-
*ique de prier,inftituée à la gloire de Dieu tout - puiſſant & à
l'honneur de la glorieuſe Vierge Marie , & pour nous munir
contre les dangers dont on eſt
menacé.
Leon X. reconnoist que c'est
un rempart invulnerable aux
GALANT 1 223
#
Aleaux de la guerre , &une puiffante reffource pour obrenic
des fecours miraculeux dan's
les preffantes neceffitez od
nous fommes reduits.
Clement VIII affure que cet
exercice eft d'une tres-grande
utilité pour de falut de l'ame
& du corps , qu'il attire des
graces extraordinaires fur ceux
qui s'y appliquent & qu'il excite en eux une devotion art
dente pour les pratiques de la
Religion , qu'elle a fait des
biens immenfes à l'Eglife , &
qu'elle y en fait tous les jours ,
que le Fideles , foit Clercs ou
Tiiij
224 MERCURE
Liques , hommes & femmes ,
font attirez par ce religieux
exercice à un fi haut degré de
ferveur que Dieu les a non- feulement ornéz de graces , mais
auffi fait éclater des miracles
infinis en leur faveur.
2
Pie V. dit que le Rofaire eft
un exercice de pieté propre
pour donnerla paix à ceux qui
font dans le trouble ; pour con
foler les affligez &pour rendre.
plus fervens ceux qui font lâches , & qui font leurs prieres
avec tiedeur..
Gregoire XIII. dit
Rofaire eft tres-utile pour arque le
GALANT 225
refter le cours de la juftice de
Dieu irritée contre les hommes ; que c'eft un Arſenal d'où
l'Eglife a toûjours tiré des ar
mes redoutables à l'Enfer ; &
que Saint Dominique infticua
cette pieufe methode de prier
pour meriter la protection de
la tres - Sainte Vierge , dans le
temps que la France & l'Italie
eftoient affligées par de pernicieuſes herefies.
Sixte V. dit que cette devotion a produit des biens ineftimables à l'Eglife & aux Fideles , qu'elle en produit tous les
jours , & qu'elle a efté établie
226 MERCURE
pour cette fin dans tout le mon
de Chreftien.
Adrien VI. reconnoist que le
Rofaire cft tres utile aux mo
ribonds & qu'il leur procure de
puiffans fecours pour diffiper
tous les artifices du demon à
l'heure de la mort , & pour ob
tenir aux Agonifans la perfeverance finale..
Les autres Papes qui ont precedéceux ci depuis l'établiſſement
du Rofaire , & qui les ont fuivis
en ont fait des éloges femblables
les plusgrands Saints des derniers fiecles , illuftres enpieté en
fcience nefontpas éloignez de leurs
fentimens
GALANT 227
Saint Charles Borromée autant diftinguéparfa faintetéqu'il
L'eftoit par fa pourpre & par fa
fcience , dit dans une fçavante Ordonnance qu'il a faite fur l'excellence du Rofaire , que c'eſt un
abbregé de plufieurs exercices
de pieté & des pratiques de devotion tres-agreables à Dieu ,
de laquelle le Saint Siege a toûours fait une eftime tres- particuliere , & qu'il a enrichies
d'un grand nombre de Privileges & d'Indulgences tres- authentiques.
Il ajoute que le Rofaire eft
principalement inftitué pour
228 MERCURE
honorer Jefus- Chrift & fa fairte Mere , tres propre pourpor
ter les Fideles à s'entretenir des
Miſteres de Nôtre - Seigneur
Jefus Chrift , & des douleurs
qu'il a endurées pour nous.
C'est pourquoy cefaint Cardinal
invite tout le monde ; les perfonnes lesplus diftinguéesfoit par leur
rang, foit par leur naiffance ,foit
par leurfcience , foit par leur ver
zu à fe faire écrire dans les Regiftres de cette Confrerie ,fans en
excepter même les Cleres de fon
Seminaire les Ecclefiaftiques
defon Dioceſe , déclarant qu'il n'a
en cela d'autre vûë que leurfalut
GALANT 229
d'attirer fur eux de plus en
plus par cette Priere la paix, la
grace, & la benediction du Seigneur.
Saint François de Salesfe fit recevoirdans cette auguste Affociation ; ilfaifoit prêcher cette devotion dansfes Miffions ; il exhorte
toutes les perfonnes de pieté à aimer cette devotion ; il en établit
l'excellence l'utilité; il s'oppose
de toutes fes forces à ces efprits
fortsfelon le monde qui en mépri→
fent la pratique, & pour faire
voir plus en particulier l'eftime
qu'il en faifoit & les prodigieux
avantages qu'on enpeut retirer ,
230 MERCURE
ilfit vœu dediretous les jours une
partie du Rofaire dans le cours
même des occupations continuelles
de fes Miffions.
Sainte Thereferecitoitfort exactement le Rofaire, &elle recevoit
par cette devotion desfaveurs extraordinaires.
Voici comme elle enparle. Etant
une nuit dans un Oratoire af
fez recueillie , mais fi malade
queje croyois ne pouvoir faire
oraifon , je me contentay de
prendre mon Chapelet pour
prier vocalement; il parut bien
alors que nos penſées font fors
inutiles quand Dieu veut ope→
1
GALANT 231
进
rer quelque chofe en nous :
car je tombay dans un fi grand
raviffement que je me trouvay
commehors de moi- même. Il
me fembla que j'eftois dans le
Ciel.... où je vis des chofes,
merveilleufes dans le peu de
temps quedura cette faveur.
Et parlant duchemin de laperfection ellefait voir quelle eſt l'utilité de cette devotion ,
affurant
qu'elle est auffi avantageuſe àproportion qu'on s'y attache , & que
les graces répondent au zele qu'on
a de reciterfouvent le Rofaire. Si
quelqu'un dit unefois le Rofaire ,
il en profite , s'il le recite plufieurs
232 MERCURE
fois , il en retire de plus grands.
fecours.
En eflet le Rofaire infpire l'horreur du peché, c'est là un moyen
fouverain pourobtenir lagrace du
Jalut , élever les Saints au plus
baut degré de la perfection & attirer mêmes des benedictions particulieres fur les Familles & fur
les Armées des Princes Catholiques.
Les fiecles à venir admireront à
jamais la protection miraculeufe
que tira de cette devotion , le celebre Comte deMontfort. Cegrand
General animépar les prom ffes de
Saint Dominique , qui luy pro-
GALANT 233
mettoit la victoire de la part de
Dieu , filuy co fes Soldats im-
·ploroient l'affiftance de la tres -fainte Vierge, & s'ils recitoient devotementle Rofaire , il attaquaavec
quatorze cens ou dix - huit cens
François l'Armée formidable des
Albigeois , compofée de cent mille
bommes en 1213. &commandée
par le Roy d'Arragon. Il l'attaqua; dis-je , la combattit avec
tant de valeur que cette nombreuſe
Arméefemblable à celle des Madianites confternée aux approches
de Gedeon , fut enfin diffipée.
Leon X. dit que la Ville &
le Diocefe de Cologne eftant prefMars 1710.
γ
234 MERCURE
fee par de grandes guerres , onérigea dans l'Eglife des Freres Précheurs à la demande de Frideric
111. Empereur des Romains la
Confrerie du Rofaire , afin quela
Ville & le Diocese fuffent déli
vrez de cesguerres. Ce qui arriva
peu de temps aprés.
Trois grands Papes Pie V.
Gregoire XIII. Clement VIII.
ont que la fameuse
de Lepante remportée
Za
connus
par les Chreftiens fur la Flotte
des Turcs , compofée de deux
cens quarante deux Galeres qui
menaçoient l'Italie d'une irrup
tiongenerale,fut un exploit mirairrup-
GALANT 235
culeux de cette devotion , de- là
les Souverains Pontifes ont ordonné qu'enAction de Grace, on remettroit lagrandefefte duRofaire
qu'on celebroit auparavant le 25.
Mars fefte de l'Annonciation
au premier Dimanche d'Octobre ,
jour auquel cettefignalée Victoire
futremportéedans le temps même
que dans toute la Chreftienté on
faifoit la Proceffion du faint
Rofaire ordonné par Pie V
Voilà , Madame , les motifs
qui ont inspiré aux Rois & aux
Reines de France , une veneration particuliere pour cette devotion qui les ontportez àyfaire
Vij
236 MERCURE
recevoir les Princes leur enfans
quelquejours aprés leur naillance.
L'origine de cette loüable &
religieuse coutume eft fort
ancienne. Elle vient de la Reine
Blanche époufe de Loüis VII I.
qui affligée de n'avoir point d'enfans , confulta Saint Dominique ,
furles voeux qu'elle devoit faire
à Dieu pour en obtenir , ce grand
Saint autant édifié de la pieté
qu'honoré de la confiance de
tette Reine , luy predit que fes
juftes defirs feroient exaucezfi elle
vouloit honorer la tres - fainte
Vierge , par la devotion du Rofaire dont il luyapprit lapratique ,
*
GALANT 237
མ la
le fuccés de l'évenement justifia
la verité de la Prediction ,
Reine accoucha d'un fils ; mais
Dieu l'ayant enlevé au monde
pour luy fairepart de la gloire ,
Saint Dominique conſeilla derechef à la Reine de continuer
cette Priere & elle donna à la
France Saint Louis , l'ornement
de ce Royaume , l'admiration de
fonfiecle & le modelle de tous les
Rois , qui en
bienfait fi figale honora d'une
tendre particuliere confiance
eunoi
d'un
les Religieux de Saint Dominique
fuccaavecle lait cette devotion
qui l'éleva à cette éminente per-
238 MERCURE
fection qui luy a merité la veneration de toute l'Eglife.
Ses Succeffeurs ont donnéauffi
des marques de leur zele pour de - leur
cette devotion. Nous en avons
des preuves certaines dans les
derniers fircles.
Henry IV. yfutreceu aprés
fa converfion , il difoit tous les
jours une partie du Rofaire , &
tous les Samedys le Rofaire entier , qui luy avoit efte ordonné
par Clement VIII. lorfqu'il
luy donna l'Abfolution de fon
Herefie.
Louis XIII. furnommé le
Julte , ayant formé le Siege de
GALANT 239
>
La Rochelle & voyant les difficul
tez immenfes pour reduire cette
importante Place , écrivit à la
Reine Mere Marie de Medicis
d'ordonner qu'on fit des Prieres
extraordinaires , à l'honneur de la
tres- Sainte Vierge. La Reine
choifit l'Eglife des Dominicains
de la rue Saint Honoré , pour y
faire reciter publiquement le
Rofaire de la maniere qu'elle
l'avoit vú pratiquer à Florence
à Pife , & en plufieurs autres
Villes d'Italie ; ce qu'on executa
tous les Samedis en prefence de
la Reine Mere , de la Reine
Regente , de Monfieur le Duc
240MERCURE
d'Orleans , des Eminentiffimes
Cardinaux de la Rochfoucaud ,
de Berulle , de l'Archevêque
de Paris qui faifoit la lecture des
Mifteres , de plufieurs autres
Prelats , & d'une foule incroiable de Peuple qui y accourotent
de toutes parts.
Le Roy ayant appris la ferveur avec laquelle on faifoit ces
Prieres à Paris voulut que la
même devotion fut pratiquée
dans fon Armée. Il en donna
la commiffion au Pere Louvet
aplufieurs autres Dominicains
qui avoient fuivi Sa Majesté
au Siege de cette Placepourfervir
les
GALANT 241
>
ils
les malades & pour adminiftrer
les Sacremens ; ils diftribuerent
pour cefujetplus de quinze mille
Chapelets aux Soldats
précherent avec tant de fuccés
cette devotion que tout le Camp
retentiffoit à certaines heures da
jour de la nuit des louanges &
des prieres du Rofaire , quifurent
continuées jufqu'à la reduction de
la Place.
}
que
Anne d'Autriche , une desplus
religieufes Princeffes du monde,
publiaplufieurs fois en Cour
par la vertu de cette devotion elle
avoit obtenu de Dieu noftre Augufte Monarque Louis XIV.
Mars 1710.
X
242 MERCURE
qui nâquit le premier Dimanche
deSeptembre pendantque les Prieres de nos Confreres montoient devant le Trône deJefus Chrift ,
pour obtenir l'heureuſe naiſſance
de ce Princefurnommé Dieu donné. En reconnoiffance d'un bienfait fi fignalé laReinefit recevoir
le Roy fon fils dans cette fainte
Affociation. Sa Majeflé recitoie
tous les jours une partie du Ro
faire ; elle affiftoit regulierement
aux Proceffions du Rofaire quife
font à Paris dans les Eglifes des
Peres Dominicains tous les premiers Dimanches de chaque mois.
les Festes de lafainteVierge ,
GALANT 243
& Sa Majesté s'acquittoit avec
tant d'exactitude des autres devoirs de cette devotion que ceux
qui l'approchoient en eftoient édi
fiez.
Marie - Therefe d'Autriche ,
Epoufe de noftre illuftre Monarque,fut heritiere de lapietéde la
Reine Mere. Sa Majestés'appliquoit à tous les exercices de cette Confrerie ; eftant à Versailles
elle fir parfesfoins & parfes liberalitez établir le Rofaire dans
3 la Paroiffe , &pour marquerplus
en particulier l'estime qu'elle en
faifoit & que les plus grands Seigneurs en doivent faire , SaMaXij
244 MERCURE
jeffé y fit recevoir Monfeigneur le
Dauphin & Monfeigneur le Duc
de Bourgogne peu de jours aprés
leur naiffance & donna Commiffion à deux Religieux Dominicains , fuivant l'ancien ufage ,
de dire le Rofaire pour ces deux
Princes, jufqu'à ce qu'ilsfuffent
en âge de le reciter eux- mêmes.
Les deux derniers Princes
Monfeigneur le Duc de Bretagne
&Monfeigneur le Duc d'Anjou
ont efté à leurtourreçus au Rofaire
peu de jours aprés leur naiffance,
ce quin'eftpas une Ceremonie inutile ; ils y font Affoeiez pour les
mettrefous laprotection de la tres-
GALANT 245
3
fainteVierge , & afin d'attirerfur
eux lesbenedictions du ciel de
les rendre participans des prieres
des bonnes œuvres d'un nombre
3
prefqu'infini de Confreres du Rofaire répandu dans tout le monde
chrefien. Le Pere Mefpolié Dominicam eft le Religieux qui eft
chargé de dire le Rofairepourl'un
pour l'autre Prince , jusqu'à
ce qu'ayant atteint l'usage de la
raifon , ils foient en eftat eux- mêmes de s'en acquitter. Agreez ,
Madame , ce Memoire que jay
dreſſé àla haſte pour vous donner
quelque idée de cette excellente de
votion , qui eft au- deffus de mes
X iij
246 MERCURE
expreffions. Je ne doute pas que
vous ne l'accreditiez par voftre
pieté par vos exemples. Jefuis ,
Madame, avecun zele tout refpectueux , voftre tres-humble
tres- obéïſſantſerviteur…………
Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
dont je vous parleray peut-
CALANT 219
eftre plus d'une fois avant de
finir ma Lettre.
LETTRE
emp
D'un fçavant Directeur à une
Dame de la Cour , fur la reception de Monfeigneur le
Duc d'Anjou au Rofaire.
Vous me demandez ,
Madame,des éclairciffemensfur la Confrerie du Rofaire dans laquelle
Monfeigneur le Duc d'Anjou a
efté reçu par le Pere Mefpolié
Dominicain, le 27. de Février.
C'estune desplus excellentes devotions de la Religion qui nourrit
une folide pieté quand on enfuit
Tij
220 MERCURE
l'esprit & qu'on en remplit les
devoirs. Ses fondemens font les
principaux Mysteres de la Vie , de
la mort, e de la gloire de JeſusChrift de fafainte mere. Elle
renferme les Prieres vocales les
plus efficaces pour ſerendre agreables à l'un à l'autre & adorer
Dieu en efprit & en verité, les
reflexions les plus touchantes , ta
frequentation des Sacremens avec
les difpofitions requifes ; fçavoir
l'imitation des vertus de JefusChrift & de fafainte Mere &
les plus effentiels devoirs de la
charité. Car on cft obligé d'appli
quer le premier Chapelet du Rox
GALANT 228
faire pourles Confreres vivans ,
afin que s'ils font en eftat de peché qu'ils fe convertiffent , s'ils
font en eftat de grace qu'ils
perfeverent , & s'ils font expofez à quelque fâcheux accident , qu'ils en foient prefervez.
Le fecond Chapelet eft recité pour
les Agonizants , afin qu'ils foient
fortifiez à l'heure de la mort contre l'ennemi du falut, &que leur
mort foit preticufe aux aux yeux de
Dieu; & le troifiéme Chapelet
pour les Confreres deffunts , afin
qu'ilsfoient foulagez en Purgatoire , & qu'ils en foient promptement délivrez.
Tiij
222 MERCURE
plus
a
De fi grands avantages ontporté en tout temps depuis l'inftitution
de cette Confrerie les Papes , les
Rois Chreftiens , & les Saints les
recommandablesparleurfcien
cee parleurpieté àfaire une eftimefinguliere de cette devotion.
Sixte IV. dit que le Rofaire
eft une devote &religieufe pra-
*ique de prier,inftituée à la gloire de Dieu tout - puiſſant & à
l'honneur de la glorieuſe Vierge Marie , & pour nous munir
contre les dangers dont on eſt
menacé.
Leon X. reconnoist que c'est
un rempart invulnerable aux
GALANT 1 223
#
Aleaux de la guerre , &une puiffante reffource pour obrenic
des fecours miraculeux dan's
les preffantes neceffitez od
nous fommes reduits.
Clement VIII affure que cet
exercice eft d'une tres-grande
utilité pour de falut de l'ame
& du corps , qu'il attire des
graces extraordinaires fur ceux
qui s'y appliquent & qu'il excite en eux une devotion art
dente pour les pratiques de la
Religion , qu'elle a fait des
biens immenfes à l'Eglife , &
qu'elle y en fait tous les jours ,
que le Fideles , foit Clercs ou
Tiiij
224 MERCURE
Liques , hommes & femmes ,
font attirez par ce religieux
exercice à un fi haut degré de
ferveur que Dieu les a non- feulement ornéz de graces , mais
auffi fait éclater des miracles
infinis en leur faveur.
2
Pie V. dit que le Rofaire eft
un exercice de pieté propre
pour donnerla paix à ceux qui
font dans le trouble ; pour con
foler les affligez &pour rendre.
plus fervens ceux qui font lâches , & qui font leurs prieres
avec tiedeur..
Gregoire XIII. dit
Rofaire eft tres-utile pour arque le
GALANT 225
refter le cours de la juftice de
Dieu irritée contre les hommes ; que c'eft un Arſenal d'où
l'Eglife a toûjours tiré des ar
mes redoutables à l'Enfer ; &
que Saint Dominique infticua
cette pieufe methode de prier
pour meriter la protection de
la tres - Sainte Vierge , dans le
temps que la France & l'Italie
eftoient affligées par de pernicieuſes herefies.
Sixte V. dit que cette devotion a produit des biens ineftimables à l'Eglife & aux Fideles , qu'elle en produit tous les
jours , & qu'elle a efté établie
226 MERCURE
pour cette fin dans tout le mon
de Chreftien.
Adrien VI. reconnoist que le
Rofaire cft tres utile aux mo
ribonds & qu'il leur procure de
puiffans fecours pour diffiper
tous les artifices du demon à
l'heure de la mort , & pour ob
tenir aux Agonifans la perfeverance finale..
Les autres Papes qui ont precedéceux ci depuis l'établiſſement
du Rofaire , & qui les ont fuivis
en ont fait des éloges femblables
les plusgrands Saints des derniers fiecles , illuftres enpieté en
fcience nefontpas éloignez de leurs
fentimens
GALANT 227
Saint Charles Borromée autant diftinguéparfa faintetéqu'il
L'eftoit par fa pourpre & par fa
fcience , dit dans une fçavante Ordonnance qu'il a faite fur l'excellence du Rofaire , que c'eſt un
abbregé de plufieurs exercices
de pieté & des pratiques de devotion tres-agreables à Dieu ,
de laquelle le Saint Siege a toûours fait une eftime tres- particuliere , & qu'il a enrichies
d'un grand nombre de Privileges & d'Indulgences tres- authentiques.
Il ajoute que le Rofaire eft
principalement inftitué pour
228 MERCURE
honorer Jefus- Chrift & fa fairte Mere , tres propre pourpor
ter les Fideles à s'entretenir des
Miſteres de Nôtre - Seigneur
Jefus Chrift , & des douleurs
qu'il a endurées pour nous.
C'est pourquoy cefaint Cardinal
invite tout le monde ; les perfonnes lesplus diftinguéesfoit par leur
rang, foit par leur naiffance ,foit
par leurfcience , foit par leur ver
zu à fe faire écrire dans les Regiftres de cette Confrerie ,fans en
excepter même les Cleres de fon
Seminaire les Ecclefiaftiques
defon Dioceſe , déclarant qu'il n'a
en cela d'autre vûë que leurfalut
GALANT 229
d'attirer fur eux de plus en
plus par cette Priere la paix, la
grace, & la benediction du Seigneur.
Saint François de Salesfe fit recevoirdans cette auguste Affociation ; ilfaifoit prêcher cette devotion dansfes Miffions ; il exhorte
toutes les perfonnes de pieté à aimer cette devotion ; il en établit
l'excellence l'utilité; il s'oppose
de toutes fes forces à ces efprits
fortsfelon le monde qui en mépri→
fent la pratique, & pour faire
voir plus en particulier l'eftime
qu'il en faifoit & les prodigieux
avantages qu'on enpeut retirer ,
230 MERCURE
ilfit vœu dediretous les jours une
partie du Rofaire dans le cours
même des occupations continuelles
de fes Miffions.
Sainte Thereferecitoitfort exactement le Rofaire, &elle recevoit
par cette devotion desfaveurs extraordinaires.
Voici comme elle enparle. Etant
une nuit dans un Oratoire af
fez recueillie , mais fi malade
queje croyois ne pouvoir faire
oraifon , je me contentay de
prendre mon Chapelet pour
prier vocalement; il parut bien
alors que nos penſées font fors
inutiles quand Dieu veut ope→
1
GALANT 231
进
rer quelque chofe en nous :
car je tombay dans un fi grand
raviffement que je me trouvay
commehors de moi- même. Il
me fembla que j'eftois dans le
Ciel.... où je vis des chofes,
merveilleufes dans le peu de
temps quedura cette faveur.
Et parlant duchemin de laperfection ellefait voir quelle eſt l'utilité de cette devotion ,
affurant
qu'elle est auffi avantageuſe àproportion qu'on s'y attache , & que
les graces répondent au zele qu'on
a de reciterfouvent le Rofaire. Si
quelqu'un dit unefois le Rofaire ,
il en profite , s'il le recite plufieurs
232 MERCURE
fois , il en retire de plus grands.
fecours.
En eflet le Rofaire infpire l'horreur du peché, c'est là un moyen
fouverain pourobtenir lagrace du
Jalut , élever les Saints au plus
baut degré de la perfection & attirer mêmes des benedictions particulieres fur les Familles & fur
les Armées des Princes Catholiques.
Les fiecles à venir admireront à
jamais la protection miraculeufe
que tira de cette devotion , le celebre Comte deMontfort. Cegrand
General animépar les prom ffes de
Saint Dominique , qui luy pro-
GALANT 233
mettoit la victoire de la part de
Dieu , filuy co fes Soldats im-
·ploroient l'affiftance de la tres -fainte Vierge, & s'ils recitoient devotementle Rofaire , il attaquaavec
quatorze cens ou dix - huit cens
François l'Armée formidable des
Albigeois , compofée de cent mille
bommes en 1213. &commandée
par le Roy d'Arragon. Il l'attaqua; dis-je , la combattit avec
tant de valeur que cette nombreuſe
Arméefemblable à celle des Madianites confternée aux approches
de Gedeon , fut enfin diffipée.
Leon X. dit que la Ville &
le Diocefe de Cologne eftant prefMars 1710.
γ
234 MERCURE
fee par de grandes guerres , onérigea dans l'Eglife des Freres Précheurs à la demande de Frideric
111. Empereur des Romains la
Confrerie du Rofaire , afin quela
Ville & le Diocese fuffent déli
vrez de cesguerres. Ce qui arriva
peu de temps aprés.
Trois grands Papes Pie V.
Gregoire XIII. Clement VIII.
ont que la fameuse
de Lepante remportée
Za
connus
par les Chreftiens fur la Flotte
des Turcs , compofée de deux
cens quarante deux Galeres qui
menaçoient l'Italie d'une irrup
tiongenerale,fut un exploit mirairrup-
GALANT 235
culeux de cette devotion , de- là
les Souverains Pontifes ont ordonné qu'enAction de Grace, on remettroit lagrandefefte duRofaire
qu'on celebroit auparavant le 25.
Mars fefte de l'Annonciation
au premier Dimanche d'Octobre ,
jour auquel cettefignalée Victoire
futremportéedans le temps même
que dans toute la Chreftienté on
faifoit la Proceffion du faint
Rofaire ordonné par Pie V
Voilà , Madame , les motifs
qui ont inspiré aux Rois & aux
Reines de France , une veneration particuliere pour cette devotion qui les ontportez àyfaire
Vij
236 MERCURE
recevoir les Princes leur enfans
quelquejours aprés leur naillance.
L'origine de cette loüable &
religieuse coutume eft fort
ancienne. Elle vient de la Reine
Blanche époufe de Loüis VII I.
qui affligée de n'avoir point d'enfans , confulta Saint Dominique ,
furles voeux qu'elle devoit faire
à Dieu pour en obtenir , ce grand
Saint autant édifié de la pieté
qu'honoré de la confiance de
tette Reine , luy predit que fes
juftes defirs feroient exaucezfi elle
vouloit honorer la tres - fainte
Vierge , par la devotion du Rofaire dont il luyapprit lapratique ,
*
GALANT 237
མ la
le fuccés de l'évenement justifia
la verité de la Prediction ,
Reine accoucha d'un fils ; mais
Dieu l'ayant enlevé au monde
pour luy fairepart de la gloire ,
Saint Dominique conſeilla derechef à la Reine de continuer
cette Priere & elle donna à la
France Saint Louis , l'ornement
de ce Royaume , l'admiration de
fonfiecle & le modelle de tous les
Rois , qui en
bienfait fi figale honora d'une
tendre particuliere confiance
eunoi
d'un
les Religieux de Saint Dominique
fuccaavecle lait cette devotion
qui l'éleva à cette éminente per-
238 MERCURE
fection qui luy a merité la veneration de toute l'Eglife.
Ses Succeffeurs ont donnéauffi
des marques de leur zele pour de - leur
cette devotion. Nous en avons
des preuves certaines dans les
derniers fircles.
Henry IV. yfutreceu aprés
fa converfion , il difoit tous les
jours une partie du Rofaire , &
tous les Samedys le Rofaire entier , qui luy avoit efte ordonné
par Clement VIII. lorfqu'il
luy donna l'Abfolution de fon
Herefie.
Louis XIII. furnommé le
Julte , ayant formé le Siege de
GALANT 239
>
La Rochelle & voyant les difficul
tez immenfes pour reduire cette
importante Place , écrivit à la
Reine Mere Marie de Medicis
d'ordonner qu'on fit des Prieres
extraordinaires , à l'honneur de la
tres- Sainte Vierge. La Reine
choifit l'Eglife des Dominicains
de la rue Saint Honoré , pour y
faire reciter publiquement le
Rofaire de la maniere qu'elle
l'avoit vú pratiquer à Florence
à Pife , & en plufieurs autres
Villes d'Italie ; ce qu'on executa
tous les Samedis en prefence de
la Reine Mere , de la Reine
Regente , de Monfieur le Duc
240MERCURE
d'Orleans , des Eminentiffimes
Cardinaux de la Rochfoucaud ,
de Berulle , de l'Archevêque
de Paris qui faifoit la lecture des
Mifteres , de plufieurs autres
Prelats , & d'une foule incroiable de Peuple qui y accourotent
de toutes parts.
Le Roy ayant appris la ferveur avec laquelle on faifoit ces
Prieres à Paris voulut que la
même devotion fut pratiquée
dans fon Armée. Il en donna
la commiffion au Pere Louvet
aplufieurs autres Dominicains
qui avoient fuivi Sa Majesté
au Siege de cette Placepourfervir
les
GALANT 241
>
ils
les malades & pour adminiftrer
les Sacremens ; ils diftribuerent
pour cefujetplus de quinze mille
Chapelets aux Soldats
précherent avec tant de fuccés
cette devotion que tout le Camp
retentiffoit à certaines heures da
jour de la nuit des louanges &
des prieres du Rofaire , quifurent
continuées jufqu'à la reduction de
la Place.
}
que
Anne d'Autriche , une desplus
religieufes Princeffes du monde,
publiaplufieurs fois en Cour
par la vertu de cette devotion elle
avoit obtenu de Dieu noftre Augufte Monarque Louis XIV.
Mars 1710.
X
242 MERCURE
qui nâquit le premier Dimanche
deSeptembre pendantque les Prieres de nos Confreres montoient devant le Trône deJefus Chrift ,
pour obtenir l'heureuſe naiſſance
de ce Princefurnommé Dieu donné. En reconnoiffance d'un bienfait fi fignalé laReinefit recevoir
le Roy fon fils dans cette fainte
Affociation. Sa Majeflé recitoie
tous les jours une partie du Ro
faire ; elle affiftoit regulierement
aux Proceffions du Rofaire quife
font à Paris dans les Eglifes des
Peres Dominicains tous les premiers Dimanches de chaque mois.
les Festes de lafainteVierge ,
GALANT 243
& Sa Majesté s'acquittoit avec
tant d'exactitude des autres devoirs de cette devotion que ceux
qui l'approchoient en eftoient édi
fiez.
Marie - Therefe d'Autriche ,
Epoufe de noftre illuftre Monarque,fut heritiere de lapietéde la
Reine Mere. Sa Majestés'appliquoit à tous les exercices de cette Confrerie ; eftant à Versailles
elle fir parfesfoins & parfes liberalitez établir le Rofaire dans
3 la Paroiffe , &pour marquerplus
en particulier l'estime qu'elle en
faifoit & que les plus grands Seigneurs en doivent faire , SaMaXij
244 MERCURE
jeffé y fit recevoir Monfeigneur le
Dauphin & Monfeigneur le Duc
de Bourgogne peu de jours aprés
leur naiffance & donna Commiffion à deux Religieux Dominicains , fuivant l'ancien ufage ,
de dire le Rofaire pour ces deux
Princes, jufqu'à ce qu'ilsfuffent
en âge de le reciter eux- mêmes.
Les deux derniers Princes
Monfeigneur le Duc de Bretagne
&Monfeigneur le Duc d'Anjou
ont efté à leurtourreçus au Rofaire
peu de jours aprés leur naiffance,
ce quin'eftpas une Ceremonie inutile ; ils y font Affoeiez pour les
mettrefous laprotection de la tres-
GALANT 245
3
fainteVierge , & afin d'attirerfur
eux lesbenedictions du ciel de
les rendre participans des prieres
des bonnes œuvres d'un nombre
3
prefqu'infini de Confreres du Rofaire répandu dans tout le monde
chrefien. Le Pere Mefpolié Dominicam eft le Religieux qui eft
chargé de dire le Rofairepourl'un
pour l'autre Prince , jusqu'à
ce qu'ayant atteint l'usage de la
raifon , ils foient en eftat eux- mêmes de s'en acquitter. Agreez ,
Madame , ce Memoire que jay
dreſſé àla haſte pour vous donner
quelque idée de cette excellente de
votion , qui eft au- deffus de mes
X iij
246 MERCURE
expreffions. Je ne doute pas que
vous ne l'accreditiez par voftre
pieté par vos exemples. Jefuis ,
Madame, avecun zele tout refpectueux , voftre tres-humble
tres- obéïſſantſerviteur…………
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Résumé : LETTRE D'un sçavant Directeur à une Dame de la Cour, sur la reception de Monsieur le Duc d'Anjou au Rosaire.
La lettre d'un directeur spirituel à une dame de la cour traite de la réception du Duc d'Anjou dans la Confrérie du Rosaire. Cette confrérie est présentée comme une dévotion religieuse excellente, fondée sur les mystères de la vie, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa sainte mère. Elle inclut des prières vocales efficaces, des réflexions touchantes et la fréquentation des sacrements avec les dispositions requises, telles que l'imitation des vertus de Jésus-Christ et de sa mère, ainsi que les devoirs essentiels de la charité. Les membres prient pour les vivants, les agonisants et les défunts. Les avantages de cette dévotion ont été reconnus par les papes, les rois chrétiens et les saints, qui l'ont recommandée pour sa piété et son utilité. Plusieurs papes, comme Sixte IV, Léon X, Clément VIII, Pie V, Grégoire XIII, Sixte V, Adrien VI, et d'autres, ont loué le Rosaire pour ses bienfaits spirituels et matériels. Des saints comme Charles Borromée et François de Sales ont également promu cette dévotion. La lettre mentionne des événements historiques où le Rosaire a joué un rôle crucial, comme la victoire de Lépante et la délivrance de la ville de Cologne des guerres. La dévotion au Rosaire est également liée à des traditions royales en France, notamment la reine Blanche et ses successeurs, qui ont honoré cette pratique. Des rois comme Henri IV et Louis XIII ont montré leur zèle pour cette dévotion, et la reine Anne d'Autriche a obtenu des grâces divines grâce au Rosaire. La pratique dévotionnelle du Rosaire est décrite comme une prière dédiée à la Vierge Marie, pratiquée régulièrement dans les églises des Pères Dominicains à Paris. Chaque premier dimanche du mois, des processions étaient organisées, auxquelles le roi participait avec exactitude, inspirant ainsi ceux qui l'entouraient. Marie-Thérèse d'Autriche, épouse du roi, héritait de la piété de sa mère et s'appliquait également aux exercices de cette confrérie. À Versailles, elle établissait souvent le Rosaire dans la paroisse et faisait recevoir les princes, tels que le Dauphin et le Duc de Bourgogne, peu après leur naissance. Deux religieux dominicains étaient chargés de dire le Rosaire pour ces princes jusqu'à ce qu'ils puissent le réciter eux-mêmes. Les Ducs de Bretagne et d'Anjou furent également reçus dans cette pratique, afin de les placer sous la protection de la Vierge Marie et de les associer aux prières et aux bonnes œuvres des confrères du Rosaire à travers le monde chrétien. Le Père Mespolié dominicain était responsable de dire le Rosaire pour ces princes jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de le réciter par eux-mêmes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 299-325
Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay si souvent parlé de ces illustres familles, & [...]
Mots clefs :
Clergé, Église des grands Augustins, Messe de Saint Esprit, Versailles, Cardinal de Noailles, Discours, Roi, Gloire, Religion, Coeur, Naissance, Dieu, Peuples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Je vous ay fi fouvent parlé
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
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Résumé : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
En août 1710, le clergé français a organisé une assemblée marquée par plusieurs événements notables. Le clergé a célébré pour la première fois la Messe du Saint-Esprit. Le 19 août, les membres du clergé se sont rendus à Versailles, où ils ont été accueillis par le comte de Pontchartrain, le marquis de Dreux et le maître des cérémonies des Granges. Le cardinal de Noailles a prononcé un discours au roi, exprimant la loyauté et le zèle du clergé envers la monarchie. Il a souligné que les malheurs et les révolutions n'affaiblissent pas leur fidélité, citant l'exemple du grand prêtre de David. Le cardinal a également évoqué les victoires du roi et les épreuves actuelles, exhortant à voir dans les peines une occasion de mériter un bonheur éternel. Il a loué le désir du roi de procurer la paix à ses sujets et à l'Europe, soulignant que la tendresse et la confiance des sujets sont les plus grandes richesses d'un roi. Par la suite, le clergé a rendu visite au Dauphin, où le cardinal de Noailles a réitéré les mêmes sentiments de respect et de dévouement, insistant sur la nécessité pour les souverains de protéger et de soulager leurs sujets. Le texte est également une lettre adressée à un haut dignitaire, probablement un membre de la famille royale ou un représentant du roi. Les auteurs expriment leur loyauté et leur dévouement envers le roi, affirmant que leur attachement est plus profond que les simples obligations de naissance et de devoir. Ils déclarent leur volonté de servir le roi avec dévotion et de mettre toutes leurs forces à sa disposition lorsqu'il en a besoin. La lettre demande la continuité de la protection et de l'honneur du dignitaire envers le clergé, assurant que cette protection est méritée par leur respect profond, leur fidélité inébranlable et leurs vœux sincères et ardents pour la longue conservation et la prospérité de la maison royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 5-9
Prélude qui contient plusieurs faits curieux qui regardent le Roy. [titre d'après la table]
Début :
Je ferois un Volume entier si je vous rapportois tout [...]
Mots clefs :
Religion, Roi, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Prélude qui contient plusieurs faits curieux qui regardent le Roy. [titre d'après la table]
E ferois un Volume entier
je vous rapportois tout
ce que l'on a dit à l'égard du
Roy dans la Chaire de verité
dans tous les Sermons qui ont
efté faits pendant tout le Caref
medans tout le Royaume , afin
A iij
6 MERCURE
d'exciter les Peuples à prier
Dieu pour un fi grand Monarque dans les conjonctures
prefentes , & fur tout de l'obligation qu'ils luy avoient
d'avoir tout facrifié pour eux ,
& pour la gloire de Dieu & de
la Religion. Je vous rapporteray feulement ce que
Brunet,de l'Ordre de S. Auguf
tin de la Congregation de S.
Ruf, qui a prêché le Carefme
dernier devant M's les Comtes de Lyon , a dit dans celuy
qu'il fit fur le Scandale , qui eut
grands applaudiffemens. Il
parla de la revocation de l'Ele Pere
GALANT 7
dit de Nantes , & de l'extinction de la Religion Proteftante en France. Il dit que lefcandale que caufoit à l'Eglife de
France l'égarement d'une partie
defes enfans lafaifoit gemir &
la rempliffoit d'amertume ; que
le Roy , toûjours zelé pour ſa
Religion, & fermant les yeux
fur tous les avantages qu'une conduite contraire pouvoit luy apporter , avoit rétabli le culte du
ray Dieu dans fes Etats : plus
Grandparce feal endroit que
les Heros de l'Antiquité que
l'Hiftoire nous vante tant. Le
zele de la Religion & de la MaiAiiij .
tous
8 MERCURE
fon deDieu, ont fait , ajoûta'til , taire en luy toutes les autres
paffions , & il n'a écouté que celle
defairefervirfon Dieu.
que nous
Je crois devoir ajoûter icy
ce que Mrle Prefident de Mefmes dit en parlant du Roy le
jour de fa reception à l'Academie Françoife. Tel
avons vû le Roy dans la profperité defes Armes toûjours victorieufes fous fa conduite , tel nous
le voyons aujourd'huy , que tant
de Nations jaloufes de fa gloire
fefont réunies contre luy, &que
les Saifons mefme ont ſembléſe
foulever contre l'Empire Fran-
GALANT 9
çois ; qu'aurois-je dit qui ne foit
de beaucoup inferieur à la
deur à la nobleffe de fon caractere?
gran
la
Il fçait ce Prince auffi diftingué
parfapieté quepar laprééminence
defa Couronne , que que les bons &
les mauvais fuccés viennent tous
de la main du Maistre des Rois ;
c'eft de l'a qu'iltire ce conftant
amourpourla Religion &pour
faineDoctrine; ce fonds inépuifable de reffources dans les temps les
plus difficiles , cette inébranlable
fermeté d'ame, cette force d'efprit
toujoursfuperieure à l'inconftance
aux caprices de la Fortune.
je vous rapportois tout
ce que l'on a dit à l'égard du
Roy dans la Chaire de verité
dans tous les Sermons qui ont
efté faits pendant tout le Caref
medans tout le Royaume , afin
A iij
6 MERCURE
d'exciter les Peuples à prier
Dieu pour un fi grand Monarque dans les conjonctures
prefentes , & fur tout de l'obligation qu'ils luy avoient
d'avoir tout facrifié pour eux ,
& pour la gloire de Dieu & de
la Religion. Je vous rapporteray feulement ce que
Brunet,de l'Ordre de S. Auguf
tin de la Congregation de S.
Ruf, qui a prêché le Carefme
dernier devant M's les Comtes de Lyon , a dit dans celuy
qu'il fit fur le Scandale , qui eut
grands applaudiffemens. Il
parla de la revocation de l'Ele Pere
GALANT 7
dit de Nantes , & de l'extinction de la Religion Proteftante en France. Il dit que lefcandale que caufoit à l'Eglife de
France l'égarement d'une partie
defes enfans lafaifoit gemir &
la rempliffoit d'amertume ; que
le Roy , toûjours zelé pour ſa
Religion, & fermant les yeux
fur tous les avantages qu'une conduite contraire pouvoit luy apporter , avoit rétabli le culte du
ray Dieu dans fes Etats : plus
Grandparce feal endroit que
les Heros de l'Antiquité que
l'Hiftoire nous vante tant. Le
zele de la Religion & de la MaiAiiij .
tous
8 MERCURE
fon deDieu, ont fait , ajoûta'til , taire en luy toutes les autres
paffions , & il n'a écouté que celle
defairefervirfon Dieu.
que nous
Je crois devoir ajoûter icy
ce que Mrle Prefident de Mefmes dit en parlant du Roy le
jour de fa reception à l'Academie Françoife. Tel
avons vû le Roy dans la profperité defes Armes toûjours victorieufes fous fa conduite , tel nous
le voyons aujourd'huy , que tant
de Nations jaloufes de fa gloire
fefont réunies contre luy, &que
les Saifons mefme ont ſembléſe
foulever contre l'Empire Fran-
GALANT 9
çois ; qu'aurois-je dit qui ne foit
de beaucoup inferieur à la
deur à la nobleffe de fon caractere?
gran
la
Il fçait ce Prince auffi diftingué
parfapieté quepar laprééminence
defa Couronne , que que les bons &
les mauvais fuccés viennent tous
de la main du Maistre des Rois ;
c'eft de l'a qu'iltire ce conftant
amourpourla Religion &pour
faineDoctrine; ce fonds inépuifable de reffources dans les temps les
plus difficiles , cette inébranlable
fermeté d'ame, cette force d'efprit
toujoursfuperieure à l'inconftance
aux caprices de la Fortune.
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Résumé : Prélude qui contient plusieurs faits curieux qui regardent le Roy. [titre d'après la table]
Le texte traite de la dévotion et des actions du roi de France en matière de religion. Un volume entier pourrait détailler les sermons prononcés pendant le Carême pour encourager les peuples à prier pour le roi. Brunet, un moine augustin, a prêché devant les Comtes de Lyon, soulignant la révocation de l'Édit de Nantes et l'extinction du protestantisme en France. Il a loué le zèle du roi pour la religion catholique et a comparé ses actions à celles des héros de l'Antiquité, notant que le roi avait rétabli le culte du vrai Dieu malgré les avantages potentiels d'une autre conduite. Le Président de Mesmes, lors de sa réception à l'Académie Française, a également loué le roi pour sa conduite victorieuse et son amour constant pour la religion, même face à l'adversité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 55-57
Livre contenant la verité de l'Eglise Catholique. [titre d'après la table]
Début :
L'Article qui suit doit faire autant de plaisir aux Catholiques [...]
Mots clefs :
Religion, Livre, Catholiques, Protestants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Livre contenant la verité de l'Eglise Catholique. [titre d'après la table]
L'Article qui fuit doit faire
autant deplaifir aux Catholiques , qu'il doit chagriner les
Proteftans.
à
On a publié depuis peu
Paris un Livre intitulé : La ve-.
rité de la Religion Catholique,
prouvéepar l'Ecriture Sainte, par
Mr des Mabis Chanoine de
l'Eglife d'Orleans, & ci devant
E iij
56 MERCURE
Miniftre de la Religion Préte nduë Reformée. La conquête de Mr des Mahis a fait:
beaucoup d'honneur à l'Eglife. Il eftoit cher à fa famille ,
eftimé dans fon party , &favorifé des biens de la fortune,
& par cette raifon on ne peut
l'accufer d'avoir changé de
fentiment par dégoûts , & par
des interefts humains. Il fe retira lors de fa converfion au
Seminaire de S. Magloire , &
il cut en 1687. un Canonicat
dans la Cathedrale d'Orleans.
Dans le premier Sermon qu'il
y prêcha, il prit pour texte ces
}
GALANT 57
paroles : L'Eternel eft icy & je
ne le fçavois pas. Il compofoit
l'ouvrage dont je parle , dans
l'année de fa mort, qui arriva
en 1694. & quoiqu'il ne fut
alors âgé que de 45. ans , il di
foit qu'il fe trouvoit dans une
tellefechereffe d'imagination, qu'il
eftoit fouvent obligé de quitter la
plume. On ne peut dire que
ce fut pareffe ou incapacité ,
puifqu'il aimoit fort le travail
& qu'il eftoit tres- fçavant ; fon
Livre en eft une preuve fans
replique
autant deplaifir aux Catholiques , qu'il doit chagriner les
Proteftans.
à
On a publié depuis peu
Paris un Livre intitulé : La ve-.
rité de la Religion Catholique,
prouvéepar l'Ecriture Sainte, par
Mr des Mabis Chanoine de
l'Eglife d'Orleans, & ci devant
E iij
56 MERCURE
Miniftre de la Religion Préte nduë Reformée. La conquête de Mr des Mahis a fait:
beaucoup d'honneur à l'Eglife. Il eftoit cher à fa famille ,
eftimé dans fon party , &favorifé des biens de la fortune,
& par cette raifon on ne peut
l'accufer d'avoir changé de
fentiment par dégoûts , & par
des interefts humains. Il fe retira lors de fa converfion au
Seminaire de S. Magloire , &
il cut en 1687. un Canonicat
dans la Cathedrale d'Orleans.
Dans le premier Sermon qu'il
y prêcha, il prit pour texte ces
}
GALANT 57
paroles : L'Eternel eft icy & je
ne le fçavois pas. Il compofoit
l'ouvrage dont je parle , dans
l'année de fa mort, qui arriva
en 1694. & quoiqu'il ne fut
alors âgé que de 45. ans , il di
foit qu'il fe trouvoit dans une
tellefechereffe d'imagination, qu'il
eftoit fouvent obligé de quitter la
plume. On ne peut dire que
ce fut pareffe ou incapacité ,
puifqu'il aimoit fort le travail
& qu'il eftoit tres- fçavant ; fon
Livre en eft une preuve fans
replique
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Résumé : Livre contenant la verité de l'Eglise Catholique. [titre d'après la table]
Monsieur des Mabils, chanoine de l'église d'Orléans et ancien ministre de la Religion Prétendue Réformée, a publié un ouvrage intitulé 'La vérité de la Religion Catholique, prouvée par l'Écriture Sainte'. Sa conversion au catholicisme, survenue en 1687, a été marquée par une admiration générale, excluant toute motivation matérielle ou de dégoût. Après sa conversion, il s'est retiré au Séminaire de Saint-Magloire et a obtenu un canonicat à la cathédrale d'Orléans. Dans son premier sermon, il a utilisé le texte 'L'Éternel est ici et je ne le savais pas'. Il a composé son ouvrage l'année de sa mort, survenue en 1694 à l'âge de 45 ans. Malgré une santé déclinante, il a continué à travailler sur son livre, démontrant ainsi sa dévotion et son érudition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 5-9
Prelude dont les veritez paroîtront incontestables à ceux qui le liront, [titre d'après la table]
Début :
Depuis que le Roy a commencé à gouverner par luy [...]
Mots clefs :
Royaume, Religion, Jansénistes, Quiétistes
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texteReconnaissance textuelle : Prelude dont les veritez paroîtront incontestables à ceux qui le liront, [titre d'après la table]
EPUIS que le Roy a
commence a gouverner
par luy mesme, quoyque son
occupation ait esté grande,
soit en paix, foien guerre, ses
premiers soins ont toûjours
regardé l'a.ccrolffcmciit3li pu-
reté, & le culce de la véritable
Religion, pour laquelle il à
toujours tout sacrifié. 'Sel
Edits sur ce sujet sont sans
nombre. Il a
contribuédans
une infinité d'endroits de fom
Royaume à l'établissement des)
Temples;il a
fait construire
celuy du Val-de Grâce qui est
une des Merveilles du Monde,
& celuy des Invalides dont roifl
les Etrangers qui lont vû onn
esté charmez. Il n'a point consideré ce que la suppression de
l'Edit de Nantes coûteroit àa
son Erat
,
& il a cru qu'il gagneroit beaucoup en donnant
j lieu à tous ses Su jets Prote stans
de sortir du Royaume. Monsieur le Chancelier leTellierJ
qui signa la Revocation de cet
Edit,s'écriaaprèsl'avoirsignée,
comme le bon homme Simeon
,
Nunc dimittis servum
tuum in pace. Paroles que le
Roy repeta souvent, en disant
qu'après la revocation de cet
Edit
y
il mourroit content, en
quelque temps qu'il plût à
Dieu de l'appeller. Il a
banni
de son Royaume, non seulement les Protestans
;
mars il a
auili obligé les Jansenistes à
reconnoistre leur erreur, &les
Quietistes à renoncer à la leur,
en sorte que l'on connoist à
present à peine dans son
Royaume, les noms de Protestans
,
de Jansenistes, & de
Quietistes. On ne doit pas s'étonner après routes ces choses,
de la grande dépense qu'il a
faite pour la nouvelle Chapelle de Versaillesàlaquelle on
travaille depuis un grand nombre d'années. Rien ne lui a
coûté pour la construction &
pour les riches ornemens de
cette Chapelle,& plus elle luy
a
coûté dans un temps si difficile, plus il s'est acquis de me-
rite auprès de Dieu. On doit
dédièr-éettt Chapelle,& y celebrer la Messe, le jour de la
Pentecôte, & il y a
lieu de
croire que le Ciel continuera
de répandre ses bénédictions
sur le Roy, à qui il n'a fait
sentir quelques adversitez, que
pour mieux faire connoistre à
toute la Terre, la grandeur de
son ame, & que dans tous les
états ouceMonarque s'e st
trouvé, il a
toûjours rendu des
graces à Dieu, comme dans sa
plus grande prosperité.
commence a gouverner
par luy mesme, quoyque son
occupation ait esté grande,
soit en paix, foien guerre, ses
premiers soins ont toûjours
regardé l'a.ccrolffcmciit3li pu-
reté, & le culce de la véritable
Religion, pour laquelle il à
toujours tout sacrifié. 'Sel
Edits sur ce sujet sont sans
nombre. Il a
contribuédans
une infinité d'endroits de fom
Royaume à l'établissement des)
Temples;il a
fait construire
celuy du Val-de Grâce qui est
une des Merveilles du Monde,
& celuy des Invalides dont roifl
les Etrangers qui lont vû onn
esté charmez. Il n'a point consideré ce que la suppression de
l'Edit de Nantes coûteroit àa
son Erat
,
& il a cru qu'il gagneroit beaucoup en donnant
j lieu à tous ses Su jets Prote stans
de sortir du Royaume. Monsieur le Chancelier leTellierJ
qui signa la Revocation de cet
Edit,s'écriaaprèsl'avoirsignée,
comme le bon homme Simeon
,
Nunc dimittis servum
tuum in pace. Paroles que le
Roy repeta souvent, en disant
qu'après la revocation de cet
Edit
y
il mourroit content, en
quelque temps qu'il plût à
Dieu de l'appeller. Il a
banni
de son Royaume, non seulement les Protestans
;
mars il a
auili obligé les Jansenistes à
reconnoistre leur erreur, &les
Quietistes à renoncer à la leur,
en sorte que l'on connoist à
present à peine dans son
Royaume, les noms de Protestans
,
de Jansenistes, & de
Quietistes. On ne doit pas s'étonner après routes ces choses,
de la grande dépense qu'il a
faite pour la nouvelle Chapelle de Versaillesàlaquelle on
travaille depuis un grand nombre d'années. Rien ne lui a
coûté pour la construction &
pour les riches ornemens de
cette Chapelle,& plus elle luy
a
coûté dans un temps si difficile, plus il s'est acquis de me-
rite auprès de Dieu. On doit
dédièr-éettt Chapelle,& y celebrer la Messe, le jour de la
Pentecôte, & il y a
lieu de
croire que le Ciel continuera
de répandre ses bénédictions
sur le Roy, à qui il n'a fait
sentir quelques adversitez, que
pour mieux faire connoistre à
toute la Terre, la grandeur de
son ame, & que dans tous les
états ouceMonarque s'e st
trouvé, il a
toûjours rendu des
graces à Dieu, comme dans sa
plus grande prosperité.
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Résumé : Prelude dont les veritez paroîtront incontestables à ceux qui le liront, [titre d'après la table]
Depuis que le roi gouverne seul, il a priorisé la pureté et le culte de la véritable religion, sacrifiant tout pour cette cause. Il a édifié des temples et des bâtiments remarquables comme le Val-de-Grâce et les Invalides, attirant l'admiration des étrangers. La révocation de l'Édit de Nantes, bien que coûteuse, a été vue comme un gain spirituel, permettant aux protestants de quitter le royaume. Le chancelier Le Tellier et le roi ont exprimé leur soulagement après cette révocation. Le roi a également banni les protestants et contraint les jansénistes et les quiétistes à reconnaître leurs erreurs. Malgré les difficultés financières, il a fait construire la nouvelle chapelle de Versailles, dédiée à célébrer la messe le jour de la Pentecôte. Le roi a toujours rendu grâce à Dieu, même dans l'adversité, démontrant ainsi la grandeur de son âme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 9-56
Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Début :
Je passe aux Discours prononcez dans l'Academie des [...]
Mots clefs :
Discours, Académie des inscriptions, Académie des sciences, Analyse, Inscription sépulcrale, Pontife, Empire, Religion, Parallèle d'Homère et de Platon, Chrétiens
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texteReconnaissance textuelle : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Jï passe aux Discours prononcez dansl'Academie des
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
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Résumé : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Le texte relate les discours prononcés lors de l'ouverture des Académies Royales après Pâques. L'Académie des Inscriptions s'est ouverte le 29 mars avec un éloge de Thomas Corneille par Mr de Boze, secrétaire perpétuel. Cet éloge était particulièrement difficile car Mr de la Motte avait déjà traité le sujet lors de sa réception à l'Académie Française. Mr de Boze a mentionné que Thomas Corneille est né à Rouen le 20 août 1625, fils de Pierre Corneille, avocat du roi, et de Marthe Le Pesant. Il a étudié chez les Jésuites et a composé une pièce en vers latins remarquée par son régent. Après ses études, il s'est tourné vers le théâtre, influencé par son aîné Pierre Corneille. L'Abbé Massieu a lu un discours sur le parallèle entre Homère et Platon, soulignant leurs similitudes dans la doctrine, la manière d'enseigner et le style. Il a noté que Platon citait souvent Homère et empruntait son style, et que les deux auteurs utilisaient des symboles et des allégories. Massieu a conclu que Homère avait peut-être un léger avantage sur Platon en tant qu'original. L'Abbé de Tilladet a ensuite parlé de la prééminence du souverain pontificat des anciens Romains, prouvant que les premiers empereurs chrétiens avaient adopté cette qualité pour légitimer leur pouvoir. Il a cité des exemples comme Macrin et Gratien pour illustrer l'importance de ce titre. Tilladet a également présenté des preuves tirées d'auteurs et de monuments, comme Zozime et le Pape Grégoire, pour soutenir son argumentation. Il a conclu que les empereurs chrétiens avaient permis que des inscriptions les désignant comme souverains pontifes subsistent, montrant ainsi leur acceptation de ce titre. L'Abbé de Tilladet a également soutenu que les premiers Empereurs Chrétiens ont porté le titre de Pontife sans prévarication, car ce titre leur permettait de conserver leur souveraineté et de réprimer les libertés du paganisme. Il a argumenté que les empereurs chrétiens n'ont pas ouvertement professé une religion contraire, mais ont utilisé ce titre pour des raisons politiques et religieuses. Tilladet a comparé cette situation à celle du titre de Roy de Pologne, qui a changé de signification après la renonciation au royaume. Il a conclu que le titre de souverain Pontife a pu être conservé par les empereurs chrétiens sans connotation superstitieuse, grâce à leur dévouement à la religion chrétienne. Mr. Henrion a présenté un discours sur les inscriptions sépulcrales antiques, soulignant leur importance pour les titres civils et canoniques. Il a expliqué que son but était de découvrir l'esprit des anciens Grecs et Romains dans l'apposition de ces inscriptions et de développer l'artifice de leur composition. Henrion a détaillé les motifs, l'antiquité, et les usages des inscriptions sépulcrales, ainsi que les personnes ayant droit à ces inscriptions et les matériaux utilisés. Il a regretté la perte de nombreux monuments précieux et les dommages causés par l'ignorance et le zèle excessif du christianisme. Enfin, Mr. Foucaulr a résumé les discours de manière ingénieuse, plaisant à toute l'Assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 222-225
Ceremonie aussi devote que curieuse faite à Soissons, à laquelle a assisté la Compagnie des Gardes du Corps commandée par Mr le Duc de Villeroy, [titre d'après la table]
Début :
Voicy un Article qui vous paroistra des plus curieux, & [...]
Mots clefs :
Pères feuillants, Religion, Gardes du corps, Soissons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ceremonie aussi devote que curieuse faite à Soissons, à laquelle a assisté la Compagnie des Gardes du Corps commandée par Mr le Duc de Villeroy, [titre d'après la table]
Voicy un Article qui vous
paroistra des plus curieux, Se
qui vous donnera des marques
de l'attachement que les François ont pour le Roy & de
leur zelepour ce qui regarde
la Religion.
La Compagnie des Gardes
du Corps commandée par Mr
le Duc de Villeroy
,
s'éstant ap.
semblée à Soissons le 29.Avril
pour aller en Flandre le premier de May, Mr de la Boulaye, qui estoit alors seul Chef
deBrigade, accepta l'offre que
les Peres Feüillans de cette Ville vinrent luy faire de dire le
premier jour de May, jour du
départ, & Feste de S. Jacques
& S. Philippes, la Messe à cinq
heures du matin, pour la santé
du Roy, & pour la prosperité
de ses Armes. Mrde la Boulaye s'y rendit avec la Compagnie, qui reçut à la fin de la
Messe, la Benediction du tresSaint Sacrement. Mrs de la
Boulaye
,
de Grillet, du Clos,
de la Faye, Beauchamps, Croisillac Officiers superieurs,avec
tous les Brigadiers, Sous-Brigadiers
,
Porte Etendarts, & plusieurs anciens Gardes reçurent
aussi en forme de Scapulaire un
S. Suaire, sur lequel le P. Dom
Jacques de Saint Dominique,
avoit tous les jours en disant
la Messe, fait repofcr la sainte
Hostie. Le petit S. Suaire est
cacheté dans du papier, & enveloppé dans une petite Bourses avec l'Inscripcion desEten-
dam du grand Constantin;
quand al triompha des enneTais2c Dieu& del' Eglise. In
àocsignovinces.
w
Rienn'est plus édifiant, tant
du cofté des Officiers, que de
celuy des Peres Feüillans de
Soissons.
paroistra des plus curieux, Se
qui vous donnera des marques
de l'attachement que les François ont pour le Roy & de
leur zelepour ce qui regarde
la Religion.
La Compagnie des Gardes
du Corps commandée par Mr
le Duc de Villeroy
,
s'éstant ap.
semblée à Soissons le 29.Avril
pour aller en Flandre le premier de May, Mr de la Boulaye, qui estoit alors seul Chef
deBrigade, accepta l'offre que
les Peres Feüillans de cette Ville vinrent luy faire de dire le
premier jour de May, jour du
départ, & Feste de S. Jacques
& S. Philippes, la Messe à cinq
heures du matin, pour la santé
du Roy, & pour la prosperité
de ses Armes. Mrde la Boulaye s'y rendit avec la Compagnie, qui reçut à la fin de la
Messe, la Benediction du tresSaint Sacrement. Mrs de la
Boulaye
,
de Grillet, du Clos,
de la Faye, Beauchamps, Croisillac Officiers superieurs,avec
tous les Brigadiers, Sous-Brigadiers
,
Porte Etendarts, & plusieurs anciens Gardes reçurent
aussi en forme de Scapulaire un
S. Suaire, sur lequel le P. Dom
Jacques de Saint Dominique,
avoit tous les jours en disant
la Messe, fait repofcr la sainte
Hostie. Le petit S. Suaire est
cacheté dans du papier, & enveloppé dans une petite Bourses avec l'Inscripcion desEten-
dam du grand Constantin;
quand al triompha des enneTais2c Dieu& del' Eglise. In
àocsignovinces.
w
Rienn'est plus édifiant, tant
du cofté des Officiers, que de
celuy des Peres Feüillans de
Soissons.
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Résumé : Ceremonie aussi devote que curieuse faite à Soissons, à laquelle a assisté la Compagnie des Gardes du Corps commandée par Mr le Duc de Villeroy, [titre d'après la table]
Le 29 avril, la Compagnie des Gardes du Corps, sous la direction du Duc de Villeroy, se rassembla à Soissons pour partir en Flandre le 1er mai. Monsieur de la Boullaye, Chef de Brigade, accepta l'offre des Pères Feuillants de Soissons de célébrer une messe à cinq heures du matin, jour du départ, qui coïncidait avec la fête de Saint Jacques et Saint Philippe. La Compagnie assista à cette messe pour la santé du roi et la prospérité de ses armées. À la fin de la messe, la Compagnie reçut la bénédiction du Très-Saint Sacrement. Plusieurs officiers supérieurs, brigadiers, sous-brigadiers, porte-étendards et anciens gardes reçurent un petit suaire contenant une sainte hostie bénie par le Père Dom Jacques de Saint Dominique. Ce suaire était cacheté dans du papier et enveloppé dans une petite bourse, accompagnée d'une inscription évoquant l'étendard de Constantin. La scène fut jugée très édifiante par les officiers et les Pères Feuillants.
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23
p. 23-24
Response de Sa Majesté.
Début :
Cette Adresse m'est tres agreable, & je vous en [...]
Mots clefs :
Réponse, Reine, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Response de Sa Majesté.
Refponfe de Sa Majesté.
Cette Addreffe m'eft
tres agreable, & je vous en
remercie.
Mon but a efté d'affeuver noftre Religion , la Succeffion Proteftante & vos
libertez, de pourvoir à la
feureté de mes Alliez , de
foulager mes propres ſujets
du pelant fardeau qu'ils
2$4 MERCURE
noftre
fupportent , & d'augmen
ter & eftendre
Commerce , & j'efpere que
Dous obtiendrons tous ces
avantages , avec la benediction de Dieufur les prefentes Negociations de
Paix
Cette Addreffe m'eft
tres agreable, & je vous en
remercie.
Mon but a efté d'affeuver noftre Religion , la Succeffion Proteftante & vos
libertez, de pourvoir à la
feureté de mes Alliez , de
foulager mes propres ſujets
du pelant fardeau qu'ils
2$4 MERCURE
noftre
fupportent , & d'augmen
ter & eftendre
Commerce , & j'efpere que
Dous obtiendrons tous ces
avantages , avec la benediction de Dieufur les prefentes Negociations de
Paix
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24
p. 242-279
Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Début :
Monsieur Defaniere fit l'ouverture de l'Académie Royale des Medailles & [...]
Mots clefs :
Feu, Religion, Cérémonies, Païens, Chrétiens, Sacrifices, Antiquité, Symbolisme, Juifs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Monsieur Defanierefit
l'ouverture de l'Académie
Royale des Médailles &
Inscriptions, comme nous
lavons annonce - dans le
Mercureprécèdent, par un
Discours fort curieux sur
l'ulage desfeux 0- des illuminations
dans les Fesses facrées
& prophancs.
Il fit voir d'abord que
cet usageaesté sicolemnel
dans l'antiquité, qu'ils'est
confervé si religieusement
parmi toutes les Nations,
& qu'il en cil: parlé si souvent
-
dans les Auteurs facrez&
prophanes, tant
Hifioriens, Poëtes,qu'Orateurs,
que l'on peut dire
que c'est un des points qui
mérité le plus les recherches
des Sçavants. Cette
matière n'avoit point encore
estétrainée à fond,
& elleestoit si estendue &
si vaste qu'il estoit comme
impossible de l'épuisèr, &
tresdifficile de bien ranger
le grand nombre de faits
qu'elle comprend.
-
Pour y mettre quelque
ordre Monsieur Defaniere
adiviséson discours sur ce
lùjet en deux parties. L,"
premiere comprend les
faits qui regardent l'usage
des feux & des illuminai
tions par ra pport à la Religion
: & la fécondé
, ce
mesme usageen tant qu'il
'Ca employc dans les rejoiiifTances
publiques &
particulieres. Mais comme
letemps ne luy permit pas
de faire la levure de cette
Jerniere partie, il se borna
feulement à la premiere
qu:ildivisa en trois articles.
Le premier regardoit l'ufage
que les Juifs en ont
/f
fait pour le culte du veritable
Dieu,usage que Dieu
avoit non feulement ordonné
, mais pour ainsi dire
consacréluy-mesme. Le second traitoit des
abus que les Payens en ont
fait pour honorer les faux
Dieux.
Le troisiéme enfinestoit
employé à examiner si l'ufàge
que les Chrestiens
ont pû faire du feu & des
illuminations dans leurs
festes & dans leurs ceremonies
a fait & fait encore
partiede leur culte religieux.
- X iij
Mr Defaniere commence
l'article des Juifs par
une reflexion générale avant
d'en venir aux preuves
particulières. Il remarque
que Dieu suivant les
divines Ecritures,avoit fait
un choix particulier du
feu pour estre le symbole
de ses principaux attributs
; que par une bonte
singuliere pour ce peuple,
il avoit employé le feu,
pour luy donner quelque
legere idée deson adorable
Divinité par des signes
qui luy fussent proportionnez.
Mais il fallut encore
que les recompenses & les
chastiments en fussent inseparables.
Faut-il s'eflonneraprès
cela si le feu chez
ce peuple tenoit le premier
rang dans les plus augustes
ceremonies de leur Religion
,
si leurs sacrifices &
leurs festes en recevoient
tout leur éclat & leur perscâson,
& si un si précieux
gage estoit si religieusement
confervé dans leur
Temple? 1.
Mais pour faire voir une
espèce de
;
çonfècratiory
plus particulière de cet
élement
,
il fit voir que-
Dieu s'est represèntéplusieurs
fois luy mesmesous
la forme du feu, les exemples
que les Livres sacrer
Juy ont fourni pour prouver
sa prepofirion
,
l'ont
porté à en c.fiablir une autre
tirée necessairement de
la premiere
,
qu'il ne faut
pas après ce la s'efionner
que le culte souverain de
Dieu sesoit fait par le feu:
il trouve egalement de
quoy establir cettedernie- rspropositiondanspltir
sieurs endroits de l'Ecriture
où l'on voit le culte
que Dieu veut qu'il luy soit
rendu par lessacrifices &,
les holocaustes. Le feu sur
roue faifoic l'accom pliflcment
& la perfectionde
lis sacrifices par la consomption
qui s'y faisoitde
certaines parties des victimes
ou de toure la viéïime
dans le sacrifice de
l'holocauste, lequel à cau se
de cela estoit consideré
comme le plus excellent.
Mr Defaniere fit voir ci>.
fuite que Dieu s'est servi du
feu pour marquer que les
sacrifices luy estoient a.
gréables,enfaisant tomber
le feu du Ciel sur la
victime pour la consumer.
Il allégué l'exemple
du sacrifice d'Abel,celuy
fait pour la confècrarion
d'Aaron, celuy de Gedeon,
de David, de Salomon,
d'Helie, & celuy de Nehernie.
Il fit remarquer
que si le feu eftoicuniymbole
si desirable aux adorateurs
de laDivinité,qu'il
n'estoitpas moins formidable
aux transgresseurs
de la loy divine; que si
la bonté de ce souverain
maistre du monde se ma-
- nifeftoitainsi, savengeance
n'en éclattoit pas moins
contre ceux qui estoient
rebelles à ses ordres. Les
preuves qu'il tire de l'Ecriture
pour appuyer ce qu'il
avance dans cet endroit,
font assez voir que le feu
est l'instrument le plus ordinaire
dont Dieu s'est fer- fvi pour la punition des impies
& des insîdelles
,
&
- que c'estpar le feu qu'il
punie & qu'il punira ceux
qu'il a condamnez par fJ.
justice à estre tourmentez ;
éternellement pour leurs
crimes. Après avoir fait
voir l'usage que Dieu a saie
de cet element à l'égarddes
hommes, Mr Defaniere
passe à l'usage que les
hommes en ont fait pour
honorer Dieu
,1 Chez les Jyifs la plus 1
grande marque d'adora- 1
tion du Dieusouverain, I1
estoit le feu continuel qu.
on entretenoit sur l'Autel,
& dont le soin estoit commis
aux Prestres,&;;<jur
istoittellement lié avec le
Sacerdoce du Grand Prestre,
qu'il s'estieignit dés que
Jason (e fut empare de cette
dignité par de mauvaises
voyes. Il s'estoitconservé
auparavant tousjours
allumé & sans alteration,
cache dans un endroit du
Temple pendant les foixante
& dix années de la
captivité de Babylone. Il
ne fut esteint précisément
que dans le temps de l'extindion
du Sacerdoce, prérogative
qui fait çonnoiCtre
que le principal culte
extérieur de Dieu,confit
toit dans ce feu sacré.
Mr Defanïere n'a garde
de passer fous silence les
festes particulieres desJuifs
dans lefqueiles les illuminations
faisoient tousjours
la principalepartie de leurs
devotions & de leurs réioüissances,
non feulement
par rapport aux sacrifïces
qui avoient coutume d'y
cftre offerts, & que le feu
confumoit
,
mais encore
par rapport aux différentes
illuminations qu'on y adjouftoit
pour rendre ces
festes plus auguites.
Il y avoit la feste appellée
accenfio lucernarum à cause
de la quantité des lampes
qu'on allumoit en ce
jour; la feste appeUeecowbujlio
vulpium,en laquelle
en bruistoit des renards en
mémoire de l'histoire de
Sanson ,& generalement
la fin de toutes leurs grandes
fbtcmniccz
,
estoit accompagnéede
feux&d'itluminationsensigne
de
réj uiflance; au contraire
les jours de jeûne, c'etf à
dire,dans lesqûels ils faisoient
mémoire de quelques
évenemens funestes
à leur Nation,etfoientlurgauibforeiesnr&
ténébreux; ils
mesme un jeûne
particulier le 18. du mois
d'Ab à cause que la lampe
de la branche occidentale
du chandelier d'or quiertoit
dans le Templey fut
esteinte sous le regne du -
Roy AKas, regardant cet
accident comme un malheur
confiderable qui al- i
Joit porterungrand préju- 1
dice au culte qu'ils ren-
< doient à Dieu.? 4 A
A l'égard du fecond
article qui regarde l'usage
des feux & des illuminations
parmy les Payens ,
Mr Defaniere prouva sort
solidement que cet ufa ge
a esté un des points lesplus
dfentiels de leur Religion;
il allegua rAuteur du Livre
de la Sagesse pour faire
voir que ces peuples abandonnez
à leurs egaremens
:' se portèrent à rendre un
culte souverain à cet éler
ment;ils luydreiTerent des
Autels, luy firent cond
cruirc des Temples, luy
insticuerent des Sacrifices,
& luy establirent des Pree.
très. S. Augustin cherchant
lesmotifs de ce cul.
te parmy les Nations en
soupçonne deux principaux,,
le premier, la connoissance
que ces peuples
avoient que plusieurs victimes
avoient osté confumez
par un feu descendu
du Ciel, ce qui les portoit
a croire que ce ne
pouvoit estre qu'un Dieu
caché fous cette forme le-z
gere ,
l'autre motif , lex~
- perience qu'ils avoient du
mouvement continuel du
feu qui monte tousjours
en haut,ils s'imaginoient
peut-estre, que le feu est
une portiondela Divinité
qui est auCiel vers laquelle
il tend à se réunir en en-*
levant avec foi les victimes
; delà vient qu'ils
estoient persuadez que
plus il avoit paru d'activite
& de clarté dans les
sacrifices
,
plus la vic',Iimc
estoit receuë favorablement.
Mais Ciceron fournit
une raison plus plausi.
ble
,
lorsquil dit que IA
necefficé&.l'utilité ont
porté les hommes à qualisier
du nom de Dieu les
choses qui leur estoient
d'un plus grand secours &
dont ils avoient le plus de
besoin
,
c'est aussi ce qui
les engagea à avoir pour
le feu ce mesme ésgard ôc
a le considerer comme un
veritableDieu.
,
lt.
Le Soleil d'abord fut
l'objet de leurs adorations,
& peu de tems après le
feu qui en estoit une émanation
selon leur TIICOICH
gie, merita qu'onlui rendift
le mesmehonneur.
Les Egyptiens furent les
premiers qui lui rendirent
le culte souverain, & toutes
les nations les ont fuivies
sur cette croyance.
L'on apprend par les Auteurs
sacrez & prophanes,
que ce culte estoit répandu
generalement parmy
les Chaldéens, lesAssyriens,
les Medes, les Babylonieris
,
les Perfesles
Lybiens
,
les Grecs,les
Romains, les Germains
-
6c parmy les Celtes. Mr
Defaniere fit observer que
pour distinguer ce cuIre
d'avec celuy qu'ils addref.
soient au Soleil; ils y firent
présider de certaines
Divinirez qu'ils regardoient
comme le feu met
me, tantost c'estoit Vulcain,
tantost Vesta, tantotf
Promethée,& tantost Bacchus.
Il se trouve une aisez
grande conformitéparmy
toutes les Nations sur ca
qui regarde ce culte, s'il y
a quelque difference ce
n'est que sur les ceremonies
de leurs sacrifices,fut
le genre desvictimes,&
sur leurs Prestres. Les Perses
dans de certains jours
de l'année mettoient la Divinité
du feu sur un cheval
blanc, & luy faisoientfaire
plusieurs fois le tour de
leur Temple leurs Rois.
suivoient cette pompe accompagnez
de toute leur
Cour.
C'estoit une coustume
generale parmy tous ces
peuples de consèrver un
feu sacré dans leurs Temples
qu'ils regardoient
comme un gage précieux, : auquel estoit attachée la
durée de leurs Empires. il
y avoit des Prêtres desti-:
nez uniquement a cette,
fonction; les Chaldéens,
les Affynens, les Medes,
les Baby loniens & les Perses,
commettoient cesoin.
à des Mages nommez à
causede cela Pyrettes.
Parmi les Grecs la conservation
du feu sacré eitoic
confiéeà desVeuves,&
chez les Romains à des
Vierges que l'on appelloir
Vestales. L'on avoirattaché
à ce
ministeredespré
rogatives singuliéres&excelleLites.
1
cellentes
*, mais aussi la négligence
de ceux qui en
faisoient les fondions eftoit
punie avec la derniere
rigueur. Quand il arrivoic
par malheur que ce feu
s'esteignoit, il n'estoit pas
permis dele rallumer avaC
du feu ordinaire,on se fervoit
des rayons du Soleil
que l'on réunissoit avec un
instruméc qui formoic une
cavité triangulaire, qui par
sa forme rassembloit les
rayons au point de son centre,
afin de leur donner la
force d'enflammer la matiere
sur laquelle ondirigeoit
ce foyer de rayons.
Le Temple bastienl'honneur
de Vesta par Numa
Pompilius, n'estoit pas le
sèul à Rome où l'on conservoit
un feu sacre
,
l'on
enconservoit encore dans
les Temples des Dieux anciens.
Le feu estant reconnu
pour une Divinité parmy
toutes les Nations, on
Juy offroit par une consequence
necessaire des fa-s
crifices, mais les victimes
n'estoient pas lesmesmes
par tout. Les uns fc fervoiéc
d'animaux, & les autres de
victimes humaines; on ne
les égorgeoit point, mais
on les assommoit à grands
cou ps de massuë de bois,
Ces. sacrifices se faisoient
toujours avec grande ceremonie
& grandes dépenses
, les Prestres en tiroient
ordinairement quantité de
présages ;
si leurs divinations
ou augures se prenoient
du costé de la fumée
qu'ils y observoient,
ils les a ppelloientCapromanties,
s'ils les tiroient
du feu mesme ils les nommoient
Py romanries. Il
n'estoit pas permis de se
servir d'autre feu pour con.
fumer la victime que de ce
feu sacré; celuy qui auroit
estéassezhardy pourvouloir
l'esteindre avec de
l'eau, auroit passé dans l'efprit
du peuple pour un
athée, & auroit esté puni
sur le cham p.
L'entrée des Temples où
l'on con servoit le feu sacré
estoitfermé pendant la
nuit à tout le monde, &
pen dant le jour les hommes
avoient liberté seuleftiem
dentrer dans celuy
auquel les Prestres estoient
préposez, & les femmes
dans celuy dont les Preftrefles
avoient la garde;
de toucher ou regarder ce
feu passoit pour un sacrilege,
il en cousta la privation
dela veuë à Metellus
pour l'avoir voulu sauver
de l'embrasement dutem.-
ple de Vesta ; c'est ce qui
a porté plusieursNations à
ne point se servir du feu
pour bru ler les corps des
morts. Dioscoride rapporte
qu'un certain Persan
nomme Euphrates dessenditpar
cette raison de bruler
son corps a près sa morr,
dans la crainte où il etoit
que son attouchement ne
caufaft quelque soüilleure
a une chose si fainte & si
respectable.
Deux accidens fâche*'ux
pour le Dieu du feu luy
firent beaucoup perdre de
son credit parmy les peuples
,
l'un arriva par l'artifice
des Prestres de Canope
Dieu des Egyptiens
qui demeura victorieux du
Dieu des Pcrfes après un
desisolemnel fait entre ces
deux Nations sur le pouvoir
de ces deuxDivinitez;
le second lorsque l'Empereur
Heraclius ravagea
toute la Capadoce & la
Perse & en abolit le culte
dans plusieurs Provinces
de ce pays où il etoit
establi.
Passons presentement à
ce qui se pratiquoit dans
les Temples de ces Dieux.
Mr Defaniere se sert du
témoignage de Strabon,
par lequel l'on apprend
que parmi les Orientaux
au milieu de ces Temples
estoit un Autel, sur lequel
il y avoic de la cendre
pour couvrir ce feu qui
ne devoit jamais s'éteindre,
les Pyrettes leurs Mages
entroient tous les jours
dans ce Temple pour y
chanter pendant l'espace
d'une heure, se tenant
prosternez devant ceDieu,
ayant en leur main un
faisseau de verges, & sur
letesteunethiare de laine
qui leur couvroit la plus
grande partie du visage;
&asin de se rendre plus
respectables quand ils sortoient
de ces Temples,
ils avoient coutume de
porter une branche de
laurier dans une main,&
de l'autre un flambeau allumé.
L'antiquité Romaine
nous apprend que dans
le Temple de Vesta
,
il
n'y avoir aucun fimulacre
de Divinirez, que le feu
sacré y estoit conservé
dans une Urne de terre
suspenduë en l'air, que
les Vestales veilloient jour
& nuit successivement &
que le grand Pontife les
visitoitdetems en tems.
Tous les a£tes des Pavens
estoient tousjours accompagnez
de lumiéres, vouloient-
ils addresser des
voeux à quelques-uns de
leurs Dieuxou lesremercier
de quelque grace ou
bienfait qu'ils croyoienc
en avoir reccus; ils allumoientune
grande quantité
de lam pes devant leurs
Images & sur tout devant
celles des Dieux Lares &
des Dieux Penates; s'ils
faisoient des alliances &
des sermens ils en prenoient
le feu pour témoin
,
en un mot leurs foyers
estoient regardez comme
une chosesilainte qu'ils y
faisoient présider des Divinitez
particuliéres, ils
se servoientencore du feu
pour découvrir les coupables
quand leurs crimes
ntefioient pas bien averez
d'ai lleurs,on les faisoit
approcher de l'Autel de ce
,
Dieu, on leur ordonnoit
ensuite de poser la main
dessusle feu, &s'il arrivoit
qu'ils ne tesmoignassent
aucune émotion, on
les jugeoic innocens, &
on les renvoyoit absous.
Cette pratique pourroit
bien avoir donné lieu à
pareil usage introduit parmy
les Chrestiens d'Occident
dans le huit & neuviémesiécle,
à l'esgard
de l'espreuve du fer chaud
pour découvrir les criminels.
Mr Defaniereobserve
que plusieurs Divinitez
avoient besoin avant que
d'estre admises au rang
des Dieux, d'estre purisiez
par le feu, tels que les
Empereurs & autres particuliers
pour lesquels on
faisoit des consecrations
publiques
;
les Roys, les
Mdgistrats les Prestres
parmy plusieurs peuples
ne pouvoient faire les pre.
mieres fonctions de leur
employ sans estreaussipurissés
par le feu, afin de
rendre leurs actions dans
la suite plus pures &plus
justes. C'est pour celaaussi
que l'on voyoit à Arfcne
au milieu de l'endroit où
l'Areopage se tenoit une
Statuë de Vesta, & que
l'on plaçoitaussi dans le
Vestibule des Palais des
Rois la Statuë de cette
Déesse afin de leurs apprendre
aux uns & aux
autres qu'elle seroit témoin
de leurs Ordonnances &
de leur conduite.
Les Payens avoient SLUC
siplusieurs Festes establies
en l'honneur de plusieurs
Divinitez où l'usage des
feux& des illuminations
contribuoit à les rendre
plus augustes & plus éclatantes.
Mr Defaniere s'est
borné aux Egyptiens, aux
Grecs & aux Romains, il
parcoure toutes les principales
Festes de ces peuples,
& il fait un détail de toutes
les réjoüissances & des
festins qui avoient tousjours
coustume d'accompagner
ces fortes de solemnitez.
Je ne puis rien vous dire
sur le troisiéme article
qui regarde l'usage des
feux & des illuminations
par rapport à la Religion,
parmy les Chrétiens. Mr
Defanierese trouva borné
par l'heure & ne put achever
la lecture de ce troisiéme
article.
l'ouverture de l'Académie
Royale des Médailles &
Inscriptions, comme nous
lavons annonce - dans le
Mercureprécèdent, par un
Discours fort curieux sur
l'ulage desfeux 0- des illuminations
dans les Fesses facrées
& prophancs.
Il fit voir d'abord que
cet usageaesté sicolemnel
dans l'antiquité, qu'ils'est
confervé si religieusement
parmi toutes les Nations,
& qu'il en cil: parlé si souvent
-
dans les Auteurs facrez&
prophanes, tant
Hifioriens, Poëtes,qu'Orateurs,
que l'on peut dire
que c'est un des points qui
mérité le plus les recherches
des Sçavants. Cette
matière n'avoit point encore
estétrainée à fond,
& elleestoit si estendue &
si vaste qu'il estoit comme
impossible de l'épuisèr, &
tresdifficile de bien ranger
le grand nombre de faits
qu'elle comprend.
-
Pour y mettre quelque
ordre Monsieur Defaniere
adiviséson discours sur ce
lùjet en deux parties. L,"
premiere comprend les
faits qui regardent l'usage
des feux & des illuminai
tions par ra pport à la Religion
: & la fécondé
, ce
mesme usageen tant qu'il
'Ca employc dans les rejoiiifTances
publiques &
particulieres. Mais comme
letemps ne luy permit pas
de faire la levure de cette
Jerniere partie, il se borna
feulement à la premiere
qu:ildivisa en trois articles.
Le premier regardoit l'ufage
que les Juifs en ont
/f
fait pour le culte du veritable
Dieu,usage que Dieu
avoit non feulement ordonné
, mais pour ainsi dire
consacréluy-mesme. Le second traitoit des
abus que les Payens en ont
fait pour honorer les faux
Dieux.
Le troisiéme enfinestoit
employé à examiner si l'ufàge
que les Chrestiens
ont pû faire du feu & des
illuminations dans leurs
festes & dans leurs ceremonies
a fait & fait encore
partiede leur culte religieux.
- X iij
Mr Defaniere commence
l'article des Juifs par
une reflexion générale avant
d'en venir aux preuves
particulières. Il remarque
que Dieu suivant les
divines Ecritures,avoit fait
un choix particulier du
feu pour estre le symbole
de ses principaux attributs
; que par une bonte
singuliere pour ce peuple,
il avoit employé le feu,
pour luy donner quelque
legere idée deson adorable
Divinité par des signes
qui luy fussent proportionnez.
Mais il fallut encore
que les recompenses & les
chastiments en fussent inseparables.
Faut-il s'eflonneraprès
cela si le feu chez
ce peuple tenoit le premier
rang dans les plus augustes
ceremonies de leur Religion
,
si leurs sacrifices &
leurs festes en recevoient
tout leur éclat & leur perscâson,
& si un si précieux
gage estoit si religieusement
confervé dans leur
Temple? 1.
Mais pour faire voir une
espèce de
;
çonfècratiory
plus particulière de cet
élement
,
il fit voir que-
Dieu s'est represèntéplusieurs
fois luy mesmesous
la forme du feu, les exemples
que les Livres sacrer
Juy ont fourni pour prouver
sa prepofirion
,
l'ont
porté à en c.fiablir une autre
tirée necessairement de
la premiere
,
qu'il ne faut
pas après ce la s'efionner
que le culte souverain de
Dieu sesoit fait par le feu:
il trouve egalement de
quoy establir cettedernie- rspropositiondanspltir
sieurs endroits de l'Ecriture
où l'on voit le culte
que Dieu veut qu'il luy soit
rendu par lessacrifices &,
les holocaustes. Le feu sur
roue faifoic l'accom pliflcment
& la perfectionde
lis sacrifices par la consomption
qui s'y faisoitde
certaines parties des victimes
ou de toure la viéïime
dans le sacrifice de
l'holocauste, lequel à cau se
de cela estoit consideré
comme le plus excellent.
Mr Defaniere fit voir ci>.
fuite que Dieu s'est servi du
feu pour marquer que les
sacrifices luy estoient a.
gréables,enfaisant tomber
le feu du Ciel sur la
victime pour la consumer.
Il allégué l'exemple
du sacrifice d'Abel,celuy
fait pour la confècrarion
d'Aaron, celuy de Gedeon,
de David, de Salomon,
d'Helie, & celuy de Nehernie.
Il fit remarquer
que si le feu eftoicuniymbole
si desirable aux adorateurs
de laDivinité,qu'il
n'estoitpas moins formidable
aux transgresseurs
de la loy divine; que si
la bonté de ce souverain
maistre du monde se ma-
- nifeftoitainsi, savengeance
n'en éclattoit pas moins
contre ceux qui estoient
rebelles à ses ordres. Les
preuves qu'il tire de l'Ecriture
pour appuyer ce qu'il
avance dans cet endroit,
font assez voir que le feu
est l'instrument le plus ordinaire
dont Dieu s'est fer- fvi pour la punition des impies
& des insîdelles
,
&
- que c'estpar le feu qu'il
punie & qu'il punira ceux
qu'il a condamnez par fJ.
justice à estre tourmentez ;
éternellement pour leurs
crimes. Après avoir fait
voir l'usage que Dieu a saie
de cet element à l'égarddes
hommes, Mr Defaniere
passe à l'usage que les
hommes en ont fait pour
honorer Dieu
,1 Chez les Jyifs la plus 1
grande marque d'adora- 1
tion du Dieusouverain, I1
estoit le feu continuel qu.
on entretenoit sur l'Autel,
& dont le soin estoit commis
aux Prestres,&;;<jur
istoittellement lié avec le
Sacerdoce du Grand Prestre,
qu'il s'estieignit dés que
Jason (e fut empare de cette
dignité par de mauvaises
voyes. Il s'estoitconservé
auparavant tousjours
allumé & sans alteration,
cache dans un endroit du
Temple pendant les foixante
& dix années de la
captivité de Babylone. Il
ne fut esteint précisément
que dans le temps de l'extindion
du Sacerdoce, prérogative
qui fait çonnoiCtre
que le principal culte
extérieur de Dieu,confit
toit dans ce feu sacré.
Mr Defanïere n'a garde
de passer fous silence les
festes particulieres desJuifs
dans lefqueiles les illuminations
faisoient tousjours
la principalepartie de leurs
devotions & de leurs réioüissances,
non feulement
par rapport aux sacrifïces
qui avoient coutume d'y
cftre offerts, & que le feu
confumoit
,
mais encore
par rapport aux différentes
illuminations qu'on y adjouftoit
pour rendre ces
festes plus auguites.
Il y avoit la feste appellée
accenfio lucernarum à cause
de la quantité des lampes
qu'on allumoit en ce
jour; la feste appeUeecowbujlio
vulpium,en laquelle
en bruistoit des renards en
mémoire de l'histoire de
Sanson ,& generalement
la fin de toutes leurs grandes
fbtcmniccz
,
estoit accompagnéede
feux&d'itluminationsensigne
de
réj uiflance; au contraire
les jours de jeûne, c'etf à
dire,dans lesqûels ils faisoient
mémoire de quelques
évenemens funestes
à leur Nation,etfoientlurgauibforeiesnr&
ténébreux; ils
mesme un jeûne
particulier le 18. du mois
d'Ab à cause que la lampe
de la branche occidentale
du chandelier d'or quiertoit
dans le Templey fut
esteinte sous le regne du -
Roy AKas, regardant cet
accident comme un malheur
confiderable qui al- i
Joit porterungrand préju- 1
dice au culte qu'ils ren-
< doient à Dieu.? 4 A
A l'égard du fecond
article qui regarde l'usage
des feux & des illuminations
parmy les Payens ,
Mr Defaniere prouva sort
solidement que cet ufa ge
a esté un des points lesplus
dfentiels de leur Religion;
il allegua rAuteur du Livre
de la Sagesse pour faire
voir que ces peuples abandonnez
à leurs egaremens
:' se portèrent à rendre un
culte souverain à cet éler
ment;ils luydreiTerent des
Autels, luy firent cond
cruirc des Temples, luy
insticuerent des Sacrifices,
& luy establirent des Pree.
très. S. Augustin cherchant
lesmotifs de ce cul.
te parmy les Nations en
soupçonne deux principaux,,
le premier, la connoissance
que ces peuples
avoient que plusieurs victimes
avoient osté confumez
par un feu descendu
du Ciel, ce qui les portoit
a croire que ce ne
pouvoit estre qu'un Dieu
caché fous cette forme le-z
gere ,
l'autre motif , lex~
- perience qu'ils avoient du
mouvement continuel du
feu qui monte tousjours
en haut,ils s'imaginoient
peut-estre, que le feu est
une portiondela Divinité
qui est auCiel vers laquelle
il tend à se réunir en en-*
levant avec foi les victimes
; delà vient qu'ils
estoient persuadez que
plus il avoit paru d'activite
& de clarté dans les
sacrifices
,
plus la vic',Iimc
estoit receuë favorablement.
Mais Ciceron fournit
une raison plus plausi.
ble
,
lorsquil dit que IA
necefficé&.l'utilité ont
porté les hommes à qualisier
du nom de Dieu les
choses qui leur estoient
d'un plus grand secours &
dont ils avoient le plus de
besoin
,
c'est aussi ce qui
les engagea à avoir pour
le feu ce mesme ésgard ôc
a le considerer comme un
veritableDieu.
,
lt.
Le Soleil d'abord fut
l'objet de leurs adorations,
& peu de tems après le
feu qui en estoit une émanation
selon leur TIICOICH
gie, merita qu'onlui rendift
le mesmehonneur.
Les Egyptiens furent les
premiers qui lui rendirent
le culte souverain, & toutes
les nations les ont fuivies
sur cette croyance.
L'on apprend par les Auteurs
sacrez & prophanes,
que ce culte estoit répandu
generalement parmy
les Chaldéens, lesAssyriens,
les Medes, les Babylonieris
,
les Perfesles
Lybiens
,
les Grecs,les
Romains, les Germains
-
6c parmy les Celtes. Mr
Defaniere fit observer que
pour distinguer ce cuIre
d'avec celuy qu'ils addref.
soient au Soleil; ils y firent
présider de certaines
Divinirez qu'ils regardoient
comme le feu met
me, tantost c'estoit Vulcain,
tantost Vesta, tantotf
Promethée,& tantost Bacchus.
Il se trouve une aisez
grande conformitéparmy
toutes les Nations sur ca
qui regarde ce culte, s'il y
a quelque difference ce
n'est que sur les ceremonies
de leurs sacrifices,fut
le genre desvictimes,&
sur leurs Prestres. Les Perses
dans de certains jours
de l'année mettoient la Divinité
du feu sur un cheval
blanc, & luy faisoientfaire
plusieurs fois le tour de
leur Temple leurs Rois.
suivoient cette pompe accompagnez
de toute leur
Cour.
C'estoit une coustume
generale parmy tous ces
peuples de consèrver un
feu sacré dans leurs Temples
qu'ils regardoient
comme un gage précieux, : auquel estoit attachée la
durée de leurs Empires. il
y avoit des Prêtres desti-:
nez uniquement a cette,
fonction; les Chaldéens,
les Affynens, les Medes,
les Baby loniens & les Perses,
commettoient cesoin.
à des Mages nommez à
causede cela Pyrettes.
Parmi les Grecs la conservation
du feu sacré eitoic
confiéeà desVeuves,&
chez les Romains à des
Vierges que l'on appelloir
Vestales. L'on avoirattaché
à ce
ministeredespré
rogatives singuliéres&excelleLites.
1
cellentes
*, mais aussi la négligence
de ceux qui en
faisoient les fondions eftoit
punie avec la derniere
rigueur. Quand il arrivoic
par malheur que ce feu
s'esteignoit, il n'estoit pas
permis dele rallumer avaC
du feu ordinaire,on se fervoit
des rayons du Soleil
que l'on réunissoit avec un
instruméc qui formoic une
cavité triangulaire, qui par
sa forme rassembloit les
rayons au point de son centre,
afin de leur donner la
force d'enflammer la matiere
sur laquelle ondirigeoit
ce foyer de rayons.
Le Temple bastienl'honneur
de Vesta par Numa
Pompilius, n'estoit pas le
sèul à Rome où l'on conservoit
un feu sacre
,
l'on
enconservoit encore dans
les Temples des Dieux anciens.
Le feu estant reconnu
pour une Divinité parmy
toutes les Nations, on
Juy offroit par une consequence
necessaire des fa-s
crifices, mais les victimes
n'estoient pas lesmesmes
par tout. Les uns fc fervoiéc
d'animaux, & les autres de
victimes humaines; on ne
les égorgeoit point, mais
on les assommoit à grands
cou ps de massuë de bois,
Ces. sacrifices se faisoient
toujours avec grande ceremonie
& grandes dépenses
, les Prestres en tiroient
ordinairement quantité de
présages ;
si leurs divinations
ou augures se prenoient
du costé de la fumée
qu'ils y observoient,
ils les a ppelloientCapromanties,
s'ils les tiroient
du feu mesme ils les nommoient
Py romanries. Il
n'estoit pas permis de se
servir d'autre feu pour con.
fumer la victime que de ce
feu sacré; celuy qui auroit
estéassezhardy pourvouloir
l'esteindre avec de
l'eau, auroit passé dans l'efprit
du peuple pour un
athée, & auroit esté puni
sur le cham p.
L'entrée des Temples où
l'on con servoit le feu sacré
estoitfermé pendant la
nuit à tout le monde, &
pen dant le jour les hommes
avoient liberté seuleftiem
dentrer dans celuy
auquel les Prestres estoient
préposez, & les femmes
dans celuy dont les Preftrefles
avoient la garde;
de toucher ou regarder ce
feu passoit pour un sacrilege,
il en cousta la privation
dela veuë à Metellus
pour l'avoir voulu sauver
de l'embrasement dutem.-
ple de Vesta ; c'est ce qui
a porté plusieursNations à
ne point se servir du feu
pour bru ler les corps des
morts. Dioscoride rapporte
qu'un certain Persan
nomme Euphrates dessenditpar
cette raison de bruler
son corps a près sa morr,
dans la crainte où il etoit
que son attouchement ne
caufaft quelque soüilleure
a une chose si fainte & si
respectable.
Deux accidens fâche*'ux
pour le Dieu du feu luy
firent beaucoup perdre de
son credit parmy les peuples
,
l'un arriva par l'artifice
des Prestres de Canope
Dieu des Egyptiens
qui demeura victorieux du
Dieu des Pcrfes après un
desisolemnel fait entre ces
deux Nations sur le pouvoir
de ces deuxDivinitez;
le second lorsque l'Empereur
Heraclius ravagea
toute la Capadoce & la
Perse & en abolit le culte
dans plusieurs Provinces
de ce pays où il etoit
establi.
Passons presentement à
ce qui se pratiquoit dans
les Temples de ces Dieux.
Mr Defaniere se sert du
témoignage de Strabon,
par lequel l'on apprend
que parmi les Orientaux
au milieu de ces Temples
estoit un Autel, sur lequel
il y avoic de la cendre
pour couvrir ce feu qui
ne devoit jamais s'éteindre,
les Pyrettes leurs Mages
entroient tous les jours
dans ce Temple pour y
chanter pendant l'espace
d'une heure, se tenant
prosternez devant ceDieu,
ayant en leur main un
faisseau de verges, & sur
letesteunethiare de laine
qui leur couvroit la plus
grande partie du visage;
&asin de se rendre plus
respectables quand ils sortoient
de ces Temples,
ils avoient coutume de
porter une branche de
laurier dans une main,&
de l'autre un flambeau allumé.
L'antiquité Romaine
nous apprend que dans
le Temple de Vesta
,
il
n'y avoir aucun fimulacre
de Divinirez, que le feu
sacré y estoit conservé
dans une Urne de terre
suspenduë en l'air, que
les Vestales veilloient jour
& nuit successivement &
que le grand Pontife les
visitoitdetems en tems.
Tous les a£tes des Pavens
estoient tousjours accompagnez
de lumiéres, vouloient-
ils addresser des
voeux à quelques-uns de
leurs Dieuxou lesremercier
de quelque grace ou
bienfait qu'ils croyoienc
en avoir reccus; ils allumoientune
grande quantité
de lam pes devant leurs
Images & sur tout devant
celles des Dieux Lares &
des Dieux Penates; s'ils
faisoient des alliances &
des sermens ils en prenoient
le feu pour témoin
,
en un mot leurs foyers
estoient regardez comme
une chosesilainte qu'ils y
faisoient présider des Divinitez
particuliéres, ils
se servoientencore du feu
pour découvrir les coupables
quand leurs crimes
ntefioient pas bien averez
d'ai lleurs,on les faisoit
approcher de l'Autel de ce
,
Dieu, on leur ordonnoit
ensuite de poser la main
dessusle feu, &s'il arrivoit
qu'ils ne tesmoignassent
aucune émotion, on
les jugeoic innocens, &
on les renvoyoit absous.
Cette pratique pourroit
bien avoir donné lieu à
pareil usage introduit parmy
les Chrestiens d'Occident
dans le huit & neuviémesiécle,
à l'esgard
de l'espreuve du fer chaud
pour découvrir les criminels.
Mr Defaniereobserve
que plusieurs Divinitez
avoient besoin avant que
d'estre admises au rang
des Dieux, d'estre purisiez
par le feu, tels que les
Empereurs & autres particuliers
pour lesquels on
faisoit des consecrations
publiques
;
les Roys, les
Mdgistrats les Prestres
parmy plusieurs peuples
ne pouvoient faire les pre.
mieres fonctions de leur
employ sans estreaussipurissés
par le feu, afin de
rendre leurs actions dans
la suite plus pures &plus
justes. C'est pour celaaussi
que l'on voyoit à Arfcne
au milieu de l'endroit où
l'Areopage se tenoit une
Statuë de Vesta, & que
l'on plaçoitaussi dans le
Vestibule des Palais des
Rois la Statuë de cette
Déesse afin de leurs apprendre
aux uns & aux
autres qu'elle seroit témoin
de leurs Ordonnances &
de leur conduite.
Les Payens avoient SLUC
siplusieurs Festes establies
en l'honneur de plusieurs
Divinitez où l'usage des
feux& des illuminations
contribuoit à les rendre
plus augustes & plus éclatantes.
Mr Defaniere s'est
borné aux Egyptiens, aux
Grecs & aux Romains, il
parcoure toutes les principales
Festes de ces peuples,
& il fait un détail de toutes
les réjoüissances & des
festins qui avoient tousjours
coustume d'accompagner
ces fortes de solemnitez.
Je ne puis rien vous dire
sur le troisiéme article
qui regarde l'usage des
feux & des illuminations
par rapport à la Religion,
parmy les Chrétiens. Mr
Defanierese trouva borné
par l'heure & ne put achever
la lecture de ce troisiéme
article.
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Résumé : Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Monsieur Defaniere a inauguré l'Académie Royale des Médailles et Inscriptions en prononçant un discours sur l'usage des feux et des illuminations dans les fêtes sacrées et profanes. Il a souligné l'importance historique et religieuse de cet usage, mentionné par de nombreux auteurs sacrés et profanes. Le discours est structuré en deux parties : la première traite de l'usage religieux des feux et des illuminations, tandis que la seconde, non développée, concerne leur usage dans les réjouissances publiques et particulières. Dans la première partie, Defaniere explore trois articles. Le premier examine l'usage des feux par les Juifs pour le culte du véritable Dieu, un usage ordonné et consacré par Dieu lui-même. Le second traite des abus des païens qui utilisaient les feux pour honorer les faux dieux. Le troisième, non achevé, examine l'usage des feux et des illuminations par les chrétiens dans leurs fêtes et cérémonies. Defaniere commence par les Juifs, notant que Dieu a choisi le feu comme symbole de ses attributs et l'a utilisé pour donner une idée de sa divinité. Le feu était central dans les cérémonies religieuses juives, notamment les sacrifices et les fêtes. Dieu s'est souvent représenté sous la forme du feu, et les sacrifices étaient consommés par le feu, considéré comme le plus excellent. Defaniere cite plusieurs exemples bibliques, comme les sacrifices d'Abel et de Gédéon. Le feu était également un symbole de punition divine pour les transgresseurs. Chez les Juifs, le feu sacré était entretenu continuellement sur l'autel et était lié au sacerdoce. Les fêtes juives, comme la fête des Lumières, incluaient des illuminations pour rendre les célébrations plus augustes. Dans le second article, Defaniere prouve que l'usage des feux était essentiel dans la religion païenne. Les païens adoraient le feu, lui érigeant des autels et des temples, et lui offrant des sacrifices. Les raisons de ce culte incluaient la croyance que le feu était une émanation du Soleil et une portion de la divinité. Les Égyptiens furent les premiers à adorer le feu, suivis par de nombreuses autres nations. Les cérémonies et les sacrifices variaient selon les peuples, mais tous conservaient un feu sacré dans leurs temples. La négligence des prêtres à entretenir ce feu était sévèrement punie. Les temples orientaux, selon Strabon, contenaient un autel avec un feu éternel entretenu par les mages. Dans le temple de Vesta à Rome, le feu sacré était conservé dans une urne, veillé par les vestales. Les païens utilisaient des lumières pour les vœux, les alliances et les serments, et le feu pour découvrir les coupables. Cette pratique influença l'épreuve du fer chaud chez les chrétiens d'Occident. Plusieurs divinités, empereurs et fonctionnaires devaient être purifiés par le feu avant d'exercer leurs fonctions. Les fêtes païennes incluaient des feux et des illuminations pour honorer les divinités. Mr Defanière a limité son étude aux Égyptiens, Grecs et Romains, détaillant les réjouissances et festins accompagnant ces solennités.
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25
p. 178-198
Morts [titre d'après la table]
Début :
L'Article des Morts peut bien trouver sa place à la suite [...]
Mots clefs :
Marquis, Roi, Chevalier, Seigneur, Comte, Abbé, Esprit, Religion, Bordeaux, Normandie, Dame, Général, Lieutenant
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texteReconnaissance textuelle : Morts [titre d'après la table]
bien trouver sa place à la fuite
de l'examen des eaux de Bourbon
, puisque quelques sçavantes
Dissertations que les
plus sçavantsMedecins fafsent
sur les specifiquesles plus
souverains,toutl'Art d'Escu-
- lape est foible contre la necessité
de mourir.
Mrle Marquis de la Charce
est mort le 6. May à Nions
en Dauphiné,touché des plus
vifs sentimens de picté & de
religion. Il avoit esté élevé
dans l'heresie de Calvin; sa
conversion à la Religion Ca..
tholique avoit attiré celle de
sa Famille,& d'une partie de
son canton, & sa mort vient
d'estre pour eux un merveilkux
exemple d'édification.
Mrle Marquis de la Charce
estoit ce qu'on pouvoitappeller
uncaractereaccompli,
& pour l'esprit, & pour les
sentimens; personne n"jgno-i
roit les raresqualitez de son
coeur: ce (iul endroit meriteroit
un éloge particulier,si
tout ce que j'en pourrois dire
n'cfkic public, & fort audessous
de tout ce qu'il meritoit.
Il avoitcommencéàservirdéssaplus
tendre enfance,
& avoit donné des marques
de son zele pour le servicedu
Roy dans les occasions les
plus remarquables. Né pour
, les plusgrandes choses, si la
fortune luy eust esté un peu
plus favorable, tous les Emplois
luy paroissoient égaux
lorsqu'il s'agissoit du fervicc.
Le seul nom de la Charce fait
l'éloge de tous ceux qui le
portent:ils ont tous esté distingucz
par un merite particulier
& par un cfprit superieur.
Mre Pierre de laTour
son pere, Marquis de la Charce,
fut fait Lieutenant general
des Armées du Royà l'age de
vingt-huit ans; cette dilHnc.
tion particulière marque assez
son merite: il seroit parvenu
aux plus hautes dignitez si de
grandes blessures & ses incommodiccz
ne l'eussent mis
hors d'état de continuer le fervice.
Il avoit épousé Dame
Catherine de la Tour sa cousine
germaine;c'est cette Dame
qui parut à laCour, il y a
quelques années, quoy que
dans un agefort avancé: elle
y fit paroître autant d'esprit
que de politesse ; son merite
fut reconnu du Roy même,
qui l'honora de mille marques
>d'eftime&dedittin£tion.L'illustre
Mcde la Charce,qui a
..- tant fait d'honneur à son (exe,
&dont il en inutile derepeter
les éloges, estoit sa fille, &
soeurs du deffunt : il en reste
encore deuxsoeurs, Me la
Marquise de Bar,mariée en
Languedoc, où elle est en
grandeconsideration; & Mlle
Dalerac, dont l'esprit & le
merire font également cono
nus Les ouvrages de Poësie
1 qu'elle a laissé échaper au Public
ont toûjours paru des
Chefs-d'oeuvre par la délicatesse
des pensées & letour
ingénieux des expressions.
Mrs de laCharce font une
branche cadette de la Maison
de la Tour. Mr le Marquis
de laCharce qui avoit autant
d'amour pour son nom que
de noblesse & de dignité à le
soûtenir,avoit fait imprimer
peu de temps avant la mort,
la genealogie de cette Maison
, qui n'a point esté renduëpublique.
LeChefdecetteMaisonestaujourd'huyMr
le Marquis deGouverner jeune
Seigneur de beaucoup d'esperance.
Les aînez ont toûjours
porté ce nom depuis le
fameux
fameux René de la Tour, qui
s'est si fort distingué fous le
nom de Gouvernet : il estoit
contemporaindu Connêtable
de Lesdiguieres : sa naissance
& lesimportans fcrvices qu'il
avoit rendus à l'Etat,l'auroient
aussi-,, élevé aux plus
grandes dignitez
,
si-kl Religion
de Calvinqu'il professoit,
&qu'il ne voulutjamais
quittermalgré son zele pour
de Roy, n'avoit esté un obstacle
invincible. Mr le Marquis
dela Charce qui donne lieu à
l'cet article, avoit épouséDameClaudede
Mazel ,Dame
d'un merite , & d'une -vertu
distinguée. Elle estoitfillede
Mrc Jacq. de Mazel , ancien
Colonel de Cavalerie. Son
mérite & fâ reputation ont
rfte également connus dans le
Service. Il en avoit mêmerendus
d'importans à l'Etat. Il
avoitépousé Dame Catherine
Arnauld d'une branche de
la mêmeMaison que Mrs
dt Pompone daujourd'huy.
.C'efi une branche de cette
famille qui s'estoit établie
d'Auvergne en Languedoc
depuis plusieurs années. Feu
M. le Marquis de la Charce :*
n'a eu de ce mariage donc je
viens de vous parler, que deux
enfans, l'aîné connu fous le
nom de Comte de la Charce,
Colonel de Dragons aux
Troupes d'Espagne ; l'estime
dont M.•de Vendosmel'ho- noroît, & le cas qu''IiI.l. en faisoit
feroientassez son éloge, si
d'ailleurs il n'estoit connu par
un merite fingulicr, & par ce
même esprit qui est héréditaire
dans sa famille. Sa Majestéqui
se plaist à recompenser lemerite,
vient d'en donner une
marque en sa personne
l'honorant depuis , en peu de
jours d'une pension de1500.
livres:elle a accompagné cette
grace d'agrémens&dedistinction
pour luy & pourtoute
sa fanillc.
Le 21. Mars dernier Dame
Louise-Eugeniede Vieil châtel
de Montalant,épouse de
Mre Claude-Louis Lombard;
Chevalier, Seigneur d'Erme-
DOUville, & autres lieux, est
morte âgée de 24. ans. Elle
laisse un garçon &,. une fille:
Elle estoit fille de Mre Glaude
Charles de Viel Chastel, Chevalier,
Comte de Montalant,
& de Dame Geneviéve-Eugenie
de Vic.
Son Bisayeul du côté paternel
estoit Jean de VielChâtel,
Maquis de Montatanc,
Gouverneur de Barle Duc ÔC
Pays Barrois, qui a esté le premicr
CommandantdesMousquetaires
du Roy. Il avoit
épousé DameSufannede Bely
de Boulainvilliers, du côtépaternelelle
est encore petitenièce
de M. le Duc de S. Simon.
Ducôté maternel elle est
arriéré petitefille de Meryde
Vie, Garde des Sceaux de
-
France,&arriérépctite-niéce
de Dominique de Vie, Vice-
Amiral de France, Gouverneur
de Calais, & Pays re.
conquis,
-
Gaspard François Ménard
âcTissages., Prellre., Dozo.
teur de Sorbonne
,
Priçur de
Clairmont, grand- Archidiacre
de l'Eghie de Bordeaux,,
mourut à Bordeaux dans le
Seminaire le 2. 1. de Juin, âgé
de 2.6. ans 4. mois. Il estoit
alle, à Bordeaux y prendre
possession de ses Bénéfices que
Mr l'Abbé de Bourlemont lui
avoit. resigné ;& peu de jours
après il y a est enlevé d'une
fièvre maligne en six jours de
Dlaladie. Ilavoir parudansle
Public comme un prodige à
son âge. Né pour toutes tes
sciences, il fit icyl'annéederniere
pendant le cours de sa
licence le Panegiriqucde S.
Louis aux grands Jesuites, ccluy
de Sainte Anneaux Theatins,
& plusieurs autres Ser-
.jnons dans les Eglises les plus
célébrés de Paris; Il estoit fils
de François Ménard de Tisfanges,
Conseiller du Roy,
son Procureur General des
Eaux & Forests à laTable de
Marbrer à la Chambre de
l'Arsenal pour la reformation
llcs Eaux& Forests >&de Maçguerite
Deshayettes sa merc,
& neveu de M. l'Abbé Ménard.
Cette familleoriginaire
de Poitou 0 & de Touraine est
tres-ancienne & tres-distinguée
par elle-même, par es
alliances,& les belles LcttrCSi.
Labranche dontestoit le defr
funt cft. établie à Paris il ya
prés de deux cent ans. t*-
,
LouisCatinat,AbbédeS.
Julien deToursy,mourut le.'
Juillet. Il estoit fils deRené
Catinat, Seigneur de Courtraïe&
de S Mars-Cônfcific'-r
au Parlement de Paris, & de
Frasçoise Frozon,& frere de
Pierre
Pierre de Catinat, Seigneur de
S. Mars, aussiConleiller au
Parlement, & neveil de Ni- ,
colas Catinat, Seigneur de S.
Gratien, Maréchal de France;.
-
Messire Leonor de Matignon,
Evêque & Comte de
Lizieux
,
Abbé de Lassay &
de Torigny, mourut le 14.
Juillet,âgéde78. ans. Ilavoit
si, If esténommé a cet Evêchhél en
1677. par lademission d'Eleonor
Goyon deMatignon son
oncle;il étoit frerc aîné de Mr
le Comte de Matignon & de
Mr le Maréchal de Matignon,
& fils de Françoisde Matignon,
Comte de Marigny,
Torigny, Montmartin, & de
Gafley,Marquis de Lonré..
Chevalier des-Ordres du Roy,
Lieutenant Générât en haLTe
Normandie) & de Anne Malot
de Bercy, & petit fils de
Charles Sire de Moignon,
Comte de Torigny, Chevalier
des Ordres du Roy, Lieutenant
General de Normandie,
& d'Eleonorde Longuevile,
Dame deGaffey ,filled'Eleonor
Duc de Longueville
94
& de Marie do Bourbon, & arrierefils de Jacques
Sire de Matignon,Maréchal
de France, Gouverneur;de
Normandie &de Bordeaux.
Lieutenant General en Guyen
ne, & Chevalier des Ordres
du Roy. La Maison de Matignon,
l'une des plus Illustres
duRoyaume,estoriginaire de
Bretagne;Estienne Goyon.
Seigneur de la Goyemiere &
deChasseau Goyon, ayant é
poufé vers l'an mo. Lucie de
Matignon, sa posterité en prit
depuis le nom & les armes.
L'Eveschéde Lizieux en
Normandie est fuffraganc de
Rouen, l'Evesqueest Seigneur
de laVille,&leDiocesest
diviséen quatre Archidiaconnez
, & contient cinqcent
quatre vingt Paroisses ; se premier
EvesqueestThibault;
quiletrouvaaud3.4.&
Conciles d'Orléans en 1538.
**541.& 1J¡.9.. :';
'McfEre JoachimTrotti ad
sa Chetardie t, Docteur en
Theologie & Curé de S. Sulpice,
mourut le 19. Mr Lan.
guetde Gergy, Vicaire de ladire
Eglise,Juy a succedé. Le
mois prochain je parleray plus
amplement de Mre -de, là
Chetardie. ," Mrl'AbbédéGould,àqui
leRoya donne l'Abbaye
RojfaledeS. LaonàThouars
en-Poitou, vaccante par la
more deMr l'Abbé Régnier,
Secretaite de l'Académie Françoise
voulant donner des
parques publiquesde sa reconnoissance
à Mr le Comte
de Pont Charrrain, a fait faire
un Servicesolemnel dans
l'Eglise de. son Abbaye, pour
lerepos de l'Ame de feuë Madame
la Chancelliere,avec
toue le zele& toute la devotionconvenable
à la dignité
&al'a pieté démettevertueuse
Dame.Tous les Corps de
laVille de Thüarsy affistelent
encérémonieaussi-bien:
que toute laNoblesse des environs
qu'il avoir eu le foin d'y
convoquer.
Mrl'AbbédeGould,Gen
til homme Irlandois a quitts
son Pays & abandonné toué
ses biens pour la Religion Ca
tholique,il s'etf rendu fort recommandable
par la quantité
de per sonnes qu'ilaconverties
en Poitou & dans les Provinces
voisines
de l'examen des eaux de Bourbon
, puisque quelques sçavantes
Dissertations que les
plus sçavantsMedecins fafsent
sur les specifiquesles plus
souverains,toutl'Art d'Escu-
- lape est foible contre la necessité
de mourir.
Mrle Marquis de la Charce
est mort le 6. May à Nions
en Dauphiné,touché des plus
vifs sentimens de picté & de
religion. Il avoit esté élevé
dans l'heresie de Calvin; sa
conversion à la Religion Ca..
tholique avoit attiré celle de
sa Famille,& d'une partie de
son canton, & sa mort vient
d'estre pour eux un merveilkux
exemple d'édification.
Mrle Marquis de la Charce
estoit ce qu'on pouvoitappeller
uncaractereaccompli,
& pour l'esprit, & pour les
sentimens; personne n"jgno-i
roit les raresqualitez de son
coeur: ce (iul endroit meriteroit
un éloge particulier,si
tout ce que j'en pourrois dire
n'cfkic public, & fort audessous
de tout ce qu'il meritoit.
Il avoitcommencéàservirdéssaplus
tendre enfance,
& avoit donné des marques
de son zele pour le servicedu
Roy dans les occasions les
plus remarquables. Né pour
, les plusgrandes choses, si la
fortune luy eust esté un peu
plus favorable, tous les Emplois
luy paroissoient égaux
lorsqu'il s'agissoit du fervicc.
Le seul nom de la Charce fait
l'éloge de tous ceux qui le
portent:ils ont tous esté distingucz
par un merite particulier
& par un cfprit superieur.
Mre Pierre de laTour
son pere, Marquis de la Charce,
fut fait Lieutenant general
des Armées du Royà l'age de
vingt-huit ans; cette dilHnc.
tion particulière marque assez
son merite: il seroit parvenu
aux plus hautes dignitez si de
grandes blessures & ses incommodiccz
ne l'eussent mis
hors d'état de continuer le fervice.
Il avoit épousé Dame
Catherine de la Tour sa cousine
germaine;c'est cette Dame
qui parut à laCour, il y a
quelques années, quoy que
dans un agefort avancé: elle
y fit paroître autant d'esprit
que de politesse ; son merite
fut reconnu du Roy même,
qui l'honora de mille marques
>d'eftime&dedittin£tion.L'illustre
Mcde la Charce,qui a
..- tant fait d'honneur à son (exe,
&dont il en inutile derepeter
les éloges, estoit sa fille, &
soeurs du deffunt : il en reste
encore deuxsoeurs, Me la
Marquise de Bar,mariée en
Languedoc, où elle est en
grandeconsideration; & Mlle
Dalerac, dont l'esprit & le
merire font également cono
nus Les ouvrages de Poësie
1 qu'elle a laissé échaper au Public
ont toûjours paru des
Chefs-d'oeuvre par la délicatesse
des pensées & letour
ingénieux des expressions.
Mrs de laCharce font une
branche cadette de la Maison
de la Tour. Mr le Marquis
de laCharce qui avoit autant
d'amour pour son nom que
de noblesse & de dignité à le
soûtenir,avoit fait imprimer
peu de temps avant la mort,
la genealogie de cette Maison
, qui n'a point esté renduëpublique.
LeChefdecetteMaisonestaujourd'huyMr
le Marquis deGouverner jeune
Seigneur de beaucoup d'esperance.
Les aînez ont toûjours
porté ce nom depuis le
fameux
fameux René de la Tour, qui
s'est si fort distingué fous le
nom de Gouvernet : il estoit
contemporaindu Connêtable
de Lesdiguieres : sa naissance
& lesimportans fcrvices qu'il
avoit rendus à l'Etat,l'auroient
aussi-,, élevé aux plus
grandes dignitez
,
si-kl Religion
de Calvinqu'il professoit,
&qu'il ne voulutjamais
quittermalgré son zele pour
de Roy, n'avoit esté un obstacle
invincible. Mr le Marquis
dela Charce qui donne lieu à
l'cet article, avoit épouséDameClaudede
Mazel ,Dame
d'un merite , & d'une -vertu
distinguée. Elle estoitfillede
Mrc Jacq. de Mazel , ancien
Colonel de Cavalerie. Son
mérite & fâ reputation ont
rfte également connus dans le
Service. Il en avoit mêmerendus
d'importans à l'Etat. Il
avoitépousé Dame Catherine
Arnauld d'une branche de
la mêmeMaison que Mrs
dt Pompone daujourd'huy.
.C'efi une branche de cette
famille qui s'estoit établie
d'Auvergne en Languedoc
depuis plusieurs années. Feu
M. le Marquis de la Charce :*
n'a eu de ce mariage donc je
viens de vous parler, que deux
enfans, l'aîné connu fous le
nom de Comte de la Charce,
Colonel de Dragons aux
Troupes d'Espagne ; l'estime
dont M.•de Vendosmel'ho- noroît, & le cas qu''IiI.l. en faisoit
feroientassez son éloge, si
d'ailleurs il n'estoit connu par
un merite fingulicr, & par ce
même esprit qui est héréditaire
dans sa famille. Sa Majestéqui
se plaist à recompenser lemerite,
vient d'en donner une
marque en sa personne
l'honorant depuis , en peu de
jours d'une pension de1500.
livres:elle a accompagné cette
grace d'agrémens&dedistinction
pour luy & pourtoute
sa fanillc.
Le 21. Mars dernier Dame
Louise-Eugeniede Vieil châtel
de Montalant,épouse de
Mre Claude-Louis Lombard;
Chevalier, Seigneur d'Erme-
DOUville, & autres lieux, est
morte âgée de 24. ans. Elle
laisse un garçon &,. une fille:
Elle estoit fille de Mre Glaude
Charles de Viel Chastel, Chevalier,
Comte de Montalant,
& de Dame Geneviéve-Eugenie
de Vic.
Son Bisayeul du côté paternel
estoit Jean de VielChâtel,
Maquis de Montatanc,
Gouverneur de Barle Duc ÔC
Pays Barrois, qui a esté le premicr
CommandantdesMousquetaires
du Roy. Il avoit
épousé DameSufannede Bely
de Boulainvilliers, du côtépaternelelle
est encore petitenièce
de M. le Duc de S. Simon.
Ducôté maternel elle est
arriéré petitefille de Meryde
Vie, Garde des Sceaux de
-
France,&arriérépctite-niéce
de Dominique de Vie, Vice-
Amiral de France, Gouverneur
de Calais, & Pays re.
conquis,
-
Gaspard François Ménard
âcTissages., Prellre., Dozo.
teur de Sorbonne
,
Priçur de
Clairmont, grand- Archidiacre
de l'Eghie de Bordeaux,,
mourut à Bordeaux dans le
Seminaire le 2. 1. de Juin, âgé
de 2.6. ans 4. mois. Il estoit
alle, à Bordeaux y prendre
possession de ses Bénéfices que
Mr l'Abbé de Bourlemont lui
avoit. resigné ;& peu de jours
après il y a est enlevé d'une
fièvre maligne en six jours de
Dlaladie. Ilavoir parudansle
Public comme un prodige à
son âge. Né pour toutes tes
sciences, il fit icyl'annéederniere
pendant le cours de sa
licence le Panegiriqucde S.
Louis aux grands Jesuites, ccluy
de Sainte Anneaux Theatins,
& plusieurs autres Ser-
.jnons dans les Eglises les plus
célébrés de Paris; Il estoit fils
de François Ménard de Tisfanges,
Conseiller du Roy,
son Procureur General des
Eaux & Forests à laTable de
Marbrer à la Chambre de
l'Arsenal pour la reformation
llcs Eaux& Forests >&de Maçguerite
Deshayettes sa merc,
& neveu de M. l'Abbé Ménard.
Cette familleoriginaire
de Poitou 0 & de Touraine est
tres-ancienne & tres-distinguée
par elle-même, par es
alliances,& les belles LcttrCSi.
Labranche dontestoit le defr
funt cft. établie à Paris il ya
prés de deux cent ans. t*-
,
LouisCatinat,AbbédeS.
Julien deToursy,mourut le.'
Juillet. Il estoit fils deRené
Catinat, Seigneur de Courtraïe&
de S Mars-Cônfcific'-r
au Parlement de Paris, & de
Frasçoise Frozon,& frere de
Pierre
Pierre de Catinat, Seigneur de
S. Mars, aussiConleiller au
Parlement, & neveil de Ni- ,
colas Catinat, Seigneur de S.
Gratien, Maréchal de France;.
-
Messire Leonor de Matignon,
Evêque & Comte de
Lizieux
,
Abbé de Lassay &
de Torigny, mourut le 14.
Juillet,âgéde78. ans. Ilavoit
si, If esténommé a cet Evêchhél en
1677. par lademission d'Eleonor
Goyon deMatignon son
oncle;il étoit frerc aîné de Mr
le Comte de Matignon & de
Mr le Maréchal de Matignon,
& fils de Françoisde Matignon,
Comte de Marigny,
Torigny, Montmartin, & de
Gafley,Marquis de Lonré..
Chevalier des-Ordres du Roy,
Lieutenant Générât en haLTe
Normandie) & de Anne Malot
de Bercy, & petit fils de
Charles Sire de Moignon,
Comte de Torigny, Chevalier
des Ordres du Roy, Lieutenant
General de Normandie,
& d'Eleonorde Longuevile,
Dame deGaffey ,filled'Eleonor
Duc de Longueville
94
& de Marie do Bourbon, & arrierefils de Jacques
Sire de Matignon,Maréchal
de France, Gouverneur;de
Normandie &de Bordeaux.
Lieutenant General en Guyen
ne, & Chevalier des Ordres
du Roy. La Maison de Matignon,
l'une des plus Illustres
duRoyaume,estoriginaire de
Bretagne;Estienne Goyon.
Seigneur de la Goyemiere &
deChasseau Goyon, ayant é
poufé vers l'an mo. Lucie de
Matignon, sa posterité en prit
depuis le nom & les armes.
L'Eveschéde Lizieux en
Normandie est fuffraganc de
Rouen, l'Evesqueest Seigneur
de laVille,&leDiocesest
diviséen quatre Archidiaconnez
, & contient cinqcent
quatre vingt Paroisses ; se premier
EvesqueestThibault;
quiletrouvaaud3.4.&
Conciles d'Orléans en 1538.
**541.& 1J¡.9.. :';
'McfEre JoachimTrotti ad
sa Chetardie t, Docteur en
Theologie & Curé de S. Sulpice,
mourut le 19. Mr Lan.
guetde Gergy, Vicaire de ladire
Eglise,Juy a succedé. Le
mois prochain je parleray plus
amplement de Mre -de, là
Chetardie. ," Mrl'AbbédéGould,àqui
leRoya donne l'Abbaye
RojfaledeS. LaonàThouars
en-Poitou, vaccante par la
more deMr l'Abbé Régnier,
Secretaite de l'Académie Françoise
voulant donner des
parques publiquesde sa reconnoissance
à Mr le Comte
de Pont Charrrain, a fait faire
un Servicesolemnel dans
l'Eglise de. son Abbaye, pour
lerepos de l'Ame de feuë Madame
la Chancelliere,avec
toue le zele& toute la devotionconvenable
à la dignité
&al'a pieté démettevertueuse
Dame.Tous les Corps de
laVille de Thüarsy affistelent
encérémonieaussi-bien:
que toute laNoblesse des environs
qu'il avoir eu le foin d'y
convoquer.
Mrl'AbbédeGould,Gen
til homme Irlandois a quitts
son Pays & abandonné toué
ses biens pour la Religion Ca
tholique,il s'etf rendu fort recommandable
par la quantité
de per sonnes qu'ilaconverties
en Poitou & dans les Provinces
voisines
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Résumé : Morts [titre d'après la table]
Le texte relate les décès et les biographies de plusieurs personnages notables. Le Marquis de la Charce est décédé le 6 mai à Nions en Dauphiné. Connu pour sa piété et sa conversion du calvinisme au catholicisme, sa mort a servi d'exemple édifiant pour sa famille et son canton. Il était reconnu pour son caractère accompli, son esprit et ses qualités de cœur. Il a servi le roi dès son jeune âge et a montré un zèle remarquable. Sa famille, les La Charce, est distinguée par un mérite particulier et un esprit supérieur. Son père, Pierre de la Tour, fut Lieutenant général des Armées du Roy à vingt-huit ans, mais des blessures l'ont empêché de continuer son service. Sa mère, Catherine de la Tour, était reconnue à la cour pour son esprit et sa politesse. Le Marquis avait épousé Claude de Mazel, fille du Colonel de Cavalerie Jacques de Mazel. Ils ont eu deux enfants, dont l'aîné, le Comte de la Charce, est Colonel de Dragons aux Troupes d'Espagne et a reçu une pension de 1500 livres. Dame Louise-Eugénie de Vieilchâtel de Montalant est décédée le 21 mars à l'âge de 24 ans, laissant un garçon et une fille. Elle était issue d'une famille noble avec des ancêtres distingués, dont Jean de Vielchâtel, Gouverneur de Bar-le-Duc. Gaspard François Ménard, docteur de Sorbonne, est décédé à Bordeaux à l'âge de 26 ans. Il était connu pour ses talents en sciences et en oratoire. Louis Catinat, Abbé de Saint-Julien de Toursy, est décédé en juillet. Il était issu d'une famille de conseillers au Parlement de Paris et neveu du Maréchal de France Nicolas Catinat. Messire Léonor de Matignon, Évêque et Comte de Lisieux, est décédé à l'âge de 78 ans. Il était issu d'une famille illustre de Bretagne, avec des ancêtres maréchaux de France et gouverneurs de provinces. L'évêché de Lisieux est suffragant de Rouen et comprend cinq cent quatre-vingt paroisses. Enfin, le texte mentionne le décès de Mère Joachim Trotti de la Chétardie, curé de Saint-Sulpice, et des actions de reconnaissance de l'Abbé de Gould envers le Comte de Pontcharrrain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 1231
A LA REINE.
Début :
MADAME, Nous esperons que vous recevrez favorablement les Actes que nous avons l'honneur [...]
Mots clefs :
Reine, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A LA REINE.
A LA REINE.
MADA ADAME,
Nous efperons que vous recevrez favoran
blement les Actes que nous avons l'honneur
de présenter à V. M. ils vous doivent être
d'autant plus chers , qu'ils font appuyez de
Fautorité du Roi , & qu'ils tendent à la confervation
de lafaine Doctrine . Toutes lesgrandes
qualitez de V. M. ne feroient rien de
vant Dieu , fi elles n'étoient foutenues de
votre zele pour la Religion , qui leur donne
leurprincipal luftre.
Le Ciel a commencé à les récompenfer
dès ce mondes elles vous ont placée sur le
premier Trône de l'Univers , elles vous ont
obtenu un Enfant fi defiré , qui fait la joye
de V. M. celle de vos Sujets , & qui affure
le repos de l'Europe.
Qu'il croiffe , MADAME , fous vos yeux,
eet aimable Dauphin ? qu'il recueille le fruit
de vos exemples , qu'il marche fur les pas de
fon augufte Pere & de fon Roi , qu'il foit un
four à fon exemple le Protecteur de l'Eglife
le foutien de la vraye Religion.
MADA ADAME,
Nous efperons que vous recevrez favoran
blement les Actes que nous avons l'honneur
de présenter à V. M. ils vous doivent être
d'autant plus chers , qu'ils font appuyez de
Fautorité du Roi , & qu'ils tendent à la confervation
de lafaine Doctrine . Toutes lesgrandes
qualitez de V. M. ne feroient rien de
vant Dieu , fi elles n'étoient foutenues de
votre zele pour la Religion , qui leur donne
leurprincipal luftre.
Le Ciel a commencé à les récompenfer
dès ce mondes elles vous ont placée sur le
premier Trône de l'Univers , elles vous ont
obtenu un Enfant fi defiré , qui fait la joye
de V. M. celle de vos Sujets , & qui affure
le repos de l'Europe.
Qu'il croiffe , MADAME , fous vos yeux,
eet aimable Dauphin ? qu'il recueille le fruit
de vos exemples , qu'il marche fur les pas de
fon augufte Pere & de fon Roi , qu'il foit un
four à fon exemple le Protecteur de l'Eglife
le foutien de la vraye Religion.
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Résumé : A LA REINE.
La lettre est adressée à Marie Leszczyńska, épouse de Louis XV. Les auteurs espèrent que la reine approuvera les Actes présentés, soutenus par l'autorité royale et visant à préserver la foi chrétienne. Ils soulignent son zèle religieux et les bénédictions divines, comme la naissance du dauphin Louis. Ils souhaitent que le dauphin suive l'exemple de son père et protège l'Église.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 1742-1752
SUITE des Mémoires de M. Capperon sur l'Histoire de la Ville d'Eu.
Début :
De ces anciens Monumens qui justifient l'antiquité de la Ville d'Eu, je [...]
Mots clefs :
Ville d'Eu, Histoire, Antiquité, Royaume, Paysans, Seigneurs, Religion, Rivière, Monuments
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Mémoires de M. Capperon sur l'Histoire de la Ville d'Eu.
SUITE des Mémoires de M. Capperon
fur Hiftoire de la Ville d'Eu.
D
>
E ces anciens Monumens qui juftifient
l'antiquité de la Ville d'Eu je
palle à un autre qui a du rapport à la Religion
, & qui prouve deux chofes . 1
Que quoiqu'il y eut déja du tems que la
Religion Chrétienne fut établie dans le
Comté d'Eu , le culte des Idoles y fubfiftoit
neanmoins encore publiquement au
7. fiecle. 2° Que les peuples de ce Comté
fuivoient encore alors l'ufage que les fimples
Fideles des premiers fiecles de l'Eglife
s'étoient arrogés de canonifer les perfonnes
, de la fainte vie defquelles ils avoient
été les témoins. Ce Monument eft l'Eglife
du Village de Pont , qui eft proche de la
Ville d'Eu , laquelle fut conftruite par les
habitans de ce Village immédiatement
après
A O UST. 1730. 1743
áprès la mort de ce Saint , en reconnoiffance
de ce qu'il les avoit convertis à la
foy. On en peut voir le détail dans ſa vie
écrite au VIII . fiecle , qui fe trouve inferée
dans les Actes des Saints de l'Ordre de
Saint Benoît XI . fiecle , par D. Luc Dacheri
, où il eft dit que S. Valleri paffant
par un lieu nommé Augufta , fitné fur la
Riviere d'Auve , & fe repofant fur le bord
d'une Fontaine , il apperçut une efpece
d'Idole que les Païfans du lieu adoroient ;
ce Saint l'ayant réduite en pouffiere par
un miracle , ces Païfans entrerent dans
une telle fureur qu'ils voulurent le maffacrer
; mais par un autre miracle plus furprenant
, les ayant calmés tout à coup ,
& rendus dociles à fa voix , il leur annonça
l'Evangile , & les convertit à la foy.
Que ce fait fe foit paffé au Village de
Pont , c'eft ce dont perfonne ne peut douter
, puifque le lieu que l'Auteur nomme
Augufta eft le Village d'Aonfte qui fubfifte
encore aujourd'hui. Que la Riviere alors
nommée Auve , foit la Brefle , tous les
Sçavans en conviennent : on peut voir làdeffus
M. Baillet dans la vie de S. Leu ou
Loup , Archevêque de Sens , & M. Fleuri
dans fon Hiftoire Ecclefiaftique , liv. 37.
nom. 16. On trouve pareillement dans la
vie de ce Saint Archevêque la verité de
ce que j'ai avancé , fçavoir , que le Paga-
Ciiij nifme
1744 MERCURE DE FRANCE
nifme regnoit encore publiquement dans
ce Païs- ci au feptiéme fiecle,puifqu'il y eft
rapporté qu'en 616. S. Loup ayant été envoyé
en exil au Village d'Anfenne qui n'eſt
qu'à quatre lieues de la Ville d'Eu , fur la
même Riviere de Brefle , il y trouva des
Temples où les gens du Pays adoroient
publiquement les faux Dieux , & qu'il
travailla à les convertir.
On connoît auffi , comme je l'ai avancé
, que les habitans du Village de Pont,
convertis par S. Valleri , furent des premiers
à le canonifer , puifque fans qu'au
cune cerémonie folemnelle eut précedé ,
immédiatement aprés fa mort , ils firent
conftruire vers l'an 625. une Egliſe à ſon
honneur, au lieu même où il s'étoit repofé
fur le bord de la Fontaine , qu'ils joignirent
à cette Eglife , la faifant enfermer de
murailles , comme on la voit encore aujourd'hui.
L'Auteur de la Vie de ce Saint
que j'ai cité ci-deffus , le fait clairement
connoître, en difant que quelques perfon
nes paffant par hazard aux environs de
ce Village , une jeune fille fut furpriſe de
voir cette nouvelle Eglife , & d'apprendre
qu'elle eut été bâtie à l'honneur de
celui qu'elle n'avoit vû qu'avec mépris ,
là caufe de fon exterieur negligé , ce qui
lui donna lieu de fe railler de ces Païfans
qui avoient , difoit- elle , été affez fimples
que
A O UST. the
1730 1749
que de prendre pour un Saint celui qu'elle
avoit vû fi ſouvent paffer monté fur fon
afne ;mais la raillerie lui coûta cher , puifqu'au
même inftant elle devint perclufe
de tous les membres; ce qui l'ayant obligée
de recourir à l'interceffion de celui dont
elle s'étoit mocquée , & dans l'Eglife même
qui y avoit donné lieu , elle ne laiffa
pas d'y trouver la guerilon.
Enfin de telle maniere , & en tel tems
que les habitans de la Ville d'Eu ayent
été convertis à la Religion Chrétienne ,.
on peut dire que par une faveur toute finguliere
de la Providence , ils ont été affez
heureux pour conferver cette Religion
dans toute la pureté dans l'enceinte de
leurs murailles , pendant que les villes
voifines ont eu le malheur d'être infectées
de l'herefie de Calvin , -
dès
Auffi donnerent- ils des preuves de leur
attachement à la Religion de leurs Peres
que les funeftes nouveautés du Calvinifme
commencerent à paroître , puif--
qu'en 1562. quelques particuliers ayant
donné des preuves qu'ils entroient dans
ces nouveaux fentimens , la populace alla
avec une espece de fureur piller leurs
maifons , ce qui donna lieu aux Magiftrars
après avoir repriméce foulevement , d'o
bliger ces particuliers à faire une profeffion
publique de leur catholicite , &
Ey decla
1746 MERCURE DE FRANCE
declarer en preſence de tous les habitans
qu'ils vouloient vivre & mourir dans la
Religion Catholique , ce qui rétablit le
calme dans la Ville,y fit une telle impreffion
, & y laiffa une telle horreur pour
l'herefie , qu'aucun Calvinifte ne s'eſt jamais
avifé de s'y établir. Tout ceci fe trouve
écrit plus en détail dans les Archives
de l'Hôtel de Ville , livre rouge , fol 2.
pag. 65 .
Comme le Comté d'Eu eft une portion
de la Neuftrie , que le Roi Charles le
Simple fut contraint. de ceder aux Normans
en toute proprieté, pour faire ceffer
les ravages continuels qu'ils faifoient dans
la France , il me paroît convenable que
je faffe connoître par ce qui s'eft paffé à
la Ville d'Eu , quelle étoit l'intrépidité de
ces hommes du Nord , & combien il
étoit difficile aux François d'expulſer hors
du Royaume des gens de ce caractere.
>
Tout le monde fçait ce qu'étoient ces
Normans habitans les Païs glacés du Nord ,
lefquels , au rapport de Paul Emile , Livre
fecond , s'étant introduits dans les
Troupes de Charlemagne lors de fes expeditions
dans la Saxe , & ayant paffé en
France avec les Troupes de ce Prince , ils
n'eurent pas plutôt gouté la douceur du
climat , vû & connu la beauté & la bonté
du Païs , qu'ils formerent le deffein de
5'7
A O UST. 1730. 1747
s'y établir à quelque prix que ce pût être.
On fçait pareillement qu'avant que
d'y
réuffir , ils firent plufieurs débarquemens
dans differens endroits , pillerent , brulerent
& ravagerent une grande partie du
Royaume , dont le Comté d'Eu ne fe
reffentit pas moins que le refte du Pays ,
fa fituation maritime l'y expofant beaucoup
plus. C'est ce dont on peut juger par
la fameufe Bataille qui fut donnée contre
eux l'an 881. à deux lieuës ou environ de
la Ville d'Eu , fçavoir , à Saucourt , Paroiffe
de Niba , fituée entre cette Ville &
Saint Valleri , où les François vinrent les
attaquer. Le lieu où ces derniers fe pofterent
en porte encore aujourd'hui le
nom , & s'appelle Franleu , c'eſt à dire
le lieu des François , Francorum locus .
و
Tous nos Hiftoriens conviennent qu'ils
y furent défaits & qu'ils y perdirent
neuf à dix mille hommes ; mais parcequ'il
en reftoit encore à la Ville d'Eu qui
tâchoient de fe conferver dans cette Place,
les François , au rapport de Mezerai , dans
fa grande Hiftoire , vinrent les y fieger.
Ne s'y étant pas fuffisamment deffendus,
ils у furent tous maffacrés ; nonobftant
toutes ces pertes , les autres n'abandonnerent
pas leur projet deux ans après ,
ils defcendirent en Picardie , où ils exer
cerent les plus grandes cruautés ; jufques
B vj
1748 MERCURE DE FRANCE
là que M. l'Abbé Fleuri remarque dans
fon Hiftoire Ecclefiaftique Liv. 53. Nom.
654. qu'outre les Eglifes , les Villages &
les autres lieux pillés & brûlés , on voyoit
prefque tous les chemins femés de corps
morts , d'Ecclefiaftiques , de Religieux ,
de Nobles , de femmes & d'enfans.
Enfin , comme je l'ai déja dit , le Roi
Charles le Simple , pour mettre fin à ces
cruelles hoftilités qui défoloient fon
Royaume , ceda en 912. à Racul ou Rollon
, Chef de ces Normans , ce qu'on appelle
aujourd'hui la Normandie , qui eut
pour limites de ce côté- ci la Riviere qui
paffe à la Ville d'Eu , ce qui lui fit changer
de nom , au lieu des noms d'Effua
ou Effia ou Aucia ou enfin Auva qu'elle
avoit portés , elle fut nommée alors Bri
fella , c'eſt à dire , la Brifante , la Séparante,
dit M. de Valois dans fa Notice des Gau
les. ( verbo ) Caletes:
Dans la fuite les François s'étant foulevés
contre le Roi Charles le Simple , &
ce Prince ayant été arrêté & fait prifonnier
à Peronne , les Normans toujours difpofés
au pillage , fous l'apparence de vou
loir prendre les interêrs , commencerent
de nouveau à ravager la France , les Fran
çois de leur part fe mirent auffi en état
de reprimer leur audace : entr'autres , die
Frodoard dans fa Chronique l'an 925.les
Comtes
AO UST. 1730. 1749
Comte Herbert ayant pris avec lui les
Troupes de l'Eglife de Rheims , & ayant
été joint par Arnoul , Comte de Flandres,
& par plufieurs autres Seigneurs François,
ils vinrent fieger la Ville d'Eu qui appartenoit
alors aux Normans , & qui y avoient.
envoyé mille hommes des leurs pour la
défendre ; mais quoiqu'ils contaffent fur
cette intrépidité qui faifoit toute leur
gloire , les François ne laifferent pas de les
forcer dans la Ville , & enfuite dans le
Château , d'où s'étant refugiés dans une
Ifle formée par la Riviere qui eft au deſfous
du Château , ils s'y défendirent en
vrais defefperés : jufques là que ne pouvant
fe foutenir dans ce dernier retranchement
, plutôt que de ferendre , s'abandonnant
à leur ferocité naturelle , ils fe
tuerent eux- mêmes , les uns fe jettant dans
la Riviere pour s'y noyer , pendant que
les autres s'enfonçoient dans le coeur leurs
propres flèches.
و
Ce fuccès des François n'empêcha pas
les Normans de demeurer paifibles pof
feffeurs de la Normandie , même du
-Comté d'Eu , d'où les François furent
obligés de fe retirer , ce qui donna aux
Ducs de Normandie la liberté de difpcfer
de ce Comté comme ils jugerent à
propos. Ce fut le Duc Richard II. lequel
Lelon la Chronique de Normandie ch.434
donna
1750 MERCURE DE FRANCE
donna l'an 1002. ce Comté à fon frere
Guillaume , qui fut le premier Comte
d'Eu , defcendant des Ducs de Normandie.
›
Il faut avouer que la Religion Chrétienne
ne fit pas un moindre changement
chez les Normans établis en France , qu'elle
avoit fait chez tous les peuples barbares
où elle s'étoit introduite ; c'eft à dire
qu'ayant été reçûë & embraffée par le
peuple,tout cruel & tout feroce qu'il étoit,
de loups cruels & feroces , elle en fit ,
pour ainfi dire, des Agneaux , les rendant
dociles , bienfaifans , même des plus difpofés
aux oeuvres de pieté. C'est ce dont
nous avons des marques certaines dans le
Comté d'Eu , puifqu'à peine le premier
Comte Guillaume en eut- il la poffeffion
qu'il fonda vers l'an 1003. une Collegiale
dans la Ville d'Eu . Son fils Robert fit encore
plus , puifqu'il fonda en 1036. l'Ab
baye du Tréport , enfuite le Prieuré de
Sainte Croix , entre ce Bourg & la Ville
d'Eu , & commença l'établiffement dur
Prieuré de la Trinité qui eft un Fauxbourg
de la Chauffée .
Guillaume II . qui le fuivit fonda en Angleterre
le Prieuré d'Haftings. Son fils
Henri alla beaucoup plus loin que fes predeceffeurs
, puifque , non content d'avoir
fondé en 1106. le Prieuré de S. Martin ,
dans
AOUST. 1730. 1731
dans la Forêt d'Eu , & en 1130. l'Abbaye
de Foucarmont dans le même Comté „
étant devenu veuf il prit lui -même
Phabit Monaftique dans cette Abbaye
qu'il avoit fondée , en quoi il fut imité
par le Comte , fon fils , nommé Jean ,
lequel , à fon exemple , après avoir vêcu
dans le monde , & fait également figure
à la Cour des Rois d'Angleterre , après
avoir fait auffi beaucoup de largeffes aux
Moines , comme à l'Abbaye d'Eu , au
Prieuré d'Haftings , à celui de la Chauffée
d'Eu , même à un autre Prieuré qu'un
Seigneur Normand avoit fondé à Rouge-
Camp , Paroiffe de Cuverville au Comté
d'Eu , étant auffi devenu veuf , ce Prince,
dis-je , pour reffembler en tout à fon pere ,
fe fit Moine comme lui dans la même Abbaye
de Foucarmont , où ils font morts
tous deux , & où ils font inhumés.
>
On peut juger par toutes ces donations
fi fréquemment faites dans le feul Comté
d'Eu , & par ce dévoüment des plus illuftres
Seigneurs Normans à l'Etat Monaftique
, combien il falloit que les Moi
nes fe fuffent acquis d'eftime auprès de ces
Seigneurs dès les premiers tems de leur
converfion , puifque dès l'an 340. felon
Dumoulin dans fon Hiftoire de Normandie,
le Duc Guillaume, Longue Epée , n'é--
tant pas libre de fe confacrer à Dieu dans
Un
MERCURE DE FRANCE
un Cloître , comme il l'auroit fouhaité ",
il obtint en grace ' des Moines qu'ils lui
donnaffent un froc , un fcapulaire beni
& une difcipline qu'il enferma dans une
caffete précieufe , dont il porta toujours
la clef d'argent penduë à ſa ceinture.
La fuite pourle mois prochain.
fur Hiftoire de la Ville d'Eu.
D
>
E ces anciens Monumens qui juftifient
l'antiquité de la Ville d'Eu je
palle à un autre qui a du rapport à la Religion
, & qui prouve deux chofes . 1
Que quoiqu'il y eut déja du tems que la
Religion Chrétienne fut établie dans le
Comté d'Eu , le culte des Idoles y fubfiftoit
neanmoins encore publiquement au
7. fiecle. 2° Que les peuples de ce Comté
fuivoient encore alors l'ufage que les fimples
Fideles des premiers fiecles de l'Eglife
s'étoient arrogés de canonifer les perfonnes
, de la fainte vie defquelles ils avoient
été les témoins. Ce Monument eft l'Eglife
du Village de Pont , qui eft proche de la
Ville d'Eu , laquelle fut conftruite par les
habitans de ce Village immédiatement
après
A O UST. 1730. 1743
áprès la mort de ce Saint , en reconnoiffance
de ce qu'il les avoit convertis à la
foy. On en peut voir le détail dans ſa vie
écrite au VIII . fiecle , qui fe trouve inferée
dans les Actes des Saints de l'Ordre de
Saint Benoît XI . fiecle , par D. Luc Dacheri
, où il eft dit que S. Valleri paffant
par un lieu nommé Augufta , fitné fur la
Riviere d'Auve , & fe repofant fur le bord
d'une Fontaine , il apperçut une efpece
d'Idole que les Païfans du lieu adoroient ;
ce Saint l'ayant réduite en pouffiere par
un miracle , ces Païfans entrerent dans
une telle fureur qu'ils voulurent le maffacrer
; mais par un autre miracle plus furprenant
, les ayant calmés tout à coup ,
& rendus dociles à fa voix , il leur annonça
l'Evangile , & les convertit à la foy.
Que ce fait fe foit paffé au Village de
Pont , c'eft ce dont perfonne ne peut douter
, puifque le lieu que l'Auteur nomme
Augufta eft le Village d'Aonfte qui fubfifte
encore aujourd'hui. Que la Riviere alors
nommée Auve , foit la Brefle , tous les
Sçavans en conviennent : on peut voir làdeffus
M. Baillet dans la vie de S. Leu ou
Loup , Archevêque de Sens , & M. Fleuri
dans fon Hiftoire Ecclefiaftique , liv. 37.
nom. 16. On trouve pareillement dans la
vie de ce Saint Archevêque la verité de
ce que j'ai avancé , fçavoir , que le Paga-
Ciiij nifme
1744 MERCURE DE FRANCE
nifme regnoit encore publiquement dans
ce Païs- ci au feptiéme fiecle,puifqu'il y eft
rapporté qu'en 616. S. Loup ayant été envoyé
en exil au Village d'Anfenne qui n'eſt
qu'à quatre lieues de la Ville d'Eu , fur la
même Riviere de Brefle , il y trouva des
Temples où les gens du Pays adoroient
publiquement les faux Dieux , & qu'il
travailla à les convertir.
On connoît auffi , comme je l'ai avancé
, que les habitans du Village de Pont,
convertis par S. Valleri , furent des premiers
à le canonifer , puifque fans qu'au
cune cerémonie folemnelle eut précedé ,
immédiatement aprés fa mort , ils firent
conftruire vers l'an 625. une Egliſe à ſon
honneur, au lieu même où il s'étoit repofé
fur le bord de la Fontaine , qu'ils joignirent
à cette Eglife , la faifant enfermer de
murailles , comme on la voit encore aujourd'hui.
L'Auteur de la Vie de ce Saint
que j'ai cité ci-deffus , le fait clairement
connoître, en difant que quelques perfon
nes paffant par hazard aux environs de
ce Village , une jeune fille fut furpriſe de
voir cette nouvelle Eglife , & d'apprendre
qu'elle eut été bâtie à l'honneur de
celui qu'elle n'avoit vû qu'avec mépris ,
là caufe de fon exterieur negligé , ce qui
lui donna lieu de fe railler de ces Païfans
qui avoient , difoit- elle , été affez fimples
que
A O UST. the
1730 1749
que de prendre pour un Saint celui qu'elle
avoit vû fi ſouvent paffer monté fur fon
afne ;mais la raillerie lui coûta cher , puifqu'au
même inftant elle devint perclufe
de tous les membres; ce qui l'ayant obligée
de recourir à l'interceffion de celui dont
elle s'étoit mocquée , & dans l'Eglife même
qui y avoit donné lieu , elle ne laiffa
pas d'y trouver la guerilon.
Enfin de telle maniere , & en tel tems
que les habitans de la Ville d'Eu ayent
été convertis à la Religion Chrétienne ,.
on peut dire que par une faveur toute finguliere
de la Providence , ils ont été affez
heureux pour conferver cette Religion
dans toute la pureté dans l'enceinte de
leurs murailles , pendant que les villes
voifines ont eu le malheur d'être infectées
de l'herefie de Calvin , -
dès
Auffi donnerent- ils des preuves de leur
attachement à la Religion de leurs Peres
que les funeftes nouveautés du Calvinifme
commencerent à paroître , puif--
qu'en 1562. quelques particuliers ayant
donné des preuves qu'ils entroient dans
ces nouveaux fentimens , la populace alla
avec une espece de fureur piller leurs
maifons , ce qui donna lieu aux Magiftrars
après avoir repriméce foulevement , d'o
bliger ces particuliers à faire une profeffion
publique de leur catholicite , &
Ey decla
1746 MERCURE DE FRANCE
declarer en preſence de tous les habitans
qu'ils vouloient vivre & mourir dans la
Religion Catholique , ce qui rétablit le
calme dans la Ville,y fit une telle impreffion
, & y laiffa une telle horreur pour
l'herefie , qu'aucun Calvinifte ne s'eſt jamais
avifé de s'y établir. Tout ceci fe trouve
écrit plus en détail dans les Archives
de l'Hôtel de Ville , livre rouge , fol 2.
pag. 65 .
Comme le Comté d'Eu eft une portion
de la Neuftrie , que le Roi Charles le
Simple fut contraint. de ceder aux Normans
en toute proprieté, pour faire ceffer
les ravages continuels qu'ils faifoient dans
la France , il me paroît convenable que
je faffe connoître par ce qui s'eft paffé à
la Ville d'Eu , quelle étoit l'intrépidité de
ces hommes du Nord , & combien il
étoit difficile aux François d'expulſer hors
du Royaume des gens de ce caractere.
>
Tout le monde fçait ce qu'étoient ces
Normans habitans les Païs glacés du Nord ,
lefquels , au rapport de Paul Emile , Livre
fecond , s'étant introduits dans les
Troupes de Charlemagne lors de fes expeditions
dans la Saxe , & ayant paffé en
France avec les Troupes de ce Prince , ils
n'eurent pas plutôt gouté la douceur du
climat , vû & connu la beauté & la bonté
du Païs , qu'ils formerent le deffein de
5'7
A O UST. 1730. 1747
s'y établir à quelque prix que ce pût être.
On fçait pareillement qu'avant que
d'y
réuffir , ils firent plufieurs débarquemens
dans differens endroits , pillerent , brulerent
& ravagerent une grande partie du
Royaume , dont le Comté d'Eu ne fe
reffentit pas moins que le refte du Pays ,
fa fituation maritime l'y expofant beaucoup
plus. C'est ce dont on peut juger par
la fameufe Bataille qui fut donnée contre
eux l'an 881. à deux lieuës ou environ de
la Ville d'Eu , fçavoir , à Saucourt , Paroiffe
de Niba , fituée entre cette Ville &
Saint Valleri , où les François vinrent les
attaquer. Le lieu où ces derniers fe pofterent
en porte encore aujourd'hui le
nom , & s'appelle Franleu , c'eſt à dire
le lieu des François , Francorum locus .
و
Tous nos Hiftoriens conviennent qu'ils
y furent défaits & qu'ils y perdirent
neuf à dix mille hommes ; mais parcequ'il
en reftoit encore à la Ville d'Eu qui
tâchoient de fe conferver dans cette Place,
les François , au rapport de Mezerai , dans
fa grande Hiftoire , vinrent les y fieger.
Ne s'y étant pas fuffisamment deffendus,
ils у furent tous maffacrés ; nonobftant
toutes ces pertes , les autres n'abandonnerent
pas leur projet deux ans après ,
ils defcendirent en Picardie , où ils exer
cerent les plus grandes cruautés ; jufques
B vj
1748 MERCURE DE FRANCE
là que M. l'Abbé Fleuri remarque dans
fon Hiftoire Ecclefiaftique Liv. 53. Nom.
654. qu'outre les Eglifes , les Villages &
les autres lieux pillés & brûlés , on voyoit
prefque tous les chemins femés de corps
morts , d'Ecclefiaftiques , de Religieux ,
de Nobles , de femmes & d'enfans.
Enfin , comme je l'ai déja dit , le Roi
Charles le Simple , pour mettre fin à ces
cruelles hoftilités qui défoloient fon
Royaume , ceda en 912. à Racul ou Rollon
, Chef de ces Normans , ce qu'on appelle
aujourd'hui la Normandie , qui eut
pour limites de ce côté- ci la Riviere qui
paffe à la Ville d'Eu , ce qui lui fit changer
de nom , au lieu des noms d'Effua
ou Effia ou Aucia ou enfin Auva qu'elle
avoit portés , elle fut nommée alors Bri
fella , c'eſt à dire , la Brifante , la Séparante,
dit M. de Valois dans fa Notice des Gau
les. ( verbo ) Caletes:
Dans la fuite les François s'étant foulevés
contre le Roi Charles le Simple , &
ce Prince ayant été arrêté & fait prifonnier
à Peronne , les Normans toujours difpofés
au pillage , fous l'apparence de vou
loir prendre les interêrs , commencerent
de nouveau à ravager la France , les Fran
çois de leur part fe mirent auffi en état
de reprimer leur audace : entr'autres , die
Frodoard dans fa Chronique l'an 925.les
Comtes
AO UST. 1730. 1749
Comte Herbert ayant pris avec lui les
Troupes de l'Eglife de Rheims , & ayant
été joint par Arnoul , Comte de Flandres,
& par plufieurs autres Seigneurs François,
ils vinrent fieger la Ville d'Eu qui appartenoit
alors aux Normans , & qui y avoient.
envoyé mille hommes des leurs pour la
défendre ; mais quoiqu'ils contaffent fur
cette intrépidité qui faifoit toute leur
gloire , les François ne laifferent pas de les
forcer dans la Ville , & enfuite dans le
Château , d'où s'étant refugiés dans une
Ifle formée par la Riviere qui eft au deſfous
du Château , ils s'y défendirent en
vrais defefperés : jufques là que ne pouvant
fe foutenir dans ce dernier retranchement
, plutôt que de ferendre , s'abandonnant
à leur ferocité naturelle , ils fe
tuerent eux- mêmes , les uns fe jettant dans
la Riviere pour s'y noyer , pendant que
les autres s'enfonçoient dans le coeur leurs
propres flèches.
و
Ce fuccès des François n'empêcha pas
les Normans de demeurer paifibles pof
feffeurs de la Normandie , même du
-Comté d'Eu , d'où les François furent
obligés de fe retirer , ce qui donna aux
Ducs de Normandie la liberté de difpcfer
de ce Comté comme ils jugerent à
propos. Ce fut le Duc Richard II. lequel
Lelon la Chronique de Normandie ch.434
donna
1750 MERCURE DE FRANCE
donna l'an 1002. ce Comté à fon frere
Guillaume , qui fut le premier Comte
d'Eu , defcendant des Ducs de Normandie.
›
Il faut avouer que la Religion Chrétienne
ne fit pas un moindre changement
chez les Normans établis en France , qu'elle
avoit fait chez tous les peuples barbares
où elle s'étoit introduite ; c'eft à dire
qu'ayant été reçûë & embraffée par le
peuple,tout cruel & tout feroce qu'il étoit,
de loups cruels & feroces , elle en fit ,
pour ainfi dire, des Agneaux , les rendant
dociles , bienfaifans , même des plus difpofés
aux oeuvres de pieté. C'est ce dont
nous avons des marques certaines dans le
Comté d'Eu , puifqu'à peine le premier
Comte Guillaume en eut- il la poffeffion
qu'il fonda vers l'an 1003. une Collegiale
dans la Ville d'Eu . Son fils Robert fit encore
plus , puifqu'il fonda en 1036. l'Ab
baye du Tréport , enfuite le Prieuré de
Sainte Croix , entre ce Bourg & la Ville
d'Eu , & commença l'établiffement dur
Prieuré de la Trinité qui eft un Fauxbourg
de la Chauffée .
Guillaume II . qui le fuivit fonda en Angleterre
le Prieuré d'Haftings. Son fils
Henri alla beaucoup plus loin que fes predeceffeurs
, puifque , non content d'avoir
fondé en 1106. le Prieuré de S. Martin ,
dans
AOUST. 1730. 1731
dans la Forêt d'Eu , & en 1130. l'Abbaye
de Foucarmont dans le même Comté „
étant devenu veuf il prit lui -même
Phabit Monaftique dans cette Abbaye
qu'il avoit fondée , en quoi il fut imité
par le Comte , fon fils , nommé Jean ,
lequel , à fon exemple , après avoir vêcu
dans le monde , & fait également figure
à la Cour des Rois d'Angleterre , après
avoir fait auffi beaucoup de largeffes aux
Moines , comme à l'Abbaye d'Eu , au
Prieuré d'Haftings , à celui de la Chauffée
d'Eu , même à un autre Prieuré qu'un
Seigneur Normand avoit fondé à Rouge-
Camp , Paroiffe de Cuverville au Comté
d'Eu , étant auffi devenu veuf , ce Prince,
dis-je , pour reffembler en tout à fon pere ,
fe fit Moine comme lui dans la même Abbaye
de Foucarmont , où ils font morts
tous deux , & où ils font inhumés.
>
On peut juger par toutes ces donations
fi fréquemment faites dans le feul Comté
d'Eu , & par ce dévoüment des plus illuftres
Seigneurs Normans à l'Etat Monaftique
, combien il falloit que les Moi
nes fe fuffent acquis d'eftime auprès de ces
Seigneurs dès les premiers tems de leur
converfion , puifque dès l'an 340. felon
Dumoulin dans fon Hiftoire de Normandie,
le Duc Guillaume, Longue Epée , n'é--
tant pas libre de fe confacrer à Dieu dans
Un
MERCURE DE FRANCE
un Cloître , comme il l'auroit fouhaité ",
il obtint en grace ' des Moines qu'ils lui
donnaffent un froc , un fcapulaire beni
& une difcipline qu'il enferma dans une
caffete précieufe , dont il porta toujours
la clef d'argent penduë à ſa ceinture.
La fuite pourle mois prochain.
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Résumé : SUITE des Mémoires de M. Capperon sur l'Histoire de la Ville d'Eu.
Les Mémoires de M. Capperon relatent plusieurs aspects historiques de la ville d'Eu. Au VIIe siècle, bien que la religion chrétienne fût établie dans le comté d'Eu, le culte des idoles subsistait encore publiquement. Saint Valleri, en passant par Augusta (aujourd'hui Aunfray), détruisit une idole païenne et convertit les habitants. Les habitants du village de Pont, convertis par Saint Valleri, construisirent une église en son honneur peu après sa mort, vers 625, au lieu même où il s'était reposé près d'une fontaine. Ils furent parmi les premiers à le canoniser. La rivière nommée Auve est identifiée comme la Bresle, selon des sources historiques comme M. Baillet et M. Fleury. En 616, Saint Loup, archevêque de Sens, trouva des temples païens lors de son exil au village d'Anfenne, près de la ville d'Eu. Les habitants d'Eu montrèrent un attachement profond à la religion catholique. En 1562, face à l'apparition de signes de calvinisme, la population réagit violemment, pillant les maisons des calvinistes et les forçant à faire une profession publique de catholicisme. Cet événement est documenté dans les archives de l'Hôtel de Ville. L'histoire des Normands dans la région est également abordée. En 912, le roi Charles le Simple céda la Normandie aux Normands pour mettre fin aux ravages qu'ils infligeaient. La ville d'Eu fut le théâtre de plusieurs batailles, notamment en 881 et en 925, où les Normands furent finalement vaincus. Les Normands établis en France adoptèrent la religion chrétienne, ce qui transforma leur comportement. Le premier comte d'Eu, Guillaume, fonda plusieurs institutions religieuses, suivi par ses descendants qui firent de nombreuses donations aux moines et prirent eux-mêmes l'habit monastique. Dès 340, le duc Guillaume Longue-Épée portait des objets monastiques, témoignant de l'influence des moines sur les seigneurs normands dès les premiers temps de leur conversion.
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28
p. 2010-2012
Oeuvres de S. Basile &c. [titre d'après la table]
Début :
Coignard, débite depuis peu le troisiéme & dernier volume des Oeuvres de S. Basile, qui comprend [...]
Mots clefs :
Religieux, Saint Basile, Religion chrétienne, Religion
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texteReconnaissance textuelle : Oeuvres de S. Basile &c. [titre d'après la table]
Coignard, débite depuis peu le troifiéme &
dernier volume des OEuvres de S. Bafile, qui comprend
le Traité du S. Efprit & les Lettres rangées
par ordre Chronologique . On a mis dans
l'Appendix XXIV . Difcours que Metaphrafte a
tirés des Ouvrages de S. Bafile , & le Livre de la
Virginité, qu'on a eu tort d'attribuer à ce Saint,
quoiqu'il foit d'un Evêque du quatriéme fiecle.
On voit à la tête du volume une fçavante Préface ,
où l'on examine plufieurs queftions dogmatiques
& enfuite la Vie admirable de ce faint Archevêque.
Ily a huit ans que le fecond Volume de faint
Bafile a paru , & comme plufieurs perfonnes fe
plaignoient de ce retardemcnt , l'Auteur de la
Préface en fait connoître les raifons. Le fçavant
Religieux, dit- il, qui avoit entrepris l'Edition
Dom Julien Garnier , Religieux de S, Germain.
de
SEPTEMBRE. 1730. 2011
'de S. Bafile, étoit déja fort incommodé lorsqu'il
mit au jour le fecond Volume. Cependant l'envie
de rendre fervice au public , l'engagea à
préparer le troifiéme . Il ſe mit à revoir sa Traduction
,y ajoutant de tems en tems des Notes
Hiftoriques , tirées de M. Tillemond , pour ſuppléer
à la Vie de S. Bafile qu'il avoit promife ,
qu'il n'étoit plus en état de compofer. Mais
à peine en étoit - il à la moitié de ce travail
que les forces lui manquerent entierement ,
enfin il mourut le 3. de Juin 1725. Outre le regret
que fa mort caufa à tous fes Confreres , dont
il étoit fort estimé , on eut le déplaifir de voir
qu'un Ouvrage qui étoit attendu des Sçavans .
& que plufieurs avoient déja payé par avance,
ne paroitroit pas fi - tôt ; car quoique les Manufcrits
fuffent déja collationnés fort exactement
, à l'exception néanmoins de celui de M.
le Premier Président de Harlay , il reftoit bien
des chofes à faire pour donner une Edition
exacte , principalement en ce qui regarde l'arrangement
des Lettres par ordre Chronologique
, la vie de S. Bafile & l'examen de fa
doctrine,
Les Lettres de S. Bafile paroîtront bientôt traduites
en François par un Religieux de la Congrégation
de S. Maur , qui a eu communication
des feuilles de la nouvelle Edition , à méfure
que
l'on imprimoit.
&
Il nous refte à dire que Dom Prudent Maran,
Religieux de l'Abbaye de S. Germain des Prez ,
રે qui on doit entierement le troifiéme Tome ,
le plus important de l'Edition de S. Bafile , travaille
à une Edition de S. Juftin , Martir , qui
comprendra auffi ce que nous avons de Tatien ,
fon Difciple, de Menagore & de Théophile d'An-
Lioche , lefquels à l'exemple du faint Martir , ont
écrit
2012 MERCURE DE FRANCE
' écrit dans le fecond fiecle de l'Eglife des Apolo
gies en faveur de la Religion Chrétienne.
dernier volume des OEuvres de S. Bafile, qui comprend
le Traité du S. Efprit & les Lettres rangées
par ordre Chronologique . On a mis dans
l'Appendix XXIV . Difcours que Metaphrafte a
tirés des Ouvrages de S. Bafile , & le Livre de la
Virginité, qu'on a eu tort d'attribuer à ce Saint,
quoiqu'il foit d'un Evêque du quatriéme fiecle.
On voit à la tête du volume une fçavante Préface ,
où l'on examine plufieurs queftions dogmatiques
& enfuite la Vie admirable de ce faint Archevêque.
Ily a huit ans que le fecond Volume de faint
Bafile a paru , & comme plufieurs perfonnes fe
plaignoient de ce retardemcnt , l'Auteur de la
Préface en fait connoître les raifons. Le fçavant
Religieux, dit- il, qui avoit entrepris l'Edition
Dom Julien Garnier , Religieux de S, Germain.
de
SEPTEMBRE. 1730. 2011
'de S. Bafile, étoit déja fort incommodé lorsqu'il
mit au jour le fecond Volume. Cependant l'envie
de rendre fervice au public , l'engagea à
préparer le troifiéme . Il ſe mit à revoir sa Traduction
,y ajoutant de tems en tems des Notes
Hiftoriques , tirées de M. Tillemond , pour ſuppléer
à la Vie de S. Bafile qu'il avoit promife ,
qu'il n'étoit plus en état de compofer. Mais
à peine en étoit - il à la moitié de ce travail
que les forces lui manquerent entierement ,
enfin il mourut le 3. de Juin 1725. Outre le regret
que fa mort caufa à tous fes Confreres , dont
il étoit fort estimé , on eut le déplaifir de voir
qu'un Ouvrage qui étoit attendu des Sçavans .
& que plufieurs avoient déja payé par avance,
ne paroitroit pas fi - tôt ; car quoique les Manufcrits
fuffent déja collationnés fort exactement
, à l'exception néanmoins de celui de M.
le Premier Président de Harlay , il reftoit bien
des chofes à faire pour donner une Edition
exacte , principalement en ce qui regarde l'arrangement
des Lettres par ordre Chronologique
, la vie de S. Bafile & l'examen de fa
doctrine,
Les Lettres de S. Bafile paroîtront bientôt traduites
en François par un Religieux de la Congrégation
de S. Maur , qui a eu communication
des feuilles de la nouvelle Edition , à méfure
que
l'on imprimoit.
&
Il nous refte à dire que Dom Prudent Maran,
Religieux de l'Abbaye de S. Germain des Prez ,
રે qui on doit entierement le troifiéme Tome ,
le plus important de l'Edition de S. Bafile , travaille
à une Edition de S. Juftin , Martir , qui
comprendra auffi ce que nous avons de Tatien ,
fon Difciple, de Menagore & de Théophile d'An-
Lioche , lefquels à l'exemple du faint Martir , ont
écrit
2012 MERCURE DE FRANCE
' écrit dans le fecond fiecle de l'Eglife des Apolo
gies en faveur de la Religion Chrétienne.
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Résumé : Oeuvres de S. Basile &c. [titre d'après la table]
Le troisième et dernier volume des Œuvres de Saint Basile a été récemment publié par Coignard. Ce volume comprend le Traité du Saint Esprit et les Lettres de Saint Basile, classées par ordre chronologique. L'appendice inclut vingt-quatre discours de Métaphraste et le Livre de la Virginité, attribué à tort à Saint Basile. Le volume est introduit par une préface savante qui aborde des questions dogmatiques et présente la vie de cet archevêque. Le second volume avait été publié huit ans plus tôt. Le retard de la publication du troisième volume est dû à la maladie et au décès de Dom Julien Garnier, éditeur de Saint Basile, survenu le 3 juin 1725. Dom Prudent Maran, de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, a pris en charge la publication de ce tome. Les lettres de Saint Basile seront bientôt traduites en français par un religieux de la Congrégation de Saint Maur. Dom Maran travaille également à une édition des œuvres de Saint Justin, martyr, incluant celles de Tatien, Ménagore et Théophile d'Antioche.
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29
p. 241-246
ODE. Sur la Canonisation des Saints Stanislas Kostka et Louis de Gonzague.
Début :
Quelle Cour pompeuse et brillante [...]
Mots clefs :
Canonisation, Stanislas Kostka, Louis de Gonzague, Regards , Cour fabuleuse, Lubriques Divinités, Trône, Religion, Couronne, Lyre
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texteReconnaissance textuelle : ODE. Sur la Canonisation des Saints Stanislas Kostka et Louis de Gonzague.
O D E.
Sur la Canonisation des Saints Stanislas
Kostka et Louis de Gonzague.
Q Uelle Cour pompeuse et brillante
Se dévoile à mes yeux surpris ?
Dans quelle Région charmante
Un Dieu ravit- il mes esprits ?
Que vois-je ? Ce n'est plus la Terre ;
Au-dessus même du Tonnerre
Je porte de libres regards..
Un Temple brille dans la Nuë :
Quel jour ! une main inconnuë
M'ouvre les Cieux de toutes parts.
Ce n'est point la Cour fabuleuse
Des Dieux que l'erreur a vantés ,
Séjour d'une foule orgueilleuse
De lubriques Divinités ;;
Il n'est plus ce culte coupable :
Dans le Sanctuaire adorable
Que soutient la voûte des airs ,
Un seul Maître , un seul Dieu réside
Sa Majesté sainte y préside ,
Et veille au sort de l'Univers,
247 MERCURE DE FRANCE
Inclinés au pied de son Thrône
Les Anges saisis de respect ,
De la splendeur qui l'environne ,
Ne peuvent soutenir l'aspect.
Mais quoi ! vers ce Trône terrible ,
A tout Mortel inaccessible ,
Dans un char plus brillant que
Par une route de lumiere ,
Quittant la terrestre carriere ,
l'or ,
Deux Mortels prennent leur essor !
M
Volez , Vertus , et sur vos aîles
Enlevez leur char radieux ;
Jusqu'aux demeures immortelles
Portez ces jeunes demi- Dieux :
Ils vont , ils entrent dans la Gloire ,
'Au milieu des chants de victoire
De tous les celestes Esprits ;
Frappé de cent voix unanimes ,
L'air retentit des noms sublimes
De Stanislas et de Louis.
Tout le Ciel avec allegrésse
Reçoit ces Habitans nouveaux
La Religion s'interesse
Au Triomphe de ses Héros ;
La Pieté leur dresse un Trône
La
FEVRIER.
243 1731.
La Pudeur forme leur couronne
De ses Myrrhes toujours fleuris
Et dans cette fête charmante
Chaque Vertu retrouve et vante
Ses plus fideles favoris.
L'éclat de leur saint diadême
Leur cause de moins doux transports
Que le pur amour que Dieu même ...
Mais quel bras suspend mes accords ?
Une secrette violence
Force ici ma Lyre au silence
Sur ce bonheur Mysterieux ;
Dans ses Conseils impénetrables
Dieu seul voit les dons inéfables
Que sa main répand dans les Cieur.
潞
Nouveaux Saints , ames fortunées
Regnez , jouissez , sans désirs ;
La Mort abrégea vos années
Pour éterniser vos plaisirs.
Jaloux d'une immortelle vie ,
La fleur de vos jours est ravie
Sans vous causer de vains regrets
Vous tombez dans la nuit profondé
Trop tôt pour l'ornement du monde ;
Trop tard encor pour vos souhaits.
Da
244 MERCURE DE FRANCE
Du haut des sacrés tabernacles ,
Par mille prodiges nouveaux ,
Couronnez les anciens miracles ,
Qui font l'honneur de vos tombeaux ;
Sur l'encens de nos sacrifices
Attirez les regards propices
Du Maître absolu des humains ;
Eteignez le feu du Tonnerre ,
Que l'impieté de la Terre
Allume souvent dans ses mains.
Pour un Roi pacifique et juste
Offrez nos voeux au Roi des Rois ;
Veillez sur une Reine auguste ,
Le
sang * exige ici ses droits.
Les fruits d'un heureux hymenée
Dont la France se voit ornée ,
De l'Eternel sont les bienfaits :
Soyez les Anges tutelaires
Et les premiers dépositaires
Des dons chéris qu'il nous a faits.
諾
Tout change. Aux mortelles contrées
Faut-il donc ramener mes yeux ?
Pourquoi les portes azurées
Me referment - elles les Cieux ?
* La Reine est parente de ces deux Saints:
Toug
FEVRIER. 1731 .
245
Tout a disparu comme un songe ;
Mais ce n'est point un vain mensonge
Qui trompe mes sens éblouis :
Rome a parlé tout doit l'en croire ;
Son Oracle a marqué la gloire
De Stanislas et de Louis.
M
Peuples , retracez dans vos fêtes
La Pompe du divin séjour ;
Que tout applaudisse aux conquêtes
Que le Ciel fait en ce beau jour .
- Unissons des chants de louanges
Aux Concerts que le choeur des Anges
Consacre aux nouveaux Immortels ;
Et que sous ces voutes sacrées
Leurs images de fleurs parées
Tiennent un rang sur nos Autels .
讚
Jeunes coeurs , troupe aimable et tendre
'Accourez , offrez votre encens ;
Deux jeunes Saints ont droit d'attendre
Vos hommages reconnoissans.
A leur héroïque courage.
L'Univers a vû que votre âge ,
Capable d'illustres travaux ,
Peut aux Enfers livrer la guerre ,
Etre
246 MERCURE DE FRANCE.
Etre l'exemple de la Terre ,
Et peupler le Ciel de Héros .
Gresset Jésuite .
Sur la Canonisation des Saints Stanislas
Kostka et Louis de Gonzague.
Q Uelle Cour pompeuse et brillante
Se dévoile à mes yeux surpris ?
Dans quelle Région charmante
Un Dieu ravit- il mes esprits ?
Que vois-je ? Ce n'est plus la Terre ;
Au-dessus même du Tonnerre
Je porte de libres regards..
Un Temple brille dans la Nuë :
Quel jour ! une main inconnuë
M'ouvre les Cieux de toutes parts.
Ce n'est point la Cour fabuleuse
Des Dieux que l'erreur a vantés ,
Séjour d'une foule orgueilleuse
De lubriques Divinités ;;
Il n'est plus ce culte coupable :
Dans le Sanctuaire adorable
Que soutient la voûte des airs ,
Un seul Maître , un seul Dieu réside
Sa Majesté sainte y préside ,
Et veille au sort de l'Univers,
247 MERCURE DE FRANCE
Inclinés au pied de son Thrône
Les Anges saisis de respect ,
De la splendeur qui l'environne ,
Ne peuvent soutenir l'aspect.
Mais quoi ! vers ce Trône terrible ,
A tout Mortel inaccessible ,
Dans un char plus brillant que
Par une route de lumiere ,
Quittant la terrestre carriere ,
l'or ,
Deux Mortels prennent leur essor !
M
Volez , Vertus , et sur vos aîles
Enlevez leur char radieux ;
Jusqu'aux demeures immortelles
Portez ces jeunes demi- Dieux :
Ils vont , ils entrent dans la Gloire ,
'Au milieu des chants de victoire
De tous les celestes Esprits ;
Frappé de cent voix unanimes ,
L'air retentit des noms sublimes
De Stanislas et de Louis.
Tout le Ciel avec allegrésse
Reçoit ces Habitans nouveaux
La Religion s'interesse
Au Triomphe de ses Héros ;
La Pieté leur dresse un Trône
La
FEVRIER.
243 1731.
La Pudeur forme leur couronne
De ses Myrrhes toujours fleuris
Et dans cette fête charmante
Chaque Vertu retrouve et vante
Ses plus fideles favoris.
L'éclat de leur saint diadême
Leur cause de moins doux transports
Que le pur amour que Dieu même ...
Mais quel bras suspend mes accords ?
Une secrette violence
Force ici ma Lyre au silence
Sur ce bonheur Mysterieux ;
Dans ses Conseils impénetrables
Dieu seul voit les dons inéfables
Que sa main répand dans les Cieur.
潞
Nouveaux Saints , ames fortunées
Regnez , jouissez , sans désirs ;
La Mort abrégea vos années
Pour éterniser vos plaisirs.
Jaloux d'une immortelle vie ,
La fleur de vos jours est ravie
Sans vous causer de vains regrets
Vous tombez dans la nuit profondé
Trop tôt pour l'ornement du monde ;
Trop tard encor pour vos souhaits.
Da
244 MERCURE DE FRANCE
Du haut des sacrés tabernacles ,
Par mille prodiges nouveaux ,
Couronnez les anciens miracles ,
Qui font l'honneur de vos tombeaux ;
Sur l'encens de nos sacrifices
Attirez les regards propices
Du Maître absolu des humains ;
Eteignez le feu du Tonnerre ,
Que l'impieté de la Terre
Allume souvent dans ses mains.
Pour un Roi pacifique et juste
Offrez nos voeux au Roi des Rois ;
Veillez sur une Reine auguste ,
Le
sang * exige ici ses droits.
Les fruits d'un heureux hymenée
Dont la France se voit ornée ,
De l'Eternel sont les bienfaits :
Soyez les Anges tutelaires
Et les premiers dépositaires
Des dons chéris qu'il nous a faits.
諾
Tout change. Aux mortelles contrées
Faut-il donc ramener mes yeux ?
Pourquoi les portes azurées
Me referment - elles les Cieux ?
* La Reine est parente de ces deux Saints:
Toug
FEVRIER. 1731 .
245
Tout a disparu comme un songe ;
Mais ce n'est point un vain mensonge
Qui trompe mes sens éblouis :
Rome a parlé tout doit l'en croire ;
Son Oracle a marqué la gloire
De Stanislas et de Louis.
M
Peuples , retracez dans vos fêtes
La Pompe du divin séjour ;
Que tout applaudisse aux conquêtes
Que le Ciel fait en ce beau jour .
- Unissons des chants de louanges
Aux Concerts que le choeur des Anges
Consacre aux nouveaux Immortels ;
Et que sous ces voutes sacrées
Leurs images de fleurs parées
Tiennent un rang sur nos Autels .
讚
Jeunes coeurs , troupe aimable et tendre
'Accourez , offrez votre encens ;
Deux jeunes Saints ont droit d'attendre
Vos hommages reconnoissans.
A leur héroïque courage.
L'Univers a vû que votre âge ,
Capable d'illustres travaux ,
Peut aux Enfers livrer la guerre ,
Etre
246 MERCURE DE FRANCE.
Etre l'exemple de la Terre ,
Et peupler le Ciel de Héros .
Gresset Jésuite .
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Résumé : ODE. Sur la Canonisation des Saints Stanislas Kostka et Louis de Gonzague.
Le poème célèbre la canonisation des saints Stanislas Kostka et Louis de Gonzague. L'auteur décrit une vision céleste où il aperçoit un temple divin habité par un seul Dieu, entouré d'anges respectueux. Deux mortels, Stanislas et Louis, montent vers ce trône divin dans un char lumineux, accompagnés par des vertus et des esprits célestes. Le ciel accueille ces nouveaux saints avec allégresse, et chaque vertu célèbre ses favoris. La pudeur, la piété et l'amour divin sont particulièrement mis en avant. Le poème exprime également l'admiration pour ces saints dont la vie fut écourtée pour une immortalité éternelle. Les saints sont invités à intercéder pour un roi pacifique et juste, ainsi que pour une reine auguste. Le texte se termine par un appel aux peuples et aux jeunes cœurs pour honorer ces saints et suivre leur exemple héroïque.
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30
p. 403-415
ARREST DU PARLEMENT.
Début :
Ce jour les Gens du Roi sont entrez, et Maître [...]
Mots clefs :
Parlement, Arrêt, Imprimerie, Censure, Police, Libelles, Religion, Justice
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texteReconnaissance textuelle : ARREST DU PARLEMENT.
ARREST DU PARLEMENT.
CO
E jour les Gens du Roi sont entrez , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roi,portant la parole , ont dit : MESSIEURS,
On voit depuis quelques temps diverses feuilles
imprimées , se succeder dans le Public et se distribuer
sous le titre de Nouvelles Ecclesiastiques .
Un pareil Journal fait clandestinement et sans
aveu , porte son reproche en lui - même. Mais il
semble qu'on s'autorise de notre silence . La li
cence de ce Libelle devient tous les jours plus
marquée. Il faut donc enfin que notre ministere
se déclare ; qu'il fasse éclater sa juste censure ,
ou plutôt qu'il vous donne lieu de faire éclater la
vôtre aux yeux du Public .
On sçait assez que la sagesse des Ordonnances
les plus solemnelles et des Reglemens si souvent
renouvellez par vos Arrêts , condamne toute impression
sans autorité,et toute publication d'écrits
anonimes. On doit aussi se souvenir que celui-ci,
sous le propre tirre qu'il porte , se trouve compris
dans la prohibition expresse d'une Déclaration
du Roi , contre les abus de l'Imprimerie
que vous avez enregistré au mois de Mayde Pan
née 1728.
I vj Mais
J
404 MERCURE DE FRANCE
Mais d'ailleurs à ne consulter que les premiers
principes de l'ordre public , il n'est point de Police
atentive à quelque regle, qui put souffrir qu'un
inconnu s'établît ainsi de son chef , distribuer de
nouvelles, arbitre des faits, sans autre garant que
l'obscurité qui le couvre ; qu'il entreprît sur l'opinion
publique , et que la conduite et la réputation
d'autrui fussent à toute heure exposées à ses
jugemens et à sa censure .
Pour montrer l'abus qu'on fait d'une voïe si
dangereuse , nous n'avons pas besoin de parcourir
toutes les feuilles qui se sont répandues depuis
trois ans.On a eu assez d'occasions d'y remarquer
des faits ramassez au hazard , des imputations
calomnieuses , des soupçons atroces , qu'il n'est
jamais permis de publier sans preuve , moins encore
sans se découvrir ; une liberté de stile , des
traits satyriques , souvent les plus contraires au
respect du aux Puissances séculieres et Ecclesiastiques.
Nous nous réduirons aux dernieres feuilles qui
paroissent depuis le commencement de cette année.
D'abord un préambule qui annonce , que
malgré la contradiction , et au mépris de l'autorité
de toute Puissance , ce Journal va continuer
plus hardiment que jamais : soutenu , dit- on , de
la main de Dieu, dont on s'applique les paroles
sans scrupule. Dans ce qui suit nu le circonspection
, nulles mesures gardées , nulle subordina →
tion, nulle bienséance .
Excitez par la voix publique la moins équivoque
, et la plus universelle , nous vous déferâmes
dans le mois dernier un Ecrit intitulé , Avis aux
Fideles , dont on n'auroit pû esperer de sauver le
scandale qu'en l'abandonnant. Cependant dans
une premiere feuille on avoit essayé de l'excuser ,
P'Arrêt de la Cour du 12. Janvier dernier le condamn
FEVRIER . 1731. 405
damne aux flammes. On s'éleve aujourd'hui contre
votre Arrêt ; et sous prétexte de censurer nos
paroles , c'est l'Arrêt que l'on censure en effet.
A t'on songé que cet Arrêt pour lequel ons.
garde si peu de respect , est l'ouvrage du concert.
des Magistrats , dont on parle ailleurs avec tant
d'éloges Mais les louanges qu'on leur donne
sont peut être encore moins respectueuses. A la
faveur de ces hommages on s'autorise à les faire
parler , au gré d'un Ecrivain , dont l'art est depuis
long-temps , pour s'acréditer , d'abuser des
noms les plus respectables, et dont la plume sçait
envenimer tout ce qu'elle touche.
Mais , Messieurs , depuis quand les assemblées
de la Cour sont-elles destinées à faire le sujet des
récits d'une feuille témeraire ? Ignore-t'on que le
secret y est prescrit sous la religion du serment
le plus solemnel et le plus auguste ? Nous aurions
à nous clever contre un dépositaire peu fidele , qui
auroit été capable d'en divulguer les ministeres ;;
et des
yeux étrangers se croilont permis d'y por
ter des regards prophanes.
Rien n'est plus capable de faire sentir la con- ›
séquence et le danger de ces Libelles . On les couvre
en vain du prétexte de la Religion . Elle n'a
jamais enseigné de telles voïes. Le pur zele qu'elle
anime , n'admet point ces écrits audacieux , et ces
satyres indécentes. Dans un ouvrage qui se vante .
d'être uniquement entrepris pour la defense de la
verité , on ne reconnoît point le caractere insé-.
parable de ses légitimes défenseurs . C'est un dernier
trait qui acheve sa condamnation ; et qui
nous engage d'autant plus à ne rien obmettre
soit pour le proscrire , soit pour exciter les Offi- ·
ciers de Police à redoubler leur vigilance pour le
réprimer. eux retirez ..
Va cinq feuilles imprimées , contenant chacune
quatre
406 MERCURE DE FRANCE
>
quatre pages : La premiere feuille , intitulées.
Nouvelles Ecclesiastiques ou Memoires pour
servir à l'histoire de la Constitution , pour l'année
1731. ( Respondit mihi Dominus , et dixit
scribe visum et explana eum super tabulas ut
percurrat qui legerit eam . Habacuc. c. 2. v. 2..).
Le Seigneur me parla et me dit :Ecrivez ce que
vous voyez, et marquez - le distinctement sur :
des tablettes "
afin qu'on le puisse lire courament
. La deuxième , intitulée : Suite des Nouvel
es Ecclesiastiques , 7. Janvier 1731 .
troisiéme , qui porte le même titre , du 13. jan◄:
vier 1731. La quatrième aussi avec le même
titre , du 19 Janvier 173 1. Et la cinquième , du
25. dudit mois : Ensemble les conclusions par
écrit du Procureur General du Roi : la matiere
sur ce mise en déliberation .
du La
La Cour a arrêté et ordonné , que lesdites
feuilles seront lacerées et brulées en la Cour dus
Palais , au pied du grand Escalier d'icelui , par
l'Executeur de la haute Justice : Fait inhibitions et
défenses à toutes sortes de personnes de composer,
faire imprimer et distribuer aucunes desdites feuilles
ou autres semblables , sous les peines portées
par la Déclaration du 10. Mai 1728. Fait pareilles
défenses à tous Imprimeurs et Libraires , Colporteurs
et autres d'en imprimer , vendre, débiter
ou autrement distribuer sous pareilles peines ; Enjoint
à tous ceux qui auroient des exemplaires desdites
feuilles ou autres pareilles sous ledit titre
de les apporter incessamment au Greffe de la Cour,
pour y être supprimées : ordonne qu'à là requête
du Procureur General du Roi , il sera informé
pardevant Me Louis de Vienne , Conseiller , que
la Cour a commis contre les Auteurs desdites.
feuilles ou autres semblables , qui auroient pû être
faites du passé ou le seroient à l'avenir , ensemble
contre
FEVRIER . 1731 407
et
contre ceux qui les auroient imprimé , vendu ,
debité ou autrement distribué et pareillement informé
contre iceux , par les Lieutenans Criminels,
ou autres Officiers des Bailliages et Sénéchaussées,
pour les témoins qui pourroient s'y trouver ,
les contraventions qui auroient pû être faites dans
lesdits lieux ; pour les informations faites , raportées
en la Cour et communiquées au Procureur
General du Roi, être par lui requis et par la Cour
ordonné ce qu'il appartiendra. Enjoint pareillelement
au Lieutenant General de Police de cette
Ville de Paris et au Substitut du Procureur General
du Roi au Châtelet,de tenir la main à l'execution
du present Arrêt,et de faire toutes les diligences
necessaires à ce sujet ; ordonne en outre
que les copies collationnées dudit Arrêt seront
envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées du Ressort
pour y être lûës , publiées et enregistrées. Enjoint
aux Substituts du Procureur General du Roi
d'y tenir la main et d'en certifier la Cour dans un
mois. Fait en Parlement, le neuf Fevrier mil sept
cent trente-un. Signé , YSA BEAU.
Et ledit jour Vendredi 9 Fevrier 1731 à l'heure
de midi , en execution de l'Arrêt cy- dessus ,
lesdites feuilles y mentionnées , ont été lacerées
et jettées au feu au bas du grand Escalier du
Palais , par l'Executeur de la haute Justice , en
presence de nous Marie- Dagobert Ysabeau , l'un
des trois premiers et principaux Commis pour la
Grand Chambre , assisté de deux Huissiers de
ladite Cour. Signé , YSABEAU.
DECLARATION DU ROY. Reglement general
entre les Curez Primitifs et les Curez- Vicai
res perpetuels.
LOUIS , & c Nous avons été informez qu'à
l'occasion du Reglement que Nous avons fait
entre
408 MERCURE DE FRANCE.
entre les Curez primitifs et les Curez-Vicaires
perpetuels , par notre Déclaration du 5 Octobre
1726. il s'est formé de nouvelles difficultez entr'eux
sur l'exercice de leurs fonctions , soit
parce
qu'on a donné à cette Loy des interprétations
contraires à son véritable esprit, soit parce qu'on
a cherché à l'étendre à des cas qu'elle n'a pas prévûs
, et qui ne peuvent être décidez que par notre
autorité ; c'est pour faire cesser ces inconveniens ,
que Nous avons jugé à propos de réunir dans une
seule Loy les dispositions de la Déclaration du s
Octobre 1726. et celles des Loix précédentes , en
y ajoûtant tout ce qui pouvoit manquer à la perfection
de ces Loix , pour assurer également les
droits légitimes des Curez primitifs , et ceux des
Curez-Vicaires perpetuels , sans donner atteinte
aux usages et aux prérogatives de certaines Eglises
principales , qui n'ayant rien de contraire au
bon ordre , méritent d'être conservez par leur
ancienneté. Nous travaillerons par autant pour
Pavantage de l'Eglise , que pour celui de nos sujets
, en prévenant des contestations toujours
onéreuses aux Parties interessées , et qui détournant
les Pasteurs du soin des ames confiées à leur
ministere , sont encore plus contraires au bien
public. A ces causes , et autres à ce Nous mouvans
, de notre certaine science , pleine puissance
et autorité Royale , Nous avons dit , déclaré et
ordonné disons , déclarons et ordonnons , vou→
lons et Nous plaît ce qui suit :
là
ART . I. Les Vicaires perpetuels pourront pren
dre en tous actes et en toutes occasions , le titre
et qualité de Curez - Vicaires perpetuels de leurs
Paroisses , en laquelle qualité ils seront reconnus,
tant dans leurdite Paroisse que par tout ailleurs.
II Ne pourront prendre le titre de Curez primitifs
que ceux dont les droits seront établis
soit
FEVRIER. 1731. 409
soit
par des titres canoniques
, actes ou transactions
valablement autorisez , Arrêts contradictoires
soit sur des actes de possession centenaire .. N'entendons exclure les moyens et voies de droit
qui pourroient avoir lieu contre lesdits Actes.et
Arrêts , lesquels seront cependant exécutez jus
qu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné , soit définitivement
ou par provision , par les Juges
qui en doivent conneître , suivant qu'il sera dit cy-après.
•
III. Les Abbez , Prieurs et autres pourvûs
soit en titre ou en commende du Benefice, auquel
la qualité de Curé primitif sera attaché , pour-.
ront seuls et à l'exclusion des Communautez établies
dans leurs Abbayes , Prieurez ou autres Benefices
, prendre ledit titre du Curez primitifs et
en exercer les fonctions , lesquelles ils ne pourront
remplir qu'en personne , sans qu'en leur absence,
ni même pendant la vacance desd . Abbayes .
Prieurez et autres Benefices , lesdites Communau
tez puissent faire lesdites fonctions , qui ne pour
ront être exercées , dans ledit cas , que par les
Curez-Vicaires perpetuels ; et à l'égard des Communautez
, qui n'ayant point d'Abbez , ni de
Prieurs en titre on en commende , auront les
droits de Curez primitifs , soit par union de Be
nefices ou autrement , les Supérieurs desd. Communautez
pourront seuls en faire les fonctions
le tout nonobstant tous actes , jugemens et pos-/
session à ce contraires,et pareillement sans qu'aucune
prescription puisse être alléguée contre les
Abbez , Prieurs et autres Beneficiers , ou contre
les Superieurs de Communautez qui auroient négligé
ou qui négligeroient de faire lesd. fonctions
de Curez primitifs , par quelque laps de temps.
que ce soit.
IV. Les Curez primitifs , s'ils ont titre ou pos
session
3
410 MERCURE DE FRANCE
session valable , pourront continuer de faire le-
Service Divin les quatre Fêtes Solemnelles et le
jour du Patron ; à l'effet dequoi ils seront tenus
de faire avertir les Curez - Vicaires perpetuels ,
la surveille de la Fête , et de se conformer au Rit
et Chant du Diocese , sans qu'ils puissent même.
ausdits jours , administrer les Sacremens ou prêcher
, sans une mission spéciale de l'Evêque , et »
sera le contenu au present article , exécuté ,
nonobstant tous titres , jugemens ou usages à
contraires .
ce
V. Les droits utiles desd. Curez primitifs de- ..
meureront fixez , suivant la Déclaration du 30
Juin 1690. à la moitié des oblations et offrandes ,
tant en cire qu'en argent , l'autre moitié demeurant
au Curé - Vicaire perpetuel ; lesquels droits
ils ne pourront percevoir , que lorsqu'ils feront le
Service divin en personne , aux jours cy - dessus ?
marquez, le tout à moins que lesd. droits n'ayent
`été autrement reglez en faveur des Curez primitifs
, ou des Curez - Vicaires perpetuels , par des
titres canoniques , actes ou transactions valablement
autorisez , Arrêts contradictoires ou Actes
de possession centenaire.
VI. N'entendons donner atteinte aux usages
des Villes et autres lieux où le Clergé et les peuples
ont accoutumné de s'assembler dans les Eglises
des Abbayes , Prieurez ou autres Benefices , pour
les Te Deum , ou pour les Processions du S. Sacrement
, de la Fête de l'Assomption ou de celle
du Patron , et autres Processions generales qui se
font suivant le Rit du Diocése ou les Ordonnances
des Evêques , lesquels usages seront entretenus
comme par le passé.
VII. N'entendons pareillement rien innover
Sur l'usage où sont plusieurs Paroisses , d'assister
le jour de la Fête du Patron ou autres Fêtes so
lemnelles
FEVRIER. 1731.
lemnelles à l'Office divin , dans les Eglises des Abbayes
, Prieurez ou autres Bénéfices , ou d'y faire"
le Service qu'elles ont accoutumé d'y célébrer .
Voulons qu'en cas de contestation sur le fait
de l'usage et de la possession , par rapport aux
dispositions du present article et du précédent, il
y soit pourvû par les Juges cy- après marquez
sur les titres et actes de possession des Parties ; le
tout sans préjudice aux Archevêques et Evêques
de regler les difficultez qui pourroient naître dans
le cas desd. art. au sujet des Offices ou Cérémo
nies Ecclésiastiques , et seront les Ordonnances
par eux rendues sur ce sujet , exécutées par provision,
nonobstant l'appel simple ou comme d'abus
, et sans y préjudicier.
VIII. Voulons aussi que dans les lieux où la
Paroisse est desservie à un Autel particulier de
l'Eglise dont elle dépend , les Religieux ou Chanoines
Reguliers de l'Abbaye , Prieuré ou autres
Benefices , puissent continuer de chanter seuls
l'Office Canonial dans le Choeur , et de disposer
des bancs ou sépultures dans leursdites Eglises
s'ils sont en possession paisible et immémoriale
de ces prérogatives .
IX. Les difficultés nées ou à naître sur les
heures ausquelles la Messe Paroissiale ou d'autres
parties de l'Office Divin doivent être celebrées
l'Autel et lieux destinés à l'usage de la Paroisse
seront reglés par l'Evêque Diocésain , auquel seul
appartiendra aussi de prescrire les jours et heures
auquel le Saint Sacrement sera ou pourra être exposé
audit Autel , même à celui des Religieux ou
Chanoines Reguliers de la même Eglise , et les
Ordonnances par lui rendues sur le contenu au
présent Article seront executées par provision
pendant l'appel simple ou comme d'abus , et sans
Y préjudicier , et ce nonobstant tous privileges et
exemp
412 MERCURE DE FRANCE
(
exemption , même sous prétexte de Jurisdiction
quasi Episcopale prétendue par lesdites Abbayes ,
Prieurés et autres Benefices , lesdites exemptions
et Jurisdictions ne devant avoir lieu en pareille
matiere.
X. Les Curés primitifs ne pourront , sous quelque
prétexte que ce puisse être , présider ou as
sister aux Conferences ou Assemblées que les Curés
-Vicaires perpetuels tiennent avec les Prêtres
qui desservent leurs Paroisses , par rapport aux
fonctions ou devoirs ausquels ils sont obligés ,
ou autres matieres semblables. Leur défendons
pareillement de se trouver aux Assemblées des
Curés-Vicaires perpetuels et Marguilliers qui regardent
la fabrique ou Padministration des biens
de l'Eglise Paroissiale , ni de s'attribuer la garde
des archives , des titres de la Cure ou Fabrique ,
ou le droit d'en conserver les clefs entre leurs
mains , et ce nonobstant tous Actes , Sentences et
Arrêts ou usages ce contraires. à
XI.LesAbbayes, Prieurés ouCommunautés,ayant
droit de Curés primitifs , ne pourront être dé
chargés du payement des portions congrues des
Curés - Vicaires perpetuels et de leurs Vicaires ,
sous prétexte de l'abandon qu'ils pourroient faire
des dixmes à eux appartenantes , à moins qu'ils
n'abandonnent aussi tous les biens et revenus
qu'ils possedent dans lesdites Paroisses , et qui
sont de l'ancien patrimoine des Curés ; ensemble
le titre et droits des Curés primitifs , le tout
sans préjudice du recours que les Abbés ou Prieurs
et les Religieux pourront exercer reciproquement
en ce cas les uns contre les autres , selon que
biens abandonnés se trouveront être dans la
Manse de l'Abbé ou Prieur , ou dans celle des
Religieux .
les
XII. Les contestations qui concernent. la
qualité
FEVRIER. 1731 413
qualité de Curés Primitifs , et les droits qui en
peuvent dépendre , ou les distinctions et prérogatives
prétendues par certaines Eglises principales
, comme aussi celles qui pourront naître au
sujet des portions congrues , et en genéral toutes
les demandes qui seront formées entre les Curés
Primitifs , les Curés - Vicaires perpetuels et les
gros Décimateurs sur les droits par eux respecti
vement prétendus , seront portés en premiere
instance devant nos Baillifs et Sénéchaux et autres
Juges des cas Royaux , ressortissant nuëment
nos Cours de Parlement dans le territoire desquelles
les Cures se trouveront situées , sans que
Pappel des Sentences et Jugemens par eux rendus
en cette matiere puisse être relevé ailleurs
qu'en nosdites Cours de Parlement , chacune dans
son ressort , et ce nonobstant toutes évocations
qui auroient été accordées par le passé , ou qui
pourroient l'être par la suite à tous Ordres , Congrégations
, Corps , Communautés ou Particuliers
, Lettres Patentes ou Déclarations à ce contraires
, ausquelles nous avons derogé et derogeons
par ces présentes , notamment à celle du
dernier Août 1687. portant que les appellations
des Sentences rendues, par les Baillifs et Senéchaux
au sujet des contestations formées sur le payement
des portions congrues , seront relevées en
notre Grand- Conseil , lorsque les Ordres Religieux
, les Communautés ou les Particuliers qui
ont leurs évocations en ce Tribunal se trouveront
parties dans lesdites contestations.
X III. Les Sentences et Jugemens qui seront
rendus sur les contestations mentionnées dans
l'Article précedent , soit en faveur des Curés primitifs
, soit au profit des Curés - Vicaires perpetuels
, seront exécutés par provision , nonobstant
l'appel , et sans y préjudicier,
XIV.
414 MERCURE DE FRANCE
XIV. Voulons que notre présente Déclara →
tion soit observée , tant pour ce qui regarde les
Curés-Vicaires perpetuels des Villes , que pour
ceux de la Campagne , et qu'elle soit pareillement
executée à l'égard de tous Ordres , Congrégations,
Corps et Communautés Séculieres et Regulieres ,
même à l'égard de l'Ordre de Malthe , de celui
de Fontevrault et tous autres , et pour toutes les
Abbayes , Prieurés et autres Bénéfices qui en dépendent
, sans néanmoins que les Chapitres des
Eglises Cathédrales ou Collegiales soient censés
compris dans la présente disposition , en ce qui
concerne les prééminences , honneurs et distinc--
tions dont ils sont en possession , même celle de
prêcher , avec la permission de l'Evêque , certains .
jours de l'année , desquelles prérogatives ils pourront
continuer de jouir , ainsi qu'ils ont bien et
duement fait par le paffé.
X V. Voulons au furplus que les Déclarations
des 29 Janvier 1686 et celle du 30 Juin 1690 et
P'Article premier de la Déclaration du 30 Juillet
1710 soient executées selon leur forme et teneur
, en ce qui n'est point contraire à notre présente
Déclaration. Si donnons en Mandement à
nos amés et feaux Conseillers les Gens tenans
notre Cour de Parlement , à Paris , que ces présentes
ils fassent lire , publier et enregistrer , et le
contenu en icelles garder et observer selon leur
forme et teneur , nonobstant tous Edits , Décla
rations , Arrêts et autres choses à ce contraires ,
ausquels nous avons dérogé et dérogeons par ces
presentes Car tel est notre plaisir , en témoin
de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites
presentes. Donné à Marli le quinziéme jour
de Janvier , l'an de grace mi sept cent trente et
un , et de nôtre Regne le seizième . Signé LOUIS,
et plus bas , par le Roi , PHELY PEAUX , et
scellé
FEVRIER. 1731. 415
7
scellé du grand sceau de cire jaune. Registrée ,
ouy , et ce requerant le Procureur General du
Roi pour être executée selon sa forme et teneur,
et copies collationnées envoyées aux Bailliages
et Sénechaussées du Ressort , pour y être
lues , publiées et enregistrées : Enjoint aux Subtituts
du Procureur Genéral du Roi d'y tenir
la main et d'en certifier la Cour dans un
mois , suivant l Arrét de ce jour. A Paris en
Parlement le seize Fevrier mil sept cent trente
et un. Signé Y SA BEAU,
CO
E jour les Gens du Roi sont entrez , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roi,portant la parole , ont dit : MESSIEURS,
On voit depuis quelques temps diverses feuilles
imprimées , se succeder dans le Public et se distribuer
sous le titre de Nouvelles Ecclesiastiques .
Un pareil Journal fait clandestinement et sans
aveu , porte son reproche en lui - même. Mais il
semble qu'on s'autorise de notre silence . La li
cence de ce Libelle devient tous les jours plus
marquée. Il faut donc enfin que notre ministere
se déclare ; qu'il fasse éclater sa juste censure ,
ou plutôt qu'il vous donne lieu de faire éclater la
vôtre aux yeux du Public .
On sçait assez que la sagesse des Ordonnances
les plus solemnelles et des Reglemens si souvent
renouvellez par vos Arrêts , condamne toute impression
sans autorité,et toute publication d'écrits
anonimes. On doit aussi se souvenir que celui-ci,
sous le propre tirre qu'il porte , se trouve compris
dans la prohibition expresse d'une Déclaration
du Roi , contre les abus de l'Imprimerie
que vous avez enregistré au mois de Mayde Pan
née 1728.
I vj Mais
J
404 MERCURE DE FRANCE
Mais d'ailleurs à ne consulter que les premiers
principes de l'ordre public , il n'est point de Police
atentive à quelque regle, qui put souffrir qu'un
inconnu s'établît ainsi de son chef , distribuer de
nouvelles, arbitre des faits, sans autre garant que
l'obscurité qui le couvre ; qu'il entreprît sur l'opinion
publique , et que la conduite et la réputation
d'autrui fussent à toute heure exposées à ses
jugemens et à sa censure .
Pour montrer l'abus qu'on fait d'une voïe si
dangereuse , nous n'avons pas besoin de parcourir
toutes les feuilles qui se sont répandues depuis
trois ans.On a eu assez d'occasions d'y remarquer
des faits ramassez au hazard , des imputations
calomnieuses , des soupçons atroces , qu'il n'est
jamais permis de publier sans preuve , moins encore
sans se découvrir ; une liberté de stile , des
traits satyriques , souvent les plus contraires au
respect du aux Puissances séculieres et Ecclesiastiques.
Nous nous réduirons aux dernieres feuilles qui
paroissent depuis le commencement de cette année.
D'abord un préambule qui annonce , que
malgré la contradiction , et au mépris de l'autorité
de toute Puissance , ce Journal va continuer
plus hardiment que jamais : soutenu , dit- on , de
la main de Dieu, dont on s'applique les paroles
sans scrupule. Dans ce qui suit nu le circonspection
, nulles mesures gardées , nulle subordina →
tion, nulle bienséance .
Excitez par la voix publique la moins équivoque
, et la plus universelle , nous vous déferâmes
dans le mois dernier un Ecrit intitulé , Avis aux
Fideles , dont on n'auroit pû esperer de sauver le
scandale qu'en l'abandonnant. Cependant dans
une premiere feuille on avoit essayé de l'excuser ,
P'Arrêt de la Cour du 12. Janvier dernier le condamn
FEVRIER . 1731. 405
damne aux flammes. On s'éleve aujourd'hui contre
votre Arrêt ; et sous prétexte de censurer nos
paroles , c'est l'Arrêt que l'on censure en effet.
A t'on songé que cet Arrêt pour lequel ons.
garde si peu de respect , est l'ouvrage du concert.
des Magistrats , dont on parle ailleurs avec tant
d'éloges Mais les louanges qu'on leur donne
sont peut être encore moins respectueuses. A la
faveur de ces hommages on s'autorise à les faire
parler , au gré d'un Ecrivain , dont l'art est depuis
long-temps , pour s'acréditer , d'abuser des
noms les plus respectables, et dont la plume sçait
envenimer tout ce qu'elle touche.
Mais , Messieurs , depuis quand les assemblées
de la Cour sont-elles destinées à faire le sujet des
récits d'une feuille témeraire ? Ignore-t'on que le
secret y est prescrit sous la religion du serment
le plus solemnel et le plus auguste ? Nous aurions
à nous clever contre un dépositaire peu fidele , qui
auroit été capable d'en divulguer les ministeres ;;
et des
yeux étrangers se croilont permis d'y por
ter des regards prophanes.
Rien n'est plus capable de faire sentir la con- ›
séquence et le danger de ces Libelles . On les couvre
en vain du prétexte de la Religion . Elle n'a
jamais enseigné de telles voïes. Le pur zele qu'elle
anime , n'admet point ces écrits audacieux , et ces
satyres indécentes. Dans un ouvrage qui se vante .
d'être uniquement entrepris pour la defense de la
verité , on ne reconnoît point le caractere insé-.
parable de ses légitimes défenseurs . C'est un dernier
trait qui acheve sa condamnation ; et qui
nous engage d'autant plus à ne rien obmettre
soit pour le proscrire , soit pour exciter les Offi- ·
ciers de Police à redoubler leur vigilance pour le
réprimer. eux retirez ..
Va cinq feuilles imprimées , contenant chacune
quatre
406 MERCURE DE FRANCE
>
quatre pages : La premiere feuille , intitulées.
Nouvelles Ecclesiastiques ou Memoires pour
servir à l'histoire de la Constitution , pour l'année
1731. ( Respondit mihi Dominus , et dixit
scribe visum et explana eum super tabulas ut
percurrat qui legerit eam . Habacuc. c. 2. v. 2..).
Le Seigneur me parla et me dit :Ecrivez ce que
vous voyez, et marquez - le distinctement sur :
des tablettes "
afin qu'on le puisse lire courament
. La deuxième , intitulée : Suite des Nouvel
es Ecclesiastiques , 7. Janvier 1731 .
troisiéme , qui porte le même titre , du 13. jan◄:
vier 1731. La quatrième aussi avec le même
titre , du 19 Janvier 173 1. Et la cinquième , du
25. dudit mois : Ensemble les conclusions par
écrit du Procureur General du Roi : la matiere
sur ce mise en déliberation .
du La
La Cour a arrêté et ordonné , que lesdites
feuilles seront lacerées et brulées en la Cour dus
Palais , au pied du grand Escalier d'icelui , par
l'Executeur de la haute Justice : Fait inhibitions et
défenses à toutes sortes de personnes de composer,
faire imprimer et distribuer aucunes desdites feuilles
ou autres semblables , sous les peines portées
par la Déclaration du 10. Mai 1728. Fait pareilles
défenses à tous Imprimeurs et Libraires , Colporteurs
et autres d'en imprimer , vendre, débiter
ou autrement distribuer sous pareilles peines ; Enjoint
à tous ceux qui auroient des exemplaires desdites
feuilles ou autres pareilles sous ledit titre
de les apporter incessamment au Greffe de la Cour,
pour y être supprimées : ordonne qu'à là requête
du Procureur General du Roi , il sera informé
pardevant Me Louis de Vienne , Conseiller , que
la Cour a commis contre les Auteurs desdites.
feuilles ou autres semblables , qui auroient pû être
faites du passé ou le seroient à l'avenir , ensemble
contre
FEVRIER . 1731 407
et
contre ceux qui les auroient imprimé , vendu ,
debité ou autrement distribué et pareillement informé
contre iceux , par les Lieutenans Criminels,
ou autres Officiers des Bailliages et Sénéchaussées,
pour les témoins qui pourroient s'y trouver ,
les contraventions qui auroient pû être faites dans
lesdits lieux ; pour les informations faites , raportées
en la Cour et communiquées au Procureur
General du Roi, être par lui requis et par la Cour
ordonné ce qu'il appartiendra. Enjoint pareillelement
au Lieutenant General de Police de cette
Ville de Paris et au Substitut du Procureur General
du Roi au Châtelet,de tenir la main à l'execution
du present Arrêt,et de faire toutes les diligences
necessaires à ce sujet ; ordonne en outre
que les copies collationnées dudit Arrêt seront
envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées du Ressort
pour y être lûës , publiées et enregistrées. Enjoint
aux Substituts du Procureur General du Roi
d'y tenir la main et d'en certifier la Cour dans un
mois. Fait en Parlement, le neuf Fevrier mil sept
cent trente-un. Signé , YSA BEAU.
Et ledit jour Vendredi 9 Fevrier 1731 à l'heure
de midi , en execution de l'Arrêt cy- dessus ,
lesdites feuilles y mentionnées , ont été lacerées
et jettées au feu au bas du grand Escalier du
Palais , par l'Executeur de la haute Justice , en
presence de nous Marie- Dagobert Ysabeau , l'un
des trois premiers et principaux Commis pour la
Grand Chambre , assisté de deux Huissiers de
ladite Cour. Signé , YSABEAU.
DECLARATION DU ROY. Reglement general
entre les Curez Primitifs et les Curez- Vicai
res perpetuels.
LOUIS , & c Nous avons été informez qu'à
l'occasion du Reglement que Nous avons fait
entre
408 MERCURE DE FRANCE.
entre les Curez primitifs et les Curez-Vicaires
perpetuels , par notre Déclaration du 5 Octobre
1726. il s'est formé de nouvelles difficultez entr'eux
sur l'exercice de leurs fonctions , soit
parce
qu'on a donné à cette Loy des interprétations
contraires à son véritable esprit, soit parce qu'on
a cherché à l'étendre à des cas qu'elle n'a pas prévûs
, et qui ne peuvent être décidez que par notre
autorité ; c'est pour faire cesser ces inconveniens ,
que Nous avons jugé à propos de réunir dans une
seule Loy les dispositions de la Déclaration du s
Octobre 1726. et celles des Loix précédentes , en
y ajoûtant tout ce qui pouvoit manquer à la perfection
de ces Loix , pour assurer également les
droits légitimes des Curez primitifs , et ceux des
Curez-Vicaires perpetuels , sans donner atteinte
aux usages et aux prérogatives de certaines Eglises
principales , qui n'ayant rien de contraire au
bon ordre , méritent d'être conservez par leur
ancienneté. Nous travaillerons par autant pour
Pavantage de l'Eglise , que pour celui de nos sujets
, en prévenant des contestations toujours
onéreuses aux Parties interessées , et qui détournant
les Pasteurs du soin des ames confiées à leur
ministere , sont encore plus contraires au bien
public. A ces causes , et autres à ce Nous mouvans
, de notre certaine science , pleine puissance
et autorité Royale , Nous avons dit , déclaré et
ordonné disons , déclarons et ordonnons , vou→
lons et Nous plaît ce qui suit :
là
ART . I. Les Vicaires perpetuels pourront pren
dre en tous actes et en toutes occasions , le titre
et qualité de Curez - Vicaires perpetuels de leurs
Paroisses , en laquelle qualité ils seront reconnus,
tant dans leurdite Paroisse que par tout ailleurs.
II Ne pourront prendre le titre de Curez primitifs
que ceux dont les droits seront établis
soit
FEVRIER. 1731. 409
soit
par des titres canoniques
, actes ou transactions
valablement autorisez , Arrêts contradictoires
soit sur des actes de possession centenaire .. N'entendons exclure les moyens et voies de droit
qui pourroient avoir lieu contre lesdits Actes.et
Arrêts , lesquels seront cependant exécutez jus
qu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné , soit définitivement
ou par provision , par les Juges
qui en doivent conneître , suivant qu'il sera dit cy-après.
•
III. Les Abbez , Prieurs et autres pourvûs
soit en titre ou en commende du Benefice, auquel
la qualité de Curé primitif sera attaché , pour-.
ront seuls et à l'exclusion des Communautez établies
dans leurs Abbayes , Prieurez ou autres Benefices
, prendre ledit titre du Curez primitifs et
en exercer les fonctions , lesquelles ils ne pourront
remplir qu'en personne , sans qu'en leur absence,
ni même pendant la vacance desd . Abbayes .
Prieurez et autres Benefices , lesdites Communau
tez puissent faire lesdites fonctions , qui ne pour
ront être exercées , dans ledit cas , que par les
Curez-Vicaires perpetuels ; et à l'égard des Communautez
, qui n'ayant point d'Abbez , ni de
Prieurs en titre on en commende , auront les
droits de Curez primitifs , soit par union de Be
nefices ou autrement , les Supérieurs desd. Communautez
pourront seuls en faire les fonctions
le tout nonobstant tous actes , jugemens et pos-/
session à ce contraires,et pareillement sans qu'aucune
prescription puisse être alléguée contre les
Abbez , Prieurs et autres Beneficiers , ou contre
les Superieurs de Communautez qui auroient négligé
ou qui négligeroient de faire lesd. fonctions
de Curez primitifs , par quelque laps de temps.
que ce soit.
IV. Les Curez primitifs , s'ils ont titre ou pos
session
3
410 MERCURE DE FRANCE
session valable , pourront continuer de faire le-
Service Divin les quatre Fêtes Solemnelles et le
jour du Patron ; à l'effet dequoi ils seront tenus
de faire avertir les Curez - Vicaires perpetuels ,
la surveille de la Fête , et de se conformer au Rit
et Chant du Diocese , sans qu'ils puissent même.
ausdits jours , administrer les Sacremens ou prêcher
, sans une mission spéciale de l'Evêque , et »
sera le contenu au present article , exécuté ,
nonobstant tous titres , jugemens ou usages à
contraires .
ce
V. Les droits utiles desd. Curez primitifs de- ..
meureront fixez , suivant la Déclaration du 30
Juin 1690. à la moitié des oblations et offrandes ,
tant en cire qu'en argent , l'autre moitié demeurant
au Curé - Vicaire perpetuel ; lesquels droits
ils ne pourront percevoir , que lorsqu'ils feront le
Service divin en personne , aux jours cy - dessus ?
marquez, le tout à moins que lesd. droits n'ayent
`été autrement reglez en faveur des Curez primitifs
, ou des Curez - Vicaires perpetuels , par des
titres canoniques , actes ou transactions valablement
autorisez , Arrêts contradictoires ou Actes
de possession centenaire.
VI. N'entendons donner atteinte aux usages
des Villes et autres lieux où le Clergé et les peuples
ont accoutumné de s'assembler dans les Eglises
des Abbayes , Prieurez ou autres Benefices , pour
les Te Deum , ou pour les Processions du S. Sacrement
, de la Fête de l'Assomption ou de celle
du Patron , et autres Processions generales qui se
font suivant le Rit du Diocése ou les Ordonnances
des Evêques , lesquels usages seront entretenus
comme par le passé.
VII. N'entendons pareillement rien innover
Sur l'usage où sont plusieurs Paroisses , d'assister
le jour de la Fête du Patron ou autres Fêtes so
lemnelles
FEVRIER. 1731.
lemnelles à l'Office divin , dans les Eglises des Abbayes
, Prieurez ou autres Bénéfices , ou d'y faire"
le Service qu'elles ont accoutumé d'y célébrer .
Voulons qu'en cas de contestation sur le fait
de l'usage et de la possession , par rapport aux
dispositions du present article et du précédent, il
y soit pourvû par les Juges cy- après marquez
sur les titres et actes de possession des Parties ; le
tout sans préjudice aux Archevêques et Evêques
de regler les difficultez qui pourroient naître dans
le cas desd. art. au sujet des Offices ou Cérémo
nies Ecclésiastiques , et seront les Ordonnances
par eux rendues sur ce sujet , exécutées par provision,
nonobstant l'appel simple ou comme d'abus
, et sans y préjudicier.
VIII. Voulons aussi que dans les lieux où la
Paroisse est desservie à un Autel particulier de
l'Eglise dont elle dépend , les Religieux ou Chanoines
Reguliers de l'Abbaye , Prieuré ou autres
Benefices , puissent continuer de chanter seuls
l'Office Canonial dans le Choeur , et de disposer
des bancs ou sépultures dans leursdites Eglises
s'ils sont en possession paisible et immémoriale
de ces prérogatives .
IX. Les difficultés nées ou à naître sur les
heures ausquelles la Messe Paroissiale ou d'autres
parties de l'Office Divin doivent être celebrées
l'Autel et lieux destinés à l'usage de la Paroisse
seront reglés par l'Evêque Diocésain , auquel seul
appartiendra aussi de prescrire les jours et heures
auquel le Saint Sacrement sera ou pourra être exposé
audit Autel , même à celui des Religieux ou
Chanoines Reguliers de la même Eglise , et les
Ordonnances par lui rendues sur le contenu au
présent Article seront executées par provision
pendant l'appel simple ou comme d'abus , et sans
Y préjudicier , et ce nonobstant tous privileges et
exemp
412 MERCURE DE FRANCE
(
exemption , même sous prétexte de Jurisdiction
quasi Episcopale prétendue par lesdites Abbayes ,
Prieurés et autres Benefices , lesdites exemptions
et Jurisdictions ne devant avoir lieu en pareille
matiere.
X. Les Curés primitifs ne pourront , sous quelque
prétexte que ce puisse être , présider ou as
sister aux Conferences ou Assemblées que les Curés
-Vicaires perpetuels tiennent avec les Prêtres
qui desservent leurs Paroisses , par rapport aux
fonctions ou devoirs ausquels ils sont obligés ,
ou autres matieres semblables. Leur défendons
pareillement de se trouver aux Assemblées des
Curés-Vicaires perpetuels et Marguilliers qui regardent
la fabrique ou Padministration des biens
de l'Eglise Paroissiale , ni de s'attribuer la garde
des archives , des titres de la Cure ou Fabrique ,
ou le droit d'en conserver les clefs entre leurs
mains , et ce nonobstant tous Actes , Sentences et
Arrêts ou usages ce contraires. à
XI.LesAbbayes, Prieurés ouCommunautés,ayant
droit de Curés primitifs , ne pourront être dé
chargés du payement des portions congrues des
Curés - Vicaires perpetuels et de leurs Vicaires ,
sous prétexte de l'abandon qu'ils pourroient faire
des dixmes à eux appartenantes , à moins qu'ils
n'abandonnent aussi tous les biens et revenus
qu'ils possedent dans lesdites Paroisses , et qui
sont de l'ancien patrimoine des Curés ; ensemble
le titre et droits des Curés primitifs , le tout
sans préjudice du recours que les Abbés ou Prieurs
et les Religieux pourront exercer reciproquement
en ce cas les uns contre les autres , selon que
biens abandonnés se trouveront être dans la
Manse de l'Abbé ou Prieur , ou dans celle des
Religieux .
les
XII. Les contestations qui concernent. la
qualité
FEVRIER. 1731 413
qualité de Curés Primitifs , et les droits qui en
peuvent dépendre , ou les distinctions et prérogatives
prétendues par certaines Eglises principales
, comme aussi celles qui pourront naître au
sujet des portions congrues , et en genéral toutes
les demandes qui seront formées entre les Curés
Primitifs , les Curés - Vicaires perpetuels et les
gros Décimateurs sur les droits par eux respecti
vement prétendus , seront portés en premiere
instance devant nos Baillifs et Sénéchaux et autres
Juges des cas Royaux , ressortissant nuëment
nos Cours de Parlement dans le territoire desquelles
les Cures se trouveront situées , sans que
Pappel des Sentences et Jugemens par eux rendus
en cette matiere puisse être relevé ailleurs
qu'en nosdites Cours de Parlement , chacune dans
son ressort , et ce nonobstant toutes évocations
qui auroient été accordées par le passé , ou qui
pourroient l'être par la suite à tous Ordres , Congrégations
, Corps , Communautés ou Particuliers
, Lettres Patentes ou Déclarations à ce contraires
, ausquelles nous avons derogé et derogeons
par ces présentes , notamment à celle du
dernier Août 1687. portant que les appellations
des Sentences rendues, par les Baillifs et Senéchaux
au sujet des contestations formées sur le payement
des portions congrues , seront relevées en
notre Grand- Conseil , lorsque les Ordres Religieux
, les Communautés ou les Particuliers qui
ont leurs évocations en ce Tribunal se trouveront
parties dans lesdites contestations.
X III. Les Sentences et Jugemens qui seront
rendus sur les contestations mentionnées dans
l'Article précedent , soit en faveur des Curés primitifs
, soit au profit des Curés - Vicaires perpetuels
, seront exécutés par provision , nonobstant
l'appel , et sans y préjudicier,
XIV.
414 MERCURE DE FRANCE
XIV. Voulons que notre présente Déclara →
tion soit observée , tant pour ce qui regarde les
Curés-Vicaires perpetuels des Villes , que pour
ceux de la Campagne , et qu'elle soit pareillement
executée à l'égard de tous Ordres , Congrégations,
Corps et Communautés Séculieres et Regulieres ,
même à l'égard de l'Ordre de Malthe , de celui
de Fontevrault et tous autres , et pour toutes les
Abbayes , Prieurés et autres Bénéfices qui en dépendent
, sans néanmoins que les Chapitres des
Eglises Cathédrales ou Collegiales soient censés
compris dans la présente disposition , en ce qui
concerne les prééminences , honneurs et distinc--
tions dont ils sont en possession , même celle de
prêcher , avec la permission de l'Evêque , certains .
jours de l'année , desquelles prérogatives ils pourront
continuer de jouir , ainsi qu'ils ont bien et
duement fait par le paffé.
X V. Voulons au furplus que les Déclarations
des 29 Janvier 1686 et celle du 30 Juin 1690 et
P'Article premier de la Déclaration du 30 Juillet
1710 soient executées selon leur forme et teneur
, en ce qui n'est point contraire à notre présente
Déclaration. Si donnons en Mandement à
nos amés et feaux Conseillers les Gens tenans
notre Cour de Parlement , à Paris , que ces présentes
ils fassent lire , publier et enregistrer , et le
contenu en icelles garder et observer selon leur
forme et teneur , nonobstant tous Edits , Décla
rations , Arrêts et autres choses à ce contraires ,
ausquels nous avons dérogé et dérogeons par ces
presentes Car tel est notre plaisir , en témoin
de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites
presentes. Donné à Marli le quinziéme jour
de Janvier , l'an de grace mi sept cent trente et
un , et de nôtre Regne le seizième . Signé LOUIS,
et plus bas , par le Roi , PHELY PEAUX , et
scellé
FEVRIER. 1731. 415
7
scellé du grand sceau de cire jaune. Registrée ,
ouy , et ce requerant le Procureur General du
Roi pour être executée selon sa forme et teneur,
et copies collationnées envoyées aux Bailliages
et Sénechaussées du Ressort , pour y être
lues , publiées et enregistrées : Enjoint aux Subtituts
du Procureur Genéral du Roi d'y tenir
la main et d'en certifier la Cour dans un
mois , suivant l Arrét de ce jour. A Paris en
Parlement le seize Fevrier mil sept cent trente
et un. Signé Y SA BEAU,
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Résumé : ARREST DU PARLEMENT.
Le document traite de deux sujets principaux : la répression des 'Nouvelles Ecclesiastiques' et la régulation des différends entre curés primitifs et curés-vicaires perpétuels. Premièrement, le Parlement a pris des mesures contre la publication clandestine des 'Nouvelles Ecclesiastiques'. Maître Pierre Gilbert de Voisins, avocat du roi, a dénoncé la distribution de ce journal imprimé sans autorisation, violant ainsi les ordonnances en vigueur. Il a souligné que ce journal, sous couvert de religion, contenait des faits ramassés au hasard, des imputations calomnieuses et des traits satiriques contraires au respect des puissances séculières et ecclésiastiques. La Cour a ordonné la destruction de cinq feuilles imprimées des 'Nouvelles Ecclesiastiques' et a interdit toute composition, impression et distribution de telles publications. Les officiers de police ont été enjoints de redoubler leur vigilance pour réprimer ces abus. L'arrêt a été exécuté le 9 février 1731, et les feuilles ont été lacérées et brûlées au Palais. Deuxièmement, le roi Louis XV a émis une déclaration pour régler les différends entre les curés primitifs et les curés-vicaires perpétuels. Cette déclaration vise à clarifier les droits et fonctions de chacun, en se basant sur des titres canoniques, des actes valablement autorisés, ou des arrêts contradictoires. Elle interdit aux communautés de remplir les fonctions des curés primitifs en leur absence et fixe les droits utiles des curés primitifs aux oblations et offrandes. La déclaration précise également que les curés primitifs ne peuvent présider ou assister aux conférences des curés-vicaires perpétuels ou aux assemblées concernant la fabrique de l'église paroissiale. Ils ne peuvent pas non plus garder les archives ou les titres de la cure. Les abbayes ou prieurés ayant droit de curés primitifs ne peuvent être déchargés du paiement des portions congrues des curés-vicaires perpétuels, sauf s'ils abandonnent tous les biens et revenus des paroisses. Les contestations entre curés primitifs, curés-vicaires perpétuels et gros décimateurs seront portées devant les baillifs et sénéchaux, dont les jugements seront exécutés par provision, nonobstant l'appel. La déclaration s'applique aux curés-vicaires perpétuels des villes et de la campagne, ainsi qu'à tous les ordres et communautés, sauf les chapitres des églises cathédrales ou collégiales concernant leurs prééminences et honneurs. Les déclarations des 29 janvier 1686, 30 juin 1690 et 30 juillet 1710 doivent être exécutées dans la mesure où elles ne contredisent pas la présente déclaration. La déclaration a été enregistrée et publiée par le Parlement de Paris en février 1731.
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31
p. 533-535
Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA DÉCOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les mœurs et [...]
Mots clefs :
Empire de Cantahar, Mœurs , Coutumes, Commerce, Religion, Éducation, Voyageurs, Châtiment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
LA DECOUVERTE de l'Empire de
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
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Résumé : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'LA DECOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les moeurs et Coûtumes des Habitans', publié à Paris en 1730. L'auteur décrit les divertissements des jeunes gens de cet empire, tels que la chasse, la lutte, la course et la danse, dans lesquels ils excellent grâce à l'utilisation des deux mains. Les habitants de Cantahar vénèrent le Soleil, nommé Monski, et croient que les âmes des pécheurs sont chassées de sa présence, ce qui se manifeste par la chute d'une étoile. Le texte aborde également le commerce dans cet empire, où les contre-lettres sont interdites et où les responsables de banqueroutes sont tenus responsables. Pour protéger les voyageurs, les aubergistes doivent signer les mémoires de dépenses et sont sévèrement punis en cas de surévaluation. Les carrosses circulent à une vitesse modérée, et les conducteurs sont personnellement responsables des accidents causés par leur équipage. Le livre est critiqué pour son manque de structure et de table des matières, ce qui réduirait son utilité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 556-560
Sermons de l'Abbé Anselme, [titre d'après la table]
Début :
SERMONS DE L'AVENT, du Carême, et sur differens sujets, par [...]
Mots clefs :
Sermons de l'Avent, Religion, Prédicateur, Carême, Panégyriques , Éloquence, Édition
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Sermons de l'Abbé Anselme, [titre d'après la table]
SERMONS DE L'AVENT , du Carême
, et sur differens sujets , par Messire
Antoine Anselme , Abbé de S. Sever , Cap
de Gascogne , Prédicateur Ordinaire du
Roi , de l'Académie Royale des Inscrip
tions et Belles- Lettres. Chez Julien Michel
Gandouin , Quai de Conti , aux trois
Vertus , et Pierre François Giffart , rue Saint
Facques , à l'Image Sainte Therefe 1731. 6.
Vol. in 12. ou 4. Vol. in 8.
L'Abbé Anselme a prêché avec tant de
succès et d'applaudissement à la Cour et
dans les principales Eglises de Paris , et
tant de personnes se souviennent de la
satisfaction qu'ils ont euë de l'entendre
qu'il est inutile de prévenir le Public en
faveur de l'Edition de ses Sermons ; on
dira seulement que ses Panegyriques et
ses Eloges funebres ayant été imprimés
dès l'année 1718. on a reconnu que l'éloquence
de ce pieux et sçavant Abbé n'avoit
pas besoin pour plaire , ni même pour
émouvoir
MARS. 1731 357
émouvoir puissamment , d'être soutenue
par les charmes de la Déclamation . C'est
qu'il joint par tout la solidité du raisonnement
à l'exposition nette des plus
grands principes de la Religion , et aux
mouvemens les plus capables de toucher
d'attendrir et de changer le coeur ; on réussira
toujours quand on réunira ces deux
choses. La beauté de l'impression répond
au mérite des Sermons.
+
LE THEATRE DES PASSIONS ET
DE LA FORTUNE , ou les Avantures
surprenantes de Rosamidor et de Theoglaphire.
Histoire Australe. Par M. de
Castera. A Paris , Quay des Augustins ,
au Palais, et ruë S. Jacques, chez Saugrain,
Brunet , et Henry 1731 .
MEMOIRES SUR LA GUERRE ,
où l'on a rassemblé les maximes les plus
necessaires dans les opérations de l'Art
Militaire. Par M. le Marquis de Fenquis
res , Lieutenant General des Armées du
Roi. Servant de Tome IV. au Code Mi
litaire de M. de Briquet. A Amsterdam ,
et se vend à Paris , Quay des Augustins
chez P. Gandoüin 1731 .
TRAITE DES PRESCRIPTIONS
de l'aliénation des Biens d'Eglise et des
G Dixmes ,
8 MERCURE DE FRANCE
Dixmes , suivant les Droits Civil et Canon
, la Jurisprudence du Royaume et
les Usages du Comté de Bourgogne . Par
M. F. J. Dunod , Ancien Avocat en Parlement
, et Professeur Royal en l'Université
de Besançon . A Dijon , chez Antoine
de Fay , 1730. in 4. pages 52. pour
la Prescription de l'aliénation des Biens
d'Eglise , pages 52. pour le Traité des
Dixmes et de la maniere dont elles se
prescrivent , pages 408. pour le Traité. -
NOUVELLES CONFERENCES ECCLESIASTIQUES
du Diocèse de Luçon
, redigées par M. d'Ortigues , Curé
de ce Diocèse. A Paris , Quai des Augustins
, chez Jacques Guerin 1731. in 12.
Tome premier.
و
DECISIONS Sur chaque Article de la
Coûtume de Normandie et Observations
sur les usages locaux de la même
Coûtume , et sur les Articles placités ou
arrêtés du Parlement de Rouen , avec une
explication des termes difficiles et inusités
qui se trouvent dans le Texte de cette
Coûtume , et aussi les anciens Reglemens
de l'Echiquier de Normandie. Par Me
Pierre de Merville Ancien Avocat au
Parlement. Chez Gabriel Valeyre , ruë de
La Vieille Bouclerie. 1731. in fol.
>
CouMARS.
1731. 559
COUTUMES du Comté et Bailliage
de Montfort-Lamaury , Gambais, Neau-
Hle -le -Chastel , Saint Liger en Yveline
Enclaves et anciens Ressorts d'iceux , avec
le
Commentaire de deffunt M. Claude
Thourette , Avocat au Parlement , et au
Bailliage et Siége Royal de Montfort ,
revû , corrigé et augmenté de nouveau
par M. Claude Thourette , Avocat du Roi
au même Siege &c. Chez Jacques Clousier,
ruë S. Jacques , 1731. in 8 .
DISCOURS à l'occasion d'un Discours
de M. D. L. M. sur les Parodies. A Paris
, rue S. Jacques , chez Briasson , 1731 .
brochure in 12. de 10. pages .
L'ELOGE de la méchante femme , dédié
à Mile Honesta. Au coin de la rue Gitle-
coeur , chez Antoine de Henqueville 1731 .
brochure de so. pages.
,
Bien loin de plaindre la destinée de ceux
qui ont de méchantes femmes , croyons-les
au contraire , trop heureux et demandons
sans cesse au Ciel qu'il nous associe à leur
bonheur. Voilà comment l'Auteur finit cet
Eloge , si on peut l'appeller de ce nom ,
en tout cas on ne l'accusera pas de flater
à l'excès , ni trop obligemment , et peu
de Lecteurs , sans doute , s'uniront avec
lui dans les voeux qu'il fait , non plus
G ij
que
60 MERCURE
DE FRANCE
-
que les femmes , sur tout quand il dit
qu'elles sont ce qu'il y a de plus aimable,
parmi les choses qui ne se sont pas bonnes.
Barthelmi Alix , Libraire , ruë S. Jaçques
, au Griffon , vend seul l'Ecole de
Mars , pour apprendre facilement la Fortification
, suivant le sistême de M. de
Vauban. Par le sieur de la Suze , Gendarme
de la Garde du Roi , gravée en deux
Planches , avec l'explication du jeu .
LES PARODIES DU NOUVEAU
THEATRE ITALIEN , Ou Recueil des
Parodies representées sur le Théatre de
l'Hôtel de Bourgogne , par les Comédiens
Italiens ordinaires du Roi , avec les Airs
gravés. A Paris , ruë S. Jacques , chez
Briasson , 1731 .
, et sur differens sujets , par Messire
Antoine Anselme , Abbé de S. Sever , Cap
de Gascogne , Prédicateur Ordinaire du
Roi , de l'Académie Royale des Inscrip
tions et Belles- Lettres. Chez Julien Michel
Gandouin , Quai de Conti , aux trois
Vertus , et Pierre François Giffart , rue Saint
Facques , à l'Image Sainte Therefe 1731. 6.
Vol. in 12. ou 4. Vol. in 8.
L'Abbé Anselme a prêché avec tant de
succès et d'applaudissement à la Cour et
dans les principales Eglises de Paris , et
tant de personnes se souviennent de la
satisfaction qu'ils ont euë de l'entendre
qu'il est inutile de prévenir le Public en
faveur de l'Edition de ses Sermons ; on
dira seulement que ses Panegyriques et
ses Eloges funebres ayant été imprimés
dès l'année 1718. on a reconnu que l'éloquence
de ce pieux et sçavant Abbé n'avoit
pas besoin pour plaire , ni même pour
émouvoir
MARS. 1731 357
émouvoir puissamment , d'être soutenue
par les charmes de la Déclamation . C'est
qu'il joint par tout la solidité du raisonnement
à l'exposition nette des plus
grands principes de la Religion , et aux
mouvemens les plus capables de toucher
d'attendrir et de changer le coeur ; on réussira
toujours quand on réunira ces deux
choses. La beauté de l'impression répond
au mérite des Sermons.
+
LE THEATRE DES PASSIONS ET
DE LA FORTUNE , ou les Avantures
surprenantes de Rosamidor et de Theoglaphire.
Histoire Australe. Par M. de
Castera. A Paris , Quay des Augustins ,
au Palais, et ruë S. Jacques, chez Saugrain,
Brunet , et Henry 1731 .
MEMOIRES SUR LA GUERRE ,
où l'on a rassemblé les maximes les plus
necessaires dans les opérations de l'Art
Militaire. Par M. le Marquis de Fenquis
res , Lieutenant General des Armées du
Roi. Servant de Tome IV. au Code Mi
litaire de M. de Briquet. A Amsterdam ,
et se vend à Paris , Quay des Augustins
chez P. Gandoüin 1731 .
TRAITE DES PRESCRIPTIONS
de l'aliénation des Biens d'Eglise et des
G Dixmes ,
8 MERCURE DE FRANCE
Dixmes , suivant les Droits Civil et Canon
, la Jurisprudence du Royaume et
les Usages du Comté de Bourgogne . Par
M. F. J. Dunod , Ancien Avocat en Parlement
, et Professeur Royal en l'Université
de Besançon . A Dijon , chez Antoine
de Fay , 1730. in 4. pages 52. pour
la Prescription de l'aliénation des Biens
d'Eglise , pages 52. pour le Traité des
Dixmes et de la maniere dont elles se
prescrivent , pages 408. pour le Traité. -
NOUVELLES CONFERENCES ECCLESIASTIQUES
du Diocèse de Luçon
, redigées par M. d'Ortigues , Curé
de ce Diocèse. A Paris , Quai des Augustins
, chez Jacques Guerin 1731. in 12.
Tome premier.
و
DECISIONS Sur chaque Article de la
Coûtume de Normandie et Observations
sur les usages locaux de la même
Coûtume , et sur les Articles placités ou
arrêtés du Parlement de Rouen , avec une
explication des termes difficiles et inusités
qui se trouvent dans le Texte de cette
Coûtume , et aussi les anciens Reglemens
de l'Echiquier de Normandie. Par Me
Pierre de Merville Ancien Avocat au
Parlement. Chez Gabriel Valeyre , ruë de
La Vieille Bouclerie. 1731. in fol.
>
CouMARS.
1731. 559
COUTUMES du Comté et Bailliage
de Montfort-Lamaury , Gambais, Neau-
Hle -le -Chastel , Saint Liger en Yveline
Enclaves et anciens Ressorts d'iceux , avec
le
Commentaire de deffunt M. Claude
Thourette , Avocat au Parlement , et au
Bailliage et Siége Royal de Montfort ,
revû , corrigé et augmenté de nouveau
par M. Claude Thourette , Avocat du Roi
au même Siege &c. Chez Jacques Clousier,
ruë S. Jacques , 1731. in 8 .
DISCOURS à l'occasion d'un Discours
de M. D. L. M. sur les Parodies. A Paris
, rue S. Jacques , chez Briasson , 1731 .
brochure in 12. de 10. pages .
L'ELOGE de la méchante femme , dédié
à Mile Honesta. Au coin de la rue Gitle-
coeur , chez Antoine de Henqueville 1731 .
brochure de so. pages.
,
Bien loin de plaindre la destinée de ceux
qui ont de méchantes femmes , croyons-les
au contraire , trop heureux et demandons
sans cesse au Ciel qu'il nous associe à leur
bonheur. Voilà comment l'Auteur finit cet
Eloge , si on peut l'appeller de ce nom ,
en tout cas on ne l'accusera pas de flater
à l'excès , ni trop obligemment , et peu
de Lecteurs , sans doute , s'uniront avec
lui dans les voeux qu'il fait , non plus
G ij
que
60 MERCURE
DE FRANCE
-
que les femmes , sur tout quand il dit
qu'elles sont ce qu'il y a de plus aimable,
parmi les choses qui ne se sont pas bonnes.
Barthelmi Alix , Libraire , ruë S. Jaçques
, au Griffon , vend seul l'Ecole de
Mars , pour apprendre facilement la Fortification
, suivant le sistême de M. de
Vauban. Par le sieur de la Suze , Gendarme
de la Garde du Roi , gravée en deux
Planches , avec l'explication du jeu .
LES PARODIES DU NOUVEAU
THEATRE ITALIEN , Ou Recueil des
Parodies representées sur le Théatre de
l'Hôtel de Bourgogne , par les Comédiens
Italiens ordinaires du Roi , avec les Airs
gravés. A Paris , ruë S. Jacques , chez
Briasson , 1731 .
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Résumé : Sermons de l'Abbé Anselme, [titre d'après la table]
En 1731, plusieurs ouvrages et publications marquants ont été publiés. Antoine Anselme, Abbé de Saint-Sever, s'est distingué par ses sermons prêchés à la Cour et dans les principales églises de Paris. Ses sermons, publiés la même année, sont appréciés pour leur éloquence et leur capacité à émouvoir sans recours à la déclamation. Ils se caractérisent par une solidité de raisonnement et une exposition claire des principes religieux. Parmi les autres publications notables, on trouve 'Le Théâtre des Passions et de la Fortune' de M. de Castera, une histoire australe, et 'Mémoires sur la Guerre' du Marquis de Fenquis, qui compile des maximes militaires. M. Dunod a publié le 'Traité des Prescriptions', traitant des droits civil et canonique relatifs aux biens d'Église et aux dîmes. Les 'Nouvelles Conférences Ecclésiastiques' du Diocèse de Luçon, rédigées par M. d'Ortigues, sont également mentionnées. Le domaine juridique est représenté par les 'Décisions sur chaque Article de la Coutume de Normandie' de Me Pierre de Merville et les 'Coutumes du Comté et Bailliage de Montfort-Lamaury'. Enfin, plusieurs brochures et recueils littéraires, tels que 'L'Éloge de la méchante femme' et 'Les Parodies du Nouveau Théâtre Italien', complètent cette liste.
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33
p. 1618-1621
Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
Début :
La Maison de Sorbonne a député plusieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Aiguillon [...]
Mots clefs :
Maison de Sorbonne, Docteurs, Duchesse, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
La Maison de Sorbonne a député plus
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
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Résumé : Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
En juin 1731, la Maison de Sorbonne a envoyé une délégation de six docteurs pour féliciter le Duc d'Aiguillon sur sa nouvelle dignité de Duc et Pair de France, confirmée par un arrêt du Parlement le 28 mai. Le 27 juin, la délégation, dirigée par M. Lullier, a rencontré la Duchesse d'Aiguillon, le Duc étant absent. M. Lullier a prononcé un discours reconnaissant les bienfaits du Cardinal de Richelieu et exprimant la joie de voir la dignité transmise à son héritier. Le discours soulignait les services rendus par Richelieu à l'Église et au Royaume, ainsi que la justice de la récompense accordée par le souverain. Il souhaitait également une longue vie et une santé prospère au Duc et à la Duchesse, ainsi que la perpétuation des noms illustres de Richelieu et d'Aiguillon à travers leurs descendants. La Duchesse a répondu avec politesse, exprimant son estime pour la Maison de Sorbonne, et a fait visiter ses appartements aux docteurs avant de les raccompagner.
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34
p. 1954-1956
Maximes propres à regler le Silence et le Discours, &c. [titre d'après la table]
Début :
MAXIMES propres à regler le Silence et les discours de toutes sortes de personnes [...]
Mots clefs :
Religion, Silence, Savants, Ignorants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Maximes propres à regler le Silence et le Discours, &c. [titre d'après la table]
MAXIMES propres à regler le Silence et
les discours de toutes sortes de personnes
en matiere de Religion. Par M. l'Abbé
Monet A Grenoble , chez Ribou 1728. in
80. pag. 240.
De quelque condition et de quelque
sexe que soient ceux qui liront ces Instructions
, chacun y pourra choisir la
part concernant son état dans les Articles,
où il y a des Maximes generales et
particulieres qui peuvent convenir à di
verses classes de personnes, dont les carac
teres differens sont tracés au naturel dans
18. Paragraffes. On y trouve aussi les
moyens propres à corriger les défauts des.
entretiens des jeunes gens et des personnes
avancées en âge , des Grands , et du
Peuple ; des Sçavans et des Ignorans.
L'Auteur n'en a point fait l'application
d'une maniere ouverte , ni specifique ,
attendu qu'il ne pouvoit se servir de cette
liberté sans contrevenir en quelque sorte
aux Régles de silence qu'il propose aux
autres dans cet Ecrit.
11
A O UST. 1731. 1955
Il y fait remarquer qu'il est fondé sur
cette maxime de l'Ecclesiaste , reconnoissant
qu'il y a le temps de parler, comme
il a celui de se taire sur les matieres
de Religion , de même que sur tout
autre sujet : mais il paroît étonné de ce
qu'on n'enseigne point l'art de se taire
pendant qu'on s'applique si fortement à
Etude des Langues , et qu'on remplit
les Bibliotheques d'Art de penser , de
Preceptes de bien dire , d'Instructions
pour la Chaire , pour le Barreau , pour
Ï'Art Militaire &c.
S'il s'agit de garder un secret , on ne
peut trop se taire ; le silence est alors
une chose dans laquelle il n'y a point
d'excès à craindre.
La reserve qui est necessaire pour bien
garder le silence dans la conduite de la
vie , n'est pas une moindre vertu que
l'habileté et l'application à bien parler,
et il n'y a pas plus de merite à expliquer
ce que l'on sçait , qu'à bien taire ce que
l'on ignore.
Le silence tient quelquefois lieu de sa
gesse à un sot, et de capacité à un ignorant .
L'Auteur expose ensuite , sans detour
les differentes especes de silence qu'on
remarque : silence prudent , artificieux
complaisant , spirituel , stupide , d'aprobation
1956 MERCURE DE FRANCE
bation , de mépris , moqueur , ironique
&c.
TRAITE' de la Morale des PP. de l'Egli
se , où , en défendant un Article de la
Preface sur Puffendorf, contre l'Apologie
de la Morale des PP. du P. Ceillier ,
Religieux Benedictin , de la Congregation
de S. Vanne et de S. Hydulphe :
on fait diverses Reflexions sur plusieurs
matieres importantes. Par Jean Barbeyrac ;
Professeur en Droit dans l'Université de
Groningue , et Membre de la Societé
Royale des Sciences à Berlin . A Amsterdam,
chez P. de Coup , et Herman Vitwerf.
in 4° . pp. 334. pour le corps de l'Ouvrage
, 42. pour la Preface , et 20. pour
Table des Matieres , 1728.
les discours de toutes sortes de personnes
en matiere de Religion. Par M. l'Abbé
Monet A Grenoble , chez Ribou 1728. in
80. pag. 240.
De quelque condition et de quelque
sexe que soient ceux qui liront ces Instructions
, chacun y pourra choisir la
part concernant son état dans les Articles,
où il y a des Maximes generales et
particulieres qui peuvent convenir à di
verses classes de personnes, dont les carac
teres differens sont tracés au naturel dans
18. Paragraffes. On y trouve aussi les
moyens propres à corriger les défauts des.
entretiens des jeunes gens et des personnes
avancées en âge , des Grands , et du
Peuple ; des Sçavans et des Ignorans.
L'Auteur n'en a point fait l'application
d'une maniere ouverte , ni specifique ,
attendu qu'il ne pouvoit se servir de cette
liberté sans contrevenir en quelque sorte
aux Régles de silence qu'il propose aux
autres dans cet Ecrit.
11
A O UST. 1731. 1955
Il y fait remarquer qu'il est fondé sur
cette maxime de l'Ecclesiaste , reconnoissant
qu'il y a le temps de parler, comme
il a celui de se taire sur les matieres
de Religion , de même que sur tout
autre sujet : mais il paroît étonné de ce
qu'on n'enseigne point l'art de se taire
pendant qu'on s'applique si fortement à
Etude des Langues , et qu'on remplit
les Bibliotheques d'Art de penser , de
Preceptes de bien dire , d'Instructions
pour la Chaire , pour le Barreau , pour
Ï'Art Militaire &c.
S'il s'agit de garder un secret , on ne
peut trop se taire ; le silence est alors
une chose dans laquelle il n'y a point
d'excès à craindre.
La reserve qui est necessaire pour bien
garder le silence dans la conduite de la
vie , n'est pas une moindre vertu que
l'habileté et l'application à bien parler,
et il n'y a pas plus de merite à expliquer
ce que l'on sçait , qu'à bien taire ce que
l'on ignore.
Le silence tient quelquefois lieu de sa
gesse à un sot, et de capacité à un ignorant .
L'Auteur expose ensuite , sans detour
les differentes especes de silence qu'on
remarque : silence prudent , artificieux
complaisant , spirituel , stupide , d'aprobation
1956 MERCURE DE FRANCE
bation , de mépris , moqueur , ironique
&c.
TRAITE' de la Morale des PP. de l'Egli
se , où , en défendant un Article de la
Preface sur Puffendorf, contre l'Apologie
de la Morale des PP. du P. Ceillier ,
Religieux Benedictin , de la Congregation
de S. Vanne et de S. Hydulphe :
on fait diverses Reflexions sur plusieurs
matieres importantes. Par Jean Barbeyrac ;
Professeur en Droit dans l'Université de
Groningue , et Membre de la Societé
Royale des Sciences à Berlin . A Amsterdam,
chez P. de Coup , et Herman Vitwerf.
in 4° . pp. 334. pour le corps de l'Ouvrage
, 42. pour la Preface , et 20. pour
Table des Matieres , 1728.
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Résumé : Maximes propres à regler le Silence et le Discours, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente 'Maximes propres à régler le Silence et les discours de toutes sortes de personnes en matière de Religion', un ouvrage de l'Abbé Monet publié à Grenoble en 1728. Destiné à divers lecteurs, ce livre propose des maximes générales et particulières adaptées à différentes classes de personnes, telles que les jeunes, les personnes âgées, les grands, le peuple, les savants et les ignorants. L'auteur s'appuie sur une maxime de l'Ecclésiaste pour souligner l'importance de savoir quand parler et quand se taire en matière de religion. Il observe que l'art de se taire est peu enseigné, malgré l'importance accordée à l'art de bien parler. Le silence est présenté comme une vertu essentielle pour garder un secret et bien conduire sa vie. L'auteur décrit diverses espèces de silence, telles que le silence prudent, complaisant, spirituel, stupide, d'approbation, de mépris, moqueur, ironique, etc. Le texte mentionne également le 'Traité de la Morale des PP. de l'Église' de Jean Barbeyrac, publié à Amsterdam en 1728, qui contient diverses réflexions sur des matières importantes.
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35
p. 1979-1980
Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Début :
Le Cours des Sciences, in folio, par le Pere Buffier, dont le Projet fut publié il y a un an, [...]
Mots clefs :
Sciences, Édition, Électeurs, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Le Cours des Sciences , in folio , par le Pere
Buffier , dont le Projet fut publié il y a un an ,
est achevé d'imprimer , l'Edition est des plus
belles. Elle est de plus de deux cens feuilles , Caractère
de S. Augustin , parmi lesquelles il sa
trouve la valeur de trente à quarante feuilles,Caracteres,
partie de Cicero , partie de petit Romain,
aussi beaux et aussi neufs que le S. Augustin,
L'Auteur a fait employer ces Caracteres differens
pour certains endroits moins necessaires à la suite
des choses ou qui demandent plus d'attention que
le commun des Lecteurs en France , n'est dispos
૩૬
1980 MERCURE DE FRANCE
en donner. On a employé en particulier le petit
Romain , afin de ne point doubler les lignes aux
endroits où il y a des Vers ; ce qui d'ordinaire
produit à la vue de l'embarras et un mauvais effet.
L'Ouvrage par - là contient plus de matiere que
l'Auteur n'avoit promis. Au reste ce qui fait la
derniere quatriéme Partie de l'in folio n'avoit
point encore paru , sçavoir , 1 ° . l'Exposition des
preuves les plus sensibles de la veritable Religion.
2 ° . Eclaircissemens de plusieurs difficul
tez proposez à l'Auteur , sur la plupart des
Traitez qu'il avoit d'abord imprimez in 12.
3°. Un Discours sur l'étude et sur la Méode des
Sciences . 4. Sept ou huit Dissertations , qui font
chacune autant de petits Traitez sur des choses
dont on parle ou dont on a fort parlé dans le
monde , comme , 1º, de la nature du goût. 2 ° Si
nous sommes bien en état de décider sur les
beautez ou sur les deffauts d'Homere et des ani
ciens Poëtes . 3 °. L'Apologie du fameux Vers de
Lucain. Victrix causa diis placuit , sed vicia
Catoni. 4° . Si les regles et les beautez de la
Musique tont arbitraires ou réelles ; cette quatriéine
Dissertation renferme une Métode ensiere
d'apprendre soi-même la musique et de
l'enseigner à ceux qui n'en auroient Jamais
eu nulle idée. Quand nous serons plus instruits ,
nous en marquerons plus de particularitez ; cependant
l'infolio se distribuera le mois de Septembre
à ceux qui en avoient retenu des Exemplaires
, chez le sieur de la Mesle , Imprimeur de
Ï'Ouvrage , rue de la vieille Bouclerie ; et se vendra
chez les sieurs Cavelier et Giffart , Libraires
, rue S. Jacques.
Buffier , dont le Projet fut publié il y a un an ,
est achevé d'imprimer , l'Edition est des plus
belles. Elle est de plus de deux cens feuilles , Caractère
de S. Augustin , parmi lesquelles il sa
trouve la valeur de trente à quarante feuilles,Caracteres,
partie de Cicero , partie de petit Romain,
aussi beaux et aussi neufs que le S. Augustin,
L'Auteur a fait employer ces Caracteres differens
pour certains endroits moins necessaires à la suite
des choses ou qui demandent plus d'attention que
le commun des Lecteurs en France , n'est dispos
૩૬
1980 MERCURE DE FRANCE
en donner. On a employé en particulier le petit
Romain , afin de ne point doubler les lignes aux
endroits où il y a des Vers ; ce qui d'ordinaire
produit à la vue de l'embarras et un mauvais effet.
L'Ouvrage par - là contient plus de matiere que
l'Auteur n'avoit promis. Au reste ce qui fait la
derniere quatriéme Partie de l'in folio n'avoit
point encore paru , sçavoir , 1 ° . l'Exposition des
preuves les plus sensibles de la veritable Religion.
2 ° . Eclaircissemens de plusieurs difficul
tez proposez à l'Auteur , sur la plupart des
Traitez qu'il avoit d'abord imprimez in 12.
3°. Un Discours sur l'étude et sur la Méode des
Sciences . 4. Sept ou huit Dissertations , qui font
chacune autant de petits Traitez sur des choses
dont on parle ou dont on a fort parlé dans le
monde , comme , 1º, de la nature du goût. 2 ° Si
nous sommes bien en état de décider sur les
beautez ou sur les deffauts d'Homere et des ani
ciens Poëtes . 3 °. L'Apologie du fameux Vers de
Lucain. Victrix causa diis placuit , sed vicia
Catoni. 4° . Si les regles et les beautez de la
Musique tont arbitraires ou réelles ; cette quatriéine
Dissertation renferme une Métode ensiere
d'apprendre soi-même la musique et de
l'enseigner à ceux qui n'en auroient Jamais
eu nulle idée. Quand nous serons plus instruits ,
nous en marquerons plus de particularitez ; cependant
l'infolio se distribuera le mois de Septembre
à ceux qui en avoient retenu des Exemplaires
, chez le sieur de la Mesle , Imprimeur de
Ï'Ouvrage , rue de la vieille Bouclerie ; et se vendra
chez les sieurs Cavelier et Giffart , Libraires
, rue S. Jacques.
Fermer
Résumé : Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Le texte annonce l'achèvement de l'impression du 'Cours des Sciences' en folio, rédigé par le Père Buffier. Cette édition, de haute qualité, comprend plus de deux cents feuilles et utilise divers caractères typographiques comme le Saint-Augustin, le Cicéron et le petit Romain. Ces caractères sont employés pour des sections moins essentielles ou nécessitant une attention particulière. L'ouvrage contient plus de matière que prévu initialement. La dernière partie, non encore publiée, inclut plusieurs sections : une exposition des preuves de la véritable religion, des éclaircissements sur des difficultés soulevées dans les traités précédents, un discours sur l'étude et la méthode des sciences, ainsi que sept ou huit dissertations sur divers sujets. Parmi ces dissertations figurent des discussions sur la nature du goût, l'évaluation des œuvres d'Homère, une apologie d'un vers de Lucain, et une discussion sur les règles de la musique. L'ouvrage sera distribué en septembre chez l'imprimeur de la Mesle et vendu par les libraires Cavelier et Giffart.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 2834-2842
Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
Début :
ISMAELIS ABULFEDE Principis Hamah, Geographia Universalis, &c. C'est le titre abregé [...]
Mots clefs :
Syrie, Géographie, Califes, Texte arabe, Traduction latine, Traducteur, Religion, Hamah
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
ISMAELIS ABULFEDE Principis Hamah ,
Geographia Universalis , &c. C'est le titre
abregé d'un Ouvrage important , qui
'imprime actuellement à Londres et
I.Vol.
dont
,
(
DECEMBRE. 1731. 2835-
dont on vient de réimprimer le Prospectus.
Abulfeda étoit non - seulement Prince
dans une Partie de la Syrie , mais c'étoit
un Prince sçavant. Il avoit tourné particulierement
ses Etudes du côté de l'Histoire
et de la Géographie , inclination
qui a donné le jour au grand Ouvrage
dont il s'agit ici , et qui est dans une estime
singuliere dans tout l'Orient. Il l'acheva
vers l'an 1 321. de J. C. et on croit
qu'il a vécû jusqu'en 1345. sur quoi nous
remarquerons en passant l'erreur de quelques
Sçavans Européens qui ont placé ce
personnage dans le IV . siécle , erreur dont
Moreri et ses premiers Editeurs ne se
sont pas apperçus , et qui saute aux yeux,
puisque , de leur aveu , Abulfeda étoit
Mahometan , et que le Mahometisme
étoit inconnu ayant le VII. siecle . Remarquons
aussi en passant qu'il est échappé
quelque chose à l'exactitude de M. Bayle,
sur le Chapitre de notre Géographe
quoiqu'il releve plusieurs bévûes dePostel,
de Pocok et d'Erpenius, sur le même sujet.
Jean Grave , Professeur d'Astronomię
en l'Université d'Oxford , et qui avoit
appris l'Arabe dans l'Orient même , avoit
traduit en Latin toute la Geographie d'Abulfeda
, comme il le dit lui-même dans
I. Vol. la
2836 MERCURE DE FRANCE
la Préface d'une petite Partie de cet Ouvrage
, qu'il publia à Londres en 1650.
par maniere d'Essay. Le reste, à ce qu'on
dit dans le Prospectus , périt malheureusement
dans les desordres des Guerres
Civiles , tems auquel la Maison du sçavant
Anglois fut entierement pillée .
Pour réparer cette perte , M. Jean Gagnier
, François , Professeur des Laugues
Orientales à Oxford , s'est donné des soins
dont peu de Sçavans sont capables , et dont
la République des Lettres va bien - tôt recueillir
les fruits. 1 °.Ila lû avec la plus scrupuleuse
attention , tous les Manuscrits de
1'Auteur Arabe, qui sont conservez dans la
fameuse Bibliotheque de Bodley , les mêmes
dont Grave s'étoit servi dans son
travail . 2 ° . Il a mis à profit tout ce que
d'autres Sçavans avoient fait sur le même
Auteur avant et après Graves sçavoir ,
Erpenius , Golius , le Clerc , Wilde , &c .
entre lesquels on distingue particulierement
Guill. de Guise , homme aussi r´-
commandable par l'éclat de sa naissance
que par la superiorité de son érudition .
3º. Enfin après avoir encore exactement
collationné les differens Exemplaires
manuscrits , il a écrit de nouveau tout
le Texte Arabe , qu'il a traduit en Latin ,
il a orné tout l'Ouvrage de Cartes Geographiques
,
1. Vol.
་
DECEMBRE 1731 2837
graphiques , et l'a éclaircie par des Notes
critiques de sa façon.C'est le même M.Gagner
, qui en 1723. fit imprimer à Oxford
la Vie de Mahomet par Abulfeda ,
avec sa Traduction Latine à côté duTexte
Arabe , et qui nous promet de la même
maniere et du même Auteur , la Vie des
premiers Califes , successeurs de Mahomet.
Il paroît par le Programme que Guill.
Guise auroit donné lui-même l'Edition
d'Abulfeda de son propre fonds , si la
mort ne l'eût prévenu . Il paroît aussi que
tout ce qu'il avoit travaillé et préparé
sur ce sujet a été mis en dépôt par son
illustre Epouse , dans les Archives du
College des Ames à Oxford ' , comme un
Monument de son érudition et d'un tra
vail infatigable
Le Programme finit par un bel Eloge
de G. Guise,adressé à M. Narcisse Marsh,
Evêque de Ferne en Irlande. Episcops
Fernensi , par E. Bernard. Il mérite d'être
lû , parce qu'on y trouve un détail
curieux de toute l'Erudition Orientale
de cet habile Anglois.
Le sçavant Editeur nous permettra , s'il
lui plait,deux ou trois Remarques au sujet
de l'Auteur Arabe et de Jean Graves
son premier Traducteur , qui naissent de
1. Vol.
Gla
2838 MERCURE DE FRANC
la lecture du Prospectus , dont nous ve¬
nons de rendre compte au Public.
Il semble d'abord par son exposé qu'il
ne soit absolument rien resté du travail
de J. Grave , sur Abulfeda , que les deux
Tables Géographiques , l'une du Persan
Nassir Eddin , l'autre d'Ulugbeg , Prince
Tartare , petit- fils de Tamerlan , publiées
en 1650. Or , nous sçavons qu'à peu près
dans le même- temps Grave avoit aussi
fait imprimer en Angleterre une Version
Latine avec l'Arabe à côté de la Descrip
tion que fait Abulfeda dans son Ouvrage
de deux vastes Pays , nommez en Arabe
Khuaresme , et Mawara Inhar, autrement
la Transoxiane , parce qu'ils sont situez
au- delà du Fleuve Oxus. Ce Livre est devenu
très-rare.
De plus , le sçavant Anglois après avoir
travaillé sur l'Arabie de Ptolomée avoit
aussi traduit en Latin l'Arabie de notre
Abulfeda , mais il n'eut pas le temps dé
publier cette autre partie de son travail,
qui est dans un sens la plus considerable.
La République des Lettres n'y a rien.
perdu , car M. Hudson , si connu par son
erudition Orientale , ayant déterré le
Texte Arabe , sur lequel Grave avoit fait
sa Version , fit imprimer à Oxford en
1712. dans le III. volume in 4. des Petits
Géo- 1 Vol.
*
DECEMBRE 1731. 2839
O
Géographes Grecs , non seulement la
Description de la Transoxiane , et les
deux Tables Géographiques dont nous
avons parlé , mais encore la Description
entiere de l'Arabie de la Traduction de
Grave , placée au dessous du Texte Arabe.
Ce Livre , alors encore peu connu en
France , et très - obligeamment commu
niqué par M. l'Abbé Bignon , à un Homme
de Lettres , donna lieu à celui - cy de
faire sur ce Texte Arabe , nouvellement
imprimé , et sur celui de deux Manuscrits
du même Auteur , l'un de la Bibliothé
que du Roy , l'autre de feu M. Petis- dela
Croix , une Traduction Françoise de
la Déscription de l'Arabie d'Abulfeda ,
Description dont on peut dire ce qu'a
dit Etienne de Byzance , de l'Arabie de
Prolomée , que c'est ce qu'il nous a donné
de plus exact et de meilleur en matiere
de Géographie ; car l'Auteur Arabe y
épuise son sujet en mêlant , comme il
a fait , agréablement l'Histoire à la Géographic
, et en n'oubliant rien de tout ce
qui peut interesser un Lecteur curieux.
›
Cette Traduction accompagnée de Notes
, fut imprimée à Paris , chez A. Cailleau
, à la suite d'un autre ouvrage , inti
tulé , Voyage fait par ordre du Roy Louis
XIV. dans la Palestine , vers le Grand
I.Vol.
Gij Emir,
2840 MERCURE DE FRANCE
•
Emir , Chef des Princes Arabes du désert¸
c. vol. in 12. 1717. lequel fut réimprimé
la même Année à Amsterdam , et
l'Année suivante à Londres , traduit en
Anglois par M. Stroder Medecin de
cette Ville.
>
Pour derniere Remarque , on ne voir
dans ce Prospectus , qu'un Abregé des
qualités du Sultan Abulfeda , qui a été
mis en Latin , de la main de G. Guise ,
et de Thomas Smith , à la tête des Manuscrits
qu'ils ont vûss si l'Editeur s'en
tient à cet Abregé , il privera les Lecteurs
d'une connoissance que l'exactitude
demande de ne pas ômettre. Le nom entier
et les qualitez d'Abulfeda > qu'on
voit dans le Manuscrit de la Bibliothé
que du Roy , et ailleurs , sont Almalic,
Almuayd, Amaddin , Aboulfeda , Ismaël
Ebn Maliç Alafdal Nouraddin Aly , Ebn
Fumaladdin Mahmoud , Ebn Omar , Ebn
Schahinschah , Ebn Ayoub , Saheb Hamah
, c'est-à- dire , le Roy aidé de Dieu ,
J'appuy de la Religion , le Pere du Ra
chapt , Ismaël , fils du très- excellent Roi,
Lumiere de la Foy , Aly , fils de Mahmoud
beauté de la Religion , Fils d'Omar
, Fils de Schah , Inschah , ou Empereur
des Empereurs , Fils d'Ayoub , Prince
eu Sultan de Hamah.
1.Vol. Op
DECEMBRE. 1731 . 284
>
On voit par cette maniere fastueuse des
Orientaux , d'exprimer les qualitez , et
une partie de la Généalogie des Grands ,
dans leurs Titres , qu'Abulfeda étoit de
la Maison des Ajoubites , ou Jobites
dont Ayoub a été le Chef, Maison qui a
donné naissance au grand Saladin , et à
d'autres fameux Capitaines . Il est appellé
Roy , Prince et Sultan , parcequ'il étoit
de Race Royale , et qu'il a lui-même regné
en Syrie après son Pere et son Frere
aîné , dans une étenduë de Pays dont la
Ville de Hamah , que plusieurs Auteurs
troyent être Hammoth dans la Galilée ,
de la Tribu de Nephtali , étoit la Capitale.
Le Programe qui a donné lieu à cès ob.
servations , finit par un court Avertissement
en faveur de ceux qui voudront
souscrire en France pour la nouvelle Edition
d'Abulfeda , qui s'imprime actuellement
à Londres , in fol. ils n'auront qu'à
s'adresser pour cela à Pierre - Fean Meviette
, Imprimeur et Libraire , à Paris.
Le prix pour les souscripteurs est réduit
à 48. livres , dont moitié en prenant la
souscription , et l'autre moitié en rece
vant le Livre . Ceux qui voudront des
Exemplaires en plus grand Papier , payeront
72. livres , sçavoir , 48. d'avance ,
et 24. lorsque l'Edition sera achevée.
I.Vel. G iij On
2842 MERCURE DE FRANCE
›
On vend des Ecrans pareils à ceux qui
ont été présentez à la Reine , chez le
Sr. Rigaud , Professeur de Mathématiques
, et Graveur , ruë S. Jacques , visà
- vis le Sr. Du Change , Graveur du Roi;
et chez le Sr. Blondel neveu Architecte
et Graveur , à l'entrée de la rue des
Mathurins , du côté de la ruë de la Harpe.
Ces Ecrans sont ornez d'Estampes , ou
sont représentées les Scenes principales !
d'une Piece intitulée les petits Comédiens
qui a eu à l'Opera Comique un fort grand
succès. La Cour en a vû , avec plaisir
la répresentation.
On a joint à ces Estampes des ornemens
d'un très - bon goût , et des Vers qui donnent
une entiere explication du sujet. Ces
Ecrans ont donné lieu aux Vers qu'on va
lire.
Geographia Universalis , &c. C'est le titre
abregé d'un Ouvrage important , qui
'imprime actuellement à Londres et
I.Vol.
dont
,
(
DECEMBRE. 1731. 2835-
dont on vient de réimprimer le Prospectus.
Abulfeda étoit non - seulement Prince
dans une Partie de la Syrie , mais c'étoit
un Prince sçavant. Il avoit tourné particulierement
ses Etudes du côté de l'Histoire
et de la Géographie , inclination
qui a donné le jour au grand Ouvrage
dont il s'agit ici , et qui est dans une estime
singuliere dans tout l'Orient. Il l'acheva
vers l'an 1 321. de J. C. et on croit
qu'il a vécû jusqu'en 1345. sur quoi nous
remarquerons en passant l'erreur de quelques
Sçavans Européens qui ont placé ce
personnage dans le IV . siécle , erreur dont
Moreri et ses premiers Editeurs ne se
sont pas apperçus , et qui saute aux yeux,
puisque , de leur aveu , Abulfeda étoit
Mahometan , et que le Mahometisme
étoit inconnu ayant le VII. siecle . Remarquons
aussi en passant qu'il est échappé
quelque chose à l'exactitude de M. Bayle,
sur le Chapitre de notre Géographe
quoiqu'il releve plusieurs bévûes dePostel,
de Pocok et d'Erpenius, sur le même sujet.
Jean Grave , Professeur d'Astronomię
en l'Université d'Oxford , et qui avoit
appris l'Arabe dans l'Orient même , avoit
traduit en Latin toute la Geographie d'Abulfeda
, comme il le dit lui-même dans
I. Vol. la
2836 MERCURE DE FRANCE
la Préface d'une petite Partie de cet Ouvrage
, qu'il publia à Londres en 1650.
par maniere d'Essay. Le reste, à ce qu'on
dit dans le Prospectus , périt malheureusement
dans les desordres des Guerres
Civiles , tems auquel la Maison du sçavant
Anglois fut entierement pillée .
Pour réparer cette perte , M. Jean Gagnier
, François , Professeur des Laugues
Orientales à Oxford , s'est donné des soins
dont peu de Sçavans sont capables , et dont
la République des Lettres va bien - tôt recueillir
les fruits. 1 °.Ila lû avec la plus scrupuleuse
attention , tous les Manuscrits de
1'Auteur Arabe, qui sont conservez dans la
fameuse Bibliotheque de Bodley , les mêmes
dont Grave s'étoit servi dans son
travail . 2 ° . Il a mis à profit tout ce que
d'autres Sçavans avoient fait sur le même
Auteur avant et après Graves sçavoir ,
Erpenius , Golius , le Clerc , Wilde , &c .
entre lesquels on distingue particulierement
Guill. de Guise , homme aussi r´-
commandable par l'éclat de sa naissance
que par la superiorité de son érudition .
3º. Enfin après avoir encore exactement
collationné les differens Exemplaires
manuscrits , il a écrit de nouveau tout
le Texte Arabe , qu'il a traduit en Latin ,
il a orné tout l'Ouvrage de Cartes Geographiques
,
1. Vol.
་
DECEMBRE 1731 2837
graphiques , et l'a éclaircie par des Notes
critiques de sa façon.C'est le même M.Gagner
, qui en 1723. fit imprimer à Oxford
la Vie de Mahomet par Abulfeda ,
avec sa Traduction Latine à côté duTexte
Arabe , et qui nous promet de la même
maniere et du même Auteur , la Vie des
premiers Califes , successeurs de Mahomet.
Il paroît par le Programme que Guill.
Guise auroit donné lui-même l'Edition
d'Abulfeda de son propre fonds , si la
mort ne l'eût prévenu . Il paroît aussi que
tout ce qu'il avoit travaillé et préparé
sur ce sujet a été mis en dépôt par son
illustre Epouse , dans les Archives du
College des Ames à Oxford ' , comme un
Monument de son érudition et d'un tra
vail infatigable
Le Programme finit par un bel Eloge
de G. Guise,adressé à M. Narcisse Marsh,
Evêque de Ferne en Irlande. Episcops
Fernensi , par E. Bernard. Il mérite d'être
lû , parce qu'on y trouve un détail
curieux de toute l'Erudition Orientale
de cet habile Anglois.
Le sçavant Editeur nous permettra , s'il
lui plait,deux ou trois Remarques au sujet
de l'Auteur Arabe et de Jean Graves
son premier Traducteur , qui naissent de
1. Vol.
Gla
2838 MERCURE DE FRANC
la lecture du Prospectus , dont nous ve¬
nons de rendre compte au Public.
Il semble d'abord par son exposé qu'il
ne soit absolument rien resté du travail
de J. Grave , sur Abulfeda , que les deux
Tables Géographiques , l'une du Persan
Nassir Eddin , l'autre d'Ulugbeg , Prince
Tartare , petit- fils de Tamerlan , publiées
en 1650. Or , nous sçavons qu'à peu près
dans le même- temps Grave avoit aussi
fait imprimer en Angleterre une Version
Latine avec l'Arabe à côté de la Descrip
tion que fait Abulfeda dans son Ouvrage
de deux vastes Pays , nommez en Arabe
Khuaresme , et Mawara Inhar, autrement
la Transoxiane , parce qu'ils sont situez
au- delà du Fleuve Oxus. Ce Livre est devenu
très-rare.
De plus , le sçavant Anglois après avoir
travaillé sur l'Arabie de Ptolomée avoit
aussi traduit en Latin l'Arabie de notre
Abulfeda , mais il n'eut pas le temps dé
publier cette autre partie de son travail,
qui est dans un sens la plus considerable.
La République des Lettres n'y a rien.
perdu , car M. Hudson , si connu par son
erudition Orientale , ayant déterré le
Texte Arabe , sur lequel Grave avoit fait
sa Version , fit imprimer à Oxford en
1712. dans le III. volume in 4. des Petits
Géo- 1 Vol.
*
DECEMBRE 1731. 2839
O
Géographes Grecs , non seulement la
Description de la Transoxiane , et les
deux Tables Géographiques dont nous
avons parlé , mais encore la Description
entiere de l'Arabie de la Traduction de
Grave , placée au dessous du Texte Arabe.
Ce Livre , alors encore peu connu en
France , et très - obligeamment commu
niqué par M. l'Abbé Bignon , à un Homme
de Lettres , donna lieu à celui - cy de
faire sur ce Texte Arabe , nouvellement
imprimé , et sur celui de deux Manuscrits
du même Auteur , l'un de la Bibliothé
que du Roy , l'autre de feu M. Petis- dela
Croix , une Traduction Françoise de
la Déscription de l'Arabie d'Abulfeda ,
Description dont on peut dire ce qu'a
dit Etienne de Byzance , de l'Arabie de
Prolomée , que c'est ce qu'il nous a donné
de plus exact et de meilleur en matiere
de Géographie ; car l'Auteur Arabe y
épuise son sujet en mêlant , comme il
a fait , agréablement l'Histoire à la Géographic
, et en n'oubliant rien de tout ce
qui peut interesser un Lecteur curieux.
›
Cette Traduction accompagnée de Notes
, fut imprimée à Paris , chez A. Cailleau
, à la suite d'un autre ouvrage , inti
tulé , Voyage fait par ordre du Roy Louis
XIV. dans la Palestine , vers le Grand
I.Vol.
Gij Emir,
2840 MERCURE DE FRANCE
•
Emir , Chef des Princes Arabes du désert¸
c. vol. in 12. 1717. lequel fut réimprimé
la même Année à Amsterdam , et
l'Année suivante à Londres , traduit en
Anglois par M. Stroder Medecin de
cette Ville.
>
Pour derniere Remarque , on ne voir
dans ce Prospectus , qu'un Abregé des
qualités du Sultan Abulfeda , qui a été
mis en Latin , de la main de G. Guise ,
et de Thomas Smith , à la tête des Manuscrits
qu'ils ont vûss si l'Editeur s'en
tient à cet Abregé , il privera les Lecteurs
d'une connoissance que l'exactitude
demande de ne pas ômettre. Le nom entier
et les qualitez d'Abulfeda > qu'on
voit dans le Manuscrit de la Bibliothé
que du Roy , et ailleurs , sont Almalic,
Almuayd, Amaddin , Aboulfeda , Ismaël
Ebn Maliç Alafdal Nouraddin Aly , Ebn
Fumaladdin Mahmoud , Ebn Omar , Ebn
Schahinschah , Ebn Ayoub , Saheb Hamah
, c'est-à- dire , le Roy aidé de Dieu ,
J'appuy de la Religion , le Pere du Ra
chapt , Ismaël , fils du très- excellent Roi,
Lumiere de la Foy , Aly , fils de Mahmoud
beauté de la Religion , Fils d'Omar
, Fils de Schah , Inschah , ou Empereur
des Empereurs , Fils d'Ayoub , Prince
eu Sultan de Hamah.
1.Vol. Op
DECEMBRE. 1731 . 284
>
On voit par cette maniere fastueuse des
Orientaux , d'exprimer les qualitez , et
une partie de la Généalogie des Grands ,
dans leurs Titres , qu'Abulfeda étoit de
la Maison des Ajoubites , ou Jobites
dont Ayoub a été le Chef, Maison qui a
donné naissance au grand Saladin , et à
d'autres fameux Capitaines . Il est appellé
Roy , Prince et Sultan , parcequ'il étoit
de Race Royale , et qu'il a lui-même regné
en Syrie après son Pere et son Frere
aîné , dans une étenduë de Pays dont la
Ville de Hamah , que plusieurs Auteurs
troyent être Hammoth dans la Galilée ,
de la Tribu de Nephtali , étoit la Capitale.
Le Programe qui a donné lieu à cès ob.
servations , finit par un court Avertissement
en faveur de ceux qui voudront
souscrire en France pour la nouvelle Edition
d'Abulfeda , qui s'imprime actuellement
à Londres , in fol. ils n'auront qu'à
s'adresser pour cela à Pierre - Fean Meviette
, Imprimeur et Libraire , à Paris.
Le prix pour les souscripteurs est réduit
à 48. livres , dont moitié en prenant la
souscription , et l'autre moitié en rece
vant le Livre . Ceux qui voudront des
Exemplaires en plus grand Papier , payeront
72. livres , sçavoir , 48. d'avance ,
et 24. lorsque l'Edition sera achevée.
I.Vel. G iij On
2842 MERCURE DE FRANCE
›
On vend des Ecrans pareils à ceux qui
ont été présentez à la Reine , chez le
Sr. Rigaud , Professeur de Mathématiques
, et Graveur , ruë S. Jacques , visà
- vis le Sr. Du Change , Graveur du Roi;
et chez le Sr. Blondel neveu Architecte
et Graveur , à l'entrée de la rue des
Mathurins , du côté de la ruë de la Harpe.
Ces Ecrans sont ornez d'Estampes , ou
sont représentées les Scenes principales !
d'une Piece intitulée les petits Comédiens
qui a eu à l'Opera Comique un fort grand
succès. La Cour en a vû , avec plaisir
la répresentation.
On a joint à ces Estampes des ornemens
d'un très - bon goût , et des Vers qui donnent
une entiere explication du sujet. Ces
Ecrans ont donné lieu aux Vers qu'on va
lire.
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Résumé : Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente l'ouvrage 'Geographia Universalis' d'Ismaël Abulfeda, un prince et savant syrien du XIVe siècle. Abulfeda, reconnu pour ses contributions en histoire et en géographie, acheva son œuvre majeure vers 1321 et vécut jusqu'en 1345. Son travail est très respecté dans l'Orient. Une erreur courante parmi certains savants européens a été de situer Abulfeda au IVe siècle, alors qu'il était musulman, une religion apparue au VIIe siècle. Jean Grave, professeur d'astronomie à Oxford, traduisit la géographie d'Abulfeda en latin en 1650. Cependant, une grande partie de son travail fut perdue lors des guerres civiles. Pour pallier cette perte, Jean Gagnier, professeur des langues orientales à Oxford, étudia les manuscrits d'Abulfeda conservés à la bibliothèque de Bodley et utilisa les travaux d'autres savants. Il traduisit et commenta l'œuvre, ajoutant des cartes géographiques et des notes critiques. Le texte mentionne également Guillaume de Guise, un érudit qui avait prévu publier l'œuvre d'Abulfeda, mais décéda avant de pouvoir le faire. Son épouse déposa ses travaux au College des Ames à Oxford. Le programme de l'édition inclut un éloge de Guillaume de Guise par E. Bernard. Des remarques sur les travaux de Jean Grave et d'Abulfeda ont été publiées, ainsi que des traductions et des descriptions de l'Arabie d'Abulfeda en France et en Angleterre. Le texte détaille les qualités et l'origine d'Abulfeda, révélant qu'il appartenait à la maison des Ajoubites et régna en Syrie après son père et son frère aîné. Enfin, des informations sur la souscription à la nouvelle édition de l'ouvrage d'Abulfeda à Londres sont fournies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
s. p.
A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
Début :
Quelle audace effrenée ! Ô ciel ! qu'ai-je entendu ? [...]
Mots clefs :
Uranie, Dieu, Religion, Culte antique, Révélation
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texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
A L'AUTEUR
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
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Résumé : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
La lettre est adressée à un individu anonyme qui remet en question la foi d'Uranie. L'auteur exprime son indignation face à l'audace et à l'impiété de cet individu, qui cherche à détruire les fondements de la foi chrétienne et à encourager les penchants criminels. Il souligne que la destruction des autels et la liberté sans frein mènent à la licence et au vice, mettant en avant la nécessité de la vertu et de la crainte de Dieu pour maintenir l'équilibre moral. L'auteur défend la religion chrétienne en soulignant les témoignages et les miracles qui prouvent la mission de Jésus-Christ. Il cite les prophéties et les écrits sacrés qui attestent de la vérité de la révélation divine. Il argue que les faits relatés dans l'Évangile sont authentiques et ne peuvent être soupçonnés d'imposture, car Dieu ne peut être trompeur. La lettre critique la raison humaine qui cherche à comprendre les mystères divins au-delà de ses limites légitimes. Elle invite à se soumettre à la révélation divine et à éviter les écarts de la raison humaine. L'auteur conclut en appelant à la crainte de Dieu et au repentir pour échapper à sa vengeance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 85-91
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Début :
Recueil des Piéces d'Histoire et de Litterature, Tome 2 de 234 pages, [...]
Mots clefs :
Religion, Papes, Collection, Dieu, Dieux, Empire, Église, Messie, Roi, Nations
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texteReconnaissance textuelle : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
E cu si L de Piéces d’Histoire et de
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
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Résumé : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil intitulé 'Pièces d’Histoire et de Littérature', composé de 234 pages et dépourvu de table des matières. Ce volume rassemble des documents curieux et intéressants, bien que certains soient déjà connus. Il se distingue par son approche concise, solide et claire, évitant les dissertations longues et ennuyeuses. La première pièce est une traduction en français de la vie de Plutarque par M. Dryden. Le recueil inclut également un discours sur l’état des nations à la naissance de l’Église, où l’auteur explique comment divers éléments ont contribué à l’établissement de l’Église et de la religion chrétienne. Ce discours est comparé à celui de Bossuet sur l’histoire universelle. Le texte décrit ensuite l’Empire Romain à son apogée et l’arrivée du Messie, soulignant comment la puissance romaine a facilité la propagation des prophéties et la réunion des tribus pour le sacrifice expiatoire. Le recueil aborde également les donations de Pépin et de Charlemagne à l’Église de Rome, discutant de la souveraineté temporelle des Papes. Une autre dissertation traite des faux prophètes et des moyens de les discerner. Une autre encore examine les collections de décrets avant le neuvième siècle et les Décretales attribuées aux premiers Papes. Le volume se termine par une critique de la nouvelle 'Don Carlos' et une réponse de M. B... à une lettre de M. Dugrand concernant les discours de M. de la Motte sur la poésie dramatique. L’auteur diversifie les matières, alternant entre histoire, critique et styles sérieux ou badins, promettant ainsi un recueil curieux et recherché.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 133-145
TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
Début :
Nous n'aurions pas tardé si long temps à donner l'Extrait d'une Tragédie qui [...]
Mots clefs :
Voltaire, Zaïre, Orosmane, Nérestan, Religion, Coeur, Lusignan, Lettre, Soudan, Amour, Mort, Chrétiens, Tragédie, Serment, Soeur, Spectateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
TRAGEDIE DE zArRE;
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
Fermer
Résumé : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
La tragédie 'Zaïre' de Voltaire a suscité un grand intérêt à la cour et dans la ville. L'intrigue se concentre sur Lustignam, dernier roi de Jérusalem, détrôné par Saladin, père d'Orosmane. Deux enfants de Lustignam survivent : un garçon et une fille, Zaïre. Élevée dans la religion musulmane, Zaïre devient l'objet de l'amour d'Orosmane. Son frère, Neresman, est également élevé dans le sérail sans connaître ses origines. Orosmane accepte de libérer Neresman en échange de la rançon de dix chevaliers chrétiens. Zaïre obtient la liberté de son père grâce à une croix et une blessure reconnaissables. Le conflit central de la pièce oppose la religion et l'amour. Zaïre promet à Neresman de ne pas épouser Orosmane avant d'être baptisée. Une lettre ambiguë déclenche la jalousie d'Orosmane, menant à une tragédie où il tue Zaïre et se donne la mort. Les critiques soulignent que Voltaire aborde des sujets philosophiques, bien que certains trouvent sa complaisance excessive. La vérification de ses principes est jugée inégale et suscite des passions. Les critiques reprochent à Voltaire d'avoir donné à son héros des expressions trop passionnées et d'avoir fait évoluer son caractère de manière excessive, notamment en le faisant passer de la jalousie à un acte violent. Ils estiment également que le serment central de la pièce est indécent et inexcusable. Les personnages de Lusignan, Chétillon et Nérestan sont bien accueillis, tandis que celui de Zaïre est perçu comme indécis. Les critiques se demandent si Zaïre meurt en tant que chrétienne ou musulmane, et doutent que son amour pour Dieu puisse remplacer un baptême ou une contrition. Nérestan renforce ce doute par des vers adressés à Orosmane. La pièce a été imprimée à Rouen et se vend à Paris chez Bauche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 261-284
DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
Début :
PREMIERE PARTIE. Depuis que les hommes poussés par l'ambition [...]
Mots clefs :
Père Martin, Enseignes militaires, Rois, Bannière, Église, Symboles, Guerre, Religion, Reliques, Français, Saints, Militaires, Étendards, Romains, Royaume, Drapeaux, Peuples, Dévotion, Figures, Protection, Armées
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
DISSERTATION sur les Enseignes
Militaires des François , par M. Beneton
de Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roi.
PREMIERE PARTIE.
Dambition curent songé à dominer
les uns sur les autres , et qu'en conséquence
ils se furent assemblés en troupes
pour attaquer , ou pour se deffendre
ils prirent des marques militaires , soit
Epuis que les hommes poussés par
262 MERCURE DE FRANCE
en couleurs , soit en figures pour se reconnoître
dans les Combats , et ce sont
ces marques qu'on peut encore appeller
signes et symboles , qu'on a ensuite nom
més Enseignes , Drapeaux et Etendarts.
Chaque Nation regarda les siennes
avec un respect et une veneration infinie
, elles servoient à exciter en eux la
valeur et l'envie de bien faire , pour éviter
la honte de les laisser tomber en la
puissance de l'ennemi ; leur perte fut regardée
comme un affront insigne , et ceux
qui les portoient étoient punis de mort
quand ils les perdoient par négligence ou
par lâcheté.
Les Juifs eurent des Enseignes , chacu
ne des douze Tribus avoit la sienne d'une
couleur particuliere , et sur laquelle
étoit le Symbole , qui la désignoit,suivant
la Prophetie de Jacob.
Dans l'Ecriture , et en particulier dans
les Pseaumes , il est souvent parlé en ´un
sens allegorique du Lion de la Tribu de
Juda , du Navire de Zabulon , des Etoiles
ou du Firmament d'Isachar.
Du tems des Machabées les Drapeaux
Hebreux étoient chargés de quatre lettres
équivalentes à celles- ci , MCBI,
qui signifioient selon quelques Commentateurs
, quis sicut tn in Diis Domine ? La
force
FEVRIER. 1733. 253
force de la Guerre est dans le Seigneur
nul n'est égale à lui . Ce sont ces quatre
lettres qui firent donner le nom de Machabée
à la race de celui qui le premier
les fit mettre sur les Etendarts qu'il leva
pour la deffense de la vraie Religion .
C'était dès ces tems- là , et ça été toujours
depuis l'usage des Juifs , de faire des
noms artificiels avec les premieres` lettres
des differens mots qui doivent entrer
dans les noms propres . De là sont venus
les termes de Radaq , de Ralbag
de
Rambana , &c. pour Rabbi David Kimchi
, Rabbi Levi - ben- genson , et Rabbi
Moses ben-maïmon , qui semblent ne rien
signifier à ceux qui ne sçavent pas ces
sortes d'Anagrames; plusieurs autres semblables
mots, dont on a ignoré la veritable
signification , ont fourni aux Cabba
listes les noms qu'ils ont donné aux intelligences
superieures .
Semiramis , Reine des Assyriens étoit
appellée en langage du pays Chemirmor ,
mot qui signifioit aussi une Colombe
de-là vient que les Enseignes de cet Empite
étoient chargées de ces Oyseaux pour
conserver le souvenir de l'Heroïne , de
qui il tenoit son premier éclat ; et quand
les Prophetes exhortoient les Juifs à la
pénitence , ils les menaçoient de cette
Colom
264 MERCURE DE FRANCE
<
Colombe Assyrienne , comme du fleau
de la vengeance Divine le plus à crain
dre.
Semiramis pourroit bien être la Venus
de Phenicie , que les Poëtes nous représentent
sur un Char traîné par des Colombes.
Selon que les Peuples ont été plus ou
moins policés, ils ont aussi employé pour
Drapeaux , ou Etendarts , des choses plus
ou moins recherchées.
Les Romains dans les commencemens
se contentoient de mettre un paquet
d'herbes au bout d'une picque . On sçait
que les Tartares se sont servi de queues
de Cheval , ce qui est encore en usage
chez les Turcs.
Lorsqu'on découvrit l'Amérique , les
habitans de ces vastes contrées n'avoient
pour Enseignes que de grands bâtons ornés
de plumes d'Oyseaux qu'ils appelloient
Calumets.
Les Romains mitent ensuite au bout de
la picque des représentations d'animaux ,
comme celles du Loup , du Cheval , du
Sanglier , du Minotaure , &c. C'est Pline
( L. X. C. IV. ) qui nous l'apprend ,
et ses Commentateurs donnent pour la
plûpart des raisons politiques de ces usages
; ils prétendent, par exemple, que le
Mino
FEVRIER, 1733. 265
Minotaure devoit faire ressouvenir les
gens de Guerre de garder le silence sur les
Entreprises projettées , et ce seroit apparemment
dans cet esprit que Festus appelle
la principale vertu militaire , la Religion
du secret.
Je suis persuadé que tous les animaux
qui servoient d'Enseignes aux Romains
n'étoient que les signes emblématiques
des Divinitez de l'Etat, et c'est pour cela,
sans doute , que l'Aigle étant le Symbole
de Jupiter , le Consul Marius voulut.
qu'elle eut le premier rang parmi les Etendarts.
Les Romains alloient donc à la Guerre
avec ces Symboles de leur culte , et lors
qu'ils eurent pris la coûtume de déïfier
leurs Empereurs , les Portraits de ces Princes
formerent chez eux de nouveaux Etendarts
, qu'ils joignirent aux anciens. Le
respect que les Soldats rendoient à leurs
Enseignes montroit qu'ils les regardoient
comme quelque chose de sacré .
C'étoit devant elles que se faisoient les
Sermens de fidelité , et les engagemens du
Service Militaire ; on les prenoit à témoins
des Traitez de Paix , et des promesses
faites aux Etrangers , on les encençoit
, et on les honoroit de plusieurs
autres cerémonies de Religion.
Le
266 MERCURE DE FRANCE:
Le bois, ou le métail étoient les matieres
dont on faisoit les Enseignes , et pour
la forme elles étoient en Sculpture entiere
, ou en bas relief, dans des Médaillons
au-dessous desquelles pendoit en forme
de Banniere un petit morceau d'Etoffe
quarré , dont la couleur distinguoit
les Légions les unes des autres.
Il y avoit aussi des Drapeaux d'Etoffe
sans aucunes figures , et ils étoient de
differentes couleurs ; cela s'apprend par
la maniere que les Romains avoient d'enrôler
des Soldats dans les pressans besoins
.
Le Géneral que la République avoit
désigné pour commander l'Armée montoit
au Capitole ; là il élevoit deux de ses
Drapeaux , l'un rouge qui étoit la mar
que de l'Infanterie , l'autre bleu qui étoit
celle de la Cavalerie ; ensuite à haute
voix il prononçoit ces paroles : Que ceuse
qui aiment le salut de la République ne tarà
me suivre. dent
pas
Ceux qui vouloient aller à la Guerre
chacun, suivant son inclination de servir
à pied , ou à cheval , se rangeoient sous
l'un des deux Drapeaux , et cette maniere
de faire des levées extraordinaires se nom
moit évocation.
Jusqu'au tems de Constantin il n'y
·
et
FEVRIER. 1733. 267
eut point de changement dans les Enseignes
Romaines : mais alors le Christianisme
, qui s'établissoit par tout l'Empire,
y en apporta. Les , Aigles , et les Croix
allerent de compagnie ; il se fit un mêlange
des usages de la vieille Religion
avec ceux de la nouvelle , et les Fideles.
étant alors absolument désabusés des erreurs
du Paganisme , et se trouvant en
très-grand nombre dans les Armées de
Constantin , et de ses Successeurs , il n'y
avoit plus à craindre qu'ils prostituassent
leur adoration aux Symboles des anciennes
Divinitez , comme ils avoient fait
auparavant.
Par là s'introduisit une espèce d'indifférence
pour toutes sortes d'Etendarts , et
au milieu du Christianis me même on
retint ces Symboles , inventés autrefois
par les Payens , qu'on jugea toujours utiles
pour la distinction , et qui devenoient
sans conséquence pour des Soldats Chré
tiens , instruits , et constans dans leur
Religion
Les Empereurs depuis Constantin eurent
pour principale Enseigne de Guerre
le Labarum qui étoit une petite Banniere
de couleur de pourpre , sur laquelle
étoit brodé le Monograme de
CHRIST ,
228 MERCURE DE FRANCE
CHRIST, Signe adorable de notre Rédemp
tion .
*
Les autres Nations Etrangeres que les
Romains nous ont fait connoître avoient
aussi leurs Signes Militaires. Tacite nous
apprend que ceux des Germains étoient
Les figures des bêtes communes dans les
Forêts que les peuples habitoient , et selon
le Pere Martin , ces bêtes étoient aussi
les Symboles de leurs Divinitez . On sçait
que c'est de l'union de ces Peuples ligués
ensemble qu'a été formée la Nation Françoise
ce qui fit que cette Nation eut
pendant long- tems differens Symboles
sur ses Etendarts , on y voyoit des Lions ,
des Serpens et des Crapeaux .
Tout cela sert à expliquer la prétenduë
Prophetie de Sainte Hildegarde , qui dans
ses révélations , en parlant de la ruine de
Rome par les Nations de la Germanie
assûre que Dieu donnera aux Francs le
Camp des prostituez , et que le Lion brisera
l'Aigle avec le secours du Serpent.
Cela servira encore à faire voir que
dans le XII . siécle , où vivoit cette Sainte
, les François n'avoient pas perdu la
* Dom Jacques Martin , dans son Livre sur la
Religion des Gaulois.
con :
FEVRIER. 1733 269
connoissance de leurs anciens Symboles
militaires et sur quels fondemens nos
vieux Historiens ont crû que les premieres
Armes du Royaume avoient été des
Crapaux.
:
Quand les François entrerent dans les
Gaules , ils étoient déja partagés en deux,
branches , l'une dite des Ripuaires , et
l'autre des Sicambres. Chacune de ces
branches avoit son Symbole celui de
la premiere étoit l'Epée , qui désignoit
Mars , Dieu principal de la Nation ; et la
seconde avoit pour le sien une tête de
Boeuf , ou un Apis , Dieu des Egyptiens ,
dont une partie des Francs tiroit son
origine.
J'ai montré dans ma Dissertation sur .
l'origine des François , que Sesostris ayant
poussé ses Conquêtes jusqu'aux Palus méo-´
tides , laissa plusieurs Egyptiens et Cananéens
qui s'établirent dans ces Contrées
d'où ils se sont répandus en differens tems
dans la Pannonie , et jusques dans la Germanie
, après s'être mêlés avec les Scytes
, et d'autres Peuples Septentrionaux.
Le Tombeau de Childeric découvert au
siécle passé , et dans lequel se trouverent
plusieursTêtes d'Apis, prouve que leSymbole
de ce Dicu étoit un des signes militaires
des François ; ainsi les Fleurs de
D lys
>
270 MERCURE DE FRANCE
lys qui sont depuis long- tems le caracte→
re distinctif de notre Nation , pouvoient
être aussi- bien des Lotus Egyptiens que
des Iris , ou des Flambes des Marais de
Batavie.
L'Ecriture des premiers Empires étoit
en caracteres symboliques , Les Caldéens
et les Egyptiens avoient des hierogliphes
pour exprimer leurs pensées , et les termes
des Sciences qu'ils cultivoient , surtout
de l'Astronomie ; cela se prouve par
les figures d'animaux dont ils marquoient
les Constellations célestes , que nous mar
quons encore des mêmes figures depuis
eux .
Les grands Empires de l'Orient ont
conservé depuis leur fondation jusqu'à
présent des Symboles distinctifs.Les Turcs!
ont le Croissant , les Persans ont un
Lion surmonté d'un Soleil Levant.
Le principal Kam des Tartares a un
Hibou , l'Empereur de la Chine un Dragon
, et les Mandarins qui sont les
Grands de cet Empire , portent sur leurs
habits des figures d'Oyseaux , et d'animaux
pour distinguer les differentes classes
que composent ces Seigneurs , ce qui
fait la même distinction que font les
marques particulieres de chacun de nos
Ordres de Chevalerie,
Les
FEVRIER. 17330 271
Les François garderent les Symboles
dont je viens de parler jusqu'au tems de
Clovis ; mais ce Roi après sa conversion ,
profitant du conseil salutaire que lui avoit
donné S. Remy : Mitis depone colla sicam
ber : adora quod incendisti , incende quod
adorasti , d'adorer ce qu'il avoit brûlé
et de brûler ce qu'il avoit adoré , fit mettre
des Croix sur ses Etendarts , et donna
à ce Signe respectable de la Religion qu'il
venoit d'embrasser , la premiere place sur
tous les autres dont sa Nation s'étoit servi
jusqu'alors.
J'ai dit plus haut que les Romains regardoient
leurs Enseignes comme quelque
chose de sacré , ils n'étoient pas les
seuls qui fussent dans cet usage , les autres
Nations payennes l'avoient de même
, ce qui me donne occasion de distinguer
deux sortes de signes militaires , les
uns de dévotion , faits pour exciter la
pieté dans les Soldats , et pour les mieux
contenir par la vue de ces Signes misterieux
de la Religion qu'ils professoient.
Et les autres inventez pour exciter simplement
la valeur . Ainsi on portoit dans,
les Armées des marques sacrées , et des
marques d'honneurs ou de politique.
>
Cette distinction est de tous les tems ;
Dij ct
272 MERCURE DE FRANCE
&
et a été chez tous les Peuples qui n'alloient
point à la Guerre sans des objets visibles
de leur culte.
Les Perses adorateurs du Soleil y al
loient avec le feu perpetuel qu'ils entretenoient
soigneusement sur des Autels -portatifs
.
Les Israëlites depuis Moyse jusqu'au
tems des Rois, n'entreprenoient point de
Guerres que l'Arche d'Alliance ne fut
presque toujours portée , pour montrer
que c'étoit de l'ordre du Seigneur qu'ils
les entreprenoient et qu'ils mettoient en
lui toute leur confiance.
Les Empereurs Grecs faisoient porter
la vraie Croix de Jesus- Christ dans les
Armées destinées à combattre pour la
Religion , ce qui fit tomber plusieurs fois
cette sainte Relique au pouvoir de ses
ennemis . Tous les Souverains des Monarchies
qui se formerent des débris de l'Empire
Romain , si tôt qu'ils eurent embrassé
le Christianisme , se firent un devoir
de n'aller à la Guerre qu'avec des
Reliques , et principalement de celles des
Saints qu'ils reconnoissoient comme leurs
Apôtres , et dont ils se firent des Patrons
pour reclamer leurs secours dans les pres
sans besoins.
Les Gots du Royaume d'Arragon se
voyant
FÉVRIER. 1733. 273
voyant attaquez par Childebert Roi de
France , furent au-devant de lui avec les
Reliques de S. Vincent , pour obtenir
plus facilement la paix de ce Prince.
On portoit processionellement les Châsses
des Saints sur les murailles d'une Ville
assiegée , et les yeux de la foi faisoient
souvent appercevoir aux peuples, assiegez
ces saints Protecteurs en qui ils avoient
confiance , qui paroissoient armés pour
les deffendre .
Les Apôtres S. Pierre et S. Paul combatirent
visiblement pour le Pape saint
Léon , lors de l'irruption d'Attila ; et les
Chrétiens d'Espagne virent plusieurs fois
S. Jacques , l'épée à la main , leur aider à
repousser les Maures.
Il ne faut pas douter par tous ces exem →
ples que les Rois de France , Successeurs
de Clovis , n'ayent eu aussi le même usage
, et qu'outre les Enseignes chargées de
Croix , ces Princes ne fissent porter à la
Guerre des Châsses pleines de Reliques.
Auguste Galland , dans un Ouvrage
qu'il a composé sur le même sujet que je
traite , pour n'avoir pas senti la distinction
qu'il faut faire des Enseignes pieuses ,
de celles de pure politique , est tombé
dans l'erreur de croire que la Chape de
Diij S.
.
274 MERCURE DE FRANCE
S. Martin , portée autrefois dans les Armées
Françoises , étoit positivement le
Manteau de ce Saint , que l'on attachoit
à une picque pour en faire la principale
Enseigne. Débrouillons un peu ce que
c'étoit que cette Chape , et montrons
qu'elle étoit toute differente de ce qu'on
nommoit Enseigne principale , ou nationale
, et que si on lui veut conserver le
nom d'Enseigne , elle ne sera que du nombre
de celles que j'ai nommées sacrées
pour les distinguer des autres qui étoient
purement des Symboles propres à exciter.
la valeur & le courage .
Chaque Nation chrétienne en prenant
un Saint , pour reclamer sa protection auprès
de Dieu , en choisissoit ordinairement
un qui eut vêcu parmi eux , et à qui
elle fut redevable de sa conversion
cette raison auroit dû engager les François
à prendre pour Patron ,ou S. Irenée , ou
l'un des sept Evêques reconnus unanimement
pour les premiers Apôtres des Gaules
.
Mais comme il auroit été difficile de
s'accorder sur celui de ces Saints , qui auroit
merité la préférence , et que chaque
Province auroit voulu avoir le Saint de
qui elle tenoit la foi , on se détermina insensiblement
à faire choix de S. Martin
EvêFEVRIER.
1733 275
1
Evêque de Tours , dont le souvenir des
mérites éclatans se conservoit encore par
une tradition vivante , et par les miracles
qui s'opéroient à son Tombeau , qui
étoit devenu par là le lieu le plus saint, et
le plus fréquenté du Royaume , comme
nous l'apprenons de S. Grégoire , un de
ses Successeurs. La Ville de Tours étoit
le centre du Royaume , et une de ses
Villes capitales , tout cela acheva de déterminer
les François à regarder S. Martin
comme leur principal Patron , et à
lui donner le premier rang sur tous les
autres Saints Missionnaires , qui avoient
prêché la Foi en France.
Ce que je viens de dire n'est pas une
simple conjecture ; nos anciennes Histoires
font assez connoître que la dévotion
à S. Martin , étoit si grande dans les
premiers siècles de la Monarchie , qu'il
n'étoit appellé que le Saint et le tres - Saint,
sans autre addition de nom : Dominus ,
Sanctus Dominus , gloriosissimus Dominus ;
la mémoire de ce Saint devint en si grande
veneration par toute la France que
jour de sa Fête étoit l'Epoque du renouvellement
de toutes les affaires civiles :
c'est pourquoi l'on y joignoit les Festins , et
les Réjouissances publiques, comme pour
servir d'heureux présage de ce qui devoit
D iiij
le
ar276
MERCURE DE FRANCE
arriver pendant l'année. Les Grands Parlemens
ne s'assembloient que pendant
l'octave qui suivoit cette Fête.
La dévotion generale de tout le peuple
envers S. Martin , procura de si grands
biens à l'Eglise où étoit son Tombeau par
l'affluance des Pelerins qui y laissoient de
Riches offrandes , que lorsque cette Eglise
, qui étoit d'abord une Abbaye de
l'Ordre de S. Benoît , fut secularisée l'an
848. par l'Empereur Charles - le -Chauve ;
ce Prince , à l'exemple de ses Prédecesseurs
, se fit un devoir de s'en déclarer le
Protecteur, et peu de temps après il y mit
un Abbé laïc , pour en administrer le
temporel.
Tous les Souverains ont de droit la Garde
et la Protection des Grandes Eglises
de leurs Etats . Sans faire remonter l'origine
de ce droit à Constantin , je remarquerai
seulement que depuis que Pepin et
son Fils Charlemagne se furent rendus
les deffenseurs de l'Eglise Romaine contre
les Lombards , les Successeurs de ces deux
Princes ne crurent pas avilir leur dignité,
en y ajoutant quelquefois la qualité d'Avoué
des Eglises les plus celebres de leur
Royaume. Louis , Roy de Germanie , fut
Advoüé de l'Abbaye de S.Gal, en Suisse ,
et l'Empereur Othon I. de celle de Gemblou
, en Brabant,
Hus
FEVRIER . 1733 277
Hugues Capet étant monté sur le
Trône , se démit de la qualité d'Abbé
Laïc de S. Martin de Tours , que ses
Ancêtres avoient portée depuis le Prince
Robert le Fort , se réservant néanmoins
pour lui et ses Successcurs , le Titre de
Chanoine d'honneur, pour montrer qu'il
prétendoit toujours conserver le droit de
Protection , que les Rois , ses Prédeces
seurs avoient voulu avoir sur cette fameuse
Abbaye.
Les premiers de nos Monarques qui s'obligerent
par piété , à proteger l'Abbaye
de S. Martin , pour montrer publiquement
que la dévotion étoit le seul motif
qui les engageoit , mirent la Banniere de
cette Abbaye au nombre de leurs Enseignes
generales , et par là cette Banniere ,
qui n'auroit dû paroître que dans les occasions
où il falloit soûtenir le temporel
de l'Abbaye , ayant été portée dans toutes
les grandes Expeditions que nos Rois
entreprirent , elle devint bien-tôt la prin
cipale Enseigne de la Nation .
La dévotion de nos Princes envers saint
Martin ne se borna pas là ; mais par une
suite de l'ancien usage , toutes les fois que
la Banniere de ce Saint alloit à l'Armée ,
elle étoit suivie des Reliques du Saint
même ; on ne trouvera rien d'extraordi-
D v naire
278 MERCURE DE FRANCE
naire dans cette pratique , si on se souvient
des exemples que j'ai donnez cy dessus ,
elle se perpetua tant que durerent les
Guerres contre Is Sarasins et les Normands
, qui ravagerent la France pendant
les 8,5 et 10 siécles . Ces Gurres étant
toutes des Guerres de Religion , on sentoit
alors mieux que dans tout autre
temps , combien on avoit besoin des secours
du Ciel , et de l'intercession des
Saints Patrons pour les obtenir. -
On ignoreroit entierement ce que c'étoit
que ces Reliques de S. Martin , portées
à l'Armée , sans une des Formules de la
Collection de Marculfe , qui nous apprend
que nos Rois avoient toujours près d'eux
un Oratoire ou Châsse qui contenoit en
tr'autres Reliques , des Vêtemens de S.
Martin ; que cet Oratoire nommé Cappa
Sanci Martini , suivoit par tout les Rois,
et sur tout à l'Armée , et qu'on avoit coutume
de faire jurer dessus ceux qui vouloient
se purger des crimes dont ils étoient
accusés.
Le mot de Châsse dérivé de celui de
Capsa , présente toujours l'idée d'une
chos qui couvre , ou qui en renferme
une autres ainsi on peut dire également
des Reliques enchassées , ou enchappées.
Dans la suite ces Châsses ou Chappes ,
que
FEVRIER . 1733 279
que l'on portoit dans les voyages furent
appellées Chapelles ; on disoit la Messe
dessus dans les Campemens ; la Coutu
me de l'Eglise ayant toujours été d'offrir
le Sacrifice sur les Reliques des Saints , et
les Prêtres qui désservoient ces Chapelles
furent nommez Chapellains . Valafrid
Strabon confirme ce que j'avance , et dit
en termes précis , que le Titre de Chapelain
fut donné à ceux qui portoient la
Chappe de S. Martin , et les autres Reliques
; preuve entiere que par ce mot de
Chapelle , il ne s'agit que de Reliquaires
portés par des Prêtres destinés à ces
fonctions , et non pas d'un Etendart qui
ne doit être porté que par gens en état de
le deffendre.
Quand le Clergé d'une Eglise recevoit un
Avoué , ou un Abbé Laïc , ce n'étoit
point en lui présentant les ornemens
convenables au Sacerdoce . Un Abbé ,
Prêtre , étoit investi par la Crosse et l'Anneau
; pour l'Avoué il ne l'étoit que par
la Banniere de l'Eglise qu'on lui mettoit
à la main .
Le Pape Leon II. avant que de couronner
l'Empereur Charlemagne , l'établit
Deffenseur du Patrimoine de Saint
Pierre , en lui mettant en main l'Etendart
des Saints Apôtres , ou le Gonfalon
D vj de
280 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglise , et de la Ville de Rome. Les
Comtes d'Auvergne prirent pour Armorries
la Banniere de l'Eglise de Brioude ,
depuis qu'ils eurent la protection de cette
Eglise .
Cette idée de protection a passé des
choses Saintes dans les Civiles ; et delà est
venu que dans plusieurs Républiques , le
Chef en est nommé Gonfaloniers qualité
Sinonime à celle de Protecteur et de
Conservateur des libertés du Peuple.
あ
Toutes les Cérémonies d'Eglise ayant
quelque chose d'auguste et de vénérable,
de-là les Deffenseurs de ces Eglises , qui
n'auroient dû se servir des Bannieres Écclésiastiques
que dans les occasions où il
s'agissoit de deffendre les biens du Saint
auquel ils étoient vouez . Ils ne laisserent
pas de se servir de ces Bannieres dans les
Guerres , qui ne les regardoient que directement
; ainsi par cette raison ( que j'al
déja dite ) les Rois de France faisoient
porter dans toutes leurs Guerres la Banniere
de S.Martin , et honoroient de cette
commission le premier Officier de leur
Couronne , pour montrer l'estime et le
respect qu'ils avoient pour cette Banniere
.
La dignité de Maire du Palais ayant été
éteinte avec la premiere Race de nos
Rois,
FEVRIER. 1733. 281
-
Rois , le premier Officier de la Couronne
étoit le Grand - Sénéchal. Lorsque la
Banniere de S. Martin devint l'Enseigne
principale de la Nation , cette importan
tante Charge , qui étoit la premiere da
Royaume , depuis qu'il n'y avoit plus de
Maire duPalais ,étoit possedée par lesComtes
d'Anjou ; ce qui fit que ces Comtes fu
rent les premiers honorez de la Dignité
de Porte Banniere de S.Martin , qui étoit
fa même chose que Grand- Enseigne de la
Couronne.
Les trois Dignités de Comte , de Sénéchal
, et de Porte Enseigne n'étoient
entrées dans cette Maison que par commission
, comme l'étoient sous les deux
premieres Races toutes les Dignités de
PEtat ; mais ces Comtes , à l'exemple des
autres Grands Vassaux , ayant retenu ces
trois Charges à titre héréditaire , ils prétendirent
avoir acquis par là le droit de
Conprotection sur l'Eglise de S. Martin ;
et les derniers Rois de la seconde Race
ayant négligé de le leur contester , il s'en
mirent si- bien en possession , qu'ils commirent
à leur tour d'autres Gentilhommes
, comme les Seigneurs de Preüilly et
de Partenay , pour porter en leur nom la
Banniere de S. Martin .
Toutes ces nouveautés ne trouverent
point
282 MERCURE DE FRANCE
point d'obstacle dans leur éxécution ,
parce que les Rois de la troisiéme Race
n'ayant plus que la Suseraineté de l'Anjou
, de la Touraine , et des Provinces
voisines , ils se choisirent un autre S. Patron
plus près du lieu de leur demeure ;
pour n'être pas obligés d'en aller cher
cher un dans des Païs dont ils n'avoient
plus la domination en entier ; cela fit diminuer
peu à peu la dévotion envers Saint
Martin , sur tout dans les Provinces qui
resterent immédiatement soumises à la
Couronne ; et nos Rois , depuis Hugues-
Caper, ayant fixé leur séjour à Paris . Saint
Denis , Patron de leur Capitale , le fut
bien- tôt de tout le Royaume.
Avant que de finir cette premiere Partie
de ma Dissertation , je ferai encore remarquer
que si Auguste Galland avoit
bien examiné lesPassages dont il s'est servî
pour prouver que la Chappe de S. Martin
étoit une Enseigne de Guerre , il auroit
trouvé dans le Rituel même de cette
Eglise , ( qu'il cite souvent ) des preuves
contraires a son sentiment.
Ce Rituel , en parlant des prérogatives
de distinction que les Comtes d'Anjou
avoient sur l'Abbaïe de S. Martin , marque
celle- ci : Ipse habet vexillum beati
Martini quotiens vadit in bello. Aux autres
1
FEVRIER. 1733. 283
tres endroits de ce Rituel le mot de
Vexillum y est toujours employé quand il
s'agit de quelque Acte Militaire ; et celui
de Cappa n'est emploïé que pour les Actions
purement Ecclésiastiques .
Comment ne pas sentir que ces deux
mots signifioient deux choses differèn
tes ? Er comment de Sçavans Critiques,
ont - ils pû être incertains sur ce que l'on
devoit entendre par la Chappe de S. Mar
tins et pancher à croire que c'étoit un
Manteau qui servoit d'Eténdart ? Une
pareille opinion est bonne à faire croire
apocriphe l'Histoire de la Chemise du
Sultan Saladin , qui après la mort de ce
Sultan , fut mise ( dit on ) au bout d'une
Pique , et promenée par toute son Ar
mée , pendant qu'un Hérault qui préce
doit , crioit à haute voix : Voici tout ce
qui reste de ce grand Homme Les Historiens
qui ont suivi Galland dans son erreur
, ne l'ont fait que pour n'avoir pas
sçu les doubles Symboles Militaires dont
on se servoit dans les Armées, et quisont
l'origine de ce qui se pratique encore en
donnant l'Ordre , ou le mot du Guet , à
la Guerre , ou dans les Villes fermées , qui
est de mettre ensemble le nom d'un Saint
et le nom d'une Ville , comme S. George
et Vandôme , &c,
An284
MERCURE
DE FRANCE
Anciennement quand les Comtes et les
Barons menoient leurs Vassaux à la Guerre
, chacun de ces Seigneurs avoit son cri
particulier , pour ranimer le courage de sa
Troupe dans les dangers , et pour faciliter
le raliement dans une déroute ; ce cri
militaire étoit , ou le nom de famille du
Chef de la Troupe , ou un mot pris à sa
fantaisie , auquel on joignoit souvent le
nom d'un Saint à qui le Chef avoit dé
votion.Comme
Notre - Dame de Chartres,
pour les Comtes de Champagne ;et Montjoye
, S. Denis. Ce dernier cri étoit celui
des Rois de France. J'en donnerai
l'explication dans la seconde partie de
cette Dissertation , en continuant de parler
des Enseignes Militaires des François,
et sur tout du fameux Oriflamme , sur
lequel j'ai à dire des choses nouvelles .
Militaires des François , par M. Beneton
de Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roi.
PREMIERE PARTIE.
Dambition curent songé à dominer
les uns sur les autres , et qu'en conséquence
ils se furent assemblés en troupes
pour attaquer , ou pour se deffendre
ils prirent des marques militaires , soit
Epuis que les hommes poussés par
262 MERCURE DE FRANCE
en couleurs , soit en figures pour se reconnoître
dans les Combats , et ce sont
ces marques qu'on peut encore appeller
signes et symboles , qu'on a ensuite nom
més Enseignes , Drapeaux et Etendarts.
Chaque Nation regarda les siennes
avec un respect et une veneration infinie
, elles servoient à exciter en eux la
valeur et l'envie de bien faire , pour éviter
la honte de les laisser tomber en la
puissance de l'ennemi ; leur perte fut regardée
comme un affront insigne , et ceux
qui les portoient étoient punis de mort
quand ils les perdoient par négligence ou
par lâcheté.
Les Juifs eurent des Enseignes , chacu
ne des douze Tribus avoit la sienne d'une
couleur particuliere , et sur laquelle
étoit le Symbole , qui la désignoit,suivant
la Prophetie de Jacob.
Dans l'Ecriture , et en particulier dans
les Pseaumes , il est souvent parlé en ´un
sens allegorique du Lion de la Tribu de
Juda , du Navire de Zabulon , des Etoiles
ou du Firmament d'Isachar.
Du tems des Machabées les Drapeaux
Hebreux étoient chargés de quatre lettres
équivalentes à celles- ci , MCBI,
qui signifioient selon quelques Commentateurs
, quis sicut tn in Diis Domine ? La
force
FEVRIER. 1733. 253
force de la Guerre est dans le Seigneur
nul n'est égale à lui . Ce sont ces quatre
lettres qui firent donner le nom de Machabée
à la race de celui qui le premier
les fit mettre sur les Etendarts qu'il leva
pour la deffense de la vraie Religion .
C'était dès ces tems- là , et ça été toujours
depuis l'usage des Juifs , de faire des
noms artificiels avec les premieres` lettres
des differens mots qui doivent entrer
dans les noms propres . De là sont venus
les termes de Radaq , de Ralbag
de
Rambana , &c. pour Rabbi David Kimchi
, Rabbi Levi - ben- genson , et Rabbi
Moses ben-maïmon , qui semblent ne rien
signifier à ceux qui ne sçavent pas ces
sortes d'Anagrames; plusieurs autres semblables
mots, dont on a ignoré la veritable
signification , ont fourni aux Cabba
listes les noms qu'ils ont donné aux intelligences
superieures .
Semiramis , Reine des Assyriens étoit
appellée en langage du pays Chemirmor ,
mot qui signifioit aussi une Colombe
de-là vient que les Enseignes de cet Empite
étoient chargées de ces Oyseaux pour
conserver le souvenir de l'Heroïne , de
qui il tenoit son premier éclat ; et quand
les Prophetes exhortoient les Juifs à la
pénitence , ils les menaçoient de cette
Colom
264 MERCURE DE FRANCE
<
Colombe Assyrienne , comme du fleau
de la vengeance Divine le plus à crain
dre.
Semiramis pourroit bien être la Venus
de Phenicie , que les Poëtes nous représentent
sur un Char traîné par des Colombes.
Selon que les Peuples ont été plus ou
moins policés, ils ont aussi employé pour
Drapeaux , ou Etendarts , des choses plus
ou moins recherchées.
Les Romains dans les commencemens
se contentoient de mettre un paquet
d'herbes au bout d'une picque . On sçait
que les Tartares se sont servi de queues
de Cheval , ce qui est encore en usage
chez les Turcs.
Lorsqu'on découvrit l'Amérique , les
habitans de ces vastes contrées n'avoient
pour Enseignes que de grands bâtons ornés
de plumes d'Oyseaux qu'ils appelloient
Calumets.
Les Romains mitent ensuite au bout de
la picque des représentations d'animaux ,
comme celles du Loup , du Cheval , du
Sanglier , du Minotaure , &c. C'est Pline
( L. X. C. IV. ) qui nous l'apprend ,
et ses Commentateurs donnent pour la
plûpart des raisons politiques de ces usages
; ils prétendent, par exemple, que le
Mino
FEVRIER, 1733. 265
Minotaure devoit faire ressouvenir les
gens de Guerre de garder le silence sur les
Entreprises projettées , et ce seroit apparemment
dans cet esprit que Festus appelle
la principale vertu militaire , la Religion
du secret.
Je suis persuadé que tous les animaux
qui servoient d'Enseignes aux Romains
n'étoient que les signes emblématiques
des Divinitez de l'Etat, et c'est pour cela,
sans doute , que l'Aigle étant le Symbole
de Jupiter , le Consul Marius voulut.
qu'elle eut le premier rang parmi les Etendarts.
Les Romains alloient donc à la Guerre
avec ces Symboles de leur culte , et lors
qu'ils eurent pris la coûtume de déïfier
leurs Empereurs , les Portraits de ces Princes
formerent chez eux de nouveaux Etendarts
, qu'ils joignirent aux anciens. Le
respect que les Soldats rendoient à leurs
Enseignes montroit qu'ils les regardoient
comme quelque chose de sacré .
C'étoit devant elles que se faisoient les
Sermens de fidelité , et les engagemens du
Service Militaire ; on les prenoit à témoins
des Traitez de Paix , et des promesses
faites aux Etrangers , on les encençoit
, et on les honoroit de plusieurs
autres cerémonies de Religion.
Le
266 MERCURE DE FRANCE:
Le bois, ou le métail étoient les matieres
dont on faisoit les Enseignes , et pour
la forme elles étoient en Sculpture entiere
, ou en bas relief, dans des Médaillons
au-dessous desquelles pendoit en forme
de Banniere un petit morceau d'Etoffe
quarré , dont la couleur distinguoit
les Légions les unes des autres.
Il y avoit aussi des Drapeaux d'Etoffe
sans aucunes figures , et ils étoient de
differentes couleurs ; cela s'apprend par
la maniere que les Romains avoient d'enrôler
des Soldats dans les pressans besoins
.
Le Géneral que la République avoit
désigné pour commander l'Armée montoit
au Capitole ; là il élevoit deux de ses
Drapeaux , l'un rouge qui étoit la mar
que de l'Infanterie , l'autre bleu qui étoit
celle de la Cavalerie ; ensuite à haute
voix il prononçoit ces paroles : Que ceuse
qui aiment le salut de la République ne tarà
me suivre. dent
pas
Ceux qui vouloient aller à la Guerre
chacun, suivant son inclination de servir
à pied , ou à cheval , se rangeoient sous
l'un des deux Drapeaux , et cette maniere
de faire des levées extraordinaires se nom
moit évocation.
Jusqu'au tems de Constantin il n'y
·
et
FEVRIER. 1733. 267
eut point de changement dans les Enseignes
Romaines : mais alors le Christianisme
, qui s'établissoit par tout l'Empire,
y en apporta. Les , Aigles , et les Croix
allerent de compagnie ; il se fit un mêlange
des usages de la vieille Religion
avec ceux de la nouvelle , et les Fideles.
étant alors absolument désabusés des erreurs
du Paganisme , et se trouvant en
très-grand nombre dans les Armées de
Constantin , et de ses Successeurs , il n'y
avoit plus à craindre qu'ils prostituassent
leur adoration aux Symboles des anciennes
Divinitez , comme ils avoient fait
auparavant.
Par là s'introduisit une espèce d'indifférence
pour toutes sortes d'Etendarts , et
au milieu du Christianis me même on
retint ces Symboles , inventés autrefois
par les Payens , qu'on jugea toujours utiles
pour la distinction , et qui devenoient
sans conséquence pour des Soldats Chré
tiens , instruits , et constans dans leur
Religion
Les Empereurs depuis Constantin eurent
pour principale Enseigne de Guerre
le Labarum qui étoit une petite Banniere
de couleur de pourpre , sur laquelle
étoit brodé le Monograme de
CHRIST ,
228 MERCURE DE FRANCE
CHRIST, Signe adorable de notre Rédemp
tion .
*
Les autres Nations Etrangeres que les
Romains nous ont fait connoître avoient
aussi leurs Signes Militaires. Tacite nous
apprend que ceux des Germains étoient
Les figures des bêtes communes dans les
Forêts que les peuples habitoient , et selon
le Pere Martin , ces bêtes étoient aussi
les Symboles de leurs Divinitez . On sçait
que c'est de l'union de ces Peuples ligués
ensemble qu'a été formée la Nation Françoise
ce qui fit que cette Nation eut
pendant long- tems differens Symboles
sur ses Etendarts , on y voyoit des Lions ,
des Serpens et des Crapeaux .
Tout cela sert à expliquer la prétenduë
Prophetie de Sainte Hildegarde , qui dans
ses révélations , en parlant de la ruine de
Rome par les Nations de la Germanie
assûre que Dieu donnera aux Francs le
Camp des prostituez , et que le Lion brisera
l'Aigle avec le secours du Serpent.
Cela servira encore à faire voir que
dans le XII . siécle , où vivoit cette Sainte
, les François n'avoient pas perdu la
* Dom Jacques Martin , dans son Livre sur la
Religion des Gaulois.
con :
FEVRIER. 1733 269
connoissance de leurs anciens Symboles
militaires et sur quels fondemens nos
vieux Historiens ont crû que les premieres
Armes du Royaume avoient été des
Crapaux.
:
Quand les François entrerent dans les
Gaules , ils étoient déja partagés en deux,
branches , l'une dite des Ripuaires , et
l'autre des Sicambres. Chacune de ces
branches avoit son Symbole celui de
la premiere étoit l'Epée , qui désignoit
Mars , Dieu principal de la Nation ; et la
seconde avoit pour le sien une tête de
Boeuf , ou un Apis , Dieu des Egyptiens ,
dont une partie des Francs tiroit son
origine.
J'ai montré dans ma Dissertation sur .
l'origine des François , que Sesostris ayant
poussé ses Conquêtes jusqu'aux Palus méo-´
tides , laissa plusieurs Egyptiens et Cananéens
qui s'établirent dans ces Contrées
d'où ils se sont répandus en differens tems
dans la Pannonie , et jusques dans la Germanie
, après s'être mêlés avec les Scytes
, et d'autres Peuples Septentrionaux.
Le Tombeau de Childeric découvert au
siécle passé , et dans lequel se trouverent
plusieursTêtes d'Apis, prouve que leSymbole
de ce Dicu étoit un des signes militaires
des François ; ainsi les Fleurs de
D lys
>
270 MERCURE DE FRANCE
lys qui sont depuis long- tems le caracte→
re distinctif de notre Nation , pouvoient
être aussi- bien des Lotus Egyptiens que
des Iris , ou des Flambes des Marais de
Batavie.
L'Ecriture des premiers Empires étoit
en caracteres symboliques , Les Caldéens
et les Egyptiens avoient des hierogliphes
pour exprimer leurs pensées , et les termes
des Sciences qu'ils cultivoient , surtout
de l'Astronomie ; cela se prouve par
les figures d'animaux dont ils marquoient
les Constellations célestes , que nous mar
quons encore des mêmes figures depuis
eux .
Les grands Empires de l'Orient ont
conservé depuis leur fondation jusqu'à
présent des Symboles distinctifs.Les Turcs!
ont le Croissant , les Persans ont un
Lion surmonté d'un Soleil Levant.
Le principal Kam des Tartares a un
Hibou , l'Empereur de la Chine un Dragon
, et les Mandarins qui sont les
Grands de cet Empire , portent sur leurs
habits des figures d'Oyseaux , et d'animaux
pour distinguer les differentes classes
que composent ces Seigneurs , ce qui
fait la même distinction que font les
marques particulieres de chacun de nos
Ordres de Chevalerie,
Les
FEVRIER. 17330 271
Les François garderent les Symboles
dont je viens de parler jusqu'au tems de
Clovis ; mais ce Roi après sa conversion ,
profitant du conseil salutaire que lui avoit
donné S. Remy : Mitis depone colla sicam
ber : adora quod incendisti , incende quod
adorasti , d'adorer ce qu'il avoit brûlé
et de brûler ce qu'il avoit adoré , fit mettre
des Croix sur ses Etendarts , et donna
à ce Signe respectable de la Religion qu'il
venoit d'embrasser , la premiere place sur
tous les autres dont sa Nation s'étoit servi
jusqu'alors.
J'ai dit plus haut que les Romains regardoient
leurs Enseignes comme quelque
chose de sacré , ils n'étoient pas les
seuls qui fussent dans cet usage , les autres
Nations payennes l'avoient de même
, ce qui me donne occasion de distinguer
deux sortes de signes militaires , les
uns de dévotion , faits pour exciter la
pieté dans les Soldats , et pour les mieux
contenir par la vue de ces Signes misterieux
de la Religion qu'ils professoient.
Et les autres inventez pour exciter simplement
la valeur . Ainsi on portoit dans,
les Armées des marques sacrées , et des
marques d'honneurs ou de politique.
>
Cette distinction est de tous les tems ;
Dij ct
272 MERCURE DE FRANCE
&
et a été chez tous les Peuples qui n'alloient
point à la Guerre sans des objets visibles
de leur culte.
Les Perses adorateurs du Soleil y al
loient avec le feu perpetuel qu'ils entretenoient
soigneusement sur des Autels -portatifs
.
Les Israëlites depuis Moyse jusqu'au
tems des Rois, n'entreprenoient point de
Guerres que l'Arche d'Alliance ne fut
presque toujours portée , pour montrer
que c'étoit de l'ordre du Seigneur qu'ils
les entreprenoient et qu'ils mettoient en
lui toute leur confiance.
Les Empereurs Grecs faisoient porter
la vraie Croix de Jesus- Christ dans les
Armées destinées à combattre pour la
Religion , ce qui fit tomber plusieurs fois
cette sainte Relique au pouvoir de ses
ennemis . Tous les Souverains des Monarchies
qui se formerent des débris de l'Empire
Romain , si tôt qu'ils eurent embrassé
le Christianisme , se firent un devoir
de n'aller à la Guerre qu'avec des
Reliques , et principalement de celles des
Saints qu'ils reconnoissoient comme leurs
Apôtres , et dont ils se firent des Patrons
pour reclamer leurs secours dans les pres
sans besoins.
Les Gots du Royaume d'Arragon se
voyant
FÉVRIER. 1733. 273
voyant attaquez par Childebert Roi de
France , furent au-devant de lui avec les
Reliques de S. Vincent , pour obtenir
plus facilement la paix de ce Prince.
On portoit processionellement les Châsses
des Saints sur les murailles d'une Ville
assiegée , et les yeux de la foi faisoient
souvent appercevoir aux peuples, assiegez
ces saints Protecteurs en qui ils avoient
confiance , qui paroissoient armés pour
les deffendre .
Les Apôtres S. Pierre et S. Paul combatirent
visiblement pour le Pape saint
Léon , lors de l'irruption d'Attila ; et les
Chrétiens d'Espagne virent plusieurs fois
S. Jacques , l'épée à la main , leur aider à
repousser les Maures.
Il ne faut pas douter par tous ces exem →
ples que les Rois de France , Successeurs
de Clovis , n'ayent eu aussi le même usage
, et qu'outre les Enseignes chargées de
Croix , ces Princes ne fissent porter à la
Guerre des Châsses pleines de Reliques.
Auguste Galland , dans un Ouvrage
qu'il a composé sur le même sujet que je
traite , pour n'avoir pas senti la distinction
qu'il faut faire des Enseignes pieuses ,
de celles de pure politique , est tombé
dans l'erreur de croire que la Chape de
Diij S.
.
274 MERCURE DE FRANCE
S. Martin , portée autrefois dans les Armées
Françoises , étoit positivement le
Manteau de ce Saint , que l'on attachoit
à une picque pour en faire la principale
Enseigne. Débrouillons un peu ce que
c'étoit que cette Chape , et montrons
qu'elle étoit toute differente de ce qu'on
nommoit Enseigne principale , ou nationale
, et que si on lui veut conserver le
nom d'Enseigne , elle ne sera que du nombre
de celles que j'ai nommées sacrées
pour les distinguer des autres qui étoient
purement des Symboles propres à exciter.
la valeur & le courage .
Chaque Nation chrétienne en prenant
un Saint , pour reclamer sa protection auprès
de Dieu , en choisissoit ordinairement
un qui eut vêcu parmi eux , et à qui
elle fut redevable de sa conversion
cette raison auroit dû engager les François
à prendre pour Patron ,ou S. Irenée , ou
l'un des sept Evêques reconnus unanimement
pour les premiers Apôtres des Gaules
.
Mais comme il auroit été difficile de
s'accorder sur celui de ces Saints , qui auroit
merité la préférence , et que chaque
Province auroit voulu avoir le Saint de
qui elle tenoit la foi , on se détermina insensiblement
à faire choix de S. Martin
EvêFEVRIER.
1733 275
1
Evêque de Tours , dont le souvenir des
mérites éclatans se conservoit encore par
une tradition vivante , et par les miracles
qui s'opéroient à son Tombeau , qui
étoit devenu par là le lieu le plus saint, et
le plus fréquenté du Royaume , comme
nous l'apprenons de S. Grégoire , un de
ses Successeurs. La Ville de Tours étoit
le centre du Royaume , et une de ses
Villes capitales , tout cela acheva de déterminer
les François à regarder S. Martin
comme leur principal Patron , et à
lui donner le premier rang sur tous les
autres Saints Missionnaires , qui avoient
prêché la Foi en France.
Ce que je viens de dire n'est pas une
simple conjecture ; nos anciennes Histoires
font assez connoître que la dévotion
à S. Martin , étoit si grande dans les
premiers siècles de la Monarchie , qu'il
n'étoit appellé que le Saint et le tres - Saint,
sans autre addition de nom : Dominus ,
Sanctus Dominus , gloriosissimus Dominus ;
la mémoire de ce Saint devint en si grande
veneration par toute la France que
jour de sa Fête étoit l'Epoque du renouvellement
de toutes les affaires civiles :
c'est pourquoi l'on y joignoit les Festins , et
les Réjouissances publiques, comme pour
servir d'heureux présage de ce qui devoit
D iiij
le
ar276
MERCURE DE FRANCE
arriver pendant l'année. Les Grands Parlemens
ne s'assembloient que pendant
l'octave qui suivoit cette Fête.
La dévotion generale de tout le peuple
envers S. Martin , procura de si grands
biens à l'Eglise où étoit son Tombeau par
l'affluance des Pelerins qui y laissoient de
Riches offrandes , que lorsque cette Eglise
, qui étoit d'abord une Abbaye de
l'Ordre de S. Benoît , fut secularisée l'an
848. par l'Empereur Charles - le -Chauve ;
ce Prince , à l'exemple de ses Prédecesseurs
, se fit un devoir de s'en déclarer le
Protecteur, et peu de temps après il y mit
un Abbé laïc , pour en administrer le
temporel.
Tous les Souverains ont de droit la Garde
et la Protection des Grandes Eglises
de leurs Etats . Sans faire remonter l'origine
de ce droit à Constantin , je remarquerai
seulement que depuis que Pepin et
son Fils Charlemagne se furent rendus
les deffenseurs de l'Eglise Romaine contre
les Lombards , les Successeurs de ces deux
Princes ne crurent pas avilir leur dignité,
en y ajoutant quelquefois la qualité d'Avoué
des Eglises les plus celebres de leur
Royaume. Louis , Roy de Germanie , fut
Advoüé de l'Abbaye de S.Gal, en Suisse ,
et l'Empereur Othon I. de celle de Gemblou
, en Brabant,
Hus
FEVRIER . 1733 277
Hugues Capet étant monté sur le
Trône , se démit de la qualité d'Abbé
Laïc de S. Martin de Tours , que ses
Ancêtres avoient portée depuis le Prince
Robert le Fort , se réservant néanmoins
pour lui et ses Successcurs , le Titre de
Chanoine d'honneur, pour montrer qu'il
prétendoit toujours conserver le droit de
Protection , que les Rois , ses Prédeces
seurs avoient voulu avoir sur cette fameuse
Abbaye.
Les premiers de nos Monarques qui s'obligerent
par piété , à proteger l'Abbaye
de S. Martin , pour montrer publiquement
que la dévotion étoit le seul motif
qui les engageoit , mirent la Banniere de
cette Abbaye au nombre de leurs Enseignes
generales , et par là cette Banniere ,
qui n'auroit dû paroître que dans les occasions
où il falloit soûtenir le temporel
de l'Abbaye , ayant été portée dans toutes
les grandes Expeditions que nos Rois
entreprirent , elle devint bien-tôt la prin
cipale Enseigne de la Nation .
La dévotion de nos Princes envers saint
Martin ne se borna pas là ; mais par une
suite de l'ancien usage , toutes les fois que
la Banniere de ce Saint alloit à l'Armée ,
elle étoit suivie des Reliques du Saint
même ; on ne trouvera rien d'extraordi-
D v naire
278 MERCURE DE FRANCE
naire dans cette pratique , si on se souvient
des exemples que j'ai donnez cy dessus ,
elle se perpetua tant que durerent les
Guerres contre Is Sarasins et les Normands
, qui ravagerent la France pendant
les 8,5 et 10 siécles . Ces Gurres étant
toutes des Guerres de Religion , on sentoit
alors mieux que dans tout autre
temps , combien on avoit besoin des secours
du Ciel , et de l'intercession des
Saints Patrons pour les obtenir. -
On ignoreroit entierement ce que c'étoit
que ces Reliques de S. Martin , portées
à l'Armée , sans une des Formules de la
Collection de Marculfe , qui nous apprend
que nos Rois avoient toujours près d'eux
un Oratoire ou Châsse qui contenoit en
tr'autres Reliques , des Vêtemens de S.
Martin ; que cet Oratoire nommé Cappa
Sanci Martini , suivoit par tout les Rois,
et sur tout à l'Armée , et qu'on avoit coutume
de faire jurer dessus ceux qui vouloient
se purger des crimes dont ils étoient
accusés.
Le mot de Châsse dérivé de celui de
Capsa , présente toujours l'idée d'une
chos qui couvre , ou qui en renferme
une autres ainsi on peut dire également
des Reliques enchassées , ou enchappées.
Dans la suite ces Châsses ou Chappes ,
que
FEVRIER . 1733 279
que l'on portoit dans les voyages furent
appellées Chapelles ; on disoit la Messe
dessus dans les Campemens ; la Coutu
me de l'Eglise ayant toujours été d'offrir
le Sacrifice sur les Reliques des Saints , et
les Prêtres qui désservoient ces Chapelles
furent nommez Chapellains . Valafrid
Strabon confirme ce que j'avance , et dit
en termes précis , que le Titre de Chapelain
fut donné à ceux qui portoient la
Chappe de S. Martin , et les autres Reliques
; preuve entiere que par ce mot de
Chapelle , il ne s'agit que de Reliquaires
portés par des Prêtres destinés à ces
fonctions , et non pas d'un Etendart qui
ne doit être porté que par gens en état de
le deffendre.
Quand le Clergé d'une Eglise recevoit un
Avoué , ou un Abbé Laïc , ce n'étoit
point en lui présentant les ornemens
convenables au Sacerdoce . Un Abbé ,
Prêtre , étoit investi par la Crosse et l'Anneau
; pour l'Avoué il ne l'étoit que par
la Banniere de l'Eglise qu'on lui mettoit
à la main .
Le Pape Leon II. avant que de couronner
l'Empereur Charlemagne , l'établit
Deffenseur du Patrimoine de Saint
Pierre , en lui mettant en main l'Etendart
des Saints Apôtres , ou le Gonfalon
D vj de
280 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglise , et de la Ville de Rome. Les
Comtes d'Auvergne prirent pour Armorries
la Banniere de l'Eglise de Brioude ,
depuis qu'ils eurent la protection de cette
Eglise .
Cette idée de protection a passé des
choses Saintes dans les Civiles ; et delà est
venu que dans plusieurs Républiques , le
Chef en est nommé Gonfaloniers qualité
Sinonime à celle de Protecteur et de
Conservateur des libertés du Peuple.
あ
Toutes les Cérémonies d'Eglise ayant
quelque chose d'auguste et de vénérable,
de-là les Deffenseurs de ces Eglises , qui
n'auroient dû se servir des Bannieres Écclésiastiques
que dans les occasions où il
s'agissoit de deffendre les biens du Saint
auquel ils étoient vouez . Ils ne laisserent
pas de se servir de ces Bannieres dans les
Guerres , qui ne les regardoient que directement
; ainsi par cette raison ( que j'al
déja dite ) les Rois de France faisoient
porter dans toutes leurs Guerres la Banniere
de S.Martin , et honoroient de cette
commission le premier Officier de leur
Couronne , pour montrer l'estime et le
respect qu'ils avoient pour cette Banniere
.
La dignité de Maire du Palais ayant été
éteinte avec la premiere Race de nos
Rois,
FEVRIER. 1733. 281
-
Rois , le premier Officier de la Couronne
étoit le Grand - Sénéchal. Lorsque la
Banniere de S. Martin devint l'Enseigne
principale de la Nation , cette importan
tante Charge , qui étoit la premiere da
Royaume , depuis qu'il n'y avoit plus de
Maire duPalais ,étoit possedée par lesComtes
d'Anjou ; ce qui fit que ces Comtes fu
rent les premiers honorez de la Dignité
de Porte Banniere de S.Martin , qui étoit
fa même chose que Grand- Enseigne de la
Couronne.
Les trois Dignités de Comte , de Sénéchal
, et de Porte Enseigne n'étoient
entrées dans cette Maison que par commission
, comme l'étoient sous les deux
premieres Races toutes les Dignités de
PEtat ; mais ces Comtes , à l'exemple des
autres Grands Vassaux , ayant retenu ces
trois Charges à titre héréditaire , ils prétendirent
avoir acquis par là le droit de
Conprotection sur l'Eglise de S. Martin ;
et les derniers Rois de la seconde Race
ayant négligé de le leur contester , il s'en
mirent si- bien en possession , qu'ils commirent
à leur tour d'autres Gentilhommes
, comme les Seigneurs de Preüilly et
de Partenay , pour porter en leur nom la
Banniere de S. Martin .
Toutes ces nouveautés ne trouverent
point
282 MERCURE DE FRANCE
point d'obstacle dans leur éxécution ,
parce que les Rois de la troisiéme Race
n'ayant plus que la Suseraineté de l'Anjou
, de la Touraine , et des Provinces
voisines , ils se choisirent un autre S. Patron
plus près du lieu de leur demeure ;
pour n'être pas obligés d'en aller cher
cher un dans des Païs dont ils n'avoient
plus la domination en entier ; cela fit diminuer
peu à peu la dévotion envers Saint
Martin , sur tout dans les Provinces qui
resterent immédiatement soumises à la
Couronne ; et nos Rois , depuis Hugues-
Caper, ayant fixé leur séjour à Paris . Saint
Denis , Patron de leur Capitale , le fut
bien- tôt de tout le Royaume.
Avant que de finir cette premiere Partie
de ma Dissertation , je ferai encore remarquer
que si Auguste Galland avoit
bien examiné lesPassages dont il s'est servî
pour prouver que la Chappe de S. Martin
étoit une Enseigne de Guerre , il auroit
trouvé dans le Rituel même de cette
Eglise , ( qu'il cite souvent ) des preuves
contraires a son sentiment.
Ce Rituel , en parlant des prérogatives
de distinction que les Comtes d'Anjou
avoient sur l'Abbaïe de S. Martin , marque
celle- ci : Ipse habet vexillum beati
Martini quotiens vadit in bello. Aux autres
1
FEVRIER. 1733. 283
tres endroits de ce Rituel le mot de
Vexillum y est toujours employé quand il
s'agit de quelque Acte Militaire ; et celui
de Cappa n'est emploïé que pour les Actions
purement Ecclésiastiques .
Comment ne pas sentir que ces deux
mots signifioient deux choses differèn
tes ? Er comment de Sçavans Critiques,
ont - ils pû être incertains sur ce que l'on
devoit entendre par la Chappe de S. Mar
tins et pancher à croire que c'étoit un
Manteau qui servoit d'Eténdart ? Une
pareille opinion est bonne à faire croire
apocriphe l'Histoire de la Chemise du
Sultan Saladin , qui après la mort de ce
Sultan , fut mise ( dit on ) au bout d'une
Pique , et promenée par toute son Ar
mée , pendant qu'un Hérault qui préce
doit , crioit à haute voix : Voici tout ce
qui reste de ce grand Homme Les Historiens
qui ont suivi Galland dans son erreur
, ne l'ont fait que pour n'avoir pas
sçu les doubles Symboles Militaires dont
on se servoit dans les Armées, et quisont
l'origine de ce qui se pratique encore en
donnant l'Ordre , ou le mot du Guet , à
la Guerre , ou dans les Villes fermées , qui
est de mettre ensemble le nom d'un Saint
et le nom d'une Ville , comme S. George
et Vandôme , &c,
An284
MERCURE
DE FRANCE
Anciennement quand les Comtes et les
Barons menoient leurs Vassaux à la Guerre
, chacun de ces Seigneurs avoit son cri
particulier , pour ranimer le courage de sa
Troupe dans les dangers , et pour faciliter
le raliement dans une déroute ; ce cri
militaire étoit , ou le nom de famille du
Chef de la Troupe , ou un mot pris à sa
fantaisie , auquel on joignoit souvent le
nom d'un Saint à qui le Chef avoit dé
votion.Comme
Notre - Dame de Chartres,
pour les Comtes de Champagne ;et Montjoye
, S. Denis. Ce dernier cri étoit celui
des Rois de France. J'en donnerai
l'explication dans la seconde partie de
cette Dissertation , en continuant de parler
des Enseignes Militaires des François,
et sur tout du fameux Oriflamme , sur
lequel j'ai à dire des choses nouvelles .
Fermer
Résumé : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
La dissertation de M. Beneton de Perrin, ancien gendarme de la Garde du Roi, explore l'histoire des enseignes militaires des Français. Les enseignes, initialement des marques militaires sous forme de couleurs ou de figures, servaient à reconnaître les troupes sur le champ de bataille. Chaque nation vénérait ses enseignes, et leur perte était considérée comme un affront majeur. Les Juifs, par exemple, avaient des enseignes spécifiques pour chaque tribu, et les drapeaux des Machabées portaient les lettres MCBI, symbolisant la force divine. Les enseignes variaient selon les cultures : les Romains utilisaient des paquets d'herbes ou des représentations d'animaux, tandis que les Tartares et les Turcs employaient des queues de cheval. Les Amérindiens utilisaient des calumets ornés de plumes. Après l'adoption du christianisme, les Romains intégrèrent des symboles chrétiens comme le labarum, une bannière pourpre avec le monogramme de Christ. Les Français, issus de l'union de divers peuples germains, avaient des symboles variés comme des lions, des serpents et des crapauds. Après la conversion de Clovis, les croix furent ajoutées aux enseignes. Les enseignes étaient souvent considérées comme sacrées et servaient à exciter la piété et la valeur des soldats. Les Perses, les Israélites et les Empereurs grecs portaient également des symboles religieux lors des combats. Les reliques et les bannières saintes étaient couramment utilisées dans les armées chrétiennes. Les Goths d'Arragon portaient les reliques de Saint Vincent pour obtenir la paix face à Childebert, roi de France. Les chrétiens voyaient souvent leurs saints protecteurs armés pour les défendre. Les Apôtres Saint Pierre et Saint Paul combattirent pour le pape Saint Léon contre Attila, et Saint Jacques aida les chrétiens d'Espagne contre les Maures. En France, les rois successeurs de Clovis portaient des châsses pleines de reliques à la guerre. Les nations chrétiennes choisissaient souvent un saint local comme protecteur. Les Français adoptèrent Saint Martin de Tours, dont le tombeau était un lieu de pèlerinage important. La dévotion à Saint Martin était si grande que son jour de fête marquait le renouvellement des affaires civiles et les réjouissances publiques. Les souverains avaient le droit de protéger les grandes églises de leurs États. Les rois francs, comme Pépin et Charlemagne, se déclarèrent défenseurs de l'Église romaine et protecteurs des abbayes célèbres. La bannière de Saint Martin devint l'enseigne principale de la nation française, portée dans toutes les grandes expéditions. Elle était accompagnée des reliques du saint, surtout lors des guerres contre les Sarrasins et les Normands. Les rois avaient un oratoire contenant des vêtements de Saint Martin, utilisé pour les serments. Les chapelles, dérivées du mot 'chape' (reliquaire), étaient des lieux de messe dans les campements. Les chapelains étaient les prêtres chargés de porter les reliques. Les défenseurs des églises utilisaient les bannières ecclésiastiques même dans les guerres non directement liées à la défense des biens saints. Les cris de ralliement étaient également utilisés pour encourager les troupes et faciliter le ralliement en cas de déroute. Ces cris pouvaient être le nom de famille du chef ou un mot de son choix, souvent accompagné du nom d'un saint auquel le chef était dévot. Par exemple, les Comtes de Champagne utilisaient 'Notre-Dame de Chartres', et les Rois de France utilisaient 'Montjoye' et 'Saint-Denis'. L'auteur prévoit d'expliquer davantage les enseignes militaires des Français, notamment l'Oriflamme, dans une seconde partie de sa dissertation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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41
p. 454-458
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure, au mois de Décembre 1732. sur l'état de la Religion en Moscovie.
Début :
On a imprimé dans la Gazette d'Amsterdam, du 25. Novembre dernier, [...]
Mots clefs :
Russie, Religion, Ribera, Clergé, Église, Luthériens, Libelle, Moscovie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure, au mois de Décembre 1732. sur l'état de la Religion en Moscovie.
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux
Auteurs du Mercure , au mois de Décembre
1732. sur l'état de la Religion
en Moscovie.
O
Na imprimé dans la Gazette
d'Amsterdam , du 25. Novembre
dernier , une nouvelle qui fait le principal
sujet de cette Lettre. Cette Nouvelle
est ainsi énoncée. On écrit de Pesersbourg,
qu'on y avoit arrêté plusieurs personnes
à l'occasion d'un Libelle rempli d'in-
Vectives
MARS. 1733. 455
vectives contre les Protestans , et adressé an
Clergé de Russie.
La Moscovie fait aujourd'hui une figure
trop considerable dans l'Europe , et
la Religion Catholique est trop interessée
dans ce qui se passe au sujet du prétendu
Libelle , pour qu'on ne soit pas bien aise
de trouver dans votre Journal un petit
Commentaire , sur les paroles qui viennent
d'être rapportées .
Tout ce qu'il y a de veritables et de
zelez Moscovites , est aussi éloigné des
erreurs des Luthériens , qu'attaché au
Schisme qui les divise de l'Eglise Romaine
; mais la multitude des Luthériens
et des Calvinistes , qui depuis le Regne
de Pierre I. a commencé d'inonder la
Russie , a fait craindre au Clergé de cet
Empire , que leurs erreurs ne s'y introduisent
avec eux ; et 1Evenement n'a
que trop justifié cette crainte . Pour prévenir
ce malheur , le dernier Archevêque
de Resan , qui sous le titre d'Exarque
, étoit l'Administrateur du Patriar
chat , que le Czar a enfin aboli , et qui
étoit un Prélat également cher et rèspectable
à tous les Russes , composa un
Ouvrage en sa Langue , qu'il intitula :
Petra Fidei , et qui devoit être un préservatif
contre l'entrée et le progrès du
Lu
456 MERCURE DE FRANCE
Lutheranisme dans l'Eglise Grecque .
Cet Ouvrage allarma les Luthériens ,
qui y firent faire une Réponse par François
Buddée , l'un de leurs plus habiles
Professeurs ; c'est du moins sous son nom.
que l'Ouvrage a parû. Cette prétenduë
Apologie étant tombée entre les mains
du R. P. Ribera , Dominiquain , Docteur
en Théologie , qui avoit accompàgné
M. le Duc de Liria , Ambassadeur
de S. M. C. à la Cour de Russie , en
qualité d'Aumônier , avec le titre de
Missionnaire Apostolique ; le zele de ce
Pere s'enflamma à la vûe d'un Ouvrage
où la Religion Catholique , n'est , à la
verité , que foiblement attaquée , mais
où la passion prodiguoit les plus grossieres
calomnies , et n'épargnoit aucune
de ces expressions odieuses , dont les honnêtes
gens dans le Parti Luthérien ont
toûjours rougi.
L. P. Ribera répondit donc à cette
'Apologie ; il communiqua sa Réponse ,
avant que de la publier à des Personnes
du premier Rang dans le Clergé de
Russie , et l'Approbation unanime qu'ils
y donnerent le détermina à la dédier à
l'Imperatrice de Russie même.
La Cour de Moscovie n'auroit jamais
fait des affaires aux Partisans de cet Ouvrage
MARS. 17336
457
vrage , et n'en auroit pas même porté
ses plaintes dans des Cours Etrangeres
,
si le Ministere n'étoit composé que de
Membres
de l'Eglise Grecque ; voilà ce
que c'est que le prétendu Libelle dont
il est parlé dans la Gazette citée cy -dessus ."
Si vous voulez , avant que d'imprimer
ma Lettre , avoir une plus ample connoissance
de l'Ouvrage du P. Ribera ,.
vous en trouverez un Exemplaire chez
le R. P. le Quien , sçavant et celebre Do
miniquain du Convent de la Ruë S. Ho-'
noré , il se fera , sans doute , un plaisir
de vous le communiquer
. Je crois que
Pinterêt de la Religion doit engager les
Auteurs de differens Journaux Litteraires
d'en donner un Extrait.
Quoique ce ne soit pas le P. Ribera
qui vous écrit cette Lettre , si vous avez
besoin de quelques éclaircissemens sur
son contenu , vous pouvez vous adresser
à lui en droiture dans son Convent
à Vienne en Autriche , d'où je vous écris
ce 20 , Décembre 1732.
Je vous envoye en même-temps une
Traduction ou Imitation des fameux Vers
de Seneque. Stet quicumque volet , &c.
Elle a été faite pour le fameux Maréchal
Guy' de Staremberg , qui répetoit continuellement
et s'étoit appliqué ces Vers ;
Ç c'est
458 MERCURE DE FRANCE
que
c'est lui
le Traducteur
fait parler.
Avant que de publier la Lettre dont
on vient de lire l'Extrait , nous avons
cr devoir la communiquer
au R. P le
Quien, qui a bien voulu nous envoyer les
Observations
suivantes ,
Auteurs du Mercure , au mois de Décembre
1732. sur l'état de la Religion
en Moscovie.
O
Na imprimé dans la Gazette
d'Amsterdam , du 25. Novembre
dernier , une nouvelle qui fait le principal
sujet de cette Lettre. Cette Nouvelle
est ainsi énoncée. On écrit de Pesersbourg,
qu'on y avoit arrêté plusieurs personnes
à l'occasion d'un Libelle rempli d'in-
Vectives
MARS. 1733. 455
vectives contre les Protestans , et adressé an
Clergé de Russie.
La Moscovie fait aujourd'hui une figure
trop considerable dans l'Europe , et
la Religion Catholique est trop interessée
dans ce qui se passe au sujet du prétendu
Libelle , pour qu'on ne soit pas bien aise
de trouver dans votre Journal un petit
Commentaire , sur les paroles qui viennent
d'être rapportées .
Tout ce qu'il y a de veritables et de
zelez Moscovites , est aussi éloigné des
erreurs des Luthériens , qu'attaché au
Schisme qui les divise de l'Eglise Romaine
; mais la multitude des Luthériens
et des Calvinistes , qui depuis le Regne
de Pierre I. a commencé d'inonder la
Russie , a fait craindre au Clergé de cet
Empire , que leurs erreurs ne s'y introduisent
avec eux ; et 1Evenement n'a
que trop justifié cette crainte . Pour prévenir
ce malheur , le dernier Archevêque
de Resan , qui sous le titre d'Exarque
, étoit l'Administrateur du Patriar
chat , que le Czar a enfin aboli , et qui
étoit un Prélat également cher et rèspectable
à tous les Russes , composa un
Ouvrage en sa Langue , qu'il intitula :
Petra Fidei , et qui devoit être un préservatif
contre l'entrée et le progrès du
Lu
456 MERCURE DE FRANCE
Lutheranisme dans l'Eglise Grecque .
Cet Ouvrage allarma les Luthériens ,
qui y firent faire une Réponse par François
Buddée , l'un de leurs plus habiles
Professeurs ; c'est du moins sous son nom.
que l'Ouvrage a parû. Cette prétenduë
Apologie étant tombée entre les mains
du R. P. Ribera , Dominiquain , Docteur
en Théologie , qui avoit accompàgné
M. le Duc de Liria , Ambassadeur
de S. M. C. à la Cour de Russie , en
qualité d'Aumônier , avec le titre de
Missionnaire Apostolique ; le zele de ce
Pere s'enflamma à la vûe d'un Ouvrage
où la Religion Catholique , n'est , à la
verité , que foiblement attaquée , mais
où la passion prodiguoit les plus grossieres
calomnies , et n'épargnoit aucune
de ces expressions odieuses , dont les honnêtes
gens dans le Parti Luthérien ont
toûjours rougi.
L. P. Ribera répondit donc à cette
'Apologie ; il communiqua sa Réponse ,
avant que de la publier à des Personnes
du premier Rang dans le Clergé de
Russie , et l'Approbation unanime qu'ils
y donnerent le détermina à la dédier à
l'Imperatrice de Russie même.
La Cour de Moscovie n'auroit jamais
fait des affaires aux Partisans de cet Ouvrage
MARS. 17336
457
vrage , et n'en auroit pas même porté
ses plaintes dans des Cours Etrangeres
,
si le Ministere n'étoit composé que de
Membres
de l'Eglise Grecque ; voilà ce
que c'est que le prétendu Libelle dont
il est parlé dans la Gazette citée cy -dessus ."
Si vous voulez , avant que d'imprimer
ma Lettre , avoir une plus ample connoissance
de l'Ouvrage du P. Ribera ,.
vous en trouverez un Exemplaire chez
le R. P. le Quien , sçavant et celebre Do
miniquain du Convent de la Ruë S. Ho-'
noré , il se fera , sans doute , un plaisir
de vous le communiquer
. Je crois que
Pinterêt de la Religion doit engager les
Auteurs de differens Journaux Litteraires
d'en donner un Extrait.
Quoique ce ne soit pas le P. Ribera
qui vous écrit cette Lettre , si vous avez
besoin de quelques éclaircissemens sur
son contenu , vous pouvez vous adresser
à lui en droiture dans son Convent
à Vienne en Autriche , d'où je vous écris
ce 20 , Décembre 1732.
Je vous envoye en même-temps une
Traduction ou Imitation des fameux Vers
de Seneque. Stet quicumque volet , &c.
Elle a été faite pour le fameux Maréchal
Guy' de Staremberg , qui répetoit continuellement
et s'étoit appliqué ces Vers ;
Ç c'est
458 MERCURE DE FRANCE
que
c'est lui
le Traducteur
fait parler.
Avant que de publier la Lettre dont
on vient de lire l'Extrait , nous avons
cr devoir la communiquer
au R. P le
Quien, qui a bien voulu nous envoyer les
Observations
suivantes ,
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure, au mois de Décembre 1732. sur l'état de la Religion en Moscovie.
En décembre 1732, une lettre adressée aux auteurs du Mercure traite de la situation religieuse en Moscovie. Elle fait référence à une nouvelle de la Gazette d'Amsterdam, rapportant l'arrestation de plusieurs personnes à Pesersbourg pour un libelle contenant des attaques contre les protestants, destiné au clergé russe. La Moscovie, en raison de son importance en Europe et des intérêts de la religion catholique, attire une attention particulière concernant ce libelle. Les Moscovites sont décrits comme éloignés des erreurs luthériennes et attachés au schisme qui les sépare de l'Église romaine. Cependant, l'afflux de luthériens et de calvinistes en Russie depuis le règne de Pierre I a inquiété le clergé local, craignant l'introduction de leurs doctrines. Pour contrer cette menace, le dernier archevêque de Resan a composé un ouvrage intitulé 'Petra Fidei' pour protéger l'Église grecque contre le luthéranisme. Cet ouvrage a suscité une réponse de François Budde, un professeur luthérien. La réponse est tombée entre les mains du père Ribera, un dominicain et docteur en théologie, qui a rédigé une réfutation. Cette réfutation a été approuvée par des membres éminents du clergé russe et dédiée à l'impératrice de Russie. La lettre suggère que la cour de Moscovie n'aurait pas réagi si le ministère était composé uniquement de membres de l'Église grecque. L'auteur de la lettre propose aux auteurs du Mercure de consulter le père le Quien pour obtenir un exemplaire de l'ouvrage du père Ribera et en donner un extrait. La lettre se conclut par une traduction des vers de Sénèque, faite pour le maréchal Guy de Starhemberg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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42
p. 523-528
La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
Début :
LA RELIGION DEFENDUE, Poëme. Brochure in 8. de 46. pages, 1733. [...]
Mots clefs :
Dieu, Religion, Esprit, Épître à Uranie, Poème, Poète chrétien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
LA RELIGION DEFFENDUE , Poëme.
Brochure in 8. de 46. pages , 1733.
Rien n'est plus loüable et plus digne
d'un Poëte Chrétien , que le sujet de ce
Poëme , auquel une autre Piece de Poësie
d'une trempe toute differente , qui
n'a trouvé aucun Approbateur parmi les
honnêtes Gens , a donné lieu . Il paroît
au contraire que celle- cy a été goutée
de tous les Gens de bien et de plusieurs
Connoisseurs , à la tête desquels nous
n'hésiterons point de mettre M.leCardinal
de Polignac , dont le suffrage est important.
S. E. ne s'est pas contentée de loüer
le Poëme , mais nous apprenons qu'elle
s'est fait un plaisir d'en distribuer plusieurs
Exemplaires. La Piece mérite
en effet cette distinction. L'Auteur ,
que nous sçavons être un homme du
monde , connu par d'autres Ouvrages
y répond exactement à l'Epitre à Uranie,
em
524 MERCURE DE FRANCE
en ornant des agrémens de la Poësie les
preuves sensibles et invincibles de la Religion
Chrétienne . Donnons ici quelques
de ce que nous venons de dire preuves
par deux ou trois Endroits de ce Poëme,
dont le commencement est tel.
Un Lucrece nouveau prétend que ton Génie ,
De la Religion sonde la verité :
J'y consens , sçavante Uranie
La Foi de la Raison ne craint point la clarté.
Mais ne présumons pas de notre intelligence ,
Que tout à ses efforts soit pleinement ouvert.
Nous jugeons des faits seuls et de leur évidence
Et le reste est pour nous de tenebres couvert.
Ces Globes enflamez qui roulent sur nos têtes ,
Et ceux qui des premiers empruntent leur splen
deur ,
Mon esprit veut avec ardeur ,
>
Les mettre au rang de ses conquêtes ;
Il n'apperçoit de ces grands Corps ,
Que les mouvemens , l'ordre etles divers rapports
Mais leur harmonie admirable ,
Le ressort qui les meut , et leur germe
Sont un abyme impenetrable ,
Qui me surpasse et me confond.
fécond ,
Le Poëte passe ensuite à la connoissance
de l'Homme , et s'exprime ainsi :
Si
MARS. 1733.
525
Je n'ose m'observer , eh ! que suis- je moi-même ?
Prodige merveilleux , autant qu'il est commun !
Deux Etres distinguez qui n'en composent qu'un,
Vivant et sublime Problême ;
Deux Etres ennemis qui font societé ,
Deux Etres assortis qui souvent sont en guerre ;
Un Atome enchaîné dans un coin de la Terre ,
Comme un point de l'Immensité ;
Un Esprit qui , brisant le joug de la matiere ,
Par sa grande velocité ,
unit dans un moment à la Nature entiere
Se plonge dans l'infinité ,
Et par les plus sûrs témognages ,
Trouve enfin la Divinité ,
Peinte et cachée en ses Ouvrages .
De l'Ame avec le Corps je connois l'union ,
Je sens l'alternative étrange et réguliere
De leur mutuelle action ;
Mais j'en ignore la maniere,
Puis refléchissant sur ce qu'il vient
d'exposer si noblement , il conclud .
C'est ainsi que nos connoissances ,
Se bornent toutes à des faits ,
Dont nous tirons des conséquences ,
pour nous la Source est sous un voile
Mais dont
épais.
Aces Principes il en ajoûte d'autres
aussi
$ 26 MERCURE DE FRANCE
aussi solidement établis , et il les oppose
en ces termes à la Doctrine erronée de
l'Auteur de l'Epitre à Uranie.
Voilà des Principes sacrés ,
Et d'une éternelle origine ;
Que l'Esprit fort qui t'endoctrine , `
Ou te cache, Uranie , ou n'a point penetrés ,
C'est eux que ta raison doit recevoir pour guides
. Dans l'examen qu'elle entreprend ;
Devant eux passeront de même qu'un Torrent ,
Ces Vers bien cadencés , mais de sens toujours
vuides ,
Qui du Dieu des Chrétiens font un Monstre
odieux .
De ton Lucrece alors les routes détournées ,
Par toi seront abandonnées ,
Et le sentier du Christ plaira seul à tes yeux.
Nous sommes forcez par la necessité
de nos bornes , de nous arrêter là et de
ne pas suivre le Poëte Chrétien dans le
reste de son Ouvrage , qui contient proprement
l'Histoire abregée et une Apologie
solide de notre sainte Religion ;
on y trouve des traits charmans et lumineux
, avec une réfutation , toujours
invincible , des Argumens proposez par
l'Esprit d'erreur et de mensonge.
Nous ne sçaurions omettre en finissane
MARS. 1733 527
sant , que rien n'est plus heureusement
développé que le salutaire Mystere de
la Grace , exposé , suivant la Doctri
ne de l'Eglise : la bonté et la justice de
Dieu y sont conciliées selon le même esprit
; et le Poëte termine enfin cette importante
matiere , et tout son Ouvrage ,
par ces Vers cy , que le temps où nous
sommes , particulierement consacré à la
Religion et à la pieté, rendra encore plus
dignes dattention.
Aces fideles traits reconnois , Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens,
Non , ce n'est point ce Dieu qui dans sa tyrannic
Des vertus qu'il prescrit nous ôtant les moyens ,
Nous punit de sa barbarie ;
Ce Dieu plein de fureur en son aveuglement ,
Ce Dieu ridicule et volage ,
Qui n'agit qu'au hazard et toujours se dément ;
Tel enfin que l'Impie en a tracé l'image.
Notre Dieu , juste , égal et rempli de bonté,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire ,
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui-même pour salaire ,
Et sa sagesse éclate en tout ce qu'il opere.
Pour un Dieu qui n'a pas limité ses bienfaits ;
Oserions-nous borner notre reconnoissance ?
Soyons de son amour embrasez à jamais ;
Qu'il
28 MERCURE DE FRANCE
Qu'il soit toute notre esperance .
Si nous devons l'aimer , nous devons le servir
Dans la Religion qu'il établit lui- même ,
Afin que nous puissions ravir
La Palme du bonheur suprême.
Sans doute que de l'homme un si juste retour
N'acroîtra point de Dieu la gloire ou la puissance.
Mais il a mis sa complaisance ,
Dans ce tribut de notre amour.
Tout autre culte est un outrage
Qui le rend contre nous un Juge rigoureux ;
Et la forme de notre hommage
Lui fait seule adopter nos vertus et nos voeux .
Brochure in 8. de 46. pages , 1733.
Rien n'est plus loüable et plus digne
d'un Poëte Chrétien , que le sujet de ce
Poëme , auquel une autre Piece de Poësie
d'une trempe toute differente , qui
n'a trouvé aucun Approbateur parmi les
honnêtes Gens , a donné lieu . Il paroît
au contraire que celle- cy a été goutée
de tous les Gens de bien et de plusieurs
Connoisseurs , à la tête desquels nous
n'hésiterons point de mettre M.leCardinal
de Polignac , dont le suffrage est important.
S. E. ne s'est pas contentée de loüer
le Poëme , mais nous apprenons qu'elle
s'est fait un plaisir d'en distribuer plusieurs
Exemplaires. La Piece mérite
en effet cette distinction. L'Auteur ,
que nous sçavons être un homme du
monde , connu par d'autres Ouvrages
y répond exactement à l'Epitre à Uranie,
em
524 MERCURE DE FRANCE
en ornant des agrémens de la Poësie les
preuves sensibles et invincibles de la Religion
Chrétienne . Donnons ici quelques
de ce que nous venons de dire preuves
par deux ou trois Endroits de ce Poëme,
dont le commencement est tel.
Un Lucrece nouveau prétend que ton Génie ,
De la Religion sonde la verité :
J'y consens , sçavante Uranie
La Foi de la Raison ne craint point la clarté.
Mais ne présumons pas de notre intelligence ,
Que tout à ses efforts soit pleinement ouvert.
Nous jugeons des faits seuls et de leur évidence
Et le reste est pour nous de tenebres couvert.
Ces Globes enflamez qui roulent sur nos têtes ,
Et ceux qui des premiers empruntent leur splen
deur ,
Mon esprit veut avec ardeur ,
>
Les mettre au rang de ses conquêtes ;
Il n'apperçoit de ces grands Corps ,
Que les mouvemens , l'ordre etles divers rapports
Mais leur harmonie admirable ,
Le ressort qui les meut , et leur germe
Sont un abyme impenetrable ,
Qui me surpasse et me confond.
fécond ,
Le Poëte passe ensuite à la connoissance
de l'Homme , et s'exprime ainsi :
Si
MARS. 1733.
525
Je n'ose m'observer , eh ! que suis- je moi-même ?
Prodige merveilleux , autant qu'il est commun !
Deux Etres distinguez qui n'en composent qu'un,
Vivant et sublime Problême ;
Deux Etres ennemis qui font societé ,
Deux Etres assortis qui souvent sont en guerre ;
Un Atome enchaîné dans un coin de la Terre ,
Comme un point de l'Immensité ;
Un Esprit qui , brisant le joug de la matiere ,
Par sa grande velocité ,
unit dans un moment à la Nature entiere
Se plonge dans l'infinité ,
Et par les plus sûrs témognages ,
Trouve enfin la Divinité ,
Peinte et cachée en ses Ouvrages .
De l'Ame avec le Corps je connois l'union ,
Je sens l'alternative étrange et réguliere
De leur mutuelle action ;
Mais j'en ignore la maniere,
Puis refléchissant sur ce qu'il vient
d'exposer si noblement , il conclud .
C'est ainsi que nos connoissances ,
Se bornent toutes à des faits ,
Dont nous tirons des conséquences ,
pour nous la Source est sous un voile
Mais dont
épais.
Aces Principes il en ajoûte d'autres
aussi
$ 26 MERCURE DE FRANCE
aussi solidement établis , et il les oppose
en ces termes à la Doctrine erronée de
l'Auteur de l'Epitre à Uranie.
Voilà des Principes sacrés ,
Et d'une éternelle origine ;
Que l'Esprit fort qui t'endoctrine , `
Ou te cache, Uranie , ou n'a point penetrés ,
C'est eux que ta raison doit recevoir pour guides
. Dans l'examen qu'elle entreprend ;
Devant eux passeront de même qu'un Torrent ,
Ces Vers bien cadencés , mais de sens toujours
vuides ,
Qui du Dieu des Chrétiens font un Monstre
odieux .
De ton Lucrece alors les routes détournées ,
Par toi seront abandonnées ,
Et le sentier du Christ plaira seul à tes yeux.
Nous sommes forcez par la necessité
de nos bornes , de nous arrêter là et de
ne pas suivre le Poëte Chrétien dans le
reste de son Ouvrage , qui contient proprement
l'Histoire abregée et une Apologie
solide de notre sainte Religion ;
on y trouve des traits charmans et lumineux
, avec une réfutation , toujours
invincible , des Argumens proposez par
l'Esprit d'erreur et de mensonge.
Nous ne sçaurions omettre en finissane
MARS. 1733 527
sant , que rien n'est plus heureusement
développé que le salutaire Mystere de
la Grace , exposé , suivant la Doctri
ne de l'Eglise : la bonté et la justice de
Dieu y sont conciliées selon le même esprit
; et le Poëte termine enfin cette importante
matiere , et tout son Ouvrage ,
par ces Vers cy , que le temps où nous
sommes , particulierement consacré à la
Religion et à la pieté, rendra encore plus
dignes dattention.
Aces fideles traits reconnois , Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens,
Non , ce n'est point ce Dieu qui dans sa tyrannic
Des vertus qu'il prescrit nous ôtant les moyens ,
Nous punit de sa barbarie ;
Ce Dieu plein de fureur en son aveuglement ,
Ce Dieu ridicule et volage ,
Qui n'agit qu'au hazard et toujours se dément ;
Tel enfin que l'Impie en a tracé l'image.
Notre Dieu , juste , égal et rempli de bonté,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire ,
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui-même pour salaire ,
Et sa sagesse éclate en tout ce qu'il opere.
Pour un Dieu qui n'a pas limité ses bienfaits ;
Oserions-nous borner notre reconnoissance ?
Soyons de son amour embrasez à jamais ;
Qu'il
28 MERCURE DE FRANCE
Qu'il soit toute notre esperance .
Si nous devons l'aimer , nous devons le servir
Dans la Religion qu'il établit lui- même ,
Afin que nous puissions ravir
La Palme du bonheur suprême.
Sans doute que de l'homme un si juste retour
N'acroîtra point de Dieu la gloire ou la puissance.
Mais il a mis sa complaisance ,
Dans ce tribut de notre amour.
Tout autre culte est un outrage
Qui le rend contre nous un Juge rigoureux ;
Et la forme de notre hommage
Lui fait seule adopter nos vertus et nos voeux .
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Résumé : La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
La brochure 'LA RELIGION DEFFENDUE, Poëme', publiée en 1733, est une œuvre poétique de 46 pages. Elle est acclamée pour son sujet digne d'un poète chrétien et a été appréciée par des personnes respectables, dont le Cardinal de Polignac. Le poème répond à une autre œuvre poétique jugée inappropriée par les honnêtes gens. L'auteur, un homme du monde connu pour ses autres ouvrages, utilise la poésie pour présenter les preuves de la religion chrétienne. Le poème commence par une réflexion sur les limites de la compréhension humaine face à la complexité de l'univers et de l'âme humaine. Il explore ensuite la nature duale de l'homme, à la fois matériel et spirituel, et conclut que les connaissances humaines sont limitées à des faits observables. Le poème oppose ensuite les principes sacrés de la religion chrétienne aux doctrines erronées, réfutant les arguments des esprits forts. Il développe également le mystère de la grâce, conciliant la bonté et la justice de Dieu. Le poème se termine par une description du Dieu chrétien comme juste, égal et rempli de bonté. Il invite à adorer et servir ce Dieu dans la religion qu'il établit, soulignant que tout autre culte est un outrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 626-642
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën, sur la Mort du R. P. de la Tour, Superieur General de la Congrégation de l'Oratoire.
Début :
Celui que nous pleurons si justement, n'a point été de ces Hommes qui [...]
Mots clefs :
Congrégation de l'Oratoire, Esprit, Mérite, Qualités, Génie, Religion, Fécondité, Charité, Éclat, Probité, Pierre-François d'Arerez de la Tour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën, sur la Mort du R. P. de la Tour, Superieur General de la Congrégation de l'Oratoire.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën,
sur la Mort du R. P. de la Tour , Superieur
General de la Congrégation de
POratoire.
Elui que nous pleurons si justement,
CEL
د
n'a point été de ces Hommes qui
enlevez de bonne heure et comme au
commencement de leur carriere , laissent
à la liberté des conjectures ce qu'ils
auroient été , s'ils eussent long- temps
vécu et qu'ils eussent eu le loisir de répondre
AVRIL. 1733 627
pondre à toutes les esperances qu'ils faisoient
concevoir ; le R. P. de la Tour a
tenu tout ce qu'on pouvoit se promettre
de lui ; il a été même beaucoup au - delà ;
il semble n'avoir passé par tous les degrez
de la vie humaine , que pour faire
sentir de quoi est capable un grand génie
cultivé par l'étude
l'étude , exercé par la
varieté et par la difficulté des conjonc
tures .
Son enfance brilla par tous les succès
litteraires qui recommandent un mérite
naissant. Ces fleurs qui contiennent ordinairement
d'heureux germes , produisirent
des fruits auffi exquis qu'abondans.
Il ne fut point de ces arbres qui
s'épuisent par une fécondité prématurée ;
il promit et accorda une longue et heureuse
fertilité. Né de parens dont la noblesse
recevoit un nouvel éclat de la probité
et de la Religion , son enfance fut
cultivée par une éducation qui dévelopa
promptement un naturel riche et propre
à toutes les Sciences.
La réputation de M. Cally , Professeur
de Philosophie dans l'Université de
Caën , attira le jeune de la Tour en cette
Ville , que les études ont rendue depuis
long- temps fameuse . La Philosophie de
Descartes y avoit été réduite à l'usage
A v des
628 MERCURE DE FRANCE
des Ecoles par ce celebre Professeur qui
eur Phonneur le premier de la rendre
méthodique et de la mettre à la portée
des jeunes gens , par cette clarté et par
cet air de démonstration qui éclatent
dans tout ce qu'il a écrit. Son Eleve ,
âgé de 17. ans , squtint des Theses publiques
à la fin de son Cours avec une
éclatante distinction .
Ce fut dans la Congrégation de l'O
ratoire où Dieu l'appella pour l'execution
de ses desseins sur lui , qu'il se trouva
au bout de quelque temps libre des
préjugez qui retiennent un esprit ordinaire
toujours captif. Sa penetration lui
fit concevoir que tous les sistêmes ne
sont en eux - mêmes qu'un arrangement ,
arbitraire d'idées , plus ou moins heureux
, suivant l'étendue et la force du
génie de ceux qui en sont les Auteurs.
>
Des vûës si saines éclairées par la Religion
, que le P. de la Tour étudia
avec le goût que la solidité de l'esprit
et la pureté des moeurs ne manquent
jamais d'inspirer , l'appliquerent de bonne
heure aux Instructions publiques . Un
stile pur sans affectation , noble sans en-
Aure une composition réguliere sans
être gênée , plus nourrie de l'Ecriture
Sainte et de la lecture des Peres qu'abondante
AVRÍL. · 1733 . 629
dante en ornemens et en descriptions
Aleuries ; une déclamation douce , un ton
gracieux , un geste naturel caracteriserent
ses discours et le firent écouter dans
Paris avec autant d'applaudissement que
de concours ; et ce qui fait la solide gloire
des Prédicateurs , ses Discours furent
accompagnez de beaucoup de fruits et
de succès bien marquez.
On ne tarda guéres à souhaiter d'a
voir pour Conducteur un homme en qui
on remarquoit tant de lumiere et tant
d'onction . Des pécheurs touchez , jugerent
qu'il leur préteroit volontiers une
main secourable pour rompre leurs chaînes
et pour les tirer de la région des
tenebres où les passions conduisent . Les
personnes qui avoient déja gouté le don
du Ciel , le regarderent comme un guide
assuré qui les meneroit par degrez vers
la perfection , &c.
Quelque éclat que jettât au- dehors le
mérite du P. de la Tour , on peut dire
qu'il n'en laissoit voir que la superficie.
Des talens beaucoup plus rares que celui
de l'Eloquence et de la Direction , se développoient
dans l'exercice de ses emplois
aux yeux de ceux qui avoient le
plus de droit d'en profiter. Ses Superieurs
et ses amis découvroient en li ce que
A vj l'hu630
MERCURE DE FRANCE
l'humilité chrétienne et une sincere mo
destie ne lui permettoient pas d'apper-
1
cevoir.
La démission volontaire du R. P. de
Sainte Marthe , cinquiéme General de
l'Oratoire , laissa une place où beaucoup
pouvoient aspirer , en considerant séparément
leurs grandes qualitez ; mais elle
ne pouvoit être glorieusement remplie
que par celui qui rassembloit , pour ainsi
dire , tous les divers mérites en sa personne.
(4) Ce Pere indiqua lui - même le
P. de la Tour , et tous les suffrages se
réünirent en faveur de la personne désignée.
Il falloit à la tête d'une Congréga
tion, protegée par ce qu'il y avoit de plus
distingue dans l'Eglise et dans l'Etat , un
homme d'une condition qui lui donnât
des entrées faciles chez les Grands , que
la naissance prévient toujours favorablement
. (b ) Le P. d'Arerez de la Tour étoit
d'une noblesse honorable. et attachée au
service du Prince . Ce privilege de la nais
sance , qui ne peut être difficilement suppléé
, étoit soutenu dans le P. de la Tour
par une taille avantageuse , par des traits
(a) Il étoit alors Directeur du Seminaire de Saint
Magloire
(b) Né à Paris en 1653 .
réguliers
AVRIL. 1733 631
réguliers et par une de ces belles phisionomies
qui sont comme l'image de
l'esprit et les premiers gàrants de la vertu .
Son exterieur sembloit avoir été fait pour
annoncer les qualitez d'une belle ame.
Il suffisoit de l'envisager pour être prévenu
en sa faveur . Lorsqu'il entreprenoit
d'insinuer quelque chose , son mérite
exterieur avoit déja préparé les voïes
à la persuasion .
Il falloit à la Congrégation de l'Oratoire
un genie assorti de toutes les
qualitez nécessaires à la constitution de
cet illustre Corps , qui se conduit par
des princips differens du Gouvernement
des Communautez Régulieres , et même
de presque toutes les Communautez Sé
culieres. On peut comparer cette Congrégation
à ces Etats politiques , où la
liberté a le plus d'étendue , où la subordination
ne fait point oublier à ceux qui
commandent qu'ils sont sujets , ni aux
sujets que leur obéissance est volontaire ,
et si j'ose me servir de ce terme , toute
spontanée.
La superiorité dans l'Oratoire y est
évitée avec autant de soin , qu'elle est
quelquefois recherchée ailleurs ; et la dépendance
, qui n'a rien de contraint ni
de servile , y jouit de presque toutes les
préro632
MERCURE DE FRANCE
prérogatives de l'égalité. On y est sans
défiance , parce qu'on n'a point d'interêt
de s'y supplanter . On ne s'y appréhende
point les uns les autres , parce que personne
n'y peut exercer une impérieuse
domination , et que le seul châtiment qui
y soit redoutable , est le malheur d'être
exclus d'une si aimable Societé.
Ce qui fait l'agrément de ceux qui dépendent
, rend dans l'Oratoire toute superiorité
onereuse et multiplie les difficultez
de la superiorité generale . Que de
talens divers ne faut il pas avoir pour en
remplir dignement les obligations ! Le
R. P. de la Tour étoit peut - être l'unique
qui pût en soutenir le poids auffi longtemps
sans s'affaiblir . Ce qui ne sera
point contesté , c'est qu'il a toûjours
mon ré une superiorité de vûës et une
fécondité de ressources .
Sa douceur toujours inalterable , lorsqu'il
ne s'agissoi que de ses propres interêts
, cedoit le plus tard et le plus rarement
qu'il étoit possible à une séverité
quelquefois nécessaire. Il accompagnoit
toujours les ordres que la nécessité lui
arrachoit , de tant de politesse et d'humanité
, que ceux à qui ils étoient envoyez
, étoient obligez de se blâmer euxmêmes
, dès que le trouble de la surprise
avoit
AVRIL. 1733 633
avoit fait place à de paisibles refléxions.
Ni les murmures enhardis par sa douceur
, ni les remontrances hors d'oeuvre ,
ni les plaintes trop peu respectueuses
qu'elle occasionna , ne purent jamais le
porter à user de ressentiment contre ceux
qui s'oublioient de la sorte à son égard .
Souvent ces indécens procedez ne faisoient
que reveiller son attention à multiplier
ses bons offices envers ceux qui
n'avoient lieu d'attendre que des mortifications.
Aussi peut- on dire que personne ne
connoissoit mieux les caracteres de la
charité que le R. P. de la Tour. C'étoit
le sujet ordinaire des discours qu'il faisoit
dans le cours de ses visites . Il mettoit
dans tour leur jour les traits que l'Apôtre
a employez pour peindre cette aimable
Vertu. Sa conduite étoit un sûr
interprete , son exemple un lumineux
commentaire. Que ceux qui ont eû le
-bonheur de le connoître , examinent
chacun de ces caracteres et le rapprochent
de la conduite de ce grand Homme
ils les trouveront tous , j'en suis
sûr , réalisez et réduits en pratique , sans
affoiblissement et sans interruption.
>
De-là ce désinteressement et cette génerosité
, dont le siécle présent n'a presque
334 MERCURE DE FRANCE
que conservé
que les noms. Ces sentimens
rares et encore respectez ,
pas
de ceux
mêmes qui n'ont la force de s'en revêtir
, ont passé par une heureuse émulation
du chef dans les membres .
Tant de réserve n'alloit pas à retenir
dans sa source la liberalité des personnes
riches : au contraire,en détournant la pente
de ces eaux qui auroient coulé dans
la Congrégation , il n'en étoit que plus
attentif à les conduire vers les lieux que
l'indigence ou des revers de fortune
avoient dessechez. Instruit des besoins
de plusieurs familles , qui pour sauver
l'éclat de leur nom , luttoient contre la
honte de la pauvreté , il avoit soin de
kur procurer des secours qui leur épargnoient
le pénible aveu de leur misere .
Rien ne feroit plus d'honneur à sa charité
que ce détail , s'il n'avoit caché ses .
bons offices avec plus de précaution que les
personnes nécessiteuses ne celoient leurs
besoins. Cependant on ne sçauroit taire
les génereux secours qu'il a fournis , non
seulement à plusieurs sujets de sa Congrégation
, mais encore à leurs parens ,
lorsqu'ils se trouvoient dans des conjonctures
fâcheuses. Il sembloit que leurs fa
milles cussent contracté une espece d'affinité
avec lui et eussent acquis un droit
à
A V RIL: 1733. 635
à son patrimoine. Il ne s'en réservoit que
ce qu'il ne pouvoit refuser à la simple
nécessité , aussi prodigue de son propre
bien qu'il étoit éloigné de recevoir celui
d'autrui.
L'usage qu'il a fait de son crédit ne
pouvoit pas aisément éviter les yeux du
Public. Comme il ne se déclaroit que
pour l'innocence attaquée et qu'il ne s'in
teressoit que pour des malheurs involontaires
, il ne craignoit point que ses démarches
fussent éclairées de trop près. Sa
candeur et sa probité ne lui permirent
jamais de surprendre la Religion des premiers
Magistrats en faveur de quelque
cause qui lui fut suspecte . Si leur confiance
pour lui alla jusqu'à le rendre dépositaire
des secrets de leur conscience ,
jamais il ne songea à retirer de ces marques
d'estime d'autre avantage que de
fournir de solides appuis à une Congrégation
qui lui étoit infiniment chere.
Une preuve indubitable de fa tendreffe
pour ce Corps célebre , est l'éloignement
qu'il témoigna pour les premieres dignitez
de l'Eglise. Son mérite étoit fort connu
à la Cour et ses amis songerent à lui
procurer le poids honorable de l'Episcopat
; mais il les pria de l'oublier à cet
égard , marquant un attachement pour
1
le
636 MERCURE DE FRANCE
le poste que la Providence lui avoit confié
, quoique moins éclatant.
Ce n'étoit pas le travail qu'il fuyoit.
Quels que soient les soins et la sollicitude
attachés à la qualité de Successeur des
Apôtres , la place qu'occuppoit le R. P.
de la Tour n'étoit ni moins difficile , ni
moins laborieuse . On peut dire qu'elle
étoit même plus pénible à plusieurs
égards , tant par les combats qu'il falloit
soûtenir au dehors , que par les craintes
qui regnoient au dedans. Borné , en apparence
, son emploi avoit une vaste étendûë
et tenoit à d'immenses détails. Il
vouloit tout voir et tout connoître par
lui -même. Toutes les réponses étoient de
sa main. La multitude des affaires ne
jettoit ni confusion dans ses idées , ni
désordre dans ses desseins , ni méprise
dans . l'execution . Consulté au-dehors et
au-dedans , il répondoit à toutes les questions
avec une netteté et une précision
toujours admirées. Admis au Conseil des
premiers Prélats du Royaume , sa facilité
à prévoir les inconveniens , la fécondité
de son génie pour découvrir des expédiens
, son habileté à prendre des tempéramens
justes entre des avis opposez ,
ramenoient souvent les opinions au sien ,
sans blesser la délicatesse des opinans .
La
AVRIL.
1733. 637
La
sagesse de ses décisions
sur toutes
les
questions
difficiles
, étoit
si connuë
, qu'il
étoit la ressource
ordinaire
et certaine
de
ceux
qui dans la nécessité
d'agir
, avoient
de la peine
à calmer
leurs
doutes
, et à
fixer
leur hésitation
. Ce qui donnoit
tant
de force
et un si grand
poids
à ses décisions
, c'étoit
une grande
connoissance
des
Loix
et de leurs
principes
, de la
Morale
et de ses sources
. Ces lumieres
qui dirigeoient
l'esprit
, avoient
une application
d'autant
plus
sure , qu'ennemie
des préjugez
, il étoit
toujours
en
garde
contre
la préocupation
. Des qualitez
si rares , même
dans
ceux qui gouvernent
, lui avoient
acquis
la confiance
de toute
la Congrégation
.
En tout cela , M. vous n'appercevez
que le mérite qui frappe les gens du
monde , pénetration d'esprit , étenduë de
génie , abondance de lumieres , connoissance
profonde des hommes ; en un mot ,
tout ce qui fait un grand homme capa
ble de gouverner les autres. Vous attendez
que j'acheve de vous montrer un
mérite qui subsiste au- delà des temps.
Vous admireriez quelques momens le
R. P. de la Tour , s'il n'avoit été pré
cisément qu'un génie sublime ; vous le
placeriez avec les grands Politiques , dont
les
638 MERCURE DE FRANCE
les noms sont conservez pour servir de
modeles à ceux qui occupent des postes
qu'ils ont laissez ; mais vous n'en seriez
que plus porté à gémir sur son sort , en
le voyant confondu avec tous ceux qui
après avoir fait un peu de bruit , descendent
et s'évanouissent dans l'obscurité
du tombeau . Vous le regarderiez en
soupirant comme un flambeau consumé
dont il ne resteroit qu'une inutile
cendre.
*
Rassurez - vous , M. cet homme , qui
au jugement d'un illustre Cardinal , *
juste estimateur du mérite , dont il avoit
obtenu l'amitié , avoit toutes les qualitez
propres pour gouverner ; cet homme
à qui M. le Premier Ministre , en loüant
sa sagesse , vient de donner un éloge
qu'il a emprunté de lui- même ; ce grand
homme étoit aussi pieux qu'éclairé. La
Religion présidoit à tout ce qu'il faisoit .
Toutes ces qualitez et toutes ses vertus
portoient sur le fondement solide de l'humilité
, simplicité parfaite en toutes choses
; simple dans son exterieur , simple
dans ses meubles , simple dans sa nourriture.
Point d'affectation , point de distinction
, point d'autre prééminence que
celle de son mérite . Son affabilité qui à
* Le Cardinal Gualterio,
augmenté
AVRIL. 17336 639
3
augmenté à mesure qu'il a jugé l'air grave
plus inutile , l'avoit rendu si populaire ,
qu'il paroissoit de niveau avec tout le
monde. Il ne pouvoit souffrir aucun respect
servile . Il étoit devenu l'Homme de
toutes les heures et de tous les momens.
Quoique chargé d'un grand nombre d'af
faires,et d'occupations , il ne faisoit point
sentir par un air distrait ou empressé
qu'on lui devenoit importun .
L'esprit d'Oraison qui fait un des plus
essentiels exercices de la Congrégation
de l'Oratoire ne s'affoiblit jamais en lui .
C'étoit dans sa communication avec Dieu
qu'il se délassoit de ses fatigues et qu'il
prenoit de nouvelles forces pour soutenir
le poids d'un travail continuel , G'étoit
aux pieds de Jesus - Christ qu'il portoit
ses tendres inquiétudes pour une
Congrégation qui a eté principalement
établie , afin de faire connoître et aimer
ce divin Sauveur. Il consultoit sans cesse
la Sagesse incarnée , qui est la lumiere
des Esprits , et il faisoit voir dans toute
sa conduite combien son commerce avec
ce Maître invisible , étoit intime et familier.
La tendresse du R. P. de la Tour pour
tous les Sujets de sa Congrégation ne se
terminoit pas à des soins généraux à l'égard
640 MERCURE DE FRANCE
gard de ceux qui étoient sous ses yeux.
Il ajoutoit sa vigilance à celles des Supericurs
, envers les malades qu'il visitoit
très-souvent. Il ne s'en tenoit point
à une stérile compassion , qui ne
vient quelquefois que d'un retour sur
soi-même , il ouvroit le chemin à des
consolations spirituelles par certaines
questions obligeantes , dont les malades
sentent tout le prix.
Je ne le suivrai point , M. dans toutes
les autres pratiques de pieté , ni dans
les augustes fonctions du Sacerdoce . Je
me contenterai de vous dire que l'esprit
de Religion les animoit toutes. Il étoit
aisé d'appercevoir qu'il étoit tout pénetré
de cet esprit qui donne le prix à nos
actions. Il n'en évitoit pas moins toute
singularité . On n'en remarquoit point
d'autre en lui , que celle de marcher toujours
d'un pas égal dans le chemin de la
Vertu. Comme il étoit par état le modele
d'une Congrégation entiere , il ne
laissoit voir que ce qui devoit être imité
de tous .
Il manqueroit un trait essentiel à la
foible esquisse que j'ai l'honneur de vous
envoyer , M. si j'oubliois que personne
n'avoit plus de qualitez pour se faire des
amis et pour les conserver . Son titre de
Superieur
AVRIL. 1733
641
Superieur ne le priva point des douceurs
d'une amitié intime , qu'il accorda à plusieurs
Sujets de la Congrégation . Sa charité
pour tous prenoit cette forme pour
des personnes dont le mérite approchoit
de plus près du sien , Cette disposition
à cultiver une vertu , dont le nom est
infiniment plus commun que la chose ,'
lui fit contracter au- dehors des amitiez
illustres , dont la seule mort a été le terme
inévitable.
per- Voilà , M. une légere idée de la
sonne que nous pleurons : Peinture trop
foible et trop imparfaite pour un Eloge ,
mais suffisante pour justifier l'étendue de
notre douleur, Les Amateurs de la probité
pleurent un modele , les Admirateurs
du mérite regrettent un homme
rare , les Personnes pieuses un guide
sûr et fidele , les Sujets de l'Oratoire ,
un Pere tendre et compatissant , la Congrégation
, son Protecteur et son plus
ferme appui .
2
Sa mort ne fut pas plutôt sçûë , qu'il
n'y eut personne de ceux qui sont éclairez
sur les veritables interêts de leur Corps ,
qui ne s'écriât comme Elisée lorsqu'Èlic
se sépara de lui . O mon Pere , mon Pere ;
vous nous êtes donc enlevé , vous qui étiez
le Char d'Israël et son Conducteur. Nous.
demeu842
MERCURE DE FRANCE
> demeurâmes saisis , consternez comme
si ce présent du Ciel nous avoit été donné
pour toûjours. Personne n'a refléchi
d'abord sur les avantages que l'illustre
mort acqueroit en quittant cette vie.
Nous n'avons été occupez jusqu'à présent
que de notre malheur."
Daigne le Ciel , si la Congrégation lui
est toujours chere , susciter un Elisée , en
qui l'efprit d'Elie se reproduise . Un homme
de Dieu dont la sage conduite soit
une imitation , ou plutôt une copie fidele
de celle à qui nous devons notre conservation
.
G. P. D. L.
A Caën , le 28. Février 1733 .
sur la Mort du R. P. de la Tour , Superieur
General de la Congrégation de
POratoire.
Elui que nous pleurons si justement,
CEL
د
n'a point été de ces Hommes qui
enlevez de bonne heure et comme au
commencement de leur carriere , laissent
à la liberté des conjectures ce qu'ils
auroient été , s'ils eussent long- temps
vécu et qu'ils eussent eu le loisir de répondre
AVRIL. 1733 627
pondre à toutes les esperances qu'ils faisoient
concevoir ; le R. P. de la Tour a
tenu tout ce qu'on pouvoit se promettre
de lui ; il a été même beaucoup au - delà ;
il semble n'avoir passé par tous les degrez
de la vie humaine , que pour faire
sentir de quoi est capable un grand génie
cultivé par l'étude
l'étude , exercé par la
varieté et par la difficulté des conjonc
tures .
Son enfance brilla par tous les succès
litteraires qui recommandent un mérite
naissant. Ces fleurs qui contiennent ordinairement
d'heureux germes , produisirent
des fruits auffi exquis qu'abondans.
Il ne fut point de ces arbres qui
s'épuisent par une fécondité prématurée ;
il promit et accorda une longue et heureuse
fertilité. Né de parens dont la noblesse
recevoit un nouvel éclat de la probité
et de la Religion , son enfance fut
cultivée par une éducation qui dévelopa
promptement un naturel riche et propre
à toutes les Sciences.
La réputation de M. Cally , Professeur
de Philosophie dans l'Université de
Caën , attira le jeune de la Tour en cette
Ville , que les études ont rendue depuis
long- temps fameuse . La Philosophie de
Descartes y avoit été réduite à l'usage
A v des
628 MERCURE DE FRANCE
des Ecoles par ce celebre Professeur qui
eur Phonneur le premier de la rendre
méthodique et de la mettre à la portée
des jeunes gens , par cette clarté et par
cet air de démonstration qui éclatent
dans tout ce qu'il a écrit. Son Eleve ,
âgé de 17. ans , squtint des Theses publiques
à la fin de son Cours avec une
éclatante distinction .
Ce fut dans la Congrégation de l'O
ratoire où Dieu l'appella pour l'execution
de ses desseins sur lui , qu'il se trouva
au bout de quelque temps libre des
préjugez qui retiennent un esprit ordinaire
toujours captif. Sa penetration lui
fit concevoir que tous les sistêmes ne
sont en eux - mêmes qu'un arrangement ,
arbitraire d'idées , plus ou moins heureux
, suivant l'étendue et la force du
génie de ceux qui en sont les Auteurs.
>
Des vûës si saines éclairées par la Religion
, que le P. de la Tour étudia
avec le goût que la solidité de l'esprit
et la pureté des moeurs ne manquent
jamais d'inspirer , l'appliquerent de bonne
heure aux Instructions publiques . Un
stile pur sans affectation , noble sans en-
Aure une composition réguliere sans
être gênée , plus nourrie de l'Ecriture
Sainte et de la lecture des Peres qu'abondante
AVRÍL. · 1733 . 629
dante en ornemens et en descriptions
Aleuries ; une déclamation douce , un ton
gracieux , un geste naturel caracteriserent
ses discours et le firent écouter dans
Paris avec autant d'applaudissement que
de concours ; et ce qui fait la solide gloire
des Prédicateurs , ses Discours furent
accompagnez de beaucoup de fruits et
de succès bien marquez.
On ne tarda guéres à souhaiter d'a
voir pour Conducteur un homme en qui
on remarquoit tant de lumiere et tant
d'onction . Des pécheurs touchez , jugerent
qu'il leur préteroit volontiers une
main secourable pour rompre leurs chaînes
et pour les tirer de la région des
tenebres où les passions conduisent . Les
personnes qui avoient déja gouté le don
du Ciel , le regarderent comme un guide
assuré qui les meneroit par degrez vers
la perfection , &c.
Quelque éclat que jettât au- dehors le
mérite du P. de la Tour , on peut dire
qu'il n'en laissoit voir que la superficie.
Des talens beaucoup plus rares que celui
de l'Eloquence et de la Direction , se développoient
dans l'exercice de ses emplois
aux yeux de ceux qui avoient le
plus de droit d'en profiter. Ses Superieurs
et ses amis découvroient en li ce que
A vj l'hu630
MERCURE DE FRANCE
l'humilité chrétienne et une sincere mo
destie ne lui permettoient pas d'apper-
1
cevoir.
La démission volontaire du R. P. de
Sainte Marthe , cinquiéme General de
l'Oratoire , laissa une place où beaucoup
pouvoient aspirer , en considerant séparément
leurs grandes qualitez ; mais elle
ne pouvoit être glorieusement remplie
que par celui qui rassembloit , pour ainsi
dire , tous les divers mérites en sa personne.
(4) Ce Pere indiqua lui - même le
P. de la Tour , et tous les suffrages se
réünirent en faveur de la personne désignée.
Il falloit à la tête d'une Congréga
tion, protegée par ce qu'il y avoit de plus
distingue dans l'Eglise et dans l'Etat , un
homme d'une condition qui lui donnât
des entrées faciles chez les Grands , que
la naissance prévient toujours favorablement
. (b ) Le P. d'Arerez de la Tour étoit
d'une noblesse honorable. et attachée au
service du Prince . Ce privilege de la nais
sance , qui ne peut être difficilement suppléé
, étoit soutenu dans le P. de la Tour
par une taille avantageuse , par des traits
(a) Il étoit alors Directeur du Seminaire de Saint
Magloire
(b) Né à Paris en 1653 .
réguliers
AVRIL. 1733 631
réguliers et par une de ces belles phisionomies
qui sont comme l'image de
l'esprit et les premiers gàrants de la vertu .
Son exterieur sembloit avoir été fait pour
annoncer les qualitez d'une belle ame.
Il suffisoit de l'envisager pour être prévenu
en sa faveur . Lorsqu'il entreprenoit
d'insinuer quelque chose , son mérite
exterieur avoit déja préparé les voïes
à la persuasion .
Il falloit à la Congrégation de l'Oratoire
un genie assorti de toutes les
qualitez nécessaires à la constitution de
cet illustre Corps , qui se conduit par
des princips differens du Gouvernement
des Communautez Régulieres , et même
de presque toutes les Communautez Sé
culieres. On peut comparer cette Congrégation
à ces Etats politiques , où la
liberté a le plus d'étendue , où la subordination
ne fait point oublier à ceux qui
commandent qu'ils sont sujets , ni aux
sujets que leur obéissance est volontaire ,
et si j'ose me servir de ce terme , toute
spontanée.
La superiorité dans l'Oratoire y est
évitée avec autant de soin , qu'elle est
quelquefois recherchée ailleurs ; et la dépendance
, qui n'a rien de contraint ni
de servile , y jouit de presque toutes les
préro632
MERCURE DE FRANCE
prérogatives de l'égalité. On y est sans
défiance , parce qu'on n'a point d'interêt
de s'y supplanter . On ne s'y appréhende
point les uns les autres , parce que personne
n'y peut exercer une impérieuse
domination , et que le seul châtiment qui
y soit redoutable , est le malheur d'être
exclus d'une si aimable Societé.
Ce qui fait l'agrément de ceux qui dépendent
, rend dans l'Oratoire toute superiorité
onereuse et multiplie les difficultez
de la superiorité generale . Que de
talens divers ne faut il pas avoir pour en
remplir dignement les obligations ! Le
R. P. de la Tour étoit peut - être l'unique
qui pût en soutenir le poids auffi longtemps
sans s'affaiblir . Ce qui ne sera
point contesté , c'est qu'il a toûjours
mon ré une superiorité de vûës et une
fécondité de ressources .
Sa douceur toujours inalterable , lorsqu'il
ne s'agissoi que de ses propres interêts
, cedoit le plus tard et le plus rarement
qu'il étoit possible à une séverité
quelquefois nécessaire. Il accompagnoit
toujours les ordres que la nécessité lui
arrachoit , de tant de politesse et d'humanité
, que ceux à qui ils étoient envoyez
, étoient obligez de se blâmer euxmêmes
, dès que le trouble de la surprise
avoit
AVRIL. 1733 633
avoit fait place à de paisibles refléxions.
Ni les murmures enhardis par sa douceur
, ni les remontrances hors d'oeuvre ,
ni les plaintes trop peu respectueuses
qu'elle occasionna , ne purent jamais le
porter à user de ressentiment contre ceux
qui s'oublioient de la sorte à son égard .
Souvent ces indécens procedez ne faisoient
que reveiller son attention à multiplier
ses bons offices envers ceux qui
n'avoient lieu d'attendre que des mortifications.
Aussi peut- on dire que personne ne
connoissoit mieux les caracteres de la
charité que le R. P. de la Tour. C'étoit
le sujet ordinaire des discours qu'il faisoit
dans le cours de ses visites . Il mettoit
dans tour leur jour les traits que l'Apôtre
a employez pour peindre cette aimable
Vertu. Sa conduite étoit un sûr
interprete , son exemple un lumineux
commentaire. Que ceux qui ont eû le
-bonheur de le connoître , examinent
chacun de ces caracteres et le rapprochent
de la conduite de ce grand Homme
ils les trouveront tous , j'en suis
sûr , réalisez et réduits en pratique , sans
affoiblissement et sans interruption.
>
De-là ce désinteressement et cette génerosité
, dont le siécle présent n'a presque
334 MERCURE DE FRANCE
que conservé
que les noms. Ces sentimens
rares et encore respectez ,
pas
de ceux
mêmes qui n'ont la force de s'en revêtir
, ont passé par une heureuse émulation
du chef dans les membres .
Tant de réserve n'alloit pas à retenir
dans sa source la liberalité des personnes
riches : au contraire,en détournant la pente
de ces eaux qui auroient coulé dans
la Congrégation , il n'en étoit que plus
attentif à les conduire vers les lieux que
l'indigence ou des revers de fortune
avoient dessechez. Instruit des besoins
de plusieurs familles , qui pour sauver
l'éclat de leur nom , luttoient contre la
honte de la pauvreté , il avoit soin de
kur procurer des secours qui leur épargnoient
le pénible aveu de leur misere .
Rien ne feroit plus d'honneur à sa charité
que ce détail , s'il n'avoit caché ses .
bons offices avec plus de précaution que les
personnes nécessiteuses ne celoient leurs
besoins. Cependant on ne sçauroit taire
les génereux secours qu'il a fournis , non
seulement à plusieurs sujets de sa Congrégation
, mais encore à leurs parens ,
lorsqu'ils se trouvoient dans des conjonctures
fâcheuses. Il sembloit que leurs fa
milles cussent contracté une espece d'affinité
avec lui et eussent acquis un droit
à
A V RIL: 1733. 635
à son patrimoine. Il ne s'en réservoit que
ce qu'il ne pouvoit refuser à la simple
nécessité , aussi prodigue de son propre
bien qu'il étoit éloigné de recevoir celui
d'autrui.
L'usage qu'il a fait de son crédit ne
pouvoit pas aisément éviter les yeux du
Public. Comme il ne se déclaroit que
pour l'innocence attaquée et qu'il ne s'in
teressoit que pour des malheurs involontaires
, il ne craignoit point que ses démarches
fussent éclairées de trop près. Sa
candeur et sa probité ne lui permirent
jamais de surprendre la Religion des premiers
Magistrats en faveur de quelque
cause qui lui fut suspecte . Si leur confiance
pour lui alla jusqu'à le rendre dépositaire
des secrets de leur conscience ,
jamais il ne songea à retirer de ces marques
d'estime d'autre avantage que de
fournir de solides appuis à une Congrégation
qui lui étoit infiniment chere.
Une preuve indubitable de fa tendreffe
pour ce Corps célebre , est l'éloignement
qu'il témoigna pour les premieres dignitez
de l'Eglise. Son mérite étoit fort connu
à la Cour et ses amis songerent à lui
procurer le poids honorable de l'Episcopat
; mais il les pria de l'oublier à cet
égard , marquant un attachement pour
1
le
636 MERCURE DE FRANCE
le poste que la Providence lui avoit confié
, quoique moins éclatant.
Ce n'étoit pas le travail qu'il fuyoit.
Quels que soient les soins et la sollicitude
attachés à la qualité de Successeur des
Apôtres , la place qu'occuppoit le R. P.
de la Tour n'étoit ni moins difficile , ni
moins laborieuse . On peut dire qu'elle
étoit même plus pénible à plusieurs
égards , tant par les combats qu'il falloit
soûtenir au dehors , que par les craintes
qui regnoient au dedans. Borné , en apparence
, son emploi avoit une vaste étendûë
et tenoit à d'immenses détails. Il
vouloit tout voir et tout connoître par
lui -même. Toutes les réponses étoient de
sa main. La multitude des affaires ne
jettoit ni confusion dans ses idées , ni
désordre dans ses desseins , ni méprise
dans . l'execution . Consulté au-dehors et
au-dedans , il répondoit à toutes les questions
avec une netteté et une précision
toujours admirées. Admis au Conseil des
premiers Prélats du Royaume , sa facilité
à prévoir les inconveniens , la fécondité
de son génie pour découvrir des expédiens
, son habileté à prendre des tempéramens
justes entre des avis opposez ,
ramenoient souvent les opinions au sien ,
sans blesser la délicatesse des opinans .
La
AVRIL.
1733. 637
La
sagesse de ses décisions
sur toutes
les
questions
difficiles
, étoit
si connuë
, qu'il
étoit la ressource
ordinaire
et certaine
de
ceux
qui dans la nécessité
d'agir
, avoient
de la peine
à calmer
leurs
doutes
, et à
fixer
leur hésitation
. Ce qui donnoit
tant
de force
et un si grand
poids
à ses décisions
, c'étoit
une grande
connoissance
des
Loix
et de leurs
principes
, de la
Morale
et de ses sources
. Ces lumieres
qui dirigeoient
l'esprit
, avoient
une application
d'autant
plus
sure , qu'ennemie
des préjugez
, il étoit
toujours
en
garde
contre
la préocupation
. Des qualitez
si rares , même
dans
ceux qui gouvernent
, lui avoient
acquis
la confiance
de toute
la Congrégation
.
En tout cela , M. vous n'appercevez
que le mérite qui frappe les gens du
monde , pénetration d'esprit , étenduë de
génie , abondance de lumieres , connoissance
profonde des hommes ; en un mot ,
tout ce qui fait un grand homme capa
ble de gouverner les autres. Vous attendez
que j'acheve de vous montrer un
mérite qui subsiste au- delà des temps.
Vous admireriez quelques momens le
R. P. de la Tour , s'il n'avoit été pré
cisément qu'un génie sublime ; vous le
placeriez avec les grands Politiques , dont
les
638 MERCURE DE FRANCE
les noms sont conservez pour servir de
modeles à ceux qui occupent des postes
qu'ils ont laissez ; mais vous n'en seriez
que plus porté à gémir sur son sort , en
le voyant confondu avec tous ceux qui
après avoir fait un peu de bruit , descendent
et s'évanouissent dans l'obscurité
du tombeau . Vous le regarderiez en
soupirant comme un flambeau consumé
dont il ne resteroit qu'une inutile
cendre.
*
Rassurez - vous , M. cet homme , qui
au jugement d'un illustre Cardinal , *
juste estimateur du mérite , dont il avoit
obtenu l'amitié , avoit toutes les qualitez
propres pour gouverner ; cet homme
à qui M. le Premier Ministre , en loüant
sa sagesse , vient de donner un éloge
qu'il a emprunté de lui- même ; ce grand
homme étoit aussi pieux qu'éclairé. La
Religion présidoit à tout ce qu'il faisoit .
Toutes ces qualitez et toutes ses vertus
portoient sur le fondement solide de l'humilité
, simplicité parfaite en toutes choses
; simple dans son exterieur , simple
dans ses meubles , simple dans sa nourriture.
Point d'affectation , point de distinction
, point d'autre prééminence que
celle de son mérite . Son affabilité qui à
* Le Cardinal Gualterio,
augmenté
AVRIL. 17336 639
3
augmenté à mesure qu'il a jugé l'air grave
plus inutile , l'avoit rendu si populaire ,
qu'il paroissoit de niveau avec tout le
monde. Il ne pouvoit souffrir aucun respect
servile . Il étoit devenu l'Homme de
toutes les heures et de tous les momens.
Quoique chargé d'un grand nombre d'af
faires,et d'occupations , il ne faisoit point
sentir par un air distrait ou empressé
qu'on lui devenoit importun .
L'esprit d'Oraison qui fait un des plus
essentiels exercices de la Congrégation
de l'Oratoire ne s'affoiblit jamais en lui .
C'étoit dans sa communication avec Dieu
qu'il se délassoit de ses fatigues et qu'il
prenoit de nouvelles forces pour soutenir
le poids d'un travail continuel , G'étoit
aux pieds de Jesus - Christ qu'il portoit
ses tendres inquiétudes pour une
Congrégation qui a eté principalement
établie , afin de faire connoître et aimer
ce divin Sauveur. Il consultoit sans cesse
la Sagesse incarnée , qui est la lumiere
des Esprits , et il faisoit voir dans toute
sa conduite combien son commerce avec
ce Maître invisible , étoit intime et familier.
La tendresse du R. P. de la Tour pour
tous les Sujets de sa Congrégation ne se
terminoit pas à des soins généraux à l'égard
640 MERCURE DE FRANCE
gard de ceux qui étoient sous ses yeux.
Il ajoutoit sa vigilance à celles des Supericurs
, envers les malades qu'il visitoit
très-souvent. Il ne s'en tenoit point
à une stérile compassion , qui ne
vient quelquefois que d'un retour sur
soi-même , il ouvroit le chemin à des
consolations spirituelles par certaines
questions obligeantes , dont les malades
sentent tout le prix.
Je ne le suivrai point , M. dans toutes
les autres pratiques de pieté , ni dans
les augustes fonctions du Sacerdoce . Je
me contenterai de vous dire que l'esprit
de Religion les animoit toutes. Il étoit
aisé d'appercevoir qu'il étoit tout pénetré
de cet esprit qui donne le prix à nos
actions. Il n'en évitoit pas moins toute
singularité . On n'en remarquoit point
d'autre en lui , que celle de marcher toujours
d'un pas égal dans le chemin de la
Vertu. Comme il étoit par état le modele
d'une Congrégation entiere , il ne
laissoit voir que ce qui devoit être imité
de tous .
Il manqueroit un trait essentiel à la
foible esquisse que j'ai l'honneur de vous
envoyer , M. si j'oubliois que personne
n'avoit plus de qualitez pour se faire des
amis et pour les conserver . Son titre de
Superieur
AVRIL. 1733
641
Superieur ne le priva point des douceurs
d'une amitié intime , qu'il accorda à plusieurs
Sujets de la Congrégation . Sa charité
pour tous prenoit cette forme pour
des personnes dont le mérite approchoit
de plus près du sien , Cette disposition
à cultiver une vertu , dont le nom est
infiniment plus commun que la chose ,'
lui fit contracter au- dehors des amitiez
illustres , dont la seule mort a été le terme
inévitable.
per- Voilà , M. une légere idée de la
sonne que nous pleurons : Peinture trop
foible et trop imparfaite pour un Eloge ,
mais suffisante pour justifier l'étendue de
notre douleur, Les Amateurs de la probité
pleurent un modele , les Admirateurs
du mérite regrettent un homme
rare , les Personnes pieuses un guide
sûr et fidele , les Sujets de l'Oratoire ,
un Pere tendre et compatissant , la Congrégation
, son Protecteur et son plus
ferme appui .
2
Sa mort ne fut pas plutôt sçûë , qu'il
n'y eut personne de ceux qui sont éclairez
sur les veritables interêts de leur Corps ,
qui ne s'écriât comme Elisée lorsqu'Èlic
se sépara de lui . O mon Pere , mon Pere ;
vous nous êtes donc enlevé , vous qui étiez
le Char d'Israël et son Conducteur. Nous.
demeu842
MERCURE DE FRANCE
> demeurâmes saisis , consternez comme
si ce présent du Ciel nous avoit été donné
pour toûjours. Personne n'a refléchi
d'abord sur les avantages que l'illustre
mort acqueroit en quittant cette vie.
Nous n'avons été occupez jusqu'à présent
que de notre malheur."
Daigne le Ciel , si la Congrégation lui
est toujours chere , susciter un Elisée , en
qui l'efprit d'Elie se reproduise . Un homme
de Dieu dont la sage conduite soit
une imitation , ou plutôt une copie fidele
de celle à qui nous devons notre conservation
.
G. P. D. L.
A Caën , le 28. Février 1733 .
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën, sur la Mort du R. P. de la Tour, Superieur General de la Congrégation de l'Oratoire.
Le texte est un extrait d'une lettre écrite à Caen en avril 1733, annonçant la mort du Père de la Tour, supérieur général de la Congrégation de l'Oratoire. Le Père de la Tour est présenté comme un homme aux talents et qualités exceptionnels, dépassant largement les attentes. Son enfance a été marquée par des succès littéraires et une éducation soignée, favorisée par la noblesse et la piété de ses parents. À l'âge de 17 ans, il a brillamment soutenu des thèses publiques en philosophie sous la direction de M. Cally à Caen. Entré dans la Congrégation de l'Oratoire, il s'est rapidement libéré des préjugés grâce à son esprit pénétrant et à son étude approfondie de la religion. Ses sermons, caractérisés par un style pur et une déclamation douce, ont été très appréciés à Paris. Sa réputation de prédicateur et de directeur spirituel a rapidement grandi, attirant tant des pécheurs que des personnes déjà pieuses. Le Père de la Tour a été choisi pour succéder au Père de Sainte-Marthe en tant que supérieur général de l'Oratoire. Sa noblesse, son éducation et ses qualités personnelles en faisaient un candidat idéal pour diriger une congrégation protégée par les plus hautes instances de l'Église et de l'État. Sa gestion a été marquée par une grande douceur et une sévérité mesurée, toujours accompagnée de politesse et d'humanité. Il était également connu pour sa générosité et son désintéressement, aidant de nombreuses familles dans le besoin sans chercher de reconnaissance. Son usage du crédit et de son influence a toujours été au service de l'innocence et des causes justes. Malgré des offres pour des postes épiscopaux, il a préféré rester à son poste à l'Oratoire, démontrant ainsi son attachement et son dévouement à la congrégation. Sa sagesse et sa connaissance des lois et de la morale ont fait de lui une ressource précieuse pour les décisions importantes. Le Père de la Tour était reconnu pour sa vigilance contre les préoccupations et ses rares qualités de gouvernance, lui valant la confiance de toute la Congrégation. Ses mérites incluaient une pénétration d'esprit, une étendue de génie, une abondance de lumières et une connaissance profonde des hommes. Il était admiré pour sa sagesse et son humilité, évitant toute affectation et préférant la simplicité en toutes choses. Sa piété et sa dévotion étaient constantes, trouvant dans la communication avec Dieu un réconfort et une force pour ses responsabilités. Il était également connu pour sa tendresse et sa vigilance envers les membres de sa Congrégation, notamment les malades. Sa capacité à se faire des amis et à les conserver était remarquable. Sa mort a été profondément regrettée par tous ceux qui le connaissaient, laissant un vide immense dans la Congrégation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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44
p. 651-656
LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
Début :
Estes-vous, Monsieur, du sentiment de M. Rousseau, sur la Zaïre de [...]
Mots clefs :
Zaïre, Voltaire, Pièce, Rousseau, Orosmane, Polyeucte, Raison, Critique, Dieu, Religion
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
LETTRE de M. L... à M. l'Abbé
S .... en lui renvoyant la Lettre de
M. Rousseau , sur la Zaïre de M. de
Voltaire.
Stes -vous , Monsieur , du sentiment
M. de Voltaire ? 11 me semble qué sa Critique
est un peu chargée . Il prétend , que
tout le sentiment qui regne dans cette Piece
tend seulement à faire voir que tous les
efforts de la grace n'ont aucun pouvoir sur
les passions.
Il est pourtant impossible de n'y point
appercevoir une espece de triomphe que
la misericorde divine remporte sur la
foiblesse humaine . Dès le second Acte
Zaïre ne répond- elle pas à son pere , qui
la presse de se déclarer Chrétienne ...
Oui ... Seigneur ...je le suis . Au troisiéme
Acte, elle le dit avec un peu plus
de fermeté. Dans le quatrième et le cinquiéme
, son sacrifice est encore plus
avancé , elle va jusqu'au pied de l'Autel.
Enfin elle implore en expirant le Dieu
qu'elle vouloit connoître. Je me meurs ,
↑ mon Dieu!.
B v A
652 MERCURE DE FRANCE
A ces traits , M.M. on reconnoît que la
Grace n'a pas été absolument impuissante
sur cette ame. Ce n'est point un dogme,
impie, comme le dit M.Rousseau , qui fait
le fondement de la Piece ; c'est un dogme,
qui ne montre à la verité , que le premier
trait de la puissance divine , et les premieres
étincelles de la Foy. La moralité qui résulte
de cette Tragédie , tend à prouver
que l'on ne peut être trop en garde
contre l'emportement des passions , si
l'on ne veut s'exposer aux chutes et aux
excès les plus honteux. En effet dans
quels précipices la passion de Zaïre ne
la conduit- elle point ? Son Amant est
son Dieu , il fait sa Religion avant qu'u
ne lueur de Foy brille pour elle. Eh ! qui
peut ne pas mettre à profit pour soimême
un si funeste exemple ?
Selon la Critique , Zaïre perd deux
Occasions qui se présentent de déclarer
au Soudan qu'elle est Chrétienne , en
s'enfuyant sans aucune raison ; mais estil
bien vrai qu'elle fuit , comme il le
dit ? S'il veut parler des deux momens
où elle paroît devant Orosmane , et où
elle le prie de la laisser à elle- même dévorer
ses amertumes , on ne sçauroit dire
qu'alors elle fuit ; elle se retire pour ne
pas réveler un secret dont dépend la li
berté ,
AVRIL. 1733. 953
berté , peut- être la vie de son frere et
des autres Chrétiens. On ne peut pas dire
non- plus qu'elle fuit sans raison , quand
elle entreprend de sortir du Serrail ,
puisque c'est pour aller au rendez - vous
que son frere lui a marqué , et où elle
ne va que dans la résolution d'obéïr.
Vous allez croire , M. en me voyant
repousser ces traits de la Critique , que
je suis aveugle adorateur de Zaïre , et
que peut- être je place cette Piece au même
rang que Poliencte et Athalie ; non
en verité , je ne pense point ainsi ; mais
enfin il y a des places honorables à côté
ou même un peu au - dessous des Césars ;
et si j'écrivois ce que je pense de cette
Piece , en l'attaquant par les mêmes en--
droits que M. Rousseau a choisis , je hazarderois
de dire qu'elle n'est que le revers
de Polieucte .
"
Corneille nous a donné de la Religion
une image majestueuse , pleine de force
et de dignité , qui ne peut que toucher:
et saisir ceux qui s'arrêtent à la contempler
, et afin que la Grace agît dans toute
l'étendue de sa puissance , Polieucte
reçoit le Baptême dès le commencement
de la Piece ; M. de Voltaire , au contraire
, n'a fait que l'ébauche d'une grace ,
qui n'est qu'à son aurore , ébauche , par
B.vj. cec
654 MERCURE DE FRANCE
cet endroit même, infiniment inferieure à
la noblesse du premier tableau ,et afin qu'il
eût un prétexte de soutenir jusqu'à la
fin cette foible imagination , il ne fait
point recevoir à Zaïre l'Eau salutaire qui
fortifie le Chrétien . Si Polieucte est irrésolu
, s'il balance , s'il differe , cet étaz
ne dure qu'un instant ; cet instant passé,
quelle foi vive ! quelle admirable fermeté
! mais comme il ne peut être accusé
d'impieté pour avoir chancell ' quelques
momens ; de même Zair ( qui vraisemblablement
a été imaginée sur les deux
premieres Scenes de Polieucte ) ne doit
point être regardée comme impie , quoi
que son irrésolution et son combat du
rent plus long temps.
Mais il fut convenir avec M. Rous
seau , que M. de Voltaire , maître comme
il l'étoit de sa Fable , a manqué dans le
choix qu'il en a fur et dans celui des
situations ausquelles il s'est restraint ;
pour avoi trop écouté son imagination ,
il n'a pû voir qu'il donnoit à sa Piece un
fondement trop foible du côté de la Religion
, qui doit toujours triompher pleinement
quand elle agit.Que n'a-t'il écarté
la premiére illusion dont il a été frappé;
Lusignan et Nerestan font preuve qu'il
pouvoit donner de la Foi , un systême
plus
AVRIL. 1733 655
plus fort et plus juste qu'il n'a fait.
Ce seroit sur ce Plan , M. que j'examinerois
le fonds de la Fable de Zaïre ,
et passant aux deffauts que j'ai remarquez
dans l'execution , jobserverois que l'Art
Y laisse. peu ou point de place au vrai ,
je parle de celui que l'on veut trouver
dans les Romans et de l'Art même , le Poëte
en a employé les détours et la finesse ,
plutôt que la justesse et la précision.
L'action de son Poëme , s'il y en a une ,
est peu digne de la majesté de la Tragé
die. Le caractere d'Orosmane est hors du
vrai ; car en supposant même que la Nature
puisse former un Soudan aussi peu
attaché que l'est Orosmane aux moeurs ,
aux usages de sa Patrie , aussi convaincu
de la fidelité de son Amante , qu'il veüille
bien lui épargner la contrainte des surveillants
; pourquoi ce beau Portrait se
termine- t'il en un Monstre ? Pourquoi
ce coeur si noble est- il si promptement
défiguré ? En vain M. de Voltaire a tâché
d'insinuer que son Héros porte tout
à l'excès , que son coeur est né violent
et qu'il est blessé ; il ne pourra justifier
ni dans la Nature ni dans la vrai semblance
, li contrarieté de ce caractere. La
catastrophe sous un air de ressemblance
avec celle de l'Opera d'Athys , est plus
dure
656 MERCURE DE FRANCE
dure que celle- cy ; Athys tuë Sangaride ,
sans volonté de commettre ce meurtre ;
il agit aveuglé par la jalouse Cybele , qui
déguise à ses yeux l'objet qu'il immole.
Orosmane poignarde , assassine l'Amante
qu'il adoroit un instant auparavant, poussé
à faire ce meurtre par une folle jalousie
qui n'a que des prétextes chimériques
et mal appuyez ; il se tuë ensuite
de sens froid et sans sçavoir pourquoi.
Mon dessein n'est pas de m'engager
dans une plus longue décision ; il me
suffit de vous avoir prouvé que j'ai vû
Zaïre sans me laisser ébloüir , et qu'en
même temps j'ai raison de remarquer
que quelques- unes des. Observations de
M. Rousseau ne sont pas tout- à- fait
exactes. Au reste , tout ce qui sort de
sa Plume est bien digne d'être lû ; je
vous suis très obligé de m'avoir envoyé
sa Lettre , si elle n'est pas en tout
exactement judicieuse , c'est que , selon
toutes les apparences , il n'avoit fait qu'u
ne lecture rapide de Zaïre quand il en
a porté son jugement. Je suis , Monsieur
, & c.
·
A Paris , ce 8. de Mars 1733 .
S .... en lui renvoyant la Lettre de
M. Rousseau , sur la Zaïre de M. de
Voltaire.
Stes -vous , Monsieur , du sentiment
M. de Voltaire ? 11 me semble qué sa Critique
est un peu chargée . Il prétend , que
tout le sentiment qui regne dans cette Piece
tend seulement à faire voir que tous les
efforts de la grace n'ont aucun pouvoir sur
les passions.
Il est pourtant impossible de n'y point
appercevoir une espece de triomphe que
la misericorde divine remporte sur la
foiblesse humaine . Dès le second Acte
Zaïre ne répond- elle pas à son pere , qui
la presse de se déclarer Chrétienne ...
Oui ... Seigneur ...je le suis . Au troisiéme
Acte, elle le dit avec un peu plus
de fermeté. Dans le quatrième et le cinquiéme
, son sacrifice est encore plus
avancé , elle va jusqu'au pied de l'Autel.
Enfin elle implore en expirant le Dieu
qu'elle vouloit connoître. Je me meurs ,
↑ mon Dieu!.
B v A
652 MERCURE DE FRANCE
A ces traits , M.M. on reconnoît que la
Grace n'a pas été absolument impuissante
sur cette ame. Ce n'est point un dogme,
impie, comme le dit M.Rousseau , qui fait
le fondement de la Piece ; c'est un dogme,
qui ne montre à la verité , que le premier
trait de la puissance divine , et les premieres
étincelles de la Foy. La moralité qui résulte
de cette Tragédie , tend à prouver
que l'on ne peut être trop en garde
contre l'emportement des passions , si
l'on ne veut s'exposer aux chutes et aux
excès les plus honteux. En effet dans
quels précipices la passion de Zaïre ne
la conduit- elle point ? Son Amant est
son Dieu , il fait sa Religion avant qu'u
ne lueur de Foy brille pour elle. Eh ! qui
peut ne pas mettre à profit pour soimême
un si funeste exemple ?
Selon la Critique , Zaïre perd deux
Occasions qui se présentent de déclarer
au Soudan qu'elle est Chrétienne , en
s'enfuyant sans aucune raison ; mais estil
bien vrai qu'elle fuit , comme il le
dit ? S'il veut parler des deux momens
où elle paroît devant Orosmane , et où
elle le prie de la laisser à elle- même dévorer
ses amertumes , on ne sçauroit dire
qu'alors elle fuit ; elle se retire pour ne
pas réveler un secret dont dépend la li
berté ,
AVRIL. 1733. 953
berté , peut- être la vie de son frere et
des autres Chrétiens. On ne peut pas dire
non- plus qu'elle fuit sans raison , quand
elle entreprend de sortir du Serrail ,
puisque c'est pour aller au rendez - vous
que son frere lui a marqué , et où elle
ne va que dans la résolution d'obéïr.
Vous allez croire , M. en me voyant
repousser ces traits de la Critique , que
je suis aveugle adorateur de Zaïre , et
que peut- être je place cette Piece au même
rang que Poliencte et Athalie ; non
en verité , je ne pense point ainsi ; mais
enfin il y a des places honorables à côté
ou même un peu au - dessous des Césars ;
et si j'écrivois ce que je pense de cette
Piece , en l'attaquant par les mêmes en--
droits que M. Rousseau a choisis , je hazarderois
de dire qu'elle n'est que le revers
de Polieucte .
"
Corneille nous a donné de la Religion
une image majestueuse , pleine de force
et de dignité , qui ne peut que toucher:
et saisir ceux qui s'arrêtent à la contempler
, et afin que la Grace agît dans toute
l'étendue de sa puissance , Polieucte
reçoit le Baptême dès le commencement
de la Piece ; M. de Voltaire , au contraire
, n'a fait que l'ébauche d'une grace ,
qui n'est qu'à son aurore , ébauche , par
B.vj. cec
654 MERCURE DE FRANCE
cet endroit même, infiniment inferieure à
la noblesse du premier tableau ,et afin qu'il
eût un prétexte de soutenir jusqu'à la
fin cette foible imagination , il ne fait
point recevoir à Zaïre l'Eau salutaire qui
fortifie le Chrétien . Si Polieucte est irrésolu
, s'il balance , s'il differe , cet étaz
ne dure qu'un instant ; cet instant passé,
quelle foi vive ! quelle admirable fermeté
! mais comme il ne peut être accusé
d'impieté pour avoir chancell ' quelques
momens ; de même Zair ( qui vraisemblablement
a été imaginée sur les deux
premieres Scenes de Polieucte ) ne doit
point être regardée comme impie , quoi
que son irrésolution et son combat du
rent plus long temps.
Mais il fut convenir avec M. Rous
seau , que M. de Voltaire , maître comme
il l'étoit de sa Fable , a manqué dans le
choix qu'il en a fur et dans celui des
situations ausquelles il s'est restraint ;
pour avoi trop écouté son imagination ,
il n'a pû voir qu'il donnoit à sa Piece un
fondement trop foible du côté de la Religion
, qui doit toujours triompher pleinement
quand elle agit.Que n'a-t'il écarté
la premiére illusion dont il a été frappé;
Lusignan et Nerestan font preuve qu'il
pouvoit donner de la Foi , un systême
plus
AVRIL. 1733 655
plus fort et plus juste qu'il n'a fait.
Ce seroit sur ce Plan , M. que j'examinerois
le fonds de la Fable de Zaïre ,
et passant aux deffauts que j'ai remarquez
dans l'execution , jobserverois que l'Art
Y laisse. peu ou point de place au vrai ,
je parle de celui que l'on veut trouver
dans les Romans et de l'Art même , le Poëte
en a employé les détours et la finesse ,
plutôt que la justesse et la précision.
L'action de son Poëme , s'il y en a une ,
est peu digne de la majesté de la Tragé
die. Le caractere d'Orosmane est hors du
vrai ; car en supposant même que la Nature
puisse former un Soudan aussi peu
attaché que l'est Orosmane aux moeurs ,
aux usages de sa Patrie , aussi convaincu
de la fidelité de son Amante , qu'il veüille
bien lui épargner la contrainte des surveillants
; pourquoi ce beau Portrait se
termine- t'il en un Monstre ? Pourquoi
ce coeur si noble est- il si promptement
défiguré ? En vain M. de Voltaire a tâché
d'insinuer que son Héros porte tout
à l'excès , que son coeur est né violent
et qu'il est blessé ; il ne pourra justifier
ni dans la Nature ni dans la vrai semblance
, li contrarieté de ce caractere. La
catastrophe sous un air de ressemblance
avec celle de l'Opera d'Athys , est plus
dure
656 MERCURE DE FRANCE
dure que celle- cy ; Athys tuë Sangaride ,
sans volonté de commettre ce meurtre ;
il agit aveuglé par la jalouse Cybele , qui
déguise à ses yeux l'objet qu'il immole.
Orosmane poignarde , assassine l'Amante
qu'il adoroit un instant auparavant, poussé
à faire ce meurtre par une folle jalousie
qui n'a que des prétextes chimériques
et mal appuyez ; il se tuë ensuite
de sens froid et sans sçavoir pourquoi.
Mon dessein n'est pas de m'engager
dans une plus longue décision ; il me
suffit de vous avoir prouvé que j'ai vû
Zaïre sans me laisser ébloüir , et qu'en
même temps j'ai raison de remarquer
que quelques- unes des. Observations de
M. Rousseau ne sont pas tout- à- fait
exactes. Au reste , tout ce qui sort de
sa Plume est bien digne d'être lû ; je
vous suis très obligé de m'avoir envoyé
sa Lettre , si elle n'est pas en tout
exactement judicieuse , c'est que , selon
toutes les apparences , il n'avoit fait qu'u
ne lecture rapide de Zaïre quand il en
a porté son jugement. Je suis , Monsieur
, & c.
·
A Paris , ce 8. de Mars 1733 .
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Résumé : LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
La lettre de M. L... à l'Abbé S.... examine la critique de Jean-Jacques Rousseau sur la pièce 'Zaïre' de Voltaire. M. L... conteste l'analyse de Rousseau, qui soutient que la grâce divine est impuissante face aux passions dans 'Zaïre'. Selon M. L..., la pièce illustre un triomphe progressif de la miséricorde divine sur la faiblesse humaine, notamment à travers les déclarations successives de foi chrétienne de Zaïre. Il souligne que la moralité de la pièce met en garde contre les dangers des passions débridées. M. L... critique également la vision de Rousseau sur les moments où Zaïre ne déclare pas sa foi au Sultan, arguant qu'elle agit par prudence pour protéger des secrets importants. Il reconnaît que 'Zaïre' n'atteint pas la même majesté que les œuvres de Corneille comme 'Polyeucte', mais il estime que la pièce possède des mérites propres. La lettre met en évidence les défauts de la pièce, notamment le caractère d'Orosmane, qui passe d'un amour noble à une jalousie meurtrière de manière peu justifiée. M. L... compare la catastrophe de 'Zaïre' à celle de l'opéra 'Athys', jugeant la première plus dure et moins justifiée. Il conclut en affirmant qu'il a lu 'Zaïre' avec un regard critique et qu'il trouve certaines observations de Rousseau inexactes, tout en reconnaissant la valeur de ses écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 812-813
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Malte le 15 Mars.
Début :
Le Conseil de l'Ordre ayant reçû avis que six Vaisseaux d'Alger étoient mouillés aux Fogeri, [...]
Mots clefs :
Escadre, Malte, Algériens, Religion, Vaisseaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Malte le 15 Mars.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Malte
le 15 Mars.
E Conseil de l'Ordre ayant reçû avis que six
geri , dans le Golfe de Smirne pour y engager
des hommes , et que le G. S. avoit donné
<
1
deux
AVRIL. 1733. 813
deux Sultanes et un autre Vaisseau chargé de
poudre et d'autres munitions de Guerre avec lesquels
ils doivent repasser , a ordonné que les
quatre Vaisseaux que la Religion fait équiper ,
dont on doit augmenter l'armement de 400 .
hommes et de 32 Chevaliers , fussent prêts à
mettre incessamment à la voile pour aller à la
rencontre des Algériens du côté de Ponant , dans
les Croisières . Don André de Reggio , Chef
d'Escadre du Roi d'Espagne , qui a été envoyé
à Malte par S. M. Cat . avec deux Vaisseaux
dont l'un est de 60 Canons , et l'autre de so
pour joindre l'Escadre de la Religion , en attendant
que l'Espagne fournisse des forces plus considérables
, doit aller avec cette Escadre combattre
celle des Algériens
le 15 Mars.
E Conseil de l'Ordre ayant reçû avis que six
geri , dans le Golfe de Smirne pour y engager
des hommes , et que le G. S. avoit donné
<
1
deux
AVRIL. 1733. 813
deux Sultanes et un autre Vaisseau chargé de
poudre et d'autres munitions de Guerre avec lesquels
ils doivent repasser , a ordonné que les
quatre Vaisseaux que la Religion fait équiper ,
dont on doit augmenter l'armement de 400 .
hommes et de 32 Chevaliers , fussent prêts à
mettre incessamment à la voile pour aller à la
rencontre des Algériens du côté de Ponant , dans
les Croisières . Don André de Reggio , Chef
d'Escadre du Roi d'Espagne , qui a été envoyé
à Malte par S. M. Cat . avec deux Vaisseaux
dont l'un est de 60 Canons , et l'autre de so
pour joindre l'Escadre de la Religion , en attendant
que l'Espagne fournisse des forces plus considérables
, doit aller avec cette Escadre combattre
celle des Algériens
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Malte le 15 Mars.
Le 15 mars, le Conseil de l'Ordre de Malte a appris la présence de six galiotes algériennes dans le Golfe de Smirne. En réponse, quatre vaisseaux de l'Ordre, renforcés de 400 hommes et 32 chevaliers, ont été préparés pour les intercepter. De plus, Don André de Reggio, Chef d'Escadre du Roi d'Espagne, a été envoyé à Malte avec deux vaisseaux pour renforcer l'escadre et combattre la flotte algérienne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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46
p. 878-883
LETTRE écrite à M. Baron, Doyen de la Faculté de Medecine de Paris, par M. de Lepine, Docteur, Régent de la même Faculté, au sujet d'une These qui a pour titre, An à functionum integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le huitiéme Janvier 1733. aux Ecoles de Médecine.
Début :
MONSIEUR, J'apprends avec une surprise extrême les bruits que [...]
Mots clefs :
Âme, Sentiments, Corps, Matière, Immortalité, Assertion, Religion, Proposition
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. Baron, Doyen de la Faculté de Medecine de Paris, par M. de Lepine, Docteur, Régent de la même Faculté, au sujet d'une These qui a pour titre, An à functionum integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le huitiéme Janvier 1733. aux Ecoles de Médecine.
LETTRE écrite à M. Baron , Doyen
de la Faculté de Medecine de Paris
par M. de Lepine , Docteur , Régent de
la même Faculté , au sujet d'une These
qui a pour titre , An à functionum
integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le
buitiéme Fanvier 1733. aux Ecoles de
Médecine.
MONSIEUR ,
J'apprens avec une surprise extrême
les bruits que l'on répand contre moi au
sujet d'une These que j'ai faite et à laquel'e
j'ai présidé le huitiéme Janvier de
la présente année , qui a pour titre : An
à functionum integritate mentis Sanitas ?
Rien n'est plus douloureux pour un
homme élevé dans des sentimens d'honneur
et de Religion , qui selon moi doivent
être inséparables , que de se voir attaqué
sur une matiere , où le simple soupçon
donne toujours là plus sensible atteinte
à notre réputation ; ainsi je m'estimerois
le plus malheureux des hommes ,
si je n'avois une ressource dans l'équité
de ceux qui sont en état de juger avec
con,
MAY. 1733. 879
connoissance de cause , et ce sont eux
que je me flatte de convaincre de la
pureté
et de l'orthodoxie des més sentimens.
Les objections qui me cont revenues
se réduisent à deux principales .
La premiere , d'avoir choisi une matiere
qui m'ait engagé à parler de l'Ame ,
de son essence et de ses opérations.
La seconde , d'avoir paru mettre en
problême sa spiritualité et son immortalité.
Je réponds à la premiere objection ,
que jusqu'ici dans nos Ecoles , sans que
personne l'ait trouvé mauvais , on a traité
la même matiere comme un point de
Physiologie très - important sous differens
titres . An mens sana in Corpore sano ? An
principium facultatum Anima ? & c.
Mais outre l'importance du sujet en
general , un motif particulier m'a déterminé
à le choisir. Beaucoup de gens sont
prévenus que tous les accidens qui dérangent
la tête de tant de differentes manieres
, en nous ôtant la liberté sont
des maladies qui attaquent réellement
l'esprit , et que si en même temps les
autres fonctions du Corps sont en bon
état , la Médecine ne peut être d'aucun
secours. ,
C
,
I
Par
$80 MERCURE DE FRANCE
Par une suite de préjugé on a vû dans
tous les temps enfermer des personnes
alienées , sans que leur famille ait daigné
faire les moindres tentatives pour
leur guérison.
De si tristes avantures m'ont excité à
combattre une erreur si préjudiciable au
Public , en faisant voir que les maladies
dont il s'agit , et que l'on croit avoir leur
siege dans l'ame même , ne sont que dans
les organes du corps , quelque bien disposez
qu'ils soient à tous autres égards ;
c'est dans ce sens qu'il faut entendre le
titre de ma These : An à functionum integritate
mentis Sanitas ?
Ayant à prouver que les prétendus dérangemens
de l'Esprit sont seulement de
vrais dérangemens
des parties internes du
Corps , telles que les Nerfs dans leurs
origines et dans leurs communications
,
j'établis pour principe certain que l'ame
ne peut être susceptible des altérations
que la corruption fait subir à la matiere,
c'est ce que je dis en termes formels , lig.
34. du quatrième Cor. p. 3. Num aëris constitutio
potest aliquid in Substantiam cogitantem
? Num terra venenati halitus vale
bunt eam corrumpere ? Absit
Cette proposition est une conséquence
nécessaire de l'Assertion qui est dans mon
premier
MAY. 1733 . 881
premier Corollaire touchant la Nature
de l'Ame. C'est là que je tâche d'exprimer
son Essence , et de la distinguer de
celle du Corps dans la définition que je
donne de la Vie. Communio est rei extensæ,
mobilis , que occupat spatium , que mutat
subinde locum , cum substantia que nullius
loci est capax , que proin sedem mutare nequit
, et tamen quocumque volueris illicò
transvolat.
Cette Assertion suffiroit pour me justifier
contre la seconde objection , elle
est décisive , elle ne renferme aucune
équivoque, et exclut toute espece de doute
: cependant on prétend en faire naître
l'idée sur ses paroles du premier Corol.
Num extensa et solida gaudeat trinâ dimentione
, roganti , non esse corpoream difficulter
probaveris ; At corpoream esse longè
difficilius demonstraveris. Je vous prie ,
Monsieur , de remarquer ici deux choses;
la premiere, qu'il ne s'y agit que de. preuves
philosophiques ; la seconde, que cette
proposition est d'un genre tout different
de celui des Assertions.
in-
Je compare seulement deux sentimens
contraires ; et avant que de donner ma
véritable réponse , je commence par
diquer le plus probable, en faisant remarquer,
que , si d'un côté il n'est pas aisé
C de
882 MERCURE DE FRANCE
"
de prouver l'immatérialité de l'ame , de
l'autre il est , sans comparaison , plus dif
ficile d'en démontrer la matérialité.
Je ne fais donc ici qu'exposer le dou
te ; mais je le résous ensuite , ou du
moins j'explique clairement ce que j'en
pense , lorsque je dis ailleurs ( ce qui est
vraiment Assertion ) que l'ame est une
substance pensante , qui ne peut être contenue
en aucun licu , et sur laquelle la
constitution de l'air n'a aucun pouvoir :
d'où il suit clairement qu'elle est spirituelle
; et par conséquent je suis bien éloigné
d'affirmer qu'on ne puisse prouver
ce que je regarde moi-même , et ce que
je donne comme absolument certain .
Pour ce qui regarde l'immortalité de
l'ame , il est vrai que je dis de Platon
Concupivit potiùs , quàm demonstravit z
mais la Religion pourroit- elle admettre
la démonstration qu'il s'imagine en donner
dans le Phedon , lorsqu'il dit que
l'ame étant à elle-même la cause de son
mouvement , elle ne peut jamais finir ?
Cer illustre Philosophe a pensé plus
conformément aux principes de la vraye
Religion dans le Timée, où il assure que
la seule volonté du Dieu suprême donne
l'immortalité à tous les êtres intelligens.
Après une justification aussi précise que
celle- cy ,
MAY. 1733. 883
celle-cy , si quelqu'un pouvoit encore
prétendre que dans la proposition Num
extensa , &c. je mets en problême la spiritualité
de l'ame , je desavoue non seu
lement , mais je déteste le sentiment qu'il
m'attribue , en suppliant les Juges équitables
de remarquer qu'il est formellementdétruit
par les deux Assertions, Substantia
cogitans , p. 3. Cor. 4. 1. 35. et
nullius loci capax , p . 1. Cor. 1. ligne derniere
, que j'ai rapportées.
Quoique je doute que mes expressions
ayent une interprétation si odieuse , je
suis sensiblement affligé si elles ont pû
y donner lieu ; et quelque témoignage
que je me rende à moi - même de l'intégrité
de ma foi et de la pureté de mes
intentions , je me reconnoîtrai coupable,
si l'on peut me convaincre , d'avoir parlé
d'une maniere à me faire soupçonner de
l'être mais le sentiment de ma conscience
me rassure , n'ayant jamais riem
pensé ni écrit que de conforme aux sentimens
de l'Eglise Catholique, Apostolique
et Romaine , dans le sein de laquelle
je veux vivre et mourir,
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentimens
d'estime , de considération et de
respect possible , &c.
A Paris , le 4. Avril 1733 .
de la Faculté de Medecine de Paris
par M. de Lepine , Docteur , Régent de
la même Faculté , au sujet d'une These
qui a pour titre , An à functionum
integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le
buitiéme Fanvier 1733. aux Ecoles de
Médecine.
MONSIEUR ,
J'apprens avec une surprise extrême
les bruits que l'on répand contre moi au
sujet d'une These que j'ai faite et à laquel'e
j'ai présidé le huitiéme Janvier de
la présente année , qui a pour titre : An
à functionum integritate mentis Sanitas ?
Rien n'est plus douloureux pour un
homme élevé dans des sentimens d'honneur
et de Religion , qui selon moi doivent
être inséparables , que de se voir attaqué
sur une matiere , où le simple soupçon
donne toujours là plus sensible atteinte
à notre réputation ; ainsi je m'estimerois
le plus malheureux des hommes ,
si je n'avois une ressource dans l'équité
de ceux qui sont en état de juger avec
con,
MAY. 1733. 879
connoissance de cause , et ce sont eux
que je me flatte de convaincre de la
pureté
et de l'orthodoxie des més sentimens.
Les objections qui me cont revenues
se réduisent à deux principales .
La premiere , d'avoir choisi une matiere
qui m'ait engagé à parler de l'Ame ,
de son essence et de ses opérations.
La seconde , d'avoir paru mettre en
problême sa spiritualité et son immortalité.
Je réponds à la premiere objection ,
que jusqu'ici dans nos Ecoles , sans que
personne l'ait trouvé mauvais , on a traité
la même matiere comme un point de
Physiologie très - important sous differens
titres . An mens sana in Corpore sano ? An
principium facultatum Anima ? & c.
Mais outre l'importance du sujet en
general , un motif particulier m'a déterminé
à le choisir. Beaucoup de gens sont
prévenus que tous les accidens qui dérangent
la tête de tant de differentes manieres
, en nous ôtant la liberté sont
des maladies qui attaquent réellement
l'esprit , et que si en même temps les
autres fonctions du Corps sont en bon
état , la Médecine ne peut être d'aucun
secours. ,
C
,
I
Par
$80 MERCURE DE FRANCE
Par une suite de préjugé on a vû dans
tous les temps enfermer des personnes
alienées , sans que leur famille ait daigné
faire les moindres tentatives pour
leur guérison.
De si tristes avantures m'ont excité à
combattre une erreur si préjudiciable au
Public , en faisant voir que les maladies
dont il s'agit , et que l'on croit avoir leur
siege dans l'ame même , ne sont que dans
les organes du corps , quelque bien disposez
qu'ils soient à tous autres égards ;
c'est dans ce sens qu'il faut entendre le
titre de ma These : An à functionum integritate
mentis Sanitas ?
Ayant à prouver que les prétendus dérangemens
de l'Esprit sont seulement de
vrais dérangemens
des parties internes du
Corps , telles que les Nerfs dans leurs
origines et dans leurs communications
,
j'établis pour principe certain que l'ame
ne peut être susceptible des altérations
que la corruption fait subir à la matiere,
c'est ce que je dis en termes formels , lig.
34. du quatrième Cor. p. 3. Num aëris constitutio
potest aliquid in Substantiam cogitantem
? Num terra venenati halitus vale
bunt eam corrumpere ? Absit
Cette proposition est une conséquence
nécessaire de l'Assertion qui est dans mon
premier
MAY. 1733 . 881
premier Corollaire touchant la Nature
de l'Ame. C'est là que je tâche d'exprimer
son Essence , et de la distinguer de
celle du Corps dans la définition que je
donne de la Vie. Communio est rei extensæ,
mobilis , que occupat spatium , que mutat
subinde locum , cum substantia que nullius
loci est capax , que proin sedem mutare nequit
, et tamen quocumque volueris illicò
transvolat.
Cette Assertion suffiroit pour me justifier
contre la seconde objection , elle
est décisive , elle ne renferme aucune
équivoque, et exclut toute espece de doute
: cependant on prétend en faire naître
l'idée sur ses paroles du premier Corol.
Num extensa et solida gaudeat trinâ dimentione
, roganti , non esse corpoream difficulter
probaveris ; At corpoream esse longè
difficilius demonstraveris. Je vous prie ,
Monsieur , de remarquer ici deux choses;
la premiere, qu'il ne s'y agit que de. preuves
philosophiques ; la seconde, que cette
proposition est d'un genre tout different
de celui des Assertions.
in-
Je compare seulement deux sentimens
contraires ; et avant que de donner ma
véritable réponse , je commence par
diquer le plus probable, en faisant remarquer,
que , si d'un côté il n'est pas aisé
C de
882 MERCURE DE FRANCE
"
de prouver l'immatérialité de l'ame , de
l'autre il est , sans comparaison , plus dif
ficile d'en démontrer la matérialité.
Je ne fais donc ici qu'exposer le dou
te ; mais je le résous ensuite , ou du
moins j'explique clairement ce que j'en
pense , lorsque je dis ailleurs ( ce qui est
vraiment Assertion ) que l'ame est une
substance pensante , qui ne peut être contenue
en aucun licu , et sur laquelle la
constitution de l'air n'a aucun pouvoir :
d'où il suit clairement qu'elle est spirituelle
; et par conséquent je suis bien éloigné
d'affirmer qu'on ne puisse prouver
ce que je regarde moi-même , et ce que
je donne comme absolument certain .
Pour ce qui regarde l'immortalité de
l'ame , il est vrai que je dis de Platon
Concupivit potiùs , quàm demonstravit z
mais la Religion pourroit- elle admettre
la démonstration qu'il s'imagine en donner
dans le Phedon , lorsqu'il dit que
l'ame étant à elle-même la cause de son
mouvement , elle ne peut jamais finir ?
Cer illustre Philosophe a pensé plus
conformément aux principes de la vraye
Religion dans le Timée, où il assure que
la seule volonté du Dieu suprême donne
l'immortalité à tous les êtres intelligens.
Après une justification aussi précise que
celle- cy ,
MAY. 1733. 883
celle-cy , si quelqu'un pouvoit encore
prétendre que dans la proposition Num
extensa , &c. je mets en problême la spiritualité
de l'ame , je desavoue non seu
lement , mais je déteste le sentiment qu'il
m'attribue , en suppliant les Juges équitables
de remarquer qu'il est formellementdétruit
par les deux Assertions, Substantia
cogitans , p. 3. Cor. 4. 1. 35. et
nullius loci capax , p . 1. Cor. 1. ligne derniere
, que j'ai rapportées.
Quoique je doute que mes expressions
ayent une interprétation si odieuse , je
suis sensiblement affligé si elles ont pû
y donner lieu ; et quelque témoignage
que je me rende à moi - même de l'intégrité
de ma foi et de la pureté de mes
intentions , je me reconnoîtrai coupable,
si l'on peut me convaincre , d'avoir parlé
d'une maniere à me faire soupçonner de
l'être mais le sentiment de ma conscience
me rassure , n'ayant jamais riem
pensé ni écrit que de conforme aux sentimens
de l'Eglise Catholique, Apostolique
et Romaine , dans le sein de laquelle
je veux vivre et mourir,
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentimens
d'estime , de considération et de
respect possible , &c.
A Paris , le 4. Avril 1733 .
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Résumé : LETTRE écrite à M. Baron, Doyen de la Faculté de Medecine de Paris, par M. de Lepine, Docteur, Régent de la même Faculté, au sujet d'une These qui a pour titre, An à functionum integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le huitiéme Janvier 1733. aux Ecoles de Médecine.
M. de Lepine, Docteur et Régent de la Faculté de Médecine de Paris, adresse une lettre à M. Baron, Doyen de la même faculté, en réponse aux critiques concernant une thèse soutenue le 8 janvier 1733, intitulée 'An à functionum integritate mentis Sanitas?'. M. de Lepine exprime sa surprise face aux rumeurs le visant et affirme sa pureté et orthodoxie. Les objections principales portent sur le choix du sujet, qui traite de l'âme, de son essence et de ses opérations, ainsi que sur la mise en problème de la spiritualité et de l'immortalité de l'âme. M. de Lepine justifie son choix en soulignant l'importance du sujet en physiologie et en médecine, notamment pour combattre l'erreur selon laquelle les troubles mentaux seraient des maladies de l'âme plutôt que du corps. Il affirme que les troubles mentaux sont des dérangements des organes du corps, comme les nerfs, et non de l'âme. Il établit que l'âme ne peut être altérée par la corruption de la matière, une proposition qu'il considère comme une conséquence nécessaire de l'assertion sur la nature de l'âme. Il distingue l'âme du corps dans la définition de la vie et affirme que l'âme est une substance pensante, spirituelle et immortelle, conforme aux principes de la religion catholique. M. de Lepine conclut en désavouant toute interprétation odieuse de ses propos et en affirmant son intégrité et sa foi. Il exprime son désir de vivre et mourir dans le sein de l'Église Catholique, Apostolique et Romaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
46
47
p. 1071-1077
LETTRE de M.... écrite à M. de .... Commandeur de l'Ordre de Saint Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau, intitulé : La Vie de Messire François Picquet, &c.
Début :
Vous avez vû, MONSIEUR, sur la fin de ma derniere Lettre, la résolution [...]
Mots clefs :
François Picquet, Lettre, Alep, Église, Consul, Religion, Sujet, Temps, Baron, Évêque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.... écrite à M. de .... Commandeur de l'Ordre de Saint Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau, intitulé : La Vie de Messire François Picquet, &c.
LETTRE de M.... écrite à M. de
.... Commandeur de l'Ordre de Saint
Jean de Jerusalem , au sujet d'un Livre
nouveau , intitulé : La Vie de Messire
François Picquet , &c.
V
Ous avez vû , MONSIEUR , Sur
la fin de ma derniere Lettre , la ré- ·
solution prise par notre pieux Conseil,de
quitter la Ville d'Alep pour repasser en
France , frappé de la disgrace du Pacha
Mortasa son ami ,et craignant même pour
sa propre personne, quelque coup de trahison
, comme une suite de la catastrophe
de ce Pacha. Des motifs de Religion
lui firent differer de deux ans l'exécution
de son dessein.
·
Cet espace fournit des Evenemens ex-.
traordinaires , et qui sont détaillez au
long dans cette Histoire; d'un côté , la tirannie
des Gouverneurs donne lieu à
de cruelles persécutions à l'égard des
Chrétiens, et de l'autre on voit de grands
exemples de patience et de Religion de
la part de ceux- ci, dont quelques- uns terminent
glorieusement leur course, par
l'effusion de leur sang. Par touton voit
I. Vol. Bij le
1072 MERCURE DE FRANCE
le zéle et la piété de M. Picquet se signaler
en faveur de la Religion et du Christianisme
persécuté.
t
C'est à peu près dans ce même temps
que notre Consul , toujours disposé à favoriser
la Religion et ses Ministres , jusqu'à
loger dans sa Maison tous les Missionnaires
qui passoient par Alep , se fit
un devoir particulier d'y recevoir deux
grands Evêques , que Dieu , dit l'Historien
, a donné dans ces derniers temps à
son Eglise , pour animer les Ouvriers
Evangeliques à pénétrer , à leurexemple ,
dans les Régions les plus reculées de l'Orient
, afin d'y annoncer Jesus- Christ aux
Nations Infideles ; sçavoir,M . de la Motte-
Lambert , Evêque de Beryte , et M. Ignace
Cotolendi , Evêque de Metellopolis ;
dont le premier a travaillé avec tant de
zele aux Missions des Royaumes de Siam
et de la Cochinchine ; et le dernier reçut
au milieu de sa course , la couronne qu'il
alloit chercher dans le vaste Empire de
la Chine , pour lequel le S. Siége l'avoit
destiné .
M. Picquet en logeant chez lui tous
ces différens Ouvriers de la vigne . du Seigneur
, et en leur procurant toutes les facilitez
qui dépendoient de son autorité ,
les regaro it comme autant d'Apôtres ,
I. Vol.
qui
JUIN. 1733-
1073
qui alloient dissiper les ténébres de-l'infidélité
du Schisme et de l'Hérésie , répandues
dans l'Orient , pour l'éclairer des lu◄
mieres de l'Evangile. Mais qui eût pensé
alors , s'écrie icy l'Auteur , qu'il dût un
jour être lui- même du nombre de ces Ouvriers
Evangeliques, et que Dieu ne l'eut
envoïé dans le Levant , que pour y animer
son zéle à la vûë de ces Eglises Orientales
, et que pour le préparer, pour ainsi
dire , et le former , par une expérience
avancée , aux sentimens et à la vie des
Apôtres ?
C'est cependant tout ce qui arriva fort
peu de temps après à M. Picquet par les
dispositions particulieres de la Providen
ce qui l'avoit destiné au service de l'E
glise ; et tout cela de la maniere qu'il
est rapporté assez au long dans cette
Histoire , mais qu'il est impossible de
suivre dans une Lettre. Je me contenterai
des principales circonstances
dont la premiere est que notre Religieux
Consul reçut la Tonsure Cléricale à Alep
même , le 10 Décembre 1660. des mains
de l'Archevêque André des Syriens, dans
l'Eglise des Carmes Déchaux de la même
Ville. Ce Prélat fit son éloge en ces termes,
dans les Lettres de Cléricature qu'il
lui fit expédier.
I.Vol. Biiij FRAN1074
MERCURE DE FRANCE
FRANCISCUS PICQUET , &c. qui imitator
Joannis in castitate ejus , Elia in zelo ejus ,
et Joannis Eleemosynarii in liberalitate ejus ,
suscepit de manibus nostris indignis .
primam Tonsuram.
...
Sur le point de partir d'Alep pour se
rendre à Rome , après s'être épuisé en aumônes
, à l'occasion de la famine et de la
contagion qui affligerent la Syrie en
1661.Il eut la consolation de voir abjurer .
⚫le Schisme et l'Hérésie au Patriarche des
Grecs, Macaire , qui déclara , touché par
de si grands exemples de charité , que
l'Eglise Romaine étoit la seule véritable.
Cette déclaration fut faite en prêchant
dans son Eglise , en présence du Consul ,
des Missionnaires et de tout le Peuple ,
après la célébration des saints Mysteres.
réünir
De plus , le même Prélat remit à l'Illustre
Consul une Lettre pour le Pape ,
dans laquelle il le reconnoissoit pour le
Chef de l'Eglise Catholique , et promettoit
de faire tout son possible pour
toute sa Nation au S. Siége. Cette Lettre
fut souscrite non- seulement du Patriarche
des Grecs , mais encore de celui des
Arméniens , nommé Cachadour, et non pas
Caladour. Cette correction est de M. le
Chevalier Maunier d'Alep , et d'André
qui l'étoit des Syriens.
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733. 1075
Ce dernier écrivit en particulier une
Lettre à la Congrégation de la Propagande
, au sujet de M. Picquet , toute remplie
de ses grandes qualitez , et des services
importans rendus à l'Eglise et à la
Religion durant son Consulat . Cette Lettre
est rapportée presqu'en son entier .
Cependant M. Baron qui fut son successeur
, étoit arrivé à Alep depuis plus
d'un an , en compagnie de M. l'Evêque
de Béryte . Comme vous vous interessez
à sa mémoire et encore plus à la vérité , je
me fais un devoir , Monsieur , d'inserer
icy ce que notre Historien a écrit au sujet
de ce digne successeur .
» Il avoit travaillé long- temps aupara-
» vant , dit-il , en parlant de M. Picquet,
>> à se choisir un successeur qui fut en.
» état de soutenir ce qu'il avoit si - heu-
» reusement commencé , et qui sçut s'ap-
» pliquer à l'avancement de la Religion
» et au soulagement des pauvres , sans
négliger les devoirs de sa charge. C'est
» M. François Baron , Marseillois , sur
» qui notre Consul avoit jetté les yeux ..
» Il étoit vertueux et intelligent , deux
qualitez essentielles pour accomplir les
desseins de M. Picquet.
"
Il y a tout lieu de croire que cet Endroit
des Mémoires sur lesquels notre
I. Vol.
Au- B v
1076 MERCURE DE FRANCE
'Auteur a travaillé n'est pas tout à fait
- -
exact , mais ce n'est pas icy le lieu de
l'examiner et de rétablir , s'il est possible ,
la vérité des faits au sujet de M. Baron .
Comme il est encore parlé de cet illustre
Consul , et pour la derniere fois , dans le
second Livre de cetre Histoire , je ne
manquerai pas , en vous rendant compte
de ce Livre , de m'arrêter sur ce sujet autant
qu'il sera necessaire , pour vous
donner les éclaircissemens que vous attendez
de moi .
Notre Historien continue dans le même
endroit , de parler de M. Baron , qui ,
comme on vient de le voir , étoit arrivé
à Alep long- temps avant le départ de
M. Picquet.
» Dans cet intervalle , dit-il , le serviteur
de Dieu lui donna toutes les ins-
» tructions qu'il jugea nécessaires pour
>> achever le grand Ouvrage auquel il
» avoit travaillé jusqu'alors avec tant de
» succès ; et les exemples rares de toutes
les vertus que M. Baron admira à loisir,
» lui apprirent à se regler autant qu'il
pourroit sur ce parfait modele. Il l'imi-
» ta de si près , que M. Pallu , Evêque
» d'Heliopolis , qu'il reçut avec la même
générosité , dont M. Picquet avoit usé
envers les autres Prélats Apostoliques ,'
1.Vol.
yas
JUIN 1733. 1077
» assure dans une Lettre , qu'il écrivit à
» la Congrégation , qu'il étoit un autre luimême
, non seulement par son emploi , mais
encore par sa rare piété et son . zele pour la
Propagation de la Foy, et par son inviolable
et respectueux attachement au S. Siége.
M. Picquet partit enfin d'Alep , et
s'embarqua à Alexandrette au commen-
-cement de l'année 1662. et après une Navigation
, traversée de plusieurs accidens ,
il arriva heureusement à Malte , d'où il
passa à Naples , et se rendit enfin à Romeau
commencement du mois de Mars,
Epoque qui termine le premier Livre de
l'Histoire de sa vie : le second Livre fera
le sujet de ma premiere Lettre. Je suis ,
Monsieur , votre , & c.
.... Commandeur de l'Ordre de Saint
Jean de Jerusalem , au sujet d'un Livre
nouveau , intitulé : La Vie de Messire
François Picquet , &c.
V
Ous avez vû , MONSIEUR , Sur
la fin de ma derniere Lettre , la ré- ·
solution prise par notre pieux Conseil,de
quitter la Ville d'Alep pour repasser en
France , frappé de la disgrace du Pacha
Mortasa son ami ,et craignant même pour
sa propre personne, quelque coup de trahison
, comme une suite de la catastrophe
de ce Pacha. Des motifs de Religion
lui firent differer de deux ans l'exécution
de son dessein.
·
Cet espace fournit des Evenemens ex-.
traordinaires , et qui sont détaillez au
long dans cette Histoire; d'un côté , la tirannie
des Gouverneurs donne lieu à
de cruelles persécutions à l'égard des
Chrétiens, et de l'autre on voit de grands
exemples de patience et de Religion de
la part de ceux- ci, dont quelques- uns terminent
glorieusement leur course, par
l'effusion de leur sang. Par touton voit
I. Vol. Bij le
1072 MERCURE DE FRANCE
le zéle et la piété de M. Picquet se signaler
en faveur de la Religion et du Christianisme
persécuté.
t
C'est à peu près dans ce même temps
que notre Consul , toujours disposé à favoriser
la Religion et ses Ministres , jusqu'à
loger dans sa Maison tous les Missionnaires
qui passoient par Alep , se fit
un devoir particulier d'y recevoir deux
grands Evêques , que Dieu , dit l'Historien
, a donné dans ces derniers temps à
son Eglise , pour animer les Ouvriers
Evangeliques à pénétrer , à leurexemple ,
dans les Régions les plus reculées de l'Orient
, afin d'y annoncer Jesus- Christ aux
Nations Infideles ; sçavoir,M . de la Motte-
Lambert , Evêque de Beryte , et M. Ignace
Cotolendi , Evêque de Metellopolis ;
dont le premier a travaillé avec tant de
zele aux Missions des Royaumes de Siam
et de la Cochinchine ; et le dernier reçut
au milieu de sa course , la couronne qu'il
alloit chercher dans le vaste Empire de
la Chine , pour lequel le S. Siége l'avoit
destiné .
M. Picquet en logeant chez lui tous
ces différens Ouvriers de la vigne . du Seigneur
, et en leur procurant toutes les facilitez
qui dépendoient de son autorité ,
les regaro it comme autant d'Apôtres ,
I. Vol.
qui
JUIN. 1733-
1073
qui alloient dissiper les ténébres de-l'infidélité
du Schisme et de l'Hérésie , répandues
dans l'Orient , pour l'éclairer des lu◄
mieres de l'Evangile. Mais qui eût pensé
alors , s'écrie icy l'Auteur , qu'il dût un
jour être lui- même du nombre de ces Ouvriers
Evangeliques, et que Dieu ne l'eut
envoïé dans le Levant , que pour y animer
son zéle à la vûë de ces Eglises Orientales
, et que pour le préparer, pour ainsi
dire , et le former , par une expérience
avancée , aux sentimens et à la vie des
Apôtres ?
C'est cependant tout ce qui arriva fort
peu de temps après à M. Picquet par les
dispositions particulieres de la Providen
ce qui l'avoit destiné au service de l'E
glise ; et tout cela de la maniere qu'il
est rapporté assez au long dans cette
Histoire , mais qu'il est impossible de
suivre dans une Lettre. Je me contenterai
des principales circonstances
dont la premiere est que notre Religieux
Consul reçut la Tonsure Cléricale à Alep
même , le 10 Décembre 1660. des mains
de l'Archevêque André des Syriens, dans
l'Eglise des Carmes Déchaux de la même
Ville. Ce Prélat fit son éloge en ces termes,
dans les Lettres de Cléricature qu'il
lui fit expédier.
I.Vol. Biiij FRAN1074
MERCURE DE FRANCE
FRANCISCUS PICQUET , &c. qui imitator
Joannis in castitate ejus , Elia in zelo ejus ,
et Joannis Eleemosynarii in liberalitate ejus ,
suscepit de manibus nostris indignis .
primam Tonsuram.
...
Sur le point de partir d'Alep pour se
rendre à Rome , après s'être épuisé en aumônes
, à l'occasion de la famine et de la
contagion qui affligerent la Syrie en
1661.Il eut la consolation de voir abjurer .
⚫le Schisme et l'Hérésie au Patriarche des
Grecs, Macaire , qui déclara , touché par
de si grands exemples de charité , que
l'Eglise Romaine étoit la seule véritable.
Cette déclaration fut faite en prêchant
dans son Eglise , en présence du Consul ,
des Missionnaires et de tout le Peuple ,
après la célébration des saints Mysteres.
réünir
De plus , le même Prélat remit à l'Illustre
Consul une Lettre pour le Pape ,
dans laquelle il le reconnoissoit pour le
Chef de l'Eglise Catholique , et promettoit
de faire tout son possible pour
toute sa Nation au S. Siége. Cette Lettre
fut souscrite non- seulement du Patriarche
des Grecs , mais encore de celui des
Arméniens , nommé Cachadour, et non pas
Caladour. Cette correction est de M. le
Chevalier Maunier d'Alep , et d'André
qui l'étoit des Syriens.
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733. 1075
Ce dernier écrivit en particulier une
Lettre à la Congrégation de la Propagande
, au sujet de M. Picquet , toute remplie
de ses grandes qualitez , et des services
importans rendus à l'Eglise et à la
Religion durant son Consulat . Cette Lettre
est rapportée presqu'en son entier .
Cependant M. Baron qui fut son successeur
, étoit arrivé à Alep depuis plus
d'un an , en compagnie de M. l'Evêque
de Béryte . Comme vous vous interessez
à sa mémoire et encore plus à la vérité , je
me fais un devoir , Monsieur , d'inserer
icy ce que notre Historien a écrit au sujet
de ce digne successeur .
» Il avoit travaillé long- temps aupara-
» vant , dit-il , en parlant de M. Picquet,
>> à se choisir un successeur qui fut en.
» état de soutenir ce qu'il avoit si - heu-
» reusement commencé , et qui sçut s'ap-
» pliquer à l'avancement de la Religion
» et au soulagement des pauvres , sans
négliger les devoirs de sa charge. C'est
» M. François Baron , Marseillois , sur
» qui notre Consul avoit jetté les yeux ..
» Il étoit vertueux et intelligent , deux
qualitez essentielles pour accomplir les
desseins de M. Picquet.
"
Il y a tout lieu de croire que cet Endroit
des Mémoires sur lesquels notre
I. Vol.
Au- B v
1076 MERCURE DE FRANCE
'Auteur a travaillé n'est pas tout à fait
- -
exact , mais ce n'est pas icy le lieu de
l'examiner et de rétablir , s'il est possible ,
la vérité des faits au sujet de M. Baron .
Comme il est encore parlé de cet illustre
Consul , et pour la derniere fois , dans le
second Livre de cetre Histoire , je ne
manquerai pas , en vous rendant compte
de ce Livre , de m'arrêter sur ce sujet autant
qu'il sera necessaire , pour vous
donner les éclaircissemens que vous attendez
de moi .
Notre Historien continue dans le même
endroit , de parler de M. Baron , qui ,
comme on vient de le voir , étoit arrivé
à Alep long- temps avant le départ de
M. Picquet.
» Dans cet intervalle , dit-il , le serviteur
de Dieu lui donna toutes les ins-
» tructions qu'il jugea nécessaires pour
>> achever le grand Ouvrage auquel il
» avoit travaillé jusqu'alors avec tant de
» succès ; et les exemples rares de toutes
les vertus que M. Baron admira à loisir,
» lui apprirent à se regler autant qu'il
pourroit sur ce parfait modele. Il l'imi-
» ta de si près , que M. Pallu , Evêque
» d'Heliopolis , qu'il reçut avec la même
générosité , dont M. Picquet avoit usé
envers les autres Prélats Apostoliques ,'
1.Vol.
yas
JUIN 1733. 1077
» assure dans une Lettre , qu'il écrivit à
» la Congrégation , qu'il étoit un autre luimême
, non seulement par son emploi , mais
encore par sa rare piété et son . zele pour la
Propagation de la Foy, et par son inviolable
et respectueux attachement au S. Siége.
M. Picquet partit enfin d'Alep , et
s'embarqua à Alexandrette au commen-
-cement de l'année 1662. et après une Navigation
, traversée de plusieurs accidens ,
il arriva heureusement à Malte , d'où il
passa à Naples , et se rendit enfin à Romeau
commencement du mois de Mars,
Epoque qui termine le premier Livre de
l'Histoire de sa vie : le second Livre fera
le sujet de ma premiere Lettre. Je suis ,
Monsieur , votre , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE de M.... écrite à M. de .... Commandeur de l'Ordre de Saint Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau, intitulé : La Vie de Messire François Picquet, &c.
La lettre de M.... à M. de..., Commandeur de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem, relate la vie de Messire François Picquet. En raison de la disgrâce du Pacha Mortasa et des menaces à sa sécurité, le Conseil de M. Picquet décide de quitter Alep pour la France. Cependant, des motifs religieux retardent son départ de deux ans. Durant cette période, les gouverneurs persécutent les chrétiens, qui montrent une grande patience et foi. M. Picquet se distingue par son zèle et sa piété en faveur des chrétiens persécutés. Le Consul d'Alep, toujours prêt à aider la religion et ses ministres, accueille deux grands évêques, M. de la Motte-Lambert et M. Ignace Cotolendi, qui œuvrent à l'évangélisation des régions reculées de l'Orient. M. Picquet les considère comme des apôtres et les soutient dans leur mission. Le 10 décembre 1660, M. Picquet reçoit la tonsure cléricale à Alep des mains de l'Archevêque André des Syriens. Avant de partir pour Rome, il assiste à l'abjuration du schisme et de l'hérésie par le Patriarche des Grecs, Macaire, qui reconnaît l'Église Romaine comme la seule véritable. M. Picquet quitte finalement Alep en 1662 et arrive à Rome au début du mois de mars. Son successeur, M. François Baron, est décrit comme vertueux et intelligent, et poursuit l'œuvre de M. Picquet avec succès. La lettre mentionne également des mémoires sur M. Baron, dont la véracité est contestée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
48
p. 1101-1125
TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
Début :
Vous me marquez, Monsieur, quelque satisfaction des Eclaircissemens contenus dans [...]
Mots clefs :
Marquis de Rosny, Prince, Artillerie, Religion, Duc de Sully, Duc de Savoie, Médaille, Mémoires, Seigneur, Dieu, Corps, Esprit, Enfants, Béthune, Melun
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
TROISIEME LETTRE de M. D. L.
R. écrite à M. A. C. D. S.T.au sujet du
Marquis de Rosny , depuis Duc de Sully
, &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
Ous me Monsieur
quelque satisfaction des Eclaircissemens
contenus dans mes deux Lettres
précédentes , sur la premiere Question
que vous m'avez faite , au sujet du
Marquis de Rosny , premier Ministre
du Roi Henri Le Grand. Cela m'engage
de redoubler mes soins pour répondre
avec la même éxactitude et le même succès
aux autres demandes que vous me
faites sur ce sujet.
و
Instruit par P'Histoire de l'ancienneté
et de la Catholicité de la Maison de Bethune
dont le Marquis de Rosny se
trouvoit le Chef , vous êtes surpris que
ce Seigneur n'ait pas persevere dans la
Religion de ses Ancêtres vous me demandez
la cause de ce changement , à
quoi vous ajoutez deux ou trois autres
Questions , dont la Réponse fera tout le
sujet de cette Lettre.:
1. Fol. Cvi Da1102
MERCURE DE FRANCE
D'abord il est bon de vous dire , Monsieur
, que ce n'est pas le Marquis de
Rosny qui fait la premiere cause de cette
variation . Pour en être bien instruit , il
faut remonter jusqu'à Jean de Bethune
IV. du nom son Ayeul , lequel étant
encore assez jeune épousa Anne de Melun
, qui lui apporta en dot la Baronie
de Rosny , &c. Il en eut plusieurs Enfans
, lesquels eurent un double malheur
; le premier de perdre leur Mere
dans leur bas âge , et le second de voir
remarier leur Pere avec une simple Demoiselle
sans biens. Un troisiéme malheur
, suite des premiers , voulut que
Jean de Bethune n'eut ni ordre , ni oeconomie
dans ses affaires , qu'il s'endetta -
beaucoup , et qu'en mourant enfin retiré
au Château de Coucy , après avoir
aliené ses plus beaux Domaines
il ne
laissa presque rien à ses Enfans : de sorte
que François de Bethune son fils aîné ,
dépouillé de tous les grands biens de ses
Ancêtres , et ne jouissant que de ceux
d'Anne de Melun sa Mere , est comparé
par un Historien au Prince * Jean , surnommé
sans Terre , qui étant fils de Roi ,
se trouva presque sans aucune possession
, & c.
D
* Jean , fils de Henri II . Roi d'Angleterre .
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733- 1103
Ce fils aîné épousa en 1557. Charlotte
Dauvet , qui lui donna sept Enfans. Il
s'attacha de bonne heure à Louis de Bourbon
, Prince de Condé , qui étoit alors
le Chef des Huguenots , et fit Profession
de la nouvelle Religion , à l'imitation de
plusieurs Grands Seigneurs , séduits par
les opinions des Novateurs , ou par des
motifs humains. En courant toutes les
fortunes du Prince il se trouva à la Bataille
de Jarnac , où il fut fait Prisonnier ;
j'omets le reste de son histoire pour marquer
seulement qu'en mourant en l'année
1577. il laissa pour Chef de sa Maison
Maximilien de Bethune, son Fils puisné ,
dont il s'agit particulierement ici .
Ce Seigneur suivit les traces de Fran
çois de Bethune son Pere , tant pour la
Religion dans laquelle il étoit né , que
du côté de la Fortune; il pourroit fournir
seul la matière d'une longue Histoire ,
que j'avois eu autrefois dessein d'entreprendre
ce Pere homme vertueux
de bon esprit , et brûlant du
loüable désir de relever sa Maison , avoit
jetté les yeux sur notre Maximilien , le
second des quatre fils qu'il eut de Charlotte
Dauvet.
,
د
Il avoit remarqué en lui non - seulement
une grande vigueur de corps et
I. Vol. d'es
1104 MERCURE DE FRANCE
d'esprit , mais encore une grande inclination
à la vertu , et une forte aversion
pour le vice , ce qui lui ayant fait concevoir
une grande espérance , il le fit appeller
un jour , disent les Mémoires qui
portent son nom , dans sa Chambre de
la Haute Tour , et en la seule présence
de la Durandiere , son Précepteur, il lui
tint un discours que sa briéveté et l'importance
du sujet m'engagent de rappor
ter ici.
» Maximilian , puisque la Coûtume
ne me permet pas de vous faire le prin-
» cipal Héritier de mes biens , je veux en
» récompense essayer de vous enrichir
» de vertus , et par le moyen d'icelles
» comme on me l'a prédit , j'espere que
» vous serez un jour quelque chose . Pré-
» parez- vous donc à supporter avec cou-
» rage , toutes les traverses et difficultez
» que vous rencontrerez dans le monde ,
» ct en les surmontant genereusement ,
acquerez- vous l'estime des gens d'hon-
» neur , et particulierement celle du
» Maître à qui je veux vous donner ; au
Service duquel je vous commande de
» vivre et mourir. Et quand je serai sur
mon partement pour aller à Vendôme
>> trouver la Reine de Navarre , et Mon-
» sieur le Prince son fils , auquel je veux
»
1. Vol. » Yous
JUIN. 1733- 1109
» vous donner , disposez-vous à venir
» avec moi , et vous préparer par une
Harangue à lui offrir votre service
» lors que je lui présenterai votre -Per-
» sonne .
la
Ce Discours pathétique et sensé , écou
té avec attention par un fils né pour
vertu , eut dans les suites tout le succès
que l'affection et la prévoyance d'un sage
Pere pouvoient esperer. Le Pere et le
Fils se rendirent bien-tôt auprès de la
Reine de Navarre , et le jeune Rosny
fut présenté au Prince son Fils , qui étoit
aussi fort jeune.
»
*
» Cela se fit , disent les Auteurs des
» Mémoires , en présence de la Reine sa
mere , avec des protestations que
» vous lui seriez à jamais très - fidele er
n très- obéïssant serviteur : ee que vous.
» lui jurâtes aussi , en si beaux termes
» avec tant de grace et d'assûrance
>> et un ton de voix si agréable , qu'il
conçût dès lors de bonnes espérances de
» vous. Et vous ayant relevé ( car vous
>> étiez à genoux , ) il vous embrassa deux
» fois , et vous dit : qu'il admiroit votre
gentillesse , vû votre âge , qui n'étoit
"
ת
La parole est ici adressée au Marquis de
Rosny , comme dans tout le corps de l'Ouvrage.
I. Vol.
» que
1106 MERCURE DE FRANCE
>>
que de onze années , et que lui aviés
» présenté votre service avec une si gran-
» de facilité , et étiés de si bonne race
» qu'il ne doutoit point qu'un jour vous
» n'en fissiés paroître les effets en vrai
» Gentilhomme . Et aussi vous promit il
» en foi de Prince , qu'en vous recevant
» de fort bon coeur , il vous aimeroit tou-
» jours , et qu'il ne se présenteroit jamais
» occasion de vous faire acquerir du bien
>> et de l'honneur , qu'il ne s'y employât
» de tout son coeur. Tous lesquels dis-
» cours , qui n'étoient lors que par com-
» plimens , ont eu depuis des Evénemens.
» plus avantageux que vous n'aviez ´es-
» péré.
Ces Evénemens que les mêmes Auteurs
ont rapporté fort au long , furent précédez
et mêlez de bien des traversés. La
Religion surtout , dont ce jeune Seigneur
faisoit profession , et qui fait le
principal article de vos demandes , pensa
lui coûter cher , dans la fatale journée
qui vit couler tant de sang François , au
milieu d'une profonde paix. Sa conservation
a quelque chose de singulier et de
merveilleux : elle merite bien que j'en
place ici le petit détail , tiré des mêmes
Mémoires .
» Voici ce que nous vous en avons
1. Vol. » oui
JUIN. 1733. 1107
noui conter : à sçavoir que vous ayant
» fait dessein d'aller faire votre Cour ce
» jour là , vous vous étiés couché la veille
de bonne heure , et que sur les trois
>> heures du matin , vous vous réveillâ-
» tes au bruit de plusieurs cris de peu-
» ples , et des allarmes que l'on sonnoit
» dans tous les Clochers. Le sieur de
» S. Julien , votre Gouverneur , et votre
» Valet de Chambre , ( qui s'étoient aussi
» éveillés au bruit , ) étant sortis de vo-
» tre logis , pour apprendre ce que c'é-
» toit , n'y rentrerent point ; et n'avez-
» vous jamais sçû ce qu'ils étoient deve-
» nus. De sorte qu'étant réduit vous
>> seul dans votre chambre et votre
» Hôte qui étoit de la Religion , vous
» pressant d'aller avec lui à la Messe , afin
» de garantir sa vie et sa maison de sac-
» cagement , vous vous résolûtes d'es-
» sayer à vous sauver dans le College de
Bourgogne.
"3
,
>> Pour ce faire,yous prîtes votre Robbe
>> d'Ecolier , un Livre sous votre bras , et
» vous vous mîtes en chemin . Par les
» ruës vous rencontrâtes trois Corps de
» Garde , l'un à celle de S. Jacques , un
>> autre à celle de la Harpe , et l'autre à
» l'issue du Cloître de S. Benoît. Au pre
» mier ayant été arrêté et rudoyé par
1. Vol. >> ceux
108 MERCURE DE FRANCE
» ceux de la Garde , un d'entr'eux pre
> nant votre Livre , et voyant que , de
» bonheur pour vous , c'étoit de grosses'
» Heures , vous fit passer , ce qui vous
» servit de passeport aux autres. En al-
>> lant vous vîtes enfoncer et piller des
» maisons , massacrer hommes , femmes .
» et enfans , avec les cris de tuë , tuë , ô
»Huguenot , ô Huguenot , ce qui vous
» faisoit souhaiter avec impatience d'être
» arrivé à la porte du College , où enfin
>> Dieu vous accompagna , sans qu'il vous
>> fût arrivé autre mal que la peur.
»
» A l'abord , le Portier vous refusa deux
» fois l'entrée de la porte mais enfin
» moyennant quatre Testons que vous
» lui donnâtes , il alla dire au Principal ,
» nommé la Faye , que vous étiés à la
» porte , et ce que vous demandiez , lequel
aussi- tôt meu de compassion
» étant votre particulier ami , vous vint
» faire entrer , empêché toutefois de ce
» qu'il feroit de vous , à cause de deux
» Ecclésiastiques qui étoient dans sa
» chambre , et qui disoient y avoir des-
» sein formé de tuer tous les Huguenots ,
» jusqu'aux enfans à la mammelle , et ce
à l'exemple des Vêpres Siciliennes .
» Néanmoins , par pitié , ce bon Personnage
vous mit dans une chambre fort
"
I. Vol. ≫ seJUIN.
1733.
1109
» secrette , dans laquelle personne n'en-
» trât que son Valet , qui vous y por-
» toit des vivres , et vous y servît trois
» jours durant , au bout desquels il se
» fit une publication de par le Roi , por-
" tant deffenses de plus tuer ni saccager
>> personne.
» Alors deux Archers de la Garde, Vas-
» saux de M. votre Pere , l'un nommé
» Ferrieres , et l'autre la Vieville , vin-
» rent avec leurs Hocquetons , et Halle-
» bardes à ce College , pour s'enquerir de
» vos nouvelles , et les mander à M. vo-
» tre Pere , qui étoit fort en peine de
» vous , duquel vous reçûtes une Lettre
» trois jours après , par laquelle il vous
mandoit de demeurer à Paris , et d'y
» continuer vos Etudes comme auparavant.
Et pour ce faire il jugeoit bien
qu'il vous faudroit aller à la Messe , à
» quoi il vous falloit résoudre , aussi-
» bien avoit fait votre Maître et beau-
>> coup d'autres : et que sur tout il vou-
» loit que vous courussiez toutes les for-
» tunes de ce Prince jusqu'à la mort
» afin que l'on ne vous pût reprocher de
l'avoir quitté en son adversité : à quoi
» vous vous rendîtes si soigneux , que
» vous en acquires l'estime d'un chacun .
Tout le monde sçait avec quelle exac-
I. Vol. titude
1110 MERCURE DE FRANCE
titude et quelle constante fidelité ce dernier
commandement de courir toutes les
fortunes de ce grand Prince fut éxécuté.
On en peut voir la preuve dans l'Histoire
, et sur tout dans les Mémoires des
Ecrivains que nous avons citez , lesquels
remarquent particulierement qu'au milieu
de toutes ses assiduitez auprès du
Prince , dans ces premiers tems de trouble
et de confusion , le jeune Rosny s'appliquoit
toujours à cultiver son esprit
par des connoissances solides. Ils parlent
en ces termes de cette circonstance ; en
» quelque condition que vous fussiés
» vous preniés toujours le tems de conti-
» nuer vos Etudes , sur tout de l'Histoi
de laquelle vous faisiés déja des Ex-
>> traits , tant pour les moeurs , que pour
» les choses naturelles ; et des Mathéma
>> re ,
tiques , lesquelles occupations fai-
» soient paroître votre inclination à la
>> vertu .
Dans la suite il se présenta une occasion
qui auroit pû , si Dieu l'avoit permis
, servir à éclairer ce jeune Seigneur
et à le faire rentrer dans la Religion de
ses Ancêtres. Il n'avoit qu'environ vingtdeux
ans , lorsqu'en l'année 1581. il lui
prit envie de faire un petit voyage en
Flandres , principalement pour y visiter
la
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NAHL
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BETHUN
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SA
SSA
JUIN. 1733 1111
la Comtesse de Mastin sa Tante . Cette
Tante et le Vicomte de Gand son Ayeul
maternel , et son Parrain , l'avoient deshérité
, lui et François de Bethune son-
Pere , à cause de la Religion, Il partit
muni d'un Passe- port du Comte * de
Barlemont , son Parent et se rendit à
la Bassée , où demeuroit cette Dame. Il
en fut accueilli assez froidement , préve
nuë sur son sujet de la maniere que nous
allons le voir,
ར་ ་ .
Le lendemain matin elle mena son Ne
veu dans la grande Eglise de l'Abbaye
qu'elle avoit fondée , pour lui faire voir
les Sépultures de Marbre de ses Ancêtres,
qu'elle y avoit fait construire ; et entre
les autres celles d'Helene de Melun , femme
de Robert d'Artois , d'Hugues de
Melun , son Ayeul , le même qui l'avoit
deshérité , et d'Anne de Melun son Ayeule
, celle enfin qu'elle avoit fait élever
pour elle-même. Elle lui dit alors , ayant
les larmes aux yeux : » hélas ! mon Ne-
» veu , mon ami , que mon Pere votre
» Ayeul , et ma Soeur votre Grand mere,
* Le Comte de Barlemont étoit Président du
Conseil Royal des Finances , Gouverneur de Namur
Chevalier de la Toison d'Or , &c. J'ai
une Médaille de ce Seigneur frapée en 1576. selon
Laquelle il faut lire BERLAYMONT.
>
"
» s'ils
1112 MERCURE DE FRANCE
» s'ils étoient en vie , jetteroient de lar-
>> mes , et ressentiroient de déplaisirs ,
» aussi-bien que moi , de voir en vous
» l'un de leurs Enfans , ne point croire
» en Dieu , ni en sa Messe , et n'adresser
» ses Prieres qu'à l'ennemi d'enfer , qui
» vous renal ennemi des bonnes oeuvres ,
» ainsi que je l'ai entendu dire à nos bons
>> Peres ! & c.
"
•
Le jeune Neveu étrangement surpris ,
s'écria là- dessus : » Vrai Dieu , ma Tan-
» te , que dites - vous ? Jesus ! seroit- il
> bien possible que vous disiés ceci à bon
» escient , et qu'il y ait eu des gens si
pleins d'impostures et de calomnies
» que de vous avoir voulu persuader tel-
» les éxécrations , qui nous rendroient
indignes de vivre sur la terre ? 11 lui fit
ensuite un détail de sa Créance, lui récita
même l'Oraison Dominicale , le Symbole
, &c. Tout cela fait un Dialogue qui
mérite d'être lû dans le 18. Chap. du pre
mier Tome des Mémoires , on en jugera
par la fin , qui est telle. La Dame écou
ta fort attentivement cette récitation
sans rien repondre , tant que le Neveu
ne parla que de Dieu , de Jesus-Christ
et du S. Esprit , mais lorsqu'il dit qui est
né de la Vierge Marie , et ensuite , je crois
Ja Communion des Saints , & c. Elle se mit
JUIN. 1733. 1113
à crier , » hélas ! mon Neveu , mon ami ,
» est- il possible qu'en vos Oraisons vous
» parliés de la bonne Dame , et fassiés
» mention des Saints Bienheureux ? Or
» venez m'embrasser , puisque cela est :
» car je vous aime comme mon bon Ne-
» veu , et me semble en vous voyant , et
" vous oyant parler , que ma pauvre soeur
» est encore en vie : ô que j'ai de déplai-
» sir que mon Neveu votre Parrain et
» moi , vous avons deshérité : vrayement
je veux essayer à rompre tout cela , et
» vous le jure par la Sainte Vierge : les
» effets néanmoins ne suivirent pas les
» paroles , &c.
>>
t
Il faut convenir , Monsieur , qu'une
telle occasion de parler de la nouvelle
Religion , mieux ménagée , auroit pû
produire quelque bon effet sur l'esprit
du jeune Parent , mais ce n'étoit pas le
moyen sans doute de le faire entrer dans
la bonne voye , que d'employer de pareils
argumens , on ne corrige point l'erreur
par
d'autres erreurs .
Quoiqu'il en soit , le Marquis de Rosny
, en quittant la Dame sa Tante prit
le chemin de Bethune , Ville qu'il avoit
toujours souhaité de voir , et où malgré
sa Religion , opposée à la grande Catholicité
de ses Ancêtres , à celle des Fla-
S
I. Vol. mands
1114 MERCURE DE FRANCE
mands en général , et aux circonstances
du tems , il fut parfaitement bien reçû
régalé du vin de Ville , et honoré en plu
sieurs manieres comme descendu de
l'antique Maison des anciens Seigneurs
de Bethune. Il vit tout ce qui étoit à
voir dans cette Ville , et visita principalement
les Eglises où sont les Mausolées
de ces Seigneurs , d'où il revint en droi
ture à Rosny. 7
L'ordre des tems , qui s'accorde avec
celui de vos demandes , me fait passer ,
Monsicur , de la Religion de Maximilien
de Bethune , à laquelle j'aurai occasion
de revenir , à ses grandeurs temporelles
, récompense de son mérite et de
son attachement à la fortune et aux interêts
d'un grand Prince. Vous voulez
sçavoir d'abord quand et comment il fût
pourvû de la Charge de Grand - Maître
de l'Artillerie , et comment il en fût destitué
après la mort de son cher Maître.
Je crois d'abord trouver la premiere
origine de son élévation à cette Charge
dans l'Evénement de la Bataille de Coutras
, donnée le 20 Octobre 1587. entre
l'Armée Royale , ou plutôt de la Ligue ,
commandée par M. de Joyeuse , et celle
du Roi de Navarre , commandée par ce
Prince en personne , accompagné du
I. Vol. Prince
JUI N. 1733 : 1115
·
Prince de Condé , du Comte de Soissons
; et d'un nombre de Seigneurs des
plus qualifiez , qui suivoient sa Religion
et sa fortune . Le Marquis de Rosny
étoit non seulement des premiers
dans ce nombre ; mais le Roy son
Maître lui commit dans cette importante
journée le soin de tout ce qui regardoit
l'Artillerie , quoiqu'il ne fût encore
âgé que de 28 ans .
>>
,
Je n'oublierai pas ici ce que lui dit ce
vaillant Prince , au moment qu'il se sépara
de sa Personne pour aller éxécuter
ses ordres. » Mon ami Rosny ,
» c'est à ce coup qu'il faut faire paroî-
» tre votre esprit et votre diligence , qui
» nous est mille fois plus nécessaire
» qu'elle n'étoit hier , à cause que le
» corps nous presse , et que de l'Artillerie
bien logée , bien munie et bien exploitée
, dépendra en grande partie le
» gain de la bataille , lequelj'attends de
» Dieu , & c. Les Mémoires qui ont conservé
ce trait , marquent aussi de quelle
maniere le Marquis de Rosny éxécuta
les ordres du Roi , ils détaillent particulierement
l'opération de deux Canons et
d'une Coulevrine , placées et employées
» si à propos , qu'elles firent des mer-
» veilles , ne tirant une seule volée
I. Vol. D » qu'ils
1116 MERCURE DE FRANCE
» qu'ils ne fissent des rues dans les Es
» cadrons et Bataillons du Camp ennemi
, qui étoient jonchées de douze
» quinze , vingt , et quelquefois jusqu'à
vingt- cinq corps d'hommes et
» chevaux ; si bien que les ennemis , &c .
Le reste du Narré mene au gain entier
de la Bataille , dû en bonne partie
à cette vigoureuse canonade , ainsi que
le Roi l'avoit prédit.
Les Auteurs en finissant ce Narré
ajoûtent une circonstance qui ne doit
pas être omise , et qui confirme d'ailleurs
ce que je viens de dire au sujet de
l'Artillerie.
39 Si- tôt que vous vîtes les ennemis
» en déroute ( c'est toujours à M、de
» Rosny qu'ils parlent ) et que sans
» doute la Bataille étant gagnée , vous
» n'aviez plus que faire au Canon : Vous
» montâtes sur votre grand Cheval d'Es-
» pagne Bay , lequel M. de Bois- Breuil
>> vous faisoit tenir prêt derriere les Pié-
» ces , pour essayer d'apprendre des
> nouvelles de Mrs vos Freres que vous
cuidiés être avec M. de Joyeuse , er
» sçavoir aussi en quel état le Roy de
» Navarre étoit , lequel vous rencontrâ-
» tes. par- delà la Garenne , l'épée toute
sanglante au poing , poursuivant la
>>
1. Vol.
vicJUIN.
1733. 1117
>
» victoire et si- tôt qu'il vous apper-
» çût , vous cría ; et bien , mon ami
c'est à ce coup que nous ferons per-
»> dre l'opinion que l'on avoit prise
» que les Huguenots ne gagnoient jamais
de Batailles ; car en celle- ci la
» victoire est toute entiere.... et faut
>> confesser qu'à Dieu seul en appar-
" tient la gloire , car ils étoient deux
» fois aussi forts que nous ; et s'il en
» faut attribuer quelque chose aux hom-
» mes , croyez que M. de Clermont
» vous , et Bois du Lys , y devez avoir
» bonne part ; car vos Piéces ont fait
» merveilles aussi vous promets- je que
» je n'oublierai jamais le service que vous
» m'y avez rendu .
C'est ainsi que lui parla ce Prince
incomparable , et on peut dire qu'il
tint magnifiquement sa parole Royale :
car dès qu'il fût Roi de France , ce
qui arriva deux ans après , il eut une
attention particulière sur la fortune
d'un homme qui le servoit si bien , et
qui ne le quitta pas d'un pas , surtout
aux Batailles d'Arques et d'Ivry qui
suivirent , où l'Artillerie fit encore des
merveilles , et où M. de Rosny emporté
par sa valeur , fut percé de coups.
Enfin , le Roi après l'avoir fait suc-
1. Vol. Dij ces
1118 MERCURE DE FRANCE
· ,
>
après
cessivement Grand Voyer de France
Sur Intendant des Finances
avoir érigé la Baronie de Rosny en
Marquisat , lui accorda en l'année 1599.
la Charge de Grand - Maître de l'Artillerie
, sur la démission de M. d'Etrées
avec la qualité d'Officier de la Couronne
, Charge que ce Prince lui ménageoit
depuis long- tems , et dont il y a lieu de
croire que
la journée de Coutras avoit
été comme le gage. Il fut presque en
même- tems pourvû de la Sur- Intendance
des Bâtimens et de celles des Fortifications
, qui furent suivies du Gouverne
ment de la Bastille , de la grande Maîtrise
des Ports et Havres du Royaume
et du Gouvernement de Poictou,
L'Artillerie avoit asşûrément besoin
d'un Grand - Maître aussi entendu et
aussi vigilant , que l'étoit le Marquis
de Rosny. Tout étoit en désordre à cer
égard dans les Provinces , où il fut obligé
de casser près de 500 Officiers , inuti
les ou mal - intentionnez , et l'Arcenal
étoit dénué presque de toutes choses
quand il en prit possession . Le Roi l'y
vint voir quinze jours après. Il reçût ensuite
un pareil honneur de Charles Emanuel
, Duc de Savoye , qui étoit venu
en France pour traiter en pe sonne d'af-
>
faires importantes.
JUIN. 1733 1119
T
Les Mémoires qui font le détail de
cette visite , marquent une circonstance
qui doit avoir icy sa place.
» Comme M. de Savoye fût arrivé à
» l'Arsenac, il vous demanda aussi- tôt où
» étoient toutes vos Armes , Munitions
» et Artilleries; sur quoi vous vous trouvâtes
bien empêché , ayant honte de
» lui faire voir une Maison si pauvre et
» dénuée de toutes ces choses , qu'étoit
» l'Arsenac ; tellement qu'au lieu d'aller
aux Magazins, vous le menates aux At-
» teliers , ausquels vous faisiez ouvrer à
» puissance; et lors voyant quelques qua-
» rante affuts et rouage , ésquels on tra
» vailloit ; vingt Canons , nouvellement
» fondus , et des provisions et préparatifs
pour en fondre encore autant ; il
» vous demanda que c'est que vous vou-
» liez faire de tant d'Artillerie nouvelle-
» ment fonduë ? Vous lui répondites en
» riant : Monsieur , c'est pour prendre
" Mont-Mélian. Lors il vous demanda
y avez vous été ? Non, Monsieur , dit-
» tes-vous ; vraiement je le vois bien , ré-
' pondit- il , car vous ne diriez pas cela ;
>> Mont-Mélian ne se peut prendre. Bien ,
>> bien , Monsieur , dittes - vous , je vous
» en crois , neanmoins ne mettez pas le
» Roy en cette peine ; s'il me l'avoit
I.Vol. Diij >> com1120
MERCURE DE FRANCE
» commandé j'en viendrois bien à bout
>> mais je veux croire qu'il n'en sera point
» besoin, et que le Roy et vous, vous sé-
»parerez bien contens l'un de l'autre, & c. .
M. de Rosny avoit sans doute ses raisons
pour parler ainsi au Duc de Savoye ,
qui n'oublia rien pour le mettre dans ses
interêts. C'est en partie la matiere du 93
chap. dans le second volume des Mémoires
, où l'on voit que si ce Seigneur refusa
, de la part du Prince , une Boëte de
Diamans , et jusqu'à son Portrait , enrichi
de Pierreries , de trop grand prix , il
ne manqua en rien à son égard du côté
des bienséances et de la politesse . Dans le
même jour que se passa ce que je viens
de rapporter ; il eût l'honneur de traiter
splendidement à souper, dans l'Arsenal ,le
Roy , le Duc de Savoye , les Dames et les
Seigneurs les plus qualifiez de la Cour :
mais revenons à l'Artillerie.
Elle changea absolument de face sous
sa conduite , et l'Arsenal cy - devant si
dépourvu, qu'on n'osoit presque le laisser
voir aux Etrangers , devint , pour ainsi
dire , sous le nouveau Grand- Maître , la
terreur des Ennemis de la France , et cela
dans moins d'une année. Le premier
Prince , à qui la vigilance du Marquis de
Rosny devint fatale fut le Duc de Sa-
1. Vol.
voye
JUIN. 1733. 1121
voye même , et ce qui s'étoit dit dans
l'Arsenal entre ce Prince et le Grand
Maître , par maniere d'entretien et de
plaisanterie , au sujet de Mont - Mélian' ,
devint une affaire sérieuse et une verité
dont les circonstances sont marquées
dans l'Histoire.
»
Je n'en rapporterai icy qu'une. Le Duc
de Savoye refufant d'exécuter le Traité
conclu à Paris , le Roy lui déclara la Guerre
, marcha en personne avec deux corps
d'Armée , qui firent des Exploits rapides
dans la Savoye et dans la Bresse; et Montmélian
, Place prétendue imprénable ,
fut prise ; le Marquis de Rosny se signala
en plusieurs manieres dans cette Expedi
tion , et fit plus que le devoir de sa Charge
, en ne s'exposant que trop par tout.
La diligence de Rosny , dit Mezerai ;
» pourvût. si bien aux Munitions et à
» l'Artillerie , les ayant fait charrier par
» les Rivieres,qu'à la fin de Juillet(1600)
» il eût en ce Païs-là 40 Piéces de Canon
>> et de quoi tirer quarante mille coups.
» Aussi n'oublia -t - il rien en cette occa-
»sion pour se montrer digne de la Char-
>> ge de Grand- Maître de l'Artillerie, dont
» le Roy venoit de l'honorer , l'ayant
» même érigée en Charge de la Couron-
» ne. Deux ans auparavant il lui avoit
-
I. Vol.
D iiij » aussi
Î122 MERCURE DE FRANCE
» aussi donné celle de Grand -Voyer, con-
» noissant qu'il étoit Homme d'ordre et
qu'il pourvoiroit soigneusement à la
» réparation et à l'entretenement des
» Chemins, pour la commodité du Char-
» roy , dont en effet il s'acquitta fort
» bien. Entre autres choses , il obligea les
» Particuliers de planter des Ormes de
» distance en distance dans leurs Terres ,
» sur les bords des grands Chemins , pour
» fournir un jour de bois de Charonage
au roulage de l'Artillerie. On appelle
» encore aujourd'hui ces Arbres des
» Rosnys.
>
C'est à cette occasion de la Guerre de
Savoye , que fût frappée une belle Médaille
d'Henri IV. en opposition et pour
répondre à la Médaille satyrique , que les-
Courtisans du Duc de Savoye firent fraper
peu de temps après qu'il se fût emparé
du Marquisat de Saluces , en profitant
des Troubles de la Ligue. Sur celle - cy on
voyoit d'un côté la tête du Prince , avec
cette Légende : CAR . EM. D.G.Dux Sab .
P. PED . Et sur le Revers , un Centaure
qui en décochant une Fléche pose le pied
sur une Couronne renversée ; ce seul mot
OPPORTUNE se lisoit autour ; et dans
l'Exergue M. D. LXXXVIII . Dans la Médaille
du Roy , la face étoit chargée du
>
I.Vol. Buste
JUIN. 1733. 1123
Buste de ce grand Prince , la tête ceinte
de Laurier, et les épaules couvertes d'une
Peau de Lyon , avec cette Inscription :
ALCIDES HIC NOVUS OR BI . Au revers ,
le Roy , armé d'une Massuë , paroît assommer
d'une main le Centaure abbatu ,"
sur lequel est posé l'un des pieds du Vainqueur
, qui de l'autre main releve une
Couronne , avec ce seul mot : OPPORTUNIUS
. Cette Médaille qui n'est chargée.
d'aucune datte , doit avoir été frappée
dans le courant de l'année 1600.ou avant
le Traité de Paix conclu entre les deux
Princes , en l'année 1601.
Le Marquis de Rosny , qui avoit eu tant
de part aux travaux de son Maître dans
cette Guerre , eut aussi part à sa gloire ; car
quelque tems après on lui frappa une Médaille,
où l'on voit d'un côté sonBuste, avec
cette Légende : MAXI. DE BETHUNE , DUC
DE SULLY.G.M.DE L'ART.DE F.Et sur le revers
, une Aigle élevée dans les Airs , la
tête tournée vers le ciel , tenant dans ses
Serres la Foudre de Jupiter , dont ilsemble
attendre les ordres pour la lancer
avec ces mots : Quo JUSSA Jovis . Dans
l'Exergue M. DC. VII. Cette Devise semble
faire allusion à ce que notre Grand
Maître répondit au Duc de Savoye , au
sujet de Mont-Mélian : Si le Roy m'avoit
1.Vol DY
Ccm1124
MERCURE DE FRANCE
commandé de le prendre,j'en viendrois bien- '
tôt à bout , &c. L'Evenement justifia cette
réponse.» Le Gouverneur de cette Place,
» dit Mezeray , triompha d'abord en pa-
» roles , parce qu'il ne croyoit pas.qu'on
put dresser des Batteries pour l'attaquer;
» mais quand Rosny eut trouvé moyen
» d'en planter à cinq ou six endroits (car
que ne peuvent l'argent et le travail ) sa
» fierté s'amollit tout d'un coup ; il per-
» mit que sa femme nouât conversation
avec celle de Rosny , et ses craintes
» s'augmentant d'heure en heure , il ca-
» pitula le 14 Octobre , &c.
»
Maximilien de Bethune .est qualifié
Duc de Sully sur cette Médaille , parce
qu'en l'année précédente 1606. le Roy
avoit érigé la Baronie de Sully en Duché
et Pairie ; sa reception fut des plus magnifiques
, le Roy ayant assisté au Festin ,
qui fut donné à l'Arsenal , &c. Ce Grand-
Prince lui donna aussi la même année , la
Charge de Capitaine - Lieutenant de deux
cent Hommes d'Armes de la Reine.
Comme la Médaille de ce premier Duc
'de Sully , Grand- Maître de l'Artillerie ,
&c. est assez rare , je vous envoïe la gra
vure , que j'en ai fait faire par une ha-
* Anne de Courtenay , Epouse du Marquis de
Rosny , qui l'avoit suivi dans cette Guerre.
I.Vol bile
JUIN. 1733. 1125
bile main , sur l'Original du Cabinet de
M. le Duc de Sully , que ce Seigneur a
bien voulu me communiquer. Cet Original
est des mieux conservez , et si beau
que je le crois de Germain Dupré , cxcellent
Graveur de ce temps-là , dont
nous avons de tres - belles Médailles. Les
deux autres Médailles dont je viens de
vous parler,de Henry le Grand et du Duc
de Savoye , sont dans mon Cabinet .Vous
pourrez les voir quand vous viendrez à
Paris.
Je suis forcé de renvoyer à une autre
Lettre ce qui me reste à vous dire pour
satisfaire pleinement à toutes vos demandes
, et pour ne point allonger celle - ci
lavantage. Je suis toujours , Monsieur ,
& c .
A Paris , le 25 Avril 1733 .
R. écrite à M. A. C. D. S.T.au sujet du
Marquis de Rosny , depuis Duc de Sully
, &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
Ous me Monsieur
quelque satisfaction des Eclaircissemens
contenus dans mes deux Lettres
précédentes , sur la premiere Question
que vous m'avez faite , au sujet du
Marquis de Rosny , premier Ministre
du Roi Henri Le Grand. Cela m'engage
de redoubler mes soins pour répondre
avec la même éxactitude et le même succès
aux autres demandes que vous me
faites sur ce sujet.
و
Instruit par P'Histoire de l'ancienneté
et de la Catholicité de la Maison de Bethune
dont le Marquis de Rosny se
trouvoit le Chef , vous êtes surpris que
ce Seigneur n'ait pas persevere dans la
Religion de ses Ancêtres vous me demandez
la cause de ce changement , à
quoi vous ajoutez deux ou trois autres
Questions , dont la Réponse fera tout le
sujet de cette Lettre.:
1. Fol. Cvi Da1102
MERCURE DE FRANCE
D'abord il est bon de vous dire , Monsieur
, que ce n'est pas le Marquis de
Rosny qui fait la premiere cause de cette
variation . Pour en être bien instruit , il
faut remonter jusqu'à Jean de Bethune
IV. du nom son Ayeul , lequel étant
encore assez jeune épousa Anne de Melun
, qui lui apporta en dot la Baronie
de Rosny , &c. Il en eut plusieurs Enfans
, lesquels eurent un double malheur
; le premier de perdre leur Mere
dans leur bas âge , et le second de voir
remarier leur Pere avec une simple Demoiselle
sans biens. Un troisiéme malheur
, suite des premiers , voulut que
Jean de Bethune n'eut ni ordre , ni oeconomie
dans ses affaires , qu'il s'endetta -
beaucoup , et qu'en mourant enfin retiré
au Château de Coucy , après avoir
aliené ses plus beaux Domaines
il ne
laissa presque rien à ses Enfans : de sorte
que François de Bethune son fils aîné ,
dépouillé de tous les grands biens de ses
Ancêtres , et ne jouissant que de ceux
d'Anne de Melun sa Mere , est comparé
par un Historien au Prince * Jean , surnommé
sans Terre , qui étant fils de Roi ,
se trouva presque sans aucune possession
, & c.
D
* Jean , fils de Henri II . Roi d'Angleterre .
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733- 1103
Ce fils aîné épousa en 1557. Charlotte
Dauvet , qui lui donna sept Enfans. Il
s'attacha de bonne heure à Louis de Bourbon
, Prince de Condé , qui étoit alors
le Chef des Huguenots , et fit Profession
de la nouvelle Religion , à l'imitation de
plusieurs Grands Seigneurs , séduits par
les opinions des Novateurs , ou par des
motifs humains. En courant toutes les
fortunes du Prince il se trouva à la Bataille
de Jarnac , où il fut fait Prisonnier ;
j'omets le reste de son histoire pour marquer
seulement qu'en mourant en l'année
1577. il laissa pour Chef de sa Maison
Maximilien de Bethune, son Fils puisné ,
dont il s'agit particulierement ici .
Ce Seigneur suivit les traces de Fran
çois de Bethune son Pere , tant pour la
Religion dans laquelle il étoit né , que
du côté de la Fortune; il pourroit fournir
seul la matière d'une longue Histoire ,
que j'avois eu autrefois dessein d'entreprendre
ce Pere homme vertueux
de bon esprit , et brûlant du
loüable désir de relever sa Maison , avoit
jetté les yeux sur notre Maximilien , le
second des quatre fils qu'il eut de Charlotte
Dauvet.
,
د
Il avoit remarqué en lui non - seulement
une grande vigueur de corps et
I. Vol. d'es
1104 MERCURE DE FRANCE
d'esprit , mais encore une grande inclination
à la vertu , et une forte aversion
pour le vice , ce qui lui ayant fait concevoir
une grande espérance , il le fit appeller
un jour , disent les Mémoires qui
portent son nom , dans sa Chambre de
la Haute Tour , et en la seule présence
de la Durandiere , son Précepteur, il lui
tint un discours que sa briéveté et l'importance
du sujet m'engagent de rappor
ter ici.
» Maximilian , puisque la Coûtume
ne me permet pas de vous faire le prin-
» cipal Héritier de mes biens , je veux en
» récompense essayer de vous enrichir
» de vertus , et par le moyen d'icelles
» comme on me l'a prédit , j'espere que
» vous serez un jour quelque chose . Pré-
» parez- vous donc à supporter avec cou-
» rage , toutes les traverses et difficultez
» que vous rencontrerez dans le monde ,
» ct en les surmontant genereusement ,
acquerez- vous l'estime des gens d'hon-
» neur , et particulierement celle du
» Maître à qui je veux vous donner ; au
Service duquel je vous commande de
» vivre et mourir. Et quand je serai sur
mon partement pour aller à Vendôme
>> trouver la Reine de Navarre , et Mon-
» sieur le Prince son fils , auquel je veux
»
1. Vol. » Yous
JUIN. 1733- 1109
» vous donner , disposez-vous à venir
» avec moi , et vous préparer par une
Harangue à lui offrir votre service
» lors que je lui présenterai votre -Per-
» sonne .
la
Ce Discours pathétique et sensé , écou
té avec attention par un fils né pour
vertu , eut dans les suites tout le succès
que l'affection et la prévoyance d'un sage
Pere pouvoient esperer. Le Pere et le
Fils se rendirent bien-tôt auprès de la
Reine de Navarre , et le jeune Rosny
fut présenté au Prince son Fils , qui étoit
aussi fort jeune.
»
*
» Cela se fit , disent les Auteurs des
» Mémoires , en présence de la Reine sa
mere , avec des protestations que
» vous lui seriez à jamais très - fidele er
n très- obéïssant serviteur : ee que vous.
» lui jurâtes aussi , en si beaux termes
» avec tant de grace et d'assûrance
>> et un ton de voix si agréable , qu'il
conçût dès lors de bonnes espérances de
» vous. Et vous ayant relevé ( car vous
>> étiez à genoux , ) il vous embrassa deux
» fois , et vous dit : qu'il admiroit votre
gentillesse , vû votre âge , qui n'étoit
"
ת
La parole est ici adressée au Marquis de
Rosny , comme dans tout le corps de l'Ouvrage.
I. Vol.
» que
1106 MERCURE DE FRANCE
>>
que de onze années , et que lui aviés
» présenté votre service avec une si gran-
» de facilité , et étiés de si bonne race
» qu'il ne doutoit point qu'un jour vous
» n'en fissiés paroître les effets en vrai
» Gentilhomme . Et aussi vous promit il
» en foi de Prince , qu'en vous recevant
» de fort bon coeur , il vous aimeroit tou-
» jours , et qu'il ne se présenteroit jamais
» occasion de vous faire acquerir du bien
>> et de l'honneur , qu'il ne s'y employât
» de tout son coeur. Tous lesquels dis-
» cours , qui n'étoient lors que par com-
» plimens , ont eu depuis des Evénemens.
» plus avantageux que vous n'aviez ´es-
» péré.
Ces Evénemens que les mêmes Auteurs
ont rapporté fort au long , furent précédez
et mêlez de bien des traversés. La
Religion surtout , dont ce jeune Seigneur
faisoit profession , et qui fait le
principal article de vos demandes , pensa
lui coûter cher , dans la fatale journée
qui vit couler tant de sang François , au
milieu d'une profonde paix. Sa conservation
a quelque chose de singulier et de
merveilleux : elle merite bien que j'en
place ici le petit détail , tiré des mêmes
Mémoires .
» Voici ce que nous vous en avons
1. Vol. » oui
JUIN. 1733. 1107
noui conter : à sçavoir que vous ayant
» fait dessein d'aller faire votre Cour ce
» jour là , vous vous étiés couché la veille
de bonne heure , et que sur les trois
>> heures du matin , vous vous réveillâ-
» tes au bruit de plusieurs cris de peu-
» ples , et des allarmes que l'on sonnoit
» dans tous les Clochers. Le sieur de
» S. Julien , votre Gouverneur , et votre
» Valet de Chambre , ( qui s'étoient aussi
» éveillés au bruit , ) étant sortis de vo-
» tre logis , pour apprendre ce que c'é-
» toit , n'y rentrerent point ; et n'avez-
» vous jamais sçû ce qu'ils étoient deve-
» nus. De sorte qu'étant réduit vous
>> seul dans votre chambre et votre
» Hôte qui étoit de la Religion , vous
» pressant d'aller avec lui à la Messe , afin
» de garantir sa vie et sa maison de sac-
» cagement , vous vous résolûtes d'es-
» sayer à vous sauver dans le College de
Bourgogne.
"3
,
>> Pour ce faire,yous prîtes votre Robbe
>> d'Ecolier , un Livre sous votre bras , et
» vous vous mîtes en chemin . Par les
» ruës vous rencontrâtes trois Corps de
» Garde , l'un à celle de S. Jacques , un
>> autre à celle de la Harpe , et l'autre à
» l'issue du Cloître de S. Benoît. Au pre
» mier ayant été arrêté et rudoyé par
1. Vol. >> ceux
108 MERCURE DE FRANCE
» ceux de la Garde , un d'entr'eux pre
> nant votre Livre , et voyant que , de
» bonheur pour vous , c'étoit de grosses'
» Heures , vous fit passer , ce qui vous
» servit de passeport aux autres. En al-
>> lant vous vîtes enfoncer et piller des
» maisons , massacrer hommes , femmes .
» et enfans , avec les cris de tuë , tuë , ô
»Huguenot , ô Huguenot , ce qui vous
» faisoit souhaiter avec impatience d'être
» arrivé à la porte du College , où enfin
>> Dieu vous accompagna , sans qu'il vous
>> fût arrivé autre mal que la peur.
»
» A l'abord , le Portier vous refusa deux
» fois l'entrée de la porte mais enfin
» moyennant quatre Testons que vous
» lui donnâtes , il alla dire au Principal ,
» nommé la Faye , que vous étiés à la
» porte , et ce que vous demandiez , lequel
aussi- tôt meu de compassion
» étant votre particulier ami , vous vint
» faire entrer , empêché toutefois de ce
» qu'il feroit de vous , à cause de deux
» Ecclésiastiques qui étoient dans sa
» chambre , et qui disoient y avoir des-
» sein formé de tuer tous les Huguenots ,
» jusqu'aux enfans à la mammelle , et ce
à l'exemple des Vêpres Siciliennes .
» Néanmoins , par pitié , ce bon Personnage
vous mit dans une chambre fort
"
I. Vol. ≫ seJUIN.
1733.
1109
» secrette , dans laquelle personne n'en-
» trât que son Valet , qui vous y por-
» toit des vivres , et vous y servît trois
» jours durant , au bout desquels il se
» fit une publication de par le Roi , por-
" tant deffenses de plus tuer ni saccager
>> personne.
» Alors deux Archers de la Garde, Vas-
» saux de M. votre Pere , l'un nommé
» Ferrieres , et l'autre la Vieville , vin-
» rent avec leurs Hocquetons , et Halle-
» bardes à ce College , pour s'enquerir de
» vos nouvelles , et les mander à M. vo-
» tre Pere , qui étoit fort en peine de
» vous , duquel vous reçûtes une Lettre
» trois jours après , par laquelle il vous
mandoit de demeurer à Paris , et d'y
» continuer vos Etudes comme auparavant.
Et pour ce faire il jugeoit bien
qu'il vous faudroit aller à la Messe , à
» quoi il vous falloit résoudre , aussi-
» bien avoit fait votre Maître et beau-
>> coup d'autres : et que sur tout il vou-
» loit que vous courussiez toutes les for-
» tunes de ce Prince jusqu'à la mort
» afin que l'on ne vous pût reprocher de
l'avoir quitté en son adversité : à quoi
» vous vous rendîtes si soigneux , que
» vous en acquires l'estime d'un chacun .
Tout le monde sçait avec quelle exac-
I. Vol. titude
1110 MERCURE DE FRANCE
titude et quelle constante fidelité ce dernier
commandement de courir toutes les
fortunes de ce grand Prince fut éxécuté.
On en peut voir la preuve dans l'Histoire
, et sur tout dans les Mémoires des
Ecrivains que nous avons citez , lesquels
remarquent particulierement qu'au milieu
de toutes ses assiduitez auprès du
Prince , dans ces premiers tems de trouble
et de confusion , le jeune Rosny s'appliquoit
toujours à cultiver son esprit
par des connoissances solides. Ils parlent
en ces termes de cette circonstance ; en
» quelque condition que vous fussiés
» vous preniés toujours le tems de conti-
» nuer vos Etudes , sur tout de l'Histoi
de laquelle vous faisiés déja des Ex-
>> traits , tant pour les moeurs , que pour
» les choses naturelles ; et des Mathéma
>> re ,
tiques , lesquelles occupations fai-
» soient paroître votre inclination à la
>> vertu .
Dans la suite il se présenta une occasion
qui auroit pû , si Dieu l'avoit permis
, servir à éclairer ce jeune Seigneur
et à le faire rentrer dans la Religion de
ses Ancêtres. Il n'avoit qu'environ vingtdeux
ans , lorsqu'en l'année 1581. il lui
prit envie de faire un petit voyage en
Flandres , principalement pour y visiter
la
矍
1
•
M•
DEL
SVLLY
HO
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NAHL
FDE
BETHUN
01
SA
SSA
JUIN. 1733 1111
la Comtesse de Mastin sa Tante . Cette
Tante et le Vicomte de Gand son Ayeul
maternel , et son Parrain , l'avoient deshérité
, lui et François de Bethune son-
Pere , à cause de la Religion, Il partit
muni d'un Passe- port du Comte * de
Barlemont , son Parent et se rendit à
la Bassée , où demeuroit cette Dame. Il
en fut accueilli assez froidement , préve
nuë sur son sujet de la maniere que nous
allons le voir,
ར་ ་ .
Le lendemain matin elle mena son Ne
veu dans la grande Eglise de l'Abbaye
qu'elle avoit fondée , pour lui faire voir
les Sépultures de Marbre de ses Ancêtres,
qu'elle y avoit fait construire ; et entre
les autres celles d'Helene de Melun , femme
de Robert d'Artois , d'Hugues de
Melun , son Ayeul , le même qui l'avoit
deshérité , et d'Anne de Melun son Ayeule
, celle enfin qu'elle avoit fait élever
pour elle-même. Elle lui dit alors , ayant
les larmes aux yeux : » hélas ! mon Ne-
» veu , mon ami , que mon Pere votre
» Ayeul , et ma Soeur votre Grand mere,
* Le Comte de Barlemont étoit Président du
Conseil Royal des Finances , Gouverneur de Namur
Chevalier de la Toison d'Or , &c. J'ai
une Médaille de ce Seigneur frapée en 1576. selon
Laquelle il faut lire BERLAYMONT.
>
"
» s'ils
1112 MERCURE DE FRANCE
» s'ils étoient en vie , jetteroient de lar-
>> mes , et ressentiroient de déplaisirs ,
» aussi-bien que moi , de voir en vous
» l'un de leurs Enfans , ne point croire
» en Dieu , ni en sa Messe , et n'adresser
» ses Prieres qu'à l'ennemi d'enfer , qui
» vous renal ennemi des bonnes oeuvres ,
» ainsi que je l'ai entendu dire à nos bons
>> Peres ! & c.
"
•
Le jeune Neveu étrangement surpris ,
s'écria là- dessus : » Vrai Dieu , ma Tan-
» te , que dites - vous ? Jesus ! seroit- il
> bien possible que vous disiés ceci à bon
» escient , et qu'il y ait eu des gens si
pleins d'impostures et de calomnies
» que de vous avoir voulu persuader tel-
» les éxécrations , qui nous rendroient
indignes de vivre sur la terre ? 11 lui fit
ensuite un détail de sa Créance, lui récita
même l'Oraison Dominicale , le Symbole
, &c. Tout cela fait un Dialogue qui
mérite d'être lû dans le 18. Chap. du pre
mier Tome des Mémoires , on en jugera
par la fin , qui est telle. La Dame écou
ta fort attentivement cette récitation
sans rien repondre , tant que le Neveu
ne parla que de Dieu , de Jesus-Christ
et du S. Esprit , mais lorsqu'il dit qui est
né de la Vierge Marie , et ensuite , je crois
Ja Communion des Saints , & c. Elle se mit
JUIN. 1733. 1113
à crier , » hélas ! mon Neveu , mon ami ,
» est- il possible qu'en vos Oraisons vous
» parliés de la bonne Dame , et fassiés
» mention des Saints Bienheureux ? Or
» venez m'embrasser , puisque cela est :
» car je vous aime comme mon bon Ne-
» veu , et me semble en vous voyant , et
" vous oyant parler , que ma pauvre soeur
» est encore en vie : ô que j'ai de déplai-
» sir que mon Neveu votre Parrain et
» moi , vous avons deshérité : vrayement
je veux essayer à rompre tout cela , et
» vous le jure par la Sainte Vierge : les
» effets néanmoins ne suivirent pas les
» paroles , &c.
>>
t
Il faut convenir , Monsieur , qu'une
telle occasion de parler de la nouvelle
Religion , mieux ménagée , auroit pû
produire quelque bon effet sur l'esprit
du jeune Parent , mais ce n'étoit pas le
moyen sans doute de le faire entrer dans
la bonne voye , que d'employer de pareils
argumens , on ne corrige point l'erreur
par
d'autres erreurs .
Quoiqu'il en soit , le Marquis de Rosny
, en quittant la Dame sa Tante prit
le chemin de Bethune , Ville qu'il avoit
toujours souhaité de voir , et où malgré
sa Religion , opposée à la grande Catholicité
de ses Ancêtres , à celle des Fla-
S
I. Vol. mands
1114 MERCURE DE FRANCE
mands en général , et aux circonstances
du tems , il fut parfaitement bien reçû
régalé du vin de Ville , et honoré en plu
sieurs manieres comme descendu de
l'antique Maison des anciens Seigneurs
de Bethune. Il vit tout ce qui étoit à
voir dans cette Ville , et visita principalement
les Eglises où sont les Mausolées
de ces Seigneurs , d'où il revint en droi
ture à Rosny. 7
L'ordre des tems , qui s'accorde avec
celui de vos demandes , me fait passer ,
Monsicur , de la Religion de Maximilien
de Bethune , à laquelle j'aurai occasion
de revenir , à ses grandeurs temporelles
, récompense de son mérite et de
son attachement à la fortune et aux interêts
d'un grand Prince. Vous voulez
sçavoir d'abord quand et comment il fût
pourvû de la Charge de Grand - Maître
de l'Artillerie , et comment il en fût destitué
après la mort de son cher Maître.
Je crois d'abord trouver la premiere
origine de son élévation à cette Charge
dans l'Evénement de la Bataille de Coutras
, donnée le 20 Octobre 1587. entre
l'Armée Royale , ou plutôt de la Ligue ,
commandée par M. de Joyeuse , et celle
du Roi de Navarre , commandée par ce
Prince en personne , accompagné du
I. Vol. Prince
JUI N. 1733 : 1115
·
Prince de Condé , du Comte de Soissons
; et d'un nombre de Seigneurs des
plus qualifiez , qui suivoient sa Religion
et sa fortune . Le Marquis de Rosny
étoit non seulement des premiers
dans ce nombre ; mais le Roy son
Maître lui commit dans cette importante
journée le soin de tout ce qui regardoit
l'Artillerie , quoiqu'il ne fût encore
âgé que de 28 ans .
>>
,
Je n'oublierai pas ici ce que lui dit ce
vaillant Prince , au moment qu'il se sépara
de sa Personne pour aller éxécuter
ses ordres. » Mon ami Rosny ,
» c'est à ce coup qu'il faut faire paroî-
» tre votre esprit et votre diligence , qui
» nous est mille fois plus nécessaire
» qu'elle n'étoit hier , à cause que le
» corps nous presse , et que de l'Artillerie
bien logée , bien munie et bien exploitée
, dépendra en grande partie le
» gain de la bataille , lequelj'attends de
» Dieu , & c. Les Mémoires qui ont conservé
ce trait , marquent aussi de quelle
maniere le Marquis de Rosny éxécuta
les ordres du Roi , ils détaillent particulierement
l'opération de deux Canons et
d'une Coulevrine , placées et employées
» si à propos , qu'elles firent des mer-
» veilles , ne tirant une seule volée
I. Vol. D » qu'ils
1116 MERCURE DE FRANCE
» qu'ils ne fissent des rues dans les Es
» cadrons et Bataillons du Camp ennemi
, qui étoient jonchées de douze
» quinze , vingt , et quelquefois jusqu'à
vingt- cinq corps d'hommes et
» chevaux ; si bien que les ennemis , &c .
Le reste du Narré mene au gain entier
de la Bataille , dû en bonne partie
à cette vigoureuse canonade , ainsi que
le Roi l'avoit prédit.
Les Auteurs en finissant ce Narré
ajoûtent une circonstance qui ne doit
pas être omise , et qui confirme d'ailleurs
ce que je viens de dire au sujet de
l'Artillerie.
39 Si- tôt que vous vîtes les ennemis
» en déroute ( c'est toujours à M、de
» Rosny qu'ils parlent ) et que sans
» doute la Bataille étant gagnée , vous
» n'aviez plus que faire au Canon : Vous
» montâtes sur votre grand Cheval d'Es-
» pagne Bay , lequel M. de Bois- Breuil
>> vous faisoit tenir prêt derriere les Pié-
» ces , pour essayer d'apprendre des
> nouvelles de Mrs vos Freres que vous
cuidiés être avec M. de Joyeuse , er
» sçavoir aussi en quel état le Roy de
» Navarre étoit , lequel vous rencontrâ-
» tes. par- delà la Garenne , l'épée toute
sanglante au poing , poursuivant la
>>
1. Vol.
vicJUIN.
1733. 1117
>
» victoire et si- tôt qu'il vous apper-
» çût , vous cría ; et bien , mon ami
c'est à ce coup que nous ferons per-
»> dre l'opinion que l'on avoit prise
» que les Huguenots ne gagnoient jamais
de Batailles ; car en celle- ci la
» victoire est toute entiere.... et faut
>> confesser qu'à Dieu seul en appar-
" tient la gloire , car ils étoient deux
» fois aussi forts que nous ; et s'il en
» faut attribuer quelque chose aux hom-
» mes , croyez que M. de Clermont
» vous , et Bois du Lys , y devez avoir
» bonne part ; car vos Piéces ont fait
» merveilles aussi vous promets- je que
» je n'oublierai jamais le service que vous
» m'y avez rendu .
C'est ainsi que lui parla ce Prince
incomparable , et on peut dire qu'il
tint magnifiquement sa parole Royale :
car dès qu'il fût Roi de France , ce
qui arriva deux ans après , il eut une
attention particulière sur la fortune
d'un homme qui le servoit si bien , et
qui ne le quitta pas d'un pas , surtout
aux Batailles d'Arques et d'Ivry qui
suivirent , où l'Artillerie fit encore des
merveilles , et où M. de Rosny emporté
par sa valeur , fut percé de coups.
Enfin , le Roi après l'avoir fait suc-
1. Vol. Dij ces
1118 MERCURE DE FRANCE
· ,
>
après
cessivement Grand Voyer de France
Sur Intendant des Finances
avoir érigé la Baronie de Rosny en
Marquisat , lui accorda en l'année 1599.
la Charge de Grand - Maître de l'Artillerie
, sur la démission de M. d'Etrées
avec la qualité d'Officier de la Couronne
, Charge que ce Prince lui ménageoit
depuis long- tems , et dont il y a lieu de
croire que
la journée de Coutras avoit
été comme le gage. Il fut presque en
même- tems pourvû de la Sur- Intendance
des Bâtimens et de celles des Fortifications
, qui furent suivies du Gouverne
ment de la Bastille , de la grande Maîtrise
des Ports et Havres du Royaume
et du Gouvernement de Poictou,
L'Artillerie avoit asşûrément besoin
d'un Grand - Maître aussi entendu et
aussi vigilant , que l'étoit le Marquis
de Rosny. Tout étoit en désordre à cer
égard dans les Provinces , où il fut obligé
de casser près de 500 Officiers , inuti
les ou mal - intentionnez , et l'Arcenal
étoit dénué presque de toutes choses
quand il en prit possession . Le Roi l'y
vint voir quinze jours après. Il reçût ensuite
un pareil honneur de Charles Emanuel
, Duc de Savoye , qui étoit venu
en France pour traiter en pe sonne d'af-
>
faires importantes.
JUIN. 1733 1119
T
Les Mémoires qui font le détail de
cette visite , marquent une circonstance
qui doit avoir icy sa place.
» Comme M. de Savoye fût arrivé à
» l'Arsenac, il vous demanda aussi- tôt où
» étoient toutes vos Armes , Munitions
» et Artilleries; sur quoi vous vous trouvâtes
bien empêché , ayant honte de
» lui faire voir une Maison si pauvre et
» dénuée de toutes ces choses , qu'étoit
» l'Arsenac ; tellement qu'au lieu d'aller
aux Magazins, vous le menates aux At-
» teliers , ausquels vous faisiez ouvrer à
» puissance; et lors voyant quelques qua-
» rante affuts et rouage , ésquels on tra
» vailloit ; vingt Canons , nouvellement
» fondus , et des provisions et préparatifs
pour en fondre encore autant ; il
» vous demanda que c'est que vous vou-
» liez faire de tant d'Artillerie nouvelle-
» ment fonduë ? Vous lui répondites en
» riant : Monsieur , c'est pour prendre
" Mont-Mélian. Lors il vous demanda
y avez vous été ? Non, Monsieur , dit-
» tes-vous ; vraiement je le vois bien , ré-
' pondit- il , car vous ne diriez pas cela ;
>> Mont-Mélian ne se peut prendre. Bien ,
>> bien , Monsieur , dittes - vous , je vous
» en crois , neanmoins ne mettez pas le
» Roy en cette peine ; s'il me l'avoit
I.Vol. Diij >> com1120
MERCURE DE FRANCE
» commandé j'en viendrois bien à bout
>> mais je veux croire qu'il n'en sera point
» besoin, et que le Roy et vous, vous sé-
»parerez bien contens l'un de l'autre, & c. .
M. de Rosny avoit sans doute ses raisons
pour parler ainsi au Duc de Savoye ,
qui n'oublia rien pour le mettre dans ses
interêts. C'est en partie la matiere du 93
chap. dans le second volume des Mémoires
, où l'on voit que si ce Seigneur refusa
, de la part du Prince , une Boëte de
Diamans , et jusqu'à son Portrait , enrichi
de Pierreries , de trop grand prix , il
ne manqua en rien à son égard du côté
des bienséances et de la politesse . Dans le
même jour que se passa ce que je viens
de rapporter ; il eût l'honneur de traiter
splendidement à souper, dans l'Arsenal ,le
Roy , le Duc de Savoye , les Dames et les
Seigneurs les plus qualifiez de la Cour :
mais revenons à l'Artillerie.
Elle changea absolument de face sous
sa conduite , et l'Arsenal cy - devant si
dépourvu, qu'on n'osoit presque le laisser
voir aux Etrangers , devint , pour ainsi
dire , sous le nouveau Grand- Maître , la
terreur des Ennemis de la France , et cela
dans moins d'une année. Le premier
Prince , à qui la vigilance du Marquis de
Rosny devint fatale fut le Duc de Sa-
1. Vol.
voye
JUIN. 1733. 1121
voye même , et ce qui s'étoit dit dans
l'Arsenal entre ce Prince et le Grand
Maître , par maniere d'entretien et de
plaisanterie , au sujet de Mont - Mélian' ,
devint une affaire sérieuse et une verité
dont les circonstances sont marquées
dans l'Histoire.
»
Je n'en rapporterai icy qu'une. Le Duc
de Savoye refufant d'exécuter le Traité
conclu à Paris , le Roy lui déclara la Guerre
, marcha en personne avec deux corps
d'Armée , qui firent des Exploits rapides
dans la Savoye et dans la Bresse; et Montmélian
, Place prétendue imprénable ,
fut prise ; le Marquis de Rosny se signala
en plusieurs manieres dans cette Expedi
tion , et fit plus que le devoir de sa Charge
, en ne s'exposant que trop par tout.
La diligence de Rosny , dit Mezerai ;
» pourvût. si bien aux Munitions et à
» l'Artillerie , les ayant fait charrier par
» les Rivieres,qu'à la fin de Juillet(1600)
» il eût en ce Païs-là 40 Piéces de Canon
>> et de quoi tirer quarante mille coups.
» Aussi n'oublia -t - il rien en cette occa-
»sion pour se montrer digne de la Char-
>> ge de Grand- Maître de l'Artillerie, dont
» le Roy venoit de l'honorer , l'ayant
» même érigée en Charge de la Couron-
» ne. Deux ans auparavant il lui avoit
-
I. Vol.
D iiij » aussi
Î122 MERCURE DE FRANCE
» aussi donné celle de Grand -Voyer, con-
» noissant qu'il étoit Homme d'ordre et
qu'il pourvoiroit soigneusement à la
» réparation et à l'entretenement des
» Chemins, pour la commodité du Char-
» roy , dont en effet il s'acquitta fort
» bien. Entre autres choses , il obligea les
» Particuliers de planter des Ormes de
» distance en distance dans leurs Terres ,
» sur les bords des grands Chemins , pour
» fournir un jour de bois de Charonage
au roulage de l'Artillerie. On appelle
» encore aujourd'hui ces Arbres des
» Rosnys.
>
C'est à cette occasion de la Guerre de
Savoye , que fût frappée une belle Médaille
d'Henri IV. en opposition et pour
répondre à la Médaille satyrique , que les-
Courtisans du Duc de Savoye firent fraper
peu de temps après qu'il se fût emparé
du Marquisat de Saluces , en profitant
des Troubles de la Ligue. Sur celle - cy on
voyoit d'un côté la tête du Prince , avec
cette Légende : CAR . EM. D.G.Dux Sab .
P. PED . Et sur le Revers , un Centaure
qui en décochant une Fléche pose le pied
sur une Couronne renversée ; ce seul mot
OPPORTUNE se lisoit autour ; et dans
l'Exergue M. D. LXXXVIII . Dans la Médaille
du Roy , la face étoit chargée du
>
I.Vol. Buste
JUIN. 1733. 1123
Buste de ce grand Prince , la tête ceinte
de Laurier, et les épaules couvertes d'une
Peau de Lyon , avec cette Inscription :
ALCIDES HIC NOVUS OR BI . Au revers ,
le Roy , armé d'une Massuë , paroît assommer
d'une main le Centaure abbatu ,"
sur lequel est posé l'un des pieds du Vainqueur
, qui de l'autre main releve une
Couronne , avec ce seul mot : OPPORTUNIUS
. Cette Médaille qui n'est chargée.
d'aucune datte , doit avoir été frappée
dans le courant de l'année 1600.ou avant
le Traité de Paix conclu entre les deux
Princes , en l'année 1601.
Le Marquis de Rosny , qui avoit eu tant
de part aux travaux de son Maître dans
cette Guerre , eut aussi part à sa gloire ; car
quelque tems après on lui frappa une Médaille,
où l'on voit d'un côté sonBuste, avec
cette Légende : MAXI. DE BETHUNE , DUC
DE SULLY.G.M.DE L'ART.DE F.Et sur le revers
, une Aigle élevée dans les Airs , la
tête tournée vers le ciel , tenant dans ses
Serres la Foudre de Jupiter , dont ilsemble
attendre les ordres pour la lancer
avec ces mots : Quo JUSSA Jovis . Dans
l'Exergue M. DC. VII. Cette Devise semble
faire allusion à ce que notre Grand
Maître répondit au Duc de Savoye , au
sujet de Mont-Mélian : Si le Roy m'avoit
1.Vol DY
Ccm1124
MERCURE DE FRANCE
commandé de le prendre,j'en viendrois bien- '
tôt à bout , &c. L'Evenement justifia cette
réponse.» Le Gouverneur de cette Place,
» dit Mezeray , triompha d'abord en pa-
» roles , parce qu'il ne croyoit pas.qu'on
put dresser des Batteries pour l'attaquer;
» mais quand Rosny eut trouvé moyen
» d'en planter à cinq ou six endroits (car
que ne peuvent l'argent et le travail ) sa
» fierté s'amollit tout d'un coup ; il per-
» mit que sa femme nouât conversation
avec celle de Rosny , et ses craintes
» s'augmentant d'heure en heure , il ca-
» pitula le 14 Octobre , &c.
»
Maximilien de Bethune .est qualifié
Duc de Sully sur cette Médaille , parce
qu'en l'année précédente 1606. le Roy
avoit érigé la Baronie de Sully en Duché
et Pairie ; sa reception fut des plus magnifiques
, le Roy ayant assisté au Festin ,
qui fut donné à l'Arsenal , &c. Ce Grand-
Prince lui donna aussi la même année , la
Charge de Capitaine - Lieutenant de deux
cent Hommes d'Armes de la Reine.
Comme la Médaille de ce premier Duc
'de Sully , Grand- Maître de l'Artillerie ,
&c. est assez rare , je vous envoïe la gra
vure , que j'en ai fait faire par une ha-
* Anne de Courtenay , Epouse du Marquis de
Rosny , qui l'avoit suivi dans cette Guerre.
I.Vol bile
JUIN. 1733. 1125
bile main , sur l'Original du Cabinet de
M. le Duc de Sully , que ce Seigneur a
bien voulu me communiquer. Cet Original
est des mieux conservez , et si beau
que je le crois de Germain Dupré , cxcellent
Graveur de ce temps-là , dont
nous avons de tres - belles Médailles. Les
deux autres Médailles dont je viens de
vous parler,de Henry le Grand et du Duc
de Savoye , sont dans mon Cabinet .Vous
pourrez les voir quand vous viendrez à
Paris.
Je suis forcé de renvoyer à une autre
Lettre ce qui me reste à vous dire pour
satisfaire pleinement à toutes vos demandes
, et pour ne point allonger celle - ci
lavantage. Je suis toujours , Monsieur ,
& c .
A Paris , le 25 Avril 1733 .
Fermer
Résumé : TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
La troisième lettre de M. D. L. à M. A. C. D. S. T. traite de la vie et de la conversion religieuse du Marquis de Rosny, devenu Duc de Sully. L'auteur répond à des questions sur les raisons de cette conversion et sur l'histoire de la famille Bethune. Jean de Bethune IV, ancêtre de Rosny, avait épousé Anne de Melun, apportant ainsi la Baronie de Rosny en dot. Après la mort de sa première épouse, il se remaria et dilapida ses biens, laissant ses enfants dans une situation précaire. François de Bethune, fils aîné de Jean, épousa Charlotte Dauvet et eut sept enfants. Il s'attacha au Prince de Condé et adopta la religion protestante. Son fils Maximilien, futur Marquis de Rosny, suivit ses traces. François, conscient des qualités de Maximilien, le prépara à servir le Prince de Condé, futur Henri IV. Maximilien fut présenté au Prince et jura fidélité, débutant ainsi une carrière marquée par la fidélité et l'excellence. Lors du massacre de la Saint-Barthélemy, Maximilien échappa à la mort en se déguisant et en se réfugiant au Collège de Bourgogne. Il continua ses études et servit fidèlement Henri IV, cultivant son esprit par des connaissances solides en histoire et en mathématiques. En 1581, il visita sa tante en Flandres, mais celle-ci, en raison de sa religion, l'accueillit froidement. Malgré les tentatives de retour à la foi catholique, Maximilien resta protestant et continua à servir Henri IV avec dévouement. La carrière militaire de Rosny fut marquée par des événements cruciaux, notamment la bataille de Coutras en 1587, où il dirigea l'artillerie pour le Roi de Navarre. Cette victoire fut en grande partie due à l'efficacité de l'artillerie dirigée par Rosny. Après la bataille, le Roi de Navarre exprima sa gratitude et reconnut l'importance de Rosny dans la victoire. Rosny reçut plusieurs charges et honneurs, notamment celle de Grand Maître de l'Artillerie en 1599, après avoir été successivement Grand Voyer de France et Surintendant des Finances. Il réorganisa l'artillerie, cassa des officiers inutiles ou mal intentionnés, et modernisa l'arsenal. Sa gestion fut si efficace que l'arsenal devint une terreur pour les ennemis de la France. Lors de la guerre contre le Duc de Savoie, Rosny joua un rôle clé en assurant les munitions et l'artillerie, contribuant à la prise de Montmélian. Sa diligence et son organisation furent saluées par Mezeray. Rosny avait également été chargé de la réparation et de l'entretien des chemins, obligeant les particuliers à planter des ormes pour le charroi de l'artillerie. Ces arbres sont encore appelés 'les Rosnys' de nos jours. Maximilien de Bethune fut élevé au rang de Duc de Sully en 1606, et reçut la charge de Capitaine-Lieutenant de deux cents hommes d'armes de la Reine la même année.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
49
p. 2206-2211
Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. Loüis, prononcé à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733. [...]
Mots clefs :
Saint Louis, Monde, Religion, Rois, Discours, Paroles, Éloge, Héros, Académie française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
PANEGYRIQUE de S. Loüis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
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Résumé : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Le 25 août 1733, le Père Tournemine a prononcé un panégyrique de Saint Louis à l'Académie Française, s'inspirant des paroles de Saint Paul dans l'Épître aux Galates. Ce discours met en avant Saint Louis comme un roi dont les prospérités n'ont pas corrompu et les adversités n'ont pas abattu. Deux traits distinctifs de Saint Louis sont soulignés : sa sagesse divine et sa fermeté héroïque face aux épreuves. Le panégyrique est structuré en deux parties. La première partie décrit le monde profane que Saint Louis a su vaincre, le présentant comme le meilleur des rois en raison de son soutien aux sciences et à l'éducation. Saint Louis est loué pour avoir rassemblé des érudits et des savants dans son palais, favorisant ainsi le développement intellectuel et spirituel de son peuple. La seconde partie relate les tribulations de Saint Louis, soulignant que ses épreuves étaient nécessaires pour son intérêt et celui de Dieu. Le discours se termine par une série de bénédictions et de reconnaissances de la postérité de Saint Louis, soulignant son héritage durable et son influence sur les rois suivants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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50
p. 2387-2391
TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
Début :
Né dans un siecle corrompu et parmi des moeurs entierement perduës, [...]
Mots clefs :
Testament, Amis, Avarice, Justice, République, Guerres, Gens de bien, Ennemis, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
TRADUCTION du Testament de
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
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Résumé : TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
Dans son testament, Pierre Pithou expose ses valeurs et principes de vie. Il affirme avoir maintenu la bonne foi et la droiture malgré un siècle corrompu. Il a chéri ses amis et préféré vaincre ses ennemis par des bienfaits plutôt que par la violence. Il a élevé ses enfants avec indulgence et a traité ses domestiques avec humanité. Pithou a haï le vice même chez ses proches et a admiré la vertu chez tous. Il a choisi de conserver son bien plutôt que de l'augmenter et a évité de faire ou de subir ce qu'il n'aurait pas voulu endurer. Il a méprisé la crapule et l'avarice, surtout chez les ministres de l'Église et de la justice. Il a toujours respecté la vieillesse et aimé sa patrie plus que les honneurs. Bien qu'étant un particulier, il s'est efforcé d'être utile au public et a soutenu la République chancelante. Il a été attristé par la profanation de la religion et a étudié la bonne antiquité avec soin. Pithou a évité les disputes subtiles sur les matières divines et a préféré la simplicité à l'artifice. Il a vécu sans avarice ni envie, mais avec des inquiétudes dues aux affaires de la République et de ses amis. Il souhaite que ses biens soient répartis selon les lois et que sa femme continue de prendre soin de leurs enfants avec les mêmes soins qu'elle lui a portés. Enfin, il demande à la postérité de recevoir son témoignage avec bonté et droiture.
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