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Détail
Liste
1
p. 145-171
Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Début :
Comme les Ambassadeurs n'avoient pas encore eu Audience, ils [...]
Mots clefs :
Paris, France, Chine, Maladie du roi, Roi, Audience, Procession, Abbé de La Mothe, Office, Ambassadeurs, Entrer, Manger, Église, Parlement, Monde, Lettre, Femmes, Religion, Jardins, Père de La Chaise, Hôtel des ambassadeurs, Église de Notre-Dame de Paris
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texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Comme les Ambaſsadeurs
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
Fermer
Résumé : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, en attente de leur audience avec le roi de France, décidèrent de ne pas apparaître en public avant cette rencontre et demandèrent que personne ne les voie manger. Ils furent invités à assister à la procession annuelle de l'Assomption à Notre-Dame, où ils furent accueillis par l'abbé de la Mothe. La foule les obligea à se rendre directement à l'église. À l'intérieur, ils montrèrent un grand intérêt pour l'architecture de l'église, posant des questions sur sa hauteur et sa largeur et exprimant le désir d'obtenir un plan. Ils furent également impressionnés par la musique et l'orgue, posant des questions détaillées à l'abbé de la Mothe. Après l'office, ils observèrent attentivement les différences dans les habits des dignitaires et reçurent plusieurs d'entre eux avec honneur. Les ambassadeurs étaient très reconnaissants et curieux, posant des questions sur divers aspects de la religion et des cérémonies. Ils offrirent du bétel à l'abbé de la Mothe, expliquant ses bienfaits. Après la procession, ils s'agenouillèrent devant l'autel de la Vierge, déclarant qu'ils auraient aimé assister à d'autres offices. Ils employèrent quatre secrétaires pour noter toutes leurs observations. Le second ambassadeur, ayant été en mission en Chine, compara les deux pays, notant que la France semblait aussi peuplée que la Chine, bien qu'il n'ait pas vu de femmes en Chine. Il trouva les jardins français plus beaux que ceux de la Chine. Les ambassadeurs rencontrèrent plusieurs personnes distinguées et leur firent des marques d'affection, malgré leur résolution de ne pas manger en public avant l'audience royale. Ils étaient également intéressés par la composition des mets français et voulurent tout apprendre sur les arts et coutumes de France. Ils plantèrent même des arbres dans le jardin de leur hôtel pour ne rien oublier. Lorsqu'ils furent sur le point d'avoir audience, le roi tomba malade, et ils redoublèrent leurs instances pour ne voir personne, montrant un profond respect pour leur souverain. La lettre qu'ils devaient remettre au roi de France était placée dans trois boîtes emboîtées, la dernière en or, et était écrite sur une lame d'or. Ils faisaient des inclinations profondes chaque fois qu'ils passaient devant cette lettre. Malgré l'absence de talapoins en France, ils pratiquaient leur religion en se mettant à genoux et en touchant le sol avec leur tête. Ils méditaient sur les devoirs familiaux et amicaux, considérant la vertu comme la sainteté suprême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 219-224
Animaux qui font du feu, dans des especes de cavernes sous des roches.
Début :
Pressez par la faim & cherchant aux dépens de leur vie [...]
Mots clefs :
Animaux, Cavernes, Manger, Feu, Faim
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texteReconnaissance textuelle : Animaux qui font du feu, dans des especes de cavernes sous des roches.
Animaux qui font du
feu, dans des especes
de cavernes sons des
roches.
Pressez par la faim &C
cherchantauxdépens de
leur vie de quoi manger,
cIlest à dire suivant des
traces d'animaux sauvages, pour en trouver
quelqu'un qu'ilspuisent
tuer pour le manger, ils
trouvèrent en plusieurs
endroits de ces cavernes
de petits monceaux ou
magasins d'animaux differens qui leur parurent
comme defechez M
brûlés au feu; cela leur
fit croire que quelques
Sauvageshabitaientces
cavernes:rextrêmesaim
leur fit manger quelques morceaux de ces
animaux defechez & si
durs, qua peine pouvoientils en dechireravec lesdents.Ilsremar-
-
querent dans tous ces
endroits où étoient ces
monceaux, de grandes
places noires&des restes
de branches brulées, ce
qui leur avoit fait conclure, cômej'ay dit,que
des hommes seuls pouvoient avoir roti ces animaux: mais ils remarquoient en même temps
qu'ils étoient desechez
avecle cuir,lepoil,lesentrailles, en un mot sans
aucun aprêt:ensuiteils
trouverent au bout de
ces cavernes quelqu'un
de ces animaux qui
fuioient & qui étoient
come des especes d'ours,
maisplusalongez &C si
tinlidcs, que du plus
loin qu'ilslesavoient
entend usilsavoienttoûjours fui. Ils n'oserent
pourtant avancer plus
loin: mais en reprenant
leur route ils aperçurent
dans un autre enfoncement une lueur de feu.
La curiosité les fit avancer si doucement qu'ils
virent deux de ces animaux auprès de ce feu
mourant, & qui fuyant
d'une grande vîtesse
donnèrent à nos gens la
hardiesse d'avancer jusqu'à un brasier,où ils
virent plusieurs de ces
animaux brûlez & defechez encor tout bru-
lants & d'autres tous
cruds. Ensortê qu'aprèsplusieurs autres remarques qu'ils firent, ils ne
doutent point que ces
animaux fuyars n'ayent
l'art d'alumer du feu 6L
la prévoyance de desecher &: brûler les ani-.
maux dont ils se nourissent, parce qu'aparemment ils ne les peuvent
arrâper qu'en de certaines saison
feu, dans des especes
de cavernes sons des
roches.
Pressez par la faim &C
cherchantauxdépens de
leur vie de quoi manger,
cIlest à dire suivant des
traces d'animaux sauvages, pour en trouver
quelqu'un qu'ilspuisent
tuer pour le manger, ils
trouvèrent en plusieurs
endroits de ces cavernes
de petits monceaux ou
magasins d'animaux differens qui leur parurent
comme defechez M
brûlés au feu; cela leur
fit croire que quelques
Sauvageshabitaientces
cavernes:rextrêmesaim
leur fit manger quelques morceaux de ces
animaux defechez & si
durs, qua peine pouvoientils en dechireravec lesdents.Ilsremar-
-
querent dans tous ces
endroits où étoient ces
monceaux, de grandes
places noires&des restes
de branches brulées, ce
qui leur avoit fait conclure, cômej'ay dit,que
des hommes seuls pouvoient avoir roti ces animaux: mais ils remarquoient en même temps
qu'ils étoient desechez
avecle cuir,lepoil,lesentrailles, en un mot sans
aucun aprêt:ensuiteils
trouverent au bout de
ces cavernes quelqu'un
de ces animaux qui
fuioient & qui étoient
come des especes d'ours,
maisplusalongez &C si
tinlidcs, que du plus
loin qu'ilslesavoient
entend usilsavoienttoûjours fui. Ils n'oserent
pourtant avancer plus
loin: mais en reprenant
leur route ils aperçurent
dans un autre enfoncement une lueur de feu.
La curiosité les fit avancer si doucement qu'ils
virent deux de ces animaux auprès de ce feu
mourant, & qui fuyant
d'une grande vîtesse
donnèrent à nos gens la
hardiesse d'avancer jusqu'à un brasier,où ils
virent plusieurs de ces
animaux brûlez & defechez encor tout bru-
lants & d'autres tous
cruds. Ensortê qu'aprèsplusieurs autres remarques qu'ils firent, ils ne
doutent point que ces
animaux fuyars n'ayent
l'art d'alumer du feu 6L
la prévoyance de desecher &: brûler les ani-.
maux dont ils se nourissent, parce qu'aparemment ils ne les peuvent
arrâper qu'en de certaines saison
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Résumé : Animaux qui font du feu, dans des especes de cavernes sous des roches.
Des hommes, affamés, découvrent dans des cavernes des animaux brûlés, suggérant la présence de sauvages. Ils observent des traces de feu et des restes d'animaux desséchés, avec leur cuir, poil et entrailles, sans préparation. Plus loin, ils aperçoivent des animaux ressemblant à des ours, mais plus allongés et timides. En explorant davantage, ils voient une lueur de feu et trouvent deux de ces animaux près d'un brasier mourant. Ils constatent la présence d'animaux brûlés et d'autres crus, concluant que ces animaux sauvages maîtrisent l'art de faire du feu et de dessécher les animaux dont ils se nourrissent, probablement en certaines saisons.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 73-97
LE CHESNE & l'Espine.
Début :
J'ay dessein de me faire hermite, [...]
Mots clefs :
Chêne, Épine, Ermite, Religieux, Loger dans un chêne, Solitude, Damon, Manger, Glands, Ermitage
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texteReconnaissance textuelle : LE CHESNE & l'Espine.
LE CHESNE
&
PEspine.
J'Ay deffein de mefaire
hermite ,
Le monde eft trop contagieux :
Tant qu'on fe trouve
fous les yeux ,
Onl'aime , on s'y plaiſt ,
on l'imite ;
C'eſt peu d'eſtre Religieux ,
J'ay deffein de me faire
hermite.
Septembre 1712. G
74 MERCURE
Non de cette fecte profcrite ,
Qui trouvoit jadis cent
raifons
Pour rendre ou recevoir
viſite ,
De ces gens à face hipocrite ,
Qu'on voyoit en quelques maiſons ,
Couverts d'un froc hiteroclite ,
Et bridez comme des oi9" efonst,
Aller faire la chatemite
GALANT. 75
Et fe coulant par les
maiſons ,
Quefter, dit - on, pourla
marmite ;
C'eft bien fait , il faut
vivre enfin :
Mais gare dans cette conduite ,
Que l'Eftafier de ſaint
Martin ,
De tout temps cauteleux & fin ,
Quelquefois ne marche
àa la fuite. 97
Pour ne point tomber
G ij
76 MERCURE
dans le cas ,
Je veux comme un autre
Stilite
Me guinder dans une
guerite.
Là content , & loin du
tracas
Mépriſant , comme il le
merite ,
Le monde & fes tromCapeurs appas ,
Je le verray du haut en
adar bas.
Si ce deffein vous paqodiroift fage ,
GALANT. 77
Damon , je viens à deux
genoux ,
M'addreffer tout d'abord
àa vous
Pour me fonder un hermitage ,
Peu me fuffit , ne craignez rien ,
Sans demembrer voſtre
hermitage ,
Je vous demande pour
tout bien
Deux arbres , & rien davantage.
Ce chefne creux & tousG iij
F
78 MERCURE
jours verd ,
Qu'on voit en ſuperbe
cftalage
Dominer fur voftre village ,
Semble m'offrirfon flanc
ouvert ,
Grimpant à fon plus
haut eftage
C'eft où je prétends me
loger ,
Y joignant pour tout
bajardinage ,
L'efpine de voſtre verger.
Tantoft comme un oi-
GALANT. 79
feau fauvage ,
Sur leurs belles branches
perché ,
Tantoft aufond du creux
niché
Comme un moineau
dans une cage
J'y feray la nique au
peché.
Pour les befoins de la
nature
J'y trouveray mon entretien
Le gland fera ma nour-.
riture ,
G iiij
80 MERCURE
L'enfant prodigue en vefcut bien.
Le Ciel propice & falutaire
Pour la foif du pauvre
reclus ,
Luy fournira de belle eau
!
claire :
Helas que luy faut . il
de plus.
Ce chefne dont la refiftance
Triomphe depuis fi longtemps
Et des orages & des
vents
GALANT. 81
M'apprendra dans ma
penitence ,
Qu'il faut refifter juſqu'au bout ,
Et que la force & la
conftance
A la fin triomphent de
tout.
En voyant la feüille mobille !
Obeïr aux moindres zephirs ;
Helas ! diray-je avec ſoupirs ,
C'est ainsi que le cœur
fragile
82 MERCURE
Se laiffe aller à fes defirs.
S'il eſt battu de quelque
orage ,
Si des vents il fent la rigueur ,
J'y croiray trouver une
image
De ce trifte & cruel ravage ,
Que les paffions en fureur ,
Caufent quelquefois dans
un cœur.
Charmante épine , mais
trompeuſe ,
GALANT. 83
Vous eftes un peu dangercufe
Par les pointes que vous
cachez :
Vous m'apprendrez que
vos piqueures
Font de moins funeftes
bleffeures ,
Que les plaifirs que j'ay
cherchez.
A la douleur ,
quoyque
fenfible ,
J'en connoiftray l'utilité
Quand vous m'aurez facilité
84 MERCURE
La route fafcheufe &
penible
Qui mene à la felicité.
Vous n'aurez pour moy
rien de rude ,
Aimable & chere folitude ,
Alte là , me dira quelqu'un ,
Moderez un peu voſtre
zele ,
Voftre folitude eft fort
belle ,
Et ce projet n'eſt pas
commun ;
GALANT. 85
Mais cependant pour
vous j'en tremble ,
Je fçay qui s'en repentiroit ,
Et d'abord , à ce qu'il
me femble ,
Vous vous giftez bien à
l'eftroit.
D'ailleurs du gland pour
nourriture ,
C'eſt certes un maigre
repas :
L'enfant prodigue vous
raffeure
Mais le drolle en fut bientoft las.
86 MERCURE
Enfin c'eſt bien pauvre
befogne
Que de belle eau claire
entre nous ;
Atout hazard garniſſezvous
De quelque bon vin de
Bourgogne ,
Cela feroit fort de mon
gouft.
On a beau dire , on a
beau faire ,
La plus belle eau claire
après tout
Ne fouftient point le Solitaire >
GALANT. 87
Et pouffe la ferveur à
bout ,
Le vin meuble mieux la
cellule.
Taifez- vous , demon tentateur ,
N'efperez pas troubler
mon cœur ,
Mon zele jamais ne recule.
Eft -ce à l'eftroit eſtre
giſté ,
Que d'eftre logé dans un
chefne ?
Où ( fi jadis j'ay bien
88 MERCURE
compté )
Quarante enfans tiennent
fans peine.
Pour l'épine je me fouviens ,
Qu'on y tient douze à table ronde ;
Or , s'il y tient bien tant
de monde ,
C'eſt grand hazard ſi je
n'y tiens.
Pour le gland , & la belle
eau claire ,
Je ne m'en fais pas une
affaire ;
Je
GALANT. 89
Je puis m'en contenter.
Enfin ;
Chez Damon ,
quoyque
l'on m'oppoſe ,
Il me fuffit pour toute
chofe ,
Que je vous auray pour
voiſin.
Non ; avec ce doux voifinage ,
Je ne craindray ny foif
ny faim ' ,
Et vivray dans mon hermitage
Sans foucy pour le lenSeptembre 1712. H
90 MERCURE
demain.
Voftre cuiſine en eft fi
proche ,
Que j'entendray tourner
la broche ,
Qui ne tourne jamais en
vain;
Ce bruit me tiendra lieu
de cloche ,
Et je croiray qu'on veut
fonner
Pour marquer l'heure du
difner.
Apeine ferez-vous à table
,
GALANT. 91
1
Que d'unairdoux & charitable ,
Vous direz àvoſtre valet,
Tiens , prend un plat &
ce poulet ,
porte Et le
Qui n'a
à ce pauvre
Hermite ,
ny broche
ny
marmite.
Je l'entendray venir ſoudain ,
Et m'avançant en diligence ,
Je beniray la Providence,
Et n'aurez qu'à tendre la
Hij
92 MERCURE
main ,
Si par hazard on accompagne
Le plat de roz d'un bon
flacon ,
Ou de Bourgogne ou de
Champagne ,
Faudra - t- il le refufer ?
non.
Unpauvre Hermitepeut
bien prendre
Tout ce qui luy vient de
bon lieu.
Tout prendre? oüy, pour
l'amour de Dieu ,
GALANT. 93
Du vin feul, cela doit s'entendre.
Dieu preferve un pauvre
reclus
Degarder meubles fuperAlus.
Tout cecy pourtant doit
fe taire ;
Car autrement je crain-'
drayfort
Qu'on ne fuft jaloux de
mon fort
Si l'on entroit dans ce
myftere.
Tel à qui ce texte a fait
peur ,
94 MERCURE
S'apprivoifant au Commentaire ,
Voudroit fans doute de
bon cœur
Embraffer cette vic auf
tere,
Et demandant avec ardeur
Unpetit coin auSolitaire,
Feroit malgré le Fonda-
: teur
De l'Hermitage un Monaftere.
Mais que chacun refte
chez foy,
GALANT. 95
Le lieu n'eſt pas trop
grand pour moy;
Je m'y borne & je me
confine
Dans monchefne& dans
mon efpine.
J'y fouffriray s'il faut
fouffrir ;
J'y veux vivre , j'y veux
mourir;
Que l'on en parle, qu'on
engronde ;
Que l'on en jafe dans le
monde;
Je le dis , & je le diray,
96 MERCURE
Auffi long-temps que je
vivray.
Vous n'aurez pour moy
rien de rude
Aimable & chere folitude
Belle efpine , cheſne fameux ,
Pourveu que je faſſe me
vœux
Comme Damon me les
fait faire ,
Bon voisinage & bonne
chere
Rendra l'hermite bienheureux.
Qu'un
GALANT. 97
Qu'un jour le Deſtin
nous affemble ,
J'y penfe , j'y refve fou
vent ;
Mais il faudroit auparavant
Que Damon nous uniſt
enſemble.
&
PEspine.
J'Ay deffein de mefaire
hermite ,
Le monde eft trop contagieux :
Tant qu'on fe trouve
fous les yeux ,
Onl'aime , on s'y plaiſt ,
on l'imite ;
C'eſt peu d'eſtre Religieux ,
J'ay deffein de me faire
hermite.
Septembre 1712. G
74 MERCURE
Non de cette fecte profcrite ,
Qui trouvoit jadis cent
raifons
Pour rendre ou recevoir
viſite ,
De ces gens à face hipocrite ,
Qu'on voyoit en quelques maiſons ,
Couverts d'un froc hiteroclite ,
Et bridez comme des oi9" efonst,
Aller faire la chatemite
GALANT. 75
Et fe coulant par les
maiſons ,
Quefter, dit - on, pourla
marmite ;
C'eft bien fait , il faut
vivre enfin :
Mais gare dans cette conduite ,
Que l'Eftafier de ſaint
Martin ,
De tout temps cauteleux & fin ,
Quelquefois ne marche
àa la fuite. 97
Pour ne point tomber
G ij
76 MERCURE
dans le cas ,
Je veux comme un autre
Stilite
Me guinder dans une
guerite.
Là content , & loin du
tracas
Mépriſant , comme il le
merite ,
Le monde & fes tromCapeurs appas ,
Je le verray du haut en
adar bas.
Si ce deffein vous paqodiroift fage ,
GALANT. 77
Damon , je viens à deux
genoux ,
M'addreffer tout d'abord
àa vous
Pour me fonder un hermitage ,
Peu me fuffit , ne craignez rien ,
Sans demembrer voſtre
hermitage ,
Je vous demande pour
tout bien
Deux arbres , & rien davantage.
Ce chefne creux & tousG iij
F
78 MERCURE
jours verd ,
Qu'on voit en ſuperbe
cftalage
Dominer fur voftre village ,
Semble m'offrirfon flanc
ouvert ,
Grimpant à fon plus
haut eftage
C'eft où je prétends me
loger ,
Y joignant pour tout
bajardinage ,
L'efpine de voſtre verger.
Tantoft comme un oi-
GALANT. 79
feau fauvage ,
Sur leurs belles branches
perché ,
Tantoft aufond du creux
niché
Comme un moineau
dans une cage
J'y feray la nique au
peché.
Pour les befoins de la
nature
J'y trouveray mon entretien
Le gland fera ma nour-.
riture ,
G iiij
80 MERCURE
L'enfant prodigue en vefcut bien.
Le Ciel propice & falutaire
Pour la foif du pauvre
reclus ,
Luy fournira de belle eau
!
claire :
Helas que luy faut . il
de plus.
Ce chefne dont la refiftance
Triomphe depuis fi longtemps
Et des orages & des
vents
GALANT. 81
M'apprendra dans ma
penitence ,
Qu'il faut refifter juſqu'au bout ,
Et que la force & la
conftance
A la fin triomphent de
tout.
En voyant la feüille mobille !
Obeïr aux moindres zephirs ;
Helas ! diray-je avec ſoupirs ,
C'est ainsi que le cœur
fragile
82 MERCURE
Se laiffe aller à fes defirs.
S'il eſt battu de quelque
orage ,
Si des vents il fent la rigueur ,
J'y croiray trouver une
image
De ce trifte & cruel ravage ,
Que les paffions en fureur ,
Caufent quelquefois dans
un cœur.
Charmante épine , mais
trompeuſe ,
GALANT. 83
Vous eftes un peu dangercufe
Par les pointes que vous
cachez :
Vous m'apprendrez que
vos piqueures
Font de moins funeftes
bleffeures ,
Que les plaifirs que j'ay
cherchez.
A la douleur ,
quoyque
fenfible ,
J'en connoiftray l'utilité
Quand vous m'aurez facilité
84 MERCURE
La route fafcheufe &
penible
Qui mene à la felicité.
Vous n'aurez pour moy
rien de rude ,
Aimable & chere folitude ,
Alte là , me dira quelqu'un ,
Moderez un peu voſtre
zele ,
Voftre folitude eft fort
belle ,
Et ce projet n'eſt pas
commun ;
GALANT. 85
Mais cependant pour
vous j'en tremble ,
Je fçay qui s'en repentiroit ,
Et d'abord , à ce qu'il
me femble ,
Vous vous giftez bien à
l'eftroit.
D'ailleurs du gland pour
nourriture ,
C'eſt certes un maigre
repas :
L'enfant prodigue vous
raffeure
Mais le drolle en fut bientoft las.
86 MERCURE
Enfin c'eſt bien pauvre
befogne
Que de belle eau claire
entre nous ;
Atout hazard garniſſezvous
De quelque bon vin de
Bourgogne ,
Cela feroit fort de mon
gouft.
On a beau dire , on a
beau faire ,
La plus belle eau claire
après tout
Ne fouftient point le Solitaire >
GALANT. 87
Et pouffe la ferveur à
bout ,
Le vin meuble mieux la
cellule.
Taifez- vous , demon tentateur ,
N'efperez pas troubler
mon cœur ,
Mon zele jamais ne recule.
Eft -ce à l'eftroit eſtre
giſté ,
Que d'eftre logé dans un
chefne ?
Où ( fi jadis j'ay bien
88 MERCURE
compté )
Quarante enfans tiennent
fans peine.
Pour l'épine je me fouviens ,
Qu'on y tient douze à table ronde ;
Or , s'il y tient bien tant
de monde ,
C'eſt grand hazard ſi je
n'y tiens.
Pour le gland , & la belle
eau claire ,
Je ne m'en fais pas une
affaire ;
Je
GALANT. 89
Je puis m'en contenter.
Enfin ;
Chez Damon ,
quoyque
l'on m'oppoſe ,
Il me fuffit pour toute
chofe ,
Que je vous auray pour
voiſin.
Non ; avec ce doux voifinage ,
Je ne craindray ny foif
ny faim ' ,
Et vivray dans mon hermitage
Sans foucy pour le lenSeptembre 1712. H
90 MERCURE
demain.
Voftre cuiſine en eft fi
proche ,
Que j'entendray tourner
la broche ,
Qui ne tourne jamais en
vain;
Ce bruit me tiendra lieu
de cloche ,
Et je croiray qu'on veut
fonner
Pour marquer l'heure du
difner.
Apeine ferez-vous à table
,
GALANT. 91
1
Que d'unairdoux & charitable ,
Vous direz àvoſtre valet,
Tiens , prend un plat &
ce poulet ,
porte Et le
Qui n'a
à ce pauvre
Hermite ,
ny broche
ny
marmite.
Je l'entendray venir ſoudain ,
Et m'avançant en diligence ,
Je beniray la Providence,
Et n'aurez qu'à tendre la
Hij
92 MERCURE
main ,
Si par hazard on accompagne
Le plat de roz d'un bon
flacon ,
Ou de Bourgogne ou de
Champagne ,
Faudra - t- il le refufer ?
non.
Unpauvre Hermitepeut
bien prendre
Tout ce qui luy vient de
bon lieu.
Tout prendre? oüy, pour
l'amour de Dieu ,
GALANT. 93
Du vin feul, cela doit s'entendre.
Dieu preferve un pauvre
reclus
Degarder meubles fuperAlus.
Tout cecy pourtant doit
fe taire ;
Car autrement je crain-'
drayfort
Qu'on ne fuft jaloux de
mon fort
Si l'on entroit dans ce
myftere.
Tel à qui ce texte a fait
peur ,
94 MERCURE
S'apprivoifant au Commentaire ,
Voudroit fans doute de
bon cœur
Embraffer cette vic auf
tere,
Et demandant avec ardeur
Unpetit coin auSolitaire,
Feroit malgré le Fonda-
: teur
De l'Hermitage un Monaftere.
Mais que chacun refte
chez foy,
GALANT. 95
Le lieu n'eſt pas trop
grand pour moy;
Je m'y borne & je me
confine
Dans monchefne& dans
mon efpine.
J'y fouffriray s'il faut
fouffrir ;
J'y veux vivre , j'y veux
mourir;
Que l'on en parle, qu'on
engronde ;
Que l'on en jafe dans le
monde;
Je le dis , & je le diray,
96 MERCURE
Auffi long-temps que je
vivray.
Vous n'aurez pour moy
rien de rude
Aimable & chere folitude
Belle efpine , cheſne fameux ,
Pourveu que je faſſe me
vœux
Comme Damon me les
fait faire ,
Bon voisinage & bonne
chere
Rendra l'hermite bienheureux.
Qu'un
GALANT. 97
Qu'un jour le Deſtin
nous affemble ,
J'y penfe , j'y refve fou
vent ;
Mais il faudroit auparavant
Que Damon nous uniſt
enſemble.
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Résumé : LE CHESNE & l'Espine.
En septembre 1712, un individu décide de se retirer du monde pour devenir ermite. Il souhaite fuir la contagion du monde et se retirer dans une solitude complète, loin des hypocrisies et des visites fréquentes. Il projette de s'installer dans un chêne creux et verdoyant, dominant un village, et d'y ajouter une épine de verger pour son jardin. Il prévoit de subsister grâce aux glands et à l'eau claire fournie par le ciel. Le chêne lui enseignera la résistance et la force, tandis que l'épine, bien que dangereuse, lui apprendra l'utilité de la douleur. Malgré les objections sur la rudesse de sa future vie, il reste déterminé. Il prévoit de vivre près de Damon, dont la cuisine est proche, et espère recevoir des restes de ses repas. Il insiste sur le fait que son ermitage est suffisant pour lui seul et qu'il n'acceptera pas de visiteurs. Il conclut en exprimant son désir de vivre et de mourir dans son ermitage, malgré les critiques du monde.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 112-117
Essay sur les erreurs populaires, &c. [titre d'après la table]
Début :
ESSAY sur les erreurs populaires. Suite de l'Extrait de ce Livre, imprimé [...]
Mots clefs :
Vipère, Dents, Manger, Éternuer, Tradition, Grecs, Animal, Galien, Usage, Peuples
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texteReconnaissance textuelle : Essay sur les erreurs populaires, &c. [titre d'après la table]
ESSAY sur les erreurs populaires . Sulte
de l'Extrait de ce Livre , imprimé
dans le Mercure de Novembre.
Au Chapitre 8 , du 3 ° Livre , l'Auteur
refute la Fable qu'on débite par rapport
au Loup , comme il a fait celle du Basilic
: Si le Loup , dit - on , apperçoit un
homme avant qu'il en soit apperçu , incontinent
cet homme devient enroué ou
perd la voix ; d'où est venu le Proverbe,
Lupus in fabula. Cette opinion est née
de l'étonnement et du silence que cause
d'ordinaire aux Voyageurs la vûë inopinée
JANVIER : 1734." 113
née des Loups ; non qu'il sorte de ces
animaux avec une vapeur nuisible , comme
on le suppose ; mais c'est qu'alors on
est saisi de frayeur; et que la frayeur produit
ordinairement le silence.
Chapitre 16. C'est encore une tradition
fort ancienne , que la Vipere dans
l'accouplement , coupe , avec ses dents.
la tête du mâle , et que les Petits , à leur
tour , pour le vanger , déchirent le sein
de leur mere , et se font ainsi passage
avec leurs dents...... Et quoique cette
Tradition fut établie chez les Grecs , les
Latins ont voulu la fortifier , en donnant
à cet animal le nom de Vipere. Quasi vi
pariat. Et ce texte des Livres Saints : O
générations de Viperes , a trouvé des Interpretes
favorables à cette même tradition.
Cependant malgré ces autoritez ,
ces narrations , ces conjectures , nous pou
vons affirmer après un examen sérieux
que cela n'est conforme ni à la vérité , ni
à la raison .
Il n'y a peut- être point d'animal dont
on ait débité tant de Fables , que de la:
Vipere comme on l'a déja remarqué, et
ainsi que François Rédi l'a fait voir dans
ses Observations. Ce Sçavant Naturaliste
a prouvé par le raisonnement et par
l'expérience que la Vipere ne contient
F v au114
MERCURE DE FRANCE
aucune humeur pernicieuse ou mortelle;
que l'un et l'autre sexe n'ont que deux
dents canines ; que ces dents sont creuses
, que leur morsure n'empoisonne
point , et qu'elle ne fait autre chose
qu'une playe par où le venin peut s'insinuer
, et que ce poison n'est mortel
qu'autant qu'il entre dans quelque vaisseau
sanguin. Il prouve encore que la
Vipere ne contient d'autre poison que
cette liqueur presqu'insipide , qui ressemble
à de l'huile d'amandes , et qui s'arrête
dans ces especes de guaines , dont
ses dents sont couvertes ; que cette li
queur ne sort pas de la vésicule du fiel
mais qu'elle se produit plus vrai- sembla
blement dans la téte où les conduits sa
livaires ont leur origine.
Dans le chap. 25. du même liv. 3. du
choix des Viandes , & c. l'Auteur dit qu'il
paroît qu'Aristote et Albert , recommandoient
la chair des jeunes Faucons. Galien
, dit il , qui vante celle des Renards.
en Automne, quand ils mangent des Raisins,
condanne les Cailles et met les Öyes
au même rang que les Autruches ; cependant
aujourd'hui on sert des Cailles
sur les meilleurs Tables.
Ce n'est que dans les plus grandes extrémitez
que l'on mange aujourd'hui
des
JANVIER . 1734. IIS
-
des Chiens. Cependant Galien nous apprend
que plusieurs Nations s'en nourrissoient
; et Hippocrate en fait autant
de cas que des Öyseaux ; il en ordonne
même la chair comme un reméde excellent
contre les maladies de Ratte , et
pour faire concevoir les femmes. Du tems
de Pline et de Galien , continue l'Auteur,
on condamnoit l'usage de la chair de
Cheval, et l'on croyoit que le sarg de cet
animal étoit très nuisible , au lieu
qu'aujourd'hui c'est la nourriture des
Tartares, et que ces Peuples en boivent le
sang. On pourroit se persuader que c'est
une fantaisie des Peuples Septentrionaux ,
si Hérodote ne nous apprenoit que
Perses en servoient dans leurs Festins , et
qu'aux jours de leur naissance , ils apprê
toient des Chevaux , des Chameaux et des
Anes tous entiers ; blâmant en cela les
Grecs , qui , selon eux , n'en chargeoient
point assez leurs Tables.
les.
Il n'y a presque rien dont les hommes
en general ne se nourrissent. Ce qui est
inconnu dans une Région , est d'usage
dans une autre , et l'on prouveroit sang
peine , que des Peuples entiers mangent
des Tygres , des Elephans , des Rats , des
Chauves - Souris , & c. Lérins et d'autres.
assurent qu'il y a des Amériquains qui
F vj
man
116 MERCURE DE FRANCE
mangent de tout , sans excepter les Cra
paux et les Serpens. Il y a même des Nations,
qui au mépris de toutes les Loix ,
ont mangé et mangent encore de la chair
humaine .
Les anciens étoient dans une grande ,
superstition au sujet de l'éternûment.On
lit icy , aù ch.9. du 4 liv. qu'ils croyoient
qu'il annonçoit quelque chose de sinistre;
et cela paroît bien par ce trait de
l'Athénien,qui , parce qu'un des Bateliers
avoit éternué , voulut abandonner sonentreprise
; et par le témoignage de S. Augustin
, qui dit que les anciens se remettoient
au lit quand il leur arrivoit d'é
ternuer en se chaussant.
Aristote demande encore pourquoi if
est d'un bon augure d'éternuer depuis
midi jusqu'à minuit , et d'un mauvais
augure d'éternuer depuis minuit jusqu'à
midi.
Eustathe , dans ses Commentaires sur
Homere , a remarqué qu'éternuer à sa
gauche , c'étoit un signe malheureux ; et
qu'éternuer à sa droite , c'étoit un signe
favorable. Aussi Plutarque nous apprend
qu'avant la Bataille contre Xerxes , Thémistocle
sacrifiant sur son Vaisseau
et un des assistans ayant éternué à sa
droite , l'Augure Euphrantides prédig
à
JANVIER 1734 117
`
à l'instant la Victoire des Grecs et la Dé
faite des Perses.
L'usage de saluer quand on éternuë ,
est donc beaucoup plus ancien qu'on ne
le croit ordinairement , et il ne tire point
son origine de quelque maladie particuliere
; mais bien qu'il soit né de l'idée
qu'on s'étoit faite sur cette violente agitation
, qui surprenoit les assistans ; d'autres
ayant remarqué quelques événemens
qui n'y étoient liez que par hazard , on
est enfin parvenu à faire ces formules ,
par lesquelles on souhaitoit que le mal
fut détourné , et que le bien arrivât.
de l'Extrait de ce Livre , imprimé
dans le Mercure de Novembre.
Au Chapitre 8 , du 3 ° Livre , l'Auteur
refute la Fable qu'on débite par rapport
au Loup , comme il a fait celle du Basilic
: Si le Loup , dit - on , apperçoit un
homme avant qu'il en soit apperçu , incontinent
cet homme devient enroué ou
perd la voix ; d'où est venu le Proverbe,
Lupus in fabula. Cette opinion est née
de l'étonnement et du silence que cause
d'ordinaire aux Voyageurs la vûë inopinée
JANVIER : 1734." 113
née des Loups ; non qu'il sorte de ces
animaux avec une vapeur nuisible , comme
on le suppose ; mais c'est qu'alors on
est saisi de frayeur; et que la frayeur produit
ordinairement le silence.
Chapitre 16. C'est encore une tradition
fort ancienne , que la Vipere dans
l'accouplement , coupe , avec ses dents.
la tête du mâle , et que les Petits , à leur
tour , pour le vanger , déchirent le sein
de leur mere , et se font ainsi passage
avec leurs dents...... Et quoique cette
Tradition fut établie chez les Grecs , les
Latins ont voulu la fortifier , en donnant
à cet animal le nom de Vipere. Quasi vi
pariat. Et ce texte des Livres Saints : O
générations de Viperes , a trouvé des Interpretes
favorables à cette même tradition.
Cependant malgré ces autoritez ,
ces narrations , ces conjectures , nous pou
vons affirmer après un examen sérieux
que cela n'est conforme ni à la vérité , ni
à la raison .
Il n'y a peut- être point d'animal dont
on ait débité tant de Fables , que de la:
Vipere comme on l'a déja remarqué, et
ainsi que François Rédi l'a fait voir dans
ses Observations. Ce Sçavant Naturaliste
a prouvé par le raisonnement et par
l'expérience que la Vipere ne contient
F v au114
MERCURE DE FRANCE
aucune humeur pernicieuse ou mortelle;
que l'un et l'autre sexe n'ont que deux
dents canines ; que ces dents sont creuses
, que leur morsure n'empoisonne
point , et qu'elle ne fait autre chose
qu'une playe par où le venin peut s'insinuer
, et que ce poison n'est mortel
qu'autant qu'il entre dans quelque vaisseau
sanguin. Il prouve encore que la
Vipere ne contient d'autre poison que
cette liqueur presqu'insipide , qui ressemble
à de l'huile d'amandes , et qui s'arrête
dans ces especes de guaines , dont
ses dents sont couvertes ; que cette li
queur ne sort pas de la vésicule du fiel
mais qu'elle se produit plus vrai- sembla
blement dans la téte où les conduits sa
livaires ont leur origine.
Dans le chap. 25. du même liv. 3. du
choix des Viandes , & c. l'Auteur dit qu'il
paroît qu'Aristote et Albert , recommandoient
la chair des jeunes Faucons. Galien
, dit il , qui vante celle des Renards.
en Automne, quand ils mangent des Raisins,
condanne les Cailles et met les Öyes
au même rang que les Autruches ; cependant
aujourd'hui on sert des Cailles
sur les meilleurs Tables.
Ce n'est que dans les plus grandes extrémitez
que l'on mange aujourd'hui
des
JANVIER . 1734. IIS
-
des Chiens. Cependant Galien nous apprend
que plusieurs Nations s'en nourrissoient
; et Hippocrate en fait autant
de cas que des Öyseaux ; il en ordonne
même la chair comme un reméde excellent
contre les maladies de Ratte , et
pour faire concevoir les femmes. Du tems
de Pline et de Galien , continue l'Auteur,
on condamnoit l'usage de la chair de
Cheval, et l'on croyoit que le sarg de cet
animal étoit très nuisible , au lieu
qu'aujourd'hui c'est la nourriture des
Tartares, et que ces Peuples en boivent le
sang. On pourroit se persuader que c'est
une fantaisie des Peuples Septentrionaux ,
si Hérodote ne nous apprenoit que
Perses en servoient dans leurs Festins , et
qu'aux jours de leur naissance , ils apprê
toient des Chevaux , des Chameaux et des
Anes tous entiers ; blâmant en cela les
Grecs , qui , selon eux , n'en chargeoient
point assez leurs Tables.
les.
Il n'y a presque rien dont les hommes
en general ne se nourrissent. Ce qui est
inconnu dans une Région , est d'usage
dans une autre , et l'on prouveroit sang
peine , que des Peuples entiers mangent
des Tygres , des Elephans , des Rats , des
Chauves - Souris , & c. Lérins et d'autres.
assurent qu'il y a des Amériquains qui
F vj
man
116 MERCURE DE FRANCE
mangent de tout , sans excepter les Cra
paux et les Serpens. Il y a même des Nations,
qui au mépris de toutes les Loix ,
ont mangé et mangent encore de la chair
humaine .
Les anciens étoient dans une grande ,
superstition au sujet de l'éternûment.On
lit icy , aù ch.9. du 4 liv. qu'ils croyoient
qu'il annonçoit quelque chose de sinistre;
et cela paroît bien par ce trait de
l'Athénien,qui , parce qu'un des Bateliers
avoit éternué , voulut abandonner sonentreprise
; et par le témoignage de S. Augustin
, qui dit que les anciens se remettoient
au lit quand il leur arrivoit d'é
ternuer en se chaussant.
Aristote demande encore pourquoi if
est d'un bon augure d'éternuer depuis
midi jusqu'à minuit , et d'un mauvais
augure d'éternuer depuis minuit jusqu'à
midi.
Eustathe , dans ses Commentaires sur
Homere , a remarqué qu'éternuer à sa
gauche , c'étoit un signe malheureux ; et
qu'éternuer à sa droite , c'étoit un signe
favorable. Aussi Plutarque nous apprend
qu'avant la Bataille contre Xerxes , Thémistocle
sacrifiant sur son Vaisseau
et un des assistans ayant éternué à sa
droite , l'Augure Euphrantides prédig
à
JANVIER 1734 117
`
à l'instant la Victoire des Grecs et la Dé
faite des Perses.
L'usage de saluer quand on éternuë ,
est donc beaucoup plus ancien qu'on ne
le croit ordinairement , et il ne tire point
son origine de quelque maladie particuliere
; mais bien qu'il soit né de l'idée
qu'on s'étoit faite sur cette violente agitation
, qui surprenoit les assistans ; d'autres
ayant remarqué quelques événemens
qui n'y étoient liez que par hazard , on
est enfin parvenu à faire ces formules ,
par lesquelles on souhaitoit que le mal
fut détourné , et que le bien arrivât.
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Résumé : Essay sur les erreurs populaires, &c. [titre d'après la table]
L'auteur de l'ESSAY sur les erreurs populaires réfute plusieurs croyances et traditions. Dans le chapitre 8, il conteste la croyance selon laquelle apercevoir un loup avant qu'il ne vous voie provoque une perte de voix, attribuant ce phénomène à la frayeur et au silence qu'elle engendre. Le chapitre 16 dément la tradition selon laquelle la vipère coupe la tête du mâle lors de l'accouplement et que leurs petits déchirent le sein de leur mère pour se venger. Cette tradition, bien que soutenue par des autorités grecques et latines, est jugée non conforme à la vérité et à la raison. François Rédi, un naturaliste, a démontré que la vipère ne contient pas d'humeur pernicieuse et que son venin n'est mortel que s'il pénètre dans un vaisseau sanguin. Le chapitre 25 discute des choix alimentaires à travers les époques. Aristote et Albert recommandaient la chair des jeunes faucons, tandis que Galien vantait celle des renards en automne. Galien condamnait les cailles et les œufs, mais aujourd'hui, les cailles sont servies sur les meilleures tables. Les anciens mangeaient des chiens et des chevaux, contrairement aux pratiques actuelles. Les Perses servaient du cheval dans leurs festins, blâmant les Grecs pour leur manque de variété alimentaire. L'auteur note que les habitudes alimentaires varient selon les régions et les époques, certains peuples consommant des animaux considérés comme impropres à la consommation ailleurs. Enfin, le texte aborde les superstitions entourant l'éternuement. Les anciens y voyaient des signes de bon ou de mauvais augure, selon le moment de la journée ou la direction de l'éternuement. Cette croyance a conduit à l'usage de saluer quelqu'un qui éternue, pour détourner le mal et attirer le bien.
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