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1
p. 533-535
Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA DÉCOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les mœurs et [...]
Mots clefs :
Empire de Cantahar, Mœurs , Coutumes, Commerce, Religion, Éducation, Voyageurs, Châtiment
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texteReconnaissance textuelle : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
LA DECOUVERTE de l'Empire de
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
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Résumé : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'LA DECOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les moeurs et Coûtumes des Habitans', publié à Paris en 1730. L'auteur décrit les divertissements des jeunes gens de cet empire, tels que la chasse, la lutte, la course et la danse, dans lesquels ils excellent grâce à l'utilisation des deux mains. Les habitants de Cantahar vénèrent le Soleil, nommé Monski, et croient que les âmes des pécheurs sont chassées de sa présence, ce qui se manifeste par la chute d'une étoile. Le texte aborde également le commerce dans cet empire, où les contre-lettres sont interdites et où les responsables de banqueroutes sont tenus responsables. Pour protéger les voyageurs, les aubergistes doivent signer les mémoires de dépenses et sont sévèrement punis en cas de surévaluation. Les carrosses circulent à une vitesse modérée, et les conducteurs sont personnellement responsables des accidents causés par leur équipage. Le livre est critiqué pour son manque de structure et de table des matières, ce qui réduirait son utilité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 134-159
REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
Début :
Il n'est pas étonnant que le plus grand nombre des relations des Voyageurs [...]
Mots clefs :
Cap de Bonne-Espérance, Hottentots, Europe, Montagne, Européens, Jardin, Europe, Mémoires, Pierre Kolbe, Voyageurs, Relations de Voyageurs, Habitants, Histoire, Relations
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
HISTOIRE.
REMARQUES fur la defcription du
Cap de Bonne- Efperante , dreffée fur les
Mémoires de Pierre Kolbe.
I nombre des relations des Voyageurs
L n'eft pas étonnant que le plus grand
foient remplies de defcriptions imparfaites
& de faits apocryphes. La plupart de
ceux qui les ont faites n'ont eu ni le
tems fuffifant , ni les facilités néceffaires
ni même affez de critique & de connoiffances
philofophiques pour faire quelque
chofe de complet & d'exact : mais il
eft bien fâcheux de voir mettre au nombre
des relations les plus fufpectes la defcrip
tion du Cap de Bonne- Efpérance qui a été
faite par un homme de Lettres , envoyé
exprès fur les lieux , & qui y a féjourné
pendant fept années enrietes. C'eft cependant
ce que l'intérêt de la vérité m'oblige
de faire aujourd'hui.
Feu M. le Baron de Krofick , Seigneur
fort zélé pour les fciences , avoit conçu le
deffein de procurer au public. un grand
nombre d'obſervations aftronomiques fort
intéreffantes , avec une hiftoire du Cap de
1
JUIN. 1755 138'
Bonne - Efpérance auffi parfaite qu'il eft
poffible. Pour cet effet il y fit paffer à fes
frais Pierre Kolbe , l'un de fes Secrétaires ,
qui s'étoit chargé d'y faire toutes les obfer
vations poffibles d'aftronomie , de phyſi❤
que & d'histoire naturelle. Il n'eft pas né
ceffaire de dire ici ce qui empêcha Kolbe
de travailler férieufement à remplir fes
engagemens. C'est un fait conftant parmi
tous ceux qui l'ont connu dans cette colo
nie , qu'il n'a fait aucune des démarches
néceffaires , ni amaffé des matériaux pour
faire la defcription qu'il a publiée après
fon retour en Europe. Un examen médiocrement
critique de cette defcription fuf
firoit pour en convaincre un lecteur attentif
& inftruit je n'aurois donc pas entre
pris de relever ici quelques- unes des fautes
groffieres dont elle eſt remplie , fi la plûpart
de ceux qui l'ont lue n'avoient été
féduits par un air d'ingénuité , qui faiſant
prendre pour de petites négligences les
endroits évidemment faux , infpire une
certaine confiance fur la certitude des chofes
fingulieres qu'on y trouve comme rapportées
par un témoin oculaire , & qui
d'ailleurs ne peuvent être vérifiées que fur
Weidler , dans fon hiftoire de l'Aftronomie
l'appelle Jean-Michel
+
136 MERCURE DE FRANCE.
les lieux. C'eft ainfi que plufieurs perfont
nes fenfées fe font laiffé furprendre , &
entr'autres les Auteurs de la Collection des
Voyages , quoiqu'ils fe foient facilement
apperçus que les cartes inférées dans le
livre de Kolbe ne s'accordoient pas avec
la defcription du pays , qu'on trouve dans
la même livre.
Bien loin d'avoir été étudier les Hottentots
chez eux , Kolbe n'a pas même voyagé
fuffifamment dans l'intérieur de la colonie
pour en faire une . defcription paffable.
Sans avoir recours au témoignage unanime
des anciens habitans , qui affurent que
tous les voyages de Kolbe fe font réduits
à aller quelquefois de la ville du Cap aux
Paroiffes de Stellenbosch & de Drakeſtein,
& une feule fois de la ville aux eaux minérales
, qui en font à 25 lieues du côté du
canton appellé Hottentot Holland ; il fuffic
de comparer les cartes topographiques
qu'il a données , avec celles que j'ai fait
graver pour les Mémoires dé l'Académie
des Sciences de 175i , & dont les principaux
points ont été affujettis à des opérations
géométriques faites pour la meſure
d'un dégré du méridien , & l'on verra qu'il
n'eft pas poflible qu'un homme éclairé ait
parcouru un pays & l'ait fi mal repréfenté.
JUIN. 1755
"
Voici donc fur quoi Kolbe a fondé fa
defcription. Kolbe n'ayant plus de relation
avec fon protecteur , étoit hors d'état de
fubfifter au Cap , & même de retourner en
fon pays. Toute la colonie avoit alors de
grandes plaintes à porter en Europe contre
le gouvernement. Par les précautions que
les Gouverneurs avoient prifes , il étoit
prefque impoffible que ces plaintes parvinflent
en Hollande , ou qu'elles y produififfent
quelque effet. Les principaux
habitans s'adrefferent à Kolbe : ils lui of
frirent abondamment de quoi faire fon
-voyage , à condition d'en faire une relation
, dans laquelle il inféréroit , par forme
d'hiftoire , des griefs des habitans & les
principales pieces qu'ils avoient intérêt de
faire connoître au public . Pour fuppléer aúx
matériaux que Kolbe avoit négligé d'amaſfer
, ils lui remirent la lifte des plantes que
Oldenlanden , habile Botanifte , avoit obfervées
au Cap , & dont la plupart avoient
été cultivées dans un des jardins de la
Compagnie , par un nommé Hertog. ( Cette
même lifte eft rapportée dans le Thefaurus
Zeylanicus , fous le nom de fon véritable
auteur ) . Ils lui donnerent auffi des mémoires
qu'un Greffier de la Chambre de
Juftice au Cap , nommé Grevenbroeck ,
avoit écrits avec affez peu de critique für
738 MERCURE DE FRANCE.
l'hiftoire des Hottentots ; ils ne contenoient
, pour la plupart , que des réponſes
aux queftions que ce curieux avoit faites à
ceux de cette nation qu'il avoit rencontrés
dans l'intérieur de la Colonie, Cés
Hottentots avoient appris à leurs dépens à
fe défier de leurs hôtes.
C'eft fur ces pieces , & fur ce que Kolbe
a pû tirer de fa mémoire fur ce qu'il avoit
vu ou entendu dire pendant fon féjour au
Cap , que la defcription dont il s'agit ici a
été faite. Dans l'extrait que nous en avons
en françois en 3 vol. in- 12 , on a retranché
-le procès des habitans du Cap , & on a rédigé
en affez bon ordre tout le refte du
livre de Kolbe , qui eft fort confus.piti
Je n'entrerai point ici dans un grand
détail : je mettrai feulement quelques notes
-fur les principales chofes que j'ai vérifiées
par moi-même , n'approuvant ni ne defapprouvant
le refte dont je n'ai pas eu de
connoiffance certaine. Je fuis ici l'édition
de 1742 , à Amfterdam, chez Jean Catuffe.
Remarques fur le Tome I.
Préface , p. v. Kolbe n'a pas appris le
langage Hottentot ; il avoue lui - même
p. 51. ) qu'il n'a pu faire de grands progrès
dans la prononciation de cette langue.
Or une bonne partie de la connoiffance de
JUIN. 1755 . 139
3
&
6
ce langage confifte dans la prononciation ,
comme on le va voir bientôt.
Chap. III . n° . 4. Les Hollandois ne firent,
ni ne purentfaire un traité en forme avec
les Hottentots , peuples errans , & qui n'avoient
aucune idée de traités. Van Riebeck
les voyant affemblés autour de fon camp ,
leur donnoit quelques grains de verre , quelques
morceaux de fer & de cuivre rouges
il leur donnoit de l'eau de vie & de l'arack,
en les amufant ainfi jufqu'à ce qu'il eût
conftruit un fort. Mais en rendant compte
à fa Compagnie de ce qu'il avoit fait
s'affurer de la poffeffion du pays , il lui dit
qu'il avoit acheté l'amitié des habitans &
le droit de demeurer au Cap pour 40000
florins. Les Hollandois ont bien vû depuis
que les Hottentots n'avoient pas prétendu
faire de traité , & ils peuvent bien dire que
le pays ne leur appartient qu'à titre de
conquête.
pour
Chap. IV. Ce que Kolbe dit ici fur la
longitude & fur la latitude du Cap , ne
mérite pas d'être réfuté : pour ôter toute
équivoque, la longitude de la ville du Cap,
& en même tems celle de la pointe des
terres qui a donné ce nom à la ville , eſt de
35 dégrés 2 min . à l'eft du méridien de
Tenerif: la latitude de la ville eft de 33
dég. 59 min. & celle de la pointe des terres
140 MERCURE DE FRANCE.
qui forme le vrai Cap , eft de 34 dég. 24
min. En comparant ces déterminations ,
qui font fûres , avec celles de Kolbe , on
pourra juger de fa fuffifance ou de fon
exactitude fur ces matieres.
Chap. V. Ce que l'Auteur dit nomb. 2.
de l'origine des Hottentots , de leur tradition
fur Noh & fur le déluge , doit paroître
plus que fufpect après ce que j'ai dit cideffus
de l'autenticité des mémoires fur
lefquels Kolbe a fait l'hiſtoire de ces peuples.
N. 3. La langue Hottentote eft affez
douce dans la prononciation , elle n'a pas
d'afpiration forte , de fifflement , ni de fons
gutturaux : ce qu'elle a d'extraordinaire ,
ce font deux voyelles de plus que n'en
ont les langues d'Europe. Ces deux
voyelles font deux fons fort nets , exprimés
d'un par un froiffement de l'air entre le
bout de la langue & la partie fupérieure
du palais , tel que l'on a coutume de le
faire pour exciter les chevaux à marcher ;
l'autre fon eft un claquement de la langue
appliquée fortement à la partie fupérieure
du palais , puis détachée preftement. Par
différentes queftions que j'ai faites à un
Hottentot de bon fens , je me fuis affuré
que ces fons étoient des voyelles , parce
qu'étant prononcés tous feuls, ils Oonntt.uunnee
JUN. 17551 141
Ignification à peu près comme en françois
a, o , y, & en latin a , e , o , & forment feuls
des mots ; le fecond de ces fons eft ordinairement
fuivi d'une m ou de mm. Et
comme ces fons , en qualité de voyelles ,
reviennent néceffairement prefque à cha
que mot , cette langue paroît fort fingulie
re , mais ce n'eft rien moins qu'un bégaye
ment , quoiqu'en dife Kolbe.
Chap. VI. n. 3. Comment les Hotten
tots peuvent - ils entendre l'agriculture
mieux que les Européens , puifque c'eſt un
art dont ils n'ont jamais eu d'idée , &
qu'on ne peut les engager à pratiquer ,
quoique l'expérience leur air appris mille
fois qu'ils font réduits à la derniere difette
pendant les mois de Février & Mars , faute
de cultiver quelques- unes des plantes , dont
les bulbes font leur nourriture ordinaire ?
* N. 4. Les Hottentots qui font répandus
dans la colonie ne font pas plus fages que
les Efclaves négres des habitans. Les filles
des Hottentots qui font hors des limites
des habitations hollandoifes , s'échappent
en grand nombre de leurs maiſons paternelles
pour venir au fervice des Européens
, qui les retiennent pour aider à la
cuifine , & pour fervir d'amufements aux
Noirs. Ces filles ne font pas naturellement
voleuſes ; cependant il faut bien tenir fous
C
142 MERCURE DE FRANCE.
la clef le vin & l'eau de vie , dont elles
font extrêmement friandes .
Chap. VII. n. 5. Il eft certain qu'il y a›
à 150 lieues à l'Eft-nord-eft du Cap une
nation blanche. Ces peuples ont les cheveux
longs , & font de la même couleur & à
peu près de la même figure que les Chinois
de Batavia , qui font bannis au Cap. C'eft
ce qui fait qu'on les appelle au Cap les
petits Chinois.e
Chap. VIII . Les Hottentots qui font aut
fervice des Européens ne gardent leurs
peaux de mouton que lorfque l'on ne leur
donne pas d'habits ; ils font fort glorieux
d'être couverts de haillons bleus de toile
ou de gros drap noir ; les femmes fe cou+
vrent plus volontiers la tête d'un mouchoir
, à la mode des Negreffes , que de
leur bonnet de peau de chat.
No. 2. Les plus belles franges font des
grains de verre coloré , enfilés à un brin de
jonc attaché par un bout. Il n'y a pas longtems
que nous avions adopté cette mode
Hottentote. ·
Les ornemens des Hottentots , par exemple
, leurs bracelets , leurs colliers , les
courrois des jambes des femmes font groffierement
faits & fans goût : il faut rayer
bien des hiperboles dans ce chapitre de
Kolbe.
JUIN . 1755. 143
• N°. 3. L'auteur fe contredit au fujet des
pendans d'oreille ; j'en ai vû de réels , non
pas de nacre de perle véritables , car il
n'y en a pas au Cap , mais compofés de
petits cauris.
*
Chap. IX. Les noms des diverfes nations
Hottentores qui font rapportées ici ,
ont pu exifter du tems de Grevenbroek ,
qui écrivoit fur la fin du fiécle dernier
aujourd'hui on n'en connoît plus que deux
ou trois. La multiplication des colons eu
ropéens en a fait retirer un grand nombre.
Une furicufe maladie , qui étoit une efpéce
de petite vérole , enleva en 1713
profque tous les Hottentots reftés parmi
les Européens ; elle fit périr un très- grand
nombre d'efclaves noirs , & même beau
coup de blancs. Depuis ce tems- là aucune
nation Hottentote n'a fait corps , ou n'a eus
de gouvernement régulier dans toute l'étendue
de la colonie. Ceux qu'on y trouve
font , ou au fervice des Européens pour
faire paître les troupeaux , ou pour cou❤
rir devant les charriots ; ou ce font quelques
'familles raffemblées à qui ces Eu
ropéens permettent de refter fur le terrein
dont ils font en poffeffion.
Il paroît au refte qu'il y a beaucoup d'e
xagération dans ce chapitre. Tout le pays
depuis le Cap en allant au nord , jufques
144 MERCURE DE FRANCE.
bien loin au-delà de la Baye de Sainte
Heleine , eft fec , fablonneux , couvert de
brouffailles , très-peu propre aux pâturages
, & prefque inhabitables. Comment
donc neuf ou dix nations Hottentores y
pouvoient - elles fubfifter ? vû la connoiffance
que j'ai de ces lieux , que j'ai parcourus
plufieurs fois pour y mefurer un
dégré cela me paroît impoffible , à moins
que chacune de ces nations ne confiftât
qu'en un feul kraal , ou village.
No. 17. Les Bufchiefmans font , pour la
plupart , ceux des Hottentots à qui les Européens
ont enlevé, des beftiaux ; ils s'entendent
quelquefois avec les Hottentots
qui font au fervice des Européens , pour
ufer de repréſailles
Je n'ai pas eu d'éclairciffemens fur les
chapitres X & XI .
Chap. XII. Il paroît conſtant par le rap
port unanime de tous ceux du Cap . qui
connoiffent les Hottentots , que ces peu
ples n'ont aucune idée de culte à rendre à
un être fuprême ; ils ne craignent que
quelques puiffances malfaifantes , aufquel
les ils attribuent les maladies & les malheurs
qui leur arrivent ; ils croyent qu'il
y a des forciers d'intelligence avec elles.
Il y a grande apparence que leur extrême
indolence leur a fait oublier les traditions
*de
JUIN. 1755-
145
de leurs ancêtres fur cet article. Un Hottentot
met fon fouverain bien à ne rien
faire , même à ne penfer à rien.
黎
N°. 3. Les danfes des Hottentots à la
pleine Lune ne font pas un culte . C'eft
an ufage commun à la plus grande partie
des nations méridionales de l'Afrique , à
celles de Madagaſcar , & même à plufieurs
nations indiennes , foit idolâtres , foit ma-
-hometanes .
que
x
N". 4. Ce que Kolbe dit ici fur l'infecte
que les Hottentots adorent , n'eft fondé
que fur un bruit populaire , & fur le nom
les premiers habitans du Cap ont donné
à cet infecte , que les Hottentots regardent
feulement comme un animal de
mauvais augure. Il eft affez rare dans lès
campagnes , & plus commun dans les jardins
des Européens : c'eft une espèce de demoifelle
, que j'ai retrouvée dans l'Ile de
France , où elle n'eft pas rare.
No. 6. Kolbe s'attribue ici un artifice
dont fe fervit Adrien Vanderftel , Gouverneur
du Cap , pour fe faire reſpecter &
craindre des Hottentots affemblés autour
de lui. 1
Je n'ai point eu d'éclairciffement fur les
chap. XIII. XIV. & XV.
*
Chap . XVI . N°. 1. Les Babouins ne
1. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
quittent pas les montagnes qui leur fervent
de retraite. Je ne fçais pas ce qui a
fait dire à Kolbe que les Hottentots
diftinguoient d'après eux les plantes & les
fruits qu'on peut manger fans danger.
N°. 2. Le Kanna eft totalement différent
du Gin-feng ; ils n'ont aucun rapport
enfemble.
No. 7. Pendant les mois de Novembre
& de Décembre , les Hottentots font infufer
, puis fermenter avec du miel , une
tertaine racine , ce qui leur fait une liqueur
fi forte qu'ils font dans une ivreffe
continuelle tant que la provifion dure , ils
en restent long-tems malades lorfqu'elle
eft épuifée , & qu'ils ne peuvent plus s'étourdir
par une nouvelle ivreffe .
Chap. XXII . Il n'y a aucun métier par
ticulier parmi les Hottentots , chacun y
fait ce qu'il juge néceffaire pour foi : aufſi
quoiqu'en dife Kolbe , les chef- d'oeuvres
qui fortent de leurs mains ne font-ils rien
moins qu'admirables. Leurs nattes , par
exemple , ne font qu'une enfilade d'une
efpéce de jonc , dont chaque brin eft placé
parallelement à côté d'un autre ; ils font
Lous traversés dans leur épaiffeur , & de
diſtance en diſtance , par cinq ou fix fils du
même jonc.
J
JUIN. 1755 147
Il n'eft pas vrat que les Hottentots fondent
du fer : le procédé rapporté par Kolbe
eft en ufage à Madagaſcar.
Chap . XXIV. n°. 4. Ce font les eſcla
ves Indiens qui s'appliquent les ventoufes
, comme Kolbe le dit ici des Hottenqui
n'y avoient jamais fongé.
tots ,
Remarques fur le tome II.
Chap. I. n° . 4. Les maifons de la ville
du Cap font bâties en briques , les fondemens
font de groffes roches brutes , les
toîts font d'un jonc long & menu , ou
bien ils font algamacés de deux couches de
brique & de chaux ; très-peu ont des jardins
, ce ne font gueres que celles qui font
hors de la ville ou fur les limites.
N. 6º. La maiſon de Conftantia eſt au
fud de la ville , à trois grandes lieues françoiſes
; elle eft dans un fond & fans aucune
vûe. Il n'eft peut- être pas inutile de dire
ici que le vin qui croît près de cette maifon
, & qui eft fi connu fous le nom de
vin du Cap , y eft en affez petite quantité.
Dans les meilleures années tout le terroir
de Conftance , qui confifte en deux habitations
contiguës , ne peut produire plus de
so à 60 lecres de vin rouge , qui y eft beaucoup
plus eftimé que le blanc , ni plus de
80 à 90 lecres de vin blanc ; la lecre
peut
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
contenir 550 pintes de Paris. La Compagnie
des Indes de Hollande oblige les propriétaires
de ces vignes de lui livrer tout le
vin qu'ils en recueillent .
ཛཱན
No. 7. Ce que Kolbe dit du nuage qui
couvre les montagnes du Tygre eft abfolument
faux . Ces montagnes font fort
baffes , & comme celles des environs de
Paris ; les nuages ne s'y arrêtent gueres.
La montagne bleue eft à quatre petites
lieues du Cap ; il y en a une autre de cè
nom à fix lieues du Cap : ces deux montagnes
font fort baffes , ifolées & petites ;
elles font trop peu fpacieufes pour avoir
pû fervir de retraites aux éléphans.
N° . 10. La fauffe baye eft bornée au
nord , dans une étendue de plus de fix
lieues , d'une plage de fable marécageufe
& fans montagne, quoiqu'en dife l'Auteur.
Les montagnes de pierres ne font qu'à la
partie occidentale.
N°. 12. La hauteur de la montagne de
la Table eft de plus de 3350 pieds du
Rhin , prefque double de ce que l'Auteur
dit avoir mefuré avec foin . Dans l'ouverture
qui eft au milieu de la face feptentrionale
de cette montagne, il n'y a que
quelques chétifs arbriffeaux. Ce creux né
fe forme pas par la chute des eaux , puifqu'il
eft couvert de plantes & d'arbustes .
JUIN. 1755 149
?
il n'y a qu'un ruiffeau qui s'y précipite.
No. 15. Ce qu'on appelle le Paradis &
' Enfer ne font pas deux grottes , mais
deux vallons affez profonds au midi de la
montagne ; ils font remplis de bois réſervé
pour la Compagnie : la difficulté d'aller
chercher ce bois dans l'un de ces vallons ,
l'a fait appeller l'Enfer ; l'autre s'eft appellé
Paradis par une raifon contraire. A l'entrée
de celui- ci , la Compagnie a une mai
fon & un beau jardin.
No. 16. Voyez fur le vent de Sud- eft
& fur le nuage de la Table ce que j'en ai
dit dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences , année 1751 .
No. 17, Le monument dont parle Kolbe
n'a été élevé que fur la croupe du Lion ,
où la montagne eft baffe & fort facile à
monter ; la tête du Lion eft comme inaccef
fible. Ce monument eft abattu , & la pierre
de l'infcription enlevée.
No. 22. La montagne du Diable n'eft
féparée de celle de la Table que par une
gorge peu profonde : fon pied eft à près
d'un quart de lieue de la mer , & fon fommet
n'eft plus bas que le fommet voiſin de
la Table que de 31.toifes.
Chap. II. n°. 15. Ce que l'auteur dit
du nuage & des vents par rapport aux
montagnes de Stellenbosch, eft imaginaire :
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
tout s'y paffe comme fur les montagnes
voifines de la ville du Cap .
Chap. II. n° . 6. Tout cet article fur la
riviere appellée Bergrivier , eft abfolument
faux. Il y a quelques bonnes habitations
vers le commencement de fon cours , &
aux environs de l'Eglife de Drakeſtein ;
mais elle traverſe enfuite une vaſte pleine
de fable prefque inhabitable , & va fe décharger
dans la partie méridionale de la
baye de Sainte- Heleine , & non pas en un
point de la côte au nord de la baye , comme
l'auteur l'a mis fur fa carte : fon cours
eft tout au plus de 40 lieues , & non de
100 , comme Kolbe le dit n° . 12.
N° . 10. La tour de Babylone eſt le nom
'd'une habitation contigue à un affez bas
monticule. Kolbe en fait une haute montagne.
N°: 13 . Riebeckſcaftel eft une montagne
ainfi appellée parce qu'elle a été le
terme des découvertes de Van Riebeck ,
premier Gouverneur du Cap. On n'y a jamais
bâti de fort , ni placé de canon : il y
a quelques habitations au pied de cette
montagné , qui a 480 toifes de hauteur.
No. 16. La montagne du Piquet n'eft
qu'à trois petites journées du Cap , on y
peut aller à pied très- facilement en deux
jours. Kolbe la met à huit journées du Cap
JU. IN. 1755 IST
No. 20. Les deux aventures de Kolbe
racontées dans cet article me paroiffent
fort fufpectes , fur- tout celle des lions qui
vont rarement en troupe.
Chap. V. n°. 1. Les Hottentots n'ont
jamais eu des troupeaux fort nombreux en
comparaifon de ceux des Européens : ce
qu'un Européen un peu aifé en poffede ,
fuffiroit pour un kraal Hottentot de plus
de trente familles.
No. 5. Les queues de mouton du Cap
font de figure triangulaire , c'eft- à - dire
qu'elles font fort larges par le haut , & vont
en diminuant vers le bout ; elles ne font
pas plus longues que celles des moutons
d'Europe à proportion de leur groffeur. Le
poids ordinaire d'une de ces queues de
mouton du Cap , eft de 3 à 4 livres , au
plus 5 ou 6. On en voit par extraordinaire.
de 10 à 12 livres ; mais alors la chair du
mouton n'eft plus eftimée . Kolbe fait les
communes de 15 livres , & les moins come
munes de 30 livres au moins.
Chap. VIII. n°. 1. Il y a peu de graines
d'Europe qui dégénerent au Cap : au contraire
celles du Cap font plus eftimées à
nos lles que celles qui viennent d'Europe.
N°. 3. Il n'y a au Cap que très-peu de
fruits des Indes. Le plus commun eft la
G iiij
132. MERCURE DE FRANCE.
gouyave ; les bananes n'y valent rien , ni
les ananas. Des fruits d'Europe , il n'y a
que la pêche , l'abricot , la figue , le coing
& le raifin , qui foient auffi bons qu'on en
puiffe trouver en Europe .Les autres, comme
les pommes , les poires , les prunes , les
noix , les cerifes , les oranges , &c. ne valent
pas grand'chofe.
pas
No. 4. Je ne m'amuferai pas à réfuter
en détail ce que Kolbe dit ici du jardin de
la Compagnie qui eft au Cap : tout y eft
exageré à outrance. Il paroît cependant
qu'il a été autrefois plus rempli de productions
curieufes qu'il ne l'eft à préfent , parce
que dans les commencemens de l'établiffement
de la colonie , on a eſſayé d'y
faire venir le plus grand nombre poffible.
des fruits de l'Europe & des deux Indes .
Cependant Kolbe ne doit l'avoir vû
dans ce premier état , puifque vers Fan
1706 , c'est- à- dire pendant la premiere ou
la feconde année du féjour de Kolbe au
Cap , M. Maxwell qui l'y a vû , & qui a
fait une defcription de cette colonie ( voyez
les Tranfactions philofophiques , année
1707 , n° . 310 . ) ,, dit expreffément que ce
jardin n'étoit plus dans un fi bel ordre
mais bien plus négligé que du tems du
pere du Gouverneur d'alors , & qu'il n'y
avoit plus rien d'extraordinaire. Il paroît
.
JUIN.
153 1755.
donc que Kolbe a fait fa defcription d'imagination
, fur ce qu'il avoit entendu dire
que ce jardin étoit autrefois. C'eft aujourd'hui
un affez beau potager. de mille pas
communs de long fur 260 de large , partagé
en 44 quarrés , entourés d'une haute
charmille de chêne ou de laurier. Deux de
ces quarrés font deſtinés à fervir de
parterre
à un pavillon fitué vers le milieu de
la face orientale de ce jardin , & un autre
quarré attenant eft rempli par trois berceaux
d'ombre : le refte contient des légumes
& affez peu d'arbres fruitiers. Ce jardin
eft prefque entouré d'un large foffe
d'eau vive , & arrofé par quelques rigoles
pratiquées le long des quarrés : ces quarrés
font formés par cinq avenues paralleles &
dans toute la longueur du jardin , & par
onze avenues perpendiculaires.
Chap. IX. no. 1o. Je n'ai pas entendu
parler de maux d'yeux pendant mon ſéjour
au Cap.
No. 18. J'ai vu au Cap beaucoup de
goutteux ; la pierre & la gravelle y font fort
communes.
N° . 19. Les habitans de la ville du Cap
ne fe donnent prefque jamais de repas :
leur ufage eft de s'affembler tous les foits
depuis cinq heures jufqu'à neuf ,
pour fu
mer , jouer, & boire du vin & de la
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
bierre fans manger quoi que ce foit.
Chap . XI. On n'a pas encore reconnut
au Cap de mine riche en quelque métal.
Chap. XIV . Kolbe raifonne ridiculement
fur la couleur de la mer. Tous les marins
fçavent que par-tout où la mer eft profonde
, ou fans fond comme ils difent , elle
a une couleur bleue- noire : fur les bancs &
près des côtes où l'eau eft peu profonde ,
elle a une couleur verd- fale ; celle- ci eft
même une marque sûre que l'on a fond ..
N°. 5. Le phénomene rapporté ici paroît
fort fufpect , & les circonftances des tems
y font mifes avec une préciſion ridicule.
A peine s'apperçoit- on au Cap de la différence
des marées hautes & baffes ; elle
ne va jamais à trois pieds , quand elle eft
la plus grande.
Chap. XV. Tout ce chapitre eft fi plein
de bévûes , qu'il eft impoffible de les détailler
je fuis obligé de renvoyer le lecteur
aux obfervations météorologiques ,
que j'ai inferées dans les Mémoires de l'Académie
royale des Sciences , année 175.1 .
Remarquesfur le tome .III.
L'hiftoire des animaux du Cap n'a été
faite par Kolbe fur aucun mémoire particulier
; il s'en eft rapporté à ce qu'il avoit
entendu dire , & a mis quelques defcrip
JUIN. 17536 155
tions tirées de quelques naturaliftes modernes
& de Pline . Je ne fuis pas affez
fçavant fur cette matiere pour relever les
bévûes de notre auteur : je me contenterai
d'indiquer quelques faits dont je me fuis.
affuré par moi-même .
Chap. III . n° . 17. J'ai vu la dent d'un
des plus gros hippopotames du Cap : elle
avoit fept à huit pouces de long fur près.
de deux pouces d'épaiffeur , elle m'a
pefer moins que quatre livres.
paru
Chap. IV. n . 3. Les élans du Cap pefent
jufques à huit cens livres , & il n'y a
prefque pas d'arbres dans la colonie : de
là on peut juger s'il eft poffible de prendre
les élans , comme l'auteur le dit. A la
vérité cette rufe fe pratique pour prendre
une efpece de daim affez petite , qu'on.
appelle Steinbock , mais une branche d'arbres
ou un arbriffeau fuffit pour cela..
Chap. VI . n ° . 3. On voit ici un conte
puéril fur les vols des babouins ; il eſt
d'autant moins vraisemblable que ces animaux
ne s'écartent jamais des montagnes
où ils ont leur retraite. J'ai bien oui dire
qu'ils pilloient quelquefois les jardins en
troupe , mais je n'ai vû perfonne qui aiɛ
dit avoir été témoin des circonftances qu'on
en raconte ici .
No. 13. Le blaireau puant reffemble fore
G. vj
156 MERCURE DE FRANCE.
à un baffet , & point du tout à un furet ;
il ne put pas quand il eſt mort ,
qu'il ne fe corrompe.
à moins
N°. 19. On ne mange pas les tortues de
térre du Cap , qui font fort petites ; elles
pefent rarement trois livres. Quelques
Noirs en mangent , quelquefois auffi des
voyageurs qui fe trouvent dans la néceflité.
Les tortues de terre de l'ifle Rodrigue font
excellentes , & pefent trente , quarante ou
cinquante livres : j'en ai vû une qui ne
pefoit gueres moins que cent cinquante
livres.
Chap. XV. n°. 3. Ce qu'on dit des
fquelettes nettoyés par les aigles eft fort
exagéré. J'ai vu des carcaffes rongées par
des aigles , où ils avoient laiffé feulement
une partie de la peau qui recouvroit les os
décharnés .
Nº. 20. Je n'ai vû aucune espece d'hirondelle
au Cap pendant les deux hivers
que j'y ai paffés. Elles y arrivent en Septembre
, & partent en Avril ,
Chap. XIX . n° . 3. Les alouettes du
Cap font d'une efpece différente des nôtres
. L'alouette s'éleve perpendiculairement
à dix ou douze pieds de hauteur feulement,
en faifant beaucoup de bruit par le battement
de fes aîles , puis elle retombe fubitement
comme une maffe , en jettant un peJUIN.
1755
$5.7
tit cri : elle ne refte jamais en l'air.
No. 14. Le corrhan eft une espece de
gelinotte qui a coutume de crier pendant
le tems de fon vol , qui eft affez pefant.
Son cri n'eſt pas tel qu'on le dit ici , il reffemble
à ce mot repeté cococahia : il ne
fait pas fuir le gibier , parce qu'il ne fe leve
prefque jamais qu'on ne foit fort près
de lui. Sa chair eft affez bonne , fur- tout
faire de la foupe. pour
No. 20. L'endroit du Cap où l'auteur
prétend que les grues s'affemblent ordinairement
, eft fi peu pierreux , qu'il faut
faire plufieurs lieues , & s'approcher des
montagnes pour trouver une pierre groffe
comme une noiſette.
Chap. XXII . N ° . 1. Le fapin n'a pu
encore réuffir au Cap .
>
N°. 29. L'afperge eft chetive toute
blanche , fans goût , & pareille à celles
qu'on fait venir à Paris dans les caves pendant
l'hiver.
No. 13. Il y a peu de chanvre au Cap ;
fa tige y devient ligneufe : le peu qu'il y
en a fert de tabac aux Noirs .
Nº. 19. Le noiſetier eft tout en bois ;
fa coque eft toujours vuide ou fans fruit
No. 35. 11 eft rare de manger un bon
melon au Cap ; la graine y a dégéneré dès
la troifieme année qu'elle eft arrivée d'Europe.
15 MERCURE DE FRANCE.
No. 40. Les citrouilles ou giromons da
Cap font plas ppeettiitteess qquuee les citrouilles
communes en France .
No. 52. Quoique le climat du Cap foit
affez propre en général pour la production..
des végétaux d'un grand nombre d'efpeces
communes en Europe & dans les Indes ,
cependant il s'en faut de beaucoup que ce
ne foit un auffi bon pays que Kolbe le dit
ici d'après Meifter . Par exemple , le grand
jardin de la Compagnie au Cap ne produit
prefque rien pendant les mois de Decembre
., Janvier , Fevrier & Mars . On
doit l'abondance des vivres qu'on trouve
au Cap , 1 ° . au choix qu'on a fait des
meilleurs terreins dans la vafte étendue de
cette colonie . 2º. A la température du climat
, où il n'y a rien à craindre de la pars
de la gelée & de la grêle . 3 ° . A l'engrais
des terres , facilité par le nombre confidérable
des beftiaux . 4º, A la nouveauté de
ces terres , qui ne font pas encore épuifées
& qu'on laiffe repofer comme en Europe.
Le pays par lui-même ne produifoit aucun
fruit avant l'arrivée des Européens , & ceux
que l'on y a portés ne réuffiffent que dans
le voifinage des montagnes , où l'on trou
ve de la terre franche ; les plaines font
recouvertes d'un fable ſterile , remplies de
brouffailles , prefque impratiquables : la
JUIN. 1755. 159
plupart des habitations font fans eau &
fans bois , du moins dans prefque toute la
partie de la colonie que j'ai vûe. J'ai cependant
entendu dire que la partie de la
colonie qui s'étend fort au loin à l'eft des
montagnes du Stellenbosch eft beaucoup
mieux arrofée , de bonne terre & bien boifée.
*
REMARQUES fur la defcription du
Cap de Bonne- Efperante , dreffée fur les
Mémoires de Pierre Kolbe.
I nombre des relations des Voyageurs
L n'eft pas étonnant que le plus grand
foient remplies de defcriptions imparfaites
& de faits apocryphes. La plupart de
ceux qui les ont faites n'ont eu ni le
tems fuffifant , ni les facilités néceffaires
ni même affez de critique & de connoiffances
philofophiques pour faire quelque
chofe de complet & d'exact : mais il
eft bien fâcheux de voir mettre au nombre
des relations les plus fufpectes la defcrip
tion du Cap de Bonne- Efpérance qui a été
faite par un homme de Lettres , envoyé
exprès fur les lieux , & qui y a féjourné
pendant fept années enrietes. C'eft cependant
ce que l'intérêt de la vérité m'oblige
de faire aujourd'hui.
Feu M. le Baron de Krofick , Seigneur
fort zélé pour les fciences , avoit conçu le
deffein de procurer au public. un grand
nombre d'obſervations aftronomiques fort
intéreffantes , avec une hiftoire du Cap de
1
JUIN. 1755 138'
Bonne - Efpérance auffi parfaite qu'il eft
poffible. Pour cet effet il y fit paffer à fes
frais Pierre Kolbe , l'un de fes Secrétaires ,
qui s'étoit chargé d'y faire toutes les obfer
vations poffibles d'aftronomie , de phyſi❤
que & d'histoire naturelle. Il n'eft pas né
ceffaire de dire ici ce qui empêcha Kolbe
de travailler férieufement à remplir fes
engagemens. C'est un fait conftant parmi
tous ceux qui l'ont connu dans cette colo
nie , qu'il n'a fait aucune des démarches
néceffaires , ni amaffé des matériaux pour
faire la defcription qu'il a publiée après
fon retour en Europe. Un examen médiocrement
critique de cette defcription fuf
firoit pour en convaincre un lecteur attentif
& inftruit je n'aurois donc pas entre
pris de relever ici quelques- unes des fautes
groffieres dont elle eſt remplie , fi la plûpart
de ceux qui l'ont lue n'avoient été
féduits par un air d'ingénuité , qui faiſant
prendre pour de petites négligences les
endroits évidemment faux , infpire une
certaine confiance fur la certitude des chofes
fingulieres qu'on y trouve comme rapportées
par un témoin oculaire , & qui
d'ailleurs ne peuvent être vérifiées que fur
Weidler , dans fon hiftoire de l'Aftronomie
l'appelle Jean-Michel
+
136 MERCURE DE FRANCE.
les lieux. C'eft ainfi que plufieurs perfont
nes fenfées fe font laiffé furprendre , &
entr'autres les Auteurs de la Collection des
Voyages , quoiqu'ils fe foient facilement
apperçus que les cartes inférées dans le
livre de Kolbe ne s'accordoient pas avec
la defcription du pays , qu'on trouve dans
la même livre.
Bien loin d'avoir été étudier les Hottentots
chez eux , Kolbe n'a pas même voyagé
fuffifamment dans l'intérieur de la colonie
pour en faire une . defcription paffable.
Sans avoir recours au témoignage unanime
des anciens habitans , qui affurent que
tous les voyages de Kolbe fe font réduits
à aller quelquefois de la ville du Cap aux
Paroiffes de Stellenbosch & de Drakeſtein,
& une feule fois de la ville aux eaux minérales
, qui en font à 25 lieues du côté du
canton appellé Hottentot Holland ; il fuffic
de comparer les cartes topographiques
qu'il a données , avec celles que j'ai fait
graver pour les Mémoires dé l'Académie
des Sciences de 175i , & dont les principaux
points ont été affujettis à des opérations
géométriques faites pour la meſure
d'un dégré du méridien , & l'on verra qu'il
n'eft pas poflible qu'un homme éclairé ait
parcouru un pays & l'ait fi mal repréfenté.
JUIN. 1755
"
Voici donc fur quoi Kolbe a fondé fa
defcription. Kolbe n'ayant plus de relation
avec fon protecteur , étoit hors d'état de
fubfifter au Cap , & même de retourner en
fon pays. Toute la colonie avoit alors de
grandes plaintes à porter en Europe contre
le gouvernement. Par les précautions que
les Gouverneurs avoient prifes , il étoit
prefque impoffible que ces plaintes parvinflent
en Hollande , ou qu'elles y produififfent
quelque effet. Les principaux
habitans s'adrefferent à Kolbe : ils lui of
frirent abondamment de quoi faire fon
-voyage , à condition d'en faire une relation
, dans laquelle il inféréroit , par forme
d'hiftoire , des griefs des habitans & les
principales pieces qu'ils avoient intérêt de
faire connoître au public . Pour fuppléer aúx
matériaux que Kolbe avoit négligé d'amaſfer
, ils lui remirent la lifte des plantes que
Oldenlanden , habile Botanifte , avoit obfervées
au Cap , & dont la plupart avoient
été cultivées dans un des jardins de la
Compagnie , par un nommé Hertog. ( Cette
même lifte eft rapportée dans le Thefaurus
Zeylanicus , fous le nom de fon véritable
auteur ) . Ils lui donnerent auffi des mémoires
qu'un Greffier de la Chambre de
Juftice au Cap , nommé Grevenbroeck ,
avoit écrits avec affez peu de critique für
738 MERCURE DE FRANCE.
l'hiftoire des Hottentots ; ils ne contenoient
, pour la plupart , que des réponſes
aux queftions que ce curieux avoit faites à
ceux de cette nation qu'il avoit rencontrés
dans l'intérieur de la Colonie, Cés
Hottentots avoient appris à leurs dépens à
fe défier de leurs hôtes.
C'eft fur ces pieces , & fur ce que Kolbe
a pû tirer de fa mémoire fur ce qu'il avoit
vu ou entendu dire pendant fon féjour au
Cap , que la defcription dont il s'agit ici a
été faite. Dans l'extrait que nous en avons
en françois en 3 vol. in- 12 , on a retranché
-le procès des habitans du Cap , & on a rédigé
en affez bon ordre tout le refte du
livre de Kolbe , qui eft fort confus.piti
Je n'entrerai point ici dans un grand
détail : je mettrai feulement quelques notes
-fur les principales chofes que j'ai vérifiées
par moi-même , n'approuvant ni ne defapprouvant
le refte dont je n'ai pas eu de
connoiffance certaine. Je fuis ici l'édition
de 1742 , à Amfterdam, chez Jean Catuffe.
Remarques fur le Tome I.
Préface , p. v. Kolbe n'a pas appris le
langage Hottentot ; il avoue lui - même
p. 51. ) qu'il n'a pu faire de grands progrès
dans la prononciation de cette langue.
Or une bonne partie de la connoiffance de
JUIN. 1755 . 139
3
&
6
ce langage confifte dans la prononciation ,
comme on le va voir bientôt.
Chap. III . n° . 4. Les Hollandois ne firent,
ni ne purentfaire un traité en forme avec
les Hottentots , peuples errans , & qui n'avoient
aucune idée de traités. Van Riebeck
les voyant affemblés autour de fon camp ,
leur donnoit quelques grains de verre , quelques
morceaux de fer & de cuivre rouges
il leur donnoit de l'eau de vie & de l'arack,
en les amufant ainfi jufqu'à ce qu'il eût
conftruit un fort. Mais en rendant compte
à fa Compagnie de ce qu'il avoit fait
s'affurer de la poffeffion du pays , il lui dit
qu'il avoit acheté l'amitié des habitans &
le droit de demeurer au Cap pour 40000
florins. Les Hollandois ont bien vû depuis
que les Hottentots n'avoient pas prétendu
faire de traité , & ils peuvent bien dire que
le pays ne leur appartient qu'à titre de
conquête.
pour
Chap. IV. Ce que Kolbe dit ici fur la
longitude & fur la latitude du Cap , ne
mérite pas d'être réfuté : pour ôter toute
équivoque, la longitude de la ville du Cap,
& en même tems celle de la pointe des
terres qui a donné ce nom à la ville , eſt de
35 dégrés 2 min . à l'eft du méridien de
Tenerif: la latitude de la ville eft de 33
dég. 59 min. & celle de la pointe des terres
140 MERCURE DE FRANCE.
qui forme le vrai Cap , eft de 34 dég. 24
min. En comparant ces déterminations ,
qui font fûres , avec celles de Kolbe , on
pourra juger de fa fuffifance ou de fon
exactitude fur ces matieres.
Chap. V. Ce que l'Auteur dit nomb. 2.
de l'origine des Hottentots , de leur tradition
fur Noh & fur le déluge , doit paroître
plus que fufpect après ce que j'ai dit cideffus
de l'autenticité des mémoires fur
lefquels Kolbe a fait l'hiſtoire de ces peuples.
N. 3. La langue Hottentote eft affez
douce dans la prononciation , elle n'a pas
d'afpiration forte , de fifflement , ni de fons
gutturaux : ce qu'elle a d'extraordinaire ,
ce font deux voyelles de plus que n'en
ont les langues d'Europe. Ces deux
voyelles font deux fons fort nets , exprimés
d'un par un froiffement de l'air entre le
bout de la langue & la partie fupérieure
du palais , tel que l'on a coutume de le
faire pour exciter les chevaux à marcher ;
l'autre fon eft un claquement de la langue
appliquée fortement à la partie fupérieure
du palais , puis détachée preftement. Par
différentes queftions que j'ai faites à un
Hottentot de bon fens , je me fuis affuré
que ces fons étoient des voyelles , parce
qu'étant prononcés tous feuls, ils Oonntt.uunnee
JUN. 17551 141
Ignification à peu près comme en françois
a, o , y, & en latin a , e , o , & forment feuls
des mots ; le fecond de ces fons eft ordinairement
fuivi d'une m ou de mm. Et
comme ces fons , en qualité de voyelles ,
reviennent néceffairement prefque à cha
que mot , cette langue paroît fort fingulie
re , mais ce n'eft rien moins qu'un bégaye
ment , quoiqu'en dife Kolbe.
Chap. VI. n. 3. Comment les Hotten
tots peuvent - ils entendre l'agriculture
mieux que les Européens , puifque c'eſt un
art dont ils n'ont jamais eu d'idée , &
qu'on ne peut les engager à pratiquer ,
quoique l'expérience leur air appris mille
fois qu'ils font réduits à la derniere difette
pendant les mois de Février & Mars , faute
de cultiver quelques- unes des plantes , dont
les bulbes font leur nourriture ordinaire ?
* N. 4. Les Hottentots qui font répandus
dans la colonie ne font pas plus fages que
les Efclaves négres des habitans. Les filles
des Hottentots qui font hors des limites
des habitations hollandoifes , s'échappent
en grand nombre de leurs maiſons paternelles
pour venir au fervice des Européens
, qui les retiennent pour aider à la
cuifine , & pour fervir d'amufements aux
Noirs. Ces filles ne font pas naturellement
voleuſes ; cependant il faut bien tenir fous
C
142 MERCURE DE FRANCE.
la clef le vin & l'eau de vie , dont elles
font extrêmement friandes .
Chap. VII. n. 5. Il eft certain qu'il y a›
à 150 lieues à l'Eft-nord-eft du Cap une
nation blanche. Ces peuples ont les cheveux
longs , & font de la même couleur & à
peu près de la même figure que les Chinois
de Batavia , qui font bannis au Cap. C'eft
ce qui fait qu'on les appelle au Cap les
petits Chinois.e
Chap. VIII . Les Hottentots qui font aut
fervice des Européens ne gardent leurs
peaux de mouton que lorfque l'on ne leur
donne pas d'habits ; ils font fort glorieux
d'être couverts de haillons bleus de toile
ou de gros drap noir ; les femmes fe cou+
vrent plus volontiers la tête d'un mouchoir
, à la mode des Negreffes , que de
leur bonnet de peau de chat.
No. 2. Les plus belles franges font des
grains de verre coloré , enfilés à un brin de
jonc attaché par un bout. Il n'y a pas longtems
que nous avions adopté cette mode
Hottentote. ·
Les ornemens des Hottentots , par exemple
, leurs bracelets , leurs colliers , les
courrois des jambes des femmes font groffierement
faits & fans goût : il faut rayer
bien des hiperboles dans ce chapitre de
Kolbe.
JUIN . 1755. 143
• N°. 3. L'auteur fe contredit au fujet des
pendans d'oreille ; j'en ai vû de réels , non
pas de nacre de perle véritables , car il
n'y en a pas au Cap , mais compofés de
petits cauris.
*
Chap. IX. Les noms des diverfes nations
Hottentores qui font rapportées ici ,
ont pu exifter du tems de Grevenbroek ,
qui écrivoit fur la fin du fiécle dernier
aujourd'hui on n'en connoît plus que deux
ou trois. La multiplication des colons eu
ropéens en a fait retirer un grand nombre.
Une furicufe maladie , qui étoit une efpéce
de petite vérole , enleva en 1713
profque tous les Hottentots reftés parmi
les Européens ; elle fit périr un très- grand
nombre d'efclaves noirs , & même beau
coup de blancs. Depuis ce tems- là aucune
nation Hottentote n'a fait corps , ou n'a eus
de gouvernement régulier dans toute l'étendue
de la colonie. Ceux qu'on y trouve
font , ou au fervice des Européens pour
faire paître les troupeaux , ou pour cou❤
rir devant les charriots ; ou ce font quelques
'familles raffemblées à qui ces Eu
ropéens permettent de refter fur le terrein
dont ils font en poffeffion.
Il paroît au refte qu'il y a beaucoup d'e
xagération dans ce chapitre. Tout le pays
depuis le Cap en allant au nord , jufques
144 MERCURE DE FRANCE.
bien loin au-delà de la Baye de Sainte
Heleine , eft fec , fablonneux , couvert de
brouffailles , très-peu propre aux pâturages
, & prefque inhabitables. Comment
donc neuf ou dix nations Hottentores y
pouvoient - elles fubfifter ? vû la connoiffance
que j'ai de ces lieux , que j'ai parcourus
plufieurs fois pour y mefurer un
dégré cela me paroît impoffible , à moins
que chacune de ces nations ne confiftât
qu'en un feul kraal , ou village.
No. 17. Les Bufchiefmans font , pour la
plupart , ceux des Hottentots à qui les Européens
ont enlevé, des beftiaux ; ils s'entendent
quelquefois avec les Hottentots
qui font au fervice des Européens , pour
ufer de repréſailles
Je n'ai pas eu d'éclairciffemens fur les
chapitres X & XI .
Chap. XII. Il paroît conſtant par le rap
port unanime de tous ceux du Cap . qui
connoiffent les Hottentots , que ces peu
ples n'ont aucune idée de culte à rendre à
un être fuprême ; ils ne craignent que
quelques puiffances malfaifantes , aufquel
les ils attribuent les maladies & les malheurs
qui leur arrivent ; ils croyent qu'il
y a des forciers d'intelligence avec elles.
Il y a grande apparence que leur extrême
indolence leur a fait oublier les traditions
*de
JUIN. 1755-
145
de leurs ancêtres fur cet article. Un Hottentot
met fon fouverain bien à ne rien
faire , même à ne penfer à rien.
黎
N°. 3. Les danfes des Hottentots à la
pleine Lune ne font pas un culte . C'eft
an ufage commun à la plus grande partie
des nations méridionales de l'Afrique , à
celles de Madagaſcar , & même à plufieurs
nations indiennes , foit idolâtres , foit ma-
-hometanes .
que
x
N". 4. Ce que Kolbe dit ici fur l'infecte
que les Hottentots adorent , n'eft fondé
que fur un bruit populaire , & fur le nom
les premiers habitans du Cap ont donné
à cet infecte , que les Hottentots regardent
feulement comme un animal de
mauvais augure. Il eft affez rare dans lès
campagnes , & plus commun dans les jardins
des Européens : c'eft une espèce de demoifelle
, que j'ai retrouvée dans l'Ile de
France , où elle n'eft pas rare.
No. 6. Kolbe s'attribue ici un artifice
dont fe fervit Adrien Vanderftel , Gouverneur
du Cap , pour fe faire reſpecter &
craindre des Hottentots affemblés autour
de lui. 1
Je n'ai point eu d'éclairciffement fur les
chap. XIII. XIV. & XV.
*
Chap . XVI . N°. 1. Les Babouins ne
1. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
quittent pas les montagnes qui leur fervent
de retraite. Je ne fçais pas ce qui a
fait dire à Kolbe que les Hottentots
diftinguoient d'après eux les plantes & les
fruits qu'on peut manger fans danger.
N°. 2. Le Kanna eft totalement différent
du Gin-feng ; ils n'ont aucun rapport
enfemble.
No. 7. Pendant les mois de Novembre
& de Décembre , les Hottentots font infufer
, puis fermenter avec du miel , une
tertaine racine , ce qui leur fait une liqueur
fi forte qu'ils font dans une ivreffe
continuelle tant que la provifion dure , ils
en restent long-tems malades lorfqu'elle
eft épuifée , & qu'ils ne peuvent plus s'étourdir
par une nouvelle ivreffe .
Chap. XXII . Il n'y a aucun métier par
ticulier parmi les Hottentots , chacun y
fait ce qu'il juge néceffaire pour foi : aufſi
quoiqu'en dife Kolbe , les chef- d'oeuvres
qui fortent de leurs mains ne font-ils rien
moins qu'admirables. Leurs nattes , par
exemple , ne font qu'une enfilade d'une
efpéce de jonc , dont chaque brin eft placé
parallelement à côté d'un autre ; ils font
Lous traversés dans leur épaiffeur , & de
diſtance en diſtance , par cinq ou fix fils du
même jonc.
J
JUIN. 1755 147
Il n'eft pas vrat que les Hottentots fondent
du fer : le procédé rapporté par Kolbe
eft en ufage à Madagaſcar.
Chap . XXIV. n°. 4. Ce font les eſcla
ves Indiens qui s'appliquent les ventoufes
, comme Kolbe le dit ici des Hottenqui
n'y avoient jamais fongé.
tots ,
Remarques fur le tome II.
Chap. I. n° . 4. Les maifons de la ville
du Cap font bâties en briques , les fondemens
font de groffes roches brutes , les
toîts font d'un jonc long & menu , ou
bien ils font algamacés de deux couches de
brique & de chaux ; très-peu ont des jardins
, ce ne font gueres que celles qui font
hors de la ville ou fur les limites.
N. 6º. La maiſon de Conftantia eſt au
fud de la ville , à trois grandes lieues françoiſes
; elle eft dans un fond & fans aucune
vûe. Il n'eft peut- être pas inutile de dire
ici que le vin qui croît près de cette maifon
, & qui eft fi connu fous le nom de
vin du Cap , y eft en affez petite quantité.
Dans les meilleures années tout le terroir
de Conftance , qui confifte en deux habitations
contiguës , ne peut produire plus de
so à 60 lecres de vin rouge , qui y eft beaucoup
plus eftimé que le blanc , ni plus de
80 à 90 lecres de vin blanc ; la lecre
peut
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
contenir 550 pintes de Paris. La Compagnie
des Indes de Hollande oblige les propriétaires
de ces vignes de lui livrer tout le
vin qu'ils en recueillent .
ཛཱན
No. 7. Ce que Kolbe dit du nuage qui
couvre les montagnes du Tygre eft abfolument
faux . Ces montagnes font fort
baffes , & comme celles des environs de
Paris ; les nuages ne s'y arrêtent gueres.
La montagne bleue eft à quatre petites
lieues du Cap ; il y en a une autre de cè
nom à fix lieues du Cap : ces deux montagnes
font fort baffes , ifolées & petites ;
elles font trop peu fpacieufes pour avoir
pû fervir de retraites aux éléphans.
N° . 10. La fauffe baye eft bornée au
nord , dans une étendue de plus de fix
lieues , d'une plage de fable marécageufe
& fans montagne, quoiqu'en dife l'Auteur.
Les montagnes de pierres ne font qu'à la
partie occidentale.
N°. 12. La hauteur de la montagne de
la Table eft de plus de 3350 pieds du
Rhin , prefque double de ce que l'Auteur
dit avoir mefuré avec foin . Dans l'ouverture
qui eft au milieu de la face feptentrionale
de cette montagne, il n'y a que
quelques chétifs arbriffeaux. Ce creux né
fe forme pas par la chute des eaux , puifqu'il
eft couvert de plantes & d'arbustes .
JUIN. 1755 149
?
il n'y a qu'un ruiffeau qui s'y précipite.
No. 15. Ce qu'on appelle le Paradis &
' Enfer ne font pas deux grottes , mais
deux vallons affez profonds au midi de la
montagne ; ils font remplis de bois réſervé
pour la Compagnie : la difficulté d'aller
chercher ce bois dans l'un de ces vallons ,
l'a fait appeller l'Enfer ; l'autre s'eft appellé
Paradis par une raifon contraire. A l'entrée
de celui- ci , la Compagnie a une mai
fon & un beau jardin.
No. 16. Voyez fur le vent de Sud- eft
& fur le nuage de la Table ce que j'en ai
dit dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences , année 1751 .
No. 17, Le monument dont parle Kolbe
n'a été élevé que fur la croupe du Lion ,
où la montagne eft baffe & fort facile à
monter ; la tête du Lion eft comme inaccef
fible. Ce monument eft abattu , & la pierre
de l'infcription enlevée.
No. 22. La montagne du Diable n'eft
féparée de celle de la Table que par une
gorge peu profonde : fon pied eft à près
d'un quart de lieue de la mer , & fon fommet
n'eft plus bas que le fommet voiſin de
la Table que de 31.toifes.
Chap. II. n°. 15. Ce que l'auteur dit
du nuage & des vents par rapport aux
montagnes de Stellenbosch, eft imaginaire :
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
tout s'y paffe comme fur les montagnes
voifines de la ville du Cap .
Chap. II. n° . 6. Tout cet article fur la
riviere appellée Bergrivier , eft abfolument
faux. Il y a quelques bonnes habitations
vers le commencement de fon cours , &
aux environs de l'Eglife de Drakeſtein ;
mais elle traverſe enfuite une vaſte pleine
de fable prefque inhabitable , & va fe décharger
dans la partie méridionale de la
baye de Sainte- Heleine , & non pas en un
point de la côte au nord de la baye , comme
l'auteur l'a mis fur fa carte : fon cours
eft tout au plus de 40 lieues , & non de
100 , comme Kolbe le dit n° . 12.
N° . 10. La tour de Babylone eſt le nom
'd'une habitation contigue à un affez bas
monticule. Kolbe en fait une haute montagne.
N°: 13 . Riebeckſcaftel eft une montagne
ainfi appellée parce qu'elle a été le
terme des découvertes de Van Riebeck ,
premier Gouverneur du Cap. On n'y a jamais
bâti de fort , ni placé de canon : il y
a quelques habitations au pied de cette
montagné , qui a 480 toifes de hauteur.
No. 16. La montagne du Piquet n'eft
qu'à trois petites journées du Cap , on y
peut aller à pied très- facilement en deux
jours. Kolbe la met à huit journées du Cap
JU. IN. 1755 IST
No. 20. Les deux aventures de Kolbe
racontées dans cet article me paroiffent
fort fufpectes , fur- tout celle des lions qui
vont rarement en troupe.
Chap. V. n°. 1. Les Hottentots n'ont
jamais eu des troupeaux fort nombreux en
comparaifon de ceux des Européens : ce
qu'un Européen un peu aifé en poffede ,
fuffiroit pour un kraal Hottentot de plus
de trente familles.
No. 5. Les queues de mouton du Cap
font de figure triangulaire , c'eft- à - dire
qu'elles font fort larges par le haut , & vont
en diminuant vers le bout ; elles ne font
pas plus longues que celles des moutons
d'Europe à proportion de leur groffeur. Le
poids ordinaire d'une de ces queues de
mouton du Cap , eft de 3 à 4 livres , au
plus 5 ou 6. On en voit par extraordinaire.
de 10 à 12 livres ; mais alors la chair du
mouton n'eft plus eftimée . Kolbe fait les
communes de 15 livres , & les moins come
munes de 30 livres au moins.
Chap. VIII. n°. 1. Il y a peu de graines
d'Europe qui dégénerent au Cap : au contraire
celles du Cap font plus eftimées à
nos lles que celles qui viennent d'Europe.
N°. 3. Il n'y a au Cap que très-peu de
fruits des Indes. Le plus commun eft la
G iiij
132. MERCURE DE FRANCE.
gouyave ; les bananes n'y valent rien , ni
les ananas. Des fruits d'Europe , il n'y a
que la pêche , l'abricot , la figue , le coing
& le raifin , qui foient auffi bons qu'on en
puiffe trouver en Europe .Les autres, comme
les pommes , les poires , les prunes , les
noix , les cerifes , les oranges , &c. ne valent
pas grand'chofe.
pas
No. 4. Je ne m'amuferai pas à réfuter
en détail ce que Kolbe dit ici du jardin de
la Compagnie qui eft au Cap : tout y eft
exageré à outrance. Il paroît cependant
qu'il a été autrefois plus rempli de productions
curieufes qu'il ne l'eft à préfent , parce
que dans les commencemens de l'établiffement
de la colonie , on a eſſayé d'y
faire venir le plus grand nombre poffible.
des fruits de l'Europe & des deux Indes .
Cependant Kolbe ne doit l'avoir vû
dans ce premier état , puifque vers Fan
1706 , c'est- à- dire pendant la premiere ou
la feconde année du féjour de Kolbe au
Cap , M. Maxwell qui l'y a vû , & qui a
fait une defcription de cette colonie ( voyez
les Tranfactions philofophiques , année
1707 , n° . 310 . ) ,, dit expreffément que ce
jardin n'étoit plus dans un fi bel ordre
mais bien plus négligé que du tems du
pere du Gouverneur d'alors , & qu'il n'y
avoit plus rien d'extraordinaire. Il paroît
.
JUIN.
153 1755.
donc que Kolbe a fait fa defcription d'imagination
, fur ce qu'il avoit entendu dire
que ce jardin étoit autrefois. C'eft aujourd'hui
un affez beau potager. de mille pas
communs de long fur 260 de large , partagé
en 44 quarrés , entourés d'une haute
charmille de chêne ou de laurier. Deux de
ces quarrés font deſtinés à fervir de
parterre
à un pavillon fitué vers le milieu de
la face orientale de ce jardin , & un autre
quarré attenant eft rempli par trois berceaux
d'ombre : le refte contient des légumes
& affez peu d'arbres fruitiers. Ce jardin
eft prefque entouré d'un large foffe
d'eau vive , & arrofé par quelques rigoles
pratiquées le long des quarrés : ces quarrés
font formés par cinq avenues paralleles &
dans toute la longueur du jardin , & par
onze avenues perpendiculaires.
Chap. IX. no. 1o. Je n'ai pas entendu
parler de maux d'yeux pendant mon ſéjour
au Cap.
No. 18. J'ai vu au Cap beaucoup de
goutteux ; la pierre & la gravelle y font fort
communes.
N° . 19. Les habitans de la ville du Cap
ne fe donnent prefque jamais de repas :
leur ufage eft de s'affembler tous les foits
depuis cinq heures jufqu'à neuf ,
pour fu
mer , jouer, & boire du vin & de la
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
bierre fans manger quoi que ce foit.
Chap . XI. On n'a pas encore reconnut
au Cap de mine riche en quelque métal.
Chap. XIV . Kolbe raifonne ridiculement
fur la couleur de la mer. Tous les marins
fçavent que par-tout où la mer eft profonde
, ou fans fond comme ils difent , elle
a une couleur bleue- noire : fur les bancs &
près des côtes où l'eau eft peu profonde ,
elle a une couleur verd- fale ; celle- ci eft
même une marque sûre que l'on a fond ..
N°. 5. Le phénomene rapporté ici paroît
fort fufpect , & les circonftances des tems
y font mifes avec une préciſion ridicule.
A peine s'apperçoit- on au Cap de la différence
des marées hautes & baffes ; elle
ne va jamais à trois pieds , quand elle eft
la plus grande.
Chap. XV. Tout ce chapitre eft fi plein
de bévûes , qu'il eft impoffible de les détailler
je fuis obligé de renvoyer le lecteur
aux obfervations météorologiques ,
que j'ai inferées dans les Mémoires de l'Académie
royale des Sciences , année 175.1 .
Remarquesfur le tome .III.
L'hiftoire des animaux du Cap n'a été
faite par Kolbe fur aucun mémoire particulier
; il s'en eft rapporté à ce qu'il avoit
entendu dire , & a mis quelques defcrip
JUIN. 17536 155
tions tirées de quelques naturaliftes modernes
& de Pline . Je ne fuis pas affez
fçavant fur cette matiere pour relever les
bévûes de notre auteur : je me contenterai
d'indiquer quelques faits dont je me fuis.
affuré par moi-même .
Chap. III . n° . 17. J'ai vu la dent d'un
des plus gros hippopotames du Cap : elle
avoit fept à huit pouces de long fur près.
de deux pouces d'épaiffeur , elle m'a
pefer moins que quatre livres.
paru
Chap. IV. n . 3. Les élans du Cap pefent
jufques à huit cens livres , & il n'y a
prefque pas d'arbres dans la colonie : de
là on peut juger s'il eft poffible de prendre
les élans , comme l'auteur le dit. A la
vérité cette rufe fe pratique pour prendre
une efpece de daim affez petite , qu'on.
appelle Steinbock , mais une branche d'arbres
ou un arbriffeau fuffit pour cela..
Chap. VI . n ° . 3. On voit ici un conte
puéril fur les vols des babouins ; il eſt
d'autant moins vraisemblable que ces animaux
ne s'écartent jamais des montagnes
où ils ont leur retraite. J'ai bien oui dire
qu'ils pilloient quelquefois les jardins en
troupe , mais je n'ai vû perfonne qui aiɛ
dit avoir été témoin des circonftances qu'on
en raconte ici .
No. 13. Le blaireau puant reffemble fore
G. vj
156 MERCURE DE FRANCE.
à un baffet , & point du tout à un furet ;
il ne put pas quand il eſt mort ,
qu'il ne fe corrompe.
à moins
N°. 19. On ne mange pas les tortues de
térre du Cap , qui font fort petites ; elles
pefent rarement trois livres. Quelques
Noirs en mangent , quelquefois auffi des
voyageurs qui fe trouvent dans la néceflité.
Les tortues de terre de l'ifle Rodrigue font
excellentes , & pefent trente , quarante ou
cinquante livres : j'en ai vû une qui ne
pefoit gueres moins que cent cinquante
livres.
Chap. XV. n°. 3. Ce qu'on dit des
fquelettes nettoyés par les aigles eft fort
exagéré. J'ai vu des carcaffes rongées par
des aigles , où ils avoient laiffé feulement
une partie de la peau qui recouvroit les os
décharnés .
Nº. 20. Je n'ai vû aucune espece d'hirondelle
au Cap pendant les deux hivers
que j'y ai paffés. Elles y arrivent en Septembre
, & partent en Avril ,
Chap. XIX . n° . 3. Les alouettes du
Cap font d'une efpece différente des nôtres
. L'alouette s'éleve perpendiculairement
à dix ou douze pieds de hauteur feulement,
en faifant beaucoup de bruit par le battement
de fes aîles , puis elle retombe fubitement
comme une maffe , en jettant un peJUIN.
1755
$5.7
tit cri : elle ne refte jamais en l'air.
No. 14. Le corrhan eft une espece de
gelinotte qui a coutume de crier pendant
le tems de fon vol , qui eft affez pefant.
Son cri n'eſt pas tel qu'on le dit ici , il reffemble
à ce mot repeté cococahia : il ne
fait pas fuir le gibier , parce qu'il ne fe leve
prefque jamais qu'on ne foit fort près
de lui. Sa chair eft affez bonne , fur- tout
faire de la foupe. pour
No. 20. L'endroit du Cap où l'auteur
prétend que les grues s'affemblent ordinairement
, eft fi peu pierreux , qu'il faut
faire plufieurs lieues , & s'approcher des
montagnes pour trouver une pierre groffe
comme une noiſette.
Chap. XXII . N ° . 1. Le fapin n'a pu
encore réuffir au Cap .
>
N°. 29. L'afperge eft chetive toute
blanche , fans goût , & pareille à celles
qu'on fait venir à Paris dans les caves pendant
l'hiver.
No. 13. Il y a peu de chanvre au Cap ;
fa tige y devient ligneufe : le peu qu'il y
en a fert de tabac aux Noirs .
Nº. 19. Le noiſetier eft tout en bois ;
fa coque eft toujours vuide ou fans fruit
No. 35. 11 eft rare de manger un bon
melon au Cap ; la graine y a dégéneré dès
la troifieme année qu'elle eft arrivée d'Europe.
15 MERCURE DE FRANCE.
No. 40. Les citrouilles ou giromons da
Cap font plas ppeettiitteess qquuee les citrouilles
communes en France .
No. 52. Quoique le climat du Cap foit
affez propre en général pour la production..
des végétaux d'un grand nombre d'efpeces
communes en Europe & dans les Indes ,
cependant il s'en faut de beaucoup que ce
ne foit un auffi bon pays que Kolbe le dit
ici d'après Meifter . Par exemple , le grand
jardin de la Compagnie au Cap ne produit
prefque rien pendant les mois de Decembre
., Janvier , Fevrier & Mars . On
doit l'abondance des vivres qu'on trouve
au Cap , 1 ° . au choix qu'on a fait des
meilleurs terreins dans la vafte étendue de
cette colonie . 2º. A la température du climat
, où il n'y a rien à craindre de la pars
de la gelée & de la grêle . 3 ° . A l'engrais
des terres , facilité par le nombre confidérable
des beftiaux . 4º, A la nouveauté de
ces terres , qui ne font pas encore épuifées
& qu'on laiffe repofer comme en Europe.
Le pays par lui-même ne produifoit aucun
fruit avant l'arrivée des Européens , & ceux
que l'on y a portés ne réuffiffent que dans
le voifinage des montagnes , où l'on trou
ve de la terre franche ; les plaines font
recouvertes d'un fable ſterile , remplies de
brouffailles , prefque impratiquables : la
JUIN. 1755. 159
plupart des habitations font fans eau &
fans bois , du moins dans prefque toute la
partie de la colonie que j'ai vûe. J'ai cependant
entendu dire que la partie de la
colonie qui s'étend fort au loin à l'eft des
montagnes du Stellenbosch eft beaucoup
mieux arrofée , de bonne terre & bien boifée.
*
Fermer
Résumé : REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
Le texte critique la description du Cap de Bonne-Espérance rédigée par Pierre Kolbe, envoyé par le Baron de Krosigk pour recueillir des observations astronomiques, physiques et d'histoire naturelle. Malgré un séjour de sept ans au Cap, Kolbe n'a pas accompli sa mission de manière sérieuse et a publié une œuvre remplie de fautes et d'informations apocryphes. Les habitants du Cap, mécontents du gouvernement, ont financé son retour en Europe en échange de la rédaction d'une relation incluant leurs plaintes. Kolbe a utilisé des documents fournis par les habitants pour compléter son ouvrage, mais son travail est marqué par des incohérences et des exagérations. Le texte contredit plusieurs affirmations de Kolbe, notamment sur la langue hottentote, les relations entre les Hollandais et les Hottentots, et la géographie du Cap. Les Hottentots ne possèdent pas de culte dédié à un être suprême et craignent seulement des puissances malfaisantes. Leurs danses à la pleine lune ne constituent pas un culte et sont partagées par plusieurs nations africaines et indiennes. Kolbe a également commis des erreurs sur les pratiques des Hottentots, comme la fabrication d'une liqueur forte à partir d'une racine fermentée avec du miel. Le texte décrit divers aspects de la vie quotidienne des Hottentots, comme l'absence de métiers spécifiques et la fabrication de nattes simples. Il corrige plusieurs erreurs de Kolbe sur la géographie et les ressources naturelles du Cap, comme la hauteur de la montagne de la Table et la description des vallons appelés Paradis et Enfer. Les habitudes alimentaires des habitants du Cap sont également mentionnées, ainsi que la présence de certaines maladies comme la goutte et la pierre. Concernant la faune et la flore, le texte mentionne des animaux comme le Steinbock, les babouins, le blaireau puant, les tortues de terre, les alouettes, le corrhane, et les grues. Les observations sur les babouins sont jugées peu crédibles. Les tortues de terre du Cap sont petites et rarement consommées. Les aigles nettoient les squelettes mais laissent souvent des parties de peau. Les hirondelles arrivent au Cap en septembre et partent en avril. Le corrhane est une espèce de gelinotte avec un cri spécifique. En ce qui concerne la flore, le texte note que le sapin n'a pas réussi à s'implanter au Cap. L'asperge y est blanche et sans goût. Le chanvre est rare et utilisé pour le tabac. Le noisetier est stérile. Les melons ont dégénéré après quelques années. Les citrouilles sont plus petites que celles en France. Le climat du Cap est généralement propice à la production végétale, mais certaines périodes de l'année sont moins productives. L'abondance des vivres est due au choix des terrains, à la température, à l'engrais des terres, et à la nouveauté des sols. Avant l'arrivée des Européens, le pays ne produisait aucun fruit. Les terres fertiles se trouvent principalement près des montagnes, tandis que les plaines sont stériles et couvertes de broussailles. Certaines parties de la colonie, comme celles à l'est des montagnes de Stellenbosch, sont mieux arrosées et ont une meilleure terre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 139-146
SEANCE PUBLIQUE de l'Académie royal de Nismes.
Début :
L'Académie s'étant assemblée le 15 May 1755, M. de Massip, avocat du Roi au [...]
Mots clefs :
Académie royale de Nîmes, Lettres, Voyageurs, Romains, Grecs, Hospitalité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE de l'Académie royal de Nismes.
SEANCE PUBLIQUE
de l'Académie royale de Nifmes .
L'Académie s'étant affemblée le 15 May
1755 , M. de Maffip , avocat du Roi an
préfidial de Nifmes , & directeur , ouvrit
la feance par un Difcoursfur les avantages
que procurent les Lettres à ceux qui les
cultivent.
A plupart des hommes , dit- il , cherchent
leur avantage dans des bien's
fragiles & périffables qui leur font étrangers
, & ne fçauroient jamais les faire par.
venir au folide bonheur & à la véritable
gloire. L'on eft affuré de trouver l'un &
l'autre en s'attachant à l'étude des belleslettres
, en faifant fervir les divers talens
que la Providence nous a départis à
la perfection des fciences & des beaux.
arts , c'eft la maniere la plus noble dont
nous puiffions payer cette obligation naturelle
, le fervice perfonnel que tout citoyen
doit à la patrie , c'eft la voye la plus
fure pour parvenir à la véritable gloire ,
gloire d'autant plus flatteufe qu'on ne la
partage avec perfonne comme celle qui
140 MERCURE DE FRANCE.
vient des faccès militaires , & qu'on la tire
toure entiere de fon propre fonds ; à ces
premiers avantages fe joignent ceux d'être
exempts de ces paffions cruelles & tumultueufes
auxquelles les hommes vulgaires
font livrés , qui tirannifent leur coeur fans
pouvoirjamais le fatisfaire , l'homme de lettres
au contraire trouve dans le commerce
des mufes & la douceur de fa folitude une
tranquillité inaltérable. Content de fes
études & de foi-même , il cherche à augmenter
fes connoiffances à perfectionner
fes talens. Il jouit dans l'une & l'autre fortune
d'une égalité d'ame qui eft autant le
fruit de fa vertu que de fes lumieres . Elle
regle tous les mouvemens de fon coeur , en
fixe tous les defirs , enforte qu'elle paroît
comme affranchie des liens du corps , &
habiter déja cette région fupérieure du ciel
dont les vents & les tempêtes ne troublent
jamais le calme & la férénité. C'eſt à la faveur
de ce fecours qu'il eft inébranlable &
comme impaffible dans ces fameux revers
aufquels l'humanité eft fujette & qu'il
fupporte avec un courage invincible les
difgraces , les perfécutions , l'exil , la mort
même , foutenu par l'efpérance qu'il ne
meurt pas tout entier , & que fa réputa
tion échappera aux ténebres de l'oubli tant
que l'empire des lettres fubfiftera .
AOUST. 1755. 141
Divers exemples des grands hommes de
Lantiquité.
Quelques travaux , quelques veilles qu'il
en coute , les grands exemples de ces ames
fupérieures , de ces génies fublimes qui
ent rendu la carriere fi brillante , font bien
propres à enflammer nos coeurs d'une géné
reufe émulation . Nous en avons contracté
une obligation plus étroite en prenant
féance dans cette compagnie recommandable
par les grands hommes qu'elle a donnés
à la république des lettres , & qui en for
merent le premier établiſſement , leurs talens
diftingués n'ont pas moins fait d'honneur
à l'académie qu'à la patrie ; quel engagement
pour conferver ce précieux héritage
, ce dépôt de gloire qu'ils nous ont laif
fé & le tranfmettre à nos fucceffeurs.
M. le Beau de Schofne , affocié , lut enfuite
un poëme en deux chants fur l'harmonie.
M. Meynier lut un mémoire fur l'hofpitalité
ancienne. Il ne doute pas que cette
pratique fondée fur le befoin mutuel des
hommes ne foit auffi ancienne que le monde.
Du moins les Patriarches qui vêcurent
d'abord après le déluge exercerent l'hofpitalité
, Abraham & Lot accueillirent les
142 MERCURE DE FRANCE .
anges qui alloient à Sodome & qu'ils prenoient
pour des voyageurs. Il diftingua
trois fortes d'hofpitalités. La premiere ,
celle que la piété faifoit exercer envers les
étrangers , voyageurs , inconnus , telle que
celle d'Abraham envers les anges , & celle
d'Alcinous envers Ulyffe. La feconde étoit
une fuite de la précédente ; ceux qui avoient
logé chez une perfonne étoient dès - lors
liés avec elle par les liens de l'hofpitalité,
ils étoient obligés de fe loger & de ſe ſecourir
mutuellement , & ce droit paffoit à
leur poftérité ; telle eft l'hofpitalité exercée
par Raguel envers le jeune Tobie , & celle
de Neftor & de Menelas enversTélémaque .
On contractoit la troisieme forte d'hofpitalité
fans avoir vu les hôtes , on envoyoit
un préfent à une perfonne & on lui demandoit
de fe lier par le droit d'hofpitalité,
fi elle renvoyoit un autre préfent , & qu'elle
acceptat les offres , dès -lors les droits
étoient également facrés , telle eft l'hofpi
talité que Cyniras , roi de Chypre , contracte
avec Agamemnon dans l'Illiade. On
pourroit encore conter une quatrieme
forte de droit également facré , c'eſt le
droit du fuppliant . Le même principe de
religion obligeoit les payens à refpecter
& regarder comme un dépôt inviolable
dont on devoit rendre compte à la divi
1
A O UST. 1755. 143
nité , un homme réduit par fes malheurs à
prendre leur maifon pour refuge , fut- il
d'ailleurs leur plus grand ennemi . Le malheureux
s'affeyoit fur la cendre du foyer ,
& imploroit les dieux protecteurs de l'hofpitalité
, tel parut Themiftocle chez Admere
, roi des Moloffes , & tel encore le
fier Coriolan fe confia à Tullus , général
des Volfques fon ennemi capital . La maniere
d'exercer l'hospitalité étoit peu différente
dans les fiecles héroïques entre les
Hébreux & les Grecs ; M. M*** cite deux
exemples de ces deux nations & en fait
voir les rapports , une coutume commune
entre les nations étoit de ne point demander
le nom de fes hôtes avant la fin du repas.
On trouve même un exemple plus
tard , c'eft celui de Bellérophon à la cour
de Proetus , à qui on ne le demande que le
dixieme jour après fon arrivée.
On lavoit les pieds des voyageurs , cette
coutume ne fe pratiquoit gueres que pour
ceux qui voyageoient à pied , une femme
de la maifon s'acquittoit de cet emploi ;
dans la Grèce les voyageurs plus diftingués
étoient mis dans le bain par les filles
de l'hôte , les filles du roi même s'acquittoient
de cet emploi ; la plus jeune des filles
de Neftor , la belle Polycafte , met Télémaque
aux bains & le parfume d'effences:
144 MERCURE DE FRANCE.
tel étoit l'ufage de ces bons temps héroïques
, & tout fe paffoit avec fagelle . L'on
a remarqué avec raifon que nos moeurs
gagnent du côté de la délicareffe ce qu'elles
perdent du côté de la pureté.
Les préfens d'hofpitalité venoient enfuite
, ils fervoient de témoignage perpétuel
du lien qui uniffoit les familles , la
générofité des fiecles héroïques finit avec
les fiecles mêmes ; au lieu de ces préfens
on fe contenta de rompre en deux une
piece de monnoye dont chacun des deux
hôtes gardoit une portion , ou plus communement
de ſcier en deux un bâton d'yvoire
qu'ou nommoit teffera hofpitalis , on
en trouve encore dans les cabinets des
curieux .
Des villes entieres accordoient l'hofpitalité
, les Romains agirent ainfi envers
Timafithée chef des corfaires de Lipari.
Le droit d'hofpitalité étoit imprefcriptible
, & à moins d'y avoir renoncé ea
bonne forme par un acte devant les Magiftrats
, rien ne pouvoit y porter atteinte ,
dans la guerre même , les combattans
étoient obligés de fe refpecter. Le brave
Diomede dans le fixieme chapitre de l'Illiade
, n'ofe point porter une main facrilege
fur Glaucus fon hôte , tandis qu'Hector
& Teucer unis par les liens de la plus
proche
AOUST. 1755. 145
proche parenté combattent avec chaleur.
Les Dieux de l'hofpitalité étoient Jupiter,
ir , Venus , Minerve , Caftor &
Pollux , un Apollon furnommé bécğeri☺ ,
& fur-tout les Dieux Lares , les fables les
plus anciennes & les plus facrées contribuoient
à faire reſpecter le caractere d'hôte
comme facré. Jupiter & Mercure voya
geant parmi les hommes , puniffent Lycaon
pour avoir violé ce droit , récompenfant
Philemon & Baucis . Les Grecs ont pu avoir
quelque connoiffance indirecte par les
Egyptiens du voyage des Anges fur la terre
, du moins Homere fait dire fouvent à
fes perfonnages , que peut- être la perfonne
de l'étranger cache un des Dieux immortels.
M. Meynier finit par examiner
pourquoi l'hofpitalité n'eſt plus pratiquée
parmi nous ? il en tire la raifon de l'excellent
ouvrage de ce Sage , dont nous
déplorons encore la perte , l'illuftre Montefquieu.
La perte de cette vértu vient
de l'efprit de commerce qui s'eft établi
parmi nous , il produit , dit- il , un certain
fentiment de juftice exacte , oppofé d'un
côté au brigandage , & de l'autre à ces
vertus morales qui font qu'on ne diſcute
pas toujours fes intérêts avec rigueur , &
qu'on les néglige pour ceux des autres.
Les Grecs & les Romains , dès que leuc
G
146 MERCURE DE FRANCE.
empire fut étendu , n'exercerent plus l'hof
pitalité de la maniere généreufe que nous
admirons dans les fiécles héroïques ; ils
n'oferent renoncer à une coutume confervée
par leur religion & par leurs ancêtres
; mais ils reftreignirent l'hofpitalité
au logement & à l'uftenfile. L'étranger
fourniffoit la nourriture de fes chevaux ,
& fouvent même achetoit la fienne. La
charité du Chriftianifme a fuppléé au befoin
que les pauvres pourroient en avoir.
Nos voyageurs ont peu à defirer des
moeurs anciennes fur l'hofpitalité.
On donnera la fuite de cette féance dans
le Mercure du mois prochain.
de l'Académie royale de Nifmes .
L'Académie s'étant affemblée le 15 May
1755 , M. de Maffip , avocat du Roi an
préfidial de Nifmes , & directeur , ouvrit
la feance par un Difcoursfur les avantages
que procurent les Lettres à ceux qui les
cultivent.
A plupart des hommes , dit- il , cherchent
leur avantage dans des bien's
fragiles & périffables qui leur font étrangers
, & ne fçauroient jamais les faire par.
venir au folide bonheur & à la véritable
gloire. L'on eft affuré de trouver l'un &
l'autre en s'attachant à l'étude des belleslettres
, en faifant fervir les divers talens
que la Providence nous a départis à
la perfection des fciences & des beaux.
arts , c'eft la maniere la plus noble dont
nous puiffions payer cette obligation naturelle
, le fervice perfonnel que tout citoyen
doit à la patrie , c'eft la voye la plus
fure pour parvenir à la véritable gloire ,
gloire d'autant plus flatteufe qu'on ne la
partage avec perfonne comme celle qui
140 MERCURE DE FRANCE.
vient des faccès militaires , & qu'on la tire
toure entiere de fon propre fonds ; à ces
premiers avantages fe joignent ceux d'être
exempts de ces paffions cruelles & tumultueufes
auxquelles les hommes vulgaires
font livrés , qui tirannifent leur coeur fans
pouvoirjamais le fatisfaire , l'homme de lettres
au contraire trouve dans le commerce
des mufes & la douceur de fa folitude une
tranquillité inaltérable. Content de fes
études & de foi-même , il cherche à augmenter
fes connoiffances à perfectionner
fes talens. Il jouit dans l'une & l'autre fortune
d'une égalité d'ame qui eft autant le
fruit de fa vertu que de fes lumieres . Elle
regle tous les mouvemens de fon coeur , en
fixe tous les defirs , enforte qu'elle paroît
comme affranchie des liens du corps , &
habiter déja cette région fupérieure du ciel
dont les vents & les tempêtes ne troublent
jamais le calme & la férénité. C'eſt à la faveur
de ce fecours qu'il eft inébranlable &
comme impaffible dans ces fameux revers
aufquels l'humanité eft fujette & qu'il
fupporte avec un courage invincible les
difgraces , les perfécutions , l'exil , la mort
même , foutenu par l'efpérance qu'il ne
meurt pas tout entier , & que fa réputa
tion échappera aux ténebres de l'oubli tant
que l'empire des lettres fubfiftera .
AOUST. 1755. 141
Divers exemples des grands hommes de
Lantiquité.
Quelques travaux , quelques veilles qu'il
en coute , les grands exemples de ces ames
fupérieures , de ces génies fublimes qui
ent rendu la carriere fi brillante , font bien
propres à enflammer nos coeurs d'une géné
reufe émulation . Nous en avons contracté
une obligation plus étroite en prenant
féance dans cette compagnie recommandable
par les grands hommes qu'elle a donnés
à la république des lettres , & qui en for
merent le premier établiſſement , leurs talens
diftingués n'ont pas moins fait d'honneur
à l'académie qu'à la patrie ; quel engagement
pour conferver ce précieux héritage
, ce dépôt de gloire qu'ils nous ont laif
fé & le tranfmettre à nos fucceffeurs.
M. le Beau de Schofne , affocié , lut enfuite
un poëme en deux chants fur l'harmonie.
M. Meynier lut un mémoire fur l'hofpitalité
ancienne. Il ne doute pas que cette
pratique fondée fur le befoin mutuel des
hommes ne foit auffi ancienne que le monde.
Du moins les Patriarches qui vêcurent
d'abord après le déluge exercerent l'hofpitalité
, Abraham & Lot accueillirent les
142 MERCURE DE FRANCE .
anges qui alloient à Sodome & qu'ils prenoient
pour des voyageurs. Il diftingua
trois fortes d'hofpitalités. La premiere ,
celle que la piété faifoit exercer envers les
étrangers , voyageurs , inconnus , telle que
celle d'Abraham envers les anges , & celle
d'Alcinous envers Ulyffe. La feconde étoit
une fuite de la précédente ; ceux qui avoient
logé chez une perfonne étoient dès - lors
liés avec elle par les liens de l'hofpitalité,
ils étoient obligés de fe loger & de ſe ſecourir
mutuellement , & ce droit paffoit à
leur poftérité ; telle eft l'hofpitalité exercée
par Raguel envers le jeune Tobie , & celle
de Neftor & de Menelas enversTélémaque .
On contractoit la troisieme forte d'hofpitalité
fans avoir vu les hôtes , on envoyoit
un préfent à une perfonne & on lui demandoit
de fe lier par le droit d'hofpitalité,
fi elle renvoyoit un autre préfent , & qu'elle
acceptat les offres , dès -lors les droits
étoient également facrés , telle eft l'hofpi
talité que Cyniras , roi de Chypre , contracte
avec Agamemnon dans l'Illiade. On
pourroit encore conter une quatrieme
forte de droit également facré , c'eſt le
droit du fuppliant . Le même principe de
religion obligeoit les payens à refpecter
& regarder comme un dépôt inviolable
dont on devoit rendre compte à la divi
1
A O UST. 1755. 143
nité , un homme réduit par fes malheurs à
prendre leur maifon pour refuge , fut- il
d'ailleurs leur plus grand ennemi . Le malheureux
s'affeyoit fur la cendre du foyer ,
& imploroit les dieux protecteurs de l'hofpitalité
, tel parut Themiftocle chez Admere
, roi des Moloffes , & tel encore le
fier Coriolan fe confia à Tullus , général
des Volfques fon ennemi capital . La maniere
d'exercer l'hospitalité étoit peu différente
dans les fiecles héroïques entre les
Hébreux & les Grecs ; M. M*** cite deux
exemples de ces deux nations & en fait
voir les rapports , une coutume commune
entre les nations étoit de ne point demander
le nom de fes hôtes avant la fin du repas.
On trouve même un exemple plus
tard , c'eft celui de Bellérophon à la cour
de Proetus , à qui on ne le demande que le
dixieme jour après fon arrivée.
On lavoit les pieds des voyageurs , cette
coutume ne fe pratiquoit gueres que pour
ceux qui voyageoient à pied , une femme
de la maifon s'acquittoit de cet emploi ;
dans la Grèce les voyageurs plus diftingués
étoient mis dans le bain par les filles
de l'hôte , les filles du roi même s'acquittoient
de cet emploi ; la plus jeune des filles
de Neftor , la belle Polycafte , met Télémaque
aux bains & le parfume d'effences:
144 MERCURE DE FRANCE.
tel étoit l'ufage de ces bons temps héroïques
, & tout fe paffoit avec fagelle . L'on
a remarqué avec raifon que nos moeurs
gagnent du côté de la délicareffe ce qu'elles
perdent du côté de la pureté.
Les préfens d'hofpitalité venoient enfuite
, ils fervoient de témoignage perpétuel
du lien qui uniffoit les familles , la
générofité des fiecles héroïques finit avec
les fiecles mêmes ; au lieu de ces préfens
on fe contenta de rompre en deux une
piece de monnoye dont chacun des deux
hôtes gardoit une portion , ou plus communement
de ſcier en deux un bâton d'yvoire
qu'ou nommoit teffera hofpitalis , on
en trouve encore dans les cabinets des
curieux .
Des villes entieres accordoient l'hofpitalité
, les Romains agirent ainfi envers
Timafithée chef des corfaires de Lipari.
Le droit d'hofpitalité étoit imprefcriptible
, & à moins d'y avoir renoncé ea
bonne forme par un acte devant les Magiftrats
, rien ne pouvoit y porter atteinte ,
dans la guerre même , les combattans
étoient obligés de fe refpecter. Le brave
Diomede dans le fixieme chapitre de l'Illiade
, n'ofe point porter une main facrilege
fur Glaucus fon hôte , tandis qu'Hector
& Teucer unis par les liens de la plus
proche
AOUST. 1755. 145
proche parenté combattent avec chaleur.
Les Dieux de l'hofpitalité étoient Jupiter,
ir , Venus , Minerve , Caftor &
Pollux , un Apollon furnommé bécğeri☺ ,
& fur-tout les Dieux Lares , les fables les
plus anciennes & les plus facrées contribuoient
à faire reſpecter le caractere d'hôte
comme facré. Jupiter & Mercure voya
geant parmi les hommes , puniffent Lycaon
pour avoir violé ce droit , récompenfant
Philemon & Baucis . Les Grecs ont pu avoir
quelque connoiffance indirecte par les
Egyptiens du voyage des Anges fur la terre
, du moins Homere fait dire fouvent à
fes perfonnages , que peut- être la perfonne
de l'étranger cache un des Dieux immortels.
M. Meynier finit par examiner
pourquoi l'hofpitalité n'eſt plus pratiquée
parmi nous ? il en tire la raifon de l'excellent
ouvrage de ce Sage , dont nous
déplorons encore la perte , l'illuftre Montefquieu.
La perte de cette vértu vient
de l'efprit de commerce qui s'eft établi
parmi nous , il produit , dit- il , un certain
fentiment de juftice exacte , oppofé d'un
côté au brigandage , & de l'autre à ces
vertus morales qui font qu'on ne diſcute
pas toujours fes intérêts avec rigueur , &
qu'on les néglige pour ceux des autres.
Les Grecs & les Romains , dès que leuc
G
146 MERCURE DE FRANCE.
empire fut étendu , n'exercerent plus l'hof
pitalité de la maniere généreufe que nous
admirons dans les fiécles héroïques ; ils
n'oferent renoncer à une coutume confervée
par leur religion & par leurs ancêtres
; mais ils reftreignirent l'hofpitalité
au logement & à l'uftenfile. L'étranger
fourniffoit la nourriture de fes chevaux ,
& fouvent même achetoit la fienne. La
charité du Chriftianifme a fuppléé au befoin
que les pauvres pourroient en avoir.
Nos voyageurs ont peu à defirer des
moeurs anciennes fur l'hofpitalité.
On donnera la fuite de cette féance dans
le Mercure du mois prochain.
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Résumé : SEANCE PUBLIQUE de l'Académie royal de Nismes.
Le 15 mai 1755, l'Académie royale de Nifmes organisa une séance publique. M. de Maffip, avocat du Roi et directeur, inaugura la séance par un discours sur les avantages des lettres. Il souligna que la plupart des hommes recherchent des biens éphémères, tandis que les lettres offrent un véritable bonheur et une gloire authentique. Cultiver les lettres permet de servir la patrie et d'atteindre une gloire personnelle inaliénable, exemptée des passions tumultueuses. L'homme de lettres trouve dans l'étude et la solitude une tranquillité inaltérable, une égalité d'âme et une résistance aux revers de la vie. M. de Maffip insista également sur l'importance des grands exemples de l'Antiquité pour enflammer l'émulation et rappela l'héritage des grands hommes ayant formé l'Académie, ainsi que l'obligation de conserver et transmettre ce précieux dépôt de gloire. Par la suite, M. le Beau de Schoffne lut un poème en deux chants sur l'harmonie. M. Meynier présenta un mémoire sur l'hospitalité ancienne, explorant les différentes formes pratiquées par les Patriarches, les Hébreux et les Grecs. Il souligna l'ancienneté et la sacralité de cette vertu, distinguant trois types d'hospitalité : celle envers les étrangers, celle entre personnes ayant déjà logé ensemble, et celle contractée par échange de présents. Il mentionna également le droit du suppliant, où un homme en détresse trouvait refuge et protection. M. Meynier conclut en attribuant la perte de cette vertu à l'esprit de commerce, qui privilégie la justice exacte au détriment des vertus morales. Il nota que les Grecs et les Romains avaient restreint l'hospitalité à mesure que leur empire s'étendait, et que la charité chrétienne avait suppléé aux besoins des pauvres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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