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1
p. 53-55
SUR LES RIMES DE LA BALADE DU MESME MERCURE DE JANVIER. Oncques ne fut plus veritable Preux.
Début :
Point ne fais cas de ces fiers Paladins, [...]
Mots clefs :
Dieu, Chevalerie, Chrétiens, Preux
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texteReconnaissance textuelle : SUR LES RIMES DE LA BALADE DU MESME MERCURE DE JANVIER. Oncques ne fut plus veritable Preux.
SUR LES RIMES
· D .E L A B A L A D E.
·ou MESME MERCURE
Da I AN v 1 1 a.
Oncqu.es ne fut plus vericab?e .
Preux.
• •
oi11t ne faü ttU de ces fiers Paladins,
~j des Geants conqYejloie111 /es
Armures;
Point ne f AÙ '"' àe g11!11ns Gre ...
nadins
Dont mention fo1Jt ma.intts Ecritt1res;
. M11i; des Martirs qui p11r fer & flfT
· feux l
•
Sont morts pot'r ieu, ;e les /011~ &
les prie, '
En ft1i1 d'tim()U'r,& de Ghevaleric.,
. c 3
•
•
•
- ----- - 54 . ·ME RCUR:E
Oncq1,es '"e fut 7/114 verit1ih!es
Preux.
~
Cruels Bourreaux, & traîtres A!fa4
lins
Des Saint·s M11rtirs, p11r coups & p11r
• • 1·n Jll res ,
.A Dieu vou/11nt en faire bet111x lar-
•
CJOS ,
Ils Arrachaient fo11vent les cheve ..
lures
En les traînant en CAchots tenc• - bret1x;
.Mail tet faplice eftoit badinerie
À des chrefti1ns plein5 de f11i1ite .
faërie,
Oncques ne fut plm veritnhles.
Preux. •
•
. ~~
1amaü. l' Aurore aux doits in car·
nadins
.&ux fo11rs bri/lans ne ch1erJgeoienl:
nJJ.its obf cures ,
...
•
••
•
•
•
GALANT. 55
S1ins voir chrejliens par m11int"s
• Hommes mutins .
Sot1ijfrir pour Dieu fu11eftes avan·
•
tl1res.
ch1ique M artir hr 1ivoi1 tourmens
nombreux, ·
Bien que tourmens empefchent qu·on
• ne rie ,
Riant des jiens, il quit oit fan hoirie.
011cq1ees ne fut plt14 verttables
Preux. •
EN V 0 Y.
Priez· pour nous, chrejliens fi va·
leo reux , ·
~i du vray Dieu ftdelles Amou'.-
... reux
Avez d11 Diable évité tromperie , .
Priez pour nous, &. pour totM nosNeveux.
Yotu meritez qu'à jrima ~ on s' é-
• crie,
OfJcq11es ne fut plus v erit.fl.b/es
PreL1x.
· D .E L A B A L A D E.
·ou MESME MERCURE
Da I AN v 1 1 a.
Oncqu.es ne fut plus vericab?e .
Preux.
• •
oi11t ne faü ttU de ces fiers Paladins,
~j des Geants conqYejloie111 /es
Armures;
Point ne f AÙ '"' àe g11!11ns Gre ...
nadins
Dont mention fo1Jt ma.intts Ecritt1res;
. M11i; des Martirs qui p11r fer & flfT
· feux l
•
Sont morts pot'r ieu, ;e les /011~ &
les prie, '
En ft1i1 d'tim()U'r,& de Ghevaleric.,
. c 3
•
•
•
- ----- - 54 . ·ME RCUR:E
Oncq1,es '"e fut 7/114 verit1ih!es
Preux.
~
Cruels Bourreaux, & traîtres A!fa4
lins
Des Saint·s M11rtirs, p11r coups & p11r
• • 1·n Jll res ,
.A Dieu vou/11nt en faire bet111x lar-
•
CJOS ,
Ils Arrachaient fo11vent les cheve ..
lures
En les traînant en CAchots tenc• - bret1x;
.Mail tet faplice eftoit badinerie
À des chrefti1ns plein5 de f11i1ite .
faërie,
Oncques ne fut plm veritnhles.
Preux. •
•
. ~~
1amaü. l' Aurore aux doits in car·
nadins
.&ux fo11rs bri/lans ne ch1erJgeoienl:
nJJ.its obf cures ,
...
•
••
•
•
•
GALANT. 55
S1ins voir chrejliens par m11int"s
• Hommes mutins .
Sot1ijfrir pour Dieu fu11eftes avan·
•
tl1res.
ch1ique M artir hr 1ivoi1 tourmens
nombreux, ·
Bien que tourmens empefchent qu·on
• ne rie ,
Riant des jiens, il quit oit fan hoirie.
011cq1ees ne fut plt14 verttables
Preux. •
EN V 0 Y.
Priez· pour nous, chrejliens fi va·
leo reux , ·
~i du vray Dieu ftdelles Amou'.-
... reux
Avez d11 Diable évité tromperie , .
Priez pour nous, &. pour totM nosNeveux.
Yotu meritez qu'à jrima ~ on s' é-
• crie,
OfJcq11es ne fut plus v erit.fl.b/es
PreL1x.
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Résumé : SUR LES RIMES DE LA BALADE DU MESME MERCURE DE JANVIER. Oncques ne fut plus veritable Preux.
Le poème médiéval 'Sur les rimes' explore les thèmes de bravoure et de martyrs. Il commence par évoquer des preux, des chevaliers et des géants, mais souligne que ces figures héroïques ne sont plus vérifiables. Le texte mentionne ensuite des martyrs chrétiens ayant souffert pour leur foi, subissant des tortures et des persécutions. Les bourreaux sont décrits comme cruels et traîtres, arrachant les cheveux des martyrs et les traînant dans des cachots sombres. Malgré ces souffrances, les martyrs restent fidèles et pleins de foi. Le poème évoque également des chrétiens endurant des tourments nombreux mais riant des diables. Il se termine par une prière aux chrétiens valeureux, les remerciant d'avoir évité la tromperie du diable et demandant leurs prières pour les générations futures. Le poème répète que ces preux et martyrs ne furent jamais plus vérifiables.
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2
p. 95-99
AU SOUVERAIN PONTIFE.
Début :
Il y a pour subscription à la Lettre que ce Roy a écrite / Lettre de la Royale Ambassade du grand Roy de Siam, [...]
Mots clefs :
Pape, Lettre, Chrétiens, Mérites, Joie, Ambassadeurs
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texteReconnaissance textuelle : AU SOUVERAIN PONTIFE.
HIlyy a pour ſubſcription à
la Lettre que ceRoy a écrite
auPape,
1
96 MERCURE
AU
SOUVERAIN PONTIFE..
Ettre de la Royale Ambaf-
Wade du grandRoy de Siam
qu'il envoye au S. Pape , qui
est le Premier&le Pere de tous
les Chrétiens , dont ilfoûtient la
Religion, pour luy donner de l'éclat
,&la gouverner, afin que
tous les. Chrétiensy demeurent
fermes ,&ſuivent ce que laReligion
& la Justice demandent..
D'autantqu'il a eftéde touttemps
uſité, que les grands Roys
Princes qui excellent en mérites
1
GALANT. 97
enforces , ont ſoin &defirent
ardemment étendre leurs Royales
amitiez par toutes les Parties du
Monde, parles diverſesNations
qui l'habitent , &fçavoir
les choses qui s'y paffent. C'est
pourquoy quand le S. Pape nous
aicy envoyé en Royale AmbasfadeDom
François Evesque,cela
nous donna unetres-grande joyes
apres avoir vû le contenu de
la Lettre dont il eſtoit Porteur,
remplie de civilitez , nostre coeur
Royalfut remply d'une joye tresgrande.
Pour ces raiſons nous
avons résolu d'envoyer tels &
tels, pour porter au S. Pape les
Juin1684.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
I
۱
98 MERCURE
Lettres de noftre Royale Ambas
fade dont ils font chargez, à
deffein qu'il y ait une Royale
Amitiéentre Nous,&un mutuel
amour qui dure jusqu'à l'Eternité.
Quand nos Ambassadeurs
auront achevé ce dont ils font
chargez, je vous priede les laiffer
revenir , afin qu'ils m'appor
tent des Nouvelles du S. Pape,
qui mefont tres-cheres , &que
j'eftimeray infiniment. Jeprie
auſſi le S. Pape de m'envoyer des
Ambassadeurs , &que nosAmbaffadeurs
puiffent aller&venir
fans interruption, afin qu'une fi
excellente,siprécieuse fiillustre
GALANT 99
amitiépuiſſe durer éternellement.
Enfin je ſouhaite que le S.Pape
joüiffe de toutesfortes de biens&
defélicitezdans la Loydes Chrétiens,
&qu'il vive pluſieurs an
néespleines de mérites, joye,fainteté&
repos.
la Lettre que ceRoy a écrite
auPape,
1
96 MERCURE
AU
SOUVERAIN PONTIFE..
Ettre de la Royale Ambaf-
Wade du grandRoy de Siam
qu'il envoye au S. Pape , qui
est le Premier&le Pere de tous
les Chrétiens , dont ilfoûtient la
Religion, pour luy donner de l'éclat
,&la gouverner, afin que
tous les. Chrétiensy demeurent
fermes ,&ſuivent ce que laReligion
& la Justice demandent..
D'autantqu'il a eftéde touttemps
uſité, que les grands Roys
Princes qui excellent en mérites
1
GALANT. 97
enforces , ont ſoin &defirent
ardemment étendre leurs Royales
amitiez par toutes les Parties du
Monde, parles diverſesNations
qui l'habitent , &fçavoir
les choses qui s'y paffent. C'est
pourquoy quand le S. Pape nous
aicy envoyé en Royale AmbasfadeDom
François Evesque,cela
nous donna unetres-grande joyes
apres avoir vû le contenu de
la Lettre dont il eſtoit Porteur,
remplie de civilitez , nostre coeur
Royalfut remply d'une joye tresgrande.
Pour ces raiſons nous
avons résolu d'envoyer tels &
tels, pour porter au S. Pape les
Juin1684.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
I
۱
98 MERCURE
Lettres de noftre Royale Ambas
fade dont ils font chargez, à
deffein qu'il y ait une Royale
Amitiéentre Nous,&un mutuel
amour qui dure jusqu'à l'Eternité.
Quand nos Ambassadeurs
auront achevé ce dont ils font
chargez, je vous priede les laiffer
revenir , afin qu'ils m'appor
tent des Nouvelles du S. Pape,
qui mefont tres-cheres , &que
j'eftimeray infiniment. Jeprie
auſſi le S. Pape de m'envoyer des
Ambassadeurs , &que nosAmbaffadeurs
puiffent aller&venir
fans interruption, afin qu'une fi
excellente,siprécieuse fiillustre
GALANT 99
amitiépuiſſe durer éternellement.
Enfin je ſouhaite que le S.Pape
joüiffe de toutesfortes de biens&
defélicitezdans la Loydes Chrétiens,
&qu'il vive pluſieurs an
néespleines de mérites, joye,fainteté&
repos.
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Résumé : AU SOUVERAIN PONTIFE.
Le roi de Siam adresse une lettre au pape pour exprimer sa joie et son admiration après avoir reçu une missive portée par l'ambassadeur Dom François. Il met en avant l'importance des relations diplomatiques et de l'amitié entre les nations. Le roi décide d'envoyer des ambassadeurs au pape afin de renforcer cette amitié et sollicite l'envoi réciproque d'ambassadeurs. Il souhaite que les échanges diplomatiques se poursuivent sans interruption pour maintenir une amitié durable. Le roi formule également des vœux de bonheur et de prospérité pour le pape et la communauté chrétienne.
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3
p. 12-13
SUR L'HERESIE aux abois.
Début :
Le Héros qui remplit l'Univers de terreur, [...]
Mots clefs :
Héros, Univers, Hérésie, Huguenots, Impiété , Chrétiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR L'HERESIE aux abois.
SUR L'HERESIE
aux abois.
L
E Héros qui remplit l'Univers
de terreur ,
A rendu l'Heréfic , & rampante, &
foumife;
Ses Armes, que le Ciel en tous lieux
authorife ,
Ont de l'impieté reprimé la fureur.
Parmy les Huguenots, ceux que Dieu
favorife
Regardent aujourd'huy leur Schifme
avec horreur ;
Et déteffant tout haut leur miférable
erreur ;
s'empreffent pour rentrer au giron
de l'Eglife.
GALANT . 13
Ce Triomphe déja fait trembler les
Enfers.
Ah! pour tout ces Chrétiens dout
vous brifez les fers.
Grand Roy , que de Lauriers , que de
Palmes font preftes !
La Pieté qui met la Victoire en vos
mains,
Va ravir au Démon fes funeftes
conquestes ,
Et rendre de nouveau le falut aux
Humains.
aux abois.
L
E Héros qui remplit l'Univers
de terreur ,
A rendu l'Heréfic , & rampante, &
foumife;
Ses Armes, que le Ciel en tous lieux
authorife ,
Ont de l'impieté reprimé la fureur.
Parmy les Huguenots, ceux que Dieu
favorife
Regardent aujourd'huy leur Schifme
avec horreur ;
Et déteffant tout haut leur miférable
erreur ;
s'empreffent pour rentrer au giron
de l'Eglife.
GALANT . 13
Ce Triomphe déja fait trembler les
Enfers.
Ah! pour tout ces Chrétiens dout
vous brifez les fers.
Grand Roy , que de Lauriers , que de
Palmes font preftes !
La Pieté qui met la Victoire en vos
mains,
Va ravir au Démon fes funeftes
conquestes ,
Et rendre de nouveau le falut aux
Humains.
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Résumé : SUR L'HERESIE aux abois.
Le texte relate la victoire des forces religieuses légitimes contre l'hérésie. Un héros, autorisé par le Ciel, a réprimé l'impieté. Les Huguenots favorables à Dieu rejettent désormais leur schisme. Le roi, par sa piété, obtient la victoire et libère les chrétiens. Sa piété est la source de son triomphe.
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4
p. 301-304
Missions des Capucins, [titre d'après la table]
Début :
Il ne faut pas s'étonner si l'on s'empresse pour toutes [...]
Mots clefs :
Capucins, Ordre, Église, Chrétiens, Piété, Sainteté, Missions, Pères, Conversions, Pénitence
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texteReconnaissance textuelle : Missions des Capucins, [titre d'après la table]
Il ne faut pas s'étonner ſi
l'on s'empreffe pour toutes
les chofes où les Capucins ont
quelque intereft. Ils font d'un
Ordre que l'on eftime par
tout , & qui par mille actions
d'édification pour l'Eglife , &
de charité pour le Prochain ,
donne tous les jours des marques
de l'ardeur qu'ils ont de
voir dans tous les Chreftiens,
une Pieté folide , & une Foy
qui réponde à la Sainteté de
noftre Religion. S'il falloit
"
"
302 MERCURE
prouver cette verité , je vous
donnerois pour un exemple
récent , la Miflion que vient
d'achever à S. Sulpice le Pere
Honoré de Cannes , avec le
Pere Claude de Paris, & vingt
2
autres Capucins . Elle a eu
tout le fuccez qu'on en pouvoit
fouhaiter tant par le
nombre des Reftitutions confiderables
que l'on y a faites,
que par des Converfions furprenantes
, de grandes reconciliations
, & plufieurs pratiques
de Penitence , qui ont
fait connoiſtre la parfaite refolution
où l'on eftoit , de re
GALANT. 303
noncer aux plaifirs du Monde.
Ainfi l'on peut dire que
dans tout le temps du Carnaval,
qui eftoit celuy de la Miffion
, l'on a vécu dans la Paroiffe
de S. Sulpice , avec la
mefme reforme qu'on tafche
d'avoir la femaine Sainte. M
l'Archevefque de Paris en fit
la clofture le 17. de ce mois,
apres avoir affifté au Salut, où
il y eut deux Choeurs de Mufique
, & une excellente Simphonie.
Cette Miffion eſtant achevée
, les mefmes Peres Capucins
en commencerent une
304 MERCURE
autre dés le lendemain dans
l'Eglife de Saint Etienne du
Mont.
l'on s'empreffe pour toutes
les chofes où les Capucins ont
quelque intereft. Ils font d'un
Ordre que l'on eftime par
tout , & qui par mille actions
d'édification pour l'Eglife , &
de charité pour le Prochain ,
donne tous les jours des marques
de l'ardeur qu'ils ont de
voir dans tous les Chreftiens,
une Pieté folide , & une Foy
qui réponde à la Sainteté de
noftre Religion. S'il falloit
"
"
302 MERCURE
prouver cette verité , je vous
donnerois pour un exemple
récent , la Miflion que vient
d'achever à S. Sulpice le Pere
Honoré de Cannes , avec le
Pere Claude de Paris, & vingt
2
autres Capucins . Elle a eu
tout le fuccez qu'on en pouvoit
fouhaiter tant par le
nombre des Reftitutions confiderables
que l'on y a faites,
que par des Converfions furprenantes
, de grandes reconciliations
, & plufieurs pratiques
de Penitence , qui ont
fait connoiſtre la parfaite refolution
où l'on eftoit , de re
GALANT. 303
noncer aux plaifirs du Monde.
Ainfi l'on peut dire que
dans tout le temps du Carnaval,
qui eftoit celuy de la Miffion
, l'on a vécu dans la Paroiffe
de S. Sulpice , avec la
mefme reforme qu'on tafche
d'avoir la femaine Sainte. M
l'Archevefque de Paris en fit
la clofture le 17. de ce mois,
apres avoir affifté au Salut, où
il y eut deux Choeurs de Mufique
, & une excellente Simphonie.
Cette Miffion eſtant achevée
, les mefmes Peres Capucins
en commencerent une
304 MERCURE
autre dés le lendemain dans
l'Eglife de Saint Etienne du
Mont.
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Résumé : Missions des Capucins, [titre d'après la table]
Le texte évoque l'influence des Capucins, un ordre religieux reconnu pour ses actions édifiantes et charitables, visant à renforcer la piété et la foi des chrétiens. Récemment, une mission dirigée par le Père Honoré de Cannes, le Père Claude de Paris et vingt autres Capucins à l'église Saint-Sulpice a connu un grand succès. Cette mission a été marquée par de nombreuses restitutions, conversions, réconciliations et pratiques de pénitence, illustrant une volonté de renoncer aux plaisirs du monde. Pendant le Carnaval, la paroisse de Saint-Sulpice a adopté une atmosphère de réforme similaire à celle de la Semaine Sainte. L'archevêque de Paris a clôturé la mission le 17 du mois après avoir assisté à un salut avec deux chœurs de musique et une excellente symphonie. Immédiatement après, les mêmes Capucins ont entamé une nouvelle mission à l'église Saint-Étienne-du-Mont.
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5
p. 263-266
EPITAPHE DE MESSIRE ESPRIT FLECHIER, EVESQUE DE NISME.
Début :
En vous parlant de morts, je dois vous parler de l'Epitaphe / Ci gist un ESPRIT, Qui surprit [...]
Mots clefs :
Prélat, Immortel, Evêque de Nîmes, Chrétiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITAPHE DE MESSIRE ESPRIT FLECHIER, EVESQUE DE NISME.
Envous parlant de morts ,
je dois vous parler de l'Epitaphe d'un Prelat qui auroit dû
eftre immortel >, fa vie eftant
fort neceffaire au falut des
ames aufquelles il a contribué
juſqu'à fon dernier foupir.
Cette Epitaphe eft de Mr
l'Abbé Plomet , que Mr l'Evêquede Nifmes avoit honoré
de fon eftime.
264 MERCURE
EPITAPHE
DE MESSIRE
ESPRIT FLECHIER,
EVESQUE DE NISMES..
Ci gift un ESPRIT,
Quifurpris
L'Universparfon EloquenceSçavant: on le vit à la Cour •
Briller comme l' Aftre dujour ,
Prêchant aux Rois la Penitence.
Poli ,fes Ouvrages divers ,
Soit dans la Profe , ou dans les
Vers ,
Ont
GALANT 265
Ont éternife fa Gloire ,
Immortalife fa Memoire.
Zelé comme un Aron , dans fes
brûlans transports ,
Ilprefentoitau Cielles vivans &
les morts.x
Prudent comme Moyfe,
Quels Portraits enchantez de la
Terrepromife
Ne fit-il pas , pour ſe gagner le
cœur
Du Mondaincorrompu , du rebelle
Pécheur?
Mars 1710.
Z
266 MERCUR
Tanteft commeJonas , il menaçoit
en Chaire ;
Souvent en Jeremie , il pleuroit la
mifere
Des Richesobftinez ,
Des Chreftiensfafcinez.
Humble , Simple, Pieux, Bienfaifant , Charitable ,
AuxGrands comme aux Petits il
parutrespectable:
Et dans l'Epifcopat en CHARLES
transformé,
Ilfinitfes beauxjours , en vertus
confommé
je dois vous parler de l'Epitaphe d'un Prelat qui auroit dû
eftre immortel >, fa vie eftant
fort neceffaire au falut des
ames aufquelles il a contribué
juſqu'à fon dernier foupir.
Cette Epitaphe eft de Mr
l'Abbé Plomet , que Mr l'Evêquede Nifmes avoit honoré
de fon eftime.
264 MERCURE
EPITAPHE
DE MESSIRE
ESPRIT FLECHIER,
EVESQUE DE NISMES..
Ci gift un ESPRIT,
Quifurpris
L'Universparfon EloquenceSçavant: on le vit à la Cour •
Briller comme l' Aftre dujour ,
Prêchant aux Rois la Penitence.
Poli ,fes Ouvrages divers ,
Soit dans la Profe , ou dans les
Vers ,
Ont
GALANT 265
Ont éternife fa Gloire ,
Immortalife fa Memoire.
Zelé comme un Aron , dans fes
brûlans transports ,
Ilprefentoitau Cielles vivans &
les morts.x
Prudent comme Moyfe,
Quels Portraits enchantez de la
Terrepromife
Ne fit-il pas , pour ſe gagner le
cœur
Du Mondaincorrompu , du rebelle
Pécheur?
Mars 1710.
Z
266 MERCUR
Tanteft commeJonas , il menaçoit
en Chaire ;
Souvent en Jeremie , il pleuroit la
mifere
Des Richesobftinez ,
Des Chreftiensfafcinez.
Humble , Simple, Pieux, Bienfaifant , Charitable ,
AuxGrands comme aux Petits il
parutrespectable:
Et dans l'Epifcopat en CHARLES
transformé,
Ilfinitfes beauxjours , en vertus
confommé
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Résumé : EPITAPHE DE MESSIRE ESPRIT FLECHIER, EVESQUE DE NISME.
L'épitaphe rend hommage à Esprit Fléchier, évêque de Nîmes, décédé en mars 1710. Fléchier est célébré pour son éloquence et son érudition, ayant marqué la cour et prêché la pénitence aux rois. Ses œuvres, en prose et en vers, ont perpétué sa renommée. Il est loué pour son zèle apostolique, sa prudence et sa capacité à toucher les cœurs des mondains et des pécheurs. Comparé à des figures bibliques comme Aaron, Moïse, Jonas et Jérémie, il est reconnu pour sa fermeté en chaire et sa compassion envers les riches obstinés et les chrétiens tièdes. Humble, simple, pieux et charitable, il a été respecté de tous et a achevé sa vie épiscopale avec des vertus accomplies. L'épitaphe est attribuée à l'abbé Plomet, honoré par l'évêque de Nîmes.
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6
p. 9-56
Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Début :
Je passe aux Discours prononcez dans l'Academie des [...]
Mots clefs :
Discours, Académie des inscriptions, Académie des sciences, Analyse, Inscription sépulcrale, Pontife, Empire, Religion, Parallèle d'Homère et de Platon, Chrétiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Jï passe aux Discours prononcez dansl'Academie des
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
Fermer
Résumé : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Le texte relate les discours prononcés lors de l'ouverture des Académies Royales après Pâques. L'Académie des Inscriptions s'est ouverte le 29 mars avec un éloge de Thomas Corneille par Mr de Boze, secrétaire perpétuel. Cet éloge était particulièrement difficile car Mr de la Motte avait déjà traité le sujet lors de sa réception à l'Académie Française. Mr de Boze a mentionné que Thomas Corneille est né à Rouen le 20 août 1625, fils de Pierre Corneille, avocat du roi, et de Marthe Le Pesant. Il a étudié chez les Jésuites et a composé une pièce en vers latins remarquée par son régent. Après ses études, il s'est tourné vers le théâtre, influencé par son aîné Pierre Corneille. L'Abbé Massieu a lu un discours sur le parallèle entre Homère et Platon, soulignant leurs similitudes dans la doctrine, la manière d'enseigner et le style. Il a noté que Platon citait souvent Homère et empruntait son style, et que les deux auteurs utilisaient des symboles et des allégories. Massieu a conclu que Homère avait peut-être un léger avantage sur Platon en tant qu'original. L'Abbé de Tilladet a ensuite parlé de la prééminence du souverain pontificat des anciens Romains, prouvant que les premiers empereurs chrétiens avaient adopté cette qualité pour légitimer leur pouvoir. Il a cité des exemples comme Macrin et Gratien pour illustrer l'importance de ce titre. Tilladet a également présenté des preuves tirées d'auteurs et de monuments, comme Zozime et le Pape Grégoire, pour soutenir son argumentation. Il a conclu que les empereurs chrétiens avaient permis que des inscriptions les désignant comme souverains pontifes subsistent, montrant ainsi leur acceptation de ce titre. L'Abbé de Tilladet a également soutenu que les premiers Empereurs Chrétiens ont porté le titre de Pontife sans prévarication, car ce titre leur permettait de conserver leur souveraineté et de réprimer les libertés du paganisme. Il a argumenté que les empereurs chrétiens n'ont pas ouvertement professé une religion contraire, mais ont utilisé ce titre pour des raisons politiques et religieuses. Tilladet a comparé cette situation à celle du titre de Roy de Pologne, qui a changé de signification après la renonciation au royaume. Il a conclu que le titre de souverain Pontife a pu être conservé par les empereurs chrétiens sans connotation superstitieuse, grâce à leur dévouement à la religion chrétienne. Mr. Henrion a présenté un discours sur les inscriptions sépulcrales antiques, soulignant leur importance pour les titres civils et canoniques. Il a expliqué que son but était de découvrir l'esprit des anciens Grecs et Romains dans l'apposition de ces inscriptions et de développer l'artifice de leur composition. Henrion a détaillé les motifs, l'antiquité, et les usages des inscriptions sépulcrales, ainsi que les personnes ayant droit à ces inscriptions et les matériaux utilisés. Il a regretté la perte de nombreux monuments précieux et les dommages causés par l'ignorance et le zèle excessif du christianisme. Enfin, Mr. Foucaulr a résumé les discours de manière ingénieuse, plaisant à toute l'Assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 242-279
Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Début :
Monsieur Defaniere fit l'ouverture de l'Académie Royale des Medailles & [...]
Mots clefs :
Feu, Religion, Cérémonies, Païens, Chrétiens, Sacrifices, Antiquité, Symbolisme, Juifs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Monsieur Defanierefit
l'ouverture de l'Académie
Royale des Médailles &
Inscriptions, comme nous
lavons annonce - dans le
Mercureprécèdent, par un
Discours fort curieux sur
l'ulage desfeux 0- des illuminations
dans les Fesses facrées
& prophancs.
Il fit voir d'abord que
cet usageaesté sicolemnel
dans l'antiquité, qu'ils'est
confervé si religieusement
parmi toutes les Nations,
& qu'il en cil: parlé si souvent
-
dans les Auteurs facrez&
prophanes, tant
Hifioriens, Poëtes,qu'Orateurs,
que l'on peut dire
que c'est un des points qui
mérité le plus les recherches
des Sçavants. Cette
matière n'avoit point encore
estétrainée à fond,
& elleestoit si estendue &
si vaste qu'il estoit comme
impossible de l'épuisèr, &
tresdifficile de bien ranger
le grand nombre de faits
qu'elle comprend.
-
Pour y mettre quelque
ordre Monsieur Defaniere
adiviséson discours sur ce
lùjet en deux parties. L,"
premiere comprend les
faits qui regardent l'usage
des feux & des illuminai
tions par ra pport à la Religion
: & la fécondé
, ce
mesme usageen tant qu'il
'Ca employc dans les rejoiiifTances
publiques &
particulieres. Mais comme
letemps ne luy permit pas
de faire la levure de cette
Jerniere partie, il se borna
feulement à la premiere
qu:ildivisa en trois articles.
Le premier regardoit l'ufage
que les Juifs en ont
/f
fait pour le culte du veritable
Dieu,usage que Dieu
avoit non feulement ordonné
, mais pour ainsi dire
consacréluy-mesme. Le second traitoit des
abus que les Payens en ont
fait pour honorer les faux
Dieux.
Le troisiéme enfinestoit
employé à examiner si l'ufàge
que les Chrestiens
ont pû faire du feu & des
illuminations dans leurs
festes & dans leurs ceremonies
a fait & fait encore
partiede leur culte religieux.
- X iij
Mr Defaniere commence
l'article des Juifs par
une reflexion générale avant
d'en venir aux preuves
particulières. Il remarque
que Dieu suivant les
divines Ecritures,avoit fait
un choix particulier du
feu pour estre le symbole
de ses principaux attributs
; que par une bonte
singuliere pour ce peuple,
il avoit employé le feu,
pour luy donner quelque
legere idée deson adorable
Divinité par des signes
qui luy fussent proportionnez.
Mais il fallut encore
que les recompenses & les
chastiments en fussent inseparables.
Faut-il s'eflonneraprès
cela si le feu chez
ce peuple tenoit le premier
rang dans les plus augustes
ceremonies de leur Religion
,
si leurs sacrifices &
leurs festes en recevoient
tout leur éclat & leur perscâson,
& si un si précieux
gage estoit si religieusement
confervé dans leur
Temple? 1.
Mais pour faire voir une
espèce de
;
çonfècratiory
plus particulière de cet
élement
,
il fit voir que-
Dieu s'est represèntéplusieurs
fois luy mesmesous
la forme du feu, les exemples
que les Livres sacrer
Juy ont fourni pour prouver
sa prepofirion
,
l'ont
porté à en c.fiablir une autre
tirée necessairement de
la premiere
,
qu'il ne faut
pas après ce la s'efionner
que le culte souverain de
Dieu sesoit fait par le feu:
il trouve egalement de
quoy establir cettedernie- rspropositiondanspltir
sieurs endroits de l'Ecriture
où l'on voit le culte
que Dieu veut qu'il luy soit
rendu par lessacrifices &,
les holocaustes. Le feu sur
roue faifoic l'accom pliflcment
& la perfectionde
lis sacrifices par la consomption
qui s'y faisoitde
certaines parties des victimes
ou de toure la viéïime
dans le sacrifice de
l'holocauste, lequel à cau se
de cela estoit consideré
comme le plus excellent.
Mr Defaniere fit voir ci>.
fuite que Dieu s'est servi du
feu pour marquer que les
sacrifices luy estoient a.
gréables,enfaisant tomber
le feu du Ciel sur la
victime pour la consumer.
Il allégué l'exemple
du sacrifice d'Abel,celuy
fait pour la confècrarion
d'Aaron, celuy de Gedeon,
de David, de Salomon,
d'Helie, & celuy de Nehernie.
Il fit remarquer
que si le feu eftoicuniymbole
si desirable aux adorateurs
de laDivinité,qu'il
n'estoitpas moins formidable
aux transgresseurs
de la loy divine; que si
la bonté de ce souverain
maistre du monde se ma-
- nifeftoitainsi, savengeance
n'en éclattoit pas moins
contre ceux qui estoient
rebelles à ses ordres. Les
preuves qu'il tire de l'Ecriture
pour appuyer ce qu'il
avance dans cet endroit,
font assez voir que le feu
est l'instrument le plus ordinaire
dont Dieu s'est fer- fvi pour la punition des impies
& des insîdelles
,
&
- que c'estpar le feu qu'il
punie & qu'il punira ceux
qu'il a condamnez par fJ.
justice à estre tourmentez ;
éternellement pour leurs
crimes. Après avoir fait
voir l'usage que Dieu a saie
de cet element à l'égarddes
hommes, Mr Defaniere
passe à l'usage que les
hommes en ont fait pour
honorer Dieu
,1 Chez les Jyifs la plus 1
grande marque d'adora- 1
tion du Dieusouverain, I1
estoit le feu continuel qu.
on entretenoit sur l'Autel,
& dont le soin estoit commis
aux Prestres,&;;<jur
istoittellement lié avec le
Sacerdoce du Grand Prestre,
qu'il s'estieignit dés que
Jason (e fut empare de cette
dignité par de mauvaises
voyes. Il s'estoitconservé
auparavant tousjours
allumé & sans alteration,
cache dans un endroit du
Temple pendant les foixante
& dix années de la
captivité de Babylone. Il
ne fut esteint précisément
que dans le temps de l'extindion
du Sacerdoce, prérogative
qui fait çonnoiCtre
que le principal culte
extérieur de Dieu,confit
toit dans ce feu sacré.
Mr Defanïere n'a garde
de passer fous silence les
festes particulieres desJuifs
dans lefqueiles les illuminations
faisoient tousjours
la principalepartie de leurs
devotions & de leurs réioüissances,
non feulement
par rapport aux sacrifïces
qui avoient coutume d'y
cftre offerts, & que le feu
confumoit
,
mais encore
par rapport aux différentes
illuminations qu'on y adjouftoit
pour rendre ces
festes plus auguites.
Il y avoit la feste appellée
accenfio lucernarum à cause
de la quantité des lampes
qu'on allumoit en ce
jour; la feste appeUeecowbujlio
vulpium,en laquelle
en bruistoit des renards en
mémoire de l'histoire de
Sanson ,& generalement
la fin de toutes leurs grandes
fbtcmniccz
,
estoit accompagnéede
feux&d'itluminationsensigne
de
réj uiflance; au contraire
les jours de jeûne, c'etf à
dire,dans lesqûels ils faisoient
mémoire de quelques
évenemens funestes
à leur Nation,etfoientlurgauibforeiesnr&
ténébreux; ils
mesme un jeûne
particulier le 18. du mois
d'Ab à cause que la lampe
de la branche occidentale
du chandelier d'or quiertoit
dans le Templey fut
esteinte sous le regne du -
Roy AKas, regardant cet
accident comme un malheur
confiderable qui al- i
Joit porterungrand préju- 1
dice au culte qu'ils ren-
< doient à Dieu.? 4 A
A l'égard du fecond
article qui regarde l'usage
des feux & des illuminations
parmy les Payens ,
Mr Defaniere prouva sort
solidement que cet ufa ge
a esté un des points lesplus
dfentiels de leur Religion;
il allegua rAuteur du Livre
de la Sagesse pour faire
voir que ces peuples abandonnez
à leurs egaremens
:' se portèrent à rendre un
culte souverain à cet éler
ment;ils luydreiTerent des
Autels, luy firent cond
cruirc des Temples, luy
insticuerent des Sacrifices,
& luy establirent des Pree.
très. S. Augustin cherchant
lesmotifs de ce cul.
te parmy les Nations en
soupçonne deux principaux,,
le premier, la connoissance
que ces peuples
avoient que plusieurs victimes
avoient osté confumez
par un feu descendu
du Ciel, ce qui les portoit
a croire que ce ne
pouvoit estre qu'un Dieu
caché fous cette forme le-z
gere ,
l'autre motif , lex~
- perience qu'ils avoient du
mouvement continuel du
feu qui monte tousjours
en haut,ils s'imaginoient
peut-estre, que le feu est
une portiondela Divinité
qui est auCiel vers laquelle
il tend à se réunir en en-*
levant avec foi les victimes
; delà vient qu'ils
estoient persuadez que
plus il avoit paru d'activite
& de clarté dans les
sacrifices
,
plus la vic',Iimc
estoit receuë favorablement.
Mais Ciceron fournit
une raison plus plausi.
ble
,
lorsquil dit que IA
necefficé&.l'utilité ont
porté les hommes à qualisier
du nom de Dieu les
choses qui leur estoient
d'un plus grand secours &
dont ils avoient le plus de
besoin
,
c'est aussi ce qui
les engagea à avoir pour
le feu ce mesme ésgard ôc
a le considerer comme un
veritableDieu.
,
lt.
Le Soleil d'abord fut
l'objet de leurs adorations,
& peu de tems après le
feu qui en estoit une émanation
selon leur TIICOICH
gie, merita qu'onlui rendift
le mesmehonneur.
Les Egyptiens furent les
premiers qui lui rendirent
le culte souverain, & toutes
les nations les ont fuivies
sur cette croyance.
L'on apprend par les Auteurs
sacrez & prophanes,
que ce culte estoit répandu
generalement parmy
les Chaldéens, lesAssyriens,
les Medes, les Babylonieris
,
les Perfesles
Lybiens
,
les Grecs,les
Romains, les Germains
-
6c parmy les Celtes. Mr
Defaniere fit observer que
pour distinguer ce cuIre
d'avec celuy qu'ils addref.
soient au Soleil; ils y firent
présider de certaines
Divinirez qu'ils regardoient
comme le feu met
me, tantost c'estoit Vulcain,
tantost Vesta, tantotf
Promethée,& tantost Bacchus.
Il se trouve une aisez
grande conformitéparmy
toutes les Nations sur ca
qui regarde ce culte, s'il y
a quelque difference ce
n'est que sur les ceremonies
de leurs sacrifices,fut
le genre desvictimes,&
sur leurs Prestres. Les Perses
dans de certains jours
de l'année mettoient la Divinité
du feu sur un cheval
blanc, & luy faisoientfaire
plusieurs fois le tour de
leur Temple leurs Rois.
suivoient cette pompe accompagnez
de toute leur
Cour.
C'estoit une coustume
generale parmy tous ces
peuples de consèrver un
feu sacré dans leurs Temples
qu'ils regardoient
comme un gage précieux, : auquel estoit attachée la
durée de leurs Empires. il
y avoit des Prêtres desti-:
nez uniquement a cette,
fonction; les Chaldéens,
les Affynens, les Medes,
les Baby loniens & les Perses,
commettoient cesoin.
à des Mages nommez à
causede cela Pyrettes.
Parmi les Grecs la conservation
du feu sacré eitoic
confiéeà desVeuves,&
chez les Romains à des
Vierges que l'on appelloir
Vestales. L'on avoirattaché
à ce
ministeredespré
rogatives singuliéres&excelleLites.
1
cellentes
*, mais aussi la négligence
de ceux qui en
faisoient les fondions eftoit
punie avec la derniere
rigueur. Quand il arrivoic
par malheur que ce feu
s'esteignoit, il n'estoit pas
permis dele rallumer avaC
du feu ordinaire,on se fervoit
des rayons du Soleil
que l'on réunissoit avec un
instruméc qui formoic une
cavité triangulaire, qui par
sa forme rassembloit les
rayons au point de son centre,
afin de leur donner la
force d'enflammer la matiere
sur laquelle ondirigeoit
ce foyer de rayons.
Le Temple bastienl'honneur
de Vesta par Numa
Pompilius, n'estoit pas le
sèul à Rome où l'on conservoit
un feu sacre
,
l'on
enconservoit encore dans
les Temples des Dieux anciens.
Le feu estant reconnu
pour une Divinité parmy
toutes les Nations, on
Juy offroit par une consequence
necessaire des fa-s
crifices, mais les victimes
n'estoient pas lesmesmes
par tout. Les uns fc fervoiéc
d'animaux, & les autres de
victimes humaines; on ne
les égorgeoit point, mais
on les assommoit à grands
cou ps de massuë de bois,
Ces. sacrifices se faisoient
toujours avec grande ceremonie
& grandes dépenses
, les Prestres en tiroient
ordinairement quantité de
présages ;
si leurs divinations
ou augures se prenoient
du costé de la fumée
qu'ils y observoient,
ils les a ppelloientCapromanties,
s'ils les tiroient
du feu mesme ils les nommoient
Py romanries. Il
n'estoit pas permis de se
servir d'autre feu pour con.
fumer la victime que de ce
feu sacré; celuy qui auroit
estéassezhardy pourvouloir
l'esteindre avec de
l'eau, auroit passé dans l'efprit
du peuple pour un
athée, & auroit esté puni
sur le cham p.
L'entrée des Temples où
l'on con servoit le feu sacré
estoitfermé pendant la
nuit à tout le monde, &
pen dant le jour les hommes
avoient liberté seuleftiem
dentrer dans celuy
auquel les Prestres estoient
préposez, & les femmes
dans celuy dont les Preftrefles
avoient la garde;
de toucher ou regarder ce
feu passoit pour un sacrilege,
il en cousta la privation
dela veuë à Metellus
pour l'avoir voulu sauver
de l'embrasement dutem.-
ple de Vesta ; c'est ce qui
a porté plusieursNations à
ne point se servir du feu
pour bru ler les corps des
morts. Dioscoride rapporte
qu'un certain Persan
nomme Euphrates dessenditpar
cette raison de bruler
son corps a près sa morr,
dans la crainte où il etoit
que son attouchement ne
caufaft quelque soüilleure
a une chose si fainte & si
respectable.
Deux accidens fâche*'ux
pour le Dieu du feu luy
firent beaucoup perdre de
son credit parmy les peuples
,
l'un arriva par l'artifice
des Prestres de Canope
Dieu des Egyptiens
qui demeura victorieux du
Dieu des Pcrfes après un
desisolemnel fait entre ces
deux Nations sur le pouvoir
de ces deuxDivinitez;
le second lorsque l'Empereur
Heraclius ravagea
toute la Capadoce & la
Perse & en abolit le culte
dans plusieurs Provinces
de ce pays où il etoit
establi.
Passons presentement à
ce qui se pratiquoit dans
les Temples de ces Dieux.
Mr Defaniere se sert du
témoignage de Strabon,
par lequel l'on apprend
que parmi les Orientaux
au milieu de ces Temples
estoit un Autel, sur lequel
il y avoic de la cendre
pour couvrir ce feu qui
ne devoit jamais s'éteindre,
les Pyrettes leurs Mages
entroient tous les jours
dans ce Temple pour y
chanter pendant l'espace
d'une heure, se tenant
prosternez devant ceDieu,
ayant en leur main un
faisseau de verges, & sur
letesteunethiare de laine
qui leur couvroit la plus
grande partie du visage;
&asin de se rendre plus
respectables quand ils sortoient
de ces Temples,
ils avoient coutume de
porter une branche de
laurier dans une main,&
de l'autre un flambeau allumé.
L'antiquité Romaine
nous apprend que dans
le Temple de Vesta
,
il
n'y avoir aucun fimulacre
de Divinirez, que le feu
sacré y estoit conservé
dans une Urne de terre
suspenduë en l'air, que
les Vestales veilloient jour
& nuit successivement &
que le grand Pontife les
visitoitdetems en tems.
Tous les a£tes des Pavens
estoient tousjours accompagnez
de lumiéres, vouloient-
ils addresser des
voeux à quelques-uns de
leurs Dieuxou lesremercier
de quelque grace ou
bienfait qu'ils croyoienc
en avoir reccus; ils allumoientune
grande quantité
de lam pes devant leurs
Images & sur tout devant
celles des Dieux Lares &
des Dieux Penates; s'ils
faisoient des alliances &
des sermens ils en prenoient
le feu pour témoin
,
en un mot leurs foyers
estoient regardez comme
une chosesilainte qu'ils y
faisoient présider des Divinitez
particuliéres, ils
se servoientencore du feu
pour découvrir les coupables
quand leurs crimes
ntefioient pas bien averez
d'ai lleurs,on les faisoit
approcher de l'Autel de ce
,
Dieu, on leur ordonnoit
ensuite de poser la main
dessusle feu, &s'il arrivoit
qu'ils ne tesmoignassent
aucune émotion, on
les jugeoic innocens, &
on les renvoyoit absous.
Cette pratique pourroit
bien avoir donné lieu à
pareil usage introduit parmy
les Chrestiens d'Occident
dans le huit & neuviémesiécle,
à l'esgard
de l'espreuve du fer chaud
pour découvrir les criminels.
Mr Defaniereobserve
que plusieurs Divinitez
avoient besoin avant que
d'estre admises au rang
des Dieux, d'estre purisiez
par le feu, tels que les
Empereurs & autres particuliers
pour lesquels on
faisoit des consecrations
publiques
;
les Roys, les
Mdgistrats les Prestres
parmy plusieurs peuples
ne pouvoient faire les pre.
mieres fonctions de leur
employ sans estreaussipurissés
par le feu, afin de
rendre leurs actions dans
la suite plus pures &plus
justes. C'est pour celaaussi
que l'on voyoit à Arfcne
au milieu de l'endroit où
l'Areopage se tenoit une
Statuë de Vesta, & que
l'on plaçoitaussi dans le
Vestibule des Palais des
Rois la Statuë de cette
Déesse afin de leurs apprendre
aux uns & aux
autres qu'elle seroit témoin
de leurs Ordonnances &
de leur conduite.
Les Payens avoient SLUC
siplusieurs Festes establies
en l'honneur de plusieurs
Divinitez où l'usage des
feux& des illuminations
contribuoit à les rendre
plus augustes & plus éclatantes.
Mr Defaniere s'est
borné aux Egyptiens, aux
Grecs & aux Romains, il
parcoure toutes les principales
Festes de ces peuples,
& il fait un détail de toutes
les réjoüissances & des
festins qui avoient tousjours
coustume d'accompagner
ces fortes de solemnitez.
Je ne puis rien vous dire
sur le troisiéme article
qui regarde l'usage des
feux & des illuminations
par rapport à la Religion,
parmy les Chrétiens. Mr
Defanierese trouva borné
par l'heure & ne put achever
la lecture de ce troisiéme
article.
l'ouverture de l'Académie
Royale des Médailles &
Inscriptions, comme nous
lavons annonce - dans le
Mercureprécèdent, par un
Discours fort curieux sur
l'ulage desfeux 0- des illuminations
dans les Fesses facrées
& prophancs.
Il fit voir d'abord que
cet usageaesté sicolemnel
dans l'antiquité, qu'ils'est
confervé si religieusement
parmi toutes les Nations,
& qu'il en cil: parlé si souvent
-
dans les Auteurs facrez&
prophanes, tant
Hifioriens, Poëtes,qu'Orateurs,
que l'on peut dire
que c'est un des points qui
mérité le plus les recherches
des Sçavants. Cette
matière n'avoit point encore
estétrainée à fond,
& elleestoit si estendue &
si vaste qu'il estoit comme
impossible de l'épuisèr, &
tresdifficile de bien ranger
le grand nombre de faits
qu'elle comprend.
-
Pour y mettre quelque
ordre Monsieur Defaniere
adiviséson discours sur ce
lùjet en deux parties. L,"
premiere comprend les
faits qui regardent l'usage
des feux & des illuminai
tions par ra pport à la Religion
: & la fécondé
, ce
mesme usageen tant qu'il
'Ca employc dans les rejoiiifTances
publiques &
particulieres. Mais comme
letemps ne luy permit pas
de faire la levure de cette
Jerniere partie, il se borna
feulement à la premiere
qu:ildivisa en trois articles.
Le premier regardoit l'ufage
que les Juifs en ont
/f
fait pour le culte du veritable
Dieu,usage que Dieu
avoit non feulement ordonné
, mais pour ainsi dire
consacréluy-mesme. Le second traitoit des
abus que les Payens en ont
fait pour honorer les faux
Dieux.
Le troisiéme enfinestoit
employé à examiner si l'ufàge
que les Chrestiens
ont pû faire du feu & des
illuminations dans leurs
festes & dans leurs ceremonies
a fait & fait encore
partiede leur culte religieux.
- X iij
Mr Defaniere commence
l'article des Juifs par
une reflexion générale avant
d'en venir aux preuves
particulières. Il remarque
que Dieu suivant les
divines Ecritures,avoit fait
un choix particulier du
feu pour estre le symbole
de ses principaux attributs
; que par une bonte
singuliere pour ce peuple,
il avoit employé le feu,
pour luy donner quelque
legere idée deson adorable
Divinité par des signes
qui luy fussent proportionnez.
Mais il fallut encore
que les recompenses & les
chastiments en fussent inseparables.
Faut-il s'eflonneraprès
cela si le feu chez
ce peuple tenoit le premier
rang dans les plus augustes
ceremonies de leur Religion
,
si leurs sacrifices &
leurs festes en recevoient
tout leur éclat & leur perscâson,
& si un si précieux
gage estoit si religieusement
confervé dans leur
Temple? 1.
Mais pour faire voir une
espèce de
;
çonfècratiory
plus particulière de cet
élement
,
il fit voir que-
Dieu s'est represèntéplusieurs
fois luy mesmesous
la forme du feu, les exemples
que les Livres sacrer
Juy ont fourni pour prouver
sa prepofirion
,
l'ont
porté à en c.fiablir une autre
tirée necessairement de
la premiere
,
qu'il ne faut
pas après ce la s'efionner
que le culte souverain de
Dieu sesoit fait par le feu:
il trouve egalement de
quoy establir cettedernie- rspropositiondanspltir
sieurs endroits de l'Ecriture
où l'on voit le culte
que Dieu veut qu'il luy soit
rendu par lessacrifices &,
les holocaustes. Le feu sur
roue faifoic l'accom pliflcment
& la perfectionde
lis sacrifices par la consomption
qui s'y faisoitde
certaines parties des victimes
ou de toure la viéïime
dans le sacrifice de
l'holocauste, lequel à cau se
de cela estoit consideré
comme le plus excellent.
Mr Defaniere fit voir ci>.
fuite que Dieu s'est servi du
feu pour marquer que les
sacrifices luy estoient a.
gréables,enfaisant tomber
le feu du Ciel sur la
victime pour la consumer.
Il allégué l'exemple
du sacrifice d'Abel,celuy
fait pour la confècrarion
d'Aaron, celuy de Gedeon,
de David, de Salomon,
d'Helie, & celuy de Nehernie.
Il fit remarquer
que si le feu eftoicuniymbole
si desirable aux adorateurs
de laDivinité,qu'il
n'estoitpas moins formidable
aux transgresseurs
de la loy divine; que si
la bonté de ce souverain
maistre du monde se ma-
- nifeftoitainsi, savengeance
n'en éclattoit pas moins
contre ceux qui estoient
rebelles à ses ordres. Les
preuves qu'il tire de l'Ecriture
pour appuyer ce qu'il
avance dans cet endroit,
font assez voir que le feu
est l'instrument le plus ordinaire
dont Dieu s'est fer- fvi pour la punition des impies
& des insîdelles
,
&
- que c'estpar le feu qu'il
punie & qu'il punira ceux
qu'il a condamnez par fJ.
justice à estre tourmentez ;
éternellement pour leurs
crimes. Après avoir fait
voir l'usage que Dieu a saie
de cet element à l'égarddes
hommes, Mr Defaniere
passe à l'usage que les
hommes en ont fait pour
honorer Dieu
,1 Chez les Jyifs la plus 1
grande marque d'adora- 1
tion du Dieusouverain, I1
estoit le feu continuel qu.
on entretenoit sur l'Autel,
& dont le soin estoit commis
aux Prestres,&;;<jur
istoittellement lié avec le
Sacerdoce du Grand Prestre,
qu'il s'estieignit dés que
Jason (e fut empare de cette
dignité par de mauvaises
voyes. Il s'estoitconservé
auparavant tousjours
allumé & sans alteration,
cache dans un endroit du
Temple pendant les foixante
& dix années de la
captivité de Babylone. Il
ne fut esteint précisément
que dans le temps de l'extindion
du Sacerdoce, prérogative
qui fait çonnoiCtre
que le principal culte
extérieur de Dieu,confit
toit dans ce feu sacré.
Mr Defanïere n'a garde
de passer fous silence les
festes particulieres desJuifs
dans lefqueiles les illuminations
faisoient tousjours
la principalepartie de leurs
devotions & de leurs réioüissances,
non feulement
par rapport aux sacrifïces
qui avoient coutume d'y
cftre offerts, & que le feu
confumoit
,
mais encore
par rapport aux différentes
illuminations qu'on y adjouftoit
pour rendre ces
festes plus auguites.
Il y avoit la feste appellée
accenfio lucernarum à cause
de la quantité des lampes
qu'on allumoit en ce
jour; la feste appeUeecowbujlio
vulpium,en laquelle
en bruistoit des renards en
mémoire de l'histoire de
Sanson ,& generalement
la fin de toutes leurs grandes
fbtcmniccz
,
estoit accompagnéede
feux&d'itluminationsensigne
de
réj uiflance; au contraire
les jours de jeûne, c'etf à
dire,dans lesqûels ils faisoient
mémoire de quelques
évenemens funestes
à leur Nation,etfoientlurgauibforeiesnr&
ténébreux; ils
mesme un jeûne
particulier le 18. du mois
d'Ab à cause que la lampe
de la branche occidentale
du chandelier d'or quiertoit
dans le Templey fut
esteinte sous le regne du -
Roy AKas, regardant cet
accident comme un malheur
confiderable qui al- i
Joit porterungrand préju- 1
dice au culte qu'ils ren-
< doient à Dieu.? 4 A
A l'égard du fecond
article qui regarde l'usage
des feux & des illuminations
parmy les Payens ,
Mr Defaniere prouva sort
solidement que cet ufa ge
a esté un des points lesplus
dfentiels de leur Religion;
il allegua rAuteur du Livre
de la Sagesse pour faire
voir que ces peuples abandonnez
à leurs egaremens
:' se portèrent à rendre un
culte souverain à cet éler
ment;ils luydreiTerent des
Autels, luy firent cond
cruirc des Temples, luy
insticuerent des Sacrifices,
& luy establirent des Pree.
très. S. Augustin cherchant
lesmotifs de ce cul.
te parmy les Nations en
soupçonne deux principaux,,
le premier, la connoissance
que ces peuples
avoient que plusieurs victimes
avoient osté confumez
par un feu descendu
du Ciel, ce qui les portoit
a croire que ce ne
pouvoit estre qu'un Dieu
caché fous cette forme le-z
gere ,
l'autre motif , lex~
- perience qu'ils avoient du
mouvement continuel du
feu qui monte tousjours
en haut,ils s'imaginoient
peut-estre, que le feu est
une portiondela Divinité
qui est auCiel vers laquelle
il tend à se réunir en en-*
levant avec foi les victimes
; delà vient qu'ils
estoient persuadez que
plus il avoit paru d'activite
& de clarté dans les
sacrifices
,
plus la vic',Iimc
estoit receuë favorablement.
Mais Ciceron fournit
une raison plus plausi.
ble
,
lorsquil dit que IA
necefficé&.l'utilité ont
porté les hommes à qualisier
du nom de Dieu les
choses qui leur estoient
d'un plus grand secours &
dont ils avoient le plus de
besoin
,
c'est aussi ce qui
les engagea à avoir pour
le feu ce mesme ésgard ôc
a le considerer comme un
veritableDieu.
,
lt.
Le Soleil d'abord fut
l'objet de leurs adorations,
& peu de tems après le
feu qui en estoit une émanation
selon leur TIICOICH
gie, merita qu'onlui rendift
le mesmehonneur.
Les Egyptiens furent les
premiers qui lui rendirent
le culte souverain, & toutes
les nations les ont fuivies
sur cette croyance.
L'on apprend par les Auteurs
sacrez & prophanes,
que ce culte estoit répandu
generalement parmy
les Chaldéens, lesAssyriens,
les Medes, les Babylonieris
,
les Perfesles
Lybiens
,
les Grecs,les
Romains, les Germains
-
6c parmy les Celtes. Mr
Defaniere fit observer que
pour distinguer ce cuIre
d'avec celuy qu'ils addref.
soient au Soleil; ils y firent
présider de certaines
Divinirez qu'ils regardoient
comme le feu met
me, tantost c'estoit Vulcain,
tantost Vesta, tantotf
Promethée,& tantost Bacchus.
Il se trouve une aisez
grande conformitéparmy
toutes les Nations sur ca
qui regarde ce culte, s'il y
a quelque difference ce
n'est que sur les ceremonies
de leurs sacrifices,fut
le genre desvictimes,&
sur leurs Prestres. Les Perses
dans de certains jours
de l'année mettoient la Divinité
du feu sur un cheval
blanc, & luy faisoientfaire
plusieurs fois le tour de
leur Temple leurs Rois.
suivoient cette pompe accompagnez
de toute leur
Cour.
C'estoit une coustume
generale parmy tous ces
peuples de consèrver un
feu sacré dans leurs Temples
qu'ils regardoient
comme un gage précieux, : auquel estoit attachée la
durée de leurs Empires. il
y avoit des Prêtres desti-:
nez uniquement a cette,
fonction; les Chaldéens,
les Affynens, les Medes,
les Baby loniens & les Perses,
commettoient cesoin.
à des Mages nommez à
causede cela Pyrettes.
Parmi les Grecs la conservation
du feu sacré eitoic
confiéeà desVeuves,&
chez les Romains à des
Vierges que l'on appelloir
Vestales. L'on avoirattaché
à ce
ministeredespré
rogatives singuliéres&excelleLites.
1
cellentes
*, mais aussi la négligence
de ceux qui en
faisoient les fondions eftoit
punie avec la derniere
rigueur. Quand il arrivoic
par malheur que ce feu
s'esteignoit, il n'estoit pas
permis dele rallumer avaC
du feu ordinaire,on se fervoit
des rayons du Soleil
que l'on réunissoit avec un
instruméc qui formoic une
cavité triangulaire, qui par
sa forme rassembloit les
rayons au point de son centre,
afin de leur donner la
force d'enflammer la matiere
sur laquelle ondirigeoit
ce foyer de rayons.
Le Temple bastienl'honneur
de Vesta par Numa
Pompilius, n'estoit pas le
sèul à Rome où l'on conservoit
un feu sacre
,
l'on
enconservoit encore dans
les Temples des Dieux anciens.
Le feu estant reconnu
pour une Divinité parmy
toutes les Nations, on
Juy offroit par une consequence
necessaire des fa-s
crifices, mais les victimes
n'estoient pas lesmesmes
par tout. Les uns fc fervoiéc
d'animaux, & les autres de
victimes humaines; on ne
les égorgeoit point, mais
on les assommoit à grands
cou ps de massuë de bois,
Ces. sacrifices se faisoient
toujours avec grande ceremonie
& grandes dépenses
, les Prestres en tiroient
ordinairement quantité de
présages ;
si leurs divinations
ou augures se prenoient
du costé de la fumée
qu'ils y observoient,
ils les a ppelloientCapromanties,
s'ils les tiroient
du feu mesme ils les nommoient
Py romanries. Il
n'estoit pas permis de se
servir d'autre feu pour con.
fumer la victime que de ce
feu sacré; celuy qui auroit
estéassezhardy pourvouloir
l'esteindre avec de
l'eau, auroit passé dans l'efprit
du peuple pour un
athée, & auroit esté puni
sur le cham p.
L'entrée des Temples où
l'on con servoit le feu sacré
estoitfermé pendant la
nuit à tout le monde, &
pen dant le jour les hommes
avoient liberté seuleftiem
dentrer dans celuy
auquel les Prestres estoient
préposez, & les femmes
dans celuy dont les Preftrefles
avoient la garde;
de toucher ou regarder ce
feu passoit pour un sacrilege,
il en cousta la privation
dela veuë à Metellus
pour l'avoir voulu sauver
de l'embrasement dutem.-
ple de Vesta ; c'est ce qui
a porté plusieursNations à
ne point se servir du feu
pour bru ler les corps des
morts. Dioscoride rapporte
qu'un certain Persan
nomme Euphrates dessenditpar
cette raison de bruler
son corps a près sa morr,
dans la crainte où il etoit
que son attouchement ne
caufaft quelque soüilleure
a une chose si fainte & si
respectable.
Deux accidens fâche*'ux
pour le Dieu du feu luy
firent beaucoup perdre de
son credit parmy les peuples
,
l'un arriva par l'artifice
des Prestres de Canope
Dieu des Egyptiens
qui demeura victorieux du
Dieu des Pcrfes après un
desisolemnel fait entre ces
deux Nations sur le pouvoir
de ces deuxDivinitez;
le second lorsque l'Empereur
Heraclius ravagea
toute la Capadoce & la
Perse & en abolit le culte
dans plusieurs Provinces
de ce pays où il etoit
establi.
Passons presentement à
ce qui se pratiquoit dans
les Temples de ces Dieux.
Mr Defaniere se sert du
témoignage de Strabon,
par lequel l'on apprend
que parmi les Orientaux
au milieu de ces Temples
estoit un Autel, sur lequel
il y avoic de la cendre
pour couvrir ce feu qui
ne devoit jamais s'éteindre,
les Pyrettes leurs Mages
entroient tous les jours
dans ce Temple pour y
chanter pendant l'espace
d'une heure, se tenant
prosternez devant ceDieu,
ayant en leur main un
faisseau de verges, & sur
letesteunethiare de laine
qui leur couvroit la plus
grande partie du visage;
&asin de se rendre plus
respectables quand ils sortoient
de ces Temples,
ils avoient coutume de
porter une branche de
laurier dans une main,&
de l'autre un flambeau allumé.
L'antiquité Romaine
nous apprend que dans
le Temple de Vesta
,
il
n'y avoir aucun fimulacre
de Divinirez, que le feu
sacré y estoit conservé
dans une Urne de terre
suspenduë en l'air, que
les Vestales veilloient jour
& nuit successivement &
que le grand Pontife les
visitoitdetems en tems.
Tous les a£tes des Pavens
estoient tousjours accompagnez
de lumiéres, vouloient-
ils addresser des
voeux à quelques-uns de
leurs Dieuxou lesremercier
de quelque grace ou
bienfait qu'ils croyoienc
en avoir reccus; ils allumoientune
grande quantité
de lam pes devant leurs
Images & sur tout devant
celles des Dieux Lares &
des Dieux Penates; s'ils
faisoient des alliances &
des sermens ils en prenoient
le feu pour témoin
,
en un mot leurs foyers
estoient regardez comme
une chosesilainte qu'ils y
faisoient présider des Divinitez
particuliéres, ils
se servoientencore du feu
pour découvrir les coupables
quand leurs crimes
ntefioient pas bien averez
d'ai lleurs,on les faisoit
approcher de l'Autel de ce
,
Dieu, on leur ordonnoit
ensuite de poser la main
dessusle feu, &s'il arrivoit
qu'ils ne tesmoignassent
aucune émotion, on
les jugeoic innocens, &
on les renvoyoit absous.
Cette pratique pourroit
bien avoir donné lieu à
pareil usage introduit parmy
les Chrestiens d'Occident
dans le huit & neuviémesiécle,
à l'esgard
de l'espreuve du fer chaud
pour découvrir les criminels.
Mr Defaniereobserve
que plusieurs Divinitez
avoient besoin avant que
d'estre admises au rang
des Dieux, d'estre purisiez
par le feu, tels que les
Empereurs & autres particuliers
pour lesquels on
faisoit des consecrations
publiques
;
les Roys, les
Mdgistrats les Prestres
parmy plusieurs peuples
ne pouvoient faire les pre.
mieres fonctions de leur
employ sans estreaussipurissés
par le feu, afin de
rendre leurs actions dans
la suite plus pures &plus
justes. C'est pour celaaussi
que l'on voyoit à Arfcne
au milieu de l'endroit où
l'Areopage se tenoit une
Statuë de Vesta, & que
l'on plaçoitaussi dans le
Vestibule des Palais des
Rois la Statuë de cette
Déesse afin de leurs apprendre
aux uns & aux
autres qu'elle seroit témoin
de leurs Ordonnances &
de leur conduite.
Les Payens avoient SLUC
siplusieurs Festes establies
en l'honneur de plusieurs
Divinitez où l'usage des
feux& des illuminations
contribuoit à les rendre
plus augustes & plus éclatantes.
Mr Defaniere s'est
borné aux Egyptiens, aux
Grecs & aux Romains, il
parcoure toutes les principales
Festes de ces peuples,
& il fait un détail de toutes
les réjoüissances & des
festins qui avoient tousjours
coustume d'accompagner
ces fortes de solemnitez.
Je ne puis rien vous dire
sur le troisiéme article
qui regarde l'usage des
feux & des illuminations
par rapport à la Religion,
parmy les Chrétiens. Mr
Defanierese trouva borné
par l'heure & ne put achever
la lecture de ce troisiéme
article.
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Résumé : Discours de Monsieur Defaniere sur l'usage des feux & des illuminations dans les Festes sacrées & prophanes, [titre d'après la table]
Monsieur Defaniere a inauguré l'Académie Royale des Médailles et Inscriptions en prononçant un discours sur l'usage des feux et des illuminations dans les fêtes sacrées et profanes. Il a souligné l'importance historique et religieuse de cet usage, mentionné par de nombreux auteurs sacrés et profanes. Le discours est structuré en deux parties : la première traite de l'usage religieux des feux et des illuminations, tandis que la seconde, non développée, concerne leur usage dans les réjouissances publiques et particulières. Dans la première partie, Defaniere explore trois articles. Le premier examine l'usage des feux par les Juifs pour le culte du véritable Dieu, un usage ordonné et consacré par Dieu lui-même. Le second traite des abus des païens qui utilisaient les feux pour honorer les faux dieux. Le troisième, non achevé, examine l'usage des feux et des illuminations par les chrétiens dans leurs fêtes et cérémonies. Defaniere commence par les Juifs, notant que Dieu a choisi le feu comme symbole de ses attributs et l'a utilisé pour donner une idée de sa divinité. Le feu était central dans les cérémonies religieuses juives, notamment les sacrifices et les fêtes. Dieu s'est souvent représenté sous la forme du feu, et les sacrifices étaient consommés par le feu, considéré comme le plus excellent. Defaniere cite plusieurs exemples bibliques, comme les sacrifices d'Abel et de Gédéon. Le feu était également un symbole de punition divine pour les transgresseurs. Chez les Juifs, le feu sacré était entretenu continuellement sur l'autel et était lié au sacerdoce. Les fêtes juives, comme la fête des Lumières, incluaient des illuminations pour rendre les célébrations plus augustes. Dans le second article, Defaniere prouve que l'usage des feux était essentiel dans la religion païenne. Les païens adoraient le feu, lui érigeant des autels et des temples, et lui offrant des sacrifices. Les raisons de ce culte incluaient la croyance que le feu était une émanation du Soleil et une portion de la divinité. Les Égyptiens furent les premiers à adorer le feu, suivis par de nombreuses autres nations. Les cérémonies et les sacrifices variaient selon les peuples, mais tous conservaient un feu sacré dans leurs temples. La négligence des prêtres à entretenir ce feu était sévèrement punie. Les temples orientaux, selon Strabon, contenaient un autel avec un feu éternel entretenu par les mages. Dans le temple de Vesta à Rome, le feu sacré était conservé dans une urne, veillé par les vestales. Les païens utilisaient des lumières pour les vœux, les alliances et les serments, et le feu pour découvrir les coupables. Cette pratique influença l'épreuve du fer chaud chez les chrétiens d'Occident. Plusieurs divinités, empereurs et fonctionnaires devaient être purifiés par le feu avant d'exercer leurs fonctions. Les fêtes païennes incluaient des feux et des illuminations pour honorer les divinités. Mr Defanière a limité son étude aux Égyptiens, Grecs et Romains, détaillant les réjouissances et festins accompagnant ces solennités.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 266-284
EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
Début :
Le 17. Janvier, l'Abbé Seguy, nommé par le Roi à l'Abbaye de Genlis, [...]
Mots clefs :
Église, Peuple, Saint Sulpice, Dieu, Vertu, Chrétiens, Cour, Évêque, Dignité
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
EXTR AIT dit Panégyriquede
S. Sulpice-
LE 1 7. Janvier , P Abbé Seguy , nom
mé par le Roi à- P Abbaye de Gcnlis ,
prononça ce Discoucs dans l'Eglise Parói.'
îul; de S. Suldce, avec uli applau»
diíse.neat universel. Jamais réputation
a'*
FE V R ÏE R. 17% o.
í'k été plus prompte que celle de ce non»
vel Orateur , dont le premier succès a et©'
assez éclatant pour être honoré de Pattendon
8c des récompenses de la Cour^
Le Public échauffé fur ion compte , at- -
tendoit avec impatience ce second Dis
cours » qui a mis , pour ainsi dire , le sceau1
à sa réputation , & avec d'autant plus de
Ì'ustice que son sujet , bien moins favora-
>le que 1c premier, ne pàroiffoit point
susceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prêtez. L'Extrait du Panégyrique d©'
S. Louis a fait? tant de plaisir , qu'on a'
fort souhaité voir aussi celui du Panégy
rique de S.Sulpice, Se nous avons enfin;
obtenu le consentement de M. l'Abbé Se--
guy pour faire usage du secours des Co-j
pistes qui lui ont enlevé son Discours.
-L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclesiastique : Fattum est illi fungi
facerdotin , . .& habere lait ier)* in nomine;
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes^
près>
Si l'on fçait à travers les expressions
les plus simples pénétrer le sens le plus
élevé , quelles grandes idées se présentent
à ces mots ! Voilà , Chrétiens , un
Eloge digne d'Àaron , qui en est l'ob'jet
& pour dire encore plus , digne de l'Esprit
Saint qui en est l'Auteur. En effet:
loiier un homme d'avoir mérité le Sacer
doce
MERCÙRE Ï>È FÍIANCÉ.
doce & U plénitude du Sacerdoce , qtíî
«st le Pontificat , n'est-ce pas le rôties
d'avoir mérité le plus sublime de rous le»
Ministères, celui de Pacificateur , de Mé
diateur entre Dieu & son Peuple , & quelle
louange pourroit, ce semble , égaler celle
îà , si ce qui suit n'y mettoit le comble
en ajoutant que ce Ministère si auguste^
Aaron l'exerça avec gloire en Israël ,
FaSinm est Mi fungi facerdotio .... &
habere laudem ih nomme ejuù
Cette idée , toute grande qu'elle est y
Chrétiens Auditeurs , l'est-elle trop pour
k sujet qui nous assemble .... Par tout
l'Histoite de fa vie ( de S. Sulpice) m'a
présenté un homme visiblement destinés
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglise ; un homme que la Grâce de Jé
sus- Christ prit soin de préparer dès soit
enfance à la dignité de Pasteur dans l'E
glise; Un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édiSfication
& pour l'utilité de PEglise.
C'est à ce point de vûë que m'ont paru se
íapporter toutes les faces sous lesquelles
on peut l'envifager quand j'entre
prends de vous retracer une si belle vie,-
c'est ou comme la préparation la plusparfaite
à la dignité Episcopale , ou com
me l'accomplissement le plus entier des
ieyoiis qui y sont attachez ; car voici et»
FEVRIER. 1730. ìSf
in deux mots le Plan du Discours que je
consacre à la gloire de S. Sulpice. II mé
rita d'être élevé à l'honneur suprême de
l'Episcopar , & il soutint glorieusement
le poids immense de ''Episcopat. FaElum
eft illi fungi Sacerdotio .... & habere
Uudem in nornine ejus.
Dieu immortel , qui n'aliénez jamais»
votre gloire,c'est à vous que se rapportent
fes louanges de vos Saints , & c'est à vous
aussi que se rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMinistres qui m'écoute..
dans ce saint Temple , dont la construc--
fion n'etoit possible qu'à lui seul. Avec
quel zelc vous prépare-t-il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidèle que
tous vous êtes choisi dans fa maison , tra
vaille sans relâche à votre gloire j Pon-i
tifc & deffenscur illustre de votre Reli
gion sacrée. Ainsi Moyse executoit le Pla»
de votre auguste Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat, Aaron son frère préíîdoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon sujet , mais je sens que je n'enpuis
soutenir le poids si Marie ne s'intefefle
à^'entreprise.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pasteurs préposez au gou
vernement de l'Eglise que J.C. a acquise
j»ar son Sang ? nous formons-nous une
aslez haute idée de la grandeur de ce Mi
nistère
t7ò MËRCÚRE DE FRANGÉ; .
«istere ? L'Episcopat , Chrétiens , l'Epìs»
copat n'est rien moins que le Tribunal
irréprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être sauvé ; la succession non
interrompue du pouvoir &é des fonctions
des Apôtres, le complément, la plénitu
de surabondante du caractère conféré aux
autres Ministres de l' Autel , l'autorité dtf
droit ..divin fur les Fidèles & Air les Pré*
tres qui les conduisent , le gage sensible
de l'union de J. C avec son Eglise , la
participation immédiate de la puissance du
Fils de Dieu lui-même, la íourec primi-*
tive du pouvoir de Her & dé délier suc
la Terre , de conférer la Grâce & de la
suspendre* de rendre présente la Victime
adorable ôc de l'immolct!, Quelle dignité
que celle qui réunit en soi de si grandes
choses , mais aussi de la part de notre
Saint, quelle vertu, quelle capacité à
tous égards , quelle répugnance à aceep.
ter tant de grandeur.Pen rendirent digne l
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette première Parrîe. Reprenons.
U semble, Chrétiens, que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon»
de,si son cceiK n'eût été spécialement desti
né de Dieu pour être à lui. La Cour , où sa
naissance Cappella dès ses premières an
nées- la Cour est-elle l'ecole ordinaire de
í* vcítu- > Cet âge même où lc coeur tout
m
FEVRIER. 1730. t7t
m bute aux passions , à peine Ce trouva
libre , est peut-être moins dangereux , 8ç
foubliois presque de vous dire que Sul
pice fut au Seigneur dès le point du jour,
itomme parle le Prophète , dès fa jeunesse,
parce que j'ai quelque chose de plus glo
rieux pour lui à vous dire ; c'est qu'il fut
au Seigneur dans des lieux, the'atre uni
versel desfoiblesses & des vanitez humai
nes , à la Cour. Ce n'est donc pas ici ,
Chrétiens 4 une vertu à l'abri des dangers
du siécle ; c'est une vertu à l'épreuvc des
charmes & des engagemens du monde le
plus séduisant, que l'on appelle le grand
monde , une vertu constamment sollicitée
& constamment victorieuse. . . .
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout son jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repré
sente dans fa Retraire domestique , &
voici comment il en parle.
Il quitte donc cette Cour, où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime,
où font réunis ensemble tous les faus
biens qu'il n'aime pas j il se fait de sa
maison une retraite particulière aussi inr
accessible aux attaques des folles passions
que le fut jamais celle des Hilarions 8c
des Antoines. La solitude Chrétienne ,
mes frères , ne pensez pas qu'il faille ab
solument l'aller cherchée dans l'ornbre
>7* MERCURE DE FRANCE. ...^
-du Cloitre ou dans l'horreur des Déserts.'
,Un coeur tumultueux , plein des ide'es
des engagemens du siécle ne feroit pas
seul dans les Antres profonds de la Thé-
.baïde même. La vraye solitude est souyent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les senti-» ,
.mens qui y font conformes dans le coeur,
L'Orateur , en parlant de l'humble
•résistance de S. Sulpice , lorsque son Evo
que voulut l'ordonner Prêrre, dit: T'
Malgte' un attrait naturel pour cet état ,
3e Serviteur de Dieu, par un effet de cette
íhurnilké qui met le comble à sa vertu re
fuse de repondre à un dessein qu'a fait
jiaître sa vertu même, & pour le fairô
passer de l'état laïque à la Cléricature,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le saint Evêque engage les Princes à
íe joindre à lui. C'est ainsi que la mo
destie des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait exécuter fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modestie.
Vous résistiez donc en vain , digne Disci
ple de J. C. yous en deviez être le Prêrre ,
parce que vous en fûtes la Victime. Il étoit,
il étoit convenable que vous pussiez osfric
à l'Autel l'Agneau sans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous sçaveát .
É?éja ce qu'il fut dans la vie scculkre,Chré.
liens
FEVRIER. 1730. *73
{tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans,
le Sacerdoce. . . Sa vie inspire, persuade
la vertu que respirent tous ses discours 4
íes exemples font citez dans les familles ,
son simple aspect est une leçon , son seul
nom rappelle une idée salutaire. De'ja se
répand le bruit de sa sainteté dans les Pro
vinces voisines. La Cour l'entendir, & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par !»
sainteté de ses fonctions , que considérable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit au
près du Monarque . • . Mais il s'agissoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& son Evêque fut intéressé pour cela ; car
Comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à re
cevoir le Sacerdoce , le Prince n'eut aust|
jamais pû fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y sic
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édisie de nouveau. La Cour , quelques
passions qui y règnent s n'en est pas moins
pleine d'estime pour la vertu , & fans la.
pratiquer mieux que le peuple , elle fçaic
& la connoître mieux & la respecter dar
vantage.
Rien n'est plus beau & plus délicat que
1c Porcraic que fait V dateur de son Saint;
úm
*74 MERCURE DE FRANCE. - "
áans le crédit que lui donnoient fa Char»
,ge de Grand- Aumônier & l 'amitié de Clo-
,«aire.
Clotaire , dit-il , qui lui doit la conser
vation de ses jours , veut qu'il ait aux
affaires une part considérable , qui ne fut
jamaisl'objet de ses voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
;la conduite que vous tenez quelquefois
^ur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
secret de votre face, cependant pour lc
bien de leurs frères , pour l'honneur mêjne
de la vertu , vous les menez de temps
jcn temps comme par la main fur la Scène
changeante du monde , vous leur faites
trouver grâce devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompense aux bons Rois,
À qui ils font nécessaires.
Ensuite l'Abbé Seguy fait voir S. S ulice
attentif dans fa faveur à ménager pou r
a timide vertu la protection du Monar
que , charmé de pouvoir prêter la voix
aux larmes des malheureux , se rendant
cher à sa Nation , comme un autre M ardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant lc secret de
ne mécontenter personne, malgré l'impuissance
, de procurer des grâces à tous,
conduisant & exécutant tout ce qu'il se
propose
t
FEVRIER; 1730. 171
propose par une nouvelle sorte de politi
que., la droiture & la sincérités agissanc
afec zele & avec zele sçlon la science
dans tout ce qui a rapport à la Religion ,
& qui demande l'appui de l'autorité Roya
le pour l'Eglise ; enfin dans une situation
où d'autres sacrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne sacrifier que son repos : tel & plus
grand encore par le saint usage de son cré
dit étoit Sulpice, Chr. Aud. & s'il n'est pa»
le seul1 que son Portrait vous représente,
c'est une heureuse ressemblance qui honore
notre siécle. Au reste , il est bon pour votre
instruction , mes Frères , que vous remar
quiez la cause du saint usage que fit Sulpice
de sa faveur à la Cour, & la raison du bon
heur qu'il eut d'y conserver sa vertu dans
tous les temps. Dieu l'y avoit appelle ; &
parce qu'il l'y avoit appelle , il le sauva,
des écueils dangereux contre lesquels onc
brisés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appelle , il le mit au-dessus des foiblesses
ordinaires du sang , il lui fît oublier le
soin de l'élevation des siens & de leur
fortune particulière ; parce qu'il l'y avoie
appelle , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaisir qui y règne , il se servit
de lui pour y confondre les voluptueux
par son exemple ; parce qu'il l'y avoit
a^pellé, il fit faire en lui la voix de la
g cupidit4
íT6 MERCURE DE FRANCeI^I
cupidité , il lui donna ce détachement ÍÎ
nécellâire à qui peut obtenir tout ce qu'il
désire ; parce qu'il l'y avoit appelle , il
lui conserva au milieu de la pompe &c du
luxe de la Cour , un gout constant pour
la simplicité la plus modeste 3, parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un esprit de
retraite qui l'engageoit à se dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au loin de recueillir son coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il justifia fa voca
tion. Ceux que Dieu lui-même expose,,
sont dans le monde fans appartenir au
monde -, Dieu est avec eux , mais aussi
ceux qui s'exposent sans son aveu, y pensent-
ils sérieusement ....
Si Sulpice y eût été porté par ses pro
pres conseils , il y auroit fait infaillible
ment naufrage. La Providence qui veut
peut-êtte tel d'entre vous loin du tumulte
du monde, le voulut long-temps lui au
rnilieu des dangers du siécle , & elle avoit
ses raisons. Ce n'étoit pas fans dessein,
qu'elle l'avoit fait naître avec les avan
tages des richesses & du rang , qu'elle lui
fit passer plusieurs années parmi les déli
ces & les vaihes pompes contre lesquelles
il étoit obligé de se deffendre. Elle le des.
«inpit à remplir dan&son Eglise une place
fEVRIER. 1730. 277:
^ni pour erre sainte , sacrée, de droit di
vin , n'en expose pás moins aux périls in
séparables des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentation»
de la grandeur & de l'abondance , est feule
digne de remplir.Car depuis que les Chrér
tiens , trop indignes de leurs premier*
Ancêtres , ont renoncé à cette heureuse
pauvreté qui fut comme le berceau de leuc
Religion , depuis que l'amour des abbaifiemens
a fait place chez eux aux fatales
chimères de l'orgueil, il a fallu appuyer
l'autorité Episcopale de tout ce que l'ofmlence
, le rang ont de plus imposant à
eurs yeux. Sulpice avoit donc beloin d'u
ne vertu, éminente > éprouvée., pour ré
pondre dignement aux desseins de Dieu
fur lui , & vous avez vû si la sienne ne
fut pas telle, in integritate\ mais la vertu
feule n'eût pas suífi sans une capacité pro
portionnée à fa destination , in doftrina...
Il l'avoit , & si vous me demandez com
ment parmi les distractions & tumulte du
siécle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva 3 force
d'attention à saisir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous fe
rai ressouvenir de cette Retraite domcstN
que de plusieurs années où tout son temp»
jgtoit partagé entre Dieu & une étude re-
P i) glce
' ' '
*78 MERCURE D£ FRANCE; .
glée qui avoic rapporc à lui. Lorsqu'il so
faisoit ainsi par principe d'occupation un
fond de saintes connoissances , il ne prêt
voyoit pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... U n'e'toit pas
moins propre à annoncer les veritez Evan
géliques aux Grands, qu'à instruise les
petits & à cathéchiser les Habitans des
Campagnes , il éclaircuìoit les doutes des
âmes timorées , il assermissoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à son Evêque
Blême qui le consultoit. .....
Voilà ce que c'étoit que les lumières
de Sulpice, Chrétiens Auditeurs, elles
ne faisoient point peut-être cette science
si étendue, li variée, de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faisoient
une science utile à son prochain , à luimême
, & sur tout sobre, modeste , s'arrêtant
où elle devoit ; & plut à Dieu que
plusieurs de nos frères n'en eussent point
d'autre , qu'ils fussent & bien plus hum
bles ôc moins curieux, & par là moins
sujets à des égaremens déplorables. Car ,
ô Ciel ! vous confondez le téméraire re
gard qui veut s'élever jusqu'à la hauteuç
inaccessible des trésors de votre sagesse*
Rendez- nous l'heureuse simplicité des pre
miers temps de l'Eglise.'On ne sçavoit pas
disputer, ah I mais on sçavoit obéïr. . . . ,
L'Orateur , après avoir pafl[é avec un
«P*
FEVRIER. i7?ò. if9
írt infini au troisième Chef de sa subdi-,
vision , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau spec-i
tacle. C'est une aíTemble'e d'esprits violens
& factieux , qui se calme au seul nom de
Sulpice. Le Siège Episcopal e'toit vacant
& le peuple, alors maître du choix de son
Evêque.étok divisé en plusieurs partis qui
«n alloient venir aux mains , si une voix
sortie du milieu de tant de clameurs, n'eût
tout-à-coUp nommé Sulpice. A un nom
si respecté les troubles cessent, les esprits
font d'accord , & cette Assemblée tumul
tueuse , dont les cris differens étoient la
voix de mille passions différentes , devient
eh un moment par la réunion inespérés
de ses suffrages, l'Infcrprete du choix de
Dieu-même. Mais voici un spectacle plus
grand encore } c'est Sulpice qui refuse
d'accepter la dignité sacrée qu'on lui dé
fère ; on le presse & il résiste pour la pre
mière fois à la volonté de son Dieu , mais
remarquez qu'il y résiste dans une occa
sion où il est beau , j'ose le dire , de la
méconnoître .... c'est mériter l'Episcopat
que d'avoir la pieté , la science né
cessaire pour en exercer avec fruit les
fonctions augustes ; le refuser toutefois
par Religion , c'est avoir un mérite aufli
éminent que la place même. .. .
La résistance de Sulpice aux empréssemens
du peuple , venoit de son profond[
*8a MERCURE DE FRANCE,
respect pour la dignité sacrée qu'il mt*
ritoit si parfaitement, il regardok l'Episcopat
comme le caractère le plus auguste, le
plus élevé dont un Chrétien puisse être
revêtu ici bas. Il avoir toujours été parti
culièrement recommandable par son res
pect pour les premiers Oints duSeigneur,
& il vivoit dans un siécle où des discours»
injurieux à leur gloire , étoient un crime
presque inconnu. >
L'Abbé Seguy termine cette première
Partie pat une morale forte & convena
ble., & passe à son second Point , où it
fait voir S. Sulpice soutenant dignement
le poids immense de l'Episcopat»
La plus grande idée qu'on puisse don
ner d'un Ministre du Seigneur, n'ëst pas;
de dire qu'il mérita d'être honoré du ca
ractère Episcopal ; non , quelque grand
que soit un, tel éloge : mais dire qu'ayant
ïeçû ce caractère sacré , il le mérita tou
jours , est la suprême louange. Il y a
Chrétiens entre la gloire d'être élevé pas
fes vertus à une dignité éminente &c celle
d'en remplk parfaitement les devoirs, une
différence qu'il est aisé de sentir.pour peu
qu'on y réfléchisse . ... Audi parmi rant
d'hommes que les suffrages des peuples
élevèrent 3ux places les plus augustes ;
combien en a-t'on vû qui en auroient
toujours paru dignes s'ils ne les eussent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Egifç
i
Ê E VRIER. 1730. M
-tèçat y ôc avant d'y parvenir , & après
y êtrcparvenUjjustifia pleinement le choix
de son peuple, & cela par Pesprit de son
gouvernement , par ses travaux , par se*
succès mêmes. '
L'Abbé Seguy, dans le premier mem
bre de cette subdivision , fait voir Pesprit
du gouvernement du S. Evêque comme
nn esprit de bonté , de fermeté, de sagesse,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pasteur à Poccasion des ve
xations inoiiies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la misère du)
peuple. 1
Sulpice én est témoin', dit Phabile Pa--
-ft-egyriste , & ses entrailles paternelles en
font émues. Il s'adresse avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus tou
chante peinture de Pétat déplorable de
son peuple, il les conjure au nom du Dieu
■ée bonté de cesser d'indignes poursuites,:
qui auiïì bien ne servent qu'à réduire au
plus affreux desespoir une partie de sort
troupeau, & sans doure il leur auroit ins
piré des fentimens plus humains, si de tels
coeurs en eussent été capables. Eh bien ,
cruels ! je me fuis inutilement abbaiffé
jusqu'à la prière -, il ne me reste qu'à vous
lancer les foudres spirituels qui m'ont été
confies. A Dieu ne plaise , que je m'op-
D iiij pose
*#* MERCURE DE FRANCÈ
pose aux ordres du Prince ; ce n'est páS
a vos pareils qu'il est donné de lui être
plus soumis & plus attachez qu'un Evê
que. Mon Rot n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez. Je lui écris-,
il nous fera fçavoir sa volonté souverai
ne... Je vous abandonnerai , s'il l'exige,
& le Troupeau & le Pasteur même ; mars
en attendant n'espérez pas que je souffre
votre barbarie 5 je ne verrai point écraser
ainsi mon peuple , dont lés cris me dé
chirent ; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner.
Fermeté héroïque, Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu-,
je l'avoue , ses dangers ; mais l'esprit de
sagesse égak toûjours en Sulpice l'esprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fa~
■pievtì* & intelleSius. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les per
sécutions des Publicains barbares , il ex
horte d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les sentimens d'atta
chement 8c d'obéissance qu'il doit à son
Souverain , il paraît prêt à accabler da
poids de son indignation quiconque óferoit
s'en écarter, & cependant il conjure
celui qui tient en ses mains les coeurs des
Rois-, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit succédé à Clouirc.
L'ait
FEVRIER. 1730. igj
L'art avec lequel l'Oratcur entre dans
la seconde partie de sa subdivision, & la
manière dont il décrit les travaux Aposto
liques du saint Evêque , auroient ici leur
place , si on pouvoit abréger cet endroit
sans le gâter. . . .
Que vous dirai-je de plus ? aussi infa
tigable , aussi prompt que plein de zelc ,
occupé sans relâche , íans altération , il
ne l'est que des intérêts du Ciel & du foin
de son Diocèse. U ne tient d'une main qu'à
ses Ouailles & de l'autre qu'à son Dieu.
L'article des succès du saint Evêque est
traité avec la même dignité & le même
feu. La conversion des Juifs de Bourges
faite par son ministère , n'y est pas ou
bliée , & l'Orateur pour relever ce grand
succès , parlant de ['obstination des Juifs
dit ... . malheureuse race , ton aveugle
ment est la peine de tes ingratitudes. C'est'
du trésor de la colère qu'est sortie ton
obstination insensée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes im
primez fur toi les signes les plus marquezde
fa colère , & toi feule ne les reconnòfs
pas ; tu gardes chèrement les Livres saints
où fe lit ta condamnation manifeste , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas ; & fi
par une eípece de prodige la vérité puis-
, v ; D v saute
i84< MERCURE DE FRANCE;
íante arrache à quelques-uns des tiens le*
fatal bandeau , ne les voit-on pas presquo
toûjours lui enlever peu de temps après
fa victoire ,& lui voiier une haine plus
cruelle que jamais ; ainsi se justifient les
oracles de tesProphetes par qui a été pre'dk
ton endurciflemenr déplorable. \4ais,Chrétiens,
Sulpice devoir avoir la gloire de
triompher de tant d'obstination. Il prêche
donc J. O crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un sujet de scandale , iÈ
lutte contre leurs opiniâtres préjugez Sc
il en triomphe. Ce ne font plus ces enne
mis irréconciliables de rHomme-Dieu ;
ce font des vaincus, qui trop contens de
l'être, baignent de larmes de joye les ar
mes qu'ils remettent au vainqueur. Que
j'aime á les voir gémir amoureusement au
pied de>Ja Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée. Plus de différence:
de culte dans la même Ville. Les enfans
de Sara Sc d'Agar se font réunis. Que les
Esprits Célestes en soient transportez de
joye , que l'Eglise en faíse retenrir ses
Temples de Chanrs d'allegreíse , que la
Îostcrité de ces Esclaves devenus libres en
. Chemise à jamais ta mémoire du siint:
Pasteur lonr Di u s'est íervi pour renou-
Tcller fur letirs pères Sc fur eux ses an
ciennes miséricordes.
S. Sulpice-
LE 1 7. Janvier , P Abbé Seguy , nom
mé par le Roi à- P Abbaye de Gcnlis ,
prononça ce Discoucs dans l'Eglise Parói.'
îul; de S. Suldce, avec uli applau»
diíse.neat universel. Jamais réputation
a'*
FE V R ÏE R. 17% o.
í'k été plus prompte que celle de ce non»
vel Orateur , dont le premier succès a et©'
assez éclatant pour être honoré de Pattendon
8c des récompenses de la Cour^
Le Public échauffé fur ion compte , at- -
tendoit avec impatience ce second Dis
cours » qui a mis , pour ainsi dire , le sceau1
à sa réputation , & avec d'autant plus de
Ì'ustice que son sujet , bien moins favora-
>le que 1c premier, ne pàroiffoit point
susceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prêtez. L'Extrait du Panégyrique d©'
S. Louis a fait? tant de plaisir , qu'on a'
fort souhaité voir aussi celui du Panégy
rique de S.Sulpice, Se nous avons enfin;
obtenu le consentement de M. l'Abbé Se--
guy pour faire usage du secours des Co-j
pistes qui lui ont enlevé son Discours.
-L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclesiastique : Fattum est illi fungi
facerdotin , . .& habere lait ier)* in nomine;
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes^
près>
Si l'on fçait à travers les expressions
les plus simples pénétrer le sens le plus
élevé , quelles grandes idées se présentent
à ces mots ! Voilà , Chrétiens , un
Eloge digne d'Àaron , qui en est l'ob'jet
& pour dire encore plus , digne de l'Esprit
Saint qui en est l'Auteur. En effet:
loiier un homme d'avoir mérité le Sacer
doce
MERCÙRE Ï>È FÍIANCÉ.
doce & U plénitude du Sacerdoce , qtíî
«st le Pontificat , n'est-ce pas le rôties
d'avoir mérité le plus sublime de rous le»
Ministères, celui de Pacificateur , de Mé
diateur entre Dieu & son Peuple , & quelle
louange pourroit, ce semble , égaler celle
îà , si ce qui suit n'y mettoit le comble
en ajoutant que ce Ministère si auguste^
Aaron l'exerça avec gloire en Israël ,
FaSinm est Mi fungi facerdotio .... &
habere laudem ih nomme ejuù
Cette idée , toute grande qu'elle est y
Chrétiens Auditeurs , l'est-elle trop pour
k sujet qui nous assemble .... Par tout
l'Histoite de fa vie ( de S. Sulpice) m'a
présenté un homme visiblement destinés
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglise ; un homme que la Grâce de Jé
sus- Christ prit soin de préparer dès soit
enfance à la dignité de Pasteur dans l'E
glise; Un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édiSfication
& pour l'utilité de PEglise.
C'est à ce point de vûë que m'ont paru se
íapporter toutes les faces sous lesquelles
on peut l'envifager quand j'entre
prends de vous retracer une si belle vie,-
c'est ou comme la préparation la plusparfaite
à la dignité Episcopale , ou com
me l'accomplissement le plus entier des
ieyoiis qui y sont attachez ; car voici et»
FEVRIER. 1730. ìSf
in deux mots le Plan du Discours que je
consacre à la gloire de S. Sulpice. II mé
rita d'être élevé à l'honneur suprême de
l'Episcopar , & il soutint glorieusement
le poids immense de ''Episcopat. FaElum
eft illi fungi Sacerdotio .... & habere
Uudem in nornine ejus.
Dieu immortel , qui n'aliénez jamais»
votre gloire,c'est à vous que se rapportent
fes louanges de vos Saints , & c'est à vous
aussi que se rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMinistres qui m'écoute..
dans ce saint Temple , dont la construc--
fion n'etoit possible qu'à lui seul. Avec
quel zelc vous prépare-t-il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidèle que
tous vous êtes choisi dans fa maison , tra
vaille sans relâche à votre gloire j Pon-i
tifc & deffenscur illustre de votre Reli
gion sacrée. Ainsi Moyse executoit le Pla»
de votre auguste Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat, Aaron son frère préíîdoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon sujet , mais je sens que je n'enpuis
soutenir le poids si Marie ne s'intefefle
à^'entreprise.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pasteurs préposez au gou
vernement de l'Eglise que J.C. a acquise
j»ar son Sang ? nous formons-nous une
aslez haute idée de la grandeur de ce Mi
nistère
t7ò MËRCÚRE DE FRANGÉ; .
«istere ? L'Episcopat , Chrétiens , l'Epìs»
copat n'est rien moins que le Tribunal
irréprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être sauvé ; la succession non
interrompue du pouvoir &é des fonctions
des Apôtres, le complément, la plénitu
de surabondante du caractère conféré aux
autres Ministres de l' Autel , l'autorité dtf
droit ..divin fur les Fidèles & Air les Pré*
tres qui les conduisent , le gage sensible
de l'union de J. C avec son Eglise , la
participation immédiate de la puissance du
Fils de Dieu lui-même, la íourec primi-*
tive du pouvoir de Her & dé délier suc
la Terre , de conférer la Grâce & de la
suspendre* de rendre présente la Victime
adorable ôc de l'immolct!, Quelle dignité
que celle qui réunit en soi de si grandes
choses , mais aussi de la part de notre
Saint, quelle vertu, quelle capacité à
tous égards , quelle répugnance à aceep.
ter tant de grandeur.Pen rendirent digne l
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette première Parrîe. Reprenons.
U semble, Chrétiens, que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon»
de,si son cceiK n'eût été spécialement desti
né de Dieu pour être à lui. La Cour , où sa
naissance Cappella dès ses premières an
nées- la Cour est-elle l'ecole ordinaire de
í* vcítu- > Cet âge même où lc coeur tout
m
FEVRIER. 1730. t7t
m bute aux passions , à peine Ce trouva
libre , est peut-être moins dangereux , 8ç
foubliois presque de vous dire que Sul
pice fut au Seigneur dès le point du jour,
itomme parle le Prophète , dès fa jeunesse,
parce que j'ai quelque chose de plus glo
rieux pour lui à vous dire ; c'est qu'il fut
au Seigneur dans des lieux, the'atre uni
versel desfoiblesses & des vanitez humai
nes , à la Cour. Ce n'est donc pas ici ,
Chrétiens 4 une vertu à l'abri des dangers
du siécle ; c'est une vertu à l'épreuvc des
charmes & des engagemens du monde le
plus séduisant, que l'on appelle le grand
monde , une vertu constamment sollicitée
& constamment victorieuse. . . .
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout son jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repré
sente dans fa Retraire domestique , &
voici comment il en parle.
Il quitte donc cette Cour, où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime,
où font réunis ensemble tous les faus
biens qu'il n'aime pas j il se fait de sa
maison une retraite particulière aussi inr
accessible aux attaques des folles passions
que le fut jamais celle des Hilarions 8c
des Antoines. La solitude Chrétienne ,
mes frères , ne pensez pas qu'il faille ab
solument l'aller cherchée dans l'ornbre
>7* MERCURE DE FRANCE. ...^
-du Cloitre ou dans l'horreur des Déserts.'
,Un coeur tumultueux , plein des ide'es
des engagemens du siécle ne feroit pas
seul dans les Antres profonds de la Thé-
.baïde même. La vraye solitude est souyent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les senti-» ,
.mens qui y font conformes dans le coeur,
L'Orateur , en parlant de l'humble
•résistance de S. Sulpice , lorsque son Evo
que voulut l'ordonner Prêrre, dit: T'
Malgte' un attrait naturel pour cet état ,
3e Serviteur de Dieu, par un effet de cette
íhurnilké qui met le comble à sa vertu re
fuse de repondre à un dessein qu'a fait
jiaître sa vertu même, & pour le fairô
passer de l'état laïque à la Cléricature,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le saint Evêque engage les Princes à
íe joindre à lui. C'est ainsi que la mo
destie des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait exécuter fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modestie.
Vous résistiez donc en vain , digne Disci
ple de J. C. yous en deviez être le Prêrre ,
parce que vous en fûtes la Victime. Il étoit,
il étoit convenable que vous pussiez osfric
à l'Autel l'Agneau sans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous sçaveát .
É?éja ce qu'il fut dans la vie scculkre,Chré.
liens
FEVRIER. 1730. *73
{tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans,
le Sacerdoce. . . Sa vie inspire, persuade
la vertu que respirent tous ses discours 4
íes exemples font citez dans les familles ,
son simple aspect est une leçon , son seul
nom rappelle une idée salutaire. De'ja se
répand le bruit de sa sainteté dans les Pro
vinces voisines. La Cour l'entendir, & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par !»
sainteté de ses fonctions , que considérable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit au
près du Monarque . • . Mais il s'agissoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& son Evêque fut intéressé pour cela ; car
Comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à re
cevoir le Sacerdoce , le Prince n'eut aust|
jamais pû fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y sic
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édisie de nouveau. La Cour , quelques
passions qui y règnent s n'en est pas moins
pleine d'estime pour la vertu , & fans la.
pratiquer mieux que le peuple , elle fçaic
& la connoître mieux & la respecter dar
vantage.
Rien n'est plus beau & plus délicat que
1c Porcraic que fait V dateur de son Saint;
úm
*74 MERCURE DE FRANCE. - "
áans le crédit que lui donnoient fa Char»
,ge de Grand- Aumônier & l 'amitié de Clo-
,«aire.
Clotaire , dit-il , qui lui doit la conser
vation de ses jours , veut qu'il ait aux
affaires une part considérable , qui ne fut
jamaisl'objet de ses voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
;la conduite que vous tenez quelquefois
^ur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
secret de votre face, cependant pour lc
bien de leurs frères , pour l'honneur mêjne
de la vertu , vous les menez de temps
jcn temps comme par la main fur la Scène
changeante du monde , vous leur faites
trouver grâce devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompense aux bons Rois,
À qui ils font nécessaires.
Ensuite l'Abbé Seguy fait voir S. S ulice
attentif dans fa faveur à ménager pou r
a timide vertu la protection du Monar
que , charmé de pouvoir prêter la voix
aux larmes des malheureux , se rendant
cher à sa Nation , comme un autre M ardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant lc secret de
ne mécontenter personne, malgré l'impuissance
, de procurer des grâces à tous,
conduisant & exécutant tout ce qu'il se
propose
t
FEVRIER; 1730. 171
propose par une nouvelle sorte de politi
que., la droiture & la sincérités agissanc
afec zele & avec zele sçlon la science
dans tout ce qui a rapport à la Religion ,
& qui demande l'appui de l'autorité Roya
le pour l'Eglise ; enfin dans une situation
où d'autres sacrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne sacrifier que son repos : tel & plus
grand encore par le saint usage de son cré
dit étoit Sulpice, Chr. Aud. & s'il n'est pa»
le seul1 que son Portrait vous représente,
c'est une heureuse ressemblance qui honore
notre siécle. Au reste , il est bon pour votre
instruction , mes Frères , que vous remar
quiez la cause du saint usage que fit Sulpice
de sa faveur à la Cour, & la raison du bon
heur qu'il eut d'y conserver sa vertu dans
tous les temps. Dieu l'y avoit appelle ; &
parce qu'il l'y avoit appelle , il le sauva,
des écueils dangereux contre lesquels onc
brisés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appelle , il le mit au-dessus des foiblesses
ordinaires du sang , il lui fît oublier le
soin de l'élevation des siens & de leur
fortune particulière ; parce qu'il l'y avoie
appelle , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaisir qui y règne , il se servit
de lui pour y confondre les voluptueux
par son exemple ; parce qu'il l'y avoit
a^pellé, il fit faire en lui la voix de la
g cupidit4
íT6 MERCURE DE FRANCeI^I
cupidité , il lui donna ce détachement ÍÎ
nécellâire à qui peut obtenir tout ce qu'il
désire ; parce qu'il l'y avoit appelle , il
lui conserva au milieu de la pompe &c du
luxe de la Cour , un gout constant pour
la simplicité la plus modeste 3, parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un esprit de
retraite qui l'engageoit à se dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au loin de recueillir son coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il justifia fa voca
tion. Ceux que Dieu lui-même expose,,
sont dans le monde fans appartenir au
monde -, Dieu est avec eux , mais aussi
ceux qui s'exposent sans son aveu, y pensent-
ils sérieusement ....
Si Sulpice y eût été porté par ses pro
pres conseils , il y auroit fait infaillible
ment naufrage. La Providence qui veut
peut-êtte tel d'entre vous loin du tumulte
du monde, le voulut long-temps lui au
rnilieu des dangers du siécle , & elle avoit
ses raisons. Ce n'étoit pas fans dessein,
qu'elle l'avoit fait naître avec les avan
tages des richesses & du rang , qu'elle lui
fit passer plusieurs années parmi les déli
ces & les vaihes pompes contre lesquelles
il étoit obligé de se deffendre. Elle le des.
«inpit à remplir dan&son Eglise une place
fEVRIER. 1730. 277:
^ni pour erre sainte , sacrée, de droit di
vin , n'en expose pás moins aux périls in
séparables des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentation»
de la grandeur & de l'abondance , est feule
digne de remplir.Car depuis que les Chrér
tiens , trop indignes de leurs premier*
Ancêtres , ont renoncé à cette heureuse
pauvreté qui fut comme le berceau de leuc
Religion , depuis que l'amour des abbaifiemens
a fait place chez eux aux fatales
chimères de l'orgueil, il a fallu appuyer
l'autorité Episcopale de tout ce que l'ofmlence
, le rang ont de plus imposant à
eurs yeux. Sulpice avoit donc beloin d'u
ne vertu, éminente > éprouvée., pour ré
pondre dignement aux desseins de Dieu
fur lui , & vous avez vû si la sienne ne
fut pas telle, in integritate\ mais la vertu
feule n'eût pas suífi sans une capacité pro
portionnée à fa destination , in doftrina...
Il l'avoit , & si vous me demandez com
ment parmi les distractions & tumulte du
siécle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva 3 force
d'attention à saisir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous fe
rai ressouvenir de cette Retraite domcstN
que de plusieurs années où tout son temp»
jgtoit partagé entre Dieu & une étude re-
P i) glce
' ' '
*78 MERCURE D£ FRANCE; .
glée qui avoic rapporc à lui. Lorsqu'il so
faisoit ainsi par principe d'occupation un
fond de saintes connoissances , il ne prêt
voyoit pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... U n'e'toit pas
moins propre à annoncer les veritez Evan
géliques aux Grands, qu'à instruise les
petits & à cathéchiser les Habitans des
Campagnes , il éclaircuìoit les doutes des
âmes timorées , il assermissoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à son Evêque
Blême qui le consultoit. .....
Voilà ce que c'étoit que les lumières
de Sulpice, Chrétiens Auditeurs, elles
ne faisoient point peut-être cette science
si étendue, li variée, de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faisoient
une science utile à son prochain , à luimême
, & sur tout sobre, modeste , s'arrêtant
où elle devoit ; & plut à Dieu que
plusieurs de nos frères n'en eussent point
d'autre , qu'ils fussent & bien plus hum
bles ôc moins curieux, & par là moins
sujets à des égaremens déplorables. Car ,
ô Ciel ! vous confondez le téméraire re
gard qui veut s'élever jusqu'à la hauteuç
inaccessible des trésors de votre sagesse*
Rendez- nous l'heureuse simplicité des pre
miers temps de l'Eglise.'On ne sçavoit pas
disputer, ah I mais on sçavoit obéïr. . . . ,
L'Orateur , après avoir pafl[é avec un
«P*
FEVRIER. i7?ò. if9
írt infini au troisième Chef de sa subdi-,
vision , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau spec-i
tacle. C'est une aíTemble'e d'esprits violens
& factieux , qui se calme au seul nom de
Sulpice. Le Siège Episcopal e'toit vacant
& le peuple, alors maître du choix de son
Evêque.étok divisé en plusieurs partis qui
«n alloient venir aux mains , si une voix
sortie du milieu de tant de clameurs, n'eût
tout-à-coUp nommé Sulpice. A un nom
si respecté les troubles cessent, les esprits
font d'accord , & cette Assemblée tumul
tueuse , dont les cris differens étoient la
voix de mille passions différentes , devient
eh un moment par la réunion inespérés
de ses suffrages, l'Infcrprete du choix de
Dieu-même. Mais voici un spectacle plus
grand encore } c'est Sulpice qui refuse
d'accepter la dignité sacrée qu'on lui dé
fère ; on le presse & il résiste pour la pre
mière fois à la volonté de son Dieu , mais
remarquez qu'il y résiste dans une occa
sion où il est beau , j'ose le dire , de la
méconnoître .... c'est mériter l'Episcopat
que d'avoir la pieté , la science né
cessaire pour en exercer avec fruit les
fonctions augustes ; le refuser toutefois
par Religion , c'est avoir un mérite aufli
éminent que la place même. .. .
La résistance de Sulpice aux empréssemens
du peuple , venoit de son profond[
*8a MERCURE DE FRANCE,
respect pour la dignité sacrée qu'il mt*
ritoit si parfaitement, il regardok l'Episcopat
comme le caractère le plus auguste, le
plus élevé dont un Chrétien puisse être
revêtu ici bas. Il avoir toujours été parti
culièrement recommandable par son res
pect pour les premiers Oints duSeigneur,
& il vivoit dans un siécle où des discours»
injurieux à leur gloire , étoient un crime
presque inconnu. >
L'Abbé Seguy termine cette première
Partie pat une morale forte & convena
ble., & passe à son second Point , où it
fait voir S. Sulpice soutenant dignement
le poids immense de l'Episcopat»
La plus grande idée qu'on puisse don
ner d'un Ministre du Seigneur, n'ëst pas;
de dire qu'il mérita d'être honoré du ca
ractère Episcopal ; non , quelque grand
que soit un, tel éloge : mais dire qu'ayant
ïeçû ce caractère sacré , il le mérita tou
jours , est la suprême louange. Il y a
Chrétiens entre la gloire d'être élevé pas
fes vertus à une dignité éminente &c celle
d'en remplk parfaitement les devoirs, une
différence qu'il est aisé de sentir.pour peu
qu'on y réfléchisse . ... Audi parmi rant
d'hommes que les suffrages des peuples
élevèrent 3ux places les plus augustes ;
combien en a-t'on vû qui en auroient
toujours paru dignes s'ils ne les eussent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Egifç
i
Ê E VRIER. 1730. M
-tèçat y ôc avant d'y parvenir , & après
y êtrcparvenUjjustifia pleinement le choix
de son peuple, & cela par Pesprit de son
gouvernement , par ses travaux , par se*
succès mêmes. '
L'Abbé Seguy, dans le premier mem
bre de cette subdivision , fait voir Pesprit
du gouvernement du S. Evêque comme
nn esprit de bonté , de fermeté, de sagesse,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pasteur à Poccasion des ve
xations inoiiies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la misère du)
peuple. 1
Sulpice én est témoin', dit Phabile Pa--
-ft-egyriste , & ses entrailles paternelles en
font émues. Il s'adresse avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus tou
chante peinture de Pétat déplorable de
son peuple, il les conjure au nom du Dieu
■ée bonté de cesser d'indignes poursuites,:
qui auiïì bien ne servent qu'à réduire au
plus affreux desespoir une partie de sort
troupeau, & sans doure il leur auroit ins
piré des fentimens plus humains, si de tels
coeurs en eussent été capables. Eh bien ,
cruels ! je me fuis inutilement abbaiffé
jusqu'à la prière -, il ne me reste qu'à vous
lancer les foudres spirituels qui m'ont été
confies. A Dieu ne plaise , que je m'op-
D iiij pose
*#* MERCURE DE FRANCÈ
pose aux ordres du Prince ; ce n'est páS
a vos pareils qu'il est donné de lui être
plus soumis & plus attachez qu'un Evê
que. Mon Rot n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez. Je lui écris-,
il nous fera fçavoir sa volonté souverai
ne... Je vous abandonnerai , s'il l'exige,
& le Troupeau & le Pasteur même ; mars
en attendant n'espérez pas que je souffre
votre barbarie 5 je ne verrai point écraser
ainsi mon peuple , dont lés cris me dé
chirent ; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner.
Fermeté héroïque, Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu-,
je l'avoue , ses dangers ; mais l'esprit de
sagesse égak toûjours en Sulpice l'esprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fa~
■pievtì* & intelleSius. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les per
sécutions des Publicains barbares , il ex
horte d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les sentimens d'atta
chement 8c d'obéissance qu'il doit à son
Souverain , il paraît prêt à accabler da
poids de son indignation quiconque óferoit
s'en écarter, & cependant il conjure
celui qui tient en ses mains les coeurs des
Rois-, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit succédé à Clouirc.
L'ait
FEVRIER. 1730. igj
L'art avec lequel l'Oratcur entre dans
la seconde partie de sa subdivision, & la
manière dont il décrit les travaux Aposto
liques du saint Evêque , auroient ici leur
place , si on pouvoit abréger cet endroit
sans le gâter. . . .
Que vous dirai-je de plus ? aussi infa
tigable , aussi prompt que plein de zelc ,
occupé sans relâche , íans altération , il
ne l'est que des intérêts du Ciel & du foin
de son Diocèse. U ne tient d'une main qu'à
ses Ouailles & de l'autre qu'à son Dieu.
L'article des succès du saint Evêque est
traité avec la même dignité & le même
feu. La conversion des Juifs de Bourges
faite par son ministère , n'y est pas ou
bliée , & l'Orateur pour relever ce grand
succès , parlant de ['obstination des Juifs
dit ... . malheureuse race , ton aveugle
ment est la peine de tes ingratitudes. C'est'
du trésor de la colère qu'est sortie ton
obstination insensée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes im
primez fur toi les signes les plus marquezde
fa colère , & toi feule ne les reconnòfs
pas ; tu gardes chèrement les Livres saints
où fe lit ta condamnation manifeste , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas ; & fi
par une eípece de prodige la vérité puis-
, v ; D v saute
i84< MERCURE DE FRANCE;
íante arrache à quelques-uns des tiens le*
fatal bandeau , ne les voit-on pas presquo
toûjours lui enlever peu de temps après
fa victoire ,& lui voiier une haine plus
cruelle que jamais ; ainsi se justifient les
oracles de tesProphetes par qui a été pre'dk
ton endurciflemenr déplorable. \4ais,Chrétiens,
Sulpice devoir avoir la gloire de
triompher de tant d'obstination. Il prêche
donc J. O crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un sujet de scandale , iÈ
lutte contre leurs opiniâtres préjugez Sc
il en triomphe. Ce ne font plus ces enne
mis irréconciliables de rHomme-Dieu ;
ce font des vaincus, qui trop contens de
l'être, baignent de larmes de joye les ar
mes qu'ils remettent au vainqueur. Que
j'aime á les voir gémir amoureusement au
pied de>Ja Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée. Plus de différence:
de culte dans la même Ville. Les enfans
de Sara Sc d'Agar se font réunis. Que les
Esprits Célestes en soient transportez de
joye , que l'Eglise en faíse retenrir ses
Temples de Chanrs d'allegreíse , que la
Îostcrité de ces Esclaves devenus libres en
. Chemise à jamais ta mémoire du siint:
Pasteur lonr Di u s'est íervi pour renou-
Tcller fur letirs pères Sc fur eux ses an
ciennes miséricordes.
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Résumé : EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
Le 17 janvier 1730, l'abbé Seguy, nommé par le roi à l'abbaye de Genlis, prononça un discours panégyrique de Saint Sulpice dans l'église paroissiale de Saint Sulpice, suscitant une admiration universelle. Ce discours confirma sa réputation, déjà établie par un précédent succès. L'extrait du panégyrique de Saint Louis ayant été bien accueilli, le public attendait avec impatience celui de Saint Sulpice. L'abbé Seguy accepta de partager son discours, qui fut publié dans le Mercure de France. L'orateur choisit comme texte les paroles de l'Ecclésiastique : 'Il lui fut donné de remplir l'office de prêtre, et de louer son nom.' Il souligna que louer un homme ayant mérité le sacerdoce et la plénitude du pontificat est le plus sublime des ministères, celui de pacificateur et médiateur entre Dieu et son peuple. Saint Sulpice fut présenté comme un homme destiné au gouvernement de l'Église, préparé dès son enfance à la dignité de pasteur. Le discours se structura autour de deux axes principaux : la préparation parfaite de Saint Sulpice à la dignité épiscopale et l'accomplissement entier des devoirs attachés à cette fonction. L'orateur insista sur la grandeur du ministère épiscopal, qui est le tribunal irréprochable de la foi, la succession des Apôtres, et l'autorité divine sur les fidèles. Saint Sulpice, malgré les dangers et les séductions de la cour, resta fidèle à sa vocation. Il quitta la cour pour une retraite domestique, refusant les honneurs et les passions mondaines. Son évêque et le prince Clotaire II durent insister pour qu'il accepte le sacerdoce et des responsabilités plus importantes. À la cour, il se distingua par sa vertu, son humilité et son zèle pour la religion. L'abbé Seguy conclut en soulignant que Saint Sulpice, appelé par Dieu à la cour, y conserva sa vertu grâce à la protection divine. Il utilisa son crédit pour le bien de l'Église et des malheureux, restant toujours humble et détaché des plaisirs mondains. Le texte traite également de la vie et des vertus de Sulpice, un homme d'Église ayant occupé une place éminente dans son diocèse. Sulpice a passé plusieurs années à se défendre contre les délices et les vaines pompes, tout en remplissant une fonction sacrée et divine dans son Église. Sa vertu, éprouvée par les tentations de la grandeur et de l'abondance, était nécessaire pour répondre aux desseins de Dieu. Sulpice a acquis une capacité proportionnée à sa destination grâce à une attention constante et à une retraite domestique dédiée à l'étude et à la prière. Lorsqu'il a été nommé évêque, Sulpice a refusé la dignité sacrée par humilité, mais il a finalement accepté pour répondre à la volonté divine. Son gouvernement épiscopal était marqué par la bonté, la fermeté et la sagesse. Il a protégé son peuple contre les cruautés des exacteurs d'impôts et a exhorté les riches à payer leurs tributs tout en recommandant l'obéissance au souverain. Sulpice a également mené des travaux apostoliques infatigables, convertissant notamment les Juifs de Bourges. Sa vie et son œuvre ont été marquées par une science utile, sobre et modeste, toujours au service de son prochain et de Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1096-1100
LETTRE écrite d'Apt, sur une Inscription antique.
Début :
Je ne sçai, Monsieur, si vous agréerez l'usage que je veux faire d'une Inscription [...]
Mots clefs :
Inscription antique, Chrétiens, Paganisme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Apt, sur une Inscription antique.
LETTRE écrite d'Apt , fur une Infcription
antique.
E ne fçai , Monfieur , fi vous agréerez
Jura
cription qu'on a découverte au voisinage
de notre Ville ; elle eft gravée en beaux
caracteres Romains , & contient les ра-
roles fuivantes ::
T. TROCIVS VIRILIS.
SIBI ET
MARIAE PRIVATAE
VX.SORI. T. F. I ..
C'est-à-dire , Titus Trocius Virilis a
ordonné par fon teftament qu'on dreffât
ce fepulchre pour lui & pour Marie Private
fa femme..
On ne trouve pas que le nom de Marie
ait été ufité pendant le Paganifme, ni qu'il
ait été donné à des perfonnes du fexe qu'après
la publication de l'Evangile , & à
celles feulement qui faifoient profeffion
du Chriftianifme ; car quoique dans une
Infcription trouvée à Valence en Daus
phiné , & rapportée par Spon dans fes Recherches
d'Antiquités , il foit fait mention
1. Vol. d'une
JUIN. 1730. 1097
d'une Verutia Maria fille de Marius , on
voit bien que c'eft ici un nom de famille
different de celui de notre Marie Private,
lequel fervant de prénom ou de nom propre
, ne peut avoir été impofé qu'à une
chrétienne ; cela fuppofé , je trouve dans
cette Infcription des caracteres qui me la
font porter bien plus avant que du tems
où nos Critiques modernes placent l'introduction
de la foi dans notre Province ;
ma raiſon eft qu'étant ainfi conçûë fans
aucune marque de Chriftianifme , fi l'on
excepte le nom de Marie , cette circonftance
nous donne à connoître qu'elle doit
être placée dans les tems orageux de l'Eglife
, & lorfque les Chrétiens n'ofoient
fe produire par des fingularités qui les
auroient trop défignés ; en effet,on n'y voit.
ni la Croix , ni le Chiffre Grec du nom
de Chrift que Conftantin mit fur les Etendarts
, & qui étoit long- tems avant lui en.
ufage parmi les fideles , comme Bofio &.
Arringui l'ont remarqué fur plufieurs
tombeaux dans leur Rome fouterraine
ni rien enfin qui dénote le Chriftianifine,
ce font là autant d'indices de l'ancienneté
de notre Infcription ; car je ne penſe pas
qu'on fut fondé de la mettre dans un tems
pofterieur à la Conftitution des Empereurs
Theodofe & Valentinien , publiée l'an du
Salut 427. & inferée dans le Livre premier
I. Vol.
du
1098 MERCURE DE FRANCE
du Code Juftinien fous cette Rubrique :
Nemini licere fignum Salvatoris Chrifti bumi
, vel in marmore , vel in filice fculpere
aut pingere. L'attachement que les Chrétiens
avoient pour le fimbole de notre falut,
avoit fait de fi grands progrès fous ces
Empereurs, qu'ils jugerent à propos d'arrêter
l'abus qui s'en étoit enfuivi ; mais ils
deffendent feulement par cette Conftitution
de graver ou de peindre le figne de
la Croix à plate terre , humi , afin qu'il ne
foit pas foulé aux pieds , ce qui n'a aucun
rapport avec notre infcription , laquelle
fe trouve gravée fur une pierre qui devoit
être élevée fur terre , & hors d'état de tomber
dans le cas prévu par Theodofe &
Juftinien ; d'ailleurs les Infcriptions
qu'on mettoit fur les tombeaux des Chrétiens
étoient alors conçues d'une autre
maniere , & n'avoit pas ce goût qui fe
reffent fi fort du Paganifme ; de forte que
celle- ci paroiffant d'un âge plus ancien
on doit neceffairement la placer dans un
tems qu'on n'avoit pas encore introduit,
ou plutôt qu'on n'ofoir introduire l'ufage
de mettre dans les Inferiptions fepulchrales
des marques de notre Religion ,
ni rien enfin qui pût fervir à diftinguer
les fideles d'avec les Payens .
Dans la Naiffance de l'Eglife , les Chrétiens
ou par l'apréhenfion d'être décou-
I. Vol. verts,
JUIN. 1736. 1099
verts , ou par un refte d'attachement aux
anciens ufages , n'exclurent pas toutes les
pratiques du Paganifme ; ils s'appliquetent
feulement à les fanctifier. On trouve
divers tombeaux de ces premiers Chré
tiens avec ces deux lettres D. M. que les
Payens mettoient à la tête des Infcrip
tions fépulchrales , mais ils leur donnoient
une explication differente , & au lieu de
les appliquer aux Dieux Manes , Diis Manibus,
ils les dédioient au Dieu très grand,
Deo Maximo , ce qui eft encore en ufage.
Les Chrétiens fe diftinguerent infenfiblement
par l'Alphabet & l'Oméga des
Grecs pour fignifier que comme ces deux
Lettres commencent & terminent l'Alphabet
, Dieu eft le commencement & la
fin de toutes chofes , par le Monogramme
de Chrift , par la Croix & enfin
par des
formules particulieres qui fervent encore
à diftinguer le tombeau d'un Chrétient
d'avec celui d'un infidele , comme benè
merenti , depofitus , feu depofitio , quiefcit in
pace , vixit in feculo , tranfiit , bona memoria
& quelques autres mais on ne
commença d'en ufer ainfi que dans le
calme de l'Eglife , & lorfque les Empereurs
après avoir renoncé aux vaines fuperftitions
du Paganifme , eurent embraffé
la Religion de Jesus-Chrift , ou tout au
plutôt dans le troifiéme fiecle ; de forte
I. Vol que
1100 MERCURE DE FRANCE
que notre Infcription n'ayant aucune de
ces marques , & le trouvant dediée à une
Chrétienne , comme il réfulte fort appa
remment des preuves que je viens de donner
, je perfifte dans l'opinion où je fuis
qu'on doit la placer dans un tems plus
ancien , c'est-à- dire , dans le premier âge
de l'Eglife naiffante où l'on ignoroit encore
toutes ces pratiques , & que la fureur
des perfécutions ne permettoit pas aux
Chrétiens de fe diftinguer par des fingu→
larités qui les auroient trop découverts ,
d'où je conclus, ce que j'ai voulu établir
que notre Province a eu le bonheur d'être
éclairée des lumieres de la foi beaucoup
plutôt qu'on ne veut nous l'accorder
. J'ai toûjours l'honneur d'être & c.
antique.
E ne fçai , Monfieur , fi vous agréerez
Jura
cription qu'on a découverte au voisinage
de notre Ville ; elle eft gravée en beaux
caracteres Romains , & contient les ра-
roles fuivantes ::
T. TROCIVS VIRILIS.
SIBI ET
MARIAE PRIVATAE
VX.SORI. T. F. I ..
C'est-à-dire , Titus Trocius Virilis a
ordonné par fon teftament qu'on dreffât
ce fepulchre pour lui & pour Marie Private
fa femme..
On ne trouve pas que le nom de Marie
ait été ufité pendant le Paganifme, ni qu'il
ait été donné à des perfonnes du fexe qu'après
la publication de l'Evangile , & à
celles feulement qui faifoient profeffion
du Chriftianifme ; car quoique dans une
Infcription trouvée à Valence en Daus
phiné , & rapportée par Spon dans fes Recherches
d'Antiquités , il foit fait mention
1. Vol. d'une
JUIN. 1730. 1097
d'une Verutia Maria fille de Marius , on
voit bien que c'eft ici un nom de famille
different de celui de notre Marie Private,
lequel fervant de prénom ou de nom propre
, ne peut avoir été impofé qu'à une
chrétienne ; cela fuppofé , je trouve dans
cette Infcription des caracteres qui me la
font porter bien plus avant que du tems
où nos Critiques modernes placent l'introduction
de la foi dans notre Province ;
ma raiſon eft qu'étant ainfi conçûë fans
aucune marque de Chriftianifme , fi l'on
excepte le nom de Marie , cette circonftance
nous donne à connoître qu'elle doit
être placée dans les tems orageux de l'Eglife
, & lorfque les Chrétiens n'ofoient
fe produire par des fingularités qui les
auroient trop défignés ; en effet,on n'y voit.
ni la Croix , ni le Chiffre Grec du nom
de Chrift que Conftantin mit fur les Etendarts
, & qui étoit long- tems avant lui en.
ufage parmi les fideles , comme Bofio &.
Arringui l'ont remarqué fur plufieurs
tombeaux dans leur Rome fouterraine
ni rien enfin qui dénote le Chriftianifine,
ce font là autant d'indices de l'ancienneté
de notre Infcription ; car je ne penſe pas
qu'on fut fondé de la mettre dans un tems
pofterieur à la Conftitution des Empereurs
Theodofe & Valentinien , publiée l'an du
Salut 427. & inferée dans le Livre premier
I. Vol.
du
1098 MERCURE DE FRANCE
du Code Juftinien fous cette Rubrique :
Nemini licere fignum Salvatoris Chrifti bumi
, vel in marmore , vel in filice fculpere
aut pingere. L'attachement que les Chrétiens
avoient pour le fimbole de notre falut,
avoit fait de fi grands progrès fous ces
Empereurs, qu'ils jugerent à propos d'arrêter
l'abus qui s'en étoit enfuivi ; mais ils
deffendent feulement par cette Conftitution
de graver ou de peindre le figne de
la Croix à plate terre , humi , afin qu'il ne
foit pas foulé aux pieds , ce qui n'a aucun
rapport avec notre infcription , laquelle
fe trouve gravée fur une pierre qui devoit
être élevée fur terre , & hors d'état de tomber
dans le cas prévu par Theodofe &
Juftinien ; d'ailleurs les Infcriptions
qu'on mettoit fur les tombeaux des Chrétiens
étoient alors conçues d'une autre
maniere , & n'avoit pas ce goût qui fe
reffent fi fort du Paganifme ; de forte que
celle- ci paroiffant d'un âge plus ancien
on doit neceffairement la placer dans un
tems qu'on n'avoit pas encore introduit,
ou plutôt qu'on n'ofoir introduire l'ufage
de mettre dans les Inferiptions fepulchrales
des marques de notre Religion ,
ni rien enfin qui pût fervir à diftinguer
les fideles d'avec les Payens .
Dans la Naiffance de l'Eglife , les Chrétiens
ou par l'apréhenfion d'être décou-
I. Vol. verts,
JUIN. 1736. 1099
verts , ou par un refte d'attachement aux
anciens ufages , n'exclurent pas toutes les
pratiques du Paganifme ; ils s'appliquetent
feulement à les fanctifier. On trouve
divers tombeaux de ces premiers Chré
tiens avec ces deux lettres D. M. que les
Payens mettoient à la tête des Infcrip
tions fépulchrales , mais ils leur donnoient
une explication differente , & au lieu de
les appliquer aux Dieux Manes , Diis Manibus,
ils les dédioient au Dieu très grand,
Deo Maximo , ce qui eft encore en ufage.
Les Chrétiens fe diftinguerent infenfiblement
par l'Alphabet & l'Oméga des
Grecs pour fignifier que comme ces deux
Lettres commencent & terminent l'Alphabet
, Dieu eft le commencement & la
fin de toutes chofes , par le Monogramme
de Chrift , par la Croix & enfin
par des
formules particulieres qui fervent encore
à diftinguer le tombeau d'un Chrétient
d'avec celui d'un infidele , comme benè
merenti , depofitus , feu depofitio , quiefcit in
pace , vixit in feculo , tranfiit , bona memoria
& quelques autres mais on ne
commença d'en ufer ainfi que dans le
calme de l'Eglife , & lorfque les Empereurs
après avoir renoncé aux vaines fuperftitions
du Paganifme , eurent embraffé
la Religion de Jesus-Chrift , ou tout au
plutôt dans le troifiéme fiecle ; de forte
I. Vol que
1100 MERCURE DE FRANCE
que notre Infcription n'ayant aucune de
ces marques , & le trouvant dediée à une
Chrétienne , comme il réfulte fort appa
remment des preuves que je viens de donner
, je perfifte dans l'opinion où je fuis
qu'on doit la placer dans un tems plus
ancien , c'est-à- dire , dans le premier âge
de l'Eglife naiffante où l'on ignoroit encore
toutes ces pratiques , & que la fureur
des perfécutions ne permettoit pas aux
Chrétiens de fe diftinguer par des fingu→
larités qui les auroient trop découverts ,
d'où je conclus, ce que j'ai voulu établir
que notre Province a eu le bonheur d'être
éclairée des lumieres de la foi beaucoup
plutôt qu'on ne veut nous l'accorder
. J'ai toûjours l'honneur d'être & c.
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Résumé : LETTRE écrite d'Apt, sur une Inscription antique.
La lettre, rédigée à Apt, décrit une inscription antique découverte près de cette ville. Cette inscription, gravée en caractères romains, mentionne Titus Trocius Virilis et Marie Private, son épouse. Le prénom 'Marie' est associé au christianisme, car il n'était pas courant durant la période païenne. L'auteur souligne que l'inscription ne contient aucun symbole chrétien, comme la croix ou le chiffre grec représentant le nom de Christ. Cela suggère que l'inscription date d'une époque où les chrétiens évitaient d'afficher des signes religieux pour échapper aux persécutions. L'inscription est donc datée des temps difficiles pour l'Église, avant les constitutions des empereurs Théodose et Valentinien en 427, qui interdisaient de graver ou peindre le signe de la croix sur le sol. L'auteur en conclut que l'inscription doit être antérieure à l'introduction des marques religieuses dans les inscriptions funéraires. Cela place la province d'Apt parmi les premières régions touchées par la foi chrétienne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 492-495
LA PROVIDENCE, ODE.
Début :
O Vous, qui méritez les justes anathêmes [...]
Mots clefs :
Providence, Dieu, Bonté, Foi, Chrétiens, Seigneur, Moïse, Jonas
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PROVIDENCE, ODE.
LA PROVIDENCE ,
O DE.
O -Vous , qui méritez les justes anathêmes
Dont l'Eglise vous a frappés ,
Trop aveugles Auteurs , et trop tard détrompés
Allez dans les Enfers abjurer vos sistêmes ;
Dieu n'est point un maître inhumain
Il ne voit point avec dédain
Les ouvrages de sa puissance ;
Il les conserve tous ; l'insecte le plus vil ;
Le juste et le pecheur , le Juif et le Gentil
Annoncent sa magnificence.
諾
S'il est le Roi des Rois , s'il est le Dieu des
Dieux ,
S'il est Juge saint et severe ,
Il veut être nommé mon refuge et mon pere
Et sa bonté remplit et la terre et les Cieux ,
Elle fournit à nos délices ,
Elle asservit à nos caprices
?
La nature et les élemens ;
Seule elle sçait fixer la jeunesse indocile
Et seule elle soutient la vieillesse débile ,
Qui gémit sous le poids des ans.
}
Quelle
MARS. 17318 493
Quelle vive splendeur vient éclairer mon ame a
Grand Dieu ! j'adore tes decrets ,
Tu daignes à mes yeux dévoiler tes secrets ;
Terre , écoutez ; je cede à l'ardeur qui m'enflâme;
Je vois Noë braver les eaux ;
Ici des esprits infernaux
Moïse confond les prestiges ;
Là , triomphe Israël ; ses tyrans sont punis ;
Les flots émus , calmés , divisés , réunis,
M'attestent le Dieu des prodiges.
Qu'aperçois-je ? Joseph indignement lié
Au fond d'une prison obscure ;
Tout innocent qu'il est ,
il souffre sans murmure ,
Mais le Dieu de Jacob ne l'a point oublié ;
> Ses soupirs ont percé la núë :
C'est par une route inconnuë
Qu'il monte aux suprêmes honneurs :
Joseph passe soudain de la honte à la gloire ,
D'une indigne prison sur un char de victoire ;
Il doit sa joye à ses douleurs.
Ciel ! qu'entens- je ! les vents sur la liquide plaine
Se livrent d'horribles combats ;
La mer s'enfle et mugit ; rien ne trouble Jonas ,
il prie , adore , espere au sein de la Baleine.
Seigneur , tu le conduis au port ;
D v Tu
་
494 MERCURE DE FRANCE
Tu te déclares le support
D'un coeur pénitent qui t'implore ;
J'ai moi-même cent fois éprouvé ton secours ;
Pere tendre , déja tu veillois sur mes jours
Qui venoient à peine d'éclore.
粥
La nouvelle Sion en bute à mille assauts ,
Leve sa tête triomphante ;
On la poursuit en vain , les chrétiens qu'elle en
fante
Renaissent de leur cendre , et sur les échafauts
Je la vois toujours immuable ;
Sur ce rocher inébranlable
Ses ennemis sont écrasés ;
L'esprit Saint la dirige , et que peuvent contre elle
Les vents impétueux et leur soufle rebelle ?
Dès qu'il parle , ils sont appaisés.
Pardonne moi , Dieu saint , le murmure coupable
Qu'excita souvent dans mon coeur
De l'impie élevé le fastueux bonheur ;
Ce bonheur doit le rendre un jour plus misérable.
Il est un moment arrêté
Pour confondre l'iniquité :
Que ce moment sera terrible !
Le pêcheur dort au sein d'une trompeuse paix ;
La mort vient et le frappe , il gémit, vains regrets !
Le Juge est pour lors inflexible,
Oui ,
MARS. 1731. 495
Oui , je mets en toi seul et mon unique espoir
Et ma plus ferme confiance ;
De ton Verbe avec nous l'inéfable alliance
M'apprend que ton amour égale ton pouvoir ;
C'est cet amour que je réclame ;
Dans mon coeur allume sa flamme.
Dés lors je ne craindrai plus rien ,
L'indigence , les fers , la honte , la mort même ;
Eh ! Seigneur , quel revers peut craindre un coeur
qui t'aime ,
N'es-tu pas le souverain bien ?
Deus meus et omnia.
Poncy de Neuville , Prêtre.
O DE.
O -Vous , qui méritez les justes anathêmes
Dont l'Eglise vous a frappés ,
Trop aveugles Auteurs , et trop tard détrompés
Allez dans les Enfers abjurer vos sistêmes ;
Dieu n'est point un maître inhumain
Il ne voit point avec dédain
Les ouvrages de sa puissance ;
Il les conserve tous ; l'insecte le plus vil ;
Le juste et le pecheur , le Juif et le Gentil
Annoncent sa magnificence.
諾
S'il est le Roi des Rois , s'il est le Dieu des
Dieux ,
S'il est Juge saint et severe ,
Il veut être nommé mon refuge et mon pere
Et sa bonté remplit et la terre et les Cieux ,
Elle fournit à nos délices ,
Elle asservit à nos caprices
?
La nature et les élemens ;
Seule elle sçait fixer la jeunesse indocile
Et seule elle soutient la vieillesse débile ,
Qui gémit sous le poids des ans.
}
Quelle
MARS. 17318 493
Quelle vive splendeur vient éclairer mon ame a
Grand Dieu ! j'adore tes decrets ,
Tu daignes à mes yeux dévoiler tes secrets ;
Terre , écoutez ; je cede à l'ardeur qui m'enflâme;
Je vois Noë braver les eaux ;
Ici des esprits infernaux
Moïse confond les prestiges ;
Là , triomphe Israël ; ses tyrans sont punis ;
Les flots émus , calmés , divisés , réunis,
M'attestent le Dieu des prodiges.
Qu'aperçois-je ? Joseph indignement lié
Au fond d'une prison obscure ;
Tout innocent qu'il est ,
il souffre sans murmure ,
Mais le Dieu de Jacob ne l'a point oublié ;
> Ses soupirs ont percé la núë :
C'est par une route inconnuë
Qu'il monte aux suprêmes honneurs :
Joseph passe soudain de la honte à la gloire ,
D'une indigne prison sur un char de victoire ;
Il doit sa joye à ses douleurs.
Ciel ! qu'entens- je ! les vents sur la liquide plaine
Se livrent d'horribles combats ;
La mer s'enfle et mugit ; rien ne trouble Jonas ,
il prie , adore , espere au sein de la Baleine.
Seigneur , tu le conduis au port ;
D v Tu
་
494 MERCURE DE FRANCE
Tu te déclares le support
D'un coeur pénitent qui t'implore ;
J'ai moi-même cent fois éprouvé ton secours ;
Pere tendre , déja tu veillois sur mes jours
Qui venoient à peine d'éclore.
粥
La nouvelle Sion en bute à mille assauts ,
Leve sa tête triomphante ;
On la poursuit en vain , les chrétiens qu'elle en
fante
Renaissent de leur cendre , et sur les échafauts
Je la vois toujours immuable ;
Sur ce rocher inébranlable
Ses ennemis sont écrasés ;
L'esprit Saint la dirige , et que peuvent contre elle
Les vents impétueux et leur soufle rebelle ?
Dès qu'il parle , ils sont appaisés.
Pardonne moi , Dieu saint , le murmure coupable
Qu'excita souvent dans mon coeur
De l'impie élevé le fastueux bonheur ;
Ce bonheur doit le rendre un jour plus misérable.
Il est un moment arrêté
Pour confondre l'iniquité :
Que ce moment sera terrible !
Le pêcheur dort au sein d'une trompeuse paix ;
La mort vient et le frappe , il gémit, vains regrets !
Le Juge est pour lors inflexible,
Oui ,
MARS. 1731. 495
Oui , je mets en toi seul et mon unique espoir
Et ma plus ferme confiance ;
De ton Verbe avec nous l'inéfable alliance
M'apprend que ton amour égale ton pouvoir ;
C'est cet amour que je réclame ;
Dans mon coeur allume sa flamme.
Dés lors je ne craindrai plus rien ,
L'indigence , les fers , la honte , la mort même ;
Eh ! Seigneur , quel revers peut craindre un coeur
qui t'aime ,
N'es-tu pas le souverain bien ?
Deus meus et omnia.
Poncy de Neuville , Prêtre.
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Résumé : LA PROVIDENCE, ODE.
Le poème 'La Providence' célèbre la puissance et la bonté de Dieu. Il critique les interprétations erronées de la nature divine et invite à les rejeter. Dieu est présenté comme un maître bienveillant qui protège toutes ses créatures, des plus humbles aux plus nobles, et manifeste sa magnificence à travers elles. Le texte met en avant la royauté, la justice, la bonté et la providence divine, qui soutiennent la jeunesse et la vieillesse. Le poète admire les œuvres de Dieu, illustrées par des événements bibliques comme le déluge, la sortie d'Égypte, et les épreuves de Joseph et Jonas. Ces récits montrent la protection et le soutien divin face aux adversités. Le texte évoque également la persécution et la résilience des chrétiens, guidés par l'Esprit Saint, et la justice divine qui confondra les impies. Le poète conclut en plaçant toute sa confiance en Dieu, affirmant que l'amour divin surpasse tout pouvoir et que rien ne peut effrayer un cœur qui aime Dieu. Il souhaite voir la flamme de cet amour allumée dans son cœur, le rendant invulnérable à l'indigence, aux fers, à la honte et même à la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2053-2066
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
Début :
Nous sommes, Monsieur, dans une année distinguée par la secheresse extrême [...]
Mots clefs :
Sécheresse , Bétail domestique, Bêtes fauves, Cerfs, Hiver, Prières publiques, Palestine, Chrétiens, Évêque de Lyon
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin,
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
La lettre adressée à M. Adam, médecin, discute de la sécheresse extrême de l'année 1731 et de la maladie des bestiaux dans certains pays. L'auteur compare cette sécheresse à celle décrite par Grégoire de Tours au VIe siècle, qui avait causé une grande mortalité parmi les animaux. Pour prévenir cette catastrophe, des prières ont été adressées aux saints protecteurs des lieux, notamment saint Étienne, dont les intercessions ont été jugées efficaces dans plusieurs diocèses. Des pratiques anciennes, comme les processions avec les reliques des martyrs, étaient également utilisées pour obtenir de la pluie en temps de sécheresse. La lettre mentionne l'exemple de saint Porphyre à Gaza, qui avait obtenu de la pluie par des prières et des jeûnes. La mortalité des bestiaux est souvent causée par la sécheresse excessive, qui les force à manger des feuilles d'arbres infestées d'insectes nuisibles. Le texte évoque également une fête célébrée dans plusieurs diocèses allemands, comme Trèves, Spire, Cologne et Mayence, visant à se protéger du tonnerre. Ce phénomène météorologique, nuisible aux animaux, aux hommes et aux édifices, est perçu différemment selon les régions. En France, malgré la célébration de cette fête dans certains diocèses allemands, le tonnerre frappe rarement ces lieux, contrairement à certaines paroisses françaises où il cause des dommages. L'auteur mentionne des croyances populaires en Champagne, où les paysans attribuent à Saint Abdon, martyr perse, le pouvoir de contrôler le tonnerre. Cette croyance est comparée à celle des païens de Gaza concernant l'idole Marnas. L'auteur exprime son ignorance quant au lien entre Saint Abdon et le tonnerre et regrette que Saint Cuthbert, évêque de Lindisfarne, n'ait pas connu ces croyances pour se protéger du tonnerre. La lettre aborde également la mortalité des bestiaux, attribuée non seulement aux grandes sécheresses mais aussi à d'autres causes. En Belgique, les religionnaires invoquent sainte Vivine pour guérir leurs animaux malades. Un Hollandais, ayant perdu vingt-quatre bestiaux et en ayant seize malades, les retrouva guéris après avoir imploré sainte Vivine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 2649-2659
Cassius et Victorinus, Tragédie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
La Tragédie de Cassius et Victorinus n'ayant été représentée au Théatre françois [...]
Mots clefs :
Tragédie, Cassius et Victorinus, Théâtre-Français, Histoire ecclésiastique, Chrétiens, Épée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Cassius et Victorinus, Tragédie, Extrait, [titre d'après la table]
La Tragédie de Cassius et Victorinus
n'ayant été représentée au Théatre françois qu'une au deux fois tout au plus par
semaine , il ne nous a pas été possible de
retenir la disposition du Poëme , scene par
scene, c'est pourquoi nous n'en donnerons
pas un Extrait bien précis ; le nom de M
de la Grange doit suffire au Lecteur , pour
lui persuader que rien n'y a manqué du
côtéde ce qu'on appelle Théatral ; nous
n'avons guere d'Auteurs qui s'y connoissent mieux que M. de la Grange. Il a pris
I. Vol son F vj
2650 MERCURE DE FRANCE
son sujet , selon toutes les apparences, dans
Gregoire de Tours ; voici ce que cet Historien en dit : C'est dans ce lieu , c'est-à- dire à Clermont en Auvergne , que Cassius
et Victorinus , unis en Jesus- Christ par un
amour vraimentfraternel, ont gagné le Royaumedes Cieux auprix de leur sang car l'Antiquité rapporte que Victorinus fut esclave
d'un Grand- Prêtre des faux Dieux , &
qu'ayant souvent exercé ses persécutions dans
un bourg qu'on appelloit communément le
bourg des Chrétiens , il en trouva un qui
s'appelloit Cassius , qui l'amena à la foi
de Jesus Christ par ses prédications et par ses
miracles ; il en fut si touché que renonçant
au culte des Idoles , et consacré par le baptê- me il se donna tout entier à l'exercice de
toutes les vertus chrétiennes. Peu de tems après
ayant été tous deux associez à la palme du
Martyre, ils monterent ensemble au Royaume des Cieux.
&
2
·
M. Baillet ne dit rien là- dessus qui ne
s'accorde parfaitement à ce que nous venons de dire ; voici ses paroles : S. Cassi
et S. Victorin honorez à Clermont en Auvergne le 15 de Mai, avec 6266. Martyrs tuez
par des barbares idolâtres , venus d'au- delà
du Rhin. S. Prix , Evêque de Clermont au
VII. siécle aroit composé leurs. Actes , qui
sontperdus. Victorin servoit un Prêtre idoİ. Vol. Tatre a
DECEMBRE. 1732. * 2651
latre; mais par la fréquentation qu'il avoit
avec Cassi , il se convertit et fut martyrisé.
et celui de S. Cassi se gardoient
encore à Clermont au dixiéme siécie.
Son
corps
Voilà tout ce que l'Histoire Ecclésiastique a fourni à l'Auteur de la Tragédie en
question ; ce qu'on appelle la Fable étoit
en bonnes mains. M. de la Grange a ennobli les personnages dont il avoit besoin ;
Victorinus , de simple serviteur ou esclave
d'un Grand Prêtre , cft devenu Grand- Prê
tre lui- même , et Cassius à qui Gregoire de
Tours nedonne aucune qualité, que celle de
Prédicateur de l'Evangile, est tiré de l'obscurité ou peut être le Ciel l'avoit fait naî
tre , pour se voir Pere d'un Empereur
sans avoir été Empereur lui-même ; ce
Claudius que M. de la Grange lui donne pour fils ne peut être que celui qu'on
appelle Claude le Gothique ; pour Victorinus , il ne suffisoit pas pour accommoder l'action théatrale aux mœurs du tems,
d'en avoir fait un Grand - Prêtre , il falloit
lui donner une fille digne de la recherche
d'un Empereur ; cette fille s'appelle Justine , et c'est elle qui donne lieu au peu
d'amour qui regne dans cette Tragédie ;
on auroit mêmefouhaité qu'il n'y en cut
point eu du tout.
Le premier Acte est employé presque
I. Vol. tout
2652 MERCURE DE FRANCE
>
tout entier à en exposer le sujet. Justine,
fille de Victorinus Grand-Prêtre des
faux Dieux , ouvre la scene avec sa confidente , laquelle la félicite sur la nouvel→
le dignité de Claudius son Amant que
l'armée vient d'elever à l'Empire. La joie
de Justine est balancée par la crainte de
F'avenir , la clémence que Victorinus son
Pere exerce envers les Chrétiens la fait
trembler pour lui ; elle sçait que Claudius
est porté à les persecuter par un motif
qu'on apprend dans la suite de la Piece ;
son Pere , loin de calmer ses allarmes ,
les redouble ; cependant il lui commande d'accepter la main qui la doit élever à
l'Empire ; quand même elle seroit teinte
du sang de celui qui lui a donné la vie.
Victorinus s'ouvre avec plus de liberté à
son confident : il lui dit qu'aussi-tôt qu'il
a appris la prochaine arrivée de l'Empereur , il a mis Gelas en lieu de seureté ;
ce Gelas qui passe pour son esclave , est
un Chrétien qui par un effet miraculeux
a sauvé sa fille Justine d'un monstre auquel elle étoit dévouée par les Oracles des Dieux. Son confident tâche de le rassurer en lui représentant que l'amour de
' Empereur pour sa fille , l'empêchera
bien de donner la mort à unChrétien qui
a sauvé sa Maîtresse.
I. Vol. L'arrivée
DECEMBRE. 1732. 2653
3.
L'arrivée deClaudius redouble la frayeur
de Victorinus ; ce Prince lui apprend
qu'en approchant de ce lieu, que l'Auteur
n'a pas designé aux spectateurs , il est entré dans des souterrains où des Chrétiens
célebroient leurs mysteres ; que ces victi
mes se sont jertées en foule au devant du
fer qui les attendoit ; qu'un seul de cette
troupe attendoit la mort sans la chercher,.
qu il n'a pû soutenir l'aspect de ce vénerable vieillard , sans un saisissement qui
Pa rendu immobile; qu'il a ordonné qu'on
l'épargnar's il se flatte que ce Chrétien
touch de sa clémence , pourra lui apprendre quels ont été les meurtriers de son
Pere , qui ayant disparu depuis quelques
années, sans qu'on en ait jamais oui parler,
avoit donné lieu de soupçonner que les
Chrétiens dont il étoit alors le plus ardent persécuteur , l'avoient assassiné. Le
portrait que Claudius fait de ce vieillard,
le lieu , et toutes les autres circonstances
ne laissent point douter Victorinus que
ce ne soit Gelas ; il demande grace pour
lui à l'Empereur , et pour le mieux exciter à la clémence , il lui dit que ce Chrétien a sauvé Justine d'une mort certaine;
Claudius attribue le respect et les sentimens de tendresse qu'il a conçus à l'asde ce Chrétien à une espece de pres- pect
>
I. Vola sentiment
2654 MERCURE DE FRANCE
sentiment qui lui a annoncé au fond du
cœur l'obligation qu'il lui avoit.
Le vieillard eft bientôt présenté à Claudius qui ne peut le revoir sans trouble ;
on verra dans peu que c'est un nouveau
pressentiment que la nature ajoute à celui
de la reconnoissance , et que ce premier
partoit de la même source. Gelas résiste
avec fermeté à la priere que Claudius lui
fait de renoncer au Christianisme , ou du
moins de le feindre , pour se dérober à la
fureur du peuple , des Prêtres et même de
l'armée. Claudius ajoute à cette priere le
motif qui le porte lui- même plus particu
liérement à persécuter ceux qu'il croit
avoir été les meurtriers de son Pere Cassius. Gelas après lui avoir dit que les Chrétiens sont incapables de pareils forfaits ,
lui annonce que son pere est encore vivant , qu'il est plus près de lui qu'il ne
pense , mais qu'il ne le connoîtra qu'après
qu'il lui aura fait donner la mort à luimême, par qui il apprend qu'il est encore
en vie. Cette espece d'Oracle prononcé
par une bouche si respectée , met Claudius dans une très - cruclle situation ; il ne
sçait à quoi se résoudre, et charge Victorinus,qui arrive , d'arracher le malheureux
à la mort.
Cette Scene entre Gelas et Victorinus
I. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2655
'est une des plus interessantes de la Tragédie , et c'est pourtant celle qui a donné
plus de prise à la Critique ; nous allons
en exposer le fond pour mettre nos Lecteurs en état d'en juger. Dans la Scene
précédente les Spectateurs viennent d'apprendre que Cassius n'est pas mort , mais
ils ne s'attendent pas à le revoir revivre en la personne de Gelas même ; ce
même Gelas , qui ne s'est pas découvert
à son propre fils , se fait connoître à Victorinus pour ce même Cassius que Claudius croit avoir été assassiné par les Chrétiens , et qu'il vange par tout ce que sa
fureur lui peut inspirer de plus cruel
contre ces innocentes victimes. Ce Cassius
avoit été , comme nous l'avons déja dit
un des plus implacables persecuteurs des
Chrétiens ; il raconte à Victorinus comment il a été converti à la Foy ; cette
description est très-belle , l'Auteur n'a
pas crû en pouvoir choisir un modele
plus frappant que dans les Actes des
Apôtres , et les Spectateurs lui ont sçû
bon gré de l'avoir puisée dans une sour
ce si capable d'inspirer une sainte terreur.
Mais comme ce qui nous saisit le plus
dans un Ouvrage , nous paroît le plus
digne de nos reflexions , on examine cette
Scene avec plus de séverité que toutes
I. Vol. les
2656 MERCURE DE FRANCE
les autres ; on ne souffre qu'avec beau,
coup de peine qu'un pere , dont le fils est
prêt à devenir le parricide , ne se fasse
pas connoître à lui ; on pese le silence
avec le mo if, et le motif n'est pas toutà-fait satisfaisant. Le faux Gelas dit à
Victorinus qu'il a fait serment de ne se
faire connoître à P rsonne pour Cassius :
pourquoi, done,dit-on, découvre-t'il son
nom et sa condition à Victorinus ? Son
serment est-il moins violé et ne seroitil pas plus raisonnable qu'il eût juré de
ne se faire jamais connoître à son fils , de
peur que la tendresse paternelle ne le
trahît jusqu'au point de retomber dans
ses erreurs par une foiblesse dont il craindroit de ne pouvoir triompher ? ce motif auroit quelque lueur de vrai-semblan- ·
ce , et contribueroit un peu à faire excuser l'indiscretion du serment. Ce serment, ajoûte- t'on , seroit toûjours trèscondamnable , puisqu'il seroit fait contre
son propre fils , qui , par le silence de
son pere , perd la grace de la conversion
et par l'erreur dont ce même pere devient complice , est visiblement exposé à
devenir parricide : un pere , dit-on , est
obligé parmi les Chrétiens , à élever son
fils dans la seule Religion où il peut se
sauver , et celui- cy laisse le sien dans le
1. Vol.
Paganisme
DECEMBRE. 1732. 2657
Paganisme qui doit le perdre à jamais.
Voilà les plus fortes Critiques qu'on a
faites sur cette Tragédie ; achevons d'instruire le Lecteur de ce qui lui reste encore à sçavoir. Victorinus après quelques
objections très-sensées qu'il a faites à Cassius , lui promet le secret qu'il lui demande , d'autant plus qu'il s'y est déja
engagé par serment avant que de rien
apprend e. L'Auteur a même pris soin
de le faire jurer , non-seulement par les
Dieux des Payens , mais par le Dieu que
Cassius adore , et qu'il brule d'impatience
de connoître pour l'adorer à son tour.
Les Prêtres qui lui sont subordonnez sont
bien loin d'une si heureuse disposition
le fanatisme s'empare de leurs cœurs , jusqu'à refuser l'entrée de leur Temple à
leur Empereur, s'il ne leur livre le faux
Gelas ; le Peuple et l'Armée suivent un
exemple si pernicieux ; la désobeïssance
et la félonie regnent par tout ; Victorinus
déja à demi Chrétien , pour réprimer
cette insolence , tire une épée que Gelas
ayoit mis entre ses mains , comme un
gage assuré de la victoire ; le saint enchantement , s'il nous est permis de nous
expliquer ainsi , se trouve en deffaut
on lui arrache cette épée dont l'Auteur
a besoin pour un nouvel incident théa
I. Vol. tral
2658 MERCURE DE FRANCE
tral ; cette fatale épée est reconnuë pour
être la même dont Cassius étoit autrefois
armé. Claudius est confirmé par là dans
la croyance où il a toûjours été , que ce
sont les Chrétiens qui ont assassiné son
pere ; il accuse Victorinus d'avoir part à
ce meurtre, et ordonne qu'on l'aille chercher pour le punir de sa perfidie ; le faux
Gelas dit à Claudius que Victorinus est
innocent de ce meurtre, et lui déclare que
c'est lui-même qui a donné cette épée à
son ami ; Claudius irrité lui demande de
qui il la tenoit lui-même ; le faux Gelas lui
dit que c'est un secret qu'il ne sçauroit
Jui réveler. Claudius ne doutant plus.
que ce ne soit lui-même qui a tué son
pere , ordonne qu'on le mene à la mort ;
le faux Gelas reçoit cet Arrêt comme une
grace , et lui promet en reconnoissance
qu'il va bien-tôt reconnoître son pere ;
on emmene la victime ; Justine , dont
nous avons très-peu parlé , parce qu'elle'
est très- peu nécessaire à la Piece , vient
protester à Claudius qu'il n'y a plus d'amour ni d'hymen pour eux , si Victorinus
son pere , et Gelas , son libérateur , périssent. Claudius ne peut tenir contre cette
menace ; il ordonne qu'on aille révoquer
les ordres sanglans qu'il a donnez ; Justine y va elle-même , mais c'en est déja
I. Vol. fait ;
DECEMBRE. 1732. 2659
fait. Victorinus ayant rencontré Cassius
qu'on menoit au supplice , a voulu être le
compagnon de son martyre , sur l'assurance que Cassius lui a donnée que son
sang versé lui tiendroit lieu de Baptême.
Il s'est déclaré Chrétien , et a été soudain accablé d'une grêle de fleches.
Cassius a eu le même sort ; mais le Ciela permis qu'il lui reste encore assez de
vie pour venir se faire reconnoître à son
pere , et pour l'inviter à se faire Chrétien ; il lui prédit que bien- tôt un Empereur doit établir la Foy de Jesus- Christ,
et l'exhorte à mériter que ce choix le
regarde cependant Claudius n'est touché que du parricide dont il vient de
se soüiller et son pere expiré , il ne
songe qu'à empêcher Justine de se donner la mort , ou qu'à mourir avec elle.
ر
Cette Piece , au reste , est très - bien répresentée par la Dile Baron, et par les
sieurs Grandval , Sarrazin et le Grand ,
qui remplissent les principaux Rôles de
Justine , de Claudius , de Cassius et de
Victorinus.
n'ayant été représentée au Théatre françois qu'une au deux fois tout au plus par
semaine , il ne nous a pas été possible de
retenir la disposition du Poëme , scene par
scene, c'est pourquoi nous n'en donnerons
pas un Extrait bien précis ; le nom de M
de la Grange doit suffire au Lecteur , pour
lui persuader que rien n'y a manqué du
côtéde ce qu'on appelle Théatral ; nous
n'avons guere d'Auteurs qui s'y connoissent mieux que M. de la Grange. Il a pris
I. Vol son F vj
2650 MERCURE DE FRANCE
son sujet , selon toutes les apparences, dans
Gregoire de Tours ; voici ce que cet Historien en dit : C'est dans ce lieu , c'est-à- dire à Clermont en Auvergne , que Cassius
et Victorinus , unis en Jesus- Christ par un
amour vraimentfraternel, ont gagné le Royaumedes Cieux auprix de leur sang car l'Antiquité rapporte que Victorinus fut esclave
d'un Grand- Prêtre des faux Dieux , &
qu'ayant souvent exercé ses persécutions dans
un bourg qu'on appelloit communément le
bourg des Chrétiens , il en trouva un qui
s'appelloit Cassius , qui l'amena à la foi
de Jesus Christ par ses prédications et par ses
miracles ; il en fut si touché que renonçant
au culte des Idoles , et consacré par le baptê- me il se donna tout entier à l'exercice de
toutes les vertus chrétiennes. Peu de tems après
ayant été tous deux associez à la palme du
Martyre, ils monterent ensemble au Royaume des Cieux.
&
2
·
M. Baillet ne dit rien là- dessus qui ne
s'accorde parfaitement à ce que nous venons de dire ; voici ses paroles : S. Cassi
et S. Victorin honorez à Clermont en Auvergne le 15 de Mai, avec 6266. Martyrs tuez
par des barbares idolâtres , venus d'au- delà
du Rhin. S. Prix , Evêque de Clermont au
VII. siécle aroit composé leurs. Actes , qui
sontperdus. Victorin servoit un Prêtre idoİ. Vol. Tatre a
DECEMBRE. 1732. * 2651
latre; mais par la fréquentation qu'il avoit
avec Cassi , il se convertit et fut martyrisé.
et celui de S. Cassi se gardoient
encore à Clermont au dixiéme siécie.
Son
corps
Voilà tout ce que l'Histoire Ecclésiastique a fourni à l'Auteur de la Tragédie en
question ; ce qu'on appelle la Fable étoit
en bonnes mains. M. de la Grange a ennobli les personnages dont il avoit besoin ;
Victorinus , de simple serviteur ou esclave
d'un Grand Prêtre , cft devenu Grand- Prê
tre lui- même , et Cassius à qui Gregoire de
Tours nedonne aucune qualité, que celle de
Prédicateur de l'Evangile, est tiré de l'obscurité ou peut être le Ciel l'avoit fait naî
tre , pour se voir Pere d'un Empereur
sans avoir été Empereur lui-même ; ce
Claudius que M. de la Grange lui donne pour fils ne peut être que celui qu'on
appelle Claude le Gothique ; pour Victorinus , il ne suffisoit pas pour accommoder l'action théatrale aux mœurs du tems,
d'en avoir fait un Grand - Prêtre , il falloit
lui donner une fille digne de la recherche
d'un Empereur ; cette fille s'appelle Justine , et c'est elle qui donne lieu au peu
d'amour qui regne dans cette Tragédie ;
on auroit mêmefouhaité qu'il n'y en cut
point eu du tout.
Le premier Acte est employé presque
I. Vol. tout
2652 MERCURE DE FRANCE
>
tout entier à en exposer le sujet. Justine,
fille de Victorinus Grand-Prêtre des
faux Dieux , ouvre la scene avec sa confidente , laquelle la félicite sur la nouvel→
le dignité de Claudius son Amant que
l'armée vient d'elever à l'Empire. La joie
de Justine est balancée par la crainte de
F'avenir , la clémence que Victorinus son
Pere exerce envers les Chrétiens la fait
trembler pour lui ; elle sçait que Claudius
est porté à les persecuter par un motif
qu'on apprend dans la suite de la Piece ;
son Pere , loin de calmer ses allarmes ,
les redouble ; cependant il lui commande d'accepter la main qui la doit élever à
l'Empire ; quand même elle seroit teinte
du sang de celui qui lui a donné la vie.
Victorinus s'ouvre avec plus de liberté à
son confident : il lui dit qu'aussi-tôt qu'il
a appris la prochaine arrivée de l'Empereur , il a mis Gelas en lieu de seureté ;
ce Gelas qui passe pour son esclave , est
un Chrétien qui par un effet miraculeux
a sauvé sa fille Justine d'un monstre auquel elle étoit dévouée par les Oracles des Dieux. Son confident tâche de le rassurer en lui représentant que l'amour de
' Empereur pour sa fille , l'empêchera
bien de donner la mort à unChrétien qui
a sauvé sa Maîtresse.
I. Vol. L'arrivée
DECEMBRE. 1732. 2653
3.
L'arrivée deClaudius redouble la frayeur
de Victorinus ; ce Prince lui apprend
qu'en approchant de ce lieu, que l'Auteur
n'a pas designé aux spectateurs , il est entré dans des souterrains où des Chrétiens
célebroient leurs mysteres ; que ces victi
mes se sont jertées en foule au devant du
fer qui les attendoit ; qu'un seul de cette
troupe attendoit la mort sans la chercher,.
qu il n'a pû soutenir l'aspect de ce vénerable vieillard , sans un saisissement qui
Pa rendu immobile; qu'il a ordonné qu'on
l'épargnar's il se flatte que ce Chrétien
touch de sa clémence , pourra lui apprendre quels ont été les meurtriers de son
Pere , qui ayant disparu depuis quelques
années, sans qu'on en ait jamais oui parler,
avoit donné lieu de soupçonner que les
Chrétiens dont il étoit alors le plus ardent persécuteur , l'avoient assassiné. Le
portrait que Claudius fait de ce vieillard,
le lieu , et toutes les autres circonstances
ne laissent point douter Victorinus que
ce ne soit Gelas ; il demande grace pour
lui à l'Empereur , et pour le mieux exciter à la clémence , il lui dit que ce Chrétien a sauvé Justine d'une mort certaine;
Claudius attribue le respect et les sentimens de tendresse qu'il a conçus à l'asde ce Chrétien à une espece de pres- pect
>
I. Vola sentiment
2654 MERCURE DE FRANCE
sentiment qui lui a annoncé au fond du
cœur l'obligation qu'il lui avoit.
Le vieillard eft bientôt présenté à Claudius qui ne peut le revoir sans trouble ;
on verra dans peu que c'est un nouveau
pressentiment que la nature ajoute à celui
de la reconnoissance , et que ce premier
partoit de la même source. Gelas résiste
avec fermeté à la priere que Claudius lui
fait de renoncer au Christianisme , ou du
moins de le feindre , pour se dérober à la
fureur du peuple , des Prêtres et même de
l'armée. Claudius ajoute à cette priere le
motif qui le porte lui- même plus particu
liérement à persécuter ceux qu'il croit
avoir été les meurtriers de son Pere Cassius. Gelas après lui avoir dit que les Chrétiens sont incapables de pareils forfaits ,
lui annonce que son pere est encore vivant , qu'il est plus près de lui qu'il ne
pense , mais qu'il ne le connoîtra qu'après
qu'il lui aura fait donner la mort à luimême, par qui il apprend qu'il est encore
en vie. Cette espece d'Oracle prononcé
par une bouche si respectée , met Claudius dans une très - cruclle situation ; il ne
sçait à quoi se résoudre, et charge Victorinus,qui arrive , d'arracher le malheureux
à la mort.
Cette Scene entre Gelas et Victorinus
I. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2655
'est une des plus interessantes de la Tragédie , et c'est pourtant celle qui a donné
plus de prise à la Critique ; nous allons
en exposer le fond pour mettre nos Lecteurs en état d'en juger. Dans la Scene
précédente les Spectateurs viennent d'apprendre que Cassius n'est pas mort , mais
ils ne s'attendent pas à le revoir revivre en la personne de Gelas même ; ce
même Gelas , qui ne s'est pas découvert
à son propre fils , se fait connoître à Victorinus pour ce même Cassius que Claudius croit avoir été assassiné par les Chrétiens , et qu'il vange par tout ce que sa
fureur lui peut inspirer de plus cruel
contre ces innocentes victimes. Ce Cassius
avoit été , comme nous l'avons déja dit
un des plus implacables persecuteurs des
Chrétiens ; il raconte à Victorinus comment il a été converti à la Foy ; cette
description est très-belle , l'Auteur n'a
pas crû en pouvoir choisir un modele
plus frappant que dans les Actes des
Apôtres , et les Spectateurs lui ont sçû
bon gré de l'avoir puisée dans une sour
ce si capable d'inspirer une sainte terreur.
Mais comme ce qui nous saisit le plus
dans un Ouvrage , nous paroît le plus
digne de nos reflexions , on examine cette
Scene avec plus de séverité que toutes
I. Vol. les
2656 MERCURE DE FRANCE
les autres ; on ne souffre qu'avec beau,
coup de peine qu'un pere , dont le fils est
prêt à devenir le parricide , ne se fasse
pas connoître à lui ; on pese le silence
avec le mo if, et le motif n'est pas toutà-fait satisfaisant. Le faux Gelas dit à
Victorinus qu'il a fait serment de ne se
faire connoître à P rsonne pour Cassius :
pourquoi, done,dit-on, découvre-t'il son
nom et sa condition à Victorinus ? Son
serment est-il moins violé et ne seroitil pas plus raisonnable qu'il eût juré de
ne se faire jamais connoître à son fils , de
peur que la tendresse paternelle ne le
trahît jusqu'au point de retomber dans
ses erreurs par une foiblesse dont il craindroit de ne pouvoir triompher ? ce motif auroit quelque lueur de vrai-semblan- ·
ce , et contribueroit un peu à faire excuser l'indiscretion du serment. Ce serment, ajoûte- t'on , seroit toûjours trèscondamnable , puisqu'il seroit fait contre
son propre fils , qui , par le silence de
son pere , perd la grace de la conversion
et par l'erreur dont ce même pere devient complice , est visiblement exposé à
devenir parricide : un pere , dit-on , est
obligé parmi les Chrétiens , à élever son
fils dans la seule Religion où il peut se
sauver , et celui- cy laisse le sien dans le
1. Vol.
Paganisme
DECEMBRE. 1732. 2657
Paganisme qui doit le perdre à jamais.
Voilà les plus fortes Critiques qu'on a
faites sur cette Tragédie ; achevons d'instruire le Lecteur de ce qui lui reste encore à sçavoir. Victorinus après quelques
objections très-sensées qu'il a faites à Cassius , lui promet le secret qu'il lui demande , d'autant plus qu'il s'y est déja
engagé par serment avant que de rien
apprend e. L'Auteur a même pris soin
de le faire jurer , non-seulement par les
Dieux des Payens , mais par le Dieu que
Cassius adore , et qu'il brule d'impatience
de connoître pour l'adorer à son tour.
Les Prêtres qui lui sont subordonnez sont
bien loin d'une si heureuse disposition
le fanatisme s'empare de leurs cœurs , jusqu'à refuser l'entrée de leur Temple à
leur Empereur, s'il ne leur livre le faux
Gelas ; le Peuple et l'Armée suivent un
exemple si pernicieux ; la désobeïssance
et la félonie regnent par tout ; Victorinus
déja à demi Chrétien , pour réprimer
cette insolence , tire une épée que Gelas
ayoit mis entre ses mains , comme un
gage assuré de la victoire ; le saint enchantement , s'il nous est permis de nous
expliquer ainsi , se trouve en deffaut
on lui arrache cette épée dont l'Auteur
a besoin pour un nouvel incident théa
I. Vol. tral
2658 MERCURE DE FRANCE
tral ; cette fatale épée est reconnuë pour
être la même dont Cassius étoit autrefois
armé. Claudius est confirmé par là dans
la croyance où il a toûjours été , que ce
sont les Chrétiens qui ont assassiné son
pere ; il accuse Victorinus d'avoir part à
ce meurtre, et ordonne qu'on l'aille chercher pour le punir de sa perfidie ; le faux
Gelas dit à Claudius que Victorinus est
innocent de ce meurtre, et lui déclare que
c'est lui-même qui a donné cette épée à
son ami ; Claudius irrité lui demande de
qui il la tenoit lui-même ; le faux Gelas lui
dit que c'est un secret qu'il ne sçauroit
Jui réveler. Claudius ne doutant plus.
que ce ne soit lui-même qui a tué son
pere , ordonne qu'on le mene à la mort ;
le faux Gelas reçoit cet Arrêt comme une
grace , et lui promet en reconnoissance
qu'il va bien-tôt reconnoître son pere ;
on emmene la victime ; Justine , dont
nous avons très-peu parlé , parce qu'elle'
est très- peu nécessaire à la Piece , vient
protester à Claudius qu'il n'y a plus d'amour ni d'hymen pour eux , si Victorinus
son pere , et Gelas , son libérateur , périssent. Claudius ne peut tenir contre cette
menace ; il ordonne qu'on aille révoquer
les ordres sanglans qu'il a donnez ; Justine y va elle-même , mais c'en est déja
I. Vol. fait ;
DECEMBRE. 1732. 2659
fait. Victorinus ayant rencontré Cassius
qu'on menoit au supplice , a voulu être le
compagnon de son martyre , sur l'assurance que Cassius lui a donnée que son
sang versé lui tiendroit lieu de Baptême.
Il s'est déclaré Chrétien , et a été soudain accablé d'une grêle de fleches.
Cassius a eu le même sort ; mais le Ciela permis qu'il lui reste encore assez de
vie pour venir se faire reconnoître à son
pere , et pour l'inviter à se faire Chrétien ; il lui prédit que bien- tôt un Empereur doit établir la Foy de Jesus- Christ,
et l'exhorte à mériter que ce choix le
regarde cependant Claudius n'est touché que du parricide dont il vient de
se soüiller et son pere expiré , il ne
songe qu'à empêcher Justine de se donner la mort , ou qu'à mourir avec elle.
ر
Cette Piece , au reste , est très - bien répresentée par la Dile Baron, et par les
sieurs Grandval , Sarrazin et le Grand ,
qui remplissent les principaux Rôles de
Justine , de Claudius , de Cassius et de
Victorinus.
Fermer
Résumé : Cassius et Victorinus, Tragédie, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte présente la tragédie 'La Tragédie de Cassius et Victorinus', représentée au Théâtre français et écrite par M. de la Grange. Cette œuvre s'inspire de l'histoire de Cassius et Victorinus, deux martyrs chrétiens mentionnés par Grégoire de Tours. Selon cet historien, Victorinus, esclave d'un grand-prêtre païen, se convertit au christianisme grâce aux prédications et miracles de Cassius. Les deux hommes furent martyrisés peu après leur conversion. La tragédie modifie certains éléments historiques pour des raisons théâtrales. Victorinus devient grand-prêtre et Cassius est présenté comme le père de l'empereur Claude le Gothique. La pièce introduit également Justine, fille de Victorinus, qui est promise à Claude. L'intrigue se concentre sur les persécutions des chrétiens et les dilemmes moraux des personnages. La tragédie commence par une discussion entre Justine et son confident à propos de son futur mariage avec Claude. Victorinus, inquiet pour les chrétiens, cache Gelas, un chrétien qui a sauvé Justine. L'arrivée de Claude révèle qu'il a épargné un vieillard chrétien, Gelas, qui se révèle être Cassius, le père de Claude. Cassius, autrefois persécuteur des chrétiens, se convertit et est prêt à mourir pour sa foi. La pièce se termine par le martyre de Cassius et Victorinus, qui se déclarent chrétiens avant leur exécution. Claude, bouleversé, tente de sauver Justine de la détresse. La tragédie est bien interprétée par des acteurs tels que la Dile Baron, Grandval, Sarrazin et le Grand.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 133-145
TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
Début :
Nous n'aurions pas tardé si long temps à donner l'Extrait d'une Tragédie qui [...]
Mots clefs :
Voltaire, Zaïre, Orosmane, Nérestan, Religion, Coeur, Lusignan, Lettre, Soudan, Amour, Mort, Chrétiens, Tragédie, Serment, Soeur, Spectateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
TRAGEDIE DE zArRE;
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
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Résumé : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
La tragédie 'Zaïre' de Voltaire a suscité un grand intérêt à la cour et dans la ville. L'intrigue se concentre sur Lustignam, dernier roi de Jérusalem, détrôné par Saladin, père d'Orosmane. Deux enfants de Lustignam survivent : un garçon et une fille, Zaïre. Élevée dans la religion musulmane, Zaïre devient l'objet de l'amour d'Orosmane. Son frère, Neresman, est également élevé dans le sérail sans connaître ses origines. Orosmane accepte de libérer Neresman en échange de la rançon de dix chevaliers chrétiens. Zaïre obtient la liberté de son père grâce à une croix et une blessure reconnaissables. Le conflit central de la pièce oppose la religion et l'amour. Zaïre promet à Neresman de ne pas épouser Orosmane avant d'être baptisée. Une lettre ambiguë déclenche la jalousie d'Orosmane, menant à une tragédie où il tue Zaïre et se donne la mort. Les critiques soulignent que Voltaire aborde des sujets philosophiques, bien que certains trouvent sa complaisance excessive. La vérification de ses principes est jugée inégale et suscite des passions. Les critiques reprochent à Voltaire d'avoir donné à son héros des expressions trop passionnées et d'avoir fait évoluer son caractère de manière excessive, notamment en le faisant passer de la jalousie à un acte violent. Ils estiment également que le serment central de la pièce est indécent et inexcusable. Les personnages de Lusignan, Chétillon et Nérestan sont bien accueillis, tandis que celui de Zaïre est perçu comme indécis. Les critiques se demandent si Zaïre meurt en tant que chrétienne ou musulmane, et doutent que son amour pour Dieu puisse remplacer un baptême ou une contrition. Nérestan renforce ce doute par des vers adressés à Orosmane. La pièce a été imprimée à Rouen et se vend à Paris chez Bauche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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