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1
p. 2303-2306
Jeu de l'Anguille sur la Seine, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le Dimanche 10. Septembre, les Mariniers de la Pelleterie, joints avec quelques autres pour [...]
Mots clefs :
Jeu de l'Anguille, Naissance du duc d'Anjou, Fête, Spectateurs
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texteReconnaissance textuelle : Jeu de l'Anguille sur la Seine, &c. [titre d'après la table]
Le Dimanche 10. Septembre , les Mariniers de
la
27
2304 MERCURE DE FRANCE
la Pelleterie , joints avec quelques autres pour
témoigner leur joye au fujet de la naiffance de
Monfeigneur le Duc d'Anjou , voulurent fe
ignaler par une Fête qu'ils donnerent fur la
Seine , après en avoir obtenu la permiffion de
Meffieurs les Prevôt des Marchands & Echevins.
Ils tirerent l'anguille dans l'efpace de la
riviere qui fe trouve entre le Pont au Change
& le Pont Notre-Dame , la place étant fort convenable
pour ces fortes d'exercices , parce qu'elle
forme un quarré parfait & que les Spectateurs
s'y trouvent placez de tous côtez à une diſtance
raifonnable.
En conféquence des ordres du Prevôt des Marchands
& Echevins , on fit retirer tous les Batteaux
des Teinturiers & autres, pour rendre le caaal
entierement libre , & fur la permiffion qui
leur en fut accordée , ils arrangerent de grands
Batteaux de fel remplis de chaifes qu'ils louerent
au public & dont le produit leur fut accordé
pour fournir en quelque façon aux frais qu'ils
étoient obligez de faire pour cette Fête ; ils boucherent
toutes les arches des deux Ponts, & tout ce
grand quarré fut bordé par des Batteaux remplis
de Spectateurs , qui étoient en très-grand nombre
, auffi-bien qu'aux Balcons & aux fenêtres
des deux Ponts & des deux Quais .
On avoit orné très- proprement un grand Batteau
deftiné pour Mrs les Prévôt des Marchands ,
Echevins & autres Officiers de la Ville , & dans
lequel il fe trouva auffi beaucoup de Dames : aufſitôt
qu'on le vit approcher , les Mariniers , au fon
des Timbales & des Trompettes , commencerent
vers les 3. heures après midi , le jeu de la Lance
qui devint très - divertiffant les differentes manieres
dont ils tomboient dans l'eau & les differentes
culbutes qu'ils faifoient malgré eux ,
par
Les
OCTOBRE. 1730. 2305
Les combatans de la Lutte étoient montez fur
fix petits Batteaux , à chacun defquels il y avoit
5 Rames. 3. de ces Batteaux étoient peints en
fouge , & les 3. autres en bleu , auffi bien que
les Rames & les Lances; les Rameurs, comme les
Tireurs de Lance, étoient tous habillez de blanc
& avoient des Cocardes, dont la couleur répondoit
à celle des Batteaux où ils étoient . Par les
mouvemens de leurs Rames , ils faifoient revirer
leurs Batteaux à leur gré & s'entendoient fi - bien,
que quand ils fe rencontroient , ils fe touchoient
fi vivement avec leurs Lances , qu'il étoit rare
qu'il n'en tomba quelqu'un dans l'eau , & même
affez fouvent ils étoient renverfez tous les deux .
ce qui réjouiffoit infiniment , & formoit un petit
combat tres-divertiffant.Il y en eut deux, fur tout,
plus fermes que les autres , qui ne furent renver→
fez qu'à la fin. Ce divertiffement dura plus d'une
heure ; en finiffant les Mariniers fe jetterent tous
enſemble dans l'eau , qui fe trouva dans l'inſtant
couverte de Nageurs , dont les divers mouvemens
, joints à l'agitation de l'eau , donnerent
un fpectacle des plus agréables . Ils gagnerent le
Batteau , pour tirer l'Anguille ; & enfuite y étant
arrivez , ils tirerent au fort le rang qui devoit leur
échoir , & furent attacher l'Anguille à une corde,
qui étoit placée au milieu du Quay de Gêvres , à
la hauteur au moins d'un fecond étage , & qui
répondoit à un Tourniquet , du côté de la Pelleterie.
Ordinairement on reconnoît pour Roy celui
qui fans agir des mains , peut avec fes dents arracher
les entrailles de l'Anguille ; mais afin que
le plaifir dura plus long- temps , ils étoient convenus
enſemble que ce feroit celui qui emporteroit
le dernier morceau . Le Plaiſant de ce fpec
tacle fut que dans le temps qu'ils y penfoient le
I moins
2306 MERCURE DE FRANCE
moins , on lâchoit le Tourniquet , ce qui les faifoit
tomber & enfoncer fi avant dans l'eau, qu'ils
étoient tres - long - tems fans reparoître , & fouvent
ils fe trouvoient fi éloignez de l'Anguille
qu'ils ne pouvoient point la ratraper ; ce qui
donnoit lieu à un autre de prendre la place . Il
s'en trouva quelques - uns qui marquoient tant
de courage & de force , qu'ils fe laiffoient enlever,
en tenant la corde feulement des mains , & reftoient
dans cette fituation un temps tres-confiderable
, & quelquefois avoient encore affez de
vigueur pour s'élever & s'y attacher par les pieds.
La Fête fut interrompue pour un moment ,
par la chute d'un Echafaut trop foible , qu'on
avoit élevé fur le Batteau , qui fervoit pour monter
à la corde où l'Anguille étoit attachée. Ce qui
divertit beaucoup le public, dautant qu'ils étoient
tous montez deffus.
Tout le pafla avec beaucoup d'ordre & fans accident
, malgré la grande affluence de peuples qui
y accoururent, attirés la rareté de ces fortes de
fpectacles , dont on n'avoit point vu de pareils
depuis 37 ans.
par
Cela finit fur les fix heures du foir , avec de
grands applaudiffemens de la part des Spectateurs
, pour le Vainqueur que l'on conduifit au
Batteau de Meffieurs les Prevôt des Marchands
& Echevins , où il reçût la récompenfe de fa vic-
Loire.
M. le Cocq , Commis pour le paffage des Ponts,
homme fort entendu , s'eft donné bien des foins
pour conduire cette Fête.
la
27
2304 MERCURE DE FRANCE
la Pelleterie , joints avec quelques autres pour
témoigner leur joye au fujet de la naiffance de
Monfeigneur le Duc d'Anjou , voulurent fe
ignaler par une Fête qu'ils donnerent fur la
Seine , après en avoir obtenu la permiffion de
Meffieurs les Prevôt des Marchands & Echevins.
Ils tirerent l'anguille dans l'efpace de la
riviere qui fe trouve entre le Pont au Change
& le Pont Notre-Dame , la place étant fort convenable
pour ces fortes d'exercices , parce qu'elle
forme un quarré parfait & que les Spectateurs
s'y trouvent placez de tous côtez à une diſtance
raifonnable.
En conféquence des ordres du Prevôt des Marchands
& Echevins , on fit retirer tous les Batteaux
des Teinturiers & autres, pour rendre le caaal
entierement libre , & fur la permiffion qui
leur en fut accordée , ils arrangerent de grands
Batteaux de fel remplis de chaifes qu'ils louerent
au public & dont le produit leur fut accordé
pour fournir en quelque façon aux frais qu'ils
étoient obligez de faire pour cette Fête ; ils boucherent
toutes les arches des deux Ponts, & tout ce
grand quarré fut bordé par des Batteaux remplis
de Spectateurs , qui étoient en très-grand nombre
, auffi-bien qu'aux Balcons & aux fenêtres
des deux Ponts & des deux Quais .
On avoit orné très- proprement un grand Batteau
deftiné pour Mrs les Prévôt des Marchands ,
Echevins & autres Officiers de la Ville , & dans
lequel il fe trouva auffi beaucoup de Dames : aufſitôt
qu'on le vit approcher , les Mariniers , au fon
des Timbales & des Trompettes , commencerent
vers les 3. heures après midi , le jeu de la Lance
qui devint très - divertiffant les differentes manieres
dont ils tomboient dans l'eau & les differentes
culbutes qu'ils faifoient malgré eux ,
par
Les
OCTOBRE. 1730. 2305
Les combatans de la Lutte étoient montez fur
fix petits Batteaux , à chacun defquels il y avoit
5 Rames. 3. de ces Batteaux étoient peints en
fouge , & les 3. autres en bleu , auffi bien que
les Rames & les Lances; les Rameurs, comme les
Tireurs de Lance, étoient tous habillez de blanc
& avoient des Cocardes, dont la couleur répondoit
à celle des Batteaux où ils étoient . Par les
mouvemens de leurs Rames , ils faifoient revirer
leurs Batteaux à leur gré & s'entendoient fi - bien,
que quand ils fe rencontroient , ils fe touchoient
fi vivement avec leurs Lances , qu'il étoit rare
qu'il n'en tomba quelqu'un dans l'eau , & même
affez fouvent ils étoient renverfez tous les deux .
ce qui réjouiffoit infiniment , & formoit un petit
combat tres-divertiffant.Il y en eut deux, fur tout,
plus fermes que les autres , qui ne furent renver→
fez qu'à la fin. Ce divertiffement dura plus d'une
heure ; en finiffant les Mariniers fe jetterent tous
enſemble dans l'eau , qui fe trouva dans l'inſtant
couverte de Nageurs , dont les divers mouvemens
, joints à l'agitation de l'eau , donnerent
un fpectacle des plus agréables . Ils gagnerent le
Batteau , pour tirer l'Anguille ; & enfuite y étant
arrivez , ils tirerent au fort le rang qui devoit leur
échoir , & furent attacher l'Anguille à une corde,
qui étoit placée au milieu du Quay de Gêvres , à
la hauteur au moins d'un fecond étage , & qui
répondoit à un Tourniquet , du côté de la Pelleterie.
Ordinairement on reconnoît pour Roy celui
qui fans agir des mains , peut avec fes dents arracher
les entrailles de l'Anguille ; mais afin que
le plaifir dura plus long- temps , ils étoient convenus
enſemble que ce feroit celui qui emporteroit
le dernier morceau . Le Plaiſant de ce fpec
tacle fut que dans le temps qu'ils y penfoient le
I moins
2306 MERCURE DE FRANCE
moins , on lâchoit le Tourniquet , ce qui les faifoit
tomber & enfoncer fi avant dans l'eau, qu'ils
étoient tres - long - tems fans reparoître , & fouvent
ils fe trouvoient fi éloignez de l'Anguille
qu'ils ne pouvoient point la ratraper ; ce qui
donnoit lieu à un autre de prendre la place . Il
s'en trouva quelques - uns qui marquoient tant
de courage & de force , qu'ils fe laiffoient enlever,
en tenant la corde feulement des mains , & reftoient
dans cette fituation un temps tres-confiderable
, & quelquefois avoient encore affez de
vigueur pour s'élever & s'y attacher par les pieds.
La Fête fut interrompue pour un moment ,
par la chute d'un Echafaut trop foible , qu'on
avoit élevé fur le Batteau , qui fervoit pour monter
à la corde où l'Anguille étoit attachée. Ce qui
divertit beaucoup le public, dautant qu'ils étoient
tous montez deffus.
Tout le pafla avec beaucoup d'ordre & fans accident
, malgré la grande affluence de peuples qui
y accoururent, attirés la rareté de ces fortes de
fpectacles , dont on n'avoit point vu de pareils
depuis 37 ans.
par
Cela finit fur les fix heures du foir , avec de
grands applaudiffemens de la part des Spectateurs
, pour le Vainqueur que l'on conduifit au
Batteau de Meffieurs les Prevôt des Marchands
& Echevins , où il reçût la récompenfe de fa vic-
Loire.
M. le Cocq , Commis pour le paffage des Ponts,
homme fort entendu , s'eft donné bien des foins
pour conduire cette Fête.
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Résumé : Jeu de l'Anguille sur la Seine, &c. [titre d'après la table]
Le 10 septembre, les mariniers de la Pelleterie, rejoints par d'autres, organisèrent une fête sur la Seine pour célébrer la naissance du Duc d'Anjou. Cette fête se déroula entre le Pont au Change et le Pont Notre-Dame, un espace approprié pour les exercices nautiques. Les autorités firent retirer les bateaux des teinturiers pour libérer le canal. Les mariniers louèrent de grands bateaux remplis de chaises pour le public, dont les recettes couvrirent une partie des frais. Les arches des deux ponts furent bouchées, formant un grand carré bordé par des bateaux de spectateurs, ainsi que par les balcons et fenêtres des ponts et quais. Un grand bateau orné accueillit les Prévôt des Marchands, Échevins et autres officiers de la ville, ainsi que de nombreuses dames. Vers 15 heures, les mariniers commencèrent le jeu de la lance, divertissant les spectateurs par leurs différentes chutes dans l'eau. Les combattants de la lutte étaient sur de petits bateaux peints en rouge et bleu, avec des rameurs et tireurs de lance habillés de blanc et portant des cocardes assorties. Ils manœuvraient habilement leurs bateaux, se touchant vivement avec leurs lances, ce qui provoquait souvent des chutes. Deux combattants se distinguèrent par leur fermeté. Après plus d'une heure de divertissement, les mariniers se jetèrent dans l'eau, couvrant la surface de nageurs. Ils tirèrent ensuite au sort pour déterminer l'ordre de l'épreuve de l'anguille, attachée à une corde sur le quai de Gêvres. Le but était de saisir les entrailles de l'anguille avec les dents, le vainqueur étant celui qui emporterait le dernier morceau. La fête fut brièvement interrompue par la chute d'un échafaud trop faible. La fête se termina vers 18 heures avec des applaudissements pour le vainqueur, qui reçut sa récompense sur le bateau des Prévôt des Marchands et Échevins. M. le Cocq, commis pour le passage des ponts, joua un rôle clé dans l'organisation de cette fête, qui n'avait pas eu de pareille depuis 37 ans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2523-2536
SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
Début :
Ce que je viens, Monsieur, de vous rappeller, n'est qu'une foible ébauche [...]
Mots clefs :
Spectateurs, Tragédie, Ton, Reine, Amour, Objection
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
SECONDE Partie de la Lettre sur la
Tragedie d'Astrale.
CE
que je viens , Monsieur , de vous
rappeller , n'est qu'une foible ébauche
du Portrait de mon Autheur favori ;
il ne fait appercevoir , jusques - là que le
germe des expressions et des sentimens
qui depuis l'ont rendu inimitable dans un
genre dont il a été le créateur , et dans lequel
il est encore aujourd'hui le desespoir de
tous ceux qui ont osé le prendre pour modelle:
J'ai des traits plus dignes de lui à
mettre sous vos yeux dans cette même Piece,
où vous m'annoncez qu'on a ri.Je ne citerai
que quelques endroits des principales
Scenes. Commençons par la cinquième
du 3º Acte , elle suit immédiatement celle
où l'on a ri , et les Spectateurs ont bien
changé
2524 MERCURE DE FRANCE
changé de sentiment à mesure que l'Auteur
a changé de ton . Le voicy donc dans
le ton tragique , ou pour mieux dire dans
un ton digne du grand Corneille.
Sychée , cru pere d'Astrate, apprenant
de lui que la conjuration est découverte ,
et entendant nommer les Principaux qui
y trempent , croit n'avoir plus rien à dissimuler
, et l'arrêtant sur le point qu'il
veut en aller instruire la Reine , lui parle
ainsi :
Je voi qu'il n'est plus temps qu'avec vous je déguise
,
Et qu'il faut vous montrer le Chef de l'entre
prise >
Celui qui du vrai Roy , connoît seul tout le sort;
Et qui contre la Reine a fait le plus d'effort, &c...
Connoissez- le , mon Fils , vous le voyez en moi
Astrate.
Ce pourroit-être vous ?
Sychée.
Oui , c'est moi , dont le zele ;
Pour le sang de nos Rois toujours ferme et fi
delle ,
Contre la Tyrannie a jusqu'à ce jour
Ligué les plus Puissans du peuple et de la Cour
& c.....
Vous me perdez ,,mon Fils , si vous parlez ;
Astrate
NOVEMBRE. 173 1. 2515
Astrate.
Hélasi
Je perds la Reine aussi , si je ne parle pas.
Sychée.
Sa perte avec la mienne entre t- elle eu balance?
&c . ..
Quoique l'Amour d'abord air pû vous inspirer ,
Contre tous ses efforts le sang doit m'assurer ,
&c.
Astrate lui promet d'obtenir
sá grace,
et l'invite à venir tout dire à la Reine.
C'est alors que Sychée lui répond avec
plus de fermeté :
Moi , trahir mes sermens ! mon Prince ! mes
amis !
Plutôt , si vous l'osez , trahissez - moi , mon
Fils.
Pensez
·
vous que l'appas du rang qu'on vous
presente ,
A cet infame prix me corrompe ou me tente ?
Connoissez mieux ma foy ; rien ne l'émou peut
voir;
Et je n'ai point de Fils si cher que mon devoir.
J'ai juré de vanger mon Maître légitime ,
De couronner son sang , de déthrôner le crime ;
D'af2526
MERCURE DE FRANCE
D'affranchir mon païs d'un empire odieux ,
Ou , du moins , de périr d'un trépas glorieux.
Dans un si grand dessein je suis inébranlable ;
11 faut qu'enfin la Reine , ou trébuche, ou m'accable
;
Que vous voyiez ses jours , ou les miens ter
minez ;
Et c'est à vous à voir quel parti vous prenez.
1strate.
Entre la Reine et vous , je n'en ai point à pren
dre ,
Que celui de vouloir tour à tour vous deffendre
Vous garder l'un de l'autre , et toujours me vanger
,
Du parti seulement où sera le danger , &c.
Vous n'avez pas encor besoin de mon secours ,
Seigneur , et de la Reine on va trancher les jours;
Avec le même soin que , comme Amant fidelle ,
Je vais , ou la sauver , ou périr avec elle ,
Je sçaurai , l'ayant mise à couvert de vos coups
Vous sauver , comme Fils , ou périr avec vous ;
Je n'examine point dans cette conjoncture
Qui doit vaincre où ceder , l'amour ou la na
ture ;
Sans juger qui des deux doit être plus puissant ,
Je regarde au péril et cours au plus pressant
N'aiNOVEMBRE.
1731. 252y
-
de
N'ay je pas eu raison , Monsieur ,
vous promettre des sentimens dignes du
grand Corneille? Et ne vous ai- je pas tenu
parole ? Démentez - moy , si vous l'osez.
Mais ce n'est pas encore là du plus beau ,
et la Piece va s'ennoblir et se fortifier par
dégrez. Passons à l'Acte quatrième.
Il y a deux Scenes dans cet Acte qui
peuvent tenir le premier rang entre les
plus interessantes. Vous sçavez , Monsieur,
de quoi il s'y agit. Sychée jusqu'icy ne
s'est montré aux yeux d'Astrate
que sous
le nom de son Pere ; mais apprenant de
lui qu'il vient d'obtenir de la Reine le
pardon de tous les conjurez , pourvû
qu'on lui livre le Fils du vrai Roy ; et
le voyant déterminé à lui ôter la vie de sa
propre main , lui fait connoître que cet
ennemi qu'il veut immoler à la Reine
n'est autre que lui- même . Je vous ai déja
cité ce qui est contenu dans les Tablettes
qu'il presente à Astrate ; j'y ajoute
seulement une circonstance que les Acteurs
apparemment n'observent pas ; j'en
juge par ce que vous m'avez dit vous
même dans votre lettre ; sçavoir , que ces
Tabletes qu'Astrate laisse tomber à terre
et que Sichée ne prend pas la précaution
de ramasser , pourroient tomber entre les
mains de quelqu'un qui les remit entre
celles
2528 MERCURE DE FRANCE
celles d'Astrate , lequel s'en serviroit à
se faire connoître à ses sujets pour
leur Roy , et à sauver Elisé en ` leur
apprenant l'interêt qu'il prend en ses
jours ; vous ajoutez encore qu'il se pourroit
faire qu'Astrate ne laissât point tomber
ces Tablettes si necessaires à Agenor
pour être toujours Maître du secret qu'il
vient de confier à ce malheurenx Prince.
Votre objection , Monsieur , est tres- sensée,
mais vous vous seriez épargné la peine
de la faire , si vous aviez lû la Piece telle
qu'elle est imprimée . Voici ce que l'Auteur
dit en cet endroit: Astrate lit dans
les Tablettes que Sychée lui montres et après
la lecture des Tablettes , il ajoûte : Astrate
continue , en rejettant les Tablettes :
Ah! d'un coup plus affreux peut - on être
percé ?
Je serois né du sang que la Reine a versé !
Quoi ? j'aurois à vanger par des Loix trop se
veres
Sur un si cher objet mon Pere et mes deux Fred
res ;
Et quand nos coeurs charmez , se croyoient tour
permis ,་
Malgré l'Amour et nous , nous serions ennemis ?
Sychée l'éclaircit si bien de cette funeste
vc-
1
NOVEMBRE. 1731 2529
te verité , qu'il ne lui laisse aucun lieu
d'en douter, ce qui l'oblige à dire :
Qu'à jamais ce secret n'est - il caché pour
-moi!
'Ah ! cruel , falloit-il , si je suis Fils du Roy ,
Pour me montrer la main qui fit périr mon
Pere
'Attendre que l'Amour me la rendît si chere ?
Et ne deviez - vous pas , pour le bien de mes
jours ,
Qu m'avertir plutôt , ou vous taire toujours .
Combien d'interêts Quinault n'a- t il
pas réunis dans cette Scene pour exciter
la pitié des Spectateurs Quand la seule reconnoissance
animeroit Astrate , n'en seroit-
ce pas assez pour épargner le sang
d'une Reine , qui vient de l'associer au
rang suprême , préférablement à un Prin .
ce de son sang à qui la couronne avoit
été promise , et sembloit si légitimement
dûë Mais cela ne suffit pas à Quinault
pour nous interesser ; il nous montre en
Astrate un Prince éperduement amoureux
et tendrement aimé ; l'amour le plus
ardent se joint à la plus juste reconnoissance
pour combattre la nature. Sychée
qui traite l'amour d'une maniere confor
nie à son âge , lui dit d'un ton ferme :
C La
2530 MERGURE DE FRANCE.
>
La vangeance d'un Pere à vous seul étoit dûë ;
Je vous l'ai reservée et l'heure en est venuë
L'objet vous en fut- il cent fois plus précieux
Levez le bras , Seigneur , et détournez les yeux ;
& c,
Songez que cet amour qui vous trouble et vous
gêne ,
Qui vous usurpe un coeur qui n'est dû qu'à la
haine ,
Cet amour qui vous guide au crime le plus
noir ,
Corrompt votre vertu , séduit votre devoir ;
Cet amour qui vous rend à vous- même perfide ;
Qui vous force à chérir une main parricide
Doit être icy pour vous le premier des Tyrans
Qu'il faut sacrifier au sang de vos parens .
Sychée voyant approcher la Reine , et
ne pouvant empêcher Astrate de lui parler
, le quitte en lui disant : qu'il va prendre
soin de sa gloire , malgré lui - même,
La Scene qui succede à celle- cy est encore
plus interressante. Les deux Personnes
qui doivent produire le plus grand
interêt y sont aux prises . En vain la nature
, le devoir et l'ambition conspirent à
séparer leurs coeurs ; l'Amour, tout dénué
d'esperance qu'il est , s'obstine à les unir
plus que jamais.
La
NOVEMBRE . 1731. 2531
La Reine demande à Astrate s'il a découvert
son ennemi : Il lui répond qu'il
a plus fait, et qu'il peut le lui livrer. Voici
ce qu'il ajoute :
Ce dernier Fils d'un Roy par vous même
égorgé ,
Ce Fils par son devoir à vous perdre engagé ,
Cette victime encore à vos jours necessaire ,
Ce malheureux vangeur d'un miserable Pere ,
D'une maison détruite , et d'un Sceptre envahi ,
Enfin cet ennemi tant craint , et tant hai ,
Dont nous cherchions la perte avec un soin extrême
,
Qui l'eût pú croire Hélas ! Madame , c'est
moi-même.
Quel coup mortel pour Elisé , quel
nouveau trouble pour Astrate ! Et quel
surcroît de terreur et de pitié pour les
Spectateurs ! Qui ne seroit pas attendri à
ces plaintes de la Reine ?
L'ingenieux couroux du ciel plein de vigueur ,
N'a que trop bien trouvé le foible de mon coeur.
J'aurois bravé mon sort , s'il ne m'eût poiut
trompée ;
Je ne m'en gardois pas par où j'en suis frappée.
De ce piege des Dieux qui se fut défié ≥
Mon coeur étoit sans doute assez fortifié
Cij contre
2532 MERCURE DE FRANCE
Contre tous les dangers qui menaçoient ma vie ,
11 ne l'étoit que trop contre un Peuple en furie ,
Contre les Dieux vangeurs , les Destins en couroux
Mais il ne l'étoit pas contre l'Amour et vous.
Je vous dérobe autant de beautez que
je supprime de Vers dans cette Scene.Vous
n'avez, Monsieur , qu'à la parcourir toute
entiere , pour voir si j'exagere ; mais je
m'apperçoi que ma Lettre passe les bornes
ordinaires ; je vais donc vous citer le plus
succinctement qu'il me sera possible,quel
ques traits du cinquième Acte.
Comme le Rôle de Sychée est sans contredit
le plus beau de la Piéce , et qu'on
y reconnoît le genre de celui de Palamede,
qui produit un effet si admirable dans l'E
lectre de M.de Crebillon.Je ne puis mieux
finir ma Lettre que par quelques Vers
que ce genereux Chef des conjurez dit
à Astrate , qui le menace de vanger sur
lui la mort de la Reine , s'il a été assez bar,
bare pour l'immoler. Voici sa réponse :
Je sçais que l'on reçoit souvent comme ung
injuré
Le zele trop exact de la foy la plus pure ;
Mais rien , en vous servant , ne peut me retenir ,
Je
NOVEMBRE. 1731. 2533
Je ferai mon devoir , dussiez-vous m'en punir ,
&c.
J'aime mon Maître assez , pour m'exposer sans
peine
Jusqu'à l'oser servir , au péril de sa haïne.
Et ma perte assurée , est après tous mes soins ,
L'injustice de lui, que mon coeur craint le moins
Quand j'aurai fait , Seigneur , tout ce que je dois
faire ,
Achevé ce que veut le Sang de votre Pere ;
Assuré votre gloire , et signalé ma foy ,
J'aurai crû vivre assez et pour vous et pour moi ;
Et si ma vie enfin , suivant mon zele extrême ,
Avanger votre sang , vous sert malgré vousmême
,
son tour Je mourrai trop content : si ma mort
Vous sert , selon vos voeux , à vanger votre
amour.
Je finis icy mes citations , pour répondre
à quelques objections que vous m'avez
faites.Le stile de Quinault dites- vous,
n'a pas cette force et cette noblesse que
demande la Tragedie , et vous le renvoyez
avec une espece de mépris à l'Opera ;
vous me faites bien voir par là que vous
avez adopté l'injuste idée qu'on s'est faite
de ce genre de Spectacle , que Quinault a
porté si haut ; mais je doute qu'il soit
plus facile de faire un bon
Opera
bone
C iij
1
2534 MERCURE DE FRANCE
bonne Tragedie ; Racine et Despreaux
l'ont voulu éprouver , et ce n'a été qu'à
leur honte ; ils oserent , dit- on , entreprendre
un Opera, pour supplanter Quinault
, mais à peine furent- ils entrez dans
la carriere , qu'ils l'abandonnerent ; leurs
partisans ne manqueront pas de dire ,
après eux , qu'ils eurent honte de l'avoir
entrepris et qu'ils jugerent le genre indigne
de leurs plumes ; quel rafinement de
Aatterie ! quelle ressource d'amour propre
! cependant Racine a bien fait voir
par le Lyrique qu'il a mis dans Esther et
dans Athalie , que ce n'étoit point là son
fort , et Despreaux nous a convaincu par
son Ode sur Namur , que son genie étoit
là hors de sa Sphere ; et que s'il avoit fait
un Opera sur ce ton , on auroit pû rẹtorquer
contre lui ce qu'il a dit contre les
Opera de Quinault , sçavoir ;
Et , jusqu'à je vous hais , tout s'y dit tendres
ment,
En disant au contraire :
Tout s'y dit durement , et jusqu'à je vous aime.
Vous ajoutez encore , Monsieur , que
les Héros de Quinault sont trop doucereux
; la solution de ce problême deman-
1
deroit
NOVEMBRE. 1731 . 2535
deroit une trop longue discussion ; et
puisque Racine a tant fait que d'ériger
l'amour en partie principale de ses Tragedies
, quoiqu'il ne soit que partie accessoire
dans celles de Corneille , et qu'il·
n'entre presque point du tout dans cellesdes
anciens ; je ne voi point qu'on doive
si fort ennoblir une passion qui n'est que
foiblesse ; d'ailleurs supposé que ce soit là
un deffaut dans Astrate ; c'est une heu
reuse faute , puisqu'elle l'a porté à s'attacher
uniquement à l'Opera ; ce n'est pas
qu'il desesperât de réussir dans le genre
qu'il voulut bien abandonner ; le succès
qu'il avoit eu dans le Faux-Tiberinus , et
dans Astrate , lui offroit assez de quoi se
consoler du peu de réussite de Pausanias,
et de Bellerofon ; de sorte que joignant à
cela sa Mere coquette , il pouvoit justement
se vanter de posseder trois genres ,
dont le moindre auroit suffi pour illustrer
un Auteur. Vous m'accuserez tant
qu'il vous plaira de trop de prévention .
Pour lui ,je vous ai déja dit que c'est mon
Auteur favori ; et d'ailleurs la préférence
que je lui donne est fondée sur des titres
qui me paroissent incontestables ; j'en ai
trop dit pour une Lettre , mais non pour
deffendre une gloire si solidement établie
et si injustement attaquée ; l'espere ,Mon-
Ciiij sicur,
2536 MERCURE DE FRANCE
sieur , que si vous faites un peu plus de
réfléxion sur cette apologie , que vous
n'en avez fait à la représentation d'Astrate
; vous vous rapprocherez de mon
sentiment : Je suis , rancune tenant , votre,
&c.
Tragedie d'Astrale.
CE
que je viens , Monsieur , de vous
rappeller , n'est qu'une foible ébauche
du Portrait de mon Autheur favori ;
il ne fait appercevoir , jusques - là que le
germe des expressions et des sentimens
qui depuis l'ont rendu inimitable dans un
genre dont il a été le créateur , et dans lequel
il est encore aujourd'hui le desespoir de
tous ceux qui ont osé le prendre pour modelle:
J'ai des traits plus dignes de lui à
mettre sous vos yeux dans cette même Piece,
où vous m'annoncez qu'on a ri.Je ne citerai
que quelques endroits des principales
Scenes. Commençons par la cinquième
du 3º Acte , elle suit immédiatement celle
où l'on a ri , et les Spectateurs ont bien
changé
2524 MERCURE DE FRANCE
changé de sentiment à mesure que l'Auteur
a changé de ton . Le voicy donc dans
le ton tragique , ou pour mieux dire dans
un ton digne du grand Corneille.
Sychée , cru pere d'Astrate, apprenant
de lui que la conjuration est découverte ,
et entendant nommer les Principaux qui
y trempent , croit n'avoir plus rien à dissimuler
, et l'arrêtant sur le point qu'il
veut en aller instruire la Reine , lui parle
ainsi :
Je voi qu'il n'est plus temps qu'avec vous je déguise
,
Et qu'il faut vous montrer le Chef de l'entre
prise >
Celui qui du vrai Roy , connoît seul tout le sort;
Et qui contre la Reine a fait le plus d'effort, &c...
Connoissez- le , mon Fils , vous le voyez en moi
Astrate.
Ce pourroit-être vous ?
Sychée.
Oui , c'est moi , dont le zele ;
Pour le sang de nos Rois toujours ferme et fi
delle ,
Contre la Tyrannie a jusqu'à ce jour
Ligué les plus Puissans du peuple et de la Cour
& c.....
Vous me perdez ,,mon Fils , si vous parlez ;
Astrate
NOVEMBRE. 173 1. 2515
Astrate.
Hélasi
Je perds la Reine aussi , si je ne parle pas.
Sychée.
Sa perte avec la mienne entre t- elle eu balance?
&c . ..
Quoique l'Amour d'abord air pû vous inspirer ,
Contre tous ses efforts le sang doit m'assurer ,
&c.
Astrate lui promet d'obtenir
sá grace,
et l'invite à venir tout dire à la Reine.
C'est alors que Sychée lui répond avec
plus de fermeté :
Moi , trahir mes sermens ! mon Prince ! mes
amis !
Plutôt , si vous l'osez , trahissez - moi , mon
Fils.
Pensez
·
vous que l'appas du rang qu'on vous
presente ,
A cet infame prix me corrompe ou me tente ?
Connoissez mieux ma foy ; rien ne l'émou peut
voir;
Et je n'ai point de Fils si cher que mon devoir.
J'ai juré de vanger mon Maître légitime ,
De couronner son sang , de déthrôner le crime ;
D'af2526
MERCURE DE FRANCE
D'affranchir mon païs d'un empire odieux ,
Ou , du moins , de périr d'un trépas glorieux.
Dans un si grand dessein je suis inébranlable ;
11 faut qu'enfin la Reine , ou trébuche, ou m'accable
;
Que vous voyiez ses jours , ou les miens ter
minez ;
Et c'est à vous à voir quel parti vous prenez.
1strate.
Entre la Reine et vous , je n'en ai point à pren
dre ,
Que celui de vouloir tour à tour vous deffendre
Vous garder l'un de l'autre , et toujours me vanger
,
Du parti seulement où sera le danger , &c.
Vous n'avez pas encor besoin de mon secours ,
Seigneur , et de la Reine on va trancher les jours;
Avec le même soin que , comme Amant fidelle ,
Je vais , ou la sauver , ou périr avec elle ,
Je sçaurai , l'ayant mise à couvert de vos coups
Vous sauver , comme Fils , ou périr avec vous ;
Je n'examine point dans cette conjoncture
Qui doit vaincre où ceder , l'amour ou la na
ture ;
Sans juger qui des deux doit être plus puissant ,
Je regarde au péril et cours au plus pressant
N'aiNOVEMBRE.
1731. 252y
-
de
N'ay je pas eu raison , Monsieur ,
vous promettre des sentimens dignes du
grand Corneille? Et ne vous ai- je pas tenu
parole ? Démentez - moy , si vous l'osez.
Mais ce n'est pas encore là du plus beau ,
et la Piece va s'ennoblir et se fortifier par
dégrez. Passons à l'Acte quatrième.
Il y a deux Scenes dans cet Acte qui
peuvent tenir le premier rang entre les
plus interessantes. Vous sçavez , Monsieur,
de quoi il s'y agit. Sychée jusqu'icy ne
s'est montré aux yeux d'Astrate
que sous
le nom de son Pere ; mais apprenant de
lui qu'il vient d'obtenir de la Reine le
pardon de tous les conjurez , pourvû
qu'on lui livre le Fils du vrai Roy ; et
le voyant déterminé à lui ôter la vie de sa
propre main , lui fait connoître que cet
ennemi qu'il veut immoler à la Reine
n'est autre que lui- même . Je vous ai déja
cité ce qui est contenu dans les Tablettes
qu'il presente à Astrate ; j'y ajoute
seulement une circonstance que les Acteurs
apparemment n'observent pas ; j'en
juge par ce que vous m'avez dit vous
même dans votre lettre ; sçavoir , que ces
Tabletes qu'Astrate laisse tomber à terre
et que Sichée ne prend pas la précaution
de ramasser , pourroient tomber entre les
mains de quelqu'un qui les remit entre
celles
2528 MERCURE DE FRANCE
celles d'Astrate , lequel s'en serviroit à
se faire connoître à ses sujets pour
leur Roy , et à sauver Elisé en ` leur
apprenant l'interêt qu'il prend en ses
jours ; vous ajoutez encore qu'il se pourroit
faire qu'Astrate ne laissât point tomber
ces Tablettes si necessaires à Agenor
pour être toujours Maître du secret qu'il
vient de confier à ce malheurenx Prince.
Votre objection , Monsieur , est tres- sensée,
mais vous vous seriez épargné la peine
de la faire , si vous aviez lû la Piece telle
qu'elle est imprimée . Voici ce que l'Auteur
dit en cet endroit: Astrate lit dans
les Tablettes que Sychée lui montres et après
la lecture des Tablettes , il ajoûte : Astrate
continue , en rejettant les Tablettes :
Ah! d'un coup plus affreux peut - on être
percé ?
Je serois né du sang que la Reine a versé !
Quoi ? j'aurois à vanger par des Loix trop se
veres
Sur un si cher objet mon Pere et mes deux Fred
res ;
Et quand nos coeurs charmez , se croyoient tour
permis ,་
Malgré l'Amour et nous , nous serions ennemis ?
Sychée l'éclaircit si bien de cette funeste
vc-
1
NOVEMBRE. 1731 2529
te verité , qu'il ne lui laisse aucun lieu
d'en douter, ce qui l'oblige à dire :
Qu'à jamais ce secret n'est - il caché pour
-moi!
'Ah ! cruel , falloit-il , si je suis Fils du Roy ,
Pour me montrer la main qui fit périr mon
Pere
'Attendre que l'Amour me la rendît si chere ?
Et ne deviez - vous pas , pour le bien de mes
jours ,
Qu m'avertir plutôt , ou vous taire toujours .
Combien d'interêts Quinault n'a- t il
pas réunis dans cette Scene pour exciter
la pitié des Spectateurs Quand la seule reconnoissance
animeroit Astrate , n'en seroit-
ce pas assez pour épargner le sang
d'une Reine , qui vient de l'associer au
rang suprême , préférablement à un Prin .
ce de son sang à qui la couronne avoit
été promise , et sembloit si légitimement
dûë Mais cela ne suffit pas à Quinault
pour nous interesser ; il nous montre en
Astrate un Prince éperduement amoureux
et tendrement aimé ; l'amour le plus
ardent se joint à la plus juste reconnoissance
pour combattre la nature. Sychée
qui traite l'amour d'une maniere confor
nie à son âge , lui dit d'un ton ferme :
C La
2530 MERGURE DE FRANCE.
>
La vangeance d'un Pere à vous seul étoit dûë ;
Je vous l'ai reservée et l'heure en est venuë
L'objet vous en fut- il cent fois plus précieux
Levez le bras , Seigneur , et détournez les yeux ;
& c,
Songez que cet amour qui vous trouble et vous
gêne ,
Qui vous usurpe un coeur qui n'est dû qu'à la
haine ,
Cet amour qui vous guide au crime le plus
noir ,
Corrompt votre vertu , séduit votre devoir ;
Cet amour qui vous rend à vous- même perfide ;
Qui vous force à chérir une main parricide
Doit être icy pour vous le premier des Tyrans
Qu'il faut sacrifier au sang de vos parens .
Sychée voyant approcher la Reine , et
ne pouvant empêcher Astrate de lui parler
, le quitte en lui disant : qu'il va prendre
soin de sa gloire , malgré lui - même,
La Scene qui succede à celle- cy est encore
plus interressante. Les deux Personnes
qui doivent produire le plus grand
interêt y sont aux prises . En vain la nature
, le devoir et l'ambition conspirent à
séparer leurs coeurs ; l'Amour, tout dénué
d'esperance qu'il est , s'obstine à les unir
plus que jamais.
La
NOVEMBRE . 1731. 2531
La Reine demande à Astrate s'il a découvert
son ennemi : Il lui répond qu'il
a plus fait, et qu'il peut le lui livrer. Voici
ce qu'il ajoute :
Ce dernier Fils d'un Roy par vous même
égorgé ,
Ce Fils par son devoir à vous perdre engagé ,
Cette victime encore à vos jours necessaire ,
Ce malheureux vangeur d'un miserable Pere ,
D'une maison détruite , et d'un Sceptre envahi ,
Enfin cet ennemi tant craint , et tant hai ,
Dont nous cherchions la perte avec un soin extrême
,
Qui l'eût pú croire Hélas ! Madame , c'est
moi-même.
Quel coup mortel pour Elisé , quel
nouveau trouble pour Astrate ! Et quel
surcroît de terreur et de pitié pour les
Spectateurs ! Qui ne seroit pas attendri à
ces plaintes de la Reine ?
L'ingenieux couroux du ciel plein de vigueur ,
N'a que trop bien trouvé le foible de mon coeur.
J'aurois bravé mon sort , s'il ne m'eût poiut
trompée ;
Je ne m'en gardois pas par où j'en suis frappée.
De ce piege des Dieux qui se fut défié ≥
Mon coeur étoit sans doute assez fortifié
Cij contre
2532 MERCURE DE FRANCE
Contre tous les dangers qui menaçoient ma vie ,
11 ne l'étoit que trop contre un Peuple en furie ,
Contre les Dieux vangeurs , les Destins en couroux
Mais il ne l'étoit pas contre l'Amour et vous.
Je vous dérobe autant de beautez que
je supprime de Vers dans cette Scene.Vous
n'avez, Monsieur , qu'à la parcourir toute
entiere , pour voir si j'exagere ; mais je
m'apperçoi que ma Lettre passe les bornes
ordinaires ; je vais donc vous citer le plus
succinctement qu'il me sera possible,quel
ques traits du cinquième Acte.
Comme le Rôle de Sychée est sans contredit
le plus beau de la Piéce , et qu'on
y reconnoît le genre de celui de Palamede,
qui produit un effet si admirable dans l'E
lectre de M.de Crebillon.Je ne puis mieux
finir ma Lettre que par quelques Vers
que ce genereux Chef des conjurez dit
à Astrate , qui le menace de vanger sur
lui la mort de la Reine , s'il a été assez bar,
bare pour l'immoler. Voici sa réponse :
Je sçais que l'on reçoit souvent comme ung
injuré
Le zele trop exact de la foy la plus pure ;
Mais rien , en vous servant , ne peut me retenir ,
Je
NOVEMBRE. 1731. 2533
Je ferai mon devoir , dussiez-vous m'en punir ,
&c.
J'aime mon Maître assez , pour m'exposer sans
peine
Jusqu'à l'oser servir , au péril de sa haïne.
Et ma perte assurée , est après tous mes soins ,
L'injustice de lui, que mon coeur craint le moins
Quand j'aurai fait , Seigneur , tout ce que je dois
faire ,
Achevé ce que veut le Sang de votre Pere ;
Assuré votre gloire , et signalé ma foy ,
J'aurai crû vivre assez et pour vous et pour moi ;
Et si ma vie enfin , suivant mon zele extrême ,
Avanger votre sang , vous sert malgré vousmême
,
son tour Je mourrai trop content : si ma mort
Vous sert , selon vos voeux , à vanger votre
amour.
Je finis icy mes citations , pour répondre
à quelques objections que vous m'avez
faites.Le stile de Quinault dites- vous,
n'a pas cette force et cette noblesse que
demande la Tragedie , et vous le renvoyez
avec une espece de mépris à l'Opera ;
vous me faites bien voir par là que vous
avez adopté l'injuste idée qu'on s'est faite
de ce genre de Spectacle , que Quinault a
porté si haut ; mais je doute qu'il soit
plus facile de faire un bon
Opera
bone
C iij
1
2534 MERCURE DE FRANCE
bonne Tragedie ; Racine et Despreaux
l'ont voulu éprouver , et ce n'a été qu'à
leur honte ; ils oserent , dit- on , entreprendre
un Opera, pour supplanter Quinault
, mais à peine furent- ils entrez dans
la carriere , qu'ils l'abandonnerent ; leurs
partisans ne manqueront pas de dire ,
après eux , qu'ils eurent honte de l'avoir
entrepris et qu'ils jugerent le genre indigne
de leurs plumes ; quel rafinement de
Aatterie ! quelle ressource d'amour propre
! cependant Racine a bien fait voir
par le Lyrique qu'il a mis dans Esther et
dans Athalie , que ce n'étoit point là son
fort , et Despreaux nous a convaincu par
son Ode sur Namur , que son genie étoit
là hors de sa Sphere ; et que s'il avoit fait
un Opera sur ce ton , on auroit pû rẹtorquer
contre lui ce qu'il a dit contre les
Opera de Quinault , sçavoir ;
Et , jusqu'à je vous hais , tout s'y dit tendres
ment,
En disant au contraire :
Tout s'y dit durement , et jusqu'à je vous aime.
Vous ajoutez encore , Monsieur , que
les Héros de Quinault sont trop doucereux
; la solution de ce problême deman-
1
deroit
NOVEMBRE. 1731 . 2535
deroit une trop longue discussion ; et
puisque Racine a tant fait que d'ériger
l'amour en partie principale de ses Tragedies
, quoiqu'il ne soit que partie accessoire
dans celles de Corneille , et qu'il·
n'entre presque point du tout dans cellesdes
anciens ; je ne voi point qu'on doive
si fort ennoblir une passion qui n'est que
foiblesse ; d'ailleurs supposé que ce soit là
un deffaut dans Astrate ; c'est une heu
reuse faute , puisqu'elle l'a porté à s'attacher
uniquement à l'Opera ; ce n'est pas
qu'il desesperât de réussir dans le genre
qu'il voulut bien abandonner ; le succès
qu'il avoit eu dans le Faux-Tiberinus , et
dans Astrate , lui offroit assez de quoi se
consoler du peu de réussite de Pausanias,
et de Bellerofon ; de sorte que joignant à
cela sa Mere coquette , il pouvoit justement
se vanter de posseder trois genres ,
dont le moindre auroit suffi pour illustrer
un Auteur. Vous m'accuserez tant
qu'il vous plaira de trop de prévention .
Pour lui ,je vous ai déja dit que c'est mon
Auteur favori ; et d'ailleurs la préférence
que je lui donne est fondée sur des titres
qui me paroissent incontestables ; j'en ai
trop dit pour une Lettre , mais non pour
deffendre une gloire si solidement établie
et si injustement attaquée ; l'espere ,Mon-
Ciiij sicur,
2536 MERCURE DE FRANCE
sieur , que si vous faites un peu plus de
réfléxion sur cette apologie , que vous
n'en avez fait à la représentation d'Astrate
; vous vous rapprocherez de mon
sentiment : Je suis , rancune tenant , votre,
&c.
Fermer
Résumé : SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
La lettre traite de la tragédie 'Astrate' de Quinault. L'auteur rappelle à son destinataire qu'il n'a fait qu'esquisser le portrait de Quinault et promet de révéler des traits plus dignes de lui dans la pièce. Il cite des extraits de la cinquième scène du troisième acte, où Sychée, père d'Astrate, révèle sa véritable identité et ses intentions de venger le roi légitime. Sychée exprime son devoir envers son maître et son refus de trahir ses serments, malgré les supplications d'Astrate. La lettre met en avant la noblesse et la fermeté des sentiments exprimés par Sychée, comparables à ceux de Corneille. L'auteur passe ensuite à l'acte quatrième, où Sychée révèle à Astrate qu'il est le fils du roi légitime. Astrate est déchiré entre son amour pour la reine et son devoir de venger son père. La scène suivante montre la reine et Astrate, ce dernier révélant qu'il est l'ennemi qu'elle cherche à éliminer. La lettre souligne l'intensité dramatique et la profondeur des sentiments exprimés dans ces scènes. L'auteur défend le style de Quinault, souvent critiqué pour sa douceur, et souligne que même des auteurs comme Racine et Boileau ont échoué dans le genre de l'opéra. Il conclut en citant des vers de Sychée, illustrant son dévouement et son sens du devoir jusqu'à la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 2993-2996
LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
Début :
L'Interêt que vous prenez, Monsieur, à tout ce qui nous regarde, m'engage [...]
Mots clefs :
Comédie, Succès, Spectateurs, Actrices
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
LETTRE écrite de foigny , le 12.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
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Résumé : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
La lettre datée du 12 décembre 1731 décrit la représentation de la comédie 'Le Joueur' de Jean-François Regnard à Foigny. La pièce, déjà jouée le 26 novembre précédent, a été reprise le 10 décembre dans une salle du château, devant une assemblée distinguée composée de dames et seigneurs de renom, tels que le Commandeur de Vatange, le Marquis de Pelport et le Comte de Villefranche. Les acteurs, principalement issus de la noblesse, ont surpassé les attentes du public. Le rôle du Joueur a été particulièrement admiré pour sa diversité de caractères et son authenticité. Hector a excellé dans son rôle, caractérisé par sa naïveté et son instruction. Le père du Joueur a incarné un homme sage et moralisateur, tandis que le faux Marquis a joué un personnage vain et sans sentiment. Le Maître de Trictrac a rappelé le célèbre Desmares par son jeu plaisant. Les actrices ont également été remarquées pour leur talent. Angelique a montré une profonde émotion pour son amant, et la Comtesse a trompé le public par son jeu professionnel. Nerine a été applaudie pour son esprit et son expression, et Madame de la Ressource a joué un rôle naturel malgré son apparente simplicité. La représentation a été organisée par Madame de la Prée, veuve du Maréchal des Camps et Armées du Roi, et a été suivie de la pièce 'Le Retour imprévu' du même auteur. La salle, magnifiquement décorée, pouvait contenir environ sept cents personnes. Un bal et un grand souper ont suivi la représentation, avec des vins choisis jugés supérieurs à ceux d'autres provinces. La lettre mentionne également une ordonnance bachique publiée par des émules d'Auxerre, qualifiée de divertissante mais sans grande valeur. L'auteur de la lettre conclut en plaisantant sur cette querelle, qualifiée de 'Bachicomachie'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 133-145
TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
Début :
Nous n'aurions pas tardé si long temps à donner l'Extrait d'une Tragédie qui [...]
Mots clefs :
Voltaire, Zaïre, Orosmane, Nérestan, Religion, Coeur, Lusignan, Lettre, Soudan, Amour, Mort, Chrétiens, Tragédie, Serment, Soeur, Spectateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
TRAGEDIE DE zArRE;
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
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Résumé : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
La tragédie 'Zaïre' de Voltaire a suscité un grand intérêt à la cour et dans la ville. L'intrigue se concentre sur Lustignam, dernier roi de Jérusalem, détrôné par Saladin, père d'Orosmane. Deux enfants de Lustignam survivent : un garçon et une fille, Zaïre. Élevée dans la religion musulmane, Zaïre devient l'objet de l'amour d'Orosmane. Son frère, Neresman, est également élevé dans le sérail sans connaître ses origines. Orosmane accepte de libérer Neresman en échange de la rançon de dix chevaliers chrétiens. Zaïre obtient la liberté de son père grâce à une croix et une blessure reconnaissables. Le conflit central de la pièce oppose la religion et l'amour. Zaïre promet à Neresman de ne pas épouser Orosmane avant d'être baptisée. Une lettre ambiguë déclenche la jalousie d'Orosmane, menant à une tragédie où il tue Zaïre et se donne la mort. Les critiques soulignent que Voltaire aborde des sujets philosophiques, bien que certains trouvent sa complaisance excessive. La vérification de ses principes est jugée inégale et suscite des passions. Les critiques reprochent à Voltaire d'avoir donné à son héros des expressions trop passionnées et d'avoir fait évoluer son caractère de manière excessive, notamment en le faisant passer de la jalousie à un acte violent. Ils estiment également que le serment central de la pièce est indécent et inexcusable. Les personnages de Lusignan, Chétillon et Nérestan sont bien accueillis, tandis que celui de Zaïre est perçu comme indécis. Les critiques se demandent si Zaïre meurt en tant que chrétienne ou musulmane, et doutent que son amour pour Dieu puisse remplacer un baptême ou une contrition. Nérestan renforce ce doute par des vers adressés à Orosmane. La pièce a été imprimée à Rouen et se vend à Paris chez Bauche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1638-1651
Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 18 Juillet, les Comédiens François représenterent pour la premiere fois, la Tragedie de [...]
Mots clefs :
Pélopée, Comédie-Française, Thyeste, Atrée, Sostrate, Égisthe, Vers, Amour, Mort, Dieux, Fils, Eurymédon, Hymen, Père, Secours, Yeux, Vengeance, Secret, Coeur, Spectateurs, Billet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 Juillet , les Comédiens François représenterent
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
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Résumé : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 juillet 1733, les Comédiens Français présentèrent pour la première fois la tragédie 'Pélopée', écrite par le Chevalier Pellegrin. La pièce, tirée des récits de Servius, Lactance et Hygin, fut accueillie avec enthousiasme. Hygin relate deux versions des événements : dans la première, Pinceste commet l'inceste volontairement après une prédiction oraculaire ; dans la seconde, Thyeste viole sa fille Pélopée sans la reconnaître. La pièce adopte cette dernière version et y ajoute des correctifs pour la décence théâtrale. Au premier acte, Sostrate, gouverneur d'Agyste, recherche le prince Ægysthe, échappé de la forêt où il a été élevé par une chèvre. Il rencontre Arcas, qui lui apprend que Thyeste, frère d'Atrée, a remporté des victoires grâce à Tyndare, roi de Sparte. Cependant, un jeune inconnu, Ægysthe, a récemment ramené la victoire à Atrée. Thyeste, désespéré, a défié ce jeune homme à un combat singulier. Sostrate reconnaît en Ægysthe son fils et cherche à l'avertir sans révéler son secret. Atrée révèle à Eurimedon que Pélopée, qu'il considère comme sa fille, est en réalité la fille de Thyeste. Il espère que le mariage de Pélopée avec Ægysthe détournera Tyndare du parti de Thyeste. Dans le second acte, Pélopée, accompagnée de Phoenice, sa confidente, attend Ægysthe. Elle révèle son mariage secret avec Thyeste et un songe prémonitoire où elle voit son fils menacé d'inceste et de parricide. Elle confie cet enfant à Sostrate, qui l'élève sans lui révéler son origine. Pélopée convainc Ægysthe de ne pas combattre Thyeste, mais Atrée, soupçonnant la vérité, ordonne à sa garde de la suivre. Au troisième acte, Thyeste, prisonnier, apprend qu'Atrée veut le tuer. Il révèle à Arbate qu'il a ordonné l'exécution de sa fille pour éviter l'inceste prédit par l'oracle. Pélopée informe Thyeste qu'Atrée propose la paix en échange de son mariage. Thyeste refuse, craignant de déshonorer Tyndare. Ægysthe, venu annoncer les menaces contre Thyeste, promet de le défendre. Atrée arrive et exige des explications d'Ægysthe, qui finit par le supplier. Dans le quatrième acte, Atrée expose son plan de vengeance, visant à faire périr ses ennemis les uns par les autres. Il feint de consentir à l'union de Pélopée et Thyeste pour manipuler Ægysthe. Ægysthe, après avoir appris que Sostrate retient Pélopée, libère Thyeste et lui révèle qu'il est son rival. Sostrate intervient alors pour révéler la vérité : Pélopée est la mère d'Ægysthe, et Atrée prévoit de tuer Ægysthe. Dans le cinquième acte, Atrée annonce à Pélopée la mort de Thyeste, mais elle révèle ensuite à Atrée que Thyeste était son époux. Ægysthe apprend alors que Thyeste est son père et que Pélopée est sa mère. Sostrate informe Ægysthe de l'arrivée des renforts de Tyndare. Finalement, Atrée, mourant, révèle à Thyeste que Pélopée est sa fille, confirmant ainsi les prédictions divines.
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