LA DECOUVERTE de l'Empire de
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.