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1
p. 195-208
CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
Début :
Un jeune Officier devint amoureux d'une jeune personne appellée [...]
Mots clefs :
Mère, Fille, Lyon, Deux pères, Officier amoureux, Fidélité, Marianne, Juge, Procès, Loi
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texteReconnaissance textuelle : CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
CONTRE-PARTII
duprocès deLion.
LA PETITE FILLE.
àdeux feres, UN -
jeuneOfficier devint amoureux d'une jeune
personne appellée Marianne ;elle: lepréféra à un
vieux Bourgeoistrés-opulent. CetOScierecoic si
bienfait & si pauvre,
qu'il fit. compassionà une
riche veuve,, ni jeune, ni
belle, mais d'un bon natu- rel. Elle eut autant d'envie
de faire la fortune de l'Ofsicier, que l'Officier enavoit defairecelle de Marianne: mais quel parti
prendre ?
S'épouser sans
bIen, c'étoit se rendremiserablesépouserle vieillard
& lavieille,c'étoit sacrifierleur bonheur pour des
richesses nos jeunes amans
ne pouvoient s'y resoudre.
Cependant le vieillard &
la vieille les pressoientfort,
ôc le mauvais état de leurs
adiréslesprenant encore
davantage, ilsse conseillejent
enfin
l'un àl'autre ce
qu'ils ne pouvaient se resoudre d'executer :ce fut;
d'épouser ceux qui pouvoient leur donner moyen
d'être quelque jour l'un &
l'autre bienà leur aise; car
quoyqu'ils ne souhaitassent
pas en se mariant de devenir bientôt veufs, le grand
âge du Bourgeois & de la
veuve devoirprévenir leur
souhait en peu d'années. Ils
prirent donc la verrueufe
refollition de ne se jamais,
voir,dés, qu'ils auroient
promis chacunà leur vieille
moitié une fidélité inviolable. Ilsalut se separer
que ne se dirent point ces
tendres amans! que de soûpirs ! que de larmes ! La,,
douleur d'une separationsi
cruelle redoubla leur ten.
dresse, & troubla leur rarson. L'Officier perditlerespeét
,
Marianne perdit la
ttamqnrane;ils ne se poffedoientplus. Jenesçaicomment ilsse separerent:mais
ils promirentde se revoir
encore; cependant levieillard & la vieille vouloient
terminer leurs mariages;
les jeunes remettoienttoujours aulendemain; & de
lendemainen lendemain ils
auroient;différé. toute leur
vie,sansunecrainte fecrece
qui obligea Marianne de
conclure les noces au plûtôfcv Elle n'y perdit pas un
moment,&au moyen de
cette diligence levieillard
eut lignée justement au
bout de neuf mois.
,
L'Officier s'étoit marié
dés le même jour à cette
vieille veuve, enquil'amour fit par miraclel'effet
de la jeunesse;car à 60. ans,..
dit-on, elle accoucha d'une:
fille, à qui ayant donné le
peu de chaleur naturelle
quilui restoit, ellemourut à
rinftantj&rÔfficier se trouvant pere & veuf en même
jour, se fit un plaisir de
-
don.
ner secretement cette fille
à nourrir à la même nourrice qui nourrissoitdéjà
celle de Marianne. Ensuite
roncier partit pour la
guerre, parce que la vertueuseMarianne nevouloir
:
point le voir tant. que [olt;
mari vivroit,
Peu de temps après le
vieillard & Marianne sa
femme furent,obligez dé
faire un longvoyage pour des affaires importantes;
en tprie que lesdeux petites
filles resterent en nourrice
ensèmble, & l'une des deux
ecant morte peu aprés,
la nourrice avare voyant la
mere 6c tes, deuxperes absens, continua de se faire
payer des deux côtex lapensîôn de celle qui restoit
;
mais; l'embarras fut que là*
nourrice étant morteenfuite subitement. la fille, qui pouvoiravoirquatre oucinqans,resta entre
les mainsd'une voisine,qui
s'en chargea pour tâcherde
tirer encoreles deux pensions.Mais l'Officier revint
Bientôtde l'armée, & s'empara dela petitefille, qu'il
crut de bonne foy être celle
qu'ilavoit euë deson mariage, parce quelle avoit
beaucoup de son air.
-
Il faut remarquer que
personne ne sçavoit plus véritablement àqui elle, ap-
-.
«
p^fceaoic :la jeune mere ficeles deuxperes ne l'avoient,
point vuedepuis sa naissance, 6c cela doiuia lieu à.
un grand procès
; car le
vieillardde retour
,.
voulut
avoir le fruit desonmariage ,
dontl'Officiers'étoit
emparé.Onplaida la causè,
quelquesJuges opinerenc.x
~t~c~M/~ de iobfeuritêimfmttrairitrépandissur
xt4tte affaire
y
l'enfant reftttroit au perc leplusriche parcemieux qu'iletoitélever. en ÇÏAÏ de III
Un autre Juge, plusér
claire, demanda si la petite
fille n'avoit point encore VIL la mere ; on Ion. réponditque
-
Il nousresse donc,dit ce
*
Jpge, deux moyens de con
noitresi la femme du vieillard
te mere ou non. Le premier, *
cVyî la ressemblance,quenous
examineron dans lafuite.
Vautre moyen,.t'ifl qu'il!
fautmettre la petite fille au
milieu d'une douzaine dam..dtres du mêmeâge, v', qu'on
.l(S amene toutes ensemble. deJ
vant nous.
On!executa l'arrêtcom-
rne ce dernierJuge. l'avoit
prononcé; onamena à
laudience suivante cette troupe de petitesfilles,l'ondit
-"a lamere de choisir celle
de toutespour qui elle se
sentoit le plus d'inclination
naturelle,&ellechoisitjustement entre toutes la pe- tite filleen question.
Je sçavoisbien, dit le Juge,quel'instinctferoit meilleurJuge
que moy :
la ressemblnceparfaitequeje vois entre lamere & lafillemepersuade encore que
Cinfliniléfl
veritable.
Les deuxperescepenJant etoieil'tns à ce
jugement. Le vieillard
,,, -transporté de joye qu'on feûtjugépubliquement qu'à
sonâge il pouvoitêtre >
pere,
courut pour embrasser la
;;petite fille
;
maiselle eut
peur, & s'écria en le repoussant: Ah
ce n'est point là monpapa, j'aime bien mieux
celui.ci;continuait-elle, en
se tournant vers l'Officier,
qu'elle courutembrasser ;
ahjevois bien que celui-ci est
mon "iraipapa.
Cet évenementimprévu
embarassaquelques-uns des oient-.:tdHoie,nt-ils i si s,t
CinjlinB a donnél'enfant àla
•
mere.tSPau-vieill.irdy le même
injlinÛ taaujji donné a
l'Ofsficier :
ainjïcelanedécidé
rIen.
.,Ol\JNt queIey pluscensez opinerent pour le premierinstinct; parce que la
inerc' étant designée sûrementparl'instinct
,
&le
pere demontréparlemariage avec la mere,ilfaloit
suivrelaloyà l'égard du
pere,&non l'instinct. En
effetcen'estpasla faute des
.)uges si la loy ne s'accorde
pastoûjours avec l'instinct.
duprocès deLion.
LA PETITE FILLE.
àdeux feres, UN -
jeuneOfficier devint amoureux d'une jeune
personne appellée Marianne ;elle: lepréféra à un
vieux Bourgeoistrés-opulent. CetOScierecoic si
bienfait & si pauvre,
qu'il fit. compassionà une
riche veuve,, ni jeune, ni
belle, mais d'un bon natu- rel. Elle eut autant d'envie
de faire la fortune de l'Ofsicier, que l'Officier enavoit defairecelle de Marianne: mais quel parti
prendre ?
S'épouser sans
bIen, c'étoit se rendremiserablesépouserle vieillard
& lavieille,c'étoit sacrifierleur bonheur pour des
richesses nos jeunes amans
ne pouvoient s'y resoudre.
Cependant le vieillard &
la vieille les pressoientfort,
ôc le mauvais état de leurs
adiréslesprenant encore
davantage, ilsse conseillejent
enfin
l'un àl'autre ce
qu'ils ne pouvaient se resoudre d'executer :ce fut;
d'épouser ceux qui pouvoient leur donner moyen
d'être quelque jour l'un &
l'autre bienà leur aise; car
quoyqu'ils ne souhaitassent
pas en se mariant de devenir bientôt veufs, le grand
âge du Bourgeois & de la
veuve devoirprévenir leur
souhait en peu d'années. Ils
prirent donc la verrueufe
refollition de ne se jamais,
voir,dés, qu'ils auroient
promis chacunà leur vieille
moitié une fidélité inviolable. Ilsalut se separer
que ne se dirent point ces
tendres amans! que de soûpirs ! que de larmes ! La,,
douleur d'une separationsi
cruelle redoubla leur ten.
dresse, & troubla leur rarson. L'Officier perditlerespeét
,
Marianne perdit la
ttamqnrane;ils ne se poffedoientplus. Jenesçaicomment ilsse separerent:mais
ils promirentde se revoir
encore; cependant levieillard & la vieille vouloient
terminer leurs mariages;
les jeunes remettoienttoujours aulendemain; & de
lendemainen lendemain ils
auroient;différé. toute leur
vie,sansunecrainte fecrece
qui obligea Marianne de
conclure les noces au plûtôfcv Elle n'y perdit pas un
moment,&au moyen de
cette diligence levieillard
eut lignée justement au
bout de neuf mois.
,
L'Officier s'étoit marié
dés le même jour à cette
vieille veuve, enquil'amour fit par miraclel'effet
de la jeunesse;car à 60. ans,..
dit-on, elle accoucha d'une:
fille, à qui ayant donné le
peu de chaleur naturelle
quilui restoit, ellemourut à
rinftantj&rÔfficier se trouvant pere & veuf en même
jour, se fit un plaisir de
-
don.
ner secretement cette fille
à nourrir à la même nourrice qui nourrissoitdéjà
celle de Marianne. Ensuite
roncier partit pour la
guerre, parce que la vertueuseMarianne nevouloir
:
point le voir tant. que [olt;
mari vivroit,
Peu de temps après le
vieillard & Marianne sa
femme furent,obligez dé
faire un longvoyage pour des affaires importantes;
en tprie que lesdeux petites
filles resterent en nourrice
ensèmble, & l'une des deux
ecant morte peu aprés,
la nourrice avare voyant la
mere 6c tes, deuxperes absens, continua de se faire
payer des deux côtex lapensîôn de celle qui restoit
;
mais; l'embarras fut que là*
nourrice étant morteenfuite subitement. la fille, qui pouvoiravoirquatre oucinqans,resta entre
les mainsd'une voisine,qui
s'en chargea pour tâcherde
tirer encoreles deux pensions.Mais l'Officier revint
Bientôtde l'armée, & s'empara dela petitefille, qu'il
crut de bonne foy être celle
qu'ilavoit euë deson mariage, parce quelle avoit
beaucoup de son air.
-
Il faut remarquer que
personne ne sçavoit plus véritablement àqui elle, ap-
-.
«
p^fceaoic :la jeune mere ficeles deuxperes ne l'avoient,
point vuedepuis sa naissance, 6c cela doiuia lieu à.
un grand procès
; car le
vieillardde retour
,.
voulut
avoir le fruit desonmariage ,
dontl'Officiers'étoit
emparé.Onplaida la causè,
quelquesJuges opinerenc.x
~t~c~M/~ de iobfeuritêimfmttrairitrépandissur
xt4tte affaire
y
l'enfant reftttroit au perc leplusriche parcemieux qu'iletoitélever. en ÇÏAÏ de III
Un autre Juge, plusér
claire, demanda si la petite
fille n'avoit point encore VIL la mere ; on Ion. réponditque
-
Il nousresse donc,dit ce
*
Jpge, deux moyens de con
noitresi la femme du vieillard
te mere ou non. Le premier, *
cVyî la ressemblance,quenous
examineron dans lafuite.
Vautre moyen,.t'ifl qu'il!
fautmettre la petite fille au
milieu d'une douzaine dam..dtres du mêmeâge, v', qu'on
.l(S amene toutes ensemble. deJ
vant nous.
On!executa l'arrêtcom-
rne ce dernierJuge. l'avoit
prononcé; onamena à
laudience suivante cette troupe de petitesfilles,l'ondit
-"a lamere de choisir celle
de toutespour qui elle se
sentoit le plus d'inclination
naturelle,&ellechoisitjustement entre toutes la pe- tite filleen question.
Je sçavoisbien, dit le Juge,quel'instinctferoit meilleurJuge
que moy :
la ressemblnceparfaitequeje vois entre lamere & lafillemepersuade encore que
Cinfliniléfl
veritable.
Les deuxperescepenJant etoieil'tns à ce
jugement. Le vieillard
,,, -transporté de joye qu'on feûtjugépubliquement qu'à
sonâge il pouvoitêtre >
pere,
courut pour embrasser la
;;petite fille
;
maiselle eut
peur, & s'écria en le repoussant: Ah
ce n'est point là monpapa, j'aime bien mieux
celui.ci;continuait-elle, en
se tournant vers l'Officier,
qu'elle courutembrasser ;
ahjevois bien que celui-ci est
mon "iraipapa.
Cet évenementimprévu
embarassaquelques-uns des oient-.:tdHoie,nt-ils i si s,t
CinjlinB a donnél'enfant àla
•
mere.tSPau-vieill.irdy le même
injlinÛ taaujji donné a
l'Ofsficier :
ainjïcelanedécidé
rIen.
.,Ol\JNt queIey pluscensez opinerent pour le premierinstinct; parce que la
inerc' étant designée sûrementparl'instinct
,
&le
pere demontréparlemariage avec la mere,ilfaloit
suivrelaloyà l'égard du
pere,&non l'instinct. En
effetcen'estpasla faute des
.)uges si la loy ne s'accorde
pastoûjours avec l'instinct.
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Résumé : CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
Le texte raconte l'histoire d'un jeune officier amoureux de Marianne, une jeune femme qu'il préfère à un vieux bourgeois riche. Une riche veuve, bienveillante mais ni jeune ni belle, souhaite également aider l'officier. Les deux jeunes amants, confrontés à des pressions et des difficultés financières, décident de se marier chacun avec l'aîné de l'autre pour assurer leur avenir, promettant de ne jamais se revoir après leur mariage. Marianne épouse rapidement le vieillard, qui décède neuf mois plus tard. L'officier épouse la veuve, qui donne naissance à une fille avant de mourir. L'officier confie sa fille à la même nourrice que celle de Marianne. Marianne refuse de voir l'officier tant que son mari est en vie. Peu après, Marianne et son beau-père doivent partir en voyage, laissant les deux filles chez la nourrice. À la mort de la nourrice, une voisine prend en charge la fille restante pour percevoir les deux pensions. L'officier revient de la guerre et récupère la petite fille, croyant qu'elle est la sienne. Un procès s'ensuit entre les deux pères pour déterminer la véritable filiation de l'enfant. Un juge propose de laisser la mère choisir son enfant parmi plusieurs filles. Marianne reconnaît immédiatement sa fille. Les juges, bien que divisés, décident de suivre la loi, attribuant l'enfant au père légitime, le vieillard. Cependant, l'enfant refuse le vieillard et court vers l'officier, affirmant qu'il est son vrai père.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 26-42
STANCES.
Début :
Si j'entre dans ta route, [...]
Mots clefs :
Dieu, Esprit, Seigneur, Loi, Foi, Grâce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
SI j'entre dans ta route ,
6 Suprême Sageße
L'amour propre m'arrête,
&me rappelle à foy ;
Et pour un vain objet de
joye ou de trifteffe,
GALANT.
27
Infensé je te laiffe ,
Et je mets en oubli ta loy.
Si dans les vains tranf
ports dont l'ardeur nous,
poffede
Je veux de la raifon emprunter
du fecours ,
'Ils
s'enflament encor par
ce foible remede ,
Tout obftacle leur cede ;
C'efl un torrent qui croît
toûjours.
Je pense affezSouvent à
Cij
28 MERCURE
Pordre falutaire
Qui borne nos defirs par
un jufte compas :
Mais ce penfer , femblable
à la flâme legere
Qu'on voit quand il éclaire
,
Me luit & ne m'échauffe
pas.
Quand j'écoute ta voix ,
elle me perfuade ,
Et je veux t'obeïr en cet
heureux moment :
Mais ce vouloir n'eft rien
1
GALANT. 29
qu'un fouhait de malade
,
Qui trouve amer ou fade
Le plus agreable aliment.
Le vice plein d'amorce ,
ainfi qu'une Syrene ,
Qui chante , qui nous flate
, & qui furprend
nos fens ,
Par fes appas trompeurs
en fes gouffres m'entraîne
Avec fi peu de peine ,
Queje l'écoute je conses.
C iij
30 MERCURE
Loy de la providence ! hé
quepouvoit- on dire ?
Helas!un Dieu cachéconduit
tous ces reffors.
La meilleure partie eft
foumise à lapire,
Et loin d'avoir l'empire ;
Notre esprit obeït au corps.
Mais , ô Mufe , tout
beau , tu te rends eriminelle
En fondant des fecrets que
cache un Dieu jaloux ;
Confeffe & reconnois fa
GALANT .
31
bonté
paternelle ,
Tous nos biens viennent
d'elle ,
Et tous nos maux viennent
de nous.
Que fi l'on s'attachoit à
cet Estre fuprême
De qui vient notre force
tout notre pouvoir
,
Et fuivant les confeils
d'une ferveur extrême
On fe quittoit foy- même ,
Sans peine on feroit fon
devoir.
Ciiij
32 MERCURE
Nos esprits éclairez, d'u
ne vive lumiere ,
Sans nul empêchement
voyant la verité,
Mépriferoient alors comme
vile pouffiere
Ce qui fert de matiere
A nos voeux pleins de
vanité.
Mais l'homme quittant
Dieu , par qui tout
eft facile ,
Par qui contre l'erreur,
l'esprit eft affermi,
GALANT.. 33.
En vain pour s'en garder
fe croit affez , habile ;
Car comme il eft fragile ,
Lui-même il eft fon ennemi.
L'homme s'aime , il eft
vrai,mais d'un amour
perfide
i
Qui le mene au trépaspar
un
chemin trompeur
Et lorsqueton esprit ne lui
fert pas de guide,
Comme il est trop avide
,
34 MERCURE
Il court lui-même à for
malheur.
Défens- moy done de moy ,
munis-moy de ta grace ,
Ne te laße jamais , Seigneur,
de m'affifter;
Regle mes paffions , repri
me leur audace :
Quelque effort queje falſe ,
Sans toyje n'ypuis refifter.
Puis-je regler le cours de
ma nef vagabonde ,
Des vagues & des vents
GALANT 39
foutenir les combats ;
Eviter les rochers qui font
cachez fous l'onde
Dans une nuit profonde ,
Si ta main ne me guide
pas ?
La mer de cette vie est fi
pleine d'orage ,
Quefi l'on ne craintpoint,
on n'a point de raiſon ;
Et quoique d'un béau tems;
on tire un bon prefage ,
On faitfouvent naufrage.
En la plus tranquille faifon.
36 MERCURE
Parmi tant de périls notre
unique reßource
Eft d'avoir toujours l'oeil
deßus ta volonté ,
Semblables au nocher qui
fe regle en fa courfe
Sur l'étoile de l'ourfe ,
Et fe rend au port fou
haité.
Afin qu'à l'avenir je vogue
en affurance ,
Eclaire - moy ,
Seigneur
du flambeau de la
foy,
GALANT. 37
Donne- moy de l'amour ,
remplis-moy d'esperance
,
Et fais qu'avec constance
Je m'attache à ta fainte
loy.
La volonté de l'homme eft
toûjours chancelante ,
Il croit , ildoute , il craint,
il veut & ne veut pas ,
Le préfent lui déplait, &
fon ame inconstante
Voit dans la chofe abfente,
Ou croit voir les plus doux
appas.
38 MERCURE
Il fuit toute fa vie une
vaine chimere ,
Un lumineux fantome ,
un néant précieux ;
De fes plaifirs paẞez la
douceur eft amere ,
Et le bien qu'il espere
Bientoft fe dérobe à fes
yeux.
Ta conftance , Seigneur ,
toute conftance efface ,
Ton vouloir par le temps
n'est jamais limité ;
Qui le fuit eft heureux ,
GALANT .
39
il jouit de ta grace ,
Et nul mal ne
menace
De
troubler(a félicité.
Il est toujours content , il
nage dans la joye ,
Il ne craint ni n'efpere ,
épris d'un vaiu défir ;
Et quand mefme du mal
il femble être la
proye ,
Scachant que Dieu l'envoye
Il n'en fent aucun déplaifir.
40 MERCURE
Si cet hymnefacré te plaift
comme il me touche ,
Doux & charmant objet
de nos pieux concerts ,
Fais , quandjefuis debout
ou gifant dans ma
couche ,
Que d'une pure bouche
Je chante inceffamment
ces vers.
Heureux quidu pechépeut
fortir de la fange ,
Dans une paix profonde il
voit couler fes jours ,
En
GALANT. 41
En tout temps , en tous
lieux il chante ta
loйange ,
Et par un beureux change
S'il meurt , c'est pour vivre
toujours
.
Mais malheureux celui
qui , plongé dans le
vice ,
De remords douloureux
voit punir fes forfaits,
Et qui par la terreur qu'-
imprime ta justice ,
Janv. 1713.
D
42 MERCURE
Sent déja le fupplice
Qu'il doit endurer à jamais
.
SI j'entre dans ta route ,
6 Suprême Sageße
L'amour propre m'arrête,
&me rappelle à foy ;
Et pour un vain objet de
joye ou de trifteffe,
GALANT.
27
Infensé je te laiffe ,
Et je mets en oubli ta loy.
Si dans les vains tranf
ports dont l'ardeur nous,
poffede
Je veux de la raifon emprunter
du fecours ,
'Ils
s'enflament encor par
ce foible remede ,
Tout obftacle leur cede ;
C'efl un torrent qui croît
toûjours.
Je pense affezSouvent à
Cij
28 MERCURE
Pordre falutaire
Qui borne nos defirs par
un jufte compas :
Mais ce penfer , femblable
à la flâme legere
Qu'on voit quand il éclaire
,
Me luit & ne m'échauffe
pas.
Quand j'écoute ta voix ,
elle me perfuade ,
Et je veux t'obeïr en cet
heureux moment :
Mais ce vouloir n'eft rien
1
GALANT. 29
qu'un fouhait de malade
,
Qui trouve amer ou fade
Le plus agreable aliment.
Le vice plein d'amorce ,
ainfi qu'une Syrene ,
Qui chante , qui nous flate
, & qui furprend
nos fens ,
Par fes appas trompeurs
en fes gouffres m'entraîne
Avec fi peu de peine ,
Queje l'écoute je conses.
C iij
30 MERCURE
Loy de la providence ! hé
quepouvoit- on dire ?
Helas!un Dieu cachéconduit
tous ces reffors.
La meilleure partie eft
foumise à lapire,
Et loin d'avoir l'empire ;
Notre esprit obeït au corps.
Mais , ô Mufe , tout
beau , tu te rends eriminelle
En fondant des fecrets que
cache un Dieu jaloux ;
Confeffe & reconnois fa
GALANT .
31
bonté
paternelle ,
Tous nos biens viennent
d'elle ,
Et tous nos maux viennent
de nous.
Que fi l'on s'attachoit à
cet Estre fuprême
De qui vient notre force
tout notre pouvoir
,
Et fuivant les confeils
d'une ferveur extrême
On fe quittoit foy- même ,
Sans peine on feroit fon
devoir.
Ciiij
32 MERCURE
Nos esprits éclairez, d'u
ne vive lumiere ,
Sans nul empêchement
voyant la verité,
Mépriferoient alors comme
vile pouffiere
Ce qui fert de matiere
A nos voeux pleins de
vanité.
Mais l'homme quittant
Dieu , par qui tout
eft facile ,
Par qui contre l'erreur,
l'esprit eft affermi,
GALANT.. 33.
En vain pour s'en garder
fe croit affez , habile ;
Car comme il eft fragile ,
Lui-même il eft fon ennemi.
L'homme s'aime , il eft
vrai,mais d'un amour
perfide
i
Qui le mene au trépaspar
un
chemin trompeur
Et lorsqueton esprit ne lui
fert pas de guide,
Comme il est trop avide
,
34 MERCURE
Il court lui-même à for
malheur.
Défens- moy done de moy ,
munis-moy de ta grace ,
Ne te laße jamais , Seigneur,
de m'affifter;
Regle mes paffions , repri
me leur audace :
Quelque effort queje falſe ,
Sans toyje n'ypuis refifter.
Puis-je regler le cours de
ma nef vagabonde ,
Des vagues & des vents
GALANT 39
foutenir les combats ;
Eviter les rochers qui font
cachez fous l'onde
Dans une nuit profonde ,
Si ta main ne me guide
pas ?
La mer de cette vie est fi
pleine d'orage ,
Quefi l'on ne craintpoint,
on n'a point de raiſon ;
Et quoique d'un béau tems;
on tire un bon prefage ,
On faitfouvent naufrage.
En la plus tranquille faifon.
36 MERCURE
Parmi tant de périls notre
unique reßource
Eft d'avoir toujours l'oeil
deßus ta volonté ,
Semblables au nocher qui
fe regle en fa courfe
Sur l'étoile de l'ourfe ,
Et fe rend au port fou
haité.
Afin qu'à l'avenir je vogue
en affurance ,
Eclaire - moy ,
Seigneur
du flambeau de la
foy,
GALANT. 37
Donne- moy de l'amour ,
remplis-moy d'esperance
,
Et fais qu'avec constance
Je m'attache à ta fainte
loy.
La volonté de l'homme eft
toûjours chancelante ,
Il croit , ildoute , il craint,
il veut & ne veut pas ,
Le préfent lui déplait, &
fon ame inconstante
Voit dans la chofe abfente,
Ou croit voir les plus doux
appas.
38 MERCURE
Il fuit toute fa vie une
vaine chimere ,
Un lumineux fantome ,
un néant précieux ;
De fes plaifirs paẞez la
douceur eft amere ,
Et le bien qu'il espere
Bientoft fe dérobe à fes
yeux.
Ta conftance , Seigneur ,
toute conftance efface ,
Ton vouloir par le temps
n'est jamais limité ;
Qui le fuit eft heureux ,
GALANT .
39
il jouit de ta grace ,
Et nul mal ne
menace
De
troubler(a félicité.
Il est toujours content , il
nage dans la joye ,
Il ne craint ni n'efpere ,
épris d'un vaiu défir ;
Et quand mefme du mal
il femble être la
proye ,
Scachant que Dieu l'envoye
Il n'en fent aucun déplaifir.
40 MERCURE
Si cet hymnefacré te plaift
comme il me touche ,
Doux & charmant objet
de nos pieux concerts ,
Fais , quandjefuis debout
ou gifant dans ma
couche ,
Que d'une pure bouche
Je chante inceffamment
ces vers.
Heureux quidu pechépeut
fortir de la fange ,
Dans une paix profonde il
voit couler fes jours ,
En
GALANT. 41
En tout temps , en tous
lieux il chante ta
loйange ,
Et par un beureux change
S'il meurt , c'est pour vivre
toujours
.
Mais malheureux celui
qui , plongé dans le
vice ,
De remords douloureux
voit punir fes forfaits,
Et qui par la terreur qu'-
imprime ta justice ,
Janv. 1713.
D
42 MERCURE
Sent déja le fupplice
Qu'il doit endurer à jamais
.
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Résumé : STANCES.
Le texte relate un dialogue entre un Galant et Mercure, abordant les thèmes de la foi, de la raison et des passions humaines. Le Galant exprime son dilemme entre suivre ses désirs terrestres et obéir à une force supérieure. Il reconnaît la difficulté de maîtriser ses passions et affirme que la raison seule est insuffisante pour les contrôler. Mercure, incarnant la sagesse, souligne que l'homme est souvent esclave de ses propres désirs et que la véritable paix réside dans la soumission à une volonté divine. Le Galant sollicite alors l'aide divine pour réguler ses passions et naviguer les dangers de la vie. Mercure conclut en affirmant que la constance et la confiance en Dieu sont les seules voies vers la véritable joie et la sécurité. Le texte se termine par une prière visant à chanter éternellement les louanges divines et à éviter les tourments du vice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 35-47
REMARQUES de M. d'Auvergne, de Beauvais, sur un Livre intitulé : Les Principes du Droit François sur les Fiefs. Par M. Billecocq.
Début :
Le titre de cet Ouvrage paroît imposant. On y annonce le détail des [...]
Mots clefs :
Fiefs, Droit, Coutume, Loi, Auteur, Texte, Jurisprudence, Ouvrage
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES de M. d'Auvergne, de Beauvais, sur un Livre intitulé : Les Principes du Droit François sur les Fiefs. Par M. Billecocq.
R £ MA X QV ES de M. d'Auvergne,
de Beauvaïs ? sur un Livre intitulé :
Les Principes du Droit François fur les
fiefs Par M. Billecocy.
LE titre de .cet Ouvrage paroît impo
sant. On y annonce le détail des
principes de la Jurispiudence Françoise
sur les Fiefs } c'est-à-dire, fur la ma
tière la plus curieuse , la plus difficile &
la plus importante peut-être de tout no
tre Droit. La diversité d'opinions , &
les contestations qu'elle produit tous les
jours fur une infiniré de points , font
une grande preuve qu'après tout ce qu'il
y a eu de Sçavans hommes qui ont tra
vaillé à les éclaircir 9c à les discuter ,
nous y manquons encore de principes
fixes & certains. Aussi un Livre qui reníermeroit
réellement tous ces principes ,
; , serok
■f 6 MERCURE DE FRANCE,
íseroit à rechercher avec empressement.
Mais ici la promesse est crop étendue;
elle ne .s'accorde pas même avec le ju
gement que M- JBiUecpcq a porté de son
Ecrit dans l'Epitre Dédicatoire & dans
l'Áyis au Lecteur. Il n'y présente en
effet ce fruit de ses -travaux que comme
un Commentaire fur la Coutume par
ticulière du Gouvernement de Peronnc,
Mondidier & Roye , & il~y avertit que
c'est à cette Coutume qu'il réduit tous
ses principes. Aussi je ne me propose que
"d'examiner de quelle façon' doit s'executer
une semblable entreprise,, de faci
liter l'intelligence de fa Coutume , & si
la Méthode que l' Auteur s'est faite fur
cela est celle qu'il faut suivre pour le*
Ouvrages de ce .genre : ce fera à quoi
se borneront toutes mes Remarques.
Eclaircir oa commenjter uncCoûturae.
ou une Loi , ce n'est pas simplement,
distribuer fes collections fur toutes les
parties du Texte } ni morceler ce Texte
pour le compiler avec d'autres ; «'est en
interpréter les termes obscurs , détermi
ner Je sení des expressions qui peuvent,
être entendues de différentes façons , Ieyer
tous les doutes fur les cas où le Lé
gislateur ne s'est pas suffisamment expli
qué , ou qu'il a entièrement omis. Pouj:
y jéuslîr , il faut exarajner non-íeulcment
1 ANVIE R. 1730: 37
nient les Ecrits de ceux qui ont fait la
.même entreprise , soit sur cette même
Coutume , soit sur celles qui ont quel
ques dispositions semblables , mais auífî
ccqui nous a été transmis par ceux d'en
tre les Interprètes de toutes les autres
Coutumes différentes ou opposc'es,qui font
en réputation d'y avoir le plus excellé»
Il saur en choisissant parmi leurs diver
ses décisions , montrer par des raisonne
ment clairs & solides , & souvent pac
l'Histoire de l'ancienne Jurisprudence ,
que les íentimtns que l'on embrasse font
véritablement ceux qui doivent préva
loir , & qui conviennent le mieux i
l'efprit de la Loi particulière que l'on
commente. U faut rapporter avec une
judicieuse critique les Sentences & les
Arrêts rendus fur chaque Question ,
rétablir les espèces de ceux qui ont été
mal entendus , enseigner quels sont ceux
qui n'étant pas confoimes au vrai sens
des Coutumes, dans lesquelles ils font in
tervenus j ne doivent pas être suivis ,
faire connoître ce qui auioit dû y être
jugé , relever les fausses applications qui
ont été faites de plusieurs autres. Or il
n'est pas possible qu'il s'en trouve de
cette nature dans un Livre qui n'étant
comme celui-ci que d'environ 440. pa
ges in-ji. contient cependant près de
C 275
0 MERCURE DE FRANCE.
275. Chapitres, dont une bonne partie
est subdivisée en Sections , qui dans
certains Chapitres , yonc jusqu'à douze
«u quinze.
Sans doute , 1* Auteur n'a passait une
attention qu'il est à souhaicter qu'il fasse
pour les autres Ouvrages qu'il se pré*
pare à nous donner fur les Rotures , Ip
Franc- Aleu , les Justices Seigneuriales.
C'est que nous ne sommes plus dans le
tems où nos anciens Auteurs , tels que
^eaumanoir , Desmarcs , Bouteiller &c.
a'avoient qu'à écrire en forme de Loix
ou de Maximes ce qu'ils voyoient pra
tiquer. Comme l'usage étoit alors la
principale Loi , l'ignorancc ou l'incertitude
de cet usage étoit auffi la plus granr
de source des l'rocès , on avoir encore
beaucoup d'obligation à ceux qui pour
le rendre plus invariable &: plus connu,
prenoient la peine de le rédiger par
écrit. Content de l'utilité de laquelle
croient à cet égard leurs compilations ,
on ne leur demandoit pas qu'ils discu
tassent à fond toutes les subtilités qu-'oti
commençoit déja à inventer , en s'écactant
peu à peu de la simplicité des sié
cles précedêns.
Mais aujourd'hui que les Coutumes
particglieres de chaque Contrée font
écrites , que les Ordonnances de nos
Rois
JANVIER. 17! 91 1*
H.OÍS se sont multipliées , que quantité' de
Points qui n'avoient été décides ni dans
les unes ni dans les autres , l'ont été
depuis par les Parlemens , qu'il y a unfi
-infinité de Collections qui contiennent
les règles fur lesquelles on est univer
sellement d'accord i le travail de ceuX
-qui entreprennent encore d'écrire fur
cela , doit touler uniquement fur ce qui
teste à faire jusqu'à ce qu'on soit enfin
parvenu à l'uniforroité de Jurisprudence
si possible & si désirée i (í'est-à-dire , sut
la solution des difficultés que l'obfcurité,
Je silence & la contraricté de ces diver
ses Loix laissent encore subsister , oïl
que l'imaginacion des Interprètes a fait
naître.
A la vérité , l'ouvrage est d'autant
plus pénible Sc moins gracieux , qu'il est
très-difficile de donner à ce qu'on trou
ve encore à dire l'agrément de là nouveauté.
La Jurisprudence est, en esset.une
des sciences fur lesquelles on peut assu.
■ter avec le plus de raison, que tout est
âít.- H est peu de questions , si memeit
y" en a aucunes, qui ne soient traitées par
quantité d'Auteurs. Ceux qui nous ont
précédé ne nous ont presque laissé qu'à
concilier léurs avis , qu'à décider entre
íious à qui la préférence doit être don-
Hee , Bc ^u'à répliquer aux objections
Ç ij qu«
40 MERCURE DE FRANCE,
que Ies\ins ont faites contre les argu,.
mens de ceux qui avoient écrit avant
eux , répliques qui se trouvent aílez
souvent dans les principes mêmes établis
par les premiers ; & ces questions fur
lesquelles il y a diversité de fentimens ,
ou qui ayant été une fois éclaircies , onc
été rebroiiillées de .nouveau , ne peu
vent être ramassées qu'en parcourant lc
plus qu'il se peut du grand nombre de
Volumes où elles font éparses , & qu'en
essuyant , sans se rebuter , le dégoût &
l'cnnui qui font inséparables de la lecture
de tant de Livres qui se font successivement
copiés & remplis pour la plupart
des mêmes lieux communs.
Dans celui-ci , au-contrairc , les fources
où l'on a puisé , & qui peuvent ai
sément être comptées , parce qu'elles
font exactement indiquées fur les mar
ges , se réduisent à un assez petit nom
bre. Je me suis même apperçû fur cet
artiese de deux petites circonstances assez
singulières , pour que je n'obmette pas de
les faire remarquer. La première , est que
l'Auteur a exclus du nombre de ses gui
des tous ceux qui ont écrit en Latin ,
& la seconde , qu'encore que son Re
cueil soit fur les Fiefs » il n'y a cepen
dant pas fait usage d'un seul des trais
tés dont çette matière est l'unique obr
f*. Et
JANVIER.. 1730. 4».
Ét dans le peu de recherches aufquelles
il s'est borné , il a fait son capitat
de ce qui ne devoit être qu'un moyen
pour y parvenir y c'est-à-dire , qu'au lieu
de n'avoir recours aux ouvrages qu'il
avoit fous ses yeux que comme à une
source propre à lui fournir de nouvel
les ouvertures pour mettre dans un plus
grand jour les matières controvcrsées ì
ou comme à un aiguillon qui excitât ,
qui reveillât ses propres idées , il s'est
toujours borné à donner lc précis de9
résolutions qu'il y a trouvées- , fans mê
me indiquer les motifs qui y ont donné
lieu , ni les autorités qui y font op
posées.
C'est ainsi , par exemple , qu'il donne
pour indubitable , pout cela seulement,
que de Heu l'a dit ,, quoique l'axiome
soit faux * & que du Plessis , dont il a
extrait dans le même endroit un des
plus longs Chapitres presque en entier,
ait suffisamment fait entendre le con
traire , que lorsque lc mari néglige ou
refuse de rendre la foi & hommage pour
les Fiefs qui font échus à fa femme , 6c
de les relever , elle peut se faire auto»
riser par Justice , pour remplir cette
obligation.'
*Liv. t Ch. 4. Se&. (*
4r MERCURE DÊ FRÁNCÉ;-
De même, sur l'arriclc de ce que
fainé peut exiger de ses frères & soeurs,
lorsqu'ils, aiment mieux- relever de lui
pour la première fois , que du Seigneue
dominant , l' Auteur, range parmi les*
ftiaximes universellement suivies ce qu'il
a vû dans la Coutume de Laon « que
lès cadets doivent en ce cas à leur aine
le droit de chambellage , fans avetiir que
M. d'Argentré b dont le sentiment a été
en- cela suivi par plusieurs autres » a te
nu le contraire.
Telle est la Méthode de M. D. . . . .
Au lieu de n'avoir recours au Texte de*
autres Coutumes que pour discuter le
plus ou le moins d'application qui en,
oeut être faite 3 la sienne. } jl se çojntente
de les transcrire comme des prin
cipes généraux , tous differens qu'ils font
du, détail dans lequel les Auteurs qui
enr traité les mêmes points font entrés.
Ainsi la Section e où il parle de la foi.
& hommage du Fief contesté entre pluisieurs
personnes , n'est qu'un composé
de purs Textes de quelques Coutumes
de Champagne , posés là en forme de
maximes générales , & fans exception
(a ) Ltv. i. Ch. f. SeS.y.
(b ) Sur V Art. 318. de l'une. Coût, de Bre~
t*gne. .%•-■>.•-
(C) Liv. 2,, Ch. 4. Se&, 4.
tandis
■ j AKVI E K. i7lv% 4î
tandis que ce dont il s'agit » e'té am*
plement traité par du Moulin qui a faitf
les principales des distinctions nécessai
res poiír la décision dey differens cas*
dans lesquels la question peut se présen
ter , qui en a facilité {'application pae
les hypotefes qu'il a dreflées avec foin,
& qui a enseigné quelles font les excep
tions dont les règles qu'il établissoit sonl
susceptibles1.
Ainsi encore quand i! s'agit dé fçavoìt
si le Seigneur qui veut retenir un
Fief de fa mouvance , dont le nouvel
acheteur vient lui demander l'investiture,
peut déduire , fur le prix de la vent*
qu'il est obligé de rembourser , le mon
tant des droits féodaux , M. B. a appor
te de même pour toute décision un ar
ticle de la Coutume de Vermandois qui
fie reçoit d'application que pour le seul
eas , qui n'est susceptible d'aucune diffi
culté, que ce fou l'aeheteur qui soit char
gé du payement de ces droifs. Mais
changez l'espece , supposez que l'aehe
teur ne s'étant pas engagé à les acquiter,
le vendeur en fut resté tenu , & deman
dez si alors il est encore vrai que le
Seigneur ne puisse pas en faire de «sé
duction fur la somme principale , il ne
Liv, 14. Cb. r;, Sí£. 1.
G iii) $*«*
44 MERCURE DE FRANCE,
s'en trouve rien dans l' Auteur , & il vousi
laisse dans l'incertkude du parri qui eít - ■'
à prendre dans la contrariété qui se ren»
Contre sur cela,, non-seulement entre les
diveríes Coutumes , mais aussi entre le» .
divers Jurisconsultes.
Rien , comme, on voit , n'est si oppo
{é au but que j'ai expliqué, qu'un Com
mentateur de Coutume doit se proposer
de suppléer sur le plus grand nombre de
-cas qu'il lui est possible ,de rassembler au
deffaut des Textes> qu'il entreprend d'é
claircir. A quoi bon un- Commentaire
qui contient tout aussi- peu , & même
quelquefois moins que l'article contesté}
& c'est cependant le deffaut dominant de
celui de M. B. en voici encore un exem
ple. Si on cherche dans le Texte de la
Coutume de Peronne a fur quel pied;
l'ainé doit rembourser & récompenser
ses cadets ,, lorsqu'il veut retirer de leurs
mains la part qu'ils ont dans les Fiefs
des successions de leur pere & mere , &
qu'il est obligé d'en faire la récompense
en argent j on y voit que les rédacteurs
de cette Coutume ont décidé que le ra
chat devoir se faire à raison du denier
2 o. pour ce qui est du côté de Vermàndois
6c de l'Artois , & du denier 25.
(a] Liv. 4- Ch. lj. St&, 7.
pour
JAN VIE R. 1750. 4j
pour ce qui est en deçà de la Somme;
au lieu que notre Auteur n'a rien fait
paíser de cela dans son Recueil , où l'on
chercheroit avec tout aussi peu de fruit
à s'instruire de tous les doutes que les
dispositions de la Coutume peuvent cau
ser fur cette matière v comme si cette an
cienne fixation doit encore être suivie ,
s'il est vrai que l'ainé soit toujours le
maître de faire ce rachat en héritages
roturiers , quand il y en a suffisamment
dans la succession , & si les cadets ne
peuvent jamais en ce cas l'exiger en ar
gent } si ce que ceux-ci ont eu par do
nation est sujet à ce droit de retenue de
Fainé , comme ce qui leur est échu par
succession ; si ce droit est cessible ; si le
tems en dedans lequel il doit être exer
cé court pendant la minorité des enfans
du fils ainé mort avant que ce tems fut
écoulé ; si la jouissance de la mere à ti
tre de douaire prolonge ce délai ; si les
propriétaires peuvent rien démolir fut
leur part , & en couper les bois de haute
futayç , tanr que dure la faculté de leur
ôter des mains &c.
Mais les inconveniens de cette der
niere forte d'omissions ne font rien r
pour ainsi dire , en comparaison des
maux que peut produire la réticence des
autorités, opposées aux décisions qui sont
Q % ici
4<? MFRCURE DE FRANCE.
ici Continuellement données comme des
axiomes non contestés j car dans la Scien
ce du Droit encore plus que dans route
autre } un Livre , si mal digéré qu'il
soit , est , fur tout après la mort de son-
Auteur , un oracle pour une ipsinité de
gens. Cette maxime est imprimée ; ce
la suffit pour le vulgaire ; il en concluciauslì-
tôt qu'elle est vraye ; malheureu
sement ce vulgaire n'est que trop nom
breux. Des Avocats mêmes qui passent
pour habiles , sont-ils consultés fur une
question dont ils ignorent le noeud , ils
ne font souvent autre chose qu'ouvrir
un des Auteurs qu'ils sçavent qui en
ont parlé -, &c la décision qu'ils y rrou—
venr , qu'elle soit bien ou mal fondée,,
est la régie de leur réponse. Si ellé est
favorable au confulranr ,-cela l'engage à
entreprendre un Wocès dans lequel ih
succombe , parce qu'il plaide devant des:
Juges qui font mieux instruits des verirablcs
principes ; & le voilà* ruiné s
tant pat les dépenses qu'il a faites que
par celles qu'il est obligé de rembour
ser à ceux qu'il a inquiétés. Quelquefoisc'est
le Magistrat qui donne dans ce
travers , Sc à qui la cause du monde la
mieux fondée paroîr mauvaise , sur lafoi
d'un Auteur pour lequel il s'est pré
venu i & à qui il s'en rapporte aveuglé
ment.
JANVIER. 1730. 47
tfient. Mais que cc soit à fa trop gran
de crédulité ou à celle de l'Avocat
qu'il faille fe prendre de la ruine d'une
famille , l'Ouvrage qni a fait tomber
dans l'erreur le juge , ou l'Avocat , n'en»
est pas moins la première caufe de la dé
solation de cette famille. C'est là l'importance
de ces sortes d'Ecrits i &c ce
qui en doit iendxe les Auteurs bien cir
conspects.
de Beauvaïs ? sur un Livre intitulé :
Les Principes du Droit François fur les
fiefs Par M. Billecocy.
LE titre de .cet Ouvrage paroît impo
sant. On y annonce le détail des
principes de la Jurispiudence Françoise
sur les Fiefs } c'est-à-dire, fur la ma
tière la plus curieuse , la plus difficile &
la plus importante peut-être de tout no
tre Droit. La diversité d'opinions , &
les contestations qu'elle produit tous les
jours fur une infiniré de points , font
une grande preuve qu'après tout ce qu'il
y a eu de Sçavans hommes qui ont tra
vaillé à les éclaircir 9c à les discuter ,
nous y manquons encore de principes
fixes & certains. Aussi un Livre qui reníermeroit
réellement tous ces principes ,
; , serok
■f 6 MERCURE DE FRANCE,
íseroit à rechercher avec empressement.
Mais ici la promesse est crop étendue;
elle ne .s'accorde pas même avec le ju
gement que M- JBiUecpcq a porté de son
Ecrit dans l'Epitre Dédicatoire & dans
l'Áyis au Lecteur. Il n'y présente en
effet ce fruit de ses -travaux que comme
un Commentaire fur la Coutume par
ticulière du Gouvernement de Peronnc,
Mondidier & Roye , & il~y avertit que
c'est à cette Coutume qu'il réduit tous
ses principes. Aussi je ne me propose que
"d'examiner de quelle façon' doit s'executer
une semblable entreprise,, de faci
liter l'intelligence de fa Coutume , & si
la Méthode que l' Auteur s'est faite fur
cela est celle qu'il faut suivre pour le*
Ouvrages de ce .genre : ce fera à quoi
se borneront toutes mes Remarques.
Eclaircir oa commenjter uncCoûturae.
ou une Loi , ce n'est pas simplement,
distribuer fes collections fur toutes les
parties du Texte } ni morceler ce Texte
pour le compiler avec d'autres ; «'est en
interpréter les termes obscurs , détermi
ner Je sení des expressions qui peuvent,
être entendues de différentes façons , Ieyer
tous les doutes fur les cas où le Lé
gislateur ne s'est pas suffisamment expli
qué , ou qu'il a entièrement omis. Pouj:
y jéuslîr , il faut exarajner non-íeulcment
1 ANVIE R. 1730: 37
nient les Ecrits de ceux qui ont fait la
.même entreprise , soit sur cette même
Coutume , soit sur celles qui ont quel
ques dispositions semblables , mais auífî
ccqui nous a été transmis par ceux d'en
tre les Interprètes de toutes les autres
Coutumes différentes ou opposc'es,qui font
en réputation d'y avoir le plus excellé»
Il saur en choisissant parmi leurs diver
ses décisions , montrer par des raisonne
ment clairs & solides , & souvent pac
l'Histoire de l'ancienne Jurisprudence ,
que les íentimtns que l'on embrasse font
véritablement ceux qui doivent préva
loir , & qui conviennent le mieux i
l'efprit de la Loi particulière que l'on
commente. U faut rapporter avec une
judicieuse critique les Sentences & les
Arrêts rendus fur chaque Question ,
rétablir les espèces de ceux qui ont été
mal entendus , enseigner quels sont ceux
qui n'étant pas confoimes au vrai sens
des Coutumes, dans lesquelles ils font in
tervenus j ne doivent pas être suivis ,
faire connoître ce qui auioit dû y être
jugé , relever les fausses applications qui
ont été faites de plusieurs autres. Or il
n'est pas possible qu'il s'en trouve de
cette nature dans un Livre qui n'étant
comme celui-ci que d'environ 440. pa
ges in-ji. contient cependant près de
C 275
0 MERCURE DE FRANCE.
275. Chapitres, dont une bonne partie
est subdivisée en Sections , qui dans
certains Chapitres , yonc jusqu'à douze
«u quinze.
Sans doute , 1* Auteur n'a passait une
attention qu'il est à souhaicter qu'il fasse
pour les autres Ouvrages qu'il se pré*
pare à nous donner fur les Rotures , Ip
Franc- Aleu , les Justices Seigneuriales.
C'est que nous ne sommes plus dans le
tems où nos anciens Auteurs , tels que
^eaumanoir , Desmarcs , Bouteiller &c.
a'avoient qu'à écrire en forme de Loix
ou de Maximes ce qu'ils voyoient pra
tiquer. Comme l'usage étoit alors la
principale Loi , l'ignorancc ou l'incertitude
de cet usage étoit auffi la plus granr
de source des l'rocès , on avoir encore
beaucoup d'obligation à ceux qui pour
le rendre plus invariable &: plus connu,
prenoient la peine de le rédiger par
écrit. Content de l'utilité de laquelle
croient à cet égard leurs compilations ,
on ne leur demandoit pas qu'ils discu
tassent à fond toutes les subtilités qu-'oti
commençoit déja à inventer , en s'écactant
peu à peu de la simplicité des sié
cles précedêns.
Mais aujourd'hui que les Coutumes
particglieres de chaque Contrée font
écrites , que les Ordonnances de nos
Rois
JANVIER. 17! 91 1*
H.OÍS se sont multipliées , que quantité' de
Points qui n'avoient été décides ni dans
les unes ni dans les autres , l'ont été
depuis par les Parlemens , qu'il y a unfi
-infinité de Collections qui contiennent
les règles fur lesquelles on est univer
sellement d'accord i le travail de ceuX
-qui entreprennent encore d'écrire fur
cela , doit touler uniquement fur ce qui
teste à faire jusqu'à ce qu'on soit enfin
parvenu à l'uniforroité de Jurisprudence
si possible & si désirée i (í'est-à-dire , sut
la solution des difficultés que l'obfcurité,
Je silence & la contraricté de ces diver
ses Loix laissent encore subsister , oïl
que l'imaginacion des Interprètes a fait
naître.
A la vérité , l'ouvrage est d'autant
plus pénible Sc moins gracieux , qu'il est
très-difficile de donner à ce qu'on trou
ve encore à dire l'agrément de là nouveauté.
La Jurisprudence est, en esset.une
des sciences fur lesquelles on peut assu.
■ter avec le plus de raison, que tout est
âít.- H est peu de questions , si memeit
y" en a aucunes, qui ne soient traitées par
quantité d'Auteurs. Ceux qui nous ont
précédé ne nous ont presque laissé qu'à
concilier léurs avis , qu'à décider entre
íious à qui la préférence doit être don-
Hee , Bc ^u'à répliquer aux objections
Ç ij qu«
40 MERCURE DE FRANCE,
que Ies\ins ont faites contre les argu,.
mens de ceux qui avoient écrit avant
eux , répliques qui se trouvent aílez
souvent dans les principes mêmes établis
par les premiers ; & ces questions fur
lesquelles il y a diversité de fentimens ,
ou qui ayant été une fois éclaircies , onc
été rebroiiillées de .nouveau , ne peu
vent être ramassées qu'en parcourant lc
plus qu'il se peut du grand nombre de
Volumes où elles font éparses , & qu'en
essuyant , sans se rebuter , le dégoût &
l'cnnui qui font inséparables de la lecture
de tant de Livres qui se font successivement
copiés & remplis pour la plupart
des mêmes lieux communs.
Dans celui-ci , au-contrairc , les fources
où l'on a puisé , & qui peuvent ai
sément être comptées , parce qu'elles
font exactement indiquées fur les mar
ges , se réduisent à un assez petit nom
bre. Je me suis même apperçû fur cet
artiese de deux petites circonstances assez
singulières , pour que je n'obmette pas de
les faire remarquer. La première , est que
l'Auteur a exclus du nombre de ses gui
des tous ceux qui ont écrit en Latin ,
& la seconde , qu'encore que son Re
cueil soit fur les Fiefs » il n'y a cepen
dant pas fait usage d'un seul des trais
tés dont çette matière est l'unique obr
f*. Et
JANVIER.. 1730. 4».
Ét dans le peu de recherches aufquelles
il s'est borné , il a fait son capitat
de ce qui ne devoit être qu'un moyen
pour y parvenir y c'est-à-dire , qu'au lieu
de n'avoir recours aux ouvrages qu'il
avoit fous ses yeux que comme à une
source propre à lui fournir de nouvel
les ouvertures pour mettre dans un plus
grand jour les matières controvcrsées ì
ou comme à un aiguillon qui excitât ,
qui reveillât ses propres idées , il s'est
toujours borné à donner lc précis de9
résolutions qu'il y a trouvées- , fans mê
me indiquer les motifs qui y ont donné
lieu , ni les autorités qui y font op
posées.
C'est ainsi , par exemple , qu'il donne
pour indubitable , pout cela seulement,
que de Heu l'a dit ,, quoique l'axiome
soit faux * & que du Plessis , dont il a
extrait dans le même endroit un des
plus longs Chapitres presque en entier,
ait suffisamment fait entendre le con
traire , que lorsque lc mari néglige ou
refuse de rendre la foi & hommage pour
les Fiefs qui font échus à fa femme , 6c
de les relever , elle peut se faire auto»
riser par Justice , pour remplir cette
obligation.'
*Liv. t Ch. 4. Se&. (*
4r MERCURE DÊ FRÁNCÉ;-
De même, sur l'arriclc de ce que
fainé peut exiger de ses frères & soeurs,
lorsqu'ils, aiment mieux- relever de lui
pour la première fois , que du Seigneue
dominant , l' Auteur, range parmi les*
ftiaximes universellement suivies ce qu'il
a vû dans la Coutume de Laon « que
lès cadets doivent en ce cas à leur aine
le droit de chambellage , fans avetiir que
M. d'Argentré b dont le sentiment a été
en- cela suivi par plusieurs autres » a te
nu le contraire.
Telle est la Méthode de M. D. . . . .
Au lieu de n'avoir recours au Texte de*
autres Coutumes que pour discuter le
plus ou le moins d'application qui en,
oeut être faite 3 la sienne. } jl se çojntente
de les transcrire comme des prin
cipes généraux , tous differens qu'ils font
du, détail dans lequel les Auteurs qui
enr traité les mêmes points font entrés.
Ainsi la Section e où il parle de la foi.
& hommage du Fief contesté entre pluisieurs
personnes , n'est qu'un composé
de purs Textes de quelques Coutumes
de Champagne , posés là en forme de
maximes générales , & fans exception
(a ) Ltv. i. Ch. f. SeS.y.
(b ) Sur V Art. 318. de l'une. Coût, de Bre~
t*gne. .%•-■>.•-
(C) Liv. 2,, Ch. 4. Se&, 4.
tandis
■ j AKVI E K. i7lv% 4î
tandis que ce dont il s'agit » e'té am*
plement traité par du Moulin qui a faitf
les principales des distinctions nécessai
res poiír la décision dey differens cas*
dans lesquels la question peut se présen
ter , qui en a facilité {'application pae
les hypotefes qu'il a dreflées avec foin,
& qui a enseigné quelles font les excep
tions dont les règles qu'il établissoit sonl
susceptibles1.
Ainsi encore quand i! s'agit dé fçavoìt
si le Seigneur qui veut retenir un
Fief de fa mouvance , dont le nouvel
acheteur vient lui demander l'investiture,
peut déduire , fur le prix de la vent*
qu'il est obligé de rembourser , le mon
tant des droits féodaux , M. B. a appor
te de même pour toute décision un ar
ticle de la Coutume de Vermandois qui
fie reçoit d'application que pour le seul
eas , qui n'est susceptible d'aucune diffi
culté, que ce fou l'aeheteur qui soit char
gé du payement de ces droifs. Mais
changez l'espece , supposez que l'aehe
teur ne s'étant pas engagé à les acquiter,
le vendeur en fut resté tenu , & deman
dez si alors il est encore vrai que le
Seigneur ne puisse pas en faire de «sé
duction fur la somme principale , il ne
Liv, 14. Cb. r;, Sí£. 1.
G iii) $*«*
44 MERCURE DE FRANCE,
s'en trouve rien dans l' Auteur , & il vousi
laisse dans l'incertkude du parri qui eít - ■'
à prendre dans la contrariété qui se ren»
Contre sur cela,, non-seulement entre les
diveríes Coutumes , mais aussi entre le» .
divers Jurisconsultes.
Rien , comme, on voit , n'est si oppo
{é au but que j'ai expliqué, qu'un Com
mentateur de Coutume doit se proposer
de suppléer sur le plus grand nombre de
-cas qu'il lui est possible ,de rassembler au
deffaut des Textes> qu'il entreprend d'é
claircir. A quoi bon un- Commentaire
qui contient tout aussi- peu , & même
quelquefois moins que l'article contesté}
& c'est cependant le deffaut dominant de
celui de M. B. en voici encore un exem
ple. Si on cherche dans le Texte de la
Coutume de Peronne a fur quel pied;
l'ainé doit rembourser & récompenser
ses cadets ,, lorsqu'il veut retirer de leurs
mains la part qu'ils ont dans les Fiefs
des successions de leur pere & mere , &
qu'il est obligé d'en faire la récompense
en argent j on y voit que les rédacteurs
de cette Coutume ont décidé que le ra
chat devoir se faire à raison du denier
2 o. pour ce qui est du côté de Vermàndois
6c de l'Artois , & du denier 25.
(a] Liv. 4- Ch. lj. St&, 7.
pour
JAN VIE R. 1750. 4j
pour ce qui est en deçà de la Somme;
au lieu que notre Auteur n'a rien fait
paíser de cela dans son Recueil , où l'on
chercheroit avec tout aussi peu de fruit
à s'instruire de tous les doutes que les
dispositions de la Coutume peuvent cau
ser fur cette matière v comme si cette an
cienne fixation doit encore être suivie ,
s'il est vrai que l'ainé soit toujours le
maître de faire ce rachat en héritages
roturiers , quand il y en a suffisamment
dans la succession , & si les cadets ne
peuvent jamais en ce cas l'exiger en ar
gent } si ce que ceux-ci ont eu par do
nation est sujet à ce droit de retenue de
Fainé , comme ce qui leur est échu par
succession ; si ce droit est cessible ; si le
tems en dedans lequel il doit être exer
cé court pendant la minorité des enfans
du fils ainé mort avant que ce tems fut
écoulé ; si la jouissance de la mere à ti
tre de douaire prolonge ce délai ; si les
propriétaires peuvent rien démolir fut
leur part , & en couper les bois de haute
futayç , tanr que dure la faculté de leur
ôter des mains &c.
Mais les inconveniens de cette der
niere forte d'omissions ne font rien r
pour ainsi dire , en comparaison des
maux que peut produire la réticence des
autorités, opposées aux décisions qui sont
Q % ici
4<? MFRCURE DE FRANCE.
ici Continuellement données comme des
axiomes non contestés j car dans la Scien
ce du Droit encore plus que dans route
autre } un Livre , si mal digéré qu'il
soit , est , fur tout après la mort de son-
Auteur , un oracle pour une ipsinité de
gens. Cette maxime est imprimée ; ce
la suffit pour le vulgaire ; il en concluciauslì-
tôt qu'elle est vraye ; malheureu
sement ce vulgaire n'est que trop nom
breux. Des Avocats mêmes qui passent
pour habiles , sont-ils consultés fur une
question dont ils ignorent le noeud , ils
ne font souvent autre chose qu'ouvrir
un des Auteurs qu'ils sçavent qui en
ont parlé -, &c la décision qu'ils y rrou—
venr , qu'elle soit bien ou mal fondée,,
est la régie de leur réponse. Si ellé est
favorable au confulranr ,-cela l'engage à
entreprendre un Wocès dans lequel ih
succombe , parce qu'il plaide devant des:
Juges qui font mieux instruits des verirablcs
principes ; & le voilà* ruiné s
tant pat les dépenses qu'il a faites que
par celles qu'il est obligé de rembour
ser à ceux qu'il a inquiétés. Quelquefoisc'est
le Magistrat qui donne dans ce
travers , Sc à qui la cause du monde la
mieux fondée paroîr mauvaise , sur lafoi
d'un Auteur pour lequel il s'est pré
venu i & à qui il s'en rapporte aveuglé
ment.
JANVIER. 1730. 47
tfient. Mais que cc soit à fa trop gran
de crédulité ou à celle de l'Avocat
qu'il faille fe prendre de la ruine d'une
famille , l'Ouvrage qni a fait tomber
dans l'erreur le juge , ou l'Avocat , n'en»
est pas moins la première caufe de la dé
solation de cette famille. C'est là l'importance
de ces sortes d'Ecrits i &c ce
qui en doit iendxe les Auteurs bien cir
conspects.
Fermer
Résumé : REMARQUES de M. d'Auvergne, de Beauvais, sur un Livre intitulé : Les Principes du Droit François sur les Fiefs. Par M. Billecocq.
Le texte est une critique du livre 'Les Principes du Droit François sur les fiefs' de M. Billecoq, rédigée par M. d'Auvergne. L'auteur souligne l'importance du sujet traité, à savoir les principes de la jurisprudence française sur les fiefs, un domaine complexe et sujet à de nombreuses controverses. Malgré les nombreux savants ayant travaillé sur ce sujet, des principes fixes et certains manquent encore. M. d'Auvergne critique la promesse excessive du livre, qui se présente comme une œuvre exhaustive mais se révèle être un commentaire limité à la coutume particulière de Peronne, Mondidier et Roye. Il examine la méthode de l'auteur, qui se contente de transcrire des textes de coutumes sans les interpréter ou les discuter en profondeur. Cette approche est jugée insuffisante, car elle ne résout pas les doutes et les controverses existantes. Pour éclaircir une coutume, il est nécessaire d'interpréter les termes obscurs, de déterminer le sens des expressions ambiguës, et de lever les doutes laissés par le législateur. Il faut également examiner les écrits des auteurs précédents et les décisions judiciaires pour choisir les interprétations les plus pertinentes. M. d'Auvergne reproche à M. Billecoq de ne pas avoir suffisamment exploré les sources disponibles, notamment les traités en latin et les ouvrages spécifiques sur les fiefs. Il critique également la méthode de l'auteur, qui se limite à résumer les résolutions trouvées dans d'autres ouvrages sans en discuter les motifs ou les autorités opposées. En conclusion, le critique estime que le livre de M. Billecoq ne remplit pas son objectif annoncé de fournir des principes fixes et certains sur les fiefs. Il manque de profondeur et de discussion critique, se contentant de transcrire des textes sans les analyser en détail. Le texte critique également la réticence des autorités à contester des décisions présentées comme des axiomes incontestés, particulièrement dans le domaine du droit. Une fois publié, un livre, même mal compris, devient une référence incontestée après la mort de son auteur. Le public, souvent nombreux et influençable, accepte ces maximes sans les remettre en question. Même des avocats qualifiés, lorsqu'ils ignorent les détails d'une question juridique, se réfèrent à des auteurs connus pour trouver une décision, qu'elle soit bien ou mal fondée. Cela peut conduire à des procès perdus et à la ruine des parties impliquées, tant par les dépenses engagées que par celles à rembourser. Les magistrats peuvent également tomber dans ce piège, jugeant mal une cause en se fiant aveuglément à un auteur. Que ce soit par la crédulité du juge ou de l'avocat, la cause de la ruine d'une famille réside souvent dans les écrits mal interprétés. Ces ouvrages, en induisant en erreur les juges ou les avocats, jouent un rôle crucial dans la désolation des familles, soulignant ainsi l'importance de la prudence des auteurs dans la rédaction de tels écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 238-249
DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
Début :
Entre les vertus qui relevent le merite personnel de l'homme, il n'en [...]
Mots clefs :
Probité, Avocat, Public, Vertu, Confiance, Actions, Conseils, Justice, Loi, Passions, Conférence publique des avocats, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
DIS COV RS fur la probité de l'^4-
vocat >t prononcé par M. Gaulliere , en
suite de celui de M. Maillard , a Pou-*
verture de la Conférence publique des
Avocats, , ■ f
ENtre les vertus qui relèvent le mé
rite períbnnel de l'homme , il n'en?
est point cìe plus convenable que la pro
bité ; elle doit régler ses pensées & di
riger ses actions. Elle feule peut lui ap
prendre quelle est là nature de fes de
voirs , quel est son engagement , & com
ment il doit y satisfaire. Survient il dans
Pexecution des difficultés & des peines ?„
la probité lui donne les moyens de les
surmonter ; s'y trouve-t'il du danger ?
elle lui inspire assez de précaution SC
de prudence pour Tévirer , ou du moins
elle y suppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être régulière fans la probité;
ainsi dequoi PAvocat feroit-il capable
fans elle^ Formons-nous , Meilleurs , Pi»
dêç
FEVRIER. T73âr; ï}f
de'e de l'Avocat le plus digne de l'estime
&c de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux naturel ,
qu'il possédé éminement l'art de la pa
role , qu'il sçac'he les Loix tant ancien
nes que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abstraites dispositions , qu'il er*
explique les plus grandes difficultés ,
qu'il est applique à propos les principes ,-
qu'il sçache démêler tous les tours cmbarassans-
dans lesquels se tache le monsrre
de la chicane , qu'il fe dévoué" à ses
fonctions par un travail pénible & assi
du ; donnons lui enfin en partage tou
tes les qualités extérieures qui lui font
nécessaires pout faire briller son élo
quence ; talens admirables , perfections
louables , à la vérité > mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature Sc
de l'Art , s'ils ne sont accompagnés d'une
probité à toute épreuve. Il faut donc la
ïegarder , cette Vertu , comme k prin
cipale qualicé de l'Avocat dans routes
les occasions , où son ministère est né
cessaire.
Par elle l'homme est naturellement
porté à rendre service à l'homme ; il ne
fait ni ne pense rien qu'il ne puisse pu
blier hardiment & avec confiance , il m
s-'engage dans aucune entreprise sujette
à reproche > quoiqu'il soit suc que peu»
sonne
*?4<»! MËRCÛRË DË FRAttCÊ.
fbnrtè n'en empêchera la réussite $ son in
térêt ne le porte jamais à rien dire de
Contraire à la vérité » à accuser personne
sens sujet , à ne prendre que ce qui lui:
appartient, & à user de surprise pour par
venir à ses finsi Si l'Avoeat plaide , fans-
1a probité il dégénère en déclàmateur ,
H déguise ou il exagère les faits , il épou
se les passions de ses parties, il' n'a pas
honte d'entreprendre des causes injustes,-
quoiqu'il les connoiííe pour telles. >
S'il est consulté , sans la probité ce
ri'est pas pour lui un ctime de donner
conseil pour favoriser les surprises , d'u
ser de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alrerer le
sens des Loix , des Coutumes 8i des Or
donnances pour en imposer aux Juges ,
enfin d'abandonner la juste deffense du
pauvre pour pallier les in justes prétentions
du riche.
Avec la probité , au contraire , le b»uc
de l'Avoeat est de sacrifier ses veilles , &
de se donner tóut entier au Public ; son
Unique attention est de soulager les peiile's
de ses patries , d'être tout pour les
autres-, & presque rien pour lui-même.
Son coeur immole à la Justice tòutes
passions , tout plaisir1, tout intérêt í
ainsi chaque jour, chaque heure , cha-
«jue instant lui fournis les occasions de
^EV R I?ÉR'. f /f* 2*'if
lùi faire pendant route la vie de nouveau»»
sacrifices.
Assiégé de routes parts , demandé enJ
tous lieux , la fin d'une affaire le sou
met au commencement d'une autre , le
dernier des malheureux a droit fut tous
les momens de son loisir.
Il se refuse jusqu'à la jouissance de sespropres
biens , & il n'á d'autre soin que
d'assurer ceux des Qiens qui implorent'
son secours.
Cet esclavage, ou sous un titre fpe-~
cieux on renonce à fa liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur; •
mais qu'il est glorieux pour le véritable-
Avocat ! c'est avec ces sentirnens qu'ilse
préfente au Barreau , ce sont eux qui '
font son principal mérite.
li n'á pas besoin de faire briHet son
éloquence par des discours pompeux qui;
ppurroient séduire'; il la fait consister*
dans le récit simple & véritable des faits.
II ne lui est pas nécessaire pour donner'
des preuves de son érudition d'employer
des citations ennuyeuses, & souvent étran
gères à la matière qu'il traire*; une juste ;
application des Loix , leur interprétationnaturelle
composent toute la deffense de
ses-parries;
Sa probité , fa sincérité lui tiennent-
Heu de tout ; fa parole vaut le ferment
*4* MEKCURÉ ÒÈ FRANCÊ.
le plus autentique , & c'est ainsi qu'il
s'attire toute l'estime & toute la con
fiance du public. Que dis- je? Messieurs,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hcríiorer
l'Avocat de la kttr.
En effet , il est dit dans l'Ordonnance
de i JI7- que lorsque dans la plaidoyerie
il y adroit contestation fur des faits,
les Avocats en seroienr crûs à leur fer
ment ; & ('Histoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inséparables
de la probité de l'Avoeat.
M. de Montholori acquit par elle une
si grande confiance, que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une piéce , les Juges
l'en dispensoient -, & ce fut cette même
probité qui l'éleva au suprême degré de
ta Magistrature.
Sans la probité , aii corítráife j l'Ávocat
feroit en proye à toutes sortes de
passions. Tantôt il feroit asseâ malheu
reux pour ne consulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la ba
lance à la main , ardent en apparence à
firoscrire le vice & à protéger la vertu ;
a veuve Sc l'orphelin sembleroient être
les objets de fa compassion ; grand en
maximes , fastueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne respire que la Justice ;
rhais si on fondoit les secrets replis de son
coeur > si on le suivoit pas à pas dans lés
sentiers
FEVRIER. í73fó. 2+î
sentiers détournés ou le conduiroicnt its
fausses lumières , si on pesoit ses actions
au poids du sanctuaire , on pourroit dé
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduisans de la volupté > entraîné pat
son penchant naturel au plaisir , il s'y
livreroit de -plus en plus , & il seroit
à craindre que la Justice ne fut la pre
mière victime qu'il immolerok à Tidole
de ses plaisirs.
Tantôt se trouvant dans les occasions
dangereuses de contenter un intérêt qui
exckerok fa cupidité , Tardcur d'acqué
rir 8c de poíTeder , qui est naturelle k
l'homme , ne lui permettroit pas de dis
tinguer le juste de l'ínjuste j rien ne se*
roir capable de servir de contrepoids a
fa passion ; elle lui suggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées , mais en
même-tems captieuses.ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
Péloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour surprendre »
pour séduire } peut-être même abuseroit-
il du secret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans cile la haine , la jalousie , ou
\ quelr
244 MERCURE DÊ FRANCE:
quelqu'autre passion l'agiteroit fanscéíïey
obscurcirok fa raison , 6c la rendroit fu
rieuse ; & à l'onibre de ces monstres ,
tantôt ea ennemi secret 8c implacable ,
il attaqueroit ceux qui sont l'objet de
ion aversion & de sa Plaine ; tantôt les
yeux blessés de la gloire importune d'un
Rival qui l'ofFufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de son
orgueil & de son ambition ?
En proye successivement & quelque
fois en même-rems à toutes ces passions
qui l'agiteroient , la Justice auroit beau
se présenter , il seroit sourd à sa voix ,
elle seroit toujours- proscrire de son coeur
& sur les ruines du Tribunal dé la con
science il éleveroit un Tr-ône à ses pas
sions favorites , ce seroit elles qui lui
donneroient la Loi',. & ce seroit à elles
seules qu'U rendroit compte de ses ac
tiorir , trop content de leur avoir mé
nagé les marquîS" extérieures de la: vertu.
On ne ttouve point heureusement de
ces vices dans le véritable Avocat ; aussi
n'y a t'il rien à soupçonner dans ses dé
marches. Les Puissances ont elles be
soin de son ministère ? incapable de se
laiíîer corrompre par lés pteícns , il voit
avec indignation Demofthenc accepter lacoupe
d' Fía ?pains ; insensible aux mefia-
Cteí >; il íuivroit Papinieit fur Téchafaut,
FEVRIER. 173*. Í45
plutôt que d'excuser un Empereur cou
pable d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de ses Conci*
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention scru
puleuse , & conduire un Clienr qu'avec?
prudence ; il ne jette un oeil de compas
sion que sut les objets qui la méritent «
ôc ne donne ses foins & ses conseils aux
riches qu'après avoir secouru les mal-;
heureux.
li né~ repousse l'in jure que par les ar
mes que l'e'quité , la raison & les Loix
lui administrent i il ne fait consister son
plaisir que dans un délassement honnête,
3c souvent même dans le travail y iítrouve
ses peines récompensées plutôt
ar la gloire de les avoir prises que par
utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit dans un de ses Confire»
tes des talens supérieurs aux siens , loictd'en
concevoir une indigne jalousie , ils
fie fervent au contraire qu'à lui inspirer
une noble émulation ; enfin ses démar
ches, ses actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là ses'
conseils font admirés , ses décisions font
regardées comme des Oracles , fa con
duite sert d'exemple à tout homme de
bien , & il se captive la bienveillance de
ffes.Confrercs , l'estime des Magistrats &
Ï4S- MERCURE -DE FRANCÈ*
la confiance du Public.
Mais est-ce dans cette idée feule qué
l'Avocat doit être n pur dans ses pensées*
si réservé dans ses diicours3si intègre dans
ses actions , dont il doit compte même à
soi-même ?
Plus l' Avocat a de talens , plus il est
responsable de sa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes séducteurs des
passions de l'homme.
En effet , que lui servlroifil d'être ap
plaudi à l'oecasion de son éloquence , íî
ses moeurs ne tondoient pas à la perfec
tion ? Seroít-on persuadé de la sagesse de
ses conseils , s'il suivoit lui-même d'autres
routes ?
Qu'il fortifie donc de jour éri jour dans
son coeur les sentimens de la droiture &
de la prob'iré j qu'il s'empresse à pronon
cer par son propre exemple la prejniere
condamnation contre les vices.
Ce font ces sentimens , Messieurs , que
Vous avez reconnus dans les dispositions
de votre digne bienfacteur\ ce fut ainsi
qu'il s'acquit l'estime de tous ses amis ,
la considération de nôtre Ordre & la
confiance du Public. i
La noblesse de fa naissance ne lui pa-j
íut qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profession ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. l7$o. n.7
ì U. connoissance des Lojx les plus diffi
ciles ; son esprit naturellement pene'trant
en donna facilement les solutions ; à
íe fit respecter même de tous ses enne
mis & de ses envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa répu
tation lui addressoit 5 la prudence de ses
conseils détermina souvent les opinions
des Magistrats > utile à tout le monde ,
il fe Uvroit fans cesse à tous > le Publiç
trouvoir des secours infinis dans ses talens
, & les pauvres des ressources iné?
puisables dans fa charité ; ceux qui le
connoissoient se le proposoient pour mor
dele de sçavoir , de modestie , de désin
téressement & de candeur, La mort enfin
s'approcha fans le surprendre ; il l'avoie
prévenue par un sage testament qui
pattageoit ses biens entre les pauvres ,
íes parens , ses amis & notre Ordre j
ses Livres & ses Manuscrits nous seronc
à jamais précieux aussi bien que fa mér
moire. Rappelions nous donc fans cesse
íe mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occasion de nous consoler de
sa perte , puisque nous la trouvons re^
parée par l'illustre Confrère * qui. veut
* Voyex. le 1. Vol, d» Mereun át Dtcembr*
fut-il entré dans la carrière , qu'il
MERCURE DE FRANCE,
bien présider à nos travaux 5 en se faiiant
une gloire d'exécuter les intentions
«le notre bienfaiteur il a Ja meilleure
.part à fa .fondation > il sacrifie son tenu
à nous découvrir des trésors qui fans lui
nous íeroient inconnus -, quels avanta
ges ne trouvons<no«s pas dans ses íçavantes
instructions ? pénétrés de reconnoidance
, faifons-nous donc un mérite
de marcher fur fes traces , & si nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
science que lui , donnons-lui du moins
îa satisfaction d'imiter fes vertus»
Animés par de si beaux & de si grands
exemples , nous ferons toujours disposés
à détester l'ufurpatjon , & à repousser 1a
■violence , toujours ptéts à defrendre la
Veuve & l'Otphelin , à soutenir l'inno-
.cence que l'en voudra opprimer , &
poursuivant la punition du 'crime , nous
jae travaillerons pas moins à la fureté
publique qu'à -la conservation des parti
culiers.
Nous sommes les premiers organes
«le la Justice , & même en quelque forte
•les maîtres des droits de nos parties ;
chaque instant de notre vie nous mec
«levant les yeux l'obligation indispensa
ble de ménager leurs intérêts , & d', ~
Cifer leur animosité. En nous faisant
nn.au de leur serviï de patrons , de
peicr
FEVRIER. 1730. 24$
fères & de protecteur* , rions nous four
viendrons encore qu'associés , pour ain$
dire , à la Magistrature , nous sommes
les enfans & les Ministres de la Justice ,
& que nous ne luj devons pas moins:
d'inregrké , de bonne foi & de sincérité
que de foin , de vigilance & de zèle pour
les affaires qui nous font commises. Nous
renoncerons à toute forte de déguisement,
la vérité régnera toujours dans nos dis
cours , & nous oe chercherons jamais des
ces ornemcns capables de surprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre ministère fera soutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foiblefle, d'une íeverité juste , utile
& nécessaire íans dureté , d'une connoissance
compatissante de la misère de l'horame
sans lâche complaisance , 8c répon
dant à Ir haute idée que l'on a de notre
profession , nous annoncerons par la fa.
gefc de nos conseils les oracles de la
Justice.
vocat >t prononcé par M. Gaulliere , en
suite de celui de M. Maillard , a Pou-*
verture de la Conférence publique des
Avocats, , ■ f
ENtre les vertus qui relèvent le mé
rite períbnnel de l'homme , il n'en?
est point cìe plus convenable que la pro
bité ; elle doit régler ses pensées & di
riger ses actions. Elle feule peut lui ap
prendre quelle est là nature de fes de
voirs , quel est son engagement , & com
ment il doit y satisfaire. Survient il dans
Pexecution des difficultés & des peines ?„
la probité lui donne les moyens de les
surmonter ; s'y trouve-t'il du danger ?
elle lui inspire assez de précaution SC
de prudence pour Tévirer , ou du moins
elle y suppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être régulière fans la probité;
ainsi dequoi PAvocat feroit-il capable
fans elle^ Formons-nous , Meilleurs , Pi»
dêç
FEVRIER. T73âr; ï}f
de'e de l'Avocat le plus digne de l'estime
&c de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux naturel ,
qu'il possédé éminement l'art de la pa
role , qu'il sçac'he les Loix tant ancien
nes que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abstraites dispositions , qu'il er*
explique les plus grandes difficultés ,
qu'il est applique à propos les principes ,-
qu'il sçache démêler tous les tours cmbarassans-
dans lesquels se tache le monsrre
de la chicane , qu'il fe dévoué" à ses
fonctions par un travail pénible & assi
du ; donnons lui enfin en partage tou
tes les qualités extérieures qui lui font
nécessaires pout faire briller son élo
quence ; talens admirables , perfections
louables , à la vérité > mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature Sc
de l'Art , s'ils ne sont accompagnés d'une
probité à toute épreuve. Il faut donc la
ïegarder , cette Vertu , comme k prin
cipale qualicé de l'Avocat dans routes
les occasions , où son ministère est né
cessaire.
Par elle l'homme est naturellement
porté à rendre service à l'homme ; il ne
fait ni ne pense rien qu'il ne puisse pu
blier hardiment & avec confiance , il m
s-'engage dans aucune entreprise sujette
à reproche > quoiqu'il soit suc que peu»
sonne
*?4<»! MËRCÛRË DË FRAttCÊ.
fbnrtè n'en empêchera la réussite $ son in
térêt ne le porte jamais à rien dire de
Contraire à la vérité » à accuser personne
sens sujet , à ne prendre que ce qui lui:
appartient, & à user de surprise pour par
venir à ses finsi Si l'Avoeat plaide , fans-
1a probité il dégénère en déclàmateur ,
H déguise ou il exagère les faits , il épou
se les passions de ses parties, il' n'a pas
honte d'entreprendre des causes injustes,-
quoiqu'il les connoiííe pour telles. >
S'il est consulté , sans la probité ce
ri'est pas pour lui un ctime de donner
conseil pour favoriser les surprises , d'u
ser de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alrerer le
sens des Loix , des Coutumes 8i des Or
donnances pour en imposer aux Juges ,
enfin d'abandonner la juste deffense du
pauvre pour pallier les in justes prétentions
du riche.
Avec la probité , au contraire , le b»uc
de l'Avoeat est de sacrifier ses veilles , &
de se donner tóut entier au Public ; son
Unique attention est de soulager les peiile's
de ses patries , d'être tout pour les
autres-, & presque rien pour lui-même.
Son coeur immole à la Justice tòutes
passions , tout plaisir1, tout intérêt í
ainsi chaque jour, chaque heure , cha-
«jue instant lui fournis les occasions de
^EV R I?ÉR'. f /f* 2*'if
lùi faire pendant route la vie de nouveau»»
sacrifices.
Assiégé de routes parts , demandé enJ
tous lieux , la fin d'une affaire le sou
met au commencement d'une autre , le
dernier des malheureux a droit fut tous
les momens de son loisir.
Il se refuse jusqu'à la jouissance de sespropres
biens , & il n'á d'autre soin que
d'assurer ceux des Qiens qui implorent'
son secours.
Cet esclavage, ou sous un titre fpe-~
cieux on renonce à fa liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur; •
mais qu'il est glorieux pour le véritable-
Avocat ! c'est avec ces sentirnens qu'ilse
préfente au Barreau , ce sont eux qui '
font son principal mérite.
li n'á pas besoin de faire briHet son
éloquence par des discours pompeux qui;
ppurroient séduire'; il la fait consister*
dans le récit simple & véritable des faits.
II ne lui est pas nécessaire pour donner'
des preuves de son érudition d'employer
des citations ennuyeuses, & souvent étran
gères à la matière qu'il traire*; une juste ;
application des Loix , leur interprétationnaturelle
composent toute la deffense de
ses-parries;
Sa probité , fa sincérité lui tiennent-
Heu de tout ; fa parole vaut le ferment
*4* MEKCURÉ ÒÈ FRANCÊ.
le plus autentique , & c'est ainsi qu'il
s'attire toute l'estime & toute la con
fiance du public. Que dis- je? Messieurs,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hcríiorer
l'Avocat de la kttr.
En effet , il est dit dans l'Ordonnance
de i JI7- que lorsque dans la plaidoyerie
il y adroit contestation fur des faits,
les Avocats en seroienr crûs à leur fer
ment ; & ('Histoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inséparables
de la probité de l'Avoeat.
M. de Montholori acquit par elle une
si grande confiance, que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une piéce , les Juges
l'en dispensoient -, & ce fut cette même
probité qui l'éleva au suprême degré de
ta Magistrature.
Sans la probité , aii corítráife j l'Ávocat
feroit en proye à toutes sortes de
passions. Tantôt il feroit asseâ malheu
reux pour ne consulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la ba
lance à la main , ardent en apparence à
firoscrire le vice & à protéger la vertu ;
a veuve Sc l'orphelin sembleroient être
les objets de fa compassion ; grand en
maximes , fastueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne respire que la Justice ;
rhais si on fondoit les secrets replis de son
coeur > si on le suivoit pas à pas dans lés
sentiers
FEVRIER. í73fó. 2+î
sentiers détournés ou le conduiroicnt its
fausses lumières , si on pesoit ses actions
au poids du sanctuaire , on pourroit dé
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduisans de la volupté > entraîné pat
son penchant naturel au plaisir , il s'y
livreroit de -plus en plus , & il seroit
à craindre que la Justice ne fut la pre
mière victime qu'il immolerok à Tidole
de ses plaisirs.
Tantôt se trouvant dans les occasions
dangereuses de contenter un intérêt qui
exckerok fa cupidité , Tardcur d'acqué
rir 8c de poíTeder , qui est naturelle k
l'homme , ne lui permettroit pas de dis
tinguer le juste de l'ínjuste j rien ne se*
roir capable de servir de contrepoids a
fa passion ; elle lui suggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées , mais en
même-tems captieuses.ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
Péloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour surprendre »
pour séduire } peut-être même abuseroit-
il du secret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans cile la haine , la jalousie , ou
\ quelr
244 MERCURE DÊ FRANCE:
quelqu'autre passion l'agiteroit fanscéíïey
obscurcirok fa raison , 6c la rendroit fu
rieuse ; & à l'onibre de ces monstres ,
tantôt ea ennemi secret 8c implacable ,
il attaqueroit ceux qui sont l'objet de
ion aversion & de sa Plaine ; tantôt les
yeux blessés de la gloire importune d'un
Rival qui l'ofFufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de son
orgueil & de son ambition ?
En proye successivement & quelque
fois en même-rems à toutes ces passions
qui l'agiteroient , la Justice auroit beau
se présenter , il seroit sourd à sa voix ,
elle seroit toujours- proscrire de son coeur
& sur les ruines du Tribunal dé la con
science il éleveroit un Tr-ône à ses pas
sions favorites , ce seroit elles qui lui
donneroient la Loi',. & ce seroit à elles
seules qu'U rendroit compte de ses ac
tiorir , trop content de leur avoir mé
nagé les marquîS" extérieures de la: vertu.
On ne ttouve point heureusement de
ces vices dans le véritable Avocat ; aussi
n'y a t'il rien à soupçonner dans ses dé
marches. Les Puissances ont elles be
soin de son ministère ? incapable de se
laiíîer corrompre par lés pteícns , il voit
avec indignation Demofthenc accepter lacoupe
d' Fía ?pains ; insensible aux mefia-
Cteí >; il íuivroit Papinieit fur Téchafaut,
FEVRIER. 173*. Í45
plutôt que d'excuser un Empereur cou
pable d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de ses Conci*
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention scru
puleuse , & conduire un Clienr qu'avec?
prudence ; il ne jette un oeil de compas
sion que sut les objets qui la méritent «
ôc ne donne ses foins & ses conseils aux
riches qu'après avoir secouru les mal-;
heureux.
li né~ repousse l'in jure que par les ar
mes que l'e'quité , la raison & les Loix
lui administrent i il ne fait consister son
plaisir que dans un délassement honnête,
3c souvent même dans le travail y iítrouve
ses peines récompensées plutôt
ar la gloire de les avoir prises que par
utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit dans un de ses Confire»
tes des talens supérieurs aux siens , loictd'en
concevoir une indigne jalousie , ils
fie fervent au contraire qu'à lui inspirer
une noble émulation ; enfin ses démar
ches, ses actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là ses'
conseils font admirés , ses décisions font
regardées comme des Oracles , fa con
duite sert d'exemple à tout homme de
bien , & il se captive la bienveillance de
ffes.Confrercs , l'estime des Magistrats &
Ï4S- MERCURE -DE FRANCÈ*
la confiance du Public.
Mais est-ce dans cette idée feule qué
l'Avocat doit être n pur dans ses pensées*
si réservé dans ses diicours3si intègre dans
ses actions , dont il doit compte même à
soi-même ?
Plus l' Avocat a de talens , plus il est
responsable de sa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes séducteurs des
passions de l'homme.
En effet , que lui servlroifil d'être ap
plaudi à l'oecasion de son éloquence , íî
ses moeurs ne tondoient pas à la perfec
tion ? Seroít-on persuadé de la sagesse de
ses conseils , s'il suivoit lui-même d'autres
routes ?
Qu'il fortifie donc de jour éri jour dans
son coeur les sentimens de la droiture &
de la prob'iré j qu'il s'empresse à pronon
cer par son propre exemple la prejniere
condamnation contre les vices.
Ce font ces sentimens , Messieurs , que
Vous avez reconnus dans les dispositions
de votre digne bienfacteur\ ce fut ainsi
qu'il s'acquit l'estime de tous ses amis ,
la considération de nôtre Ordre & la
confiance du Public. i
La noblesse de fa naissance ne lui pa-j
íut qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profession ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. l7$o. n.7
ì U. connoissance des Lojx les plus diffi
ciles ; son esprit naturellement pene'trant
en donna facilement les solutions ; à
íe fit respecter même de tous ses enne
mis & de ses envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa répu
tation lui addressoit 5 la prudence de ses
conseils détermina souvent les opinions
des Magistrats > utile à tout le monde ,
il fe Uvroit fans cesse à tous > le Publiç
trouvoir des secours infinis dans ses talens
, & les pauvres des ressources iné?
puisables dans fa charité ; ceux qui le
connoissoient se le proposoient pour mor
dele de sçavoir , de modestie , de désin
téressement & de candeur, La mort enfin
s'approcha fans le surprendre ; il l'avoie
prévenue par un sage testament qui
pattageoit ses biens entre les pauvres ,
íes parens , ses amis & notre Ordre j
ses Livres & ses Manuscrits nous seronc
à jamais précieux aussi bien que fa mér
moire. Rappelions nous donc fans cesse
íe mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occasion de nous consoler de
sa perte , puisque nous la trouvons re^
parée par l'illustre Confrère * qui. veut
* Voyex. le 1. Vol, d» Mereun át Dtcembr*
fut-il entré dans la carrière , qu'il
MERCURE DE FRANCE,
bien présider à nos travaux 5 en se faiiant
une gloire d'exécuter les intentions
«le notre bienfaiteur il a Ja meilleure
.part à fa .fondation > il sacrifie son tenu
à nous découvrir des trésors qui fans lui
nous íeroient inconnus -, quels avanta
ges ne trouvons<no«s pas dans ses íçavantes
instructions ? pénétrés de reconnoidance
, faifons-nous donc un mérite
de marcher fur fes traces , & si nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
science que lui , donnons-lui du moins
îa satisfaction d'imiter fes vertus»
Animés par de si beaux & de si grands
exemples , nous ferons toujours disposés
à détester l'ufurpatjon , & à repousser 1a
■violence , toujours ptéts à defrendre la
Veuve & l'Otphelin , à soutenir l'inno-
.cence que l'en voudra opprimer , &
poursuivant la punition du 'crime , nous
jae travaillerons pas moins à la fureté
publique qu'à -la conservation des parti
culiers.
Nous sommes les premiers organes
«le la Justice , & même en quelque forte
•les maîtres des droits de nos parties ;
chaque instant de notre vie nous mec
«levant les yeux l'obligation indispensa
ble de ménager leurs intérêts , & d', ~
Cifer leur animosité. En nous faisant
nn.au de leur serviï de patrons , de
peicr
FEVRIER. 1730. 24$
fères & de protecteur* , rions nous four
viendrons encore qu'associés , pour ain$
dire , à la Magistrature , nous sommes
les enfans & les Ministres de la Justice ,
& que nous ne luj devons pas moins:
d'inregrké , de bonne foi & de sincérité
que de foin , de vigilance & de zèle pour
les affaires qui nous font commises. Nous
renoncerons à toute forte de déguisement,
la vérité régnera toujours dans nos dis
cours , & nous oe chercherons jamais des
ces ornemcns capables de surprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre ministère fera soutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foiblefle, d'une íeverité juste , utile
& nécessaire íans dureté , d'une connoissance
compatissante de la misère de l'horame
sans lâche complaisance , 8c répon
dant à Ir haute idée que l'on a de notre
profession , nous annoncerons par la fa.
gefc de nos conseils les oracles de la
Justice.
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Résumé : DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
M. Gaulliere, lors de l'ouverture de la Conférence publique des Avocats, a souligné l'importance cruciale de la probité dans la profession d'avocat. La probité est décrite comme la vertu fondamentale qui doit guider les pensées et les actions des avocats. Elle permet de surmonter les difficultés et les dangers, et d'éviter les tentations de la corruption et des passions. Un avocat dépourvu de probité risque de se transformer en simple déclamateur, de déformer les faits et de favoriser des causes injustes. À l'inverse, un avocat probe se consacre entièrement à ses fonctions, sacrifiant ses intérêts personnels pour servir la justice et soulager les peines de ses clients. Il est intègre dans ses démarches, refuse la corruption et se distingue par sa sincérité et son dévouement. Le discours met également en garde contre les dangers des passions, telles que la cupidité, la haine et la jalousie, qui peuvent obscurcir la raison et conduire à des actions contraires à la justice. Les puissances et les citoyens peuvent compter sur l'avocat probe pour défendre la vérité et protéger les faibles. Par ailleurs, le texte traite des responsabilités et des devoirs des magistrats. Ils doivent constamment protéger les intérêts des parties impliquées et éviter toute animosité. En tant que frères et protecteurs, ils sont associés à la magistrature et doivent incarner la justice avec intégrité, bonne foi et sincérité. Leur ministère doit être marqué par le courage, la fermeté, la charité, la vérité et la compassion, sans orgueil, faiblesse ou dureté. Ils doivent renoncer à toute forme de déguisement et chercher la vérité dans leurs discours, évitant de surprendre la religion des juges. Leur rôle est de conseiller avec sagesse et de répondre à l'idée élevée que l'on a de leur profession, en annonçant les oracles de la justice. Le discours se conclut par un appel à imiter les vertus des grands hommes, tels que M. de Ripafons, et à se consacrer à la défense de la justice et de l'innocence. Les avocats sont invités à suivre l'exemple de probité et de dévouement pour mériter l'estime et la confiance du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2744-2749
L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Début :
Triste Hymen, quel est ton partage, [...]
Mots clefs :
Hymen, Amour, Esclavage, Rigueurs, Cœur, Langage, Foi, Loi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
L'HYMEN ET L'AMOUR ,
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Fermer
Résumé : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Le texte présente une cantate intitulée 'L'Hymen et l'Amour', structurée sous forme de dialogue entre deux personnages : l'Hymen et l'Amour. L'Hymen exprime son désarroi et sa crainte face à l'Amour, qu'il considère comme la source de tous ses malheurs. Il reproche à l'Amour de troubler ses désirs et de causer son ennui. L'Amour, en réponse, affirme que ses charmes et ses attraits suffisent à conquérir les cœurs sans besoin de tromperie. L'Hymen accuse l'Amour de piéger les âmes et de les asservir, tandis que l'Amour rétorque que les liens de l'Hymen entraînent des maux affreux et une rigueur insupportable. Les deux personnages débattent ensuite des plaisirs et des peines qu'ils apportent. L'Hymen assure que ses plaisirs sont durables, tandis que l'Amour argue que ses désirs et ses espoirs adoucissent les alarmes des amants. Finalement, ils décident de cesser leurs plaintes et leurs craintes mutuelles et de collaborer pour rendre les amants et les époux heureux et unis.
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6
p. 2765-2770
CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
Début :
Après avoir entendu d'Affaires et de Décisions sérieuses, il faut, [...]
Mots clefs :
Avocat, Divertissement, Loi, Recueil, Pâté, Procureur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre
écrite par un Avocat du Parlement de
Paris,à un Avocat de Province.
A
Près vous avoir entretenu d'Affaires
et de Décisions sérieuses , il faut ,
mon cher Confrere , vous divertir un
peu , et ce divertissement , qui convient
1.Val
D asses
66 MERCURE DE FRANCE"
* ་
3.
assés au temps où nous sommes Vous
sera , je m'assure , d'autant plus agréable,
qu'il vous deviendra , en quelque façon ,
utile : il vous fournira une Loy en cette
matiere , digne de trouver une place dans
vôtre Recueil , et le Public aura sa part
dans cette utilité. Voici le fait:
>
On adressa sur la fin du mois d'Août
1730. par la voye du Coche d'Eau d'Au
xerre , un Pâté au Sr. Claude Babellot .
chez le Sr. Garnier Procureur en la
Cour. La Feüille en fut exactement char
gée. Le Coche arriva à Paris le Samedi 2 .
Septembre. Deux Femmes , Porteuses or
dinaires du Bureau , se saisissent , selon
leur coutume , de ce Pâté , ainsi que des
autres Paquets , et portent le Pâté chez
le Sr. Garnier , Procureur , conformé
ment à l'adresse. Soyez les bien-venues
répondit - on chez ce Procureur , apportez
toujours , M. Babellot est en Ville , si -tôt
qu'il sera de retour on le lui remettra
fidelement ; repassez demain , il déchar
gera votre Livre. Ainsi s'en vont les deux
Porteuses fort contentes ; mais voici l'encloueure.
Babellot Clerc ne demeuroit plus.
chez le Procureur Garnier depuis plus de
deux mois. Ce jeune homme ayant reçu
le même jour Samedi fort tard sa Lettre
I.Vola d'avis ,
DECEMBRE. 17310 2767
>
,
d'avis , alla le Dimanche dès la pointe du
jour au Bureau du Goche : ily demande
son Pâté , on lui raconte l'Histoire il
fait du bruit , les Porteuses courent chez
le Procureur , lequel d'accord avec la
Servante , dénie formellement la récep
tion : les Porteuses irritées du Procedê
tirent la Servante dans la rue , et à force
de coups de poings , &c. la forcent d'a-
Nouer la verité , en presence d'une nombreuse
assemblée que le vacarme avoit
attirée . Le Procureur, sans se déconcerter,
après avoir distribué quelque petit argent
aux Porteuses , les fit entrer chez lui , et
les engagea à se contenter d'une décharge
de la Servante , qui , par malheur , sçadécharge
qu'il dicta lui
même. De retour au Bureau , ces Femmes
montrerent au Sieur Babellot
pour toute
afson , leur Registre déchargé.
Voit écrire
Dès le lendemain lundy 4 Septembre ,
Demande de Babellot contre la Dame
Jeanne Hardouin , veuve Gauné , Fermiere
des Coches , en restitution du
Pâté. Dénonciation par celle- cy au Procureur
Garnier et à sa Servante. Sur ce
Plaidoirie de 4. Avocats , qui tint une
Hongue Audience au Bureau de la Ville ;
Chauveau pour Babellot , Lambert pour
Aa veuve Gauné , Fermiere des Coches
A. Valu Dij N
0768 MERCURE DE FRANCE
"
Nivelle pour Garnier , Procureur , et
Guerin des Girardieres pour la Servante :
Sur quoi Sentence contradictoire le 9 .
Septembre , qui ordonne que la Servante
sur laquelle le Procureur se déchargeoit
sera entendue.
Le 12 ,' après une autre Plaidoirie opi
niâtre des mêmes Avocats , Sentence dé
-finitive , qui , la Servante entenduë , et
-sur les conclusions du Procureur du Roi ,
condamne la veuve Gauné par corps ,
payer trente livres pour le Pâté , et aux
dépens envers le Sr. Babellot , et condamne
le Procureur et sa Servante soli
dairement par les mêmes voyes ,
quitter la veuve Gauné , et en tous les
dépens . liud
à ac-
Appel en la Cour de la part du Procureur
>
pour
et de la veuve Gauné. La Cause
portée à l'Audience de la Grand' Chambre
, après avoir entendu dans leurs Plaidoiries
Chauveau pour Babellot , Griffon
la Fermiere des Coches , et Paillet
des Brunieres pour Garnier , Procureur,
Arrêt contradictoire le 27 Juillet , prononcé
par M. le Premier Président , qui
confirme avec amande , condamne la
veuve Gauné en tous les dépens faits par
: le Sr. Babellot contre toutes les Parties ,
et le Procureur en tous ceux de ladite
AN I. Kol Gauné
1
DECEMBRE. 1731. 2769
Gauné , et à l'acquitter de cette condamnation.
Cet Arrêt fut rendu , Summo popu
lorum concursu er plausu. Un Plaisant qui
avoit suivi l'Affaire , soûtint que si ç'eût
été le Clerc qui eût mangé le Pâté du
Procureur , la chose étant assez dans les
regles , on auroit dû prononcer un hors
de Cour sans dépens ; mais un Procureur
qui mange le Pâté de son Clerc , est , ditil
, plus qu'amandable.
On ,
Au reste , ce petit Procez qui a donné
une espece de Comedie au Palais , n'est
pas , à ce qu'on assure , entierement terminé
, et on se promet d'en rire encore
après la S. Martin . Le Procureur a , ditformé
une tierce opposition à l'Arrêt
sous le nom de sa Servante , qui n'étoit
pas partie en cause d'Appel. S'il succombe
, comme cela est presque certain , il
en coutera bon au Procureur ; car dès
present tous les dépens ausquels il est -
condamné se montent à plus de cinq
cens livres .
à
›
De cet Arrêt deux conséquences à tirer
,et utiles pour le Public. La premiere
, que les Fermiers des Voitures publi
ques ne doivent rendre les Pacquets
qu'aux vrais Proprietaires , ou à personnes
envoyées de leur part , avec les Lettres
d'avis. La deuxième , que pour les
1. Vol. Diij fajes
1770 MERCURE DE FRANCE
faits civils , on est responsable de son
Domestique.
A Paris le 10 Septembre 1731
écrite par un Avocat du Parlement de
Paris,à un Avocat de Province.
A
Près vous avoir entretenu d'Affaires
et de Décisions sérieuses , il faut ,
mon cher Confrere , vous divertir un
peu , et ce divertissement , qui convient
1.Val
D asses
66 MERCURE DE FRANCE"
* ་
3.
assés au temps où nous sommes Vous
sera , je m'assure , d'autant plus agréable,
qu'il vous deviendra , en quelque façon ,
utile : il vous fournira une Loy en cette
matiere , digne de trouver une place dans
vôtre Recueil , et le Public aura sa part
dans cette utilité. Voici le fait:
>
On adressa sur la fin du mois d'Août
1730. par la voye du Coche d'Eau d'Au
xerre , un Pâté au Sr. Claude Babellot .
chez le Sr. Garnier Procureur en la
Cour. La Feüille en fut exactement char
gée. Le Coche arriva à Paris le Samedi 2 .
Septembre. Deux Femmes , Porteuses or
dinaires du Bureau , se saisissent , selon
leur coutume , de ce Pâté , ainsi que des
autres Paquets , et portent le Pâté chez
le Sr. Garnier , Procureur , conformé
ment à l'adresse. Soyez les bien-venues
répondit - on chez ce Procureur , apportez
toujours , M. Babellot est en Ville , si -tôt
qu'il sera de retour on le lui remettra
fidelement ; repassez demain , il déchar
gera votre Livre. Ainsi s'en vont les deux
Porteuses fort contentes ; mais voici l'encloueure.
Babellot Clerc ne demeuroit plus.
chez le Procureur Garnier depuis plus de
deux mois. Ce jeune homme ayant reçu
le même jour Samedi fort tard sa Lettre
I.Vola d'avis ,
DECEMBRE. 17310 2767
>
,
d'avis , alla le Dimanche dès la pointe du
jour au Bureau du Goche : ily demande
son Pâté , on lui raconte l'Histoire il
fait du bruit , les Porteuses courent chez
le Procureur , lequel d'accord avec la
Servante , dénie formellement la récep
tion : les Porteuses irritées du Procedê
tirent la Servante dans la rue , et à force
de coups de poings , &c. la forcent d'a-
Nouer la verité , en presence d'une nombreuse
assemblée que le vacarme avoit
attirée . Le Procureur, sans se déconcerter,
après avoir distribué quelque petit argent
aux Porteuses , les fit entrer chez lui , et
les engagea à se contenter d'une décharge
de la Servante , qui , par malheur , sçadécharge
qu'il dicta lui
même. De retour au Bureau , ces Femmes
montrerent au Sieur Babellot
pour toute
afson , leur Registre déchargé.
Voit écrire
Dès le lendemain lundy 4 Septembre ,
Demande de Babellot contre la Dame
Jeanne Hardouin , veuve Gauné , Fermiere
des Coches , en restitution du
Pâté. Dénonciation par celle- cy au Procureur
Garnier et à sa Servante. Sur ce
Plaidoirie de 4. Avocats , qui tint une
Hongue Audience au Bureau de la Ville ;
Chauveau pour Babellot , Lambert pour
Aa veuve Gauné , Fermiere des Coches
A. Valu Dij N
0768 MERCURE DE FRANCE
"
Nivelle pour Garnier , Procureur , et
Guerin des Girardieres pour la Servante :
Sur quoi Sentence contradictoire le 9 .
Septembre , qui ordonne que la Servante
sur laquelle le Procureur se déchargeoit
sera entendue.
Le 12 ,' après une autre Plaidoirie opi
niâtre des mêmes Avocats , Sentence dé
-finitive , qui , la Servante entenduë , et
-sur les conclusions du Procureur du Roi ,
condamne la veuve Gauné par corps ,
payer trente livres pour le Pâté , et aux
dépens envers le Sr. Babellot , et condamne
le Procureur et sa Servante soli
dairement par les mêmes voyes ,
quitter la veuve Gauné , et en tous les
dépens . liud
à ac-
Appel en la Cour de la part du Procureur
>
pour
et de la veuve Gauné. La Cause
portée à l'Audience de la Grand' Chambre
, après avoir entendu dans leurs Plaidoiries
Chauveau pour Babellot , Griffon
la Fermiere des Coches , et Paillet
des Brunieres pour Garnier , Procureur,
Arrêt contradictoire le 27 Juillet , prononcé
par M. le Premier Président , qui
confirme avec amande , condamne la
veuve Gauné en tous les dépens faits par
: le Sr. Babellot contre toutes les Parties ,
et le Procureur en tous ceux de ladite
AN I. Kol Gauné
1
DECEMBRE. 1731. 2769
Gauné , et à l'acquitter de cette condamnation.
Cet Arrêt fut rendu , Summo popu
lorum concursu er plausu. Un Plaisant qui
avoit suivi l'Affaire , soûtint que si ç'eût
été le Clerc qui eût mangé le Pâté du
Procureur , la chose étant assez dans les
regles , on auroit dû prononcer un hors
de Cour sans dépens ; mais un Procureur
qui mange le Pâté de son Clerc , est , ditil
, plus qu'amandable.
On ,
Au reste , ce petit Procez qui a donné
une espece de Comedie au Palais , n'est
pas , à ce qu'on assure , entierement terminé
, et on se promet d'en rire encore
après la S. Martin . Le Procureur a , ditformé
une tierce opposition à l'Arrêt
sous le nom de sa Servante , qui n'étoit
pas partie en cause d'Appel. S'il succombe
, comme cela est presque certain , il
en coutera bon au Procureur ; car dès
present tous les dépens ausquels il est -
condamné se montent à plus de cinq
cens livres .
à
›
De cet Arrêt deux conséquences à tirer
,et utiles pour le Public. La premiere
, que les Fermiers des Voitures publi
ques ne doivent rendre les Pacquets
qu'aux vrais Proprietaires , ou à personnes
envoyées de leur part , avec les Lettres
d'avis. La deuxième , que pour les
1. Vol. Diij fajes
1770 MERCURE DE FRANCE
faits civils , on est responsable de son
Domestique.
A Paris le 10 Septembre 1731
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Résumé : CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
En 1730, une affaire judiciaire impliquant un pâté destiné à Claude Babellot, un clerc, a été relatée dans une lettre d'un avocat du Parlement de Paris à un avocat de province. Le pâté, destiné à Babellot, a été livré par erreur chez le procureur Garnier, où Babellot ne résidait plus depuis deux mois. Les porteuses du pâté ont informé Babellot qu'il recevrait le colis à son retour. Cependant, Babellot a réclamé son pâté au bureau du coche, mais les porteuses et le procureur Garnier ont nié avoir reçu le colis. Une altercation a suivi, au cours de laquelle la servante du procureur a été forcée d'avouer la vérité. Babellot a alors intenté une action en justice contre la veuve Gauné, fermière des coches, pour restitution du pâté. Après plusieurs audiences et plaidoiries, la veuve Gauné a été condamnée à payer trente livres pour le pâté et à couvrir les dépens. Le procureur Garnier et sa servante ont également été condamnés à acquitter la veuve Gauné de ses dépens. Le procureur Garnier a fait appel, mais l'arrêt a été confirmé par la Cour. Cette affaire a mis en lumière deux principes juridiques : les fermiers des voitures publiques doivent rendre les paquets uniquement aux véritables propriétaires ou à des personnes mandatées, et les individus sont responsables des actes de leurs domestiques dans les affaires civiles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 3092-3093
AU COMTE DU ROURE, ETRENNES.
Début :
Tout change ; des mortels c'est la commune Loy : [...]
Mots clefs :
Loi, Vicissitude, Compassion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU COMTE DU ROURE, ETRENNES.
AU COMTE DU ROURE ,
ETRENNES
Tout change ; des mortels c'est la commune
Loy :
Un an succede à l'autre ; et le temps sur ses
aîles
Est le porteur leger de cent choses nouvelles.
Il en est trois pourtant , et trois de bon alloy ;
Qui ne connoissent point cette vicissitude ;
Des destins et du temps elles bravent les coups.
Ce sont, j'ose le dire , et j'en ay certitude ,
Yos vertus , votre coeur , et mon respect pour
yous.
Q
NIUVILLE.
A LA COM TESSE
DU ROURE..
Ue puis- je vous offrir de plus beau que
vous-même ?
Daignez accepter un Portrait,
Que la verité qui vous aime-
H. Vol. Va
DECEMBRE. 1931. 3098?
Va rendre trait pour trait.
Tendre compassion dans votre coeur se loge ;.
Elle vous rend utile et chere aux malheureux :
Kaison dans votre esprit , graces dans vos beaux
yeux ,
Et mille amours fripons ont là chacun leur loge;
Ten dirai tant que l'on ne me croira ;
Pen serai crû quand on vous nommera.
NEUVILLE
ETRENNES
Tout change ; des mortels c'est la commune
Loy :
Un an succede à l'autre ; et le temps sur ses
aîles
Est le porteur leger de cent choses nouvelles.
Il en est trois pourtant , et trois de bon alloy ;
Qui ne connoissent point cette vicissitude ;
Des destins et du temps elles bravent les coups.
Ce sont, j'ose le dire , et j'en ay certitude ,
Yos vertus , votre coeur , et mon respect pour
yous.
Q
NIUVILLE.
A LA COM TESSE
DU ROURE..
Ue puis- je vous offrir de plus beau que
vous-même ?
Daignez accepter un Portrait,
Que la verité qui vous aime-
H. Vol. Va
DECEMBRE. 1931. 3098?
Va rendre trait pour trait.
Tendre compassion dans votre coeur se loge ;.
Elle vous rend utile et chere aux malheureux :
Kaison dans votre esprit , graces dans vos beaux
yeux ,
Et mille amours fripons ont là chacun leur loge;
Ten dirai tant que l'on ne me croira ;
Pen serai crû quand on vous nommera.
NEUVILLE
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Résumé : AU COMTE DU ROURE, ETRENNES.
Le poème de Neuville, adressé au comte du Roure en décembre 1931, célèbre ses vertus immuables, son cœur et le respect de l'auteur. Il loue sa compassion, sa raison et ses grâces. Neuville affirme que les éloges sur le comte seront crus lorsqu'on le nommera.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 5-18
QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Dijon.
Début :
Si une Veuve qui se remarie après l'an du deüil, et qui accouche dans le Septième [...]
Mots clefs :
Enfant, Mois, Deuil, Loi, Mariage, Catherine Morlot, Mari, Septième mois, Veuve, Naissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Dijon.
QUESTION NOTABLE , jugée
par Arrêt du Parlement de Dijon.
‘q l une Veuve qui se remarie après l'au
q. du deuil , et qui accouche dan: le S ep
tiéme mois après le deuil , n'ait Être reputée
‘ avoir vêcu impudiquement dans l'an du
deuil , et être déclarée indigne dîme dona
tion mutuelle d’entre elle et son premier
Mari 3 '
‘FAIT.
Jacques Pouflîer , Boulanger â Nuys ÿ
et Catherine Morlot , sa femme , se firent
une donation de tous leurs biens men)
bles cr immeubles le I7 Mai 172.8. Le
mari mourut le z Avril I729. sans laisser
des cnfans; sa veuve fir homologuer le
"don mutuel. Elle passe un Contrat de
Mariage avec Pierre Oudot , GarçonBou
langer et son Ç mpagnon le 24. Février
1750. elle l’êp' se le 1.8 Mai suivant , et
accouche d’un enfant bien formé et vi-î
gourcux le 9 Octobre de la même année ,‘
ctsr-à-dire, quatre mois et onze jours
aptes son manage , et 51x mois et sept
jours depuis la. fin de son deüil. Les pa
cens
à MERCURE DE FRANCE
rens collateraux de son premier mari ap
pclllent de Phomologarion du don mu-g‘
tue . r = -
Me De la Motte , Avocat , plaidant
pour la ‘veuve , dit que les mêmes motifs
sur lesquels on déclare légitime un enfant
\ né dans le septiême mois, concourent a 7
faire rejctter l'accusation dïndigniré con
tre la mere; parce qu'en toute question
d’Etat,on se détermine par le parti le
plus favorable ; de sorte qu'il suHît qu’ou
y trouve de la possibilité ,_pour en l΀VC-_
nir à la présomption de la Loi.
La Loi I 2. fi. de statu_hominum est pré
cise en faveur des cnfans nez dans le sep
tième mois. Et afin qu'on ne croye‘ pas
yqu’cllc parle de sept mois complets, ce
qui entrevoit dans le huitième mois, la.
Loi 3. j. 12. fi. de suis et legit. hiered. dé
cide qu’il suflit que Penfanr naisse au 1S2.‘
jour , pour être tiéclaré viable et. né dans
4 un terme naturel et légal tout ensemble.
Cathcrine Morlot étoit affranchie de la
servitude du dcüil ct de la Loi penale ,
renfermée dans le même terme , 1l y
avoir dêja 190. jours, ct la Loi n’cn re
quiert que 182. qui font six mois lunai
V rcs et cinq jours, au lieu que les 190.
composent six mois lunaires et quatorze
jours ,
\
JANVIER. i733. 9
jours , ou six mois solaires et sept ou huit
jours
Dans Pcspêce qui se présente, il y:
trutant moins de diflîculté à prendre ce
parti que le second mariage ayant un effet
rétroactif pour mettre l'enfant à l'abri de
tous reproches d’une conception illégiti;
me , la. considération du nouvel état de
la merc doit pareillement la garantir des
mêmes reproches.
Ajoutons que la circonstance du Con-a
ttat passé avec le sccond mari , la rendoit
en quelque sorte excusable , joint à l'oc.
casion d'un même domicile devenu né
cessaire par rapport â sa Profession.
Enfin , ce sont des Collateraux qui la
oursuivent, à qui il sied moins de flétrir
lîhonneur de son mariage , et de censurer
sa conduite en cherchantà la confondre
avec les femmes qui auroient vêcu dans
le désordre : moins encore leur convient
il d’cnvier à cette femme tresse: d'une
donation mittucllc, qui par Pincertitude
de Pévenement participe du titre oné-j
reux.
M. Davot puîné , Avocat pourles heà
ritiers collateraux , rêponcloit quelcs do
nations mutucllessont regardées comme
de véritables v libcralitez par toutes les
‘Coutumegqui interdisent aux conjoints
le
O
""8 MERCURE DE FRANCE
le pouvoir de disposer en faveur l'un de
l'autre. v. Depringlcs , dans sa Note sur
l'art. 7. tit.4. de la Cour. de Bourgogne.
Taisand , sur le même article. Ricard,
en son Traité du Dom mutuel , chap. 5.
lect. 5. du Moulin, dans sa Note, sur
Part. 87. de la Coutume de Chartrcs.
- Selon la Loy dernicre,C.de revoe. donat.
toutes sortes de Donations peuvent être
révoquées pour cause (l'ingratitude. Or
l'incontinence de Cathcrine Morlot est
une injure faire à la mémoire de son ma
ri ; les injures sont une des ingratitudes
que les Loix condamnent, elle doit donc
perdre le fruit de la donation de Jacques
Pouflier. Enfin c’cst en conséquence dcla
volonté de‘ son mari qu'elle joüit de tous
les biens qu’il a délaissez, et selon la Loi,
une Veuve incontinente est indigne de
profiter de ces sortes dävantages. L. 2.
C. de secundis Nupt.
vOn ne doit point présumer , sans preu.
vc'ou sans des raisons trcs-fortes , qu’un
enfant est né dans le septième mois , par
ce que , suivant le sentiment des Mede
cins,lcs accouchemens à sept mois sont
tares, contraires à la nature , et ne pro
duisent que des cnfans {dont la foiblessc
et Pimperfcction est une preuve quîls ne
devaient pas encore voir le jour , selpn
es
moe.
5ANVIER. 173;.‘ ‘f
l
les tegles ordinaires. C’est le sentiment
dflippocrate , dans son Livre - D: par!»
teptimextri ; de Galien , dans le Commen
taire qu’il a fait sur cet Ouvrage sd’Ari9
rote , dans PHistoire des Animaux, liv.7.
ch. 4. dejDulaurens, liv. 8. quest. 3o. de
Fernel, Conseil 55. de Paul Zachias, dans
ses uest. Medicolegales, llVL/I.tlt.2..(1ucSlÎ.
3. ou il rapporte les imperfections aus
quelles sont sujets les enfans nez à seps
. mois‘. Ces accouchemens sont contre l’or
drc ct Pintention de la nature 3 car,.selon
Hippocrare , de naturâ puerperii , l’accou
chement tfest causé que par le deflàut
d’alimens; quand Faliment manque par
un accident ou par quelque maladie ,
c'est contre lîintention et l’ordre de la na-,
turc; les Enfans à se t mois sont encore
petits , foibles et ma formez; c’est donc
par une maladie, ou par une violence ex
traordinaire que leur naissancea été pré.
cipitée. v. Paul Zachias, queshg. tlt.z.l.r.*
Or puisque ces sortes däccouchemens
sont si rares et si contraires à la nature ,
on ne doitlpas les supposer sans des preu
ves convaincantes ou des motifs tres
Puissans , c’est le sentiment de Menoch ,
Je Pmmmpt. lib. 6. P7193. 52..
Catherine «Morlot étant forcée d’a-'
ÿoüer que son Enfant est le fruit d’un
_ .q fi 60m3
3o M ERCURE DE FRÂNCË.‘
commerce illégitime , ne peut employer
en sa faveur les Loix qui présument quïm
Enfant cll: né à 7 mois , parce que ces
Loix n’ont eu en vuë que d'assister la 1c’
gitimité des Enfans, et de les sauver de la.
servitude; c'est ce qui ell; prouvé par; les
termes mêmes, des Loix qu’elle allegue,
La Loi 12. de Statu hominum , ÿexplique
ainsi zSeptimo monse nascipetftectum partum
jam reeeptum esgpropter auctaritatem doctisgj.
mi viriHippocratisget ide?) aredendum est mm
qui ex justis septirno nuptii: mense natu: est,
justum filium esse. OEoique Calherine
Morlot ait voulu ‘se servir de la premier-e
Partie de cette Loi pour établir qu’un
Enfant peut naître parfait à 7 mois,il est
certain qu’elle n’en peut tiret aucun
avantage , parce que’ le J urisconsulte n'a
fait que‘ transcrire la décision dT-Iippo
crarc ,et qtfainsi c’est par le sentiment
de ce grand Medecin , que l’on doit ju.
5er des Enfansqui naissent dans le se
1ième mois. Or , selon Hippocratc me
mqdans le Livre: De natures puerperii, le
a septième mois ne fait qu’apportet e com
mencement de la perfection au Foetus;
donc il n’est pas encore parfait dans ce
temps -, il est seulement assez formé pour
rïêtrc pas incapable de vie 5 mais il n’a
pas encore acquis la force ni la perfecar’
* -’ ‘* tien
JANVIER. I733‘; Il‘.
tien ue naturellementil doit avoir avant
que e naître. Il paroi: évidemment par
_ le Passage du même Auteur, qui se trou
vc dans son Traité de S eptimestri partu ,
que ce n'est que d’une simple possibilité de
‘ vivre qu’il a parlé, en disant que l’Enfant -
naît parfaità 7 mois,puisqu'il assure qu’il
en naît peu l; que de ce peu , il en meurt‘
lusieurs e qu’ils sont tous foibles et ma
lîtdxfs s ce seroit donc supposer une con:
(radiation manifeste dans ces difiercns
passages cH-Iippocrate, que cl’expliqucr
celui qui est rapporté par la Loi , d’une
façon diiÏerehte de celle qui vient d'être
exposée. . .
La seconde partie de la Loi cy-dessus
citée , est absolument contraire aux pré:
tentions de Cathxrine Morlot; ce n'est
qu’en faveur d’un Enfant né d’un maria
ge illégitime; que la Loi admet sa pré; *
somption -, FEnFant de Catherine Morlot
est le fruit d'un commerce illegitimeia
Loi nÎest donc plus applicable. _
Et qu’on ne dise pas que l’on ne doit.’
point présumer un crime tel qu’est Pin
continence d'une Veuve , pendant Pan!
née de son Deuil, sur de simples appa;
rences, et que ce n’est que par des'preu—
vcs convaincantes que l'on peut détruire
la présomption de la naissance de son En
r B fang
u: MERCURE DE FRANCE:
fant à 7 mois. Ce raisonnement pourroit
avoir lieu si Pimpudicité de Catherine
Morlor n'étoit pas avérée; mais sa pro
‘ re confession , et la naissance de son En
Ëint en sont des preuves invinciblesll ne
‘s'agir donc plus que de fixer la datte de
son crime; elle ne doit pas attendre que
pour la placer a son gré , on admette une
supposition contre nature , et u1 n’est
reçuë par les Loix qu’en faveur . c la lé
gitimité ou de la liberté des Enfans. Il se
roit absurde de penser que cette Veuve
‘eut passé son année de Deuil dans la con
tinence , et que dès le lendemain elle se
fut abandonnée , et eût accouché au bout
de six mois d’un Enfant aussi vigoureux
que le sont ordinairement ceux qui nais
sent à neufmois,avec toute la perfection
=que l’on peut espere: dans un age aussi
tendre, p
La Loi I3. de suis et lcgit, kami. n’est
pas non plus favorable àCatherine Mor
ot; ce n’est qu’en faveur de la liberté de
PEnfant , qu’elle présume sa naissance à
sept mois. Catherine Motlot ne peut as
employer cette présomption pour el e ;
et puisque l’on n’attaque point la liberty’
de son Enfant, elle n'a pas dû regarde:
comme une servitude , la nécessité de pas
ser son veuvage dans la continence.
l‘: KL
\
JANVÏER. 173;: 2;“
C’est‘sans aucune apparence de raison
‘qu'elle a recours à une fiction de Droit ,'
c’est à-dire ,à lïffet rétroactif du maria
ge, pour en conclure qu’elle est bien’
fondée à employer la présomption que
les Loix ont introduite; ce n'est pas sur
une fiction , mais sur une réalité que l’on
doit fixer 1a date d'un mariage °, ce n’est
que par une indulgence des loix qu'il a un
effet rétroactif pour la légitimation des
enfans; mais il ne peut donner lieu à la
présomptionde sa naissance dans le sep
tiéme mois , parce que ce_ n'est qu’en con
séquence d’un signe certain que l’on doit
admettre les présomptions des Loix.
Voyez Menoch. De PmsumpLliv. 1. ch. 8.
Qand un Enfant est né dans le sep
tiéme mois d’un mariage légitime , ce
mariage est le signe certain et légal qui
fait présumer le temps au uel il a-été
conçu 3 mais Catherine Moflot n’a que la.
naissance de son Enfant qui puisse déter
miner le temps’de la conception; elle
n’esr dans aucun des cas ‘prévûs par les‘
Loix , on n'en doit donc juger que selon
le cours ordinaire de la nature; et la pré:
somption lui devient contraire, puisqu'il.
n'y a rien icy de certain que son incon
tinence , dont il faut fixer Pépoque.
i Enfin Catherine Morlot prouveroit
B inu-j
‘r4 MERCURE DEVFRANCE:
inutilement que son Enfant n’a été con-î
çu qifaprês Pexpiation de son année de
Deuil; dès qu’il est le fruit d'un commer
ce illicite , elle ne peut éviter de subir les
mêmes peines quïme Veuve qui se seroit
remariée dans Pannée qui suit le décès de
son mari. Tantquïme Femme n'est point
remariée, elle ioüit de tous les avantages
que son mari lui avoit procurez, puisque
son mariage est censé subsister , elle ne
peut s'abandonner sans commrttre une
espece d’adultere; son impudicité désho
normt davantage la mémoire de son mari
qu’un mariage trop précipité; elle ne
doit pas ê.re punie moinsseverement
u'une Veuve qui se remarie dans l’an
du DeuiLCtla suffit pour établir que l’in
continence de Catherine Morlot pendant
son année de Deuil est suflisamment preu
vée,par la naissance de son Enfant, et que
uand elle ne le seroit pas, dès qu’elle est:
forcée d’avoücr son commerce criminel
avec Jacques Oudot, elle ne peut éviter
sa condamnation. .
On répliqua pour Catherine Morlot;
qu’envain voudroit-on affoiblir Pautho
tiré de la Loy , en citant Dulaurent et
' Paul Zachias;1’un qui prétend qu’I-Iip
pocrate a varié, et l’au‘tre qui s’ingere de
le censurer. Paul Zachias après avoir dit
que.
I
«ÏANVIER». 1733.‘ r;
que le terme de sept mois n’esr pas coma
mun , avoue‘ néanmoins , au nombre 63.‘
età Pendroit même qu’ont obfecté ‘les
Heritiers collateraux de Jacques Pouflier,‘
que lesepziéme mois ne laisse pas d’être
un terme légitime : Exindè concludendttm '
minimè est amnes septima mens: mua: illegiq
rima: me , si vivant. Er cela suffit pour
sauver l’Enfant , la Mere et le second
mari de Popprobre dont on veut les char
ger. Mais ce qui doit faire rejetter les sub
tilitez cle ces deux Medecins, est que s’iI
s'agissait de Fétara. d'un Enfant , il ifest
personne qui osât le lui contester dans
e septième mois , sous le prétexte ‘des
variations que Dulaurent impute à Hip
pocrare , ou des conjectures hazardées
par Zachias , dès qu’on a_ contfeux la dé—
cision de la Loi , afFermie encore par une
Jurisprudence uniforme et universelle
en faveur de Yllnfant né dans le septié-g‘
me mois. p
Alphonse de Caranza, Jurisconsulte
du dernier sieclc,dans un Traité de Pur-m,
ui est n'es-estimé , nous donne la Liste
des erreurs du hlcdecin Zachias , su:
cette matiere: Ego cartè cttm Hippocmt:
ferfictianis Jmrtûs principium- tvgttlariter
constitua, ira ut parfactus mm foetus asse in
çtjziat 146i dimidtb axttata arma particttlam
B alla:
u? MERCURE DE FÎÏANCËJ‘
"décidé' pour l’état de l’Enfant né
alterna: atrigerit , quasi evenit principio sepl
timi mensis, quo tempare, ut caeteramm Me
dicorumSchalu afirmeit , muturus jum foetus
pelliculas eulcizmtu disrumpit, et purtmh fieri
nutum cagil. M. Cujas, liv.‘ 4.. des Répon
ses de Papinien , s’explique de la même
maniere : Si querutur un is sit metturus qui
4d initia septimi mensis natus est, dimm
esse muturum , ut putu si nntus sit r82. die,
quiet 182. dits septimum mensem attingunt.
Le Brun , des Success. ch. 4.. Sect. I. n. 6.
7.8.et 9. observe qu’il suiiit que le septié
me mois lunaire soit commencé. Dunod
des Prescriptions, part. z. ch. r 5. pag. zzo.
atteste la même maxime; à quoi il faut
ajoûrer les Arrêts rapporrez par Brodeau,
lettre E. Som. 5. n. r;.par Boniface, tom.
zrpatt. z. liv. 3. tir, 8. ch. 3.dans M.May
nard , et dans Charondas. Or ce cciulian‘s eslte
septiéme mois,'doit l'être également pour
la Mere remariée, parce que Popprobre
de la Mere rejaillit sur son enfant, ct sur
son mariageâ parce que les motifs d’hu
manité sont les mêmes s parce que les
.I.oix pénales sont toujours à restraindre ,
\
jamais a présumer le crime, ou qu’en tout
cas , on présume les moindres foiblesses
les plus pardonnablesfl, les plus faciles à ré
parer; parce qu’enfin la reglc est une, inq
variable sur le septième mois.
‘ CI!
JANVIER. 173;.‘ "x71
Un n’a garde de disconvenir que la Veu-l
vc qui vit dans le désordre ne soir infini
ment plus punissable que celle qui se re
marie; aussi la punit-on , dans les Parle-Ï
lemcns même où l’on excuse le mariage
durant le deuil; mais il ne s'ensuit pas, ni
Hue la peine doive s’étendre sur ce qui se
passe après le deuil, ni qu'il failIe donner
aux faiblesses par où aura pû commencer
1e mariage, un effet rétroactif pour les
réputer commises dans l’an même du deuil,
lorsque par la décision de la Loi il reste
assez de temps après le deuil, pour que
yPEnfant soir réputé conçu hors du temps
de prohibition. _
»- Qfil y aît eu un Contrat de mariage
dans l’an du deull , c’est une circonstance
ui" excuse les foiblesses posrerieures au
deuil, sans ‘qu’on doive les reporter ä.
cette époque; il faut se renfermer dans la
présomption des Loix. Le second maria
ge a un eñiet ‘rétroactif au temps où l’on
doit présumer: la conception de PEnfanr,
pour légitimer PEnfant et itistifier la Me
re, c’est après le deuil ; dès que ce temps
suffit pour se retrouver dans le septiéme
mois , et l’on s’y trouve icy de i4. jours;
car au reste ilén’y a pas de reproches à fai
re sur ce quevle Contrat est dans l’an du
deuil , la prohibition ni les peines ne s’y_
‘ ' B v_ éreng
t8 MERCURE DE FRANCE.‘
étendirent jamais ; la Loi a même prévû‘
ce cas et a condamné l'extension des pei—
«nes qu'une rigueur outrée tentetoit d'y
appliquer : Qge virum elugwt , sponsumfuis
a‘: non noce: , no. 10.5. 1.35‘: de 19j; 7mm.
tuntur infumiii.
M‘ Genreau , Avocat General , ayant
conclu avec beaucoup de solid té et avec
son éloquence ordinaire, en faveur de
Catherine Morlot. LA COUR , par Arrêt
rendu a l’Audience publique,du r7 Juil
let 173:. confirma la donation mutuelle,
par Arrêt du Parlement de Dijon.
‘q l une Veuve qui se remarie après l'au
q. du deuil , et qui accouche dan: le S ep
tiéme mois après le deuil , n'ait Être reputée
‘ avoir vêcu impudiquement dans l'an du
deuil , et être déclarée indigne dîme dona
tion mutuelle d’entre elle et son premier
Mari 3 '
‘FAIT.
Jacques Pouflîer , Boulanger â Nuys ÿ
et Catherine Morlot , sa femme , se firent
une donation de tous leurs biens men)
bles cr immeubles le I7 Mai 172.8. Le
mari mourut le z Avril I729. sans laisser
des cnfans; sa veuve fir homologuer le
"don mutuel. Elle passe un Contrat de
Mariage avec Pierre Oudot , GarçonBou
langer et son Ç mpagnon le 24. Février
1750. elle l’êp' se le 1.8 Mai suivant , et
accouche d’un enfant bien formé et vi-î
gourcux le 9 Octobre de la même année ,‘
ctsr-à-dire, quatre mois et onze jours
aptes son manage , et 51x mois et sept
jours depuis la. fin de son deüil. Les pa
cens
à MERCURE DE FRANCE
rens collateraux de son premier mari ap
pclllent de Phomologarion du don mu-g‘
tue . r = -
Me De la Motte , Avocat , plaidant
pour la ‘veuve , dit que les mêmes motifs
sur lesquels on déclare légitime un enfant
\ né dans le septiême mois, concourent a 7
faire rejctter l'accusation dïndigniré con
tre la mere; parce qu'en toute question
d’Etat,on se détermine par le parti le
plus favorable ; de sorte qu'il suHît qu’ou
y trouve de la possibilité ,_pour en l΀VC-_
nir à la présomption de la Loi.
La Loi I 2. fi. de statu_hominum est pré
cise en faveur des cnfans nez dans le sep
tième mois. Et afin qu'on ne croye‘ pas
yqu’cllc parle de sept mois complets, ce
qui entrevoit dans le huitième mois, la.
Loi 3. j. 12. fi. de suis et legit. hiered. dé
cide qu’il suflit que Penfanr naisse au 1S2.‘
jour , pour être tiéclaré viable et. né dans
4 un terme naturel et légal tout ensemble.
Cathcrine Morlot étoit affranchie de la
servitude du dcüil ct de la Loi penale ,
renfermée dans le même terme , 1l y
avoir dêja 190. jours, ct la Loi n’cn re
quiert que 182. qui font six mois lunai
V rcs et cinq jours, au lieu que les 190.
composent six mois lunaires et quatorze
jours ,
\
JANVIER. i733. 9
jours , ou six mois solaires et sept ou huit
jours
Dans Pcspêce qui se présente, il y:
trutant moins de diflîculté à prendre ce
parti que le second mariage ayant un effet
rétroactif pour mettre l'enfant à l'abri de
tous reproches d’une conception illégiti;
me , la. considération du nouvel état de
la merc doit pareillement la garantir des
mêmes reproches.
Ajoutons que la circonstance du Con-a
ttat passé avec le sccond mari , la rendoit
en quelque sorte excusable , joint à l'oc.
casion d'un même domicile devenu né
cessaire par rapport â sa Profession.
Enfin , ce sont des Collateraux qui la
oursuivent, à qui il sied moins de flétrir
lîhonneur de son mariage , et de censurer
sa conduite en cherchantà la confondre
avec les femmes qui auroient vêcu dans
le désordre : moins encore leur convient
il d’cnvier à cette femme tresse: d'une
donation mittucllc, qui par Pincertitude
de Pévenement participe du titre oné-j
reux.
M. Davot puîné , Avocat pourles heà
ritiers collateraux , rêponcloit quelcs do
nations mutucllessont regardées comme
de véritables v libcralitez par toutes les
‘Coutumegqui interdisent aux conjoints
le
O
""8 MERCURE DE FRANCE
le pouvoir de disposer en faveur l'un de
l'autre. v. Depringlcs , dans sa Note sur
l'art. 7. tit.4. de la Cour. de Bourgogne.
Taisand , sur le même article. Ricard,
en son Traité du Dom mutuel , chap. 5.
lect. 5. du Moulin, dans sa Note, sur
Part. 87. de la Coutume de Chartrcs.
- Selon la Loy dernicre,C.de revoe. donat.
toutes sortes de Donations peuvent être
révoquées pour cause (l'ingratitude. Or
l'incontinence de Cathcrine Morlot est
une injure faire à la mémoire de son ma
ri ; les injures sont une des ingratitudes
que les Loix condamnent, elle doit donc
perdre le fruit de la donation de Jacques
Pouflier. Enfin c’cst en conséquence dcla
volonté de‘ son mari qu'elle joüit de tous
les biens qu’il a délaissez, et selon la Loi,
une Veuve incontinente est indigne de
profiter de ces sortes dävantages. L. 2.
C. de secundis Nupt.
vOn ne doit point présumer , sans preu.
vc'ou sans des raisons trcs-fortes , qu’un
enfant est né dans le septième mois , par
ce que , suivant le sentiment des Mede
cins,lcs accouchemens à sept mois sont
tares, contraires à la nature , et ne pro
duisent que des cnfans {dont la foiblessc
et Pimperfcction est une preuve quîls ne
devaient pas encore voir le jour , selpn
es
moe.
5ANVIER. 173;.‘ ‘f
l
les tegles ordinaires. C’est le sentiment
dflippocrate , dans son Livre - D: par!»
teptimextri ; de Galien , dans le Commen
taire qu’il a fait sur cet Ouvrage sd’Ari9
rote , dans PHistoire des Animaux, liv.7.
ch. 4. dejDulaurens, liv. 8. quest. 3o. de
Fernel, Conseil 55. de Paul Zachias, dans
ses uest. Medicolegales, llVL/I.tlt.2..(1ucSlÎ.
3. ou il rapporte les imperfections aus
quelles sont sujets les enfans nez à seps
. mois‘. Ces accouchemens sont contre l’or
drc ct Pintention de la nature 3 car,.selon
Hippocrare , de naturâ puerperii , l’accou
chement tfest causé que par le deflàut
d’alimens; quand Faliment manque par
un accident ou par quelque maladie ,
c'est contre lîintention et l’ordre de la na-,
turc; les Enfans à se t mois sont encore
petits , foibles et ma formez; c’est donc
par une maladie, ou par une violence ex
traordinaire que leur naissancea été pré.
cipitée. v. Paul Zachias, queshg. tlt.z.l.r.*
Or puisque ces sortes däccouchemens
sont si rares et si contraires à la nature ,
on ne doitlpas les supposer sans des preu
ves convaincantes ou des motifs tres
Puissans , c’est le sentiment de Menoch ,
Je Pmmmpt. lib. 6. P7193. 52..
Catherine «Morlot étant forcée d’a-'
ÿoüer que son Enfant est le fruit d’un
_ .q fi 60m3
3o M ERCURE DE FRÂNCË.‘
commerce illégitime , ne peut employer
en sa faveur les Loix qui présument quïm
Enfant cll: né à 7 mois , parce que ces
Loix n’ont eu en vuë que d'assister la 1c’
gitimité des Enfans, et de les sauver de la.
servitude; c'est ce qui ell; prouvé par; les
termes mêmes, des Loix qu’elle allegue,
La Loi 12. de Statu hominum , ÿexplique
ainsi zSeptimo monse nascipetftectum partum
jam reeeptum esgpropter auctaritatem doctisgj.
mi viriHippocratisget ide?) aredendum est mm
qui ex justis septirno nuptii: mense natu: est,
justum filium esse. OEoique Calherine
Morlot ait voulu ‘se servir de la premier-e
Partie de cette Loi pour établir qu’un
Enfant peut naître parfait à 7 mois,il est
certain qu’elle n’en peut tiret aucun
avantage , parce que’ le J urisconsulte n'a
fait que‘ transcrire la décision dT-Iippo
crarc ,et qtfainsi c’est par le sentiment
de ce grand Medecin , que l’on doit ju.
5er des Enfansqui naissent dans le se
1ième mois. Or , selon Hippocratc me
mqdans le Livre: De natures puerperii, le
a septième mois ne fait qu’apportet e com
mencement de la perfection au Foetus;
donc il n’est pas encore parfait dans ce
temps -, il est seulement assez formé pour
rïêtrc pas incapable de vie 5 mais il n’a
pas encore acquis la force ni la perfecar’
* -’ ‘* tien
JANVIER. I733‘; Il‘.
tien ue naturellementil doit avoir avant
que e naître. Il paroi: évidemment par
_ le Passage du même Auteur, qui se trou
vc dans son Traité de S eptimestri partu ,
que ce n'est que d’une simple possibilité de
‘ vivre qu’il a parlé, en disant que l’Enfant -
naît parfaità 7 mois,puisqu'il assure qu’il
en naît peu l; que de ce peu , il en meurt‘
lusieurs e qu’ils sont tous foibles et ma
lîtdxfs s ce seroit donc supposer une con:
(radiation manifeste dans ces difiercns
passages cH-Iippocrate, que cl’expliqucr
celui qui est rapporté par la Loi , d’une
façon diiÏerehte de celle qui vient d'être
exposée. . .
La seconde partie de la Loi cy-dessus
citée , est absolument contraire aux pré:
tentions de Cathxrine Morlot; ce n'est
qu’en faveur d’un Enfant né d’un maria
ge illégitime; que la Loi admet sa pré; *
somption -, FEnFant de Catherine Morlot
est le fruit d'un commerce illegitimeia
Loi nÎest donc plus applicable. _
Et qu’on ne dise pas que l’on ne doit.’
point présumer un crime tel qu’est Pin
continence d'une Veuve , pendant Pan!
née de son Deuil, sur de simples appa;
rences, et que ce n’est que par des'preu—
vcs convaincantes que l'on peut détruire
la présomption de la naissance de son En
r B fang
u: MERCURE DE FRANCE:
fant à 7 mois. Ce raisonnement pourroit
avoir lieu si Pimpudicité de Catherine
Morlor n'étoit pas avérée; mais sa pro
‘ re confession , et la naissance de son En
Ëint en sont des preuves invinciblesll ne
‘s'agir donc plus que de fixer la datte de
son crime; elle ne doit pas attendre que
pour la placer a son gré , on admette une
supposition contre nature , et u1 n’est
reçuë par les Loix qu’en faveur . c la lé
gitimité ou de la liberté des Enfans. Il se
roit absurde de penser que cette Veuve
‘eut passé son année de Deuil dans la con
tinence , et que dès le lendemain elle se
fut abandonnée , et eût accouché au bout
de six mois d’un Enfant aussi vigoureux
que le sont ordinairement ceux qui nais
sent à neufmois,avec toute la perfection
=que l’on peut espere: dans un age aussi
tendre, p
La Loi I3. de suis et lcgit, kami. n’est
pas non plus favorable àCatherine Mor
ot; ce n’est qu’en faveur de la liberté de
PEnfant , qu’elle présume sa naissance à
sept mois. Catherine Motlot ne peut as
employer cette présomption pour el e ;
et puisque l’on n’attaque point la liberty’
de son Enfant, elle n'a pas dû regarde:
comme une servitude , la nécessité de pas
ser son veuvage dans la continence.
l‘: KL
\
JANVÏER. 173;: 2;“
C’est‘sans aucune apparence de raison
‘qu'elle a recours à une fiction de Droit ,'
c’est à-dire ,à lïffet rétroactif du maria
ge, pour en conclure qu’elle est bien’
fondée à employer la présomption que
les Loix ont introduite; ce n'est pas sur
une fiction , mais sur une réalité que l’on
doit fixer 1a date d'un mariage °, ce n’est
que par une indulgence des loix qu'il a un
effet rétroactif pour la légitimation des
enfans; mais il ne peut donner lieu à la
présomptionde sa naissance dans le sep
tiéme mois , parce que ce_ n'est qu’en con
séquence d’un signe certain que l’on doit
admettre les présomptions des Loix.
Voyez Menoch. De PmsumpLliv. 1. ch. 8.
Qand un Enfant est né dans le sep
tiéme mois d’un mariage légitime , ce
mariage est le signe certain et légal qui
fait présumer le temps au uel il a-été
conçu 3 mais Catherine Moflot n’a que la.
naissance de son Enfant qui puisse déter
miner le temps’de la conception; elle
n’esr dans aucun des cas ‘prévûs par les‘
Loix , on n'en doit donc juger que selon
le cours ordinaire de la nature; et la pré:
somption lui devient contraire, puisqu'il.
n'y a rien icy de certain que son incon
tinence , dont il faut fixer Pépoque.
i Enfin Catherine Morlot prouveroit
B inu-j
‘r4 MERCURE DEVFRANCE:
inutilement que son Enfant n’a été con-î
çu qifaprês Pexpiation de son année de
Deuil; dès qu’il est le fruit d'un commer
ce illicite , elle ne peut éviter de subir les
mêmes peines quïme Veuve qui se seroit
remariée dans Pannée qui suit le décès de
son mari. Tantquïme Femme n'est point
remariée, elle ioüit de tous les avantages
que son mari lui avoit procurez, puisque
son mariage est censé subsister , elle ne
peut s'abandonner sans commrttre une
espece d’adultere; son impudicité désho
normt davantage la mémoire de son mari
qu’un mariage trop précipité; elle ne
doit pas ê.re punie moinsseverement
u'une Veuve qui se remarie dans l’an
du DeuiLCtla suffit pour établir que l’in
continence de Catherine Morlot pendant
son année de Deuil est suflisamment preu
vée,par la naissance de son Enfant, et que
uand elle ne le seroit pas, dès qu’elle est:
forcée d’avoücr son commerce criminel
avec Jacques Oudot, elle ne peut éviter
sa condamnation. .
On répliqua pour Catherine Morlot;
qu’envain voudroit-on affoiblir Pautho
tiré de la Loy , en citant Dulaurent et
' Paul Zachias;1’un qui prétend qu’I-Iip
pocrate a varié, et l’au‘tre qui s’ingere de
le censurer. Paul Zachias après avoir dit
que.
I
«ÏANVIER». 1733.‘ r;
que le terme de sept mois n’esr pas coma
mun , avoue‘ néanmoins , au nombre 63.‘
età Pendroit même qu’ont obfecté ‘les
Heritiers collateraux de Jacques Pouflier,‘
que lesepziéme mois ne laisse pas d’être
un terme légitime : Exindè concludendttm '
minimè est amnes septima mens: mua: illegiq
rima: me , si vivant. Er cela suffit pour
sauver l’Enfant , la Mere et le second
mari de Popprobre dont on veut les char
ger. Mais ce qui doit faire rejetter les sub
tilitez cle ces deux Medecins, est que s’iI
s'agissait de Fétara. d'un Enfant , il ifest
personne qui osât le lui contester dans
e septième mois , sous le prétexte ‘des
variations que Dulaurent impute à Hip
pocrare , ou des conjectures hazardées
par Zachias , dès qu’on a_ contfeux la dé—
cision de la Loi , afFermie encore par une
Jurisprudence uniforme et universelle
en faveur de Yllnfant né dans le septié-g‘
me mois. p
Alphonse de Caranza, Jurisconsulte
du dernier sieclc,dans un Traité de Pur-m,
ui est n'es-estimé , nous donne la Liste
des erreurs du hlcdecin Zachias , su:
cette matiere: Ego cartè cttm Hippocmt:
ferfictianis Jmrtûs principium- tvgttlariter
constitua, ira ut parfactus mm foetus asse in
çtjziat 146i dimidtb axttata arma particttlam
B alla:
u? MERCURE DE FÎÏANCËJ‘
"décidé' pour l’état de l’Enfant né
alterna: atrigerit , quasi evenit principio sepl
timi mensis, quo tempare, ut caeteramm Me
dicorumSchalu afirmeit , muturus jum foetus
pelliculas eulcizmtu disrumpit, et purtmh fieri
nutum cagil. M. Cujas, liv.‘ 4.. des Répon
ses de Papinien , s’explique de la même
maniere : Si querutur un is sit metturus qui
4d initia septimi mensis natus est, dimm
esse muturum , ut putu si nntus sit r82. die,
quiet 182. dits septimum mensem attingunt.
Le Brun , des Success. ch. 4.. Sect. I. n. 6.
7.8.et 9. observe qu’il suiiit que le septié
me mois lunaire soit commencé. Dunod
des Prescriptions, part. z. ch. r 5. pag. zzo.
atteste la même maxime; à quoi il faut
ajoûrer les Arrêts rapporrez par Brodeau,
lettre E. Som. 5. n. r;.par Boniface, tom.
zrpatt. z. liv. 3. tir, 8. ch. 3.dans M.May
nard , et dans Charondas. Or ce cciulian‘s eslte
septiéme mois,'doit l'être également pour
la Mere remariée, parce que Popprobre
de la Mere rejaillit sur son enfant, ct sur
son mariageâ parce que les motifs d’hu
manité sont les mêmes s parce que les
.I.oix pénales sont toujours à restraindre ,
\
jamais a présumer le crime, ou qu’en tout
cas , on présume les moindres foiblesses
les plus pardonnablesfl, les plus faciles à ré
parer; parce qu’enfin la reglc est une, inq
variable sur le septième mois.
‘ CI!
JANVIER. 173;.‘ "x71
Un n’a garde de disconvenir que la Veu-l
vc qui vit dans le désordre ne soir infini
ment plus punissable que celle qui se re
marie; aussi la punit-on , dans les Parle-Ï
lemcns même où l’on excuse le mariage
durant le deuil; mais il ne s'ensuit pas, ni
Hue la peine doive s’étendre sur ce qui se
passe après le deuil, ni qu'il failIe donner
aux faiblesses par où aura pû commencer
1e mariage, un effet rétroactif pour les
réputer commises dans l’an même du deuil,
lorsque par la décision de la Loi il reste
assez de temps après le deuil, pour que
yPEnfant soir réputé conçu hors du temps
de prohibition. _
»- Qfil y aît eu un Contrat de mariage
dans l’an du deull , c’est une circonstance
ui" excuse les foiblesses posrerieures au
deuil, sans ‘qu’on doive les reporter ä.
cette époque; il faut se renfermer dans la
présomption des Loix. Le second maria
ge a un eñiet ‘rétroactif au temps où l’on
doit présumer: la conception de PEnfanr,
pour légitimer PEnfant et itistifier la Me
re, c’est après le deuil ; dès que ce temps
suffit pour se retrouver dans le septiéme
mois , et l’on s’y trouve icy de i4. jours;
car au reste ilén’y a pas de reproches à fai
re sur ce quevle Contrat est dans l’an du
deuil , la prohibition ni les peines ne s’y_
‘ ' B v_ éreng
t8 MERCURE DE FRANCE.‘
étendirent jamais ; la Loi a même prévû‘
ce cas et a condamné l'extension des pei—
«nes qu'une rigueur outrée tentetoit d'y
appliquer : Qge virum elugwt , sponsumfuis
a‘: non noce: , no. 10.5. 1.35‘: de 19j; 7mm.
tuntur infumiii.
M‘ Genreau , Avocat General , ayant
conclu avec beaucoup de solid té et avec
son éloquence ordinaire, en faveur de
Catherine Morlot. LA COUR , par Arrêt
rendu a l’Audience publique,du r7 Juil
let 173:. confirma la donation mutuelle,
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Résumé : QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Dijon.
Le texte relate une affaire judiciaire impliquant Catherine Morlot, veuve de Jacques Pouflier, un boulanger de Nuys. En 1728, Jacques et Catherine avaient fait une donation mutuelle de leurs biens. Jacques mourut en avril 1729 sans enfants. Catherine se remaria avec Pierre Oudot en mai 1730 et accoucha d'un enfant en octobre de la même année, soit six mois et sept jours après la fin de son deuil. Les parents collatéraux de Jacques contestèrent l'homologation de la donation mutuelle, arguant de l'incontinence de Catherine. Me De la Motte, avocat de Catherine, défendit sa cliente en se basant sur les lois qui présument la légitimité des enfants nés dans le septième mois. Il souligna que Catherine était affranchie de la servitude du deuil et de la loi pénale, ayant attendu 190 jours, soit six mois lunaires et quatorze jours, au-delà des 182 jours requis. M. Davot, avocat des héritiers collatéraux, répliqua que les donations mutuelles étaient souvent considérées comme des libéralités et que l'incontinence de Catherine constituait une injure à la mémoire de son premier mari. Il cita plusieurs auteurs juridiques pour soutenir que Catherine devait perdre les avantages de la donation. Les débats portèrent également sur la légitimité des enfants nés dans le septième mois, avec des références à Hippocrate et d'autres médecins. Les héritiers collatéraux affirmèrent que de tels accouchements étaient rares et contraires à la nature, nécessitant des preuves convaincantes pour être admis. Les arguments se concentrèrent sur la présomption de légitimité des enfants nés dans le septième mois et sur la nécessité de preuves solides pour établir l'incontinence de Catherine. Les deux parties présentèrent des arguments juridiques et médicaux pour soutenir leurs positions respectives. Le texte traite également de la légitimité d'un enfant né au septième mois après le décès du premier époux, en se basant sur des sources juridiques et historiques. Alphonse de Caranza, juriste du dernier siècle, critique les erreurs du médecin Zachias concernant la durée de la grossesse. Plusieurs auteurs, dont Cujas et Le Brun, affirment que le septième mois lunaire est crucial pour déterminer la légitimité de l'enfant. Dunod et d'autres juristes confirment cette règle, soulignant que les lois pénales doivent être interprétées de manière restrictive. Le texte aborde le cas d'une veuve remariée, précisant que les motifs d'humanité et les lois pénales doivent être appliqués de manière à ne pas présumer le crime. Il est mentionné que les faiblesses commises après le deuil ne doivent pas être rétroactivement considérées comme ayant eu lieu pendant le deuil, si suffisamment de temps s'est écoulé pour que la conception soit présumée légitime. Enfin, la Cour a confirmé une donation mutuelle en faveur de Catherine Morlot, après une conclusion solide de l'Avocat Général Genreau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 204-211
QUESTION importante, jugée par le Parlement de Provence.
Début :
L'Empereur Justinien, par les Nouvelles 53. 74. et 117. ordonne que si [...]
Mots clefs :
Mari, Dlle Raillon, Mariage, Mort, Sieur Laugier, Héritier, Provence, Demanderesse, Loi, Survivant, Parlement de Provence, Parlement de Toulouse, Parlement d'Aix
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texteReconnaissance textuelle : QUESTION importante, jugée par le Parlement de Provence.
QUESTION importante , jugée par le
Parlement de Provence.
L
'Empereur Justinien , par les Nouvelles
53. 74. et 117. ordonne que si
l'un des Conjoints meurt riche et que le
survivant , au contraire , soit sans biens .,
ce survivant puisse demander le quare
de la succession du Prédecedé , et que ce
quart A
FEVRIER . 1733. 205:
>
quart lui appartienne en toute proprieté,
si le Prédecedé n'a point laissé d'Enfans
ou en usufruit, s'il y a des enfans ; et cela
afin que par la mort du Prédecedé le survivant
ne tombe pas d'un état honora
ble et commode dans un état de misere.
De ces trois dispositions Imperiales ,
Irnerius a tiré l'authentique præterea , cod .
unde vir et uxor. Cette Loi Romaine est
assûrément l'une des plus belles , des plus
justes , des plus conformes au Droit divin
et au Droit naturel . Cependant on a
douté long- tems si elle devoit être suivie
dans les Provinces de France , réglées par
le Droit écrit. Le Parlement de Toulouse
et plusieurs autres Parlemens l'ont reçûë.
Les Arrêts rapportez dans les differens,
Recüeils le prouvent enfin il a été jugé
par un Arrêt solemnel du Parlement
d'Aix du 21 Février 1732. que cette Loi
devoit aussi avoir lieu en Provence.
Quelque importante que soit cette dé--
cision , et quelque érudition que contienne
le Mémoire qui nous a été envoyé
sur ce sujet par un fameux Avocat , les
bornes ausquelles nous sommes assujettis
ne nous permettent pas de le rapporter.
en son entier. Nous nous contenterons
d'exposer ici en peu de mots le fait qu
A v
206 MERCURE DE FRANCE
a donné lieu à l'Arrêt , et le précis des
Moyens des deux Parties .
Joseph Laugier de la Ville d'Arles entra
en qualité de Clerc chez Sebastien
Raillon , Procureur en la Sénéchaussée .
Ce Procureur avoit une fille qu'il ne destinoit
assûrement pas pour être l'Epouse
de son jeune Clerc , parce que ce Pere
joüissoit alors d'un bien assez considerable
, et que Laugier n'avoit rien . Si le
Clerc n'avoit pas de bien , il avoit de
l'esprit. Il songea à vaincre par adresse
l'obstacle que la Fortune mettoit à son
mariage avec la Dlle Raillon , il lui conta
fleurete , et après six ans de poursuites
, il triompha de la vertu de cette fille.
La mauvaise conduite de ces Amans étant
déclarée par les effets , Laugier sortit de
la maison du sieur Raillon ; ilfallut employer
l'autorité de la Justice pour l'obliger
à un mariage , qu'au fond il souhaitoit
avec ardeur. Ce mariage fur cele
bré le 28 Février 1689. avec les solemnitez
prescrites par les Canons et par les
Ordonnances >
La cerémonie faite , le sieur Raillon
outré de cet évenement , ne laissa pas
de garder sa fille chez lui , mais le Gendre
fut contraint d'aller tenter fortune ailleurs
, il y réussit si heureusement, qu'en
moins
FEVRIER. 1732.
207
•
moins de trois ou quatre ans il devint
beaucoup plus riche que son beau- Pere.
Le sieur Raillon 'voulut alors l'obliger de
recevoir son Epouse . Le sieur Laugier par
ressentiment du mépris que la famille de
son épouse avoit pour lui , peut-être par
dégoût ou par refroidissement causé par
l'absence , ou par quelque nouvelle inclination
, ne voulut pas recevoir chez lui
la Dlle Raillon ; elle lui demanda une
provision , il la lui refusa , il attaqua même
le mariage , et il mit si bien en usage
la science qu'il avoit acquise dans l'Etude
du Procureur , que tous les Jugemens qui
confirmoient le mariage , qui le condamnoient
à reprendre sa femme , qui adjugeoient
à celle- ci des provisions , furent
inutiles. Les seuls fruits que remporta
le sieur Raillon après plus de sept ans de
procedures , furent des jugemens sans
éxécution , une ruine totale de ses biens ,
et un chagrin dont il mourut enfin.
La Dlle Raillon se trouva , après la
mort de son Pere , réduite à la plus af
freuse nécessité , elle passa dans cet état
miserable depuis 1702. jusqu'en 1731 .
' Au mois de Janvier 173 1. le sieur Laugier
son mari mourut riche de plus de
Sooooo . liv . Par son Testament du 12.
Juillet 1730. il fit pour 20000. 1. de legs ,
A vj tant
208 MERCURE DE FRANCE
tant pieux qu'autres , et institua son héritier
Jacques Meiffren .
La Dile Raillon ayant appris la mort
de son mari , et le Testament qu'il avoit
fait, se pourvut contre l'heritier institué,
lui demanda le quart de la succession
conformément aux nouvelles 53.74. et
117. et à l'Authentique Præterea si matrimonium.
Elle rapportoit deux autoritez
pour prouver que ces Nouvelles et cette
Authentique faisoient loy dans la Provence
; elle ajoûtoit qu'elles avoient d'autant
plus d'application à l'espece présente
, qu'elle ne se trouvoit dans ce miserable
état que par la véxation de son
mari.
Les deffenses au contraire de l'héritier
institué , étoient 1 ° . Que l'Authentique
ni les Nouvelles dont on imploroit la disposition
, n'avoient aucune autorité dans
le pays ; il citoit plusieurs Arrêts qu'il
prétendoit l'avoir ainsi jugé.
. 2 °. Que quand ces Loix auroient été
en vigueur en Provence , elles ne devoient
pas favoriser la Demanderesse
parce qu'elle ne se trouvoit pas dans les
circonstances qu'elles éxigent , et que leur
motif ne se rencontroit pas dans le cas
dont il s'agit .
La premiere condition , disoit-on , que
demanFEVRIER.
1733. 2.09
demandent ces Loix , est que le mariage
ait été contracté par la seule tendresse ;
ici il avoit fallu forcer le sieur Laugier
par autorité de Justice , on l'avoit constitué
prisonnier , et ce ne fut que pour se
procurer la liberté qu'il épousa la Demanderesse.
elle
La seconde condition est , que la fem--
me , jusqu'à la mort de son mari , ait toujours
demeuré avec lui. Ici la Dlle Raillon
avoit été éloignée de son mari depuis
son mariage , c'est à- dire , depuis 41 ans :
pendant ce long espace de tems ,
avoit passé plusieurs Actes dans lesquels
elle n'avoit pas même pris la qualité de
femme du sieur Laugier : elle ne l'étoit
pas venu voir dans la maladie dont il est
elle n'en avoit pas même pris le
mort ,
deüil.
par
Le inotif de la Loi est , de crainte que
la mort du Prédecedé le survivant.ne
changeât d'état en tombant de l'opulénce
dans la misere . Ici au contraire la
Demanderesse vouloit changer d'état , et
après avoir vêcu pauvre pendant plus de
30 ans , elle vouloit se mettre dans l'opulence.
On répondoit pour la veuve 1 °. que
les Arrêts citez , loin d'avoir aucune application
à l'espéce , formoient même
une
210 MERCURE DE FRANCE
une espéce de préjugé en faveur de la
yeuve.
2°. Que ces termes de la Nouvelle per
solum affectum nuptialem ne signifioient pas ,
par la seule affection conjugale , mais un
mariage contracté , par paroles de présent
seulement ; qu'on ne leur avoit jamais donné
une autre signification .
3 ° . Que si elle n'avoit pas demeuréavec
son mari , c'étoit la seule faute du
mari .
4º. Que si elle n'avoit pas été le voir
dans sa derniere maladie , c'est que d'un
côté elle étoit alors elle- même malade
qu'elle ne l'avoit appris qu'après la mort,
la maladie n'ayant duré que trois jours ;
que d'un autre côté , cette démarche auroit
été inutile , parce que son mari lui
auroit fait refuser l'entrée de sa maison >
dans les dispositions où il étoit à son
égard.
5. Que si tôt qu'on avoit sçû la mort;
ses parens lui avoient donné quelques
mauvais habits noirs dont elle s'étoit vêtuë
; qu'ainsi elle avoit pris le deuil , cerémonie
dont son extrême pauvreté pouvoit
d'ailleurs la dispenser.
Enfin , que la pieté , les sentimens de
la Nature , étoient les motifs de la Loi
motifs qui devoient d'autant mieux prévaloir
FEVRIER . 1733. 211
valoir ici , que son mari seul l'avoit réduite
dans la pauvreté où elle se trouvoit.
gea
Sur ces raisons de part et d'autre , le
Parlement d'Aix , après plusieurs Audiences
, par son Arrêt du 21 Février
1732. conformément aux Conclusions de
M. l'Avocat General de Seguiran , adjuà
la veuve le quart dans la succession ,
avec restitution des fruits depuis le décès.
du mari , suivant l'estimation qui en seroit
faite , et cependant lui accorda une
provision de 1000. liv. à imputer d'aberd
sur les fruits à restituer , et condamna
l'héritier , et les Exécuteurs Testamentaires
, qui s'étoient joints à lui , en tous
les dépens.
Plaidans M. Gensollen pour la veuve ,
et M M. Pascal et Masse pour l'héritier
et pour les Exécuteurs Testamentaires.
Parlement de Provence.
L
'Empereur Justinien , par les Nouvelles
53. 74. et 117. ordonne que si
l'un des Conjoints meurt riche et que le
survivant , au contraire , soit sans biens .,
ce survivant puisse demander le quare
de la succession du Prédecedé , et que ce
quart A
FEVRIER . 1733. 205:
>
quart lui appartienne en toute proprieté,
si le Prédecedé n'a point laissé d'Enfans
ou en usufruit, s'il y a des enfans ; et cela
afin que par la mort du Prédecedé le survivant
ne tombe pas d'un état honora
ble et commode dans un état de misere.
De ces trois dispositions Imperiales ,
Irnerius a tiré l'authentique præterea , cod .
unde vir et uxor. Cette Loi Romaine est
assûrément l'une des plus belles , des plus
justes , des plus conformes au Droit divin
et au Droit naturel . Cependant on a
douté long- tems si elle devoit être suivie
dans les Provinces de France , réglées par
le Droit écrit. Le Parlement de Toulouse
et plusieurs autres Parlemens l'ont reçûë.
Les Arrêts rapportez dans les differens,
Recüeils le prouvent enfin il a été jugé
par un Arrêt solemnel du Parlement
d'Aix du 21 Février 1732. que cette Loi
devoit aussi avoir lieu en Provence.
Quelque importante que soit cette dé--
cision , et quelque érudition que contienne
le Mémoire qui nous a été envoyé
sur ce sujet par un fameux Avocat , les
bornes ausquelles nous sommes assujettis
ne nous permettent pas de le rapporter.
en son entier. Nous nous contenterons
d'exposer ici en peu de mots le fait qu
A v
206 MERCURE DE FRANCE
a donné lieu à l'Arrêt , et le précis des
Moyens des deux Parties .
Joseph Laugier de la Ville d'Arles entra
en qualité de Clerc chez Sebastien
Raillon , Procureur en la Sénéchaussée .
Ce Procureur avoit une fille qu'il ne destinoit
assûrement pas pour être l'Epouse
de son jeune Clerc , parce que ce Pere
joüissoit alors d'un bien assez considerable
, et que Laugier n'avoit rien . Si le
Clerc n'avoit pas de bien , il avoit de
l'esprit. Il songea à vaincre par adresse
l'obstacle que la Fortune mettoit à son
mariage avec la Dlle Raillon , il lui conta
fleurete , et après six ans de poursuites
, il triompha de la vertu de cette fille.
La mauvaise conduite de ces Amans étant
déclarée par les effets , Laugier sortit de
la maison du sieur Raillon ; ilfallut employer
l'autorité de la Justice pour l'obliger
à un mariage , qu'au fond il souhaitoit
avec ardeur. Ce mariage fur cele
bré le 28 Février 1689. avec les solemnitez
prescrites par les Canons et par les
Ordonnances >
La cerémonie faite , le sieur Raillon
outré de cet évenement , ne laissa pas
de garder sa fille chez lui , mais le Gendre
fut contraint d'aller tenter fortune ailleurs
, il y réussit si heureusement, qu'en
moins
FEVRIER. 1732.
207
•
moins de trois ou quatre ans il devint
beaucoup plus riche que son beau- Pere.
Le sieur Raillon 'voulut alors l'obliger de
recevoir son Epouse . Le sieur Laugier par
ressentiment du mépris que la famille de
son épouse avoit pour lui , peut-être par
dégoût ou par refroidissement causé par
l'absence , ou par quelque nouvelle inclination
, ne voulut pas recevoir chez lui
la Dlle Raillon ; elle lui demanda une
provision , il la lui refusa , il attaqua même
le mariage , et il mit si bien en usage
la science qu'il avoit acquise dans l'Etude
du Procureur , que tous les Jugemens qui
confirmoient le mariage , qui le condamnoient
à reprendre sa femme , qui adjugeoient
à celle- ci des provisions , furent
inutiles. Les seuls fruits que remporta
le sieur Raillon après plus de sept ans de
procedures , furent des jugemens sans
éxécution , une ruine totale de ses biens ,
et un chagrin dont il mourut enfin.
La Dlle Raillon se trouva , après la
mort de son Pere , réduite à la plus af
freuse nécessité , elle passa dans cet état
miserable depuis 1702. jusqu'en 1731 .
' Au mois de Janvier 173 1. le sieur Laugier
son mari mourut riche de plus de
Sooooo . liv . Par son Testament du 12.
Juillet 1730. il fit pour 20000. 1. de legs ,
A vj tant
208 MERCURE DE FRANCE
tant pieux qu'autres , et institua son héritier
Jacques Meiffren .
La Dile Raillon ayant appris la mort
de son mari , et le Testament qu'il avoit
fait, se pourvut contre l'heritier institué,
lui demanda le quart de la succession
conformément aux nouvelles 53.74. et
117. et à l'Authentique Præterea si matrimonium.
Elle rapportoit deux autoritez
pour prouver que ces Nouvelles et cette
Authentique faisoient loy dans la Provence
; elle ajoûtoit qu'elles avoient d'autant
plus d'application à l'espece présente
, qu'elle ne se trouvoit dans ce miserable
état que par la véxation de son
mari.
Les deffenses au contraire de l'héritier
institué , étoient 1 ° . Que l'Authentique
ni les Nouvelles dont on imploroit la disposition
, n'avoient aucune autorité dans
le pays ; il citoit plusieurs Arrêts qu'il
prétendoit l'avoir ainsi jugé.
. 2 °. Que quand ces Loix auroient été
en vigueur en Provence , elles ne devoient
pas favoriser la Demanderesse
parce qu'elle ne se trouvoit pas dans les
circonstances qu'elles éxigent , et que leur
motif ne se rencontroit pas dans le cas
dont il s'agit .
La premiere condition , disoit-on , que
demanFEVRIER.
1733. 2.09
demandent ces Loix , est que le mariage
ait été contracté par la seule tendresse ;
ici il avoit fallu forcer le sieur Laugier
par autorité de Justice , on l'avoit constitué
prisonnier , et ce ne fut que pour se
procurer la liberté qu'il épousa la Demanderesse.
elle
La seconde condition est , que la fem--
me , jusqu'à la mort de son mari , ait toujours
demeuré avec lui. Ici la Dlle Raillon
avoit été éloignée de son mari depuis
son mariage , c'est à- dire , depuis 41 ans :
pendant ce long espace de tems ,
avoit passé plusieurs Actes dans lesquels
elle n'avoit pas même pris la qualité de
femme du sieur Laugier : elle ne l'étoit
pas venu voir dans la maladie dont il est
elle n'en avoit pas même pris le
mort ,
deüil.
par
Le inotif de la Loi est , de crainte que
la mort du Prédecedé le survivant.ne
changeât d'état en tombant de l'opulénce
dans la misere . Ici au contraire la
Demanderesse vouloit changer d'état , et
après avoir vêcu pauvre pendant plus de
30 ans , elle vouloit se mettre dans l'opulence.
On répondoit pour la veuve 1 °. que
les Arrêts citez , loin d'avoir aucune application
à l'espéce , formoient même
une
210 MERCURE DE FRANCE
une espéce de préjugé en faveur de la
yeuve.
2°. Que ces termes de la Nouvelle per
solum affectum nuptialem ne signifioient pas ,
par la seule affection conjugale , mais un
mariage contracté , par paroles de présent
seulement ; qu'on ne leur avoit jamais donné
une autre signification .
3 ° . Que si elle n'avoit pas demeuréavec
son mari , c'étoit la seule faute du
mari .
4º. Que si elle n'avoit pas été le voir
dans sa derniere maladie , c'est que d'un
côté elle étoit alors elle- même malade
qu'elle ne l'avoit appris qu'après la mort,
la maladie n'ayant duré que trois jours ;
que d'un autre côté , cette démarche auroit
été inutile , parce que son mari lui
auroit fait refuser l'entrée de sa maison >
dans les dispositions où il étoit à son
égard.
5. Que si tôt qu'on avoit sçû la mort;
ses parens lui avoient donné quelques
mauvais habits noirs dont elle s'étoit vêtuë
; qu'ainsi elle avoit pris le deuil , cerémonie
dont son extrême pauvreté pouvoit
d'ailleurs la dispenser.
Enfin , que la pieté , les sentimens de
la Nature , étoient les motifs de la Loi
motifs qui devoient d'autant mieux prévaloir
FEVRIER . 1733. 211
valoir ici , que son mari seul l'avoit réduite
dans la pauvreté où elle se trouvoit.
gea
Sur ces raisons de part et d'autre , le
Parlement d'Aix , après plusieurs Audiences
, par son Arrêt du 21 Février
1732. conformément aux Conclusions de
M. l'Avocat General de Seguiran , adjuà
la veuve le quart dans la succession ,
avec restitution des fruits depuis le décès.
du mari , suivant l'estimation qui en seroit
faite , et cependant lui accorda une
provision de 1000. liv. à imputer d'aberd
sur les fruits à restituer , et condamna
l'héritier , et les Exécuteurs Testamentaires
, qui s'étoient joints à lui , en tous
les dépens.
Plaidans M. Gensollen pour la veuve ,
et M M. Pascal et Masse pour l'héritier
et pour les Exécuteurs Testamentaires.
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Résumé : QUESTION importante, jugée par le Parlement de Provence.
Le texte examine une question juridique traitée par le Parlement de Provence concernant une loi romaine promulguée par l'empereur Justinien. Cette loi prévoit que si un conjoint décède en laissant des biens et que le survivant n'en possède aucun, ce dernier peut réclamer le quart de la succession du défunt. Ce quart appartient en pleine propriété au survivant s'il n'y a pas d'enfants, ou en usufruit s'il y en a. Plusieurs parlements, dont celui de Toulouse, ont adopté cette loi. Le Parlement d'Aix a confirmé son application en Provence par un arrêt solennel du 21 février 1732. L'affaire impliquait Joseph Laugier d'Arles et Sébastien Raillon, procureur à la sénéchaussée. Raillon refusait que sa fille épouse Laugier, car ce dernier n'avait pas de biens. Après six ans de poursuites, le mariage eut lieu en 1689, mais il fut tumultueux et Raillon mourut ruiné après des années de procédures, laissant sa fille veuve et dans la misère. En 1731, Laugier mourut en laissant une succession importante. Sa veuve, la fille de Raillon, réclama le quart de la succession conformément aux lois de Justinien. L'héritier contestait l'application de ces lois en Provence et affirmait que les conditions nécessaires n'étaient pas remplies. Après plusieurs audiences, le Parlement d'Aix accorda à la veuve le quart de la succession, avec restitution des fruits depuis le décès de son mari et une provision de 1000 livres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1694-1709
LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
Début :
Vous voulez absolument, Monsieur, que je vous explique ce que [...]
Mots clefs :
Lois, Droit, Loi, Parents, Enfant, Époux, Droits, Filles, Partie, Épouse, Père, Succession, Alleuds, Portion, Héritage, Terres, Normandie, Possession, Mariage, Viduité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
LETTRE de M. Clerot, Avocat au Par
lement de Rollen , sur le Droit de Viduité
le Donaire , le Don mobile , et les autres
avantages des gens mariez en Nor
mandie.
V
-
7 :6 7
Ous voulez absolument Monsieur
, que je vous explique ce que
c'est que notre Droit de Viduité , et vous
souhaitez qu'en même temps je vous
donne quelque idée des autres Droits des
Gens mariez en notre Province ; vous allez
être satisfait : Voici sur cela mes Observations.
Selon l'article 382. de notre
Coutume : Homme ayant eu un enfant , né
vif de sa femme , jouit par usufruit , tant
qu'il se tient en viduité , de tout le revenu
appartenant à saditte femme , lors de son
décès , encore que l'enfant soit mort avant la
dissolution du mariage.
Les Auteurs sont partagez sur l'origine
, l'essence , et les effets de ce Droit.
1. Les Anglois prétendent qu'il a pris
naissance chez eux : Litleton assurant
même qu'il étoit appellé Curtesie d'Angleterre
, parce que l'on n'en use en aucun
autre réalme , fors que tant seulement en Engleterre.
Nos Normands au contraire,sur le
texte
AOUST. 1733- 1695
que Texte de l'ancien Coutumier , disent
nous l'avons porté chez les Anglois . Consuetudo
est enim in Normannia ex antiquitate
approbata ; et plusieurs Auteurs François
croient le voir dans les Capitulaires de
nos premiers Rois ; ce qui fait dire à l'un
d'eux contre Cowel, Smith , et Litleton ,
Illa est verè nationis nostra -humanitas.
que
2°. Quelques-uns ont avancé que pour
acquerir par le mari cet avantage , il
suffisoit l'enfant eut été conçû , et que
la mere eût témoigné l'avoir senti remuer
dans ses flancs. Quelques autres ,
au contraire , ont dit que l'enfant devoit
être absolument sorti des entrailles de sa
mere, et que des gens dignes de foy l'eussent
vû vif; plusieurs se sont persuadé
qu'il ne suffisoit pas que l'enfant eut été
vû remuer,mais qu'il falloit encore qu'on
l'eut entendu pleurer ou crier.
3. Il y en a qui pensent que cet usufruit
est acquis par la volonté seule de la
Loy : Beneficio Legis ; d'autres , au contraire
, soutiennent que c'est une possession
à droit successif : Fure hæreditario ;
mais d'une espece particuliere; et plusieurs
représentent ce droit comme une espece
de legs , que la Loy fait faire par la fem- ·
me ,jure nuptiali , à celui qui l'a renduë
féconde. Voici , Monsieur , de quoi vous
Ay Can
1696 MERCURE DE FRANCE
convaincre là dessus. 1 ° .Ce droit, comme
ce qui forme toute notre ancienne Coûtume
, ( je n'en excepte pas même la clameur
de Haro ) vient des Loix des premiers
Rois de France , que nos premiers
Ducs ont adoptées , en y faisant quelques
changemens , et Guillaume le Conquerant
l'a porté en Angleterre , d'où il est
même passé en Ecosse. 2° . A prendre ce
droit dans le sens où il a été introduit , il
ne peut être acquis au mari que quand
l'enfant a été vû remuer , et qu'il a été
entendu crier. 3 ° . Ce même droit dans
son origine étoit une espéce de succession
, il a été ensuite une véritable donation
, et à présent ce n'est ni succession ,
ni donation , mais un avantage de la loy
qui tient de l'une et de l'autre.
Pour faire cette démonstration
par or
dre , et pour vous donner les éclaircissemens
que vous demandés , je vais vous
exposer ici quelles ont été les differentes
espéces de possessions dans les principales
Epoques de la Monarchie.
PREMIER TEMPS.
Les Bourguignons , les Francs , les Saxons
et autres Peuples venus du fond de
l'Allemagne , s'étant emparés de différentes
A OU SI. 1733. 1697
rentes Provinces de la Gaule , leurs Capi- .
caines , et leurs Soldats partagerent nonseulement
les Terres qu'ils venoient de
conquerir , mais encore les dépouilles des
Peuples qu'ils venoient de subjuguer , ce
qu'ils appelloient pour chaque particulier,
sertem , ou ce qui est la même chose,
Allodium , du mot Allemand All , qui
signifie tout , et de Lods , los ou lot , qui
signifie part , portion , ou Partage ; d'où
vient que dans la suite ils ont indistinctement
appelić Allodium tout ce qu'ils
ont possedé comme proprietaires. Je ne
vous citerai sur cela qu'une Lettre du
Pape Jean VIII . où l'on trouve : Proprietates
Bosonis et Engeltrudis quas vos
Alladium dicitis , filiabus eorum hæredibus
restituatis.
Il y avoit une autre sorte de possession
, mais que l'on ne tenoit que de la
grace du Roi, ou de l'élection du peuple ,
ou de la faveur des premiers Officiers de
la Couronne ; c'étoient les D chés pour
léver , conduire et commander les Troupes
de toute une Province . Les Comtés
pour éxécuter les ordres des Ducs , de
ménager les revenus roïaux , et de rendre
la justice dans certains Parlemens , les
Marquisats pour veiller sur les Frontieres
, les Chastellenies pour recevoir nos
A vj
Pria1698
MERCURE DE FRANCE
Princes dans leurs fréquens Voyages , et
cent autres places pareilles qui produisoient
un certain revenu , mais qui ne
passoient point aux héritiers , si ce n'est
dans le cas de ce que nous appellons aujourd'hui
survivance .
La facilité qu'il y eut dans la suite à
avoir de ces Benefices pour les Descendans
, les fit regarder comme des especes
d'héritages ; on en obtint même plusieurs
in Allodium , selon l'interêt ou la bonté
de nos premiers Reis ; et enfin dans de
certaines Révolutions de l'Etat , il en fur
abandonné des plus considérables. Ainsi ,
Monsieur , cette partie de la Neustrie
que nous occupons aujourd'hui , fut- elle
laissée à notre premier Duc Raoul , pour
en jouir comme de son propre bien. Ab
Epia fluviole usque ad mare ut teneat ipse
et successores ejus infundum sempiternum.
>
Jusqu'ici , la maniere de posseder ne
changea point ; on compta toujours les
meubles , les immeubles , les droits et
les actions , dans un seul corps de -possession
, sous le nom d'Aleu. Vous verrez
cela dans plusieurs Titres , et partis
culierement dans celui que je vous al
quelquefois fait voir sur cette matiere
où on lit cette formule : Asserens perjuramentum
suum , res , jura , dominia , et
›
usagia
AOUST. 1733. 1699
usagia inferius annotata ab aliquo non tenere
, sed eadem in Francum purum et libe».
rum Allodium se habere. Examinons maintenant
comment nos premiers François.
divisoient cette possession.
D'abord les Esclaves , les Pierreries , les
Meubles , les Hardes ; ensemble les
Droits , les Actions , et quelquefois même
les Maisons des Villes , faisoient la
premiere partie , sous cette dénomination
Mancipia. Je ne vous citerai point
d'éxemples sur cette portion des Aleuds,
Yous sçavez que dans nos anciennes loix
La maison dans la Ville est souvent mar
quée sous cette dénomination Mancipiata
Casa.
Ensuite les Chevaux , les Boeufs et Va
ches , les Moutons , et generalement tou
tes les bêtes domestiques ; ensemble les
Harnois , les Fourages , les Grains , et
tout ce qui convenoit à ces choses , faisoient
la seconde partie que l'on désignoit
sous ce nom Pecunia. Vous sçavez,
Monsieur , qu'en quelque maniere cela
étoit encore d'usage sous le Regne de notre
Guillaume le Conquerant , puisque
ce Prince deffendant dans le Chap. 9. de
ses Loix , la vente ou l'achapt des bêtes
vives ailleurs que dans les Villes , se sert
de cette expression : Interdicimus ut nulla
peci
1700 MERCURE DE FRANCE
pecunia viva vendatur aut ematur , nisi intra
civitates.
Enfin , les Maisons de Campagne , les
Terres , les Forêts , les Eaux , les Droits
de Chasse et de Parc , formoient la troisiéme
partie que l'on appelloit chez les
Francs Terra Salica sive Francica , parce
qu'en general c'étoit le propre de la valeur
Françoise , et chez les Ripuariens ,
Terra Aviatica , parce qu'ils la tenoient,
non à droit de Conquête , mais au droit
de leurs Ayeux , ausquels les Romains
l'avoient donnée. Voyons présentement
l'ordre de succeder , et à cet égard une
nouvelle division des Aleuds . "
Nos premieres Loix sous le nom hareditas
, font pas er tout en general aux
plus proches parens , mâles , ou femelles
; mais ces mêmes loix portent une
exception pour la Terre : Aviatica , aut
Salica sive Francica , car elles ne veulent
pas que les femmes y ayent aucune
part , et c'est la distinction qu'il ne faut
pas omettre.
>
Ainsi , l'héritage d'une personne , ses
Aleuds , son Patrimoine , forment deux
successions différentes : la premiere , où
l'on comprend tout ce qui est meuble
tout ce qui est héritage de Ville , tout
ce qui est acquêts : la seconde , où sont
renAOUST.
1733. 1708
y renfermées les Terres de Campagnes
ayant fait souche et passé des peres ou
meres aux enfans . Examinez bien , Monsieur
, nos premieres Loix , vous verrez
que cette derniere succession , ou seule
ou jointe à son tout , est appellée hareditatem
paternam aut maternam , et que la
premiere est appellée simplement heredi
tatem. Je passe aux preuves .
La Loy des Ripuariens , au titre de
Alodibus,fait passer en general les Aleuds
aux pere , mere , freres et soeurs , oncles
et tantes , et deinceps usque ad quintumgeniculum
qui proximus fuerit in hæreditatem
succedat. Mais pour cette portion qui est
appeliée Terra Aviatica , tant qu'il y a
des mâles , les filles n'y peuvent rien prétendre.
Sed dum virilis sexus extiterit ,femina
in hæreditatem Aviaticam non suecedat.
Dans les Loix Saliques , au même titre
, nous voyons en general les . Aleuds
passer de même aux pere et mere , freres
et soeurs , oncles et tantes. Si autem nulli
borumfuerint quicumque proximiores fuerint
de paterna generatione ipsi in hæreditatem
succedant. Mais pour cette portion , qui
est appellée Terra Salica , les filles en
sont absolument excluës : De terra verè
Salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat,
sed
1702 MERCURE DE FRANCE
•
sed ad virilem sexum tota terra hereditas
perveniat.
ブ
Enfin , Monsieur , dans les Loix de la
Thuringe , ce Païs qui , selon Gregoire
de Tours , avoit été long- tems le séjour
des François , nous trouvons au même
titre de Alodibus , notre distinction d'héritage
, et notre exception en faveur des
mâles clairement établie ; que l'héritage
d'un deffunt , dit cette Loi , soit appréhendé
par le fils , et non par
et non par la fille : si
le deffunt n'a point de fils , que la fille
aye les esclaves , les maisons de Ville , les
troupeaux , l'argent , en un mot ,
cipia et pecunia ; mais que les terres , les
maisons de campagne , les droits de
chasse , en un mot , ce que l'on désigne
sous ce mot terra passe aux plus proches
parens paternels. Hareditatem defuncti filius
, non filia , suscipiat : Si filium non
habuit qui defunctus est , ad filiam pecunia,
et mancipia , terra verò ad proximum paterne
generationis consanguineum pertineat.
man-
C'est dans cette Loy qu'on observe que
quiconque a la Terre , a aussi les équipages
, les droits de la Guerre , et la contribution
dûë par les Vassaux : Ad quemcumque
hæreditas terra pervenerit , ad illum
vestis Bellica , id est Lorica , ultio proximi
et salutio debet pertinere.
C'est
A O UST. 1733. 1703
C'est dans cette Loy qu'on trouve enfin
quel étoit le sort des filles , lorsqu'elles
avoient des freres ; elles n'avoient que
quelques ornemens que leur laissoient
leurs meres , et qui consistoient en Chainettes
, Tresses ou Noeuds , Coliers , Pendans
d'Oreilles , &c. Mater moriens filio
terram , mancipia et pecuniam dimittat , filia
verò spolia colli , id est Murenas , Muscas
, Monilia , Inaures , vestes, Armillas ",
vel quidquid ornamenti proprii videbatur
babuisse.
> Les femmes , comme vous le voyés ;
Monsieur , étoient alors peu avantagées,
car dans ces premiers tems les enfans des
Concubines étant indistinctement appellés
aux successions , avec les enfans des
femmes légitimes , il arrivoit peu que les
successions manquassent de mâles ; cependant
il y avoit des cas où , comme dit
cette Loy , l'héritage passoit de l'Epée à
la Quenouille. Post quintam generationem
filia ex toto, sive de patris , sive matris parte
in hæreditatem succedat ; et tunc demum
hareditas adfusum à lancea transeat.
La liberté que les François , fixés dans
les Gaules par la valeur de Clovis , eurent
de régler le partage de leurs biens
selon les Loix de la Nation , ou les Loix
Romaines , rendit enfin la condition des
fem
1704 MERCURE DE FRANCE
femmes plus avantageuse. On s'accoutu
ma peu à peu aux impressions que les Ecclesiastiques
, qui suivoient le Code de
Théodose , donnoient contre les Loix Saliques
; on poussa même les choses jusqu'à
l'excès , soit en regardant ces Loix comme
détestables , soit en ne mettant aucunes
bornes à la liberté de tester , pour
se soustraire à leurs dispositions.
En effet, nous voïons dans la douzième
Formule de Marculphe , qu'un Pere appelle
l'exclusion des filles en la Terre,
Salique , une Coutume impie : Diuturna
sed impia inter nos consuetudo tenetur , ut de
terrâ paterna sorores cum fratribus portionem
non habeant. Que ce Pere pour cela ordonne
le partage de sa succession entre
ses fils et filles également , sed ego bane
impietatem , &c.
Une femme sous la puissance de son
mari , au point que dans la dix- septiéme
des mêmes Formules , elle l'appelle son
Seigneur et son Maître. Ege ancilla tua
Domine et Jugalis meus , a cependant le
pouvoir de disposer des biens et d'appeller
ses filles à sa succession ; ce qui diminue
encore les avantages que les Loix de
la Nation accordent aux mâles.
-
Enfin dans ce même temps , les Loix
Ecclesiastiques
favorisent encore les femmes
;
AOUST. 1739 : 1705
mes , car elles ordonnent la nécessité de
·les doter ; deffendant même dans le Concile
d'Arles , tenu l'an 524. qu'il ne se
celebre aucun mariage sans dot : Nullum
sine dote fiat conjugium ; décidant ailleurs,
qu'il n'y aura point de dot , où il n'y
aura point de mariage : Ubi nullum omninò
matrimonium ibi nulla dos ; quia opportet
quod constitutio dotis sit facta publicè
et cum solemnitate ad ostium Ecclesia .Voions
présentement les avantages respectifs entre
les mariez.
Lorsqu'il étoit question de contracter ,
on s'assembloit de part et d'autre , en famille
, amis et voisins. D'abord les parens
de l'époux promettoient à la future épouse
une dot qui consistoit alors en quelques
Esclaves , quelques Bestiaux , quelques
meubles et certaine somme d'argent
; ensuite cette convention des parens
se faisoit , comme parlent les Loix
Ripuaires : Per tabularum seu chartarum
instrumenta ; et elle consistoit non-seule
ment en Esclaves , Bestiaux , argent, & c.
mais encore en terres et en richesses considérables
, même des Autels , des Eglises
et des Dixmes.
Le jour des nôces venu , jour qui dans
les premiers- temps arrivoit quelquefois
des années entieres après les fiançailles, er
qui
1706 MERCURE DE FRANCE
;
qui se passoit souvent sans autre cérémo
nie que la conduite de la fiancée chez le
fiancé les parens de l'épouse faisoient
leur présent à l'époux, qui consistoit d'abord
en quelques Flêches , quelque Bou
clier , quelque Cheval , quelque Equipa- ,
ge de Chasse , & c. mais qui dans la suite
a été la possession , ut custos , de tout le
bien de l'Epouse , appellé en ce cas Maritagium
, et la donation d'une partie de
ce même bien , en ce qui consistoit en
meubles ; d'où est venu ce que nous appellons
présentement Don Mobile. Chez
les premiers Saxons , ce qu'on a appellé
depuis Maritagium , étoit nommé Faderfium
, et la portion dont les parens de l'épousée
faisoient présent au mari , et qui
a été appellée Don Mobile, étoit nommée.
dans les premiers temps , Methium, Melphium
ou Mephium.
Lors de la solemnité du mariage ; ad
estium Ecclesia , l'époux donnoit à l'é
pouse la Charte de la dot , arrêtée entre
les deux familles , et ainsi il lui assuroit
en cas de prédécès , ce que l'on a appellé
d'abord Dos , ensuite Dotalitium , enfin
Dotarium , et Doarium , d'où nous avons
fait le mot Donaire , mais qui est bien
different de ce qu'il étoit dans les premiers
temps , puisqu'alors c'étoit réellement
AOUST. 1733
1707
lement la Dot de l'Epouse , donnée par
l'Epoux, selon l'usage , rapporté par Tacite
: Dotem non uxor marito , sed maritus
uxori offert.
Le lendemain, dès le matin , les parens
venans présenter leurs voeux aux nouveaux
mariez , l'Epoux faisoir à l'Epouse,
un présent , appellé d'abord Morgangeba
ou Morgengab en Allemand , et en,
Latin Matutinale donum , enfin osculagium.
aut osculum ; il consistoit en quelques
pierreries , ornemens et hardes. Il est ce
que chez plusieurs on appelle Augment ;
ce que chez d'autres on nomme Onelages;
et ce qu'en Normandie on désigne
Sous le titre de Chambrée , Bagues , et
Joyaux.
"
Les Loix Ripuaires dans le tit. 59.poussent
icy l'attention en faveur de l'Epouse,
jusqu'à fixerà sosols d'or ce qui doit fai
re sa dot , s'il ne lui en a pas été promis ;
elles lui permettent outre cela de retenir
le Morgangeba , et elles luioaccordent
la
tierce partie de ce qui aura été aquis
dans son mariage ; ce qui peut être en
quelque maniere le commencement du
Droit de conquêts, qui , à l'exception de
quelques susages locaux est fixé chez
nous au tiers et tertiam partem de omni res
0
quam
1708 MERCURE DE FRANCE
quam simul conglobaverint sibi studeat vindicare
, vel quicquid ei in Morgangeba tra
ditum fuerat similiterfaciat.
Vous ne voyez encore icy , Monsieur .
que peu de chose en faveur de l'Epoux.
Le Capitulaire de Dagobert , de l'an 630.
ou la Loy des Allemands , tit . 92. va lui
fournir un avantage considérable, en décidant
que si la femme décéde en couche,
et que l'enfant lui survive quelque tems,
la succession maternelle appartiendra au
pere : Siqua Mulier que hæreditatem paternam
habet , post nuptum pragnans peperit
puerum , et in ipsa hori mortua fuerit ,
et infans vivus remanserit aliquanto spatio ,
vel unius hora , ut possit aperire oculos et
videre culmen Domus et quatuor parietes
et posteà defunctus fuerit , hæreditas materna
ad patrem ejus pertineat. Examinez deprès
cette Loy , Monsieur , et vous serez
convaincu qu'elle est la véritable source
de notre Droit de Viduité.
*
Elle ne se contente pas de vouloir que
PEnfant demeure vif une espace ou une
heure de temps ; et infans vivus remanserit
aliquanto spatio vel unius hora ; mais
elle veut que cela soit de telle sorte qu'il
puisse ouvrir les yeux , voir le toît de la
maison , et se tourner vers les quatre
mu
AO
UST.
1733-
1709
murailles ; ut possit aperire oculos et videre
culmen domûs et quatuor parietes. Ce n'est «
pas assez ; la même Loy nous assûre que
ce n'est que quand le pere a des témoins
de toutes ces choses , qu'il peut conserver
son droit. Et tamen si testes habet pater
ejus quod vidissent, illum infantem oculos
aperire et potuisset culmen domus videre et
quatuor parietes , tunc pater ejus habeat li- "
centiam cum lege ipsas res deffendere. Enfin
la Loy ajoute que s'il en est
autrement
celui auquel
appartient la propriété doit
l'emporter Si autem aliter cujus est proprietas
ipse
conquirat. Voilà
expressément ,
Monsieur,les
dispositions que nous trouvons
dans les Loix du Droit de Viduité
en
Angleterre , en Ecosse , en France , en
Normandie , et ailleurs.
La suitepour le Mercure prochain.
lement de Rollen , sur le Droit de Viduité
le Donaire , le Don mobile , et les autres
avantages des gens mariez en Nor
mandie.
V
-
7 :6 7
Ous voulez absolument Monsieur
, que je vous explique ce que
c'est que notre Droit de Viduité , et vous
souhaitez qu'en même temps je vous
donne quelque idée des autres Droits des
Gens mariez en notre Province ; vous allez
être satisfait : Voici sur cela mes Observations.
Selon l'article 382. de notre
Coutume : Homme ayant eu un enfant , né
vif de sa femme , jouit par usufruit , tant
qu'il se tient en viduité , de tout le revenu
appartenant à saditte femme , lors de son
décès , encore que l'enfant soit mort avant la
dissolution du mariage.
Les Auteurs sont partagez sur l'origine
, l'essence , et les effets de ce Droit.
1. Les Anglois prétendent qu'il a pris
naissance chez eux : Litleton assurant
même qu'il étoit appellé Curtesie d'Angleterre
, parce que l'on n'en use en aucun
autre réalme , fors que tant seulement en Engleterre.
Nos Normands au contraire,sur le
texte
AOUST. 1733- 1695
que Texte de l'ancien Coutumier , disent
nous l'avons porté chez les Anglois . Consuetudo
est enim in Normannia ex antiquitate
approbata ; et plusieurs Auteurs François
croient le voir dans les Capitulaires de
nos premiers Rois ; ce qui fait dire à l'un
d'eux contre Cowel, Smith , et Litleton ,
Illa est verè nationis nostra -humanitas.
que
2°. Quelques-uns ont avancé que pour
acquerir par le mari cet avantage , il
suffisoit l'enfant eut été conçû , et que
la mere eût témoigné l'avoir senti remuer
dans ses flancs. Quelques autres ,
au contraire , ont dit que l'enfant devoit
être absolument sorti des entrailles de sa
mere, et que des gens dignes de foy l'eussent
vû vif; plusieurs se sont persuadé
qu'il ne suffisoit pas que l'enfant eut été
vû remuer,mais qu'il falloit encore qu'on
l'eut entendu pleurer ou crier.
3. Il y en a qui pensent que cet usufruit
est acquis par la volonté seule de la
Loy : Beneficio Legis ; d'autres , au contraire
, soutiennent que c'est une possession
à droit successif : Fure hæreditario ;
mais d'une espece particuliere; et plusieurs
représentent ce droit comme une espece
de legs , que la Loy fait faire par la fem- ·
me ,jure nuptiali , à celui qui l'a renduë
féconde. Voici , Monsieur , de quoi vous
Ay Can
1696 MERCURE DE FRANCE
convaincre là dessus. 1 ° .Ce droit, comme
ce qui forme toute notre ancienne Coûtume
, ( je n'en excepte pas même la clameur
de Haro ) vient des Loix des premiers
Rois de France , que nos premiers
Ducs ont adoptées , en y faisant quelques
changemens , et Guillaume le Conquerant
l'a porté en Angleterre , d'où il est
même passé en Ecosse. 2° . A prendre ce
droit dans le sens où il a été introduit , il
ne peut être acquis au mari que quand
l'enfant a été vû remuer , et qu'il a été
entendu crier. 3 ° . Ce même droit dans
son origine étoit une espéce de succession
, il a été ensuite une véritable donation
, et à présent ce n'est ni succession ,
ni donation , mais un avantage de la loy
qui tient de l'une et de l'autre.
Pour faire cette démonstration
par or
dre , et pour vous donner les éclaircissemens
que vous demandés , je vais vous
exposer ici quelles ont été les differentes
espéces de possessions dans les principales
Epoques de la Monarchie.
PREMIER TEMPS.
Les Bourguignons , les Francs , les Saxons
et autres Peuples venus du fond de
l'Allemagne , s'étant emparés de différentes
A OU SI. 1733. 1697
rentes Provinces de la Gaule , leurs Capi- .
caines , et leurs Soldats partagerent nonseulement
les Terres qu'ils venoient de
conquerir , mais encore les dépouilles des
Peuples qu'ils venoient de subjuguer , ce
qu'ils appelloient pour chaque particulier,
sertem , ou ce qui est la même chose,
Allodium , du mot Allemand All , qui
signifie tout , et de Lods , los ou lot , qui
signifie part , portion , ou Partage ; d'où
vient que dans la suite ils ont indistinctement
appelić Allodium tout ce qu'ils
ont possedé comme proprietaires. Je ne
vous citerai sur cela qu'une Lettre du
Pape Jean VIII . où l'on trouve : Proprietates
Bosonis et Engeltrudis quas vos
Alladium dicitis , filiabus eorum hæredibus
restituatis.
Il y avoit une autre sorte de possession
, mais que l'on ne tenoit que de la
grace du Roi, ou de l'élection du peuple ,
ou de la faveur des premiers Officiers de
la Couronne ; c'étoient les D chés pour
léver , conduire et commander les Troupes
de toute une Province . Les Comtés
pour éxécuter les ordres des Ducs , de
ménager les revenus roïaux , et de rendre
la justice dans certains Parlemens , les
Marquisats pour veiller sur les Frontieres
, les Chastellenies pour recevoir nos
A vj
Pria1698
MERCURE DE FRANCE
Princes dans leurs fréquens Voyages , et
cent autres places pareilles qui produisoient
un certain revenu , mais qui ne
passoient point aux héritiers , si ce n'est
dans le cas de ce que nous appellons aujourd'hui
survivance .
La facilité qu'il y eut dans la suite à
avoir de ces Benefices pour les Descendans
, les fit regarder comme des especes
d'héritages ; on en obtint même plusieurs
in Allodium , selon l'interêt ou la bonté
de nos premiers Reis ; et enfin dans de
certaines Révolutions de l'Etat , il en fur
abandonné des plus considérables. Ainsi ,
Monsieur , cette partie de la Neustrie
que nous occupons aujourd'hui , fut- elle
laissée à notre premier Duc Raoul , pour
en jouir comme de son propre bien. Ab
Epia fluviole usque ad mare ut teneat ipse
et successores ejus infundum sempiternum.
>
Jusqu'ici , la maniere de posseder ne
changea point ; on compta toujours les
meubles , les immeubles , les droits et
les actions , dans un seul corps de -possession
, sous le nom d'Aleu. Vous verrez
cela dans plusieurs Titres , et partis
culierement dans celui que je vous al
quelquefois fait voir sur cette matiere
où on lit cette formule : Asserens perjuramentum
suum , res , jura , dominia , et
›
usagia
AOUST. 1733. 1699
usagia inferius annotata ab aliquo non tenere
, sed eadem in Francum purum et libe».
rum Allodium se habere. Examinons maintenant
comment nos premiers François.
divisoient cette possession.
D'abord les Esclaves , les Pierreries , les
Meubles , les Hardes ; ensemble les
Droits , les Actions , et quelquefois même
les Maisons des Villes , faisoient la
premiere partie , sous cette dénomination
Mancipia. Je ne vous citerai point
d'éxemples sur cette portion des Aleuds,
Yous sçavez que dans nos anciennes loix
La maison dans la Ville est souvent mar
quée sous cette dénomination Mancipiata
Casa.
Ensuite les Chevaux , les Boeufs et Va
ches , les Moutons , et generalement tou
tes les bêtes domestiques ; ensemble les
Harnois , les Fourages , les Grains , et
tout ce qui convenoit à ces choses , faisoient
la seconde partie que l'on désignoit
sous ce nom Pecunia. Vous sçavez,
Monsieur , qu'en quelque maniere cela
étoit encore d'usage sous le Regne de notre
Guillaume le Conquerant , puisque
ce Prince deffendant dans le Chap. 9. de
ses Loix , la vente ou l'achapt des bêtes
vives ailleurs que dans les Villes , se sert
de cette expression : Interdicimus ut nulla
peci
1700 MERCURE DE FRANCE
pecunia viva vendatur aut ematur , nisi intra
civitates.
Enfin , les Maisons de Campagne , les
Terres , les Forêts , les Eaux , les Droits
de Chasse et de Parc , formoient la troisiéme
partie que l'on appelloit chez les
Francs Terra Salica sive Francica , parce
qu'en general c'étoit le propre de la valeur
Françoise , et chez les Ripuariens ,
Terra Aviatica , parce qu'ils la tenoient,
non à droit de Conquête , mais au droit
de leurs Ayeux , ausquels les Romains
l'avoient donnée. Voyons présentement
l'ordre de succeder , et à cet égard une
nouvelle division des Aleuds . "
Nos premieres Loix sous le nom hareditas
, font pas er tout en general aux
plus proches parens , mâles , ou femelles
; mais ces mêmes loix portent une
exception pour la Terre : Aviatica , aut
Salica sive Francica , car elles ne veulent
pas que les femmes y ayent aucune
part , et c'est la distinction qu'il ne faut
pas omettre.
>
Ainsi , l'héritage d'une personne , ses
Aleuds , son Patrimoine , forment deux
successions différentes : la premiere , où
l'on comprend tout ce qui est meuble
tout ce qui est héritage de Ville , tout
ce qui est acquêts : la seconde , où sont
renAOUST.
1733. 1708
y renfermées les Terres de Campagnes
ayant fait souche et passé des peres ou
meres aux enfans . Examinez bien , Monsieur
, nos premieres Loix , vous verrez
que cette derniere succession , ou seule
ou jointe à son tout , est appellée hareditatem
paternam aut maternam , et que la
premiere est appellée simplement heredi
tatem. Je passe aux preuves .
La Loy des Ripuariens , au titre de
Alodibus,fait passer en general les Aleuds
aux pere , mere , freres et soeurs , oncles
et tantes , et deinceps usque ad quintumgeniculum
qui proximus fuerit in hæreditatem
succedat. Mais pour cette portion qui est
appeliée Terra Aviatica , tant qu'il y a
des mâles , les filles n'y peuvent rien prétendre.
Sed dum virilis sexus extiterit ,femina
in hæreditatem Aviaticam non suecedat.
Dans les Loix Saliques , au même titre
, nous voyons en general les . Aleuds
passer de même aux pere et mere , freres
et soeurs , oncles et tantes. Si autem nulli
borumfuerint quicumque proximiores fuerint
de paterna generatione ipsi in hæreditatem
succedant. Mais pour cette portion , qui
est appellée Terra Salica , les filles en
sont absolument excluës : De terra verè
Salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat,
sed
1702 MERCURE DE FRANCE
•
sed ad virilem sexum tota terra hereditas
perveniat.
ブ
Enfin , Monsieur , dans les Loix de la
Thuringe , ce Païs qui , selon Gregoire
de Tours , avoit été long- tems le séjour
des François , nous trouvons au même
titre de Alodibus , notre distinction d'héritage
, et notre exception en faveur des
mâles clairement établie ; que l'héritage
d'un deffunt , dit cette Loi , soit appréhendé
par le fils , et non par
et non par la fille : si
le deffunt n'a point de fils , que la fille
aye les esclaves , les maisons de Ville , les
troupeaux , l'argent , en un mot ,
cipia et pecunia ; mais que les terres , les
maisons de campagne , les droits de
chasse , en un mot , ce que l'on désigne
sous ce mot terra passe aux plus proches
parens paternels. Hareditatem defuncti filius
, non filia , suscipiat : Si filium non
habuit qui defunctus est , ad filiam pecunia,
et mancipia , terra verò ad proximum paterne
generationis consanguineum pertineat.
man-
C'est dans cette Loy qu'on observe que
quiconque a la Terre , a aussi les équipages
, les droits de la Guerre , et la contribution
dûë par les Vassaux : Ad quemcumque
hæreditas terra pervenerit , ad illum
vestis Bellica , id est Lorica , ultio proximi
et salutio debet pertinere.
C'est
A O UST. 1733. 1703
C'est dans cette Loy qu'on trouve enfin
quel étoit le sort des filles , lorsqu'elles
avoient des freres ; elles n'avoient que
quelques ornemens que leur laissoient
leurs meres , et qui consistoient en Chainettes
, Tresses ou Noeuds , Coliers , Pendans
d'Oreilles , &c. Mater moriens filio
terram , mancipia et pecuniam dimittat , filia
verò spolia colli , id est Murenas , Muscas
, Monilia , Inaures , vestes, Armillas ",
vel quidquid ornamenti proprii videbatur
babuisse.
> Les femmes , comme vous le voyés ;
Monsieur , étoient alors peu avantagées,
car dans ces premiers tems les enfans des
Concubines étant indistinctement appellés
aux successions , avec les enfans des
femmes légitimes , il arrivoit peu que les
successions manquassent de mâles ; cependant
il y avoit des cas où , comme dit
cette Loy , l'héritage passoit de l'Epée à
la Quenouille. Post quintam generationem
filia ex toto, sive de patris , sive matris parte
in hæreditatem succedat ; et tunc demum
hareditas adfusum à lancea transeat.
La liberté que les François , fixés dans
les Gaules par la valeur de Clovis , eurent
de régler le partage de leurs biens
selon les Loix de la Nation , ou les Loix
Romaines , rendit enfin la condition des
fem
1704 MERCURE DE FRANCE
femmes plus avantageuse. On s'accoutu
ma peu à peu aux impressions que les Ecclesiastiques
, qui suivoient le Code de
Théodose , donnoient contre les Loix Saliques
; on poussa même les choses jusqu'à
l'excès , soit en regardant ces Loix comme
détestables , soit en ne mettant aucunes
bornes à la liberté de tester , pour
se soustraire à leurs dispositions.
En effet, nous voïons dans la douzième
Formule de Marculphe , qu'un Pere appelle
l'exclusion des filles en la Terre,
Salique , une Coutume impie : Diuturna
sed impia inter nos consuetudo tenetur , ut de
terrâ paterna sorores cum fratribus portionem
non habeant. Que ce Pere pour cela ordonne
le partage de sa succession entre
ses fils et filles également , sed ego bane
impietatem , &c.
Une femme sous la puissance de son
mari , au point que dans la dix- septiéme
des mêmes Formules , elle l'appelle son
Seigneur et son Maître. Ege ancilla tua
Domine et Jugalis meus , a cependant le
pouvoir de disposer des biens et d'appeller
ses filles à sa succession ; ce qui diminue
encore les avantages que les Loix de
la Nation accordent aux mâles.
-
Enfin dans ce même temps , les Loix
Ecclesiastiques
favorisent encore les femmes
;
AOUST. 1739 : 1705
mes , car elles ordonnent la nécessité de
·les doter ; deffendant même dans le Concile
d'Arles , tenu l'an 524. qu'il ne se
celebre aucun mariage sans dot : Nullum
sine dote fiat conjugium ; décidant ailleurs,
qu'il n'y aura point de dot , où il n'y
aura point de mariage : Ubi nullum omninò
matrimonium ibi nulla dos ; quia opportet
quod constitutio dotis sit facta publicè
et cum solemnitate ad ostium Ecclesia .Voions
présentement les avantages respectifs entre
les mariez.
Lorsqu'il étoit question de contracter ,
on s'assembloit de part et d'autre , en famille
, amis et voisins. D'abord les parens
de l'époux promettoient à la future épouse
une dot qui consistoit alors en quelques
Esclaves , quelques Bestiaux , quelques
meubles et certaine somme d'argent
; ensuite cette convention des parens
se faisoit , comme parlent les Loix
Ripuaires : Per tabularum seu chartarum
instrumenta ; et elle consistoit non-seule
ment en Esclaves , Bestiaux , argent, & c.
mais encore en terres et en richesses considérables
, même des Autels , des Eglises
et des Dixmes.
Le jour des nôces venu , jour qui dans
les premiers- temps arrivoit quelquefois
des années entieres après les fiançailles, er
qui
1706 MERCURE DE FRANCE
;
qui se passoit souvent sans autre cérémo
nie que la conduite de la fiancée chez le
fiancé les parens de l'épouse faisoient
leur présent à l'époux, qui consistoit d'abord
en quelques Flêches , quelque Bou
clier , quelque Cheval , quelque Equipa- ,
ge de Chasse , & c. mais qui dans la suite
a été la possession , ut custos , de tout le
bien de l'Epouse , appellé en ce cas Maritagium
, et la donation d'une partie de
ce même bien , en ce qui consistoit en
meubles ; d'où est venu ce que nous appellons
présentement Don Mobile. Chez
les premiers Saxons , ce qu'on a appellé
depuis Maritagium , étoit nommé Faderfium
, et la portion dont les parens de l'épousée
faisoient présent au mari , et qui
a été appellée Don Mobile, étoit nommée.
dans les premiers temps , Methium, Melphium
ou Mephium.
Lors de la solemnité du mariage ; ad
estium Ecclesia , l'époux donnoit à l'é
pouse la Charte de la dot , arrêtée entre
les deux familles , et ainsi il lui assuroit
en cas de prédécès , ce que l'on a appellé
d'abord Dos , ensuite Dotalitium , enfin
Dotarium , et Doarium , d'où nous avons
fait le mot Donaire , mais qui est bien
different de ce qu'il étoit dans les premiers
temps , puisqu'alors c'étoit réellement
AOUST. 1733
1707
lement la Dot de l'Epouse , donnée par
l'Epoux, selon l'usage , rapporté par Tacite
: Dotem non uxor marito , sed maritus
uxori offert.
Le lendemain, dès le matin , les parens
venans présenter leurs voeux aux nouveaux
mariez , l'Epoux faisoir à l'Epouse,
un présent , appellé d'abord Morgangeba
ou Morgengab en Allemand , et en,
Latin Matutinale donum , enfin osculagium.
aut osculum ; il consistoit en quelques
pierreries , ornemens et hardes. Il est ce
que chez plusieurs on appelle Augment ;
ce que chez d'autres on nomme Onelages;
et ce qu'en Normandie on désigne
Sous le titre de Chambrée , Bagues , et
Joyaux.
"
Les Loix Ripuaires dans le tit. 59.poussent
icy l'attention en faveur de l'Epouse,
jusqu'à fixerà sosols d'or ce qui doit fai
re sa dot , s'il ne lui en a pas été promis ;
elles lui permettent outre cela de retenir
le Morgangeba , et elles luioaccordent
la
tierce partie de ce qui aura été aquis
dans son mariage ; ce qui peut être en
quelque maniere le commencement du
Droit de conquêts, qui , à l'exception de
quelques susages locaux est fixé chez
nous au tiers et tertiam partem de omni res
0
quam
1708 MERCURE DE FRANCE
quam simul conglobaverint sibi studeat vindicare
, vel quicquid ei in Morgangeba tra
ditum fuerat similiterfaciat.
Vous ne voyez encore icy , Monsieur .
que peu de chose en faveur de l'Epoux.
Le Capitulaire de Dagobert , de l'an 630.
ou la Loy des Allemands , tit . 92. va lui
fournir un avantage considérable, en décidant
que si la femme décéde en couche,
et que l'enfant lui survive quelque tems,
la succession maternelle appartiendra au
pere : Siqua Mulier que hæreditatem paternam
habet , post nuptum pragnans peperit
puerum , et in ipsa hori mortua fuerit ,
et infans vivus remanserit aliquanto spatio ,
vel unius hora , ut possit aperire oculos et
videre culmen Domus et quatuor parietes
et posteà defunctus fuerit , hæreditas materna
ad patrem ejus pertineat. Examinez deprès
cette Loy , Monsieur , et vous serez
convaincu qu'elle est la véritable source
de notre Droit de Viduité.
*
Elle ne se contente pas de vouloir que
PEnfant demeure vif une espace ou une
heure de temps ; et infans vivus remanserit
aliquanto spatio vel unius hora ; mais
elle veut que cela soit de telle sorte qu'il
puisse ouvrir les yeux , voir le toît de la
maison , et se tourner vers les quatre
mu
AO
UST.
1733-
1709
murailles ; ut possit aperire oculos et videre
culmen domûs et quatuor parietes. Ce n'est «
pas assez ; la même Loy nous assûre que
ce n'est que quand le pere a des témoins
de toutes ces choses , qu'il peut conserver
son droit. Et tamen si testes habet pater
ejus quod vidissent, illum infantem oculos
aperire et potuisset culmen domus videre et
quatuor parietes , tunc pater ejus habeat li- "
centiam cum lege ipsas res deffendere. Enfin
la Loy ajoute que s'il en est
autrement
celui auquel
appartient la propriété doit
l'emporter Si autem aliter cujus est proprietas
ipse
conquirat. Voilà
expressément ,
Monsieur,les
dispositions que nous trouvons
dans les Loix du Droit de Viduité
en
Angleterre , en Ecosse , en France , en
Normandie , et ailleurs.
La suitepour le Mercure prochain.
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Résumé : LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
La lettre de M. Clerot, avocat au Parlement de Rouen, expose le droit de viduité en Normandie et divers droits des époux dans cette province. Selon l'article 382 de la coutume normande, un homme ayant eu un enfant né vivant de sa femme jouit par usufruit des revenus de la femme décédée, même si l'enfant meurt avant la dissolution du mariage. Les origines et les effets de ce droit sont débattus : les Anglais le revendiquent comme leur, tandis que les Normands affirment l'avoir apporté en Angleterre. Les auteurs divergent également sur les conditions d'acquisition de ce droit, notamment la nécessité que l'enfant soit vu remuer ou entendu crier. Le droit de viduité est perçu différemment selon les auteurs : certains le voient comme une succession, d'autres comme une donation ou un legs fait par la loi. Historiquement, ce droit provient des lois des premiers rois de France, adoptées par les ducs de Normandie et portées en Angleterre par Guillaume le Conquerant. Il a évolué au fil du temps, passant d'une succession à une donation, puis à un avantage légal mixte. Le texte détaille également les différentes formes de possession et de succession dans les principales époques de la monarchie française. Les peuples germaniques, comme les Bourguignons et les Francs, partageaient les terres conquises et les dépouilles des peuples soumis, appelées allodium. Il existait aussi des bénéfices tenus de la grâce du roi ou de l'élection du peuple, qui ne passaient pas aux héritiers sauf en cas de survivance. Ces bénéfices furent progressivement regardés comme des héritages et parfois transformés en allodium. Les possessions étaient divisées en trois parties : les mancipia (esclaves, meubles, droits), la pecunia (bêtes domestiques, harnois, grains), et la terra (terres, forêts, droits de chasse). Les lois saliques et ripuariennes excluaient les femmes de la succession des terres, réservant ces biens aux mâles. Les femmes avaient cependant accès aux meubles et aux biens acquis. Cette distinction entre héritage meuble et héritage foncier est fondamentale dans les lois franques. Les lois ecclésiastiques, telles que celles du Concile d'Arles en 524, imposaient la nécessité d'une dot pour les femmes, stipulant que tout mariage devait inclure une dot. Lors des fiançailles, les parents de l'époux promettaient une dot à la future épouse, composée de biens divers comme des esclaves, du bétail, des meubles et de l'argent. Cette convention était formalisée par des documents légaux. Le jour du mariage, les parents de l'épouse offraient des présents à l'époux, qui pouvaient inclure des armes, des chevaux ou des biens mobiliers. Ces présents évoluèrent pour devenir la possession de l'épouse, appelée Maritagium. L'époux, à son tour, donnait à l'épouse une charte de la dot, lui assurant des biens en cas de prédécès. Les Lois Ripuaires accordaient des protections spécifiques à l'épouse, fixant la valeur de la dot et permettant à l'épouse de conserver certains biens comme le Morgangeba, un présent offert le lendemain du mariage. Elles lui accordaient également un tiers des biens acquis pendant le mariage, précurseur du droit de conquêts. Le Capitulaire de Dagobert, en 630, établissait que si une femme décédait en couches et que l'enfant survivait, la succession maternelle revenait au père. Cette loi est considérée comme la source du droit de viduité, adopté dans plusieurs pays européens, y compris l'Angleterre, l'Écosse, la France et la Normandie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 34-39
SUITE DES PENSÉES DIVERSES. Insérées dans le Mercure du mois de Septembre ; Par M. Lemarié, Avocat au Parlement.
Début :
Les présens humilient ou corrompent ceux qui les reçoivent. [...]
Mots clefs :
Esprit, Homme, Amour, Loi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DES PENSÉES DIVERSES. Insérées dans le Mercure du mois de Septembre ; Par M. Lemarié, Avocat au Parlement.
SUITE
DES
PENSEES
DIVERSES.
Inferées dans le Mercure du mois de Septembre
; Par M. Lemarie , Avocat an
Parlement.
L
Es
préfens
humilient ou
corrompent
ceux qui les
reçoivent .
Il faut
donner bien à
propos & avec
beaucoup de précaution
pour ne pas faire
des ingrats.
Je ne fçais lequel eft le plus généreux de
celui qui donne libéralement , ou de celui
qui fe fouvient volontiers des bienfaits
qu'il a reçus.
Ce n'eft
pas dans le don , c'eſt dans la
façon de le faire que confifte la vraie libéralité.
Otez du monde l'amour propre & l'intérêt
, vous en ôtérez
l'apparence de bien
des vertus , & prefque tous les vices.
Tout change & varie à l'infini parmi les
hommes , il n'y a de conftant que leur
inconftance.
gré
Du vice au crime l'occaſion eſt le dé-
Rien n'eft plus arbitraire que l'eftime
OCTOBRE . 1755 . 35
que nous faifons des choſes. N'y aura-t-il
jamais de régle certaine pour la fixer ?
Un bon efprit & un bel efprit devroient
être entr'eux dans le rapport d'un honnête
homme à un galant homme.
Plufieurs l'ont dit , & je le repére : il
vaut mieux ne rien fçavoir que fçavoir
mal beaucoup de choſes.
Le Magiftrat eft l'exécuteur de la Loi :
le Prince en eft le modérateur.
La loi punit : le Prince pardonne.
Bien de gens vivent fans penfer à une
autre vie , peu meurent fans la craindre.
Régle générale , on n'eft rien moins
que ce qu'on fe pique d'être.
On veut avoir de l'efprit , c'eſt la folie
du fiécle : On manque de génie , c'en eſt
le malheur.
La critique eft le creufet où s'épurent
les productions de l'efprit ; que penfer
d'un auteur qui la redoute ?
L'efprit femble croître & decroître en
raifon inverſe du goût & du génie ,
Autrefois on ne fçavoit que ce qu'on
avoit long- tems étudié . Que les génies
étoient lourds ! aujourd'hui l'on fçait tout
fans avoir rien appris.
La manie de n'être entendu que d'un
petit nombre de lecteurs , ne tient plus
les fçavans , elle a paffé aux gens de Lettres.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
On admire encore les Racine , les Moliere
, les Defpréaux : on rougiroit d'écrire
comme eux .
Affectez dans vos écrits un ſtyle entortillé
, pointilleux , énigmatique ; coufez
bien ou mal quelques penfées détâchées ,
quelques fentences paradoxales; faites fonner
bien haut , & revenir à chaque page
ces grands mots : Philofophie , métaphyfique
, géométrie , morale , &c. vous ferez
un écrivain à la mode , vous aurez le ton
de la bonne littérature .
C'eſt au coin des rues & aux piliers des
temples qu'il faut voir la plupart des livres
nouveaux ; ils n'ont d'intéreffant que
les titres.
Les plus beaux monumens de la littérature
ancienne ne font plus pour nous que
des antiquailles : Qui cite Homere , Cicéron
, Virgile , eft un pédant , & fent l'école.
Ce n'est jamais d'un fot que le goût reçoit
les premieres atteintes. Le commencement
de fa décadence eft toujours l'ouvrage
d'un homme d'efprit .
A travers toute la facilité , toutes les
graces , tout le brillant de l'auteur des
Métamorphorfes & des Triftes , un lecteur
éclairé y entrevoit quelque déchet du goût
qui regnoit aux premiers tems d'Augufte,
OCTOBRE. 1755. 37
M. de X .... ne feroit- il pas l'Ovide de
notre fiécle.
La poftérité jugera fans doute de notre
fiécle plus avantageufement que nous , car
elle en jugera fur les écrits des Montefquieu
, des Voltaire , &c. & non d'après ,
tant de mauvais ouvrages dont nous fommes
affaillis , & qui ne parviendront pas
jufqu'à elle.
Chacun fe fait aujourd'hui un fyftême
part , un plan particulier de conduite.
Que réfulte- t-il de cela ? un déréglement
général dans les moeurs .
L'amour qu'on prend pour une perfonne
vertueuse méne fouvent à l'amour de la
vertu .
La juftice naît du rapport qui eft entre
les chofes la loi eft la mefure de ce rapport.
> Il y a des gens qui doutent de tout
d'autres ne doutent de rien : le doute eft
bon , mais il ne doit pas tenir contre l'évidence.
Demander un avis c'eft fouvent quêter
un fuffrage.
Il eft plus aifé de faire prendre une opinion
nouvelle , que de détruire une opinion
reçue.
Nous jugeons de tout par comparaifon,
& le point de comparaifon c'eft nous -mê38
MERCURE DE FRANCE.
mes ; delà tant de mauvais jugemens.
Les plus grands maux fe guériffent ordinairement
par les remedes les plus fimples.
Ne cherchez point le beau hors de la nature
; l'art n'a
d'agrémens que ceux qu'elle
lui prête.
Que de graces , l'importunité dérobe
tous les jours au mérite !
C'est l'amour des peuples qui fait le
bonheur des Rois ; c'eft la bonté des Rois
qui fait la félicité des peuples.
Il n'y a rien qui rende les hommes ordinaires
plus petits que l'élévation & les
grandeurs .
Outrez , ou ôtez
l'indulgence , vous
détruirez la fociété.
Un état qui s'aggrandit trop , court à fa
ruine .
Ce n'eft point une domination étendue
, ce ne font point de vaftes provinces
qui font la force d'un empire ; c'eft un
bon
gouvernement , c'eſt une puiſſance
bien économifée.
Un pouvoir immenſe eſt un grand fléau
entre les mains d'un homme qui en abuſe,
ou qui ne fçait pas le tempérer.
Ceux qui fe mêlent fans néceflité des
affaires d'autrui , ne font communément
que les brouiller & les rendre pires .
OCTOBRE . 1755. 39
La réforme d'un abus eft prefque toujours
fujette à correction.
Ne reprenons point : corrigeons - nous.
DES
PENSEES
DIVERSES.
Inferées dans le Mercure du mois de Septembre
; Par M. Lemarie , Avocat an
Parlement.
L
Es
préfens
humilient ou
corrompent
ceux qui les
reçoivent .
Il faut
donner bien à
propos & avec
beaucoup de précaution
pour ne pas faire
des ingrats.
Je ne fçais lequel eft le plus généreux de
celui qui donne libéralement , ou de celui
qui fe fouvient volontiers des bienfaits
qu'il a reçus.
Ce n'eft
pas dans le don , c'eſt dans la
façon de le faire que confifte la vraie libéralité.
Otez du monde l'amour propre & l'intérêt
, vous en ôtérez
l'apparence de bien
des vertus , & prefque tous les vices.
Tout change & varie à l'infini parmi les
hommes , il n'y a de conftant que leur
inconftance.
gré
Du vice au crime l'occaſion eſt le dé-
Rien n'eft plus arbitraire que l'eftime
OCTOBRE . 1755 . 35
que nous faifons des choſes. N'y aura-t-il
jamais de régle certaine pour la fixer ?
Un bon efprit & un bel efprit devroient
être entr'eux dans le rapport d'un honnête
homme à un galant homme.
Plufieurs l'ont dit , & je le repére : il
vaut mieux ne rien fçavoir que fçavoir
mal beaucoup de choſes.
Le Magiftrat eft l'exécuteur de la Loi :
le Prince en eft le modérateur.
La loi punit : le Prince pardonne.
Bien de gens vivent fans penfer à une
autre vie , peu meurent fans la craindre.
Régle générale , on n'eft rien moins
que ce qu'on fe pique d'être.
On veut avoir de l'efprit , c'eſt la folie
du fiécle : On manque de génie , c'en eſt
le malheur.
La critique eft le creufet où s'épurent
les productions de l'efprit ; que penfer
d'un auteur qui la redoute ?
L'efprit femble croître & decroître en
raifon inverſe du goût & du génie ,
Autrefois on ne fçavoit que ce qu'on
avoit long- tems étudié . Que les génies
étoient lourds ! aujourd'hui l'on fçait tout
fans avoir rien appris.
La manie de n'être entendu que d'un
petit nombre de lecteurs , ne tient plus
les fçavans , elle a paffé aux gens de Lettres.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
On admire encore les Racine , les Moliere
, les Defpréaux : on rougiroit d'écrire
comme eux .
Affectez dans vos écrits un ſtyle entortillé
, pointilleux , énigmatique ; coufez
bien ou mal quelques penfées détâchées ,
quelques fentences paradoxales; faites fonner
bien haut , & revenir à chaque page
ces grands mots : Philofophie , métaphyfique
, géométrie , morale , &c. vous ferez
un écrivain à la mode , vous aurez le ton
de la bonne littérature .
C'eſt au coin des rues & aux piliers des
temples qu'il faut voir la plupart des livres
nouveaux ; ils n'ont d'intéreffant que
les titres.
Les plus beaux monumens de la littérature
ancienne ne font plus pour nous que
des antiquailles : Qui cite Homere , Cicéron
, Virgile , eft un pédant , & fent l'école.
Ce n'est jamais d'un fot que le goût reçoit
les premieres atteintes. Le commencement
de fa décadence eft toujours l'ouvrage
d'un homme d'efprit .
A travers toute la facilité , toutes les
graces , tout le brillant de l'auteur des
Métamorphorfes & des Triftes , un lecteur
éclairé y entrevoit quelque déchet du goût
qui regnoit aux premiers tems d'Augufte,
OCTOBRE. 1755. 37
M. de X .... ne feroit- il pas l'Ovide de
notre fiécle.
La poftérité jugera fans doute de notre
fiécle plus avantageufement que nous , car
elle en jugera fur les écrits des Montefquieu
, des Voltaire , &c. & non d'après ,
tant de mauvais ouvrages dont nous fommes
affaillis , & qui ne parviendront pas
jufqu'à elle.
Chacun fe fait aujourd'hui un fyftême
part , un plan particulier de conduite.
Que réfulte- t-il de cela ? un déréglement
général dans les moeurs .
L'amour qu'on prend pour une perfonne
vertueuse méne fouvent à l'amour de la
vertu .
La juftice naît du rapport qui eft entre
les chofes la loi eft la mefure de ce rapport.
> Il y a des gens qui doutent de tout
d'autres ne doutent de rien : le doute eft
bon , mais il ne doit pas tenir contre l'évidence.
Demander un avis c'eft fouvent quêter
un fuffrage.
Il eft plus aifé de faire prendre une opinion
nouvelle , que de détruire une opinion
reçue.
Nous jugeons de tout par comparaifon,
& le point de comparaifon c'eft nous -mê38
MERCURE DE FRANCE.
mes ; delà tant de mauvais jugemens.
Les plus grands maux fe guériffent ordinairement
par les remedes les plus fimples.
Ne cherchez point le beau hors de la nature
; l'art n'a
d'agrémens que ceux qu'elle
lui prête.
Que de graces , l'importunité dérobe
tous les jours au mérite !
C'est l'amour des peuples qui fait le
bonheur des Rois ; c'eft la bonté des Rois
qui fait la félicité des peuples.
Il n'y a rien qui rende les hommes ordinaires
plus petits que l'élévation & les
grandeurs .
Outrez , ou ôtez
l'indulgence , vous
détruirez la fociété.
Un état qui s'aggrandit trop , court à fa
ruine .
Ce n'eft point une domination étendue
, ce ne font point de vaftes provinces
qui font la force d'un empire ; c'eft un
bon
gouvernement , c'eſt une puiſſance
bien économifée.
Un pouvoir immenſe eſt un grand fléau
entre les mains d'un homme qui en abuſe,
ou qui ne fçait pas le tempérer.
Ceux qui fe mêlent fans néceflité des
affaires d'autrui , ne font communément
que les brouiller & les rendre pires .
OCTOBRE . 1755. 39
La réforme d'un abus eft prefque toujours
fujette à correction.
Ne reprenons point : corrigeons - nous.
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Résumé : SUITE DES PENSÉES DIVERSES. Insérées dans le Mercure du mois de Septembre ; Par M. Lemarié, Avocat au Parlement.
Le texte, publié dans le Mercure de septembre 1755 par M. Lemarie, avocat au Parlement, compile diverses réflexions philosophiques et sociales. Lemarie commence par discuter des préférences et de leur potentiel à humilier ou corrompre ceux qui les reçoivent, soulignant l'importance de donner avec précaution pour éviter l'ingratitude. Il explore la véritable libéralité, qui réside dans la manière de donner plutôt que dans l'acte lui-même. Le texte met en évidence l'importance de l'amour-propre et de l'intérêt dans la société, notant que leur absence révélerait la véritable nature des vertus et des vices. Lemarie observe également l'inconstance humaine et l'arbitraire des jugements. Il distingue entre un bon esprit et un bel esprit, affirmant qu'il vaut mieux ne rien savoir que de savoir mal beaucoup de choses. Lemarie traite également du rôle du magistrat et du prince, le premier exécutant la loi et le second la modérant. Le texte aborde la critique comme un creuset pour les productions de l'esprit et la décadence du goût littéraire, où les œuvres classiques sont dédaignées au profit de styles modernes et complexes. Lemarie critique la mode littéraire de son époque, où les auteurs affectent un style entortillé et paradoxal pour se distinguer. Il conclut en soulignant l'importance de la justice, du bon gouvernement et de l'indulgence pour maintenir la société. Lemarie met en garde contre la critique excessive et l'affectation stylistique, prônant un retour à des valeurs littéraires plus authentiques et accessibles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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