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1
p. 67-69
LA FRANCE.
Début :
Un Anonime a fait parler la France à la Fortune, sur ce que le / Aveugle Déesse, dis-moy, [...]
Mots clefs :
France, Fortune, Déesse, Roi, Prince, Univers, Clémence, Sagesse, Ennemis
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texteReconnaissance textuelle : LA FRANCE.
Un Anonime a fait parler la
Fránce à la Fortune ,fur ce que le
Roy a eu fix -vingt Billets blancs
à la Loterie de Monfeigneur le
Dauphin. Voicy la Demande &
a Réponſe.
LA FRANCE.
Aveugle Déeffe,dis -moy ,
68
MERCURE
T
D'où vient qu'à noftre Auguste Roy
Six- vingt Billets tous blancs fout
échús en partage?
LA FORTUN É .
France , c'est pour montrer combien
ton Prince eft fage.
Lors qu'il pourroit foumettre à fes
Loix l'Univers
Que la Terre luy céde , & qu'il commande
aux Mers,
Sa clémence retient l'ardeur de fon
courage.
Ce qu'il m'a donné je luy rends ;
Et comme moy les Conquérans ,
Les Princes , les Etats , & tous les
Grands du Monde
Connoiffant de Louis la fageffe profonde
,
Pour terminer leurs diférens,
Le prennent pour Arbitre , & luy
donnent des Blancs ;
GALANT. 69.
Et fi fes Ennemis demandent leur
revanche ,
Il leur donne la Carte blanche.´
Fránce à la Fortune ,fur ce que le
Roy a eu fix -vingt Billets blancs
à la Loterie de Monfeigneur le
Dauphin. Voicy la Demande &
a Réponſe.
LA FRANCE.
Aveugle Déeffe,dis -moy ,
68
MERCURE
T
D'où vient qu'à noftre Auguste Roy
Six- vingt Billets tous blancs fout
échús en partage?
LA FORTUN É .
France , c'est pour montrer combien
ton Prince eft fage.
Lors qu'il pourroit foumettre à fes
Loix l'Univers
Que la Terre luy céde , & qu'il commande
aux Mers,
Sa clémence retient l'ardeur de fon
courage.
Ce qu'il m'a donné je luy rends ;
Et comme moy les Conquérans ,
Les Princes , les Etats , & tous les
Grands du Monde
Connoiffant de Louis la fageffe profonde
,
Pour terminer leurs diférens,
Le prennent pour Arbitre , & luy
donnent des Blancs ;
GALANT. 69.
Et fi fes Ennemis demandent leur
revanche ,
Il leur donne la Carte blanche.´
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2
p. 190-192
Fontaines de Cerés & de Flore, [titre d'après la table]
Début :
Dans le mesme costé du Jardin, on voit deux bassins [...]
Mots clefs :
Fontaine de Cérès, Fontaine de Flore, Fontaine, Déesse, Bassins, Bassin
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texteReconnaissance textuelle : Fontaines de Cerés & de Flore, [titre d'après la table]
Dans le meſime coſté du
Jardin , on voit deux baffins
qui ne font point enfermez ;
tofun eſt nommé Fontaine de
es Cerés , & l'autre Fontaine de
Flore. Ces baffins avec ceux
de Saturne & de Bacchus,qui
font de l'autre côté , ſont ap
184 Suite du Voyage
1
pelés les Fontaines des Quatre
Saifons. 1
Le baſſins de Cerés , qui
reprefente l'Eſté , eſt heragone.
Cette déeſſe environnée
de tous ſes attributs , eſt repreſentée
au milieu , tenant
une faucille. Il y a huit gros
jets d'eau dans ce Baffin , ſans
compter celuy du milieu , qui
eft baeucoup plus gros que
les autres. Tous les ornemens
dece baſſin ſont fort riches ,
& l'on ny voit que du marbre
& de l'or.
Le Printemps eſtant ordinairement
repreſentéparFlore
, cette Déeſſe eſt au milieu
des Amb. de Siam. 185
du baffin de ce nom , & tout
ce qui l'enrichit , fait connoître
que cette Fontaine ne
peut eftre que celle de Flore.
A quelque diſtance , & autour
de cette Déeſſe ſont dixhuit
jets d'eau affés gros. Il
en fort un nombre beaucoup
plus grand du milieu du ballin
, où elle eſt à demy couchée,&
comme il y en a un
qui excede les autres , tous ces
jets enſemble forment une
maniere d'Aigrette , qui divertit
fort la veuë.
Jardin , on voit deux baffins
qui ne font point enfermez ;
tofun eſt nommé Fontaine de
es Cerés , & l'autre Fontaine de
Flore. Ces baffins avec ceux
de Saturne & de Bacchus,qui
font de l'autre côté , ſont ap
184 Suite du Voyage
1
pelés les Fontaines des Quatre
Saifons. 1
Le baſſins de Cerés , qui
reprefente l'Eſté , eſt heragone.
Cette déeſſe environnée
de tous ſes attributs , eſt repreſentée
au milieu , tenant
une faucille. Il y a huit gros
jets d'eau dans ce Baffin , ſans
compter celuy du milieu , qui
eft baeucoup plus gros que
les autres. Tous les ornemens
dece baſſin ſont fort riches ,
& l'on ny voit que du marbre
& de l'or.
Le Printemps eſtant ordinairement
repreſentéparFlore
, cette Déeſſe eſt au milieu
des Amb. de Siam. 185
du baffin de ce nom , & tout
ce qui l'enrichit , fait connoître
que cette Fontaine ne
peut eftre que celle de Flore.
A quelque diſtance , & autour
de cette Déeſſe ſont dixhuit
jets d'eau affés gros. Il
en fort un nombre beaucoup
plus grand du milieu du ballin
, où elle eſt à demy couchée,&
comme il y en a un
qui excede les autres , tous ces
jets enſemble forment une
maniere d'Aigrette , qui divertit
fort la veuë.
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Résumé : Fontaines de Cerés & de Flore, [titre d'après la table]
Le texte présente deux bassins du jardin, la Fontaine de Cérès et la Fontaine de Flore, qui, avec celles de Saturne et de Bacchus, forment les Fontaines des Quatre Saisons. La Fontaine de Cérès, représentant l'été, est hexagonale et met en scène la déesse Cérès au centre, tenant une faucille. Elle est ornée de huit gros jets d'eau et d'un jet central plus imposant. Les décorations sont riches, en marbre et or. La Fontaine de Flore, symbolisant le printemps, montre la déesse Flore au milieu, entourée de dix-huit jets d'eau de taille similaire. Au centre, où Flore est à demi couchée, un nombre plus important de jets forme une aigrette.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 141-148
SUR UNE TRADUCTION des Pseaumes, faite en Vers par Mademoiselle Cheron. ODE.
Début :
Je vous parlay il y a quelque temps d'un Essay de / Equitable Renommée, [...]
Mots clefs :
Yeux, Psaumes, Renommée, Parnasse, Femme, Beau sexe, Déesse, Traduction
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texteReconnaissance textuelle : SUR UNE TRADUCTION des Pseaumes, faite en Vers par Mademoiselle Cheron. ODE.
Je vous parlay il y a
quelque temps d'un Essay de
1
Pseaumes & de Cantiques,
que Mademoiselle Cheron a
mis en Vers, enrichis d'un
grand nombre de Figures. Je
ne fçaurois mieux justifierce
que je vousendisd'avanta-
Par le merite charmée,
Sauvés les noms ecldtanJ >
Suspens ta voix de tonnerre,
Qui redouble 4e la guerre
Le tumultueux effroy i
Et d'un accent plein de grâce
Viens celebrer au Parnasse
Yne Femme comme toy.
Ce beau Sexe dont la flâme
Prend sa fourcedans les Cieux,
2Je captivepointnostre amt Par le seulplaisir des yeux.
CheZ/flf la delicate{fe\
Le bon goujJ" la politeffe
Regnent don air éleve.
Sanssecours & sans culture
Jl reçoit de la Nature
l'n esprit tout cultive.
Des omorcs de deux mille ans.
Et Rome>deSttlpicie
Honore encor les tulens.
La Greque de satenireffe,
Avec art^avecfinesse,
Peint les transports aveuglez^}
Et la Ramaine plus rage,
Des douceurs du Mariage
Charme les espritsrezltzr
Et toy, FIance) dont la gloire
Fournit tantde grands objets,
Pour embellirtonMiftoire
Manqueras tu de sujets
A l'Italie i
à la Greee,
Superbes pour la Noblesse
De quelque nom favory,
Oppose en troupe confuse
Bernard,Det-j-ardins, laSu%e,
Des Houlieres,,Scudery.
Mab
Mais quelle Etoile nouvelle
Brille à mes yeux étonne^
Dont la splendeur immortelle
Rendra nos Fasses o111ez!
.F,/i.(e une chlt/le Dèesset
EfI-ce Anne la Prophetesse}
Sœur & Compagne <£Aron,
Quifous un habit de Mufe,
Par une pieuse rufey
Se fait appeller Chéron l
Cheron
,
Mufe, ou Propheteffey
Que1,E(pritSaintdans tes Vers
Affermit bien la foible(Je
Dun c&ur accablé de fers!
Soitquilsdécrivent Latteinte
Du remords & de la crainte
Qui fuitrImpie en tout lieu,
Soit que leur fainte energie
jtfous fdffe VApologie
De laconduite de Dttu.
DAvid, que la repentance
De son crime avoitpurge,
A CameYe penitence
Par us Vers efl rengagé.
Dans le comble de la gloire
Vne touchante memoife
Attendrit ce (age Roy,
Et ta Version fidelle
LilY rend si dculcrtrsibelle,
Qùil pleure encor avec toy.
Les Hébreux dans leurs fouf
frances
A leury~,
Aimçnt par tes remontrances
La peine de leurs pechez..:
Ce Peuple que ta voix fljtê,
N'abhorre plus tant l*Euphratt^
Ennobly de Ils chanfills..
Etvoudroit sur fort rivage - -
Vivre encor dans l'efciavage
Eclairé par tes leçons.
0 beautez,, qui du Tarnaffe
Ave, connu l'art touchant,
A Cheron
,
qui vous efface.
Cedex^lagrâce du Chant.
Leséclatantes merveilles,
Qui font £objet de ses veilles 9
L'èleventjusques aux Cieuxt
Et sa gloire nous devance
t
Comme le Dieu quelleencenfe
Devance les autres Dieux.
Vole,Deesse,oùt'engdge
Le foin de nos intereftSk
Le Rhin, la Meuse, & le Tage,
Frissonnent de nos apprefls.
Recommence la fatigue,
Qjtà la honte de la Ligue
ZOVIStedonneanjourd'huy;
Seul il te met hors d'haleine,
jEt tes cent bouches à peine
Suffifent-elles pour luy.
quelque temps d'un Essay de
1
Pseaumes & de Cantiques,
que Mademoiselle Cheron a
mis en Vers, enrichis d'un
grand nombre de Figures. Je
ne fçaurois mieux justifierce
que je vousendisd'avanta-
Par le merite charmée,
Sauvés les noms ecldtanJ >
Suspens ta voix de tonnerre,
Qui redouble 4e la guerre
Le tumultueux effroy i
Et d'un accent plein de grâce
Viens celebrer au Parnasse
Yne Femme comme toy.
Ce beau Sexe dont la flâme
Prend sa fourcedans les Cieux,
2Je captivepointnostre amt Par le seulplaisir des yeux.
CheZ/flf la delicate{fe\
Le bon goujJ" la politeffe
Regnent don air éleve.
Sanssecours & sans culture
Jl reçoit de la Nature
l'n esprit tout cultive.
Des omorcs de deux mille ans.
Et Rome>deSttlpicie
Honore encor les tulens.
La Greque de satenireffe,
Avec art^avecfinesse,
Peint les transports aveuglez^}
Et la Ramaine plus rage,
Des douceurs du Mariage
Charme les espritsrezltzr
Et toy, FIance) dont la gloire
Fournit tantde grands objets,
Pour embellirtonMiftoire
Manqueras tu de sujets
A l'Italie i
à la Greee,
Superbes pour la Noblesse
De quelque nom favory,
Oppose en troupe confuse
Bernard,Det-j-ardins, laSu%e,
Des Houlieres,,Scudery.
Mab
Mais quelle Etoile nouvelle
Brille à mes yeux étonne^
Dont la splendeur immortelle
Rendra nos Fasses o111ez!
.F,/i.(e une chlt/le Dèesset
EfI-ce Anne la Prophetesse}
Sœur & Compagne <£Aron,
Quifous un habit de Mufe,
Par une pieuse rufey
Se fait appeller Chéron l
Cheron
,
Mufe, ou Propheteffey
Que1,E(pritSaintdans tes Vers
Affermit bien la foible(Je
Dun c&ur accablé de fers!
Soitquilsdécrivent Latteinte
Du remords & de la crainte
Qui fuitrImpie en tout lieu,
Soit que leur fainte energie
jtfous fdffe VApologie
De laconduite de Dttu.
DAvid, que la repentance
De son crime avoitpurge,
A CameYe penitence
Par us Vers efl rengagé.
Dans le comble de la gloire
Vne touchante memoife
Attendrit ce (age Roy,
Et ta Version fidelle
LilY rend si dculcrtrsibelle,
Qùil pleure encor avec toy.
Les Hébreux dans leurs fouf
frances
A leury~,
Aimçnt par tes remontrances
La peine de leurs pechez..:
Ce Peuple que ta voix fljtê,
N'abhorre plus tant l*Euphratt^
Ennobly de Ils chanfills..
Etvoudroit sur fort rivage - -
Vivre encor dans l'efciavage
Eclairé par tes leçons.
0 beautez,, qui du Tarnaffe
Ave, connu l'art touchant,
A Cheron
,
qui vous efface.
Cedex^lagrâce du Chant.
Leséclatantes merveilles,
Qui font £objet de ses veilles 9
L'èleventjusques aux Cieuxt
Et sa gloire nous devance
t
Comme le Dieu quelleencenfe
Devance les autres Dieux.
Vole,Deesse,oùt'engdge
Le foin de nos intereftSk
Le Rhin, la Meuse, & le Tage,
Frissonnent de nos apprefls.
Recommence la fatigue,
Qjtà la honte de la Ligue
ZOVIStedonneanjourd'huy;
Seul il te met hors d'haleine,
jEt tes cent bouches à peine
Suffifent-elles pour luy.
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Résumé : SUR UNE TRADUCTION des Pseaumes, faite en Vers par Mademoiselle Cheron. ODE.
La lettre traite d'un ouvrage de psaumes et de cantiques mis en vers par Mademoiselle Cheron, enrichi de nombreuses figures. L'auteur loue les mérites de cet ouvrage et célèbre la capacité des femmes à charmer par leur grâce et leur esprit naturel. Il cite des poétesses grecques et romaines ainsi que des figures bibliques comme Anne la prophétesse pour illustrer le talent de Cheron. La lettre souligne la profondeur et la beauté des vers de Cheron, capables de toucher les cœurs et de guider les âmes. L'auteur admire particulièrement la manière dont Cheron décrit les remords et la repentance, et comment ses écrits influencent positivement les peuples, à l'instar des Hébreux. Enfin, il exalte la gloire et les mérites de Cheron, la comparant à une déesse dont les œuvres surpassent celles des autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 204-252
Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Début :
Mr l'Abbé de Boissy marque dans le commencement de [...]
Mots clefs :
Abbé de Boissy, Expiation, Dieux, Romains, Crimes, Superstition, Médée, Déesse, Sacrifices, Malheurs, Mort, Plutarque
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texteReconnaissance textuelle : Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Extrait du Discours de
MrfabbdeBoe
Mrl'AbbédeBoissy
marque dans le commencement
de ionL)acours,
l'importance Sç
l'ancienneté des expiationSjfic
prouve que les
plusanciens Autheurs
delaTheologie Payenne
, ont reconnu cette
Providence divinc,qui
recompense le bien ôC
punit le mal
, & que
dans tous les temps on
avait cru les expiations
ducrime, une Loy indispensable
de cette
Providence. Il montré
l'abus que les Payens
faisoient de cette Loy,
en immolant des Victimes
humaines
,
Sacrifices
cruels, dit-il
dans lesquels on offinçoit
la nature , en voulant révérer
les Dieux, &c.
Ensuite aprèsavoir
expose cette vérité consiante,
qu'avant la Loy
deMoïse, levrayDieu
avoit establi les Sacrisices.
Ilfait voir l'abus
que la superstition en
a fait par degrez.
Voicy ce qu'il rapporte
d'Hellode sur la
punition des crimes &
la necessité des Expiations.
Hefîodedit-il, dans sa.
Theogonie raconte que la
Nuit enfanta les cruelles
Parques Clotho
,
Lachesis,
& Atropos
,
fatales dispensatrices
du bien & du mal,
dont la severité s'attachant
à poursuivre le crime, le
punit également dans le*
hommes&dans les Dieux,
& dont la colere ne s'aplpeassse
qu'après avoir f appé
criminels.Il ajousteque
la Nuit eut encore pour
fille
,
Nemesis
,
Déesse si
redoutable aux malheureux
mortels que les Grecs
ont aussi connuë fous les
noms de Rhamnusienne
d'Adrastée
,
& que les Romains
qui ne luy avoient
point donné de nom propre
en leur Langue, n'ont
pas laissé de reverer dans
le
le Capitole,suivant le témoignage
de Pline. Plutarque
qui luy donne pour
auteurs de sa naissance, Jupiter
& la Niceffité, nous
la reprefenreplacée dans
un lien fort élevé d'où elle
ordonna des chastiments
pour tous les crimes. Point
de Scélératquela force ou
l'adresse puisse soustraire à
sa poursuite. Trois autres
Déesses luy fervent de Ministres,
& sont employées
à l'execution de ses ordres;
l'une prompte& legere appellée
Panée, s'attache aux
coupables qu.i des cettevie
sont condamnez à des peines
corporelles; elle est
moins cruelle que les autrès,
& laisse mesme passer
des fautes legeres, qui semùbleroient
demander quelque
sorte d'expiation.Ceux
dont les mauvaises habitudes
sont plus difficiles à
corriger
,
tombent après
leur mort entre les mains
de Dicée, la seconde de ces
Divinitez vengeresses.. A
l'égard des Criminels les
plus endurcis,aprés avoir
estérepoussezparDicée
ils sont livrez à la fureur
d'Erenys, plus implacable
que le s deux autres. Elle
les poursuit sans relasche,
& après les avoir fait longtemps
errer dans la douleur
& dans l'affliction les précipice
dans un abysme affreux,
&c.
lu
M. l'Abbéde Boiflfy
tire de cette allegorie,
& de plusieurs autres
partages aussi anciens
,
cette vérité crue dans
tous les temps, que les
Dieux punisoient les
crimes, & qu'ils se laissoient
fléchir par les
Expiations.
Ilobservedeplus queles
Philosophes
,
& sur tout
les Pythagoriciens, se proposoient
dans l'expiation
une fin beaucoup plus noble
& plus élevée.
Leur Purification celebre
dans l'Antiquité, fous
le nom de kadaroysavoient
quelque rapport à ce que
nosMystiques appellent la
vie Purgative.Ellesestoient
,;J,iO:inguées en différents
degrez par le moyen dei:
quelsils prétendoient l'amedegagée que de toutes
les soüil eures qu'elle avoir
contractée par sonunion.
avec la Matiereestoit restablie
dans toute la pureté
de sa premiereorigine *,
de
forte qu'après sa separation
d'avec le corps, elle parvenoit
enfin à estre déïfiée,
C'est ainsi que s'exprime
un decesPhilosophes dans
les Vers dorez attribuez
communement à Pythagoj:
e.'
1
Et quand ton Ame separée
de ton Corps
,
fera;
parvenuë dans la région
de l'air le plus pur , tu de'::
viendras un immortel,incorruptible.
Mais ce n'est
pas icy le lieud'examiner
cette opinion que nous reservons
à développer dans
la suite,&c. ., 1 , M.l'AbbédeBoissy
paffe de là à un détail
tres curieux, des differents
termes que les
Grecs & les Romains
appliquoient aux Sacrifices
expiatoires.
-15?: Kjia^c m;Î
'!lcIl remarque ensuite que le
surnom de Fehruata chez
lesSabins,&chez les Romains
celuy de Februlis,
parce que tous les ans dans
la Feste des Lupercales; on
faisoit l'expiation de la
Ville de Rome, par cette
raison ce jour se nommoit
Februatus. C'est delà au
rapport de Varron & de
Festus que le mois de Fé.,
vrier a tiré son nom d'au.
tant que cette ceremonie
se pratiquoit pendant ce
mois;PlineLiv. 15.ch.19.
fait mention deVenus Cluà.-
cirra del'ancien motcliïereJ
purifier.
Cetteexactitude à specifier
les noms des Dieux
passoit pour un point tellement
important dan s la
TheologiePayenne, qu'on
la poulloit jusqu'au scrupule,
& qu'on croyo t n'y
pouvoirmanquer sans encourir
leur indignation.
C'est ce qu'on peur voir
danslePhilebus de Platon.
Un des Personnnges d ce
Dialogue avoit avancéque
la
la Déesseque l'on appelloit
communement Venus, pouvoitestre nommée plus
proprement & plus veritablement
la Volupté: Ma
crainte est excessive
,
répond
Socrate,lorsqu'il s'agit de
donner des noms aux Dieux,
4,'infipuifquil a plû à cette |.Deesse dese faire appeller
Venus,je parlerayd'ellesous le
nom qu'elle aime le mieux.
Les Anciensapprehen-
1- doient tellement d'omettre
ce nom favori de chaque
1
Divinité qu'ils chargeoient
leurs invocations de tous
ceux dont ils pouvoient
s'aviser, c'est ce qu'on peut
aisément remarquer dans
la pluspart des Hymnes
anciennes qui ne sont le
;
plussouvent qu'un tissu de
<,
surnoms & d'épithetes.
Ainsi Carulle aprés avoir
invoque Diane de différentes
maniérés; Soye% revérée
j luydit-il
y
soustel
nom qu'il vous plaira de prendre.
Ainsi dans le Poëme
seculaire d'Horace, ce Poete
s'adresse à la mesme
Déesseen ces termes : FavorableHithyie,
OHLncine>
soitque vous choififlie'{ ce nom,
soit que vous luy préferiez
celuy de Déesse qui préside
aux Nôces.
Quelquefois au lieu de
demander aux Dieux quel
nom leur estoit le plusagreable
, on se contentoit
de mettre au pluriel un de
ceux qu'ils portoient, comme
pour embrasser par là
toute la Divinité
,
8c ne
rien oublier de ses attributs.
C'est en ce sens que
l'oracle des Sybilles a dit:
Aprésles Parques ilfautappaiser
les Hithyies par des SA*
crifices comme il est convenable.
EnfuiteM.l'Abbéde
Boissy donne aprés les
anciens,au terme d'Expiation>
une ligniifcation
plus étenduë,&
dit:
Qu'ils se servoient des
mots expiare & lustrare,
nonfeulementpar rapport
auxcrimes5mais encore a
l'égard de tout ce guils regardoient
comme la fuite
.ou l'effet de ces mesmes
crimes. Ainsi, expier ne
signisioit souvent autre
chose que faire certains
actes de Religion dans la
vûë d'éloigner quelques
malheurs soit qu'on les ressentit
actuellement
,
soit
que l'on en fust seulement
menace par des prodiges
ou par d'autres ifgnes, &c, •#•••*t -
Ce n'estoient passeulement
lesparticuliers qui
avoient besoin d'expiation,
des Villes toutes entieres
se croyoient obligées d'y
avoir recours. La pluspart
d'entr'elles avoient un jour
fixe pour cette Ceremonie
que l'on renouvelloit couY
les ans. Elle se faisoit à
Rome le 5 de Février. Le
Sacrifice se nommoit Amburbale
ou Amburbium, se-
Ion Servius
, & les Victimes
que l'on yemployoit
dmburbiales,au rapport de
Festus.
On la celebroit à Athenes
le 6. du mois Thargelion,
qui répondoit à celuy
d'Avril. C'est Diogene
laërce qui nous en assure
dans la vie de Socrate. •
Chez les Romains , aprés
le dénombrement des
Citoyens, qui fut institué
par Servius Tullius, il y
avoit une Expiation [0-.
lemnelle pour tout le peuple
, & parce qu'elle se faisoit
tous les cinq ans, ctefi:,
du mot lustrare
,
expier ,
que cet espace de temps a
pris le nom de Luflmra.
Dans les Jeux Seculaires, *
qui comme l'on sçait se
celebroient tous les 110.
ans ,
la pompe commençoit
tousjours parune Expiation
généra le, & les
Prestres distribuoient tout
ce qui estoitnecessaire pour
la pratiquer. ~r '1,
Mais avec ces Festes déterminées
a certains jours
fixes, on ordonnoit en certaines
occasions des Expiations
extraordinaires.Ainhy
selon le témoignage de
Denis d'Halicarnasse
,
la
Ville de Romefut purifiée
aprés que les Tarquins en
eurent esté chassez. Selon
Je mesme Autheur
,
elle le
fut encore neu fans aprés
au sujet du meurtre d'un
grand nombre deCitoyens,
qui avoient esté tuez en
voulant restablir les mesmes
Tarquins
,
& quoyqu'unejustenecessité
l'eust
fait commettre, le Senat
arresta neanmoins que tout
le Peuple ferait, expié d'autant , que sans cette précaution
il ne leur eust pas
esté permis d'approcher
des Autels, & de faire les
Sacrifices ordinaires.rr-
Ce n'estoitpas seule
ment sur les Villes entieres
que tomboient les Expiations.
Elles s'exerçoient encore
sur certains particuliers
qu'on jugeoit devoir
estrepurifiez. Lorsqu'on
pratiquoitces Ceremonies
à l'égard des Carrefours
,
on les nommoit Compitalia, &c.•»•• Les Atheniens purisioient
aussi les Theatres &
les lieux où se tenoient les
A*ssemb•lées p•ubliq•ues. Chez les Romains clou.,
ze personnes nomniéesr-,ra.
tres Arvales,purisioient la
Campagne aunloÍs de
May, & les Expiationsqui
netomboientque sur les
perionnes estoient ou publiques
ou particulieres.
Les Expiations du premier
genre (ont celles dont
on usoit dans les Armées.
On les expioit ordinairement
avant £c après le
combat. Lapremiere de cesExpiations
se faisoit pour prevenir
les malheurs que le sort
des armes pouvoit faire
apprehender;l'autre estoit
destinée pour se purifier dixcarnage
qu'on avoit fait
dans l'action,& pour appaiser
les Manes de ceux
qui y avoient esté tuez, &
toutes les deux estoient appelléesArmilustrium.
Quand aux Purifications
particulieres,elles estoient
d'un ressort beaucoup plus
estendu,puisqu'il n'y avoit
ni Nôces ni Funerailles qui
n'y fussentégalementassujetties.
Mais la superstition
des Anciens nes'arrestoit
pas à ces actions communes.
Elle multiplioit tellementàleursyeuxles
objets
de frayeur,qu'ils'imaginoientvVoOiIrr
à tous 1m11o0--,
mentsla Nature soulevée
se declarer contre eux, &
les Elements irritez se déchaisner
pour declarer la
guerre au genre humainde
la part des Dieux. Un Orage
imprévu
,
la chute de la
Foudre, le debordement
des Rivieres nesefaisoient
pas craind re seulement
pour les dommages réels
cjiuls causoient ; ils passoient
pour autant de presages
de malheurs encore
plus redoutables
Theophraste en faisant le
Portrait d'unSuperstitieux,
ditque les vapeurs d'un
Songe, la rencontre d'une
Belette, ou le cris d'une
Souris,troublent l'esprit
d'un homme timide, &
l'arrestent tout court au
milieu de sacourse & de
ses projets.
Ecoutons Aristophanes.
Qu'un Tremblement de
Terre se faffe [cotir, dit ce
Comique , qu'un feu de
mauvaiseaugure brilletout
àcoup dans l'air, qu'une
Belette vienne à passer dans
le lieu de l'Assemblée publique,
ne se reparera-t-elle
pasàl'instant,&c.
Dans le temps qu'on faisoit
l'élection de Fabius
Maximus àla dignité de
Dictateur, & de C. Flaminius
à celle de General de
la Cavalerie
, on entendit
le cris d'une Souris, &c'en
fut assez ,au rapport de
Valere Maxime, pour obliger
ces Magistrats à se déposer.
A l'égard des Songes,
Plutarque nous fait une
vive peinture de cette superstition.
Le sommeil
, ditce Philosophe
,
fait oublier
aux Esclaves la dureté
de leursMaistres. Iladoucit
les peines des matheu"
reux enchaisnez dans une
prison. Il donne du rclaCche
a la douleur la plus
vive; tout s'abandonne a
ses charmes, & la superstition
feule y est insensible.
Elleagiteceuxqu'elle
captive jusques dans lesein
du repos, & leur suscite
des visionsterribles de
Monstres & de Furies.
-
Tourmentez de ces cruelles
chimeres ils ne peuvent
cesser de les craindre, lors
,,Inetme qu'ils son éveillez,
&
& pour se délivrer d'un
supplice que leur crédulité
feule leur fait souffrir, ils
achètent à grand frais le
secours des Devins. Si vous
apprehendez l'effet de quelquevision,
leur crient ces
Charlatans
,
si vous êtes
poursuivis par Hecate la
terrestre, appeliez laVieille
qui paistritvostre pain,
plongez-vous dans la Mer,
&tenez-vousassis à terre
tout le long d'un jour,&c.
Après avoir parlé de
L'Expiation des homfc
cides , Mr l'Ablpé de
Boissyenrapportédans
un seul point d'hill:oi:
re les circonstances IC$
plusessentielles,
** • <w
Jason
,
chef des Argow
nautes,après avoir enlevé
la Toison d'or avecMedéê,
fut poursuivi par les Peuples
de Colchos commandez
par le jeunt Abfyrte,
frere de cette Princesse. Les
Grecs, qui seftoient' retirez
dans une des Bouches
du Danube, présd'être
accablez par le nombre,,
deliberaient déjà de livrer
Medée
, pour obtenir le
passage qui leur était fermé
lors que cette Princesse
le? tira d'embarras par cette
ruse. Elle envoya de magnifiques
presens à son frere.
Elle luy fit dire qu'on
l'emmenait contre son gré,
& luy proposa de se rendre
seul vers le soir dans
une Ile voisine, l'aÍfurJl}t
qu'elle s'y trouverait seule
desoncoté
, & qu'elle
voulait retourner aveclui
àColchos a près avoir tiré
laToison d'entre les mains
des Grecs. Absyrte vint
imprudemment au rendez-
vous où il croyoit ne
rencontrer que sa iceur;
mais Jason qui s'y était
caché de concert avec elle,
attaqua tout a coup le jeunePrince
qui n'était point
sur ses gardes, & le tua
sans beaucoup de peine.
Aussi tôt il coupe les extrem
itez de ce Cadavre; il
lèche trois fois le sang qui
en sortait & observe de
le cracher trois fois ieion
la coutume des Meurtriers
qui pretendoient s'expier,
ainsi que le remarque le
Poëte
, à quoy le Scoliaste
ajoute que l'usage des Assassinselloit
des'attacher
! au col les extremitez du
Corps de ceux qu'ils
avoient massacrez. Aprés
cette action sanglante
,
Jason
& Medée se baftereiic
de regagner leur Vaisseaus,
& les Argonautes ayant
surpris quelques Batimens
de Colchos, se fan--
verent à la fayeur., de la
nuit. Ils abordèrent dan$
l'Ile d'Acca, où Jason &;,
Medée prirent terre pour
se faire expier par Circé
qui en était Souveraine.
CettePrincesseSoeur d'Æetes,
& Tante de Medée-.,
les reçut avec bonté sans les
connaitre
, & voulut en
vain les faire asseoir. L'ua
& l'autre sans proférer une
feule parole,&. tenant les
yeux baissez, s'avancerent
promptement jusquau
foyar
,
sélon la coutume
des Suppliants, & s'y tinrent
assis après que JaforJ
eut fiché en terred'épés
dont ilavait tuéAbsyrte
Leur silence ôe leur situationfirent
aisément comprendre
à Circé qu'ils estaient
fugitifs & coupables
de~~ quelque homicide.
Alors, continue le Poëte ,
touchée de rerpea- pour
Jupiter protecteurdes supphants>;*
clleordonne les
apprets duSacrifice. On
apporte d'abord un petit
Cochon qui tettoietcrxôrr,
ellel'égorge ; ellefrotte de
Con. faiïg les mains de Jason
& de Medée, & fait
des Libations en invÓqtiant:
JupiterExpiateur. Ensuite,
ayant fait jetter dehors par
ses femmes les restes du
Sacrifice elle., brulle sur
l'Autel des Gateaux paitris
de Farine, de Sel &
d'Eau, êc accompagne
cette action de Prières propres
à flechir la colere des
cruellesEumenides , sait
qu'ilseussènt trempé leurs
mains dans un fang étranger,
soit qu'ils les eussent
foüillées du meurtre d'un
de leurs Citoyens ou de icursprocllcs*
Dés
Desqueces Ceremonies
furent achevées, Circé
ignorantencore le fort & le
nom de ses hôtes
,
lesfie
asseoir sur des sièges magnifiques
,3e leurdemanda
qui ils estoient
,
d'où iisvenaient quelsujet
lesavoit engagez d'implorer
son secours. Medec,
qu'elle souhaittaitsurtout
d'entendre parler, n'eut
pas plustot levé la teste
3 qu'ellesefit reconnaitre à
ses ycux brillantd'unéclat
particulier à
-
la famille
fr!'y£etes fils du Soleil,puis
s'exprimant en la langue
deColchos, ellese justifia
d'une voix timide,rejettant
sur de mauvais conseils
tout ce qu'elle avait
fait, & passant legerement
sur la mort d'Absyrte.Mais
Circé n'en comprit pas
moins toute l'atrocité de
ses forfaits. Malheureuse
Princesse
,
s'écria-t-elle
dont la suite n'est pas
moins indecenre que criminèlle
? comment éviterez-
vous la fureur d'y£etes
, qui pour venger la
mort de son fils vous poursuivra
sans doute jusqu'au
fond de la Grece? Pour.
moy, dont vousavez imploré
la protection en état
-,
deflipplilatirelein"abfliendray
de rien entreprendre
contre vous; maisn'attendez
point que j'approuve
ni vos desseins ni vostre
fuite, & queje vous donne
aziledans ce Palais non
plus qu'à l'inconnu que
vous suivezcontrele gré
de vostre Pere. Aces mots, ,
Medée toute tremblante
& fondant en larmes
,
fut
emmenée par Jason avl-c
lequel elle rejoignitlesArgonautes
, &c.
Le foyer estoit aussi un
azile sacré chez les Romains;
car selon Plutarque
Coriolan qui avoit esté
banni de son Pays, contraint
de chercher un azile
chezTullusAufidius,
le plus considerable des
Volsques, & son ennemi
particu lier, prit en entrant
chez luy le party de s'asseoir
prés du foyeroù il
demeura sans parler, &
sans le découvrir la teste
lx. le visage, ce qui est afsez
conforme à la contenance
de Medée cliczCiri
cé.
On pourroitestre surpris
de voir dans ces exemples
d'illustres malheureux
se jetter entre les
bras de leurs ennemismes
mes,mais ils estoient trop
seures du respect <111011
avoit de leur temps pour ledroit des suppliants que
les plus scelerars eussent à
peine osé violer; senti-
-mènes louables, sur lesquels
on a-sansdoute formé*
ce Proverbe qui fait tant
d'honneur aux moeurs de
l'Antiquité
,
Res rft- sacra
misèr.
On a vu dans la purification
de jason & deMedée
,
que les restes du Sacrifices
avoienr esté jettezdehors,
& c'estce quis'observoit
scrupuleusement
dans routesles Expiations,
tantàl'égard des Victimes
que des autres Offrandes.
Agamemnon, dans le I,
de l'Iliade, commande de
purifier l'Armée
,
ensuite
dequoy l'on jette dans la
Merlesrestes du Sacrifice.
LesEgyptiens,auxrapport
d'Herodote velidoientaux
Grecs prévenus
apparemment contre leur
Religion, la teste de la
VicUmcimmoiéejOÙ s'ils
ne trouvoient point de ces
Marchands Etrangers, ils
la jettoient dans le Nil
en prononçant ces paroles:
Puissant tomber sur
cette teste, les malheurs qut
prenacent l'Egypte où celuy
qui fait ce Sacrifice.
Surquoy l'on doit remarquer
quec'estoit tousjours
dansla Mer, dans les Fteur*
ves ou dans les Ruliteaux'
qu'on easevelissoit autant
qu'il estoit-possible, ces
restes de testes. Pour ceux
qui estoient trop eloignez
des eaux, ils se contentoient
de les faire porter
dans les Carrefours ; on.*
s'abstenoit encore en jectant
ces restes, de regarder
derriere soy,de peur d'attirer
en les voyant, les
malheurs qu'on se figuroit
y estreattachez.
Il y avoit une forte:
d'expiation de l'homicide
bien plus commode&
plus facile queles autres; elle consistoit à se laver
simplement dans un Eau
courante. Elle avoit efiré
pratiquée dés les premiers
siecles
,
sur tout par les
Grecs qui- la transmirent
aux Latins,
On employoitsurtout,
cette derniere espece de
Purification en forçantdes
Batailles.Achille , à soin
de se purifier à Milet dans
une Source d'eau courante
a près avoir tué Strambellus
Roy des Leleges.
Xuéc , au II. Livre dc-'
FEneïde
,
assure qu'il ne
luy est pas permis de se
charger des Statuës des
Dieux jusqu'à ce qu'il se
foit expié par cette Ceremonie.
'- Horace après avoir tué
sa Soeur fut expié de )~
maniere que les Loix le
prefcrivoienr pour les
nielirtresinvolontaires.Lee
Prestres éleverent alors
deux Autels, l'unà Junon
Infpearice des Soeurs, &
l'aurre à un Dieu ou Genie
du Pays, que lesRomains
eiit- appelléjanus & ont
surnomméCuriace
,
du
nom de ces Albain, infortunez
c]a'Horaceavoit1liez
en deffendant sa Patrie.
Lors que les Sacrifices &
les Expiationsfurentachevécs
, on fit enfin passer
Horace sous le joug coustume
pratiquée par les
Romains à l'égard des ennemis
qui se rendoi nt à
discretion.Tite-Live, qui lit à peu prés le mesme
dérail ,ajouste seulement
que l'expiation se fit aux
dépens du Public; qu'on
couvrit la teste d'Horacelorsqu'il
passasous le joug
&quelapratique desCeremonies
qu'on avoit observées
à son égard fus
transmise à sa famille comme
une espece d'heritage.
MrfabbdeBoe
Mrl'AbbédeBoissy
marque dans le commencement
de ionL)acours,
l'importance Sç
l'ancienneté des expiationSjfic
prouve que les
plusanciens Autheurs
delaTheologie Payenne
, ont reconnu cette
Providence divinc,qui
recompense le bien ôC
punit le mal
, & que
dans tous les temps on
avait cru les expiations
ducrime, une Loy indispensable
de cette
Providence. Il montré
l'abus que les Payens
faisoient de cette Loy,
en immolant des Victimes
humaines
,
Sacrifices
cruels, dit-il
dans lesquels on offinçoit
la nature , en voulant révérer
les Dieux, &c.
Ensuite aprèsavoir
expose cette vérité consiante,
qu'avant la Loy
deMoïse, levrayDieu
avoit establi les Sacrisices.
Ilfait voir l'abus
que la superstition en
a fait par degrez.
Voicy ce qu'il rapporte
d'Hellode sur la
punition des crimes &
la necessité des Expiations.
Hefîodedit-il, dans sa.
Theogonie raconte que la
Nuit enfanta les cruelles
Parques Clotho
,
Lachesis,
& Atropos
,
fatales dispensatrices
du bien & du mal,
dont la severité s'attachant
à poursuivre le crime, le
punit également dans le*
hommes&dans les Dieux,
& dont la colere ne s'aplpeassse
qu'après avoir f appé
criminels.Il ajousteque
la Nuit eut encore pour
fille
,
Nemesis
,
Déesse si
redoutable aux malheureux
mortels que les Grecs
ont aussi connuë fous les
noms de Rhamnusienne
d'Adrastée
,
& que les Romains
qui ne luy avoient
point donné de nom propre
en leur Langue, n'ont
pas laissé de reverer dans
le
le Capitole,suivant le témoignage
de Pline. Plutarque
qui luy donne pour
auteurs de sa naissance, Jupiter
& la Niceffité, nous
la reprefenreplacée dans
un lien fort élevé d'où elle
ordonna des chastiments
pour tous les crimes. Point
de Scélératquela force ou
l'adresse puisse soustraire à
sa poursuite. Trois autres
Déesses luy fervent de Ministres,
& sont employées
à l'execution de ses ordres;
l'une prompte& legere appellée
Panée, s'attache aux
coupables qu.i des cettevie
sont condamnez à des peines
corporelles; elle est
moins cruelle que les autrès,
& laisse mesme passer
des fautes legeres, qui semùbleroient
demander quelque
sorte d'expiation.Ceux
dont les mauvaises habitudes
sont plus difficiles à
corriger
,
tombent après
leur mort entre les mains
de Dicée, la seconde de ces
Divinitez vengeresses.. A
l'égard des Criminels les
plus endurcis,aprés avoir
estérepoussezparDicée
ils sont livrez à la fureur
d'Erenys, plus implacable
que le s deux autres. Elle
les poursuit sans relasche,
& après les avoir fait longtemps
errer dans la douleur
& dans l'affliction les précipice
dans un abysme affreux,
&c.
lu
M. l'Abbéde Boiflfy
tire de cette allegorie,
& de plusieurs autres
partages aussi anciens
,
cette vérité crue dans
tous les temps, que les
Dieux punisoient les
crimes, & qu'ils se laissoient
fléchir par les
Expiations.
Ilobservedeplus queles
Philosophes
,
& sur tout
les Pythagoriciens, se proposoient
dans l'expiation
une fin beaucoup plus noble
& plus élevée.
Leur Purification celebre
dans l'Antiquité, fous
le nom de kadaroysavoient
quelque rapport à ce que
nosMystiques appellent la
vie Purgative.Ellesestoient
,;J,iO:inguées en différents
degrez par le moyen dei:
quelsils prétendoient l'amedegagée que de toutes
les soüil eures qu'elle avoir
contractée par sonunion.
avec la Matiereestoit restablie
dans toute la pureté
de sa premiereorigine *,
de
forte qu'après sa separation
d'avec le corps, elle parvenoit
enfin à estre déïfiée,
C'est ainsi que s'exprime
un decesPhilosophes dans
les Vers dorez attribuez
communement à Pythagoj:
e.'
1
Et quand ton Ame separée
de ton Corps
,
fera;
parvenuë dans la région
de l'air le plus pur , tu de'::
viendras un immortel,incorruptible.
Mais ce n'est
pas icy le lieud'examiner
cette opinion que nous reservons
à développer dans
la suite,&c. ., 1 , M.l'AbbédeBoissy
paffe de là à un détail
tres curieux, des differents
termes que les
Grecs & les Romains
appliquoient aux Sacrifices
expiatoires.
-15?: Kjia^c m;Î
'!lcIl remarque ensuite que le
surnom de Fehruata chez
lesSabins,&chez les Romains
celuy de Februlis,
parce que tous les ans dans
la Feste des Lupercales; on
faisoit l'expiation de la
Ville de Rome, par cette
raison ce jour se nommoit
Februatus. C'est delà au
rapport de Varron & de
Festus que le mois de Fé.,
vrier a tiré son nom d'au.
tant que cette ceremonie
se pratiquoit pendant ce
mois;PlineLiv. 15.ch.19.
fait mention deVenus Cluà.-
cirra del'ancien motcliïereJ
purifier.
Cetteexactitude à specifier
les noms des Dieux
passoit pour un point tellement
important dan s la
TheologiePayenne, qu'on
la poulloit jusqu'au scrupule,
& qu'on croyo t n'y
pouvoirmanquer sans encourir
leur indignation.
C'est ce qu'on peur voir
danslePhilebus de Platon.
Un des Personnnges d ce
Dialogue avoit avancéque
la
la Déesseque l'on appelloit
communement Venus, pouvoitestre nommée plus
proprement & plus veritablement
la Volupté: Ma
crainte est excessive
,
répond
Socrate,lorsqu'il s'agit de
donner des noms aux Dieux,
4,'infipuifquil a plû à cette |.Deesse dese faire appeller
Venus,je parlerayd'ellesous le
nom qu'elle aime le mieux.
Les Anciensapprehen-
1- doient tellement d'omettre
ce nom favori de chaque
1
Divinité qu'ils chargeoient
leurs invocations de tous
ceux dont ils pouvoient
s'aviser, c'est ce qu'on peut
aisément remarquer dans
la pluspart des Hymnes
anciennes qui ne sont le
;
plussouvent qu'un tissu de
<,
surnoms & d'épithetes.
Ainsi Carulle aprés avoir
invoque Diane de différentes
maniérés; Soye% revérée
j luydit-il
y
soustel
nom qu'il vous plaira de prendre.
Ainsi dans le Poëme
seculaire d'Horace, ce Poete
s'adresse à la mesme
Déesseen ces termes : FavorableHithyie,
OHLncine>
soitque vous choififlie'{ ce nom,
soit que vous luy préferiez
celuy de Déesse qui préside
aux Nôces.
Quelquefois au lieu de
demander aux Dieux quel
nom leur estoit le plusagreable
, on se contentoit
de mettre au pluriel un de
ceux qu'ils portoient, comme
pour embrasser par là
toute la Divinité
,
8c ne
rien oublier de ses attributs.
C'est en ce sens que
l'oracle des Sybilles a dit:
Aprésles Parques ilfautappaiser
les Hithyies par des SA*
crifices comme il est convenable.
EnfuiteM.l'Abbéde
Boissy donne aprés les
anciens,au terme d'Expiation>
une ligniifcation
plus étenduë,&
dit:
Qu'ils se servoient des
mots expiare & lustrare,
nonfeulementpar rapport
auxcrimes5mais encore a
l'égard de tout ce guils regardoient
comme la fuite
.ou l'effet de ces mesmes
crimes. Ainsi, expier ne
signisioit souvent autre
chose que faire certains
actes de Religion dans la
vûë d'éloigner quelques
malheurs soit qu'on les ressentit
actuellement
,
soit
que l'on en fust seulement
menace par des prodiges
ou par d'autres ifgnes, &c, •#•••*t -
Ce n'estoient passeulement
lesparticuliers qui
avoient besoin d'expiation,
des Villes toutes entieres
se croyoient obligées d'y
avoir recours. La pluspart
d'entr'elles avoient un jour
fixe pour cette Ceremonie
que l'on renouvelloit couY
les ans. Elle se faisoit à
Rome le 5 de Février. Le
Sacrifice se nommoit Amburbale
ou Amburbium, se-
Ion Servius
, & les Victimes
que l'on yemployoit
dmburbiales,au rapport de
Festus.
On la celebroit à Athenes
le 6. du mois Thargelion,
qui répondoit à celuy
d'Avril. C'est Diogene
laërce qui nous en assure
dans la vie de Socrate. •
Chez les Romains , aprés
le dénombrement des
Citoyens, qui fut institué
par Servius Tullius, il y
avoit une Expiation [0-.
lemnelle pour tout le peuple
, & parce qu'elle se faisoit
tous les cinq ans, ctefi:,
du mot lustrare
,
expier ,
que cet espace de temps a
pris le nom de Luflmra.
Dans les Jeux Seculaires, *
qui comme l'on sçait se
celebroient tous les 110.
ans ,
la pompe commençoit
tousjours parune Expiation
généra le, & les
Prestres distribuoient tout
ce qui estoitnecessaire pour
la pratiquer. ~r '1,
Mais avec ces Festes déterminées
a certains jours
fixes, on ordonnoit en certaines
occasions des Expiations
extraordinaires.Ainhy
selon le témoignage de
Denis d'Halicarnasse
,
la
Ville de Romefut purifiée
aprés que les Tarquins en
eurent esté chassez. Selon
Je mesme Autheur
,
elle le
fut encore neu fans aprés
au sujet du meurtre d'un
grand nombre deCitoyens,
qui avoient esté tuez en
voulant restablir les mesmes
Tarquins
,
& quoyqu'unejustenecessité
l'eust
fait commettre, le Senat
arresta neanmoins que tout
le Peuple ferait, expié d'autant , que sans cette précaution
il ne leur eust pas
esté permis d'approcher
des Autels, & de faire les
Sacrifices ordinaires.rr-
Ce n'estoitpas seule
ment sur les Villes entieres
que tomboient les Expiations.
Elles s'exerçoient encore
sur certains particuliers
qu'on jugeoit devoir
estrepurifiez. Lorsqu'on
pratiquoitces Ceremonies
à l'égard des Carrefours
,
on les nommoit Compitalia, &c.•»•• Les Atheniens purisioient
aussi les Theatres &
les lieux où se tenoient les
A*ssemb•lées p•ubliq•ues. Chez les Romains clou.,
ze personnes nomniéesr-,ra.
tres Arvales,purisioient la
Campagne aunloÍs de
May, & les Expiationsqui
netomboientque sur les
perionnes estoient ou publiques
ou particulieres.
Les Expiations du premier
genre (ont celles dont
on usoit dans les Armées.
On les expioit ordinairement
avant £c après le
combat. Lapremiere de cesExpiations
se faisoit pour prevenir
les malheurs que le sort
des armes pouvoit faire
apprehender;l'autre estoit
destinée pour se purifier dixcarnage
qu'on avoit fait
dans l'action,& pour appaiser
les Manes de ceux
qui y avoient esté tuez, &
toutes les deux estoient appelléesArmilustrium.
Quand aux Purifications
particulieres,elles estoient
d'un ressort beaucoup plus
estendu,puisqu'il n'y avoit
ni Nôces ni Funerailles qui
n'y fussentégalementassujetties.
Mais la superstition
des Anciens nes'arrestoit
pas à ces actions communes.
Elle multiplioit tellementàleursyeuxles
objets
de frayeur,qu'ils'imaginoientvVoOiIrr
à tous 1m11o0--,
mentsla Nature soulevée
se declarer contre eux, &
les Elements irritez se déchaisner
pour declarer la
guerre au genre humainde
la part des Dieux. Un Orage
imprévu
,
la chute de la
Foudre, le debordement
des Rivieres nesefaisoient
pas craind re seulement
pour les dommages réels
cjiuls causoient ; ils passoient
pour autant de presages
de malheurs encore
plus redoutables
Theophraste en faisant le
Portrait d'unSuperstitieux,
ditque les vapeurs d'un
Songe, la rencontre d'une
Belette, ou le cris d'une
Souris,troublent l'esprit
d'un homme timide, &
l'arrestent tout court au
milieu de sacourse & de
ses projets.
Ecoutons Aristophanes.
Qu'un Tremblement de
Terre se faffe [cotir, dit ce
Comique , qu'un feu de
mauvaiseaugure brilletout
àcoup dans l'air, qu'une
Belette vienne à passer dans
le lieu de l'Assemblée publique,
ne se reparera-t-elle
pasàl'instant,&c.
Dans le temps qu'on faisoit
l'élection de Fabius
Maximus àla dignité de
Dictateur, & de C. Flaminius
à celle de General de
la Cavalerie
, on entendit
le cris d'une Souris, &c'en
fut assez ,au rapport de
Valere Maxime, pour obliger
ces Magistrats à se déposer.
A l'égard des Songes,
Plutarque nous fait une
vive peinture de cette superstition.
Le sommeil
, ditce Philosophe
,
fait oublier
aux Esclaves la dureté
de leursMaistres. Iladoucit
les peines des matheu"
reux enchaisnez dans une
prison. Il donne du rclaCche
a la douleur la plus
vive; tout s'abandonne a
ses charmes, & la superstition
feule y est insensible.
Elleagiteceuxqu'elle
captive jusques dans lesein
du repos, & leur suscite
des visionsterribles de
Monstres & de Furies.
-
Tourmentez de ces cruelles
chimeres ils ne peuvent
cesser de les craindre, lors
,,Inetme qu'ils son éveillez,
&
& pour se délivrer d'un
supplice que leur crédulité
feule leur fait souffrir, ils
achètent à grand frais le
secours des Devins. Si vous
apprehendez l'effet de quelquevision,
leur crient ces
Charlatans
,
si vous êtes
poursuivis par Hecate la
terrestre, appeliez laVieille
qui paistritvostre pain,
plongez-vous dans la Mer,
&tenez-vousassis à terre
tout le long d'un jour,&c.
Après avoir parlé de
L'Expiation des homfc
cides , Mr l'Ablpé de
Boissyenrapportédans
un seul point d'hill:oi:
re les circonstances IC$
plusessentielles,
** • <w
Jason
,
chef des Argow
nautes,après avoir enlevé
la Toison d'or avecMedéê,
fut poursuivi par les Peuples
de Colchos commandez
par le jeunt Abfyrte,
frere de cette Princesse. Les
Grecs, qui seftoient' retirez
dans une des Bouches
du Danube, présd'être
accablez par le nombre,,
deliberaient déjà de livrer
Medée
, pour obtenir le
passage qui leur était fermé
lors que cette Princesse
le? tira d'embarras par cette
ruse. Elle envoya de magnifiques
presens à son frere.
Elle luy fit dire qu'on
l'emmenait contre son gré,
& luy proposa de se rendre
seul vers le soir dans
une Ile voisine, l'aÍfurJl}t
qu'elle s'y trouverait seule
desoncoté
, & qu'elle
voulait retourner aveclui
àColchos a près avoir tiré
laToison d'entre les mains
des Grecs. Absyrte vint
imprudemment au rendez-
vous où il croyoit ne
rencontrer que sa iceur;
mais Jason qui s'y était
caché de concert avec elle,
attaqua tout a coup le jeunePrince
qui n'était point
sur ses gardes, & le tua
sans beaucoup de peine.
Aussi tôt il coupe les extrem
itez de ce Cadavre; il
lèche trois fois le sang qui
en sortait & observe de
le cracher trois fois ieion
la coutume des Meurtriers
qui pretendoient s'expier,
ainsi que le remarque le
Poëte
, à quoy le Scoliaste
ajoute que l'usage des Assassinselloit
des'attacher
! au col les extremitez du
Corps de ceux qu'ils
avoient massacrez. Aprés
cette action sanglante
,
Jason
& Medée se baftereiic
de regagner leur Vaisseaus,
& les Argonautes ayant
surpris quelques Batimens
de Colchos, se fan--
verent à la fayeur., de la
nuit. Ils abordèrent dan$
l'Ile d'Acca, où Jason &;,
Medée prirent terre pour
se faire expier par Circé
qui en était Souveraine.
CettePrincesseSoeur d'Æetes,
& Tante de Medée-.,
les reçut avec bonté sans les
connaitre
, & voulut en
vain les faire asseoir. L'ua
& l'autre sans proférer une
feule parole,&. tenant les
yeux baissez, s'avancerent
promptement jusquau
foyar
,
sélon la coutume
des Suppliants, & s'y tinrent
assis après que JaforJ
eut fiché en terred'épés
dont ilavait tuéAbsyrte
Leur silence ôe leur situationfirent
aisément comprendre
à Circé qu'ils estaient
fugitifs & coupables
de~~ quelque homicide.
Alors, continue le Poëte ,
touchée de rerpea- pour
Jupiter protecteurdes supphants>;*
clleordonne les
apprets duSacrifice. On
apporte d'abord un petit
Cochon qui tettoietcrxôrr,
ellel'égorge ; ellefrotte de
Con. faiïg les mains de Jason
& de Medée, & fait
des Libations en invÓqtiant:
JupiterExpiateur. Ensuite,
ayant fait jetter dehors par
ses femmes les restes du
Sacrifice elle., brulle sur
l'Autel des Gateaux paitris
de Farine, de Sel &
d'Eau, êc accompagne
cette action de Prières propres
à flechir la colere des
cruellesEumenides , sait
qu'ilseussènt trempé leurs
mains dans un fang étranger,
soit qu'ils les eussent
foüillées du meurtre d'un
de leurs Citoyens ou de icursprocllcs*
Dés
Desqueces Ceremonies
furent achevées, Circé
ignorantencore le fort & le
nom de ses hôtes
,
lesfie
asseoir sur des sièges magnifiques
,3e leurdemanda
qui ils estoient
,
d'où iisvenaient quelsujet
lesavoit engagez d'implorer
son secours. Medec,
qu'elle souhaittaitsurtout
d'entendre parler, n'eut
pas plustot levé la teste
3 qu'ellesefit reconnaitre à
ses ycux brillantd'unéclat
particulier à
-
la famille
fr!'y£etes fils du Soleil,puis
s'exprimant en la langue
deColchos, ellese justifia
d'une voix timide,rejettant
sur de mauvais conseils
tout ce qu'elle avait
fait, & passant legerement
sur la mort d'Absyrte.Mais
Circé n'en comprit pas
moins toute l'atrocité de
ses forfaits. Malheureuse
Princesse
,
s'écria-t-elle
dont la suite n'est pas
moins indecenre que criminèlle
? comment éviterez-
vous la fureur d'y£etes
, qui pour venger la
mort de son fils vous poursuivra
sans doute jusqu'au
fond de la Grece? Pour.
moy, dont vousavez imploré
la protection en état
-,
deflipplilatirelein"abfliendray
de rien entreprendre
contre vous; maisn'attendez
point que j'approuve
ni vos desseins ni vostre
fuite, & queje vous donne
aziledans ce Palais non
plus qu'à l'inconnu que
vous suivezcontrele gré
de vostre Pere. Aces mots, ,
Medée toute tremblante
& fondant en larmes
,
fut
emmenée par Jason avl-c
lequel elle rejoignitlesArgonautes
, &c.
Le foyer estoit aussi un
azile sacré chez les Romains;
car selon Plutarque
Coriolan qui avoit esté
banni de son Pays, contraint
de chercher un azile
chezTullusAufidius,
le plus considerable des
Volsques, & son ennemi
particu lier, prit en entrant
chez luy le party de s'asseoir
prés du foyeroù il
demeura sans parler, &
sans le découvrir la teste
lx. le visage, ce qui est afsez
conforme à la contenance
de Medée cliczCiri
cé.
On pourroitestre surpris
de voir dans ces exemples
d'illustres malheureux
se jetter entre les
bras de leurs ennemismes
mes,mais ils estoient trop
seures du respect <111011
avoit de leur temps pour ledroit des suppliants que
les plus scelerars eussent à
peine osé violer; senti-
-mènes louables, sur lesquels
on a-sansdoute formé*
ce Proverbe qui fait tant
d'honneur aux moeurs de
l'Antiquité
,
Res rft- sacra
misèr.
On a vu dans la purification
de jason & deMedée
,
que les restes du Sacrifices
avoienr esté jettezdehors,
& c'estce quis'observoit
scrupuleusement
dans routesles Expiations,
tantàl'égard des Victimes
que des autres Offrandes.
Agamemnon, dans le I,
de l'Iliade, commande de
purifier l'Armée
,
ensuite
dequoy l'on jette dans la
Merlesrestes du Sacrifice.
LesEgyptiens,auxrapport
d'Herodote velidoientaux
Grecs prévenus
apparemment contre leur
Religion, la teste de la
VicUmcimmoiéejOÙ s'ils
ne trouvoient point de ces
Marchands Etrangers, ils
la jettoient dans le Nil
en prononçant ces paroles:
Puissant tomber sur
cette teste, les malheurs qut
prenacent l'Egypte où celuy
qui fait ce Sacrifice.
Surquoy l'on doit remarquer
quec'estoit tousjours
dansla Mer, dans les Fteur*
ves ou dans les Ruliteaux'
qu'on easevelissoit autant
qu'il estoit-possible, ces
restes de testes. Pour ceux
qui estoient trop eloignez
des eaux, ils se contentoient
de les faire porter
dans les Carrefours ; on.*
s'abstenoit encore en jectant
ces restes, de regarder
derriere soy,de peur d'attirer
en les voyant, les
malheurs qu'on se figuroit
y estreattachez.
Il y avoit une forte:
d'expiation de l'homicide
bien plus commode&
plus facile queles autres; elle consistoit à se laver
simplement dans un Eau
courante. Elle avoit efiré
pratiquée dés les premiers
siecles
,
sur tout par les
Grecs qui- la transmirent
aux Latins,
On employoitsurtout,
cette derniere espece de
Purification en forçantdes
Batailles.Achille , à soin
de se purifier à Milet dans
une Source d'eau courante
a près avoir tué Strambellus
Roy des Leleges.
Xuéc , au II. Livre dc-'
FEneïde
,
assure qu'il ne
luy est pas permis de se
charger des Statuës des
Dieux jusqu'à ce qu'il se
foit expié par cette Ceremonie.
'- Horace après avoir tué
sa Soeur fut expié de )~
maniere que les Loix le
prefcrivoienr pour les
nielirtresinvolontaires.Lee
Prestres éleverent alors
deux Autels, l'unà Junon
Infpearice des Soeurs, &
l'aurre à un Dieu ou Genie
du Pays, que lesRomains
eiit- appelléjanus & ont
surnomméCuriace
,
du
nom de ces Albain, infortunez
c]a'Horaceavoit1liez
en deffendant sa Patrie.
Lors que les Sacrifices &
les Expiationsfurentachevécs
, on fit enfin passer
Horace sous le joug coustume
pratiquée par les
Romains à l'égard des ennemis
qui se rendoi nt à
discretion.Tite-Live, qui lit à peu prés le mesme
dérail ,ajouste seulement
que l'expiation se fit aux
dépens du Public; qu'on
couvrit la teste d'Horacelorsqu'il
passasous le joug
&quelapratique desCeremonies
qu'on avoit observées
à son égard fus
transmise à sa famille comme
une espece d'heritage.
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Résumé : Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Dans son discours, l'Abbé de Boissy souligne l'importance des expiations dans les religions anciennes, notant que les auteurs théologiques païens reconnaissaient une Providence divine récompensant le bien et punissant le mal. Il critique les sacrifices humains pratiqués par les païens, les qualifiant de cruels et contraires à la nature. L'Abbé de Boissy cite Hésiode, qui dans sa Théogonie, décrit les Parques et Nemesis, déesses punissant les crimes. Il mentionne également les philosophes, notamment les Pythagoriciens, qui voyaient dans les expiations une purification de l'âme. Les Grecs et les Romains avaient des termes spécifiques pour les sacrifices expiatoires et des cérémonies régulières pour purifier les villes et les individus. Ces expiations étaient pratiquées à des moments précis, comme après des combats ou des catastrophes naturelles, et pouvaient être ordinaires ou extraordinaires. Les Anciens croyaient que des événements naturels, comme des orages ou des tremblements de terre, étaient des présages de malheurs divins, les poussant à consulter des devins pour interpréter les songes et les signes. L'Abbé de Boissy décrit également les rites d'expiation pour les homicides, incluant des sacrifices et des prières pour apaiser les Euménides. Ces cérémonies visaient à purifier les participants et à prévenir les malheurs futurs. Le texte mentionne plusieurs exemples historiques et rituels anciens. Médée, fille du Soleil, et Jason, après la mort d'Absyrte, cherchent refuge auprès de Circé. Circé, bien qu'elle refuse de soutenir leurs desseins, leur accorde un refuge temporaire. Coriolan, banni de Rome, trouve refuge chez Tullus Aufidius, son ennemi, illustrant le respect des droits des suppliants dans l'Antiquité. Concernant les rituels de purification, les restes des sacrifices étaient jetés à la mer ou dans des cours d'eau pour éviter les malheurs. Les Égyptiens et les Grecs pratiquaient cette expiation, souvent après des homicides. Achille, Énée, et Horace sont cités comme ayant utilisé cette méthode de purification après des actes de violence. Horace, après avoir tué sa sœur, fut purifié selon les lois romaines et dut passer sous le joug, une pratique transmise à sa famille.
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5
p. 23-37
ODE. Sur un Procez gagné par une Dame.
Début :
Quels nouveaux concerts d'allegresse [...]
Mots clefs :
Procès, Dame, Lumière, Déesse, Ciel, Thémis, Impunité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE. Sur un Procez gagné par une Dame.
ODE.
Sur un Procès gagné
paruneDame.
QUels nouveaux concerts
d'allegresse
Retentissent de toutes
parts?
Quelle lumineuse Dé-
,
esse,
Attireicy tous mes re:
gards?
C'est Themis qui vient,
de descendre,
Themis ernpreffée à défendre
L'honneur de son sexe
outragé,
Et qui surl'envieétouffée
Vientélever un beau
Trosée
Au merite qu'elle a
vengé.
Par la nature & la fortune
Tous,
Tous nos destins sont
compassez,
Mais toûjours les bienfaits
de l'une
Par l'autre ontété traversez.
O Déesses,une mortelle
Seule à vôtre longue
querelle
Fit succeder d'heureux
accords.
Vous voulûtes à sa naissance
Signaler vôtre intelligence
En la comblant de vos
tresors.
Mais, que vois-je?la
noire Envie
Agitantson serpentaffreux,
Pour tenir l'éclat de-là
vie
Sort de son antre ténebreux.
L'avarice lui. sert de
guide,
Lamaliceausouris perfide,
-
L'impostureaux yeux
essrotez,
Del'ertfê^filtcs-iiiflciti-
, blesPI S^coiiaHclëur^: flambeaux
terribles
Marchent ta.ns ordrce"à,
ses côtez.
[L'innocence fiere
,-.
& tranquille - -
rVqit leurs exploits sans. s'ébranler, .,,,, )011 croit que leur fureur
sterile
EEnnvvaaininssécc'cllaattssvvaass'e'lxhaler.
Son esperance futtrompée,
De Themisalors oc-
.,cupee
Les secours furent -differez,
Et par l'impunité plus
forte
Leur audace frappoit
aux portes
Des tribunaux les plus
sacrez.
ElnafinnDtievin,ité bril-
Par toyleur orgueil est
détruit,
Et ta lumière étincelante
Dissîpe cette affreusè
1
nuit.
Déja leur troupe confondue,
A ton aspect tombe
éperdue,
Leur espoir. meurt
anéanti,
Et le noirdémon du
Dlênionge
Fuit, disparoît, & se
replonge
Dans l'ombre dont il
est forti..
Quille tes vêtemens
funèbres,
FiHç du Ciel,noble
pudeur,
La lumiere fort des
tenebres,
Reprends ta premier
fplcndeur.
D~ çmc divine mpr-
'{ t. V.
telle.
Dont tu fus la guidefidelle
Nos loïx ont été le foutien.
Reviens de palmes cou*
ronnée)
Etdeplaisirs enviroii-,
; née,
Chanter son triomphe
&le tien.
Assezla fraude & Finjustice,
Que sa gloire avoient
fçublesser,
Dans les pièges de l'artifice
Ont tâché de rembarasser.
Fuyez, jalousie obstinée,
De vôtre haleine erapoifonnée
Cessezd'offusquer les
vertus,
Regardez la haine impuissante
Et la discorde gemiffante,
Monstres fous ses pieds
abbatus.
Pour chanter leur joye
& sa gloire,
Combien d'immortelles
chansons
Les chastes filles de mémoire
Vont ditrer à leurs
nourrissons ?
Oh ! qu'après la triste
froidure
Nos yeux amis de la
verdure
font enchantez de son
retour.
Qu'aprèsles frayeursdu
naufrage,
On oublie aisément l'orage
Qui cede à l'éclat d'un
beau jour.
Tel souvent un nuage
sombre
Du sein de la terre exhalé
Tient fous l'épaisseur:
de son ombre
Le celesteflambeau
voilé,
La nature en tA cons- 1 temee~
Florelanguit abandonnée,
Philomcle u'a plus de
sons.
Et tremblant à ce noir
présage
Cerés pleure l'affreux
ravage.
Qui menace ses nourriflbns.
Mais bien-tôt, - vengeantleurinjure,
Je vois mille traits enââmez
Qui forcent la prison
obscure
Qui les retenoit enfermez.
Le ciel de toutes parts
s'allume
L'air s'échauffe, la terre
fume,
Lenuagecreve &pâlit,
Et dans un gouffre de
lumière
Savapeur humide & grossiere
Se dissipe &cs'ensevelit.
Sur un Procès gagné
paruneDame.
QUels nouveaux concerts
d'allegresse
Retentissent de toutes
parts?
Quelle lumineuse Dé-
,
esse,
Attireicy tous mes re:
gards?
C'est Themis qui vient,
de descendre,
Themis ernpreffée à défendre
L'honneur de son sexe
outragé,
Et qui surl'envieétouffée
Vientélever un beau
Trosée
Au merite qu'elle a
vengé.
Par la nature & la fortune
Tous,
Tous nos destins sont
compassez,
Mais toûjours les bienfaits
de l'une
Par l'autre ontété traversez.
O Déesses,une mortelle
Seule à vôtre longue
querelle
Fit succeder d'heureux
accords.
Vous voulûtes à sa naissance
Signaler vôtre intelligence
En la comblant de vos
tresors.
Mais, que vois-je?la
noire Envie
Agitantson serpentaffreux,
Pour tenir l'éclat de-là
vie
Sort de son antre ténebreux.
L'avarice lui. sert de
guide,
Lamaliceausouris perfide,
-
L'impostureaux yeux
essrotez,
Del'ertfê^filtcs-iiiflciti-
, blesPI S^coiiaHclëur^: flambeaux
terribles
Marchent ta.ns ordrce"à,
ses côtez.
[L'innocence fiere
,-.
& tranquille - -
rVqit leurs exploits sans. s'ébranler, .,,,, )011 croit que leur fureur
sterile
EEnnvvaaininssécc'cllaattssvvaass'e'lxhaler.
Son esperance futtrompée,
De Themisalors oc-
.,cupee
Les secours furent -differez,
Et par l'impunité plus
forte
Leur audace frappoit
aux portes
Des tribunaux les plus
sacrez.
ElnafinnDtievin,ité bril-
Par toyleur orgueil est
détruit,
Et ta lumière étincelante
Dissîpe cette affreusè
1
nuit.
Déja leur troupe confondue,
A ton aspect tombe
éperdue,
Leur espoir. meurt
anéanti,
Et le noirdémon du
Dlênionge
Fuit, disparoît, & se
replonge
Dans l'ombre dont il
est forti..
Quille tes vêtemens
funèbres,
FiHç du Ciel,noble
pudeur,
La lumiere fort des
tenebres,
Reprends ta premier
fplcndeur.
D~ çmc divine mpr-
'{ t. V.
telle.
Dont tu fus la guidefidelle
Nos loïx ont été le foutien.
Reviens de palmes cou*
ronnée)
Etdeplaisirs enviroii-,
; née,
Chanter son triomphe
&le tien.
Assezla fraude & Finjustice,
Que sa gloire avoient
fçublesser,
Dans les pièges de l'artifice
Ont tâché de rembarasser.
Fuyez, jalousie obstinée,
De vôtre haleine erapoifonnée
Cessezd'offusquer les
vertus,
Regardez la haine impuissante
Et la discorde gemiffante,
Monstres fous ses pieds
abbatus.
Pour chanter leur joye
& sa gloire,
Combien d'immortelles
chansons
Les chastes filles de mémoire
Vont ditrer à leurs
nourrissons ?
Oh ! qu'après la triste
froidure
Nos yeux amis de la
verdure
font enchantez de son
retour.
Qu'aprèsles frayeursdu
naufrage,
On oublie aisément l'orage
Qui cede à l'éclat d'un
beau jour.
Tel souvent un nuage
sombre
Du sein de la terre exhalé
Tient fous l'épaisseur:
de son ombre
Le celesteflambeau
voilé,
La nature en tA cons- 1 temee~
Florelanguit abandonnée,
Philomcle u'a plus de
sons.
Et tremblant à ce noir
présage
Cerés pleure l'affreux
ravage.
Qui menace ses nourriflbns.
Mais bien-tôt, - vengeantleurinjure,
Je vois mille traits enââmez
Qui forcent la prison
obscure
Qui les retenoit enfermez.
Le ciel de toutes parts
s'allume
L'air s'échauffe, la terre
fume,
Lenuagecreve &pâlit,
Et dans un gouffre de
lumière
Savapeur humide & grossiere
Se dissipe &cs'ensevelit.
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Résumé : ODE. Sur un Procez gagné par une Dame.
Le poème 'ODE. Sur un Procès gagné par une Dame' célèbre la victoire d'une femme dans un procès, symbolisée par la déesse Themis. Themis descend pour défendre l'honneur féminin outragé et élève un trophée au mérite vengé. Le poème souligne que les destins humains sont influencés par la nature et la fortune, mais que les bienfaits de l'une peuvent être traversés par l'autre. Une mortelle a réussi à mettre fin à une longue querelle entre les déesses en les réconciliant. La noire Envie, guidée par l'avarice, la malice et l'imposture, tente de ternir la vie de la dame. Cependant, l'innocence de la dame reste inébranlable face à ces attaques. Themis intervient, et l'impunité des méchants est brisée par la lumière de la justice. La troupe malfaisante est confondue et disparaît, permettant à la noble pudeur de reprendre sa place. Le poème se termine en célébrant la victoire de la dame, comparant sa situation à celle de la nature qui se régénère après une tempête. Les chastes filles de mémoire chanteront sa gloire, et la nature se réjouira de son retour, comme après une période de froid et de ténèbres.
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6
p. 20-33
PAR Mr. V. A Mr. DE** Qui lui avoit envoyé un Remede pour la Fiévre.
Début :
Plus ne m'enquiers de quelle drogue avez [...]
Mots clefs :
Fièvre, Dieu, Déesse, Santé, Yeux, Remède, Drogue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PAR Mr. V. A Mr. DE** Qui lui avoit envoyé un Remede pour la Fiévre.
PAR Mr.V.AMr.DE**
Qui lui avoit envoyé un Remede
pour la Fièvre. P Lus ne m'enquiers de
quelle drogue avez
Formé ce bol, par qui feroient
bravez
Bien plus de maux, plus
de pestes encore,
Que parmi nous n'en apporta.
Pandore.
Nul mal ne tient contre
ce bol divin,
J'envoys enmoy la vertu
confirmée
Contre une Fiévre en mon
sang allumée,
Du Kinkina le secours.
étoit vain,
Point n'en étoit la fureur
allentie,
Vous dites:Parts, & lav
voila partie.
Mais à la fin le voïle: efl;
arraché,
Ainsi que vous, je sçai ce
qui compose
Ce bol, en qui tant de
force est enclose,
Pour un Poëte il n'est rien
de caché,
Lors qu'Apollon nôtre esprit
a touché, <
Comme les Dieux nous
voyons toute chose.
Que nous voulions penetrer
aux Enfers,
Tous leurs secrets à nos
- yeux font offerts,
Nous y voyons jufqui
l'ardeur farouche
Que pour sa femme a Pluton
dans sa couche;
s'il faut percer les mysteres
des Cieux,
Là, nous allons manger
avec les Dieux
,- Dans leur Conseil nous.
sommes reçus même,
Nous y voyons Jupin ce
Dieu suprême,
Pour cent Amours furtifs
se travailler,
Et son épouse après luy
criailler.
Dans son Palais, dans ses,
grotes profondes
Neptune en vain préreU-f
droit se cacher,
Tout au travers de l'abyme
des Ondes
Nos yeux perçans iroient
là le chercher.
Nous discernons les essences
premieres,
Rien, en un mot-, n'évite
nos lumieres,
Aviez-vouscrûpouvoir les
éviter
Adonc,afin quen'en puiffiez
douter
N'est-il pas vray que ce
bol salutaire
Par qui tout maux font
gueris ences lieux
N'est feulement qu'un magique
giquemystere
Qui de leur Ciel fait descendre
les Dieux,
Et les contraint de venir
en personne
Suivre la loy que vôtre bol
leur donne?
Carje l'ay veu clairement
de mes yeux,
Et ne suis point trop simple,
trop credule, Lorsque je pris ce philtre
merveilleux
Sur le sommet de ce puis
fant globule
Je vis s'asseoir la Deesse
Santé
Au teint vermeil, à ferme
corpulence,
A la dent
blanche, àl'oeil
plein de gayté, ':
Et telle enfin qu'au siécle
d'innocence
Toûjours les Dieux l'accordoient
aux humains, J
Ou telle encor que leurs
benignes mains
4 La font souvent dans le
siécle où noussommes,
, Briller au front de quel
ques bonnes gens,
Qui malgré l'air corrompu
denostemps
Ont le coeurpur commeles
premiers hommes,
sencens Abbez, Chanoines,
& Prieurs,
Gens indulgens pour leur
propre molesse,
Et contre autrui si severes
crieurs.
Mais revenons à la faine
Deesse,
Bacchus, l'Amour, les ris,
les enjouëmens
Sommeil aisé,confiance
-
en les forces,
Desirspuissants, delicates
amorces,
Tout en un mot ce que de
Dieux charmans
Compte l'Olimpe, étoient
lors à (a suite.
Ce n'estle tout; je vis fous
saconduite,
Et j'en frémis encore de
respect,
Je vis ces Dieux sur moy
fondre avec elle,
Je crus alors qu'une guerre
cruelle
S'alloit sur moy former à
son aspect,
Mais non,rienmoins,la redoutable
Fièvre
Fuit sans combatcomme
un timide Liévre
Fuit à rafpett du vîte Lévrier.
Apres cela la Deesse ravie
Marque à chacun des
Dieux qui l'ont suivie
Le Logement qu'il doit
s'approprier.
Bacchus daborddemon
Palais s'empare,
Pour poste Amour mon
coeur s'en va choisir,
Les enjouëmens mon ame
vont saisir,
Le doux sommeil aussitôt
se prepare
A se loger dans mes yeux
languissans,
Non pour toujours,convention
fut faite
Que du Soleil chaque
courie parfaite
Mise en trois parts, les pavots
ravissans
En auroient une, où serains
Se tranquilles
Mes yeux pour eux feroient
de {ûrs azy les,
Quedececours,pendant
les autres parts,
Mes yeux pourroienc,dans
leur mince irrutture,
Loger des Cieux,de toute
la nature
La vive image, & celle
des beaux arts,
Et pour Iris mille amoureux
regards.
La confiance ou l'abus de
ces forces
Courent remplir l'imagination
Jolis desirs , , delicates amorces
Prennent aussimême habitation
Puis d'autres Die)ux dont
ne fais mention
Selon leur rang à leur devoir
se rendent
Et la fanté de qui tous ils
dépendent
Ne voulut point prendre
un poste arrête,
Mais se logea dans toute
la Cité.
Ains, grace à vous, je me
vois en santé,
Mieux que ne fut oncques
le fort Hercule.
J'ai toutefois là-dessus un
scrupule,
Dont besoin est que vous
rnéclaircissiez.
Je craindrois fort que par
hazard n'eussîez
Fait -un mécompte a l'égard
de mon âge,
Et qu'enfaisant vôtre pa-
,
¿te enchanteur
Vous ne m'eussiez invoqué
par malheur
Quelque santé trop jeune
- & trop peu sage,
J'ai sur le front trente-sept
ans au mOlns-)
Or, si m'aviez, par vos
tragiques foins,
Toutde nouveau fait couler
dans les veines
Le même fang & les me.
mes esprits,
Qui m'arumoient à vingt.
ans, que de peines
J'aurois encor sous le joug,
de Cypris!
Qui lui avoit envoyé un Remede
pour la Fièvre. P Lus ne m'enquiers de
quelle drogue avez
Formé ce bol, par qui feroient
bravez
Bien plus de maux, plus
de pestes encore,
Que parmi nous n'en apporta.
Pandore.
Nul mal ne tient contre
ce bol divin,
J'envoys enmoy la vertu
confirmée
Contre une Fiévre en mon
sang allumée,
Du Kinkina le secours.
étoit vain,
Point n'en étoit la fureur
allentie,
Vous dites:Parts, & lav
voila partie.
Mais à la fin le voïle: efl;
arraché,
Ainsi que vous, je sçai ce
qui compose
Ce bol, en qui tant de
force est enclose,
Pour un Poëte il n'est rien
de caché,
Lors qu'Apollon nôtre esprit
a touché, <
Comme les Dieux nous
voyons toute chose.
Que nous voulions penetrer
aux Enfers,
Tous leurs secrets à nos
- yeux font offerts,
Nous y voyons jufqui
l'ardeur farouche
Que pour sa femme a Pluton
dans sa couche;
s'il faut percer les mysteres
des Cieux,
Là, nous allons manger
avec les Dieux
,- Dans leur Conseil nous.
sommes reçus même,
Nous y voyons Jupin ce
Dieu suprême,
Pour cent Amours furtifs
se travailler,
Et son épouse après luy
criailler.
Dans son Palais, dans ses,
grotes profondes
Neptune en vain préreU-f
droit se cacher,
Tout au travers de l'abyme
des Ondes
Nos yeux perçans iroient
là le chercher.
Nous discernons les essences
premieres,
Rien, en un mot-, n'évite
nos lumieres,
Aviez-vouscrûpouvoir les
éviter
Adonc,afin quen'en puiffiez
douter
N'est-il pas vray que ce
bol salutaire
Par qui tout maux font
gueris ences lieux
N'est feulement qu'un magique
giquemystere
Qui de leur Ciel fait descendre
les Dieux,
Et les contraint de venir
en personne
Suivre la loy que vôtre bol
leur donne?
Carje l'ay veu clairement
de mes yeux,
Et ne suis point trop simple,
trop credule, Lorsque je pris ce philtre
merveilleux
Sur le sommet de ce puis
fant globule
Je vis s'asseoir la Deesse
Santé
Au teint vermeil, à ferme
corpulence,
A la dent
blanche, àl'oeil
plein de gayté, ':
Et telle enfin qu'au siécle
d'innocence
Toûjours les Dieux l'accordoient
aux humains, J
Ou telle encor que leurs
benignes mains
4 La font souvent dans le
siécle où noussommes,
, Briller au front de quel
ques bonnes gens,
Qui malgré l'air corrompu
denostemps
Ont le coeurpur commeles
premiers hommes,
sencens Abbez, Chanoines,
& Prieurs,
Gens indulgens pour leur
propre molesse,
Et contre autrui si severes
crieurs.
Mais revenons à la faine
Deesse,
Bacchus, l'Amour, les ris,
les enjouëmens
Sommeil aisé,confiance
-
en les forces,
Desirspuissants, delicates
amorces,
Tout en un mot ce que de
Dieux charmans
Compte l'Olimpe, étoient
lors à (a suite.
Ce n'estle tout; je vis fous
saconduite,
Et j'en frémis encore de
respect,
Je vis ces Dieux sur moy
fondre avec elle,
Je crus alors qu'une guerre
cruelle
S'alloit sur moy former à
son aspect,
Mais non,rienmoins,la redoutable
Fièvre
Fuit sans combatcomme
un timide Liévre
Fuit à rafpett du vîte Lévrier.
Apres cela la Deesse ravie
Marque à chacun des
Dieux qui l'ont suivie
Le Logement qu'il doit
s'approprier.
Bacchus daborddemon
Palais s'empare,
Pour poste Amour mon
coeur s'en va choisir,
Les enjouëmens mon ame
vont saisir,
Le doux sommeil aussitôt
se prepare
A se loger dans mes yeux
languissans,
Non pour toujours,convention
fut faite
Que du Soleil chaque
courie parfaite
Mise en trois parts, les pavots
ravissans
En auroient une, où serains
Se tranquilles
Mes yeux pour eux feroient
de {ûrs azy les,
Quedececours,pendant
les autres parts,
Mes yeux pourroienc,dans
leur mince irrutture,
Loger des Cieux,de toute
la nature
La vive image, & celle
des beaux arts,
Et pour Iris mille amoureux
regards.
La confiance ou l'abus de
ces forces
Courent remplir l'imagination
Jolis desirs , , delicates amorces
Prennent aussimême habitation
Puis d'autres Die)ux dont
ne fais mention
Selon leur rang à leur devoir
se rendent
Et la fanté de qui tous ils
dépendent
Ne voulut point prendre
un poste arrête,
Mais se logea dans toute
la Cité.
Ains, grace à vous, je me
vois en santé,
Mieux que ne fut oncques
le fort Hercule.
J'ai toutefois là-dessus un
scrupule,
Dont besoin est que vous
rnéclaircissiez.
Je craindrois fort que par
hazard n'eussîez
Fait -un mécompte a l'égard
de mon âge,
Et qu'enfaisant vôtre pa-
,
¿te enchanteur
Vous ne m'eussiez invoqué
par malheur
Quelque santé trop jeune
- & trop peu sage,
J'ai sur le front trente-sept
ans au mOlns-)
Or, si m'aviez, par vos
tragiques foins,
Toutde nouveau fait couler
dans les veines
Le même fang & les me.
mes esprits,
Qui m'arumoient à vingt.
ans, que de peines
J'aurois encor sous le joug,
de Cypris!
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Résumé : PAR Mr. V. A Mr. DE** Qui lui avoit envoyé un Remede pour la Fiévre.
Le texte relate une conversation entre deux individus au sujet d'un remède contre la fièvre. Le premier interlocuteur, après avoir pris ce remède, le décrit comme ayant des propriétés divines et mystérieuses. Il raconte une vision où la déesse Santé apparaît, accompagnée de divers dieux tels que Bacchus, l'Amour et le Sommeil. Chacun de ces dieux occupe une place spécifique dans son corps, apportant santé et bien-être. Le narrateur voit la fièvre s'enfuir comme un lièvre effrayé. Il exprime ensuite un doute sur son âge, craignant que le remède ne lui ait redonné la santé et la vigueur de sa jeunesse, ce qui pourrait entraîner des désirs et des peines amoureuses. Il mentionne avoir trente-sept ans et s'inquiète des conséquences possibles de ce remède.
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7
p. 457-458
NOUVELLES DE CYTHERE, du 14. Décembre 1730. addressées à Mademlle D. L. G. à Auch, par M. le Chevalier D. N. D. M.
Début :
Des le matin sur le sacré Vallon, [...]
Mots clefs :
Cythère, Apollon, Portrait, Déesse, Vengeance, Mépris, Couleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVELLES DE CYTHERE, du 14. Décembre 1730. addressées à Mademlle D. L. G. à Auch, par M. le Chevalier D. N. D. M.
NOUVELLES DE CYTHERE.
du 14 Décembre 1730. addressées à
Maden D. L. G. à Auch , par M. le
Chevalier D. N. D. M.
DEEs le matin sur le sacré Vallon ,
Pour ton Portrait que je prétendois faire ,
J'allai prier le Seigneur Apollon ,
De m'inspirer ; ce n'est petite affaire ,
Me dit le Dieu , renonce à ton Projet ,
Je la connois , cette fille charmante ,
Je ne sçaurois répondre à ton attente ,
Et l'Amour seul peut peindre cet Objet.
Lors vers l'Amour je courus à Cythere ;
Lui raconter quel étoit mon dessein ,
Il s'occupoit à consoler sa Mere ,
Que tes appas devorent de chagrin ,
Ils étoient seuls ; je n'y vis point les Graces;
Ni les Plaisirs , ni les Jeux , ni les Ris ,
De tout cela je ne fus point surpris ,
Qui ne sçait pas qu'ils volent sur tes traces ?
Et c'est de quoi Cypris versoit des pleurs :
Je
58 MERCURE DE FRANCE
Je m'approchai , par une ample Requête ,
Je crus pouvoir obtenir des couleurs .
Pour ton Portrait , l'Enfant tourna la tête ,
Que sert , dit - il , d'accroître mes douleurs ,
De peindre aux yeux les appas de la Belle ,
Ils sont pour moi dans tous les coeurs;
gravez
L'ingrate , helas ! n'en est pas moins rebelle ,
Sur elle en vain j'émousse tous mes Traits ,
Mais ses mépris excitent ma vengeance ,
Et vient le tems prescrit dans mes Decrets ,
Que ses soupirs vengeront cette offense.
Pour qui ? ... C'est trop , respecte mes secrets ,
Il dit : soudain frappant trois fois la terre,
Il disparut sur les pas de sa Mere ;
Et moi j'ai crû devoir sans differer ,
Vous rapporter en sortant de Cythere ,
L'Arrêt du Dieu , pour vous y préparer ,
Ou prévenir l'effet de sa colere,
du 14 Décembre 1730. addressées à
Maden D. L. G. à Auch , par M. le
Chevalier D. N. D. M.
DEEs le matin sur le sacré Vallon ,
Pour ton Portrait que je prétendois faire ,
J'allai prier le Seigneur Apollon ,
De m'inspirer ; ce n'est petite affaire ,
Me dit le Dieu , renonce à ton Projet ,
Je la connois , cette fille charmante ,
Je ne sçaurois répondre à ton attente ,
Et l'Amour seul peut peindre cet Objet.
Lors vers l'Amour je courus à Cythere ;
Lui raconter quel étoit mon dessein ,
Il s'occupoit à consoler sa Mere ,
Que tes appas devorent de chagrin ,
Ils étoient seuls ; je n'y vis point les Graces;
Ni les Plaisirs , ni les Jeux , ni les Ris ,
De tout cela je ne fus point surpris ,
Qui ne sçait pas qu'ils volent sur tes traces ?
Et c'est de quoi Cypris versoit des pleurs :
Je
58 MERCURE DE FRANCE
Je m'approchai , par une ample Requête ,
Je crus pouvoir obtenir des couleurs .
Pour ton Portrait , l'Enfant tourna la tête ,
Que sert , dit - il , d'accroître mes douleurs ,
De peindre aux yeux les appas de la Belle ,
Ils sont pour moi dans tous les coeurs;
gravez
L'ingrate , helas ! n'en est pas moins rebelle ,
Sur elle en vain j'émousse tous mes Traits ,
Mais ses mépris excitent ma vengeance ,
Et vient le tems prescrit dans mes Decrets ,
Que ses soupirs vengeront cette offense.
Pour qui ? ... C'est trop , respecte mes secrets ,
Il dit : soudain frappant trois fois la terre,
Il disparut sur les pas de sa Mere ;
Et moi j'ai crû devoir sans differer ,
Vous rapporter en sortant de Cythere ,
L'Arrêt du Dieu , pour vous y préparer ,
Ou prévenir l'effet de sa colere,
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Résumé : NOUVELLES DE CYTHERE, du 14. Décembre 1730. addressées à Mademlle D. L. G. à Auch, par M. le Chevalier D. N. D. M.
Le 14 décembre 1730, M. le Chevalier D. N. D. M. écrit à Maden D. L. G. à Auch pour relater sa quête de peindre le portrait d'une femme charmante. Apollon lui conseille de renoncer, affirmant que seul l'Amour peut peindre cette femme. L'auteur se rend alors à Cythère pour consulter l'Amour, qu'il trouve en train de consoler Vénus, souffrante à cause des charmes de la femme. Les Grâces, les Plaisirs, les Jeux et les Rires sont absents, car ils suivent la femme. L'Amour refuse de fournir des couleurs pour le portrait, expliquant que peindre les appas de la belle augmenterait ses douleurs, car elle reste rebelle malgré ses efforts. L'Amour mentionne une vengeance imminente et disparaît. L'auteur rapporte cet arrêt divin à son destinataire pour le préparer à la colère de l'Amour.
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8
p. 989-991
LE JOUR, CANTATE.
Début :
La Fable qui fournit ordinairement les sujets de Cantate, ne fait point [...]
Mots clefs :
Cantate, Éclore, Nature, Déesse, Sagesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE JOUR, CANTATE.
Lies sujets de Cantate , ne fait point
celui de celle cy. Une simple peinture
des situations du Jour naturel dans les
trois aspects , ausquels on peut se réduire ,
étoit d'abord l'objet de l'Auteur. Ce partage
, qui est aussi celui des Cantates , lui
a donné l'idée d'en faire une qui s'est
trouvée achevée au moyen de trois Ariet
tes qu'il y a ajoûtées.
Morte
LE
JOUR ,
CANTATE.
L'AURORE.
Ortels , c'est trop languir dans les bras diz
sommeil ,
Le Jour va commencer d'éclore ,
Venez, sortez , qu'un prompt réveil ,
Dissipant les erreurs qui vous troublent encore ,
Presente à vos regards le pompeux appareil ,
De la naissance de l'Aurore.
Lir. Tendre Philomele , chantez ;
Eveillez toute la Nature.
Vous
90 MERCURE DE FRANCE
Vous , divine Aurore , arrêtez ;
C'est Flore qui vous en conjure.
Mais , hélas ! déja vous partez !
Tendre Amour , avec moi soyez d'intelligence ,
Déesse brillante , arrêtez !
Cephale dans ces lieux s'avance.
Tendre Philomene , chantez , &
LE MIDT.
Le Dieu dont la sagesse , ainsi que la puissance,
Anime et regle l'Univers ,
Phébus est de retour , et du milieu des airs,
Il verse en tous lieux l'abondance.
Que sur le Mont Sacré ses heureux nourrissons ,
Chantent les biens dont ils jouissent
Que les Peuples se réjouissent ,
1 leur a préparé les plus riches moissons.
Venez , Bacchus , avec Pomone ,
Embellir les Jeux des Mortels !
Celebrez le Fils de Latone ,
C'est le soutien de vos Autels.
Et toi , vole Amour dans nos Fêtes ,
Apollon même fait tes Loix ;
Son exemple dans nos Bois
Favo
AVRIL. 1731. 991
Favorise tes conquêtes.
Venez , Bacchus , avec Pomone , &ç
LE SOIR.
L'Astre qui nous éclaire a dans le sein de l'Onde
Eteint la moitié de ses feux.
Déja la nuit traînant ses voiles ténebreux ,
Partage l'Empire du Monde ;
Et bien-tôt des Oiseaux la troupe vagabonde ;
Va finir ses chants amoureux.
C'est dans ces doux instans , dans ces momen
paisibles ,
Que vous goutez le fruit de vos travaux pénibles,
Bergers heureux , rentrez , et que dans vos Ha
meaux .
La fin du jour s'annonce au son des Chalumeaux }
Air.
Hesperus brille , et dans la Plaine
Les dociles Agneaux ,
Descendus des Côteaux ,
Suivent le Pasteur qui les mene
Heureux s'il les a sauvez tous
De la dent cruelle des Loups !
Mais plus heureux encore
Si celle qu'il adore ,
Le récompense à son retour ,
De ses soins et de son amour !
celui de celle cy. Une simple peinture
des situations du Jour naturel dans les
trois aspects , ausquels on peut se réduire ,
étoit d'abord l'objet de l'Auteur. Ce partage
, qui est aussi celui des Cantates , lui
a donné l'idée d'en faire une qui s'est
trouvée achevée au moyen de trois Ariet
tes qu'il y a ajoûtées.
Morte
LE
JOUR ,
CANTATE.
L'AURORE.
Ortels , c'est trop languir dans les bras diz
sommeil ,
Le Jour va commencer d'éclore ,
Venez, sortez , qu'un prompt réveil ,
Dissipant les erreurs qui vous troublent encore ,
Presente à vos regards le pompeux appareil ,
De la naissance de l'Aurore.
Lir. Tendre Philomele , chantez ;
Eveillez toute la Nature.
Vous
90 MERCURE DE FRANCE
Vous , divine Aurore , arrêtez ;
C'est Flore qui vous en conjure.
Mais , hélas ! déja vous partez !
Tendre Amour , avec moi soyez d'intelligence ,
Déesse brillante , arrêtez !
Cephale dans ces lieux s'avance.
Tendre Philomene , chantez , &
LE MIDT.
Le Dieu dont la sagesse , ainsi que la puissance,
Anime et regle l'Univers ,
Phébus est de retour , et du milieu des airs,
Il verse en tous lieux l'abondance.
Que sur le Mont Sacré ses heureux nourrissons ,
Chantent les biens dont ils jouissent
Que les Peuples se réjouissent ,
1 leur a préparé les plus riches moissons.
Venez , Bacchus , avec Pomone ,
Embellir les Jeux des Mortels !
Celebrez le Fils de Latone ,
C'est le soutien de vos Autels.
Et toi , vole Amour dans nos Fêtes ,
Apollon même fait tes Loix ;
Son exemple dans nos Bois
Favo
AVRIL. 1731. 991
Favorise tes conquêtes.
Venez , Bacchus , avec Pomone , &ç
LE SOIR.
L'Astre qui nous éclaire a dans le sein de l'Onde
Eteint la moitié de ses feux.
Déja la nuit traînant ses voiles ténebreux ,
Partage l'Empire du Monde ;
Et bien-tôt des Oiseaux la troupe vagabonde ;
Va finir ses chants amoureux.
C'est dans ces doux instans , dans ces momen
paisibles ,
Que vous goutez le fruit de vos travaux pénibles,
Bergers heureux , rentrez , et que dans vos Ha
meaux .
La fin du jour s'annonce au son des Chalumeaux }
Air.
Hesperus brille , et dans la Plaine
Les dociles Agneaux ,
Descendus des Côteaux ,
Suivent le Pasteur qui les mene
Heureux s'il les a sauvez tous
De la dent cruelle des Loups !
Mais plus heureux encore
Si celle qu'il adore ,
Le récompense à son retour ,
De ses soins et de son amour !
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Résumé : LE JOUR, CANTATE.
Le texte décrit une cantate structurée en trois arietts, chacune représentant un moment de la journée. La première ariet, 'L'Aurore', invite à se réveiller pour accueillir l'Aurore. Philomèle est appelée à chanter pour éveiller la nature, tandis que Flore tente de retenir l'Aurore sans succès. Amour et Philomèle sont également sollicités pour chanter. La deuxième ariet, 'Le Midi', célèbre le retour du soleil, Phébus, qui apporte abondance et richesse. Les peuples sont invités à se réjouir des moissons et des biens dont ils jouissent. Bacchus et Pomone sont appelés à embellir les jeux des mortels, et Apollon est reconnu comme le soutien des autels. La troisième ariet, 'Le Soir', décrit le coucher du soleil et l'arrivée de la nuit. Les bergers sont invités à rentrer chez eux et à savourer le fruit de leurs travaux. Hesperus brille, et les agneaux suivent le pasteur. Le pasteur est heureux s'il a sauvé tous ses agneaux des loups, mais encore plus heureux s'il est récompensé par l'amour de celle qu'il adore.
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9
p. 1916-1919
LA JEUNESSE. CANTATE.
Début :
Dans un songe flateur une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Cantate, Déesse, Amours, Cœurs rebelles, Alarmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. CANTATE.
LA JEUNESSE.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
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Résumé : LA JEUNESSE. CANTATE.
Dans un rêve, le narrateur est séduit par la déesse Jeunesse (Hébé), accompagnée de petits Amours, du Temps et du Printemps. Hébé offre ses dons précieux et commande aux enfants de Cythère de triompher de la raison du narrateur. Après un moment de plaisir intense, une indifférence succède à ses désirs ardents. Hébé conseille alors au narrateur de chasser avec Diane pour ranimer son zèle. À la tombée de la nuit, Bacchus est invoqué pour écarter l'ennui et permettre de profiter des plaisirs de la vie. À son réveil, le narrateur réalise que la déesse a disparu et met en garde les jeunes gens sur la fugacité de la jeunesse, comparée à un songe éphémère.
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10
p. [2915]-2921
LA JEUNESSE, CHANTATE,
Début :
Dans un songe flatteur, une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Déesse, Plaisir, Bacchus, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE, CHANTATE,
LA JEUNESSE,
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
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Résumé : LA JEUNESSE, CHANTATE,
Le poème 'La Jeunesse' de M. Cavalies, avocat, relate une vision onirique où la déesse Jeunesse, Hébé, apparaît au narrateur. Hébé est entourée de petits Amours et accompagnée par le Temps, le Printemps, les Grâces et les plaisirs. Mars, Vénus, Apollon et Diane offrent chacun leurs dons à la Jeunesse. Hébé propose au narrateur de choisir parmi ces présents celui qui flatte le plus son âme. Initialement attiré par les combats de Mars, le narrateur se lasse rapidement de la violence. Il se tourne ensuite vers l'amour, charmé par une jeune femme brune, mais l'amour devient monotone et le déçoit. Hébé le dirige alors vers la chasse avec Diane, où il montre son adresse. À la nuit tombée, il se tourne vers Bacchus pour éviter l'ennui, s'enivre et perd la raison. À son réveil, la vision de la Jeunesse disparaît, et il réalise que sa jeunesse a passé comme un songe. Le poème se conclut par une mise en garde aux mortels de profiter des beaux jours offerts par Hébé sans se laisser tromper par l'illusion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 453-457
EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Début :
Un jour, las d'écouter les plaintes et les voeux, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Minerve, Bragny, Déesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
EPITH ALAME,
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
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Résumé : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Le poème épithalame célèbre le mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, petite-fille et nièce du Cardinal de Bissy, avec le Comte de la Magdelaine Ragny. Il commence par une plainte de Jupiter à Hyménée, qui reproche à ce dernier de sacrifier les sentiments des époux au profit de la richesse. L'Amour et Minerve interviennent alors. L'Amour suggère de laisser les époux choisir leurs partenaires, tandis que Minerve met en garde contre les dangers de suivre uniquement la passion. Jupiter décide que l'Amour et Hyménée doivent suivre les conseils de la sagesse incarnée par Minerve. Minerve descend sur Terre et annonce au Comte de Ragny qu'il est destiné à épouser une jeune femme sage et vertueuse, Mademoiselle de Tyard-Bragny. Elle vante les mérites de Bragny, soulignant son origine noble et ses vertus. Minerve conduit ensuite l'Amour et Hyménée auprès de Bragny, qui accepte les hommages de Ragny. L'Amour les blesse de ses flèches, et Hyménée les unit par une chaîne symbolisant leur amour et leur sagesse. Le poème se termine par une bénédiction pour les époux, assurant que leur union sera heureuse et durable grâce à la combinaison de l'amour et de la sagesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 368-379
Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Début :
Le goût pour la Comédie, si en vogue depuis quelque temps, ne s'est point rallenti [...]
Mots clefs :
Apollon, Mercure, Thalie, Momus, Melpomène, Déesse, Princesse, Duchesse du Maine, Prologue, Plaisir, Arts, Cour, Jeux, Théâtre de l'Arsenal, Comédie, Pierre de Morand
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
Fermer
Résumé : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le texte relate la montée en popularité de la comédie à Paris, avec plusieurs compagnies connaissant le succès. Parmi elles, la société de l'Hôtel de Brancas, puis de l'Hôtel de Lauzun, se distingue particulièrement. Cette compagnie a été appréciée par des personnes de haut rang et des connaisseurs, et a souvent accueilli des princes et princesses, notamment la Duchesse du Maine. En février 1734, la compagnie a sollicité l'aide de la Duchesse du Maine pour obtenir une salle de représentation. Ils lui ont présenté un placet poétique, la suppliant de les aider à trouver un lieu approprié. La Duchesse du Maine a accepté et leur a fourni une salle dans l'Arsenal. La première représentation dans cette nouvelle salle a eu lieu le 21 février 1734, en présence de la Duchesse du Maine et d'une compagnie choisie. Ils ont joué la tragédie 'Manlius Capitolinus' de M. de la Fosse, suivie de la comédie 'Les trois Frères Rivaux' et d'un divertissement musical. Le prologue, écrit par M. de Morand, louait la princesse et était interprété par des personnages mythologiques tels qu'Apollon, Mercure, Momus, Melpomène et Thalie. Le prologue discutait des rôles de la tragédie et de la comédie, et de leur importance dans l'art. La compagnie prévoit de présenter une nouvelle tragédie du même auteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 7-26
L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
Début :
J'ai cru long tems, avec vous, Mademoiselle, que les éventails n'étoient [...]
Mots clefs :
Éventail, Éventails, Amour, Flore, Dame, Déesse, Dieux, Homme, Bosquet, Nymphe, Origine, Zéphyr
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
L'ORIGINE
DES EVENTAILS
A MADEMOISELLE ....
•
J'ai cru long moiſelle , qu-teemlses, aévveenctaviolussn,'éMtaodieen-t
autre chofe que l'invention de quelque artifan
affez habile pour avoir fçu (paffez- moi
la métamorphofe ) renfermer des zéphirs
dans un morceau de papier ou de taffetas.
Je n'y vois point d'autre avantage
Pour les Dames , que l'agrément
D'avoir à leur commandement
Le fouffle que zéphir avoit feul en partage
Avant que l'on eut l'art de captiver le vent.
Vous penfiez la même chofe , Mademoifelle
, mais nous ne connoiffions gueres
, ni l'un ni l'autre , la véritable origine
& les magnifiques propriétés des éventails .
J'ai été tiré d'erreur par l'aventure dont je
vous ai promis la narration ; elle vous paroîtra
merveilleufe , mais fongez que la
vérité même a fes merveilles , & que cette
hiftoire peut être vraie , quoiqu'elle ne
paroiffe pas tout-à-fait vraisemblable .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
J'aime mieux , après tout , une plaifante fable ,
Qui peut mener l'efprit à quelque vérité ,
Que quelque hiftoire véritable ,
Sans but & fans moralité.
y aura un an l'été prochain , qu'après
m'être promené feul dans le Luxembourg
pendant un affez long tems , je fus me repofer
dans un bofquet de cet agréable jardin
, l'un des ornemens de Paris , quoique
la nature feule en faffe les frais , & que
l'art ne fe mette point en peine de le cultiver.
Il étoit près de huit heures du foir ; je
ne m'apperçus point en entrant dans le
bofquet que je marchois fur quelque chofe
; une efpéce de cri me fit regarder à
terre : un éventail fort joli étoit à mes
pieds ; je le ramaffai ; je ne fçais quel mouvement
fecret me fit defirer alors de connoître
la perfonne à qui cet éventail appartenoit.
Peut-être alors mon coeur étoit- il entraîné
Par ce doux inſtinct qui nous guide ,
Quand , par le moindre objet , l'homme eft déter
miné
A voler d'une aîle rapide
Wers le fexe enchanteur pour lequel il eft né.
Quoiqu'il en foit , je m'écriai fur le
MARS.
champ , & fans y penfer : à qui l'éventail ?
perfonne ne m'ayant répondu , j'allois le
mettre dans ma poche , lorfqu'une voix
me cria ; ami , que ne daignes-tu me demander
à moi -même à qui j'appartiens ?
Vous jugez bien , Mademoifelle , que
cette voix me furprit étrangement. Je regardai
de tous côtés , je ne découvris perfonne
l'épouvante commença à fuccéder
à l'étonnement : étoit- ce un démon ? étoitce
un génie ? les uns & les autres habitent
les bofquets. Cette voix n'avoit point un
corps , ou ce corps étoit invifible : dans
cette étrange conjoncture , je me rappellai
le fens du difcours , & mon étonnement
redoubla ; il paroiffoit même que l'éventail
m'avoit apoftrophé : nouveau fujet d'inquiétude
.
» Je vois ta ſurpriſe ( continua la voix ) ;
» c'eſt une preuve de ton ignorance.
Ami , tulanguis , je le voi ,
Dans les préjugés du vulgaire ;
Ton efprit ne recherche & ne découvre en moi
Qu'un inftrument fort ordinaire.
Je fçais qu'un éventail , pour un eſprit borné ,
N'eft qu'un morceau d'ivoire , un taffetas orné
D'une peinture inanimée :
Tandis qu'aux Dames deſtiné
Ce bijou , d'un zéphif , tient l'ame renfermée.
A v
10 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi donc , ô mortels ! à l'écorce attachés ,
Vous voyez tout le refte avec indifférence ;
Etfous nombre d'objets fimples en apparence
Vous ne pénétrez pas quels tréfors font cachés .
La voix pourfuivit , affis -toi fur ce ga
zon , approches l'éventail de ton oreille
& redoubles d'attention .
L'éventail que tu tiens n'eft autre chofe
qu'un malheureux zéphir , à qui fon inconftance
a couté cher.
J'aimois Flore , & j'en étois aimé , lorfque
ma légereté naturelle me fit voler vers
Pomone ; je trouvai fon coeur occupé ,
Vertumne étoit heureux .
Après avoir parcouru les états de quelques
autres divinités , je revins à Flore ;
elle m'aimoit toujours , & elle me pardonna
ma petite infidélité.
En amour la défertion
Nous infpire fouvent une ferveur nouvelle
Pour le premier objet de notre paffion.
Ne craignons point l'impreffion
Qu'une infidelité fera fur une belle ,
Pourvû que le bon goût & la réflexion,
Sçache nous ramener à propos auprès d'elle :
De ne faire jamais qu'un choix ,
Belles, fi vos amans fe faifoient une affaire ;
MARS. II 1755.
Votre gloire y perdroit , c'eft une choſe claire ;
De quatre amans , foumis tour à tour à vos loix ,
Il faudroit en retrancher trois.
Il faut bien , pour vous fatisfaire ,
Que notre coeur ait quelquefois
Des facrifices à vous faire.
Suivant cette maxime , mon retour vers
La Déeffe ne me guérit point de l'inconftance
; on eût dit que j'étois né François .
Lorfque je revins à la cour de Flore , j'y
trouvai une jeune nymphe fort aimable ,
& que je n'avois pas encore vûe ; on la
nommoit Aglaé : la voir & l'aimer fut mon
premier mouvement ; le fecond fut de
chercher à lui plaire. Aglaé avoit un coeur
neuf : conquête flatteufe ! je n'épargnai
rien pour me la procurer ; mais ce n'étoit
pas fans précautions : mon humeur volage
avoit rendu Flore clairvoyante.
Ce n'étoit pas une merveille.
Un amour trop certain de fa félicité ,
S'affoupit dans les bras de la fécurité ;
Mais il s'agite & ſe réveille ,
Dès qu'il entend la voix de l'infidelité .
J'étois obfervé de fi près que je fus
bien huit jours entiers à brûler conftamment
fans pouvoir le déclarer à l'aimable
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abſence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeffe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé .
Elle fe promenoit dans les jardins del
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons -nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS. 1755 : 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai -je auffitôt
en prenant une de fes belles mains :
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes - vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut- être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie . t.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eſt parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
-vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
le
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abfence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeſſe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé.
Élle ſe promenoit dans les jardins de
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons-nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS . 1755: 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui
juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai-je auffitôt
en prenant une de fes belles mains
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes- vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut-être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eft parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
- vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
le
14 MERCURE DE FRANCE.
1
Flore ..... que je ferois à plaindre fi vous
changiez une feconde fois ! A ces mots
elle difparut.
Depuis ce moment elle m'évitoit , elle
s'obfervoit elle - même , elle fembloit fe repentir
d'une indifcrétion ; enforte que je
fus quelques jours fans pouvoir m'affurer
plus pofitivement de fes difpofitions à mon
égard : peut-être , me répondrez - vous ,
qu'elle m'en avoit affez dit à
Mais quel eft l'aveu favorable
Qui foit , je ne dis pas égal , mais comparable
A ce je vous aime charmant
Que l'on trouve fi defirable ?
Ces trois mots échappés d'une bouche adorable ,
Peuvent feuls contenter la maîtreffe & l'amant .
L'attente d'un aveu fi cher m'avoit rendu
rêveur contre mon ordinaire . Ma rêverie
me conduifit un jour dans une allée
fombre où le promenoit Aglaé. Dès qu'elle
me vit , elle entra , pour m'éviter , dans un
cabinet de rofiers , voifin d'un bofquet de
myrtes , où Flore alloit quelquefois fe repofer.
La jeune Nymphe ne foupçonnoit
pas que je l'euffe apperçue : j'étois à fes
genoux avant qu'elle eût fongé à m'ordonner
de me retirer . Elle voulut fortir ; je
Parrêtai : Ne craignez rien , lui dis-je , belle
Aglaé !
MARS . 1755.
Que mon empreffement ne vous foit point fufpect
:
Ma tendreffe pour vous eft pure & légitime ;
Le véritable amour est fondé fur l'eftime ,
Et l'eftime eft fuivie en tout tems du reſpect.
- Elle parut fe raffurer : une défiance affectée
eft fouvent plus dangereufe dans ces
occafions qu'une noble confiance mêlée
d'une fierté qui en impoſe à l'amant le plus
empreffé.
Je me défierois d'une prude
Qui me quitteroit brufquement ,
Ou me chafferoit d'un air rude ;
La vertu bien fincere agit tout fimplement.
4
Nous nous mîmes à caufer tranquillement.
Aglaé continua de cueillir des rofes
pour s'en faire un bouquet. J'en avois apperçu
une , la plus belle du monde , dans
un coin du cabinet : j'allois la cueillir
lorfqu'une épine me piqua fi vivement
qu'il m'échappa une plainte que la tendre
Aglaé accompagna d'un cri,: tous deux
nous trahirent .
Hélas ! les rofes les plus belles ,
Et qui par leur éclat charment le plus nos yeux ,
Cachent aux regards curieux
Les épines les plus cruelles.
16 MERCURE DE FRANCE.
Le plus fage feroit de n'en point approcher.
Mais , quoi ! de tant d'attraits le ciel les a pour
vûes ,
Que du moment qu'on les a vûes
On rifque tout pour les toucher .
Flore dormoit dans le bofquet demyrte ;
le cri d'Aglaé la réveilla ; elle accourut dans
le cabinet des rofiers : Dieux ! quel fut fon
étonnement ! Aglaé étoit affife fur un banc
de gazon , j'étois à genoux devant elle ,
tandis qu'avec un mouchoir de mouffeline
, l'aimable Nymphe fe hâtoit d'étancher
le fang qui fortoit de la piquûre que
je m'étois faire : la bleffure en elle-même
étoit peu de chofe ; mais eft - il de légers
accidens en amour ? Aglaé découvroit dans
fon action cet empreffement mêlé de crainte
que l'on a dans ces fortes d'occafions
pour les perfonnes que l'on aime.
En amour , le péril eft la pierre de touche :
Alors , quoiqu'une belle ait formé le projet
De tenir en filence & fes yeux & fa bouche ;
Dans le moindre accident qui frappe un cher ob
jet ,
L'ame fe réunit à celle qui la touche , :
Et la beauté la plus farouche
De fes craintes bientôt découvre le fujet.
Cette entrevûe auffi fatale pour nous
MARS. 1755. 17
que pour la Déeffe , ne fit que juftifier des
foupçons qu'elle avoit déja conçus : elle
diffimula cependant , & parut même plus
tranquille fur mon compte ; mais elle méditoit
une vengeance qui devoir m'ôter
pour toujours le defir , ou , fi vous voulez
, le plaifir de changer .
Quelques jours après cet incident , Flore
fit avertir Aglaé de venir lui parler en
particulier la pauvre Nymphe obéit en
tremblant. Raffurez- vous , lui dit -elle , je
ne veux point vous faire de mal ; je fuis
charmée , puifque Zéphir m'abandonne
que ce foit du moins pour une perfonne
qui le mérite. Mais , Aglaé , quand vous
lui avez permis quelque efpérance , avez .
vous bien refléchi fur le caractere de votre
amant ? les fermens qu'il vous a faits fans
doute , ne me les avoit- il pas faits à moi
même ? que dis-je ? ne me les avoit- il pas
mille fois réitérés ? avez - vous plus d'em
pire fur lui que je crois en avoir ? & s'il
change encore quelle fera votre deftinée
?
>
Au commencement de ce difcours
Aglaé n'avoit reffenti que de la confufion :
ces derniers mots lui firent répandre des
larmes ; elles furent fa réponſe.
Je vous plains d'autant plus , continua
la Déeffe , que vous aimez de bonne foi
18 MERCURE DE FRANCE.
le plus volage de tous les amans ; il eft cependant
pour vous un moyen de prévenir
fon infidélité. On vient de me faire préfent
d'une petite baguette d'ivoire qui a
la vertu de fixer les inconftans : je vous
la donne , j'en aurois fait ufage pour moimême
, fi Zéphir ne m'eût point quittée
pour vous : il n'eft plus tems , & peut-être
même que demain il feroit trop tard pour
vous.
Incapable de trahisons ;
La fincere vertu l'eft auffi de foupçons.
Aglaé ne vit dans cette offre de Flore
qu'une marque de protection . Elle fortit
après avoir baifé la main de la Déeffe
avec le témoignage de la plus vive reconnoiſſance
. Hélas ! elle ne prévoyoit pas
combien ce préfent alloit nous être fatal
à tous les deux .
Elle accourut d'un air gai me faire part de
la prétendue clémence de Flore ; mais elle
ne me dit rien de la fatale baguette, dans la
crainte apparemment d'en empêcher l'effet .
Je ne me défiois de rien : la gaité d'Aglaé
me charmoit ; je me mis à folâtrer avec
elle : j'apperçus la petite baguette d'ivoire ,
je la trouvai jolie : je voulus la dérober ' ;
Aglaé la retint , elle m'en donna en badiMARS.
1755 . 19
nant de petits coups fur les ailes : funefte
badinage !
A peine cus-je été frappé du fatal préfent
de Flore , qu'il fe fit en moi une métamorphofe
auffi prompte que prodigieufe.
La baguette enchantée fe fendit en plu
fieurs petites languettes minces qui forment
les bâtons que vous tenez : mes aîles
s'étant réunies auffi - tôt , fe colerent fur
l'ivoire , & formerent ce que l'on appelle
vulgairement un éventail fuis toujours
Zéphir , quoique j'aie perdu mon ancienne
forme.
En fuis-je donc moins eftimable
N'ai- je pas confervé l'heureufe faculté
De répandre dans l'air cette fraîcheur aimable
Qui défend la beauté
Contre les chaleurs de l'été ?
En vain l'aftre du jour veut lui faire la guerre ,
J'ai l'art de l'en débarraffer.
Ce font toujours les fleurs que j'aime à careffer ;
Non celles qu'autrefois j'aimois dans un parterre ,
Mais celles que les Dieux ont pris foin de verfer
Sur le teint éclatant des Reines de la terre.
Mon changement en éventail fut pour
Aglaé le coup le plus terrible . J'ai fçu depuis
qu'elle n'avoit pû furvivre à mon
malheur , & j'ofe ajouter au fien . Pou
20 MERCURE DE FRANCE.
voit elle defirer de me fixer à ce prix ?
J'ai paffé en différentes mains depuis ma
métamorphofe ; les Dieux m'ont laiffé l'ufage
de la parole pour inftruire l'univers
de mon origine & de mes différentes propriétés.
Comment ( dis- je au Zéphir métamor
phofé ) , vous fervez donc à plus d'une
chofe ?
Que tu es novice , me répondit-il , Â
tu ignores en combien de manieres je puiš
être utile au beau fexe !
Vas , crois- moi , ce feroit trop peu pour
les Dames de n'avoir en moi qu'un zéphir
à leurs ordres , il eft des occafions où je
leur fuis d'une toute autre utilité.
Croirois-tu , par exemple , que j'ai bonne
part à certaines converfations ? Il y a
quelque tems que j'appartenois à une jeune
veuve , qui dans ces fortes de cas
fe fervoit de moi merveilleufement bien.
Comme elle a de la beauté , mais peu
d'efprit ,
S'entend-elle agacer par quelque compliment
Elle répond fuccintement ;
Mais elle fçait en récompenſe
Badiner fort éloquemment
Avec fon éventail , dont le jeu la difpenfe
De s'énoncer plus clairement :
MARS. 1755. 21
O! l'agréable truchement !
Sans faire plus grande dépenſe
Et d'efprit & de jugement ,
Dans un cercle , Cloris fe donne adroitement
L'air d'une perfonne qui penſe ;
Et l'évantail alors fert admirablement.
Elle le tient appuyé fur fes levres , à peu
près dans l'attitude du Dieu du filence repréfenté
tenant un cachet ou fon doigt fur
fa bouche. C'eft ainfi qu'une fotte rêverie
paffe pour une fpirituelle méditation .
Que de Dames fort eftimables d'ailleurs , à
qui il n'en a jamais coûté qu'une femblable
attitude , pour fe donner dans le monde
la réputation d'êtres penfans !
yeut-on de l'éventail faire quelqu'autre ufage ?
Que l'on me tienne déployé ,
Et qu'alors je fois employé
A cacher , de côté , la moitié du viſage :
Voilà dans un monde poli-,
Et le voile le plus modeſte ,
Et le mafque le plus joli
Pour en faire accroire de refte ,
Aux oncles , aux tuteurs , aux papas , aux ma
mans ,
Aux maris , & même aux amans, -
C'eft ainfi qu'à fa confidente ,
Ou bien à fon héros , une fille prudente
22 MERCURE DE FRANCE.
Parle à l'abri de l'éventail ;
Car on n'affiche plus l'amour à fon de trompe ,
Et ce n'eft plus en gros , meres , que l'on vous
trompe :
On aime à petit bruit , & l'on dupe en détail.
Cette façon de mafque eft encore à l'ufage
des Dames , qui fe difent à l'oreille
de jolis riens ; elles leur donnent par là
un air d'importance & de myftere. Autre
avantage que l'on retire de l'éventail,
Sur l'objet de fa paſſion ,
L'éloquence d'un homme aimable
Fait-elle quelque impreffion ?
On cache une rougeur ou fauffe ou véritable
Avec un éventail , dont on fçait ſe couvrir ;
Et quelquefois auffi c'eft un tour plein d'adrefle
Pour faire deviner des fignes de tendreffe
Que la bouche balance encore à découvrir.
Un jeune Cavalier , moins fage qu'amoureux ¿
Qu'un tendre aveu rend téméraire ,
Ofe-t-il hazarder quelque gefte contraire
A ce que la décence exige de fes feux
Mieux que par une réprimande ,
Par un coup d'éventail , le tendron irrité
En impofe au galant , qui s'étoit écarté
la raifon commande .
De ce que
Mais j'entends que l'on me demande
Si le coup d'éventail eft donné des plus lourds ;
MARS.
23 1755 .
Je réponds : des amans faifons la différence ,
On bat ceux que l'on voit avec indifférence
Mais on fait patte de velours
Sur le galant de préférence ,
Au furplus , cette partie de mon exer
cice eft celle qui demande le plus de précifion
l'amour eft un enfant bien malin ;
fouvent on l'agace en croyant le rebuter ;
c'eſt aux Dames à ne pas s'y méprendre .
:
Que vous dirai-je encore ? je connois
une vieille Marquife , dont la foibleſſe eſt
de vouloir être regardée : elle y réuffic
quelquefois par la fingularité de fon ajuſtement.
Il y a quelque tems qu'elle fe faufila
dans une compagnie de jeunes perfonnes
de l'un & de l'autre fexe ; elle quête
des regards , à peine y fait- on attention :
la pauvre
Marquife
étoit
ifolée
au milieu
de douze
perfonnes
. Pour
derniere
reffource
, elle laiſſe
tomber
fon éventail
;
un jeune
homme
le ramaffe
, le rend poliment
à la Marquife
, & fe tourne
de l'autre
côté. La formalité
remplie
, il ne fut
pas feulement
queſtion
d'un clin d'oeil
, il
fallut
fortir
fans avoir
eu le bonheur
de fe
faire
regarder.
Une jeune Agnès fe fert plus heureuſement
du même ſtratagême ; fon amant lui
écrit , elle fait une réponse ; l'embarras eft
24 MERCURE DE FRANCE.
de la donner fans que l'on s'en apperçoive
; on attend l'occafion que l'on foit à
côté l'un de l'autre : l'Agnès laiffe adroitement
tomber l'éventail , le jeune Cavalier
le ramaffe , le préfente à fa maîtreffe , qui
faifit l'inftant pour lui gliffer dans la main
le billet qu'elle tehoit tout prêt dans la
fienne .
Eh ! que d'autres beautés en uferoient
ainfi !
Quelquefois
il arrive auffi
Qu'avec un air diftrait & fimple en apparence ,
Mais au fond , avec un air fin ,
En fe mettant au jeu , l'on donne à ſon voiſin
L'éventail à garder : aimable préférence !
Enfuite on feint de l'oublier
Lorfqu'à s'expliquer on héfite ,
Et cet heureux oubli fournit au cavalier
Un pretexte innocent de premiere vifite..
En un mot , je n'aurois jamais fait fi je
voulois vous développer dans toutes fes
parties le fublime exercice de l'éventail :
il répond à ceux du chapeau , de la canne ,
& de la tabatiere ; c'eft tout dire.
Et je ne vous parle que de ce que je
fçais , fans compter les méthodes que je
puis ignorer , mes confreres les ayant imaginées
fans moi . Car il eft bon de vous
dire que plufieurs zéphirs ont été tentés ,
fur
MARS . 1755. 25
fur mon exemple d'être métamorphofés en
éventails ; quelques uns par malice , d'autres
pour réparer de bonne foi la réputation
de légereté qui les avoient perdus
auprès des Dames , par les fervices continuels
qu'ils leur rendent ; & les Dames ,
à leur tour , par un motif de reconnoiffance
ou d'intérêt , ne nous abandonnent
pas même dans la faifon où les zéphyrs
font de trop preuve remarquable de toutes
nos autres propriétés,
Que d'éventails grands & petits ,
Pourroient vous raconter la choſe ;
Si tous les inconftans étoient affujettis
A la même métamorphofe ?
On affure même , continua le zéphyr ,
que les Cavaliers François , & fur-tout les
petits-maîtres , ont imaginé depuis peu
de porter en été des éventails de poche .
Après avoir partagé avec les Dames les .
mouches , le rouge , & les ponpons , je ne
crois pas que ces Meffieurs rifquent de
paroître plus ridicules en partageant auffi
l'exercice de l'éventail.
A peine mon zéphyr hiftorien eut - il
achevé ces mots , que je fus abordé par
un grand jeune homme , qu'il me dit être
de robe : il me demanda fi dans ce même
endroit je n'avois pas trouvé par hazard
B
26 MERCURE DE FRANCE .
l'éventail qu'une Dame avoit égaré. Pendant
qu'il me faifoit une longue defcription
de l'éventail , le zéphyr me dit
à l'oreille : voilà le favori de ma maîtreffe ;
c'est une actrice fort aimable : ce jeune
Confeiller l'avoit accompagnée dans ce
bofquet ; mais dès qu'ils ont apperçu certain
plumet , concurrent redoutable pour
un homme de robe , ils fe font levés avec
tant de précipitation que l'éventail eft reſté
fur la place. Cela m'arrive fouvent dans les
tête-à-têtes. Adieu .
Je rendis au Confeiller l'éventail de fa
Déefle , & je me retirai plein de réflexions
qu'une matiere auffi intéreffante ne doit
pas manquer d'infpirer .
Voilà , Mademoiſelle , l'Origine des éventails.
Et voilà , foit dit entre nous •
Ce que je n'aurois point griffonné pour toute autre.
A propos d'éventail , fi l'Amour d'un air doux
Venoit fe mettre à vos genoux ,
Croyez-moi , fervez - vous du vôtre
Pour le repouffer loin de vous ;
Je le connois , le bon apôtre ,
Le plus fage fait bien des fous.
DES EVENTAILS
A MADEMOISELLE ....
•
J'ai cru long moiſelle , qu-teemlses, aévveenctaviolussn,'éMtaodieen-t
autre chofe que l'invention de quelque artifan
affez habile pour avoir fçu (paffez- moi
la métamorphofe ) renfermer des zéphirs
dans un morceau de papier ou de taffetas.
Je n'y vois point d'autre avantage
Pour les Dames , que l'agrément
D'avoir à leur commandement
Le fouffle que zéphir avoit feul en partage
Avant que l'on eut l'art de captiver le vent.
Vous penfiez la même chofe , Mademoifelle
, mais nous ne connoiffions gueres
, ni l'un ni l'autre , la véritable origine
& les magnifiques propriétés des éventails .
J'ai été tiré d'erreur par l'aventure dont je
vous ai promis la narration ; elle vous paroîtra
merveilleufe , mais fongez que la
vérité même a fes merveilles , & que cette
hiftoire peut être vraie , quoiqu'elle ne
paroiffe pas tout-à-fait vraisemblable .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
J'aime mieux , après tout , une plaifante fable ,
Qui peut mener l'efprit à quelque vérité ,
Que quelque hiftoire véritable ,
Sans but & fans moralité.
y aura un an l'été prochain , qu'après
m'être promené feul dans le Luxembourg
pendant un affez long tems , je fus me repofer
dans un bofquet de cet agréable jardin
, l'un des ornemens de Paris , quoique
la nature feule en faffe les frais , & que
l'art ne fe mette point en peine de le cultiver.
Il étoit près de huit heures du foir ; je
ne m'apperçus point en entrant dans le
bofquet que je marchois fur quelque chofe
; une efpéce de cri me fit regarder à
terre : un éventail fort joli étoit à mes
pieds ; je le ramaffai ; je ne fçais quel mouvement
fecret me fit defirer alors de connoître
la perfonne à qui cet éventail appartenoit.
Peut-être alors mon coeur étoit- il entraîné
Par ce doux inſtinct qui nous guide ,
Quand , par le moindre objet , l'homme eft déter
miné
A voler d'une aîle rapide
Wers le fexe enchanteur pour lequel il eft né.
Quoiqu'il en foit , je m'écriai fur le
MARS.
champ , & fans y penfer : à qui l'éventail ?
perfonne ne m'ayant répondu , j'allois le
mettre dans ma poche , lorfqu'une voix
me cria ; ami , que ne daignes-tu me demander
à moi -même à qui j'appartiens ?
Vous jugez bien , Mademoifelle , que
cette voix me furprit étrangement. Je regardai
de tous côtés , je ne découvris perfonne
l'épouvante commença à fuccéder
à l'étonnement : étoit- ce un démon ? étoitce
un génie ? les uns & les autres habitent
les bofquets. Cette voix n'avoit point un
corps , ou ce corps étoit invifible : dans
cette étrange conjoncture , je me rappellai
le fens du difcours , & mon étonnement
redoubla ; il paroiffoit même que l'éventail
m'avoit apoftrophé : nouveau fujet d'inquiétude
.
» Je vois ta ſurpriſe ( continua la voix ) ;
» c'eſt une preuve de ton ignorance.
Ami , tulanguis , je le voi ,
Dans les préjugés du vulgaire ;
Ton efprit ne recherche & ne découvre en moi
Qu'un inftrument fort ordinaire.
Je fçais qu'un éventail , pour un eſprit borné ,
N'eft qu'un morceau d'ivoire , un taffetas orné
D'une peinture inanimée :
Tandis qu'aux Dames deſtiné
Ce bijou , d'un zéphif , tient l'ame renfermée.
A v
10 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi donc , ô mortels ! à l'écorce attachés ,
Vous voyez tout le refte avec indifférence ;
Etfous nombre d'objets fimples en apparence
Vous ne pénétrez pas quels tréfors font cachés .
La voix pourfuivit , affis -toi fur ce ga
zon , approches l'éventail de ton oreille
& redoubles d'attention .
L'éventail que tu tiens n'eft autre chofe
qu'un malheureux zéphir , à qui fon inconftance
a couté cher.
J'aimois Flore , & j'en étois aimé , lorfque
ma légereté naturelle me fit voler vers
Pomone ; je trouvai fon coeur occupé ,
Vertumne étoit heureux .
Après avoir parcouru les états de quelques
autres divinités , je revins à Flore ;
elle m'aimoit toujours , & elle me pardonna
ma petite infidélité.
En amour la défertion
Nous infpire fouvent une ferveur nouvelle
Pour le premier objet de notre paffion.
Ne craignons point l'impreffion
Qu'une infidelité fera fur une belle ,
Pourvû que le bon goût & la réflexion,
Sçache nous ramener à propos auprès d'elle :
De ne faire jamais qu'un choix ,
Belles, fi vos amans fe faifoient une affaire ;
MARS. II 1755.
Votre gloire y perdroit , c'eft une choſe claire ;
De quatre amans , foumis tour à tour à vos loix ,
Il faudroit en retrancher trois.
Il faut bien , pour vous fatisfaire ,
Que notre coeur ait quelquefois
Des facrifices à vous faire.
Suivant cette maxime , mon retour vers
La Déeffe ne me guérit point de l'inconftance
; on eût dit que j'étois né François .
Lorfque je revins à la cour de Flore , j'y
trouvai une jeune nymphe fort aimable ,
& que je n'avois pas encore vûe ; on la
nommoit Aglaé : la voir & l'aimer fut mon
premier mouvement ; le fecond fut de
chercher à lui plaire. Aglaé avoit un coeur
neuf : conquête flatteufe ! je n'épargnai
rien pour me la procurer ; mais ce n'étoit
pas fans précautions : mon humeur volage
avoit rendu Flore clairvoyante.
Ce n'étoit pas une merveille.
Un amour trop certain de fa félicité ,
S'affoupit dans les bras de la fécurité ;
Mais il s'agite & ſe réveille ,
Dès qu'il entend la voix de l'infidelité .
J'étois obfervé de fi près que je fus
bien huit jours entiers à brûler conftamment
fans pouvoir le déclarer à l'aimable
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abſence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeffe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé .
Elle fe promenoit dans les jardins del
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons -nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS. 1755 : 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai -je auffitôt
en prenant une de fes belles mains :
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes - vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut- être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie . t.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eſt parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
-vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
le
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
12 MERCURE DE FRANCE.
Aglaé ; cependant au bout de ce long ter
me , Flore ayant été appellée au confeil
des Dieux , pour l'ornement d'une fête que
Jupiter vouloit donner , fon abfence me
laiffa la liberté d'entretenir mon adorable
nymphe : je ne fçais fi elle avoit deviné
que j'aurois à lui parler ; elle fe difpenfa ,
fur quelque prétexte , de fuivre la Déeſſe.
Quant à moi je trouvai le fecret de m'échapper
de la falle du confeil olympique ,
& je volai vers Aglaé.
Élle ſe promenoit dans les jardins de
Flore : eh quoi ! me dit- elle d'un air tout
charmant , vous n'êtes donc pas refté avec
la Déeffe ? croyez- vous , lui dis- je , ô mon
aimable Aglaé , qu'il y ait des fêtes pour
moi où vous n'êtes pas ? alors je me jettai
à fes genoux , & je lui déclarai avec tranfport
l'amour qu'elle m'avoit infpirée.
Que faites-vous ? s'écria-t elle , que deviendrois-
je fi Flore nous furprenoit enfemble
? Ne craignez rien , chere Aglaé ,
Flore eft retenue dans les cieux ; n'ayez
d'attention que pour un amant qui ne voit
que vous.
Ah ! par une crainte frivole
Pourquoi troublerons-nous ces momens fortunés ?
Déja cet heureux tems s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoifonnez.
MARS . 1755: 13
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une
fimplicité trifte & naïve , je vous écoutois
il y a quelques jours parler à Flore , vous
fui
juriez un amour éternel , & vous m'aimez
, dites-vous ? Oui , répliquai-je auffitôt
en prenant une de fes belles mains
oui , belle Aglaé , je vous adore , & je
n'adore que vous feule ; êtes- vous déterminée
à m'ôter tout eſpoir , à moi , l'amant
le plus tendre & le plus fidele qui fut
jamais ?
Sur ces fermens , continua l'Eventail ,
en s'interrompant lui - même , vous me
croyez peut-être le plus traître de tous
les zéphirs , vous m'accufez de perfidie.
Mais ce feroit me faire injure ;
L'inconftance eft l'effet d'une invincible loi :
Et l'amant volage eft parjure
Sans être de mauvaiſe foi.
Cependant le ceeur rempli de ma nouvelle
paffion , j'attendois aux pieds d'Aglaé
qu'elle daignât prononcer mon arrêt : Levez
- vous , me dit - elle , je tremble que
Flore ne furvienne . Eh ! quoi , lui répliquai-
je , toujours des craintes , & pas
moindre efpoir ! Que voulez- vous que je
vous dife , me répondit Aglaé , en tourmant
vers moi les plus beaux yeux du monde
? .... Ah ! Zephir , vous avez aimé
le
14 MERCURE DE FRANCE.
1
Flore ..... que je ferois à plaindre fi vous
changiez une feconde fois ! A ces mots
elle difparut.
Depuis ce moment elle m'évitoit , elle
s'obfervoit elle - même , elle fembloit fe repentir
d'une indifcrétion ; enforte que je
fus quelques jours fans pouvoir m'affurer
plus pofitivement de fes difpofitions à mon
égard : peut-être , me répondrez - vous ,
qu'elle m'en avoit affez dit à
Mais quel eft l'aveu favorable
Qui foit , je ne dis pas égal , mais comparable
A ce je vous aime charmant
Que l'on trouve fi defirable ?
Ces trois mots échappés d'une bouche adorable ,
Peuvent feuls contenter la maîtreffe & l'amant .
L'attente d'un aveu fi cher m'avoit rendu
rêveur contre mon ordinaire . Ma rêverie
me conduifit un jour dans une allée
fombre où le promenoit Aglaé. Dès qu'elle
me vit , elle entra , pour m'éviter , dans un
cabinet de rofiers , voifin d'un bofquet de
myrtes , où Flore alloit quelquefois fe repofer.
La jeune Nymphe ne foupçonnoit
pas que je l'euffe apperçue : j'étois à fes
genoux avant qu'elle eût fongé à m'ordonner
de me retirer . Elle voulut fortir ; je
Parrêtai : Ne craignez rien , lui dis-je , belle
Aglaé !
MARS . 1755.
Que mon empreffement ne vous foit point fufpect
:
Ma tendreffe pour vous eft pure & légitime ;
Le véritable amour est fondé fur l'eftime ,
Et l'eftime eft fuivie en tout tems du reſpect.
- Elle parut fe raffurer : une défiance affectée
eft fouvent plus dangereufe dans ces
occafions qu'une noble confiance mêlée
d'une fierté qui en impoſe à l'amant le plus
empreffé.
Je me défierois d'une prude
Qui me quitteroit brufquement ,
Ou me chafferoit d'un air rude ;
La vertu bien fincere agit tout fimplement.
4
Nous nous mîmes à caufer tranquillement.
Aglaé continua de cueillir des rofes
pour s'en faire un bouquet. J'en avois apperçu
une , la plus belle du monde , dans
un coin du cabinet : j'allois la cueillir
lorfqu'une épine me piqua fi vivement
qu'il m'échappa une plainte que la tendre
Aglaé accompagna d'un cri,: tous deux
nous trahirent .
Hélas ! les rofes les plus belles ,
Et qui par leur éclat charment le plus nos yeux ,
Cachent aux regards curieux
Les épines les plus cruelles.
16 MERCURE DE FRANCE.
Le plus fage feroit de n'en point approcher.
Mais , quoi ! de tant d'attraits le ciel les a pour
vûes ,
Que du moment qu'on les a vûes
On rifque tout pour les toucher .
Flore dormoit dans le bofquet demyrte ;
le cri d'Aglaé la réveilla ; elle accourut dans
le cabinet des rofiers : Dieux ! quel fut fon
étonnement ! Aglaé étoit affife fur un banc
de gazon , j'étois à genoux devant elle ,
tandis qu'avec un mouchoir de mouffeline
, l'aimable Nymphe fe hâtoit d'étancher
le fang qui fortoit de la piquûre que
je m'étois faire : la bleffure en elle-même
étoit peu de chofe ; mais eft - il de légers
accidens en amour ? Aglaé découvroit dans
fon action cet empreffement mêlé de crainte
que l'on a dans ces fortes d'occafions
pour les perfonnes que l'on aime.
En amour , le péril eft la pierre de touche :
Alors , quoiqu'une belle ait formé le projet
De tenir en filence & fes yeux & fa bouche ;
Dans le moindre accident qui frappe un cher ob
jet ,
L'ame fe réunit à celle qui la touche , :
Et la beauté la plus farouche
De fes craintes bientôt découvre le fujet.
Cette entrevûe auffi fatale pour nous
MARS. 1755. 17
que pour la Déeffe , ne fit que juftifier des
foupçons qu'elle avoit déja conçus : elle
diffimula cependant , & parut même plus
tranquille fur mon compte ; mais elle méditoit
une vengeance qui devoir m'ôter
pour toujours le defir , ou , fi vous voulez
, le plaifir de changer .
Quelques jours après cet incident , Flore
fit avertir Aglaé de venir lui parler en
particulier la pauvre Nymphe obéit en
tremblant. Raffurez- vous , lui dit -elle , je
ne veux point vous faire de mal ; je fuis
charmée , puifque Zéphir m'abandonne
que ce foit du moins pour une perfonne
qui le mérite. Mais , Aglaé , quand vous
lui avez permis quelque efpérance , avez .
vous bien refléchi fur le caractere de votre
amant ? les fermens qu'il vous a faits fans
doute , ne me les avoit- il pas faits à moi
même ? que dis-je ? ne me les avoit- il pas
mille fois réitérés ? avez - vous plus d'em
pire fur lui que je crois en avoir ? & s'il
change encore quelle fera votre deftinée
?
>
Au commencement de ce difcours
Aglaé n'avoit reffenti que de la confufion :
ces derniers mots lui firent répandre des
larmes ; elles furent fa réponſe.
Je vous plains d'autant plus , continua
la Déeffe , que vous aimez de bonne foi
18 MERCURE DE FRANCE.
le plus volage de tous les amans ; il eft cependant
pour vous un moyen de prévenir
fon infidélité. On vient de me faire préfent
d'une petite baguette d'ivoire qui a
la vertu de fixer les inconftans : je vous
la donne , j'en aurois fait ufage pour moimême
, fi Zéphir ne m'eût point quittée
pour vous : il n'eft plus tems , & peut-être
même que demain il feroit trop tard pour
vous.
Incapable de trahisons ;
La fincere vertu l'eft auffi de foupçons.
Aglaé ne vit dans cette offre de Flore
qu'une marque de protection . Elle fortit
après avoir baifé la main de la Déeffe
avec le témoignage de la plus vive reconnoiſſance
. Hélas ! elle ne prévoyoit pas
combien ce préfent alloit nous être fatal
à tous les deux .
Elle accourut d'un air gai me faire part de
la prétendue clémence de Flore ; mais elle
ne me dit rien de la fatale baguette, dans la
crainte apparemment d'en empêcher l'effet .
Je ne me défiois de rien : la gaité d'Aglaé
me charmoit ; je me mis à folâtrer avec
elle : j'apperçus la petite baguette d'ivoire ,
je la trouvai jolie : je voulus la dérober ' ;
Aglaé la retint , elle m'en donna en badiMARS.
1755 . 19
nant de petits coups fur les ailes : funefte
badinage !
A peine cus-je été frappé du fatal préfent
de Flore , qu'il fe fit en moi une métamorphofe
auffi prompte que prodigieufe.
La baguette enchantée fe fendit en plu
fieurs petites languettes minces qui forment
les bâtons que vous tenez : mes aîles
s'étant réunies auffi - tôt , fe colerent fur
l'ivoire , & formerent ce que l'on appelle
vulgairement un éventail fuis toujours
Zéphir , quoique j'aie perdu mon ancienne
forme.
En fuis-je donc moins eftimable
N'ai- je pas confervé l'heureufe faculté
De répandre dans l'air cette fraîcheur aimable
Qui défend la beauté
Contre les chaleurs de l'été ?
En vain l'aftre du jour veut lui faire la guerre ,
J'ai l'art de l'en débarraffer.
Ce font toujours les fleurs que j'aime à careffer ;
Non celles qu'autrefois j'aimois dans un parterre ,
Mais celles que les Dieux ont pris foin de verfer
Sur le teint éclatant des Reines de la terre.
Mon changement en éventail fut pour
Aglaé le coup le plus terrible . J'ai fçu depuis
qu'elle n'avoit pû furvivre à mon
malheur , & j'ofe ajouter au fien . Pou
20 MERCURE DE FRANCE.
voit elle defirer de me fixer à ce prix ?
J'ai paffé en différentes mains depuis ma
métamorphofe ; les Dieux m'ont laiffé l'ufage
de la parole pour inftruire l'univers
de mon origine & de mes différentes propriétés.
Comment ( dis- je au Zéphir métamor
phofé ) , vous fervez donc à plus d'une
chofe ?
Que tu es novice , me répondit-il , Â
tu ignores en combien de manieres je puiš
être utile au beau fexe !
Vas , crois- moi , ce feroit trop peu pour
les Dames de n'avoir en moi qu'un zéphir
à leurs ordres , il eft des occafions où je
leur fuis d'une toute autre utilité.
Croirois-tu , par exemple , que j'ai bonne
part à certaines converfations ? Il y a
quelque tems que j'appartenois à une jeune
veuve , qui dans ces fortes de cas
fe fervoit de moi merveilleufement bien.
Comme elle a de la beauté , mais peu
d'efprit ,
S'entend-elle agacer par quelque compliment
Elle répond fuccintement ;
Mais elle fçait en récompenſe
Badiner fort éloquemment
Avec fon éventail , dont le jeu la difpenfe
De s'énoncer plus clairement :
MARS. 1755. 21
O! l'agréable truchement !
Sans faire plus grande dépenſe
Et d'efprit & de jugement ,
Dans un cercle , Cloris fe donne adroitement
L'air d'une perfonne qui penſe ;
Et l'évantail alors fert admirablement.
Elle le tient appuyé fur fes levres , à peu
près dans l'attitude du Dieu du filence repréfenté
tenant un cachet ou fon doigt fur
fa bouche. C'eft ainfi qu'une fotte rêverie
paffe pour une fpirituelle méditation .
Que de Dames fort eftimables d'ailleurs , à
qui il n'en a jamais coûté qu'une femblable
attitude , pour fe donner dans le monde
la réputation d'êtres penfans !
yeut-on de l'éventail faire quelqu'autre ufage ?
Que l'on me tienne déployé ,
Et qu'alors je fois employé
A cacher , de côté , la moitié du viſage :
Voilà dans un monde poli-,
Et le voile le plus modeſte ,
Et le mafque le plus joli
Pour en faire accroire de refte ,
Aux oncles , aux tuteurs , aux papas , aux ma
mans ,
Aux maris , & même aux amans, -
C'eft ainfi qu'à fa confidente ,
Ou bien à fon héros , une fille prudente
22 MERCURE DE FRANCE.
Parle à l'abri de l'éventail ;
Car on n'affiche plus l'amour à fon de trompe ,
Et ce n'eft plus en gros , meres , que l'on vous
trompe :
On aime à petit bruit , & l'on dupe en détail.
Cette façon de mafque eft encore à l'ufage
des Dames , qui fe difent à l'oreille
de jolis riens ; elles leur donnent par là
un air d'importance & de myftere. Autre
avantage que l'on retire de l'éventail,
Sur l'objet de fa paſſion ,
L'éloquence d'un homme aimable
Fait-elle quelque impreffion ?
On cache une rougeur ou fauffe ou véritable
Avec un éventail , dont on fçait ſe couvrir ;
Et quelquefois auffi c'eft un tour plein d'adrefle
Pour faire deviner des fignes de tendreffe
Que la bouche balance encore à découvrir.
Un jeune Cavalier , moins fage qu'amoureux ¿
Qu'un tendre aveu rend téméraire ,
Ofe-t-il hazarder quelque gefte contraire
A ce que la décence exige de fes feux
Mieux que par une réprimande ,
Par un coup d'éventail , le tendron irrité
En impofe au galant , qui s'étoit écarté
la raifon commande .
De ce que
Mais j'entends que l'on me demande
Si le coup d'éventail eft donné des plus lourds ;
MARS.
23 1755 .
Je réponds : des amans faifons la différence ,
On bat ceux que l'on voit avec indifférence
Mais on fait patte de velours
Sur le galant de préférence ,
Au furplus , cette partie de mon exer
cice eft celle qui demande le plus de précifion
l'amour eft un enfant bien malin ;
fouvent on l'agace en croyant le rebuter ;
c'eſt aux Dames à ne pas s'y méprendre .
:
Que vous dirai-je encore ? je connois
une vieille Marquife , dont la foibleſſe eſt
de vouloir être regardée : elle y réuffic
quelquefois par la fingularité de fon ajuſtement.
Il y a quelque tems qu'elle fe faufila
dans une compagnie de jeunes perfonnes
de l'un & de l'autre fexe ; elle quête
des regards , à peine y fait- on attention :
la pauvre
Marquife
étoit
ifolée
au milieu
de douze
perfonnes
. Pour
derniere
reffource
, elle laiſſe
tomber
fon éventail
;
un jeune
homme
le ramaffe
, le rend poliment
à la Marquife
, & fe tourne
de l'autre
côté. La formalité
remplie
, il ne fut
pas feulement
queſtion
d'un clin d'oeil
, il
fallut
fortir
fans avoir
eu le bonheur
de fe
faire
regarder.
Une jeune Agnès fe fert plus heureuſement
du même ſtratagême ; fon amant lui
écrit , elle fait une réponse ; l'embarras eft
24 MERCURE DE FRANCE.
de la donner fans que l'on s'en apperçoive
; on attend l'occafion que l'on foit à
côté l'un de l'autre : l'Agnès laiffe adroitement
tomber l'éventail , le jeune Cavalier
le ramaffe , le préfente à fa maîtreffe , qui
faifit l'inftant pour lui gliffer dans la main
le billet qu'elle tehoit tout prêt dans la
fienne .
Eh ! que d'autres beautés en uferoient
ainfi !
Quelquefois
il arrive auffi
Qu'avec un air diftrait & fimple en apparence ,
Mais au fond , avec un air fin ,
En fe mettant au jeu , l'on donne à ſon voiſin
L'éventail à garder : aimable préférence !
Enfuite on feint de l'oublier
Lorfqu'à s'expliquer on héfite ,
Et cet heureux oubli fournit au cavalier
Un pretexte innocent de premiere vifite..
En un mot , je n'aurois jamais fait fi je
voulois vous développer dans toutes fes
parties le fublime exercice de l'éventail :
il répond à ceux du chapeau , de la canne ,
& de la tabatiere ; c'eft tout dire.
Et je ne vous parle que de ce que je
fçais , fans compter les méthodes que je
puis ignorer , mes confreres les ayant imaginées
fans moi . Car il eft bon de vous
dire que plufieurs zéphirs ont été tentés ,
fur
MARS . 1755. 25
fur mon exemple d'être métamorphofés en
éventails ; quelques uns par malice , d'autres
pour réparer de bonne foi la réputation
de légereté qui les avoient perdus
auprès des Dames , par les fervices continuels
qu'ils leur rendent ; & les Dames ,
à leur tour , par un motif de reconnoiffance
ou d'intérêt , ne nous abandonnent
pas même dans la faifon où les zéphyrs
font de trop preuve remarquable de toutes
nos autres propriétés,
Que d'éventails grands & petits ,
Pourroient vous raconter la choſe ;
Si tous les inconftans étoient affujettis
A la même métamorphofe ?
On affure même , continua le zéphyr ,
que les Cavaliers François , & fur-tout les
petits-maîtres , ont imaginé depuis peu
de porter en été des éventails de poche .
Après avoir partagé avec les Dames les .
mouches , le rouge , & les ponpons , je ne
crois pas que ces Meffieurs rifquent de
paroître plus ridicules en partageant auffi
l'exercice de l'éventail.
A peine mon zéphyr hiftorien eut - il
achevé ces mots , que je fus abordé par
un grand jeune homme , qu'il me dit être
de robe : il me demanda fi dans ce même
endroit je n'avois pas trouvé par hazard
B
26 MERCURE DE FRANCE .
l'éventail qu'une Dame avoit égaré. Pendant
qu'il me faifoit une longue defcription
de l'éventail , le zéphyr me dit
à l'oreille : voilà le favori de ma maîtreffe ;
c'est une actrice fort aimable : ce jeune
Confeiller l'avoit accompagnée dans ce
bofquet ; mais dès qu'ils ont apperçu certain
plumet , concurrent redoutable pour
un homme de robe , ils fe font levés avec
tant de précipitation que l'éventail eft reſté
fur la place. Cela m'arrive fouvent dans les
tête-à-têtes. Adieu .
Je rendis au Confeiller l'éventail de fa
Déefle , & je me retirai plein de réflexions
qu'une matiere auffi intéreffante ne doit
pas manquer d'infpirer .
Voilà , Mademoiſelle , l'Origine des éventails.
Et voilà , foit dit entre nous •
Ce que je n'aurois point griffonné pour toute autre.
A propos d'éventail , fi l'Amour d'un air doux
Venoit fe mettre à vos genoux ,
Croyez-moi , fervez - vous du vôtre
Pour le repouffer loin de vous ;
Je le connois , le bon apôtre ,
Le plus fage fait bien des fous.
Fermer
Résumé : L'ORIGINE DES EVENTAILS, A MADEMOISELLE .....
Le texte narre l'origine des éventails, racontée par un homme à une demoiselle. Initialement, l'homme pensait que les éventails servaient uniquement à capturer le vent pour le plaisir des dames. Cependant, il découvre la véritable origine des éventails à travers une aventure merveilleuse mais vraisemblable. Un jour, l'homme trouve un éventail dans un bosquet du Luxembourg. Une voix invisible, celle de l'éventail lui-même, lui raconte son histoire. L'éventail était autrefois un zéphyr, un vent léger, qui aimait la déesse Flore. Par inconstance, il tomba amoureux de Pomone, mais revint ensuite à Flore. Plus tard, il s'éprit de la nymphe Aglaé, ce qui provoqua la jalousie de Flore. Lors d'une fête des dieux, le zéphyr déclara son amour à Aglaé, mais celle-ci, craignant la colère de Flore, hésita. Finalement, Aglaé disparut, laissant le zéphyr malheureux. Pour punir son inconstance, le zéphyr fut transformé en éventail, emprisonnant ainsi son esprit volage dans un objet. La déesse Flore, jalouse, découvrit la relation entre Aglaé et Zéphir. Pour se venger, elle offrit à Aglaé une baguette d'ivoire enchantée, censée fixer les inconstants. Aglaé, ignorante des intentions malveillantes de Flore, accepta le présent. Zéphir, attiré par la baguette, la toucha et se métamorphosa en éventail. Cette transformation fut fatale pour Aglaé, qui ne survécut pas à la perte de Zéphir. L'éventail, doté de la parole, explique ses multiples usages et utilités. Il sert à dissimuler des émotions, à communiquer discrètement, et à jouer divers rôles dans les interactions sociales. Les dames l'utilisent pour se protéger des regards indiscrets et pour envoyer des signaux subtils. Le texte se termine par une réflexion sur les éventails et leurs rôles dans la société, illustrée par des anecdotes et des observations sur leur usage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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