Résultats : 1867 texte(s)
Détail
Liste
901
p. 366-369
TURQUIE ET PERSE.
Début :
ON a appris par Moscou que le Roy de Perse [...]
Mots clefs :
Turquie, Perse, Moscou, Sultan, Janissaires, Bataille, Artillerie, Prisonniers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE ET PERSE.
NOUVELLES ETRANGERES.
ON
TURQUIE ET PERSE.
N a appris par Moscou que le Roy de Perse
avoit envoyé à Ispaham 2000. prisonniers
avec plusieurs pieces d'artillerie prises sur
les Turcs dans la derniere bataille qui a été
donnée du côté de Tauris ; et que ce Prince ne
vouloit écouter les propositions d'accommodement
qui lui ont été faites de la part du nouveau
Sultan , qu'à condition que pour Prélimimaires
de la Paix , les Turcs lui restitueront les
ConFEVRIER
. 173.1.1 367
Conquêtes qu'ils ont faites pendant la derniere
revolution , et lui payeront 30 millions de Roupies
en forme de dédommagement des pertes
qu'ont souffertes les differentes Provinces de la
Perse pendant la guerre,
Les Lettres de Derbent portent , qu'un Deta→
chement de l'armée du Roy de Perse avoit attaqué
le secours que le Bacha du Grand Caire envoyoit
à Bagdad , suivant les ordres du Sultan
déposé , et que les Persans avoient fait un butin
de près d'un million de Ducats.
Quelques Lettres de Constantinople du mois
de Decembre portent qu'Ali surnommé Patrona,
Chef et auteur de la revolution , peu content des
recompenses qu'il avoit reçues du Gr. S. et continuant
de demander avec hauteur les principales
Charges pour sa famille , ou pour ses adherans ,
S. H. avoit pris la resolution de se défaire de cet
importun , mais avec les précautions necessaires
pour prévenir une nouvelle revolution ; que lè
30 de Decembre Cianum Coggia , Capitan Pacha
, avoit eu ordre d'assembler les plus mutins
des Genteniers ou Commandans des bandes des
Jannissaires , qui avoient eu part à la derniere
revolte , et de feindre qu'on vouloit prendre leurs
avis pour décider de la Paix ou de la Guerre,
Après que le Capitan Pacha eut tenu avec 36 de
ces mutins une espece de Conseil , il alla avec
eux au Serrail , où il les engagea à demeurer
jusqu'à ce qu'il eut communiqué au G. S. le resultat
de leur Conference ; mais à peine se fut- il
retiré d'auprès d'eux , que 160 Jannissaires , áffectionnez
au Gouvernement , les environnerent
et les tail ! erent en pieces.
Cette punition n'empêcha pas Ali - Patrona de
demander le lendemain que le nommé Gicca ,
frere de l'Interprete de S. H , dont il avoit reçu
cent
368 MERCURE DE FRANCE
cent Bourses , fut nommé Vaivode de Valachie
à la place de Mauro Cordato. Le G. S. lui accorda
cette nouvelle grace ; mais quelques jours
après l'ayant fait arrêter avec le nouvel Aga des
Jannissaires , ces deux Rebelles furent étranglés ,
et on a trouvé chez eux près de cinq millions en
or ,qui ont été portés au Trésor du Serail.
Le G. S. ayant déposé le Kan des Tartares
tributaires de la Porte , qui avoit été mandé à
Constantinople , sous prétexte d'assister à un
Divan , S. H. a donné le Commandement des
Tartares au frere du Kan déposé , lequel étoit
relegué à Barna depuis quelques années , et le 3
du mois de Decembre dernier il reçut des mains
du G. S. un sabre garni de diamans , et un Caftan
doublé de martes Zebelines.
Le Seraskier Rusteck qui est allé en Perse
pour y negocier un Traité de Pacification , a été
fait Pacha à trois Queuës avant. que de partir .
Le Divan a resolu de demander des sommes
considerables aux Grecs et aux Juifs pour l'avenement
de S. H. au Trône.
Les mêmes Lettres marquent que le Sultan
déposé qui a été renfermé aux sept Tours avec
les Princes ses fils , y étoit traité magnifiquement,
et avec les mêmes honneurs que s'il étoit encore
sur le Trône.
On écrit de Venise , que par les Lettres reçuës
de Constantinople à la fin du mois dernier ; on
avoit apris que le Pacha Rustech,qu'on a envoyé
à Ispaliam , avec des pleins pouvoirs pour la signature
d'un Traité de Paix , avoit emporté avec
lui des présens magnifiques pour les Ministres du
Roy de Perse. Ces Lettres ajoutent que le G. S.
loin de se sur les créatures du Sultan dévanger
posé , de l'affront qui fut fait à Mustapha son
pere , lorsqu'on l'enferma aux sept Tours , employoit
FEVRIER. 1731. 359
ployoit tous ceux qui après avoir reconnu leur
faute, promettoient de le servir avec fidelité ; que
cette conduite lui attiroit tous les coeurs de ses
sujets , qui s'attendant à de grandes cruautez sous
son regne , étoient extrèmement surpris de voir
tant de modération et de clémence dans leur Sou
verain ; qu'on attribue cette douceur aux sages
conseils du nouveau Mufti qui l'a déterminé aus
si à visiter le Sultan déposé, et à le consulter sur
les affaires du Gouvernement, dont S H. ne pour
roit avoir une connoissance parfaite sans ce secours
, parce que le dernier G. V. avoit détourné
les Papiers de conséquence de ses Bureaux avant
que d'être étranglé , et que les autres Ministres
subalternes les ont brulés ou cachés depuis, que le
Sultan déposé,et le G.S. vivoient dans une bonne
intelligence,que le premier avoit la liberté de voir
les Princes ses fils , de manger et de converser
avec eux , et qu'on lui avoit rendu six de ses Sultanes
favorites.
On apprend par les mêmes Lettres qu'un hom
me de la lie du peuple , mais aussi sage et éclairé
qu'il est pauvre , avoit été choisi pour être Lieutenant
de l'Aga des Janissaires ; que S. H. ayant
approuvé ce choix , ce nouvel Officier avoit envoyé
chez tous les Ministres étrangers pour leur
donner part de son avenement, et les faire ressouvenir
de sa pauvreté;que ces Ministres lui avoient
fait,à l'envi, des présens magnifiques , que la Sulta
ne mere lui avoit envoyé 3 Turbans ,des habits et
quelques bourses remplies d'or , pour l'aider à se
mettre en équipage , et que depuis qu'il avoit pris
possession de son nouveau poste , les Janissaires
vivoient dans une parfaite discipline.
ON
TURQUIE ET PERSE.
N a appris par Moscou que le Roy de Perse
avoit envoyé à Ispaham 2000. prisonniers
avec plusieurs pieces d'artillerie prises sur
les Turcs dans la derniere bataille qui a été
donnée du côté de Tauris ; et que ce Prince ne
vouloit écouter les propositions d'accommodement
qui lui ont été faites de la part du nouveau
Sultan , qu'à condition que pour Prélimimaires
de la Paix , les Turcs lui restitueront les
ConFEVRIER
. 173.1.1 367
Conquêtes qu'ils ont faites pendant la derniere
revolution , et lui payeront 30 millions de Roupies
en forme de dédommagement des pertes
qu'ont souffertes les differentes Provinces de la
Perse pendant la guerre,
Les Lettres de Derbent portent , qu'un Deta→
chement de l'armée du Roy de Perse avoit attaqué
le secours que le Bacha du Grand Caire envoyoit
à Bagdad , suivant les ordres du Sultan
déposé , et que les Persans avoient fait un butin
de près d'un million de Ducats.
Quelques Lettres de Constantinople du mois
de Decembre portent qu'Ali surnommé Patrona,
Chef et auteur de la revolution , peu content des
recompenses qu'il avoit reçues du Gr. S. et continuant
de demander avec hauteur les principales
Charges pour sa famille , ou pour ses adherans ,
S. H. avoit pris la resolution de se défaire de cet
importun , mais avec les précautions necessaires
pour prévenir une nouvelle revolution ; que lè
30 de Decembre Cianum Coggia , Capitan Pacha
, avoit eu ordre d'assembler les plus mutins
des Genteniers ou Commandans des bandes des
Jannissaires , qui avoient eu part à la derniere
revolte , et de feindre qu'on vouloit prendre leurs
avis pour décider de la Paix ou de la Guerre,
Après que le Capitan Pacha eut tenu avec 36 de
ces mutins une espece de Conseil , il alla avec
eux au Serrail , où il les engagea à demeurer
jusqu'à ce qu'il eut communiqué au G. S. le resultat
de leur Conference ; mais à peine se fut- il
retiré d'auprès d'eux , que 160 Jannissaires , áffectionnez
au Gouvernement , les environnerent
et les tail ! erent en pieces.
Cette punition n'empêcha pas Ali - Patrona de
demander le lendemain que le nommé Gicca ,
frere de l'Interprete de S. H , dont il avoit reçu
cent
368 MERCURE DE FRANCE
cent Bourses , fut nommé Vaivode de Valachie
à la place de Mauro Cordato. Le G. S. lui accorda
cette nouvelle grace ; mais quelques jours
après l'ayant fait arrêter avec le nouvel Aga des
Jannissaires , ces deux Rebelles furent étranglés ,
et on a trouvé chez eux près de cinq millions en
or ,qui ont été portés au Trésor du Serail.
Le G. S. ayant déposé le Kan des Tartares
tributaires de la Porte , qui avoit été mandé à
Constantinople , sous prétexte d'assister à un
Divan , S. H. a donné le Commandement des
Tartares au frere du Kan déposé , lequel étoit
relegué à Barna depuis quelques années , et le 3
du mois de Decembre dernier il reçut des mains
du G. S. un sabre garni de diamans , et un Caftan
doublé de martes Zebelines.
Le Seraskier Rusteck qui est allé en Perse
pour y negocier un Traité de Pacification , a été
fait Pacha à trois Queuës avant. que de partir .
Le Divan a resolu de demander des sommes
considerables aux Grecs et aux Juifs pour l'avenement
de S. H. au Trône.
Les mêmes Lettres marquent que le Sultan
déposé qui a été renfermé aux sept Tours avec
les Princes ses fils , y étoit traité magnifiquement,
et avec les mêmes honneurs que s'il étoit encore
sur le Trône.
On écrit de Venise , que par les Lettres reçuës
de Constantinople à la fin du mois dernier ; on
avoit apris que le Pacha Rustech,qu'on a envoyé
à Ispaliam , avec des pleins pouvoirs pour la signature
d'un Traité de Paix , avoit emporté avec
lui des présens magnifiques pour les Ministres du
Roy de Perse. Ces Lettres ajoutent que le G. S.
loin de se sur les créatures du Sultan dévanger
posé , de l'affront qui fut fait à Mustapha son
pere , lorsqu'on l'enferma aux sept Tours , employoit
FEVRIER. 1731. 359
ployoit tous ceux qui après avoir reconnu leur
faute, promettoient de le servir avec fidelité ; que
cette conduite lui attiroit tous les coeurs de ses
sujets , qui s'attendant à de grandes cruautez sous
son regne , étoient extrèmement surpris de voir
tant de modération et de clémence dans leur Sou
verain ; qu'on attribue cette douceur aux sages
conseils du nouveau Mufti qui l'a déterminé aus
si à visiter le Sultan déposé, et à le consulter sur
les affaires du Gouvernement, dont S H. ne pour
roit avoir une connoissance parfaite sans ce secours
, parce que le dernier G. V. avoit détourné
les Papiers de conséquence de ses Bureaux avant
que d'être étranglé , et que les autres Ministres
subalternes les ont brulés ou cachés depuis, que le
Sultan déposé,et le G.S. vivoient dans une bonne
intelligence,que le premier avoit la liberté de voir
les Princes ses fils , de manger et de converser
avec eux , et qu'on lui avoit rendu six de ses Sultanes
favorites.
On apprend par les mêmes Lettres qu'un hom
me de la lie du peuple , mais aussi sage et éclairé
qu'il est pauvre , avoit été choisi pour être Lieutenant
de l'Aga des Janissaires ; que S. H. ayant
approuvé ce choix , ce nouvel Officier avoit envoyé
chez tous les Ministres étrangers pour leur
donner part de son avenement, et les faire ressouvenir
de sa pauvreté;que ces Ministres lui avoient
fait,à l'envi, des présens magnifiques , que la Sulta
ne mere lui avoit envoyé 3 Turbans ,des habits et
quelques bourses remplies d'or , pour l'aider à se
mettre en équipage , et que depuis qu'il avoit pris
possession de son nouveau poste , les Janissaires
vivoient dans une parfaite discipline.
Fermer
Résumé : TURQUIE ET PERSE.
En 1731, des événements politiques et militaires significatifs se déroulent en Turquie et en Perse. Le roi de Perse envoie 2000 prisonniers et des pièces d'artillerie prises aux Turcs à Ispahan. Il refuse les propositions de paix du nouveau sultan turc, exigeant la restitution des conquêtes récentes et le paiement de 30 millions de roupies en dédommagement. Parallèlement, les Persans attaquent un convoi du Bacha du Grand Caire à Bagdad, s'emparant d'un butin d'environ un million de ducats. À Constantinople, Ali, surnommé Patrona, est éliminé par le sultan après avoir demandé des charges importantes pour sa famille. Le sultan exécute également deux rebelles, Gicca et le nouvel Aga des Jannissaires, trouvant près de cinq millions en or chez eux. Il dépose le Kan des Tartares et nomme son frère à sa place. Le Seraskier Rusteck est nommé Pacha à trois queues avant de partir négocier un traité de paix en Perse. Le sultan impose des sommes considérables aux Grecs et aux Juifs pour son avènement au trône. Le sultan déchu est enfermé aux sept Tours avec ses fils, mais y est traité magnifiquement. Le sultan actuel emploie ceux qui promettent fidélité, gagnant ainsi le cœur de ses sujets. Il consulte le sultan déchu pour les affaires du gouvernement et lui a rendu six de ses sultanes favorites. Un homme du peuple, sage et éclairé, est choisi comme lieutenant de l'Aga des Janissaires et reçoit des présents magnifiques des ministres étrangers et de la sultane mère. Les Janissaires vivent désormais dans une parfaite discipline.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
902
p. 370-371
Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
Début :
Nos Bâtimens commencent à venir du Levant. Le Capitaine Antoine [...]
Mots clefs :
Marseille, Constantinople, Révolution, Capitaine, Sultan, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
EXTRAIT d'une Lettre de Marseille
du 19 Février 1731. au fujet des Troubles
de Constantinople.
N
1
Os Bâtimens commencent à venir du Levant,
Le Capitaine Antoine Rolland arriva
le 16. en ce Port , chargé de 2700 charges de Ble
qu'il a pris au Volo , &c. Je l'ai questionné en
particulier sur la derniere révolution de Constan
tinople.
Notre Capitaine passa le fameux Janon- Coggia
Smirne,avec environ so personnes de sa suite , Er
en y arrivant , Coggia trouva des dépêches de
Constantinople où il étoit demandé, et où il s'est
rendu. Il a été fait de nouveau Capitan Pacha.
Quand il partit de Smirne , le Vaisseau du Capitaine
Rolland et tous les Bâtimens François le
saluerent de plusieurs coups de Canon , avec la
permission de M. le Consul, ce qui fit grand plai
sir au nouvel Amiral Turc,qui en témoigna sa reconnoissance
à notre Capitaine. Il fit distribuer
200 Piastres à l'Equipage.
Depuis , le même Capitaine ayant rencontré en
Mer , le Capitaine Fougasse de Cassis , commandant
un Pinque , lequel étoit parti de Constantinople
, le 13 Janvier. Il apprit de lui que Janon
Coggia avoit été reçu à Constantinople avec de
grandes acclamations , et que le nouveau Sultan`
avoit d'abord voulu le faire G. V. Il s'en étoit
excusé sur ce que la Marine étoit plus à sa bienseance
; qu'on avoit assemblé un grand Divan ,
dans lequel Ali Patrona , auteur de la Révolte
avoit eu l'audace de demander la femme du dernier
G. V , fille du Sultan détrôné ; surquoi Janon
Coggia lui avoit répondu avec mépris; qu'une telle
Dame n'étoit pas destinée à un homme de néant
tel
FEVRIER. 173 F. 370
tel que lui. Surquoi Patrona ayant tiré un Pistolet
de sa poche ; Coggia le prévint et lui fit sauter
la tête d'un coup de Sabre ; que peu de tems après
le même Coggia avoit fait étrangler 30 des principaux
Satellites du Révolté ; ce qui avoit fait
d'abord cesser le trouble , ajoûtant que le nouveau
Capitan Pacha continuoit de faire faire des exécutions
à l'égard de ceux qui ont été du parti des
Rebelles. Le G. S. ne fait rien que par le Conseil
de ce bon serviteur , en attendant l'arrivée de
Kupruli , Pacha du Caire , pour le faire G. V.
Ce qui fait esperer une entiere pacification et le
prompt rétablissement du commerce. Tout ce détail
a encore été confirmé au Capitaine Rolland
dans d'autres lieux où il a touché.
du 19 Février 1731. au fujet des Troubles
de Constantinople.
N
1
Os Bâtimens commencent à venir du Levant,
Le Capitaine Antoine Rolland arriva
le 16. en ce Port , chargé de 2700 charges de Ble
qu'il a pris au Volo , &c. Je l'ai questionné en
particulier sur la derniere révolution de Constan
tinople.
Notre Capitaine passa le fameux Janon- Coggia
Smirne,avec environ so personnes de sa suite , Er
en y arrivant , Coggia trouva des dépêches de
Constantinople où il étoit demandé, et où il s'est
rendu. Il a été fait de nouveau Capitan Pacha.
Quand il partit de Smirne , le Vaisseau du Capitaine
Rolland et tous les Bâtimens François le
saluerent de plusieurs coups de Canon , avec la
permission de M. le Consul, ce qui fit grand plai
sir au nouvel Amiral Turc,qui en témoigna sa reconnoissance
à notre Capitaine. Il fit distribuer
200 Piastres à l'Equipage.
Depuis , le même Capitaine ayant rencontré en
Mer , le Capitaine Fougasse de Cassis , commandant
un Pinque , lequel étoit parti de Constantinople
, le 13 Janvier. Il apprit de lui que Janon
Coggia avoit été reçu à Constantinople avec de
grandes acclamations , et que le nouveau Sultan`
avoit d'abord voulu le faire G. V. Il s'en étoit
excusé sur ce que la Marine étoit plus à sa bienseance
; qu'on avoit assemblé un grand Divan ,
dans lequel Ali Patrona , auteur de la Révolte
avoit eu l'audace de demander la femme du dernier
G. V , fille du Sultan détrôné ; surquoi Janon
Coggia lui avoit répondu avec mépris; qu'une telle
Dame n'étoit pas destinée à un homme de néant
tel
FEVRIER. 173 F. 370
tel que lui. Surquoi Patrona ayant tiré un Pistolet
de sa poche ; Coggia le prévint et lui fit sauter
la tête d'un coup de Sabre ; que peu de tems après
le même Coggia avoit fait étrangler 30 des principaux
Satellites du Révolté ; ce qui avoit fait
d'abord cesser le trouble , ajoûtant que le nouveau
Capitan Pacha continuoit de faire faire des exécutions
à l'égard de ceux qui ont été du parti des
Rebelles. Le G. S. ne fait rien que par le Conseil
de ce bon serviteur , en attendant l'arrivée de
Kupruli , Pacha du Caire , pour le faire G. V.
Ce qui fait esperer une entiere pacification et le
prompt rétablissement du commerce. Tout ce détail
a encore été confirmé au Capitaine Rolland
dans d'autres lieux où il a touché.
Fermer
Résumé : Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
Le 16 février 1731, le capitaine Antoine Rolland arriva à Marseille avec 2700 charges de blé du Volo. Il rapporta des troubles récents à Constantinople. Janon Coggia, nommé Capitan Pacha, y fut accueilli favorablement. Le nouveau sultan souhaitait le nommer Grand Vizir, mais Coggia préféra se concentrer sur la marine. Lors d'un Divan, Ali Patrona, instigateur de la révolte, demanda la femme du dernier Grand Vizir, fille du sultan détrôné. Coggia refusa, provoquant une altercation où il tua Patrona. Il fit ensuite exécuter 30 partisans de Patrona, apaisant les troubles. Le sultan gouverne sous l'influence de Coggia, en attendant Kupruli, Pacha du Caire, pour le poste de Grand Vizir. Ces événements laissent espérer une pacification et la reprise du commerce. Ces informations furent confirmées au capitaine Rolland lors de ses escales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
903
p. 371-376
RELATION de la Révolte arrivée à Tripoly de Syrie, contre Hibraim Pacha, Gouverneur de cette Ville, le 26. Octobre 1730. etc. Ecrite par M. le Maire, Consul de la Nation Françoise.
Début :
Le Pacha ayant été informé par Mustapha Bey son fils, [...]
Mots clefs :
Tripoli, Syrie, Pacha , Janissaires, Sérail, Justice, Gouverneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RELATION de la Révolte arrivée à Tripoly de Syrie, contre Hibraim Pacha, Gouverneur de cette Ville, le 26. Octobre 1730. etc. Ecrite par M. le Maire, Consul de la Nation Françoise.
RELATION de la Ré volté arrivée
à Tripoly de Syrie , contre Hibraim
Pa ha Gouverneur de cette Ville le
26. Octobre 1730. etc. Ecrite par M.
le Maire , Consul de la Nation Françoise.
LBey
E Pacha ayant été informé par Mustapha
Bey son fils , qui commande à la Taquie
que les gens de la Montagne , informés de la Révolution
de Constantinople , s'étoient révoltez
contre lui , et qu'ils avoient fait main - basse sur
ceux qu'il avoit envoyés pour lever les droits dų
G. S. Le Bey voulant mettre les Païsans à la raison,
et n'ayant pas assez de Troupe à la Taquie
expedia icy à son pere un Courrier pour lui demander
du secours . Le Pacha donna aussi-tôt ses
ordres à l'Aga des Janissaires de faire marcher
200 hommes de cette milice à la Taquie , mais
les Janissaires n'ayant pas voulu marcher , le
Hij Corps
372 MERCURE DE FRANCE
Corps se souleva et entraîna avec lui beaucoup de
Soldats et de Populace . Ils al erent attaquer le
Serrail où étoit le Pacha , à grands coups de Fusil
, qui furent suivis d'une grêle de coups de pierres,
ce qui dura jusqu'à la nuit ; il n'y eut cependant
que 7 hommes de tués, de part et d'autre
et 3 de blessés .
Le lendemain 27 , les Rebelles allerent encore
attaquer le Pacha dans son Sérail ; pour les appaiser
, il promit de diminuer le prix de la viande,du
pain , du savon et generalement de toutes les denrées,
ce qui fut exécuté; mais cela ne les ayant pas
satisfais , ils ne discontinuerent point de tirer. Un
parti de quelques Janissaires se détacha de la
Troupe pour aller attaquer la Maison d'un des
principauxOfficiers du Pacha, appellé Cassen Aga,
ils la mirent au pillage , massacrerent cet Officier
'et couperent son corps par petits morceaux , avec
4 de ses domestiques qui s'étoient mis en deffense.
Ils allerent delà à la Maison d'Abdy- Aga, premier
Drogman du Pacha , qu'ils pillerent aussi ,
et étant revenus peu de temps après devant le Serrail
, ils demanderent que le Pacha fut déposé , et
voulurent l'obliger à passer dans le Château , jusques
à ce que les Ordres du G.S. fussent arrivez.
Il leur fit dire qu'il n'iroit point au Château sans
que les Puissances du Païs à leur tête , ne le forcassent
à y entrer.
La Populace lui demanda la tête d'Abdy-Aga
son Drogman pour l'avoir porté à tiranniser le
peuple. Le Pacha ayant fait quelque difficulté d'accorder
à leur demande , tous ses Officiers lui dirent
que s'il ne donnoit pas cette satisfaction aux
Rebelles , sa tête et la leur étoient dans un grand
danger. Le Pacha , à la persuasion de tout son
monde , et par la crainte de perdre la vie , fut le
premier à porter la Ganjarre ou Poignard sur l'es
tomach
FEVRIER. 1-31. 373
tomach de son Drogman. Les Soldats aussi - tôt
le percerent de mille coups et lui firent toute sorte
d'outrages. On le jetta par les Fenêtres du Serrail
et par le moyen d'une Corde passée à son col ,
il fut traîné tout nud par toutes les rues de Tripoly
et son corps jetté ensuite à la voirie.
> Le 28 le Frere du Drogman , ayant entendu
dire qu'on le ménaçoit , défit son Turban ,
n'ayant pas eu le temps de trouver une corde , et
par une Fenêtre du Château , se suspendit à ce
Turban , qui étant d'une Mousseline fine , ne put
résister ; il se rompit bras et jambes en tombant;
quelques Soldats Payant aperçu , coururent à lui
et l'acheverent à coups de Sabre.
Le Capigy qui est venu de Constantinople , de
Concert avec Sidy Ally , Cherif,un des Chefs de la
Justice, et Cader Aga, une autre Puissance, entre→
tiennent secretement la populace mutinée qui fait
une recherche exacte de tous ceux qui ont causé
des avanies par leurs mauvais conseils et qui
ont porté le Pacha à se faire partisan de toutes
sortes de inarchandises , et de denrées.
>
Le Pacha dit hier au Capigy , que si S. H. l'avoit
envoyê pour lui demander sa tête , qu'il
étoit prêt à la donner. Le Capigy lui répondit
qu'il n'avoit point cet ordre , et qu'il pouvoit
rester tranquille de ce côté-là ; mais qu'il ne répondoit
point de la mauvaise intention du peuple
, qui vouloit avoir raison de tous les Avanistes
, sans leur faire aucun quartier , et qu'on
cherchoit actuellement Abraham de Leon , Juif,
son Douanier , un des principaux ; sa maison fut
pillée hier totalement
on le chercha par
;
toute la ville pour le brûler devant la Maison
de la Justice ; mais ce Juif a pris la fuite dès le
comencement des desordres. Les Rebelles le
croyoient refugié dans quelque maison de Francs.
Hiij Les
974 MERCURE DE FRANCE
Les principales ereatures du Pacha qui se sen
toient coupables , ont aussi pris la fuite.
Il me fut rapporté par quelques Jannissaires ,
qu'on vouloit entrer dans les maisons des Fran
çois pour chercher le Juif , et qu'on viendroit .
d'abord à la Maison Consulaire pour me le demander.
t
Je fis dire au Corps des Jannissaires , qu'aucun
François se seroit bien gardé de refugier ce Juif
dans une pareille conjoncture , que c'étoit un
homme proscrit , et d'une Nation qu'on abhor→
roit depuis long- tems ; qu'ainsi il n'y avoit nulle
apparence qu'on lui eût donné azile ; que cependant
pour satisfaire la populace , si elle croyoit
absolument que ce Juif fut dans nos maisons
je me transportérois chez tous les Marchands
avec trois ou quatre personnes de leur troupe ,
pour faire la visite ; mais que si la Milice y ve
noit de force ouverte , je m'opposerois autant
qu'il seroit en mon pouvoir à cette violence , qui
pourroit avoir des suites fâcheuses pour tous les
habitans de la Ville. Cette Réponse leur fit faire
des Reflexions , et on nous laissa tranquilles.
Les Rebelles se transporterent au Makiamé ,
lieu où la Justice se rend ; ils y firent écrire un
Hoget ou Sentence pardevant le nouveau Cady ,
signé de tous les Chefs de la Justice , par lequel
il leur étoit permis de mettre à mort trois per
sonnes de consideration de la Maison du Pacha ,
par tout où ils pourroient les trouver , qui sont
P'Arby Caliby , son premier Secretaire , le Casanadac
, et Adheraman- Aga , Chef de la Justice ,
ce qui leur fut accordé sans difficulté . Ce jour
même , l'après- mid , ils massacrerent quelques
Avani ses, qu'i's traînerent ensuite tout nuds par
les rues : ces corps passerent dans notre quartier,
et nous firent horreur.
Le
FEVRIER.
1731. 375
Le 29 , le party des Rebelles ayant considerament
grossi , se présenta de nouveau devant le
Serrail , sur la nouvelle qu'ils apprirent que le
Pacha avoit demandé secretement main forte
aux deux Capitaines des Sultanes du G. S. qui
ont escorté le Convoy venu de Damiette en cette
Rade , pour se saisir de la personne de Sidy- Ally
Cherif , et de Cadec Aga , comme Chefs de la
Rebellion , pour les conduire à Constantinople ;
mais ces deux Capitaines n'en voulurent rien
faire , et chargerent le Pacha de justes reproches
sur sa mauvaise conduite envers le peuple
qu'il avoit cruellement maltraité , et tirannisé
depuis qu'il étoit dans le Gouvernement , ne
pouvant plus soutenir la misere où il l'avoit réduit
, et dont ils voyoient eux-mêmes la verité
ajoutant qu'ils trouvoient les habitans fondez
demander sa déposition.
Ces Capitaines n'eurent pas plutôt terminé
cette Conference qu'il s'atroupa près de sono,
hommes devant le Serrail , lesquels firent une
décharge de Mousqueterie , et braquerent en
même temps du canon sur l'appartement oa
étoit le Pacha. Ils tirerent cinq coups à boulets,
Ils n'étoient éloignez qu'à demy portée de pistolet
, ce qui fit une si grande breche à la muraille
qui separe le Serrail du Château , que le
Corps des Jannissaires y entra le sabre à la main,
Les Puissances s'y assemblerent à la requisition
de la populace , qui demanda que le Pacha ne se
mêlât plus duGouvernement,jusqu'à nouvel ordre
de la Porte , que Kader- Aga commanderoit pour
ce qui regarde le Commerce et la Police ; que le
Pacha retireroit les droits du G. S. et que Sidy-
Ally seroit Cady pour la Justice.
Le Bacha fut si ému de voir les seditieux si
près de lui , qu'il tomba évanoui . On le fit re-
Hiiij venir,
376 MERCURE DE FRANCE.
venir , et on le fit descendre dans une petite
Mosquée avec une échelle , pour le mettre à l'a
bry des insultes des troupes. Il fut poursuivi jusques
dans cet endroit-là , et Sidy-Mudy , notre
Chef des Messagers , lui sauva la vie. Il se mit à
la porte de la Mosquée , le mousqueton bandé ,
et empêcha les Jannissaires d'entrer , en lenr disant
, que s'ils tuoient le Pacha , ils seroient tous
sevérement punis de la Porte. Son Casanadac ou
Trésorier profita de ce tems- là pour prendre la
fuite. Il sortit lui quinziéme , à cheval , par une
petite porte du Serrail , le pistolet et le sabre à
la main , poussant leurs chevaux à toute bride ;
ils se firent jour à travers ceux qui pouvoient les
arrêter , et passerent du côté de la Marine. Le
Pacha fut conduit le soir dans la maison de ses
femmes, accompagné des Grands du pays, et sous
l'escorte de 60 Jannissaires , et des gens de sa
maison , sans qu'on osât tirer sur lui , ayant
promis au peuple de ne se plus mêler d'aucune
affaire ; ce qui luy fut confirmé aussi par les
Grands du pays. Tout est tranquil e depuis ee
temps-là . Les Jannissaires gardent les portes de
la Ville , pour arrêter ceux qui voudroient fuir. '
On assure que le Pacha a expedié des Couriers
de tous côtez , secretement , pour donner avis à
la Porte , au Pacha de Damas son pere , et à son
oncle , Pacha de Séyde , sur tout ce qui se passe.
L'opinion commune est que ces deux Pachas luy
envoyeront des troupes pour punir tous les Chefs
de cette Révolte ; ce qui me fait croire que les
troubles ne sont point encore finis.
à Tripoly de Syrie , contre Hibraim
Pa ha Gouverneur de cette Ville le
26. Octobre 1730. etc. Ecrite par M.
le Maire , Consul de la Nation Françoise.
LBey
E Pacha ayant été informé par Mustapha
Bey son fils , qui commande à la Taquie
que les gens de la Montagne , informés de la Révolution
de Constantinople , s'étoient révoltez
contre lui , et qu'ils avoient fait main - basse sur
ceux qu'il avoit envoyés pour lever les droits dų
G. S. Le Bey voulant mettre les Païsans à la raison,
et n'ayant pas assez de Troupe à la Taquie
expedia icy à son pere un Courrier pour lui demander
du secours . Le Pacha donna aussi-tôt ses
ordres à l'Aga des Janissaires de faire marcher
200 hommes de cette milice à la Taquie , mais
les Janissaires n'ayant pas voulu marcher , le
Hij Corps
372 MERCURE DE FRANCE
Corps se souleva et entraîna avec lui beaucoup de
Soldats et de Populace . Ils al erent attaquer le
Serrail où étoit le Pacha , à grands coups de Fusil
, qui furent suivis d'une grêle de coups de pierres,
ce qui dura jusqu'à la nuit ; il n'y eut cependant
que 7 hommes de tués, de part et d'autre
et 3 de blessés .
Le lendemain 27 , les Rebelles allerent encore
attaquer le Pacha dans son Sérail ; pour les appaiser
, il promit de diminuer le prix de la viande,du
pain , du savon et generalement de toutes les denrées,
ce qui fut exécuté; mais cela ne les ayant pas
satisfais , ils ne discontinuerent point de tirer. Un
parti de quelques Janissaires se détacha de la
Troupe pour aller attaquer la Maison d'un des
principauxOfficiers du Pacha, appellé Cassen Aga,
ils la mirent au pillage , massacrerent cet Officier
'et couperent son corps par petits morceaux , avec
4 de ses domestiques qui s'étoient mis en deffense.
Ils allerent delà à la Maison d'Abdy- Aga, premier
Drogman du Pacha , qu'ils pillerent aussi ,
et étant revenus peu de temps après devant le Serrail
, ils demanderent que le Pacha fut déposé , et
voulurent l'obliger à passer dans le Château , jusques
à ce que les Ordres du G.S. fussent arrivez.
Il leur fit dire qu'il n'iroit point au Château sans
que les Puissances du Païs à leur tête , ne le forcassent
à y entrer.
La Populace lui demanda la tête d'Abdy-Aga
son Drogman pour l'avoir porté à tiranniser le
peuple. Le Pacha ayant fait quelque difficulté d'accorder
à leur demande , tous ses Officiers lui dirent
que s'il ne donnoit pas cette satisfaction aux
Rebelles , sa tête et la leur étoient dans un grand
danger. Le Pacha , à la persuasion de tout son
monde , et par la crainte de perdre la vie , fut le
premier à porter la Ganjarre ou Poignard sur l'es
tomach
FEVRIER. 1-31. 373
tomach de son Drogman. Les Soldats aussi - tôt
le percerent de mille coups et lui firent toute sorte
d'outrages. On le jetta par les Fenêtres du Serrail
et par le moyen d'une Corde passée à son col ,
il fut traîné tout nud par toutes les rues de Tripoly
et son corps jetté ensuite à la voirie.
> Le 28 le Frere du Drogman , ayant entendu
dire qu'on le ménaçoit , défit son Turban ,
n'ayant pas eu le temps de trouver une corde , et
par une Fenêtre du Château , se suspendit à ce
Turban , qui étant d'une Mousseline fine , ne put
résister ; il se rompit bras et jambes en tombant;
quelques Soldats Payant aperçu , coururent à lui
et l'acheverent à coups de Sabre.
Le Capigy qui est venu de Constantinople , de
Concert avec Sidy Ally , Cherif,un des Chefs de la
Justice, et Cader Aga, une autre Puissance, entre→
tiennent secretement la populace mutinée qui fait
une recherche exacte de tous ceux qui ont causé
des avanies par leurs mauvais conseils et qui
ont porté le Pacha à se faire partisan de toutes
sortes de inarchandises , et de denrées.
>
Le Pacha dit hier au Capigy , que si S. H. l'avoit
envoyê pour lui demander sa tête , qu'il
étoit prêt à la donner. Le Capigy lui répondit
qu'il n'avoit point cet ordre , et qu'il pouvoit
rester tranquille de ce côté-là ; mais qu'il ne répondoit
point de la mauvaise intention du peuple
, qui vouloit avoir raison de tous les Avanistes
, sans leur faire aucun quartier , et qu'on
cherchoit actuellement Abraham de Leon , Juif,
son Douanier , un des principaux ; sa maison fut
pillée hier totalement
on le chercha par
;
toute la ville pour le brûler devant la Maison
de la Justice ; mais ce Juif a pris la fuite dès le
comencement des desordres. Les Rebelles le
croyoient refugié dans quelque maison de Francs.
Hiij Les
974 MERCURE DE FRANCE
Les principales ereatures du Pacha qui se sen
toient coupables , ont aussi pris la fuite.
Il me fut rapporté par quelques Jannissaires ,
qu'on vouloit entrer dans les maisons des Fran
çois pour chercher le Juif , et qu'on viendroit .
d'abord à la Maison Consulaire pour me le demander.
t
Je fis dire au Corps des Jannissaires , qu'aucun
François se seroit bien gardé de refugier ce Juif
dans une pareille conjoncture , que c'étoit un
homme proscrit , et d'une Nation qu'on abhor→
roit depuis long- tems ; qu'ainsi il n'y avoit nulle
apparence qu'on lui eût donné azile ; que cependant
pour satisfaire la populace , si elle croyoit
absolument que ce Juif fut dans nos maisons
je me transportérois chez tous les Marchands
avec trois ou quatre personnes de leur troupe ,
pour faire la visite ; mais que si la Milice y ve
noit de force ouverte , je m'opposerois autant
qu'il seroit en mon pouvoir à cette violence , qui
pourroit avoir des suites fâcheuses pour tous les
habitans de la Ville. Cette Réponse leur fit faire
des Reflexions , et on nous laissa tranquilles.
Les Rebelles se transporterent au Makiamé ,
lieu où la Justice se rend ; ils y firent écrire un
Hoget ou Sentence pardevant le nouveau Cady ,
signé de tous les Chefs de la Justice , par lequel
il leur étoit permis de mettre à mort trois per
sonnes de consideration de la Maison du Pacha ,
par tout où ils pourroient les trouver , qui sont
P'Arby Caliby , son premier Secretaire , le Casanadac
, et Adheraman- Aga , Chef de la Justice ,
ce qui leur fut accordé sans difficulté . Ce jour
même , l'après- mid , ils massacrerent quelques
Avani ses, qu'i's traînerent ensuite tout nuds par
les rues : ces corps passerent dans notre quartier,
et nous firent horreur.
Le
FEVRIER.
1731. 375
Le 29 , le party des Rebelles ayant considerament
grossi , se présenta de nouveau devant le
Serrail , sur la nouvelle qu'ils apprirent que le
Pacha avoit demandé secretement main forte
aux deux Capitaines des Sultanes du G. S. qui
ont escorté le Convoy venu de Damiette en cette
Rade , pour se saisir de la personne de Sidy- Ally
Cherif , et de Cadec Aga , comme Chefs de la
Rebellion , pour les conduire à Constantinople ;
mais ces deux Capitaines n'en voulurent rien
faire , et chargerent le Pacha de justes reproches
sur sa mauvaise conduite envers le peuple
qu'il avoit cruellement maltraité , et tirannisé
depuis qu'il étoit dans le Gouvernement , ne
pouvant plus soutenir la misere où il l'avoit réduit
, et dont ils voyoient eux-mêmes la verité
ajoutant qu'ils trouvoient les habitans fondez
demander sa déposition.
Ces Capitaines n'eurent pas plutôt terminé
cette Conference qu'il s'atroupa près de sono,
hommes devant le Serrail , lesquels firent une
décharge de Mousqueterie , et braquerent en
même temps du canon sur l'appartement oa
étoit le Pacha. Ils tirerent cinq coups à boulets,
Ils n'étoient éloignez qu'à demy portée de pistolet
, ce qui fit une si grande breche à la muraille
qui separe le Serrail du Château , que le
Corps des Jannissaires y entra le sabre à la main,
Les Puissances s'y assemblerent à la requisition
de la populace , qui demanda que le Pacha ne se
mêlât plus duGouvernement,jusqu'à nouvel ordre
de la Porte , que Kader- Aga commanderoit pour
ce qui regarde le Commerce et la Police ; que le
Pacha retireroit les droits du G. S. et que Sidy-
Ally seroit Cady pour la Justice.
Le Bacha fut si ému de voir les seditieux si
près de lui , qu'il tomba évanoui . On le fit re-
Hiiij venir,
376 MERCURE DE FRANCE.
venir , et on le fit descendre dans une petite
Mosquée avec une échelle , pour le mettre à l'a
bry des insultes des troupes. Il fut poursuivi jusques
dans cet endroit-là , et Sidy-Mudy , notre
Chef des Messagers , lui sauva la vie. Il se mit à
la porte de la Mosquée , le mousqueton bandé ,
et empêcha les Jannissaires d'entrer , en lenr disant
, que s'ils tuoient le Pacha , ils seroient tous
sevérement punis de la Porte. Son Casanadac ou
Trésorier profita de ce tems- là pour prendre la
fuite. Il sortit lui quinziéme , à cheval , par une
petite porte du Serrail , le pistolet et le sabre à
la main , poussant leurs chevaux à toute bride ;
ils se firent jour à travers ceux qui pouvoient les
arrêter , et passerent du côté de la Marine. Le
Pacha fut conduit le soir dans la maison de ses
femmes, accompagné des Grands du pays, et sous
l'escorte de 60 Jannissaires , et des gens de sa
maison , sans qu'on osât tirer sur lui , ayant
promis au peuple de ne se plus mêler d'aucune
affaire ; ce qui luy fut confirmé aussi par les
Grands du pays. Tout est tranquil e depuis ee
temps-là . Les Jannissaires gardent les portes de
la Ville , pour arrêter ceux qui voudroient fuir. '
On assure que le Pacha a expedié des Couriers
de tous côtez , secretement , pour donner avis à
la Porte , au Pacha de Damas son pere , et à son
oncle , Pacha de Séyde , sur tout ce qui se passe.
L'opinion commune est que ces deux Pachas luy
envoyeront des troupes pour punir tous les Chefs
de cette Révolte ; ce qui me fait croire que les
troubles ne sont point encore finis.
Fermer
Résumé : RELATION de la Révolte arrivée à Tripoly de Syrie, contre Hibraim Pacha, Gouverneur de cette Ville, le 26. Octobre 1730. etc. Ecrite par M. le Maire, Consul de la Nation Françoise.
Le 26 octobre 1730, une révolte éclate à Tripoli de Syrie contre Ibrahim Pacha, gouverneur de la ville. Informé par son fils Mustapha Bey, Ibrahim Pacha apprend que les habitants des montagnes, inspirés par la révolution de Constantinople, se sont soulevés contre lui. Ne disposant pas de suffisamment de troupes, il demande des renforts à son père, qui ordonne à l'Aga des Janissaires d'envoyer 200 hommes. Cependant, les Janissaires refusent et se soulèvent, entraînant avec eux des soldats et la populace. Ils attaquent le Sérail où se trouve le Pacha, mais les pertes sont minimes. Le lendemain, les rebelles attaquent à nouveau le Sérail. Pour apaiser la foule, le Pacha promet de réduire les prix des denrées, mais cela ne suffit pas. Les rebelles pillent les maisons de deux officiers du Pacha, Cassen Aga et Abdy-Aga, et exigent la déposition du Pacha. Sous la pression, le Pacha accepte de sacrifier son Drogman, Abdy-Aga, qui est tué et traîné dans les rues. Le frère d'Abdy-Aga se suicide en apprenant la menace qui pèse sur lui. Les rebelles, soutenus par des figures influentes comme le Capigy et Sidy Ally Cherif, cherchent à éliminer les conseillers du Pacha accusés de tyrannie. Le Pacha affirme qu'il est prêt à se soumettre aux ordres de la Porte. Les rebelles massacrent plusieurs conseillers du Pacha et pillent la maison d'Abraham de Leon, un Juif douanier du Pacha, qui a pris la fuite. Le 29 octobre, les rebelles, renforcés, se présentent devant le Sérail après avoir appris que le Pacha avait demandé des renforts. Les Capitaines des Sultanes refusent d'intervenir et reprochent au Pacha sa mauvaise gestion. Les rebelles tirent sur le Sérail et entrent dans le bâtiment. Le Pacha est sauvé par Sidy-Mudy, un chef des messagers, et conduit dans la maison de ses femmes sous escorte. Depuis, la ville est calme, mais des troubles sont attendus avec l'arrivée de renforts des Pachas de Damas et de Séyde.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
904
p. 377-382
POLOGNE.
Début :
On apprend de Warsovie que l'Envoyé du Kam des Tartares a représenté que le passage [...]
Mots clefs :
Pologne, Danemark, Allemagne, Italie, Duc, Comte, Palais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE .
>
N apprend de Warsovie que l'Envoyé dư
Kam des Tartares a représenté que le passage
par ce Royaume des 30000. Moscovites
destinés au service de l'Empereur , étoit contraire
au Traité conclu entre la Porte et la Russie , et
aux anciennes conventions faites entre la Répu
blique et les Tartares.
A l'audiance que cet Envoyé , nommé Jasuff
Hora Mussu , eut le 15. Janvier , il entra dans
la Salle où étoit le Roi de Pologne , après avoir
remis son bonnet entre les mains du premier Page
de la Cour, ce que firent aussi son Truchement
et les autres personnes de sa suite . En entrant
dans la Salle , il fit une profonde reverence , tenant
la main devant sa bouche , et se baissant jusqu'à
terre , ce qu'il réïtera trois fois avant que
d'arriver au Trône ; s'étant ensuite retiré quelques
pas , il fit une autre réverence au Sénat , qui
étoit assemblé dans la Salle d'audiance. Après le
premier compliment qu'il fit au Roi pour s'informer
de sa santé au nom de Kaikan Kiray ,
Kam des Tartares , son Maitre , il lui remit une
Lettre de ce Prince , et remercia S. M. de sa part
de la protection qu'elle avoit bien voulu accorder
à un Prince Tartare. Le Vice - Chancelier lui
répondit au nom du Roi que l'affection et l'amis
tié que S. M. portoit au Kam des Tartares l'avoit
engagée à accorder sa protection au Prince
Tartare. Ensuite l'Envoyé acheva son discours
dans lequel il fit mention , entr'autres , du passage
des 30000. Russiens , et se retira après avec les
mêmes cerémonies.
DANG
378 MERCURE DE FRANCE
DANNEMARCK.
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
L
ALLEMAGNE.
E 26 Janvier , on fit partir de Vienne M..
d'Harerra , Commissaire Impérial , avec M.
Penkler , Interprete des Langues Orientales , pour
aller recevoir sur la Frontiere l'Effendi que le
G. Seigneur envoye pour donner part à l'Empereur
de l'avenement de Sa Hautesse au Trône
Ottoman. On a appris que cet Envoyé étoit arrivé
à Parakin , petite Ville située dans la Servie,
au-delà de Belgrade , sur la Morave , et la premiere
d Territoire Impérial , venant de Turquie.
Ce fut dans cette Ville que les Commissaires
de S. M. Imp. et du Grand Seigneur reglerent en
1719
FEVRIER. 173T 379
J
faisant
1719. les limites des deux Empires , en y
eriger trois grandes colones de pierre.
Ön mande de Vienne que le grand froid qui
s'y fait sentir depuis environ le 15. de Janvier a
été plus vif pendant quatre jours que le plus
grand froid de 1709. Les campagnes sont couvertes
de neige , et les loups qui n'y trouvent plus
de nourriture viennent enlever les moutons dans
les Villages , où ils ont même devoré quelques
enfans..
:
LE
ITALIE.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
>
N apprend de Warsovie que l'Envoyé dư
Kam des Tartares a représenté que le passage
par ce Royaume des 30000. Moscovites
destinés au service de l'Empereur , étoit contraire
au Traité conclu entre la Porte et la Russie , et
aux anciennes conventions faites entre la Répu
blique et les Tartares.
A l'audiance que cet Envoyé , nommé Jasuff
Hora Mussu , eut le 15. Janvier , il entra dans
la Salle où étoit le Roi de Pologne , après avoir
remis son bonnet entre les mains du premier Page
de la Cour, ce que firent aussi son Truchement
et les autres personnes de sa suite . En entrant
dans la Salle , il fit une profonde reverence , tenant
la main devant sa bouche , et se baissant jusqu'à
terre , ce qu'il réïtera trois fois avant que
d'arriver au Trône ; s'étant ensuite retiré quelques
pas , il fit une autre réverence au Sénat , qui
étoit assemblé dans la Salle d'audiance. Après le
premier compliment qu'il fit au Roi pour s'informer
de sa santé au nom de Kaikan Kiray ,
Kam des Tartares , son Maitre , il lui remit une
Lettre de ce Prince , et remercia S. M. de sa part
de la protection qu'elle avoit bien voulu accorder
à un Prince Tartare. Le Vice - Chancelier lui
répondit au nom du Roi que l'affection et l'amis
tié que S. M. portoit au Kam des Tartares l'avoit
engagée à accorder sa protection au Prince
Tartare. Ensuite l'Envoyé acheva son discours
dans lequel il fit mention , entr'autres , du passage
des 30000. Russiens , et se retira après avec les
mêmes cerémonies.
DANG
378 MERCURE DE FRANCE
DANNEMARCK.
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
L
ALLEMAGNE.
E 26 Janvier , on fit partir de Vienne M..
d'Harerra , Commissaire Impérial , avec M.
Penkler , Interprete des Langues Orientales , pour
aller recevoir sur la Frontiere l'Effendi que le
G. Seigneur envoye pour donner part à l'Empereur
de l'avenement de Sa Hautesse au Trône
Ottoman. On a appris que cet Envoyé étoit arrivé
à Parakin , petite Ville située dans la Servie,
au-delà de Belgrade , sur la Morave , et la premiere
d Territoire Impérial , venant de Turquie.
Ce fut dans cette Ville que les Commissaires
de S. M. Imp. et du Grand Seigneur reglerent en
1719
FEVRIER. 173T 379
J
faisant
1719. les limites des deux Empires , en y
eriger trois grandes colones de pierre.
Ön mande de Vienne que le grand froid qui
s'y fait sentir depuis environ le 15. de Janvier a
été plus vif pendant quatre jours que le plus
grand froid de 1709. Les campagnes sont couvertes
de neige , et les loups qui n'y trouvent plus
de nourriture viennent enlever les moutons dans
les Villages , où ils ont même devoré quelques
enfans..
:
LE
ITALIE.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
Fermer
Résumé : POLOGNE.
En Pologne, l'envoyé des Tartares, Jasuff Hora Mussu, a protesté contre le passage de 30 000 Moscovites à travers le royaume, estimant que cela violait les traités entre la Porte, la Russie et la République polonaise. Lors de son audience avec le roi de Pologne le 15 janvier, il a observé les cérémonies protocolaires, remettant une lettre de son maître, le Kam des Tartares, et remerciant le roi pour la protection accordée à un prince tartare. Le vice-chancelier a souligné l'amitié et l'affection du roi pour le Kam des Tartares. Au Danemark, le 19 janvier, M. Titley, résident du roi d'Angleterre, a remis au roi danois la ratification d'une convention entre la Grande-Bretagne et le Danemark. Le roi a laissé à la reine douairière la liberté de former sa maison et de choisir parmi les domestiques du feu roi. Les commissaires de l'Amirauté ont reçu l'ordre de préparer une escadre de 18 vaisseaux de guerre et cinq frégates pour le printemps. Un vaisseau attendu d'Islande est arrivé à Copenhague avec 102 faucons, dont cinq entièrement blancs. En Allemagne, le 26 janvier, M. d'Harrerra, commissaire impérial, et M. Penkler, interprète des langues orientales, sont partis de Vienne pour recevoir un effendi turc à la frontière. Cet envoyé est arrivé à Parakin, en Serbie, où les limites des deux empires avaient été réglées en 1719. Un grand froid a été ressenti à Vienne, couvrant les campagnes de neige et poussant les loups à attaquer les villages. En Italie, à Rome, un décret papal a interdit aux ecclésiastiques des cinq églises basilicales d'entrer autrement qu'en soutane. Des prisonniers ont tenté de s'évader en mettant le feu à leurs cachots, mais ont été étouffés par la fumée. Plusieurs nominations et décisions cardinalices ont été annoncées. La princesse Clementine Sobieska a fait venir des religieuses pour réformer le monastère des Ursulines. Le cardinal de Polignac a organisé une comédie dans son palais. À Naples, le duc de Monteleon a organisé une fête avec concert et bal, mais un duel a été évité grâce à un accommodement. À Parme, des régiments d'infanterie sont entrés en ville après la mort du duc. En Corse, des rebelles ont tenté de s'emparer de Terra Vecchia, mais ont été dissuadés par l'évêque de Bastia. À Florence, un tremblement de terre a été ressenti après une tempête. À Livourne, un particulier abritant des voleurs a été arrêté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
905
p. 378
DANEMARCK.
Début :
Le 19. Janvier, M. Titley, Résident du Roi d'Angleterre, eut une audience particuliere [...]
Mots clefs :
Danemark, Commissaires, Amirauté, Vaisseau, Reine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DANEMARCK.
DANNEMARCK.
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
Fermer
Résumé : DANEMARCK.
Le 19 janvier, M. Titley, Résident du Roi d'Angleterre, a rencontré le Roi pour lui remettre la ratification d'une convention entre les monarques britannique et danois. Le Roi a permis à la Reine Douairière de choisir ses domestiques. L'Amirauté doit préparer une escadre de 18 vaisseaux et cinq frégates pour le printemps. Un vaisseau d'Islande a apporté 102 faucons à Copenhague.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
906
p. 378-379
ALLEMAGNE.
Début :
Le 26 Janvier, on fit partir de Vienne M. d'Harera, Commissaire Impérial, avec M. [...]
Mots clefs :
Commissaire Impérial, Interprète des Langues Orientales, Hautesse, Turquie, Loups, Moutons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
E 26 Janvier , on fit partir de Vienne M..
d'Harerra , Commissaire Impérial , avec M.
Penkler , Interprete des Langues Orientales , pour
aller recevoir sur la Frontiere l'Effendi que le
G. Seigneur envoye pour donner part à l'Empereur
de l'avenement de Sa Hautesse au Trône
Ottoman. On a appris que cet Envoyé étoit arrivé
à Parakin , petite Ville située dans la Servie,
au-delà de Belgrade , sur la Morave , et la premiere
d Territoire Impérial , venant de Turquie.
Ce fut dans cette Ville que les Commissaires
de S. M. Imp. et du Grand Seigneur reglerent en
1719
FEVRIER. 173T 379
J
faisant
1719. les limites des deux Empires , en y
eriger trois grandes colones de pierre.
Ön mande de Vienne que le grand froid qui
s'y fait sentir depuis environ le 15. de Janvier a
été plus vif pendant quatre jours que le plus
grand froid de 1709. Les campagnes sont couvertes
de neige , et les loups qui n'y trouvent plus
de nourriture viennent enlever les moutons dans
les Villages , où ils ont même devoré quelques
enfans..
E 26 Janvier , on fit partir de Vienne M..
d'Harerra , Commissaire Impérial , avec M.
Penkler , Interprete des Langues Orientales , pour
aller recevoir sur la Frontiere l'Effendi que le
G. Seigneur envoye pour donner part à l'Empereur
de l'avenement de Sa Hautesse au Trône
Ottoman. On a appris que cet Envoyé étoit arrivé
à Parakin , petite Ville située dans la Servie,
au-delà de Belgrade , sur la Morave , et la premiere
d Territoire Impérial , venant de Turquie.
Ce fut dans cette Ville que les Commissaires
de S. M. Imp. et du Grand Seigneur reglerent en
1719
FEVRIER. 173T 379
J
faisant
1719. les limites des deux Empires , en y
eriger trois grandes colones de pierre.
Ön mande de Vienne que le grand froid qui
s'y fait sentir depuis environ le 15. de Janvier a
été plus vif pendant quatre jours que le plus
grand froid de 1709. Les campagnes sont couvertes
de neige , et les loups qui n'y trouvent plus
de nourriture viennent enlever les moutons dans
les Villages , où ils ont même devoré quelques
enfans..
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le 26 janvier, M. d'Harrerra, Commissaire Impérial, et M. Penkler, interprète des langues orientales, quittèrent Vienne pour accueillir un Effendi envoyé par le Grand Seigneur afin d'informer l'Empereur de l'accession au trône ottoman. Cet Envoyé arriva à Parakin, une petite ville en Serbie située au-delà de Belgrade sur la Morave, première ville du territoire impérial venant de Turquie. En 1719, les commissaires des deux empires y régularisèrent les limites et érigèrent trois grandes colonnes de pierre. Par ailleurs, depuis le 15 janvier, Vienne connut un grand froid, plus intense que celui de 1709, durant quatre jours. Les campagnes étaient recouvertes de neige, et les loups, ne trouvant plus de nourriture, attaquaient les moutons dans les villages et avaient même dévoré quelques enfants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
907
p. 397-382
ITALIE.
Début :
Le 9. Janvier, on publia à Rome un Decret du Pape, par lequel il est defendu aux Ecclesiastiques [...]
Mots clefs :
Rome, Décret, Naples, Parme, Florence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALIE.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
Fermer
Résumé : ITALIE.
En janvier 1731 à Rome, un décret papal imposa aux ecclésiastiques des cinq églises basilicales de porter la soutane. Parallèlement, des prisonniers tentèrent de s'évader en incendiant leurs cachots, mais périrent asphyxiés par la fumée. M. Firrao, ancien nonce en Portugal, nommé à l'évêché d'Aversa, fut retenu par le pape. Les cardinaux Fini et Coscia cessèrent de participer aux réunions du Saint-Office et d'autres congrégations. Une constitution papale confirma les droits du plus ancien cardinal évêque et régula les prérogatives des autres cardinaux évêques. La princesse Clémentine Sobieska fit venir des religieuses de Flandre pour réformer le monastère des Ursulines de Rome. Le cardinal de Poli organisa une comédie dans son palais. À Sainte-Agnès, la bénédiction des agneaux pour les palliums eut lieu. À Naples, le duc de Monteleon organisa une fête avec concert et bal, mais un duel fut évité grâce à un accommodement. À Parme, des régiments d'infanterie entrèrent en ville après la mort du duc. En Corse, des rebelles tentèrent de s'emparer de Terra-Vecchia mais se retirèrent après une négociation. À Sienne, un tremblement de terre suivit une tempête sans causer de dommages majeurs. À Livourne, un particulier abritant des voleurs fut arrêté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
908
p. 382-388
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Le premier Février, après midi, le Roi se rendit à la Chambre des Pairs, et S. M. Ayant [...]
Mots clefs :
Chambre des pairs, Communes, Grand Chancelier, Traité de Séville, Couronne d'Espagne, Palais de S. James
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
E premier Février , après midi, le Roi se ren
dit à la Chambre des Pairs , et S. M. ayant
mandé les Communes , le Grand - Chancelier par
lant au nom du Roi , fit le Discours suivant :
MILORDS ILORDS ET MESSIEURS ,
Il ne peut vous rester aucun doute les
que
mesures qu'on avoit prises cy devant , et la
conclusion du Traité de Seville , n'ayent prévenu
et déconcerté les suites dangereuses qu'on
avoit si juste sujet d'appréhender du Traité de
Vienne , et non - seulement nous voyons que cetFEVRIER.
1731. 383
te union qui avoit alarmé toute l'Europe , n'a
eu aucun effet , mais encore que les Alliez du
Traité d'Hanover sont fortifiez par l'addition
du pouvoir de la Couronne d'Espagne, Cette
situation des affaires nous faisoit attendre
avec raison , une Facification generale , et
nous donnoit de justes esperances d'un acquies
cement aux conditions du Traité de Seville,
sans être obligés d'en venir à des extremitez ; on
n'a négligé aucun moyen conforme aux engagemens
où je suis entré avec mes Alliez, pour
obtenir une si heureuse fin , mais cet évenement
si desirable , ayant été differé jusqu'à present ,
Le Traité de Séville oblige indispensablement
toutes les Parties contractantes à se préparer
pour le mettre à execution , et nous devons étre
prêts à le faire en ce qui nous regarde , et en
continuant à prendre les mesures convenables ».
il faut convaincre nos Alliez que nous remplirons
fide ement nos engagemens , et qu'aurant
qu'il dépendra de nous , nous leur procurerons
·la satisfaction qui leur est duë, soit par les
moyens qu'il sera à propos de choisir , ou par
ceux qui deviendront absolument necessaires.
Le tems de crise où nous nous trouvons presen
tement , semble devoir mériter votre attention.
d'une maniere particuliere et il est inutile de
vous dire avec combien d'impatience on attend
les résolutions de ce Parlement . Je suis incapable
de vouloir influer ur vos déliberations par
des craintes et par des appréhensions mal fondées
; je suis également incapable de vous amuser
par des attentes et des esperances vaines
mais comme les Négociations qui se font actuellement
dans les differentes Cours de ' Eu-
·rope , sont sur le point d'être terminées , vos
premieres résolutions pourront contribuer à déterminer
384 MERCURE DE FRANCE
•
terminer sur le parti de la Paix ou de la guerre.
Ea continuation du zele et de la vigueur que
vous avez fait paroître jusqu'ici pour me soutenir
et pour m'aider à remplir mes engagemens
, doit être dans ce temps - cy d'un grand
poids et de la derniere importance , tant par
rapport à mes Alliez , qui ne pourront croire
alors que leurs interêts et la cause commune
·sont negligez , avant que les conditions de leurs
Traitez soient accomplis , que par rapport à
ceux qui peuvent être disposez à prévenir par
un acconmodement les consequences fatales
d'une rupture generale , laquelle ils auront peu
de sujet d'apprehender , s'ils trouvent que les
Alliez de Séville ne sont pas préparez à se faire
justice eux mêmes. Le Plan des operations pour
l'execution du Traité de Séville par la force ,
au cas que nous soyons réduits à cette necessité,
est àpresent en déliberation et jusqu'à ce qu'on
Sait entièrement reglé les proportions des forces
confederees & les dispositions convenables pour
les employer , il ne sera pas aisé de déterminer
de combien les dépenses necessaires pour le service
de l'année courante , peuvent exceder les
fonds qui ont été fournis pour le service de
l'année derniere . Cependant je suis persua
de que vous apporterez toute la diligence
possible à finir les affaires publiques , et s'il est
necessaire , je ne manquera pas de demander de
nouveau les voix et 'assistance de mon Parlement
, suivant les circonstames des affaires , et
Lorsqu'uunne occasion convenable le requerera.
Messieurs de la Chambre des Communes , j'ai
donné ordre de préparer et de remettre devant -
vous le estimations nécessaires , et je ne doute
pas que l'affection que vous avez toujours fait
paroître pour moi et pour mon honneur , et que
votre
FEVRIER . 1731. 38
votre juste attachement aux veritables interêts
de votre Patrie , ne vous portent à m'accorder
les subsides necessaires et à me mettre en état
de satisfaire à mes engagemens avec mes Alliez
avec cette joye et cette affection qui convien
nent à une Chambre des Commuues de la Grande
Bretagne , si délicate et si jalouse sur l'honneur
de la Couronne , attentive et interessée à
la gloire et prosperité du Royaume Milords er
Messieurs , le temps de n'admettre plus de nouveaux
délais s'approche , si on peut établir la
tranquillité de l'Europe sans effusion de sang ,
et sans être obligé à de nouvelles depenses , cette
situation sera certainement la plus heureuse
et la plus souhaitable ; mais si on ne peut obter.
mir cette félicité , l'honneur , la justice et la foi
sacrée due auxTraitez solemnels exigent de nous
que nous fassions nos efforts pour procurer par la
force ce qu'on ne pourra obtenir à des conditions
justes et raisonnables.
Le Roy étant retourné au Palais de S. 'James ,
après cette Harangue , les deux Chambres résolu
rent de présenter leur Aidresse de remerciement.
à S. M. mais il y eut à cette occasion de grandes
contestations , parce que quelques - uns des Mem
bres du Parlement vouloient qu'on inserât dans
l'Addresse , que le Roi seroit prié de prendre des
mesures pour empêcher que la guerre ne s'allu
mât sur le Rhin ou dans les Pays- Bas . Cette proposition
ayant été mise en déliberation , elle fur
rejettée dans la Chambre des Seigneurs , à la plu
ralité de 84. voix contre 23. et dans celle des
Communes d'une voix unanime .
Le 2. les Seigneurs présenterent à S. M. l'Ad
dresse suivante :
TRES
386 MERCURE DE FRANCE
T RES- GRACIEUX SOUVERAIN
?
3
NOUS, les tres - obéissans et fideles Sujeta
de V. M. les Seigneurs Spirituels et Temporels
assemblez en Parlement , demandons la permistion
de remercier tres- humblement V. M., de sa
tres-gracieuse Harangue émanée du Trône.
Les suites fatales du Traité de Vienne qui affectoit
toute l'Europe , mais particulierement
cette Nation ne pouvoient être prévenuës que
par la dissolution de cette dangereuse union.
Non seulement ce Projet si sage a été accompli
par les mesures qu'on avoit fy.devant prises
et par la conclusion du Traité de Séville qui
a uni aux Alliez d'Hanover, une des plus grandes
Puissances contractantes du Traité de
Vienne. Ainsi V. M. ayant posé un fondement
assuré de la tranquillité publique , si on cut
arquiesce aux justes conditions du Traité de
Seville ; et ayantfait d'ailleurs toutes sortes
d'efforts pour parvenir à cette tranquillité, con.
formément aux engagemens que vous avez pris
avec vos Alliez ; il est de notre devoir de donner
des preuves de notre zéle pour l'honneur de
V. M. et pour la foy publique de la Nation , afin
que toutes les Puissances contractantes de ce
Traité , qui sont dans des ob igations mutuelles
et indispensables de l'exécuter , puissent connoître
qu'on n'a rien négligé de la part de la
Grande Bretagne ; c'est pourquoi nous deman
dons tres -humblement permission d'assurer V.
M. que le même zele et la méme vigueur qui
ent parujusqu'à present dans cette Chambre ,
pour soutenir V. M. dans l'exécution de ses Engagemens
, continueront dans no; délibérations ,
ahm
FEVRIER. 1731 .
387
afin qu'il ne reste aucun doute aux Puissances
Etrangeres que V. M. ne soit par Nous mise en
état , à tout évenement , de procurer satisfae.
tion à vos Alliez , s'il étoit necessaire de le faire
par la force , étant persuadez de notre part que
V. M. préférera toujours un juste accommodement
aux suites fâcheuses d'une rupture gene
ra'e. Nous expédierens , en attendant les affaires
publiques , avec toute la diligence possible
at lorsqu'il plaira à V. M de demander de nous
veau notre avis et notre assistance ; cette Cham
bre prendra alors les résolutions qui convien
ment à de tres humbles et de tres fideles sujets ,
scrupuleux lorsqu'il s'agit de répandre le sang
et de dépenser les fonds publics , mais inalterablement
fermes orsqu'il faut maintenir l'hon
neur de la Nation et la foy sacrée dûë aux
Traitez publics , ayant toujours dans l'espris
que nous devons la jouissance de notre heureuse
constitution à l'établissement de la Couronne ,
dans la Famille Royale de V.M.et toujours préts
à contribuer de tout notre pouvoir à ce que V.
M puisse porter cette Couronne avec honneur
et sens être troub'ée par les ennemis , tant du
dedans que du dehors du Royaume.
La Chambre des Communes a résolu en grand
Comité d'accorder un subside au Roy, tant pour
l'entretien de 10000 Matelots, à raison de 4 1.sterl .
par mois chacun,que pour l'entretien des Troupes
de Hesse , dont l'Etat qui a été fourni par la Secretaire
des Guerres , est de 2224 Cavaliers, 1836
Dragons , er de 8034 Fantassins , qui sont à la
solde de S. M.
On proposă le 12 de ce mois , dans la même
Chambre des Communes , d'en exclure tous ceux
qui reçoivent des pensions de la Couronne , et
apres
388 MERCURE DE FRANCE.
après de grandes contestations , cette proposi
tion fut approuvée à la pluralité de 140 voix
contre 134 ; ensuite la Chambre s'étant mise en
grand comité , sur l'état des Troupes , il a été résolu
que pour les gardes et garnisons de la Gran
de Bretagne , des Isles de Guernesey et de Jersey ,
on entretiendroit pendant le courant de cette
année 17709 hommes effectifs , y compris les
1815 Invalides , et les 555 hommes qui compo
sent les Compagnies indépendantes , qui sont
dans les Montagnes d'Ecosse , et qu'on accorde→
roit au Roy 657484 liv. sterlin , pour la paye de
ces Troupes et de leurs Officiers en Commission
ou sans Commission.
M. Pultney , Membre du Parlement, pour Heyden
, dans le Comté d'York , reçut le , un
Cartel du Lord Harvey , fils et heritier du Comte
de Bristol , et membre du Parlement , pour S Ede
mond Eury , dans le Comté de Suffolx . S'étant
trouvez l'après midy dans le Parc de S. James ,
avec leurs seconds ; le Lord Harvey fut blessé
et ensuite desarmé. On assure que la cause de
leur querelle provenoit d'une réponse que Monsieur
Paltney a faite à un Ecrit, intitulé : Sédition
et Diffamation développée , dans laquelle le Lord
Harvey est maltraité.
E premier Février , après midi, le Roi se ren
dit à la Chambre des Pairs , et S. M. ayant
mandé les Communes , le Grand - Chancelier par
lant au nom du Roi , fit le Discours suivant :
MILORDS ILORDS ET MESSIEURS ,
Il ne peut vous rester aucun doute les
que
mesures qu'on avoit prises cy devant , et la
conclusion du Traité de Seville , n'ayent prévenu
et déconcerté les suites dangereuses qu'on
avoit si juste sujet d'appréhender du Traité de
Vienne , et non - seulement nous voyons que cetFEVRIER.
1731. 383
te union qui avoit alarmé toute l'Europe , n'a
eu aucun effet , mais encore que les Alliez du
Traité d'Hanover sont fortifiez par l'addition
du pouvoir de la Couronne d'Espagne, Cette
situation des affaires nous faisoit attendre
avec raison , une Facification generale , et
nous donnoit de justes esperances d'un acquies
cement aux conditions du Traité de Seville,
sans être obligés d'en venir à des extremitez ; on
n'a négligé aucun moyen conforme aux engagemens
où je suis entré avec mes Alliez, pour
obtenir une si heureuse fin , mais cet évenement
si desirable , ayant été differé jusqu'à present ,
Le Traité de Séville oblige indispensablement
toutes les Parties contractantes à se préparer
pour le mettre à execution , et nous devons étre
prêts à le faire en ce qui nous regarde , et en
continuant à prendre les mesures convenables ».
il faut convaincre nos Alliez que nous remplirons
fide ement nos engagemens , et qu'aurant
qu'il dépendra de nous , nous leur procurerons
·la satisfaction qui leur est duë, soit par les
moyens qu'il sera à propos de choisir , ou par
ceux qui deviendront absolument necessaires.
Le tems de crise où nous nous trouvons presen
tement , semble devoir mériter votre attention.
d'une maniere particuliere et il est inutile de
vous dire avec combien d'impatience on attend
les résolutions de ce Parlement . Je suis incapable
de vouloir influer ur vos déliberations par
des craintes et par des appréhensions mal fondées
; je suis également incapable de vous amuser
par des attentes et des esperances vaines
mais comme les Négociations qui se font actuellement
dans les differentes Cours de ' Eu-
·rope , sont sur le point d'être terminées , vos
premieres résolutions pourront contribuer à déterminer
384 MERCURE DE FRANCE
•
terminer sur le parti de la Paix ou de la guerre.
Ea continuation du zele et de la vigueur que
vous avez fait paroître jusqu'ici pour me soutenir
et pour m'aider à remplir mes engagemens
, doit être dans ce temps - cy d'un grand
poids et de la derniere importance , tant par
rapport à mes Alliez , qui ne pourront croire
alors que leurs interêts et la cause commune
·sont negligez , avant que les conditions de leurs
Traitez soient accomplis , que par rapport à
ceux qui peuvent être disposez à prévenir par
un acconmodement les consequences fatales
d'une rupture generale , laquelle ils auront peu
de sujet d'apprehender , s'ils trouvent que les
Alliez de Séville ne sont pas préparez à se faire
justice eux mêmes. Le Plan des operations pour
l'execution du Traité de Séville par la force ,
au cas que nous soyons réduits à cette necessité,
est àpresent en déliberation et jusqu'à ce qu'on
Sait entièrement reglé les proportions des forces
confederees & les dispositions convenables pour
les employer , il ne sera pas aisé de déterminer
de combien les dépenses necessaires pour le service
de l'année courante , peuvent exceder les
fonds qui ont été fournis pour le service de
l'année derniere . Cependant je suis persua
de que vous apporterez toute la diligence
possible à finir les affaires publiques , et s'il est
necessaire , je ne manquera pas de demander de
nouveau les voix et 'assistance de mon Parlement
, suivant les circonstames des affaires , et
Lorsqu'uunne occasion convenable le requerera.
Messieurs de la Chambre des Communes , j'ai
donné ordre de préparer et de remettre devant -
vous le estimations nécessaires , et je ne doute
pas que l'affection que vous avez toujours fait
paroître pour moi et pour mon honneur , et que
votre
FEVRIER . 1731. 38
votre juste attachement aux veritables interêts
de votre Patrie , ne vous portent à m'accorder
les subsides necessaires et à me mettre en état
de satisfaire à mes engagemens avec mes Alliez
avec cette joye et cette affection qui convien
nent à une Chambre des Commuues de la Grande
Bretagne , si délicate et si jalouse sur l'honneur
de la Couronne , attentive et interessée à
la gloire et prosperité du Royaume Milords er
Messieurs , le temps de n'admettre plus de nouveaux
délais s'approche , si on peut établir la
tranquillité de l'Europe sans effusion de sang ,
et sans être obligé à de nouvelles depenses , cette
situation sera certainement la plus heureuse
et la plus souhaitable ; mais si on ne peut obter.
mir cette félicité , l'honneur , la justice et la foi
sacrée due auxTraitez solemnels exigent de nous
que nous fassions nos efforts pour procurer par la
force ce qu'on ne pourra obtenir à des conditions
justes et raisonnables.
Le Roy étant retourné au Palais de S. 'James ,
après cette Harangue , les deux Chambres résolu
rent de présenter leur Aidresse de remerciement.
à S. M. mais il y eut à cette occasion de grandes
contestations , parce que quelques - uns des Mem
bres du Parlement vouloient qu'on inserât dans
l'Addresse , que le Roi seroit prié de prendre des
mesures pour empêcher que la guerre ne s'allu
mât sur le Rhin ou dans les Pays- Bas . Cette proposition
ayant été mise en déliberation , elle fur
rejettée dans la Chambre des Seigneurs , à la plu
ralité de 84. voix contre 23. et dans celle des
Communes d'une voix unanime .
Le 2. les Seigneurs présenterent à S. M. l'Ad
dresse suivante :
TRES
386 MERCURE DE FRANCE
T RES- GRACIEUX SOUVERAIN
?
3
NOUS, les tres - obéissans et fideles Sujeta
de V. M. les Seigneurs Spirituels et Temporels
assemblez en Parlement , demandons la permistion
de remercier tres- humblement V. M., de sa
tres-gracieuse Harangue émanée du Trône.
Les suites fatales du Traité de Vienne qui affectoit
toute l'Europe , mais particulierement
cette Nation ne pouvoient être prévenuës que
par la dissolution de cette dangereuse union.
Non seulement ce Projet si sage a été accompli
par les mesures qu'on avoit fy.devant prises
et par la conclusion du Traité de Séville qui
a uni aux Alliez d'Hanover, une des plus grandes
Puissances contractantes du Traité de
Vienne. Ainsi V. M. ayant posé un fondement
assuré de la tranquillité publique , si on cut
arquiesce aux justes conditions du Traité de
Seville ; et ayantfait d'ailleurs toutes sortes
d'efforts pour parvenir à cette tranquillité, con.
formément aux engagemens que vous avez pris
avec vos Alliez ; il est de notre devoir de donner
des preuves de notre zéle pour l'honneur de
V. M. et pour la foy publique de la Nation , afin
que toutes les Puissances contractantes de ce
Traité , qui sont dans des ob igations mutuelles
et indispensables de l'exécuter , puissent connoître
qu'on n'a rien négligé de la part de la
Grande Bretagne ; c'est pourquoi nous deman
dons tres -humblement permission d'assurer V.
M. que le même zele et la méme vigueur qui
ent parujusqu'à present dans cette Chambre ,
pour soutenir V. M. dans l'exécution de ses Engagemens
, continueront dans no; délibérations ,
ahm
FEVRIER. 1731 .
387
afin qu'il ne reste aucun doute aux Puissances
Etrangeres que V. M. ne soit par Nous mise en
état , à tout évenement , de procurer satisfae.
tion à vos Alliez , s'il étoit necessaire de le faire
par la force , étant persuadez de notre part que
V. M. préférera toujours un juste accommodement
aux suites fâcheuses d'une rupture gene
ra'e. Nous expédierens , en attendant les affaires
publiques , avec toute la diligence possible
at lorsqu'il plaira à V. M de demander de nous
veau notre avis et notre assistance ; cette Cham
bre prendra alors les résolutions qui convien
ment à de tres humbles et de tres fideles sujets ,
scrupuleux lorsqu'il s'agit de répandre le sang
et de dépenser les fonds publics , mais inalterablement
fermes orsqu'il faut maintenir l'hon
neur de la Nation et la foy sacrée dûë aux
Traitez publics , ayant toujours dans l'espris
que nous devons la jouissance de notre heureuse
constitution à l'établissement de la Couronne ,
dans la Famille Royale de V.M.et toujours préts
à contribuer de tout notre pouvoir à ce que V.
M puisse porter cette Couronne avec honneur
et sens être troub'ée par les ennemis , tant du
dedans que du dehors du Royaume.
La Chambre des Communes a résolu en grand
Comité d'accorder un subside au Roy, tant pour
l'entretien de 10000 Matelots, à raison de 4 1.sterl .
par mois chacun,que pour l'entretien des Troupes
de Hesse , dont l'Etat qui a été fourni par la Secretaire
des Guerres , est de 2224 Cavaliers, 1836
Dragons , er de 8034 Fantassins , qui sont à la
solde de S. M.
On proposă le 12 de ce mois , dans la même
Chambre des Communes , d'en exclure tous ceux
qui reçoivent des pensions de la Couronne , et
apres
388 MERCURE DE FRANCE.
après de grandes contestations , cette proposi
tion fut approuvée à la pluralité de 140 voix
contre 134 ; ensuite la Chambre s'étant mise en
grand comité , sur l'état des Troupes , il a été résolu
que pour les gardes et garnisons de la Gran
de Bretagne , des Isles de Guernesey et de Jersey ,
on entretiendroit pendant le courant de cette
année 17709 hommes effectifs , y compris les
1815 Invalides , et les 555 hommes qui compo
sent les Compagnies indépendantes , qui sont
dans les Montagnes d'Ecosse , et qu'on accorde→
roit au Roy 657484 liv. sterlin , pour la paye de
ces Troupes et de leurs Officiers en Commission
ou sans Commission.
M. Pultney , Membre du Parlement, pour Heyden
, dans le Comté d'York , reçut le , un
Cartel du Lord Harvey , fils et heritier du Comte
de Bristol , et membre du Parlement , pour S Ede
mond Eury , dans le Comté de Suffolx . S'étant
trouvez l'après midy dans le Parc de S. James ,
avec leurs seconds ; le Lord Harvey fut blessé
et ensuite desarmé. On assure que la cause de
leur querelle provenoit d'une réponse que Monsieur
Paltney a faite à un Ecrit, intitulé : Sédition
et Diffamation développée , dans laquelle le Lord
Harvey est maltraité.
Fermer
Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le 1er février 1731, le roi de Grande-Bretagne s'adresse à la Chambre des Pairs et aux Communes. Il met en avant les mesures prises et le Traité de Séville, qui ont empêché les dangers du Traité de Vienne et renforcé les alliés du Traité d'Hanover avec l'Espagne. Le roi espère une pacification générale et un acquiescement aux conditions du Traité de Séville sans recourir à des extrémités. Il insiste sur la préparation à l'exécution du traité et la nécessité de convaincre les alliés de la fidélité de la Grande-Bretagne à ses engagements. Le roi souligne que les négociations en cours en Europe pourraient déterminer le choix entre la paix et la guerre. Il appelle à un zèle continu pour soutenir les engagements et préparer les forces nécessaires. Il demande également des subsides pour l'entretien des troupes et des matelots. Les Chambres décident de remercier le roi, bien que des contestations surviennent sur l'inclusion de mesures pour éviter la guerre sur le Rhin ou dans les Pays-Bas, proposition rejetée. Les Seigneurs présentent une adresse remerciant le roi et affirmant leur soutien pour l'exécution des engagements de la Grande-Bretagne. La Chambre des Communes vote un subside pour l'entretien des troupes et des matelots, et décide de l'effectif des gardes et garnisons pour l'année 1731. Par ailleurs, un duel entre deux membres du Parlement, M. Pultney et le Lord Harvey, se solde par la blessure de ce dernier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
909
p. 388-390
PAYS-BAS, HOLLANDE.
Début :
La nuit du 3 au 4 Fevrier, le feu prit subitement dans les Offices du Palais de Bruxelles [...]
Mots clefs :
Pays-Bas, Palais, Archiduchesse, Comtesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PAYS-BAS, HOLLANDE.
PAYS- BAS , HOLLANDE.
A nuit du 3 au 4 Fevrier , le feu prit subite
ment dans les Offices du Palais de Bruxelles ,
où on travailloit aux préparatifs d'une Fête que
l'Archiduchesse , Gouvernante , devoit donner le
5. Ces Offices étant au dessous du grand Appar
tement qu'elle occupoit , le feu s'y communiqua
avec tant de violence et de promptitude , que cette
Princesse eut à peine le temps de prendre sa robede
chambre ,
FEVRIER. 1731. 389
chambre,et de passer seule dans la Chapelle. Le vent
qui étoit fort, ayant porté le feu par tout le Palais,
PArchiduchesse se sauva chez le Pr. de Rubem→
pré , son Grand- Ecuyer , dont l'Hôtel est vis - àvis
le Palais. Le Comte de Visconti , Grand-
Maître de sa Maison , vint y chercher cette Princesse,
et il la conduisit au Palais d'Orange, où elle
fut saignée. Tous les Officiers, les Troupes , et les
Bourgeois de la Ville accoururent au Palais dans
les premiers momens de l'incendie, pour l'arrêter;
mais le feu fit en peu de temps un si grand progrès
, que leur secours fut inutile. L'Appartement
de l'Archiduchesse fut entierement brulé
en moins de deux heures , et le 4. à 8. heures
du matin , tout le Palais qui avoit été achevé en
1445 sous Philippes le Bon , Duc de Bourgogne
, étoit reduit en cendres. Le feu qui s'étoit
communiqué au magazin de bois et de charbon,
a duré plusieurs jours , quoique les murs qui for
ment P'enceinte du Palais eussent rassuré sur la
crainte qu'on avoit que le feu ne se communiquat
dans la Ville , on a prévenu ce malheur en
abbatant quelques maisons. Tous les Meubles.
la Vaisselle , et la Garderobe de l'Archiduchesse
ont été brulez , et on n'a pu sauver qu'une partie
des Pierrèries de l'Archiduchesse , les Registres
du Conseil -Privé et des Archives , et Chartres
anciennes . Tout le reste des Papiers , qui se conservoient
dans un des Pavillons du Palais , a été
brûlé . La Comtesse Elisabeth d'Ullefeld , Dame
de la Clef d'or et du Palais , et fille de la Grande
Maîtresse de la Maison de l'Archiduchesse, ayant
été brûlée à la main et au pied , mourut le
matin. Plusieurs autres personnes ont péri dans
cet incendie.
S au
Le 13. de ce mois , le Comte de S. Severin
Arragon , Envoyé de Parme, eut en long Manteau
300 MERCURE DE FRANCE
reau de deuil une audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il donna part à S. M. de la mort
du Duc de Parme. Il fut conduit à cette audience
par M. Hebert , Introducteur des Ambassdeurs.
Le Roi a pris le deuil le 16 pour 8 jours.
A nuit du 3 au 4 Fevrier , le feu prit subite
ment dans les Offices du Palais de Bruxelles ,
où on travailloit aux préparatifs d'une Fête que
l'Archiduchesse , Gouvernante , devoit donner le
5. Ces Offices étant au dessous du grand Appar
tement qu'elle occupoit , le feu s'y communiqua
avec tant de violence et de promptitude , que cette
Princesse eut à peine le temps de prendre sa robede
chambre ,
FEVRIER. 1731. 389
chambre,et de passer seule dans la Chapelle. Le vent
qui étoit fort, ayant porté le feu par tout le Palais,
PArchiduchesse se sauva chez le Pr. de Rubem→
pré , son Grand- Ecuyer , dont l'Hôtel est vis - àvis
le Palais. Le Comte de Visconti , Grand-
Maître de sa Maison , vint y chercher cette Princesse,
et il la conduisit au Palais d'Orange, où elle
fut saignée. Tous les Officiers, les Troupes , et les
Bourgeois de la Ville accoururent au Palais dans
les premiers momens de l'incendie, pour l'arrêter;
mais le feu fit en peu de temps un si grand progrès
, que leur secours fut inutile. L'Appartement
de l'Archiduchesse fut entierement brulé
en moins de deux heures , et le 4. à 8. heures
du matin , tout le Palais qui avoit été achevé en
1445 sous Philippes le Bon , Duc de Bourgogne
, étoit reduit en cendres. Le feu qui s'étoit
communiqué au magazin de bois et de charbon,
a duré plusieurs jours , quoique les murs qui for
ment P'enceinte du Palais eussent rassuré sur la
crainte qu'on avoit que le feu ne se communiquat
dans la Ville , on a prévenu ce malheur en
abbatant quelques maisons. Tous les Meubles.
la Vaisselle , et la Garderobe de l'Archiduchesse
ont été brulez , et on n'a pu sauver qu'une partie
des Pierrèries de l'Archiduchesse , les Registres
du Conseil -Privé et des Archives , et Chartres
anciennes . Tout le reste des Papiers , qui se conservoient
dans un des Pavillons du Palais , a été
brûlé . La Comtesse Elisabeth d'Ullefeld , Dame
de la Clef d'or et du Palais , et fille de la Grande
Maîtresse de la Maison de l'Archiduchesse, ayant
été brûlée à la main et au pied , mourut le
matin. Plusieurs autres personnes ont péri dans
cet incendie.
S au
Le 13. de ce mois , le Comte de S. Severin
Arragon , Envoyé de Parme, eut en long Manteau
300 MERCURE DE FRANCE
reau de deuil une audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il donna part à S. M. de la mort
du Duc de Parme. Il fut conduit à cette audience
par M. Hebert , Introducteur des Ambassdeurs.
Le Roi a pris le deuil le 16 pour 8 jours.
Fermer
Résumé : PAYS-BAS, HOLLANDE.
Le 3 février 1731, un incendie se déclencha dans les offices du Palais de Bruxelles, où une fête était prévue pour le 5 février. Le feu se propagea rapidement, obligeant l'Archiduchesse, gouvernante des Pays-Bas, à fuir en robe de chambre vers la chapelle, puis chez le Prince de Rubempré. Elle fut ensuite conduite au Palais d'Orange, où elle fut saignée. Malgré les efforts des officiers, troupes et bourgeois, le feu détruisit entièrement l'appartement de l'Archiduchesse en moins de deux heures et réduisit le Palais, construit en 1445 sous Philippe le Bon, en cendres le 4 février au matin. Le feu se propagea au magasin de bois et de charbon, durant plusieurs jours. Pour éviter la propagation dans la ville, certaines maisons furent abattues. La plupart des meubles, vaisselle et vêtements de l'Archiduchesse furent détruits, ainsi que de nombreux papiers. La Comtesse Elisabeth d'Ullefeld, blessée, mourut le matin même. Plusieurs autres personnes périrent également dans l'incendie. Le 13 février, le Comte de Saint-Severin, Envoyé de Parme, informa le Roi de la mort du Duc de Parme lors d'une audience particulière. Le Roi porta le deuil du 16 février pendant huit jours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
910
p. 536-553
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Début :
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union ; prononcé [...]
Mots clefs :
Lyon, Union, Discours, Prévôt, Concorde, Discorde, Magistrats, Justice, Société, Gouverneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
DISCOURS sur les avantages et la né
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
*
au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
*
au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
Fermer
Résumé : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Le 21 décembre 1730, Me A. G. Boucher d'Argis, avocat au Parlement de Paris, prononça un discours à Lyon sur l'importance de l'union. Cet événement annuel se déroulait à l'Hôtel de Ville de Lyon en présence de diverses autorités, dont l'archevêque, le gouverneur, le lieutenant du roi, l'intendant, les comtes de Lyon, et d'autres dignitaires. Le discours, intitulé 'Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union', s'inspirait d'une citation de Salluste : 'Concordia parve res crescunt. discordia maxime dilabuntur.' Boucher d'Argis souligna que l'union est essentielle pour la grandeur d'un État et le bonheur des peuples. Il expliqua que l'union permet l'accroissement et la conservation de la fortune des individus, ainsi que l'augmentation et la pérennité des forces d'un État. Sans union, même les sociétés les plus puissantes risquent de s'effondrer. L'orateur définissait l'union non seulement comme une association d'intérêts, mais aussi comme une société fondée sur la bienveillance et les lois, où chaque membre contribue à la prospérité commune. Il illustra son propos par des exemples historiques, notamment l'ascension de Rome grâce à l'union de ses citoyens. Boucher d'Argis conclut en affirmant que les lois et les magistrats sont cruciaux pour maintenir cette union et assurer la paix et la justice dans l'État. Il cita également l'exemple de la France, dont le bonheur et la stabilité étaient attribués à la concorde entre ses provinces et villes. Le discours loua Lyon pour avoir toujours bénéficié des avantages de l'union et pour avoir su se maintenir au-dessus des exemples pernicieux donnés par d'autres villes du royaume. La situation géographique de Lyon, au centre de l'Europe et traversée par deux fleuves majestueux, symbolise l'union et la disposition naturelle de ses habitants à l'harmonie. L'orateur rappela que les Romains avaient distingué Lyon et l'avaient associée à Rome en raison de son importance commerciale et stratégique. Il insista sur la nécessité de l'union pour le succès du commerce lyonnais, qui repose sur la bonne intelligence entre les habitants et les sociétés de négociants. Boucher d'Argis décrivit ensuite les ravages de la discorde, qu'il compara à un monstre semant la haine et l'inhumanité. Il illustra ses propos par des exemples historiques, comme les guerres civiles romaines et les divisions au sein de la monarchie française. Il conclut en soulignant que Lyon, modèle d'union parfaite, doit continuer à promouvoir cette valeur essentielle pour éviter les malheurs de la désunion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
911
p. 596-597
TURQUIE ET PERSE.
Début :
Par des Lettres de Constantinople, arrivées le 8. du mois [...]
Mots clefs :
Turquie, Perse, Suspension d'armes, Grand vizir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE ET PERSE.
TURQUIE, ET PERSE.
Ar des Lettres de Constantinople , arrivées le
Po. du mois dernier à Venise , on a appris qu'il
y avoit une suspension d'Armes entre les Turcs
et les Persans ; que le Traité de Paix entre ces
deux Nations seroit conclu dans peu , mais qu'on
croioit que c'étoit à des conditions qui renouvelleroient
la Guerre avec les Moscovites.
> Les mêmes Lettres portent qu'Ali -Patron
Chef et Auteur de la derniere Révolution , s'étant
présenté avec 200 de ses adherans à la porte du
Serrail pour avoir audience du Grand- Seigneur ;
on le renvoïa au lendemain , et qu'étant revenu
avec la même suite , on lui fit dire qu'elle étoit
trop nombreuse ; que cette démarche pourroit
être regardée comme séditieuse ; qu'elle donneroit
quelque soupçon au Sultan , et qu'il lui convenoit
, plutôt que de s'exposer à un nouveau refus
, de choisir dans le nombre de ceux qui l'accompagnoient
, quelques-uns des plus sages , et
que le reste demeureroit dans la premiere Salle .
Il suivit ce conseil après l'avoir rejetté d'abord
et aïant choisi six hommes de sa troupe , il fut
introduit avec les formalitez ordinaires . Il fit un
long discours plein de menaces , dans lequel il
avança entr'autres choses qu'il avoit lû dans l'Alcoran
que tous ceux qui rendoient un service signalé
à l'Etat méritoient de grandes récompenises
; qu'ayant élevé S. H. sur le Trône , il
roïoit lui avoir procuré le plus grand bonheur
du monde , et qu'il venoit pour recevoir le prix
MARS. 1731. 597
>
et le salaire de sa genereuse entreprise . Le Sultan
lui répondit qu'il avoit lû aussi dans l'Alcoran
que tout Rebelle devoit être puni de mort. Sur
quoi aiant mis le Sabre à la main et fait signe
aux Officiers qui l'environnoient , d'en faire autant
, on abbattit la tête d'Ali -Patron et les
autres Députés furent taillés en pieces , ainsi que
ceux de la suite d'Ali qui étoient restés dans la
premiere Salle. Les mêmes Lettres ajoûtent que
le G. S. avoit fait étrangler le nouvel Aga dés
Janissaires et 27. des plus séditieux.
Les Lettres venues par le Vaisseau du Capitaine
Bremond , arrivé à Marseille le 16. Mars
et dattées de Constantinople du 23. Janvier, portent
que le 22. du même mois le Grand- Seigneur
avoit déposé le nouveau Grand - Vizir ,
nommé à cette place par interim ) sur quelques
plaintes qui avoient été faites sur sa mauvaise administration
, et qu'Ibrahim Pacha ci-devant
Kiaia de Cuproglie , Bacha du Caire , avoit été
nommé Grand-Vizir.
Ar des Lettres de Constantinople , arrivées le
Po. du mois dernier à Venise , on a appris qu'il
y avoit une suspension d'Armes entre les Turcs
et les Persans ; que le Traité de Paix entre ces
deux Nations seroit conclu dans peu , mais qu'on
croioit que c'étoit à des conditions qui renouvelleroient
la Guerre avec les Moscovites.
> Les mêmes Lettres portent qu'Ali -Patron
Chef et Auteur de la derniere Révolution , s'étant
présenté avec 200 de ses adherans à la porte du
Serrail pour avoir audience du Grand- Seigneur ;
on le renvoïa au lendemain , et qu'étant revenu
avec la même suite , on lui fit dire qu'elle étoit
trop nombreuse ; que cette démarche pourroit
être regardée comme séditieuse ; qu'elle donneroit
quelque soupçon au Sultan , et qu'il lui convenoit
, plutôt que de s'exposer à un nouveau refus
, de choisir dans le nombre de ceux qui l'accompagnoient
, quelques-uns des plus sages , et
que le reste demeureroit dans la premiere Salle .
Il suivit ce conseil après l'avoir rejetté d'abord
et aïant choisi six hommes de sa troupe , il fut
introduit avec les formalitez ordinaires . Il fit un
long discours plein de menaces , dans lequel il
avança entr'autres choses qu'il avoit lû dans l'Alcoran
que tous ceux qui rendoient un service signalé
à l'Etat méritoient de grandes récompenises
; qu'ayant élevé S. H. sur le Trône , il
roïoit lui avoir procuré le plus grand bonheur
du monde , et qu'il venoit pour recevoir le prix
MARS. 1731. 597
>
et le salaire de sa genereuse entreprise . Le Sultan
lui répondit qu'il avoit lû aussi dans l'Alcoran
que tout Rebelle devoit être puni de mort. Sur
quoi aiant mis le Sabre à la main et fait signe
aux Officiers qui l'environnoient , d'en faire autant
, on abbattit la tête d'Ali -Patron et les
autres Députés furent taillés en pieces , ainsi que
ceux de la suite d'Ali qui étoient restés dans la
premiere Salle. Les mêmes Lettres ajoûtent que
le G. S. avoit fait étrangler le nouvel Aga dés
Janissaires et 27. des plus séditieux.
Les Lettres venues par le Vaisseau du Capitaine
Bremond , arrivé à Marseille le 16. Mars
et dattées de Constantinople du 23. Janvier, portent
que le 22. du même mois le Grand- Seigneur
avoit déposé le nouveau Grand - Vizir ,
nommé à cette place par interim ) sur quelques
plaintes qui avoient été faites sur sa mauvaise administration
, et qu'Ibrahim Pacha ci-devant
Kiaia de Cuproglie , Bacha du Caire , avoit été
nommé Grand-Vizir.
Fermer
Résumé : TURQUIE ET PERSE.
En mars 1731, des lettres de Constantinople signalent une suspension d'armes entre les Turcs et les Persans, avec un traité de paix imminent. Ce traité pourrait cependant relancer la guerre avec les Moscovites. Ali-Patron, chef de la dernière révolution, a tenté d'obtenir une audience auprès du sultan. Initialement repoussé en raison de sa suite trop nombreuse, il a finalement été introduit avec six de ses hommes. Ali a exigé une récompense pour avoir placé le sultan sur le trône, mais ce dernier a ordonné son exécution pour rébellion, ainsi que celle de ses compagnons. Par ailleurs, le sultan a déposé le nouveau Grand-Vizir pour mauvaise administration et nommé Ibrahim Pacha à sa place. De plus, le sultan a fait exécuter le nouvel Aga des Janissaires et 27 séditieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
912
p. 597-598
RUSSIE.
Début :
Les Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine arrivés à Moscou [...]
Mots clefs :
Russie, Moscou, Traité de Commerce, Chine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RUSSIE.
RUSSIE.
>
Es Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine
Larrives à Moscou , sont chargés de pleins
pouvoirs pour conciure un Traité de Commerce
entre les deux Etats. Les présens qu'ils ont apportés
consistent en Etoffes de soye et en Porce
laines des plus belles . Les difficultez que ces Ambassadeurs
avoient fait naître au sujet de leurs
prétentions , par rapport au Ceremonial , aïantété
reglées , ils firent leur entrée publique le 25 .
de Janvier dans l'ordre suivant.
Sept chevaux de main richement caparaçonnés
et conduits par autant de Palefreniers à cheval ,
commençoient la Marche , ils étoient suivis d'um
Timbalier et de quatre Trompettes marchant à la
tête
598 MERCURE DE FRANCE.
tête d'une Compagnie de Grenadiers du Régi
ment des Gardes de Preobazinski à cheval , de
huit Gentilshommes de Mongale , montés sur des
chevaux Tartares et armés d'arcs et de fleches ,
de huit Carosses à six chevaux des principaux
Seigneurs de la Cour , et d'un Carosse magnifique
de la Czarine, dans lesquels étoient les cinq
Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine et les
trois Envoyés du Prince de Mongale qui composent
cette Ambassade.
3
2
Le Chef de l'Ambassade étoit dans le dernier-
Carosse , accompagné de M. Sibin , Président du
College des Mines ; des Officiers Chinois étoient
à cheval aux portieres de ces Garosses, qui étoient
suivis de douze chevaux de main , d'un pareil
nombre de Palefreniers , d'une Compagnie des-
Grenadiers de la Garde des Semenowski , et de
80. Traîneaux chargés des bagages des Ambassadeurs.
Ils furent salués d'onze coups de canon
à l'entrée de la Ville , et conduits dans les Hôtelsqu'on
leur avoit préparés , et dont tous les ap--
partemens étoient tendus de drap rouge. Le premier
de ces Ambassadeurs est Président du Conseil
des Affaires Etrangeres de la Chine ; Iss autres
sont des Mandarins de differentes classes.
>
Es Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine
Larrives à Moscou , sont chargés de pleins
pouvoirs pour conciure un Traité de Commerce
entre les deux Etats. Les présens qu'ils ont apportés
consistent en Etoffes de soye et en Porce
laines des plus belles . Les difficultez que ces Ambassadeurs
avoient fait naître au sujet de leurs
prétentions , par rapport au Ceremonial , aïantété
reglées , ils firent leur entrée publique le 25 .
de Janvier dans l'ordre suivant.
Sept chevaux de main richement caparaçonnés
et conduits par autant de Palefreniers à cheval ,
commençoient la Marche , ils étoient suivis d'um
Timbalier et de quatre Trompettes marchant à la
tête
598 MERCURE DE FRANCE.
tête d'une Compagnie de Grenadiers du Régi
ment des Gardes de Preobazinski à cheval , de
huit Gentilshommes de Mongale , montés sur des
chevaux Tartares et armés d'arcs et de fleches ,
de huit Carosses à six chevaux des principaux
Seigneurs de la Cour , et d'un Carosse magnifique
de la Czarine, dans lesquels étoient les cinq
Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine et les
trois Envoyés du Prince de Mongale qui composent
cette Ambassade.
3
2
Le Chef de l'Ambassade étoit dans le dernier-
Carosse , accompagné de M. Sibin , Président du
College des Mines ; des Officiers Chinois étoient
à cheval aux portieres de ces Garosses, qui étoient
suivis de douze chevaux de main , d'un pareil
nombre de Palefreniers , d'une Compagnie des-
Grenadiers de la Garde des Semenowski , et de
80. Traîneaux chargés des bagages des Ambassadeurs.
Ils furent salués d'onze coups de canon
à l'entrée de la Ville , et conduits dans les Hôtelsqu'on
leur avoit préparés , et dont tous les ap--
partemens étoient tendus de drap rouge. Le premier
de ces Ambassadeurs est Président du Conseil
des Affaires Etrangeres de la Chine ; Iss autres
sont des Mandarins de differentes classes.
Fermer
Résumé : RUSSIE.
Le texte relate l'arrivée à Moscou d'ambassadeurs chinois missionnés pour négocier un traité de commerce entre la Russie et la Chine. Ces ambassadeurs ont apporté des présents, incluant des étoffes de soie et des porcelaines. Après avoir surmonté des difficultés cérémonielles, ils ont fait leur entrée publique le 25 janvier. La procession comprenait sept chevaux de main richement ornés, des musiciens, des grenadiers du régiment des Gardes de Preobrazinski, des gentilshommes mongols armés, des carrosses transportant les ambassadeurs chinois et les envoyés du Prince de Mongolie, ainsi que des traîneaux chargés de bagages. À leur entrée dans la ville, ils ont été accueillis par onze coups de canon et conduits dans des hôtels préparés à leur intention, dont les appartements étaient tendus de drap rouge. Le chef de l'ambassade est le Président du Conseil des Affaires Étrangères de la Chine, accompagné de plusieurs mandarins de différentes classes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
913
p. 598-599
POLOGNE.
Début :
L'Envoyé des Tartares qui eut le []9 Février à Warsovie [...]
Mots clefs :
Pologne, Envoyé , Audience, Investiture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE .
'Envoyé des Tartares qui eut le 9. Eévrier à
Warsovie son audience de congé du Roi , partit
le lendemain après qu'on lui eut remis la Lettre
du S. M. en réponse à celle du Kam son
Maître. Le Roi lui a fait présent de trois Montres
d'or , de trois paires de Pistolets et d'un fort
beau Fusil : le Régimentaire de la Couronne lui
a aussi fait présent d'une Montre d'or et d'un
Habit ; et on lui a donné un grand Coffre avec
de magnifiques présens pour le Kam.
Le
MARS. 1731. 599
Le 21. l'Envoyé du Grand-Seigneur cut sa
premiere audience publique du Roi , à laquelle il
fut conduit par M. de Sollokub , Grand Veneur
du Duché de Lithuanie, Le Roi le reçut dans la
grande Salle d'Audience , ayant à sa droite le
Grand Maréchal de la Couronne , et le Vice-
Chancelier â sa gauche ; les Senateurs formoient
un cercle devant S. M. et ils étoient assis et cou-*
verts. L'Envoyé après avoir baisé le bord de
l'habit du Roi , remit à S. M. ses Lettres de
Créance , signées de la main du Grand - Seigneur :
il se plaça ensuite sur un Carreau vis - à- vis du
Roi , et il lui fit un Compliment de la part de
S. H. auquel le Vice-Chancelier répondit au nom
de S. M. l'Envoyé se leva ensuite , et ayant salué
le Roi , il fut conduit par le Régimentaire de la
Couronne dans une grande Salle où il fut traité
magnifiquement par les Officiers de S. M. Pendant
le repas le Grand -Maréchal lui porta la
santé du G. S. et l'Envoyé lui porta celle du
Roi ; aprés quoi il fut reconduit au Palais du feu
Grand Trésorier de la Couronne , où le Roi le
fera traiter pendant tout le temps que cet Envoyé :
demeurera à Varsovie.
Le 24. le Ministre- Plenipotentiaire du Duc
Ferdinand de Curlande , reçut des mains du Roi
P'Investiture de ce Duché , avec les ceremonies
ordinaires. S. M. a depuis envoyé à ce Duc le Cordon
de l'Agle blanc.
'Envoyé des Tartares qui eut le 9. Eévrier à
Warsovie son audience de congé du Roi , partit
le lendemain après qu'on lui eut remis la Lettre
du S. M. en réponse à celle du Kam son
Maître. Le Roi lui a fait présent de trois Montres
d'or , de trois paires de Pistolets et d'un fort
beau Fusil : le Régimentaire de la Couronne lui
a aussi fait présent d'une Montre d'or et d'un
Habit ; et on lui a donné un grand Coffre avec
de magnifiques présens pour le Kam.
Le
MARS. 1731. 599
Le 21. l'Envoyé du Grand-Seigneur cut sa
premiere audience publique du Roi , à laquelle il
fut conduit par M. de Sollokub , Grand Veneur
du Duché de Lithuanie, Le Roi le reçut dans la
grande Salle d'Audience , ayant à sa droite le
Grand Maréchal de la Couronne , et le Vice-
Chancelier â sa gauche ; les Senateurs formoient
un cercle devant S. M. et ils étoient assis et cou-*
verts. L'Envoyé après avoir baisé le bord de
l'habit du Roi , remit à S. M. ses Lettres de
Créance , signées de la main du Grand - Seigneur :
il se plaça ensuite sur un Carreau vis - à- vis du
Roi , et il lui fit un Compliment de la part de
S. H. auquel le Vice-Chancelier répondit au nom
de S. M. l'Envoyé se leva ensuite , et ayant salué
le Roi , il fut conduit par le Régimentaire de la
Couronne dans une grande Salle où il fut traité
magnifiquement par les Officiers de S. M. Pendant
le repas le Grand -Maréchal lui porta la
santé du G. S. et l'Envoyé lui porta celle du
Roi ; aprés quoi il fut reconduit au Palais du feu
Grand Trésorier de la Couronne , où le Roi le
fera traiter pendant tout le temps que cet Envoyé :
demeurera à Varsovie.
Le 24. le Ministre- Plenipotentiaire du Duc
Ferdinand de Curlande , reçut des mains du Roi
P'Investiture de ce Duché , avec les ceremonies
ordinaires. S. M. a depuis envoyé à ce Duc le Cordon
de l'Agle blanc.
Fermer
Résumé : POLOGNE.
En février 1731, un envoyé des Tartares a été reçu en audience de congé par le roi de Pologne à Varsovie. Le roi lui a remis une lettre de réponse pour le Kam, ainsi que des présents incluant trois montres d'or, trois paires de pistolets et un fusil. Le Régimentaire de la Couronne a également offert une montre d'or, un habit et un coffre de présents pour le Kam. En mars 1731, le 21, l'envoyé du Grand-Seigneur a eu sa première audience publique avec le roi de Pologne. Accompagné par M. de Sollokub, Grand Veneur du Duché de Lithuanie, il a été reçu dans la grande salle d'audience en présence des sénateurs. Après avoir remis ses lettres de créance, il a prononcé un compliment auquel le Vice-Chancelier a répondu au nom du roi. L'envoyé a ensuite été logé au palais du feu Grand Trésorier de la Couronne. Le 24 mars, le ministre plénipotentiaire du Duc Ferdinand de Curlande a reçu l'investiture du duché des mains du roi, accompagnée des cérémonies ordinaires. Par la suite, le roi a envoyé au duc le cordon de l'Aigle blanc.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
914
p. 599-600
ALLEMAGNE.
Début :
On écrit de Berlin que le Roi de Prusse a donné [...]
Mots clefs :
Prusse, Troupes, Camp, Vienne, Envoyé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
N écrit de Berlin que le Roi de Prusse a
donné ordre à une certaine quantité de ses
plus belles Troupes , Cavalerie et Infanterie , de
se préparer pour former au mois de May pro
chain un Camp prés de cette Ville : ces Troupes
seront habillées de neuf et d'une propreté extraordinaire
: elles y feront diverses évolutions
etz
600 MERCURE DE FRANCE
et autres mouvemens qu'on pratique à la guerre :
outre les Tables de la Cour , chaque General et
Ministre d'Etat , en devra tenir une de douze
Couverts par ordre du Roi, qui veut qu'on procure
toutes sortes d'agrémens aux Etrangers de
distinction qui s'y rendront ; on y attend divers
Princes d'Allemagne , et on croit que les Rois de
Pologne et de Suede y viendront aussi.
L'Effendy qu'on attend à Vienne ne sera point
logé dans le Fauxbourg de Leopoldstad comme
l'ont été les autres Envoyez des précedens Sultans
: on a fixé le temps de son séjour , pendant
lequel il sera défrayé avec toute sa suite qui ne
pourra exceder le nombre de 30. personnes , parce
qu'on a sçu qu'il y avoit beaucoup de gens suspects
qui vouloient venir à Vienne sous sa protection.
N écrit de Berlin que le Roi de Prusse a
donné ordre à une certaine quantité de ses
plus belles Troupes , Cavalerie et Infanterie , de
se préparer pour former au mois de May pro
chain un Camp prés de cette Ville : ces Troupes
seront habillées de neuf et d'une propreté extraordinaire
: elles y feront diverses évolutions
etz
600 MERCURE DE FRANCE
et autres mouvemens qu'on pratique à la guerre :
outre les Tables de la Cour , chaque General et
Ministre d'Etat , en devra tenir une de douze
Couverts par ordre du Roi, qui veut qu'on procure
toutes sortes d'agrémens aux Etrangers de
distinction qui s'y rendront ; on y attend divers
Princes d'Allemagne , et on croit que les Rois de
Pologne et de Suede y viendront aussi.
L'Effendy qu'on attend à Vienne ne sera point
logé dans le Fauxbourg de Leopoldstad comme
l'ont été les autres Envoyez des précedens Sultans
: on a fixé le temps de son séjour , pendant
lequel il sera défrayé avec toute sa suite qui ne
pourra exceder le nombre de 30. personnes , parce
qu'on a sçu qu'il y avoit beaucoup de gens suspects
qui vouloient venir à Vienne sous sa protection.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le roi de Prusse a ordonné à une partie de ses troupes d'élite, cavalerie et infanterie, de se préparer pour former un camp près de Berlin en mai. Ces troupes seront nouvellement vêtues et d'une propreté exceptionnelle, et y effectueront diverses manœuvres militaires. Chaque général et ministre d'État devra tenir une table de douze couverts pour accueillir des étrangers de distinction, notamment des princes d'Allemagne, ainsi que les rois de Pologne et de Suède. À Vienne, l'Effendy, envoyé du sultan, ne sera pas logé dans le faubourg de Leopoldstadt. Son séjour est fixé et il sera défrayé avec sa suite, limitée à trente personnes en raison de la présence de suspects voulant se rendre à Vienne sous sa protection.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
915
p. 600-601
ITALIE.
Début :
Le 20. Février on publia à Rome une seconde Ordonnance [...]
Mots clefs :
Luxe, Ordonnance, Rome, Imposition, Naples, Amende
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALF E.
Lordonnance du Cardinal Camerlingue contre
E zo. Février on publia à Rome une seconde
le Luxe , par laquelle il est défendu à toutes personnes
de porter dans toute l'étenduë de l'Etat
Ecclesiastique , aucun galon , franges ou broderies
d'or ou d'argent sur leurs habits.
On écrit de Naples que le 28. Janvier on conduisit
par la rue de Tolede devant le Palais , le
Chariot des Rotisseurs , représentant Junon accompagnée
de Castor et Pollux , habillez en
Guerriers. Ce Chariot qui étoit précedé et suivi
de plusieurs Quadrilles d'Ouvriers de differens
Métiers , à cheval et magnifiquement habillez , fut
abandonné au peuple selon la coutume , mais
deux pauvres eurent le malheur d'en tomber , et
moururent deux heures aprés .
Le 24. de Janvier vers les quatre heures aprés
midi , la neige commença à tomber et dura jusqu'à
quatre heures du matin ; elle a été si abondante
MARS.
1731. бот
dante le Mont Vesuve et les autres montagnes
que
voisines en sont couvertes depuis le sommet jus--
qu'au pied , ce qui est fort extraordinaire dans
ce païs .
Le 4. Février après midi , on conduisit par la
rue de Tolede un Chariot chargé de Poisson sec
et salé , de Fruits secs , de Viande , de Volaille et
de Pain , qui fut abandonné au peuple dans la
place du Palais.
On mande de Milan qu'on y a mis une nouvelle
imposition sur les Lanternes , et que les
Bourgeois étoient obligez de faire marquer par
le Traitant celles dont ils se servent à peine de
100. écus d'amende.
Lordonnance du Cardinal Camerlingue contre
E zo. Février on publia à Rome une seconde
le Luxe , par laquelle il est défendu à toutes personnes
de porter dans toute l'étenduë de l'Etat
Ecclesiastique , aucun galon , franges ou broderies
d'or ou d'argent sur leurs habits.
On écrit de Naples que le 28. Janvier on conduisit
par la rue de Tolede devant le Palais , le
Chariot des Rotisseurs , représentant Junon accompagnée
de Castor et Pollux , habillez en
Guerriers. Ce Chariot qui étoit précedé et suivi
de plusieurs Quadrilles d'Ouvriers de differens
Métiers , à cheval et magnifiquement habillez , fut
abandonné au peuple selon la coutume , mais
deux pauvres eurent le malheur d'en tomber , et
moururent deux heures aprés .
Le 24. de Janvier vers les quatre heures aprés
midi , la neige commença à tomber et dura jusqu'à
quatre heures du matin ; elle a été si abondante
MARS.
1731. бот
dante le Mont Vesuve et les autres montagnes
que
voisines en sont couvertes depuis le sommet jus--
qu'au pied , ce qui est fort extraordinaire dans
ce païs .
Le 4. Février après midi , on conduisit par la
rue de Tolede un Chariot chargé de Poisson sec
et salé , de Fruits secs , de Viande , de Volaille et
de Pain , qui fut abandonné au peuple dans la
place du Palais.
On mande de Milan qu'on y a mis une nouvelle
imposition sur les Lanternes , et que les
Bourgeois étoient obligez de faire marquer par
le Traitant celles dont ils se servent à peine de
100. écus d'amende.
Fermer
Résumé : ITALIE.
En février 1731, à Rome, une ordonnance du Cardinal Camerlingue interdit le port de galons, franges ou broderies d'or ou d'argent sur les habits dans tout l'État ecclésiastique. À Naples, le 28 janvier, un chariot représentant Junon accompagnée de Castor et Pollux, habillés en guerriers, fut conduit par la rue de Tolède. Ce chariot, précédé et suivi de quadrilles d'ouvriers de différents métiers à cheval, fut abandonné au peuple, mais deux personnes tombèrent et moururent par la suite. Le 24 janvier, une forte chute de neige couvrit le Mont Vesuve et les montagnes voisines jusqu'à leur base, un événement inhabituel dans cette région. Le 4 février, un chariot chargé de poisson sec, de fruits secs, de viande, de volaille et de pain fut également abandonné au peuple sur la place du Palais à Naples. À Milan, une nouvelle imposition sur les lanternes fut instaurée, obligeant les bourgeois à marquer celles qu'ils utilisent sous peine d'une amende de 100 écus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
916
p. 780-781
TURQUIE.
Début :
Des lettres de Constantinople confirment les avis qu'on avoit [...]
Mots clefs :
Turquie, Grand vizir, Le Caire, Commerce, Étrangers, Damas, Syrie, Maronites, Convent de Nazareth
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE.
TURQUI E..
}
Es lettres de Constantinople confirment les.
Davis qu'on avoit déja cus , que Mehemet
Selichtar Pascha , qui avoit été fait Grand Vizir
dans les premiers jours de la derniere révolution ,
avoit été déposé , et que Ibrahim Pacha , ci- devant
Kihaia de Cuprogli , Pacha du Caire , avoit
été choisi pour lui succeder.
On a reçu avis du Grand Caire , que les Missionnaires
en avoient été chassés par le nouveau
Pacha , que le Grand Seigneur a envoyé dans.
cette Ville , et que la plupart s'étoient retirés à
Jerusalem et dans les environs .
:
D'autres lettres d'Egypte portent que le Pacha
Cuprogli avoit défait l'Armée des Rebelles d'Egypte
qu'il avoit fait couper la tête à tous leurs
Chefs , pris dans le combat , et accordé une Amnistie
generale aux autres ; que la tranquillité
étoit rétablie dans le pays , et le commerce enție:
rement libre pour tous les Etrangers..
On a appris par les lettres de Syrie , du mois
d'Octobre dernier , que dans le College de l'Ors
dre de S. François de la Ville de Damas , où les
Religieux Espagnols enseignent les Langues Aràbe
et Turque , ils avoient établi une Ecole particuliere
pour instruire dans la Religion Catholique
les enfans des Maronites qui y étoient déja
au nombre de 15000. ce qui leur avoit attiré une
persécution de la part des Turcs , qui vouloient
chasser ces Religieux de la Ville , où ils n'avoient
pû se conserver qu'en payant une somme considerable
;
AVRIL. 1731. 7:1
sable ; qu'ils avoient employé les charités des
Pelerins à finir l'Hôpital qu'ils avoient commencé
depuis long-temps ; qu'ils avoient fait achever
aussi le Convent de Nazareth , dont la dépense
montoit à plus de 9c000 . écus , et que le Gardien
avoit été fort maltraité par les Turcs le jour
de la Dédicace de la nouvelle Eglise.
}
Es lettres de Constantinople confirment les.
Davis qu'on avoit déja cus , que Mehemet
Selichtar Pascha , qui avoit été fait Grand Vizir
dans les premiers jours de la derniere révolution ,
avoit été déposé , et que Ibrahim Pacha , ci- devant
Kihaia de Cuprogli , Pacha du Caire , avoit
été choisi pour lui succeder.
On a reçu avis du Grand Caire , que les Missionnaires
en avoient été chassés par le nouveau
Pacha , que le Grand Seigneur a envoyé dans.
cette Ville , et que la plupart s'étoient retirés à
Jerusalem et dans les environs .
:
D'autres lettres d'Egypte portent que le Pacha
Cuprogli avoit défait l'Armée des Rebelles d'Egypte
qu'il avoit fait couper la tête à tous leurs
Chefs , pris dans le combat , et accordé une Amnistie
generale aux autres ; que la tranquillité
étoit rétablie dans le pays , et le commerce enție:
rement libre pour tous les Etrangers..
On a appris par les lettres de Syrie , du mois
d'Octobre dernier , que dans le College de l'Ors
dre de S. François de la Ville de Damas , où les
Religieux Espagnols enseignent les Langues Aràbe
et Turque , ils avoient établi une Ecole particuliere
pour instruire dans la Religion Catholique
les enfans des Maronites qui y étoient déja
au nombre de 15000. ce qui leur avoit attiré une
persécution de la part des Turcs , qui vouloient
chasser ces Religieux de la Ville , où ils n'avoient
pû se conserver qu'en payant une somme considerable
;
AVRIL. 1731. 7:1
sable ; qu'ils avoient employé les charités des
Pelerins à finir l'Hôpital qu'ils avoient commencé
depuis long-temps ; qu'ils avoient fait achever
aussi le Convent de Nazareth , dont la dépense
montoit à plus de 9c000 . écus , et que le Gardien
avoit été fort maltraité par les Turcs le jour
de la Dédicace de la nouvelle Eglise.
Fermer
Résumé : TURQUIE.
Le texte décrit des événements politiques et religieux dans l'Empire ottoman. À Constantinople, Mehemet Selichtar Pascha, récemment nommé Grand Vizir, a été démis de ses fonctions et remplacé par Ibrahim Pacha, ancien Pacha du Caire. Au Caire, les missionnaires, expulsés par le nouveau Pacha, se sont réfugiés à Jérusalem. Ibrahim Pacha a réprimé une rébellion égyptienne, exécuté les chefs rebelles et accordé une amnistie générale, rétablissant ainsi la tranquillité et la liberté commerciale. En Syrie, des lettres d'octobre 1730 révèlent que des religieux espagnols du Collège de l'Ordre de Saint-François à Damas ont fondé une école pour instruire les enfants maronites dans la religion catholique, suscitant des persécutions turques. Les religieux ont dû payer une somme importante pour rester à Damas. Ils ont également utilisé des dons pour achever un hôpital et un couvent à Nazareth, dont les dépenses ont dépassé 9 000 écus. Le gardien du couvent a été maltraité par les Turcs lors de la dédicace de la nouvelle église.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
917
p. 781
RUSSIE.
Début :
On mande des Frontieres de Perse , que les Turcs qui [...]
Mots clefs :
Russie, Perse, Moscovites, Constantinople
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RUSSIE.
RUSSIE.
On mande des Frontieres de Perse , que les
Turcs qui étoient dans Ardebil , l'avoient abandonné
aux Persans , et qu'ils s'étoient mis sous
la protection des Moscovites , lesquels , du consentement
du Roi de Perse , devoient les conduire
à Tiflis , Capitale de la Georgie.
Par les lettres reçûës de Constantinople , on
paroît être certain que le Grand Seigneur prem
dra toutes les mesures necessaires pour éviter d'entrer
en guerre avec les Moscovites , et pour prévenir
celle qu'ils pourroient avoir avec les Persans.
On mande des Frontieres de Perse , que les
Turcs qui étoient dans Ardebil , l'avoient abandonné
aux Persans , et qu'ils s'étoient mis sous
la protection des Moscovites , lesquels , du consentement
du Roi de Perse , devoient les conduire
à Tiflis , Capitale de la Georgie.
Par les lettres reçûës de Constantinople , on
paroît être certain que le Grand Seigneur prem
dra toutes les mesures necessaires pour éviter d'entrer
en guerre avec les Moscovites , et pour prévenir
celle qu'ils pourroient avoir avec les Persans.
Fermer
Résumé : RUSSIE.
En Russie, les Turcs d'Ardebil ont cherché la protection des Moscovites. Avec l'accord du roi de Perse, ces derniers doivent les conduire à Tiflis. À Constantinople, le souverain ottoman prévoit des mesures pour éviter une guerre avec les Moscovites et un conflit avec les Persans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
918
p. 781-782
POLOGNE.
Début :
Le 27. Fevrier, l'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur, eut [...]
Mots clefs :
Envoyé extraordinaire, Audience publique, Carrosse, Cheval arabe, Hongrie, Traité d'Oliva
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
E 27. Fevrier , l'Envoyé Extraordinaire du
Grand Seigneur , eut son Audience de congé
avec les ceremonies observées le jour de sa premiere
Audience publique. Ce Ministre alla dîner
ensuite chez le Grand - Maréchal de la Couronne.
Le Roi et la République lui ont fait present d'un
très - beau Carosse attelé de six Mules . Il a fait
au Roi , de la part du G. S. et du Gr. Viz. de six
Chevaux de Selle , pami lesquels il y a un Cheval
Arabe , qu'on estime 2000. Ducats . Leurs Harnois
sont à la Turque et d'une grande magnificence.
Le Roi a envoyé en Hongrie un Capitaine dus
Regiment de Saxe Weimar , pour lever oo. Hus-
Sats
82 MERCURE DE FRANCE
sars que l'Empereur lui a permis de prendre à son
service.
Le Ministre de la Czarine a donné au Primat
du Royaume un Memoire contenant les prétentions
de S. M. Cz . Les principales sont la repetition
des sommes avancées à la République par le
feu Czar Pierre I. et qu'on fait monter à prés de
huit millions , la demande qu'elle fait de l'entiere
execution du Traité d'Oliva , tant au sujet des
Privileges accordez aux Protestans de ce Royaume
, que par rapport à la liberté du Duché de
Curlande , qu'elle ne veut pas permettre qu'on
divise en Palatinats.
E 27. Fevrier , l'Envoyé Extraordinaire du
Grand Seigneur , eut son Audience de congé
avec les ceremonies observées le jour de sa premiere
Audience publique. Ce Ministre alla dîner
ensuite chez le Grand - Maréchal de la Couronne.
Le Roi et la République lui ont fait present d'un
très - beau Carosse attelé de six Mules . Il a fait
au Roi , de la part du G. S. et du Gr. Viz. de six
Chevaux de Selle , pami lesquels il y a un Cheval
Arabe , qu'on estime 2000. Ducats . Leurs Harnois
sont à la Turque et d'une grande magnificence.
Le Roi a envoyé en Hongrie un Capitaine dus
Regiment de Saxe Weimar , pour lever oo. Hus-
Sats
82 MERCURE DE FRANCE
sars que l'Empereur lui a permis de prendre à son
service.
Le Ministre de la Czarine a donné au Primat
du Royaume un Memoire contenant les prétentions
de S. M. Cz . Les principales sont la repetition
des sommes avancées à la République par le
feu Czar Pierre I. et qu'on fait monter à prés de
huit millions , la demande qu'elle fait de l'entiere
execution du Traité d'Oliva , tant au sujet des
Privileges accordez aux Protestans de ce Royaume
, que par rapport à la liberté du Duché de
Curlande , qu'elle ne veut pas permettre qu'on
divise en Palatinats.
Fermer
Résumé : POLOGNE.
Le 27 février, l'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur a eu son audience de congé avec les cérémonies observées lors de sa première audience publique. Il a ensuite dîné chez le Grand-Maréchal de la Couronne. Le Roi et la République lui ont offert un carrosse attelé de six mules. En retour, le Ministre a offert au Roi, de la part du Grand Seigneur et du Grand Vizir, six chevaux de selle, dont un cheval arabe estimé à 2000 ducats, avec des harnais turcs magnifiques. Le Roi a envoyé un capitaine du régiment de Saxe-Weimar en Hongrie pour lever 800 hussards, avec la permission de l'Empereur de les prendre à son service. Le Ministre de la Czarine a remis au Primat du Royaume un mémoire détaillant les prétentions de Sa Majesté Czarine. Les principales revendications incluent la répétition des sommes avancées à la République par le feu Czar Pierre Ier, estimées à près de huit millions, et la demande de l'exécution complète du Traité d'Oliva. Cela concerne les privilèges accordés aux protestants du Royaume et la liberté du Duché de Curlande, que la Czarine ne souhaite pas voir divisé en palatinats.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
919
p. 782
DANNEMARCK.
Début :
La Colomne qui avoit été élevé prés de Frederickstadt, à [...]
Mots clefs :
Charles XII, Inscriptions, Couronne de Suède
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DANNEMARCK.
DANNEM A R˚C K.
derickstadt , à l'occasion de la mort du Roi de
Suede Charles XII. doit être incessamment abbatuë
et les Inscriptions ôtées par ordre du Roi ,
qui a résolu de vivre en bonne intelligence avec
la Couronne de Suede.
derickstadt , à l'occasion de la mort du Roi de
Suede Charles XII. doit être incessamment abbatuë
et les Inscriptions ôtées par ordre du Roi ,
qui a résolu de vivre en bonne intelligence avec
la Couronne de Suede.
Fermer
920
p. 782-783
ALLEMAGNE.
Début :
Le bruit s'est répandu depuis peu à Vienne, que l'Empereur [...]
Mots clefs :
Vienne, Ratisbonne, Empereur, Coutume, Église aulique, Mystères de la Passion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
E bruit s'est répandu depuis peu à Vienne ,
que l'Empereur avoit pris la résolution d'aller
àu mois de Juin prochain à Ratisbonne , pour
regler la succession future de ses Etats , de l'avis
et du consentement des Electeurs , Princes et Etats
de l'Empire.
Le 17. du mois dernier , l'Empereur et l'Im-1
peratrice fe rendirent , selon la coûtume , dans
I'Eglise Aulique des Augustins Déchaussez , où
L. M. I. entendirent les cinq Sermons sur les
Misteres de la Passion , dont trois furent prêchez
en Allema et deux en Italien.
Le
C
AVRIL 1731. 783
Le 22. Jeudí Saint , P'Empereur lava les pieds
à douze pauvres Vieillards , qui faisoient tous ensemble
971. ans , et l'Imperatrice à douze pauvres
vieilles femmes , âgées aussi toutes ensemble
dé 1028. ans.
La Ville de Gratz en Stirie , fut réduite en
cendre la nuit du 19. au 30. du mois dernier.
E bruit s'est répandu depuis peu à Vienne ,
que l'Empereur avoit pris la résolution d'aller
àu mois de Juin prochain à Ratisbonne , pour
regler la succession future de ses Etats , de l'avis
et du consentement des Electeurs , Princes et Etats
de l'Empire.
Le 17. du mois dernier , l'Empereur et l'Im-1
peratrice fe rendirent , selon la coûtume , dans
I'Eglise Aulique des Augustins Déchaussez , où
L. M. I. entendirent les cinq Sermons sur les
Misteres de la Passion , dont trois furent prêchez
en Allema et deux en Italien.
Le
C
AVRIL 1731. 783
Le 22. Jeudí Saint , P'Empereur lava les pieds
à douze pauvres Vieillards , qui faisoient tous ensemble
971. ans , et l'Imperatrice à douze pauvres
vieilles femmes , âgées aussi toutes ensemble
dé 1028. ans.
La Ville de Gratz en Stirie , fut réduite en
cendre la nuit du 19. au 30. du mois dernier.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
En avril 1731, une rumeur annonça la visite de l'Empereur à Ratisbonne pour régler la succession de ses États. L'Empereur et l'Impératrice assistèrent à des sermons et lavèrent les pieds de pauvres personnes âgées. La ville de Graz fut détruite par un incendie en mars.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
921
p. 784-785
PORTUGAL.
Début :
On mande de Lisbonne qu'on y reçoit presque tous [...]
Mots clefs :
Lisbonne, Fâcheuses nouvelles, Inondation, Magasin de sel, Forteresse de S. Julien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTUGAL.
PORTUGAL..
N mande de Lisbonne qu'on y reçoit presque
tous les jours de fâcheuses nouvelles du dom
mage que la tempête du 7. de Février a causé
dans plusieurs Provinces. On apprend d'Abrantes
, que l'inondation y avoit été si considerable ,
que depuis cent ans on n'en avoit point vu de
semblable , et qu'à Porto il y avoit plus de quatre
pieds de neige dans les rues.
8. et le
Les Lettres des Algarves , portent que le 7. le
9. la Mer étoit montée infiniment plus.
haut que dans les plus grandes Marées , qu'ayant
fait remonter l'eau des Rivieres , elles s'étoient répandues
dans les Plaines à la hauteur de 6. à 7 .
pieds ; que les maisons d'un grand nombre de
villages.
AVRIL. RIL. 1731 783
#
Villages avoient été entraînées par les torrens ,
ainsi que la plupart des maisons de la Ville d'Albufeira
; qu'il n'étoit pas resté pierre sur pierre
dans celle d'Alvor , où il y avoit des Magazins
de Sel considerables ; que tous les arbres le long
de la Côte avoient été déracinez ; qu'une partie
du mur de la Tour de S. Laurent avoit été renversée
par les vagues de la Mer , et qu'elles avoient
passé pardessus les murs de la Forteresse de S. Julien.
N mande de Lisbonne qu'on y reçoit presque
tous les jours de fâcheuses nouvelles du dom
mage que la tempête du 7. de Février a causé
dans plusieurs Provinces. On apprend d'Abrantes
, que l'inondation y avoit été si considerable ,
que depuis cent ans on n'en avoit point vu de
semblable , et qu'à Porto il y avoit plus de quatre
pieds de neige dans les rues.
8. et le
Les Lettres des Algarves , portent que le 7. le
9. la Mer étoit montée infiniment plus.
haut que dans les plus grandes Marées , qu'ayant
fait remonter l'eau des Rivieres , elles s'étoient répandues
dans les Plaines à la hauteur de 6. à 7 .
pieds ; que les maisons d'un grand nombre de
villages.
AVRIL. RIL. 1731 783
#
Villages avoient été entraînées par les torrens ,
ainsi que la plupart des maisons de la Ville d'Albufeira
; qu'il n'étoit pas resté pierre sur pierre
dans celle d'Alvor , où il y avoit des Magazins
de Sel considerables ; que tous les arbres le long
de la Côte avoient été déracinez ; qu'une partie
du mur de la Tour de S. Laurent avoit été renversée
par les vagues de la Mer , et qu'elles avoient
passé pardessus les murs de la Forteresse de S. Julien.
Fermer
Résumé : PORTUGAL.
Le 7 février, une tempête a causé des dégâts considérables dans plusieurs provinces du Portugal. À Abrantes, une inondation inédite depuis un siècle a été enregistrée. À Porto, plus de quatre pieds de neige ont recouvert les rues. Dans les Algarves, la mer a monté de manière exceptionnelle, submergeant les plaines jusqu'à six à sept pieds de hauteur. Cette montée des eaux a détruit de nombreuses maisons dans divers villages, notamment à Albufeira et Alvor, où les magasins de sel ont été ravagés. Les arbres le long de la côte ont été déracinés. La Tour de S. Laurent et la Forteresse de S. Julien ont subi des dommages significatifs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
922
p. 785-786
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Le 16. du mois on apprit à Londres par les [...]
Mots clefs :
Londres, Ambassadeur extraordinaire, Chambre des pairs, Chambre des communes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
E 16. du mois on apprit à Londres par les
Lettres de Winchester , que le Chevalier Ba
ronet Simon Clark et M. Robert Arnot , Lieutenant
d'Infanterie , y avoient été jugez et con→
damnez à mort pour vol de grand chemin.
On a appris depuis que le Grand- Scherif et le
Grand-Juré du Comté de Southampton , ont envoyé
une Adresse au Roi , pour le prier d'accor
der des Lettres de grace à ces deux Criminels
Gentilshommes de ce Comté. Le Roi a renvoyé
cette Adresse aux douze Grands-Juges pour examiner
cette affaire et lui en faire leur rapport , et
S. M. a accordé un répit sans terme limité.
Le Roi a accordé au Comte d'Essex , son Ambassadeur
Extraordinaire à la Cour du Roi de
Sardaigne , 1500. livres sterlins pour ses Equipages
, et 8. liv. sterl . par jour pour son entretien
ordinaire pendant le temps de son Ambassade.
Le premier Avril , un Courrier de Vienne ar
riva à Londres avec la copie d'un Traité conclu
entre l'Empereur et S. M. Brit.
La Chambre des Pairs , ayant fait deux
Fectures du Bil passé dans la Chambre des Communes
,pour exclure de cette Chambre les Membres
qui jouissent des Pensions du Roi , ou qui
786 MERCURE DE FRANCE
ont des Charges à la Cour , il y eut des contesta
tions qui durerent jusqu'à huit heures du soir
et ce Bill fut rejetté à la pluralité de 36.voix contre
40. Le lendemain , 27.. Membres de cette
Chambre signerent la protestation qu'ils avoient
faite la veille contre cette résolution , et ils firent
enregistrer leur Protestation .
Quelques Membres de la Chambre des Communes
ayant proposé de dresser une Liste de ceux
qui jouissent des Pensions de la Cour directement
ou indirectement, ou qui ont des Charges auprès
du Roy , sous le nom de Titulaires supposez ,
cette proposition fut rejettée à la pluralité de 2 06.
voix contre 143 .
La même Chambre a passé un Bill par lequel
il est ordonné de faire dorénavant les Procedures
en Anglois dans tous les Tribunaux de ce
Royaume.
Le 13. de ce mois , le Prince de Galles , la
Princesse Royale et la Princesse Caroline , allerent
au Théatre de Drury- Lane , voir la Tragedie
intitulée > Tout pour l'Amour , ou le Monde
bien perdu.
Le 31. du mois dernier , le feu prit dans la petite
Ville d'Enniscorthy , du Comté de Wexford,
et en moins de trois heures , il y eut 42. Maisons
de Manufacturiers qui ne purent rien sauver
de leurs Effets.
* Le Roi Guillaume I. Duc de Normandie ,
après avoir conquis l'Angleterre , introduisit
plusieurs Loix de Normandie , ordonnant qu'elles
seroient écrites en Langue Françoise, et que
les Causes seroient plaidées aussi en François,
et que les matieres importantes qui demandoient
quelque formalité , seroeint aussi expediées en
François. La plupart des termes de Pratique sont
encore aujourd'hui en Latin ou en François .
E 16. du mois on apprit à Londres par les
Lettres de Winchester , que le Chevalier Ba
ronet Simon Clark et M. Robert Arnot , Lieutenant
d'Infanterie , y avoient été jugez et con→
damnez à mort pour vol de grand chemin.
On a appris depuis que le Grand- Scherif et le
Grand-Juré du Comté de Southampton , ont envoyé
une Adresse au Roi , pour le prier d'accor
der des Lettres de grace à ces deux Criminels
Gentilshommes de ce Comté. Le Roi a renvoyé
cette Adresse aux douze Grands-Juges pour examiner
cette affaire et lui en faire leur rapport , et
S. M. a accordé un répit sans terme limité.
Le Roi a accordé au Comte d'Essex , son Ambassadeur
Extraordinaire à la Cour du Roi de
Sardaigne , 1500. livres sterlins pour ses Equipages
, et 8. liv. sterl . par jour pour son entretien
ordinaire pendant le temps de son Ambassade.
Le premier Avril , un Courrier de Vienne ar
riva à Londres avec la copie d'un Traité conclu
entre l'Empereur et S. M. Brit.
La Chambre des Pairs , ayant fait deux
Fectures du Bil passé dans la Chambre des Communes
,pour exclure de cette Chambre les Membres
qui jouissent des Pensions du Roi , ou qui
786 MERCURE DE FRANCE
ont des Charges à la Cour , il y eut des contesta
tions qui durerent jusqu'à huit heures du soir
et ce Bill fut rejetté à la pluralité de 36.voix contre
40. Le lendemain , 27.. Membres de cette
Chambre signerent la protestation qu'ils avoient
faite la veille contre cette résolution , et ils firent
enregistrer leur Protestation .
Quelques Membres de la Chambre des Communes
ayant proposé de dresser une Liste de ceux
qui jouissent des Pensions de la Cour directement
ou indirectement, ou qui ont des Charges auprès
du Roy , sous le nom de Titulaires supposez ,
cette proposition fut rejettée à la pluralité de 2 06.
voix contre 143 .
La même Chambre a passé un Bill par lequel
il est ordonné de faire dorénavant les Procedures
en Anglois dans tous les Tribunaux de ce
Royaume.
Le 13. de ce mois , le Prince de Galles , la
Princesse Royale et la Princesse Caroline , allerent
au Théatre de Drury- Lane , voir la Tragedie
intitulée > Tout pour l'Amour , ou le Monde
bien perdu.
Le 31. du mois dernier , le feu prit dans la petite
Ville d'Enniscorthy , du Comté de Wexford,
et en moins de trois heures , il y eut 42. Maisons
de Manufacturiers qui ne purent rien sauver
de leurs Effets.
* Le Roi Guillaume I. Duc de Normandie ,
après avoir conquis l'Angleterre , introduisit
plusieurs Loix de Normandie , ordonnant qu'elles
seroient écrites en Langue Françoise, et que
les Causes seroient plaidées aussi en François,
et que les matieres importantes qui demandoient
quelque formalité , seroeint aussi expediées en
François. La plupart des termes de Pratique sont
encore aujourd'hui en Latin ou en François .
Fermer
Résumé : GRANDE BRETAGNE.
En Grande-Bretagne, Simon Clark et Robert Arnot ont été condamnés à mort pour vol de grand chemin. Leur demande de grâce a été renvoyée aux Grands-Juges pour examen, et un répit sans terme limité leur a été accordé. Le roi a également alloué des fonds au comte d'Essex, ambassadeur en Sardaigne. Un traité entre l'empereur et le roi de Grande-Bretagne a été signé. À la Chambre des Pairs, une proposition visant à exclure les membres jouissant de pensions royales a été rejetée, et 27 membres ont protesté. À la Chambre des Communes, une proposition similaire a été rejetée, et un bill ordonnant l'usage de l'anglais dans les tribunaux a été adopté. Le prince de Galles et les princesses ont assisté à une pièce de théâtre. Un incendie a détruit 42 maisons à Enniscorthy. Guillaume I a introduit des lois normandes en langue française après la conquête de l'Angleterre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
923
p. 787-790
ADDITION.
Début :
On apprend de Moscou, que le 15. Mars, les Ambassadeurs [...]
Mots clefs :
Empereur de la Chine, Tsarine, Roi de France, Roi de Perse, Cadix, Indes occidentales, Cardinal, Naples, Noblesse, Tremblements de terre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ADDITION.
ADAVRIL.
1731. 787
ADDITION.
ON apprend de Moscou , que le rs. Mars , les
Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine eu→
rent leur Audiance de congé de laCzarine, qui leur
fait préparer des présens magnifiques ; le bruit
court qu'ils ont signé unTraite de Commerce qui
sera très-ayantageux aux deux Nations.
De Coppenhague , que le 2. Avril , le Marquis
de Plelo , Ambassadeur du Roi de France , eut
une Audience particuliere du Roi , dans laquelle
il lui donna part que pour l'avantage du Coinmerce
des deux Nations , S. M. T. Ch. avoit déchargé
de tous les droits d'Entrée dans les Ports
lés Bâtimens Danois ou Norwegiens qui y apporteroient
dorénavant des Bois propres à construire
des Vaisseaux .
De Constantinople , que le Grand-Seigneur
continuoit de faire punir les Auteurs de la derniere
Rebellion ; que le Capitan - Pacha devoit
partir dans peu avec huit Sultanes et quatre au¬´¸
tres Bâtimens , pour aller recueillir les Tributs
de la Morée et des Isles de l'Archipel , et que le
Gr. Vizir s'étoit plaint au Ministre de la Czarine
de ce que des Officiers Moscovites avoient pris
de l'emploi dans les Troupes du Roi de Perse ,
malgré les conventions faites il y a quelques an
nées entre le G. S. déposé et le feu Czar Pierre I.
De Cadix , qu'à la fin de ce mois , on y délivrera
les effets de la Flotille, et que le Roi ayant été
obligé de se servir d'une partie de l'argent , S. M.
remboursera les interessez sur le produit du retour
88 MERCURE DE FRANCÉ
tour des Gallions qui sont actuellement aux Indes
Occidentales , avec l'interêt à six pour cent.
De Rome que l'accommodement des differents
du S. Siege avec le Roi de Portugal , est prêt d'ê
tre conclu ; que M. Bichi , cy devant Noncé à
Lisbonne , qui doit être arrivé à Sienne , y restera
jusqu'à-ce que cet accommodement soit signé ,
et qu'ensuite il ira à Rome pour y recevoir le
Chapeau de Cardinal.
La nuit du 31. du mois dernier , au premier
de ce nois , le Cardinal Coscia sortit de Rome
incognito , avec une suite de quatre personnes , et
il prit la route de Naples Le neveu de M. Firrao
le rencontra le lendemain , traversant la Ville de
Terracine , et on a sçû depuis qu'il étoit allé à
Naples sous le nom de l'Abbé Cibo . Depuis sa
fuite , l'Evêque de Targa , son frere , a eu ordre
de se rendre au Convent de S. Praxede , qu'on
lui a donné pour prison.
Le 24. M. Fioreli alla par ordre de la Congré
gation de Non Nullis au Palais du Cardinal Cos
cia , faire une sommation pour l'obliger à se représenter
dans un terme limité.
Le Cardinal Banchieri , Secretaire d'Etat , a
dépêché un Courrier à M. Guillelmi , qui étoit
parti pour Turin , avec deffense d'entrer dans les
Etats du Roi de Sardaigne , parce qu'on a
craint qu'il n'y fût pas bien reçû , et que son caractere
n'y fût pas respecté.
De Naples , que la derniere secousse de Tremblement
de Terre de la nuit du 16. au 17. du
mois dernier , avoit causé tant d'effroi , qu'une
grande partie des Habitans de cette Ville alla le
Lendemain coucher à la campagne. La Noblesse
envoya le même jour ses plus précieux Meubles
et
AVRIL. 1731. 789
et ses Carosses sur l'Esplanade du Château neuf,
et sur celle de la Porte du S. Esprit pour les mettre
en sureté ; cependant il n'y eut point de
Tremblement de Terre le 18. le 19. ni le 20.
mais le 21. vers les 9. heures du matin , on en
ressentit une legere secousse qui ne caușa aucup
dommage.
Le même jour on reçut avis que le 20. au matin
les deux tiers de la Ville de Foggia avoient été
renversez par le même Tremblement qui s'est fait
sentir avec violence dans les autres Villes de la
Pouille , dans la terre de Labour, dans la Basilicate
et dans une partie de la Calabre citerieure. Le
Viceroi a écrit aux Présidens ou Intendans des
Provinces voisines de la Poüille, d'envoyer des secours
aux Habitans qui se sont sauvez de Foggia,
où ily a eu plus de 2000. personnes d'écrasées , de
ly
faire enlever les décombres et de faire conserver
les Effets des Particuliers qu'on retrouvera en
fouillant.
une
La nuit du 22. au 23. on ressentit encore
legere secousse de Tremblement de terre , de même
que les deux nuits du 28. et du 29. de sorte
que l'on est à Naples dans de continuelles alfarmes.
D'autres Lettres de Naples portent que les
Tremblemens de terre devenoient très frequens
dans la plupart des Provinces du Royaume ; que
les Villes de Lucera , de Troje et d'Aquila étoient
presque renversées ; qu'il y avoit des maladies
Epidemiques qui faisoient périr beaucoup de monde
à la Cainpagne , et que les Troupes de l'Empereur
commençoient d'en être attaquées.
De Genes , que Mrs Jean- Baptiste Grimaldi et
Charles de Fornari , sont partis pour l'Isle de
Corse avec des pleins pouvoirs de la République
ct
790 MERCURE DE FRANCE
et les instructions necessaires pour terminer l'affaire
de la révolte des Habitans de cette Isle qu
paroissent disposez à quitter les armes,
De Bruxelles , que l'Archiduchesse Gouvernante
, ayant eû avis que le Duc de Lorraine de
voit venir passer quelques jours avec le Prince
Charles son frere , pour se rendre ensuite en
Hollande , et à ce qu'on croit , en Angleterre ,
cette Princesse a donné ses ordres pour lui faire
meubler un Hôtel. Ce Prince gardera l'incognito
sous le nom de Comte de Blamont,
1731. 787
ADDITION.
ON apprend de Moscou , que le rs. Mars , les
Ambassadeurs de l'Empereur de la Chine eu→
rent leur Audiance de congé de laCzarine, qui leur
fait préparer des présens magnifiques ; le bruit
court qu'ils ont signé unTraite de Commerce qui
sera très-ayantageux aux deux Nations.
De Coppenhague , que le 2. Avril , le Marquis
de Plelo , Ambassadeur du Roi de France , eut
une Audience particuliere du Roi , dans laquelle
il lui donna part que pour l'avantage du Coinmerce
des deux Nations , S. M. T. Ch. avoit déchargé
de tous les droits d'Entrée dans les Ports
lés Bâtimens Danois ou Norwegiens qui y apporteroient
dorénavant des Bois propres à construire
des Vaisseaux .
De Constantinople , que le Grand-Seigneur
continuoit de faire punir les Auteurs de la derniere
Rebellion ; que le Capitan - Pacha devoit
partir dans peu avec huit Sultanes et quatre au¬´¸
tres Bâtimens , pour aller recueillir les Tributs
de la Morée et des Isles de l'Archipel , et que le
Gr. Vizir s'étoit plaint au Ministre de la Czarine
de ce que des Officiers Moscovites avoient pris
de l'emploi dans les Troupes du Roi de Perse ,
malgré les conventions faites il y a quelques an
nées entre le G. S. déposé et le feu Czar Pierre I.
De Cadix , qu'à la fin de ce mois , on y délivrera
les effets de la Flotille, et que le Roi ayant été
obligé de se servir d'une partie de l'argent , S. M.
remboursera les interessez sur le produit du retour
88 MERCURE DE FRANCÉ
tour des Gallions qui sont actuellement aux Indes
Occidentales , avec l'interêt à six pour cent.
De Rome que l'accommodement des differents
du S. Siege avec le Roi de Portugal , est prêt d'ê
tre conclu ; que M. Bichi , cy devant Noncé à
Lisbonne , qui doit être arrivé à Sienne , y restera
jusqu'à-ce que cet accommodement soit signé ,
et qu'ensuite il ira à Rome pour y recevoir le
Chapeau de Cardinal.
La nuit du 31. du mois dernier , au premier
de ce nois , le Cardinal Coscia sortit de Rome
incognito , avec une suite de quatre personnes , et
il prit la route de Naples Le neveu de M. Firrao
le rencontra le lendemain , traversant la Ville de
Terracine , et on a sçû depuis qu'il étoit allé à
Naples sous le nom de l'Abbé Cibo . Depuis sa
fuite , l'Evêque de Targa , son frere , a eu ordre
de se rendre au Convent de S. Praxede , qu'on
lui a donné pour prison.
Le 24. M. Fioreli alla par ordre de la Congré
gation de Non Nullis au Palais du Cardinal Cos
cia , faire une sommation pour l'obliger à se représenter
dans un terme limité.
Le Cardinal Banchieri , Secretaire d'Etat , a
dépêché un Courrier à M. Guillelmi , qui étoit
parti pour Turin , avec deffense d'entrer dans les
Etats du Roi de Sardaigne , parce qu'on a
craint qu'il n'y fût pas bien reçû , et que son caractere
n'y fût pas respecté.
De Naples , que la derniere secousse de Tremblement
de Terre de la nuit du 16. au 17. du
mois dernier , avoit causé tant d'effroi , qu'une
grande partie des Habitans de cette Ville alla le
Lendemain coucher à la campagne. La Noblesse
envoya le même jour ses plus précieux Meubles
et
AVRIL. 1731. 789
et ses Carosses sur l'Esplanade du Château neuf,
et sur celle de la Porte du S. Esprit pour les mettre
en sureté ; cependant il n'y eut point de
Tremblement de Terre le 18. le 19. ni le 20.
mais le 21. vers les 9. heures du matin , on en
ressentit une legere secousse qui ne caușa aucup
dommage.
Le même jour on reçut avis que le 20. au matin
les deux tiers de la Ville de Foggia avoient été
renversez par le même Tremblement qui s'est fait
sentir avec violence dans les autres Villes de la
Pouille , dans la terre de Labour, dans la Basilicate
et dans une partie de la Calabre citerieure. Le
Viceroi a écrit aux Présidens ou Intendans des
Provinces voisines de la Poüille, d'envoyer des secours
aux Habitans qui se sont sauvez de Foggia,
où ily a eu plus de 2000. personnes d'écrasées , de
ly
faire enlever les décombres et de faire conserver
les Effets des Particuliers qu'on retrouvera en
fouillant.
une
La nuit du 22. au 23. on ressentit encore
legere secousse de Tremblement de terre , de même
que les deux nuits du 28. et du 29. de sorte
que l'on est à Naples dans de continuelles alfarmes.
D'autres Lettres de Naples portent que les
Tremblemens de terre devenoient très frequens
dans la plupart des Provinces du Royaume ; que
les Villes de Lucera , de Troje et d'Aquila étoient
presque renversées ; qu'il y avoit des maladies
Epidemiques qui faisoient périr beaucoup de monde
à la Cainpagne , et que les Troupes de l'Empereur
commençoient d'en être attaquées.
De Genes , que Mrs Jean- Baptiste Grimaldi et
Charles de Fornari , sont partis pour l'Isle de
Corse avec des pleins pouvoirs de la République
ct
790 MERCURE DE FRANCE
et les instructions necessaires pour terminer l'affaire
de la révolte des Habitans de cette Isle qu
paroissent disposez à quitter les armes,
De Bruxelles , que l'Archiduchesse Gouvernante
, ayant eû avis que le Duc de Lorraine de
voit venir passer quelques jours avec le Prince
Charles son frere , pour se rendre ensuite en
Hollande , et à ce qu'on croit , en Angleterre ,
cette Princesse a donné ses ordres pour lui faire
meubler un Hôtel. Ce Prince gardera l'incognito
sous le nom de Comte de Blamont,
Fermer
Résumé : ADDITION.
En avril 1731, plusieurs événements diplomatiques et naturels significatifs ont été rapportés. À Moscou, les ambassadeurs de l'Empereur de Chine ont été reçus en audience de congé par la czarine, qui leur a offert des présents somptueux. Un traité de commerce bénéfique pour les deux nations a été signé. À Copenhague, le Marquis de Plelo, ambassadeur du Roi de France, a informé le Roi du Danemark que les navires danois ou norvégiens transportant du bois pour la construction navale seraient exemptés des droits d'entrée. À Constantinople, le Grand-Seigneur continuait de réprimer les auteurs de la dernière rébellion. Le Capitan-Pacha devait partir avec plusieurs bâtiments pour collecter les tributs de la Morée et des îles de l'Archipel. Le Grand Vizir a exprimé sa préoccupation au ministre de la czarine concernant la présence d'officiers moscovites dans les troupes du Roi de Perse, en violation des conventions antérieures. À Cadix, les effets de la flotille devaient être délivrés à la fin du mois, et le Roi rembourserait les intérêts sur le produit du retour des galions des Indes Occidentales. À Rome, un accord entre le Saint-Siège et le Roi de Portugal était imminent. Le Cardinal Coscia a fui Rome incognito pour Naples, et son frère a été emprisonné. Des tremblements de terre ont causé des dégâts et de l'effroi à Naples et dans d'autres villes italiennes, entraînant des mesures de secours. À Gênes, des émissaires ont été envoyés en Corse pour négocier la fin de la révolte. À Bruxelles, l'Archiduchesse Gouvernante a préparé un hôtel pour le Duc de Lorraine, qui devait passer quelques jours incognito.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
924
p. 794-795
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
Le lundi 26. Mars, les députez des Etats de la [...]
Mots clefs :
Députés, Cérémonies, Députation, Intendant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour, de Paris , & c.
LE
E lundi 26.Mars , les députez des Etats
de la Province d'Artois , eurent leur
audience du Roi. Ils furent présentez à
S.M. par le Duc d'Elbeuf,Gouverneur de
la Province , précedez par le Marquis de
Dreux , Grand Maître des Cérémonies ,
et par M. Desgranges , Maître des Cérémonies.
La députation étoit composée
de l'Evêque d'Arras pour le Clergé de
part de la Noblesse , du Marquis dė
Wignacourt ,
la
>
AVRIL.
795
1731.
Wignacourt , et de M. Garson de Que-
Vaussart , Avocat , Echevin d'Aire pour
le tiers Etat.
M. Daube , Intendant de Soissons
ayant demandé son rappel , sa place a été
donnée à M. de
Lesseville ,
Intendant de
Pau , lequel est remplacé par M. de Pommereu
, Intendant à Tours ; et le Roi a
nommé à cette derniere
Intendance , M.
de la Galisiere , beaufrere de M. Orri
Controlleur General.
Le premier de ce mois , Dimanche de
Quasimodo ,
l'Archiconfrerie de Jerusalem
, établie chez les Grands Cordeliers .
fit sa
Procession annuelle , et délivra , en
passant devant les Prisons du Châtelet ,
et autres , 54. Prisonniers pour dettes ,
lesquels furent conduits à la suite de la
Procession jusqu'aux Cordeliers : Après
la Messe , on les fit dîner , et on les ren-.
voya avec une piéce d'argent .
LE
E lundi 26.Mars , les députez des Etats
de la Province d'Artois , eurent leur
audience du Roi. Ils furent présentez à
S.M. par le Duc d'Elbeuf,Gouverneur de
la Province , précedez par le Marquis de
Dreux , Grand Maître des Cérémonies ,
et par M. Desgranges , Maître des Cérémonies.
La députation étoit composée
de l'Evêque d'Arras pour le Clergé de
part de la Noblesse , du Marquis dė
Wignacourt ,
la
>
AVRIL.
795
1731.
Wignacourt , et de M. Garson de Que-
Vaussart , Avocat , Echevin d'Aire pour
le tiers Etat.
M. Daube , Intendant de Soissons
ayant demandé son rappel , sa place a été
donnée à M. de
Lesseville ,
Intendant de
Pau , lequel est remplacé par M. de Pommereu
, Intendant à Tours ; et le Roi a
nommé à cette derniere
Intendance , M.
de la Galisiere , beaufrere de M. Orri
Controlleur General.
Le premier de ce mois , Dimanche de
Quasimodo ,
l'Archiconfrerie de Jerusalem
, établie chez les Grands Cordeliers .
fit sa
Procession annuelle , et délivra , en
passant devant les Prisons du Châtelet ,
et autres , 54. Prisonniers pour dettes ,
lesquels furent conduits à la suite de la
Procession jusqu'aux Cordeliers : Après
la Messe , on les fit dîner , et on les ren-.
voya avec une piéce d'argent .
Fermer
Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Le 26 mars 1731, les députés des États de la Province d'Artois furent reçus par le Roi. Ils étaient introduits par le Duc d'Elbeuf, Gouverneur de la Province, accompagné du Marquis de Dreux et de M. Desgranges. La délégation comprenait l'Évêque d'Arras pour le Clergé, le Marquis de Wignacourt pour la Noblesse, et M. Garson de Que-Vaussart pour le tiers État. Par ailleurs, M. Daube, Intendant de Soissons, demanda son rappel, et sa place fut attribuée à M. de Lesseville, Intendant de Pau. M. de Pommereu succéda à M. de Lesseville à l'Intendance de Tours, tandis que M. de la Galisiere fut nommé à l'Intendance de Tours. Le 1er avril, l'Archiconfrérie de Jérusalem libéra 54 prisonniers pour dettes lors de sa procession annuelle, les nourrit et leur donna une pièce d'argent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
925
p. 798-803
Entré du Nonce, son Audience, et description des Langes, [titre d'après la table]
Début :
Le 8 Avril, l'Abbé Lanti, Nonce Extraordinaire du Pape [...]
Mots clefs :
Abbé, Officiers, Nonce, Duc, Duchesse, Audience, Langes bénits, Damas bleu, Syndics, Loterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Entré du Nonce, son Audience, et description des Langes, [titre d'après la table]
Le 8 Avril , l'Abbé Lanti , Nonce Extraordinaire
du Pape , fit son Entrée publique
à Paris. Le Prince de Guise , et
M. Hebert , Introducteur des Ambassa→
deurs , allerent le prendre dans les Carosses
du Roi et de la Reine , au Convent de
Picpus , d'où la marche se fit en cet ordre :
Le Caroffe de l'Introducteur , ceux du
Prince de Guise , précedez de son Ecuyer
et de ses Pages à cheval ; un Suiffe du Nonce
à cheval ; les Estafiers du Nonce à
pied quatre Officiers , l'Ecuyer et quatre
Pages à cheval ; le Carosse du Roi , à
côté duquel marchoient la Livrée du Prince
, et celle de M. Hebert ; le Caroffe de
la Reine et celui de Madame la Duchessed'Orleans
, Douairiere , ceux du Duc
d'Orleans , de la Duchesse de Bourbon
Douairiere , du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty, premiere Doüairiere , de la Princesse
de Conty , seconde Doüairiere , de
la Princesse de Conty , troisiéme Douairierc
>
9.
AVRIL 1731 799
riere , du Prince de Conty , du Duc et de
la Duchesse du Maine , du Prince de Dombes
, du Comte d'Eu , du Comte et de
la Comtesse de Toulouse et celui de
M. Chauvelin , Garde des Sceaux ; Ministre
et Secretaire d'Etat , ayant le département
des Affaires Etrangeres : et à une
distance de 30 à 40 pas , les quatre Caros-
.ses du Nonce.
Après qu'il fut arrivé à son Hôtel , il
fut complimenté de la part du Roy par le
Duc de Tresmes , Premier Gentilhomme
de la Chambre ; de la de la Reine ,
part
par le Marquis de Villacerf , son premier
Maître d'Hôtel , et de la part de Madame
la Duchesse d'Orleans le Marquis
de Crevecoeur , son premier Ecuyer.
2
, par
Le 10 , le Prince de Guise et M. Hebert ,
allerent prendre le Nonce Extraordinaire
du Pape en son Hôtel , et le conduisirent
dans les Carosses du Roi et de la Reine à
Versailles où il eut sa premiere Audience
publique du Roi. Il trouva à son
passage , dans l'avant- cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoises et
Suisses , en haye et sous les armes , les
Tambours appellant , et dans la Cour , les
Gardes de la Porte et ceux de la Prévôté
aussi en haye et sous les armes , à leurs
postes ordinaires. Il fut reçû au bas de l'escalier
par le Grand- Maître et le Maître
Hii des
800 MERCURE DE FRANCE
des Cérémonies ; les cent Suisses étant sur
l'escalier en habit de cérémonie , la Hallebarde
à la main , et à la porte et en dedans
de la Salle des Gardes , par le Duc
de Bethune , Capitaine des Gardes du
Corps , qui étoient en haye et sous les
armes.
Après l'Audience , le Roi passa dans
son Cabinet , où il fut suivi par le Nonce,
et S. M. vit les langes benits par le Pape ,
pour Monseigneur le Dauphin , qui sont
très- riches , et dont l'ouvrage est d'une
grande beauté. Ces Langes consistent en
trois langes , dont deux sont de drap écarlate
, brodez d'or en plein des deux côtez
, avec des fleurs de Lys , des Couronnes
et des Dauphins ; le troisième est de
Moire bleue et argent , brodé d'or , et
doublé de drap d'or : la bande est de même
étoffe , et brodée d'or avec des perles :
Les Chemises , Mouchoirs , &c. sont par
douzaines , et garnis des plus belles dantelles
d'Angleterre et de Malines , avec
une grande Couverture de Moire bleu et
argent , brodée d'or , avec des Trophées
et Attributs de l'Eglise : la Couverture
pour mettre sur le Berceau est de pareille
étoffe ; et brodée de même , ainsi que deux
grands oreillers de satin bleu brodé , dont
les glands sont d'or trait : la Corbeille dans
laquelle étoit le linge , est faite en forme
de
·
AVRIL. 1731. 801 ·
de Châsse , doublée de Damas bleu , brodé
d'or , et le tout enfermé dans deux
grands coffres de velours cramoisi , brodé
à galons d'or , dont les pieds , les ances et
les fermetures sont d'argent massif.
Le Nonce fut conduit à l'Audience de
la Reine , avec les mêmes cérémonies.
S. M. s'étant rendue chez Monseigneur
le Dauphin , le Nonce y alla , et dans
Audience qu'il eut de Monseigneur le
Dauphin , il lui présenta de la
part da
Pape , les Langes bénits par S. S. Après
avoir été traité par les Officiers du Roi ,
il fut reconduit à son Hôtel par M. Hebert
, dans les Carosses de L. M. avec les
cérémonies accoûtumées.
Le 20. les Députez des Etats de Bourgogne
eurent Audience du Roi , étant conduits
en la maniere accoûtumée par le
Marquis de Dreux , Grand-Maître des
Cérémonies , et par M. Desgranges , Maî
tre des Cérémonies. Ils furent présentez
à S. M. par le Duc de Bourbon ; Gouverneur
de la Province , et par le Comte de
Florentin , Secretaire d'Etat. La Députation
étoit composée de l'Abbé Moreau.
Doyen du Chapitre de l'Eglise Cathedrale
d'Auxerre pour le Clergé , qui porta
la
parole ; du Comte de Guitaud pour la
Noblesse et de M. Barrault , Maire de
Hy la
802 MERCURE DE FRANCE.
rs.
la Ville d'Autun , pour le Tiers Etat ; de
M. de Blancey , Secretaire de M. de Montigny
, Trésorier , et de M Ribou et Baron
, Syndics des Provinces de Bresse et
de Pugey. Ils furent conduits ensuite à
l'Audience de la Reine , et à celle de Monseigneur
le Dauphin , de Monseigneur le
Duc d'Anjou , et de Mesdames de France.
>
Le 25. la Loterie de la Compagnie des
Indes , pour le remboursement des Actions
, fut tirée en la maniere accoûtumée
, à l'Hôtel de la Compagnie . La Liste
des Numero gagnans des Actions et dixiémes
d'Actions qui doivent être remboursées
, a été rendue publique , faisant
en tout le nombre de 294 Actions ..
,
La Loterie établie par Arrêt du Conseil
du 29 Août dernier , pour le remboursement
des dettes de la Province de Languedoc
, fut tirée à Nismes dans la Grande
Salle des Etats , en présence des Commissaires
de S. M. et de l'Assemblée desdits
Etats les 9. 11 et 13 Janvier dernier..
Les arrérages ont été payez pour les trois.
premiers mois de cette année , avec le
remboursement des Capitaux à Bureau
ouvert , à Paris , à Toulouse , et à Monpellier.
On a imprimé ici la Liste des remboursemens
qui ont été faits par le Tré-
"
sorier
AVRIL. 1731. 803
sorier des Etats de ladite Province , suivant
les Numero gagnans de la Loterie.
Il paroît par cette Liste que la totalité
des Billets qui ont été tirez dans les trois
Séances est de 814. pour le remboursement
de 800932 livres 12 sols , huit deniers
, sur laquelle somme il a été retenu
12 pour cent , conformément à l'Arrêt
du 29 Août 1730.
M. Jeard , Premier Secretaire du Marquis
de Villeneuve , Ambassadeur de
France à Constantinople , après avoir
abordé à Toulon , et y avoir fait quarantaine
, arriva à Versailles au commencement
de ce mois , chargé d'une Lettre
du Grand Seigneur , dans laquelle Sa
Hautesse donne part au Roi de son Avenement
au Trône de ses Ancêtres , et d'une
Lettre du Grand Visir pour S. M. Il
fut présenté au Roi par le Cardinal de
Fleury , et il en fut reçû avec beaucoup
de bonté , après avoir rendu à Son Eminence
, une Lettre du Grand Visir.
du Pape , fit son Entrée publique
à Paris. Le Prince de Guise , et
M. Hebert , Introducteur des Ambassa→
deurs , allerent le prendre dans les Carosses
du Roi et de la Reine , au Convent de
Picpus , d'où la marche se fit en cet ordre :
Le Caroffe de l'Introducteur , ceux du
Prince de Guise , précedez de son Ecuyer
et de ses Pages à cheval ; un Suiffe du Nonce
à cheval ; les Estafiers du Nonce à
pied quatre Officiers , l'Ecuyer et quatre
Pages à cheval ; le Carosse du Roi , à
côté duquel marchoient la Livrée du Prince
, et celle de M. Hebert ; le Caroffe de
la Reine et celui de Madame la Duchessed'Orleans
, Douairiere , ceux du Duc
d'Orleans , de la Duchesse de Bourbon
Douairiere , du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty, premiere Doüairiere , de la Princesse
de Conty , seconde Doüairiere , de
la Princesse de Conty , troisiéme Douairierc
>
9.
AVRIL 1731 799
riere , du Prince de Conty , du Duc et de
la Duchesse du Maine , du Prince de Dombes
, du Comte d'Eu , du Comte et de
la Comtesse de Toulouse et celui de
M. Chauvelin , Garde des Sceaux ; Ministre
et Secretaire d'Etat , ayant le département
des Affaires Etrangeres : et à une
distance de 30 à 40 pas , les quatre Caros-
.ses du Nonce.
Après qu'il fut arrivé à son Hôtel , il
fut complimenté de la part du Roy par le
Duc de Tresmes , Premier Gentilhomme
de la Chambre ; de la de la Reine ,
part
par le Marquis de Villacerf , son premier
Maître d'Hôtel , et de la part de Madame
la Duchesse d'Orleans le Marquis
de Crevecoeur , son premier Ecuyer.
2
, par
Le 10 , le Prince de Guise et M. Hebert ,
allerent prendre le Nonce Extraordinaire
du Pape en son Hôtel , et le conduisirent
dans les Carosses du Roi et de la Reine à
Versailles où il eut sa premiere Audience
publique du Roi. Il trouva à son
passage , dans l'avant- cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoises et
Suisses , en haye et sous les armes , les
Tambours appellant , et dans la Cour , les
Gardes de la Porte et ceux de la Prévôté
aussi en haye et sous les armes , à leurs
postes ordinaires. Il fut reçû au bas de l'escalier
par le Grand- Maître et le Maître
Hii des
800 MERCURE DE FRANCE
des Cérémonies ; les cent Suisses étant sur
l'escalier en habit de cérémonie , la Hallebarde
à la main , et à la porte et en dedans
de la Salle des Gardes , par le Duc
de Bethune , Capitaine des Gardes du
Corps , qui étoient en haye et sous les
armes.
Après l'Audience , le Roi passa dans
son Cabinet , où il fut suivi par le Nonce,
et S. M. vit les langes benits par le Pape ,
pour Monseigneur le Dauphin , qui sont
très- riches , et dont l'ouvrage est d'une
grande beauté. Ces Langes consistent en
trois langes , dont deux sont de drap écarlate
, brodez d'or en plein des deux côtez
, avec des fleurs de Lys , des Couronnes
et des Dauphins ; le troisième est de
Moire bleue et argent , brodé d'or , et
doublé de drap d'or : la bande est de même
étoffe , et brodée d'or avec des perles :
Les Chemises , Mouchoirs , &c. sont par
douzaines , et garnis des plus belles dantelles
d'Angleterre et de Malines , avec
une grande Couverture de Moire bleu et
argent , brodée d'or , avec des Trophées
et Attributs de l'Eglise : la Couverture
pour mettre sur le Berceau est de pareille
étoffe ; et brodée de même , ainsi que deux
grands oreillers de satin bleu brodé , dont
les glands sont d'or trait : la Corbeille dans
laquelle étoit le linge , est faite en forme
de
·
AVRIL. 1731. 801 ·
de Châsse , doublée de Damas bleu , brodé
d'or , et le tout enfermé dans deux
grands coffres de velours cramoisi , brodé
à galons d'or , dont les pieds , les ances et
les fermetures sont d'argent massif.
Le Nonce fut conduit à l'Audience de
la Reine , avec les mêmes cérémonies.
S. M. s'étant rendue chez Monseigneur
le Dauphin , le Nonce y alla , et dans
Audience qu'il eut de Monseigneur le
Dauphin , il lui présenta de la
part da
Pape , les Langes bénits par S. S. Après
avoir été traité par les Officiers du Roi ,
il fut reconduit à son Hôtel par M. Hebert
, dans les Carosses de L. M. avec les
cérémonies accoûtumées.
Le 20. les Députez des Etats de Bourgogne
eurent Audience du Roi , étant conduits
en la maniere accoûtumée par le
Marquis de Dreux , Grand-Maître des
Cérémonies , et par M. Desgranges , Maî
tre des Cérémonies. Ils furent présentez
à S. M. par le Duc de Bourbon ; Gouverneur
de la Province , et par le Comte de
Florentin , Secretaire d'Etat. La Députation
étoit composée de l'Abbé Moreau.
Doyen du Chapitre de l'Eglise Cathedrale
d'Auxerre pour le Clergé , qui porta
la
parole ; du Comte de Guitaud pour la
Noblesse et de M. Barrault , Maire de
Hy la
802 MERCURE DE FRANCE.
rs.
la Ville d'Autun , pour le Tiers Etat ; de
M. de Blancey , Secretaire de M. de Montigny
, Trésorier , et de M Ribou et Baron
, Syndics des Provinces de Bresse et
de Pugey. Ils furent conduits ensuite à
l'Audience de la Reine , et à celle de Monseigneur
le Dauphin , de Monseigneur le
Duc d'Anjou , et de Mesdames de France.
>
Le 25. la Loterie de la Compagnie des
Indes , pour le remboursement des Actions
, fut tirée en la maniere accoûtumée
, à l'Hôtel de la Compagnie . La Liste
des Numero gagnans des Actions et dixiémes
d'Actions qui doivent être remboursées
, a été rendue publique , faisant
en tout le nombre de 294 Actions ..
,
La Loterie établie par Arrêt du Conseil
du 29 Août dernier , pour le remboursement
des dettes de la Province de Languedoc
, fut tirée à Nismes dans la Grande
Salle des Etats , en présence des Commissaires
de S. M. et de l'Assemblée desdits
Etats les 9. 11 et 13 Janvier dernier..
Les arrérages ont été payez pour les trois.
premiers mois de cette année , avec le
remboursement des Capitaux à Bureau
ouvert , à Paris , à Toulouse , et à Monpellier.
On a imprimé ici la Liste des remboursemens
qui ont été faits par le Tré-
"
sorier
AVRIL. 1731. 803
sorier des Etats de ladite Province , suivant
les Numero gagnans de la Loterie.
Il paroît par cette Liste que la totalité
des Billets qui ont été tirez dans les trois
Séances est de 814. pour le remboursement
de 800932 livres 12 sols , huit deniers
, sur laquelle somme il a été retenu
12 pour cent , conformément à l'Arrêt
du 29 Août 1730.
M. Jeard , Premier Secretaire du Marquis
de Villeneuve , Ambassadeur de
France à Constantinople , après avoir
abordé à Toulon , et y avoir fait quarantaine
, arriva à Versailles au commencement
de ce mois , chargé d'une Lettre
du Grand Seigneur , dans laquelle Sa
Hautesse donne part au Roi de son Avenement
au Trône de ses Ancêtres , et d'une
Lettre du Grand Visir pour S. M. Il
fut présenté au Roi par le Cardinal de
Fleury , et il en fut reçû avec beaucoup
de bonté , après avoir rendu à Son Eminence
, une Lettre du Grand Visir.
Fermer
Résumé : Entré du Nonce, son Audience, et description des Langes, [titre d'après la table]
Le 8 avril 1731, l'Abbé Lanti, Nonce Extraordinaire du Pape, fit son entrée publique à Paris. Il fut accueilli par le Prince de Guise et M. Hebert, Introducteur des Ambassadeurs, et transporté dans les carrosses du Roi et de la Reine depuis le couvent de Picpus. La procession comprenait divers carrosses de la famille royale, des nobles et du Nonce. À son arrivée à son hôtel, il fut complimenté par des représentants du Roi, de la Reine et de la Duchesse d'Orléans. Le 10 avril, le Prince de Guise et M. Hebert conduisirent le Nonce à Versailles pour sa première audience publique avec le Roi. À son passage dans l'avant-cour du château, il fut accueilli par les Compagnies des Gardes Françaises et Suisses en armes. Après l'audience, le Roi montra au Nonce les langes bénits par le Pape pour le Dauphin, richement ornés et brodés. Le Nonce fut ensuite conduit à l'audience de la Reine et du Dauphin, où il présenta les langes bénits. Le 20 avril, les députés des États de Bourgogne eurent audience du Roi, conduits par le Marquis de Dreux et M. Desgranges. Ils furent présentés par le Duc de Bourbon et le Comte de Florentin. La délégation comprenait des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers état. Ils furent ensuite conduits aux audiences de la Reine, du Dauphin, du Duc d'Anjou et de Mesdames de France. Le 25 avril, la loterie de la Compagnie des Indes pour le remboursement des actions fut tirée à l'Hôtel de la Compagnie. La liste des numéros gagnants fut rendue publique, totalisant 294 actions. La loterie pour le remboursement des dettes de la Province de Languedoc fut également tirée à Nîmes en janvier. Les arrérages pour les trois premiers mois de l'année furent payés, ainsi que le remboursement des capitaux à Paris, Toulouse et Montpellier. M. Jeard, Premier Secrétaire du Marquis de Villeneuve, Ambassadeur de France à Constantinople, arriva à Versailles au début du mois. Il apportait des lettres du Grand Seigneur et du Grand Visir, annonçant l'accession au trône du Grand Seigneur. Il fut présenté au Roi par le Cardinal de Fleury et reçut une lettre du Grand Visir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
926
s. p.
RELATION HISTORIQUE, exacte et détaillée de la derniere Révolution arrivée à Contantinople ; écrite d'abord en Turc par un Effendi, avec plusieurs circonstances de cet Evenement , tirées d'autres Memoires.
Début :
La décadence des affaires en Perse, faute par le Grand Vizir Ibrahim-Pacha [...]
Mots clefs :
Perse, Oppression, Turquie, Année de l'Hégire, Émir, Trône, Mahmout, Rebelles, Arménien, Arsenal de la Marine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RELATION HISTORIQUE, exacte et détaillée de la derniere Révolution arrivée à Contantinople ; écrite d'abord en Turc par un Effendi, avec plusieurs circonstances de cet Evenement , tirées d'autres Memoires.
RELATION
HISTORIQUE ;
exacte et détaillée de la derniere Révolution
arrivée à
Contantinople ; écrite d'abord
en Turc par un Effendi , avec plusieurs
circonstances de cet Evenement , tirées
d'autres Memoires.
L
A décadence des affaires enPerse ,
faute par le Grand Vizir Ibrahim-
Pacha , d'y avoir fait passer
des secours tels que les conjonctures le demandoient
, et l'oppression dans laquelle
le peuple gémissoit depuis long-temps par
les vexations des Ministres , ou de ceux
qui les exerçoient sous leur autorité et
par
l'établissement de plusieurs Impôts
jusqu'alors inconnus en Turquie , sont
A lcs
830 MERCURE DE FRANCE .
les deux causes principales de la Révotion
arrivée le 28. Septembre 1730.
Ce jour qui répond à l'année de l'Egire
1143. le 13. de la Lune de Rebiul Euvel,
un Jeudi à 9. heures du matin , Patrona-
Kalil, (a ) de Nation Albanoise, et quelques
autres gens sans aveu et de la lie du peuple
de Constantinople , comme Mouslouh
Emir- Ali , &c. produisirent ce grand
Evenement , qui par ses circonstances
mérite d'être transmis jusqu'aux siecles
les plus reculez ; il peut servir d'exemple
aux personnes revêtues d'éminens Emplois
, pour leur apprendre que quelques
élevez qu'ils soient , ils ne doivent jamais
perdre de vûë le vil état d'où on les a
tirez , (b) et que le dépôt du Gouvernement
de l'Empire leur étant confié , ils
doivent se comporter d'une maniere à s'attirer
l'approbation generale , comme s'ils
étoient toûjours environnez de vengeurs
de leur mauvaise administration , tels que
Patrona et ses Adhérans , qui tout inca-
(a) Il avoit été autrefois Leventy , c'est- à- dire
Soldat de Marine , et avoit servi sur le Vaisseau
la Patrone , d'où lui est venu le sobriquet de
Patrona. Depuis quelque temps il étoit Jannissaire
, ainsi que Mousloub et Emir- Ali.
(b) L'auteur fait cette refléxion , sur ce que n'y
ayant presque point de Noblesse en Turquie , ce
sont communément des gens de rien qui parvien
nent aux plus grands Emplois.
pables
AVRIL. 1731 . 831
pables qu'ils paroissoient d'une haute
entreprise , ont pourtant forcé le Sultan
Achmet III . d'abandonner le Trône de
ses Ancêtres.
Patrona-Kalil avoit merité plusieurs
fois la mort par ses actions de scelerat.
Il étoit âgé de 40. à 45. ans , de moyenne
taille , dégagée et bien prise , la mine
haute et fiere , portant moustache noire.
Mouslouh , et Emir- Ali , ne valoient pas
mieux que lui ; cependant ces hommes
si méprisables en apparence , tramant
depuis long-temps les moyens d'exciter
le peuple à la révolte , enfin parvinrent à
l'execution de leur dessein execrable . (a)
Voici comme ils s'y prirent.
Ils s'attrouperent d'abord en petit nombre
près d'une Fontaine dans la grande
Place qui est devant la Mosquée de Sultan
Bajazer ; là ils convinrent entr'eux de
se diviser en trois troupes , dont l'une iroit
au Bezestin , qu'elle traverseroit ; l'autre
sortiroit par la Porte de Bacché- Capi ; (b)
la troisiéme par la ruë de Divan Joleu, (c)
(a) Il paroît par cette expression et plusieurs
autres qu'on trouvera dans la suite , que l'Auteur
Turc n'approuve pas la Révolte , quelque bien
qu'elle ait apporté à l'Etat.
(b) Porte de Constantinople , appellée Porte
du Jardin .
(‹) C'est la grande ruë qui conduit au Serrail ,
A iij et
32 MERCURE DE FRANCE
et qu'ensuite elles se joindroient toutes
trois à la Place d'Etmeïdan. (a )
Cet arrangement pris , la Troupe de
Patrona - Kalil , partit la premiere ; ils
avoient un petit Drapeau déployé , le
Sabre à la main , et crioient par tout où ils
passoient , que les Marchands et Artisans
fermassent leurs Boutiques , et que tout
bon Musulman suivît leur Enseigne à
Etmeïdan , où l'on avoit à leur communiquer
de justes prétentions contre le Ministere
présent ; les deux autres Troupes
en ayant fait de- même dans la route qui
leur étoit prescrite , l'allarme se répandit
bien- tôt par tout Constantinople , les
Boutiques furent fermées , et la plus grande
partie des Turcs qui les occupoient
au lieu d'aller au rendez - vous , furent
se cacher dans leurs maisons , (b) ainsi
que les Chrétiens et les Juifs.
Le Grand -Seigneur et le Grand- Vizir
étoient au Camp de Scutary pendant ces
troubles naissants : Mustapha , Capitaneu
se tient le Divan du G. S. d'où elle tire son
aom , comme qui diroit la rue du Conseil.
(4) Etmeidan est une grande Place sur laquelle
donnent les Cazernes des Janissaires , et où on leur
distribue la viande.
(6) La plupart des Marchands et Artisans en.
Turquie , ne logent pas au même endroit où sont
Jeurs Boutiques,
Pacha
AVRIL. 1731 833
Pacha et Kaïmakan , qui en cette derniere
qualité devoit être instruit à porter un
prompt remede , se trouvoit près des Châteaux,
dans le Canal de la Mer Noire,à une
de ses Maisons de Campagne , où il s'amusoit
à faire planter des Oignons de
Tulipes ; et le Reys- Effendy , Secretaire
d'Etat , étoit pareillement à une de ses
Maisons du même Canal , où livré à son
indolence naturelle , il traitoit de bagatelles
ou de fable tous les avis qu'on venoit
lui donner de ce qui se passoit à
Constantinople ; de sorte qu'il n'y avoit
alors dans la Ville aucun Grand d'une certaine
autorité , pour y rétablir l'ordre ,
que le Janissaire Aga et le Kiaya du G.V.
Ce dernier ne fut pas plutôt averti de
l'émeute , dont il avoit plus lieu que
personne de redouter la fureur , que perdant
la tramontane , il fut s'embarquer à
P'Echelle la plus prochaine de son Palais,
et s'enfuit à Eyoup dans le fond du Port.
Quant aù Janissaire Aga , homme
venerable par son grand âge , il assembla
d'abord sa Garde ordinaire , se mit
à la tête et courut au-devant des Rebelles
, pour tâcher de les dissiper ou de
les ramener par la douceur ; mais voyant
qu'il ne faisoit que les aigrir davantage ;
que sa propre Garde , bien loin d'être disposée
à le seconder, murmuroit de ce qu'il
A iiij
ne
834
MERCURE
DE
FRANCE
.
ne se rangeoit pas de leur côté comme
ceux - cy l'y invitoient , et quelqu'un l'étant
venu avertir qu'une autre Troupe
de Séditieux marchoit droit à son Palais.
pour le piller , il ne songea plus qu'à sa
sureté personnelle ; il s'esquiva dans la
foule , se travestit , s'embarqua dans un
Bateau à une seule paire de Rames , afin
d'être moins reconnu et passa à Scutary ,
où il fut s'enfermer secretement dans une
maison qui lui appartenoit , sans informer
de rien le G. V.tant il avoit peur que
ce Ministre ne le fit mourir sur le champ,
pour n'avoir pas prévenu et étouffé dans
sa naissance ce soulevement.
Cependant les Rebelles ayant le champ
libre , leur nombre croissoit à vûë d'oeil;
ils entraînoient comme un Torrent tous
les Turcs qu'ils rencontroient , menaçant
de tuer ceux qui refuseroient de les suivre,
comme effectivement ils en massacrerent
plusieurs qui aimerent mieux mourir
fideles que de vivre traitres à leur
Souverain . Ils forcerent les Prisons et se
firent des Compagnons de fortune d'autant
de Turcs criminels qu'ils y trouverent.
D'ailleurs beaucoup de gens , qui
quoiqu'animez de leur même esprit ,
n'avoient pourtant encore osé se déclater
, n'hesiterent plus à se rendre sous
leurs Drapeaux , dès qu'ils virent des.
com
A V RIL. 1731. 833
mencemens si favorables et si prompts.
Or le feu de la sédition avoit déja fait
de grands progrès avant que le G.V. en fut
instruit,ceux qui étoient venus dans la matinée
de Constantinople à Scutary , et qui
n'avoient vû , pour ainsi dire, que les premieres
étincelles de ce grand incendie ,
lui ayant seulement rapporté que quelques
Bandits s'étoient battus devant le
Bezestin , sur quoi les Marchands naturellement
peureux, avoient pris l'épouvente,
et fermé leurs Boutiques ; mais que le Janissaire
Aga y étant accouru avec da
monde , les avoit fait r'ouvrir, avoit écar
té la canaille , et qu'il n'y avoit plus rien
à craindre. Ensorte que le G. V. trompé
et tranquillité par ces faux rapports , ne
sçût au vrai la cho e que vers les 4. heures
après midy , que le Mufty , le Kaïmakan,
le Kiaya et d'autres principaux Ministres
ou Officiers , vinrent à Scutary lui en faire
le funeste détail
Le Kaïmakan sur tout cherchant à se
disculper , lui dit qu'ayant appris le tumulte
entre 10 et 11. heures , il étoit
venu à Constantinople et qu'aussi - têt
il avoit monté à cheval pour rétablir la
tranquillité , mais qu'à mesure qu'il
faisoit r'ouvrir les Boutiques , les Rebelles
qui le suivoient , les faisoient re
fermer , et que n'étant soutenu d'aucu-
A v ne
836 MERCURE DE FRANCE
nes Troupes pour réprimer leur insolence,
il avoit été obligé de se retirer.
On tint Conseil sur le champ ; mais les
avis y furent si divers et si débattus , qu'il
dura jusqu'à l'entrée de la nuit , et qu'on
n'y résolut rien , sinon d'en aller tenir un
autre chez le G.S. Le résultat de celui - cy
fut qu'il falloit que Sa Hautesse et toute
sa Cour passassent à Constantinople où
l'on seroit plus à portée de remedier à
tout.Pour cet effet on envoya chercher une
Galere , sur laquelle s'embarqua le G. S.
et le G. V. le reste de la Cour les suivit
dans des Caïques , et tous furent débarquer
à minuit à l'Echelle de Top- Capy ,
qui est à la pointe du Serrail..
Le Sultan étant monté à la Kasoda ou
Chambre Imperiale , s'assit dans un coin
du Sopha , d'où il pouvoit entendre tout
ce qui se disoit dans un Appartement voisin
, où le G. V. les autres Ministres , les
Gens de Loy et autres Grands de l'Empire
s'assemblerent déliberer de nouveau
sur le parti qu'il y avoit à prendre dans
une si pressante extrémité ; mais les sentimens
y furent encore plus partagez
qu'au premier Conseil , et l'heure fatale
marquée par le sort pour la fin de
leur Regne étant venu , leurs délibepour
Fchelle du Canon , parce qu'il y en a là em
Baterie,
rations
A VRIL. 1735. 837
rations n'aboutirent qu'à précipiter leurs
destinées ; ils convinrent cependant tous
unanimement à la fin , que le nombre des
Rebelles n'étant pas encore assez.considerable
pour que l'on ne pût esperer de
les mettre à la raison , il falloit avant qu'ils.
se multipliaffent davantage , leur opposer
un Corps de Troupes , et les aller attaquer.
Quoique cet avis fût peut- être le meilleur
, s'il avoit été suivi sans differer , le
G. S. avant de s'y rendre , voulut tenter
une autre voye. Dès qu'il fut jour Sa Hautesse
envoya un Bach Asseski ( c'est un
des principaux Officiers du Corps des
Bostandgis ) à Etmeïdan , ordonner aux
Rebelles de se retirer et les menacer qu'on
feroit main-basse sur eux s'ils n'obéïssoient
promptement. Ils répondirent sans.
marquer la moindre crainte , qu'ils s'étoient
assemblez pour le bien et l'honneur
de l'Etat ; qu'ils avoient des représentations
équitables à faire à leur Émpereur
, et qu'ils ne quitteroient point les
armes qu'on ne leur eût rendu justice.
Sultan Achmet , indigné d'une réponse
si audacieuse , s'emporta fort contre le
G. V. ce qu'il avoit déja fait la veille , et
Paccusa de nouveau d'être la cause de
tout ce desordre . Le Ministre s'en disculpa
et en jetta , comme il avoit déja fait , la
A vj faute
838 MERCURE DE FRANCE
faute toute entiere aussi sur le Kaïmakans
il accabla même ce dernier des reproches
les plus durs en presence de Sa Hautesse ,
vers laquelle se tournant tout d'un coup :
Seigneur, lui dit-il avec transport , souffriras-
tu qu'une ame si vile et qu'un miserable
tel que celui- cy jouisse encore de la
lumiere.
Le Sultan frappé de ce qu'il venoit d'entendre
fit aussi- tôt arrêter le Kaïmakan
puis prenant un ton plus radouci , donna
divers ordres au G. V. sur la situation
des affaires ; l'habile Ministre qui les jugea
impraticables ou inutiles à suivre ,
lui répliqua sans s'amuser à combattre
ses sentimens : Seigneur, dans la crise où se
trouve l'Empire , je ne vois que deux choses
à hazarder, ou que Sa Hautesse se mette
elle-même à la tête de sa Maison et aille
fondre sur les Rebelles , étant persuadée que
sa seule presence pourra les désunir et les déconcerter
, ou qu'elle me permette d'y aller à
sa place , me flattant que je suis assez aimé
des Troupes pour me faire un Party considerable
dès que je paroîtrai.
Le craintif G. S. n'ayant goûté ni l'une
ni l'autre de ces propositions , essaya
vainement de s'attirer du secours du dehors
; il fit déployer le Sangiak- Cherif *
J
* C'est-à- dire le saint Etendart , qui selon les ,
Turs , fut apporté du Ciel à Mahomet par l'Ang
ge Gabriel.
AVRIL. 1737. 83
à la porte du Serail , et fit crier du haut
des murailles que tout Soldat qui voudroit
venir sous cette Baniere pour aider
l'Empereur à soumettre les Rebelles , auroit
30. écus de gratification et qu'on
lui augmenteroit sa paye de deux Aspres *
par jour.
Ces belles promesses ne gagnant le coeur
de personne , il fallut en revenir , mais,
trop tard , au dernier projet du Conseil ,
qui étoit , comme on a dit , de former un.
Corps deTroupes . On choisit les Bostangis
par préference à toute autre Milice
non-seulement parce qu'ils sont les gar
diens naturels du Serail , mais aussi parce
que les Ministres avoient toûjours eû.
quelques égards pour eux, au lieu que les.
Janissaires , les Spahis , les Tobgis et
Dgebedgis , ayant été maltraitez ou méprisez
( sur tout par le Kyaya , qui pendant
son orgueilleuse prosperité les avoit
menacés plusieurs fois en public de les
détruire entierement ) on ne devoit pas.
esperer d'en tirer beaucoup de secours.
dans cette occasion ..
2.
On s'adressa donc aux Bosdtangis , mais.
quand il fut question de les assembler
ceux sur qui l'on pouvoit compter pour
une action de vigueur s'étoient cachez ,
ou avoient pris la fuite , de maniere que
L'Aspre vaut deux Liards.
ne
840 MERCURE DE FRANCE .
ne se trouvant plus que des enfans , des
malingres , ou des gens sans courage , incapables
de faire tête aux Rebelles , on
vît bien qu'il falloit se tourner d'un autre
côté. On jetta les yeux sur le Corps de la
Marine , et le G. S. ayant honoré de la
Charge de Capitan Pacha Abdi- Capoudan
, qui avoit la Charge de Maître du
Port de Constantinople , homme de résolution
; il l'envoya à l'Arsenal pour s'y
faire reconnoître en cette qualité : on lui
tira à cet effet cinq coups de Canon de ce
lieu , et tous les Vaisseaux arborant leur
Pavillon , lui en tirerent chacun un. Ce
nouveau General de la Mer, pour donner à
son Souverain des preuves de sa reconnoissance
et de son zele , ordonna aux Galeres
de se rendre à la pointe du Serrail , et fit en
même-tems battre la Caisse au nom du G.S.
›
en'
Cette opération cut d'abord assez
de succés et l'on avoit déja débarqué
au Sérrail environ 300 Leventis , ou
Soldats de Marine , lorsque Patrona Kalil ,
tombant tout à coup sur l'Arsenal
chassa le Capitan Pacha , et fit sçavoir aux
Léventis que s'ils embrassoient la deffense.
de la Cour , il ne leur feroit aucun quar-`
tier , et qu'il brûleroit tout à la fois leurs.
maisons , les Vaisseaux et les Galeres de Sa
Hautesse. Ces menaces firent de si fortes:
impressions sur les Soldats de la Marine ,
que
AVRIL. 1731. 841
que ceux qui alloient encore au Serrail
pour s'enroller , s'en retournerent , et la
plûpart de ceux qui y étoient déja , et qui
avoient reçû chacun 25 écus de présent ,
trouverent le moyen de s'évader de côté
et d'autres , sous divers prétextes .
Patrona- Kalil se ressouvenant qu'il avoit
été autrefois condamné à mort , pour un
assasinat , lors qu'il étoit Léventis sur le
Vaisseau que commandoit alors le même
Abdi - Capoudan , et que cet Officier lui
avoit sauvé la vie , saisit cette occasion
pour lui en marquer sa gratitude : il le fit
revenir à l'Arsenal , le rétablit dans sa di
gnité de Capitan- Pacha , et l'assura de sa
protection ; mais il emmena avec lui le se
cours que ce dernier avoit destiné au Sultan
, et l'augmenta de tous les malfaiteurs.
Turcs qui etoient , tant dans le Bagne
lieu où l'on enferme la Chiourme , que
sur deux Galères , d'où il les retira , et à
la faveur desquels , contre son intention
plusieurs Esclaves Chrétiens se sauverent ;
si bien que Sa Hautesse se voyant totalement
frustrée de ses esperances du côté
des armes fut obligée d'avoir recours à
la négociation.
J
د
On n'entrera point ici dans le détail de
toutes les allées et venues des Agens de
l'Empereur et de Patrona , non plus que·
des menaces verbales et par écrit , qui fu
rent
42 MERCURE DE FRANCE
›
rent faites de part et d'autre durant ces
jours de discussions intestines , mais nous
renfermant à rapporter l'essentiel de tout
cela , nous dirons que le vendredy , vers
le soir , S. H. renvoya le Bach- Assekу
un des principaux Officiers des Bostangis
demander aux Rebelles ce qu'ils voufoient
> et quelles étoient leurs intentions.
Ils répondirent qu'ils prioient le
Sultan de leur faire remettre en vie le
Mufty , le G. V. Ibrahim-Pacha , avec
Mustapha-Pacha , Caïmacan , et le Kyaya
Mehemel , tous deux Gendres du G. V.
et qu'à l'égard de S. H. ils étoient trèssatisfaits
de son Régne , et lui souhaittoient
toutes sortes de prospéritez .
Le G. S. sur cette réponse , fit arrêter le
Kyaya ; que l'on consigna aux Bostangis
, comme on leur avoit déja consigné
Te Kaïmacam ; pour le Mufty et le G. Vizir
, le Bach Assesky eut ordre de retourner
vers les Rebelles , et de leur dire que
le Sultan alloit déposer et exiler ces deux
Ministres ; qu'il les prioit de vouloir bien
se contenter de cette punition , et ne pas
exiger qu'on les privât du jour , en reconnoissance
de ce qu'il leur livreroit les
deux autres pour en faire ce qu'ils jugeroient
à propos .
Le Bach-Asseky rapporta , que les Rebelles
se contentoient bien de la déposition
AVRIL. 1731. 843
tion et de l'éxil du Mufty , mais qu'ils persistoient
à vouloir le G. V. L'Empereur ,
malgré son affection pour ce Ministre
qui d'ailleurs étoit son Gendre , voyant
après avoir tenu plusieurs conseils avec
les Gens de Loy , qu'il ne pouvoit le sauver
sans risquer de se perdre lui- même
lui envoya demander son cachet par le
Kislar Aga, et le fit ensuite conduire dans
l'Appartement qu'on nomme Musafir-
Oda , ( ou Chambre des Etrangers ) sans
lui faire aucun mauvais traitement. Cela
arriva le Samedy à midy , et la Charge
de G. V. demeura vacante depuis ce moment
jusqu'à 9 heures du soir , que S. H.
en honora Mehemet - Pacha , aussi l'un
de ses Gendres. Il avoit été Selictar- Aga ,
ou Porte-Sabre du G. S. et étoit sorti depuis
peu du Sértail avec la qualité de Vizir
à trois queues , qui le faisoit conseiller
cubé ou de voute , c'est - à- dire , qu'il
avoit séance au Conseil qui se tient dans
un lieu vouté.
Pendant que tout étoit en agitation dans
le Sérrail , fes Rebelles n'étoient pas oisifs
dans la Ville ; ils détachercnt plusieurs
partis , dont les uns furent piller quelques
maisons de proscrits , ( c'est- à- dire de
ceux qui avoient eu directement ou indirectement
quelque part au Ministere )
entr'autres à Galata , celle du Vaivode →
on
844
MERCURE
DE
FRANCE
où ils trouverent beaucoup d'argent
qu'ils jetterent par les fenêtres , ainsi que
tous les meubles , disant que des Musulmans
ne devoient pas profiter des rapines
et des extorsions que cet indigne Officier
avoit fait sur les Dgiaours , ou Infideles ,
& comme c'étoit leur bien , qu'il étoit
juste qu'ils le reprissent , effectivement
nombre de Grecs et d'Arméniens et de
Juifs ramasserent ce qu'ils voulurent
sans que les Turcs s'y oposassent ni prissent
rien pour eux .
2
D'autres furent crier de nouveau par les
rues , car ils avoient déja crié , sur les me
naces que le G. S. avoit faites , d'appeller
ses sujets Chrétiens à son secours , ) que
pourvû queles Infideles nes'attroupassent
point , et qu'ils se tinssent tranquillement
chez eux , il ne leur seroit pas fait le
moindre tort , et cela s'observa religieusement
en general. Patrona ayant exigé
par serment de tous ses Camarades , qu'ils
ne commettroient aucun excès , il y cut
pourtant quelques coquins qui le fausserent
, mais ceux que l'on reconnut ou que
l'on prit sur le fait furent punis de mort
par
l'ordre même des Chefs de la rebel-
* Cette Charge réunit les fonctions de Gou
verneur et de Lieutenant de Police , le Vaivode de
Galata étend son distric jusqu'à la Mer Noire , le
long de la côte d'Europe.
lion.
AVRIL. 1731. 845
fion. Ils firent publier aussi que les Boutiques
où se débitent les choses necessaires
à la vie fussent toujours ouvertes , et
si bien garnies , que cette Capitale du
monde et ses vastes Fauxbourgs ne souffrissent
aucune disette .
Quoique toutes les Milices fussent dèslong-
tems révoltées dans le coeur , cependant
les deux premiers jours de la sédition
, il ne paroissoit pas que les Jannissaires
, les Topgis et Dgebedgis y rempassent
, du moins ouvertement , affectant
au contraire une espece de neutralité , qui ,
à la verité , ne les excusoit pas envers leur
Souverain.
,
Mais les Rebelles s'étant emparés du
Dgebe-Kané, ils se partagerent en deux
bandes , les uns furent inviter les Jannissaires
à se joindre à eux pour les aider
leur dirent- ils , à consommer une entreprise
aussi utile et aussi glorieuse à l'Empire
qu'étoit celle qu'ils avoient commencée
, tandis que les autres étant passez
à
Top-Hana, sollicitoient la même union auprès
des Topgis , et Dgebedgis ; ces differens
corps firent mine quelque tems par
un reste de bienséance , de ne vouloir pas
se prêter à leurs instances réïterées , mais.
* Gebé- Cavé , Magazin proche le Serail , on
sont les poudres , le plomb , et autres munitions,
de Guerre.
846 MERCURE DE FRANCE
y cédant à la fin ils y consentirent , a
moins tacitement.
Les Rebelles qui n'en demandoient pas
davantage , entrerent alors dans les Odas,
ou chambres des Cazernes de ces Troupes
,
d'où ils enleverent sans obstacle , les
tentes , les grandes marmites , et autres
ustanciles qu'ils transporterent à la place
d'Etmeïdan , où ils dresserent un Camp
dans les formes . Bientôt après , les Jannissaires
et les autres Milices les suivirent ,
faisant pourtant toujours semblant d'y
être forcez , quoiqu'ils courussent à l'envi
les uns des autres , pour arriver des premiers
au lieu de l'Assemblée , excepté les
Officiers , qui demeurerent constamment
attachées au G. S. et dont la plûpart s'étoient
déja retirez au Sérrail.
Cette jonction de la Soldatesque aux
Rebelles , acheva de déconcerter la Cour :
l'Empereur voulut cependant faire encore
une tentative auprès d'eux pour en obtenir
la grace d'Ibrahim - Pacha , mais ils
répondirent insolemment qu'ils avoient
assez fair , de pardonner au Mufty, à quoi
ils ne s'étoient même déterminez qu'en
consideration de son sçavoir , et de la
qualité de Chef de la Loy , et qu'ils vouloient
absolument qu'on leur remit le
G. V. et ses deux Gendres , pour leur faire
rendre compte de leur administration .
Le
AVRIL: 1731.
847
Le Sultan convaincu par l'opiniâtreté
de ces mutins , qu'il qu'il ne lui étoit
pas possible de soustraire son Ministre à
leur fureur , le fit condamner par le Kadilisker
d'Asie avec le Kaïmacan et le
Kyaya, à être étranglés, et ordonna qu'on
porteroit leurs corps à Etmeïdan .
,
Le Kyaya Mehemel , n'eut pas plutôt
appris , quand on vint le tirer de sa prison
, que c'étoit pour le mener au Kapon-
Orasy , endroit du Serail où l'on execute
les criminels d'Etat , que la frayeur dont
il fut saisi prévint les Bourreaux , et lui fit
rendre l'ame sur le champ ; ils ne laisserent
pas de le traîner au lieu du suplice ;
où par formalité pour l'éxecution de la
Sentence , on lui passa une corde d'arc au
col , ou corde de boyau ; à l'égard du
Vizir et du Kaïmakam , ils conserverent
leur fermeté jusqu'à la fin . Ce dernier fit
tranquillement ses ablutions et ses prieres,
mais le Visir ne fit ni l'un ni l'autre , disant
qu'étant si prés de perdre la vie , il
ne vouloit pas se donner tant de peine.
Ainsi finirent ces fléaux du peuple le
Is
de la Lune
de Rebiul
- Euvel
à 9 heures
du soir , du 30 Septembre
, dans le tems
même
que Sa Hautesse
faisoit
Mehemet
Pacha
G. V.
, Le lendemain matin , les trois cadavres
presque nuds , furent chargez chacun sur
un
$48 MERCURE DE FRANCE
un Chariot , et conduits à Etmeïdan ; le
peuple qui les suivoit , après avoir exercé
sur eux mille infamies , criant le long du
chemin , que tous les ennemis de l'empire
et de la Religion puissent avoir le même
sort. Quand les Rebelles les virent arriver,
ils entrerent dans une colere inexprimable
, se récriant sur ce qu'on ne leur avoit
livré ces traîtres en vie comme le
G. S. le leur avoit promis. On leur répondit
, qu'il n'étoit pas d'usage qu'un Sultan
remit ses Ministres vifs entre les mains
de leurs ennemis , et qu'ils devoient être
contents de ce que S. H. avoit eu la condescendance
de faire pour eux.
pas >
Les Rebelles qui avoient leurs veuës ;
n'eurent garde de se payer de ces raisons ;
ils redoublerent de fureur , et déclarerent
sans ménagement , qu'ils vouloient
qu'Achmet III. fut déposé , et que Mahmoud
, son Neveu fut mis sur le
Thrône.
>
Leur propre sûreté les entraîna dans cet
excès de révolte; faisant réfléxion qu'Ach
met étoit naturellement cruel ; qu'il avoit
fait mourir tous ceux qui avoient détrôné
son frere le Sultan Mustapha II. en 1703 .
pour lui donner sa place ; qu'ainsi ils n'en
devoient pas attendre de meilleur traitement
s'ils le laissoient en état de se venger
des outrages qu'ils venoient de lui
faire
AVRIL. 1731. 849
faire , au lieu qu'en élisant Mahmoud
qui languissoit depuis 27 ans en prison ,
ils auroient sujet d'esperer que ce Prince ,
par reconnoissance de ce qu'il leur devroit
sa liberté et son élevation , n'attenteroit
point à leur vie.
Mais comme il falloit au moins quelque
prétexte spécieux , pour colorer une
infidelité si formelle , non contents des
plaintes ameres qu'ils avoient déja faites'
contre leur Souverain , de ce qu'il leur
avoit manqué de parole en leur envoyant
morts les trois Ministres ; ils feignirent de
croire ( et peut-être le crurent- ils effectivement
) que ce n'étoit pas même le corps
du G. V. qu'on leur avoit apporté , mais
celui d'un forçat de Galere , qui lui ressembloit
, et que l'on avoit substitué à sa
place.
La verité est que ce Ministre étoit si
méconnoissable après sa mort , ( ce qui
avoit même fait répandre dans le public
qu'il s'étoit empoisonné ) que son premier
Batelier qui le voyoit tous les jours depuis
long- tems , affirma que ce n'étoit pas lui.
et qu'on verifia d'ailleurs qu'il n'étoit pas
circoncis . Il est vrai que Ibrahim étoit né
Chrétien , et que dans le fond , n'ayant
aucune Religion , il ne s'étoit pas embarrassé
de se faire circoncire quand il vint
d'Asie à Constantinople , professer l'exte
rieur du Mahometisme.
850 MERCURE DE FRANCE
que
Quoiqu'il en soit , les Rebelles se crurent
suffisamment authorisez à soûtenir
le G. S. les avoit doublement trompez
; ainsi , après avoir assouvi leur rage
sur les cadavres du Kaïmakam et du
Kyaya , qu'ils pendirent ensuite à deux
arbres , pour en donner le spectacle à tout
le peuple , ils attacherent à la queuë d'un
cheval celui du malheureux Ibrahim , et
le traînerent jusqu'à la porte du Serrail ;
là, par des clameurs affreuses , ils demanderent
qu'on leur remit en vie le veritable
Ibrahim , avec le Deys- Effendi , et
toutes les créatutes du premier , ajoûtant
que puisqu'on ne pouvoit compter sur
les promesses d'Achmet , et qu'il s'obstinoit
contre toutes les Loix à proteger un
monstre qui avoit désolé l'Empire , il n'étoit
plus digne de régner , et qu'il falloit
le renverser du Thrône pour y placer
Mahmoud , qu'ils avoient déja proclamé
Empereur.
Le Sultan - Achmet mit en vain tout
en oeuvre pour tâcher de les calmer , leur
faisant offrir des récompenses considérables
, et de leur sacrifier toutes les victimes
qu'ils demanderoient ; ils furent infléxibles
, et s'en retournant à Etmeïdan
ils jetterent en chemin le cadavre d'Ibrahim
auprès d'une belle Fontaine , que
se Ministre , qui étoit magnifique en
tout ,
AVRIL. 1731. 851
tout , avoit fait construire depuis deux
ans pour l'ornement de la Ville et la
commodité du Public.
>
l'é-
Les Rebelles , quoique résolus à ne se
point relâcher sur la déposition d'Achmet
, avoient pourtant besoin , pour
xécution d'un projet de cette importance,
d'être guidez par quelqu'un qui eût des
lumieres et du crédit , et qui entrât en
même-tems dans leurs sentimens . Ils trouverent
ce qu'ils cherchoient lorsqu'ils s'y
attendoient le moins , dans la personne de
Ispiri-Zadé , Prédicateur ordinaire de la
Cour et de Sainte Sophie . Cet hipocrite ,
qui , sous un air simple et mortifié , cachoit
une ambition démésurée , et qui
avoit reçû dans cent occasions des bienfaits
de l'Empereur , s'abandonnant à
l'ingratitude la plus noire , fut lui - même
trouver les conjurez ; il les confirma par
ses pernicieux conseils dans leur abominable
dessein leva toutes les difficultez
qu'ils croyoient le pouvoir faire échouer ,
et se chargeant de conduire l'affaire , il
fut au Serrail vers le soir du 16 de la Lune
( le premier Octobre ) dans le tems que
le G. S. étoit à la Kas- Oda , et que tous
les Ministres , les gens de Loi , et autres
Grands de l'Etat , étoient dans un
Kiosk ( espece de Pavillon ) consternez et
violemment agitez.
,
B Dès
852
MERCURE
DE FRANCE
Dès qu'il parut , chacun s'empressa de
le questionner sur ce qui se passoit dans.
la Ville ; il dit , contrefaisant l'homme
abbatu de tristesse , que les Rebelles ne
vouloient plus en aucune façon , qu'Achmet
restât sur le Trône ; et qu'après tout ce qu'il
avoitfait enfaveur de ce Prince , pour vaincre
leur animosité contre lui , il étoit inutile de
se flatter qu'on put les faire changer de réfolution.
A ces paroles toute l'Assemblée devint
comme immobile , et n'eut pas la force de
proferer un mot ; le perfide Ispiri -Zadé
voyant que personne ne se mettoit en devoir
d'aller annoncer cette nouvelle au
Sultan , il y fut de lui- même.
Hé bien , qu'y-a- t'il , lui dit Achmet ;
les Rebelles font- ils toujours à Etmeidan ?
Pourquoi ne se retirent-ils pas , pour vaquer
chacun à ses affaires ? Je les aifavorisez audelà
de ce que je devois , je leur ai offert des
préfens , et de leurfaire justice de tous ceux
dont ils croyent avoir à se plaindre , que veu
lent- ils , que souhaittent-ils encore ?
Seigneur , lui répondit cet homme pervers
,d'un ton ferme, et pourtant composé
, ton régne est fini , et tous tes sujets révol
tez ne te veulent plus pour Empereur, Alors,
Achmet se levant brusquement , répliqua
, et pourquoi ne me le disiez- vous pas
plutôt ? Vous vene ici tous les jours , d'où
و
vient
AVRIL. 1731. 853
vient tant tarder à me l'apprendre ? Puis sans
hésiter il courut à l'Appartement du Prince
Mahmoud , son Neveu ; le prit par la
main , le conduisit à la Kasoda , où il le
plaça lui-même sur le Trône , le salua Empereur
le premier , et lui dit entr'autres
choses fort touchantes : Souvenez - vous
que votre pere ne perdit la place que je vous
céde aujourd'hui , que par son aveugle complaisance
pour le Mufty Feyz -Oullah Effendi
, et que je ne la perds aujourd'hui moimême
que pour m'être trop confié à Ibrahim-
Pacha , mon Vizir , profitez de ces deux
grands exemples ; ne vous attachez à vos
Ministres , et ne vous reposez sur eux qu'avec
beaucoup de circonspection. Si j'avois
toujours suivi mon ancienne politique de ne
jamais laisser les miens trop long-tems en place
ou de leurfaire rendre souvent un compte
exact des affaires de l'Empire , j'aurois peutêtre
fini mon régne aussi glorieusement que je
Pai commencé. Adien , je souhaite que le
vêtre soit plus heureux ; je vous recommande
mes enfans et ma personne. Ensuite , l'infortuné
Achmet fût s'enfermer de lui-même
dans la prison , d'où il venoit de tirer son
Neveu .
Les fils d'Achmet s'enfermerent avec
lui ce jour- là ; Mahmoud l'ayant ainsi
ordonné pour consoler son Oncle , mais
le lendemain ces Princes furent logez ail-
Bij leurs ,
854 MERCURE DE FRANCE .
leurs , les trois plus jeunes ensemble , et
les trois aînez , chacun dans un Appartement
séparé.
Cette abdication se fit le 2 Octobre à
deux heures du matin : tout ce qui se
trouva dans le Serrail de Ministres et de
Gens de marque , fut admis cette nuit
même à baiser la veste du nouveau Sultan
.
Le jour venu , on lui éleva un Trône de
vant le Babiseadet , ou la Porte heureuse ;
c'est une porte du Serrail qui conduit à
l'Appartement où le G. S. donne Audien-.
ce aux Ministres Etrangers ; et c'est dans
cet Appartement que tous les Grands de
l'Empire , en Corps , vinrent le reconnoître
Empereur, et lui baiser la veste . Aussitôt
les Crieurs publics annoncerent son
Avénement par toute la Ville.
Le même jour , une Galere transporta le
Mufty à Tenedos , lieu de son exil, Les
Rebelles l'avoient redemandé de nouveau
pour le faire mourir , mais les Gens de
Loy agirent si efficacement , qu'ils lui sauverent
la vie ; dans le fond c'est un fort
bon homme , dont la viellesse et la douceur
naturelle ont peut-être été les seules
causes du seul crime qu'on lui a reproché,
de ne s'être pas opposé avec la vigueur
qu'éxigeoit son caractere , aux malversa
tions qu'il voyoit commettre,
Le
AVRIL 1731. 855
Le 3 Octobre , le G. S. curieux de connoître
le premier Chef de ces gens téméraires
, à qui il devoit l'Empire , commanda
qu'on lui fit venir Patrona-Kalil , lequel
se présenta comme il étoit vêtu ordinairement
, c'est - à- dire , en simple Janissaire
, et les jambes nuës. Il s'avança d'un
air assûré jusqu'au Trône du Sultan , et
lui baisa la main : Que puis -je faire pour
toi , lui dit Mahmout , tu es en droit de me
demander toutes les graces que tu voudras.
Cet homme de néant , et chargé de crimes
, mais subtil et plein d'artifice , montrant
alors des sentimens plus nobles et
plus élevez, que sa naissance et sa vie passée
ne sembloient en devoir promettre ,
répondit à l'Empereur , que jusqu'à présent
il avoit tout ce qu'il avoit le plus désiré
, qui étoit de le voir sur le Trône
Ottoman et que pour l'avenir
sçavoit bien qu'il n'avoit rien à attendre
de Sa Hautesse qu'une mort honteuse et
prochaine. Je te jures par les manes de mes
Ancêtres , répondit le G. S. que je ne te ferai
jamais de mal ; demande moi seulement
quelle récompense je te puis donner , je te
l'accorde d'avance. Puisque votre bonté
Imperiale est sans bornes , répondit Patrona
, je vous prie de vouloir bien supprimer
tous les nouveaux impots dont vos fideles sujets
ont été accablez sous le précédent Minis-
,
B iij
*
,
il
tere.
856 MERCURE DE FRANCE
>
tere. Mahmout y souscrivit sans hésiter
et sur le champ cette suppression fut publiée
par tout .
Ce jour- là , le G. S. confirma Mehemet-
Pacha , dans la Charge de G. V. et lui
nomma pour Kyaya le vieux -Nik-Deli-
Hali-Aga , qui avoit été fort attaché à
l'Empereur Mustapha , pere de Sa Hautesse
.
Le 4. les Rebelles furent piller quelques
maisons de proscrits , et rompirent
le Sceau Imperial qu'on y avoit apposé.
Le Sultan fut vivement picqué de ce manque
de respect ; mais n'étant pas en état
d'en marquer son ressentiment , il les envoya
prier de cesser ces sortes d'éxecutions
, et leur fit représenter , que puisqu'ils
l'avoient mis sur le Trône , ils lui
devoient laisser le soin et l'autorité de punir
les coupables de la maniere qu'il conviendroit.
Bien loin de se rendre à ses
remontrances , et si douces et si justes ,
ils répondirent qu'ils ne discontinueroient
point leurs vengeances qu'ils ne l'eussent
satisfaite eux - mêmes et demanderent
pour la seconde fois qu'on leur remit le
Reys Effendi , le Tchiaoux Bachy , et plu
sieurs autres , ce que la Cour ne pût et ne
jugea pas à propos de faire , le Reys - Ef
fendi , entr'autres , étant alors si bien ca
ché qu'on le croyoit en fuite.
,
Le
AVRIL. 1731. 857
,
Le 5. ils pillerent encore deux grands
Palais , en Asie , sur le Canal de la
Mer Noire et cependant le Grand-
Seigneur ne laissa pas de confirmer dans
leurs emplois , tous ceux qu'ils en avoient
revêtus , comme les nouveaux Janissaire-
Aga , Topgi -Bachi , &c .
Il est d'usage , selon les constitutions de
l'Empire Ottoman , que quand ' un Sultan
vient à mourir de mort naturelle , et
que le Prince qui doit lui succeder monte
sur le Trône , celui - ci n'est point obligé
de faire aucune gratification aux Troupes
; mais que lorsque par une révolution
comme celle-ci , un Prince parvient à
l'Empire , il doit leur augmenter leur
paye et leur faire un présent , ce
qui se pratique de la maniere suivante.
2
Chaque Cavalier a 1000. aspres de présent
( 25. liv . ) et deux aspres dé paye , de
plus qu'il n'avoit par jour , ou s'il l'aime
mieux , car cela est à son choix , que le
présent soit converti en paye journaliere ,
alors on la lui augmente de trois aspres au
lieu de deux ; de même les Janissaires ,
les Tobdgis , et les Dgedbedgis , ont cinq
aspres d'augmentation de solde , et point
de présent , ou s'ils préferent de le tou
cher , on leur donne 3000. aspres pour
ce présent , ou 75. liv . et leur solde n'est
B iiij aug858
MERCURE DE FRANCE
augmentée que de deux aspres.
Le nouveau Sultan , étant dans le cás
de ces libéralitez d'obligation , fit venir
le Tefterdar , ou le Grand Trésorier , et
les autres personnes chargées du maniement
des deniers Imperiaux , et ordonna
de tenir prêt l'argent qu'il falloit pour
P'acquitter envers les Milices. Ces Officiers
dans la vûë de faire leur cour , ne voulurent
point toucher aux Trésors de l'Etat
quoique depuis l'établissement de l'Empire
, ils n'eussent jamais été si remplis
étant assurez de trouver dans ceux que
le
Grand Vizir , son Kyaya et le Capitan
Pacha avoient amassez des fonds plus
que suffisans pour le payement en question
.
J
Ils firent chercher avec soin , quelquesuns
des plus affidez Officiers de ces trois
Ministres , pour en tirer des lumieres touchant
le bien de leurs Maîtres . On amena
d'abord au Tefterdar un jeune homme
qui avoit été L'Anactar- Oglan du Grand
Vizir , ( c'est comme qui diroit un gentilhomme
de la Clef, ) et qui en avoit eu
toute l'amitié et toute la confiance ; il dit
que pourvû qu'on ne lui fit point de
mal ,il découvriroit de grandes richesses ;
on l'assura que bien loin de le maltraiter ,
on le recompenseroit . L'Anactar un peu
remis de son trouble , et d'ailleurs ne pouvant
AVRIL. 1731. 859
*
vant mieux faire , puisque s'il eut voulu
garder le secret , on le lui eut arraché
par les tourmens , conduisit le Tefterdar
dans une cour du Serrail du Grand Vizir
, où ce Ministre avoit fait bâtir un
Colombier ; on creusa dessous , à l'endroit
qu'il indiqua , et l'on en tira quatre
cofres de fer , dont trois fort grands ,
renfermoient chacun 18. longues bourses
de cuir , de 60. mille Sequins Fondoukli
chacune. Le Sequin Fondoukli , étant évalué
à 400. afpres fait 10. livres monnoye
de France , ces trois coffres contenoient
la somme de 32. millions 400 .
mille livres.
A l'égard du quatrième , il étoit à la
vérité beaucoup plus petit , mais il étoit en
récompense rempli de pierres précieuses
d'une beauté singuliere , et d'un prix inestimable
, aussi bien que les riches étoffes et
les tapis de Perse et des Indes,les fourures ,
les Bijoux , les curiositez de tous les Pays ; en
un mot, les hardes et les meubles superbes
que l'on trouva en profusion dans ce Palais.
On se saisit ensuite du Kyaya du Harem:
un Eunuque noir , ayant l'Intendance de
l'appartement des femmes de Mehemet ,
Kiaya d'Ibrahim - Pacha , qui avoit aussi une
connoissance parfaite des grands biens de
cette sangsuë de peuple. Dès qu'il fut pré-
Bv senté
860 MERCURE DE FRANCE
senté au Tefterdar , il lui confessa tout , et
le mena dans les differens Souterains que
son Maître avoit fait construire pour enfoüir
ses trésors. Il dit que quand Mehemet
avoit fait remplir un coffre , il le
faisoit porter par des portefaix jusqu'à une
certaine distance du lieu où il vouloit que
son argent fut déposé , et que lui , Kyaya
du Harem se travestissoit
> par son
ordre la nuit ; vuidoit ce coffre à diver
ses reprises et emportoit le contenu
dans la cache , sans que personne s'en fût
jamais apperçu.
,
en
Suivant le compte du Tefterdar on
fait monter à 30. mille Bourses l'argent
comptant de cet infame monopoleur ;
et ses autres biens à présqu'autant ; soic
en pierreries , en Palais , maisons
fonds de terre , en rentes , en habits , ou
soit en denrées ou marchandises , dont il
faisoit commerce. Chaque bourse de soo .
piastres , évaluée 1500. liv. les 30. mille
bourses font 45. millions, de notre monnoye.
3
Quant au Capitan Pacha , il n'a pas
paru qu'il fut à beaucoup près si riche en
especes que
les autres mais outre ses
Palais qui étoient dignes de loger des
Sultans , il avoit une grande quantité
de pierreries plus belles et plus parfaites,
AVRIL. 1731. 861
tes , que celles du Grand Vizir et du
Kyaya , parce qu'il les payoit aussi bien ,
et il s'y connoissoit mieux qu'eux : enfin les
richesses que l'on a trouvées chez ces trois
Miniftres , sont si prodigieuses , que le
Roi Cresus , si fameux dans l'Histoire par
ses Trésors , auroit pû passer pour pauvre
auprès d'eux .
Le Sultan Achmet n'ignoroit pas que
le Kyaya , entre-autres , s'enrichissoit infiniment
au- delà de ce qu'avoit jamais fait
aucun particulier de l'Empire , surtout
d'une aussi basse origine que l'étoit celuilà
, mais au lieu de mettre un frein à ses
concussions , cet avare Empereur , lui facilitoit
les moyens d'en faire tous les jours
de plus criantes , parce qu'il se flattoit que
le vieux Ibrahim son Vizir , mourroit bientôt
; et qu'alors n'étant plus retenu par
aucune considération , il feroit étrangler
le Kyaya , et s'empareroit de tous ses
biens.
Avant que de finir sur le compte de cet
odieux Ministre, il ne sera pas hors de propos
de rapporter une particularité assez singuliere
; sa fille unique étoit promise au
jeune Anactar Oglan , dont on a parlé. It
avoit fait de magnifiques préparatifs pour
la célebration de la nôce , qui avoit été
fixée précisément au soir du jeudi , que la
sédition éclata ,et suivant la coutume tous
B vj les
862 MERCURE DE FRANCE:
les grands de l'Empire lui avoient fait à
ce sujet des présens considerables ; la bienséance
vouloit, ce semble , dans le trouble
et le désordre où la Cour et la Ville
étoient plongées , et dont il avoit paru
lui- même si fort effrayé , quand il se sauva
le matin , que ces nôces fussent remises
à un temps plus tranquille et plus
propre à la joye ; cependant , soit qu'il
se flatât que la rebellion n'auroit point de
suites fâcheuses , ou que son orgueil l'aveuglât
, il passa outre , et insultant au
peuple pour la derniere fois , le mariage
fut consommé à l'heure marquée ; mais
il fut d'un sinistre augure , puisque tandis
que la fille entroit au lit nuptial , le
pere mettoit déja le pied dans celui de la
mort.
}
7
Les richesses du Grand Vizir et de ses
deux Gendres , étant immenses , comme
on l'a pû voir par le petit détail que nous
en avons fait , elles étoient plus que suffis
ntes pour le payement des troupes ; on
déploya donc cinq étendarts à Atmerdam
, sous lesquels vinrent se ranger, et se
fire écrire,tous ceux qui devoient, ou pour
mieux dire , qui voulurent participer à
cette gratification ; car il est bon de remarquer
que d'ordinaire un Sultan , n'est
tenu à faire le présent de son avenement
à l'Empire , qu'aux Militaires en exercice
,
AVRIL 1731. 863
ze , et déja enrolez du temps de son Prédécesseur
, et non à ceux qui ne venant
s'engager , la plupart dans cette occasion ,
que pour profiter du benefice qui l'accompagne
, disparoissent après l'avoir reçû
parce que supposé que parmi ces
derniers , il s'en trouve , qui s'enrollent
avec l'intention de servir , ils doivent
s'estimer assez heureux d'être reçûs au
nombre des Kouls ou Esclaves de sa
Hautesste , avec la paye qu'on leur assigne
; mais le Sultan Mahmout , voulant
commencer son regne par un acte de générosité
, pour se concilier davantage le
coeur des Milices et du peuple
d'ôter tout prétexte aux mal intentionnez
, de continuer la révolte , donna un
Katcherifs pour que les nouveaux Soldats
reçussent également la gratification
comme les anciens , et qu'on délivrât
également aux uns et aux autres deux
quartiers de leur solde.
,
et afin
Malgré cet ordre , cependant le Lieutenant
General des Janissaires , par probité
, ou par reconnoissance de ce que
l'Empereur l'avoit confirmé dans cette
Charge , qu'il tenoit des Rebelles , ne
put voir sans indignation qu'ils abusassent
des bontez de Sa Hautesse , jusqu'au
point d'admettre à cette gratification
comme ils faisoient , un nombre infini de
و
petits
$64 MERCURE DE FRANCE
,
petits enfans , de vieillards et de gens
éclopez ou contrefaits ; il crut donc pouvoir
représenter à Patrona , que si l'on
continuoit de la sorte tous les trésors:
du Grand Seigneur ne suffiroient pas
gratifier tant de gens qui le méritoient
si peu ; mais celui- ci lui dit avec un ton
de Maître , que ce n'étoit pas à lui à vouloir
diriger des finances qui ne lui appartenoient
point et dont il n'étoit pas
chargé de rendre compte , et sans autres
discours , il commanda sur le champ
qu'on mit en pieces ce malheureux Officier
, qui par trop de zéle et de probité
perdit en un instant la vie , et sa nouvelle
dignité.
,
Le Grand Seigneur voyant de plus en
plus par ce qui venoit de se passer , qu'il
ne lui seroit pas possible de rétablir l'ordre
et la tranquillité dans Constantinople
, tant que Patrona y resteroit en armes
, et n'osant entreprendre de s'en défaire
, de crainte de causer une seconde révolution
aussi fatale pour lui , lui , que
que la premiere
l'avoit été pour son oncle , il tenta
de l'éloigner de la Capitale , en lui offrant
un des plus considerables Gouvernement
de l'Empire , et d'y attacher toutes
les marques d'honneur qu'il souhaiteroit.
Mais Fatrona se défiant avec raison
que
AVRIL. 1731. 865
réque
des offres si avantageuses ne cachassent
un piége , répondit qu'il ne se
soucioit pas de dignitez , et qu'il n'étoit
avide que du sang des proscrits , dont
il avoit fait une longue liste. Le Janissaire
Aga qui étoit présent , s'avisa de
vouloir conseiller à l'Empereur,de donner
à Patrona 100. mille Sequins , et de le
laisser le maître de se retirer où bon lui
sembleroit.Je n'ai pas besoin d'argent,
,, pondit ce fier Rebelle , puisque toutes les
bourses de Constantinople sont à mon service
; et lançant un regard terrible sur
le Janissaire Aga , il lui recommanda d'un
ton , et d'un air si impérieux , de ne se
jamais mêler de ce qui le regardoit , s'il
ne vouloit avoir le même sort de son Lieutenant
, que sans rien répliquer , ce General
de l'Infanterie , se prosterna trois
fois devant lui .
ور
"
> et à
Le 6. Patrona nomma de son chef de
nouveaux Officiers , à la plupart des principaux
emplois dans les troupes
mesure qu'ils se présentoient devant lui
il les faisoit revêtir de Pelisses de Samour
de Martre Zibeline , qu'on avoit prises
au pillage des maisons des proscrits . On
publia de nouveau ce jour-là de sa pare
que tous ceux qu'on trouveroit commettant
du désordre , seroient punis de mort
sur le champ. Cette Ordonnance produi
sit
865 MERCURE DE FRANCE
>
sit un si bon effet , que , quoique Gala
ta grand Fauxbourg de Constantinople,
fut plusieurs jours sans Commandant,
le Vaivode , dont la tête avoit été mise à
prix , s'étant sauvé , et que presque tous
les Marchands François qui y demeurent
fussent alors aux Isles des Princes , avec
leurs familles , les Rebelles qui vinrent
piller quelques maisons de Juifs , ne firent
aucunes insultes à celle des François.
Il est vrai , que ce qui contribua beaucoup
à les garantir des brigandages de la canaille,
fut la précaution que leur nation prit d'établir
et de payer une gardepour leur pro
pre sureté , composée des Rebelles mêmes.
Le 7. le Sultan Mahmout' , fut avant
midi à la Mosquée d'Eyoup , qui est dans
le fond du Port de Constantinople , à
environ deux heures de chemin du Serrail,
se faire ceindre le Sabre Imperial ; céré
monie qui tient lieu de couronnement aux
Sultans. Son cortege étoit fort nombreux ,
mais il y avoit beaucoup de confusion ; la
Marche défila entre deux hayes de Janissaires
de Topgis , et de Dgebedgis , en
simple Doloma , qui est l'habit long que
portent ordinairement les Janissaires , en
Calote rouge , sans bonnets de cérémo
nie , et sans armes , comme l'Empereur
l'avoit ordonné ; car il y eut la veille de
grandes contestations à ce sujet ; entre
la
•
t
AVRIL. 1731 867
la Cour et les Rebelles , Sa Hautesse ne
voulant point que personne vint armé à
cette Cavalcade , et ceux- ci au contraire
ne prétendant pas devoir mettre bas les
armes , qu'on ne leur eut donné satisfaction
sur les proscrits , et qu'ils n'eussent
été payez de ce qu'on leur devoit , tant
du présent , que de ce qu'on leur devoit
d'ailleurs ; de sorte que malgré les défenses
du Sultan ils y vinrent bien armez ;
Patrona monté sur un beau Cheval magnifiquement
harnaché , y précedoit le
Grand Vizir , et avoit à sa gauche un
autre Chef de son parti . Ces deux hommes
affectant de mépriser le faste
n'avoient
qu'un petit Turban , l'habit de Janissaire
, et les jambes nuës ; ils jettoient
des Sequins au peuple , et quatre Dervi- .
ches , qui marchoient à pied à leurs côtez,
faisoient les mêmes largesses de leur part.
Le Sultan se distingua aussi par sa generosité
, ayant fait jetter ou distribuer pareillement
50. bourses , au lieu de douze qu'il
en coûte d'ordinaire à un nouveau Grand-
Seigneur dans cette occasion . On revint
par terre comme on étoit allé , le mauvais
temps n'ayant pas permis qu'on prit la
voye de la Mer , comme c'est l'usage.
Le peuple avoit compté qu'après cette
céremonie la tranquilité se rétabliroit , et
qu'on r'ouvriroit les Boutiques; mais l'autorité
868 MERCURE DE FRANCE
, que
torité du Grand Seigneur étoit encore si
mal affermie , qu'on n'osa exposer les
Marchands aux nouveaux désordres
cette ouverture auroit pû attirer; les principaux
Officiers des Rebelles étant même
venus à la Porte le 8. Octobre , et le Grand
Visir leur ayant fait distribuer des Cafetans
et des Chevaux , ils se prirent de paroles
, & et se tiraillerent l'un l'autre , chacun
voulant saisir le meilleur Cheval,
cela jetta d'abord l'effroi par tout
parce
qu'on craignit que ce ne fût une feinte
concertée entre eux , pour exciter une
nouvelle sédition ; heureusement se querellant
de bonne foi , ils se reconcilierent
de même .
د
Patrona , vint aussi peu après voir le
Grand Visir , accompagné seulement de
trois de ses camarades , qui le suivoient à
pied comme des domestiques. Dès que ce
Ministre , tout gendre qu'il est d'un Sultan,
et qui ne se seroit pas levé pour l'Ambassadeur
d'un Souverain , sçut que cet
illustre scelerat arrivoit , il courut vite au
devant de lui jusqu'au bas de l'escalier ,
le mena dans son appartement , où ils resterent
deux heures ensemble , et il le reconduisit
bien civilement au lieu où il étoit
venu le prendre.
Dans le temps que Patrona alloit par
tir , un Bach Asseky , domestique favori
du
AVRIL. 1731. 869
du Grand Seigneur , vint lui parler en secret
de la part de Sa Hautesse : il ne daigna
pas descendre de Cheval pour cela ,
mais se courbant un peu seulement , leur
conversation dura un quart d'heure , après
quoi il s'en retourna d'un air résolu à son
Camp d'Etmeïdan .
Il s'étoit répandu ce jour-là dans la Ville
, que le Grand Seigneur devoit honorer
d'un nouveau Cafetan , Abdi Capoudan
, et le confirmer dans la dignité de
Capitan Pacha ; mais il arriva au contraire
que Sa Hautesse le déposa et mit à sa
place Kafis Mehemet Pacha , jeune homme
de 35. ans , qui n'a aucune experience
dans la Marine : aussi n'étoit-ce qu'en
attendant l'arrivée de Dgianum Codeca ,
un des plus braves et des plus grands
hommes de Mer qui soit dans l'Empire.
Ce même jour , les Ministres Etrangers
eurent permission de la Porte d'expédier
à leurs cours , pour donner avis de
l'avenement de Sultan Mahmout à l'Empire
, et plusieurs Tribunaux de justice reprirent
leurs cours ordinaires , au moyen
des nouveaux Officiers , qu'on y mit pour
remplacer ceux que les Rebelles avoient
proscrits , comme entre-autres , le Vaivode
de Galata , qui fut remplacé par un
ancien Officier du Corps des Baltadgis
lequel avoit déja exercé autrefois le même
870 MERCURE DE FRANCE
me emploi , avec l'approbation generale.
Il est fils de Cherkez - Osman-Pacha
qui dans tous les grands emplois , qui lui
ont été confiez , a donné des marques de
son amitié pour les François , et surtout
dans l'affaire de la restauration du Temple
de Jerusalem.
Le 9. on commanda 20. Janissaires sans
armes , de chaque compagnie , pour aller
prendre à la Porte, l'argent destiné au présent
, et escorter les 150. chariots , chargez
chacun de so . Bourses , qu'on conduisit
en cérémonie chez le Janissaire
Aga , ou la répartition s'en fit pendant
trois jours à 100. mille hommes ; sçavoir
40. mille Janissaires , 18. mille Topgis ,
22. mille Dgebedgis , et 20. mille Spahis
, ce qui fait en tout 11250000. liv .
Le Grand Visir fut importuné de quelques
plaintes au sujet de cette distribution :
plusieurs Officiers deshonorant leur carac
tere , s'aviserent de retenir pour eux une
partie de ce qui revenoit à leurs Soldats :
une conduite si indigne en tout temps , et
si dangereuse dans les circonstances presentes
, méritoit sans doute une punition
exemplaire , cependant ils en furent quittes
pour restituer à qui il appartenoit ,
tout ce qu'ils s'étoient si injustement approprié
; mais il pensa arriver entre les
Rebelles un autre affaire de même espece
,
AVRIL. 1731. 871
ce , qui , pour peu qu'elle eut eu de suites
auroit été capable de ruiner entierement
leur parti .
2
Patrona , qui jusqu'alors s'étoit montré
en public , sous le caractere d'un hommé
désinteressé , faisant apparemment réflexion
, que la gloire toute seule n'étoit
que fumée , voulut lui donner plus de
consistance en y joignant les richesses.
Beaucoup de proscrits cachez , le firent
sonder , pour obtenir leur grace , et lui
offrirent des presens proportionnez à leurs
facultez ; il leur accorda la liberté de se
retirer où ils voudroient , et reçut de l'un
20. bources , de l'autre 30. &c. le tout
sans en faire part à ses Camarades ; ceuxci
n'en eurent pas plutôt connoissance
qu'ils s'en plaignirent avec aigreur. Vous
fçavez bien , lui reprocherent-ils , que nous
n'avons tous pris les armes que pour tirerle
peuple d'oppression, et le délivrer d'une
troupe de Loups raviffants qui le rongeoient
depuis 14. années ; que par l'assistance divine
nous sommes venus à bout de ce
grand et perilleux ouvrage ; cependant
,, vous , Patrona , qui comme notre Chef devriez
nous montrer l'exemple
et être
plus religieux obfervateur du serment que
vous avez exigé de nous , et que vous avez
fait vous même de ne pardonner à aucun
des ennemis de la Patrie , Vous êtes le
د و
و و
ر و
د و
ر و
ور
"
و ر
و
premier
872 MERCURE DE FRANCE
mier qui pour un vil interêt , rompez de fi
saints engagemens. Un peuple infini adresse
ses prieres au Ciel pour nous , en reconnoissance
de notre juste entreprise , et vous êtes
le seul qui s'oppose à son entiere perfection ,
en vendant vosfaveurs aux tyrans de l'Etat
mais ajoûterent - ils , en élevant la
voix : bien loin que vous puissiez rencontrer
en nous des coeurs capables d'applaudir
à cette bassesse , fachez , que fi dans deux
jours vous ne faites retrouver ceux que vous
avez fait évader , nous vous mettrons nous
même en pieces.
,
Patrona , étourdi de la harangue répondit
avec douceur à ses camarades , leur protestant
que malgré le crime dont ils le
chargeoient , sur lequel il ne se mit pourtant
pas fort en peine de se juftifier , son
dessein avoit toûjours été d'exterminér
tous ceux qui étoient sur l'état des proscrits
, et qu'il alloit travailler à leur
donner une pleine satisfaction à cet
égard.
Les pillages , les recherches , les persécutions
continuant donc à Constantinople
et aux environs , le Sultan en fut si
penetré , qu'il convoqua au Serrail `un
grand Conseil , composé de tous les Gens
de loy , à la tête desquels étoit , Mirza-
Zade, nouveau Mufty , et des principaux
Officiers de l'Empire. Il y fut résolu que
le
AVRIL. 1731. 873
le Grand Seigneur donneroit un Katcherif
fulminant , qui seroit adressé et porté
aux Rébelles , par l'Asseky- Aga ou Bacha-
Asseky , et que le Mufty rendroit une
Sentence ou Feiza en conformité , dont
on chargeroit à Ballach Effendi , Lieute
nant General de Police de la Ville.
Il eft bon de remarquer , que cet Officier
qui étoit une espece de fou turbulent
, avoit d'abord pris le parti des Rebelles
, qui l'établirent dans ce poste , et
que la Cour sçachant qu'il étoit en grand
crédit parmi eux , avoit trouvé le secret
de le gagner et de se servir de lluuii ,
pour
porter les Janissaires à plier leurs étendarts
et à rentrer dans leurs cazernes ; effectivement
le Istamboul- Effendi ou
Abdollah Effendi , malgré le dérangement
de son cerveau , avoit si bien negocié
cette affaire , que les plus anciens et
les plus sensez de cette Milice و serendant
à ses avis , s'étoient retirez dans leurs
chambres , avec promesse de se soumettre
aux ordres de la Cour,
Le parti des Révoltez étant considerablement
affoibli par cette désertion ,
l'Istamboul- Effendi , et l'Asseкy- Aga , vinrent
à leur camp ; ce dernier leur demanda
s'ils n'avoient pas reçû leur paye , et
pourquoi n'ayant plus rien à exiger du
Grand Seigneur , ils ne se retiroient pas ;
ensuite
874 MERCURE DE FRANCE .
ensuite il leur présenta le Kacherif , qui
fut lû à haute voix. Il contenoit en substance
, que puisqu'ils avoient fait eux-même
Sultan Mahmout Empereur , et qu'en
consequence ils se reconnoissoient ses
Esclaves , ils devoient lui obéir aveuglement
, et sans délai , qu'ayant d'ailleurs
sujet d'être satisfaits de Sa Hautesse´, qui
leur avoit accordé au- delà de ce qu'ils
avoient souhaité , il étoit juste qu'à leur
tour ils lui donnassent des marques de
leur soumission , afin de rendre le calme
à la Capitale de l'Empire où elle vouloit
absolument faire cesser tous désordres :
que si après avoir eu connoissance de ses
intentions par ce sublime commandement
, ils étoient encore assez ingrats et
assez témeraires , pour ne s'y pas conformer
, elle feroit déployer l'Etendart du
Prophete à la porte du Serrail , et publier
de toutes parts que tout bon Musulman
eut à venir le joindre , pour aller
contre les Séditieux , qui dès ce moment-
là seroient déclarez traîtres , infidelles
et répudiez de leurs femmes , et
qu'on poursuivroit leur destruction jusqu'à
ce qu'il n'en restât pas un seul.
Le Feta du Mufti fut lû ensuite , et
s'exprimant d'une maniere aussi forte , les
Rébelles commencerent à s'ébranler ; mais
ze qui acheva de les réduire du moins
.
en
4
AVRIL. 1731. 875
›
en apparence , fut la déclaration que leur
firent faire les Janissaires . , qui s'étoient
déja rangez à leur devoir ; que s'ils ne
se retiroient pas comme eux ils les
avertissoient que dès que la Baniere
de Mahomet paroîtroit , ils iroient la
défendre et les combattre , jusqu'à la derniere
goute de leur fang.
Les plus mutins intimidez par ces avertissemens
, soit qu'ils rentrassent sincerement
en eux- mêmes , ou que la plûpart
dissimulassent , comme la conduite qu'ils
tinrent depuis donne assez lieu de le penset
, se soumirent enfin , mais à deux conditions
; que la Cour , dans l'esperance
d'avoir la paix , fut encore obligée de
leur accorder la premiere , que le Grand
Seigneur ne feroit jamais mourir aucun
d'eux pour avoir excité la sédition ; la
seconde , qu'ils auroient toûjours cinq
étendarts déployez , pour être en état de
se défendre , si on vouloit entreprendre
quelque chose contre eux.
Ce traité fait , le Mufty se rendit garand
de la parole de Sa Hautesse , et l'Istamboul-
Effendi de celle des Rébelles
qui promirent de ne plus commettre
aucun désordre ; plierent leurs étendarts ,
à l'exception des cinq qu'on leur avoit
accordez , et se retirerent , les uns dans
les cazernes , les autres où ils voulurent .
C Cela
876 MERCURE DE FRANCE
Cela fe passa le douze Octobre.
Conséquemment à cet accord le Grand
Seigneur ayant ordonné le 13. qu'on r'ouvrit
les boutiques , l'affluence du monde y
fut si grande , ainsi que dans les marchez
, sans qu'il y arrivât ni tumulte ni
bruit , qu'il sembloit que la bonne harmonie
fut rétablie ; cependant le même
jour il se commit encore des violences et
des meurtres , dans quelques endroits de
la Ville , qui firent assez juger que le
calme n'étoit pas si général qu'on s'en
étoit flatté , comme on va le voir.
Les Caffez étant à Constantinople ,
comme ailleurs , des lieux où toutes sortes
de gens s'assemblent sans se connoître
, et où il se trouve d'ordinaire beaucoup
de faineants , qui n'ont d'autre occupation
que de parler de nouvelles ; il
y en eut plusieurs de cette espece qui
payerent de leurs vies l'intemperance de
leurs langues. Comme les Révoltez étoient
fort éloignez de se croire criminels , et
qu'ils se consideroient,au contraire, comme
de glorieux liberateurs de la Patrie ,
ils s'étoient eux-mêmes qualifiez du titre
de Serdengueschtis , c'est- à-dire enfans ›
* Serdengueschti , signifie proprement un homme
qui sacrifie sa tête. Quand les Turcs vont à la
guerre , surtout contre les Chrétiens , ils ont toû
jours un corps de ces zelez combattans , dont les
perdus ,
1
AVRIL. 1731.
877
<
C
>
perdus , ou dans un sens plus figuré, Gens
d'honneur , qui se sacrifient pour le bien
public tellement qu'à leurs manieres.
de penser ,, la qualité de Rébelles leur
étoit tout-à- fait odieuse . Il vint donc dans
ces Caffez de ces imprudens Nouvellistes ,
qui tout haut et sans ménagement des affaires
d'Etat , traiterent de Zorbas ou de
Rébelles tous ceux qui avoient pris les
armes contre Achmet ; par malheur pour
eux il s'y trouva de ces enfans perdus
qui les écharperent sur le champ.
, Un de ces derniers , s'étant enivré à
Galata , repaffa le Port , et alla droit à la
Douane de Constantinople , avec deux Domestiques
, il y prit dans la caisse , devant
tout le monde , environ 300. piastres
, dont il donna une partie à ses valets
, et leur fit signe de se saisir de deux
filles esclaves que l'on avoit amenées au
Bureau pour en payer les droits , et trouvant
à la porte un Cheval tout fcellé
monta dessus et s'enfuit ; il fit tout cela
sans que personne s'y opposât , parce que
dans ces temps de trouble on ne sçavoit
à qui s'adresser pour avoir justice , et que
les gens de la Douane ne connoissant point
Officiers s'appellent Serdengueschtis Agalar ,
qui signifie les Messieurs , ou les Chefs des enfans
perdus , et c'est aussi le titre que prenoient
Patrona & les autres Chefs de la Rébellion.
Cij
cet
878 MERCURE DE FRANCE
cet hardi voleur , craignirent qu'ils ne
leur arrivât pis , s'ils lui faisoient la moindre
chose .
Le lendemain 14. un autre inconnu
bien vêtu , et bien monté , vint aussi descendre
à la Doüane , accompagné de six
domestiques ; il entre seul , et va s'asseoir
auprès de la Caisse ; les Commis qui s'attendoient
à une avanture au moins aussi
fâcheuse que celle de la veille , lui font
civilité, et l'invitent à se mettre dans l'angle
du Sopha , qui est la place d'honneur
; notre homme s'y met les saluë
de la tête , et prenant alors la parole :
Qu'est ce donc ,Messieurs , que vous est- il
arrivé hier : le récit lui en ayant été fait ,
tel qu'on l'a rapporté , il appelle un de
ses valets , et lui commande d'aller dans
un endroit de la Ville , qu'il lui désigne ,
et de faire prendre et tuer sur le champ
une personne qu'il lui nomme, Cet ordre
donné , il en donne deux ou trois
autres à peu prés semblables à ses autres
domestiques ; puis s'adressant aux Commis
, qui aussi surpris qu'effrayez , n'osoient
pas ouvrir la bouche. Sçavez vous
bien qui je suis leur demanda-t'il je
m'appelle Mouslouh : à ce nom l'assembléc
frémit sans rien répondre. J'ai , continua-
t'il , un talent tout particulier pour
connoître les honnêtesgens , et les fripons , et
, ,
j'estime
ㄢ
६
AVRIL. 17318 879
Festime autant les premiers , que les derniers
me sont en horreur ; ainsi c'est pour proteger
les uns et pour exterminer les autres que je
viens de donner les ordres que vous avez
entendus. Ensuite il s'informa du nom et
de la demeure de tous ceux qui étoient
présents , et leur promit que si quelqu'un
venoit encore les inquiéter , ils
n'avoient qu'à lui en écrire un mot ;
que dans l'instant même il les vangeroit
des coupables ; après quoi remontant
à Cheval , au grand soulagement de
la compagnie , que ces beaux discours
n'avoient point rassurée , il fut dans un
autre quartier faire la même manoeuvre.
Ce Mouslouh , ci- devant simple Janissaire
, et Marchand de Melons , étoit un
des principaux Chefs des Révoltez , comme
on l'a déja dit au commencement de
cette Relation ; outre qu'il avoit naturellement
de l'esprit et de l'éloquence , il
s'étoit encore rendu recommandable à son
parti , parce qu'il sçavoit passablement
lire et écrire , mérite d'autant plus révéré
dans ce pays -là , qu'il est rare surtout
parmi les gens du peuple.
,
Quand les Rébelles créerent des Officiers
dans les Troupes , pour remplacer
ceux qui n'avoient pas voulu être leurs
Complices , Mouslouh se nomma lui même
Kyaya du nouveau Janissaire Aga , ou
C iij
In88%
MERCURE DE FRANCE
;
Intendant de toutes les affaires de ce
General de l'Infanterie , qui fut élevé à
cette Charge Eminente d'une maniere
assez singuliere. Mehemet Aga , c'est le
nom de ce General , étoit un vieillard
qui de Janissaire étoit parvenu au Grade
d'Hassexi , qui est une espece de Prevôt
qu'il y a dans chaque Compagnie , et qui
est au rang des bas Officiers. Un poste si
modique ne lui fournissant pas dequoi
subsister , il faisoit le métier de Sellier
les Rébelles dans leur Conseil Payant
fait Janissaire Aga , il racommodoit une
vieille Selle lorsque leurs députez vinrent
lui annoncer son élection . Mes amis
leur dit- il , il faut que vous vous soyez
mépris , ou qu'on vous ait mal adressez , car
jefuis le Curé du quartier * ; cette profession
comme vous voyez , ne quadre point du tout
avec la Charge dont vous dites que vos
Messieurs m'ont honoré ; les députez en
convinrent , et en furent rendre compte
à leurs Chefs ; on rassembla le Conseil
une seconde fois , et toutes les voix ayant
encore été pour Mehemet Aga on le
renvoya chercher avec ordre de l'amener
de gré ou de force ; le bon homme fut
obligé d'obéïr , et avoua que ne se sentant
pas assez de force , pour se charger
d'un emploi d'un si grand poids , it
* Ou Iman d'une Mosquée.
>
s'étoit
AVRIL. 1731. 881
s'étoit avisé de feindre qu'il étoit Curé ,
dans l'esperance qu'on le laisseroit tranquille
; mais malgré sa modestie et sa
vieillesse , il donna pourtant dans la
suite des marques qu'il n'étoit pas indigne
de cette place , puisqu'on peut dire que
son activité , sa prudence , et sa fermeté ,
sauverent Constantinople d'une seconde
sédition , qui pensa s'allumer , comme
on le va voir au principal endroit où la
premiere avoit pris feu.
Les 14. 15. et 16. d'Octobre , les Rébelles
firent encore quelques désordres en
divers endroits. Un Emir, entre- autres , ce
dernier jour-là , marchanda quelques pieces
de drap chez un Grec au Bizestin , et
ne pouvant convenir de prix avec lui , le
menaça de le tuer ; le Grec effrayé cria
au secours , ferma sa boutique , les autres
Marchands en firent de même , et tout
alloit rentrer dans la confusion , quand le
Janissaire Aga arrivant à propos , se saisit
de l'Emir , et le fit executer sur le champ ;.
ce qui rassura tout le monde .
Ĉette nouvelle alla bientôt jusqu'au
Mufti, qui voyant avec douleur que le levain
de la révolte fermentoit toûjours, envoya
chercher Patrona - Kalil , Mouslouh
Aga , et quelques autres Chefs ; il leur dit ,
qu'il étoit vrai que la Patrie leur avoit l'obligation
de la liberté qu'elle commençoit
C iiij
182 MERCURE DE FRANCE
respirer , que le Grand - Seigneur reconnoissoit
pareillement qu'il leur étoit redevable
de son élevation au Trône ; mais
que de même , qu'ils ne pouvoient douter
par les graces que leur avoit fait Sa
Hautesse , qu'elle sçavoit récompenser les
bonnes actions , ils devoient craindre d'éprouver
qu'elle ne sçut aussi punir les
mauvaises ; que s'ils avoient bien fait d'abord
de prendre les armes pour détruire
un Ministre tiranique , ils faisoient trèsmal
à present de continuer à s'en servir ,
pour fomenter les troubles et la discorde
dans l'Etat ; puisqu'au lieu de le soulager
réellement , ce n'étoit que substituer aux
calamitez dont ils l'avoient délivrée , d'autres
calamitez encore plus affligeantes ;
qu'enfin s'ils ne se déterminoient à se retirer
paisiblement , où le devoir de chacun
les appelloit , ils alloient perdre nonseulement
tout le mérite du bien qu'ils
avoient procuré , mais que devenant des
objets d'indignation au Sultan , et d'horreur
à tout le peuple , la Cour et la Ville
agiroient de concert , et prendroient des
mesures pour les traitter avec autant de
rigueur , qu'ils avoient traité cux-mêmes
les derniers Ministres et leurs Suppôts
.
Patrona et les autres Chefs firent semblant
d'être touchez de ce que le Mufti
venoit
AVRIL 1731. 883
venoit de leur dire ; ils lui témoignerent
beaucoup de respect , et beaucoup de chagrin
du mal que quelques coquins , contre
leurs intentions, avoient pû faire ; enfin ils
lui promirent tout ce qu'il voulut exiger
d'eux , mais ils n'en continuerent pas
moins à se comporter avec leur audace
et leur insolence ordinaire.
Comme il n'est pas permis , sous quelque
prétexte que ce soit,de boire du vin , ni
de faire aucun désordre dans les Chambres
des Janissaires , ceux des Rébelles qui y
étoient rentrez , ainsi qu'on l'a dit , ne
pouvant s'assujettir long- temps à une discipline
si rigoureuse , prirent bientôt des
Maisons en Ville ; Patrona , entre plusieurs
qu'on lui offrit , donna la préference
à celle du Tefterdar , parce qu'elle est
voisine des cazernes des Janissaires.
>
Plus de 400. de ses camarades vinrent
se loger avec lui , ou aux environs . Là ses
Messieurs bien armez , se plongeant jour
et nuit dans toutes sortes de débauches
étoient ivres la plupart du tems ; il se rendirent
dans cet état à la Porte , s'asseyoient
d'eux-mêmes éfrontement auprès du Grand
Vizir ; lui demandoient des graces , ou
des emplois pour des créatures que leur
Chefhonoroit de sa protection , et ce Ministre
, au mépris de la justice et de sa dignité
, étoit forcé de déferer toûjours à
Cy leurs
884 MERCURE DE FRANCE
•
leurs requêtes , et sans délai . On ne finiroit
pas si on vouloit rapporter tous les traits
d'impudence de cette canaille ' ; mais en
voici un assez singulier. Après qu'on eut
étranglé le dernier Grand Vizir , Ibrahim
Pacha ,Mehemet-Pacha son fils, qui de même
que son Pere , étoit gendre du Sultan
Achmet , ayant été répudié par la Sultane sa
femme,et la Cour le regardant comme un
homme sans consequence , parce qu'il est
jeune , sujet à tomber du haut mal , d'un
esprit borné , et qui n'avoit eu aucune
partau Ministere ; le Grand Seigneur crut
que ce seroit assez punir ce malheureux
Pacha , en le releguant à Nicomédie avec
l'appanage de cette Ville pour sa subsistance.
La chose ne parut pourtant pas de même
aux Rébetles , qui trouvant au contraire
que cette peine étoit trop douce
Patrona vint déclarer au Grand Vizir que
les Agas et lui avoient jugé à propos d'exiler
Mehemet Pacha à Mouchkara , pour
y vivre des revenus que son Pere y avoit
laissez , et qu'il lui demandoit un ordre
pour cela ; le Ministre n'ayant garde de
rien refuser aux Agas , c'est -à-dire aux .
Chefs des Rébelles , l'ordre fut expedié et
executé aussi tôt.
,
Mais pour bien sentir le rafinement de
leurs vengeances contre Ibrahim dans
cette
AVRIL. 1731. 885
,
cette occasion , il faut sçavoir que Mouhs-
Kara étoit autrefois un mauvais Village
d'Asie , où ce grand homme étoit né d'un
pauvre Arménien
et qu'aspirant à immortaliser
son nom , comme il y seroit
parvenu , s'il eut plutôt fini ses jours , et
d'une mort naturelle , il avoit si fort orné
ce lieu , par les Colleges , les Mosquées
, les Bains , les Fontaines , les Kams ,
et autres Edifices publics et particuliers
qu'il y avoit fait bâtir durant son Viziariat
, que depuis quelques années on ne
l'appelloit plus que Neucheher , qui veut
dire nouvelle Ville ; or les Rébelles ne
voulant rien laisser subsister , autant qu'il
dépendroit d'eux , de tout ce qui pourroît
transmettre à la posterité , la memoire
d'Ibrahim , ordonnerent que tous ces
embellissemens fussent détruits , que Neucheher
redevint un miserable Village comme
il étoit auparavant, qu'il reprit son ancien
nom de Mouhs- Kara , et que l'infortuné
Mehemet y fut exilé pour toûjours
, afin qu'après avoir été le spectateur
de cette désolation , il n'eut continuellement
devant les yeux que des objets qui
pussent l'entretenir dans des réflexions
douloureuses , et qu'il ne lui restât
pour tout bien que les materiaux et
les décombres de cette Ville démolie.
C vj
Un
886 MERCURE DE FRANCE
h
Un Poste de Capidgy-Bachi étant venu
à vacquer , le G. V. en disposa en faveur
d'une de ses Créatures ; mais Patrona en
voulant disposer aussi , il fallut que ce
Ministre le donnât au Sujet presenté par
ce Rebelle , et qu'il révoquât la personne
qu'il en avoit déja pourvûë.
Un jour le G. V. tenant son Divan , fut
averti que Mouslouh , qui étoit déja ve
nu l'interrompre la veille à la même heure
, arrivoit chez lui avec un grand nom
bre de ses Agas ; il quitta d'abord le
Conseil , et vint le recevoir ; ils parlerent
pendant quelque temps tout bas ensemble
; ensuite ce Ministre passa chez le
G. S. et dans le temps que le Peuple assemblé
s'informoit avec empressement du
sujet de toutes ces démarches , on vit
sortir du Serrail un nouveau Kyaya nom .
mé Mustapha-Bey , lequel avoit été autrefois
Capigilar Kyayasy , ou Grand-
Maître des Ceremonies , et étoit depuis
peu Bujuk-Imbrahor , ou Grand- Ecuyer
du Sultan déposé. Son prédecesseur immédiat,
Nikdelihali- Aga , fut envoyé sur
le champ dans la Prison Bachbaki-Koulou
, c'est le Chef de ceux qui poursuipayement
des deniers dûs au Trévent
le
sor de l'Empire .
On rapporte plusieurs motifs de la disgrace
de ce dernier ; en premier lieu, que
s'étant
AVRIL. 1731. 887
s'étant livré aux conseils mal digerez d'un
de ses amis , il avoit formé le dessein de
détruire lui-même les Rebelles , et que
ceux - cy en ayant été informez , le prévinrent
et le firent déposer , comme on
vient de le dire , à la premiere requisition
de Mouslouh , Secondement cet hom- .
me étoit si avide , que sans être retenu.
par l'exemple récent et tragique de son
devancier , il prenoit de toutes mains et
avoit déja amassé plus de so . mille écus
en 15. jours seulement qu'il étoit en place.
On ajoûte à cela qu'on l'accusoit d'avoir
détourné des Effets de la succession
du feu G. V. Ibrahim , deux Ceintures
de diamans , un Couteau garni de diamans
et plus d'un million en argent.
Le 19. on fit dans le Serrail la paye de
deux quartiers aux Troupes , comme il
a été dit que le G. S. l'avoit ordonné
lorsqu'il leur accorda le present , et l'usage
étant aussi dans ces occasions qu'on
leur fasse manger le Pilau , Sa Hautesse
qui étoit venuë voir les sacs d'argent pour
la forme , commanda qu'on servît ce
Pilau dans des plats neufs , ne voulant
pas , dit-elle , que ce qui avoit été
employé sous le regne de son oncle le fût
encore sous le sien ; mais sur ce qu'on
lui représenta qu'il seroit impossible qu'on
f trouvât dans une matinée autant de vaisselle
888 MERCURE DE FRANCE
selle neuve qu'on en avoit besoin pour un
si grand nombre de personnes, elle répondit
qu'il falloit toûjours aller chercher
toute celle qu'on pourroit trouver , et
suppléer à ce qui en manqueroit par une
partie de la vieille qu'on feroit étammer
de nouveau , et cela fut executé avec une
promptitude dont il semble que les Turcs
seuls soient capables.
Comme on faisoit la paye , Patrona vint
au Serrail , il passa dans les rangs des
Janissaires , et les salua à droit et à
gauche
, et continua sa route jusqu'à l'Appartement
du G. S. La Validé ou Sultane
Mere , qui l'appelloit son second fils ,
parce qu'il avoit mis Sultan Mamouth sur
le Trône , fut quelque temps en conversation
avec lui , par l'organe d'un de ses
Eunuques, et lui donna 2000 Sequins , dont
il distribua la plus grande partie en sortant
aux Domestiques de cette Princesse.
Après la tenue du Divan , le G. V. revint
chez lui conferer la Principauté de
Valachie à Milka -Voda , qui avoit déja été
plusieurs fois Prince de Moldavie pendant
20. ans , et qui vivoit depuis quelques années
qu'on l'avoit déposé en simple Particulier
dans un Village du Canal de la
Mer Noire; il a succedé à Mauro-Cordato-
Roda , Prince d'un grand mérite , et sur
tout fort estimé pour son sçavoir , qui
mourut
AVRIL 1731. 889
mourut au commencement de Septembre
dernier.
Le Drogman de la Porte , à l'occasion
de cette ceremonie où il fallut qu'il assistât
, reçut un Caffetan , qui le confirmoit
dans son poste. Depuis le commencement
de la révolte il avoit toûjours
prié le G. V. de differer à lui faire cet
honneur , de crainte que les Rebelles le
voyant en fonction sous le nouveau Ministere
, comme sous l'ancien , ne le
fissent périr , ou n'exigeassent de lui des
sommes qu'il n'étoit pas en état de payer:
et de fait , Patrona l'ayant menacé en diverses
rencontres de le poignarder , il
n'osoit presque plus se montrer , et il fut
dans des frayeurs continuelles jusqu'au
jour que ce Barbare persecuteur de tous
ceux qui avoient eu part au dernier Gouvernement
, a subi lui- même la fin tragique
qu'il avoit déja fait souffrir aux uns ,
et qu'il destinoit encore aux autres .
Pour revenir à Milkavoda , sa Principauté
de Valachie lui avoit coûté 1500.
mille liv. sans compter les presens considerables
que suivant l'usage il avoit été
obligé de faire aux Ministres de la Porte ,
dès que lui , son fils et son Capy- Kyaya , *
* C'est un Homme d'Affaire , que les Princes
de Valachie et de Moldavie et même les Pachas
des Provinces entretiennent toûjours à la Porte
pour avoir soin de leurs interêts.
890 MERCURE DE FRANCE
eurent été revêtus du Cafetan d'honneur;
il fut conduit par les Principaux de la
Nation Grecque à leur Eglise Patriarchale ,
pour se faire reconnoître Prince . Le Patriarche
à la tête de son Clergé , vint le
recevoir à la Porte, et celebra la Messe en
habits Pontificaux , après quoi ce petit
Souverain s'embarqua dans un Bateau à
cinq paires de Rames , pour marque de
sa dignité , et retourna en pompe à son
Village.
Ce nouveau Prince fournit l'occasion
de parler ici d'un certain Manolaki, Grec
extrémement riche , et qui étoit Curtchi-
Bachi , ou Chef des Foureurs . Les Rebelles
, à cause des grandes liaisons qu'il
avoit eu avec Mehemet l'ancien Kyaya ,
l'ayant soupçonné d'avoir entre ses mains
beaucoup d'Effets de ce Ministre , furent
piller ses maisons , où ils ne le trouverent
pas. Il avoit d'abord pris la fuite et s'étoit
caché successivement en differens endroits,
d'où il faisoit agir secretement ses Emissaires
auprès de Patrona , pour avoir fa
permission de reparoître en sureté. On
prétend que ce dernier en reçut de grands
presens ; mais ces sortes de graces n'étoient
pas approuvées par ses Camarades ,
comme nous l'avons dit.
Le Curtchi- Bachi , qui vit que l'orage
qu'il croyoit avoir excité , étoit prêt à
tomber
AVRIL. 1731. 89 %
mer ,
tomber de nouveau sur sa tête , crut pouvoir
s'en garentir en se sauvant dans une
maison privilégiée , qu'il regardoit comme
un azile assuré pour lui ; mais malheureusement
peu de jours après on sçut
sa retraite , et la Porte l'ayant fait reclaon
ne put se dispenser de le re- .
mettre aussi-tôt à la Garde du Bostandgi-
Bachi , qui l'alla chercher. On le conduisit
et on le mit aux fers dans la Prison
du Bach-Baks -Coulou. Il fut interrogé
sur les biens du Kyaya , qu'on prétendoit
qu'il avoit en dépôt ; il répondit qu'il
n'en avoit qu'une petite cassette pleine
de papiers , que ce Ministre lui remit luimême
le jour de la révolte , parmi lesquels
on trouveroit un Etat détaillé de
toutes les affaires du Kyaya , qui faisoit
foi de la verité de sa déposition. Il ajoûta
que quant à lui , Curtchi - Bachi , il ne
désavoüoit pas qu'il ne fût fort opulent
, mais que ces richesses lui étoient
venues ou des heritages de sa famille ou
des gains legitimes qu'il faisoit depuis
long - temps dans son commerce de Pelleterie,
et que si quelqu'un pouvoit lui prouver
qu'il eût jamais rien pris injustement , il
étoit prêt à le restituer au triple. Par ces
raisons , appuyées de beaucoup d'argent
I qu'il fit glisser sous main à ceux qui le
pouvoient tirer d'embarras , il avoit enfin
recouvre
892 MERCURE DE FRANCE
recouvré sa liberté , lorsque notre nouveau
Prince venant à la traverse , l'accusa
à la Porte de lui avoir pris des sommes
considerables , dans le temps que lui Mikal
, étoit Prince de Moldavie , et que
Manolaki étoit dans la grande faveur du
Kyaya , et c'en fut assez pour que l'on
le remenât à la même Prison , d'où il sortit
pourtant cinq semaines après.
Le 23. le G. S. déposa Mengheli Chiray ,
Kam des Tartares de Crimée , et lui nomma
pour successeur son frere Kaplan-
Chiray , homme de tête et de coeur , et
qui avoit déja occupé ce Trône autrefois.
S. H. lui envoya son Grand - Ecuyer à
Brousse , où il étoit en exil , pour lui
annoncer cette agréable nouvelle , et une
Galere à Modenia , Port d'Asie , à une
journée de Brousse , pour le transporter à
Constantinople.
Ce Prince y étant arrivé le 31. Octobre
, on fit aussi- tôt publier une deffense
aux femmes et aux enfans de paroître dans
les rues , de peur que la curiosité ne les
y attirant pour voir son Entrée , il n'ar- ·
rivât quelques desordres. La Cour le logea
dans un Serrail du deffunt Kyaya . Le
6. Novembre il fut rendre visite au G. V.
qui le mena après chez le Sultan . S. H.
lui fit un gracieux accueil , et le fit revêtir
d'une Pelice de Martre Zibeline ; elle lui
4
1
fit
AVRIL. 1731 . 893
fit aussi donner un Cheval de son Ecurie
magnifiquement harnaché ; on le reconduisit
ensuite en ceremonie à son Palais ;
et dès le même jour le G. V. et les principaux
Ministres le vinrent voir, et lui firent
de magnifiques presens.
Le 24. on tint plusieurs Conseils sur
ce qu'il y avoit à faire pour parvenir à
dissiper les Rebelles. Il fut arrêté de leur
proposer , et on leur proposa en effet de
se retirer sur telle Frontiere de l'Empire
qu'ils voudroient ; bien loin de gouter
cette proposition , ils demanderent que
le G. V. fut déposé ; mais Mouslouh Aga,
qui n'étoit pas d'abord avec eux , arriva
et les fit changer de sentiment .
Le lendemain ils se présenterent au
Serrail en plus grand nombre que la veille
, ils se plaignirent de ce qu'on continuoit
à conserver et à rétablir des personnes
indignes des places qu'on leur faisoit
occuper , comme Mehemet-Effendi ,
ancien Reys Effendy , que la Porte venoit
de faire Dester - Emini , ou Gardien des
Registres de l'Empire pour ce qui regarde
les Troupes , et par le canal duquel les
Pensions Militaires s'obtiennent . Îls ajoûterent
qu'ils voyoient bien qu'on avoit
envie de faire revivre la derniere administration
, mais qu'ils y mettroient bon
ordre.
On
894 MERCURE DE FRANCE
On ne peut éviter de faire ici une disgression
sur les diverses agitations que
souffrit la fortune de ce Ministre pendant
la Révolte. Après avoir été caché les premiers
jours , il reparoît à la Cour tout
d'un coup , s'étant accommodé avec Patrona
; mais les autres Rebelles ayant
trouvé cela mauvais , il fut contraint de
s'éclipser de nouveau . Ensuite par le
moyen d'un Emir qui lui avoit obligation
et qui étoit intime ami de Mouslouh
il eut la liberté de revenir chez lui ,
pourvû qu'il ne fréquentât qui que ce
fût de dehors.
Le Kyaya-Nikdeli- Ali - Aga , dont nous
avons parlé , fâché de ce que cet ancien
Secretaire d'Etat qu'il n'aimoit pas , et dont
la capacité lui faisoit ombrage , n'eut pas
péri comme les autres , résolut de le perdre.
Pour y parvenir il lui fit faire des
complimens de félicitation , il le fit prier
avec les instances les plus vives de revenir
à la Porte , où l'on ne pouvoit , disoitil
, se passer de son secours , sur tout par
rapport aux affaires de Perse , que personne
ne possedoit comme lui.
Le vieux Mehemet-Effendi , fit rendre
mille graces au Kyaya , de toutes ses politesses
, et de l'opinion avantageuse qu'il
témoignoit avoir de son peu de lumieres ;
mais il le fit prier à même- temps de le
"
1
disAVRIL.
1731. 895
dispenser de se plus mêler de rien , s'en
excusant sur son grand âge et sur ses
infirmitez , qui le rendoient incapable
d'aucune application.
-
Le Kyaya voyant qu'il ne pouvoit attirer
tout seul son Ennemi dans le piege,
fit agir le G. V. qui envoya un ordre à
Mehemet Effendi de se rendre à la
-Porte ; il fallut obéïr ; il y fut donc , on
l'accabla de caresses chez ces deux Ministres
, et au bout de quelques jours le
G. S. le fit Defter Emini.
Le Kyaya sçavoit bien que les Rebelles
ne le souffriroient pas long- temps dans ce
poste ,aussi ne tarderent- ils pas long- temps
à s'en plaindre , comme nous l'avons rapporté
; on tint Conseil sur leurs menaces;
et pour en prévenir les effets , on déposa
plusieurs Officiers , dont Mehemet- Effendi
fut du nombre , et de plus exilé à
Tenedos.
Mais à peine étoit- il parti , que le reconnoissant
Emir qui l'avoit déja si bien
servi , s'employa une seconde fois en sa
faveur auprès de Mouslouh , et obtint
son rappel , desorte qu'il revint encore
dans sa maison , mais toûjours sous la
condition de ne communiquer avec personne
, ce qu'il observa fidelement jusqu'à
l'entiere abolition des Rebelles ,
Revenons à ces derniers ; après qu'ils
eurent
896 MERCURE DE FRANCE
eurent marqué leur mécontentement à la
Porte , de ce qu'on employoit encore des
proscrits , ils demanderent que Ruslan-
Pacha , qu'ils avoient fait venir de Bosnie ,
fut nommé General de l'Armée de Perse.
Le G. S. y consentit , moyennant qu'ils
voulussent y suivre ce Pacha. Ils promirent
de le faire ; mais comme ils ne cherchoient
qu'à amuser S. H. , cela n'empêcha
pas qu'ils ne fissent entre- eux les jours
suivans de nouvelles assemblées , et qu'ils
ne parussent à la Porte le 29. pour y demander
que Patrona-Kalil fût fait Capi- ,
tan Pacha , le Janissaire Aga G. V. et que
Mouslouh eût la Charge de ce dernier.
La Cour surprise au dernier point de ce
nouveau trait de la teméraire audace des
Rebelles , ne pût se persuader qu'ils se
portassent d'eux-mêmes à des prétentions
si déraisonnables , et crut que quelques
Gens de Loi , qui étoient très- suspects au
Gouvernement , étoient les secrets Promoteurs
de toutes leurs démarches outrées.
Elle jetta d'abord tous ses soupçons
sur Zulalizade-Effendi , Kadilesker d'Asie,
en exercice .
On se rappella , 1 ° . qu'Achmet III.
étant encore sur le Trône , avoit reproché
en face à ce Kadilisker , qu'il étoit
un traître et un des principaux Auteurs
de la premiere Révolte ; que celui- cy au
lieu
AVRIL. 1731. 897
lieu de se disculper de cette accusation ,
avoit reproché à son tour au G. S. que
depuis long- temps il étoit déchu de la
Souveraineté , et que du moment même
qu'il signa le Traité de Passorouvits , par
lequel il avoit cedé honteusement Bellegrade
aux Allemans , il ne l'avoit plus
consideré comme Empereur.
2º. Qu'Achmet ayant assemblé les
Gens de Loy pour les consulter sur les
moyens de conserver la vie à son G. V.
il lui avoit dit que les séditieux lui demandoient
trois personnes , le Vizir , le
Kyaya et le Capitan - Pacha . Qu'à l'égard
des deux derniers il consentoit à les leur
abandonner , mais que pour Ibrahim , il
vouloit tâcher de le sauver ; qu'il étoit
même dans le dessein d'écrire aux Rebelles
pour en obtenir la grace , et que
cependant il souhaitoit auparavant qu'ils
lui dissent leur avis là- dessus ; que Zulali
Zadé prenant alors la parole , avoit répondu
au Sultan qu'il entreprenoit là une
chose bien difficile , et que le mal étoit
devenu trop grand pour pouvoir y porter
du remede ; que le G. V. ayant aussi voulu
hazarder son avis , ce Kadilisker l'interrompit
, et s'emportant comme
furieux , lui dit qu'il étoit réprouvé des
hommes et de Dieu , et qu'un méchant
comme lui méritoit la mort la plus
igno398
MERCURE DE FRANCE
> ignominieuse. Sur quoi Ibrahim sans
rien répliquer , se leva , les larmes aux
yeux , et se retira . Que le G. S. outré de
douleur et de dépit , s'étoit pareillement
levé et avoit dit au Kadilesker, que puisque
tout étoit désesperé , qu'il rendît
donc sa Sentence de mort contre le Visir
comme contre les deux autres , ce que
Zulalizadé avoit fait sur le champ.
Ces refléxions et plusieurs autres du
Sultan et de ses Ministres , sur le procedé ,
dace Kadilesker , firent regarder comme
des preuves les indices qu'on avoit de ses
pratiques avec les Rebelles ; mais comme
on n'avoit pas encore pris les arrangemens
necessaires pour leur châtiment et
leur destruction , on se contenta de répondre
qu'on ne pouvoit leur accorder
les changemens qu'ils demandoient qu'on
fit dans le Ministere .
Lc 2. Novembre le G. S. donna un
Katcherif, qui leur enjoignit de prendre
bien garde de faire aucun desordre ; S. H.
étant résoluë de punir de mort tous ceux
qui en seroient coupables ; et comme ils
s'étoient distinguez de ses autres Sujets
en portant des Turbans rouges , ce qui
ne faisoit qu'entretenir la division et l'esprit
de parti dans Constantinople , elles
prétendoient qu'ils en prissent chacun de
conformes à leurs differentes Professions,
#
(
= afin
AVRI L. 1731. 899
afin que rien ne démentît en cux l'obéi'ssance
et la fidelité qu'ils devoient.
Les Rebelles firent honneur au Katcherif
, quant à ce dernier article qui ne
regardoit qu'une soumission exterieure
mais quant à ce premier qui touchoit à
la réforme de leur conduite , ils ne tarderent
pas à marquer qu'elle étoit toûjours
la même.
Patrona Kalil , refléchissant dans sa
haute prosperité , qu'il avoit fait du bien.
à tous ceux à qui il avoit obligation ,
excepté à un Boucher Grec nommé Tanaki
, lequel s'étoit avanturé de lui fournir
abondamment , tant à lui qu'à ses Camarades
, d'excellente viande , lorsqu'ils
étoient campez à Etmeïdan , et que cet
homme d'ailleurs lui avoit autrefois prêté
deux écus dont il avoit eu la discretion
de ne lui jamais parler , il l'envoya chercher
, et lui dit : qu'étant très sensible à
l'assistance qu'il avoit reçûë de lui , il
vouloit lui en témoigner sa reconnoissance
d'une maniere autentique. Il lui fic
d'abord present de 1000. Sequins , valant
près de 1oooo. liv. puis lui dit, en riant :
Ne vous souciez- vous pas de vivre plus
Long-temps que moi ; Yanaki répondit aussitôt
, que , lui mort , il ne se soucioit plus
de la vie. He bien, puisque cela est ainsi,
reprit Patrona , charmé de cette réponse :
D dites
goo MERCURE DE FRANCE .
dites-moi ce que vous souhaitez que je fasse
pour vous , et soyez sûr de l'obtenir. Alors
mille désirs confus s'élevant dans le coeur
du Boucher , et ne sçachant auquel s'arrêter,
il dit à son Bien- faicteur : Que pour
le present il ne sçavoir que lui demander ,
mais qu'il alloit consulter ses amis , et qu'il
lui rendroit bien tôt réponse. Yanaki fut
trouver le Kasab- Bachy , qui est comme
le Fermier ou Inspecteur general des
Boucheries ; et après lui avoir exposé sa
bonne fortune : Que me conseillez vous ,
lui dit-il , j'ai envie de porter Patrona
qu'il fasse revivre en ma faveur la Charge
de Surdgy- Bachi , * qu'on a supprimée,
elle est de mon état et j'en connois tout
l'exercice . Celui- cy qui vie qu'il alloit per
dre la plus grande partie de ses droits ,
si cette Charge dont il avoit réüni les
fonctions à la sienne , étoit rétablie , répondit
au Boucher : Vous n'y pensez past
à quoi vous amusez vous ? votre Protecteur
est tout-puissant , il vous met en état par
ses offres et par son crédit , d'aspirer aux
Postes les plus brillans , et vous allez vous
borner à une petite Charge de rien , sou-
* C'étoit une Ferme et en même temps une Ingpection
sur les Boeufs , Moutons , &c. à peu près
comme la Ferme du Pied- Fourché à Paris , et
qui rapportoit au Fermier par an environ 106.
mille livres.
vent
AVRIL: 1731 .
vent même plus ruineuse que lucrative :
Que lui demanderai- je donc? Demandez
lui , reprit l'autre , qu'ils vous fasse Prin
ce de Moldavie ; et si vous n'avez pas assez
d'argent pour payer cette Principauté
, que cela ne vous embarrasse pas , je
vous fournirai tout ce qu'il vous en faudra.
La vanité qui est comme incarnée chez
les Grecs , tourna en un moment si bien
la cervele à celui-ci , qu'oubliant la dis
tance de sa bassesse , au rang qu'on lui
proposoit , il s'en revint chez Patrona , et
-lui dit que puisque l'affection dont il
l'honoroit étoit sans égale , et qu'il avoit
tout pouvoir dans l'Empire , il le prioit
de le faire Prince de Moldavie . Soit , ré-
-pondit Patrona , et sur le champ , il l'en
voya avec un de ses gens chez le G. V.
Ce Ministre étonné d'une pareille proposition
, resta muet quelque-tems ; ensuite
reprenant ses esprits , il dit que ce que deamandoit
l'Aga Patrona étoit impossible
qu'on ne nommoit à ces sortes de Principautez
que des gens de naissance , ou qui
avoient rendu de grands services à l'Etat ,
qu'outre que le sujet qu'on lui présentoit
, n'étoit dans l'un ni dans l'autre cas ,
'Empereur n'ayant confirmé que depuis
quatre jours Gregorasko - Ghika , dans sa
Principauté , il n'étoit ni de l'honneur ,
Dij
ni
jo MERCURE DE FRANCE
ni de la justice de Sa Hautesse , de déposer
ce Prince , dont elle étoit satisfaite , pour
mettre un vil Artisan à sa place.
pas
Le tout ayant été rapporté à Patrona :
Bon, bon , voilà de belles raisons , dit- il ,
qu'est-ce que cela signifie ? Gregorasko
n'est- il pas Dgiaour ? Yanaki n'est- il
Dgiaour aussi ? Que l'un ou l'autre
soit Prince , n'est - ce pas toujours
la même chose ? En un mot , je veux que
mon ami soit préferé. Là- dessus il renvoya
le Boucher au G. V. et le fit accom-
Mouslouh.
pagner par
it
Ce second Chef parla si haut , que le
Gr. V. ne sçachant plus quel parti prendre
, dit qu'une affaire de cette importance
ne dépendoit pas de lui , qu'il alloit
la communiquer au Sultan , et sçavoir sa
volonté : Allez donc , répondit Mouslouh,
mais songez toujours à complaire à Pafrona.
Le G. S. ne fut pas moins surpris , ni
indigné que l'avoit été son Vizir ; cependant
, jugeant bien que dans peu tout
changeroit de face , et qu'on seroit alors
en état de faire payer cherement au Bou
cher et à son protecteur leur impudence ;
il dit à son Ministre qu'il n'y avoit qu'à
les contenter. Ainsi maître Yanaky fut
revêtu du Caftan de Prince de Moldavie
le 2 Novembre et reçût tous les au-
?
tres
་
{
AVRIL. 1731. 903
tres honneurs usitez en pareille occasion
tant à la Porte , qu'à l'Eglise Patriar
chale .
Ce fut un coup de foudre pour la Nation
Grecque l'orgueil humilié , et le désespoir
étoient peints sur tous les visages
pendant la cérémonie , à laquelle il fallut
que le Drogman de la Porte eut la mortification
d'assister. Comme c'est un fort
honnête homme , tout le monde prit
part au juste chagrin qu'il avoit d'être
obligé par le devoir de sa Charge de concourir
, quoi qu'indirectement,à la déposition
de son propre frere , que le Boy
Yanaky alloit relever.
Mais la grandeur de ce Prince-Boucher
passa comme un songe; il ne pût parvenir à
ramasser que 30 Bourses,qu'il donna , et qui
furent perdues,au lieu de près d'un million
dont il avoit besoin , pour satisfaire la Porte
et ses Ministres , ainsi que Patrona qui lui
demandoit 60 Bourses , et les autres Agas
qui en vouloient avoir presque autant. Le
Kasab- Bachi , qui ne lui avoit offert de luimême
son secours , que pour l'engager
dans ce mauvais pas , et l'y laisser , s'éclipsa
subitement , et Patrona même , son
zelé protecteur , en apparence , l'ayant
fait Prince moins par reconnoissance
que pour son interêt particulier , et pour
braver le G. S. en faisant parade de son
Diij -au-
,
904 MERCURE DE FRANCE
autorité , l'abandonna comme l'autre; ensorte
que ce Prince , en idée , au lieu d'être
conduit pompeusement auTrône,fut traî
né honteusement en prison , où nous le
laisserons déplorer sa folie , jusqu'à ce
qu'une plus grande punition l'en tire.
Le même jour , 2 Novembre , l'Ambassadeur
de France étant allé rendre sa
premiere visite à Kafis - Mehemet , noųveau
Capitan- Pacha , pour le complimen
ter sur són Avenement à cette dignité ;
le Janis aire Aga se figura que les Ministres
Etrangers en devoient faire autant à
son égard. Il envoya chercher un Drogman
au Palais de France , et lui demanda
pourquoi son Ambassadeur ne l'étoit pas.
venu voir , comme c'étoit l'usage . Le
Drogman lui répondit , qu'on l'avoit sans
doute mal informé , puisque cela ne s'étoit
jamais pratiqué envers les Janissaires.
Agas , et que sûrement son Ambassadeur
n'établiroit pas cette nouveauté. On conduisit
ensuite le Drogman chez Mouslouh
, qui s'étoit fait de lui-même , comme
on a dit , Kyaya de ce General de
P'Infanterie il dit à ce Drogman' que
puisque l'Ambassadeur de France ne vou
loit pas venir voir con Maître , il devoit
au moins envoyer à lui Kyaya , les présens
usitez. Je ne sç che pas, répondit l'In
terprete , que les Ambassadenrs de Fran-
:
AVRIL. 1731. 905
"
ce en ayent jamais fait aux Agas des Janissaires
, ni à leurs Kyayas ; cependant ,
ajouta- t-il , j'en parlerai à son Excellence.
Je vous en prie , répliqua Mouslouh ;
car après tout , il me semble que le bon
ordre que j'ai fait observer pendant les
troubles , mérite bien quelque récompense.
Le 5. il y eut une grande altercation
entre les Serdingueschtis , et les plus anciens
Officiers et Soldats des Janissaires.
Un de ces premiers prit querelle avec un
Capitaine de cette Milice , et le tua, Ceçte
action irrita si fort les Janissaires, qu'ils
furent en grand nombre s'artrouper à
Orta-Dgiani , Mosquée où les Janissaires
tiennent leurs Assemblées tumultueuses ,
et ils convinrent entr'eux de chasser de
leurs chambres tous les enfans perdus .
Ils en étoient sur cette déliberation
quand Patrona , qui avoit été averti du
tumulte , arriva avec une vingtaine des
siens , et leur ayant demandé , comme
s'il l'avoit ignoré le sujet de leur assemblée
, un Hoda -Bachi , de la 32 Compa
gnie , ou Chef de chambrée , prenant la
parole , lui répondit qu'ils s'étoient assemblez
dans le dessein de n'avoir plus
aucune societé avec ses camarades qui
deshonoroient journellement leur Corps ,
par leurs crimes , et que s'il ne se rangeoit
>
Dij lui
906 MERCURE DE FRANCE
>
>
3
>
lui même à son devoir , on lui feroit un
mauvais parti. Patrona répliqua qu'il ne
les craignoit guéres , que s'ils étoient assez
hardis pour venir l'attaquer lui et ses
gens , qu'ils trouveroient à qui parler , et
qu'il avoit dans Constantinople 12000.
Albanois prêts à se joindre à lui. Quand
tu ferois venir toute l'Albanie à ton secours
répondit courageusement Lodabach
- nous ne l'èn exterminerions pas moins toi et
les tiens . Mon ami , répondit Patrona
vous avez tort de vous emporter contre moi
puisque je ne fais de mal à personne. Il ne
suffit pas,dit alors cet Officier,que tu nefasse
point de mal, il ne te convient pas non plus,
comme tu fais , de te mêler des affaires de
Etat. Il semble à te voirfourrer le nez par
tout , que le Sultan et son Vizir ayent besoin
de tes lumieres pour se conduire. Si tu es Janissaire
, tu dois te comporter en Janissaire ,
et non pas en Ministre , ni le laisser faire
à ton camarade Mouslouh , qui vient tous
les jours à la Porte avec autant de faste et de
fierté que le défunt Kyaya. Mais , interrompit
Patrona , si je ne m'informe pas de
ce qui se passe , il arrivera infailliblement
qu'on remettra en place des infames qui renouvelleront
la tiranie du dernier
gouvernement
; tous les mouvemens que je me donne
n'ont d'autre objet que de procurer le soulagement
du peuple. Ce n'est pas d'un homme tel
C
que
1
1
1
AVRIL. 1731 .
907
que toi , répondirent plusieurs Janissaires ,
que le peuple doit attendre du soulagement ;
notre Empereur est assez juste et assez éclairé
pour gouverner et pour rendre ses sujets beureux
; c'est à lui feul à disposer des emplois
et des Charges en faveur de ceux qu'il croit
les mériter quant à nous , ce que nous
avons à défirer , c'est qu'il régne , et qu'il
vive long- tems , et qu'on nous paye toujours
avec exactitude ; nous n'avons jusqu'à présent
qu'à nous louerde ce côté-là , aussi -bien
que
des liberalitez de S. H. Ce seroit nous
en rendre tout-àfait indignes , si notre Corps
qui est le plus ancien et le plus illustre de l'Etat,
souffroit qu'un Particulier , quel qu'il pût
être , osat s'ingerer de partager l'authorité
fouveraine.
>
Ainsi , continuerent-ils , s'adressant toujours
à Patrona nous te donnons encore
trois jours , pour réduire , on dissiper tes
gens ; si ce terme expiré nous entendons encore
parler de quelques désordres de leur part ,
nous ferons main basse sur eux par tout où
nous les trouverons . Ces dernieres paroles ,
prononcées d'une voix plus forte , finirent
l'Assemblée , et on se sépara.
Quoique Patrona fut un déterminé , et
qu'il ne craignît pas que les Janissaires ,
parmi lesquels il étoit sûr d'avoir encore
un gros parti , missent à exécution leurs
menaces , il ne laissa pourtant pas de com-
DY prendre
908 MERCURE DE FRANCE
prendre par le discours qu'on lui avoit tenu
, que les esprits étoient fort échaufez
contre lui , et qu'il avoit plus d'ennemis
qu'il ne croyoit. Pour s'en mieux éclaircir
, il fut voir Damud- Zadé , ancien Kadelisker
, qui le reçût froidement , et même
avec mépris . Nonobstant cet accueil
peu favorable , il ne se rebuta point , et
faisant tomber la conversation sur tout ce
qui s'étoit passé , il dit à cet Effendi d'un
ton hypocrite , qu'il n'avoit pris les armes
que pour la cause commune , que
Dieu avoit bien voulu se servir de son foible
bras pour tirer le peuple Musulman
de l'oppression du précédent Ministere
et que lui-même Damudzadé , étant un
personage saint et éclairé , et qui pouvoit
Tire jusques dans les replis les plus secrets
de son coeur , il lui étoit aisé de reconnoître
que ses intentions avoient été bon
nes. Cependant , ajoûta -t- il , en soupirant ,
je trouve tous les jours en mon chemin de manvais
esprits , qui donnent des interprétations
criminelles à tout ce que je fais , et qui ne
travaillent qu'à me noircir auprès de mon
Empereur , pour lequel j'ai tant de fois exposé
ma vie. Souffrez , grand Effendi , queje
vous demande votre protection contre eux s'ils
continuent à me calomnier dans l'esprit de Sa:
Hautesse.
Damudzadé , qui est effectivement un
hom
AVRIL. 1731. ୨୦୨
Homme de beaucoup de merite , et surtout
plein de droiture , lui répondit qu'il
ne rougiroit jamais de dire la verité , et
qu'ayant le mensonge en horreur , il pouvoit
s'assurer que quand on lui demande
roit ce qu'il pense sur son compte , il le
diroit sans le moindre déguisement.
Patrona dont la curiosité n'eut pas
trop lieu d'être satisfaite par cette réponse
ambigue , affecta pourtant d'en être fort
content , comme si le Kadilesker ne pou
voit que parler avantageusement de lui ,
il lui baisa la main , se retira , et répandit
en sortant une poignée de Seguins à ses
Domestiques. Damudzade Payant appris,
ordonna que tous ceux qui en avoient
tamassez les jettassent dans la Mer devant
lui , et regardant Patrona comme un scelerat
, dont la seule présence avoit souillé
sa maison , il fit balayer et froter par tout
sur le champ où il avoir mis les pieds.
Le 10 Novembre , le G. S. déposa Kafis-
Mehemet Pacha , de la Charge de Ca
pitan-Pacha , et l'honora en échange d'une
Pelisse de Martre- Zibeline, et du Gouver
nement de Seyde , que son pere avoit eu
autrefois ; mais soir que les Rebelles entrevissent
une partie de ce qu'ils avoient
à craindre de la réputation et de la capacité
de Codgea Dgianon , qu'on
attendoit et auquel ils soupçonnoient
D vj
*
-
qu'on
910 MERCURE DE FRANCE:
qu'on destinoit cette importante Charge
ou soit que Patrona qui la briguoit pour
lui-même , voulut en éloigner un concurrent
si redoutable , ils firent tant de bruit
de la déposition de Kafis -Mehemet , que
la Cour , pour les leurrer , le rétablit dès
le lendemain.
On prétend que ce dernier avoit d'abord
sollicité les Rebelles , afin d'empê
cher qu'on ne le dépouillât de cette dignité
, mais que dans la suite , voyant d'un
côté que Patrona y aspiroit , et que de
l'autre Sa Hautesse faisoit venir Dgiannum-
Codgea pour la lui donner , il demanda
secretement à la Porte sa démission
lui- même , et le Pachalik de Seyde ,
ce qu'il obtint aisément par l'entremise
du nouveau Kam des Tartares , dont son
pere avoit été esclave ; de sorte que quoi-
Kafis-Mehemet revint à l'Arsenal le
lendemain avec tous ses effets , qu'il en
ayoit déja fait enlever la veille , et qu'il
y reçût les complimens de tous les Officiers
de la Marine sur son rétablissement
il n'exerça pourtant plus le Generalat de
la Mer que par intern , et jusqu'au 21
jour que Dgiannum. Codgea en prit posque
session.
Comme il étoit impossible que les affaires
subsistassent encore long- tems dans
la confusion , où la continuation de la Ré-
7
volte
AVRIL. 1731. gif
volte les avoit mises , et qu'il falloit
ou qu'elles bouleversassent totalement
l'Etat , ou qu'elles reprissent leurs cours
ordinaires , la Cour et les Rebelles , chacun
suivant ses differentes vuës , songerent
à appliquer les remedes convenables au
mal.
,
>
Les Chefs de ceux-ci voyant bien que
pour se maintenir dans l'autorité , qu'ils
avoient commencé d'usurper , il leur étoit
essentiel de ne point abandonner le séjour
de Constantinople , et de s'y fixer au contraire
, en partageant entr'eux les principaux
emplois de l'Empire. Ils tinrent un
Conseil le 16 Novembre , et convinrent
qu'il falloit d'abord faire élire Mouslouh ,
Koul - Kyassi
ou Lieutenant General
des Janissaires ; mais prévoyant qu'ils
y trouveroient de grands obstacles , parl'on
ne parvient d'ordinaire à ce
Grade qu'après avoir passé par tous les
autres qui lui sont inferieurs , tellement
que celui qui y arrive est toujours un homme
respectable par son âge et par son experience
, et que Mouslouh n'étant qu'un
homme de rien , de 25 à 30 ans , et simple
Janissaire , n'avoit aucune des qualitez
requises , ils eurent recours à l'argent ,
qui , en Turquie , applanit presque toutes
les difficultez .
ce que
Ils firent distribuer so mille Piastres
aux
912 MERCURE DE FRANCE
>
aux plus anciens et plus accréditez des
Janissaires , et leur firent entendre que
s'ils vouloient favoriser l'Election deMous
Jouh , il leur feroit payer le présent de la
Reine - Mere. Pour l'intelligence de ce fait,
il est nécessaire de dire que cette Princesse
, dans les premiers transports de sa
joye , de voir son fils Mahmout sur le
Trône avoit promis aux Troupes , qui
lui en avoient frayé la route , une récompence
de cinq écus à chaque Soldat , mais
que quelque tems après , les refléxions
lui ayant fait trouver cette promesse in
considerée , elle ne parla plus de l'executer
, soit qu'elle n'eut pas assez de fond
Pour y satisfaire ou que le Kislar-
Aga , qui a beaucoup d'empire sur soir
esprit , l'en détournất , en lui
tant que l'Empereur avoit assez marqué
sa reconnoissance aux Milices par les grandes
liberalitez qu'il leur avoit faites , sans
qu'elle y en ajoûtât de son chef qui n'étoient
point d'usage.
} ›
represen-
Quoiqu'il en soit de ces conseils , ils
penserent causer la perte du Kislar-Aga
Les Janissaires vouloient qu'il fut déposé
et murmuroient hautement contre la Va
lidé , regardant ce qu'elle leur avoir
promis , non comme une grace , mais
comme une dette , dont elle ne pouvoit
se dispenser de s'acquitter ; ainsi , ceux
*
2
AVRIL 1731. 913
aqui les so mille écus des Rebelles furent
partagez , consentirent volontiers à
l'élection de Mouslouh ; ceux qui n'en eurent
rien ne lui en donnerent pas moins
leurs voix , parce que les uns et les autres
esperoient que dès qu'il les auroit fair
payer de ce présent , ils se déferoient de
lui sans peine , et nommeroient à sa place
le plus digne de leurs Officiers.
Les esprits préparez de la sorte , Mouslouh
fut chez le G. V. le 18. lui demander
le Caftan pour la Charge de Koul-
Kyassy. Le Ministre le lui refusa , disant
qu'il n'étoit ni d'un rang , ni d'une ancienneté
à y prétendre , que le Corps des
Janissaires ne le soufriroit jamais , et que
l'Empereur ne pouvoit sans blesser sa dignité
et sa ju tice , instaler dans un poste
si considérable quelqu'un qui ne fut pas
au gré de ce Corps. Ce Rebelle répondit
sans se rebuter , qu'il avoit pourvû à
tout , qu'il lui donnât seulement le Cafetan
, sans s'embarasser du reste. Le G. V.
s'obstinant à le lui refuser , Mouslouh le
quitta fort irrité.
Dès que ses Camarades sçûrent le peu
de succès de sa négociation , ils jurerent
avec lui de se vanger du G. V. et s'en fu
rent comme des forcenez , au nombre d'une
trentaine , chez le Kam des Tartares ,
ils lui déclarerent absolument qu'ils vou
loient
914 MERCURE DE FRANCE
loient que Mouslouh fut Koul- Kyasty , et
lui firent entendre que si leG.V.continuoit
dans ses refus , ce Ministre ne le porteroit
pas loin. Ce Prince vit bien à leur air
qu'ils seroient gens à tenir parole , et qu qu'il
étoit de la prudence de céder au torrent ,
jusqu'à ce qu'on pût lui opposer une Digue.
Il les appaisa de son mieux , leur dit
qu'il alloit de ce pas à la Porte , que ne
doutant point que le G. V. ne se conformât
aux representations qu'il lui feroit
ils pouvoient compter d'avance , qu'il
leur obtiendroit ce qu'ils souhaittoient.
Il courut effectivement chez le G. V.
et après lui avoir exposé en peu de mots
le sujet de sa visite : A quoi pensez - vous ,
lui dit- il , de vous roidir contre ces coquinslà
, ne voyez- vous pas qu'ils travaillent euxmêmes
à leur perte , et que plus ils se rendent
odieux aux Troupes et au et au Peuple .
plus ils vous préparent de facilité à les détruire
: Croiez-moi , ajoûta -t- il , donnez à
Mousloub , non -seulement la Charge qu'il
vous demande , mais une plus éminente encore
, s'il vous en témoigne la moindre envie ;
il n'en jouira pas assez long-tems pour que
votre complaisance en cette occasion vous soit
jamais un motifde repentir.
Le Vizir entra dans ses raisons ; ils passerent
ensemble chez le G. S. et S. H. s'en
rapportant à leurs avis , on envoya chercher
AVRIL. 1731. 915
cher Mouslouh; cet orgüeilleux et insolent
Rebelle , se rendit à la Porte avec une măgnificence
et un Equipage de Pacha à
trois queues,on le revêtit du Cafetan , qui
le faisoit Koul-Kyassy ; après quoi il s'en
retourna triomphant à son Palais , où ses
Confreres et ceux qui le craignoient , vinrent
le feliciter sur les faveurs qu'il avoit
reçûës , poussant la flaterie jusqu'à lui dire
qu'elles étoient encore fort au- dessous de
son mérite.
Ce premier coup frappé , les Rebelles
s'assemblerent le 19 , et remirent sur le
tapis leur ancien projet , de faire Patrona
Capitan - Pacha , Mouslouh Janissaire-
Aga , et le Janissaire- Aga Grand-Vizir :
moyennant cela , dirent-ils , nous serons
entierement les maîtres, et ils raisonnoient
fort juste , car ils avoient dans leur Cabale
plusieursGens deLoy d'un grand pouvoir :
entr'autres , le Zulali-Kadé Kadilesker
d'Asie , et Abdollah- Effendi , Lieutenant
General de Police , dont on a parlé. Quant
au G. S. ajoûterent- ils , nous en ferons ce
que nous voudrons , parce qu'étant sans
experience, il nous redoutera , et que d'ailleurs
il nous doit tout , puisque sans nous .
il auroit peut-être gémi toute sa vie en
prison.
,
Cependant , soit qu'ils crussent devoir
penser plus d'une fois à l'éxecution de ce
plan ,
915 MERCURE DE FRANCE
plan , ou qu'ils eussent d'autres raisons
pour la retarder de quelques jours , ils tinrent
fort secret le Résultat de cette derniere
Conférence; mais la Cour , qui comme
nous l'avons die , travailloit à secouer e
le joug honteux que sembloit lui vouloir
imposer cette Ligue de traîtres , se détermina
tout- à- fait à s'en vanger promptėment
, et d'une maniere éclatante.
Le Kan des Tartares , sur- tout , fut celui
qui poussa le plus à la roue. Il avoit
été outré en plusieurs rencontres , de ce
que Patrona et ses pareils , qui n'avoient
aucune teinture des affaires , avoient vou-
·lu que leurs avis extravagans prévalussent
aux siens ; Dgiannum Codgea arriva dans
le même-tems à Constantinople , et aussi
zanimé contre eux que le Kam , il excita
de nouveau l'Empereur à les exterminer.
S. H. lui avoüia ingénument qu'elle appréhendoit
qu'ils ne fussent soutenus par
les Troupes , si l'on en venoit à cette extrémité
, et que ce qui l'avoit obligé à
temporiser , c'étoit la crainte de voir
Constantinople replongé dans de plus
grands désordres .
Dgiannum- Codgea , sans trop s'attacher
aux termes , dit alors au Sultan , avec une
liberté genereuse : Seigneur , dès que tu te
seras défait des principaux Chefs , personne
me branlera , outre qu'une action de vigueur
est
(
4.
AVRIL. 1731. 917
est nécessaire pour t'affermir sur le Trône , elle
sera agréable à ton. Peuple , qui ne supporte
qu'avec une peine extrême les violences où il
est journellement exposé. De plus , cela te
mettra en honneur chez toutes les Nations
qui ont les yeux fixez sur toi , dans le commencement
de ton Régne ; au lieu qu'elles
n'auront aucune considération pour ta personne
, si tu ne montres assez de force pour bri
ser les entraves où quelques séditieux osent
retenir ton autorité. Ces paroles du General
de la Mer , prononcées avec feu , pénétrerent
S. H. et lui firent juret de se prêter
et de concourir à ce que luf et le Kam
des Tartares jugeroient nécessaire pour exterminer
ces audacieux ennemis domestiques
, perturbateurs du repos public.
Le 22. Dgiannum- Codgca , que le G. S.
avoit déclaré la veille Capitan Pacha
vint à l'Arsenal , où il reçûr les complimens
des Officiers des Vaisseaux , et des
Beys des Galeres , mais on ne lui tira point
' de Canon , parce qu'il deffendit qu'on lui
rendit ces honneurs.
Le 23. Patrona convoqua un Conseil
extraordinaire à la Porte , auquel le G. S.
" admit le Kam des Tartares , le Mufty , et
generalement tous les Gens de Loy et les
Officiers des Milices. Patrona y vint toujours
en simple Janissaire , les jambes
nuës , et avec environ 40 Serdenguetchis
OLL
918 MERCURE DE FRANCE
ou enfans perdus , et Mouslouh vêtu superbement
, avec le cortege attaché à son
nouveau rang de Koul - Kyassy.
du
›
›
que
Patrona ouvrit le premier l'assemblée ,
et s'adressant au Kam , lui dit : J'ai convoqué
ce conseil , pour un pressant besoin
de l'Empire je sçai que nos affaires en
Perse vont toujours plus mal Parce que
les Moscovites donnent de continuels fecours
aux Persans , ainsi mon avis est › qu'on
leur déclare la guerre , et que pour tirer vens
geance sang Musulman qu'ils sont cause
qu'on a répandu , on envoye incessament
une grande armée contre eux tandis Les
Tartares entrant d'un autre côté dans le pays
de ces Infidelles , le ravageront et en emmeneront
tous les habitans en esclavage 3 je pense
pareillement , qu'il est d'une nécessité absoluë
de réprimer les malversations des Pachas
des Frontieres , qui , bien loin d'avoir
soin des Troupes , et de regarder les Janissaires
comme leurs enfans , et le plus ferme
appuy de cette Monarchie les maltraitent
et retiennent leurpaye pour l'appliquer à leur
propre usage, ou en gratifier leurs Créatures :
il tint encore beaucoup d'autres discours de
la même nature , et sans égard pour les per
fonnes qui assistoient à ce Conseil.
J
Tout le monde gardant un morne
silence , déploroit en secret de voir la
conduite de l'Etat tombée , en de si
<
1
AVRIL. 1731. 919
si mauvaises mains ; et il revenoit toujours
à sa premiere idée de porter le fer
et le feu chez les Moscovites , proposant
même d'en faire arrêter les deux
Résidens *.
و
→
Le Kam des Tartares , fatigué d'entendre
tant d'impertinences , que personne
n'osoit relever : Mais vous , lui dit ce
Prince , qui parlez tant de guerre , sçavez
vous ce que c'est ? pour quelle raison voulez
vous que Sa Hautesse la déclare aux
Moscovites ? Ignorez- vous quelle est en paix
avec eux et que sans de justes motifs elle ne
sçauroit la rompre. Il faut , poursuivit-il
avant que de se résoudre à rien , être bien sûr
des nouvelles que vous nous débitez sans preuves,
après quoi on verrapar de mures déliberations
ce qui sera le plus utile,et le plus honorable
à l'Empire de la guerre ou de la paix et ce
sont là des choses qui ne se décident pas à la
legere , ni sur le champ comme vous venez de
le demanders d'ailleurs dites-moi parquel endroit
penetrerez vous en Moscovie ? Par quel
endroit ! interrompt Patrona plaisante
question ! par les endroits où nous y pénétrions
autrefois , vous d'un côté et nous de l'autre :
Doucement, répondit le Kam : autrefois nous
allions par la Pologne , parce que nous étions
→
* Il y en a deux à Constantinople , depuis environ
un an , M. Neplieuf, et M. Visnacoff , venu
pour relever ce premier.
en
20 MERCURE DE FRANCE
enguerre avec les Polonois , mais aujourd'hui
qu'ils sont de nos amis , est- il juste d'aller
porter la désolation chez des peuples dons
nous n'avons aucun sujet de nous plaindre
Sçavez- vous que conduire 100. mille Tar
tares dans un pays , c'est le perdre entierement
, et que par tout où ilsfoulent l'herbe , il
n'y croit rien de sept années : Tant mieux
dit Patrona , c'est de cette façon que j'aime
àfaire laguerre. Je ne demanderois pas mieux
ni mes sujets , reprit ce Prince, car outre que
la guerre est notre véritable élement , elle est
la source de toutes nos richesses ; et dès
que
cette source taritpar la paix , renfermés dans
la Krimée , steriles et sans commerce , nous
retombons dans l'indigence ; mais nous sçavons
la supporter , et sacrifier à la droiture
nos interêtsparticuliers : ilfaut refléchir avant
que de prendre les armes , afin de n'avoirpas
lieu de s'en repentir en les quittant , et ce ne
sont pas de ces petites affaires qui se termi→
ment en une ou deux assemblées .
Je trouve que celle - ci est bien nombreuse
répliqua Patrona ; je n'atendois pas que tant
de gens y assistassent ; j'avois compté au
Contraire que le Conseil ne seroit composé que
de vous , de Monsloub , du Janissaire Aga ,
du Grand Vizir , de quelques autres personnes
et de moi ; et à l'avenir il faudra , s'il
vous plaît,que cela soit ainsi , autrement plus
de secret , et les Infideles seront bientôt instruits
AVRIL: 1731. 921
et de toutes nos
truits de tous nos discours
démarches.
Quand il s'agit d'entreprendre la guerre ,
ou de continuer la paix , répondit le Roi
des Tartares , c'est une maxime fagement.
établie , que de faire degrandes assemblées .
pour y mieux débattre des matieres si gra
ves , et d'y appeller sur tout les Gens de loi ;
parce qu'étant plus éclairez que les autres , es
les dépositaires de la justice , les résolutions
qu'on prend par leurs avis , sont plus équitables
, et le succès qui les suit plus heureux ;
au lieu que quand on les exclut des Conseils ,
et qu'onfait rouler tous les interêts de l'Empi
re sur trois ou quatre têtes seulement , il arrive
d'ordinaire ce que vous venez de voir
sous le regne d' Ibrahim Pacha , qui pourn'avoir
voulu se conduire que par ses foibles lu
mieres et celles de ces deux gendres, a mis l' Etat
à deux doigts de sa pertes aussi pour les
punir de leur trop grande présomption , Dien
a t'il permis , que ces trois Ministres , après
avoir souffert une mort ignominieuse , n'ayent
trouvé d'autres sépultures que les entrailles des
Chiens , dont leurs cadavres ont été la
proye.
Il est étonnant , continua ce Prince
qu'un exemple si récent et si terrible , ne vous
corrige pas de la manie que vous avez de tout
regler, et de toutfaire par vous-même , mais si
sela continue , je vous déclare dés- à - present
queje supplierai Sa Hautesse de me renvoyer
922 MERCURE DE FRANCE
à Brousse pour y vivre en repos , dans la
folitude , et n'être plus témoin des attentats
qui se commettent ici impunément tous les
jours contre son honneur et le bien de son
service.
D
.
On voit par ce qui vient d'être rappor
té , qu'il n'y eut que le Kam et Patrona ,
qui parlerent dans ce Conseil , et qu'on
n'y conclut rien . Le premier se retira
bien résolu de redoubler ses instances auprès
du Grand Seigneur , pour hâter la
destruction des Rébelles ; tous les autres
assistans se retirerent le coeur ulceré
contre eux. Ceux- ci s'en furent chez le Janissaire
Aga , où ils s'applaudirent de
tout ce qui venoit de se passer , et prirent
de nouvelles mesures pour mettre
la derniere main à leur grand oeuvre ,
qui étoit , comme nous l'avons déja dit ,
de s'emparer des premieres Charges du
Gouvernement.
Patrona fut le lendemain 24 à l'Arsenal
de la Marine , rendre une visite de
politique , à Dgiannum-Codgea , pour lui
faire compliment sur sa nouvelle dignité,
qu'il comptoit de lui ravir bientôt , ne se
doutant pas que la foudre fut si prête d'é
clater sur sa tête . Le Capitan Pacha , aussi
fin et plus prudent que lui , le reçut
avec des honneurs extraordinaires , et lui
fat l'accueil du monde le plus gracieux ;
ik
AVRIL. 1731. 923'
3
Hs s'entretinrent ensemble avec toutes les
démonstrations d'une estime et d'une ami
tié réciproque , et lorsque Patrona l'eut
quitté pour s'embarquer dans un Bateau
à trois paires de Rames seulement accompagné
de deux autres , où se mirent
six personnes qui composoient toute sa
suite ; la foule fut si grande qu'il fut
comme porté jusqu'à l'Echelle , d'où il
jetta encore , ainsi qu'il avoit fait en sortant
, des poignées de Sequins au peuple :
en remarqua qu'il étoit chaussé ce jour -là,
contre son ordinaire , et que sa chaussu
re consistoit en un demi bas qui s'agraffe
sur le gras de la jambe , comme en portent
les Officiers de Mer.
•
Ce même jour qui étoit un vendredi ,
le Grand Seigneur vint faire sa priere du
midi , à la Mosquée de Topana de
l'autre côté du Port ; de- là Sa Hautesse fut
visiter la Fonderie de l'Arsenal où l'on
fabrique les Canons ,, dont on avoit
fait une décharge . générale à son débarquement
; ensuite prenant par les der
rieres de Pera , elle monta avec un grand
cortége au Serrail des Itchoglans , où elle
dîna. On avoit compté que le Sultan traverseroit
le Fauxbourg,à son retour, mais
des flateurs courtisans , et de faux dévots
en détournerent Sa Hautesse
représentant d'un air empressé , quand
elle E
>
>
cn lui
924 MERCURE
DE FRANCE
elle voulut se remettre en marche , que
ces ruës n'étoient habitées que par des
Infideles , et que leurs regards pourroient
lui être d'un sinistre présage. Cet avis
supersticieux lui ayant fait changer de
sentiment , elle reprit la même route par
où elle étoit venue , aprés avoir donné
75. mille livres aux jeunes gens de ce
Serrail qu'on y éleve pour son service , et
dont elle emmena quelques uns avec elle
des mieux faits et des plus capables.
Pendant que l'Empereur se promenoit
ainsi avec la plus grande partie de sa
Cout , et qu'il ne paroissoit pas qu'on
songeat qu'il y cut des Rébelles à Constantinople
, le Kam des Tartares , le G.
V. le Mufty , Dgianum-Codgca , et quelassemblez
secret- ques autres Ministres ,
tement au Serrail prononçoient leur
Sentence de mort. Ils travaillerent jusà
trouver ques bien avant dans la nuit ,
les moyens de l'executer , car ils furent
long- temps embarrassez sur le choix des
Acteurs de cette Tragedie.
›
}
Le Capitan - Pacha avoit d'abord proposé
d'en charger ses Leventis , mais on
fit réflexion que la plupart des Révoltez
étoient Janissaires , et que ce seroit jete
ter une semence de haine implacable entre
ces deux corps , qui ne finiroit peutêtre
que par l'extinction de l'un ou de
l'autre
AVRIL 1731. 985
T'autre ; enfin après s'être tournez de tous
les côtez , ils convinrent qu'il falloit don
ner cette expedition à faire aux Bostangis
, et autres domestiques du Serrail
parce que ,étant particulierement attachez
à la personne du G. S. les Janissaires ne
pourroient pas se formaliser de leur obéissance,
aux ordres deS.H.d'autant plus qu'il
y a plusieurs exemples que les Bostangis
ont été commis à de pareilles executions.
Le 25 au matin , tout étant préparé
le G. V. envoya inviter Patrona , Mouslouh
, et le Janissaire Aga , de venir au
Serrail , pour y rendre compte au Sultan
, de la conference qui avoit été tenue
le 23. et pour prendre des arrangemens
avec eux , tant sur les affaires de Perse
que sur toutes les autres qui regardoient
l'Empire. Ils s'y rendirent sur les onze
heures avec 26. personnes seulement , qui
resterent dans la premiere cour . Pour
eux ils furent introduits dans l'interieur
de ce Palais , à la Chambre nomméc
Sunnet- Odassi , où ils trouverent le Kam
des Tartares , le Mufty , le G. V. Dgianum
- Codgca , les deux Kadileskers en e
xercice , l'Istamboul-Effendi, et grand nombre
de Gens de Loy, tous assis sur le Sopha ,
chacun selon son rang ; ils s'y mirent aus,
C'est la Chambre où l'on fait la cérémonie de
la Circoncision des Princes Ottomans.
E ij si
916 MERCURE DE FRANCE
si selon le leur , et quoiqu'il y eut
dans la même Chambre ↑
beaucoup
d'Officiers, Dasseskis , et de Bostangis , qui
se tenoient de bout , ils ne soupçonerent
rien de la catastrophe qui leur de
voit arriver , parce que n'étant pas permis
à ceux qui entrent dans le Conseil de
faire entrer leurs gens dans cet endroit ,
ce sont toûjours des domestiques du G.
S. qui les servent en ce dont ils peu
vent avoir besoin ; de sorte que par la
grande quantité de Maîtres qu'il y avoit
alors , celle des Officiers et des domestiques
de S. H. ne devoit point paroître
extraordinaire aux Rébelles.
9
Tout le monde étant donc en ordre , le
G. V. prit la parole , et la portant d'abord
à Patrona , S. H. lui dit- il , vous
fait Bieylierbey de Romele , et vous donne
le Commandement de 30. mille hommes ,pour
aller joindre Achmet , Pacha de Babilone ,
avec lequel vous agirez de concert contre les
Persans.
1 Il s'adressa ensuite à Mouslouh et au Janissaire
Aga; il dit au premier,que l'Empereur
lui donnoit la qualité de Bieylierbey
de Natolie , avec un Commandement de
Troupes aussi , et au second qu'on le faisoit
Pacha à trois queues . Quant à vous ,
ajoûta- t'il ,se tournant vers Zulali - Zadé
Kadilisker- d'Asie , et vers Abdollach - Ef
fendį .
AVRIL. 1731. 927
-
fendi, Lieutenant General de Police , le G.
vous fait présent d'une queue à chacun .
A peine ce Ministre eut-il proferé ces
derniers mots , que Mustapha-Aga , dont
nous parlerons dans la suite cria , qu'on
extermine tous ces ennemis de l'Empereur et.
de l'Empire : aussi- tôt plus de trente personnes
se jettant le sabre à la main sur
Patrona , Mouslouh , et le Janissaire
Aga , les tuerent avant qu'ils eussent le
tems de se reconnoître.
On raconte ce massacre de differentes
manieres ; il y en a qui prétendent que
ces trois Rébelles se voyant perdus , vendirent
cher leurs vies , en blessant à mort
plusieurs Bostangis , et que Dgianum ,
Codgea fut le premier qui porta un coup
au Janissaire Aga , lequel se mettoit en
devoir de le tuer; d'autres rapportent qu'il
ne fit seulement que lui saisir les mains ,
et cela est assez vrai - semblable ; on dir
les Leventis furent enployez
dans cette affaire ; il est vrai que le Capitan
- Pacha , en avoit amené beaucoup
avec lui , mais ils resterent dans la premiere
Cour , et ne penetrerent point plus
encore que
avant.
Il y a peut être lieu de s'étonner que Patrona
, rusé et prévoyant comme il étoit,
se fut exposé à entrer dans le Serrail' sans
armes et sans suite , d'autant plus que les
E iij autres
928 MERCURE DE FRANCE
autres fois qu'il y étoit allé , il avoit toû
jours porté son sabre et ses pistolets , er
s'étoit fait accompagner par beaucoup de
ses camarades ; mais on répond à cela que
le G. V. pour le faire mieux tomber
dans le piége , lui avoit fait dire en
particulier , qu'ayant cette fois ci des matieres
à traiter de la derniere importance ,
et que reconnoissant qu'il avoit en raison
de se plaindre dans le dernier Conseil que
F'assemblée étoit trop nombreuse , il le
prioit de ne mener que peu de monde avec
Jui , afin que les secrets de l'Etat ne fussent
pas divulguez aux Infideles ; si bien
que Patrona , flatté de ce que ce Ministre
donnoit dans son sens , se livra avec tant
de confiance, qu'il fit même rester ses gens.
dans la premiere cour , et qu'il n'avoit
d'autre armes qu'un espece de Couperet ,
caché sous sa Pelisse , encore ne lui servitil
de rien , car ayant voulu le prendre ,
quand il vit qu'on venoit sur lui , Mustapha
Aga le prévint et lui abatit un bras
d'un coup
de Sabre.
و
A l'égard de Mouslouh qu'il avoit
aussi engagé à venir comme lui sans atmes
, il s'enveloppa dans ses Pelisses magnifiques
, et se laissa tuer sans faire le
moindre mouvement.
Quoiqu'il en soit de toutes ces cir
constances , dès que ces séditieux furent
J morts
AVRIL. 1731. 929
s
morts , on jetta leurs cadavres dans la
troisiéme cour , où est la chambre de Sunnet
- Odassi et l'on fut chercher les
26. enfans perdus , qui étoient demeurez
dans la premiere . On leur dit avec
politesse , que le G. V. qui venoit de donner
des Pelisses à leurs Chefs , les demandoit
pour leur donner aussi à chacun un
Caftan ; mais on ne les fit entrer que trois
ou quatre à la fois , à diverses reprises
sous prétexte de faire cette cérémonie
avec plus de décence , mais à mesure que
ces miserables étoient passez dans la seconde
cour , on les assomoit. Cependant au
bout d'une demie heure , quelques uns de
ceux qui restoient encore , ne voyant revenir
aucun de leurs camarades eurent
quelque soupçon de ce qui se passoit , et
voulurent se sauver , mais trouvant toutes
les portes fermées , ils furent investis
et tuez comme les autres .
,
Le bruit s'étant répandu par la Ville ,
que les Chefs des Rebelles étoient depuis
long- tems au Serrail, dont on avoit fermé
les Portes ; cela réveilla quelques- uns de
leur partisans qui y vinrent avec précipitation
, mais les Portes ayant été ouvertes ,
ces Agas , qui faisoient tant les braves , ne
virent pas plutôt des Chariots chargez de
corps massacrez , que saisis d'épouvante ,
Eij
›
ils
930 MERCURE DE FRANCE.
ils s'en furent , et abandonnerent même
leurs Chevaux.
Tous ces cadavres furent étalez dans
la rue ; il s'y amassa
>
ruë il s'y amassa un peuple innombrable
, pour les considerer , surtout
celui de Patrona , que chacun voulut voir
préferablement
aux autres ; ils ne furent
pourtant exposez que deux heures , après
quoi on fut les jetter dans la Mer , de
crainte qu'un spectacle si effrayant n'eut
des suites dangereuses , et que les Rébelles
, qu'on sçavoit être en grandnombre ,
se sentant aussi coupables que ceux dont
ils voyoient les tristes restes n'excitassent
un second soulevement populaire
dans l'esperance d'éviter un pareil sort
à la faveur des nouveaux désordres
en effet il y en eut plusieurs qui furent
au Bezestin pour en faire fermer les boutiques
, mais ils n'y purent jamais parvenir
, le G. S. ayant pris le devant par un
Katcherif adressé au Bt zestin Kyassi ,.
( c'est à peu près comme le Prevôt des
Marchands , ) qui menaçoit de mort
quiconque fermeroit ou souffriroit que
Fon fermât les boutiques pour quelque
cause que ce fut.
>
On vient de voir que les dons imaginaires
. que le G. V. avoit faits de la part du
Sultan , à Patrona , à Mouslouk`, et au
Janissaire Aga , avoient été le signal de
leus
AVRIL 17313 931
perte , mais comme tout le monde ne
comprendra pas , que ce ministre en disant
ensuite à Zulali - Kadé , et Abdollah-
Effendi , que Sa Hautesse leur faisoit présent
d'une queue , leur anfonçoit aussi la
mort ; il ne sera pas hors de propos
d'expliquer
cette espece d'Enygme..
Les Effendi , ou Gens de Loy , sont en
si grande vénération dans cet Empire
sur tout par rapport à leur sçavoir, que les
Empereurs les ayans toûjours honorez jus
qu'à la superstition , il y a très - peu d'exemples
qu'ils en ayent fait mourir. Ainsi
quoique ceux dont il s'agit ici , pour
avoir été les Arcsboutans de la Révolte ,
méritassent le dernier supplice ; S. H. qui
ne voulut point violer leur caractere ,
fut obligée de les en dépouiller , afin d'àvoir
la liberté de satisfaire à sa justice ,
et ce fut en leur donnant cette queue que
se fit leur dégradation , parce que ce signe
d'honneur , qui est incompatible avec
l'état d'homme de Loy , les faisants passer
dans celui d'homme de guerre , auquel
il est particulierement affecté , le
Sultan n'étoit plus arrêté par aucun scrupule
, et pouvoit disposer à son gré de
leur vie , dés le moment qu'ils avoient
cessé d'être Effendi ..
Il sembleroit par cette raison , que
S. H. auroit donc dû les faire périr sur le
Ev champ
32 MERCURE DE FRANCE
champ comme les autres , mais un reste
de menagement pour leur dignité , et la
présence de leurs confreres l'engagea à les
faire executer ailleurs .
Dès que le G. V. leur eut donné la funeste
marque de distinction , dont on
vient de parler , on les conduisît à la pri
son du Bostangis- Bachi ; ils y trouverent
beaucoup de personnes de l'ancien ministere
, que Patrona et Mouslouh y avoient
fait mettre , et Abdoullah- Effendi , que
les approches de la mort ne rendoient
pas plus sage , appercevant parmi ces pri
sonniers le Vaivode de Galata , qui après
avoir été long-temps caché avoit enfin
été pris , lui dit , Vous l'avez tous échapez
belle , car nous étions bien résolus de
vous envoyer en l'autre monde ; heureusementpour
vous on nous a prévenus. Le vieux.
Vaivode piqué , lui répondit d'un air gra
ve ,
.
et colere tout ensemble ; je me sousie
si peu de la vie , que je mourrois satisfait
, si je pouvois auparavant avoir le plai..
sir de teindre ma barbe blanche de ton
sang. Leur conversation n'en seroit pas
demeurée là , mais des Officiers vinrent
l'interrompre pour conduire ces deux
Effendi degradés sur une Galere qui
étoit à la pointe du Serrail , et de laquelle
, après les avoir étranglez , on les
jetta dans la Mer.
La
AVRIL. 1731% 933
La nouvelle de toutes ces exécutions
templit d'une joye universelle tout Constantinople
et ses Fauxbourgs ; la plûpart
des Turcs égorgerent des Moutons en sacrifice
, de leur propre mouvement , et
devancerent les ordres du G. S. qui fit
publier que tout le monde rendit grace à
Dieu , de ce que par sa misericorde , l'Etat
étoit enfin délivré des traîtres et perfides
Chefs de la rébellion .
S. H. commanda en même- tems qu'on
eut à dénoncer et à saisir tous ceux qu'on
reconnoîtroit avoir été de leurs compli
ces , pour leur faire souffrir les mêmes
châtimens ; de sorte qu'en trois ou quatre
jours il périt par differens genres de
mort , la plupart dans le silence de la nuit,
près de 6000 de ces malheureux . Ils ne
sçavoient où fuir , ni à qui se confier ; on
les trouvoit on les arrêtoit , on les
déceloit par tout.
›
Il y en eut pourtant sept des plus criminels
, qui se sauverent chez le Kam des
Tartares ; ce Prince les garantit de la main
des bourreaux , moins par un effet de sa
compassion , dont ils étoient indignes.
que pour conserver à son Palais le droit
qu'il a d'azile inviolable ; mais il prit la
précaution de faire poser des Gardes à
toutes ses portes , afin qu'à l'avenir son
équité ne fut plus compromise en réfus
Evj giant
934 MERCURE DE FRANCE
giant chez lui de pareils scelerats .
Sultan Mahmout , encore plus attentif´
à récompenser qu'à punir , donna le même
jour la dignité de Janissaire- Aga , à
Mussin- Oglou - Abdullah , Pacha de Nisse,
qu'on avoit fait venir depuis peu , et dont
on se servit utilement dans ces conjonctures.
S. H. le fit outre celá Vizir à tros
queues. Il est vrai que la Charge de Ja- ·
nissaire Aga donne bien ce rang par ellemême,
mais quand on en est honoré indépendamment
de la Charge , celui qui´là .
pos ede en a plus de relief et d'autorité
et c'est par cette raison , que sous le précédent
Ministere , on n'a jamais fait de
Jani saires Agas , que des Pachas à deux
queues , afin qu'ils n'eussent pas tant dė
crédit. Dgannum Codgea , qui venoit
d'être fait Capitan Pacha , n'avoit aussi
qquuee deux queues ; mais le G. S. satisfait
de ses bons conseils et de son courage , lui :
en donna une troi iéme.
Mustapha Aga , dont nous avons promis
de parler , reçût pareillement des
marques dé la bien -veillance du G. S. On
le connoissoit autrefois sous le nom dè
Pehlivan , qui veut dire le Lutteur , parce
qu'en effet son adresse et sa force à là
lutte , et dans tous les autres exercices du
corps , jetterent les premiers fondements .
de sa fortune. Il avoit été dès son bass
âgé
AVRIL 17317 935
་
age créature du Kan des Tartares , à présent
régnant , qui le fit ensuite Officier
dans les Janissaires , et il se trouvoit Capitaine
de la 17 Compagnie , lorsque la ré
volte éclata. Pelivan s'enfuit: aussi tôt à
Brousse , auprès de son ancien Maître ' ,
pour n'être point impliqué dans tous les
forfaits qui s'alloient commettre ; puis
étant revenu à la Cour avec le Kam , ce
Prince le présenta au G. S. comme un su
jet fidele , et d'une valeur éprouvée : ce
*fut lui , comme nous l'avons dit , qui fut
chargé d'annoncer l'ordre du massacre
des Rebelles , et qui le commença le pre
mier , en coupant un bras à Patrona. S.
H. voulant donc reconnoître ce service ,
ket se souvenant aussi des rapports avantageux
que le Kam lui en avoit fait , le nomma
Lieutenant General des Janissaires , à
la place de Mouslouh. Sa modestie lui fit
d'abord refuser cette faveur; il representa
qu'il n'étoit pas assez ancien dans son
Corps , qu'il n'avoit pas assez de méri
te pour remplir une Charge si distinguée,
et que cela pourroit lui attirer l'envie et :
la haine des autres Officiers , qui en étoient :
plus digne que lui ; mais le G. S: passant
pat- dessus toutes ces considérations , lui
commanda d'obéir , ce qu'il fit en rendant
mille graces à S. H.
8
Le lendemain 26 Novembre , l'Empe →
reur
936 MERCURE DE FRANCE
reur envoya des Katcherifs à tous les
Chefs des differentes Milices , pour leur
faire part de ses heureux succès , et leur
enjoindre de faire observer une exacte discipline
à leurs Soldats ces commandemens
furent accompagnez de sommes considerables
, dont S. H. voulut qu'on fe
distribution dans chaque Corps . Elle envoya
so mille écus aux Janissaires , 60
mille livres aux Tobgdgis , et 75 mille
aux Gbedgis. Les Troupes , charmées des
génerositez de leur Souverain , firent des
prieres pour sa conservation et sa prospérité
, et durant toute cette journée , Constantinople
fut dans l'allegresse , excepté
les Rebelles , dont on prit un grand nombre
, qui ne survêcurent que peu d'heures
à leur emprisonnement .
Le miserable Yanuki eut aussi la tête
coupée , pour le punir de la témerité qu'il
avoit euë , de vouloir devenir Prince de
Moldavie malgré le G. S. Ainsi l'espece
de prédiction de Patrona , quand il demanda
à ce Boucher s'il ne se soucioit pas.
de vivre plus long-tems que lui , s'accomplit
presqu'à la lettre , puisqu'ils moururent
à un jour l'un de l'autre.
Le 27. les principaux Ministres , et les
premiers Officiers des Troupes , donnerent
toute leur application à redoubler
leurs recherches et leurs poursuites contre
le
*
AVRIL 1731.
937
"
Te reste des Rebelles , surtout pour empê
cher les incendies , car Patrona avoit déclaré
plusieurs fois , que si jamais on attentoit
à ses jours , il feroit mettre le feu
aux quatre coins de Constantinople , et
pour y mieux parvenir , il avoit placé
dans tous les Bains , des gens qui lui étoient
dévoüez entierement. Effectivement , la
plupart des gens qui les servent sont Albanois
, comme il l'étoit or il y a
une grande quantité de cette Nation parmi
la populace , et l'on remarquoit en eux
un certain air d'arrogance et de révolté ;
jusques- là , que ceux qui tiroient d'eux.
quelques services , étoient obligés de les.
payer au double , encore les menaçoientils
de Patrona , dont la prosperité rapide
et brillante , les avoit si fort éblouis , qu'ils
croyoient tous faire fortune par son cainal
; mais depuis sa mort , ces rustres glo
ricux sont devenus si humbles , et si craintifs
, qu'on n'en voit presque plus paroî
tre dans les rues . Le G. V. en a beaucoup
fait pendre , et pour des fautes les plus légeres
, on leur donne de cruelles bastonades
, afin qu'ils n'oublient pas si - tôt l'auteur
de leurs biens chimeriques , er de
leurs maux réels .
Le 28 Novembre , jour auquel nous finirons
cette Relation et auquel
ent aussi fini les suites de la Révolté
,
сем
9
938 MERCURE DE FRANCE
commencée à pareil jour du mois de Sep
tembre précédent , toutes les personnes
de l'ancien Ministere qui étoient encore
en prison , furent élargies , moyennant
des taxes modiques , et le G. S. fermant
l'oreille à la séverité , pour n'écouter plus
que la clémence , accorda une amnistie
generale à tous ceux qu'on pouvoit encore
accuser d'avoir eu part et d'avoir contribué
aux troubles de l'Erat; avec cette modifica--
tion pourtant , que ceux qui seroient reconnus
pour avoir été du nombre des premiers
conjurez , et qui auroient persisté?
dans la rébellion jusqu'à la fin , n'auroient
que la vie sauve , et subiroient l'éxil qu'on
leur prescriroit.
HISTORIQUE ;
exacte et détaillée de la derniere Révolution
arrivée à
Contantinople ; écrite d'abord
en Turc par un Effendi , avec plusieurs
circonstances de cet Evenement , tirées
d'autres Memoires.
L
A décadence des affaires enPerse ,
faute par le Grand Vizir Ibrahim-
Pacha , d'y avoir fait passer
des secours tels que les conjonctures le demandoient
, et l'oppression dans laquelle
le peuple gémissoit depuis long-temps par
les vexations des Ministres , ou de ceux
qui les exerçoient sous leur autorité et
par
l'établissement de plusieurs Impôts
jusqu'alors inconnus en Turquie , sont
A lcs
830 MERCURE DE FRANCE .
les deux causes principales de la Révotion
arrivée le 28. Septembre 1730.
Ce jour qui répond à l'année de l'Egire
1143. le 13. de la Lune de Rebiul Euvel,
un Jeudi à 9. heures du matin , Patrona-
Kalil, (a ) de Nation Albanoise, et quelques
autres gens sans aveu et de la lie du peuple
de Constantinople , comme Mouslouh
Emir- Ali , &c. produisirent ce grand
Evenement , qui par ses circonstances
mérite d'être transmis jusqu'aux siecles
les plus reculez ; il peut servir d'exemple
aux personnes revêtues d'éminens Emplois
, pour leur apprendre que quelques
élevez qu'ils soient , ils ne doivent jamais
perdre de vûë le vil état d'où on les a
tirez , (b) et que le dépôt du Gouvernement
de l'Empire leur étant confié , ils
doivent se comporter d'une maniere à s'attirer
l'approbation generale , comme s'ils
étoient toûjours environnez de vengeurs
de leur mauvaise administration , tels que
Patrona et ses Adhérans , qui tout inca-
(a) Il avoit été autrefois Leventy , c'est- à- dire
Soldat de Marine , et avoit servi sur le Vaisseau
la Patrone , d'où lui est venu le sobriquet de
Patrona. Depuis quelque temps il étoit Jannissaire
, ainsi que Mousloub et Emir- Ali.
(b) L'auteur fait cette refléxion , sur ce que n'y
ayant presque point de Noblesse en Turquie , ce
sont communément des gens de rien qui parvien
nent aux plus grands Emplois.
pables
AVRIL. 1731 . 831
pables qu'ils paroissoient d'une haute
entreprise , ont pourtant forcé le Sultan
Achmet III . d'abandonner le Trône de
ses Ancêtres.
Patrona-Kalil avoit merité plusieurs
fois la mort par ses actions de scelerat.
Il étoit âgé de 40. à 45. ans , de moyenne
taille , dégagée et bien prise , la mine
haute et fiere , portant moustache noire.
Mouslouh , et Emir- Ali , ne valoient pas
mieux que lui ; cependant ces hommes
si méprisables en apparence , tramant
depuis long-temps les moyens d'exciter
le peuple à la révolte , enfin parvinrent à
l'execution de leur dessein execrable . (a)
Voici comme ils s'y prirent.
Ils s'attrouperent d'abord en petit nombre
près d'une Fontaine dans la grande
Place qui est devant la Mosquée de Sultan
Bajazer ; là ils convinrent entr'eux de
se diviser en trois troupes , dont l'une iroit
au Bezestin , qu'elle traverseroit ; l'autre
sortiroit par la Porte de Bacché- Capi ; (b)
la troisiéme par la ruë de Divan Joleu, (c)
(a) Il paroît par cette expression et plusieurs
autres qu'on trouvera dans la suite , que l'Auteur
Turc n'approuve pas la Révolte , quelque bien
qu'elle ait apporté à l'Etat.
(b) Porte de Constantinople , appellée Porte
du Jardin .
(‹) C'est la grande ruë qui conduit au Serrail ,
A iij et
32 MERCURE DE FRANCE
et qu'ensuite elles se joindroient toutes
trois à la Place d'Etmeïdan. (a )
Cet arrangement pris , la Troupe de
Patrona - Kalil , partit la premiere ; ils
avoient un petit Drapeau déployé , le
Sabre à la main , et crioient par tout où ils
passoient , que les Marchands et Artisans
fermassent leurs Boutiques , et que tout
bon Musulman suivît leur Enseigne à
Etmeïdan , où l'on avoit à leur communiquer
de justes prétentions contre le Ministere
présent ; les deux autres Troupes
en ayant fait de- même dans la route qui
leur étoit prescrite , l'allarme se répandit
bien- tôt par tout Constantinople , les
Boutiques furent fermées , et la plus grande
partie des Turcs qui les occupoient
au lieu d'aller au rendez - vous , furent
se cacher dans leurs maisons , (b) ainsi
que les Chrétiens et les Juifs.
Le Grand -Seigneur et le Grand- Vizir
étoient au Camp de Scutary pendant ces
troubles naissants : Mustapha , Capitaneu
se tient le Divan du G. S. d'où elle tire son
aom , comme qui diroit la rue du Conseil.
(4) Etmeidan est une grande Place sur laquelle
donnent les Cazernes des Janissaires , et où on leur
distribue la viande.
(6) La plupart des Marchands et Artisans en.
Turquie , ne logent pas au même endroit où sont
Jeurs Boutiques,
Pacha
AVRIL. 1731 833
Pacha et Kaïmakan , qui en cette derniere
qualité devoit être instruit à porter un
prompt remede , se trouvoit près des Châteaux,
dans le Canal de la Mer Noire,à une
de ses Maisons de Campagne , où il s'amusoit
à faire planter des Oignons de
Tulipes ; et le Reys- Effendy , Secretaire
d'Etat , étoit pareillement à une de ses
Maisons du même Canal , où livré à son
indolence naturelle , il traitoit de bagatelles
ou de fable tous les avis qu'on venoit
lui donner de ce qui se passoit à
Constantinople ; de sorte qu'il n'y avoit
alors dans la Ville aucun Grand d'une certaine
autorité , pour y rétablir l'ordre ,
que le Janissaire Aga et le Kiaya du G.V.
Ce dernier ne fut pas plutôt averti de
l'émeute , dont il avoit plus lieu que
personne de redouter la fureur , que perdant
la tramontane , il fut s'embarquer à
P'Echelle la plus prochaine de son Palais,
et s'enfuit à Eyoup dans le fond du Port.
Quant aù Janissaire Aga , homme
venerable par son grand âge , il assembla
d'abord sa Garde ordinaire , se mit
à la tête et courut au-devant des Rebelles
, pour tâcher de les dissiper ou de
les ramener par la douceur ; mais voyant
qu'il ne faisoit que les aigrir davantage ;
que sa propre Garde , bien loin d'être disposée
à le seconder, murmuroit de ce qu'il
A iiij
ne
834
MERCURE
DE
FRANCE
.
ne se rangeoit pas de leur côté comme
ceux - cy l'y invitoient , et quelqu'un l'étant
venu avertir qu'une autre Troupe
de Séditieux marchoit droit à son Palais.
pour le piller , il ne songea plus qu'à sa
sureté personnelle ; il s'esquiva dans la
foule , se travestit , s'embarqua dans un
Bateau à une seule paire de Rames , afin
d'être moins reconnu et passa à Scutary ,
où il fut s'enfermer secretement dans une
maison qui lui appartenoit , sans informer
de rien le G. V.tant il avoit peur que
ce Ministre ne le fit mourir sur le champ,
pour n'avoir pas prévenu et étouffé dans
sa naissance ce soulevement.
Cependant les Rebelles ayant le champ
libre , leur nombre croissoit à vûë d'oeil;
ils entraînoient comme un Torrent tous
les Turcs qu'ils rencontroient , menaçant
de tuer ceux qui refuseroient de les suivre,
comme effectivement ils en massacrerent
plusieurs qui aimerent mieux mourir
fideles que de vivre traitres à leur
Souverain . Ils forcerent les Prisons et se
firent des Compagnons de fortune d'autant
de Turcs criminels qu'ils y trouverent.
D'ailleurs beaucoup de gens , qui
quoiqu'animez de leur même esprit ,
n'avoient pourtant encore osé se déclater
, n'hesiterent plus à se rendre sous
leurs Drapeaux , dès qu'ils virent des.
com
A V RIL. 1731. 833
mencemens si favorables et si prompts.
Or le feu de la sédition avoit déja fait
de grands progrès avant que le G.V. en fut
instruit,ceux qui étoient venus dans la matinée
de Constantinople à Scutary , et qui
n'avoient vû , pour ainsi dire, que les premieres
étincelles de ce grand incendie ,
lui ayant seulement rapporté que quelques
Bandits s'étoient battus devant le
Bezestin , sur quoi les Marchands naturellement
peureux, avoient pris l'épouvente,
et fermé leurs Boutiques ; mais que le Janissaire
Aga y étant accouru avec da
monde , les avoit fait r'ouvrir, avoit écar
té la canaille , et qu'il n'y avoit plus rien
à craindre. Ensorte que le G. V. trompé
et tranquillité par ces faux rapports , ne
sçût au vrai la cho e que vers les 4. heures
après midy , que le Mufty , le Kaïmakan,
le Kiaya et d'autres principaux Ministres
ou Officiers , vinrent à Scutary lui en faire
le funeste détail
Le Kaïmakan sur tout cherchant à se
disculper , lui dit qu'ayant appris le tumulte
entre 10 et 11. heures , il étoit
venu à Constantinople et qu'aussi - têt
il avoit monté à cheval pour rétablir la
tranquillité , mais qu'à mesure qu'il
faisoit r'ouvrir les Boutiques , les Rebelles
qui le suivoient , les faisoient re
fermer , et que n'étant soutenu d'aucu-
A v ne
836 MERCURE DE FRANCE
nes Troupes pour réprimer leur insolence,
il avoit été obligé de se retirer.
On tint Conseil sur le champ ; mais les
avis y furent si divers et si débattus , qu'il
dura jusqu'à l'entrée de la nuit , et qu'on
n'y résolut rien , sinon d'en aller tenir un
autre chez le G.S. Le résultat de celui - cy
fut qu'il falloit que Sa Hautesse et toute
sa Cour passassent à Constantinople où
l'on seroit plus à portée de remedier à
tout.Pour cet effet on envoya chercher une
Galere , sur laquelle s'embarqua le G. S.
et le G. V. le reste de la Cour les suivit
dans des Caïques , et tous furent débarquer
à minuit à l'Echelle de Top- Capy ,
qui est à la pointe du Serrail..
Le Sultan étant monté à la Kasoda ou
Chambre Imperiale , s'assit dans un coin
du Sopha , d'où il pouvoit entendre tout
ce qui se disoit dans un Appartement voisin
, où le G. V. les autres Ministres , les
Gens de Loy et autres Grands de l'Empire
s'assemblerent déliberer de nouveau
sur le parti qu'il y avoit à prendre dans
une si pressante extrémité ; mais les sentimens
y furent encore plus partagez
qu'au premier Conseil , et l'heure fatale
marquée par le sort pour la fin de
leur Regne étant venu , leurs délibepour
Fchelle du Canon , parce qu'il y en a là em
Baterie,
rations
A VRIL. 1735. 837
rations n'aboutirent qu'à précipiter leurs
destinées ; ils convinrent cependant tous
unanimement à la fin , que le nombre des
Rebelles n'étant pas encore assez.considerable
pour que l'on ne pût esperer de
les mettre à la raison , il falloit avant qu'ils.
se multipliaffent davantage , leur opposer
un Corps de Troupes , et les aller attaquer.
Quoique cet avis fût peut- être le meilleur
, s'il avoit été suivi sans differer , le
G. S. avant de s'y rendre , voulut tenter
une autre voye. Dès qu'il fut jour Sa Hautesse
envoya un Bach Asseski ( c'est un
des principaux Officiers du Corps des
Bostandgis ) à Etmeïdan , ordonner aux
Rebelles de se retirer et les menacer qu'on
feroit main-basse sur eux s'ils n'obéïssoient
promptement. Ils répondirent sans.
marquer la moindre crainte , qu'ils s'étoient
assemblez pour le bien et l'honneur
de l'Etat ; qu'ils avoient des représentations
équitables à faire à leur Émpereur
, et qu'ils ne quitteroient point les
armes qu'on ne leur eût rendu justice.
Sultan Achmet , indigné d'une réponse
si audacieuse , s'emporta fort contre le
G. V. ce qu'il avoit déja fait la veille , et
Paccusa de nouveau d'être la cause de
tout ce desordre . Le Ministre s'en disculpa
et en jetta , comme il avoit déja fait , la
A vj faute
838 MERCURE DE FRANCE
faute toute entiere aussi sur le Kaïmakans
il accabla même ce dernier des reproches
les plus durs en presence de Sa Hautesse ,
vers laquelle se tournant tout d'un coup :
Seigneur, lui dit-il avec transport , souffriras-
tu qu'une ame si vile et qu'un miserable
tel que celui- cy jouisse encore de la
lumiere.
Le Sultan frappé de ce qu'il venoit d'entendre
fit aussi- tôt arrêter le Kaïmakan
puis prenant un ton plus radouci , donna
divers ordres au G. V. sur la situation
des affaires ; l'habile Ministre qui les jugea
impraticables ou inutiles à suivre ,
lui répliqua sans s'amuser à combattre
ses sentimens : Seigneur, dans la crise où se
trouve l'Empire , je ne vois que deux choses
à hazarder, ou que Sa Hautesse se mette
elle-même à la tête de sa Maison et aille
fondre sur les Rebelles , étant persuadée que
sa seule presence pourra les désunir et les déconcerter
, ou qu'elle me permette d'y aller à
sa place , me flattant que je suis assez aimé
des Troupes pour me faire un Party considerable
dès que je paroîtrai.
Le craintif G. S. n'ayant goûté ni l'une
ni l'autre de ces propositions , essaya
vainement de s'attirer du secours du dehors
; il fit déployer le Sangiak- Cherif *
J
* C'est-à- dire le saint Etendart , qui selon les ,
Turs , fut apporté du Ciel à Mahomet par l'Ang
ge Gabriel.
AVRIL. 1737. 83
à la porte du Serail , et fit crier du haut
des murailles que tout Soldat qui voudroit
venir sous cette Baniere pour aider
l'Empereur à soumettre les Rebelles , auroit
30. écus de gratification et qu'on
lui augmenteroit sa paye de deux Aspres *
par jour.
Ces belles promesses ne gagnant le coeur
de personne , il fallut en revenir , mais,
trop tard , au dernier projet du Conseil ,
qui étoit , comme on a dit , de former un.
Corps deTroupes . On choisit les Bostangis
par préference à toute autre Milice
non-seulement parce qu'ils sont les gar
diens naturels du Serail , mais aussi parce
que les Ministres avoient toûjours eû.
quelques égards pour eux, au lieu que les.
Janissaires , les Spahis , les Tobgis et
Dgebedgis , ayant été maltraitez ou méprisez
( sur tout par le Kyaya , qui pendant
son orgueilleuse prosperité les avoit
menacés plusieurs fois en public de les
détruire entierement ) on ne devoit pas.
esperer d'en tirer beaucoup de secours.
dans cette occasion ..
2.
On s'adressa donc aux Bosdtangis , mais.
quand il fut question de les assembler
ceux sur qui l'on pouvoit compter pour
une action de vigueur s'étoient cachez ,
ou avoient pris la fuite , de maniere que
L'Aspre vaut deux Liards.
ne
840 MERCURE DE FRANCE .
ne se trouvant plus que des enfans , des
malingres , ou des gens sans courage , incapables
de faire tête aux Rebelles , on
vît bien qu'il falloit se tourner d'un autre
côté. On jetta les yeux sur le Corps de la
Marine , et le G. S. ayant honoré de la
Charge de Capitan Pacha Abdi- Capoudan
, qui avoit la Charge de Maître du
Port de Constantinople , homme de résolution
; il l'envoya à l'Arsenal pour s'y
faire reconnoître en cette qualité : on lui
tira à cet effet cinq coups de Canon de ce
lieu , et tous les Vaisseaux arborant leur
Pavillon , lui en tirerent chacun un. Ce
nouveau General de la Mer, pour donner à
son Souverain des preuves de sa reconnoissance
et de son zele , ordonna aux Galeres
de se rendre à la pointe du Serrail , et fit en
même-tems battre la Caisse au nom du G.S.
›
en'
Cette opération cut d'abord assez
de succés et l'on avoit déja débarqué
au Sérrail environ 300 Leventis , ou
Soldats de Marine , lorsque Patrona Kalil ,
tombant tout à coup sur l'Arsenal
chassa le Capitan Pacha , et fit sçavoir aux
Léventis que s'ils embrassoient la deffense.
de la Cour , il ne leur feroit aucun quar-`
tier , et qu'il brûleroit tout à la fois leurs.
maisons , les Vaisseaux et les Galeres de Sa
Hautesse. Ces menaces firent de si fortes:
impressions sur les Soldats de la Marine ,
que
AVRIL. 1731. 841
que ceux qui alloient encore au Serrail
pour s'enroller , s'en retournerent , et la
plûpart de ceux qui y étoient déja , et qui
avoient reçû chacun 25 écus de présent ,
trouverent le moyen de s'évader de côté
et d'autres , sous divers prétextes .
Patrona- Kalil se ressouvenant qu'il avoit
été autrefois condamné à mort , pour un
assasinat , lors qu'il étoit Léventis sur le
Vaisseau que commandoit alors le même
Abdi - Capoudan , et que cet Officier lui
avoit sauvé la vie , saisit cette occasion
pour lui en marquer sa gratitude : il le fit
revenir à l'Arsenal , le rétablit dans sa di
gnité de Capitan- Pacha , et l'assura de sa
protection ; mais il emmena avec lui le se
cours que ce dernier avoit destiné au Sultan
, et l'augmenta de tous les malfaiteurs.
Turcs qui etoient , tant dans le Bagne
lieu où l'on enferme la Chiourme , que
sur deux Galères , d'où il les retira , et à
la faveur desquels , contre son intention
plusieurs Esclaves Chrétiens se sauverent ;
si bien que Sa Hautesse se voyant totalement
frustrée de ses esperances du côté
des armes fut obligée d'avoir recours à
la négociation.
J
د
On n'entrera point ici dans le détail de
toutes les allées et venues des Agens de
l'Empereur et de Patrona , non plus que·
des menaces verbales et par écrit , qui fu
rent
42 MERCURE DE FRANCE
›
rent faites de part et d'autre durant ces
jours de discussions intestines , mais nous
renfermant à rapporter l'essentiel de tout
cela , nous dirons que le vendredy , vers
le soir , S. H. renvoya le Bach- Assekу
un des principaux Officiers des Bostangis
demander aux Rebelles ce qu'ils voufoient
> et quelles étoient leurs intentions.
Ils répondirent qu'ils prioient le
Sultan de leur faire remettre en vie le
Mufty , le G. V. Ibrahim-Pacha , avec
Mustapha-Pacha , Caïmacan , et le Kyaya
Mehemel , tous deux Gendres du G. V.
et qu'à l'égard de S. H. ils étoient trèssatisfaits
de son Régne , et lui souhaittoient
toutes sortes de prospéritez .
Le G. S. sur cette réponse , fit arrêter le
Kyaya ; que l'on consigna aux Bostangis
, comme on leur avoit déja consigné
Te Kaïmacam ; pour le Mufty et le G. Vizir
, le Bach Assesky eut ordre de retourner
vers les Rebelles , et de leur dire que
le Sultan alloit déposer et exiler ces deux
Ministres ; qu'il les prioit de vouloir bien
se contenter de cette punition , et ne pas
exiger qu'on les privât du jour , en reconnoissance
de ce qu'il leur livreroit les
deux autres pour en faire ce qu'ils jugeroient
à propos .
Le Bach-Asseky rapporta , que les Rebelles
se contentoient bien de la déposition
AVRIL. 1731. 843
tion et de l'éxil du Mufty , mais qu'ils persistoient
à vouloir le G. V. L'Empereur ,
malgré son affection pour ce Ministre
qui d'ailleurs étoit son Gendre , voyant
après avoir tenu plusieurs conseils avec
les Gens de Loy , qu'il ne pouvoit le sauver
sans risquer de se perdre lui- même
lui envoya demander son cachet par le
Kislar Aga, et le fit ensuite conduire dans
l'Appartement qu'on nomme Musafir-
Oda , ( ou Chambre des Etrangers ) sans
lui faire aucun mauvais traitement. Cela
arriva le Samedy à midy , et la Charge
de G. V. demeura vacante depuis ce moment
jusqu'à 9 heures du soir , que S. H.
en honora Mehemet - Pacha , aussi l'un
de ses Gendres. Il avoit été Selictar- Aga ,
ou Porte-Sabre du G. S. et étoit sorti depuis
peu du Sértail avec la qualité de Vizir
à trois queues , qui le faisoit conseiller
cubé ou de voute , c'est - à- dire , qu'il
avoit séance au Conseil qui se tient dans
un lieu vouté.
Pendant que tout étoit en agitation dans
le Sérrail , fes Rebelles n'étoient pas oisifs
dans la Ville ; ils détachercnt plusieurs
partis , dont les uns furent piller quelques
maisons de proscrits , ( c'est- à- dire de
ceux qui avoient eu directement ou indirectement
quelque part au Ministere )
entr'autres à Galata , celle du Vaivode →
on
844
MERCURE
DE
FRANCE
où ils trouverent beaucoup d'argent
qu'ils jetterent par les fenêtres , ainsi que
tous les meubles , disant que des Musulmans
ne devoient pas profiter des rapines
et des extorsions que cet indigne Officier
avoit fait sur les Dgiaours , ou Infideles ,
& comme c'étoit leur bien , qu'il étoit
juste qu'ils le reprissent , effectivement
nombre de Grecs et d'Arméniens et de
Juifs ramasserent ce qu'ils voulurent
sans que les Turcs s'y oposassent ni prissent
rien pour eux .
2
D'autres furent crier de nouveau par les
rues , car ils avoient déja crié , sur les me
naces que le G. S. avoit faites , d'appeller
ses sujets Chrétiens à son secours , ) que
pourvû queles Infideles nes'attroupassent
point , et qu'ils se tinssent tranquillement
chez eux , il ne leur seroit pas fait le
moindre tort , et cela s'observa religieusement
en general. Patrona ayant exigé
par serment de tous ses Camarades , qu'ils
ne commettroient aucun excès , il y cut
pourtant quelques coquins qui le fausserent
, mais ceux que l'on reconnut ou que
l'on prit sur le fait furent punis de mort
par
l'ordre même des Chefs de la rebel-
* Cette Charge réunit les fonctions de Gou
verneur et de Lieutenant de Police , le Vaivode de
Galata étend son distric jusqu'à la Mer Noire , le
long de la côte d'Europe.
lion.
AVRIL. 1731. 845
fion. Ils firent publier aussi que les Boutiques
où se débitent les choses necessaires
à la vie fussent toujours ouvertes , et
si bien garnies , que cette Capitale du
monde et ses vastes Fauxbourgs ne souffrissent
aucune disette .
Quoique toutes les Milices fussent dèslong-
tems révoltées dans le coeur , cependant
les deux premiers jours de la sédition
, il ne paroissoit pas que les Jannissaires
, les Topgis et Dgebedgis y rempassent
, du moins ouvertement , affectant
au contraire une espece de neutralité , qui ,
à la verité , ne les excusoit pas envers leur
Souverain.
,
Mais les Rebelles s'étant emparés du
Dgebe-Kané, ils se partagerent en deux
bandes , les uns furent inviter les Jannissaires
à se joindre à eux pour les aider
leur dirent- ils , à consommer une entreprise
aussi utile et aussi glorieuse à l'Empire
qu'étoit celle qu'ils avoient commencée
, tandis que les autres étant passez
à
Top-Hana, sollicitoient la même union auprès
des Topgis , et Dgebedgis ; ces differens
corps firent mine quelque tems par
un reste de bienséance , de ne vouloir pas
se prêter à leurs instances réïterées , mais.
* Gebé- Cavé , Magazin proche le Serail , on
sont les poudres , le plomb , et autres munitions,
de Guerre.
846 MERCURE DE FRANCE
y cédant à la fin ils y consentirent , a
moins tacitement.
Les Rebelles qui n'en demandoient pas
davantage , entrerent alors dans les Odas,
ou chambres des Cazernes de ces Troupes
,
d'où ils enleverent sans obstacle , les
tentes , les grandes marmites , et autres
ustanciles qu'ils transporterent à la place
d'Etmeïdan , où ils dresserent un Camp
dans les formes . Bientôt après , les Jannissaires
et les autres Milices les suivirent ,
faisant pourtant toujours semblant d'y
être forcez , quoiqu'ils courussent à l'envi
les uns des autres , pour arriver des premiers
au lieu de l'Assemblée , excepté les
Officiers , qui demeurerent constamment
attachées au G. S. et dont la plûpart s'étoient
déja retirez au Sérrail.
Cette jonction de la Soldatesque aux
Rebelles , acheva de déconcerter la Cour :
l'Empereur voulut cependant faire encore
une tentative auprès d'eux pour en obtenir
la grace d'Ibrahim - Pacha , mais ils
répondirent insolemment qu'ils avoient
assez fair , de pardonner au Mufty, à quoi
ils ne s'étoient même déterminez qu'en
consideration de son sçavoir , et de la
qualité de Chef de la Loy , et qu'ils vouloient
absolument qu'on leur remit le
G. V. et ses deux Gendres , pour leur faire
rendre compte de leur administration .
Le
AVRIL: 1731.
847
Le Sultan convaincu par l'opiniâtreté
de ces mutins , qu'il qu'il ne lui étoit
pas possible de soustraire son Ministre à
leur fureur , le fit condamner par le Kadilisker
d'Asie avec le Kaïmacan et le
Kyaya, à être étranglés, et ordonna qu'on
porteroit leurs corps à Etmeïdan .
,
Le Kyaya Mehemel , n'eut pas plutôt
appris , quand on vint le tirer de sa prison
, que c'étoit pour le mener au Kapon-
Orasy , endroit du Serail où l'on execute
les criminels d'Etat , que la frayeur dont
il fut saisi prévint les Bourreaux , et lui fit
rendre l'ame sur le champ ; ils ne laisserent
pas de le traîner au lieu du suplice ;
où par formalité pour l'éxecution de la
Sentence , on lui passa une corde d'arc au
col , ou corde de boyau ; à l'égard du
Vizir et du Kaïmakam , ils conserverent
leur fermeté jusqu'à la fin . Ce dernier fit
tranquillement ses ablutions et ses prieres,
mais le Visir ne fit ni l'un ni l'autre , disant
qu'étant si prés de perdre la vie , il
ne vouloit pas se donner tant de peine.
Ainsi finirent ces fléaux du peuple le
Is
de la Lune
de Rebiul
- Euvel
à 9 heures
du soir , du 30 Septembre
, dans le tems
même
que Sa Hautesse
faisoit
Mehemet
Pacha
G. V.
, Le lendemain matin , les trois cadavres
presque nuds , furent chargez chacun sur
un
$48 MERCURE DE FRANCE
un Chariot , et conduits à Etmeïdan ; le
peuple qui les suivoit , après avoir exercé
sur eux mille infamies , criant le long du
chemin , que tous les ennemis de l'empire
et de la Religion puissent avoir le même
sort. Quand les Rebelles les virent arriver,
ils entrerent dans une colere inexprimable
, se récriant sur ce qu'on ne leur avoit
livré ces traîtres en vie comme le
G. S. le leur avoit promis. On leur répondit
, qu'il n'étoit pas d'usage qu'un Sultan
remit ses Ministres vifs entre les mains
de leurs ennemis , et qu'ils devoient être
contents de ce que S. H. avoit eu la condescendance
de faire pour eux.
pas >
Les Rebelles qui avoient leurs veuës ;
n'eurent garde de se payer de ces raisons ;
ils redoublerent de fureur , et déclarerent
sans ménagement , qu'ils vouloient
qu'Achmet III. fut déposé , et que Mahmoud
, son Neveu fut mis sur le
Thrône.
>
Leur propre sûreté les entraîna dans cet
excès de révolte; faisant réfléxion qu'Ach
met étoit naturellement cruel ; qu'il avoit
fait mourir tous ceux qui avoient détrôné
son frere le Sultan Mustapha II. en 1703 .
pour lui donner sa place ; qu'ainsi ils n'en
devoient pas attendre de meilleur traitement
s'ils le laissoient en état de se venger
des outrages qu'ils venoient de lui
faire
AVRIL. 1731. 849
faire , au lieu qu'en élisant Mahmoud
qui languissoit depuis 27 ans en prison ,
ils auroient sujet d'esperer que ce Prince ,
par reconnoissance de ce qu'il leur devroit
sa liberté et son élevation , n'attenteroit
point à leur vie.
Mais comme il falloit au moins quelque
prétexte spécieux , pour colorer une
infidelité si formelle , non contents des
plaintes ameres qu'ils avoient déja faites'
contre leur Souverain , de ce qu'il leur
avoit manqué de parole en leur envoyant
morts les trois Ministres ; ils feignirent de
croire ( et peut-être le crurent- ils effectivement
) que ce n'étoit pas même le corps
du G. V. qu'on leur avoit apporté , mais
celui d'un forçat de Galere , qui lui ressembloit
, et que l'on avoit substitué à sa
place.
La verité est que ce Ministre étoit si
méconnoissable après sa mort , ( ce qui
avoit même fait répandre dans le public
qu'il s'étoit empoisonné ) que son premier
Batelier qui le voyoit tous les jours depuis
long- tems , affirma que ce n'étoit pas lui.
et qu'on verifia d'ailleurs qu'il n'étoit pas
circoncis . Il est vrai que Ibrahim étoit né
Chrétien , et que dans le fond , n'ayant
aucune Religion , il ne s'étoit pas embarrassé
de se faire circoncire quand il vint
d'Asie à Constantinople , professer l'exte
rieur du Mahometisme.
850 MERCURE DE FRANCE
que
Quoiqu'il en soit , les Rebelles se crurent
suffisamment authorisez à soûtenir
le G. S. les avoit doublement trompez
; ainsi , après avoir assouvi leur rage
sur les cadavres du Kaïmakam et du
Kyaya , qu'ils pendirent ensuite à deux
arbres , pour en donner le spectacle à tout
le peuple , ils attacherent à la queuë d'un
cheval celui du malheureux Ibrahim , et
le traînerent jusqu'à la porte du Serrail ;
là, par des clameurs affreuses , ils demanderent
qu'on leur remit en vie le veritable
Ibrahim , avec le Deys- Effendi , et
toutes les créatutes du premier , ajoûtant
que puisqu'on ne pouvoit compter sur
les promesses d'Achmet , et qu'il s'obstinoit
contre toutes les Loix à proteger un
monstre qui avoit désolé l'Empire , il n'étoit
plus digne de régner , et qu'il falloit
le renverser du Thrône pour y placer
Mahmoud , qu'ils avoient déja proclamé
Empereur.
Le Sultan - Achmet mit en vain tout
en oeuvre pour tâcher de les calmer , leur
faisant offrir des récompenses considérables
, et de leur sacrifier toutes les victimes
qu'ils demanderoient ; ils furent infléxibles
, et s'en retournant à Etmeïdan
ils jetterent en chemin le cadavre d'Ibrahim
auprès d'une belle Fontaine , que
se Ministre , qui étoit magnifique en
tout ,
AVRIL. 1731. 851
tout , avoit fait construire depuis deux
ans pour l'ornement de la Ville et la
commodité du Public.
>
l'é-
Les Rebelles , quoique résolus à ne se
point relâcher sur la déposition d'Achmet
, avoient pourtant besoin , pour
xécution d'un projet de cette importance,
d'être guidez par quelqu'un qui eût des
lumieres et du crédit , et qui entrât en
même-tems dans leurs sentimens . Ils trouverent
ce qu'ils cherchoient lorsqu'ils s'y
attendoient le moins , dans la personne de
Ispiri-Zadé , Prédicateur ordinaire de la
Cour et de Sainte Sophie . Cet hipocrite ,
qui , sous un air simple et mortifié , cachoit
une ambition démésurée , et qui
avoit reçû dans cent occasions des bienfaits
de l'Empereur , s'abandonnant à
l'ingratitude la plus noire , fut lui - même
trouver les conjurez ; il les confirma par
ses pernicieux conseils dans leur abominable
dessein leva toutes les difficultez
qu'ils croyoient le pouvoir faire échouer ,
et se chargeant de conduire l'affaire , il
fut au Serrail vers le soir du 16 de la Lune
( le premier Octobre ) dans le tems que
le G. S. étoit à la Kas- Oda , et que tous
les Ministres , les gens de Loi , et autres
Grands de l'Etat , étoient dans un
Kiosk ( espece de Pavillon ) consternez et
violemment agitez.
,
B Dès
852
MERCURE
DE FRANCE
Dès qu'il parut , chacun s'empressa de
le questionner sur ce qui se passoit dans.
la Ville ; il dit , contrefaisant l'homme
abbatu de tristesse , que les Rebelles ne
vouloient plus en aucune façon , qu'Achmet
restât sur le Trône ; et qu'après tout ce qu'il
avoitfait enfaveur de ce Prince , pour vaincre
leur animosité contre lui , il étoit inutile de
se flatter qu'on put les faire changer de réfolution.
A ces paroles toute l'Assemblée devint
comme immobile , et n'eut pas la force de
proferer un mot ; le perfide Ispiri -Zadé
voyant que personne ne se mettoit en devoir
d'aller annoncer cette nouvelle au
Sultan , il y fut de lui- même.
Hé bien , qu'y-a- t'il , lui dit Achmet ;
les Rebelles font- ils toujours à Etmeidan ?
Pourquoi ne se retirent-ils pas , pour vaquer
chacun à ses affaires ? Je les aifavorisez audelà
de ce que je devois , je leur ai offert des
préfens , et de leurfaire justice de tous ceux
dont ils croyent avoir à se plaindre , que veu
lent- ils , que souhaittent-ils encore ?
Seigneur , lui répondit cet homme pervers
,d'un ton ferme, et pourtant composé
, ton régne est fini , et tous tes sujets révol
tez ne te veulent plus pour Empereur, Alors,
Achmet se levant brusquement , répliqua
, et pourquoi ne me le disiez- vous pas
plutôt ? Vous vene ici tous les jours , d'où
و
vient
AVRIL. 1731. 853
vient tant tarder à me l'apprendre ? Puis sans
hésiter il courut à l'Appartement du Prince
Mahmoud , son Neveu ; le prit par la
main , le conduisit à la Kasoda , où il le
plaça lui-même sur le Trône , le salua Empereur
le premier , et lui dit entr'autres
choses fort touchantes : Souvenez - vous
que votre pere ne perdit la place que je vous
céde aujourd'hui , que par son aveugle complaisance
pour le Mufty Feyz -Oullah Effendi
, et que je ne la perds aujourd'hui moimême
que pour m'être trop confié à Ibrahim-
Pacha , mon Vizir , profitez de ces deux
grands exemples ; ne vous attachez à vos
Ministres , et ne vous reposez sur eux qu'avec
beaucoup de circonspection. Si j'avois
toujours suivi mon ancienne politique de ne
jamais laisser les miens trop long-tems en place
ou de leurfaire rendre souvent un compte
exact des affaires de l'Empire , j'aurois peutêtre
fini mon régne aussi glorieusement que je
Pai commencé. Adien , je souhaite que le
vêtre soit plus heureux ; je vous recommande
mes enfans et ma personne. Ensuite , l'infortuné
Achmet fût s'enfermer de lui-même
dans la prison , d'où il venoit de tirer son
Neveu .
Les fils d'Achmet s'enfermerent avec
lui ce jour- là ; Mahmoud l'ayant ainsi
ordonné pour consoler son Oncle , mais
le lendemain ces Princes furent logez ail-
Bij leurs ,
854 MERCURE DE FRANCE .
leurs , les trois plus jeunes ensemble , et
les trois aînez , chacun dans un Appartement
séparé.
Cette abdication se fit le 2 Octobre à
deux heures du matin : tout ce qui se
trouva dans le Serrail de Ministres et de
Gens de marque , fut admis cette nuit
même à baiser la veste du nouveau Sultan
.
Le jour venu , on lui éleva un Trône de
vant le Babiseadet , ou la Porte heureuse ;
c'est une porte du Serrail qui conduit à
l'Appartement où le G. S. donne Audien-.
ce aux Ministres Etrangers ; et c'est dans
cet Appartement que tous les Grands de
l'Empire , en Corps , vinrent le reconnoître
Empereur, et lui baiser la veste . Aussitôt
les Crieurs publics annoncerent son
Avénement par toute la Ville.
Le même jour , une Galere transporta le
Mufty à Tenedos , lieu de son exil, Les
Rebelles l'avoient redemandé de nouveau
pour le faire mourir , mais les Gens de
Loy agirent si efficacement , qu'ils lui sauverent
la vie ; dans le fond c'est un fort
bon homme , dont la viellesse et la douceur
naturelle ont peut-être été les seules
causes du seul crime qu'on lui a reproché,
de ne s'être pas opposé avec la vigueur
qu'éxigeoit son caractere , aux malversa
tions qu'il voyoit commettre,
Le
AVRIL 1731. 855
Le 3 Octobre , le G. S. curieux de connoître
le premier Chef de ces gens téméraires
, à qui il devoit l'Empire , commanda
qu'on lui fit venir Patrona-Kalil , lequel
se présenta comme il étoit vêtu ordinairement
, c'est - à- dire , en simple Janissaire
, et les jambes nuës. Il s'avança d'un
air assûré jusqu'au Trône du Sultan , et
lui baisa la main : Que puis -je faire pour
toi , lui dit Mahmout , tu es en droit de me
demander toutes les graces que tu voudras.
Cet homme de néant , et chargé de crimes
, mais subtil et plein d'artifice , montrant
alors des sentimens plus nobles et
plus élevez, que sa naissance et sa vie passée
ne sembloient en devoir promettre ,
répondit à l'Empereur , que jusqu'à présent
il avoit tout ce qu'il avoit le plus désiré
, qui étoit de le voir sur le Trône
Ottoman et que pour l'avenir
sçavoit bien qu'il n'avoit rien à attendre
de Sa Hautesse qu'une mort honteuse et
prochaine. Je te jures par les manes de mes
Ancêtres , répondit le G. S. que je ne te ferai
jamais de mal ; demande moi seulement
quelle récompense je te puis donner , je te
l'accorde d'avance. Puisque votre bonté
Imperiale est sans bornes , répondit Patrona
, je vous prie de vouloir bien supprimer
tous les nouveaux impots dont vos fideles sujets
ont été accablez sous le précédent Minis-
,
B iij
*
,
il
tere.
856 MERCURE DE FRANCE
>
tere. Mahmout y souscrivit sans hésiter
et sur le champ cette suppression fut publiée
par tout .
Ce jour- là , le G. S. confirma Mehemet-
Pacha , dans la Charge de G. V. et lui
nomma pour Kyaya le vieux -Nik-Deli-
Hali-Aga , qui avoit été fort attaché à
l'Empereur Mustapha , pere de Sa Hautesse
.
Le 4. les Rebelles furent piller quelques
maisons de proscrits , et rompirent
le Sceau Imperial qu'on y avoit apposé.
Le Sultan fut vivement picqué de ce manque
de respect ; mais n'étant pas en état
d'en marquer son ressentiment , il les envoya
prier de cesser ces sortes d'éxecutions
, et leur fit représenter , que puisqu'ils
l'avoient mis sur le Trône , ils lui
devoient laisser le soin et l'autorité de punir
les coupables de la maniere qu'il conviendroit.
Bien loin de se rendre à ses
remontrances , et si douces et si justes ,
ils répondirent qu'ils ne discontinueroient
point leurs vengeances qu'ils ne l'eussent
satisfaite eux - mêmes et demanderent
pour la seconde fois qu'on leur remit le
Reys Effendi , le Tchiaoux Bachy , et plu
sieurs autres , ce que la Cour ne pût et ne
jugea pas à propos de faire , le Reys - Ef
fendi , entr'autres , étant alors si bien ca
ché qu'on le croyoit en fuite.
,
Le
AVRIL. 1731. 857
,
Le 5. ils pillerent encore deux grands
Palais , en Asie , sur le Canal de la
Mer Noire et cependant le Grand-
Seigneur ne laissa pas de confirmer dans
leurs emplois , tous ceux qu'ils en avoient
revêtus , comme les nouveaux Janissaire-
Aga , Topgi -Bachi , &c .
Il est d'usage , selon les constitutions de
l'Empire Ottoman , que quand ' un Sultan
vient à mourir de mort naturelle , et
que le Prince qui doit lui succeder monte
sur le Trône , celui - ci n'est point obligé
de faire aucune gratification aux Troupes
; mais que lorsque par une révolution
comme celle-ci , un Prince parvient à
l'Empire , il doit leur augmenter leur
paye et leur faire un présent , ce
qui se pratique de la maniere suivante.
2
Chaque Cavalier a 1000. aspres de présent
( 25. liv . ) et deux aspres dé paye , de
plus qu'il n'avoit par jour , ou s'il l'aime
mieux , car cela est à son choix , que le
présent soit converti en paye journaliere ,
alors on la lui augmente de trois aspres au
lieu de deux ; de même les Janissaires ,
les Tobdgis , et les Dgedbedgis , ont cinq
aspres d'augmentation de solde , et point
de présent , ou s'ils préferent de le tou
cher , on leur donne 3000. aspres pour
ce présent , ou 75. liv . et leur solde n'est
B iiij aug858
MERCURE DE FRANCE
augmentée que de deux aspres.
Le nouveau Sultan , étant dans le cás
de ces libéralitez d'obligation , fit venir
le Tefterdar , ou le Grand Trésorier , et
les autres personnes chargées du maniement
des deniers Imperiaux , et ordonna
de tenir prêt l'argent qu'il falloit pour
P'acquitter envers les Milices. Ces Officiers
dans la vûë de faire leur cour , ne voulurent
point toucher aux Trésors de l'Etat
quoique depuis l'établissement de l'Empire
, ils n'eussent jamais été si remplis
étant assurez de trouver dans ceux que
le
Grand Vizir , son Kyaya et le Capitan
Pacha avoient amassez des fonds plus
que suffisans pour le payement en question
.
J
Ils firent chercher avec soin , quelquesuns
des plus affidez Officiers de ces trois
Ministres , pour en tirer des lumieres touchant
le bien de leurs Maîtres . On amena
d'abord au Tefterdar un jeune homme
qui avoit été L'Anactar- Oglan du Grand
Vizir , ( c'est comme qui diroit un gentilhomme
de la Clef, ) et qui en avoit eu
toute l'amitié et toute la confiance ; il dit
que pourvû qu'on ne lui fit point de
mal ,il découvriroit de grandes richesses ;
on l'assura que bien loin de le maltraiter ,
on le recompenseroit . L'Anactar un peu
remis de son trouble , et d'ailleurs ne pouvant
AVRIL. 1731. 859
*
vant mieux faire , puisque s'il eut voulu
garder le secret , on le lui eut arraché
par les tourmens , conduisit le Tefterdar
dans une cour du Serrail du Grand Vizir
, où ce Ministre avoit fait bâtir un
Colombier ; on creusa dessous , à l'endroit
qu'il indiqua , et l'on en tira quatre
cofres de fer , dont trois fort grands ,
renfermoient chacun 18. longues bourses
de cuir , de 60. mille Sequins Fondoukli
chacune. Le Sequin Fondoukli , étant évalué
à 400. afpres fait 10. livres monnoye
de France , ces trois coffres contenoient
la somme de 32. millions 400 .
mille livres.
A l'égard du quatrième , il étoit à la
vérité beaucoup plus petit , mais il étoit en
récompense rempli de pierres précieuses
d'une beauté singuliere , et d'un prix inestimable
, aussi bien que les riches étoffes et
les tapis de Perse et des Indes,les fourures ,
les Bijoux , les curiositez de tous les Pays ; en
un mot, les hardes et les meubles superbes
que l'on trouva en profusion dans ce Palais.
On se saisit ensuite du Kyaya du Harem:
un Eunuque noir , ayant l'Intendance de
l'appartement des femmes de Mehemet ,
Kiaya d'Ibrahim - Pacha , qui avoit aussi une
connoissance parfaite des grands biens de
cette sangsuë de peuple. Dès qu'il fut pré-
Bv senté
860 MERCURE DE FRANCE
senté au Tefterdar , il lui confessa tout , et
le mena dans les differens Souterains que
son Maître avoit fait construire pour enfoüir
ses trésors. Il dit que quand Mehemet
avoit fait remplir un coffre , il le
faisoit porter par des portefaix jusqu'à une
certaine distance du lieu où il vouloit que
son argent fut déposé , et que lui , Kyaya
du Harem se travestissoit
> par son
ordre la nuit ; vuidoit ce coffre à diver
ses reprises et emportoit le contenu
dans la cache , sans que personne s'en fût
jamais apperçu.
,
en
Suivant le compte du Tefterdar on
fait monter à 30. mille Bourses l'argent
comptant de cet infame monopoleur ;
et ses autres biens à présqu'autant ; soic
en pierreries , en Palais , maisons
fonds de terre , en rentes , en habits , ou
soit en denrées ou marchandises , dont il
faisoit commerce. Chaque bourse de soo .
piastres , évaluée 1500. liv. les 30. mille
bourses font 45. millions, de notre monnoye.
3
Quant au Capitan Pacha , il n'a pas
paru qu'il fut à beaucoup près si riche en
especes que
les autres mais outre ses
Palais qui étoient dignes de loger des
Sultans , il avoit une grande quantité
de pierreries plus belles et plus parfaites,
AVRIL. 1731. 861
tes , que celles du Grand Vizir et du
Kyaya , parce qu'il les payoit aussi bien ,
et il s'y connoissoit mieux qu'eux : enfin les
richesses que l'on a trouvées chez ces trois
Miniftres , sont si prodigieuses , que le
Roi Cresus , si fameux dans l'Histoire par
ses Trésors , auroit pû passer pour pauvre
auprès d'eux .
Le Sultan Achmet n'ignoroit pas que
le Kyaya , entre-autres , s'enrichissoit infiniment
au- delà de ce qu'avoit jamais fait
aucun particulier de l'Empire , surtout
d'une aussi basse origine que l'étoit celuilà
, mais au lieu de mettre un frein à ses
concussions , cet avare Empereur , lui facilitoit
les moyens d'en faire tous les jours
de plus criantes , parce qu'il se flattoit que
le vieux Ibrahim son Vizir , mourroit bientôt
; et qu'alors n'étant plus retenu par
aucune considération , il feroit étrangler
le Kyaya , et s'empareroit de tous ses
biens.
Avant que de finir sur le compte de cet
odieux Ministre, il ne sera pas hors de propos
de rapporter une particularité assez singuliere
; sa fille unique étoit promise au
jeune Anactar Oglan , dont on a parlé. It
avoit fait de magnifiques préparatifs pour
la célebration de la nôce , qui avoit été
fixée précisément au soir du jeudi , que la
sédition éclata ,et suivant la coutume tous
B vj les
862 MERCURE DE FRANCE:
les grands de l'Empire lui avoient fait à
ce sujet des présens considerables ; la bienséance
vouloit, ce semble , dans le trouble
et le désordre où la Cour et la Ville
étoient plongées , et dont il avoit paru
lui- même si fort effrayé , quand il se sauva
le matin , que ces nôces fussent remises
à un temps plus tranquille et plus
propre à la joye ; cependant , soit qu'il
se flatât que la rebellion n'auroit point de
suites fâcheuses , ou que son orgueil l'aveuglât
, il passa outre , et insultant au
peuple pour la derniere fois , le mariage
fut consommé à l'heure marquée ; mais
il fut d'un sinistre augure , puisque tandis
que la fille entroit au lit nuptial , le
pere mettoit déja le pied dans celui de la
mort.
}
7
Les richesses du Grand Vizir et de ses
deux Gendres , étant immenses , comme
on l'a pû voir par le petit détail que nous
en avons fait , elles étoient plus que suffis
ntes pour le payement des troupes ; on
déploya donc cinq étendarts à Atmerdam
, sous lesquels vinrent se ranger, et se
fire écrire,tous ceux qui devoient, ou pour
mieux dire , qui voulurent participer à
cette gratification ; car il est bon de remarquer
que d'ordinaire un Sultan , n'est
tenu à faire le présent de son avenement
à l'Empire , qu'aux Militaires en exercice
,
AVRIL 1731. 863
ze , et déja enrolez du temps de son Prédécesseur
, et non à ceux qui ne venant
s'engager , la plupart dans cette occasion ,
que pour profiter du benefice qui l'accompagne
, disparoissent après l'avoir reçû
parce que supposé que parmi ces
derniers , il s'en trouve , qui s'enrollent
avec l'intention de servir , ils doivent
s'estimer assez heureux d'être reçûs au
nombre des Kouls ou Esclaves de sa
Hautesste , avec la paye qu'on leur assigne
; mais le Sultan Mahmout , voulant
commencer son regne par un acte de générosité
, pour se concilier davantage le
coeur des Milices et du peuple
d'ôter tout prétexte aux mal intentionnez
, de continuer la révolte , donna un
Katcherifs pour que les nouveaux Soldats
reçussent également la gratification
comme les anciens , et qu'on délivrât
également aux uns et aux autres deux
quartiers de leur solde.
,
et afin
Malgré cet ordre , cependant le Lieutenant
General des Janissaires , par probité
, ou par reconnoissance de ce que
l'Empereur l'avoit confirmé dans cette
Charge , qu'il tenoit des Rebelles , ne
put voir sans indignation qu'ils abusassent
des bontez de Sa Hautesse , jusqu'au
point d'admettre à cette gratification
comme ils faisoient , un nombre infini de
و
petits
$64 MERCURE DE FRANCE
,
petits enfans , de vieillards et de gens
éclopez ou contrefaits ; il crut donc pouvoir
représenter à Patrona , que si l'on
continuoit de la sorte tous les trésors:
du Grand Seigneur ne suffiroient pas
gratifier tant de gens qui le méritoient
si peu ; mais celui- ci lui dit avec un ton
de Maître , que ce n'étoit pas à lui à vouloir
diriger des finances qui ne lui appartenoient
point et dont il n'étoit pas
chargé de rendre compte , et sans autres
discours , il commanda sur le champ
qu'on mit en pieces ce malheureux Officier
, qui par trop de zéle et de probité
perdit en un instant la vie , et sa nouvelle
dignité.
,
Le Grand Seigneur voyant de plus en
plus par ce qui venoit de se passer , qu'il
ne lui seroit pas possible de rétablir l'ordre
et la tranquillité dans Constantinople
, tant que Patrona y resteroit en armes
, et n'osant entreprendre de s'en défaire
, de crainte de causer une seconde révolution
aussi fatale pour lui , lui , que
que la premiere
l'avoit été pour son oncle , il tenta
de l'éloigner de la Capitale , en lui offrant
un des plus considerables Gouvernement
de l'Empire , et d'y attacher toutes
les marques d'honneur qu'il souhaiteroit.
Mais Fatrona se défiant avec raison
que
AVRIL. 1731. 865
réque
des offres si avantageuses ne cachassent
un piége , répondit qu'il ne se
soucioit pas de dignitez , et qu'il n'étoit
avide que du sang des proscrits , dont
il avoit fait une longue liste. Le Janissaire
Aga qui étoit présent , s'avisa de
vouloir conseiller à l'Empereur,de donner
à Patrona 100. mille Sequins , et de le
laisser le maître de se retirer où bon lui
sembleroit.Je n'ai pas besoin d'argent,
,, pondit ce fier Rebelle , puisque toutes les
bourses de Constantinople sont à mon service
; et lançant un regard terrible sur
le Janissaire Aga , il lui recommanda d'un
ton , et d'un air si impérieux , de ne se
jamais mêler de ce qui le regardoit , s'il
ne vouloit avoir le même sort de son Lieutenant
, que sans rien répliquer , ce General
de l'Infanterie , se prosterna trois
fois devant lui .
ور
"
> et à
Le 6. Patrona nomma de son chef de
nouveaux Officiers , à la plupart des principaux
emplois dans les troupes
mesure qu'ils se présentoient devant lui
il les faisoit revêtir de Pelisses de Samour
de Martre Zibeline , qu'on avoit prises
au pillage des maisons des proscrits . On
publia de nouveau ce jour-là de sa pare
que tous ceux qu'on trouveroit commettant
du désordre , seroient punis de mort
sur le champ. Cette Ordonnance produi
sit
865 MERCURE DE FRANCE
>
sit un si bon effet , que , quoique Gala
ta grand Fauxbourg de Constantinople,
fut plusieurs jours sans Commandant,
le Vaivode , dont la tête avoit été mise à
prix , s'étant sauvé , et que presque tous
les Marchands François qui y demeurent
fussent alors aux Isles des Princes , avec
leurs familles , les Rebelles qui vinrent
piller quelques maisons de Juifs , ne firent
aucunes insultes à celle des François.
Il est vrai , que ce qui contribua beaucoup
à les garantir des brigandages de la canaille,
fut la précaution que leur nation prit d'établir
et de payer une gardepour leur pro
pre sureté , composée des Rebelles mêmes.
Le 7. le Sultan Mahmout' , fut avant
midi à la Mosquée d'Eyoup , qui est dans
le fond du Port de Constantinople , à
environ deux heures de chemin du Serrail,
se faire ceindre le Sabre Imperial ; céré
monie qui tient lieu de couronnement aux
Sultans. Son cortege étoit fort nombreux ,
mais il y avoit beaucoup de confusion ; la
Marche défila entre deux hayes de Janissaires
de Topgis , et de Dgebedgis , en
simple Doloma , qui est l'habit long que
portent ordinairement les Janissaires , en
Calote rouge , sans bonnets de cérémo
nie , et sans armes , comme l'Empereur
l'avoit ordonné ; car il y eut la veille de
grandes contestations à ce sujet ; entre
la
•
t
AVRIL. 1731 867
la Cour et les Rebelles , Sa Hautesse ne
voulant point que personne vint armé à
cette Cavalcade , et ceux- ci au contraire
ne prétendant pas devoir mettre bas les
armes , qu'on ne leur eut donné satisfaction
sur les proscrits , et qu'ils n'eussent
été payez de ce qu'on leur devoit , tant
du présent , que de ce qu'on leur devoit
d'ailleurs ; de sorte que malgré les défenses
du Sultan ils y vinrent bien armez ;
Patrona monté sur un beau Cheval magnifiquement
harnaché , y précedoit le
Grand Vizir , et avoit à sa gauche un
autre Chef de son parti . Ces deux hommes
affectant de mépriser le faste
n'avoient
qu'un petit Turban , l'habit de Janissaire
, et les jambes nuës ; ils jettoient
des Sequins au peuple , et quatre Dervi- .
ches , qui marchoient à pied à leurs côtez,
faisoient les mêmes largesses de leur part.
Le Sultan se distingua aussi par sa generosité
, ayant fait jetter ou distribuer pareillement
50. bourses , au lieu de douze qu'il
en coûte d'ordinaire à un nouveau Grand-
Seigneur dans cette occasion . On revint
par terre comme on étoit allé , le mauvais
temps n'ayant pas permis qu'on prit la
voye de la Mer , comme c'est l'usage.
Le peuple avoit compté qu'après cette
céremonie la tranquilité se rétabliroit , et
qu'on r'ouvriroit les Boutiques; mais l'autorité
868 MERCURE DE FRANCE
, que
torité du Grand Seigneur étoit encore si
mal affermie , qu'on n'osa exposer les
Marchands aux nouveaux désordres
cette ouverture auroit pû attirer; les principaux
Officiers des Rebelles étant même
venus à la Porte le 8. Octobre , et le Grand
Visir leur ayant fait distribuer des Cafetans
et des Chevaux , ils se prirent de paroles
, & et se tiraillerent l'un l'autre , chacun
voulant saisir le meilleur Cheval,
cela jetta d'abord l'effroi par tout
parce
qu'on craignit que ce ne fût une feinte
concertée entre eux , pour exciter une
nouvelle sédition ; heureusement se querellant
de bonne foi , ils se reconcilierent
de même .
د
Patrona , vint aussi peu après voir le
Grand Visir , accompagné seulement de
trois de ses camarades , qui le suivoient à
pied comme des domestiques. Dès que ce
Ministre , tout gendre qu'il est d'un Sultan,
et qui ne se seroit pas levé pour l'Ambassadeur
d'un Souverain , sçut que cet
illustre scelerat arrivoit , il courut vite au
devant de lui jusqu'au bas de l'escalier ,
le mena dans son appartement , où ils resterent
deux heures ensemble , et il le reconduisit
bien civilement au lieu où il étoit
venu le prendre.
Dans le temps que Patrona alloit par
tir , un Bach Asseky , domestique favori
du
AVRIL. 1731. 869
du Grand Seigneur , vint lui parler en secret
de la part de Sa Hautesse : il ne daigna
pas descendre de Cheval pour cela ,
mais se courbant un peu seulement , leur
conversation dura un quart d'heure , après
quoi il s'en retourna d'un air résolu à son
Camp d'Etmeïdan .
Il s'étoit répandu ce jour-là dans la Ville
, que le Grand Seigneur devoit honorer
d'un nouveau Cafetan , Abdi Capoudan
, et le confirmer dans la dignité de
Capitan Pacha ; mais il arriva au contraire
que Sa Hautesse le déposa et mit à sa
place Kafis Mehemet Pacha , jeune homme
de 35. ans , qui n'a aucune experience
dans la Marine : aussi n'étoit-ce qu'en
attendant l'arrivée de Dgianum Codeca ,
un des plus braves et des plus grands
hommes de Mer qui soit dans l'Empire.
Ce même jour , les Ministres Etrangers
eurent permission de la Porte d'expédier
à leurs cours , pour donner avis de
l'avenement de Sultan Mahmout à l'Empire
, et plusieurs Tribunaux de justice reprirent
leurs cours ordinaires , au moyen
des nouveaux Officiers , qu'on y mit pour
remplacer ceux que les Rebelles avoient
proscrits , comme entre-autres , le Vaivode
de Galata , qui fut remplacé par un
ancien Officier du Corps des Baltadgis
lequel avoit déja exercé autrefois le même
870 MERCURE DE FRANCE
me emploi , avec l'approbation generale.
Il est fils de Cherkez - Osman-Pacha
qui dans tous les grands emplois , qui lui
ont été confiez , a donné des marques de
son amitié pour les François , et surtout
dans l'affaire de la restauration du Temple
de Jerusalem.
Le 9. on commanda 20. Janissaires sans
armes , de chaque compagnie , pour aller
prendre à la Porte, l'argent destiné au présent
, et escorter les 150. chariots , chargez
chacun de so . Bourses , qu'on conduisit
en cérémonie chez le Janissaire
Aga , ou la répartition s'en fit pendant
trois jours à 100. mille hommes ; sçavoir
40. mille Janissaires , 18. mille Topgis ,
22. mille Dgebedgis , et 20. mille Spahis
, ce qui fait en tout 11250000. liv .
Le Grand Visir fut importuné de quelques
plaintes au sujet de cette distribution :
plusieurs Officiers deshonorant leur carac
tere , s'aviserent de retenir pour eux une
partie de ce qui revenoit à leurs Soldats :
une conduite si indigne en tout temps , et
si dangereuse dans les circonstances presentes
, méritoit sans doute une punition
exemplaire , cependant ils en furent quittes
pour restituer à qui il appartenoit ,
tout ce qu'ils s'étoient si injustement approprié
; mais il pensa arriver entre les
Rebelles un autre affaire de même espece
,
AVRIL. 1731. 871
ce , qui , pour peu qu'elle eut eu de suites
auroit été capable de ruiner entierement
leur parti .
2
Patrona , qui jusqu'alors s'étoit montré
en public , sous le caractere d'un hommé
désinteressé , faisant apparemment réflexion
, que la gloire toute seule n'étoit
que fumée , voulut lui donner plus de
consistance en y joignant les richesses.
Beaucoup de proscrits cachez , le firent
sonder , pour obtenir leur grace , et lui
offrirent des presens proportionnez à leurs
facultez ; il leur accorda la liberté de se
retirer où ils voudroient , et reçut de l'un
20. bources , de l'autre 30. &c. le tout
sans en faire part à ses Camarades ; ceuxci
n'en eurent pas plutôt connoissance
qu'ils s'en plaignirent avec aigreur. Vous
fçavez bien , lui reprocherent-ils , que nous
n'avons tous pris les armes que pour tirerle
peuple d'oppression, et le délivrer d'une
troupe de Loups raviffants qui le rongeoient
depuis 14. années ; que par l'assistance divine
nous sommes venus à bout de ce
grand et perilleux ouvrage ; cependant
,, vous , Patrona , qui comme notre Chef devriez
nous montrer l'exemple
et être
plus religieux obfervateur du serment que
vous avez exigé de nous , et que vous avez
fait vous même de ne pardonner à aucun
des ennemis de la Patrie , Vous êtes le
د و
و و
ر و
د و
ر و
ور
"
و ر
و
premier
872 MERCURE DE FRANCE
mier qui pour un vil interêt , rompez de fi
saints engagemens. Un peuple infini adresse
ses prieres au Ciel pour nous , en reconnoissance
de notre juste entreprise , et vous êtes
le seul qui s'oppose à son entiere perfection ,
en vendant vosfaveurs aux tyrans de l'Etat
mais ajoûterent - ils , en élevant la
voix : bien loin que vous puissiez rencontrer
en nous des coeurs capables d'applaudir
à cette bassesse , fachez , que fi dans deux
jours vous ne faites retrouver ceux que vous
avez fait évader , nous vous mettrons nous
même en pieces.
,
Patrona , étourdi de la harangue répondit
avec douceur à ses camarades , leur protestant
que malgré le crime dont ils le
chargeoient , sur lequel il ne se mit pourtant
pas fort en peine de se juftifier , son
dessein avoit toûjours été d'exterminér
tous ceux qui étoient sur l'état des proscrits
, et qu'il alloit travailler à leur
donner une pleine satisfaction à cet
égard.
Les pillages , les recherches , les persécutions
continuant donc à Constantinople
et aux environs , le Sultan en fut si
penetré , qu'il convoqua au Serrail `un
grand Conseil , composé de tous les Gens
de loy , à la tête desquels étoit , Mirza-
Zade, nouveau Mufty , et des principaux
Officiers de l'Empire. Il y fut résolu que
le
AVRIL. 1731. 873
le Grand Seigneur donneroit un Katcherif
fulminant , qui seroit adressé et porté
aux Rébelles , par l'Asseky- Aga ou Bacha-
Asseky , et que le Mufty rendroit une
Sentence ou Feiza en conformité , dont
on chargeroit à Ballach Effendi , Lieute
nant General de Police de la Ville.
Il eft bon de remarquer , que cet Officier
qui étoit une espece de fou turbulent
, avoit d'abord pris le parti des Rebelles
, qui l'établirent dans ce poste , et
que la Cour sçachant qu'il étoit en grand
crédit parmi eux , avoit trouvé le secret
de le gagner et de se servir de lluuii ,
pour
porter les Janissaires à plier leurs étendarts
et à rentrer dans leurs cazernes ; effectivement
le Istamboul- Effendi ou
Abdollah Effendi , malgré le dérangement
de son cerveau , avoit si bien negocié
cette affaire , que les plus anciens et
les plus sensez de cette Milice و serendant
à ses avis , s'étoient retirez dans leurs
chambres , avec promesse de se soumettre
aux ordres de la Cour,
Le parti des Révoltez étant considerablement
affoibli par cette désertion ,
l'Istamboul- Effendi , et l'Asseкy- Aga , vinrent
à leur camp ; ce dernier leur demanda
s'ils n'avoient pas reçû leur paye , et
pourquoi n'ayant plus rien à exiger du
Grand Seigneur , ils ne se retiroient pas ;
ensuite
874 MERCURE DE FRANCE .
ensuite il leur présenta le Kacherif , qui
fut lû à haute voix. Il contenoit en substance
, que puisqu'ils avoient fait eux-même
Sultan Mahmout Empereur , et qu'en
consequence ils se reconnoissoient ses
Esclaves , ils devoient lui obéir aveuglement
, et sans délai , qu'ayant d'ailleurs
sujet d'être satisfaits de Sa Hautesse´, qui
leur avoit accordé au- delà de ce qu'ils
avoient souhaité , il étoit juste qu'à leur
tour ils lui donnassent des marques de
leur soumission , afin de rendre le calme
à la Capitale de l'Empire où elle vouloit
absolument faire cesser tous désordres :
que si après avoir eu connoissance de ses
intentions par ce sublime commandement
, ils étoient encore assez ingrats et
assez témeraires , pour ne s'y pas conformer
, elle feroit déployer l'Etendart du
Prophete à la porte du Serrail , et publier
de toutes parts que tout bon Musulman
eut à venir le joindre , pour aller
contre les Séditieux , qui dès ce moment-
là seroient déclarez traîtres , infidelles
et répudiez de leurs femmes , et
qu'on poursuivroit leur destruction jusqu'à
ce qu'il n'en restât pas un seul.
Le Feta du Mufti fut lû ensuite , et
s'exprimant d'une maniere aussi forte , les
Rébelles commencerent à s'ébranler ; mais
ze qui acheva de les réduire du moins
.
en
4
AVRIL. 1731. 875
›
en apparence , fut la déclaration que leur
firent faire les Janissaires . , qui s'étoient
déja rangez à leur devoir ; que s'ils ne
se retiroient pas comme eux ils les
avertissoient que dès que la Baniere
de Mahomet paroîtroit , ils iroient la
défendre et les combattre , jusqu'à la derniere
goute de leur fang.
Les plus mutins intimidez par ces avertissemens
, soit qu'ils rentrassent sincerement
en eux- mêmes , ou que la plûpart
dissimulassent , comme la conduite qu'ils
tinrent depuis donne assez lieu de le penset
, se soumirent enfin , mais à deux conditions
; que la Cour , dans l'esperance
d'avoir la paix , fut encore obligée de
leur accorder la premiere , que le Grand
Seigneur ne feroit jamais mourir aucun
d'eux pour avoir excité la sédition ; la
seconde , qu'ils auroient toûjours cinq
étendarts déployez , pour être en état de
se défendre , si on vouloit entreprendre
quelque chose contre eux.
Ce traité fait , le Mufty se rendit garand
de la parole de Sa Hautesse , et l'Istamboul-
Effendi de celle des Rébelles
qui promirent de ne plus commettre
aucun désordre ; plierent leurs étendarts ,
à l'exception des cinq qu'on leur avoit
accordez , et se retirerent , les uns dans
les cazernes , les autres où ils voulurent .
C Cela
876 MERCURE DE FRANCE
Cela fe passa le douze Octobre.
Conséquemment à cet accord le Grand
Seigneur ayant ordonné le 13. qu'on r'ouvrit
les boutiques , l'affluence du monde y
fut si grande , ainsi que dans les marchez
, sans qu'il y arrivât ni tumulte ni
bruit , qu'il sembloit que la bonne harmonie
fut rétablie ; cependant le même
jour il se commit encore des violences et
des meurtres , dans quelques endroits de
la Ville , qui firent assez juger que le
calme n'étoit pas si général qu'on s'en
étoit flatté , comme on va le voir.
Les Caffez étant à Constantinople ,
comme ailleurs , des lieux où toutes sortes
de gens s'assemblent sans se connoître
, et où il se trouve d'ordinaire beaucoup
de faineants , qui n'ont d'autre occupation
que de parler de nouvelles ; il
y en eut plusieurs de cette espece qui
payerent de leurs vies l'intemperance de
leurs langues. Comme les Révoltez étoient
fort éloignez de se croire criminels , et
qu'ils se consideroient,au contraire, comme
de glorieux liberateurs de la Patrie ,
ils s'étoient eux-mêmes qualifiez du titre
de Serdengueschtis , c'est- à-dire enfans ›
* Serdengueschti , signifie proprement un homme
qui sacrifie sa tête. Quand les Turcs vont à la
guerre , surtout contre les Chrétiens , ils ont toû
jours un corps de ces zelez combattans , dont les
perdus ,
1
AVRIL. 1731.
877
<
C
>
perdus , ou dans un sens plus figuré, Gens
d'honneur , qui se sacrifient pour le bien
public tellement qu'à leurs manieres.
de penser ,, la qualité de Rébelles leur
étoit tout-à- fait odieuse . Il vint donc dans
ces Caffez de ces imprudens Nouvellistes ,
qui tout haut et sans ménagement des affaires
d'Etat , traiterent de Zorbas ou de
Rébelles tous ceux qui avoient pris les
armes contre Achmet ; par malheur pour
eux il s'y trouva de ces enfans perdus
qui les écharperent sur le champ.
, Un de ces derniers , s'étant enivré à
Galata , repaffa le Port , et alla droit à la
Douane de Constantinople , avec deux Domestiques
, il y prit dans la caisse , devant
tout le monde , environ 300. piastres
, dont il donna une partie à ses valets
, et leur fit signe de se saisir de deux
filles esclaves que l'on avoit amenées au
Bureau pour en payer les droits , et trouvant
à la porte un Cheval tout fcellé
monta dessus et s'enfuit ; il fit tout cela
sans que personne s'y opposât , parce que
dans ces temps de trouble on ne sçavoit
à qui s'adresser pour avoir justice , et que
les gens de la Douane ne connoissant point
Officiers s'appellent Serdengueschtis Agalar ,
qui signifie les Messieurs , ou les Chefs des enfans
perdus , et c'est aussi le titre que prenoient
Patrona & les autres Chefs de la Rébellion.
Cij
cet
878 MERCURE DE FRANCE
cet hardi voleur , craignirent qu'ils ne
leur arrivât pis , s'ils lui faisoient la moindre
chose .
Le lendemain 14. un autre inconnu
bien vêtu , et bien monté , vint aussi descendre
à la Doüane , accompagné de six
domestiques ; il entre seul , et va s'asseoir
auprès de la Caisse ; les Commis qui s'attendoient
à une avanture au moins aussi
fâcheuse que celle de la veille , lui font
civilité, et l'invitent à se mettre dans l'angle
du Sopha , qui est la place d'honneur
; notre homme s'y met les saluë
de la tête , et prenant alors la parole :
Qu'est ce donc ,Messieurs , que vous est- il
arrivé hier : le récit lui en ayant été fait ,
tel qu'on l'a rapporté , il appelle un de
ses valets , et lui commande d'aller dans
un endroit de la Ville , qu'il lui désigne ,
et de faire prendre et tuer sur le champ
une personne qu'il lui nomme, Cet ordre
donné , il en donne deux ou trois
autres à peu prés semblables à ses autres
domestiques ; puis s'adressant aux Commis
, qui aussi surpris qu'effrayez , n'osoient
pas ouvrir la bouche. Sçavez vous
bien qui je suis leur demanda-t'il je
m'appelle Mouslouh : à ce nom l'assembléc
frémit sans rien répondre. J'ai , continua-
t'il , un talent tout particulier pour
connoître les honnêtesgens , et les fripons , et
, ,
j'estime
ㄢ
६
AVRIL. 17318 879
Festime autant les premiers , que les derniers
me sont en horreur ; ainsi c'est pour proteger
les uns et pour exterminer les autres que je
viens de donner les ordres que vous avez
entendus. Ensuite il s'informa du nom et
de la demeure de tous ceux qui étoient
présents , et leur promit que si quelqu'un
venoit encore les inquiéter , ils
n'avoient qu'à lui en écrire un mot ;
que dans l'instant même il les vangeroit
des coupables ; après quoi remontant
à Cheval , au grand soulagement de
la compagnie , que ces beaux discours
n'avoient point rassurée , il fut dans un
autre quartier faire la même manoeuvre.
Ce Mouslouh , ci- devant simple Janissaire
, et Marchand de Melons , étoit un
des principaux Chefs des Révoltez , comme
on l'a déja dit au commencement de
cette Relation ; outre qu'il avoit naturellement
de l'esprit et de l'éloquence , il
s'étoit encore rendu recommandable à son
parti , parce qu'il sçavoit passablement
lire et écrire , mérite d'autant plus révéré
dans ce pays -là , qu'il est rare surtout
parmi les gens du peuple.
,
Quand les Rébelles créerent des Officiers
dans les Troupes , pour remplacer
ceux qui n'avoient pas voulu être leurs
Complices , Mouslouh se nomma lui même
Kyaya du nouveau Janissaire Aga , ou
C iij
In88%
MERCURE DE FRANCE
;
Intendant de toutes les affaires de ce
General de l'Infanterie , qui fut élevé à
cette Charge Eminente d'une maniere
assez singuliere. Mehemet Aga , c'est le
nom de ce General , étoit un vieillard
qui de Janissaire étoit parvenu au Grade
d'Hassexi , qui est une espece de Prevôt
qu'il y a dans chaque Compagnie , et qui
est au rang des bas Officiers. Un poste si
modique ne lui fournissant pas dequoi
subsister , il faisoit le métier de Sellier
les Rébelles dans leur Conseil Payant
fait Janissaire Aga , il racommodoit une
vieille Selle lorsque leurs députez vinrent
lui annoncer son élection . Mes amis
leur dit- il , il faut que vous vous soyez
mépris , ou qu'on vous ait mal adressez , car
jefuis le Curé du quartier * ; cette profession
comme vous voyez , ne quadre point du tout
avec la Charge dont vous dites que vos
Messieurs m'ont honoré ; les députez en
convinrent , et en furent rendre compte
à leurs Chefs ; on rassembla le Conseil
une seconde fois , et toutes les voix ayant
encore été pour Mehemet Aga on le
renvoya chercher avec ordre de l'amener
de gré ou de force ; le bon homme fut
obligé d'obéïr , et avoua que ne se sentant
pas assez de force , pour se charger
d'un emploi d'un si grand poids , it
* Ou Iman d'une Mosquée.
>
s'étoit
AVRIL. 1731. 881
s'étoit avisé de feindre qu'il étoit Curé ,
dans l'esperance qu'on le laisseroit tranquille
; mais malgré sa modestie et sa
vieillesse , il donna pourtant dans la
suite des marques qu'il n'étoit pas indigne
de cette place , puisqu'on peut dire que
son activité , sa prudence , et sa fermeté ,
sauverent Constantinople d'une seconde
sédition , qui pensa s'allumer , comme
on le va voir au principal endroit où la
premiere avoit pris feu.
Les 14. 15. et 16. d'Octobre , les Rébelles
firent encore quelques désordres en
divers endroits. Un Emir, entre- autres , ce
dernier jour-là , marchanda quelques pieces
de drap chez un Grec au Bizestin , et
ne pouvant convenir de prix avec lui , le
menaça de le tuer ; le Grec effrayé cria
au secours , ferma sa boutique , les autres
Marchands en firent de même , et tout
alloit rentrer dans la confusion , quand le
Janissaire Aga arrivant à propos , se saisit
de l'Emir , et le fit executer sur le champ ;.
ce qui rassura tout le monde .
Ĉette nouvelle alla bientôt jusqu'au
Mufti, qui voyant avec douleur que le levain
de la révolte fermentoit toûjours, envoya
chercher Patrona - Kalil , Mouslouh
Aga , et quelques autres Chefs ; il leur dit ,
qu'il étoit vrai que la Patrie leur avoit l'obligation
de la liberté qu'elle commençoit
C iiij
182 MERCURE DE FRANCE
respirer , que le Grand - Seigneur reconnoissoit
pareillement qu'il leur étoit redevable
de son élevation au Trône ; mais
que de même , qu'ils ne pouvoient douter
par les graces que leur avoit fait Sa
Hautesse , qu'elle sçavoit récompenser les
bonnes actions , ils devoient craindre d'éprouver
qu'elle ne sçut aussi punir les
mauvaises ; que s'ils avoient bien fait d'abord
de prendre les armes pour détruire
un Ministre tiranique , ils faisoient trèsmal
à present de continuer à s'en servir ,
pour fomenter les troubles et la discorde
dans l'Etat ; puisqu'au lieu de le soulager
réellement , ce n'étoit que substituer aux
calamitez dont ils l'avoient délivrée , d'autres
calamitez encore plus affligeantes ;
qu'enfin s'ils ne se déterminoient à se retirer
paisiblement , où le devoir de chacun
les appelloit , ils alloient perdre nonseulement
tout le mérite du bien qu'ils
avoient procuré , mais que devenant des
objets d'indignation au Sultan , et d'horreur
à tout le peuple , la Cour et la Ville
agiroient de concert , et prendroient des
mesures pour les traitter avec autant de
rigueur , qu'ils avoient traité cux-mêmes
les derniers Ministres et leurs Suppôts
.
Patrona et les autres Chefs firent semblant
d'être touchez de ce que le Mufti
venoit
AVRIL 1731. 883
venoit de leur dire ; ils lui témoignerent
beaucoup de respect , et beaucoup de chagrin
du mal que quelques coquins , contre
leurs intentions, avoient pû faire ; enfin ils
lui promirent tout ce qu'il voulut exiger
d'eux , mais ils n'en continuerent pas
moins à se comporter avec leur audace
et leur insolence ordinaire.
Comme il n'est pas permis , sous quelque
prétexte que ce soit,de boire du vin , ni
de faire aucun désordre dans les Chambres
des Janissaires , ceux des Rébelles qui y
étoient rentrez , ainsi qu'on l'a dit , ne
pouvant s'assujettir long- temps à une discipline
si rigoureuse , prirent bientôt des
Maisons en Ville ; Patrona , entre plusieurs
qu'on lui offrit , donna la préference
à celle du Tefterdar , parce qu'elle est
voisine des cazernes des Janissaires.
>
Plus de 400. de ses camarades vinrent
se loger avec lui , ou aux environs . Là ses
Messieurs bien armez , se plongeant jour
et nuit dans toutes sortes de débauches
étoient ivres la plupart du tems ; il se rendirent
dans cet état à la Porte , s'asseyoient
d'eux-mêmes éfrontement auprès du Grand
Vizir ; lui demandoient des graces , ou
des emplois pour des créatures que leur
Chefhonoroit de sa protection , et ce Ministre
, au mépris de la justice et de sa dignité
, étoit forcé de déferer toûjours à
Cy leurs
884 MERCURE DE FRANCE
•
leurs requêtes , et sans délai . On ne finiroit
pas si on vouloit rapporter tous les traits
d'impudence de cette canaille ' ; mais en
voici un assez singulier. Après qu'on eut
étranglé le dernier Grand Vizir , Ibrahim
Pacha ,Mehemet-Pacha son fils, qui de même
que son Pere , étoit gendre du Sultan
Achmet , ayant été répudié par la Sultane sa
femme,et la Cour le regardant comme un
homme sans consequence , parce qu'il est
jeune , sujet à tomber du haut mal , d'un
esprit borné , et qui n'avoit eu aucune
partau Ministere ; le Grand Seigneur crut
que ce seroit assez punir ce malheureux
Pacha , en le releguant à Nicomédie avec
l'appanage de cette Ville pour sa subsistance.
La chose ne parut pourtant pas de même
aux Rébetles , qui trouvant au contraire
que cette peine étoit trop douce
Patrona vint déclarer au Grand Vizir que
les Agas et lui avoient jugé à propos d'exiler
Mehemet Pacha à Mouchkara , pour
y vivre des revenus que son Pere y avoit
laissez , et qu'il lui demandoit un ordre
pour cela ; le Ministre n'ayant garde de
rien refuser aux Agas , c'est -à-dire aux .
Chefs des Rébelles , l'ordre fut expedié et
executé aussi tôt.
,
Mais pour bien sentir le rafinement de
leurs vengeances contre Ibrahim dans
cette
AVRIL. 1731. 885
,
cette occasion , il faut sçavoir que Mouhs-
Kara étoit autrefois un mauvais Village
d'Asie , où ce grand homme étoit né d'un
pauvre Arménien
et qu'aspirant à immortaliser
son nom , comme il y seroit
parvenu , s'il eut plutôt fini ses jours , et
d'une mort naturelle , il avoit si fort orné
ce lieu , par les Colleges , les Mosquées
, les Bains , les Fontaines , les Kams ,
et autres Edifices publics et particuliers
qu'il y avoit fait bâtir durant son Viziariat
, que depuis quelques années on ne
l'appelloit plus que Neucheher , qui veut
dire nouvelle Ville ; or les Rébelles ne
voulant rien laisser subsister , autant qu'il
dépendroit d'eux , de tout ce qui pourroît
transmettre à la posterité , la memoire
d'Ibrahim , ordonnerent que tous ces
embellissemens fussent détruits , que Neucheher
redevint un miserable Village comme
il étoit auparavant, qu'il reprit son ancien
nom de Mouhs- Kara , et que l'infortuné
Mehemet y fut exilé pour toûjours
, afin qu'après avoir été le spectateur
de cette désolation , il n'eut continuellement
devant les yeux que des objets qui
pussent l'entretenir dans des réflexions
douloureuses , et qu'il ne lui restât
pour tout bien que les materiaux et
les décombres de cette Ville démolie.
C vj
Un
886 MERCURE DE FRANCE
h
Un Poste de Capidgy-Bachi étant venu
à vacquer , le G. V. en disposa en faveur
d'une de ses Créatures ; mais Patrona en
voulant disposer aussi , il fallut que ce
Ministre le donnât au Sujet presenté par
ce Rebelle , et qu'il révoquât la personne
qu'il en avoit déja pourvûë.
Un jour le G. V. tenant son Divan , fut
averti que Mouslouh , qui étoit déja ve
nu l'interrompre la veille à la même heure
, arrivoit chez lui avec un grand nom
bre de ses Agas ; il quitta d'abord le
Conseil , et vint le recevoir ; ils parlerent
pendant quelque temps tout bas ensemble
; ensuite ce Ministre passa chez le
G. S. et dans le temps que le Peuple assemblé
s'informoit avec empressement du
sujet de toutes ces démarches , on vit
sortir du Serrail un nouveau Kyaya nom .
mé Mustapha-Bey , lequel avoit été autrefois
Capigilar Kyayasy , ou Grand-
Maître des Ceremonies , et étoit depuis
peu Bujuk-Imbrahor , ou Grand- Ecuyer
du Sultan déposé. Son prédecesseur immédiat,
Nikdelihali- Aga , fut envoyé sur
le champ dans la Prison Bachbaki-Koulou
, c'est le Chef de ceux qui poursuipayement
des deniers dûs au Trévent
le
sor de l'Empire .
On rapporte plusieurs motifs de la disgrace
de ce dernier ; en premier lieu, que
s'étant
AVRIL. 1731. 887
s'étant livré aux conseils mal digerez d'un
de ses amis , il avoit formé le dessein de
détruire lui-même les Rebelles , et que
ceux - cy en ayant été informez , le prévinrent
et le firent déposer , comme on
vient de le dire , à la premiere requisition
de Mouslouh , Secondement cet hom- .
me étoit si avide , que sans être retenu.
par l'exemple récent et tragique de son
devancier , il prenoit de toutes mains et
avoit déja amassé plus de so . mille écus
en 15. jours seulement qu'il étoit en place.
On ajoûte à cela qu'on l'accusoit d'avoir
détourné des Effets de la succession
du feu G. V. Ibrahim , deux Ceintures
de diamans , un Couteau garni de diamans
et plus d'un million en argent.
Le 19. on fit dans le Serrail la paye de
deux quartiers aux Troupes , comme il
a été dit que le G. S. l'avoit ordonné
lorsqu'il leur accorda le present , et l'usage
étant aussi dans ces occasions qu'on
leur fasse manger le Pilau , Sa Hautesse
qui étoit venuë voir les sacs d'argent pour
la forme , commanda qu'on servît ce
Pilau dans des plats neufs , ne voulant
pas , dit-elle , que ce qui avoit été
employé sous le regne de son oncle le fût
encore sous le sien ; mais sur ce qu'on
lui représenta qu'il seroit impossible qu'on
f trouvât dans une matinée autant de vaisselle
888 MERCURE DE FRANCE
selle neuve qu'on en avoit besoin pour un
si grand nombre de personnes, elle répondit
qu'il falloit toûjours aller chercher
toute celle qu'on pourroit trouver , et
suppléer à ce qui en manqueroit par une
partie de la vieille qu'on feroit étammer
de nouveau , et cela fut executé avec une
promptitude dont il semble que les Turcs
seuls soient capables.
Comme on faisoit la paye , Patrona vint
au Serrail , il passa dans les rangs des
Janissaires , et les salua à droit et à
gauche
, et continua sa route jusqu'à l'Appartement
du G. S. La Validé ou Sultane
Mere , qui l'appelloit son second fils ,
parce qu'il avoit mis Sultan Mamouth sur
le Trône , fut quelque temps en conversation
avec lui , par l'organe d'un de ses
Eunuques, et lui donna 2000 Sequins , dont
il distribua la plus grande partie en sortant
aux Domestiques de cette Princesse.
Après la tenue du Divan , le G. V. revint
chez lui conferer la Principauté de
Valachie à Milka -Voda , qui avoit déja été
plusieurs fois Prince de Moldavie pendant
20. ans , et qui vivoit depuis quelques années
qu'on l'avoit déposé en simple Particulier
dans un Village du Canal de la
Mer Noire; il a succedé à Mauro-Cordato-
Roda , Prince d'un grand mérite , et sur
tout fort estimé pour son sçavoir , qui
mourut
AVRIL 1731. 889
mourut au commencement de Septembre
dernier.
Le Drogman de la Porte , à l'occasion
de cette ceremonie où il fallut qu'il assistât
, reçut un Caffetan , qui le confirmoit
dans son poste. Depuis le commencement
de la révolte il avoit toûjours
prié le G. V. de differer à lui faire cet
honneur , de crainte que les Rebelles le
voyant en fonction sous le nouveau Ministere
, comme sous l'ancien , ne le
fissent périr , ou n'exigeassent de lui des
sommes qu'il n'étoit pas en état de payer:
et de fait , Patrona l'ayant menacé en diverses
rencontres de le poignarder , il
n'osoit presque plus se montrer , et il fut
dans des frayeurs continuelles jusqu'au
jour que ce Barbare persecuteur de tous
ceux qui avoient eu part au dernier Gouvernement
, a subi lui- même la fin tragique
qu'il avoit déja fait souffrir aux uns ,
et qu'il destinoit encore aux autres .
Pour revenir à Milkavoda , sa Principauté
de Valachie lui avoit coûté 1500.
mille liv. sans compter les presens considerables
que suivant l'usage il avoit été
obligé de faire aux Ministres de la Porte ,
dès que lui , son fils et son Capy- Kyaya , *
* C'est un Homme d'Affaire , que les Princes
de Valachie et de Moldavie et même les Pachas
des Provinces entretiennent toûjours à la Porte
pour avoir soin de leurs interêts.
890 MERCURE DE FRANCE
eurent été revêtus du Cafetan d'honneur;
il fut conduit par les Principaux de la
Nation Grecque à leur Eglise Patriarchale ,
pour se faire reconnoître Prince . Le Patriarche
à la tête de son Clergé , vint le
recevoir à la Porte, et celebra la Messe en
habits Pontificaux , après quoi ce petit
Souverain s'embarqua dans un Bateau à
cinq paires de Rames , pour marque de
sa dignité , et retourna en pompe à son
Village.
Ce nouveau Prince fournit l'occasion
de parler ici d'un certain Manolaki, Grec
extrémement riche , et qui étoit Curtchi-
Bachi , ou Chef des Foureurs . Les Rebelles
, à cause des grandes liaisons qu'il
avoit eu avec Mehemet l'ancien Kyaya ,
l'ayant soupçonné d'avoir entre ses mains
beaucoup d'Effets de ce Ministre , furent
piller ses maisons , où ils ne le trouverent
pas. Il avoit d'abord pris la fuite et s'étoit
caché successivement en differens endroits,
d'où il faisoit agir secretement ses Emissaires
auprès de Patrona , pour avoir fa
permission de reparoître en sureté. On
prétend que ce dernier en reçut de grands
presens ; mais ces sortes de graces n'étoient
pas approuvées par ses Camarades ,
comme nous l'avons dit.
Le Curtchi- Bachi , qui vit que l'orage
qu'il croyoit avoir excité , étoit prêt à
tomber
AVRIL. 1731. 89 %
mer ,
tomber de nouveau sur sa tête , crut pouvoir
s'en garentir en se sauvant dans une
maison privilégiée , qu'il regardoit comme
un azile assuré pour lui ; mais malheureusement
peu de jours après on sçut
sa retraite , et la Porte l'ayant fait reclaon
ne put se dispenser de le re- .
mettre aussi-tôt à la Garde du Bostandgi-
Bachi , qui l'alla chercher. On le conduisit
et on le mit aux fers dans la Prison
du Bach-Baks -Coulou. Il fut interrogé
sur les biens du Kyaya , qu'on prétendoit
qu'il avoit en dépôt ; il répondit qu'il
n'en avoit qu'une petite cassette pleine
de papiers , que ce Ministre lui remit luimême
le jour de la révolte , parmi lesquels
on trouveroit un Etat détaillé de
toutes les affaires du Kyaya , qui faisoit
foi de la verité de sa déposition. Il ajoûta
que quant à lui , Curtchi - Bachi , il ne
désavoüoit pas qu'il ne fût fort opulent
, mais que ces richesses lui étoient
venues ou des heritages de sa famille ou
des gains legitimes qu'il faisoit depuis
long - temps dans son commerce de Pelleterie,
et que si quelqu'un pouvoit lui prouver
qu'il eût jamais rien pris injustement , il
étoit prêt à le restituer au triple. Par ces
raisons , appuyées de beaucoup d'argent
I qu'il fit glisser sous main à ceux qui le
pouvoient tirer d'embarras , il avoit enfin
recouvre
892 MERCURE DE FRANCE
recouvré sa liberté , lorsque notre nouveau
Prince venant à la traverse , l'accusa
à la Porte de lui avoir pris des sommes
considerables , dans le temps que lui Mikal
, étoit Prince de Moldavie , et que
Manolaki étoit dans la grande faveur du
Kyaya , et c'en fut assez pour que l'on
le remenât à la même Prison , d'où il sortit
pourtant cinq semaines après.
Le 23. le G. S. déposa Mengheli Chiray ,
Kam des Tartares de Crimée , et lui nomma
pour successeur son frere Kaplan-
Chiray , homme de tête et de coeur , et
qui avoit déja occupé ce Trône autrefois.
S. H. lui envoya son Grand - Ecuyer à
Brousse , où il étoit en exil , pour lui
annoncer cette agréable nouvelle , et une
Galere à Modenia , Port d'Asie , à une
journée de Brousse , pour le transporter à
Constantinople.
Ce Prince y étant arrivé le 31. Octobre
, on fit aussi- tôt publier une deffense
aux femmes et aux enfans de paroître dans
les rues , de peur que la curiosité ne les
y attirant pour voir son Entrée , il n'ar- ·
rivât quelques desordres. La Cour le logea
dans un Serrail du deffunt Kyaya . Le
6. Novembre il fut rendre visite au G. V.
qui le mena après chez le Sultan . S. H.
lui fit un gracieux accueil , et le fit revêtir
d'une Pelice de Martre Zibeline ; elle lui
4
1
fit
AVRIL. 1731 . 893
fit aussi donner un Cheval de son Ecurie
magnifiquement harnaché ; on le reconduisit
ensuite en ceremonie à son Palais ;
et dès le même jour le G. V. et les principaux
Ministres le vinrent voir, et lui firent
de magnifiques presens.
Le 24. on tint plusieurs Conseils sur
ce qu'il y avoit à faire pour parvenir à
dissiper les Rebelles. Il fut arrêté de leur
proposer , et on leur proposa en effet de
se retirer sur telle Frontiere de l'Empire
qu'ils voudroient ; bien loin de gouter
cette proposition , ils demanderent que
le G. V. fut déposé ; mais Mouslouh Aga,
qui n'étoit pas d'abord avec eux , arriva
et les fit changer de sentiment .
Le lendemain ils se présenterent au
Serrail en plus grand nombre que la veille
, ils se plaignirent de ce qu'on continuoit
à conserver et à rétablir des personnes
indignes des places qu'on leur faisoit
occuper , comme Mehemet-Effendi ,
ancien Reys Effendy , que la Porte venoit
de faire Dester - Emini , ou Gardien des
Registres de l'Empire pour ce qui regarde
les Troupes , et par le canal duquel les
Pensions Militaires s'obtiennent . Îls ajoûterent
qu'ils voyoient bien qu'on avoit
envie de faire revivre la derniere administration
, mais qu'ils y mettroient bon
ordre.
On
894 MERCURE DE FRANCE
On ne peut éviter de faire ici une disgression
sur les diverses agitations que
souffrit la fortune de ce Ministre pendant
la Révolte. Après avoir été caché les premiers
jours , il reparoît à la Cour tout
d'un coup , s'étant accommodé avec Patrona
; mais les autres Rebelles ayant
trouvé cela mauvais , il fut contraint de
s'éclipser de nouveau . Ensuite par le
moyen d'un Emir qui lui avoit obligation
et qui étoit intime ami de Mouslouh
il eut la liberté de revenir chez lui ,
pourvû qu'il ne fréquentât qui que ce
fût de dehors.
Le Kyaya-Nikdeli- Ali - Aga , dont nous
avons parlé , fâché de ce que cet ancien
Secretaire d'Etat qu'il n'aimoit pas , et dont
la capacité lui faisoit ombrage , n'eut pas
péri comme les autres , résolut de le perdre.
Pour y parvenir il lui fit faire des
complimens de félicitation , il le fit prier
avec les instances les plus vives de revenir
à la Porte , où l'on ne pouvoit , disoitil
, se passer de son secours , sur tout par
rapport aux affaires de Perse , que personne
ne possedoit comme lui.
Le vieux Mehemet-Effendi , fit rendre
mille graces au Kyaya , de toutes ses politesses
, et de l'opinion avantageuse qu'il
témoignoit avoir de son peu de lumieres ;
mais il le fit prier à même- temps de le
"
1
disAVRIL.
1731. 895
dispenser de se plus mêler de rien , s'en
excusant sur son grand âge et sur ses
infirmitez , qui le rendoient incapable
d'aucune application.
-
Le Kyaya voyant qu'il ne pouvoit attirer
tout seul son Ennemi dans le piege,
fit agir le G. V. qui envoya un ordre à
Mehemet Effendi de se rendre à la
-Porte ; il fallut obéïr ; il y fut donc , on
l'accabla de caresses chez ces deux Ministres
, et au bout de quelques jours le
G. S. le fit Defter Emini.
Le Kyaya sçavoit bien que les Rebelles
ne le souffriroient pas long- temps dans ce
poste ,aussi ne tarderent- ils pas long- temps
à s'en plaindre , comme nous l'avons rapporté
; on tint Conseil sur leurs menaces;
et pour en prévenir les effets , on déposa
plusieurs Officiers , dont Mehemet- Effendi
fut du nombre , et de plus exilé à
Tenedos.
Mais à peine étoit- il parti , que le reconnoissant
Emir qui l'avoit déja si bien
servi , s'employa une seconde fois en sa
faveur auprès de Mouslouh , et obtint
son rappel , desorte qu'il revint encore
dans sa maison , mais toûjours sous la
condition de ne communiquer avec personne
, ce qu'il observa fidelement jusqu'à
l'entiere abolition des Rebelles ,
Revenons à ces derniers ; après qu'ils
eurent
896 MERCURE DE FRANCE
eurent marqué leur mécontentement à la
Porte , de ce qu'on employoit encore des
proscrits , ils demanderent que Ruslan-
Pacha , qu'ils avoient fait venir de Bosnie ,
fut nommé General de l'Armée de Perse.
Le G. S. y consentit , moyennant qu'ils
voulussent y suivre ce Pacha. Ils promirent
de le faire ; mais comme ils ne cherchoient
qu'à amuser S. H. , cela n'empêcha
pas qu'ils ne fissent entre- eux les jours
suivans de nouvelles assemblées , et qu'ils
ne parussent à la Porte le 29. pour y demander
que Patrona-Kalil fût fait Capi- ,
tan Pacha , le Janissaire Aga G. V. et que
Mouslouh eût la Charge de ce dernier.
La Cour surprise au dernier point de ce
nouveau trait de la teméraire audace des
Rebelles , ne pût se persuader qu'ils se
portassent d'eux-mêmes à des prétentions
si déraisonnables , et crut que quelques
Gens de Loi , qui étoient très- suspects au
Gouvernement , étoient les secrets Promoteurs
de toutes leurs démarches outrées.
Elle jetta d'abord tous ses soupçons
sur Zulalizade-Effendi , Kadilesker d'Asie,
en exercice .
On se rappella , 1 ° . qu'Achmet III.
étant encore sur le Trône , avoit reproché
en face à ce Kadilisker , qu'il étoit
un traître et un des principaux Auteurs
de la premiere Révolte ; que celui- cy au
lieu
AVRIL. 1731. 897
lieu de se disculper de cette accusation ,
avoit reproché à son tour au G. S. que
depuis long- temps il étoit déchu de la
Souveraineté , et que du moment même
qu'il signa le Traité de Passorouvits , par
lequel il avoit cedé honteusement Bellegrade
aux Allemans , il ne l'avoit plus
consideré comme Empereur.
2º. Qu'Achmet ayant assemblé les
Gens de Loy pour les consulter sur les
moyens de conserver la vie à son G. V.
il lui avoit dit que les séditieux lui demandoient
trois personnes , le Vizir , le
Kyaya et le Capitan - Pacha . Qu'à l'égard
des deux derniers il consentoit à les leur
abandonner , mais que pour Ibrahim , il
vouloit tâcher de le sauver ; qu'il étoit
même dans le dessein d'écrire aux Rebelles
pour en obtenir la grace , et que
cependant il souhaitoit auparavant qu'ils
lui dissent leur avis là- dessus ; que Zulali
Zadé prenant alors la parole , avoit répondu
au Sultan qu'il entreprenoit là une
chose bien difficile , et que le mal étoit
devenu trop grand pour pouvoir y porter
du remede ; que le G. V. ayant aussi voulu
hazarder son avis , ce Kadilisker l'interrompit
, et s'emportant comme
furieux , lui dit qu'il étoit réprouvé des
hommes et de Dieu , et qu'un méchant
comme lui méritoit la mort la plus
igno398
MERCURE DE FRANCE
> ignominieuse. Sur quoi Ibrahim sans
rien répliquer , se leva , les larmes aux
yeux , et se retira . Que le G. S. outré de
douleur et de dépit , s'étoit pareillement
levé et avoit dit au Kadilesker, que puisque
tout étoit désesperé , qu'il rendît
donc sa Sentence de mort contre le Visir
comme contre les deux autres , ce que
Zulalizadé avoit fait sur le champ.
Ces refléxions et plusieurs autres du
Sultan et de ses Ministres , sur le procedé ,
dace Kadilesker , firent regarder comme
des preuves les indices qu'on avoit de ses
pratiques avec les Rebelles ; mais comme
on n'avoit pas encore pris les arrangemens
necessaires pour leur châtiment et
leur destruction , on se contenta de répondre
qu'on ne pouvoit leur accorder
les changemens qu'ils demandoient qu'on
fit dans le Ministere .
Lc 2. Novembre le G. S. donna un
Katcherif, qui leur enjoignit de prendre
bien garde de faire aucun desordre ; S. H.
étant résoluë de punir de mort tous ceux
qui en seroient coupables ; et comme ils
s'étoient distinguez de ses autres Sujets
en portant des Turbans rouges , ce qui
ne faisoit qu'entretenir la division et l'esprit
de parti dans Constantinople , elles
prétendoient qu'ils en prissent chacun de
conformes à leurs differentes Professions,
#
(
= afin
AVRI L. 1731. 899
afin que rien ne démentît en cux l'obéi'ssance
et la fidelité qu'ils devoient.
Les Rebelles firent honneur au Katcherif
, quant à ce dernier article qui ne
regardoit qu'une soumission exterieure
mais quant à ce premier qui touchoit à
la réforme de leur conduite , ils ne tarderent
pas à marquer qu'elle étoit toûjours
la même.
Patrona Kalil , refléchissant dans sa
haute prosperité , qu'il avoit fait du bien.
à tous ceux à qui il avoit obligation ,
excepté à un Boucher Grec nommé Tanaki
, lequel s'étoit avanturé de lui fournir
abondamment , tant à lui qu'à ses Camarades
, d'excellente viande , lorsqu'ils
étoient campez à Etmeïdan , et que cet
homme d'ailleurs lui avoit autrefois prêté
deux écus dont il avoit eu la discretion
de ne lui jamais parler , il l'envoya chercher
, et lui dit : qu'étant très sensible à
l'assistance qu'il avoit reçûë de lui , il
vouloit lui en témoigner sa reconnoissance
d'une maniere autentique. Il lui fic
d'abord present de 1000. Sequins , valant
près de 1oooo. liv. puis lui dit, en riant :
Ne vous souciez- vous pas de vivre plus
Long-temps que moi ; Yanaki répondit aussitôt
, que , lui mort , il ne se soucioit plus
de la vie. He bien, puisque cela est ainsi,
reprit Patrona , charmé de cette réponse :
D dites
goo MERCURE DE FRANCE .
dites-moi ce que vous souhaitez que je fasse
pour vous , et soyez sûr de l'obtenir. Alors
mille désirs confus s'élevant dans le coeur
du Boucher , et ne sçachant auquel s'arrêter,
il dit à son Bien- faicteur : Que pour
le present il ne sçavoir que lui demander ,
mais qu'il alloit consulter ses amis , et qu'il
lui rendroit bien tôt réponse. Yanaki fut
trouver le Kasab- Bachy , qui est comme
le Fermier ou Inspecteur general des
Boucheries ; et après lui avoir exposé sa
bonne fortune : Que me conseillez vous ,
lui dit-il , j'ai envie de porter Patrona
qu'il fasse revivre en ma faveur la Charge
de Surdgy- Bachi , * qu'on a supprimée,
elle est de mon état et j'en connois tout
l'exercice . Celui- cy qui vie qu'il alloit per
dre la plus grande partie de ses droits ,
si cette Charge dont il avoit réüni les
fonctions à la sienne , étoit rétablie , répondit
au Boucher : Vous n'y pensez past
à quoi vous amusez vous ? votre Protecteur
est tout-puissant , il vous met en état par
ses offres et par son crédit , d'aspirer aux
Postes les plus brillans , et vous allez vous
borner à une petite Charge de rien , sou-
* C'étoit une Ferme et en même temps une Ingpection
sur les Boeufs , Moutons , &c. à peu près
comme la Ferme du Pied- Fourché à Paris , et
qui rapportoit au Fermier par an environ 106.
mille livres.
vent
AVRIL: 1731 .
vent même plus ruineuse que lucrative :
Que lui demanderai- je donc? Demandez
lui , reprit l'autre , qu'ils vous fasse Prin
ce de Moldavie ; et si vous n'avez pas assez
d'argent pour payer cette Principauté
, que cela ne vous embarrasse pas , je
vous fournirai tout ce qu'il vous en faudra.
La vanité qui est comme incarnée chez
les Grecs , tourna en un moment si bien
la cervele à celui-ci , qu'oubliant la dis
tance de sa bassesse , au rang qu'on lui
proposoit , il s'en revint chez Patrona , et
-lui dit que puisque l'affection dont il
l'honoroit étoit sans égale , et qu'il avoit
tout pouvoir dans l'Empire , il le prioit
de le faire Prince de Moldavie . Soit , ré-
-pondit Patrona , et sur le champ , il l'en
voya avec un de ses gens chez le G. V.
Ce Ministre étonné d'une pareille proposition
, resta muet quelque-tems ; ensuite
reprenant ses esprits , il dit que ce que deamandoit
l'Aga Patrona étoit impossible
qu'on ne nommoit à ces sortes de Principautez
que des gens de naissance , ou qui
avoient rendu de grands services à l'Etat ,
qu'outre que le sujet qu'on lui présentoit
, n'étoit dans l'un ni dans l'autre cas ,
'Empereur n'ayant confirmé que depuis
quatre jours Gregorasko - Ghika , dans sa
Principauté , il n'étoit ni de l'honneur ,
Dij
ni
jo MERCURE DE FRANCE
ni de la justice de Sa Hautesse , de déposer
ce Prince , dont elle étoit satisfaite , pour
mettre un vil Artisan à sa place.
pas
Le tout ayant été rapporté à Patrona :
Bon, bon , voilà de belles raisons , dit- il ,
qu'est-ce que cela signifie ? Gregorasko
n'est- il pas Dgiaour ? Yanaki n'est- il
Dgiaour aussi ? Que l'un ou l'autre
soit Prince , n'est - ce pas toujours
la même chose ? En un mot , je veux que
mon ami soit préferé. Là- dessus il renvoya
le Boucher au G. V. et le fit accom-
Mouslouh.
pagner par
it
Ce second Chef parla si haut , que le
Gr. V. ne sçachant plus quel parti prendre
, dit qu'une affaire de cette importance
ne dépendoit pas de lui , qu'il alloit
la communiquer au Sultan , et sçavoir sa
volonté : Allez donc , répondit Mouslouh,
mais songez toujours à complaire à Pafrona.
Le G. S. ne fut pas moins surpris , ni
indigné que l'avoit été son Vizir ; cependant
, jugeant bien que dans peu tout
changeroit de face , et qu'on seroit alors
en état de faire payer cherement au Bou
cher et à son protecteur leur impudence ;
il dit à son Ministre qu'il n'y avoit qu'à
les contenter. Ainsi maître Yanaky fut
revêtu du Caftan de Prince de Moldavie
le 2 Novembre et reçût tous les au-
?
tres
་
{
AVRIL. 1731. 903
tres honneurs usitez en pareille occasion
tant à la Porte , qu'à l'Eglise Patriar
chale .
Ce fut un coup de foudre pour la Nation
Grecque l'orgueil humilié , et le désespoir
étoient peints sur tous les visages
pendant la cérémonie , à laquelle il fallut
que le Drogman de la Porte eut la mortification
d'assister. Comme c'est un fort
honnête homme , tout le monde prit
part au juste chagrin qu'il avoit d'être
obligé par le devoir de sa Charge de concourir
, quoi qu'indirectement,à la déposition
de son propre frere , que le Boy
Yanaky alloit relever.
Mais la grandeur de ce Prince-Boucher
passa comme un songe; il ne pût parvenir à
ramasser que 30 Bourses,qu'il donna , et qui
furent perdues,au lieu de près d'un million
dont il avoit besoin , pour satisfaire la Porte
et ses Ministres , ainsi que Patrona qui lui
demandoit 60 Bourses , et les autres Agas
qui en vouloient avoir presque autant. Le
Kasab- Bachi , qui ne lui avoit offert de luimême
son secours , que pour l'engager
dans ce mauvais pas , et l'y laisser , s'éclipsa
subitement , et Patrona même , son
zelé protecteur , en apparence , l'ayant
fait Prince moins par reconnoissance
que pour son interêt particulier , et pour
braver le G. S. en faisant parade de son
Diij -au-
,
904 MERCURE DE FRANCE
autorité , l'abandonna comme l'autre; ensorte
que ce Prince , en idée , au lieu d'être
conduit pompeusement auTrône,fut traî
né honteusement en prison , où nous le
laisserons déplorer sa folie , jusqu'à ce
qu'une plus grande punition l'en tire.
Le même jour , 2 Novembre , l'Ambassadeur
de France étant allé rendre sa
premiere visite à Kafis - Mehemet , noųveau
Capitan- Pacha , pour le complimen
ter sur són Avenement à cette dignité ;
le Janis aire Aga se figura que les Ministres
Etrangers en devoient faire autant à
son égard. Il envoya chercher un Drogman
au Palais de France , et lui demanda
pourquoi son Ambassadeur ne l'étoit pas.
venu voir , comme c'étoit l'usage . Le
Drogman lui répondit , qu'on l'avoit sans
doute mal informé , puisque cela ne s'étoit
jamais pratiqué envers les Janissaires.
Agas , et que sûrement son Ambassadeur
n'établiroit pas cette nouveauté. On conduisit
ensuite le Drogman chez Mouslouh
, qui s'étoit fait de lui-même , comme
on a dit , Kyaya de ce General de
P'Infanterie il dit à ce Drogman' que
puisque l'Ambassadeur de France ne vou
loit pas venir voir con Maître , il devoit
au moins envoyer à lui Kyaya , les présens
usitez. Je ne sç che pas, répondit l'In
terprete , que les Ambassadenrs de Fran-
:
AVRIL. 1731. 905
"
ce en ayent jamais fait aux Agas des Janissaires
, ni à leurs Kyayas ; cependant ,
ajouta- t-il , j'en parlerai à son Excellence.
Je vous en prie , répliqua Mouslouh ;
car après tout , il me semble que le bon
ordre que j'ai fait observer pendant les
troubles , mérite bien quelque récompense.
Le 5. il y eut une grande altercation
entre les Serdingueschtis , et les plus anciens
Officiers et Soldats des Janissaires.
Un de ces premiers prit querelle avec un
Capitaine de cette Milice , et le tua, Ceçte
action irrita si fort les Janissaires, qu'ils
furent en grand nombre s'artrouper à
Orta-Dgiani , Mosquée où les Janissaires
tiennent leurs Assemblées tumultueuses ,
et ils convinrent entr'eux de chasser de
leurs chambres tous les enfans perdus .
Ils en étoient sur cette déliberation
quand Patrona , qui avoit été averti du
tumulte , arriva avec une vingtaine des
siens , et leur ayant demandé , comme
s'il l'avoit ignoré le sujet de leur assemblée
, un Hoda -Bachi , de la 32 Compa
gnie , ou Chef de chambrée , prenant la
parole , lui répondit qu'ils s'étoient assemblez
dans le dessein de n'avoir plus
aucune societé avec ses camarades qui
deshonoroient journellement leur Corps ,
par leurs crimes , et que s'il ne se rangeoit
>
Dij lui
906 MERCURE DE FRANCE
>
>
3
>
lui même à son devoir , on lui feroit un
mauvais parti. Patrona répliqua qu'il ne
les craignoit guéres , que s'ils étoient assez
hardis pour venir l'attaquer lui et ses
gens , qu'ils trouveroient à qui parler , et
qu'il avoit dans Constantinople 12000.
Albanois prêts à se joindre à lui. Quand
tu ferois venir toute l'Albanie à ton secours
répondit courageusement Lodabach
- nous ne l'èn exterminerions pas moins toi et
les tiens . Mon ami , répondit Patrona
vous avez tort de vous emporter contre moi
puisque je ne fais de mal à personne. Il ne
suffit pas,dit alors cet Officier,que tu nefasse
point de mal, il ne te convient pas non plus,
comme tu fais , de te mêler des affaires de
Etat. Il semble à te voirfourrer le nez par
tout , que le Sultan et son Vizir ayent besoin
de tes lumieres pour se conduire. Si tu es Janissaire
, tu dois te comporter en Janissaire ,
et non pas en Ministre , ni le laisser faire
à ton camarade Mouslouh , qui vient tous
les jours à la Porte avec autant de faste et de
fierté que le défunt Kyaya. Mais , interrompit
Patrona , si je ne m'informe pas de
ce qui se passe , il arrivera infailliblement
qu'on remettra en place des infames qui renouvelleront
la tiranie du dernier
gouvernement
; tous les mouvemens que je me donne
n'ont d'autre objet que de procurer le soulagement
du peuple. Ce n'est pas d'un homme tel
C
que
1
1
1
AVRIL. 1731 .
907
que toi , répondirent plusieurs Janissaires ,
que le peuple doit attendre du soulagement ;
notre Empereur est assez juste et assez éclairé
pour gouverner et pour rendre ses sujets beureux
; c'est à lui feul à disposer des emplois
et des Charges en faveur de ceux qu'il croit
les mériter quant à nous , ce que nous
avons à défirer , c'est qu'il régne , et qu'il
vive long- tems , et qu'on nous paye toujours
avec exactitude ; nous n'avons jusqu'à présent
qu'à nous louerde ce côté-là , aussi -bien
que
des liberalitez de S. H. Ce seroit nous
en rendre tout-àfait indignes , si notre Corps
qui est le plus ancien et le plus illustre de l'Etat,
souffroit qu'un Particulier , quel qu'il pût
être , osat s'ingerer de partager l'authorité
fouveraine.
>
Ainsi , continuerent-ils , s'adressant toujours
à Patrona nous te donnons encore
trois jours , pour réduire , on dissiper tes
gens ; si ce terme expiré nous entendons encore
parler de quelques désordres de leur part ,
nous ferons main basse sur eux par tout où
nous les trouverons . Ces dernieres paroles ,
prononcées d'une voix plus forte , finirent
l'Assemblée , et on se sépara.
Quoique Patrona fut un déterminé , et
qu'il ne craignît pas que les Janissaires ,
parmi lesquels il étoit sûr d'avoir encore
un gros parti , missent à exécution leurs
menaces , il ne laissa pourtant pas de com-
DY prendre
908 MERCURE DE FRANCE
prendre par le discours qu'on lui avoit tenu
, que les esprits étoient fort échaufez
contre lui , et qu'il avoit plus d'ennemis
qu'il ne croyoit. Pour s'en mieux éclaircir
, il fut voir Damud- Zadé , ancien Kadelisker
, qui le reçût froidement , et même
avec mépris . Nonobstant cet accueil
peu favorable , il ne se rebuta point , et
faisant tomber la conversation sur tout ce
qui s'étoit passé , il dit à cet Effendi d'un
ton hypocrite , qu'il n'avoit pris les armes
que pour la cause commune , que
Dieu avoit bien voulu se servir de son foible
bras pour tirer le peuple Musulman
de l'oppression du précédent Ministere
et que lui-même Damudzadé , étant un
personage saint et éclairé , et qui pouvoit
Tire jusques dans les replis les plus secrets
de son coeur , il lui étoit aisé de reconnoître
que ses intentions avoient été bon
nes. Cependant , ajoûta -t- il , en soupirant ,
je trouve tous les jours en mon chemin de manvais
esprits , qui donnent des interprétations
criminelles à tout ce que je fais , et qui ne
travaillent qu'à me noircir auprès de mon
Empereur , pour lequel j'ai tant de fois exposé
ma vie. Souffrez , grand Effendi , queje
vous demande votre protection contre eux s'ils
continuent à me calomnier dans l'esprit de Sa:
Hautesse.
Damudzadé , qui est effectivement un
hom
AVRIL. 1731. ୨୦୨
Homme de beaucoup de merite , et surtout
plein de droiture , lui répondit qu'il
ne rougiroit jamais de dire la verité , et
qu'ayant le mensonge en horreur , il pouvoit
s'assurer que quand on lui demande
roit ce qu'il pense sur son compte , il le
diroit sans le moindre déguisement.
Patrona dont la curiosité n'eut pas
trop lieu d'être satisfaite par cette réponse
ambigue , affecta pourtant d'en être fort
content , comme si le Kadilesker ne pou
voit que parler avantageusement de lui ,
il lui baisa la main , se retira , et répandit
en sortant une poignée de Seguins à ses
Domestiques. Damudzade Payant appris,
ordonna que tous ceux qui en avoient
tamassez les jettassent dans la Mer devant
lui , et regardant Patrona comme un scelerat
, dont la seule présence avoit souillé
sa maison , il fit balayer et froter par tout
sur le champ où il avoir mis les pieds.
Le 10 Novembre , le G. S. déposa Kafis-
Mehemet Pacha , de la Charge de Ca
pitan-Pacha , et l'honora en échange d'une
Pelisse de Martre- Zibeline, et du Gouver
nement de Seyde , que son pere avoit eu
autrefois ; mais soir que les Rebelles entrevissent
une partie de ce qu'ils avoient
à craindre de la réputation et de la capacité
de Codgea Dgianon , qu'on
attendoit et auquel ils soupçonnoient
D vj
*
-
qu'on
910 MERCURE DE FRANCE:
qu'on destinoit cette importante Charge
ou soit que Patrona qui la briguoit pour
lui-même , voulut en éloigner un concurrent
si redoutable , ils firent tant de bruit
de la déposition de Kafis -Mehemet , que
la Cour , pour les leurrer , le rétablit dès
le lendemain.
On prétend que ce dernier avoit d'abord
sollicité les Rebelles , afin d'empê
cher qu'on ne le dépouillât de cette dignité
, mais que dans la suite , voyant d'un
côté que Patrona y aspiroit , et que de
l'autre Sa Hautesse faisoit venir Dgiannum-
Codgea pour la lui donner , il demanda
secretement à la Porte sa démission
lui- même , et le Pachalik de Seyde ,
ce qu'il obtint aisément par l'entremise
du nouveau Kam des Tartares , dont son
pere avoit été esclave ; de sorte que quoi-
Kafis-Mehemet revint à l'Arsenal le
lendemain avec tous ses effets , qu'il en
ayoit déja fait enlever la veille , et qu'il
y reçût les complimens de tous les Officiers
de la Marine sur son rétablissement
il n'exerça pourtant plus le Generalat de
la Mer que par intern , et jusqu'au 21
jour que Dgiannum. Codgea en prit posque
session.
Comme il étoit impossible que les affaires
subsistassent encore long- tems dans
la confusion , où la continuation de la Ré-
7
volte
AVRIL. 1731. gif
volte les avoit mises , et qu'il falloit
ou qu'elles bouleversassent totalement
l'Etat , ou qu'elles reprissent leurs cours
ordinaires , la Cour et les Rebelles , chacun
suivant ses differentes vuës , songerent
à appliquer les remedes convenables au
mal.
,
>
Les Chefs de ceux-ci voyant bien que
pour se maintenir dans l'autorité , qu'ils
avoient commencé d'usurper , il leur étoit
essentiel de ne point abandonner le séjour
de Constantinople , et de s'y fixer au contraire
, en partageant entr'eux les principaux
emplois de l'Empire. Ils tinrent un
Conseil le 16 Novembre , et convinrent
qu'il falloit d'abord faire élire Mouslouh ,
Koul - Kyassi
ou Lieutenant General
des Janissaires ; mais prévoyant qu'ils
y trouveroient de grands obstacles , parl'on
ne parvient d'ordinaire à ce
Grade qu'après avoir passé par tous les
autres qui lui sont inferieurs , tellement
que celui qui y arrive est toujours un homme
respectable par son âge et par son experience
, et que Mouslouh n'étant qu'un
homme de rien , de 25 à 30 ans , et simple
Janissaire , n'avoit aucune des qualitez
requises , ils eurent recours à l'argent ,
qui , en Turquie , applanit presque toutes
les difficultez .
ce que
Ils firent distribuer so mille Piastres
aux
912 MERCURE DE FRANCE
>
aux plus anciens et plus accréditez des
Janissaires , et leur firent entendre que
s'ils vouloient favoriser l'Election deMous
Jouh , il leur feroit payer le présent de la
Reine - Mere. Pour l'intelligence de ce fait,
il est nécessaire de dire que cette Princesse
, dans les premiers transports de sa
joye , de voir son fils Mahmout sur le
Trône avoit promis aux Troupes , qui
lui en avoient frayé la route , une récompence
de cinq écus à chaque Soldat , mais
que quelque tems après , les refléxions
lui ayant fait trouver cette promesse in
considerée , elle ne parla plus de l'executer
, soit qu'elle n'eut pas assez de fond
Pour y satisfaire ou que le Kislar-
Aga , qui a beaucoup d'empire sur soir
esprit , l'en détournất , en lui
tant que l'Empereur avoit assez marqué
sa reconnoissance aux Milices par les grandes
liberalitez qu'il leur avoit faites , sans
qu'elle y en ajoûtât de son chef qui n'étoient
point d'usage.
} ›
represen-
Quoiqu'il en soit de ces conseils , ils
penserent causer la perte du Kislar-Aga
Les Janissaires vouloient qu'il fut déposé
et murmuroient hautement contre la Va
lidé , regardant ce qu'elle leur avoir
promis , non comme une grace , mais
comme une dette , dont elle ne pouvoit
se dispenser de s'acquitter ; ainsi , ceux
*
2
AVRIL 1731. 913
aqui les so mille écus des Rebelles furent
partagez , consentirent volontiers à
l'élection de Mouslouh ; ceux qui n'en eurent
rien ne lui en donnerent pas moins
leurs voix , parce que les uns et les autres
esperoient que dès qu'il les auroit fair
payer de ce présent , ils se déferoient de
lui sans peine , et nommeroient à sa place
le plus digne de leurs Officiers.
Les esprits préparez de la sorte , Mouslouh
fut chez le G. V. le 18. lui demander
le Caftan pour la Charge de Koul-
Kyassy. Le Ministre le lui refusa , disant
qu'il n'étoit ni d'un rang , ni d'une ancienneté
à y prétendre , que le Corps des
Janissaires ne le soufriroit jamais , et que
l'Empereur ne pouvoit sans blesser sa dignité
et sa ju tice , instaler dans un poste
si considérable quelqu'un qui ne fut pas
au gré de ce Corps. Ce Rebelle répondit
sans se rebuter , qu'il avoit pourvû à
tout , qu'il lui donnât seulement le Cafetan
, sans s'embarasser du reste. Le G. V.
s'obstinant à le lui refuser , Mouslouh le
quitta fort irrité.
Dès que ses Camarades sçûrent le peu
de succès de sa négociation , ils jurerent
avec lui de se vanger du G. V. et s'en fu
rent comme des forcenez , au nombre d'une
trentaine , chez le Kam des Tartares ,
ils lui déclarerent absolument qu'ils vou
loient
914 MERCURE DE FRANCE
loient que Mouslouh fut Koul- Kyasty , et
lui firent entendre que si leG.V.continuoit
dans ses refus , ce Ministre ne le porteroit
pas loin. Ce Prince vit bien à leur air
qu'ils seroient gens à tenir parole , et qu qu'il
étoit de la prudence de céder au torrent ,
jusqu'à ce qu'on pût lui opposer une Digue.
Il les appaisa de son mieux , leur dit
qu'il alloit de ce pas à la Porte , que ne
doutant point que le G. V. ne se conformât
aux representations qu'il lui feroit
ils pouvoient compter d'avance , qu'il
leur obtiendroit ce qu'ils souhaittoient.
Il courut effectivement chez le G. V.
et après lui avoir exposé en peu de mots
le sujet de sa visite : A quoi pensez - vous ,
lui dit- il , de vous roidir contre ces coquinslà
, ne voyez- vous pas qu'ils travaillent euxmêmes
à leur perte , et que plus ils se rendent
odieux aux Troupes et au et au Peuple .
plus ils vous préparent de facilité à les détruire
: Croiez-moi , ajoûta -t- il , donnez à
Mousloub , non -seulement la Charge qu'il
vous demande , mais une plus éminente encore
, s'il vous en témoigne la moindre envie ;
il n'en jouira pas assez long-tems pour que
votre complaisance en cette occasion vous soit
jamais un motifde repentir.
Le Vizir entra dans ses raisons ; ils passerent
ensemble chez le G. S. et S. H. s'en
rapportant à leurs avis , on envoya chercher
AVRIL. 1731. 915
cher Mouslouh; cet orgüeilleux et insolent
Rebelle , se rendit à la Porte avec une măgnificence
et un Equipage de Pacha à
trois queues,on le revêtit du Cafetan , qui
le faisoit Koul-Kyassy ; après quoi il s'en
retourna triomphant à son Palais , où ses
Confreres et ceux qui le craignoient , vinrent
le feliciter sur les faveurs qu'il avoit
reçûës , poussant la flaterie jusqu'à lui dire
qu'elles étoient encore fort au- dessous de
son mérite.
Ce premier coup frappé , les Rebelles
s'assemblerent le 19 , et remirent sur le
tapis leur ancien projet , de faire Patrona
Capitan - Pacha , Mouslouh Janissaire-
Aga , et le Janissaire- Aga Grand-Vizir :
moyennant cela , dirent-ils , nous serons
entierement les maîtres, et ils raisonnoient
fort juste , car ils avoient dans leur Cabale
plusieursGens deLoy d'un grand pouvoir :
entr'autres , le Zulali-Kadé Kadilesker
d'Asie , et Abdollah- Effendi , Lieutenant
General de Police , dont on a parlé. Quant
au G. S. ajoûterent- ils , nous en ferons ce
que nous voudrons , parce qu'étant sans
experience, il nous redoutera , et que d'ailleurs
il nous doit tout , puisque sans nous .
il auroit peut-être gémi toute sa vie en
prison.
,
Cependant , soit qu'ils crussent devoir
penser plus d'une fois à l'éxecution de ce
plan ,
915 MERCURE DE FRANCE
plan , ou qu'ils eussent d'autres raisons
pour la retarder de quelques jours , ils tinrent
fort secret le Résultat de cette derniere
Conférence; mais la Cour , qui comme
nous l'avons die , travailloit à secouer e
le joug honteux que sembloit lui vouloir
imposer cette Ligue de traîtres , se détermina
tout- à- fait à s'en vanger promptėment
, et d'une maniere éclatante.
Le Kan des Tartares , sur- tout , fut celui
qui poussa le plus à la roue. Il avoit
été outré en plusieurs rencontres , de ce
que Patrona et ses pareils , qui n'avoient
aucune teinture des affaires , avoient vou-
·lu que leurs avis extravagans prévalussent
aux siens ; Dgiannum Codgea arriva dans
le même-tems à Constantinople , et aussi
zanimé contre eux que le Kam , il excita
de nouveau l'Empereur à les exterminer.
S. H. lui avoüia ingénument qu'elle appréhendoit
qu'ils ne fussent soutenus par
les Troupes , si l'on en venoit à cette extrémité
, et que ce qui l'avoit obligé à
temporiser , c'étoit la crainte de voir
Constantinople replongé dans de plus
grands désordres .
Dgiannum- Codgea , sans trop s'attacher
aux termes , dit alors au Sultan , avec une
liberté genereuse : Seigneur , dès que tu te
seras défait des principaux Chefs , personne
me branlera , outre qu'une action de vigueur
est
(
4.
AVRIL. 1731. 917
est nécessaire pour t'affermir sur le Trône , elle
sera agréable à ton. Peuple , qui ne supporte
qu'avec une peine extrême les violences où il
est journellement exposé. De plus , cela te
mettra en honneur chez toutes les Nations
qui ont les yeux fixez sur toi , dans le commencement
de ton Régne ; au lieu qu'elles
n'auront aucune considération pour ta personne
, si tu ne montres assez de force pour bri
ser les entraves où quelques séditieux osent
retenir ton autorité. Ces paroles du General
de la Mer , prononcées avec feu , pénétrerent
S. H. et lui firent juret de se prêter
et de concourir à ce que luf et le Kam
des Tartares jugeroient nécessaire pour exterminer
ces audacieux ennemis domestiques
, perturbateurs du repos public.
Le 22. Dgiannum- Codgca , que le G. S.
avoit déclaré la veille Capitan Pacha
vint à l'Arsenal , où il reçûr les complimens
des Officiers des Vaisseaux , et des
Beys des Galeres , mais on ne lui tira point
' de Canon , parce qu'il deffendit qu'on lui
rendit ces honneurs.
Le 23. Patrona convoqua un Conseil
extraordinaire à la Porte , auquel le G. S.
" admit le Kam des Tartares , le Mufty , et
generalement tous les Gens de Loy et les
Officiers des Milices. Patrona y vint toujours
en simple Janissaire , les jambes
nuës , et avec environ 40 Serdenguetchis
OLL
918 MERCURE DE FRANCE
ou enfans perdus , et Mouslouh vêtu superbement
, avec le cortege attaché à son
nouveau rang de Koul - Kyassy.
du
›
›
que
Patrona ouvrit le premier l'assemblée ,
et s'adressant au Kam , lui dit : J'ai convoqué
ce conseil , pour un pressant besoin
de l'Empire je sçai que nos affaires en
Perse vont toujours plus mal Parce que
les Moscovites donnent de continuels fecours
aux Persans , ainsi mon avis est › qu'on
leur déclare la guerre , et que pour tirer vens
geance sang Musulman qu'ils sont cause
qu'on a répandu , on envoye incessament
une grande armée contre eux tandis Les
Tartares entrant d'un autre côté dans le pays
de ces Infidelles , le ravageront et en emmeneront
tous les habitans en esclavage 3 je pense
pareillement , qu'il est d'une nécessité absoluë
de réprimer les malversations des Pachas
des Frontieres , qui , bien loin d'avoir
soin des Troupes , et de regarder les Janissaires
comme leurs enfans , et le plus ferme
appuy de cette Monarchie les maltraitent
et retiennent leurpaye pour l'appliquer à leur
propre usage, ou en gratifier leurs Créatures :
il tint encore beaucoup d'autres discours de
la même nature , et sans égard pour les per
fonnes qui assistoient à ce Conseil.
J
Tout le monde gardant un morne
silence , déploroit en secret de voir la
conduite de l'Etat tombée , en de si
<
1
AVRIL. 1731. 919
si mauvaises mains ; et il revenoit toujours
à sa premiere idée de porter le fer
et le feu chez les Moscovites , proposant
même d'en faire arrêter les deux
Résidens *.
و
→
Le Kam des Tartares , fatigué d'entendre
tant d'impertinences , que personne
n'osoit relever : Mais vous , lui dit ce
Prince , qui parlez tant de guerre , sçavez
vous ce que c'est ? pour quelle raison voulez
vous que Sa Hautesse la déclare aux
Moscovites ? Ignorez- vous quelle est en paix
avec eux et que sans de justes motifs elle ne
sçauroit la rompre. Il faut , poursuivit-il
avant que de se résoudre à rien , être bien sûr
des nouvelles que vous nous débitez sans preuves,
après quoi on verrapar de mures déliberations
ce qui sera le plus utile,et le plus honorable
à l'Empire de la guerre ou de la paix et ce
sont là des choses qui ne se décident pas à la
legere , ni sur le champ comme vous venez de
le demanders d'ailleurs dites-moi parquel endroit
penetrerez vous en Moscovie ? Par quel
endroit ! interrompt Patrona plaisante
question ! par les endroits où nous y pénétrions
autrefois , vous d'un côté et nous de l'autre :
Doucement, répondit le Kam : autrefois nous
allions par la Pologne , parce que nous étions
→
* Il y en a deux à Constantinople , depuis environ
un an , M. Neplieuf, et M. Visnacoff , venu
pour relever ce premier.
en
20 MERCURE DE FRANCE
enguerre avec les Polonois , mais aujourd'hui
qu'ils sont de nos amis , est- il juste d'aller
porter la désolation chez des peuples dons
nous n'avons aucun sujet de nous plaindre
Sçavez- vous que conduire 100. mille Tar
tares dans un pays , c'est le perdre entierement
, et que par tout où ilsfoulent l'herbe , il
n'y croit rien de sept années : Tant mieux
dit Patrona , c'est de cette façon que j'aime
àfaire laguerre. Je ne demanderois pas mieux
ni mes sujets , reprit ce Prince, car outre que
la guerre est notre véritable élement , elle est
la source de toutes nos richesses ; et dès
que
cette source taritpar la paix , renfermés dans
la Krimée , steriles et sans commerce , nous
retombons dans l'indigence ; mais nous sçavons
la supporter , et sacrifier à la droiture
nos interêtsparticuliers : ilfaut refléchir avant
que de prendre les armes , afin de n'avoirpas
lieu de s'en repentir en les quittant , et ce ne
sont pas de ces petites affaires qui se termi→
ment en une ou deux assemblées .
Je trouve que celle - ci est bien nombreuse
répliqua Patrona ; je n'atendois pas que tant
de gens y assistassent ; j'avois compté au
Contraire que le Conseil ne seroit composé que
de vous , de Monsloub , du Janissaire Aga ,
du Grand Vizir , de quelques autres personnes
et de moi ; et à l'avenir il faudra , s'il
vous plaît,que cela soit ainsi , autrement plus
de secret , et les Infideles seront bientôt instruits
AVRIL: 1731. 921
et de toutes nos
truits de tous nos discours
démarches.
Quand il s'agit d'entreprendre la guerre ,
ou de continuer la paix , répondit le Roi
des Tartares , c'est une maxime fagement.
établie , que de faire degrandes assemblées .
pour y mieux débattre des matieres si gra
ves , et d'y appeller sur tout les Gens de loi ;
parce qu'étant plus éclairez que les autres , es
les dépositaires de la justice , les résolutions
qu'on prend par leurs avis , sont plus équitables
, et le succès qui les suit plus heureux ;
au lieu que quand on les exclut des Conseils ,
et qu'onfait rouler tous les interêts de l'Empi
re sur trois ou quatre têtes seulement , il arrive
d'ordinaire ce que vous venez de voir
sous le regne d' Ibrahim Pacha , qui pourn'avoir
voulu se conduire que par ses foibles lu
mieres et celles de ces deux gendres, a mis l' Etat
à deux doigts de sa pertes aussi pour les
punir de leur trop grande présomption , Dien
a t'il permis , que ces trois Ministres , après
avoir souffert une mort ignominieuse , n'ayent
trouvé d'autres sépultures que les entrailles des
Chiens , dont leurs cadavres ont été la
proye.
Il est étonnant , continua ce Prince
qu'un exemple si récent et si terrible , ne vous
corrige pas de la manie que vous avez de tout
regler, et de toutfaire par vous-même , mais si
sela continue , je vous déclare dés- à - present
queje supplierai Sa Hautesse de me renvoyer
922 MERCURE DE FRANCE
à Brousse pour y vivre en repos , dans la
folitude , et n'être plus témoin des attentats
qui se commettent ici impunément tous les
jours contre son honneur et le bien de son
service.
D
.
On voit par ce qui vient d'être rappor
té , qu'il n'y eut que le Kam et Patrona ,
qui parlerent dans ce Conseil , et qu'on
n'y conclut rien . Le premier se retira
bien résolu de redoubler ses instances auprès
du Grand Seigneur , pour hâter la
destruction des Rébelles ; tous les autres
assistans se retirerent le coeur ulceré
contre eux. Ceux- ci s'en furent chez le Janissaire
Aga , où ils s'applaudirent de
tout ce qui venoit de se passer , et prirent
de nouvelles mesures pour mettre
la derniere main à leur grand oeuvre ,
qui étoit , comme nous l'avons déja dit ,
de s'emparer des premieres Charges du
Gouvernement.
Patrona fut le lendemain 24 à l'Arsenal
de la Marine , rendre une visite de
politique , à Dgiannum-Codgea , pour lui
faire compliment sur sa nouvelle dignité,
qu'il comptoit de lui ravir bientôt , ne se
doutant pas que la foudre fut si prête d'é
clater sur sa tête . Le Capitan Pacha , aussi
fin et plus prudent que lui , le reçut
avec des honneurs extraordinaires , et lui
fat l'accueil du monde le plus gracieux ;
ik
AVRIL. 1731. 923'
3
Hs s'entretinrent ensemble avec toutes les
démonstrations d'une estime et d'une ami
tié réciproque , et lorsque Patrona l'eut
quitté pour s'embarquer dans un Bateau
à trois paires de Rames seulement accompagné
de deux autres , où se mirent
six personnes qui composoient toute sa
suite ; la foule fut si grande qu'il fut
comme porté jusqu'à l'Echelle , d'où il
jetta encore , ainsi qu'il avoit fait en sortant
, des poignées de Sequins au peuple :
en remarqua qu'il étoit chaussé ce jour -là,
contre son ordinaire , et que sa chaussu
re consistoit en un demi bas qui s'agraffe
sur le gras de la jambe , comme en portent
les Officiers de Mer.
•
Ce même jour qui étoit un vendredi ,
le Grand Seigneur vint faire sa priere du
midi , à la Mosquée de Topana de
l'autre côté du Port ; de- là Sa Hautesse fut
visiter la Fonderie de l'Arsenal où l'on
fabrique les Canons ,, dont on avoit
fait une décharge . générale à son débarquement
; ensuite prenant par les der
rieres de Pera , elle monta avec un grand
cortége au Serrail des Itchoglans , où elle
dîna. On avoit compté que le Sultan traverseroit
le Fauxbourg,à son retour, mais
des flateurs courtisans , et de faux dévots
en détournerent Sa Hautesse
représentant d'un air empressé , quand
elle E
>
>
cn lui
924 MERCURE
DE FRANCE
elle voulut se remettre en marche , que
ces ruës n'étoient habitées que par des
Infideles , et que leurs regards pourroient
lui être d'un sinistre présage. Cet avis
supersticieux lui ayant fait changer de
sentiment , elle reprit la même route par
où elle étoit venue , aprés avoir donné
75. mille livres aux jeunes gens de ce
Serrail qu'on y éleve pour son service , et
dont elle emmena quelques uns avec elle
des mieux faits et des plus capables.
Pendant que l'Empereur se promenoit
ainsi avec la plus grande partie de sa
Cout , et qu'il ne paroissoit pas qu'on
songeat qu'il y cut des Rébelles à Constantinople
, le Kam des Tartares , le G.
V. le Mufty , Dgianum-Codgca , et quelassemblez
secret- ques autres Ministres ,
tement au Serrail prononçoient leur
Sentence de mort. Ils travaillerent jusà
trouver ques bien avant dans la nuit ,
les moyens de l'executer , car ils furent
long- temps embarrassez sur le choix des
Acteurs de cette Tragedie.
›
}
Le Capitan - Pacha avoit d'abord proposé
d'en charger ses Leventis , mais on
fit réflexion que la plupart des Révoltez
étoient Janissaires , et que ce seroit jete
ter une semence de haine implacable entre
ces deux corps , qui ne finiroit peutêtre
que par l'extinction de l'un ou de
l'autre
AVRIL 1731. 985
T'autre ; enfin après s'être tournez de tous
les côtez , ils convinrent qu'il falloit don
ner cette expedition à faire aux Bostangis
, et autres domestiques du Serrail
parce que ,étant particulierement attachez
à la personne du G. S. les Janissaires ne
pourroient pas se formaliser de leur obéissance,
aux ordres deS.H.d'autant plus qu'il
y a plusieurs exemples que les Bostangis
ont été commis à de pareilles executions.
Le 25 au matin , tout étant préparé
le G. V. envoya inviter Patrona , Mouslouh
, et le Janissaire Aga , de venir au
Serrail , pour y rendre compte au Sultan
, de la conference qui avoit été tenue
le 23. et pour prendre des arrangemens
avec eux , tant sur les affaires de Perse
que sur toutes les autres qui regardoient
l'Empire. Ils s'y rendirent sur les onze
heures avec 26. personnes seulement , qui
resterent dans la premiere cour . Pour
eux ils furent introduits dans l'interieur
de ce Palais , à la Chambre nomméc
Sunnet- Odassi , où ils trouverent le Kam
des Tartares , le Mufty , le G. V. Dgianum
- Codgca , les deux Kadileskers en e
xercice , l'Istamboul-Effendi, et grand nombre
de Gens de Loy, tous assis sur le Sopha ,
chacun selon son rang ; ils s'y mirent aus,
C'est la Chambre où l'on fait la cérémonie de
la Circoncision des Princes Ottomans.
E ij si
916 MERCURE DE FRANCE
si selon le leur , et quoiqu'il y eut
dans la même Chambre ↑
beaucoup
d'Officiers, Dasseskis , et de Bostangis , qui
se tenoient de bout , ils ne soupçonerent
rien de la catastrophe qui leur de
voit arriver , parce que n'étant pas permis
à ceux qui entrent dans le Conseil de
faire entrer leurs gens dans cet endroit ,
ce sont toûjours des domestiques du G.
S. qui les servent en ce dont ils peu
vent avoir besoin ; de sorte que par la
grande quantité de Maîtres qu'il y avoit
alors , celle des Officiers et des domestiques
de S. H. ne devoit point paroître
extraordinaire aux Rébelles.
9
Tout le monde étant donc en ordre , le
G. V. prit la parole , et la portant d'abord
à Patrona , S. H. lui dit- il , vous
fait Bieylierbey de Romele , et vous donne
le Commandement de 30. mille hommes ,pour
aller joindre Achmet , Pacha de Babilone ,
avec lequel vous agirez de concert contre les
Persans.
1 Il s'adressa ensuite à Mouslouh et au Janissaire
Aga; il dit au premier,que l'Empereur
lui donnoit la qualité de Bieylierbey
de Natolie , avec un Commandement de
Troupes aussi , et au second qu'on le faisoit
Pacha à trois queues . Quant à vous ,
ajoûta- t'il ,se tournant vers Zulali - Zadé
Kadilisker- d'Asie , et vers Abdollach - Ef
fendį .
AVRIL. 1731. 927
-
fendi, Lieutenant General de Police , le G.
vous fait présent d'une queue à chacun .
A peine ce Ministre eut-il proferé ces
derniers mots , que Mustapha-Aga , dont
nous parlerons dans la suite cria , qu'on
extermine tous ces ennemis de l'Empereur et.
de l'Empire : aussi- tôt plus de trente personnes
se jettant le sabre à la main sur
Patrona , Mouslouh , et le Janissaire
Aga , les tuerent avant qu'ils eussent le
tems de se reconnoître.
On raconte ce massacre de differentes
manieres ; il y en a qui prétendent que
ces trois Rébelles se voyant perdus , vendirent
cher leurs vies , en blessant à mort
plusieurs Bostangis , et que Dgianum ,
Codgea fut le premier qui porta un coup
au Janissaire Aga , lequel se mettoit en
devoir de le tuer; d'autres rapportent qu'il
ne fit seulement que lui saisir les mains ,
et cela est assez vrai - semblable ; on dir
les Leventis furent enployez
dans cette affaire ; il est vrai que le Capitan
- Pacha , en avoit amené beaucoup
avec lui , mais ils resterent dans la premiere
Cour , et ne penetrerent point plus
encore que
avant.
Il y a peut être lieu de s'étonner que Patrona
, rusé et prévoyant comme il étoit,
se fut exposé à entrer dans le Serrail' sans
armes et sans suite , d'autant plus que les
E iij autres
928 MERCURE DE FRANCE
autres fois qu'il y étoit allé , il avoit toû
jours porté son sabre et ses pistolets , er
s'étoit fait accompagner par beaucoup de
ses camarades ; mais on répond à cela que
le G. V. pour le faire mieux tomber
dans le piége , lui avoit fait dire en
particulier , qu'ayant cette fois ci des matieres
à traiter de la derniere importance ,
et que reconnoissant qu'il avoit en raison
de se plaindre dans le dernier Conseil que
F'assemblée étoit trop nombreuse , il le
prioit de ne mener que peu de monde avec
Jui , afin que les secrets de l'Etat ne fussent
pas divulguez aux Infideles ; si bien
que Patrona , flatté de ce que ce Ministre
donnoit dans son sens , se livra avec tant
de confiance, qu'il fit même rester ses gens.
dans la premiere cour , et qu'il n'avoit
d'autre armes qu'un espece de Couperet ,
caché sous sa Pelisse , encore ne lui servitil
de rien , car ayant voulu le prendre ,
quand il vit qu'on venoit sur lui , Mustapha
Aga le prévint et lui abatit un bras
d'un coup
de Sabre.
و
A l'égard de Mouslouh qu'il avoit
aussi engagé à venir comme lui sans atmes
, il s'enveloppa dans ses Pelisses magnifiques
, et se laissa tuer sans faire le
moindre mouvement.
Quoiqu'il en soit de toutes ces cir
constances , dès que ces séditieux furent
J morts
AVRIL. 1731. 929
s
morts , on jetta leurs cadavres dans la
troisiéme cour , où est la chambre de Sunnet
- Odassi et l'on fut chercher les
26. enfans perdus , qui étoient demeurez
dans la premiere . On leur dit avec
politesse , que le G. V. qui venoit de donner
des Pelisses à leurs Chefs , les demandoit
pour leur donner aussi à chacun un
Caftan ; mais on ne les fit entrer que trois
ou quatre à la fois , à diverses reprises
sous prétexte de faire cette cérémonie
avec plus de décence , mais à mesure que
ces miserables étoient passez dans la seconde
cour , on les assomoit. Cependant au
bout d'une demie heure , quelques uns de
ceux qui restoient encore , ne voyant revenir
aucun de leurs camarades eurent
quelque soupçon de ce qui se passoit , et
voulurent se sauver , mais trouvant toutes
les portes fermées , ils furent investis
et tuez comme les autres .
,
Le bruit s'étant répandu par la Ville ,
que les Chefs des Rebelles étoient depuis
long- tems au Serrail, dont on avoit fermé
les Portes ; cela réveilla quelques- uns de
leur partisans qui y vinrent avec précipitation
, mais les Portes ayant été ouvertes ,
ces Agas , qui faisoient tant les braves , ne
virent pas plutôt des Chariots chargez de
corps massacrez , que saisis d'épouvante ,
Eij
›
ils
930 MERCURE DE FRANCE.
ils s'en furent , et abandonnerent même
leurs Chevaux.
Tous ces cadavres furent étalez dans
la rue ; il s'y amassa
>
ruë il s'y amassa un peuple innombrable
, pour les considerer , surtout
celui de Patrona , que chacun voulut voir
préferablement
aux autres ; ils ne furent
pourtant exposez que deux heures , après
quoi on fut les jetter dans la Mer , de
crainte qu'un spectacle si effrayant n'eut
des suites dangereuses , et que les Rébelles
, qu'on sçavoit être en grandnombre ,
se sentant aussi coupables que ceux dont
ils voyoient les tristes restes n'excitassent
un second soulevement populaire
dans l'esperance d'éviter un pareil sort
à la faveur des nouveaux désordres
en effet il y en eut plusieurs qui furent
au Bezestin pour en faire fermer les boutiques
, mais ils n'y purent jamais parvenir
, le G. S. ayant pris le devant par un
Katcherif adressé au Bt zestin Kyassi ,.
( c'est à peu près comme le Prevôt des
Marchands , ) qui menaçoit de mort
quiconque fermeroit ou souffriroit que
Fon fermât les boutiques pour quelque
cause que ce fut.
>
On vient de voir que les dons imaginaires
. que le G. V. avoit faits de la part du
Sultan , à Patrona , à Mouslouk`, et au
Janissaire Aga , avoient été le signal de
leus
AVRIL 17313 931
perte , mais comme tout le monde ne
comprendra pas , que ce ministre en disant
ensuite à Zulali - Kadé , et Abdollah-
Effendi , que Sa Hautesse leur faisoit présent
d'une queue , leur anfonçoit aussi la
mort ; il ne sera pas hors de propos
d'expliquer
cette espece d'Enygme..
Les Effendi , ou Gens de Loy , sont en
si grande vénération dans cet Empire
sur tout par rapport à leur sçavoir, que les
Empereurs les ayans toûjours honorez jus
qu'à la superstition , il y a très - peu d'exemples
qu'ils en ayent fait mourir. Ainsi
quoique ceux dont il s'agit ici , pour
avoir été les Arcsboutans de la Révolte ,
méritassent le dernier supplice ; S. H. qui
ne voulut point violer leur caractere ,
fut obligée de les en dépouiller , afin d'àvoir
la liberté de satisfaire à sa justice ,
et ce fut en leur donnant cette queue que
se fit leur dégradation , parce que ce signe
d'honneur , qui est incompatible avec
l'état d'homme de Loy , les faisants passer
dans celui d'homme de guerre , auquel
il est particulierement affecté , le
Sultan n'étoit plus arrêté par aucun scrupule
, et pouvoit disposer à son gré de
leur vie , dés le moment qu'ils avoient
cessé d'être Effendi ..
Il sembleroit par cette raison , que
S. H. auroit donc dû les faire périr sur le
Ev champ
32 MERCURE DE FRANCE
champ comme les autres , mais un reste
de menagement pour leur dignité , et la
présence de leurs confreres l'engagea à les
faire executer ailleurs .
Dès que le G. V. leur eut donné la funeste
marque de distinction , dont on
vient de parler , on les conduisît à la pri
son du Bostangis- Bachi ; ils y trouverent
beaucoup de personnes de l'ancien ministere
, que Patrona et Mouslouh y avoient
fait mettre , et Abdoullah- Effendi , que
les approches de la mort ne rendoient
pas plus sage , appercevant parmi ces pri
sonniers le Vaivode de Galata , qui après
avoir été long-temps caché avoit enfin
été pris , lui dit , Vous l'avez tous échapez
belle , car nous étions bien résolus de
vous envoyer en l'autre monde ; heureusementpour
vous on nous a prévenus. Le vieux.
Vaivode piqué , lui répondit d'un air gra
ve ,
.
et colere tout ensemble ; je me sousie
si peu de la vie , que je mourrois satisfait
, si je pouvois auparavant avoir le plai..
sir de teindre ma barbe blanche de ton
sang. Leur conversation n'en seroit pas
demeurée là , mais des Officiers vinrent
l'interrompre pour conduire ces deux
Effendi degradés sur une Galere qui
étoit à la pointe du Serrail , et de laquelle
, après les avoir étranglez , on les
jetta dans la Mer.
La
AVRIL. 1731% 933
La nouvelle de toutes ces exécutions
templit d'une joye universelle tout Constantinople
et ses Fauxbourgs ; la plûpart
des Turcs égorgerent des Moutons en sacrifice
, de leur propre mouvement , et
devancerent les ordres du G. S. qui fit
publier que tout le monde rendit grace à
Dieu , de ce que par sa misericorde , l'Etat
étoit enfin délivré des traîtres et perfides
Chefs de la rébellion .
S. H. commanda en même- tems qu'on
eut à dénoncer et à saisir tous ceux qu'on
reconnoîtroit avoir été de leurs compli
ces , pour leur faire souffrir les mêmes
châtimens ; de sorte qu'en trois ou quatre
jours il périt par differens genres de
mort , la plupart dans le silence de la nuit,
près de 6000 de ces malheureux . Ils ne
sçavoient où fuir , ni à qui se confier ; on
les trouvoit on les arrêtoit , on les
déceloit par tout.
›
Il y en eut pourtant sept des plus criminels
, qui se sauverent chez le Kam des
Tartares ; ce Prince les garantit de la main
des bourreaux , moins par un effet de sa
compassion , dont ils étoient indignes.
que pour conserver à son Palais le droit
qu'il a d'azile inviolable ; mais il prit la
précaution de faire poser des Gardes à
toutes ses portes , afin qu'à l'avenir son
équité ne fut plus compromise en réfus
Evj giant
934 MERCURE DE FRANCE
giant chez lui de pareils scelerats .
Sultan Mahmout , encore plus attentif´
à récompenser qu'à punir , donna le même
jour la dignité de Janissaire- Aga , à
Mussin- Oglou - Abdullah , Pacha de Nisse,
qu'on avoit fait venir depuis peu , et dont
on se servit utilement dans ces conjonctures.
S. H. le fit outre celá Vizir à tros
queues. Il est vrai que la Charge de Ja- ·
nissaire Aga donne bien ce rang par ellemême,
mais quand on en est honoré indépendamment
de la Charge , celui qui´là .
pos ede en a plus de relief et d'autorité
et c'est par cette raison , que sous le précédent
Ministere , on n'a jamais fait de
Jani saires Agas , que des Pachas à deux
queues , afin qu'ils n'eussent pas tant dė
crédit. Dgannum Codgea , qui venoit
d'être fait Capitan Pacha , n'avoit aussi
qquuee deux queues ; mais le G. S. satisfait
de ses bons conseils et de son courage , lui :
en donna une troi iéme.
Mustapha Aga , dont nous avons promis
de parler , reçût pareillement des
marques dé la bien -veillance du G. S. On
le connoissoit autrefois sous le nom dè
Pehlivan , qui veut dire le Lutteur , parce
qu'en effet son adresse et sa force à là
lutte , et dans tous les autres exercices du
corps , jetterent les premiers fondements .
de sa fortune. Il avoit été dès son bass
âgé
AVRIL 17317 935
་
age créature du Kan des Tartares , à présent
régnant , qui le fit ensuite Officier
dans les Janissaires , et il se trouvoit Capitaine
de la 17 Compagnie , lorsque la ré
volte éclata. Pelivan s'enfuit: aussi tôt à
Brousse , auprès de son ancien Maître ' ,
pour n'être point impliqué dans tous les
forfaits qui s'alloient commettre ; puis
étant revenu à la Cour avec le Kam , ce
Prince le présenta au G. S. comme un su
jet fidele , et d'une valeur éprouvée : ce
*fut lui , comme nous l'avons dit , qui fut
chargé d'annoncer l'ordre du massacre
des Rebelles , et qui le commença le pre
mier , en coupant un bras à Patrona. S.
H. voulant donc reconnoître ce service ,
ket se souvenant aussi des rapports avantageux
que le Kam lui en avoit fait , le nomma
Lieutenant General des Janissaires , à
la place de Mouslouh. Sa modestie lui fit
d'abord refuser cette faveur; il representa
qu'il n'étoit pas assez ancien dans son
Corps , qu'il n'avoit pas assez de méri
te pour remplir une Charge si distinguée,
et que cela pourroit lui attirer l'envie et :
la haine des autres Officiers , qui en étoient :
plus digne que lui ; mais le G. S: passant
pat- dessus toutes ces considérations , lui
commanda d'obéir , ce qu'il fit en rendant
mille graces à S. H.
8
Le lendemain 26 Novembre , l'Empe →
reur
936 MERCURE DE FRANCE
reur envoya des Katcherifs à tous les
Chefs des differentes Milices , pour leur
faire part de ses heureux succès , et leur
enjoindre de faire observer une exacte discipline
à leurs Soldats ces commandemens
furent accompagnez de sommes considerables
, dont S. H. voulut qu'on fe
distribution dans chaque Corps . Elle envoya
so mille écus aux Janissaires , 60
mille livres aux Tobgdgis , et 75 mille
aux Gbedgis. Les Troupes , charmées des
génerositez de leur Souverain , firent des
prieres pour sa conservation et sa prospérité
, et durant toute cette journée , Constantinople
fut dans l'allegresse , excepté
les Rebelles , dont on prit un grand nombre
, qui ne survêcurent que peu d'heures
à leur emprisonnement .
Le miserable Yanuki eut aussi la tête
coupée , pour le punir de la témerité qu'il
avoit euë , de vouloir devenir Prince de
Moldavie malgré le G. S. Ainsi l'espece
de prédiction de Patrona , quand il demanda
à ce Boucher s'il ne se soucioit pas.
de vivre plus long-tems que lui , s'accomplit
presqu'à la lettre , puisqu'ils moururent
à un jour l'un de l'autre.
Le 27. les principaux Ministres , et les
premiers Officiers des Troupes , donnerent
toute leur application à redoubler
leurs recherches et leurs poursuites contre
le
*
AVRIL 1731.
937
"
Te reste des Rebelles , surtout pour empê
cher les incendies , car Patrona avoit déclaré
plusieurs fois , que si jamais on attentoit
à ses jours , il feroit mettre le feu
aux quatre coins de Constantinople , et
pour y mieux parvenir , il avoit placé
dans tous les Bains , des gens qui lui étoient
dévoüez entierement. Effectivement , la
plupart des gens qui les servent sont Albanois
, comme il l'étoit or il y a
une grande quantité de cette Nation parmi
la populace , et l'on remarquoit en eux
un certain air d'arrogance et de révolté ;
jusques- là , que ceux qui tiroient d'eux.
quelques services , étoient obligés de les.
payer au double , encore les menaçoientils
de Patrona , dont la prosperité rapide
et brillante , les avoit si fort éblouis , qu'ils
croyoient tous faire fortune par son cainal
; mais depuis sa mort , ces rustres glo
ricux sont devenus si humbles , et si craintifs
, qu'on n'en voit presque plus paroî
tre dans les rues . Le G. V. en a beaucoup
fait pendre , et pour des fautes les plus légeres
, on leur donne de cruelles bastonades
, afin qu'ils n'oublient pas si - tôt l'auteur
de leurs biens chimeriques , er de
leurs maux réels .
Le 28 Novembre , jour auquel nous finirons
cette Relation et auquel
ent aussi fini les suites de la Révolté
,
сем
9
938 MERCURE DE FRANCE
commencée à pareil jour du mois de Sep
tembre précédent , toutes les personnes
de l'ancien Ministere qui étoient encore
en prison , furent élargies , moyennant
des taxes modiques , et le G. S. fermant
l'oreille à la séverité , pour n'écouter plus
que la clémence , accorda une amnistie
generale à tous ceux qu'on pouvoit encore
accuser d'avoir eu part et d'avoir contribué
aux troubles de l'Erat; avec cette modifica--
tion pourtant , que ceux qui seroient reconnus
pour avoir été du nombre des premiers
conjurez , et qui auroient persisté?
dans la rébellion jusqu'à la fin , n'auroient
que la vie sauve , et subiroient l'éxil qu'on
leur prescriroit.
Fermer
Résumé : RELATION HISTORIQUE, exacte et détaillée de la derniere Révolution arrivée à Contantinople ; écrite d'abord en Turc par un Effendi, avec plusieurs circonstances de cet Evenement , tirées d'autres Memoires.
En septembre 1730, une révolte éclate à Constantinople, principalement due à la décadence des affaires en Perse et à l'oppression du peuple turc. Patrona-Kalil, un Albanois, et d'autres individus de basse extraction mènent la révolte contre le ministère en place. Le sultan Achmet III et le Grand Vizir Ibrahim-Pacha tentent sans succès de réprimer la révolte. Les rebelles libèrent des prisonniers et augmentent leurs rangs, forçant Achmet III à abdiquer. En 1731, les rebelles exigent la libération de plusieurs personnalités, dont le Mufty et Ibrahim Pacha. Le sultan refuse de libérer ce dernier, le condamnant à mort avec d'autres ministres. Les rebelles, furieux, exigent la déposition d'Achmet III et l'élévation de Mahmoud au trône. Mahmoud est proclamé sultan le 2 octobre et reçoit l'hommage des grands de l'Empire. Cependant, les rebelles continuent de piller et de défier l'autorité de Mahmoud, qui doit négocier pour éviter de nouvelles violences. Des trésors cachés par les anciens ministres sont découverts, révélant des sommes considérables. Le sultan Mahmoud ordonne des gratifications pour les troupes et tente d'apaiser la rébellion. Patrona-Kalil refuse des offres de gouvernement et exige le sang des proscrits. Le sultan destitue le Capitan Pacha et nomme un successeur temporaire. Les ministres étrangers sont informés de l'accession au trône de Mahmoud, et plusieurs tribunaux reprennent leurs activités avec de nouveaux officiers. En avril 1731, des fonds sont distribués à diverses unités militaires ottomanes, incluant les Janissaires, les Topgis, les Dgebedgis et les Spahis. Des plaintes concernant des officiers retenaient une partie de la solde des soldats sont adressées au Grand Vizir, qui contraint ces officiers à restituer les sommes indûment appropriées. Patrona accepte des pots-de-vin en échange de la grâce de proscrits, provoquant des réactions hostiles parmi ses camarades. Les persécutions et pillages continuent à Constantinople, poussant le sultan à convoquer un grand conseil. Ce conseil décide d'envoyer un édit aux rebelles, menacés de répression s'ils ne se soumettent pas. Les Janissaires, ayant déserté les rebelles, renforcent cet édit en menaçant de les combattre. Les rebelles finissent par se soumettre, obtenant la promesse que le sultan ne les punirait pas et qu'ils pourraient conserver cinq étendards pour leur défense. Mehemet Aga, un sellier, est élu Janissaire Aga en avril 1731 malgré ses protestations. Il avoue avoir feint d'être curé pour éviter cette charge, mais montre par la suite des qualités de leadership, sauvant Constantinople d'une sédition. Les rebelles continuent de semer le trouble, mais Mehemet Aga intervient pour rétablir l'ordre. Le Mufti tente de raisonner les chefs rebelles, mais ceux-ci restent insolents et continuent leurs désordres. Les rebelles s'installent dans des maisons en ville, se livrant à des débauches et exigeant des faveurs du Grand Vizir. Ils exilent Mehmet Pacha à Mouhs-Kara, détruisant les embellissements de la ville. Le Grand Vizir doit céder à leurs demandes, même pour les nominations de postes importants. Le Grand Seigneur dépose Mengheli Chiray, Khan des Tartares de Crimée, et nomme son frère Kaplan-Chiray comme successeur. Ce dernier reçoit des honneurs et des présents à Constantinople. Les rebelles, influencés par Mouslouh Aga, demandent des réformes et la déposition de certains ministres. Ils accusent des hauts fonctionnaires de trahison et exigent des changements dans le ministère. Le gouvernement répond par des mesures de répression et des avertissements. Patrona Kalil montre sa reconnaissance envers un boucher grec qui l'avait aidé, en lui offrant une somme d'argent et en lui promettant une faveur. En avril 1731, Yanaky, un boucher, est nommé Prince de Moldavie malgré l'opposition du Grand Vizir. Cette nomination provoque le désespoir parmi les Grecs. Yanaky ne parvient pas à rassembler les fonds nécessaires et est rapidement emprisonné. Des tensions émergent au sein des Janissaires, qui menacent Patrona et exigent la dissolution de ses troupes. Kafis-Mehemet Pacha est brièvement déposé de son poste de Capitain-Pacha avant d'être rétabli sous la pression des rebelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
927
p. 938-945
LETTRE écrite de Paris le 30 Avril 1731. au sujet de la Révolution de Constantinople, contenant quelques faits Anecdotes, et qui peut servir de récapitulation à laRelation de cet événement.
Début :
C'est avec quelque sorte de peine, Monsieur, que je me suis déterminé [...]
Mots clefs :
Révolution, Sédition, Sultan, Porte, Roi de Perse, Peuple, Sérail, Divans, Janissaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Paris le 30 Avril 1731. au sujet de la Révolution de Constantinople, contenant quelques faits Anecdotes, et qui peut servir de récapitulation à laRelation de cet événement.
LETTRE écrite de Paris le 30 Avril 1731..
au sujet de la Révolution de Constantinople
, contenant quelquesfaits Anecdotes
et qui peut servir de récapitulation à la
Relation de cet événement
C
و
" Est avec quelque sorte de peine ,
Monsieur , que je me suis déterminé
à rendre publique une Lettre que je reçois
de Constantinople. Les récits qu'on lit.
dans vos Mercures de la Révolution arrivée
en Turquie , semblent ne laisser rien
AVRIL. 17312 939
désirer pour constater un évenement
aussi extraordinaire ; cependant en les
comparant avec le détail que l'on m'en fait
dans cette Lettre ; j'y ai appris deux cir
constances essentielles , dont on n'a point
encore parlé. On y verra le motif de la sédition
, et les progrès insensibles d'un dessein
d'abord témeraire , mais apuyé sous
main par le Capitan- Bacha , et porté à un
succès inesperé , par l'inaction du Grand
Vizir et du Sultan. Ces nouvelles au
reste , ne sçauroient être révoquées en
doute ; celui dont je les tiens fait depuis
plusieurs années un séjour actuel à Constantinople
, y est connu et consideré des
plus grands Pachas de la Porte , et a lié
une amitié étroite avec un des premiers
Officiers du nouveau Sultan..
31
Le Prince Thamas s'étoit à peine affermi
sur le Thrône de ses Ancêtres , qu'il
s'êtoit pressé d'envoyer une Ambassade
célebre à la Porte , pour redemander la
restitution des Provinces et Places dont
les Turcs s'étoient emparez pendant la
Révolution.
Il avoit soutenu cette Ambassade d'une
grosse Armée , dont les progrès continuels
rendirent les Turcs plus traitables , et les
forcerent à écouter une proposition ,
qu'ils auroient rejettée avec hauteur dans
un autre tems. Il fut résolu dans un grand
Divan
740 MERCURE DE FRANCE.
Divan que l'on remettroit ces Provinces
au Roi de Perse.
Le Roi de Perse n'avoit pas oublié les
cruautez exercées par les Turcs durant la
Conquête de ces Provinces . Cette plaïe recente
saignoit encore , et les dégats que
son Armée avoit causés sur les Terres des
Turcs , ne l'en avoient pas assez pleinement
dédomagé ; aussi saisit- il l'occasion
d'assouvir la vengeance qu'il méditoit
et quelques Soldats restez à la garde des
Places , furent les malheureuses victimes
de sa colere.
+
Ils furent arrêtez , on leur coupa le nez
et les oreilles , et on les embarqua sur un
Bâtiment du païs au nombre de 300-
Le Grand Vizir en fut informé à propos
; il avoit été l'Auteur de la guerre
pendant la Révolution de Perse , il venoit
de conclure la paix malgré les oppositions
de tout le Divan : il craignit avec raison
qu'une execution de cette nature
n'eut des suites fâcheuses ; il dépêcha
des Courriers et des ordres précis aux
Gouverneurs des Places situées à l'embouchure
de la Mer Noire , de couler à
fond le premier Vaisseau qu'ils appercevroient.
le
Le succès répondit à son attente ,
Vaisseau fut englouti , et cette affaire n'auroit
point éclaté , si un nommé Patrona ,
1
qui
AVRIL. 1731. 941
qui avoit été témoin de l'éxecution en
Perse et qui (à ce que prétendent quelquesuns
you comme d'autres le veulent ) avoit
échappé au naufrage , n'eut découvert ce
qu'il importoit au Grand Vizir de tenir
caché.
Ce Patrona arrive à Constantinople ;
marche vers la grande Place , attache un
Drapeau au bout d'un bâton , dont il
étoit armé , ordonne à tous les vrais fideles
de se ranger autour de lui .
Le Peuple ne parut pas d'abord bien
disposé à la révolte ; on ne répondit à
Patrona que par un grand silence , et depuis
le matin jusqu'à midi , il n'avoit rassemblé
que 10 à 12 personnes. Il eut été
facile de dissiper ce petit nombre de factieuxs
mais la lenteur du Capitan Bacha
que l'on soupçonna depuis d'être d'intelligence
avec Patrona d'ailleurs ennemi-
déclaré du G. V. et les peintures vives
et affreuses que Patrona présentoit au peuple
des indignitez commises sur le petit
nombre des Soldats Turcs , entraîna enfin
le peuple. On ferme les Boutiques , on
s'atroupe , on court au quartier des Jánissaires
, et on tourne droit au Serrail
en criant justice et vengeance .
3
>
Le Sultan Achmet étoit enfermé avec le
Grand Vizir et le Capitan-Bacha , et ne
décidoit rien lorsque les cris de la popu-
Lace
942 MERCURE DE FRANCE
lace épouvanterent le Grand Vizir ; qui ,
désesperant de remedier à un mal si pressant
, accusa le Capitan - Bacha. C'est ce
chien , dit- il , au Grand Seigneur , qui est
cause de tout ce désordre . Le Grand Amiral
picqué , rendit compte à l'Empereur
des motifs secrets , qui avoient occasionné
la paix et la guerre avec la Perse.
Le Sultan pressé par le peuple qui lui
demandoit justice , et indigné de se voir
trompé par ses deux Ministres , les fit
étrangler sur le champ et livra leurs corps
à la Populace qui les mit en pieces. Cer
Acte de Justice auroit dû naturellement
appaiser les Mécontens . Mais l'avarice ,
Foisiveté et la molesse du G. S. avoient
fort indisposé les Peuples contre lui ; aussi
Pattaquerent-ils ensuite , le détrônerent
et éleverent sur le Trêne Sultan Mah .
moud , son neveu , confié depuis longtemps
à la Garde des Janissairés .
Patrona devint bien- tôt le maître ; rien
me se décidoit que par ses ordres ; ik assistoit
à tous les Divans ; son avis y étoit
le seul suivi , il alla même jusqu'à nommer
un Janissaire-Aga . Le Sultan nouvellement
élû supportoit impatiamment une
autorité égale à la sienne ; il chercha à
abbatre un Sujet si craint et si redouté.
Il y réussit par une voye qui sembloit
assurer à Patrona le pouvoir qu'il venoit
d'usurper.
AVRIL. 1731. 943
Le Selicktar , ou Porte- Enseigne du Sultan
déposé , avoit obtenu du Sultan Mahmoud
, la place de G. Visir , loind'être lié
d'interêt avec Patrona , il servoit d'obstacle
à ses desseins. Sa perte fut résoluë ;
il n'osa s'y prendre ouvertement et crut
qu'il en viendroit mieux à bout en cachant
son projet.
Il insinua donc au Sultan de rappeller
auprès de sa Personne un certain Dgianum
-Codgia , honoré déja de la place de
Capitan - Bacha , et exilé depuis long-temps
comme ennemi déclaré du G. V. massacré ;
homme de tête et propre pour un coup
d'état. Le G. S. y consentit ; il le décora
une seconde fois de la place de Grand-
Amiral. Il indiqua un Divan où les Bachas
de la Porte et les principaux Chefs
des Rebelles devoient assister , sous prétexte
qu'il étoit à propos de prendre des
mesures promptes et sures dans la guerre
que l'on alloit déclarer aux Moscovites .
C'est une ceremonie pratiquée journellement
chez les Turcs , de revétir avant
la tenne du Divan , le nouveau Grand-
* Amiral d'un Caftan , en presence du G. S.
le Ceremonial prescrit aussi qu'il en soit
revétu par le Janissaire - Aga.
I On avoit déterminé à ce moment la
punition des factieux , et le Janissaire-Aga'
devoit être la première victime. Tout
étant
944 MERCURE DE FRANCE
étant préparé, le Janissaire Aga s'approche
du Grand- Amiral , lui présenta la Veste.
Celui-cy lui porte un coup de Sabre qu'il
avoit caché sous sa Robbe , l'étend sur le
carreau ; on prétend qu'il tomba mort ,
d'autres veulent que blessé mortellement,
il se releva , tira son poignard , dont il atteignit
Dgianum- Codgia , qui muni d'u
ne armure , ne fut point blessé.
Au signal on se jette sur les factieux;
surpris et desesperez , ils se deffendent
vaillamment , mais ils succombent enfin
au nombre de 30. tandis que l'on massacre
ceux qui étoient restez au- dedans
du Serrail et dans les cours.
Le Peuple ne marqua par aucun
mouvement qu'il y prît part. On ne
s'en est point tenu à cette simple execution
; on poursuit vivement les séditieux,
leurs têtes sont mises à prix et on renouvelle
ces fameux tems des anciennes Proscriptions.
On prétend , au reste , que bien en å
pris au nouveau Sultan , d'avoir fait cet
exemple, et que le dessein de Patrona étoit
de remettre deux jours plus tard l'ancien
Sultan sur le Trône. On ignore quel en
pouvoit être le motif.
Les Révoltes sont assez ordinaires en
Turquie. La Canée n'en a pas été exempte;
un Impôt mis sur l'huile en a été
le
AVRIL. 1731 945
+
le prétexte. 300. hommes étoient déja
assemblez dans une Mosquée , et méditoient
de massacrer le Receveur ; mais
les soins du Bacha et du Janissaire Aga ,
ont arrêté ces premiers mouvemens , et
sous prétexte de presenter une Requête à
la Porte, ils les ont congédiez et renvoyez
chez eux .
Il seroit peu necessaire , Monsieur , de
faire remarquer ce qui differencie cette
Relation des autres données au Public ;
lui seul en doit juger. Je me flatte que
vous voudrez bien lui donner promptement
une place dans votre Mercure; dans
cette attente je suis , &c.
au sujet de la Révolution de Constantinople
, contenant quelquesfaits Anecdotes
et qui peut servir de récapitulation à la
Relation de cet événement
C
و
" Est avec quelque sorte de peine ,
Monsieur , que je me suis déterminé
à rendre publique une Lettre que je reçois
de Constantinople. Les récits qu'on lit.
dans vos Mercures de la Révolution arrivée
en Turquie , semblent ne laisser rien
AVRIL. 17312 939
désirer pour constater un évenement
aussi extraordinaire ; cependant en les
comparant avec le détail que l'on m'en fait
dans cette Lettre ; j'y ai appris deux cir
constances essentielles , dont on n'a point
encore parlé. On y verra le motif de la sédition
, et les progrès insensibles d'un dessein
d'abord témeraire , mais apuyé sous
main par le Capitan- Bacha , et porté à un
succès inesperé , par l'inaction du Grand
Vizir et du Sultan. Ces nouvelles au
reste , ne sçauroient être révoquées en
doute ; celui dont je les tiens fait depuis
plusieurs années un séjour actuel à Constantinople
, y est connu et consideré des
plus grands Pachas de la Porte , et a lié
une amitié étroite avec un des premiers
Officiers du nouveau Sultan..
31
Le Prince Thamas s'étoit à peine affermi
sur le Thrône de ses Ancêtres , qu'il
s'êtoit pressé d'envoyer une Ambassade
célebre à la Porte , pour redemander la
restitution des Provinces et Places dont
les Turcs s'étoient emparez pendant la
Révolution.
Il avoit soutenu cette Ambassade d'une
grosse Armée , dont les progrès continuels
rendirent les Turcs plus traitables , et les
forcerent à écouter une proposition ,
qu'ils auroient rejettée avec hauteur dans
un autre tems. Il fut résolu dans un grand
Divan
740 MERCURE DE FRANCE.
Divan que l'on remettroit ces Provinces
au Roi de Perse.
Le Roi de Perse n'avoit pas oublié les
cruautez exercées par les Turcs durant la
Conquête de ces Provinces . Cette plaïe recente
saignoit encore , et les dégats que
son Armée avoit causés sur les Terres des
Turcs , ne l'en avoient pas assez pleinement
dédomagé ; aussi saisit- il l'occasion
d'assouvir la vengeance qu'il méditoit
et quelques Soldats restez à la garde des
Places , furent les malheureuses victimes
de sa colere.
+
Ils furent arrêtez , on leur coupa le nez
et les oreilles , et on les embarqua sur un
Bâtiment du païs au nombre de 300-
Le Grand Vizir en fut informé à propos
; il avoit été l'Auteur de la guerre
pendant la Révolution de Perse , il venoit
de conclure la paix malgré les oppositions
de tout le Divan : il craignit avec raison
qu'une execution de cette nature
n'eut des suites fâcheuses ; il dépêcha
des Courriers et des ordres précis aux
Gouverneurs des Places situées à l'embouchure
de la Mer Noire , de couler à
fond le premier Vaisseau qu'ils appercevroient.
le
Le succès répondit à son attente ,
Vaisseau fut englouti , et cette affaire n'auroit
point éclaté , si un nommé Patrona ,
1
qui
AVRIL. 1731. 941
qui avoit été témoin de l'éxecution en
Perse et qui (à ce que prétendent quelquesuns
you comme d'autres le veulent ) avoit
échappé au naufrage , n'eut découvert ce
qu'il importoit au Grand Vizir de tenir
caché.
Ce Patrona arrive à Constantinople ;
marche vers la grande Place , attache un
Drapeau au bout d'un bâton , dont il
étoit armé , ordonne à tous les vrais fideles
de se ranger autour de lui .
Le Peuple ne parut pas d'abord bien
disposé à la révolte ; on ne répondit à
Patrona que par un grand silence , et depuis
le matin jusqu'à midi , il n'avoit rassemblé
que 10 à 12 personnes. Il eut été
facile de dissiper ce petit nombre de factieuxs
mais la lenteur du Capitan Bacha
que l'on soupçonna depuis d'être d'intelligence
avec Patrona d'ailleurs ennemi-
déclaré du G. V. et les peintures vives
et affreuses que Patrona présentoit au peuple
des indignitez commises sur le petit
nombre des Soldats Turcs , entraîna enfin
le peuple. On ferme les Boutiques , on
s'atroupe , on court au quartier des Jánissaires
, et on tourne droit au Serrail
en criant justice et vengeance .
3
>
Le Sultan Achmet étoit enfermé avec le
Grand Vizir et le Capitan-Bacha , et ne
décidoit rien lorsque les cris de la popu-
Lace
942 MERCURE DE FRANCE
lace épouvanterent le Grand Vizir ; qui ,
désesperant de remedier à un mal si pressant
, accusa le Capitan - Bacha. C'est ce
chien , dit- il , au Grand Seigneur , qui est
cause de tout ce désordre . Le Grand Amiral
picqué , rendit compte à l'Empereur
des motifs secrets , qui avoient occasionné
la paix et la guerre avec la Perse.
Le Sultan pressé par le peuple qui lui
demandoit justice , et indigné de se voir
trompé par ses deux Ministres , les fit
étrangler sur le champ et livra leurs corps
à la Populace qui les mit en pieces. Cer
Acte de Justice auroit dû naturellement
appaiser les Mécontens . Mais l'avarice ,
Foisiveté et la molesse du G. S. avoient
fort indisposé les Peuples contre lui ; aussi
Pattaquerent-ils ensuite , le détrônerent
et éleverent sur le Trêne Sultan Mah .
moud , son neveu , confié depuis longtemps
à la Garde des Janissairés .
Patrona devint bien- tôt le maître ; rien
me se décidoit que par ses ordres ; ik assistoit
à tous les Divans ; son avis y étoit
le seul suivi , il alla même jusqu'à nommer
un Janissaire-Aga . Le Sultan nouvellement
élû supportoit impatiamment une
autorité égale à la sienne ; il chercha à
abbatre un Sujet si craint et si redouté.
Il y réussit par une voye qui sembloit
assurer à Patrona le pouvoir qu'il venoit
d'usurper.
AVRIL. 1731. 943
Le Selicktar , ou Porte- Enseigne du Sultan
déposé , avoit obtenu du Sultan Mahmoud
, la place de G. Visir , loind'être lié
d'interêt avec Patrona , il servoit d'obstacle
à ses desseins. Sa perte fut résoluë ;
il n'osa s'y prendre ouvertement et crut
qu'il en viendroit mieux à bout en cachant
son projet.
Il insinua donc au Sultan de rappeller
auprès de sa Personne un certain Dgianum
-Codgia , honoré déja de la place de
Capitan - Bacha , et exilé depuis long-temps
comme ennemi déclaré du G. V. massacré ;
homme de tête et propre pour un coup
d'état. Le G. S. y consentit ; il le décora
une seconde fois de la place de Grand-
Amiral. Il indiqua un Divan où les Bachas
de la Porte et les principaux Chefs
des Rebelles devoient assister , sous prétexte
qu'il étoit à propos de prendre des
mesures promptes et sures dans la guerre
que l'on alloit déclarer aux Moscovites .
C'est une ceremonie pratiquée journellement
chez les Turcs , de revétir avant
la tenne du Divan , le nouveau Grand-
* Amiral d'un Caftan , en presence du G. S.
le Ceremonial prescrit aussi qu'il en soit
revétu par le Janissaire - Aga.
I On avoit déterminé à ce moment la
punition des factieux , et le Janissaire-Aga'
devoit être la première victime. Tout
étant
944 MERCURE DE FRANCE
étant préparé, le Janissaire Aga s'approche
du Grand- Amiral , lui présenta la Veste.
Celui-cy lui porte un coup de Sabre qu'il
avoit caché sous sa Robbe , l'étend sur le
carreau ; on prétend qu'il tomba mort ,
d'autres veulent que blessé mortellement,
il se releva , tira son poignard , dont il atteignit
Dgianum- Codgia , qui muni d'u
ne armure , ne fut point blessé.
Au signal on se jette sur les factieux;
surpris et desesperez , ils se deffendent
vaillamment , mais ils succombent enfin
au nombre de 30. tandis que l'on massacre
ceux qui étoient restez au- dedans
du Serrail et dans les cours.
Le Peuple ne marqua par aucun
mouvement qu'il y prît part. On ne
s'en est point tenu à cette simple execution
; on poursuit vivement les séditieux,
leurs têtes sont mises à prix et on renouvelle
ces fameux tems des anciennes Proscriptions.
On prétend , au reste , que bien en å
pris au nouveau Sultan , d'avoir fait cet
exemple, et que le dessein de Patrona étoit
de remettre deux jours plus tard l'ancien
Sultan sur le Trône. On ignore quel en
pouvoit être le motif.
Les Révoltes sont assez ordinaires en
Turquie. La Canée n'en a pas été exempte;
un Impôt mis sur l'huile en a été
le
AVRIL. 1731 945
+
le prétexte. 300. hommes étoient déja
assemblez dans une Mosquée , et méditoient
de massacrer le Receveur ; mais
les soins du Bacha et du Janissaire Aga ,
ont arrêté ces premiers mouvemens , et
sous prétexte de presenter une Requête à
la Porte, ils les ont congédiez et renvoyez
chez eux .
Il seroit peu necessaire , Monsieur , de
faire remarquer ce qui differencie cette
Relation des autres données au Public ;
lui seul en doit juger. Je me flatte que
vous voudrez bien lui donner promptement
une place dans votre Mercure; dans
cette attente je suis , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Paris le 30 Avril 1731. au sujet de la Révolution de Constantinople, contenant quelques faits Anecdotes, et qui peut servir de récapitulation à laRelation de cet événement.
La lettre du 30 avril 1731 relate la révolution à Constantinople, révélant des détails absents des journaux. Elle met en lumière deux éléments cruciaux : le motif de la sédition et l'évolution d'un plan audacieux soutenu par le Capitan-Bacha, favorisé par l'inaction du Grand Vizir et du Sultan. Le Prince Thamas, nouvellement installé sur le trône de Perse, avait envoyé une ambassade pour réclamer la restitution des provinces conquises par les Turcs. Soutenu par une armée puissante, il força les Turcs à accepter cette demande. En réponse aux cruautés turques, le roi de Perse ordonna des exécutions barbares sur les soldats turcs restés en Perse. Informé, le Grand Vizir ordonna de couler le vaisseau transportant ces soldats, mais un nommé Patrona, témoin des exécutions, révéla l'affaire à Constantinople. Patrona rallia le peuple en dénonçant les indignités commises, déclenchant une révolte. Acculé, le Grand Vizir accusa le Capitan-Bacha. Le Sultan, pressé par le peuple, fit étrangler les deux ministres et livra leurs corps à la populace. Cependant, l'avarice et la mollesse du Sultan indisposèrent les peuples, qui le détrônèrent et élevèrent son neveu, Sultan Mahmoud, au trône. Patrona devint le maître, mais le Sultan, avec l'aide du Selicktar, organisa un coup d'État. Lors d'un Divan, le nouveau Grand-Amiral tua le Janissaire-Aga, déclenchant une répression sanglante contre les séditieux. Le peuple resta passif, et les proscriptions se poursuivirent. Les motifs exacts de Patrona pour vouloir rétablir l'ancien Sultan restent inconnus. Des révoltes similaires survinrent ailleurs, comme à La Canée, où un impôt sur l'huile déclencha des mouvements séditieux rapidement réprimés. L'auteur espère que cette relation sera publiée promptement dans le Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
928
p. 1092-1093
Relation de la Révolution de Constantinople, &c. [titre d'après la table]
Début :
RELATION HISTORIQUE, exacte et détaillée de la derniere Révolution arrivée [...]
Mots clefs :
Relation historique, Constantinople, Révolution, Effendi, Égypte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Relation de la Révolution de Constantinople, &c. [titre d'après la table]
RELATION HISTORIQUE , exacte et détaillée
de la derniere Révolution arrivée
à CONSTANTINOPLE , écrite d'abord en
Turc par un Effendi , avec plusieurs circonstances
de ce grand évenement , tirées
d'autres Mémoires , avec une Lettre du
P. S. sur les differentes Pêches qui se font
en Egypte , un Mémoire sur les Villes de
la Mecque et de Medine , &c. A Paris ,
ruë
M A - Y. 1731 . 1093
ruë S. Jacques , Quai de Conti , et au P.-
lais , chez Cavelier , veuve Pissat et Neuilly
, 1731. in- 12. prix , 24 sols .
de la derniere Révolution arrivée
à CONSTANTINOPLE , écrite d'abord en
Turc par un Effendi , avec plusieurs circonstances
de ce grand évenement , tirées
d'autres Mémoires , avec une Lettre du
P. S. sur les differentes Pêches qui se font
en Egypte , un Mémoire sur les Villes de
la Mecque et de Medine , &c. A Paris ,
ruë
M A - Y. 1731 . 1093
ruë S. Jacques , Quai de Conti , et au P.-
lais , chez Cavelier , veuve Pissat et Neuilly
, 1731. in- 12. prix , 24 sols .
Fermer
Résumé : Relation de la Révolution de Constantinople, &c. [titre d'après la table]
Le document 'Relation historique, exacte et détaillée de la dernière Révolution arrivée à Constantinople' a été rédigé en turc par un Effendi. Il décrit les événements récents de Constantinople et inclut des mémoires sur divers aspects. Il contient aussi une lettre sur les pêches en Égypte et un mémoire sur La Mecque et Médine. Publié à Paris en 1731, il est disponible chez plusieurs libraires au format in-12 pour 24 sols.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
929
p. 1157-1159
TURQUIE.
Début :
On mande de Constantinople que la punition rigoureuse des Auteurs de la derniere révolution [...]
Mots clefs :
Constantinople, Punition, Révolution, Trésor, Faction, Rebelles, Étendard du prophète, Expédition
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE.
TURQUIE.
N mande de Constantinople que la punition
Origoureuse des Auteurs de la derniere
te , n'avoit pas empeché qu'il n'y eût encore des
troubles dans divers endroits de l'Asie , où les
Janissaires aprés avoir massacré la plupart de
leurs Chefs , se portoient aux dernieres extrémi
tés , sous pretexte qu'on leur retenoit leur solde ;
et que Sa Hautesse , pour prévenir les suites fàcheuses
de cette disposition à la révolte , avoit
fait tirer du Trésor vingt millions qu'on devoit
leur distribuer.
Mais voici ce que nous venons d'apprendre d'une
nouvelle revolte , par des Lettres de Constantinople
, dattées du 14. Avril , venues par la voye
de Vienne.
Le 25. Mars dernier , un Turc Albanois , de
la faction de Patrona Kalil , avoit assemblé 2000.
hommes de la même Nation dans la Place de la
Mosquée de Sultan Bajazet , et à l'heure de
minuit, cette Troupe avoit marché en corps chez
le Janissaire Aga , pour l'engager de se joindre
à eux , dans le dessein de détrôner le nouveau
Sultan , et de remettre à sa place le Sultan Achmet;
le Janissaire Aga s'étoit fort opposé à ce projet
séditieux , et il étoit allé la même nuit en
informer le Grand Seigneur. Ce Prince ordonna
sur le champ au Grand-Visir , au Mufty , et au
Capitan
1158 MERCURE DE FRANCE
Capitan Pacha d'assembler un Corps de Troupes,
et de les faire marcher dès la pointe du jour ,
pour dissiper ces Rébelles . Ces Troupes marche--
rent en bon ordre vers la place d'Atmeydan où
les Rébelles étoient campés , cette place étant
beaucoup plus spacieuse que celle du Sultan Ba
jazet où ils s'étoient d'abord affemblés . Le Grand-
Visir , le Mufty et le Capitan Pacha étoient à la
tête des Troupes du Grand- Seigneur , parmi lesquelles
il y avoit 600. Leventis ou Soldats de
Marine trés bien armés , le Mufty avoit à côté
de lui le fameux Etendart de Mahomet.
Les Rébelles sans s'étonner de voir arriver les
Troupes du G. S. en bon ordre , et bien disposés
à les charger , tirerent eux mêmes les premiers ,
avec cette circonstance qu'une bâle de Mousquet ,
ayant persé l'Etendart du Prophête , le Mufty en
fút si indigné , qu'il prononça sur le champ une
Sentence de mort contre tous les Rébelles ; ce
qui anima tellement les Troupes du G. S. qu'il
y cût un sanglant Combat , dans lequel plus de
300. Rébelles resterent sur la place , et les autres
furent dissipés.
Aprés cette expédition , le Grand Visir partagea
ses Troupes en deux corps, dont l'un resta
sur la même Place , et l'autre fût comandé pour
faire la Patrouille dans la Ville , et veiller à la
seureté publique,
Ces Letres ajoûtent que tous ceux qui furent
trouvés armés dans Constantinople fûrent étran
glés sur le champ . On croit que cette nouvelle
révolte a été suscitée par la Veuve du dernier G.
V.fille du Sultan déposé : elle a été , dit - on , étran
glée , mise dans un sac et jettée dans la Mer avec
une de ses confidentes .
Le G. S, a donné une Déclaration portant que
tous
MAY. 1731.
1159
tous ceux qui viendroient dénoncer des Rébelles
ou d'autres personnes qui pourroient avoir eu
quelque part à cette derniere révolte , auroient
quinze Aspres par jours de rente viagere. Cette
récompense a operé et opére tous les jours de
nouveaux châtimens exemplaires. Nous attendons
de plus amples circonstances de cet évenement ,
par des Vaisseaux partis de Constantinople le
30. Mars dernier.
N mande de Constantinople que la punition
Origoureuse des Auteurs de la derniere
te , n'avoit pas empeché qu'il n'y eût encore des
troubles dans divers endroits de l'Asie , où les
Janissaires aprés avoir massacré la plupart de
leurs Chefs , se portoient aux dernieres extrémi
tés , sous pretexte qu'on leur retenoit leur solde ;
et que Sa Hautesse , pour prévenir les suites fàcheuses
de cette disposition à la révolte , avoit
fait tirer du Trésor vingt millions qu'on devoit
leur distribuer.
Mais voici ce que nous venons d'apprendre d'une
nouvelle revolte , par des Lettres de Constantinople
, dattées du 14. Avril , venues par la voye
de Vienne.
Le 25. Mars dernier , un Turc Albanois , de
la faction de Patrona Kalil , avoit assemblé 2000.
hommes de la même Nation dans la Place de la
Mosquée de Sultan Bajazet , et à l'heure de
minuit, cette Troupe avoit marché en corps chez
le Janissaire Aga , pour l'engager de se joindre
à eux , dans le dessein de détrôner le nouveau
Sultan , et de remettre à sa place le Sultan Achmet;
le Janissaire Aga s'étoit fort opposé à ce projet
séditieux , et il étoit allé la même nuit en
informer le Grand Seigneur. Ce Prince ordonna
sur le champ au Grand-Visir , au Mufty , et au
Capitan
1158 MERCURE DE FRANCE
Capitan Pacha d'assembler un Corps de Troupes,
et de les faire marcher dès la pointe du jour ,
pour dissiper ces Rébelles . Ces Troupes marche--
rent en bon ordre vers la place d'Atmeydan où
les Rébelles étoient campés , cette place étant
beaucoup plus spacieuse que celle du Sultan Ba
jazet où ils s'étoient d'abord affemblés . Le Grand-
Visir , le Mufty et le Capitan Pacha étoient à la
tête des Troupes du Grand- Seigneur , parmi lesquelles
il y avoit 600. Leventis ou Soldats de
Marine trés bien armés , le Mufty avoit à côté
de lui le fameux Etendart de Mahomet.
Les Rébelles sans s'étonner de voir arriver les
Troupes du G. S. en bon ordre , et bien disposés
à les charger , tirerent eux mêmes les premiers ,
avec cette circonstance qu'une bâle de Mousquet ,
ayant persé l'Etendart du Prophête , le Mufty en
fút si indigné , qu'il prononça sur le champ une
Sentence de mort contre tous les Rébelles ; ce
qui anima tellement les Troupes du G. S. qu'il
y cût un sanglant Combat , dans lequel plus de
300. Rébelles resterent sur la place , et les autres
furent dissipés.
Aprés cette expédition , le Grand Visir partagea
ses Troupes en deux corps, dont l'un resta
sur la même Place , et l'autre fût comandé pour
faire la Patrouille dans la Ville , et veiller à la
seureté publique,
Ces Letres ajoûtent que tous ceux qui furent
trouvés armés dans Constantinople fûrent étran
glés sur le champ . On croit que cette nouvelle
révolte a été suscitée par la Veuve du dernier G.
V.fille du Sultan déposé : elle a été , dit - on , étran
glée , mise dans un sac et jettée dans la Mer avec
une de ses confidentes .
Le G. S, a donné une Déclaration portant que
tous
MAY. 1731.
1159
tous ceux qui viendroient dénoncer des Rébelles
ou d'autres personnes qui pourroient avoir eu
quelque part à cette derniere révolte , auroient
quinze Aspres par jours de rente viagere. Cette
récompense a operé et opére tous les jours de
nouveaux châtimens exemplaires. Nous attendons
de plus amples circonstances de cet évenement ,
par des Vaisseaux partis de Constantinople le
30. Mars dernier.
Fermer
Résumé : TURQUIE.
En Turquie, malgré la répression des auteurs de la dernière révolte, des troubles persistent en Asie, notamment parmi les Janissaires réclamant leur solde. Pour éviter une escalade, le sultan a distribué vingt millions de son trésor. Le 25 mars, un Albanais de la faction de Patrona Kalil a rassemblé 2000 hommes dans la mosquée de Sultan Bajazet pour destituer le nouveau sultan et rétablir le sultan Achmet. Informé, le sultan a ordonné au Grand-Visir, au Mufty et au Capitan Pacha de rassembler des troupes pour disperser les rebelles. Les troupes, incluant 600 Soldats de Marine, ont affronté les rebelles à la place d'Atmeydan. Après qu'une balle ait percé l'étendard de Mahomet, le Mufty a prononcé une sentence de mort contre les rebelles, intensifiant le combat. Plus de 300 rebelles ont été tués et les autres dispersés. Après la bataille, les troupes ont assuré la sécurité publique, exécutant ceux trouvés armés à Constantinople. La veuve du dernier sultan, fille du sultan déposé, a été exécutée pour avoir fomenté la révolte. Le sultan a offert une récompense de quinze aspres par jour de rente viagère pour la dénonciation de rebelles, entraînant de nouveaux châtiments exemplaires. Des informations supplémentaires sont attendues via des vaisseaux partis de Constantinople le 30 mars.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
930
p. 1159-1160
RUSSIE.
Début :
Le Baron de Schasiroff, envoyé extraordinaire de la Czarine en Perse, a écrit qu'il étoit [...]
Mots clefs :
Baron, Tsarine, Perse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RUSSIE.
L
RUSSIE.
E Baron de Schafiroff , envoyé extraordinai
re de la Czarine en Perse , a écrit qu'il étoit
revenu à Hispahan , que le Roy de Perse ui avoit
fait donner pour son logement un Palais situé
dans le Fauxbourg où demeurent les Facteurs
des Commerçans François , Anglois et Hollandois
, qu'il étoit défrayé avec toute sa suite ,
et qu'on lui avoit donné par honneur une garde
de 40. Sokats de la Garde du Roi de Perse ;
qu'il n'y avoit pas encore de Traité conclu entre
le Roy de Perse et le Grand Seigneur , mais qu'ils
étoient convenus d'une suspension d'Armes pendant
six mois.
On mande de Moscou , qu'au commencement
du mois dernier , la Duchesse de Meckelbourg
dépêcha un de ses Principaux Officiers avec des
rémises considérables pour le Die Charles Leopold
son époux , auquel S. M. Cz . fait esperer
de puissants secours , si l'Empereur réfuse de lui
être favorable lorsqu'il s'agira de terminer ses
contestations avec les Princes de la Commission
de Rostoc .
On assure que le Traité conclu entre l'Empereur
et le feu Czar II . a été renouvellé dépuis ptu
H
ITO MERCURE DE FRANCE
et que le Comte de Wratislau , Ambassadeur extraordinaire
de S. M. Cz. , l'a envoyé à Vienne
pour le taire ratifier.
Tefterdar Said Mehemet Effendi , Envoyé
extraordinaire du Grand Seigneur , fit son Entrée
Publique à Moscou le 31. Mars ; le lendemain
il eût une Conférence avec le Grand - Chancelier,
auquel il rémit une Lettre du Grand Visir.
On écrit de Moscou que toute la Famille du
Prince de Menzixoff est revenue de son éxil ; ainsi
que d'autres personnes qui avoient été réléguées
en Siberie sous le Kégne précedent.
La Czarine doit faire publier l'Edit , rendu de
l'Avis de son Conseil,pour punir sévérement ceux
qui seront convaincus de malversations. S. M,
Cz. déclare par cet Edit,que la Famille des coupables
ne sera plus comprise dans leur disgrace,
RUSSIE.
E Baron de Schafiroff , envoyé extraordinai
re de la Czarine en Perse , a écrit qu'il étoit
revenu à Hispahan , que le Roy de Perse ui avoit
fait donner pour son logement un Palais situé
dans le Fauxbourg où demeurent les Facteurs
des Commerçans François , Anglois et Hollandois
, qu'il étoit défrayé avec toute sa suite ,
et qu'on lui avoit donné par honneur une garde
de 40. Sokats de la Garde du Roi de Perse ;
qu'il n'y avoit pas encore de Traité conclu entre
le Roy de Perse et le Grand Seigneur , mais qu'ils
étoient convenus d'une suspension d'Armes pendant
six mois.
On mande de Moscou , qu'au commencement
du mois dernier , la Duchesse de Meckelbourg
dépêcha un de ses Principaux Officiers avec des
rémises considérables pour le Die Charles Leopold
son époux , auquel S. M. Cz . fait esperer
de puissants secours , si l'Empereur réfuse de lui
être favorable lorsqu'il s'agira de terminer ses
contestations avec les Princes de la Commission
de Rostoc .
On assure que le Traité conclu entre l'Empereur
et le feu Czar II . a été renouvellé dépuis ptu
H
ITO MERCURE DE FRANCE
et que le Comte de Wratislau , Ambassadeur extraordinaire
de S. M. Cz. , l'a envoyé à Vienne
pour le taire ratifier.
Tefterdar Said Mehemet Effendi , Envoyé
extraordinaire du Grand Seigneur , fit son Entrée
Publique à Moscou le 31. Mars ; le lendemain
il eût une Conférence avec le Grand - Chancelier,
auquel il rémit une Lettre du Grand Visir.
On écrit de Moscou que toute la Famille du
Prince de Menzixoff est revenue de son éxil ; ainsi
que d'autres personnes qui avoient été réléguées
en Siberie sous le Kégne précedent.
La Czarine doit faire publier l'Edit , rendu de
l'Avis de son Conseil,pour punir sévérement ceux
qui seront convaincus de malversations. S. M,
Cz. déclare par cet Edit,que la Famille des coupables
ne sera plus comprise dans leur disgrace,
Fermer
Résumé : RUSSIE.
Le baron de Schafiroff, envoyé de la czarine en Perse, est retourné à Hispahan où le roi de Perse lui a fourni un palais et une garde d'honneur de 40 soldats. Une suspension d'armes de six mois a été convenue entre le roi de Perse et le Grand Seigneur, mais aucun traité n'a été conclu. À Moscou, la duchesse de Meckelbourg a envoyé des fonds à son époux, espérant l'aide de la czarine en cas de refus de l'empereur dans ses contestations avec les princes de la Commission de Rostoc. Le traité entre l'empereur et le feu czar Pierre II a été renouvelé et porté à Vienne par le comte de Wratislau. Tefterdar Said Mehemet Effendi, envoyé du Grand Seigneur, a fait son entrée publique à Moscou et a remis une lettre du Grand Visir au grand-chancelier. Des nouvelles de Moscou indiquent le retour de la famille du prince de Menzixoff et d'autres exilés en Sibérie. La czarine doit publier un édit pour punir sévèrement les malversations, excluant la famille des coupables de la disgrâce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
931
p. 1160
DANNEMARCK.
Début :
On doit publier un nouveau Réglement touchant les fonctions de ceux qui ont rang au [...]
Mots clefs :
Règlement, Couronnement du roi, Médailles, Ministres étrangers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DANNEMARCK.
chant les fonctions de ceux qui ont rang au
Couronnement du Roy , et on a fait frapper à
cette occasion 300co. Risdales de Médailles
d'or , pour être distribuées aux Ministres Etrangers,
aux Seigneurs de la Cour , et à la principale
Noblesse . On en frappe actuellement en argent ,
pour donner aux Bourgeois de Coppenhague ,
Suivant l'ancien usage.
doit nouveau
Le Roy a chargé M. de Gram , Grand-Veneur
du Royaume , de choisir douze des plus beaux
Chevaux de ses Haras , et plusieurs Chiens de
Chasse , dont S M. a dessein de faire présent an
Roy Tres- Chrétien.
On a reçu avis que la moitié de la Ville de Rotschild
, où est la Sépulture des Rois de Dannemarck
, avoit été réduite en cendres au commencement
du mois dernier.
Couronnement du Roy , et on a fait frapper à
cette occasion 300co. Risdales de Médailles
d'or , pour être distribuées aux Ministres Etrangers,
aux Seigneurs de la Cour , et à la principale
Noblesse . On en frappe actuellement en argent ,
pour donner aux Bourgeois de Coppenhague ,
Suivant l'ancien usage.
doit nouveau
Le Roy a chargé M. de Gram , Grand-Veneur
du Royaume , de choisir douze des plus beaux
Chevaux de ses Haras , et plusieurs Chiens de
Chasse , dont S M. a dessein de faire présent an
Roy Tres- Chrétien.
On a reçu avis que la moitié de la Ville de Rotschild
, où est la Sépulture des Rois de Dannemarck
, avoit été réduite en cendres au commencement
du mois dernier.
Fermer
Résumé : DANNEMARCK.
Lors du couronnement, 300 écus de médailles d'or ont été distribués aux ministres étrangers, seigneurs et noblesse. Des médailles en argent sont offertes aux bourgeois de Copenhague. Le roi a chargé M. de Gram de sélectionner des chevaux et chiens de chasse pour le roi Très-Chrétien. La moitié de Roskilde a été détruite par un incendie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
932
p. 1161-1162
ALLEMAGNE.
Début :
Le 20. du mois dernier, on reçut à Vienne, par un Courrier dépêché de Londres, la ratification [...]
Mots clefs :
Vienne, Ratification, Traité, Roi de Pologne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
E 20. du mois dernier , on reçut à Vienne
Lepar un Courrier dépêché de Londres , la ra
tification du Traité conclu le 16. Mars , entre
l'Empereur et le Roy d'Angleterre.
!
Le 6 May , le Conseil Aulique jugea le Procès
du Duc de Modéne , contre le Prince et les
Princesses de Carignan , au sujet de la succession
du feu Prince Foreste d'Est. Tous les immeubles
ont été adjugez au Duc de Modéne , et les effets
mobiliers au Prince et aux Princesses de Carignan.
On fait revenir d'Italie 6000 hommes de Cavalerie
, et 8000 d'Infanterie qui passeront en
Hongrie , où l'on veut assembler une armée considérable
, parce qu'on a reçu des avis certains de
Constantinople , que le G. S. pourroit être contraint
de ceder aux instances réiterées des Janissaires
et du peuple , qui paroissent toujours disposez
à la révolte , parce que S. H. refuse de déclarer
la guerre aux Chrétiens.
On écrit de Berlin que les grandes Revuës des
plus belles Troupes du Roy de Prusse , et pour
lesquelles on fait de grands préparatifs , ne se feront
qu'au commencement du mois prochain .On
assure que le Roy de Pologne et le Prince Royal
son fi's y sont invitez , ainsi que quantité d'autres
Princes , comme le Duc regnant de Wirtemberg
, le Duc de Saxe Eisenach , le Duc de Beveren
, le Prince Charles son fils , le Landgrave de
Hesse Darmstadt, les Pr . Héréditaires de Bareith,
et les Princes de la Maison d'Anhalt ; ils sont attendus
à Berlin , vers le 24 de May.
On mande de Dresde que le Cointe d'Hoim ,
premier Ministre du Roy de Pologne , a deman-
Hij
dé
116 MERCURE DE FRANCE
dé et obtenu de S.M.des Commissaires pour examiner
ses comptes , afin d'avoir ensuite sa liberté,
étant toujours relégué dans une de ses Terres.
E 20. du mois dernier , on reçut à Vienne
Lepar un Courrier dépêché de Londres , la ra
tification du Traité conclu le 16. Mars , entre
l'Empereur et le Roy d'Angleterre.
!
Le 6 May , le Conseil Aulique jugea le Procès
du Duc de Modéne , contre le Prince et les
Princesses de Carignan , au sujet de la succession
du feu Prince Foreste d'Est. Tous les immeubles
ont été adjugez au Duc de Modéne , et les effets
mobiliers au Prince et aux Princesses de Carignan.
On fait revenir d'Italie 6000 hommes de Cavalerie
, et 8000 d'Infanterie qui passeront en
Hongrie , où l'on veut assembler une armée considérable
, parce qu'on a reçu des avis certains de
Constantinople , que le G. S. pourroit être contraint
de ceder aux instances réiterées des Janissaires
et du peuple , qui paroissent toujours disposez
à la révolte , parce que S. H. refuse de déclarer
la guerre aux Chrétiens.
On écrit de Berlin que les grandes Revuës des
plus belles Troupes du Roy de Prusse , et pour
lesquelles on fait de grands préparatifs , ne se feront
qu'au commencement du mois prochain .On
assure que le Roy de Pologne et le Prince Royal
son fi's y sont invitez , ainsi que quantité d'autres
Princes , comme le Duc regnant de Wirtemberg
, le Duc de Saxe Eisenach , le Duc de Beveren
, le Prince Charles son fils , le Landgrave de
Hesse Darmstadt, les Pr . Héréditaires de Bareith,
et les Princes de la Maison d'Anhalt ; ils sont attendus
à Berlin , vers le 24 de May.
On mande de Dresde que le Cointe d'Hoim ,
premier Ministre du Roy de Pologne , a deman-
Hij
dé
116 MERCURE DE FRANCE
dé et obtenu de S.M.des Commissaires pour examiner
ses comptes , afin d'avoir ensuite sa liberté,
étant toujours relégué dans une de ses Terres.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le 20 du mois précédent, Vienne a reçu la ratification du traité signé le 16 mars entre l'Empereur et le roi d'Angleterre. Le 6 mai, le Conseil Aulique a tranché le litige de succession du Prince Foreste d'Est entre le Duc de Modène et le Prince et les Princesses de Carignan. Les biens immobiliers ont été attribués au Duc de Modène, tandis que les biens mobiliers sont allés au Prince et aux Princesses de Carignan. L'Allemagne a rapatrié 6 000 cavaliers et 8 000 fantassins d'Italie vers la Hongrie pour renforcer son armée. Cette décision suit des informations de Constantinople indiquant que le Sultan pourrait céder aux pressions des Janissaires et du peuple, prêts à se révolter en raison du refus du Sultan de déclarer la guerre aux Chrétiens. À Berlin, des grandes revues des troupes du roi de Prusse sont prévues pour le début du mois prochain, avec la présence attendue du roi de Pologne, du Prince Royal et d'autres princes vers le 24 mai. À Dresde, le Comte d'Hoim, premier ministre du roi de Pologne, a obtenu des commissaires pour examiner ses comptes afin de recouvrer sa liberté, étant toujours relégué sur une de ses terres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
933
p. 1168
ESPAGNE.
Début :
On apprend de Seville, que M. Kéenne, Ministre du Roy d'Angleterre, a remis aux [...]
Mots clefs :
Ministre, Séville, Traité, Cabinet du roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE
ON apprend de Seville , que M. Kéene , Ministre
du Roy d'Angleterre , a. remis aux
Ministres du Roi la copie du Traité conclu à Vienne
entre l'Empereur et S.M. Britanique;qu'il y a eu
à ce sujet plusieurs Conferences des Ministres,dans
le Cabinet du Roi, et que
le bruit court que S.M.
a refusé jusqu'à present d'y prendre part .
ON apprend de Seville , que M. Kéene , Ministre
du Roy d'Angleterre , a. remis aux
Ministres du Roi la copie du Traité conclu à Vienne
entre l'Empereur et S.M. Britanique;qu'il y a eu
à ce sujet plusieurs Conferences des Ministres,dans
le Cabinet du Roi, et que
le bruit court que S.M.
a refusé jusqu'à present d'y prendre part .
Fermer
934
p. 1169-1170
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
Le Roi a accordé le Gouvernement de la Ville de S. Quentin, vacant [...]
Mots clefs :
Gouvernement, Maréchal des camps, Major des gardes du corps, Comte, Régiment, Brevet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c..
E Roi a accordé le Gouvernement
Lde la Ville de S. Quentin , vacant
par la mort de M. de Montesson , à M. de
Billarderie , Maréchal des Camps ,
Hvj Come
1170 MERCURE DE FRANCE
Commandeur de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis , et Major des Gardes
du Corps ; et le Gouvernement des Ports
et Fort de Brescou , qu'il à remis , a été
donné par S. M.au Chevalier de Montesson
, Lieutenant des Gardes du Corps.
Le Comte de Berenger , Colonel réfromé
d'Infanterie , a été nommé Colonel du
Régiment de Vivarais , et S. M. a accordé
au Comte de la Suze , Grand - Maréchal
des Logis , l'agrément du Régiment de
Dragons , dont le Comte de Sommery ,
étoit Mestre de Camp .
Le Roi a fait expédier un Brevet à
l'Archevêque de Rouen , Directeur des
Economats , pour l'autoriser à retirer pendant
six ans , les revenus de l'Abbaye vaconte
de Fécamp , pour les employer aux
réparations du College de Navarre et des
maisons qui en dépendent.
E Roi a accordé le Gouvernement
Lde la Ville de S. Quentin , vacant
par la mort de M. de Montesson , à M. de
Billarderie , Maréchal des Camps ,
Hvj Come
1170 MERCURE DE FRANCE
Commandeur de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis , et Major des Gardes
du Corps ; et le Gouvernement des Ports
et Fort de Brescou , qu'il à remis , a été
donné par S. M.au Chevalier de Montesson
, Lieutenant des Gardes du Corps.
Le Comte de Berenger , Colonel réfromé
d'Infanterie , a été nommé Colonel du
Régiment de Vivarais , et S. M. a accordé
au Comte de la Suze , Grand - Maréchal
des Logis , l'agrément du Régiment de
Dragons , dont le Comte de Sommery ,
étoit Mestre de Camp .
Le Roi a fait expédier un Brevet à
l'Archevêque de Rouen , Directeur des
Economats , pour l'autoriser à retirer pendant
six ans , les revenus de l'Abbaye vaconte
de Fécamp , pour les employer aux
réparations du College de Navarre et des
maisons qui en dépendent.
Fermer
Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Le roi a nommé M. de Billarderie gouverneur de Saint-Quentin et le Chevalier de Montesson aux Ports et Fort de Brescou. Le Comte de Bérenger devient Colonel du Régiment de Vivarais et le Comte de la Suze dirige le Régiment de Dragons. L'Archevêque de Rouen obtient les revenus de l'Abbaye de Fécamp pour six ans afin de financer des réparations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
935
p. 1172-1173
« Le 24. Avril, le Prévôt des Marchands et Echevins, à la tête du Corps de Ville, [...] »
Début :
Le 24. Avril, le Prévôt des Marchands et Echevins, à la tête du Corps de Ville, [...]
Mots clefs :
Duc, Roi, Ville, Châsse de sainte Geneviève
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 24. Avril, le Prévôt des Marchands et Echevins, à la tête du Corps de Ville, [...] »
Le 24. Avril , le Prévôt des Marchands
et Echevins , à la tête du Corps de Ville ,
précedez des Gens du Roi , se rendirent
à la Grand'Chambre du Parlement , pour
demander à la Cour un Arrêt pour découvrir
totalement la Châsse de sainte
Genevieve , pour obtenir de la pluye
par son intercession ; l'Arrêt fut rendu
sur le champ , et la Châsse découverte à
six
MAY. 1731. 1573
six heures du soir avec les ceremonies
accoutumées ; depuis ce tems - là on a vû
continuellement des Processions de la
Ville , des Fauxbourgs et de la Campagne
, aller à l'Eglise de sainte Geneviève..
Le 29. Avril , le Marquis d'Antin ,
Petit- fils du Duc d'Antin , fils de la
Comtesse de Toulouze , et frere du Duc
d'Epernon , Capitaine de Vaisseau , prêta
serment de fidelité entre les mains du
Roi , pour la Charge de Vice- Amiral du
Ponant , vacante par la démission volontaire
du Maréchal Duc d'Estrées , auquel
S. M. a conservé les fonctions de cette
Charge pendant dix ans. Ce jeune Selgneur
partit d'ici le 6. de ce mois pour
s'aller embarquer à Toulon , sur l'Esca--
dre commandée par M. du Gué Trouin ,,
Lieutenant General , qui doit mettre en
Mer vers la fin du mois pour aller sur
les Côtes de Barbarie , dans toutes les
Echelles du Levant , &c.
et Echevins , à la tête du Corps de Ville ,
précedez des Gens du Roi , se rendirent
à la Grand'Chambre du Parlement , pour
demander à la Cour un Arrêt pour découvrir
totalement la Châsse de sainte
Genevieve , pour obtenir de la pluye
par son intercession ; l'Arrêt fut rendu
sur le champ , et la Châsse découverte à
six
MAY. 1731. 1573
six heures du soir avec les ceremonies
accoutumées ; depuis ce tems - là on a vû
continuellement des Processions de la
Ville , des Fauxbourgs et de la Campagne
, aller à l'Eglise de sainte Geneviève..
Le 29. Avril , le Marquis d'Antin ,
Petit- fils du Duc d'Antin , fils de la
Comtesse de Toulouze , et frere du Duc
d'Epernon , Capitaine de Vaisseau , prêta
serment de fidelité entre les mains du
Roi , pour la Charge de Vice- Amiral du
Ponant , vacante par la démission volontaire
du Maréchal Duc d'Estrées , auquel
S. M. a conservé les fonctions de cette
Charge pendant dix ans. Ce jeune Selgneur
partit d'ici le 6. de ce mois pour
s'aller embarquer à Toulon , sur l'Esca--
dre commandée par M. du Gué Trouin ,,
Lieutenant General , qui doit mettre en
Mer vers la fin du mois pour aller sur
les Côtes de Barbarie , dans toutes les
Echelles du Levant , &c.
Fermer
Résumé : « Le 24. Avril, le Prévôt des Marchands et Echevins, à la tête du Corps de Ville, [...] »
Le 24 avril, le Prévôt des Marchands et les Echevins, accompagnés des Gens du Roi, se rendirent au Parlement pour obtenir un arrêt permettant de découvrir la châsse de sainte Geneviève afin d'obtenir de la pluie. L'arrêt fut immédiatement rendu et la châsse découverte à six heures du soir avec les cérémonies habituelles. Des processions de la Ville, des Faubourgs et de la Campagne se rendirent ensuite à l'église de sainte Geneviève. Le 29 avril, le Marquis d'Antin, petit-fils du Duc d'Antin, fils de la Comtesse de Toulouse et frère du Duc d'Épernon, prêta serment de fidélité au Roi pour la charge de Vice-Amiral du Ponant, vacante après la démission du Maréchal Duc d'Estrées. Le Roi conserva les fonctions de cette charge au Maréchal pendant dix ans. Le Marquis d'Antin quitta Paris le 6 mai pour s'embarquer à Toulon sur l'escadre commandée par M. du Gué Trouin, qui devait prendre la mer à la fin du mois pour se rendre sur les côtes de Barbarie et dans toutes les Échelles du Levant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
936
p. 1176-1177
« Le Roy a accordé à M. le Comte de Guiry, cy-devant Exempt des Gardes du [...] »
Début :
Le Roy a accordé à M. le Comte de Guiry, cy-devant Exempt des Gardes du [...]
Mots clefs :
Maison de Guiry, Roi, Brevet de retenue, Comte de Guiry
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Roy a accordé à M. le Comte de Guiry, cy-devant Exempt des Gardes du [...] »
Le Roy a accordé à M. le Comte de
Guiry , cy- devant Exempt des Gardes du
Corps de Sa Majesté, un Brevet de retenuë
de scooo. I. sur la Lieutenance Generale de
la Province d'Aunix , dont ce Seigneur
fût pourvu aprés la mort de son Pere ,
arrivée à Clagny prés Versailles , le 17.
Juin 1711. aussi bien que du Gouvernement
des Tours , Ports , Havres et Chitnes
de la Rochelle , et ce en faveur de
Madame la Comtesse de Guiry née à Malésieux
, Dame d'Honneur de Son A. S.
Mademoiselle du Maine , réversible à
Mademoiselle de Guiry leur fille ,àprésent
unique , dont l'aînée morte en 1725 avoit
épousé M. Eugêne Pierre De Surbeck
Colonel commandant la Génerale des
Suisses et Grisons , dont le Pere est mort
Lieutenant General des Armées du Roy ,
Colonel du Régiment de son nom , et
Inspecteur d'Infanterie .
même
La Maison de Guiry a l'avantage d'être
alliée à plusieurs Maisons illustres ,
à celle de France , puisqu'en 1525. Philippe
de Guiry épousa Marguerite de Dreux,
fille de François de Dreux , Seigneur de
Morainville , Estalleville , issuë par plusieurs
degrés du Roy Louis le Gros un
des Ancêtres de M. de Guiry , fut donné
en ôtage pour le Roy Jean , aprés la Bataille
MAY. 1731. 1177
2
taille de Poitiers ; et en remontant plus
haut , on a trouvé une Mabille de Guiry ,
qui en 1243. donna à l'Abbaïe du Trésor
, prés Magni , le Quint de ses Propres
, ce qui fut confirmé par la Reine
Blanche et par le Roy S. Louis , par lettre
donnée à Vincenne en Juillet de ladite
année.
Quant à Made de Guiry , on fait son
éloge quand on dit qu'elle est de la Maison
de Malésieux , où le merite et la vertu
sont heréditaires .
Guiry , cy- devant Exempt des Gardes du
Corps de Sa Majesté, un Brevet de retenuë
de scooo. I. sur la Lieutenance Generale de
la Province d'Aunix , dont ce Seigneur
fût pourvu aprés la mort de son Pere ,
arrivée à Clagny prés Versailles , le 17.
Juin 1711. aussi bien que du Gouvernement
des Tours , Ports , Havres et Chitnes
de la Rochelle , et ce en faveur de
Madame la Comtesse de Guiry née à Malésieux
, Dame d'Honneur de Son A. S.
Mademoiselle du Maine , réversible à
Mademoiselle de Guiry leur fille ,àprésent
unique , dont l'aînée morte en 1725 avoit
épousé M. Eugêne Pierre De Surbeck
Colonel commandant la Génerale des
Suisses et Grisons , dont le Pere est mort
Lieutenant General des Armées du Roy ,
Colonel du Régiment de son nom , et
Inspecteur d'Infanterie .
même
La Maison de Guiry a l'avantage d'être
alliée à plusieurs Maisons illustres ,
à celle de France , puisqu'en 1525. Philippe
de Guiry épousa Marguerite de Dreux,
fille de François de Dreux , Seigneur de
Morainville , Estalleville , issuë par plusieurs
degrés du Roy Louis le Gros un
des Ancêtres de M. de Guiry , fut donné
en ôtage pour le Roy Jean , aprés la Bataille
MAY. 1731. 1177
2
taille de Poitiers ; et en remontant plus
haut , on a trouvé une Mabille de Guiry ,
qui en 1243. donna à l'Abbaïe du Trésor
, prés Magni , le Quint de ses Propres
, ce qui fut confirmé par la Reine
Blanche et par le Roy S. Louis , par lettre
donnée à Vincenne en Juillet de ladite
année.
Quant à Made de Guiry , on fait son
éloge quand on dit qu'elle est de la Maison
de Malésieux , où le merite et la vertu
sont heréditaires .
Fermer
Résumé : « Le Roy a accordé à M. le Comte de Guiry, cy-devant Exempt des Gardes du [...] »
Le roi a accordé à M. le Comte de Guiry, ancien Exempt des Gardes du Corps, un brevet de retenue de 500 livres sur la Lieutenance Générale de la Province d'Aunis. Cette charge lui a été attribuée après la mort de son père, survenue à Clagny près de Versailles le 17 juin 1711. Le Comte de Guiry a également reçu le Gouvernement des Tours, Ports, Havres et Châtines de La Rochelle. Cette faveur a été accordée en l'honneur de Madame la Comtesse de Guiry, née à Malésieux et Dame d'Honneur de Son Altesse Sérénissime Mademoiselle du Maine. La retenue est réversible à Mademoiselle de Guiry, leur fille unique. L'aînée, morte en 1725, avait épousé M. Eugène Pierre de Surbeck, Colonel commandant la Générale des Suisses et Grisons. Le père de ce dernier était Lieutenant Général des Armées du Roi, Colonel du Régiment de son nom, et Inspecteur d'Infanterie. La Maison de Guiry est alliée à plusieurs maisons illustres, notamment à celle de France. En 1525, Philippe de Guiry épousa Marguerite de Dreux, fille de François de Dreux, descendant du roi Louis le Gros. Un ancêtre de M. de Guiry fut donné en otage pour le roi Jean après la Bataille de Poitiers en 1177. En 1243, une Mabille de Guiry fit don à l'Abbaye du Trésor, près de Magni, du quint de ses propres biens, don confirmé par la Reine Blanche et le roi Saint Louis. Madame de Guiry est louée pour son appartenance à la Maison de Malésieux, où le mérite et la vertu sont héréditaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
937
p. 1177-1181
« Le 9. aprés mydi, le Roy se rendit du Château de Marly à la Plaine des Sablons, [...] »
Début :
Le 9. aprés mydi, le Roy se rendit du Château de Marly à la Plaine des Sablons, [...]
Mots clefs :
Roi, Duc d'Orléans, Comte, Chevaliers, Grand-messe, Château de Marly, Reine, Officiers, Chapelle, Appartement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 9. aprés mydi, le Roy se rendit du Château de Marly à la Plaine des Sablons, [...] »
Le 9. aprés mydi , le Roy se rendit du
Château de Marly à la Plaine des Sablons ,
où S. M, fit la revue des Regimens des
Girdes Françoises et Suisses , qui aprés
avoir fait l'Exercice , défilerent devant
le Roy. La Reine se trouva à cette revuë ,
et S. M. alla ensuite se promener au Cours.
Le to. May le Procez du Comte d'Agenois
fut jugé à la Grand'Chambre , l'Arrêt
porte que sans s'arrêter aux opositions
des 22. Ducs et Pairs de France , il sera
passé outre à la réception du Comte
d'Agenois en la dignité de Duc d'Aiguillon
, Pair de France , pour avoir rang et
stance au Parlement du jour de sa réception
, suivant l'Article 3. de l'Edit de
17 11. Dépens compensés.
Le
1178 MERCURE DE FRANCE
Le 13. jour de la Pentecôre ,. le; Che
valiers , Commandeurs et Officiers des
Ordres du Roy , s'étant , rendus vers les
onze heures dins le Cabinet de S. M.
le Roy tint un Chapitre dans lequel le
Duc de Duras et le Comte de Broglie qui
avoit été compris dans la promotion des
Chevaliers de l'Ordre du S. Esprit , proposés
par S. M. le 1. du mois de Janvier
dernier , furent admis , ainsi que le Comte
de Rottembourg , auquel S. M. a ordonné
qu'on envoya la Croix et le Cordon
bleu. Le Chapitre étant fini , le Duc de
Duras , le Comte de Broglie et le Marquis
de la Fare qui avoient été admis dans
le Chapitre tenu le 2 , de Fevrier dernier ,
s'étant rendus dans l'appartement du Roy
en habit, de Novices , furent introduits
dans le Cabinet , où S. M. les fit Chevaliers
de l'Ordre de S. Michel. Le Roy
sortit ensuite de son appartement pour
aller à la Chapelle du Château. S. M.
étoit précedée du Duc d'Orleans , du
Duc de Bourbon , du Comte de Charolois
, du Duc du Maine , du Prince de
Dombes , du Comte d'Eu , du Comte de
Toulouse , et des Chevaliers , Commandeurs
et Officiers de l'Ordre : les Novices
marchoient entre les Chevaliers et les
Officiers. Le Roy devant lequel les deux
Huissiers
MAY. 1731. 1179
Huissiers de la Chambre portoient leurs
Masses , étoit en manteau , le Collier de
l'Ordre par dessus , ainsi. que les Chevaliers
; et le Cardinal de Bissy , Prelat Commandeur
de l'Ordre du S. Esprit , marchoit
derriere S. M. Le Roy assista à la
Grande Messe , et lorsqu'elle fut finie ,.
S. M. quitta son Prie Dieu et monta à son
Trône auprés de l'Autel , où les trois nonveaux
Chevaliers furent réçûs avec les
Ceremonie; ordinaires , ayant pour Parrains
le Duc de Levy e le Marquis de
Brancas. Les Chevaliers qui venoient
d'être reçus , ayant pris leurs places suivant
leur rang , le Roy sortit de la Chipelle
, et fut réconduit dans son appartement
avec les Ceremonics accoutumées.
les La Reine qui avoit communié par
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumônier , se rendit avec les Dames de
Sa Cour dans la Tribune , où S. M. entendit
la Grande Messe .
,
L'aprés mydi , le Roy et la Reine accompagnés
du Duc d'Orleans , du Prince
de Conty , du Duc du Maine , du Prince
de Dombe , du Comte d'Eu et du Comte
de Toulouse , entendirent le Sermon
l'Abbé Causse , et ensuite les Vêpres.
Le14 le Roy révêtu du grand Collier de
FOrdre du S. Esprit , se rendit à la Chapelle
180 MERCURE DE FRANCE
pelle du Château , où S. M. entendit la
Messe et communia par les mains de l'Abbé
de Bellefons , Aumônier du Roy en
quartier. Ensuite le Roy toucha un grand
nombre de Malades.
Le jour de la Fête Dieu , le Roy accompagné
du Duc d'Orleans , du Prince de
Dombes , du Comté d'Eu , et de ses
Principaux Officiers , se rendit à l'Eglise
de la Paroisse de Versailles , où S. M. entendit
la Grande Messe , aprés avoir assisté
à la Procession qui vint suivant l'usage
à la Chapelle du Château . La Reine s'étoit
renduë å sa Tribune , avant que la Procession
arrivat , et S. M. y entendit la
Messe. Monseigneur le Dauphin , Monseigneur
le Duc d'Anjou , et Mesdames de
France , aprés avoir vû passer la Procession
, allerent à la Chapelle , où ils assisterent
à la Messe.
Le17. aprés mydi , le Roy fit au champ
de Mars prés du Château de Marly , la
revue des quatre Compagnies des Gardes
du Corps et de celle des Grenadiers à
cheval.
Le 22. le Duc de Bouflers prêta serment
prit séance au Parlement en qualité de
Pair de France.
Le 25. la Loterie de la Compagnie des
Indes , pour le remboursement des Actions
MAY. 1731 . 1181
tions ,fut tirée en la maniere accoutumée ,
à l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des
Numeros gagnans des Actions , et dixiémes
d'Actions qui doivent être remboursées
, a été renduë publique ; faisant en
tout le nombre de 294. Actions.
Château de Marly à la Plaine des Sablons ,
où S. M, fit la revue des Regimens des
Girdes Françoises et Suisses , qui aprés
avoir fait l'Exercice , défilerent devant
le Roy. La Reine se trouva à cette revuë ,
et S. M. alla ensuite se promener au Cours.
Le to. May le Procez du Comte d'Agenois
fut jugé à la Grand'Chambre , l'Arrêt
porte que sans s'arrêter aux opositions
des 22. Ducs et Pairs de France , il sera
passé outre à la réception du Comte
d'Agenois en la dignité de Duc d'Aiguillon
, Pair de France , pour avoir rang et
stance au Parlement du jour de sa réception
, suivant l'Article 3. de l'Edit de
17 11. Dépens compensés.
Le
1178 MERCURE DE FRANCE
Le 13. jour de la Pentecôre ,. le; Che
valiers , Commandeurs et Officiers des
Ordres du Roy , s'étant , rendus vers les
onze heures dins le Cabinet de S. M.
le Roy tint un Chapitre dans lequel le
Duc de Duras et le Comte de Broglie qui
avoit été compris dans la promotion des
Chevaliers de l'Ordre du S. Esprit , proposés
par S. M. le 1. du mois de Janvier
dernier , furent admis , ainsi que le Comte
de Rottembourg , auquel S. M. a ordonné
qu'on envoya la Croix et le Cordon
bleu. Le Chapitre étant fini , le Duc de
Duras , le Comte de Broglie et le Marquis
de la Fare qui avoient été admis dans
le Chapitre tenu le 2 , de Fevrier dernier ,
s'étant rendus dans l'appartement du Roy
en habit, de Novices , furent introduits
dans le Cabinet , où S. M. les fit Chevaliers
de l'Ordre de S. Michel. Le Roy
sortit ensuite de son appartement pour
aller à la Chapelle du Château. S. M.
étoit précedée du Duc d'Orleans , du
Duc de Bourbon , du Comte de Charolois
, du Duc du Maine , du Prince de
Dombes , du Comte d'Eu , du Comte de
Toulouse , et des Chevaliers , Commandeurs
et Officiers de l'Ordre : les Novices
marchoient entre les Chevaliers et les
Officiers. Le Roy devant lequel les deux
Huissiers
MAY. 1731. 1179
Huissiers de la Chambre portoient leurs
Masses , étoit en manteau , le Collier de
l'Ordre par dessus , ainsi. que les Chevaliers
; et le Cardinal de Bissy , Prelat Commandeur
de l'Ordre du S. Esprit , marchoit
derriere S. M. Le Roy assista à la
Grande Messe , et lorsqu'elle fut finie ,.
S. M. quitta son Prie Dieu et monta à son
Trône auprés de l'Autel , où les trois nonveaux
Chevaliers furent réçûs avec les
Ceremonie; ordinaires , ayant pour Parrains
le Duc de Levy e le Marquis de
Brancas. Les Chevaliers qui venoient
d'être reçus , ayant pris leurs places suivant
leur rang , le Roy sortit de la Chipelle
, et fut réconduit dans son appartement
avec les Ceremonics accoutumées.
les La Reine qui avoit communié par
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumônier , se rendit avec les Dames de
Sa Cour dans la Tribune , où S. M. entendit
la Grande Messe .
,
L'aprés mydi , le Roy et la Reine accompagnés
du Duc d'Orleans , du Prince
de Conty , du Duc du Maine , du Prince
de Dombe , du Comte d'Eu et du Comte
de Toulouse , entendirent le Sermon
l'Abbé Causse , et ensuite les Vêpres.
Le14 le Roy révêtu du grand Collier de
FOrdre du S. Esprit , se rendit à la Chapelle
180 MERCURE DE FRANCE
pelle du Château , où S. M. entendit la
Messe et communia par les mains de l'Abbé
de Bellefons , Aumônier du Roy en
quartier. Ensuite le Roy toucha un grand
nombre de Malades.
Le jour de la Fête Dieu , le Roy accompagné
du Duc d'Orleans , du Prince de
Dombes , du Comté d'Eu , et de ses
Principaux Officiers , se rendit à l'Eglise
de la Paroisse de Versailles , où S. M. entendit
la Grande Messe , aprés avoir assisté
à la Procession qui vint suivant l'usage
à la Chapelle du Château . La Reine s'étoit
renduë å sa Tribune , avant que la Procession
arrivat , et S. M. y entendit la
Messe. Monseigneur le Dauphin , Monseigneur
le Duc d'Anjou , et Mesdames de
France , aprés avoir vû passer la Procession
, allerent à la Chapelle , où ils assisterent
à la Messe.
Le17. aprés mydi , le Roy fit au champ
de Mars prés du Château de Marly , la
revue des quatre Compagnies des Gardes
du Corps et de celle des Grenadiers à
cheval.
Le 22. le Duc de Bouflers prêta serment
prit séance au Parlement en qualité de
Pair de France.
Le 25. la Loterie de la Compagnie des
Indes , pour le remboursement des Actions
MAY. 1731 . 1181
tions ,fut tirée en la maniere accoutumée ,
à l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des
Numeros gagnans des Actions , et dixiémes
d'Actions qui doivent être remboursées
, a été renduë publique ; faisant en
tout le nombre de 294. Actions.
Fermer
Résumé : « Le 9. aprés mydi, le Roy se rendit du Château de Marly à la Plaine des Sablons, [...] »
Du 9 au 17 mai 1731, plusieurs événements significatifs se déroulèrent à la cour de France. Le 9 mai, le roi passa en revue les régiments des Gardes Françaises et Suisses à la Plaine des Sablons, en présence de la reine. Le 10 mai, le procès du Comte d'Agenois fut jugé à la Grand'Chambre, confirmant sa réception en tant que Duc d'Aiguillon et Pair de France, malgré les oppositions des Ducs et Pairs. Le 13 mai, jour de la Pentecôte, le roi tint un chapitre des Ordres du Roy, admettant le Duc de Duras, le Comte de Broglie et le Comte de Rottembourg. Une cérémonie eut lieu à la Chapelle du Château, où les nouveaux Chevaliers furent reçus avec les cérémonies ordinaires. La reine communia et assista à la Grande Messe. L'après-midi, le roi et la reine écoutèrent un sermon et les vêpres. Le 14 mai, le roi, revêtu du grand Collier de l'Ordre du Saint-Esprit, entendit la messe et communia avant de toucher un grand nombre de malades. Le jour de la Fête Dieu, le roi et la reine assistèrent à la procession et à la messe à l'église paroissiale de Versailles. Le 17 mai, le roi passa en revue les compagnies des Gardes du Corps et des Grenadiers à cheval au champ de Mars près du Château de Marly. Le 22 mai, le Duc de Boufflers prêta serment et prit séance au Parlement en qualité de Pair de France. Le 25 mai, la loterie de la Compagnie des Indes pour le remboursement des actions fut tirée à l'Hôtel de la Compagnie, avec 294 actions remboursées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
938
p. 1200-1204
ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
Début :
ARREST du 13. Février, qui ordonne que tous Particuliers gens du commun des Villes [...]
Mots clefs :
Arrêts, Déclarations, Ordonnances, Règlements, Syndics, Commissaire, Police
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES , &c.
ARR
RREST du 13.Février, qui ordonne que
tous Particuliers, gens du commun des Villes
et lieux où les Aydes ont cours, seront sujets aux
Droits de détail comme les Cabaretiers , sur les
Vins et autres Boissons qu'ils consommeront au
de- là de ce qui est nécessaire pour leur provision ,
eû égard à leur état , condition , famille et impositions
à la Taille et Capitation : Et qui attribue
à Messieurs les Intendans la connoissance
des contestations qui pourront naître à ce sujet.
>
ARREST du 13 Mars , portant Reglement
pour la fabrique des Toiles et Etoffes de fil , fil
et coton et tout coton , teints ; par lequel il est
dit ce qui suit : Sur ce qui a été représenté au
Roy , que la fabrique des toiles et étoffes de fil ,
fil et coton , et tout coton , teints , quoique reglée
par Arrêt de son Conseil , du → Aoust 17 1 8.
n'a pû encore être portée à toute la perfection
qu'elle peut naturellement acquerir , parce qu'il
se trouve souvent de la difficulté dans l'exécution
de quelques articles de ce Réglement; et que pour
rendre cette manufacture aussi utile à l'Etat qu'elle
le peut être, il conviendroit de donner une forme
nouvelle audit Réglement, et d'y ajoûter plusieurs
dispositions nécessaires , pour assurer la
bonne qualité des Marchandises y spécifiées , et
en augmenter lé commerce . A quoi S.M. voulant
pourvoir : Elle auroit nommé les sieurs Pomeraye
1
1
1
MAY. 120F
1731 .
raye , Cecile , le Planquais , Desportes , Prié , le
Moyne , Beard et Poret , négocians à Rouen,faisant
commerce desdites toiles et étoffes , pour ,
conjointement avec le sieur Fosse Inspecteur géneral
des Manufactures de toiles , projetter les
Articles qui doivent composer le nouveau Réglement;
ce qui ayant été fait, et les principaux Fabriquans
desdites Marchandises , et les Merciers-
Drapiers ayant été entendus : Vû les observations
des Inspecteurs desdites Manufactures , et celles
que les Syndics de la Chambre du Commerce de
Normandie ont faites sur tout ce qui a été proposé
pour parvenir à faire le Réglement dont il
s'agit , ensemble l'avis du sieur de Gasville , Maî
tre des Requêtes , Intendant et Commissaire départi
pour l'exécution des Ordres de Sa Majesté
dans la Généralité de Rouen , et celui des Députez
du commerce , &c . Ce nouveau Rég.ement
qui contient cinquante articles , a été inseré à la
suite duditArrêt. S M.ordonne aux sieurs Intendans
et Commissaires départis pour l'exécution
de ses Ordres dans les Généralitez de Rouen ,
Caën et Alençon, et dans les autres Provinces du
Royaume , de tenir la main à l'exécution de
l'Arrest , & c.
ORDONNANCE DU ROI , du 2c Mars
Pour fixer le nombre de Congez limitez, qui pourront
être accordez pendant l'Eté , dans chaque
Bataillon et dans chaque Escadron de Cavalerie
ou de Dragons.
ORDONNANCE DE POLICE , du 21 Mars,
Concernant la Jurisdiction de M. le Lieutenant
General de Police , et le droit et possession où il
est de connoître seul de la Marchandise de Foin
pour
1
1202 MERCURE DE FRANCE
pour la provision de Paris, à l'exclusion dés Offciers
du Bureau de l'Hôtel de Ville et de tous autres.
ARREST , du 27 Mars , concernant l'entrée
dans le Royaume par les Bureaux y désignez , et
les visites et marques , tant des Draps et autres
Etoffes de laine , ou fabriquées avec de la laine et
autres matieres, que des Etoffes de soye, ou mêlées
de soye , or et argent, venant des pays étrangers,
et dont le commerce et usage sont permis .
SENTENCE DE POLICE , du 13 Avril , qui'
condamne la Dame Guibert en 3000 1. d'amende,
pour avoir donné à jouer au Jeu de Pharaon
et le sieur de la Marque en 1000 liv. d'amende
pour avoir joué audit Jeu de Pharaon.
ORDONNANCE DU ROY, du 20 Avril,pour
faire faire par les Intendans , ou ceux qui seront
par eux commis , une Revue générale des Troupes
de Milice.
SENTENCE DE POLICE du 27 Avril. Qui
condamne Jean Moynat , Edme Moynat et Louis
le Maire , Marchands de Foin , en cinq cens
livres d'amende chacun , pour avoir discontinué
la fourniture de Foin sur les Ports de cette Ville.
ARREST du 29. Avril , qui authorise les
Sieurs Commissaires du Conseil nommez par les
Arrests des 17. Decembre 1726. et 3. Mars 1728.
à liquider jusqu'au dernier May 173 1. les finan
ces des Offices supprimez : et les Gardes du
Trésor Royal à en faire les Remboursemens jusqu'au
dernier Juin suivant
ARREST du même jour , concernant la
marque des Etoffes d'or , d'argent et de soye ,
ou mêlées d'autres matieres , qui se fabriquent
dans le Royaume,
>
<
MA Y. 1731. 1203
ARREST du 6. May , qui commet le Sicur
Louis- Alexandre de Barillon , pour , au lieu et
place du feu sieur le Cordier, continuer la Recette
generale du droit d'un pour cent , qui se perçoit
sur les marchandises des Isles etColonies Françoises
de l'Amerique, et en rendre comte au Conseil.
ARREST du Conseil d'Etat du Roy , du
10. May , dont voici la teneur. Le Roy étant
informé qu'on a affecté de répandre dans le public
un Mémoire inprimé sans nom d'Auteur ni
d'Imprimeur , sans privilege ni permission , sous
le titre d'Observations sur le Brefdu Pape , qui
établit M le Cardinal de Bissy et M. l'Archevêque
de Rouen , Commissaires Apostoliques
pour legouvernement et la réformation de l'Ordre
de Cluny. M. DCCXXXI, Șa Majesté auroit
jugé à propos de faire examiner ce Memoire en
son Conseil; et par le compte qui luy en a été
rendu , Elle auroit reconnu que cet ouvrage n'est
qu'un tissu de déclamations d'invectives , de traits
satyriques et injurieux , temerairement hazardez
contre des personnes que leur caractere personnel,
leur dignité , et la confiance dont ils ont été
honorez d'abord par Sa Majesté , et ensuite par
nôtre S. Pere le Pape , devoient mettre à couvert
d'une licence si criminelle , et qu'ainsi un tel ou-.
vrage ne pouvant être regardé que comme un
libelle diffamatoire , Sa Majesté ne doit pas differer
de le fletrir comme il le merite , en se reservant
de faire une justice exemplaire des auteurs de
ce libelle , lorsqu'ils seront connus par une procedure
reguliere: à quoy étant necessaire de pour-.
voir , oùy le rapport , et tout considere , $ A
MAJESTE ESTANT EN SON CONSEIL , a ordonné
* ordonne que l'Imprimé , qui a pour titre ,
Obe
1204 MERCURE DE FRANCE
P
Observations sur le Bref du Pape , qui établit
M. le Cardinal de Bissy et M. l'Archevêque de
Rouen , Commissaires Apostoliques pour le gouvernement
et la réformation de l'Ordre de Čluny.
M.DCCXXXI. sera et demeurera supprimé ;
et en consequence ordonne que tous les exemplaires
dudit Memoire , qui ont été repandus dans le
Public , seront incessament rapportez au Greffe
du Sieur Herault Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , pour y être lacerez. Fait Sa
Majesté très expresses inhibitions et deffenses à
tous ses Sujets , de quelque état ou condition qu'-
ils soient , d'en vendre , debiter , ou autrement
distribuer , même d'en retenir aucuns , à peine
de punition exemplaire contre ceux qui s'en trouveront
saisis : Ordonne en outre Sa Majesté ,
qu'à la requête du Sicur Moreau son Procureur
au Châtelet de Paris , il sera informé par ledit
Sieur Herault Lieutenant General de Police , contre
tous ceux qui ont composé, imprimé , vendu ,
debité , ou autrement distribué ledit libelle
pour être par luy , avec les Officiers du Châtelet;
Je Procès fait et parfait en dernier ressort aux
coupables , suivant la rigueur des Ordonnances ,
Sa Majesté leur attribuant à cette fin toute cour ,
jurisdiction et connoissance , et icelle interdisant
à toutes ses Cours ou autres Juges, &c .
ORDONNANCES , &c.
ARR
RREST du 13.Février, qui ordonne que
tous Particuliers, gens du commun des Villes
et lieux où les Aydes ont cours, seront sujets aux
Droits de détail comme les Cabaretiers , sur les
Vins et autres Boissons qu'ils consommeront au
de- là de ce qui est nécessaire pour leur provision ,
eû égard à leur état , condition , famille et impositions
à la Taille et Capitation : Et qui attribue
à Messieurs les Intendans la connoissance
des contestations qui pourront naître à ce sujet.
>
ARREST du 13 Mars , portant Reglement
pour la fabrique des Toiles et Etoffes de fil , fil
et coton et tout coton , teints ; par lequel il est
dit ce qui suit : Sur ce qui a été représenté au
Roy , que la fabrique des toiles et étoffes de fil ,
fil et coton , et tout coton , teints , quoique reglée
par Arrêt de son Conseil , du → Aoust 17 1 8.
n'a pû encore être portée à toute la perfection
qu'elle peut naturellement acquerir , parce qu'il
se trouve souvent de la difficulté dans l'exécution
de quelques articles de ce Réglement; et que pour
rendre cette manufacture aussi utile à l'Etat qu'elle
le peut être, il conviendroit de donner une forme
nouvelle audit Réglement, et d'y ajoûter plusieurs
dispositions nécessaires , pour assurer la
bonne qualité des Marchandises y spécifiées , et
en augmenter lé commerce . A quoi S.M. voulant
pourvoir : Elle auroit nommé les sieurs Pomeraye
1
1
1
MAY. 120F
1731 .
raye , Cecile , le Planquais , Desportes , Prié , le
Moyne , Beard et Poret , négocians à Rouen,faisant
commerce desdites toiles et étoffes , pour ,
conjointement avec le sieur Fosse Inspecteur géneral
des Manufactures de toiles , projetter les
Articles qui doivent composer le nouveau Réglement;
ce qui ayant été fait, et les principaux Fabriquans
desdites Marchandises , et les Merciers-
Drapiers ayant été entendus : Vû les observations
des Inspecteurs desdites Manufactures , et celles
que les Syndics de la Chambre du Commerce de
Normandie ont faites sur tout ce qui a été proposé
pour parvenir à faire le Réglement dont il
s'agit , ensemble l'avis du sieur de Gasville , Maî
tre des Requêtes , Intendant et Commissaire départi
pour l'exécution des Ordres de Sa Majesté
dans la Généralité de Rouen , et celui des Députez
du commerce , &c . Ce nouveau Rég.ement
qui contient cinquante articles , a été inseré à la
suite duditArrêt. S M.ordonne aux sieurs Intendans
et Commissaires départis pour l'exécution
de ses Ordres dans les Généralitez de Rouen ,
Caën et Alençon, et dans les autres Provinces du
Royaume , de tenir la main à l'exécution de
l'Arrest , & c.
ORDONNANCE DU ROI , du 2c Mars
Pour fixer le nombre de Congez limitez, qui pourront
être accordez pendant l'Eté , dans chaque
Bataillon et dans chaque Escadron de Cavalerie
ou de Dragons.
ORDONNANCE DE POLICE , du 21 Mars,
Concernant la Jurisdiction de M. le Lieutenant
General de Police , et le droit et possession où il
est de connoître seul de la Marchandise de Foin
pour
1
1202 MERCURE DE FRANCE
pour la provision de Paris, à l'exclusion dés Offciers
du Bureau de l'Hôtel de Ville et de tous autres.
ARREST , du 27 Mars , concernant l'entrée
dans le Royaume par les Bureaux y désignez , et
les visites et marques , tant des Draps et autres
Etoffes de laine , ou fabriquées avec de la laine et
autres matieres, que des Etoffes de soye, ou mêlées
de soye , or et argent, venant des pays étrangers,
et dont le commerce et usage sont permis .
SENTENCE DE POLICE , du 13 Avril , qui'
condamne la Dame Guibert en 3000 1. d'amende,
pour avoir donné à jouer au Jeu de Pharaon
et le sieur de la Marque en 1000 liv. d'amende
pour avoir joué audit Jeu de Pharaon.
ORDONNANCE DU ROY, du 20 Avril,pour
faire faire par les Intendans , ou ceux qui seront
par eux commis , une Revue générale des Troupes
de Milice.
SENTENCE DE POLICE du 27 Avril. Qui
condamne Jean Moynat , Edme Moynat et Louis
le Maire , Marchands de Foin , en cinq cens
livres d'amende chacun , pour avoir discontinué
la fourniture de Foin sur les Ports de cette Ville.
ARREST du 29. Avril , qui authorise les
Sieurs Commissaires du Conseil nommez par les
Arrests des 17. Decembre 1726. et 3. Mars 1728.
à liquider jusqu'au dernier May 173 1. les finan
ces des Offices supprimez : et les Gardes du
Trésor Royal à en faire les Remboursemens jusqu'au
dernier Juin suivant
ARREST du même jour , concernant la
marque des Etoffes d'or , d'argent et de soye ,
ou mêlées d'autres matieres , qui se fabriquent
dans le Royaume,
>
<
MA Y. 1731. 1203
ARREST du 6. May , qui commet le Sicur
Louis- Alexandre de Barillon , pour , au lieu et
place du feu sieur le Cordier, continuer la Recette
generale du droit d'un pour cent , qui se perçoit
sur les marchandises des Isles etColonies Françoises
de l'Amerique, et en rendre comte au Conseil.
ARREST du Conseil d'Etat du Roy , du
10. May , dont voici la teneur. Le Roy étant
informé qu'on a affecté de répandre dans le public
un Mémoire inprimé sans nom d'Auteur ni
d'Imprimeur , sans privilege ni permission , sous
le titre d'Observations sur le Brefdu Pape , qui
établit M le Cardinal de Bissy et M. l'Archevêque
de Rouen , Commissaires Apostoliques
pour legouvernement et la réformation de l'Ordre
de Cluny. M. DCCXXXI, Șa Majesté auroit
jugé à propos de faire examiner ce Memoire en
son Conseil; et par le compte qui luy en a été
rendu , Elle auroit reconnu que cet ouvrage n'est
qu'un tissu de déclamations d'invectives , de traits
satyriques et injurieux , temerairement hazardez
contre des personnes que leur caractere personnel,
leur dignité , et la confiance dont ils ont été
honorez d'abord par Sa Majesté , et ensuite par
nôtre S. Pere le Pape , devoient mettre à couvert
d'une licence si criminelle , et qu'ainsi un tel ou-.
vrage ne pouvant être regardé que comme un
libelle diffamatoire , Sa Majesté ne doit pas differer
de le fletrir comme il le merite , en se reservant
de faire une justice exemplaire des auteurs de
ce libelle , lorsqu'ils seront connus par une procedure
reguliere: à quoy étant necessaire de pour-.
voir , oùy le rapport , et tout considere , $ A
MAJESTE ESTANT EN SON CONSEIL , a ordonné
* ordonne que l'Imprimé , qui a pour titre ,
Obe
1204 MERCURE DE FRANCE
P
Observations sur le Bref du Pape , qui établit
M. le Cardinal de Bissy et M. l'Archevêque de
Rouen , Commissaires Apostoliques pour le gouvernement
et la réformation de l'Ordre de Čluny.
M.DCCXXXI. sera et demeurera supprimé ;
et en consequence ordonne que tous les exemplaires
dudit Memoire , qui ont été repandus dans le
Public , seront incessament rapportez au Greffe
du Sieur Herault Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , pour y être lacerez. Fait Sa
Majesté très expresses inhibitions et deffenses à
tous ses Sujets , de quelque état ou condition qu'-
ils soient , d'en vendre , debiter , ou autrement
distribuer , même d'en retenir aucuns , à peine
de punition exemplaire contre ceux qui s'en trouveront
saisis : Ordonne en outre Sa Majesté ,
qu'à la requête du Sicur Moreau son Procureur
au Châtelet de Paris , il sera informé par ledit
Sieur Herault Lieutenant General de Police , contre
tous ceux qui ont composé, imprimé , vendu ,
debité , ou autrement distribué ledit libelle
pour être par luy , avec les Officiers du Châtelet;
Je Procès fait et parfait en dernier ressort aux
coupables , suivant la rigueur des Ordonnances ,
Sa Majesté leur attribuant à cette fin toute cour ,
jurisdiction et connoissance , et icelle interdisant
à toutes ses Cours ou autres Juges, &c .
Fermer
Résumé : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
En 1731, plusieurs arrêts et ordonnances royaux ont été promulgués. L'arrêt du 13 février institue des droits de détail sur les vins et autres boissons consommées en dehors des besoins domestiques, confiant aux intendants la résolution des contestations. L'arrêt du 13 mars régule la fabrication des toiles et étoffes en fil, coton et autres matériaux teints, désignant des négociants et inspecteurs pour élaborer un nouveau règlement visant à améliorer la qualité et à stimuler le commerce. Diverses ordonnances concernent la police et l'administration, telles que la fixation du nombre de congés militaires, la juridiction du lieutenant général de police sur la marchandise de foin, et les visites des étoffes importées. Des sentences de police condamnent des individus pour des infractions comme l'organisation de jeux illégaux ou la discontinuité de la fourniture de foin. Un arrêt du 29 avril autorise les commissaires du Conseil à liquider les finances des offices supprimés. Enfin, un arrêt du 10 mai supprime un mémoire diffamatoire contre des commissaires apostoliques et ordonne des poursuites contre ses auteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
939
p. 1364-1373
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
Début :
La nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires allerent enfoncer la maison du Janissaire [...]
Mots clefs :
Constantinople, Janissaires, Rebelles, Aga, Révolte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople '
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople du 7. Avril 1731.
Le 24 mars 1731, des Janissaires ont attaqué la maison du Janissaire Aga pour s'emparer de marmites, déclenchant une révolte à Constantinople. Le Janissaire Aga, blessé, s'est réfugié au Serrail. Les autorités, incluant le Grand Vizir, le Mufti et le Capitan Pacha, ont été convoquées pour délibérer et ont décidé de rassembler des forces pour attaquer les rebelles à l'aube. Deux corps d'armée ont été formés, l'un dirigé par le Grand Vizir et l'autre par le Capitan Pacha. Ils ont dispersé les rebelles, massacrant la plupart et capturant une soixantaine d'entre eux pour les interroger. Les lieux publics ont été fermés et des rondes organisées pour arrêter et exécuter les suspects. La révolte a été déclenchée par des soldats d'artillerie mécontents de la non-distribution de primes et de la cherté des vivres. Environ 3000 rebelles ont mis le feu à plusieurs quartiers pour distraire les autorités. La répression rapide a empêché les rebelles de prendre le contrôle de Constantinople. Des rumeurs accusaient les partisans d'Achmet III et la veuve du dernier Grand Vizir d'avoir fomenté la révolte. Le Grand Vizir a proposé une guerre contre les Princes Chrétiens, mais le Sultan a préféré négocier avec les Persans. Le Capitan Pacha a obtenu une garde pour sa protection après avoir soutenu la paix avec les Chrétiens. Depuis le 25 mars, des exécutions publiques et particulières se succèdent, touchant un grand nombre de personnes, souvent pour des raisons de physique ingrat. La sévérité des mesures est jugée nécessaire mais excessive. Les Arnaouds et Albanois, favorisés lors de la première révolte, ont été chassés et bannis en raison de leur insolence. Les Las, originaires des côtes de la Mer Noire, sont également visés pour des pillages et vols. Le narrateur mentionne avoir été peu affecté par la sédition, mais reconnaît que la situation aurait pu être plus grave si la révolte n'avait pas été rapidement maîtrisée. Lors de la grande expédition, le Grand Vizir a perdu plusieurs de ses hommes et a lui-même échappé de peu à un attentat. Un rebelle, après avoir échoué à tirer sur le Vizir, a tué Mustapha Aga, le favori du Vizir, avant d'être massacré. Le nombre exact des morts lors de cette journée reste incertain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
940
p. 1374-1378
ITALIE.
Début :
MR. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin, et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi [...]
Mots clefs :
Cardinal, Terres du roi de Sardaigne, Convent de Capucins, Naples, Princesse, Conseil collatéral
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans ,cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans ,cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
Fermer
Résumé : ITALIE.
En juin 1731, plusieurs événements politiques et religieux ont marqué l'Italie et les États voisins. À Turin, M. Guillelmi, représentant papal, est retourné à Rome après avoir été empêché d'entrer en Sardaigne. Il a rapporté que le roi de Sardaigne avait interdit aux évêques de ses États de sacrer des prêtres sans son autorisation. Le cardinal Cienfuegos a informé le pape que l'empereur avait obtenu la permission de la czarine de construire un couvent de Capucins à Moscou, avec le soutien de la cour de Vienne. À Naples, un conseil a été réuni pour préparer un mémoire concernant les procédures du nonce papal contre le cardinal Coscia, logé chez le duc de Monte-Calvo Pignatelli et interdit d'entrer dans les églises. Des rumeurs suggèrent que le cardinal Coscia se serait rendu incognito à Manfredonia avant de se diriger vers Vienne. Le pape a nommé la comtesse Caprara pour remplacer la princesse Altieri à Parme. La Congrégation du Bon Gouvernement examine un projet du cardinal Lambertini pour rendre le port d'Ancone franc, malgré l'opposition des républiques de Venise et de Gênes. Le pape a également nommé M. Doria à l'archevêché de Benevent et M. Pallavicini comme maître de chambre. Les religieuses du monastère de Saint-Ambroise ont obtenu la confirmation d'un bref papal leur permettant de visiter les principales églises de Rome. L'abbé Guella, un Piémontais ayant écrit en faveur du Saint-Siège, a reçu une pension du pape. À Turin, le roi de Sardaigne a séquestré les revenus des bénéfices du neveu du cardinal Imperiali en raison de la partialité de ce dernier. Le roi Victor-Amédée, rétabli de sa maladie, prévoit de résider à Rivoli. Cinq personnes de considération ont été arrêtées en lien avec les différends entre le roi de Sardaigne et le Saint-Siège. À Gênes, la république a obtenu des troupes de l'empereur pour réprimer les rebelles en Corse. À Naples, une procession solennelle a eu lieu pour la fête de la Translation de Saint Janvier, mais le miracle de la liquéfaction de son sang n'a pas eu lieu. Enfin, la ville de Foggia, en Pouille, a été dévastée par un tremblement de terre le 20 mars, causant la destruction de nombreux bâtiments et la mort de milliers de personnes. Les habitants ont été terrifiés par les secousses et les conditions météorologiques froides.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
941
p. 1378-1382
GRANDE-BRETAGNE.
Début :
Sur la fin du mois dernier, le Capitaine Bulfing-Lambe, cy-devant Facteur de la Compagnie [...]
Mots clefs :
Compagnie royale d'Afrique, Roi nègre, Sucre, Tamise, Londres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE-BRETAGNE.
GRANDE - BRETAGNE.
Ur la fin du mois dernier , le Capitaine Bul
fing Facteur la -
•
gnie Royale d'Afrique à Jacquim , sur la Côte
1. Val, de
JUIN. 1731. 1:73
t
•
>
de Guinée , alla à Richmond avec un Prince
Affricain envoyé à Londres par le Roy de
Pawpaw. Il remit à S. M. une Lettre de ce
Roy , et le complimenta de sa parte Le Capitaine
Lambe avoit été fait Esclave àla Conquête d'Ar
dah , et envoyé à plus de cent milles , dans l'in
terieur du País , où ce Roi Negre qui n'avoit ja
mais vû de Blancs , le traita avec beaucoup de
douceur , et il l'a tellement affectionné depuis ,
qu'il ne lui a permis de retourner dans son Pais ,
que sur la parole que ce Capitaine lui a donnée
de venir le retrouver. E
Les Lettres d'Antigoa du 28. Avril dernier ,
portent que cette Iſle étoit dans un fort triste état
faute de pluye ; qu'il y avoit très - peu de sucre ""
quoique plusieurs Vaisseaux y fussent arrivés
pour en charger ; que si la secheresse conti
nuoit , il n'y auroit point de Récolte l'Année
prochaine , à cause que les nouvelles Cannes.
étoient déja beaucoup brûlées ; que les Etangs
étoient presque secs , et l'eau si rare qu'un seau
de celle de citerne se vendoit trois Chelins, On
ajoûte que les Cannes de Sucre à Nevis & à Mont
ferrat étoient aussi en fort mauvais état .
La Riviere de la Tamise est plus basse qu'elle
n'ait été de mémoire d'homme , ensorte qu'un
grand nombre de Bâtimens ne peuvent aller jus
qu'à Londres faute d'eau.
M. Thomas Robinson , Résident du Roi à la
Cour de l'Empereur , qui a négocié le dernier
Traité conclu à Vienne , a été nommé Envoyé
Extraordinaire et Plénipotentiaire dans la même
Cour ; et il vient d'être nommé par S. M. Cheva
lier Baronet de la Grande - Bretagne.
Le 18. May , après midi , le Roi s'étant rendu
à la Chambre des Pairs , avec les ceremonies ac
I. Vol, Hy coûtu
1380 MERCURE DE FRANCE
coutumées , et y ayant mandé les Communes ,
S. M. parla ainsi :
C'est avec ungrand plaisir que je me trouve
en état , à la clôture de cette séance du Parle
ment , de vous informer que les esperances que
j'avois conçues, et que je vous avois données ,
de voir bien-tôt une heureuse fin des troubles
et desordres qu'on avoit appréhendez depuis si
long tems , sont à present remplies et effectuées
par le Traité signé à Vienne.
Un Projet d'accommodement entre l'Empe
reur et les Puissances Maritimes , pour termi
ner les differends qui subsistoient ayant étéfor
mé , le Traité en a été conclu et signé par moi
et par S. M. Imp. et ce même Traité est presen
tement sous la consideration des Etats Gene
raux, la forme de leur Gouvernement n'admet
tant pas un concert préalable dans une Négo
ciation de cette nature : or , ce Traité regar
dant principalement l'execution du Traité de
Serville , il a été pareillement communiqué aux.
Cours de France et d'Espagne , comme Par
ties du Traité de Seville ; et je viens de re
cevoir avis que les Ratifications entre moi etɛ
Empereur , sont échangées.
16
Les conditions et les engagemens dans les
quels je suis entré à cette occasion , sont con
formes à l'interêt necessaire que cette Nation
doit toûjours avoir pour maintenir la sûretéet
la conservation de la Balance du pouvoir en
Europe ; et comme l'état incertain et violent des
affaires auquel l'Europe étoit réduite , cesse à
-present , et les malheurt d'une guerre im
mediate et generale , qu'on commençoit à jurer.
inévitable , ne sont plus à craindre , cet heu
reux changement duëment ménagé , avec un
A. Kola
·
que
jusse
wp
1
I
JUIN. 1737. 1387
juste égardpour nos précedentes Alliances , que
Je conserverai soigneusement , nous donne liew
d'esperer de voir la tranquillité publique réta¬
blie , &c.
J'espere qu'à votre retour dans les Provinces ,
vous trouverez que tous les efforts pour susciter
par des clameurs injustes et de fausses représen
tations un esprit de mécontentement parmi
mon Peuple, auront été vains et inéficaces . Tou
tes les insinuations malicieuses , au préjudice
de mes mesures s'évanouiront , sans doute
quand il paroîtra que mon premier et principal
soin a toujours été pour l'interêt et l'honneur
de ce Royaume que ce soit donc l'objet de vos
efforts , d'éloigner toutes jalousies et appréhen
sions mal fondées , afin que la satisfaction de
la Nation puisse être aussi generale que mon
desir pour son bonheur est sincere ; que tout
mon Peuple, que tout Ordre de personnes , jouis
sent tranquillement et sans être envils , des
Droits , Privileges et Concessions ausquels
ils ont droit de prétendre par la loi . Qu'au
cune innovation ne trouble quelque partie
de mes Sujets dans la possession de leurs lé→
gitimes propriétez ; que tous ceux qui sont zelez
pour le soutien de ma Personne et de mon Gou
vernement participent aux avantages du pre
sent heureux établissement ; enfin , que votre
affection soit mutuelle entre vous et aussi éren
due que ma protection , à laquelle tous més bons
et fideles Sujets ont un droit égal , et sur laquel
le ils peuvent se reposer également.
,
* Le 9. Juin , on celebra à Londres , avec les
Ceremonies accoutumées , l'Anniversaire du
rétablissement du Roy Charles II. sur le Trône
1. Vol
Hvj de
1382 MERCURE DE FRANCE
de la Grande Bretagne , et le Docteur Hawkins
prêcha à cette occasion dans l'Eglise , de S. Paul
devant le Lord Maire et les Aldermans.
Le Roy a donné mille Guinées à M. Robinson
son Ministre Plenipotentiaire à la Cour de l'Em
pereur , pour le récompenser d'avoir negocié c
Conclu le dernier Traité de Vienne.
Ur la fin du mois dernier , le Capitaine Bul
fing Facteur la -
•
gnie Royale d'Afrique à Jacquim , sur la Côte
1. Val, de
JUIN. 1731. 1:73
t
•
>
de Guinée , alla à Richmond avec un Prince
Affricain envoyé à Londres par le Roy de
Pawpaw. Il remit à S. M. une Lettre de ce
Roy , et le complimenta de sa parte Le Capitaine
Lambe avoit été fait Esclave àla Conquête d'Ar
dah , et envoyé à plus de cent milles , dans l'in
terieur du País , où ce Roi Negre qui n'avoit ja
mais vû de Blancs , le traita avec beaucoup de
douceur , et il l'a tellement affectionné depuis ,
qu'il ne lui a permis de retourner dans son Pais ,
que sur la parole que ce Capitaine lui a donnée
de venir le retrouver. E
Les Lettres d'Antigoa du 28. Avril dernier ,
portent que cette Iſle étoit dans un fort triste état
faute de pluye ; qu'il y avoit très - peu de sucre ""
quoique plusieurs Vaisseaux y fussent arrivés
pour en charger ; que si la secheresse conti
nuoit , il n'y auroit point de Récolte l'Année
prochaine , à cause que les nouvelles Cannes.
étoient déja beaucoup brûlées ; que les Etangs
étoient presque secs , et l'eau si rare qu'un seau
de celle de citerne se vendoit trois Chelins, On
ajoûte que les Cannes de Sucre à Nevis & à Mont
ferrat étoient aussi en fort mauvais état .
La Riviere de la Tamise est plus basse qu'elle
n'ait été de mémoire d'homme , ensorte qu'un
grand nombre de Bâtimens ne peuvent aller jus
qu'à Londres faute d'eau.
M. Thomas Robinson , Résident du Roi à la
Cour de l'Empereur , qui a négocié le dernier
Traité conclu à Vienne , a été nommé Envoyé
Extraordinaire et Plénipotentiaire dans la même
Cour ; et il vient d'être nommé par S. M. Cheva
lier Baronet de la Grande - Bretagne.
Le 18. May , après midi , le Roi s'étant rendu
à la Chambre des Pairs , avec les ceremonies ac
I. Vol, Hy coûtu
1380 MERCURE DE FRANCE
coutumées , et y ayant mandé les Communes ,
S. M. parla ainsi :
C'est avec ungrand plaisir que je me trouve
en état , à la clôture de cette séance du Parle
ment , de vous informer que les esperances que
j'avois conçues, et que je vous avois données ,
de voir bien-tôt une heureuse fin des troubles
et desordres qu'on avoit appréhendez depuis si
long tems , sont à present remplies et effectuées
par le Traité signé à Vienne.
Un Projet d'accommodement entre l'Empe
reur et les Puissances Maritimes , pour termi
ner les differends qui subsistoient ayant étéfor
mé , le Traité en a été conclu et signé par moi
et par S. M. Imp. et ce même Traité est presen
tement sous la consideration des Etats Gene
raux, la forme de leur Gouvernement n'admet
tant pas un concert préalable dans une Négo
ciation de cette nature : or , ce Traité regar
dant principalement l'execution du Traité de
Serville , il a été pareillement communiqué aux.
Cours de France et d'Espagne , comme Par
ties du Traité de Seville ; et je viens de re
cevoir avis que les Ratifications entre moi etɛ
Empereur , sont échangées.
16
Les conditions et les engagemens dans les
quels je suis entré à cette occasion , sont con
formes à l'interêt necessaire que cette Nation
doit toûjours avoir pour maintenir la sûretéet
la conservation de la Balance du pouvoir en
Europe ; et comme l'état incertain et violent des
affaires auquel l'Europe étoit réduite , cesse à
-present , et les malheurt d'une guerre im
mediate et generale , qu'on commençoit à jurer.
inévitable , ne sont plus à craindre , cet heu
reux changement duëment ménagé , avec un
A. Kola
·
que
jusse
wp
1
I
JUIN. 1737. 1387
juste égardpour nos précedentes Alliances , que
Je conserverai soigneusement , nous donne liew
d'esperer de voir la tranquillité publique réta¬
blie , &c.
J'espere qu'à votre retour dans les Provinces ,
vous trouverez que tous les efforts pour susciter
par des clameurs injustes et de fausses représen
tations un esprit de mécontentement parmi
mon Peuple, auront été vains et inéficaces . Tou
tes les insinuations malicieuses , au préjudice
de mes mesures s'évanouiront , sans doute
quand il paroîtra que mon premier et principal
soin a toujours été pour l'interêt et l'honneur
de ce Royaume que ce soit donc l'objet de vos
efforts , d'éloigner toutes jalousies et appréhen
sions mal fondées , afin que la satisfaction de
la Nation puisse être aussi generale que mon
desir pour son bonheur est sincere ; que tout
mon Peuple, que tout Ordre de personnes , jouis
sent tranquillement et sans être envils , des
Droits , Privileges et Concessions ausquels
ils ont droit de prétendre par la loi . Qu'au
cune innovation ne trouble quelque partie
de mes Sujets dans la possession de leurs lé→
gitimes propriétez ; que tous ceux qui sont zelez
pour le soutien de ma Personne et de mon Gou
vernement participent aux avantages du pre
sent heureux établissement ; enfin , que votre
affection soit mutuelle entre vous et aussi éren
due que ma protection , à laquelle tous més bons
et fideles Sujets ont un droit égal , et sur laquel
le ils peuvent se reposer également.
,
* Le 9. Juin , on celebra à Londres , avec les
Ceremonies accoutumées , l'Anniversaire du
rétablissement du Roy Charles II. sur le Trône
1. Vol
Hvj de
1382 MERCURE DE FRANCE
de la Grande Bretagne , et le Docteur Hawkins
prêcha à cette occasion dans l'Eglise , de S. Paul
devant le Lord Maire et les Aldermans.
Le Roy a donné mille Guinées à M. Robinson
son Ministre Plenipotentiaire à la Cour de l'Em
pereur , pour le récompenser d'avoir negocié c
Conclu le dernier Traité de Vienne.
Fermer
Résumé : GRANDE-BRETAGNE.
En juin 1731, le capitaine Bulfinch, de la Marine Royale d'Afrique, se rendit à Richmond avec un prince africain envoyé par le roi de Pawpaw. Ce prince remit au roi de Grande-Bretagne une lettre du roi de Pawpaw et le complimenta en son nom. Parallèlement, le capitaine Lambe, fait esclave lors de la conquête d'Ardah, fut envoyé dans l'intérieur du pays. Le roi noir, n'ayant jamais vu de Blancs, le traita avec douceur et l'affectionna au point de ne le laisser repartir qu'à la condition qu'il revienne. Les lettres d'Antigua du 28 avril rapportaient que l'île était en triste état à cause du manque de pluie, entraînant une faible production de sucre. La sécheresse menaçait la récolte de l'année suivante, les étangs étaient presque secs, et l'eau était rare. Les cannes à sucre à Nevis et Montserrat étaient également en mauvais état. En Grande-Bretagne, la Tamise était à un niveau très bas, empêchant de nombreux bâtiments d'atteindre Londres. Thomas Robinson, résident du roi à la cour de l'empereur, fut nommé Envoyé Extraordinaire et Plénipotentiaire et reçut le titre de Chevalier Baronet. Le 18 mai, le roi informa le Parlement de la conclusion d'un traité à Vienne, mettant fin aux troubles et désordres. Ce traité, concernant l'exécution du traité de Séville, fut communiqué aux cours de France et d'Espagne. Les ratifications entre le roi et l'empereur furent échangées. Le roi exprima son espoir de voir la tranquillité publique rétablie et exhorta à éloigner les jalousies et appréhensions mal fondées. Le 9 juin, l'anniversaire du rétablissement du roi Charles II sur le trône de Grande-Bretagne fut célébré à Londres. Le roi récompensa Thomas Robinson avec mille guinées pour son rôle dans la négociation du traité de Vienne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
942
p. 1382
HOLLANDE ET PAYS- BAS.
Début :
On mande de la Haye que l'Assemblée des Etats Generaux avoit nommé le Baron de [...]
Mots clefs :
Ministres de l'empereur et du roi, Traité de Vienne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HOLLANDE ET PAYS- BAS.
HOLLANDE ET PAYS- BAS.
O
N mande de la Haye que l'Assemblée des
Etats Generaux avoit nommé le Baron de
Torck et deux autres Députés pour conferer avec
les Ministres de l'Empereur et du Roy d'Angle
terre au sujet des difficultés qui retardent l'ac
cession de L H. P. au Traité de Vienne.
O
N mande de la Haye que l'Assemblée des
Etats Generaux avoit nommé le Baron de
Torck et deux autres Députés pour conferer avec
les Ministres de l'Empereur et du Roy d'Angle
terre au sujet des difficultés qui retardent l'ac
cession de L H. P. au Traité de Vienne.
Fermer
943
p. 1598-1599
TURQUIE ET PERSE.
Début :
On a appris à Malthe par le Capitaine d'un Vaisseau François, qui y avoit touché [...]
Mots clefs :
Vaisseaux de guerre, Capitaine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE ET PERSE.
TURQUIE ET PERSE .
à Malthe le Capitaine d'ur
Vaisseau François , qui y avoit touché
venant du Levant , et qui avoit rencontré douze
Vaisseaux de Guerre Turcs , partis de Constan
tinople vers le zo. d'Avril , que six de ces Vais
seaux alloient à Chio , trois à Rhodes , et les
autres à Napoli de Romanie , pour y rester et
y attendre les Ordres du Grand Seigneur. Ce
Capitaine ajoûte que S. H. avoit chargé Dgia
num Codgia , Capitan Pacha , de faire venir à
Constantinople toutes les Galeres des Provin
ces Maritimes de l'Empire Otthoman , pour les
joindre à la Flotte qu'on y équipe actuellement
avec un grand nombre de Bâtimens de trans
port.
Des Lettres de Constantinople portent , que
les Persans ont été battus par les Turcs devant
Tauris. Le bruit court que cet echec a porté
Schah Thomas à faire au Seraskier de l'Armée
Ottomane, des propositions d'accomodement ; ce
qui pourra operer la Paix entre les deux Empires ,
les Turcs et les Persans la désirant également ; er
on apprend par des Lettres reçues en Allemagne au
commencement de ce mois , que le Grand Sei
gneur avoit envoyé ordre au Pacha de Babylone
qui commande ses Troupes en Perse , de con
clure la Paix avec le Roy de Perse , et de lui
II. Vol. remettre
JUIN. 1731. 1599
.د
remettre même les Places conquises pendant la
derniere Révolution , s'il ne pouvoit convenir
d'un Traité plus avantageux.
On a appris par les dernieres Lettres de Mos
cou que le bruit commun étoit que les Trou
pes du Grand Seigneur avoient attaqué l'armée
du Roy de Perse deux jours aprés l'expiration
du terme de la suspension d'Armes ; que le
Combat s'étoit donné prés d'une Riviere ou
les Persans avoient été entiérement défaits •
que la plupart de leurs Generaux ayant voulu
passer cette Riviere dans leur retraite , s'y étoient
noyez , et qu'on croyoit que le Roy de Perse
avoit eu un pareil sort.
Quelques Lettres du Levant portent , que
l'Armée de S. H qui étoit en Egypte , et qui
devoit se rendre à A.exandrie , commençoit à
s'embarquer pour Constantinople , et qu'on
croyoit qu'elle seroit employée contre les Chré
tiens.
à Malthe le Capitaine d'ur
Vaisseau François , qui y avoit touché
venant du Levant , et qui avoit rencontré douze
Vaisseaux de Guerre Turcs , partis de Constan
tinople vers le zo. d'Avril , que six de ces Vais
seaux alloient à Chio , trois à Rhodes , et les
autres à Napoli de Romanie , pour y rester et
y attendre les Ordres du Grand Seigneur. Ce
Capitaine ajoûte que S. H. avoit chargé Dgia
num Codgia , Capitan Pacha , de faire venir à
Constantinople toutes les Galeres des Provin
ces Maritimes de l'Empire Otthoman , pour les
joindre à la Flotte qu'on y équipe actuellement
avec un grand nombre de Bâtimens de trans
port.
Des Lettres de Constantinople portent , que
les Persans ont été battus par les Turcs devant
Tauris. Le bruit court que cet echec a porté
Schah Thomas à faire au Seraskier de l'Armée
Ottomane, des propositions d'accomodement ; ce
qui pourra operer la Paix entre les deux Empires ,
les Turcs et les Persans la désirant également ; er
on apprend par des Lettres reçues en Allemagne au
commencement de ce mois , que le Grand Sei
gneur avoit envoyé ordre au Pacha de Babylone
qui commande ses Troupes en Perse , de con
clure la Paix avec le Roy de Perse , et de lui
II. Vol. remettre
JUIN. 1731. 1599
.د
remettre même les Places conquises pendant la
derniere Révolution , s'il ne pouvoit convenir
d'un Traité plus avantageux.
On a appris par les dernieres Lettres de Mos
cou que le bruit commun étoit que les Trou
pes du Grand Seigneur avoient attaqué l'armée
du Roy de Perse deux jours aprés l'expiration
du terme de la suspension d'Armes ; que le
Combat s'étoit donné prés d'une Riviere ou
les Persans avoient été entiérement défaits •
que la plupart de leurs Generaux ayant voulu
passer cette Riviere dans leur retraite , s'y étoient
noyez , et qu'on croyoit que le Roy de Perse
avoit eu un pareil sort.
Quelques Lettres du Levant portent , que
l'Armée de S. H qui étoit en Egypte , et qui
devoit se rendre à A.exandrie , commençoit à
s'embarquer pour Constantinople , et qu'on
croyoit qu'elle seroit employée contre les Chré
tiens.
Fermer
Résumé : TURQUIE ET PERSE.
En 1731, des événements militaires et diplomatiques impliquent la Turquie et la Perse. Un capitaine français a croisé douze vaisseaux turcs en route vers Chio, Rhodes et Napoli de Romanie, sur ordre du Grand Seigneur. Les galères des provinces maritimes ottomanes ont été mobilisées pour renforcer la flotte à Constantinople. Des lettres de Constantinople rapportent que les Turcs ont vaincu les Persans devant Tauris, poussant le Shah Thomas à proposer un accommodement au Seraskier ottoman. Les deux empires aspirent à la paix, et des ordres ont été envoyés au Pacha de Babylone pour conclure un traité avec le roi de Perse, incluant la restitution des territoires conquis. Cependant, des lettres de Moscou indiquent que les troupes ottomanes ont attaqué l'armée perse après une suspension d'armes, entraînant une défaite perse. Par ailleurs, des lettres du Levant mentionnent que l'armée ottomane en Égypte, initialement destinée à Alexandrie, se dirige vers Constantinople et pourrait être utilisée contre les chrétiens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
944
p. 1599-1604
DANNEMARCK. RELATION du Sacre du Roi et de la Reine de Dannemarck.
Début :
Le Sacre de Leurs Majestez Danoises ayant été fixé au 6. Juin, la Cour se rendit quelques [...]
Mots clefs :
Sacre, Maison royale, Prince, Chevaliers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DANNEMARCK. RELATION du Sacre du Roi et de la Reine de Dannemarck.
DANNEMARCK.
RELATION du Sacre du Roi et de
la Reine de Dannemarck.
>
E Sacre de Leurs Majestez Danoises ayant été
au 6. se rendit fixé
jours auparavant à Fridericsbourg , Maison
Royale, distante de Copenhague de 4. milles , où
la Ceremonie devoit se faire .
Le 5. L. M. firent leurs dévotions et commu
nierent dans la Chapelle , ensuite le Roi de Dan
nemarck fit plusieurs Promotions ; sçavoir :
Dans l'Ordre de l'Elephant.
Le dernier des Marckgraves de Culmbach ,
frere de la Reine.
1600 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Hesse - Philipstadt , Lieutenant Ge
neral au service de France.
Meckelbourg - Strelitz . Le Duc de
Le Duc de Saxe-Mersbourg.
Le Comte de Rantzow de Fuhmen , Chef du
Commissariat de Terre et de Mer.
M. Lerche , Grand - Maître des Ceremonies .
M. Blome , Ministre d'Etat.
M. Wolf- Blome , Conseiller Privé Titulaire.
Nouveaux Chevaliers dans l'Ordre
Danebrog
L'Amiral Rosempalm.
M: Gram , Maréchal de la Cour.
M. Numersen , Major-General.
M. Ratlow , Maître des Chasses en Jutland.
Le Comte de Zinzindorff.
M. Ahlfeldt , de Jersbeck..
Nouveaux Conseillers Privez.
M. le Comte de Guldenstein .
M. le Comte Knut , Chambellan de S. M. Da
noise.
M. de Gersdorff , aussi Chambellan du Roi.
M. de Vieteck.
Nouveaux Chambellansi
Le Comte Shack.
M. de Holsten , Grand- Bally de Zetlande et de
Copenhague .
M. Plessen , Maître des Chasses.
Nouveau Conseiller Privé des Conferences.
Le Comte de Sponeck , Lieutenant General et
Gouverneur de Copenhague,
Lla Vol Nou
JUIN. 1731. 1601
Nouveau Lieutenant General.
M. Roinling.
Nouveaux Majors Generaux.
Mrs Galkouski , Colonel de Cavalerie.
Walter , Colonel des Gardes à pied.
Prétorius , Colonel d'Infanterie.
Arnskiold , Colonel d'Artillerie..
Le 6. Juin à 11. heures du matin , le Roi , pré
cedé de toute sa Livrée , des Pages , des Officiers
de sa Maison , des Conseillers , d'Etat , des Con
seillers de Conference , des Comtes , des Cheva
liers des deux Ordres , Elephant et Danebrock,
des Ministres d'Etat , des deux Margraves de Cu
lemback , ainsi que des Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg , de la Maison de Holstein , se
rendit processionellement de son Appartement à
la Chapelle , marchant sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant , ayant à leur cô
té chacun un Chambellan. Il traversa ainsi la
cour du Château entre une double haye d'un dé
tachement de 140. Gardes du Corps , lesquels
étoient à pied et en bottes , avec le Mousqueton ,
les Officiers à la tête , l'épée à la main . Le che
min étoit couvert de drap rouge et orné de très
belles Tapisseries.
Ce Prince étoit vétu de Satin blanc à l'ancien
ne mode, avec des Trousses de même, ayant par
dessus le Manteau Royal de Velours pourpre ,
chargé de Couronnes en broderie d'or et doublé
d'hermine , dont le Grand- Chambellan Plessen et
le Comte d'Altembourg , Vice- Chambellan
portoient la queue, S. M. avoit la Couronne en
tête , tenant le Sceptre d'une main et de l'autre la
Boule d'or, surmontée d'une Croix ; aux deux cô
>
II. Vol.
tez
1601 MERCURE DE FRANCE
tez du Dais marchoit un Détachement de la nou
velle Compagnie de Trabans de la Garde , cou
verts de leur Casaque , ayant la Hallebarde sur
l'épaule.
Le Roifut reçu à Pentrée de la Chapelle par les
Evêques de Copenhague , d'Ahlborg en Jutland ,
et de Christiania en Norvege ; ces deux derniers
comme Assistans. Elle se plaça sur le Trône qui
lui avoit été préparé au bas de la Chapelle , en face
de l'Autel ; ce Trône consistant en une espece de
Dôme fort élevé , soutenu par quatre Colonnes ,
étoit revétu de velours cramoisi , enrichi de Cou
ronnes en broderie , de galons et de franges d'or,
et couvroit deux Chaises à bras à l'antique. Celle
de la droite , garnie d'étoffe d'or , et l'autre d'é
toffe d'argent , toutes les deux posées sur une Es
trade couverte d'un velours cramoisi , ayant à côté
deux Lions d'argent et un troisiéme devant , la
tête tournée devant l'Autel .
A peine le Roi fut placé sur la Chaise à droite ,
que la Reine entra et fut reçûe de la même ma
niere, précedée de la Livrée et des principaux Offi
ciers de sa Maison , de six Dames , toutes fem
mes de Chevaliers de l'Elephant , de la Comtesse
d'Altembourg, née Princesse de Hesse, de la Mar
grave de Culemback , mere de la Reine, et de leur
A. R. la Princesse Sophie , et Madame la Princesse
Charlotte. Elle marchoit sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant et quatre Cham
bellans. Un Détachement de Trabans marchant
aux deux côtez du Dais.
Cette Princesse , coëffée en cheveux , à boucles
pendantes, la Couronne en tête , vétuë d'une Rob
be de Cour d'étoffe d'argent , et par -dessus le
Manteau Royal , dont la Comtesse de Hardeck ,
Grande- Maîtresse de sa Maison , et la Comtesse
11. Voln de
JUINA
1603 1731.
de Holsten, cy-devant Grande - Chanceliere, por
toient la queue , s'alla placer sur le Trône , et les
autres Dames , dans les places qui leur étoient
destinées .
A la droite et à côté de l'Autel , il y avoit une
Loge pour les deux Princesses de Culmback er
pour ceux de la Maison de Holstein , dont il n'y
avoit de présens que les Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg . De cette Loge jusqu'au Trône,
regnoit une file de places occupées par les Che
waliers de l'Ordre de l'Elephant , avec des Rubans
bleus , à la tête de laquelle étoient le Grand - Ma
réchal et le Maréchal particulier de la Cour , te
nant en main le Bâton de leur Charge ; les Che
valiers Danebrog , avec leurs Cordons blancs
étoient placez derriere cette file , les deux Secre
taires d'Etat , et plusieurs Officiers Generaux de
Terre et de Mer , tous debout ; le Grand- Cham →
bellan Plessen , étoit à côté et un peu derriere le
Roi sur l'Estrade , avec le Comte d'Altembourg,
Ensuite , mais plus bas , le Comte de Holsten ,
cy- devant Grand -Chancelier , auprès duquel et
un peu derriere , étoient les Capitaines des Tra
bans , le Commandant des Gardes à cheval , et
ceux des Régimens des Grenadiers du Corps et
Gardes à pied , tous les quatre en habit d'ordon
nance. Un Détachement de Trabans , la Halle
barde à la main, occupoient le derriere du Trône,'
→
A la gauche et à côté de l'Autel étoit une Loge
pour L. A R. la Princesse Charlotte et la Prin
cesse Sophie , ainsi que pour le Margrave. Une
autre Loge à côté pour laComtesse d'Altembourg
et les deux Grandes- Maîtresses de la Maison de
L. A R. et enfin une troisiéme Loge pour les Fil
les d'Honneur des trois Princesses . De cette trois
siéme Loge jusqu'au Trône , le terrain étoit oc
IT, Vol. cupé
1604 MERCURE DE FRANCE
cupé par les autres Dames et par les Chevaliers
de l'Elephant , qui avoient porté le Dais de la
Reine. Toutes les places étoient de plein pied
dans le bas de la Chapelle,
La Ceremonie commença par une Musique qui
fut suivie d'un très long Sermon , lequel étoit
interrompu , par intervalles , de Prieres que com
mençoit l'Evêque de Copenhague , ayant à ses
côtez les Evêques d'Ahlbourg et de Christiania.
Ensuite,de quoi le Roi descendit de son Trône,
s'avança vers l'Autel , se mit à genoux , et après
avoir déposé son Sceptre et la Boule d'or , reçut
l'Onction au front , à la poitrine et à la main
droite.
Après cette Onction qui fut faite par l'Evêque
de Copenhague , et quelques Prieres chantées enª
Musique , ce Prélat recommença un nouveau Ser
mon , en s'adressant à la Reine. Après quoi cette
Princesse reçu l'Onction en la même maniere
que le Roi , mais seulement au front et à la poi
trine. Un Te Deum, chanté en Musique, termina
la Ceremonie : Le Roi et la Reine se retirerent à
leurs Appartemens dans le même ordre qu'ils
étoient venus.
L'ordre de cette Fête et la magnificence des ha
bits en faisoient le plus beau spectacle. L. M. D.
après s'être reposées un peu de tems , se mirent
à table à quatre heures ; L. A. R. Madame la
Princesse Charlotte et Madame la Princesse So
phie , avec Madame là Margrave , furent les seu
les qui y furent admises. Il y avoit dans d'autres
Chambres plusieurs differentes Tables pour les
Princes , les Dames , les Ministres d'Etat , les
Cordons bleus , les Cordons blancs , les Envoyez,
Résidens et Secretaires Etrangers , &c.
RELATION du Sacre du Roi et de
la Reine de Dannemarck.
>
E Sacre de Leurs Majestez Danoises ayant été
au 6. se rendit fixé
jours auparavant à Fridericsbourg , Maison
Royale, distante de Copenhague de 4. milles , où
la Ceremonie devoit se faire .
Le 5. L. M. firent leurs dévotions et commu
nierent dans la Chapelle , ensuite le Roi de Dan
nemarck fit plusieurs Promotions ; sçavoir :
Dans l'Ordre de l'Elephant.
Le dernier des Marckgraves de Culmbach ,
frere de la Reine.
1600 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Hesse - Philipstadt , Lieutenant Ge
neral au service de France.
Meckelbourg - Strelitz . Le Duc de
Le Duc de Saxe-Mersbourg.
Le Comte de Rantzow de Fuhmen , Chef du
Commissariat de Terre et de Mer.
M. Lerche , Grand - Maître des Ceremonies .
M. Blome , Ministre d'Etat.
M. Wolf- Blome , Conseiller Privé Titulaire.
Nouveaux Chevaliers dans l'Ordre
Danebrog
L'Amiral Rosempalm.
M: Gram , Maréchal de la Cour.
M. Numersen , Major-General.
M. Ratlow , Maître des Chasses en Jutland.
Le Comte de Zinzindorff.
M. Ahlfeldt , de Jersbeck..
Nouveaux Conseillers Privez.
M. le Comte de Guldenstein .
M. le Comte Knut , Chambellan de S. M. Da
noise.
M. de Gersdorff , aussi Chambellan du Roi.
M. de Vieteck.
Nouveaux Chambellansi
Le Comte Shack.
M. de Holsten , Grand- Bally de Zetlande et de
Copenhague .
M. Plessen , Maître des Chasses.
Nouveau Conseiller Privé des Conferences.
Le Comte de Sponeck , Lieutenant General et
Gouverneur de Copenhague,
Lla Vol Nou
JUIN. 1731. 1601
Nouveau Lieutenant General.
M. Roinling.
Nouveaux Majors Generaux.
Mrs Galkouski , Colonel de Cavalerie.
Walter , Colonel des Gardes à pied.
Prétorius , Colonel d'Infanterie.
Arnskiold , Colonel d'Artillerie..
Le 6. Juin à 11. heures du matin , le Roi , pré
cedé de toute sa Livrée , des Pages , des Officiers
de sa Maison , des Conseillers , d'Etat , des Con
seillers de Conference , des Comtes , des Cheva
liers des deux Ordres , Elephant et Danebrock,
des Ministres d'Etat , des deux Margraves de Cu
lemback , ainsi que des Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg , de la Maison de Holstein , se
rendit processionellement de son Appartement à
la Chapelle , marchant sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant , ayant à leur cô
té chacun un Chambellan. Il traversa ainsi la
cour du Château entre une double haye d'un dé
tachement de 140. Gardes du Corps , lesquels
étoient à pied et en bottes , avec le Mousqueton ,
les Officiers à la tête , l'épée à la main . Le che
min étoit couvert de drap rouge et orné de très
belles Tapisseries.
Ce Prince étoit vétu de Satin blanc à l'ancien
ne mode, avec des Trousses de même, ayant par
dessus le Manteau Royal de Velours pourpre ,
chargé de Couronnes en broderie d'or et doublé
d'hermine , dont le Grand- Chambellan Plessen et
le Comte d'Altembourg , Vice- Chambellan
portoient la queue, S. M. avoit la Couronne en
tête , tenant le Sceptre d'une main et de l'autre la
Boule d'or, surmontée d'une Croix ; aux deux cô
>
II. Vol.
tez
1601 MERCURE DE FRANCE
tez du Dais marchoit un Détachement de la nou
velle Compagnie de Trabans de la Garde , cou
verts de leur Casaque , ayant la Hallebarde sur
l'épaule.
Le Roifut reçu à Pentrée de la Chapelle par les
Evêques de Copenhague , d'Ahlborg en Jutland ,
et de Christiania en Norvege ; ces deux derniers
comme Assistans. Elle se plaça sur le Trône qui
lui avoit été préparé au bas de la Chapelle , en face
de l'Autel ; ce Trône consistant en une espece de
Dôme fort élevé , soutenu par quatre Colonnes ,
étoit revétu de velours cramoisi , enrichi de Cou
ronnes en broderie , de galons et de franges d'or,
et couvroit deux Chaises à bras à l'antique. Celle
de la droite , garnie d'étoffe d'or , et l'autre d'é
toffe d'argent , toutes les deux posées sur une Es
trade couverte d'un velours cramoisi , ayant à côté
deux Lions d'argent et un troisiéme devant , la
tête tournée devant l'Autel .
A peine le Roi fut placé sur la Chaise à droite ,
que la Reine entra et fut reçûe de la même ma
niere, précedée de la Livrée et des principaux Offi
ciers de sa Maison , de six Dames , toutes fem
mes de Chevaliers de l'Elephant , de la Comtesse
d'Altembourg, née Princesse de Hesse, de la Mar
grave de Culemback , mere de la Reine, et de leur
A. R. la Princesse Sophie , et Madame la Princesse
Charlotte. Elle marchoit sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant et quatre Cham
bellans. Un Détachement de Trabans marchant
aux deux côtez du Dais.
Cette Princesse , coëffée en cheveux , à boucles
pendantes, la Couronne en tête , vétuë d'une Rob
be de Cour d'étoffe d'argent , et par -dessus le
Manteau Royal , dont la Comtesse de Hardeck ,
Grande- Maîtresse de sa Maison , et la Comtesse
11. Voln de
JUINA
1603 1731.
de Holsten, cy-devant Grande - Chanceliere, por
toient la queue , s'alla placer sur le Trône , et les
autres Dames , dans les places qui leur étoient
destinées .
A la droite et à côté de l'Autel , il y avoit une
Loge pour les deux Princesses de Culmback er
pour ceux de la Maison de Holstein , dont il n'y
avoit de présens que les Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg . De cette Loge jusqu'au Trône,
regnoit une file de places occupées par les Che
waliers de l'Ordre de l'Elephant , avec des Rubans
bleus , à la tête de laquelle étoient le Grand - Ma
réchal et le Maréchal particulier de la Cour , te
nant en main le Bâton de leur Charge ; les Che
valiers Danebrog , avec leurs Cordons blancs
étoient placez derriere cette file , les deux Secre
taires d'Etat , et plusieurs Officiers Generaux de
Terre et de Mer , tous debout ; le Grand- Cham →
bellan Plessen , étoit à côté et un peu derriere le
Roi sur l'Estrade , avec le Comte d'Altembourg,
Ensuite , mais plus bas , le Comte de Holsten ,
cy- devant Grand -Chancelier , auprès duquel et
un peu derriere , étoient les Capitaines des Tra
bans , le Commandant des Gardes à cheval , et
ceux des Régimens des Grenadiers du Corps et
Gardes à pied , tous les quatre en habit d'ordon
nance. Un Détachement de Trabans , la Halle
barde à la main, occupoient le derriere du Trône,'
→
A la gauche et à côté de l'Autel étoit une Loge
pour L. A R. la Princesse Charlotte et la Prin
cesse Sophie , ainsi que pour le Margrave. Une
autre Loge à côté pour laComtesse d'Altembourg
et les deux Grandes- Maîtresses de la Maison de
L. A R. et enfin une troisiéme Loge pour les Fil
les d'Honneur des trois Princesses . De cette trois
siéme Loge jusqu'au Trône , le terrain étoit oc
IT, Vol. cupé
1604 MERCURE DE FRANCE
cupé par les autres Dames et par les Chevaliers
de l'Elephant , qui avoient porté le Dais de la
Reine. Toutes les places étoient de plein pied
dans le bas de la Chapelle,
La Ceremonie commença par une Musique qui
fut suivie d'un très long Sermon , lequel étoit
interrompu , par intervalles , de Prieres que com
mençoit l'Evêque de Copenhague , ayant à ses
côtez les Evêques d'Ahlbourg et de Christiania.
Ensuite,de quoi le Roi descendit de son Trône,
s'avança vers l'Autel , se mit à genoux , et après
avoir déposé son Sceptre et la Boule d'or , reçut
l'Onction au front , à la poitrine et à la main
droite.
Après cette Onction qui fut faite par l'Evêque
de Copenhague , et quelques Prieres chantées enª
Musique , ce Prélat recommença un nouveau Ser
mon , en s'adressant à la Reine. Après quoi cette
Princesse reçu l'Onction en la même maniere
que le Roi , mais seulement au front et à la poi
trine. Un Te Deum, chanté en Musique, termina
la Ceremonie : Le Roi et la Reine se retirerent à
leurs Appartemens dans le même ordre qu'ils
étoient venus.
L'ordre de cette Fête et la magnificence des ha
bits en faisoient le plus beau spectacle. L. M. D.
après s'être reposées un peu de tems , se mirent
à table à quatre heures ; L. A. R. Madame la
Princesse Charlotte et Madame la Princesse So
phie , avec Madame là Margrave , furent les seu
les qui y furent admises. Il y avoit dans d'autres
Chambres plusieurs differentes Tables pour les
Princes , les Dames , les Ministres d'Etat , les
Cordons bleus , les Cordons blancs , les Envoyez,
Résidens et Secretaires Etrangers , &c.
Fermer
Résumé : DANNEMARCK. RELATION du Sacre du Roi et de la Reine de Dannemarck.
Le texte décrit le sacre du roi et de la reine de Dannemarck, qui s'est déroulé le 6 juin 1731 à Fridericsbourg, à quatre milles de Copenhague. La veille, les souverains ont effectué leurs dévotions et communié dans la chapelle royale. Le roi a également procédé à plusieurs promotions dans les ordres de l'Élephant et du Danebrog, ainsi qu'à la nomination de nouveaux conseillers privés, chambellans et officiers militaires. Le jour du sacre, à 11 heures du matin, le roi s'est rendu processionnellement à la chapelle, vêtu de satin blanc et du manteau royal pourpre. Il était accompagné de sa livrée, des pages, des officiers de sa maison, des conseillers d'État et des chevaliers des ordres de l'Élephant et du Danebrog. La chapelle était décorée de drap rouge et de tapisseries. La reine a suivi, précédée de sa livrée et des principaux officiers de sa maison, vêtue d'une robe de cour en étoffe d'argent et du manteau royal. La cérémonie a débuté par un sermon, suivi de l'onction du roi et de la reine par l'évêque de Copenhague. Un Te Deum a conclu la cérémonie, après quoi les souverains se sont retirés dans leurs appartements. Après un repos, les souverains ont pris leur repas à quatre heures en compagnie de la princesse Charlotte, de la princesse Sophie et de la margrave. D'autres tables étaient préparées pour les princes, les dames, les ministres d'État, les chevaliers des ordres et les représentants étrangers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
945
p. 1605-1606
ALLEMAGNE.
Début :
Le Marquis Palavicini, Envoyé de la République de Génes, eut dans les premiers jours [...]
Mots clefs :
Marquis, Infanterie, Cavalerie, Famille royale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
de la
Lblique de Génes , cut dans les premiers jours
de ce mois une Audiance particuliere de l'Empe
reur , dans laquelle il lui demanda 6000. hom
mes d'Infanterie et 4000 de Cavalerie des Trou
pes Imperiales qui sont en Italie , pour aider la
République à réduire les Rebelles de l'Ile de
Corse.
On mande de Berlin , que le 3. de ce mois , le
Roi de Prusse et la Famille Royale , accompagnés
des Princes et Seigneurs Etrangers , allerent pren
dre le divertissement d'une magnifique Chasse
qu'on avoit préparée près de Spandaw , dans la
quelle on tua plus de 700. Pieces , tant Cerfs ,
Dains , Sangliers , qu'autre Gibier. La Reine et
la Duchesse de Beveren en tuerent plusieurs avec
des Arquebuses rayées. Le soir on tira au Blanc
à la lueur de plusieurs milliers de Lampions : on
distribua cinq Prix à ceux qui les avoient gagnez
et le Duc de Wirtemberg en remporta le plus haut.
On apprend de Suisse que l'Assemblée géné
rale des treize Cantons , se tiendra cette année à
Bade. Le Marquis de Bonac , Ambassadeur.de
France ayant résolu de s'y rendre , leur a écrit à,
ce sujet la Lettre suivante,
MAGNIFIQUES SEIGNEURS
Comme il vous a plû depuis que je suis honoré
de cette Ambassade , de vous assembler deux
fois à Soleure à ma réquisition , j'ai dessein de
profiter de votre prochaine Diete générale de la
11. Vol.
Saint
I
1606 MERCURE DE FRANCE
Saint Jean , pour vous en faire personnelle
ment mes remercimens , esperant que vous vou
drez bien la tenir dans la Ville de Baden où je
me rendrai.
Vous n'aurez pas oublié et vous verrez dans
vos Abcheids que je vous ai parlé de diverses
choses concernant l'affermissement de l'ancienne
amitié , et des Traitez de Paix perpetuelle et
d'Alliance entre le Roi et votre Nation ; et
comme vous jugerez , sans doute , que votre pro
chaine Assemblée sera une occasion fort natu
relle'de vous entretenir plus amplement sur le
même sujet , je vous prie, Magnifiques Seigneurs ,
de prendre en consideration lesdits Traitez, afin
que vous puissiez instruire Messieurs vos Dépu
tez sur une Matiere si interressante, et que nous
soyons en état de nous communiquer amiable
ment là-dessus. Je prie Dieu , qu'il vous main.
tienne , Magnifiques Seigneurs , dans la prosper
rité de tout ce qui peut vous être le plus avan
tageux.
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
étoit figné , Votre affectionné à
vous servir.
D'USSON
DE BONA Ci
de la
Lblique de Génes , cut dans les premiers jours
de ce mois une Audiance particuliere de l'Empe
reur , dans laquelle il lui demanda 6000. hom
mes d'Infanterie et 4000 de Cavalerie des Trou
pes Imperiales qui sont en Italie , pour aider la
République à réduire les Rebelles de l'Ile de
Corse.
On mande de Berlin , que le 3. de ce mois , le
Roi de Prusse et la Famille Royale , accompagnés
des Princes et Seigneurs Etrangers , allerent pren
dre le divertissement d'une magnifique Chasse
qu'on avoit préparée près de Spandaw , dans la
quelle on tua plus de 700. Pieces , tant Cerfs ,
Dains , Sangliers , qu'autre Gibier. La Reine et
la Duchesse de Beveren en tuerent plusieurs avec
des Arquebuses rayées. Le soir on tira au Blanc
à la lueur de plusieurs milliers de Lampions : on
distribua cinq Prix à ceux qui les avoient gagnez
et le Duc de Wirtemberg en remporta le plus haut.
On apprend de Suisse que l'Assemblée géné
rale des treize Cantons , se tiendra cette année à
Bade. Le Marquis de Bonac , Ambassadeur.de
France ayant résolu de s'y rendre , leur a écrit à,
ce sujet la Lettre suivante,
MAGNIFIQUES SEIGNEURS
Comme il vous a plû depuis que je suis honoré
de cette Ambassade , de vous assembler deux
fois à Soleure à ma réquisition , j'ai dessein de
profiter de votre prochaine Diete générale de la
11. Vol.
Saint
I
1606 MERCURE DE FRANCE
Saint Jean , pour vous en faire personnelle
ment mes remercimens , esperant que vous vou
drez bien la tenir dans la Ville de Baden où je
me rendrai.
Vous n'aurez pas oublié et vous verrez dans
vos Abcheids que je vous ai parlé de diverses
choses concernant l'affermissement de l'ancienne
amitié , et des Traitez de Paix perpetuelle et
d'Alliance entre le Roi et votre Nation ; et
comme vous jugerez , sans doute , que votre pro
chaine Assemblée sera une occasion fort natu
relle'de vous entretenir plus amplement sur le
même sujet , je vous prie, Magnifiques Seigneurs ,
de prendre en consideration lesdits Traitez, afin
que vous puissiez instruire Messieurs vos Dépu
tez sur une Matiere si interressante, et que nous
soyons en état de nous communiquer amiable
ment là-dessus. Je prie Dieu , qu'il vous main.
tienne , Magnifiques Seigneurs , dans la prosper
rité de tout ce qui peut vous être le plus avan
tageux.
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
étoit figné , Votre affectionné à
vous servir.
D'USSON
DE BONA Ci
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
En Allemagne, la République de Gênes a demandé à l'empereur 6 000 hommes d'infanterie et 4 000 de cavalerie des troupes impériales en Italie pour réprimer les rebelles en Corse. À Berlin, le roi de Prusse et la famille royale ont participé à une chasse près de Spandau, au cours de laquelle plus de 700 pièces de gibier ont été tuées. La reine et la duchesse de Beveren ont également pris part à cette chasse. Le soir, une compétition de tir au blanc a été organisée, et le duc de Wurtemberg a remporté le prix le plus élevé. En Suisse, l'Assemblée générale des treize Cantons se tiendra à Bade cette année. Le marquis de Bonac, ambassadeur de France, a exprimé son intention de s'y rendre et a écrit aux cantons pour les en informer. Dans sa lettre, il exprime son désir de remercier personnellement les cantons et de discuter des traités de paix perpétuelle et d'alliance entre le roi de France et la nation suisse. Il les encourage à considérer ces traités afin de préparer les députés à en discuter lors de l'Assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
946
p. 1606-1612
ITALIE.
Début :
MR Lazare Palavincini, Genois, qui étoit Nonce à Florence, a été fait Maître de [...]
Mots clefs :
Corse, Grecs, Rebelles, Provisions de guerre, Artillerie, Naples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
R Lazare Palavicini , Genois , qui étoie
à Florence , a été fait de
Chambre du Pape , à la place de M. Sinibal de
Doria , qui a été nommé à l'Archevêché de Be
nevent.
Dans le Consistoire secret du 21. May , ·le
"
Jp Vola
Pape¿
JUIN. 1731.
1607
Tape proposa l'Evêché d'Ancone pour le Cardinal
Barthelemi Massei , ci -devant Nonce en France ,
&c. Le Cardinal Otthoboni , proposa l'Abbaye
de Saint Jacques de Provins , Diocèse de Sens ,
pour l'Evêque de Nîmes ; celle de N. D. de Bol
bone , Diocése de Mirepoix , pour l'Abbé de
Choiseuil- Beaupré. Il préconisa l'Abbé de Vi
gnaux , pour celle de Notre- Dame de Dalon ,
Diocèse de Limoges , et l'Abbé Caudrone de
Quentin , pour celle de Poultiers , Diocèse de
Langres , &c.
Dans le même Consistoire on dressa une pro
testation solemnelle par rapport au Duché de
Parme , pour s'en servir au cas que la Duchesse ,
seconde Douairiere de ce nom , vint à mettre au
monde une Princesse , et qu'on voulut entre
prendre quelque chose au préjudice du S. Siege
dont , a ce qu'on prétend , ce Duché releve .
Le Cardinal Grimaldi , que le Pape avoit nom
mé à l'Archevêché de Luques , a refusé d'accep
ter cet Archevêché.
Le Cardinal Secretaire d'Etat , ayant appris par
les Lettres M. de Paulucci , Nonce en Pologne
que le Roi et la Republique persistoient à vouloir
disposer des Benefices consistoriaux de ce Royau
me, le Pape a nommé une Congregation parti
culiere , pour chercher les moyens de s'opposer
efficacement à cette resolution , qu'on regarde à
Rome comme un attentat contre l'autorité du
S. Siege.
Le premier Juin , on publia une Ordonnance
du Cardinal Marefoschi , Vicaire de Rome , par
laquelle il est deffendu aux jeunes filles qui reçoi
vent des Dots des principales Archiconfrairies de
la Ville de Rome, de porter des dorures sur leurs
habits , ni aucunes étoffes de Soye.
II. Vel NE I ij
108 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Turin que le Roi de Sardaigne a
fait arrêter les Receveurs des Fiefs , dépendans
du Saint Siege , qui sont situez dans le Piémont.
Le Cardinal Secretaire d'Etat a fait à ce sujet un
Manifeste. On a appris depuis , que le Roy de
Sardaigne avoit pris possession de la Principauté
de Masserano ; qu'on y avoit mis une forte gar
nison , et que S. M. avoit défendu à tous les Ha
bitans de cette Principauté , de reconnoître en au
cune maniere la Jurisdiction du S. Siege , et d'o
béir aux Ordres du Pape.
Le Chevalier de Saint George est de retour
à Rome de son Voyage de Naples , où il a vû unè
partie des curiositez de ce Royaume , entr'autres,
dans l'Eglise des Religieuses Hermites , le Sang
que l'on conserve de S. Jean - Baptiste , dont il vit
la liquefaction pendant la Messe.
On écrit de Naples qu'à la fin du mois dernier,
on avoit encore ressenti à Foggia et dans d'autres
endroits de la Pouille , une violente secousse de
Tremblement deTerre qui a abbatu plusieurs Mai
sons qui avoient résisté au dernier Tremblement
de Terre.
Les opinions condamnées de Molinos,faisant de
puis deux ans beaucoup de progrès dans le Royau
me de Naples , on a tenu à ce sujet plusieurs Con
grégations du S. Office à Rome , dans lesquelles
il a été résolu d'écrire à l'Empereur , et de le prier
de concourir avec le Saint Siege à la destruction
de cette Secte , qui est soutenue par plusieurs
Grands du Royaume.
Le Cardinal Coscia a fait présenter une Requête
au Conseil collateral pour demander qu'on lui
rendit justice au sujet de l'injure que lui ont faite
les Habitans de son Abbaye de Fragnitello , qui
le jour de la Fête du lieu ont arraché et brisé
II. Vol.
ses
JUIN. 1609 1731.
ses Armes qu'il avoit fait mettre au- dessus de la
Porte de son Palais Abbatial. Le même Cardinal
qui a été très mal d'une goûte remontée , est
présentement hors de danger , mais il garde en
core la Chambre dans le Palais du General de
l'Artillerie , chez lequel il a pris son logement . Le
Procureur de ce Cardinal a fait executer, en vertu
d'un ordre du Regent Ventura, tous ces Fermiers
de ses Abbayes et de ses autres Benefices , parce
que la Cour de Rome ne s'est pás addressée au
Conseil collateral , avant que de faire saisir les
revenus de ces Benefices .La Biblioteque de ce Car
dinal a été transportée du Château S. Ange à
son Palais à Rome , pour y être vendue , comme
ses meubles , au profit de la Chambre Apos
tolique.
Le s. de ce mois on finit à Rome la vente
publique des Meubles , des Tableaux et des Livres
du CardinalCoscia, contre lequel on a envoyé dans
tout l'Etat Ecclesiastique des Lettres exécutoires
des Cardinaux, Commissaires de la Congrégation
de non nullis , qui déclarent que ce Cardinal
• étant sorti de Rome , malgré les défenses expres
ses du Pape , a encouru les Censures Ecclesiasti
ques , contenues dans la Constitution d'Innocent
X. du 19. Fevrier 1646. Par ces Lettres il est or
donné à tous les Commissaires députez du Saint
Siege , de faire défenses à tous les Chapitres , Cu
rez et autres Superieurs des Eglises , de l'y rece
voir à peine de suspension à divinis : Sa Sainteté
revoquant à ce sujet tous Privileges , Concessions
et immunitez qui pourroient avoir été accordées
cy- devant , soit par des Bulles Pontificales , ou
par des Conciles Generaux.
On mande de Venise que la Republique a dé
pêché un Courier à son Ambassadeur à Vienne ;
·
II. Vol. I iij
avec
16 to MERCURE DE FRANCE
avec de nouvelles Instructions , pour prier l'Em
pereur de faire une diversion en Transylvanie , en
cas que les Turcs attaquent les places de la Répu
blique dans le Levant .
Le 3. Juin , le Doge , accompagné de la Sei
gneurie , du Nonce du Pape et des Ambassadeurs,
assista dans l'Eglise Ducale de S.Marc,auTeDeum
qui y fut chanté à l'occasion de la Fête de Saint
Pierre Orscolo, qui fut élû par le Peuple , pre
mier Doge de la Republique , en 697. et qui
après avoir gouverné l'Etat pendant deux ans
avec la plus exacte integrité , se retira secrete
ment en Gascogne avec Jean Gradeningo et Jean
Morosini , ses Gendres , et y fit profession dans
un Convent de Camaldules.
On a appris de l'Ifle de Corse que 127 Grecs
bien armés et bien munis de provisions de Guerre
et de bouche, avoient envoyé leurs Familles et leurs
meubles dans une place de sureté , et qu'ils s'é
toient retirés eux mêmes dans la Tour d'Uncivia,
où ils avoient été attaquez quelques jours après .
par 2500. Rebelles de cette Isle , dont ils avoient
soûtenu les assauts pendant cinq jours avec beau
coup de valcur ; que les Assiegeans , voyant .
qu'ils auroient peine à s'emparer de cette Forte
resse avoient fait faire diverses propositions
d'accommodement ; mais que le Chef de cette
petite garnison avoit repondu , qu'ayant entrepris
de combattre pour ses légitimes Souverains , il
ne quittetoit les armes que lorsque la Republique
de Ĝénes lui en auroit envoyé l'Ordre que cet
te réponse ayant irriré les Rebelles , ils s'étoient
portés aux dernieres extrémitez , pour obliger la
Garnison à capituler , qu'ils lui avoient coupé:
les eaux de toutes parts , et lui avoient donné:
un assaut général , dans lequel ils avoient été re
r
?
11. Vol.
poussés
JUIN.
\
1731.
161T
poussés avec perte ; que deux jours aprés , la
garnison avoit fait une sortie , dans laquelle elle
avoit tué un grand nombre des Assiégeans , eg
entr'autres un de leurs Chefs , auquel ils avoient
donné le titre de Maréchal de Camp ; que le de
sordre avoit été si grand parmi ces Mutins , que
la plupart avoient pris la fuite , abandonnant les
armes , leurs munitions de Guerre et leurs Che
vaux , que la Garnison avoit fait plusieurs pri
sonniers ; et que bien loin de les maltraiter ,
me font les Rebelles de l'Isle en pareil cas, le Com
mandant de la Garnison les avoit reçûs avec beau
de douceur et les avoit fait
coup
de leurs
panser
blessures , en les exhortant d'écrire à leurs Ca
marades pour les engager à rentrer dans leur de
com .
>
voir.
❤
D'autres Lettres arrivées depuis , portent que
les Rebelles avoient consenti à une Suspension
d'Armes,et que le premier de ce mois on avoit fait
partir de Génes trois Pinques , avec des armes et
des munitions de Guerre , pour les Villes dont
les Rebelles de cette Isle ne s'étoient pas encore
emparez.
1
On a appris de Génes par les Lettres de Barce
lone qui sont arrivées au commencement de ce
mois , que le Pinque du Patron Bozzo , qui por
toit Pavillon Anglois , avoit été attaqué près des
Côtes de la Catalogne par un Corsaire , qui voyant
lui
que le Patron refusait de venir à son bord ,
avoit tiré un coup de canon ; que ce coup ayant
donné dans le Magazin de la poudre , le Navire
avoit sauté avec cinq personnes en l'air, sçavoir, le
Consul François qui alloit à Malaga,son Laquais,
le Sur- Intendant Anglois du Commerce de Mala
ga ,un autre Passager et un Matelot; que le reste de
Equipage qui se sauvoit à la nage , avoit été
I iiij 11. Vol
fait
1612 MERCURE DE FRANCE
P
fait Esclave par le Corsaire , qui avoit été averti
par un Valet
R Lazare Palavicini , Genois , qui étoie
à Florence , a été fait de
Chambre du Pape , à la place de M. Sinibal de
Doria , qui a été nommé à l'Archevêché de Be
nevent.
Dans le Consistoire secret du 21. May , ·le
"
Jp Vola
Pape¿
JUIN. 1731.
1607
Tape proposa l'Evêché d'Ancone pour le Cardinal
Barthelemi Massei , ci -devant Nonce en France ,
&c. Le Cardinal Otthoboni , proposa l'Abbaye
de Saint Jacques de Provins , Diocèse de Sens ,
pour l'Evêque de Nîmes ; celle de N. D. de Bol
bone , Diocése de Mirepoix , pour l'Abbé de
Choiseuil- Beaupré. Il préconisa l'Abbé de Vi
gnaux , pour celle de Notre- Dame de Dalon ,
Diocèse de Limoges , et l'Abbé Caudrone de
Quentin , pour celle de Poultiers , Diocèse de
Langres , &c.
Dans le même Consistoire on dressa une pro
testation solemnelle par rapport au Duché de
Parme , pour s'en servir au cas que la Duchesse ,
seconde Douairiere de ce nom , vint à mettre au
monde une Princesse , et qu'on voulut entre
prendre quelque chose au préjudice du S. Siege
dont , a ce qu'on prétend , ce Duché releve .
Le Cardinal Grimaldi , que le Pape avoit nom
mé à l'Archevêché de Luques , a refusé d'accep
ter cet Archevêché.
Le Cardinal Secretaire d'Etat , ayant appris par
les Lettres M. de Paulucci , Nonce en Pologne
que le Roi et la Republique persistoient à vouloir
disposer des Benefices consistoriaux de ce Royau
me, le Pape a nommé une Congregation parti
culiere , pour chercher les moyens de s'opposer
efficacement à cette resolution , qu'on regarde à
Rome comme un attentat contre l'autorité du
S. Siege.
Le premier Juin , on publia une Ordonnance
du Cardinal Marefoschi , Vicaire de Rome , par
laquelle il est deffendu aux jeunes filles qui reçoi
vent des Dots des principales Archiconfrairies de
la Ville de Rome, de porter des dorures sur leurs
habits , ni aucunes étoffes de Soye.
II. Vel NE I ij
108 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Turin que le Roi de Sardaigne a
fait arrêter les Receveurs des Fiefs , dépendans
du Saint Siege , qui sont situez dans le Piémont.
Le Cardinal Secretaire d'Etat a fait à ce sujet un
Manifeste. On a appris depuis , que le Roy de
Sardaigne avoit pris possession de la Principauté
de Masserano ; qu'on y avoit mis une forte gar
nison , et que S. M. avoit défendu à tous les Ha
bitans de cette Principauté , de reconnoître en au
cune maniere la Jurisdiction du S. Siege , et d'o
béir aux Ordres du Pape.
Le Chevalier de Saint George est de retour
à Rome de son Voyage de Naples , où il a vû unè
partie des curiositez de ce Royaume , entr'autres,
dans l'Eglise des Religieuses Hermites , le Sang
que l'on conserve de S. Jean - Baptiste , dont il vit
la liquefaction pendant la Messe.
On écrit de Naples qu'à la fin du mois dernier,
on avoit encore ressenti à Foggia et dans d'autres
endroits de la Pouille , une violente secousse de
Tremblement deTerre qui a abbatu plusieurs Mai
sons qui avoient résisté au dernier Tremblement
de Terre.
Les opinions condamnées de Molinos,faisant de
puis deux ans beaucoup de progrès dans le Royau
me de Naples , on a tenu à ce sujet plusieurs Con
grégations du S. Office à Rome , dans lesquelles
il a été résolu d'écrire à l'Empereur , et de le prier
de concourir avec le Saint Siege à la destruction
de cette Secte , qui est soutenue par plusieurs
Grands du Royaume.
Le Cardinal Coscia a fait présenter une Requête
au Conseil collateral pour demander qu'on lui
rendit justice au sujet de l'injure que lui ont faite
les Habitans de son Abbaye de Fragnitello , qui
le jour de la Fête du lieu ont arraché et brisé
II. Vol.
ses
JUIN. 1609 1731.
ses Armes qu'il avoit fait mettre au- dessus de la
Porte de son Palais Abbatial. Le même Cardinal
qui a été très mal d'une goûte remontée , est
présentement hors de danger , mais il garde en
core la Chambre dans le Palais du General de
l'Artillerie , chez lequel il a pris son logement . Le
Procureur de ce Cardinal a fait executer, en vertu
d'un ordre du Regent Ventura, tous ces Fermiers
de ses Abbayes et de ses autres Benefices , parce
que la Cour de Rome ne s'est pás addressée au
Conseil collateral , avant que de faire saisir les
revenus de ces Benefices .La Biblioteque de ce Car
dinal a été transportée du Château S. Ange à
son Palais à Rome , pour y être vendue , comme
ses meubles , au profit de la Chambre Apos
tolique.
Le s. de ce mois on finit à Rome la vente
publique des Meubles , des Tableaux et des Livres
du CardinalCoscia, contre lequel on a envoyé dans
tout l'Etat Ecclesiastique des Lettres exécutoires
des Cardinaux, Commissaires de la Congrégation
de non nullis , qui déclarent que ce Cardinal
• étant sorti de Rome , malgré les défenses expres
ses du Pape , a encouru les Censures Ecclesiasti
ques , contenues dans la Constitution d'Innocent
X. du 19. Fevrier 1646. Par ces Lettres il est or
donné à tous les Commissaires députez du Saint
Siege , de faire défenses à tous les Chapitres , Cu
rez et autres Superieurs des Eglises , de l'y rece
voir à peine de suspension à divinis : Sa Sainteté
revoquant à ce sujet tous Privileges , Concessions
et immunitez qui pourroient avoir été accordées
cy- devant , soit par des Bulles Pontificales , ou
par des Conciles Generaux.
On mande de Venise que la Republique a dé
pêché un Courier à son Ambassadeur à Vienne ;
·
II. Vol. I iij
avec
16 to MERCURE DE FRANCE
avec de nouvelles Instructions , pour prier l'Em
pereur de faire une diversion en Transylvanie , en
cas que les Turcs attaquent les places de la Répu
blique dans le Levant .
Le 3. Juin , le Doge , accompagné de la Sei
gneurie , du Nonce du Pape et des Ambassadeurs,
assista dans l'Eglise Ducale de S.Marc,auTeDeum
qui y fut chanté à l'occasion de la Fête de Saint
Pierre Orscolo, qui fut élû par le Peuple , pre
mier Doge de la Republique , en 697. et qui
après avoir gouverné l'Etat pendant deux ans
avec la plus exacte integrité , se retira secrete
ment en Gascogne avec Jean Gradeningo et Jean
Morosini , ses Gendres , et y fit profession dans
un Convent de Camaldules.
On a appris de l'Ifle de Corse que 127 Grecs
bien armés et bien munis de provisions de Guerre
et de bouche, avoient envoyé leurs Familles et leurs
meubles dans une place de sureté , et qu'ils s'é
toient retirés eux mêmes dans la Tour d'Uncivia,
où ils avoient été attaquez quelques jours après .
par 2500. Rebelles de cette Isle , dont ils avoient
soûtenu les assauts pendant cinq jours avec beau
coup de valcur ; que les Assiegeans , voyant .
qu'ils auroient peine à s'emparer de cette Forte
resse avoient fait faire diverses propositions
d'accommodement ; mais que le Chef de cette
petite garnison avoit repondu , qu'ayant entrepris
de combattre pour ses légitimes Souverains , il
ne quittetoit les armes que lorsque la Republique
de Ĝénes lui en auroit envoyé l'Ordre que cet
te réponse ayant irriré les Rebelles , ils s'étoient
portés aux dernieres extrémitez , pour obliger la
Garnison à capituler , qu'ils lui avoient coupé:
les eaux de toutes parts , et lui avoient donné:
un assaut général , dans lequel ils avoient été re
r
?
11. Vol.
poussés
JUIN.
\
1731.
161T
poussés avec perte ; que deux jours aprés , la
garnison avoit fait une sortie , dans laquelle elle
avoit tué un grand nombre des Assiégeans , eg
entr'autres un de leurs Chefs , auquel ils avoient
donné le titre de Maréchal de Camp ; que le de
sordre avoit été si grand parmi ces Mutins , que
la plupart avoient pris la fuite , abandonnant les
armes , leurs munitions de Guerre et leurs Che
vaux , que la Garnison avoit fait plusieurs pri
sonniers ; et que bien loin de les maltraiter ,
me font les Rebelles de l'Isle en pareil cas, le Com
mandant de la Garnison les avoit reçûs avec beau
de douceur et les avoit fait
coup
de leurs
panser
blessures , en les exhortant d'écrire à leurs Ca
marades pour les engager à rentrer dans leur de
com .
>
voir.
❤
D'autres Lettres arrivées depuis , portent que
les Rebelles avoient consenti à une Suspension
d'Armes,et que le premier de ce mois on avoit fait
partir de Génes trois Pinques , avec des armes et
des munitions de Guerre , pour les Villes dont
les Rebelles de cette Isle ne s'étoient pas encore
emparez.
1
On a appris de Génes par les Lettres de Barce
lone qui sont arrivées au commencement de ce
mois , que le Pinque du Patron Bozzo , qui por
toit Pavillon Anglois , avoit été attaqué près des
Côtes de la Catalogne par un Corsaire , qui voyant
lui
que le Patron refusait de venir à son bord ,
avoit tiré un coup de canon ; que ce coup ayant
donné dans le Magazin de la poudre , le Navire
avoit sauté avec cinq personnes en l'air, sçavoir, le
Consul François qui alloit à Malaga,son Laquais,
le Sur- Intendant Anglois du Commerce de Mala
ga ,un autre Passager et un Matelot; que le reste de
Equipage qui se sauvoit à la nage , avoit été
I iiij 11. Vol
fait
1612 MERCURE DE FRANCE
P
fait Esclave par le Corsaire , qui avoit été averti
par un Valet
Fermer
Résumé : ITALIE.
En juin 1731, plusieurs nominations et décisions importantes ont été prises au sein de l'Église catholique. R Lazare Palavicini, un Génois résidant à Florence, a été nommé à la Chambre du Pape, remplaçant M. Sinibal de Doria, promu à l'Archevêché de Bénévent. Lors du Consistoire secret du 21 mai, diverses propositions ont été faites pour des postes ecclésiastiques, notamment l'Évêché d'Ancone pour le Cardinal Barthelemi Massei et plusieurs abbayes pour divers abbés. Une protestation solennelle a été dressée concernant le Duché de Parme afin de protéger les intérêts du Saint-Siège en cas de naissance d'une princesse. Le Cardinal Grimaldi a refusé l'Archevêché de Lucques. Le Pape a formé une congrégation pour s'opposer à la disposition des bénéfices consistoriaux par le Roi et la République de Pologne. Une ordonnance du Cardinal Marefoschi a interdit aux jeunes filles romaines de porter des dorures ou des étoffes de soie lors de la réception de leurs dots. À Turin, le Roi de Sardaigne a arrêté les receveurs des fiefs dépendant du Saint-Siège et a pris possession de la Principauté de Masserano, défendant aux habitants de reconnaître la juridiction papale. Le Chevalier de Saint George est revenu de Naples, où il a observé des curiosités, dont la liquefaction du sang de Saint Jean-Baptiste. À Naples, des tremblements de terre ont causé des destructions. Les opinions de Molinos, condamnées depuis deux ans, ont conduit à des congrégations du Saint-Office à Rome pour demander à l'Empereur de contribuer à leur destruction. Le Cardinal Coscia a demandé justice pour une injure subie et a été malade, mais est hors de danger. Sa bibliothèque et ses meubles ont été vendus au profit de la Chambre Apostolique. Des lettres exécutoires ont été envoyées dans tout l'État ecclésiastique contre lui, car il a quitté Rome malgré les défenses papales. À Venise, la République a dépêché un courrier à son ambassadeur à Vienne pour demander une diversion en Transylvanie en cas d'attaque turque. Le Doge a assisté à un Te Deum pour la fête de Saint Pierre Orscolo. En Corse, une garnison grecque a résisté à des rebelles et a finalement obtenu une suspension d'armes. Des navires ont été envoyés de Gênes pour armer les villes non encore prises par les rebelles. Un navire anglais a été attaqué par un corsaire près des côtes catalanes, causant plusieurs morts et des captifs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
947
p. 1612-1613
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Le Chevalier Charles Wager a été nommé par le Roi, commandant en Chef de la [...]
Mots clefs :
Chevalier, Flotte, Distillateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE .
L
E Chevalier Charles Wager a été nommé
par le Roi , Commandant en Chef de la *
IL. Vol. Flotte
JUIN. 1731. 1613
3
3
4
1
Flotte qui doit mettre en mer au commencement
du mois prochain.
On apprend de Blandfort , dans le Comté de
Dorset, que le feu y ayant pris toute la Ville avoit
été reduite en cendres , à la reserve de 26. Mai
sons et de l'Eglise.
Il y a eu aussi un Incendie à Thwerton, dans le
Comté de Devonshire , où prés d'un tiers des
Maisons a été réduit en cendres .
Le 20, le feu prit dans la maison d'un Distilateur
de la Ville de Londres , dans le quartier de Hol
born , et s'étant communiqué aux maisons voi
sines , il y en eût trente consommées par les flam
mes , et plusieurs autres endommagées.
L'Ecuyer du Comte Kinnoul , Ambassadeur du
Roi à Constantinople , est arrivé à Londres , avec
des Lettres du Grand Seigneur , pour donner part
de son avenement au Trone.
L
E Chevalier Charles Wager a été nommé
par le Roi , Commandant en Chef de la *
IL. Vol. Flotte
JUIN. 1731. 1613
3
3
4
1
Flotte qui doit mettre en mer au commencement
du mois prochain.
On apprend de Blandfort , dans le Comté de
Dorset, que le feu y ayant pris toute la Ville avoit
été reduite en cendres , à la reserve de 26. Mai
sons et de l'Eglise.
Il y a eu aussi un Incendie à Thwerton, dans le
Comté de Devonshire , où prés d'un tiers des
Maisons a été réduit en cendres .
Le 20, le feu prit dans la maison d'un Distilateur
de la Ville de Londres , dans le quartier de Hol
born , et s'étant communiqué aux maisons voi
sines , il y en eût trente consommées par les flam
mes , et plusieurs autres endommagées.
L'Ecuyer du Comte Kinnoul , Ambassadeur du
Roi à Constantinople , est arrivé à Londres , avec
des Lettres du Grand Seigneur , pour donner part
de son avenement au Trone.
Fermer
Résumé : GRANDE BRETAGNE.
En juin 1731, le Chevalier Charles Wager a été nommé Commandant en Chef de la flotte britannique. Des incendies ont détruit Blandfort dans le Dorset, Thwerton dans le Devonshire et une partie du quartier de Holborn à Londres. L'écuyer du Comte Kinnoul est arrivé à Londres avec des lettres du Grand Seigneur de Constantinople.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
948
p. 1613-1614
HOLLANDE.
Début :
On mande de la Haye, que le Conseil d'État avoit eû une conference avec les Députez [...]
Mots clefs :
États généraux , République de Hollande, Pactes, Conventions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HOLLANDE.
HOLLANDE.
N mande de la Haye , que le Conseil d'Etat
eu une avec les Députez
l'Assemblée des Etats Generaux , au sujet des
affaires d'Oest - Frise , et qu'il y avoit été resolu
de faire à l'Empereur les propositions suivantes :
que S. M. Imperiale declarera que la Republique
de Hollande doit demeurer en possession , com
me elle l'est à present , de tenir garnison dans
Einben et Lierret , qu'elle reconnoîtra de plus que
tous les Pactes ou Conventions , faits entre le
Prince d'Oest - Frise et ses Sujets sous la garantie
de la Couronne d'Angleterre et de la Hollande
seront exécutez , que ses Renitens , ou sujets qui
sont demeurez attachez à ce Prince , jouiront de
Amnistie qui leur a été précedemment accordée,
I L. Vol.
IV. et
1614 MERCURE DE FRANCE
et qu'on leur restituera leurs Biens et leurs Effets
que l'Indemnité demandée par le Prince d'Oest
Frise, sera repartie non-seulement sur les Renitens ..
mais aussi sur tous les Sujets du Païs , et qu'enfin .
la forme du Gouvernement restera sur le même
pied qu'elle étoit avant ces derniers Traitez.
Les mêmes Lettres portent que L. H. P, refɑ
sent de s'obliger à entrer dans une Guerre ouverte
, en cas que les Puissances alliées par le der
nier Traité de Vienne , où les Etats soient atta
qués , et qu'elles ne consentent d'acceder à
ce Traité , qu'à condition de fournir seulement :
un contingent en cas de guerre.
On a apris de la Louisiane , que M. du Perier ,,
Commandant dans ce païs - là , ayant reçû de
France un renfort de Troupes , de munitions de
guerre et quelques pieces de Campagne et petits
Mortiers , se mit à la poursuite de ces Sauvages,
qui après avoir massacré il y a quelque tems , les
François dans la Nouvelle Orleans , s'étoient reti
rez dans un Fort qu'ils avoient construit , bien
terrassé , et où ils se croyoient en toute sureté ::
M. du Perier attaqua ce Fort à coups de Canon ,
sans pouvoir y faire brêche ; mais les Mortiers
dont il se servit , firent tant de ravage dans le
Fort , que les Sauvages qui y étoient fort à l'é
troit , furent enfin obligez de.se rendre à discre
tion , ne demandant la vie que pour leurs femmes
et leurs enfans , disant que pour eux ils avoient :
par leur cruauté, merité la mort : cependant :
M. du Perier leur a accordé la vie , et ils ont été:
depuis transportez à Saint Domingue , pour y
travailler avec les Negres………
N mande de la Haye , que le Conseil d'Etat
eu une avec les Députez
l'Assemblée des Etats Generaux , au sujet des
affaires d'Oest - Frise , et qu'il y avoit été resolu
de faire à l'Empereur les propositions suivantes :
que S. M. Imperiale declarera que la Republique
de Hollande doit demeurer en possession , com
me elle l'est à present , de tenir garnison dans
Einben et Lierret , qu'elle reconnoîtra de plus que
tous les Pactes ou Conventions , faits entre le
Prince d'Oest - Frise et ses Sujets sous la garantie
de la Couronne d'Angleterre et de la Hollande
seront exécutez , que ses Renitens , ou sujets qui
sont demeurez attachez à ce Prince , jouiront de
Amnistie qui leur a été précedemment accordée,
I L. Vol.
IV. et
1614 MERCURE DE FRANCE
et qu'on leur restituera leurs Biens et leurs Effets
que l'Indemnité demandée par le Prince d'Oest
Frise, sera repartie non-seulement sur les Renitens ..
mais aussi sur tous les Sujets du Païs , et qu'enfin .
la forme du Gouvernement restera sur le même
pied qu'elle étoit avant ces derniers Traitez.
Les mêmes Lettres portent que L. H. P, refɑ
sent de s'obliger à entrer dans une Guerre ouverte
, en cas que les Puissances alliées par le der
nier Traité de Vienne , où les Etats soient atta
qués , et qu'elles ne consentent d'acceder à
ce Traité , qu'à condition de fournir seulement :
un contingent en cas de guerre.
On a apris de la Louisiane , que M. du Perier ,,
Commandant dans ce païs - là , ayant reçû de
France un renfort de Troupes , de munitions de
guerre et quelques pieces de Campagne et petits
Mortiers , se mit à la poursuite de ces Sauvages,
qui après avoir massacré il y a quelque tems , les
François dans la Nouvelle Orleans , s'étoient reti
rez dans un Fort qu'ils avoient construit , bien
terrassé , et où ils se croyoient en toute sureté ::
M. du Perier attaqua ce Fort à coups de Canon ,
sans pouvoir y faire brêche ; mais les Mortiers
dont il se servit , firent tant de ravage dans le
Fort , que les Sauvages qui y étoient fort à l'é
troit , furent enfin obligez de.se rendre à discre
tion , ne demandant la vie que pour leurs femmes
et leurs enfans , disant que pour eux ils avoient :
par leur cruauté, merité la mort : cependant :
M. du Perier leur a accordé la vie , et ils ont été:
depuis transportez à Saint Domingue , pour y
travailler avec les Negres………
Fermer
Résumé : HOLLANDE.
Le texte aborde deux sujets principaux concernant les affaires de la Hollande et de la Louisiane. En Hollande, le Conseil d'État a discuté avec les députés de l'Assemblée des États Généraux des affaires d'Ost-Frise. Il a été décidé de proposer à l'Empereur que la République de Hollande conserve la possession de ses garnisons à Einben et Lierre, que tous les pactes ou conventions entre le Prince d'Ost-Frise et ses sujets, garantis par l'Angleterre et la Hollande, soient exécutés, et que les sujets rebelles bénéficient d'une amnistie avec restitution de leurs biens. L'indemnité demandée par le Prince d'Ost-Frise serait répartie sur tous les sujets du pays. Le gouvernement resterait inchangé. La Hollande refuse de s'engager dans une guerre ouverte si les puissances alliées ne fournissent qu'un contingent en cas de conflit. En Louisiane, M. du Perier, commandant des troupes françaises, a reçu des renforts et des munitions pour poursuivre des indigènes ayant massacré des Français à La Nouvelle-Orléans. Ces indigènes s'étaient réfugiés dans un fort bien défendu. Du Perier a attaqué le fort avec des canons et des mortiers, causant suffisamment de dégâts pour forcer les indigènes à se rendre. Ils ont demandé la vie pour leurs femmes et enfants, reconnaissant leur cruauté. Du Perier leur a accordé la vie, et ils ont été ensuite transportés à Saint-Domingue pour travailler avec les esclaves.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
949
p. 1618-1621
Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
Début :
La Maison de Sorbonne a député plusieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Aiguillon [...]
Mots clefs :
Maison de Sorbonne, Docteurs, Duchesse, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
La Maison de Sorbonne a député plus
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
Fermer
Résumé : Députation et Discours de la Maison de Sorbonne au Duc d'Aiguillon, [titre d'après la table]
En juin 1731, la Maison de Sorbonne a envoyé une délégation de six docteurs pour féliciter le Duc d'Aiguillon sur sa nouvelle dignité de Duc et Pair de France, confirmée par un arrêt du Parlement le 28 mai. Le 27 juin, la délégation, dirigée par M. Lullier, a rencontré la Duchesse d'Aiguillon, le Duc étant absent. M. Lullier a prononcé un discours reconnaissant les bienfaits du Cardinal de Richelieu et exprimant la joie de voir la dignité transmise à son héritier. Le discours soulignait les services rendus par Richelieu à l'Église et au Royaume, ainsi que la justice de la récompense accordée par le souverain. Il souhaitait également une longue vie et une santé prospère au Duc et à la Duchesse, ainsi que la perpétuation des noms illustres de Richelieu et d'Aiguillon à travers leurs descendants. La Duchesse a répondu avec politesse, exprimant son estime pour la Maison de Sorbonne, et a fait visiter ses appartements aux docteurs avant de les raccompagner.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
950
p. 1800-1804
TURQUIE ET PERSE.
Début :
Des Lettres de Constantinople confirment la Bataille donnée dans la Grande Armenie, [...]
Mots clefs :
Constantinople, Bataille, Arménie, Janissaires, Pacha , Persans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE ET PERSE.
TURQUIE ET PERSE.
Es Lettres de Constantinople confirment
la Bataille donnée dans la Grande Armenie ,
entre les Persans et les Turcs , les premiers
avoient une armée plus nombreuse que les derniers
, mais ceux - cy ayant appris que leurs ennemis
venoient de recevoir plusieurs pieces d'Artillerie
, et qu'ils se preparoient à les venir atta
quer jugerent à propos de les prévenir : ce qu'ils
rent , si à l'improviste et avec tant de succès
qu'ils n'eurent pas beaucoup de peine à les renverser
JUILLET. 173г. 18ot
Werser , et à les obliger de passer la Riviere
d'Erach , où un nombre de Persans ont été noyés, -
cependant on ajoûte que ces derniers se rassembloient
de l'autre côté de cette Riviere pour tenter
une seconde Bataille : ce qui fait juger que
leur perte n'est pas aussi grande que les Turcs
l'ont publiée.
Ces Lettres ajoûtent qu'il y avoit souvent des
querelles entre les Janissaires et les Soldats de la
Marine que la charge de Capitan Pacha done
Cianum - Coggia avoit été revêtu par le nouveau
Sultan , avoit aussi été donnée depuis peur
au Pacha de Rettimo , et que le Mufti avoit été
deposé ; que le Pacha qui a gagné la derniere
Bataille en Perse , avoit renvoyé plusieurs Persans
prisonniers de guerre aprés leur avoir fait
couper le nez et les oreilles en représailles d'un
pareil traitement que le Roy de Perse fit l'année
derniere à quelques Tures qui étoient tombés.
entre ses mains Ces Lettres ne confirment point
que le Roy de Perse ait été noyé ; on assure
au contraire que ce Prince avoit rassemblé leg
restes de son Armée , et qu'il attendoit un renfort
considerable de troupes que le Grand Mogol
devoit lui envoyer.
On a appris par d'autres Lettres , que le Patriarche
des Grecs avoit été déposé pour avoir
voulu introduire des nouveautés dans les Eglises
de sa Communion.
Des Lettres d'Italie portent qu'on avoit veu ,
au commencement du mois dernier , la Flotte
du Grand Seigneur , à l'entrée du Golfe Adriatique.
Les dernieres Nouvelles venues par l'Italie ,
portent que depuis la révolution qui a mis le
nouveau Sultan sur le Tròne , on avoit fait perir
Hv tant
1802 MERCURE DE FRANCE
tant dans Constantinople qu'à Andrinople er
dans d'autres Villes , plus de 20000. personnes
coupçonnées de pouvoir exciter une nouvelle revolte
; qu'on avoit publié dans la Ville une Relation
de la victoire remportée contre les Persans
, mais qu'on commençoit à douter qu'elle
fut aussi complette qu'on la croyoit d'abord ,
parcequ'on continuoit de prendre des mesures
pour faire la paix avec le Roy de Perse.
t
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Smirne
le 30. May 1731..
aprenons par
des Lettres de Constan
Ntinople que nous avons reçues depuis deux
jours , comme le G. S. s'est porté à déposer CianumGoggia
de la Commission de Capitan Pacha,.
et à l'exiler à Retrin dans l'Isle de Candie ,.
malgré tous les services qu'il avoit rendus à Sa.
Hautesse depuis qu'il étoit en place ; on dit que
la disgrace de cet Amiral procede d'une part de:
la jalousie du Grand Visir, et de l'autre du Corps :
des Jannissaires , qui ne voyoient qu'avec peine
les services importans que les Leventis avoit rendus
au nouveau G.Ş. sous les ordres de Cianum .
Coggia.
;
Les Turcs ont publié en dernier lieu qu'ils .
avoient remporté une grande victoire en Perse
cependant bien des Lettres qui sont entre les
mains des Arméniens assurent le contraire , et.
marquent que les Persans continuent à repren
dre toutes les Places que les Turcs leur avoient
enlevées. Quoy-qu'll en soit , le G. S. fait lever
des Troupes par tout , pour les faire passer , à.
ce qu'on dit , en Perse ; mais les politiques pen
2 :
sent
JUILLET.
1731 1803
sent que la Cour Ottomane est d'accord avec
les Persans , et que l'Armée du G. S. pourroit
bien marcher ou contre les Moscovites , ou
contre les Imperiaux.
NOUVELLES DE PERSE , venuër
à Constantinople le 7. May 1731. Lettre
écrite de cette Ville le 15. du même
mois.
E Grand Vizir a reçu des Lettres de Perse
Lpar lesquelles onlui marque que Schah Tha
93
mas , qui avoit entrepris le Siege de Tauris
avoit été défait devant cette Place par les Trou
pes du G. S. Les particularitez que l'on rappor
te de cet événement sont , qu'Ali Pacha , Gou
verneur de Tauris , se voyant pressé par les
Assiegeants , avoit si bien ranimé le courage
des Assiegez par ses exhortations , à se retirer .
de l'espece de Prison où les ennemis les retenoient
dans l'enceinte de cette Ville , qu'étant
sorti à la tête de toute sa garnison , il étoit tombé
avec tant de furie sur les Persans , tandis que
d'un autre côté Rustan-Pacha , qui tenoit la
Campagne avec 4. ou sooo . hommes , étoit
aussi venu fondre sur eux , que l'armée Persa --~
ne avoit été mise en déroute ; que les Turcs
avoient fait un grand carnage ; et beaucoup de Prisonniers,
parmi lesquels il s'étoit trouvé quinze
Kans , ou Seigneurs , qu'on amenoit enchaînez al
Constantinople , et que cet echec avoit si fort dé !
rangé les affaires du Roy de Perse , qu'il s'étoit
déterminé à envoyer un Ambassadeur au Sul--
tan pour traiter d'une paix solide avec sa Hay--
H vj On
tesse.
1804
MERCURE
DE FRANCE
On ajoûte une circonstance au sujet de Rustan-
Pacha qui merite d'autant plus d'être ra
portée , qu'elle paroît n'avoir pas peu contribué
à la victoire que les Turcs viennent de
remporter.
Lorsque Patrona Mousloub , et les autres
Chefs de la grande Révolution , étoient tout
Puissans à Constantinople , ils y firent venir de
Bosnie ce même Rustan-Pacha, ils obtinrent qu'il
fut fait Visir à trois queues , et envoyé Seraskier
de l'Armée en Perse ; mais quelque tems
´aprés le massacre de ces Rebelles , la Porte envoya
un Capigi - Bachi à Rustan , pour lui demander
sa tête : ce Pacha au lieu d'obeir fit
arrêter le Capigi Bachi , et lui dit qu'à la vérité
le G. S. étoit le Maître de disposer de sa tête
mais que jugeant qu'il seroit plus utile et plus
honorable sa Hautesse , qu'il la perdit à son
service , il alloit chercher les occasions de la lui
sacrifier glorieusement , en combattant contre
les ennemis de l'Empire , ce qui a heureusement
reussi.
Es Lettres de Constantinople confirment
la Bataille donnée dans la Grande Armenie ,
entre les Persans et les Turcs , les premiers
avoient une armée plus nombreuse que les derniers
, mais ceux - cy ayant appris que leurs ennemis
venoient de recevoir plusieurs pieces d'Artillerie
, et qu'ils se preparoient à les venir atta
quer jugerent à propos de les prévenir : ce qu'ils
rent , si à l'improviste et avec tant de succès
qu'ils n'eurent pas beaucoup de peine à les renverser
JUILLET. 173г. 18ot
Werser , et à les obliger de passer la Riviere
d'Erach , où un nombre de Persans ont été noyés, -
cependant on ajoûte que ces derniers se rassembloient
de l'autre côté de cette Riviere pour tenter
une seconde Bataille : ce qui fait juger que
leur perte n'est pas aussi grande que les Turcs
l'ont publiée.
Ces Lettres ajoûtent qu'il y avoit souvent des
querelles entre les Janissaires et les Soldats de la
Marine que la charge de Capitan Pacha done
Cianum - Coggia avoit été revêtu par le nouveau
Sultan , avoit aussi été donnée depuis peur
au Pacha de Rettimo , et que le Mufti avoit été
deposé ; que le Pacha qui a gagné la derniere
Bataille en Perse , avoit renvoyé plusieurs Persans
prisonniers de guerre aprés leur avoir fait
couper le nez et les oreilles en représailles d'un
pareil traitement que le Roy de Perse fit l'année
derniere à quelques Tures qui étoient tombés.
entre ses mains Ces Lettres ne confirment point
que le Roy de Perse ait été noyé ; on assure
au contraire que ce Prince avoit rassemblé leg
restes de son Armée , et qu'il attendoit un renfort
considerable de troupes que le Grand Mogol
devoit lui envoyer.
On a appris par d'autres Lettres , que le Patriarche
des Grecs avoit été déposé pour avoir
voulu introduire des nouveautés dans les Eglises
de sa Communion.
Des Lettres d'Italie portent qu'on avoit veu ,
au commencement du mois dernier , la Flotte
du Grand Seigneur , à l'entrée du Golfe Adriatique.
Les dernieres Nouvelles venues par l'Italie ,
portent que depuis la révolution qui a mis le
nouveau Sultan sur le Tròne , on avoit fait perir
Hv tant
1802 MERCURE DE FRANCE
tant dans Constantinople qu'à Andrinople er
dans d'autres Villes , plus de 20000. personnes
coupçonnées de pouvoir exciter une nouvelle revolte
; qu'on avoit publié dans la Ville une Relation
de la victoire remportée contre les Persans
, mais qu'on commençoit à douter qu'elle
fut aussi complette qu'on la croyoit d'abord ,
parcequ'on continuoit de prendre des mesures
pour faire la paix avec le Roy de Perse.
t
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Smirne
le 30. May 1731..
aprenons par
des Lettres de Constan
Ntinople que nous avons reçues depuis deux
jours , comme le G. S. s'est porté à déposer CianumGoggia
de la Commission de Capitan Pacha,.
et à l'exiler à Retrin dans l'Isle de Candie ,.
malgré tous les services qu'il avoit rendus à Sa.
Hautesse depuis qu'il étoit en place ; on dit que
la disgrace de cet Amiral procede d'une part de:
la jalousie du Grand Visir, et de l'autre du Corps :
des Jannissaires , qui ne voyoient qu'avec peine
les services importans que les Leventis avoit rendus
au nouveau G.Ş. sous les ordres de Cianum .
Coggia.
;
Les Turcs ont publié en dernier lieu qu'ils .
avoient remporté une grande victoire en Perse
cependant bien des Lettres qui sont entre les
mains des Arméniens assurent le contraire , et.
marquent que les Persans continuent à repren
dre toutes les Places que les Turcs leur avoient
enlevées. Quoy-qu'll en soit , le G. S. fait lever
des Troupes par tout , pour les faire passer , à.
ce qu'on dit , en Perse ; mais les politiques pen
2 :
sent
JUILLET.
1731 1803
sent que la Cour Ottomane est d'accord avec
les Persans , et que l'Armée du G. S. pourroit
bien marcher ou contre les Moscovites , ou
contre les Imperiaux.
NOUVELLES DE PERSE , venuër
à Constantinople le 7. May 1731. Lettre
écrite de cette Ville le 15. du même
mois.
E Grand Vizir a reçu des Lettres de Perse
Lpar lesquelles onlui marque que Schah Tha
93
mas , qui avoit entrepris le Siege de Tauris
avoit été défait devant cette Place par les Trou
pes du G. S. Les particularitez que l'on rappor
te de cet événement sont , qu'Ali Pacha , Gou
verneur de Tauris , se voyant pressé par les
Assiegeants , avoit si bien ranimé le courage
des Assiegez par ses exhortations , à se retirer .
de l'espece de Prison où les ennemis les retenoient
dans l'enceinte de cette Ville , qu'étant
sorti à la tête de toute sa garnison , il étoit tombé
avec tant de furie sur les Persans , tandis que
d'un autre côté Rustan-Pacha , qui tenoit la
Campagne avec 4. ou sooo . hommes , étoit
aussi venu fondre sur eux , que l'armée Persa --~
ne avoit été mise en déroute ; que les Turcs
avoient fait un grand carnage ; et beaucoup de Prisonniers,
parmi lesquels il s'étoit trouvé quinze
Kans , ou Seigneurs , qu'on amenoit enchaînez al
Constantinople , et que cet echec avoit si fort dé !
rangé les affaires du Roy de Perse , qu'il s'étoit
déterminé à envoyer un Ambassadeur au Sul--
tan pour traiter d'une paix solide avec sa Hay--
H vj On
tesse.
1804
MERCURE
DE FRANCE
On ajoûte une circonstance au sujet de Rustan-
Pacha qui merite d'autant plus d'être ra
portée , qu'elle paroît n'avoir pas peu contribué
à la victoire que les Turcs viennent de
remporter.
Lorsque Patrona Mousloub , et les autres
Chefs de la grande Révolution , étoient tout
Puissans à Constantinople , ils y firent venir de
Bosnie ce même Rustan-Pacha, ils obtinrent qu'il
fut fait Visir à trois queues , et envoyé Seraskier
de l'Armée en Perse ; mais quelque tems
´aprés le massacre de ces Rebelles , la Porte envoya
un Capigi - Bachi à Rustan , pour lui demander
sa tête : ce Pacha au lieu d'obeir fit
arrêter le Capigi Bachi , et lui dit qu'à la vérité
le G. S. étoit le Maître de disposer de sa tête
mais que jugeant qu'il seroit plus utile et plus
honorable sa Hautesse , qu'il la perdit à son
service , il alloit chercher les occasions de la lui
sacrifier glorieusement , en combattant contre
les ennemis de l'Empire , ce qui a heureusement
reussi.
Fermer
Résumé : TURQUIE ET PERSE.
Au début du XVIIIe siècle, des conflits militaires et politiques ont opposé la Turquie et la Perse. En juillet 1730, une bataille en Grande Arménie a vu les Turcs, bien que moins nombreux, surprendre les Persans et les repousser au-delà de la rivière d'Erach, causant de lourdes pertes parmi les Persans. Cependant, ces derniers se préparaient à une contre-attaque, indiquant que leurs pertes n'étaient pas aussi sévères que les Turcs l'avaient annoncé. Des tensions internes au sein de l'armée turque ont été rapportées, notamment entre les Janissaires et les soldats de la marine. Le Capitain Pacha Cianum-Coggia a été démis de ses fonctions et exilé, et le Mufti a également été déposé. Les Turcs ont libéré des prisonniers persans après les avoir mutilés en représailles de traitements similaires subis par des Turcs l'année précédente. Le texte dément la rumeur selon laquelle le roi de Perse aurait été noyé et rapporte qu'il rassemble ses forces pour une nouvelle offensive, attendant des renforts du Grand Mogol. En Turquie, le patriarche des Grecs a été déposé pour avoir introduit des innovations dans les églises de sa communion. En Italie, la flotte ottomane a été signalée dans le golfe Adriatique. À Constantinople et Andrinople, des purges massives ont suivi l'accession au trône du nouveau sultan, avec plus de 20 000 personnes exécutées pour prévenir une rébellion. En Perse, le Grand Vizir a appris la défaite du Shah Tahmasp devant Tauris, grâce à l'intervention d'Ali Pacha et de Rustan-Pacha. Cette victoire a conduit à l'envoi d'un ambassadeur persan pour négocier la paix avec le sultan ottoman. Rustan-Pacha, qui avait refusé de se soumettre à un ordre d'exécution, a joué un rôle crucial dans cette victoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer