Résultats : 20 texte(s)
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1
p. 5
SUR LA NAISSANCE de M. le Comte de Provence.
Début :
Que du plus beau sang du monde, [...]
Mots clefs :
Naissance, Comte de Provence
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texteReconnaissance textuelle : SUR LA NAISSANCE de M. le Comte de Provence.
SUR LA NAISSANCE
de M. le Comte de Provence.
Ue du plus beau fang du monde ,
Notre Dauphine féconde ,
Augmente les rejettons ;
Et nous donne autant de Princes
Que la France a de Provinces ,
Sans celles que nous prendrons.
de M. le Comte de Provence.
Ue du plus beau fang du monde ,
Notre Dauphine féconde ,
Augmente les rejettons ;
Et nous donne autant de Princes
Que la France a de Provinces ,
Sans celles que nous prendrons.
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2
p. 6
Impromptu sur les Successeurs de Henry IV.
Début :
On vit en Louis treize un Antonin le Juste : [...]
Mots clefs :
Successeurs, Henry IV
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texteReconnaissance textuelle : Impromptu sur les Successeurs de Henry IV.
Impromptu fur les Succeffeurs de Henry IV.
ON vit en Louis treize un Antonin le Jufte :-
Son fils renouvella le beau fiecle d'Auguſte :
Louis le Bien-aimé ſçait ſeul , par ſes vertus ,
Faire revivre Augufte , Antonin & Titus.
Par M. de Lanevere , ancien Monfquetaire
du Roi ; à Dax , le 18 Octobre , 1755.
ON vit en Louis treize un Antonin le Jufte :-
Son fils renouvella le beau fiecle d'Auguſte :
Louis le Bien-aimé ſçait ſeul , par ſes vertus ,
Faire revivre Augufte , Antonin & Titus.
Par M. de Lanevere , ancien Monfquetaire
du Roi ; à Dax , le 18 Octobre , 1755.
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3
p. 6
Vers à Mlle Ch... en lui envoyant par la poste une corbeille de fleurs & un petit panier de vin vieux.
Début :
Bacchus & Flore tête à tête [...]
Mots clefs :
Bacchus, Flore, Vin
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texteReconnaissance textuelle : Vers à Mlle Ch... en lui envoyant par la poste une corbeille de fleurs & un petit panier de vin vieux.
Vers à Mlle Ch... en lui envoyant par la pofte
une corbeille defleurs & un petit panier de
vin vieux,
Bacchus & Flore tête à tête ,
Par la voiture des Zéphirs ,
Sont en route pour votre fête ,
Suivis d'un effein de déſirs :
Tous deux , preffés du même zele ,
Vous portent ce qu'ils ont de mieux ;
L'une , la fleur la plus nouvelle ,
Et l'autre , le vin le plus vieux.:
Chacun à vous fervir s'engage
Flore doit parer votre ſein :
Bacchus difpute l'avantage
De faire briller votre main ;
Ce Dieu veut fous vos doigts d'albâtre ,
Philis , voir couler fa liqueur :
Flore rendra tout idolâtre ,
Et Bacchus fera tout buveur .
une corbeille defleurs & un petit panier de
vin vieux,
Bacchus & Flore tête à tête ,
Par la voiture des Zéphirs ,
Sont en route pour votre fête ,
Suivis d'un effein de déſirs :
Tous deux , preffés du même zele ,
Vous portent ce qu'ils ont de mieux ;
L'une , la fleur la plus nouvelle ,
Et l'autre , le vin le plus vieux.:
Chacun à vous fervir s'engage
Flore doit parer votre ſein :
Bacchus difpute l'avantage
De faire briller votre main ;
Ce Dieu veut fous vos doigts d'albâtre ,
Philis , voir couler fa liqueur :
Flore rendra tout idolâtre ,
Et Bacchus fera tout buveur .
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Résumé : Vers à Mlle Ch... en lui envoyant par la poste une corbeille de fleurs & un petit panier de vin vieux.
Le poème envoie à Mlle Ch... une corbeille de fleurs et un panier de vin vieux. Flore et Bacchus, portés par les Zéphyrs, offrent respectivement la fleur la plus nouvelle et le vin le plus vieux. Ils promettent de servir la destinataire, Flore ornant son sein de fleurs et Bacchus souhaitant voir le vin couler entre ses doigts. Flore rendra idolâtre de ses fleurs, et Bacchus fera en sorte que tout le monde devienne buveur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 7-17
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE. Sur les Mémoires de Madame de STAAL ; à Paris, 16 Octobre 1755.
Début :
Rappellez-vous, Monsieur, notre conversation sur les Mémoires de Madame [...]
Mots clefs :
Madame de Staal, Mémoires, Plaisir, Style, Comédies, Théâtre, Ministre, Homme, Hommes
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE. Sur les Mémoires de Madame de STAAL ; à Paris, 16 Octobre 1755.
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE .
Sur les Mémoires de Madame DE STAAL ;
à Paris , 16 Octobre 1755.
Relationfur les Mémoires de Mada-
Appellez-vous , Monfieur , notre conme
de Staal. Il y avoit un tiers. Chacun y
dit fon fentiment . Je fis enfuite mes réflexions.
Je les ai écrites. Permettez - moi de .
vous les adreffer.
pas
Il y a peu de livres que j'aime autant
que les Mémoires ; je dis les Mémoires hiftoriques
, lorfque j'ai lieu de les croire
vrais , ou du moins finceres ; & je ne parle
feulement des Mémoires des hommes
d'Etat , Miniftres , Négociateurs , Généraux
d'armée , & c. en un mot , de ces
hommes qui , employées à de grandes cho-:
fes ; & , pour ainfi dire , Acteurs dans des
Tragédies , dans des Drames héroïques
ou du moins fpectateurs , & à portée de
bien voir , ont écrit ce qu'ils ont fait ou vu :
je parle des Mémoires de fimples particuliers
, hommes d'efprit , du moins de bon:
fens , hommes de réflexion , qui , fans emploi
conſidérable , Acteurs ou Spectateurs
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
de Comédies , de Drames Bourgeois , n'ont
joué ni vu jouer de rôle important & impofant
fur le Théâtre du monde. Mais il y
a fort
peu de ces Mémoires ; & j'en fuis
bien fâché.
Au refte , je ne fuis pas le feul ; &
M. l'Abbé Trublet formoit fans doute les
mêmes regrets , lorfqu'il a dit ( 1 ) à
l'occafion du reproche tant répété contre
Montaigne , d'avoir trop parlé de luimême
dans fes Effais , « Qu'il feroit à fouhaiter
qu'à l'exemple de Montaigne ,
» tant de grands Aureurs qui ont compofé
de fi beaux ouvrages , nous euffent laif-
» fé dans des Mémoires bien finceres , une
peinture fidelle de leur coeur & de leur
efprit. Il y a des Lecteurs Philofophes ,
» ajoute M. l'Abbé Trublet , qui feroient
» plus de cas de ces Mémoires que
de tous
"»leurs autres écrits ».
Philofophe ou non , je fuis de ces Lecteurs
là . Auffi ai - je lu avec le plus grand
plaifir les Mémoires de Madame de Staal.
Mais je fouhaite plus que M. l'Abbé Trublet.
Il n'invite que les grands Auteurs à écrire
des Mémoires ; j'en voudrois de tout homme
vrai & fenfé qui s'est bien connu luimême
, ne fût- il capable de les écrire que
( 1 ) Effais de Littérature & de Morale , tom. Ni
P. 77. de la derniere Edition.
DECEMBRE. 1755 9
du ftyle le plus médiocre ; & , par exemple
, je vous avoue que j'ai lu avec plaifir
jufqu'à ceux de l'Abbé de Marolles , cet
Ecrivain fi fameux par la multitude de fes
mauvaiſes traductions . On vient de réimprimer
fes Mémoires , & j'en fçais bon gré
à l'Editeur. Devenus rares , ils ne m'étoient
point tombés entre les mains ; & je
ne les connoiffois que pour en avoir entendu
parler , ou les avoir vu cités avec
éloge dans quelques livres .
Quelle idée prendrez- vous là - deſſus de
mon goût , Monfieur ? mais ne vous hâtez
pas d'en prendre une mauvaiſe ; car je vous
avertis qu'ayant avoué à plufieurs gens
d'efprit le plaifir que j'avois pris à lire ces
Mémoires de l'Abbé de Marolles , ils m'ont
fait de leur côté le même aveu ( 1 ) .
Mais puifque ces Mémoires ont plu il y
a environ cent ans , & plaiſent encore aujourd'hui
, quoique fi foiblement écrits
quels mémoires ne plairont pas , pourvu
qu'on y trouve du bon fens & de la fincérité
, fur-tout une fincérité naïve ? Mais
d'un autre côté , quels mémoires ne roulant
que fur les petits faits d'une vie pri-
( 1 ) On peut voir ce qu'en difent les Journaliftes
de Trévoux dans les Nouvelles Littéraires du
fecond tome du Journal d'Octobre 1755. page
2647.
Ay
10 MERCURE DE FRANCE.
vée , plairont après ceux de Madame de
Staal , fi bien écrits , fi beaux & fi agréables
à la fois par l'union la plus parfaite de
l'élégance & de la fimplicité , du foigné &
du naturel , de l'efprit & du goût ? Si les
Mémoires de l'Abbé de Marolles peuvent
être un encouragement pour de fimples
particuliers qui voudroient écrire auffi
leur vie tout fimplement , ceux de Madame
de Staal doivent leur infpirer beaucoup
de crainte , d'autant plus qu'on a dit
affez généralement qu'ils ne plaifoient que
par le ftyle , & que fans cet agrément , on
ne pourroit en foutenir la lecture , tant ils
font vuides de chofes . Mais je crois qu'on
s'eft trompé en parlant ainfi . Je crois que
cas petites chofes , ces menus faits , ces
riens perfonnels ou domeftiques , en un
mot , toutes ces prétendues minuties fe
font lire avec autant & plus de plaifir que
de grands faits . Je crois que les Mémoires
de fimples particuliers , homme ou
femme , attacheroient autant & plus , à
mérite égal , du moins les Lecteurs fimples
particuliers auffi ( & c'eft le grand nombre
) que les Mémoires d'un Général d'armée
, d'un Miniftre d'Etat , & c . Tout homme
eft homme , mais tout homme n'eft pas
Général d'armée , Miniftre d'Etat ; ou plutôt
la plupart des hommes ne font rien
DECEMBRE. 1755. 1 I
>
d'aprochant . Donc , tout ce qui montrera
bien l'homme , attachera plus que ce qui
ne montrera que le Général , le Miniftre ,
le Négociateur , ou même le Sçavant &
l'Homme de lettres ; & la preuve en eſt ,
que dans les Mémoires même du Général;
du Miniftre , du Négociateur , du Sçavant ,
ou dans leur hiftoire , par exemple dans
les Vies de Plutarque , dans les Eloges de
M. de Fontenelle , ce qui plaît davantage ,
c'eft , non leurs exploits , leurs négociations
, leurs travaux fçavans , mais les détails
de leur vie privée , leurs qualités fociales
, bonnes & mauvaiſes . En un mot
on fe plaît à y voir l'Homme bien plus encore
que le Général , le Négociateur , le
Sçavant , & c . Et voilà pourquoi encore on
aime tant leurs lettres , leurs lettres les plus
familieres , les lettres de l'homme , indépendamment
des anecdotes militaires
politiques & littéraires qu'on y trouve .
Je crois donc que les Mémoires de Madame
de Staal plaifent par le fonds des chofes
, auffi bien que par le ftyle ; qu'ainfi ils
ne tomberont point , & d'autant moins ,
qu'ils feront foutenus par l'un & par
l'autre
à la fois ; car je conviens que l'agrément
du ftyle y ajoute beaucoup à celui des
chofes ; mais je foutiens qu'il n'y étoit pas
auffi néceffaire qu'on le dit , & même qu'on
>
A vj
MERCURE DE FRANCE.
le croit ; & qu'on en conviendra , fi on fe
confulte , fi on s'interroge foi - même de
bonne foi , fur les caufes du plaifir avec
lequel on a lu ces Mémoires.
Mais levons une équivoque. Il n'y a
point de chofes , dit on , dans les Mémoires
de Madame de Staal , ou du moins it
y en a peu.
Cela eft vrai , fi par chofes on entend de
grands faits , des faits relatifs aux évenemens
politiques & militaires ;
Res gefta Regumque Ducumque , & triflia
bella.
Mais des faits qui peignent , outre l'Auteur
, des perfonnes de tout état , condition
, & fexe , & qui les peignent d'autant
mieux que ces faits font plus petits ,
que ce ne font que des riens ; de pareils
faits , dis- je , font des chofes , & des chofes
très agréables , très utiles même , parce
que la plus utile & la plus agréable de toutes
les connoiffances , c'eft celle de l'homme
, & des hommes relativement à la fociété
que nous avons journellement avec
eux .
Tout livre qui fait dire au Lecteur : Voilà
les hommes ; voilà ce qu'ils font , ce qu'ils
difent , & pourquoi ils le difent & le font ;
voilà le jeu de leurs petites & miférables pafDECEMBRE
. 1755. 12
fions ; les voilà au vrai & au naturel ; je
crois les voir & les entendre ; bien plus , je
vois le fond de leur ame , le dedans de la
machine , les RESSORTS DU JEU ; Tout
livre pareil intéreffe , attache , de quelque
maniere qu'il foit écrit. C'eft fur tout
de cette forte d'hiftoire qu'eft vrai le mot
de Ciceron ; Hiftoria quoquo modo fcripta delectat
. En la lifant , on croit voir ce qu'on
voit tous les jours dans le monde ; on croit
y être. Mais retourné dans ce monde après
fa lecture , on y voit bien mieux tout ce
qu'on y avoit vu auparavant. Alors on fe
rappelle le livre , & par réflexion on le
trouve encore meilleur & plus vrai .
Mais revenons à Madame de Staal. Si
ſes avantures ne font pas grandes , elles
font affez fingulieres . Son caractere perfonnel
ne l'eft pas moins . C'eft un caractere
mêlé & compofé de qualités affez
oppofées ; il en eft plus pittorefque . De
cette double fingularité , celle du caractere
& celle des circonftances dans lefquelles
Madame de Staal s'eft trouvée dès
fon enfance , il a du réfulter une vie peu
ordinaire , & qui dès lors méritoit d'être
écrite.
Je ne lui pardonne pourtant point fes
amours , ni même de les avoir écrits , du
moins dans un fi grand détail. Tout Pla
14 MERCURE DE FRANCE.
toniques que je veuille les croire , ils n'en
font pas plus innocens aux yeux des vrais
fages , des vertueux , & n'en font peutêtre
que plus ridicules aux yeux d'un certain
monde. Ils aviliffent l'Amoureuſe , &
l'ouvrage en doit fouffrir . Tout ce qui
infpire du mépris pour un Ecrivain de
Mémoires diminue le plaifir qu'on prend
à les lire , ne fût- ce qu'en diminuant l'intérêt
qu'on prend à fa perfonne. Cependant
, car il faut tout dire , les Amours de
Madame de Staal , font un trait de plus à
fon caractere. Si je l'eftime moins , par - là
je la connois mieux ; je la connois toute
entiere. D'ailleurs , ce mêlange de raifon
& de foibleffe , de grandeur , à certains
égards , & de petiteffe à d'autres , eft piquant
par le contrafte , utile même à confidérer
, & peut faire faire de bonnes réflexions
. On dira : Qu'est ce donc
que l'ef
prit contre le coeur , fur - tout chez les femmes !
Paffez-moi , Monfieur , l'application de
cette morale . Votre Mercure n'est plus le
Mercure Galant.
Les Amours de Madame Staal eurent gran
de part aux chagrins de fa vie. Tantôt elle
aima fans êtreaimée ; tantôt elle fut aimée
fans aimer. En général , on apprend dans
l'hiftoire, fur-tout dans les Mémoires , & en
particulier dans ceux de Madame de Staal,
DECEMBRE . 1755 .
combien il y a de malheureux , même parmi
les prétendus heureux ; & cela confole.
On le voit tant d'égaux en infortune
même de fupérieurs ; & on dit :
J'en connois de plus miferables.
Mais on voit encore que la principale
fource du malheur eft dans les paffions ,
dans des fautes , dans des torts , & c. Le
malheureux fe reconnoît dans ce qu'il lit ,
& fe condamne. Il n'a que ce qu'il a mérité
, & il pouvoit ne le point mériter. Il
peut même ne le mériter plus ; il peut fe
corriger & être heureux.
gran-
Si l'Hiftoire & für-tout les Mémoires
des Grands Hommes , des Hommes à
des qualités , à grands talens , font pleins
de leurs malheurs , & de malheurs bien
mérités , c'eft que les grands Hommes ont
prefque toujours de fortes paffions , fouvent
de grands vices , rarement beaucoup
de fageffe & de conduite , hors de leur
métier.
Tel Général qui n'a jamais donné aucune
prife fur lui au Général de l'armée
ennemie , en a donné mille aux ennemis
qu'il avoit dans fon armée & à la Cour de
fon Maître .
Tel beau génie a forcé fes amis d'avouer
de fa perfonne plus de mal que
fes enne16
MERCURE DE FRANCE.
mis n'en difoient de fes ouvrages , & d'abandonner
l'homme en défendant l'Auteur.
Il s'en faut bien que tous les Héros &
tous les beaux efprits foient des Sages , des
Turenne , & des Fontenelle.
La poftérité qui ne connoît ces illuftres
malheureux que par ce qu'ils avoient d'admirable
, les plaint , & en les plaignant ,
les en admire encore davantage. Leur
fiecle qui les connoiffoit mieux , ne les
plaignoit point.
Mais finiffons une lettre qui feroit bientôt
un livre , autant par le ftyle que par fa
longueur , & difons encore un mot fur
Madame de Staal.
Elle étoit Auteur , & tout le monde le
fçavoit. On fçavoit en particulier qu'elle
avoit fait des Comédies. Beaucoup de
gens les connoiffoient , & en avoient parlé
avec éloge à ceux qui ne les connoiffoient
pas. On fçavoit moins généralement
qu'elle eût écrit des Mémoires. Le Public
défiroit donc beaucoup l'impreffion de ces
Comédies. C'eft par- là qu'il falloit commencer
, & annoncer en même- tems les
Mémoires. Elles les euffent fait encore
plus défirer qu'on ne les défiroit ellesmêmes.
J'ajoute que lues les premieres ,
elles l'auroient été avec plus de plaifir.
Elles ont été moins critiquées , on en a
DECEMBRE. 1755. 17
moins parlé , elles ont moins affecté , elles
ont moins plu que les Mémoires. Eft- ce
qu'elles font moins bonnes en leur genre ?
Je le crois je n'en fçais pourtant rien ; &
je me recufe là- deffus. Mais je fçais que
les Mémoires font un genre plus agréable ,
c'est-à- dire , plus piquant , plus attachant
que les Comédies , du moins fi on ne fait
que lire celles - ci . Dans les uns , c'eſt du
vrai réel , du vrai hiftorique , dans les autres
, ce n'eft que du vrai imité , du vrai
poétique , feulement un peu réalisé par
l'illufion du Théâtre. D'ailleurs j'ai trouvé
trop de charge dans les deux pieces de Madame
de Staal. Enfin , fi elle dialogue bien,
à mon avis elle raconte encore mieux .
Quant à ce qu'on appelle action , &
unité d'action , intrigue bien liée & bien
fuivie , dépendance néceffaire des évenemens
, &c. j'ai entendu dire que tout cela
manque aux deux pieces , & qu'ainfi elles
ne réuffiroient point au Théâtre , du
moins au Théâtre public. Mais encore une
fois , je me récufe ; je m'en rapporte aux
connoiffeurs , fur- tour à vous , Monfieur ,
qu'ils ont fi fouvent applaudi ; & je fuis
très-parfaitement , &c.
A L'AUTEUR DU MERCURE .
Sur les Mémoires de Madame DE STAAL ;
à Paris , 16 Octobre 1755.
Relationfur les Mémoires de Mada-
Appellez-vous , Monfieur , notre conme
de Staal. Il y avoit un tiers. Chacun y
dit fon fentiment . Je fis enfuite mes réflexions.
Je les ai écrites. Permettez - moi de .
vous les adreffer.
pas
Il y a peu de livres que j'aime autant
que les Mémoires ; je dis les Mémoires hiftoriques
, lorfque j'ai lieu de les croire
vrais , ou du moins finceres ; & je ne parle
feulement des Mémoires des hommes
d'Etat , Miniftres , Négociateurs , Généraux
d'armée , & c. en un mot , de ces
hommes qui , employées à de grandes cho-:
fes ; & , pour ainfi dire , Acteurs dans des
Tragédies , dans des Drames héroïques
ou du moins fpectateurs , & à portée de
bien voir , ont écrit ce qu'ils ont fait ou vu :
je parle des Mémoires de fimples particuliers
, hommes d'efprit , du moins de bon:
fens , hommes de réflexion , qui , fans emploi
conſidérable , Acteurs ou Spectateurs
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
de Comédies , de Drames Bourgeois , n'ont
joué ni vu jouer de rôle important & impofant
fur le Théâtre du monde. Mais il y
a fort
peu de ces Mémoires ; & j'en fuis
bien fâché.
Au refte , je ne fuis pas le feul ; &
M. l'Abbé Trublet formoit fans doute les
mêmes regrets , lorfqu'il a dit ( 1 ) à
l'occafion du reproche tant répété contre
Montaigne , d'avoir trop parlé de luimême
dans fes Effais , « Qu'il feroit à fouhaiter
qu'à l'exemple de Montaigne ,
» tant de grands Aureurs qui ont compofé
de fi beaux ouvrages , nous euffent laif-
» fé dans des Mémoires bien finceres , une
peinture fidelle de leur coeur & de leur
efprit. Il y a des Lecteurs Philofophes ,
» ajoute M. l'Abbé Trublet , qui feroient
» plus de cas de ces Mémoires que
de tous
"»leurs autres écrits ».
Philofophe ou non , je fuis de ces Lecteurs
là . Auffi ai - je lu avec le plus grand
plaifir les Mémoires de Madame de Staal.
Mais je fouhaite plus que M. l'Abbé Trublet.
Il n'invite que les grands Auteurs à écrire
des Mémoires ; j'en voudrois de tout homme
vrai & fenfé qui s'est bien connu luimême
, ne fût- il capable de les écrire que
( 1 ) Effais de Littérature & de Morale , tom. Ni
P. 77. de la derniere Edition.
DECEMBRE. 1755 9
du ftyle le plus médiocre ; & , par exemple
, je vous avoue que j'ai lu avec plaifir
jufqu'à ceux de l'Abbé de Marolles , cet
Ecrivain fi fameux par la multitude de fes
mauvaiſes traductions . On vient de réimprimer
fes Mémoires , & j'en fçais bon gré
à l'Editeur. Devenus rares , ils ne m'étoient
point tombés entre les mains ; & je
ne les connoiffois que pour en avoir entendu
parler , ou les avoir vu cités avec
éloge dans quelques livres .
Quelle idée prendrez- vous là - deſſus de
mon goût , Monfieur ? mais ne vous hâtez
pas d'en prendre une mauvaiſe ; car je vous
avertis qu'ayant avoué à plufieurs gens
d'efprit le plaifir que j'avois pris à lire ces
Mémoires de l'Abbé de Marolles , ils m'ont
fait de leur côté le même aveu ( 1 ) .
Mais puifque ces Mémoires ont plu il y
a environ cent ans , & plaiſent encore aujourd'hui
, quoique fi foiblement écrits
quels mémoires ne plairont pas , pourvu
qu'on y trouve du bon fens & de la fincérité
, fur-tout une fincérité naïve ? Mais
d'un autre côté , quels mémoires ne roulant
que fur les petits faits d'une vie pri-
( 1 ) On peut voir ce qu'en difent les Journaliftes
de Trévoux dans les Nouvelles Littéraires du
fecond tome du Journal d'Octobre 1755. page
2647.
Ay
10 MERCURE DE FRANCE.
vée , plairont après ceux de Madame de
Staal , fi bien écrits , fi beaux & fi agréables
à la fois par l'union la plus parfaite de
l'élégance & de la fimplicité , du foigné &
du naturel , de l'efprit & du goût ? Si les
Mémoires de l'Abbé de Marolles peuvent
être un encouragement pour de fimples
particuliers qui voudroient écrire auffi
leur vie tout fimplement , ceux de Madame
de Staal doivent leur infpirer beaucoup
de crainte , d'autant plus qu'on a dit
affez généralement qu'ils ne plaifoient que
par le ftyle , & que fans cet agrément , on
ne pourroit en foutenir la lecture , tant ils
font vuides de chofes . Mais je crois qu'on
s'eft trompé en parlant ainfi . Je crois que
cas petites chofes , ces menus faits , ces
riens perfonnels ou domeftiques , en un
mot , toutes ces prétendues minuties fe
font lire avec autant & plus de plaifir que
de grands faits . Je crois que les Mémoires
de fimples particuliers , homme ou
femme , attacheroient autant & plus , à
mérite égal , du moins les Lecteurs fimples
particuliers auffi ( & c'eft le grand nombre
) que les Mémoires d'un Général d'armée
, d'un Miniftre d'Etat , & c . Tout homme
eft homme , mais tout homme n'eft pas
Général d'armée , Miniftre d'Etat ; ou plutôt
la plupart des hommes ne font rien
DECEMBRE. 1755. 1 I
>
d'aprochant . Donc , tout ce qui montrera
bien l'homme , attachera plus que ce qui
ne montrera que le Général , le Miniftre ,
le Négociateur , ou même le Sçavant &
l'Homme de lettres ; & la preuve en eſt ,
que dans les Mémoires même du Général;
du Miniftre , du Négociateur , du Sçavant ,
ou dans leur hiftoire , par exemple dans
les Vies de Plutarque , dans les Eloges de
M. de Fontenelle , ce qui plaît davantage ,
c'eft , non leurs exploits , leurs négociations
, leurs travaux fçavans , mais les détails
de leur vie privée , leurs qualités fociales
, bonnes & mauvaiſes . En un mot
on fe plaît à y voir l'Homme bien plus encore
que le Général , le Négociateur , le
Sçavant , & c . Et voilà pourquoi encore on
aime tant leurs lettres , leurs lettres les plus
familieres , les lettres de l'homme , indépendamment
des anecdotes militaires
politiques & littéraires qu'on y trouve .
Je crois donc que les Mémoires de Madame
de Staal plaifent par le fonds des chofes
, auffi bien que par le ftyle ; qu'ainfi ils
ne tomberont point , & d'autant moins ,
qu'ils feront foutenus par l'un & par
l'autre
à la fois ; car je conviens que l'agrément
du ftyle y ajoute beaucoup à celui des
chofes ; mais je foutiens qu'il n'y étoit pas
auffi néceffaire qu'on le dit , & même qu'on
>
A vj
MERCURE DE FRANCE.
le croit ; & qu'on en conviendra , fi on fe
confulte , fi on s'interroge foi - même de
bonne foi , fur les caufes du plaifir avec
lequel on a lu ces Mémoires.
Mais levons une équivoque. Il n'y a
point de chofes , dit on , dans les Mémoires
de Madame de Staal , ou du moins it
y en a peu.
Cela eft vrai , fi par chofes on entend de
grands faits , des faits relatifs aux évenemens
politiques & militaires ;
Res gefta Regumque Ducumque , & triflia
bella.
Mais des faits qui peignent , outre l'Auteur
, des perfonnes de tout état , condition
, & fexe , & qui les peignent d'autant
mieux que ces faits font plus petits ,
que ce ne font que des riens ; de pareils
faits , dis- je , font des chofes , & des chofes
très agréables , très utiles même , parce
que la plus utile & la plus agréable de toutes
les connoiffances , c'eft celle de l'homme
, & des hommes relativement à la fociété
que nous avons journellement avec
eux .
Tout livre qui fait dire au Lecteur : Voilà
les hommes ; voilà ce qu'ils font , ce qu'ils
difent , & pourquoi ils le difent & le font ;
voilà le jeu de leurs petites & miférables pafDECEMBRE
. 1755. 12
fions ; les voilà au vrai & au naturel ; je
crois les voir & les entendre ; bien plus , je
vois le fond de leur ame , le dedans de la
machine , les RESSORTS DU JEU ; Tout
livre pareil intéreffe , attache , de quelque
maniere qu'il foit écrit. C'eft fur tout
de cette forte d'hiftoire qu'eft vrai le mot
de Ciceron ; Hiftoria quoquo modo fcripta delectat
. En la lifant , on croit voir ce qu'on
voit tous les jours dans le monde ; on croit
y être. Mais retourné dans ce monde après
fa lecture , on y voit bien mieux tout ce
qu'on y avoit vu auparavant. Alors on fe
rappelle le livre , & par réflexion on le
trouve encore meilleur & plus vrai .
Mais revenons à Madame de Staal. Si
ſes avantures ne font pas grandes , elles
font affez fingulieres . Son caractere perfonnel
ne l'eft pas moins . C'eft un caractere
mêlé & compofé de qualités affez
oppofées ; il en eft plus pittorefque . De
cette double fingularité , celle du caractere
& celle des circonftances dans lefquelles
Madame de Staal s'eft trouvée dès
fon enfance , il a du réfulter une vie peu
ordinaire , & qui dès lors méritoit d'être
écrite.
Je ne lui pardonne pourtant point fes
amours , ni même de les avoir écrits , du
moins dans un fi grand détail. Tout Pla
14 MERCURE DE FRANCE.
toniques que je veuille les croire , ils n'en
font pas plus innocens aux yeux des vrais
fages , des vertueux , & n'en font peutêtre
que plus ridicules aux yeux d'un certain
monde. Ils aviliffent l'Amoureuſe , &
l'ouvrage en doit fouffrir . Tout ce qui
infpire du mépris pour un Ecrivain de
Mémoires diminue le plaifir qu'on prend
à les lire , ne fût- ce qu'en diminuant l'intérêt
qu'on prend à fa perfonne. Cependant
, car il faut tout dire , les Amours de
Madame de Staal , font un trait de plus à
fon caractere. Si je l'eftime moins , par - là
je la connois mieux ; je la connois toute
entiere. D'ailleurs , ce mêlange de raifon
& de foibleffe , de grandeur , à certains
égards , & de petiteffe à d'autres , eft piquant
par le contrafte , utile même à confidérer
, & peut faire faire de bonnes réflexions
. On dira : Qu'est ce donc
que l'ef
prit contre le coeur , fur - tout chez les femmes !
Paffez-moi , Monfieur , l'application de
cette morale . Votre Mercure n'est plus le
Mercure Galant.
Les Amours de Madame Staal eurent gran
de part aux chagrins de fa vie. Tantôt elle
aima fans êtreaimée ; tantôt elle fut aimée
fans aimer. En général , on apprend dans
l'hiftoire, fur-tout dans les Mémoires , & en
particulier dans ceux de Madame de Staal,
DECEMBRE . 1755 .
combien il y a de malheureux , même parmi
les prétendus heureux ; & cela confole.
On le voit tant d'égaux en infortune
même de fupérieurs ; & on dit :
J'en connois de plus miferables.
Mais on voit encore que la principale
fource du malheur eft dans les paffions ,
dans des fautes , dans des torts , & c. Le
malheureux fe reconnoît dans ce qu'il lit ,
& fe condamne. Il n'a que ce qu'il a mérité
, & il pouvoit ne le point mériter. Il
peut même ne le mériter plus ; il peut fe
corriger & être heureux.
gran-
Si l'Hiftoire & für-tout les Mémoires
des Grands Hommes , des Hommes à
des qualités , à grands talens , font pleins
de leurs malheurs , & de malheurs bien
mérités , c'eft que les grands Hommes ont
prefque toujours de fortes paffions , fouvent
de grands vices , rarement beaucoup
de fageffe & de conduite , hors de leur
métier.
Tel Général qui n'a jamais donné aucune
prife fur lui au Général de l'armée
ennemie , en a donné mille aux ennemis
qu'il avoit dans fon armée & à la Cour de
fon Maître .
Tel beau génie a forcé fes amis d'avouer
de fa perfonne plus de mal que
fes enne16
MERCURE DE FRANCE.
mis n'en difoient de fes ouvrages , & d'abandonner
l'homme en défendant l'Auteur.
Il s'en faut bien que tous les Héros &
tous les beaux efprits foient des Sages , des
Turenne , & des Fontenelle.
La poftérité qui ne connoît ces illuftres
malheureux que par ce qu'ils avoient d'admirable
, les plaint , & en les plaignant ,
les en admire encore davantage. Leur
fiecle qui les connoiffoit mieux , ne les
plaignoit point.
Mais finiffons une lettre qui feroit bientôt
un livre , autant par le ftyle que par fa
longueur , & difons encore un mot fur
Madame de Staal.
Elle étoit Auteur , & tout le monde le
fçavoit. On fçavoit en particulier qu'elle
avoit fait des Comédies. Beaucoup de
gens les connoiffoient , & en avoient parlé
avec éloge à ceux qui ne les connoiffoient
pas. On fçavoit moins généralement
qu'elle eût écrit des Mémoires. Le Public
défiroit donc beaucoup l'impreffion de ces
Comédies. C'eft par- là qu'il falloit commencer
, & annoncer en même- tems les
Mémoires. Elles les euffent fait encore
plus défirer qu'on ne les défiroit ellesmêmes.
J'ajoute que lues les premieres ,
elles l'auroient été avec plus de plaifir.
Elles ont été moins critiquées , on en a
DECEMBRE. 1755. 17
moins parlé , elles ont moins affecté , elles
ont moins plu que les Mémoires. Eft- ce
qu'elles font moins bonnes en leur genre ?
Je le crois je n'en fçais pourtant rien ; &
je me recufe là- deffus. Mais je fçais que
les Mémoires font un genre plus agréable ,
c'est-à- dire , plus piquant , plus attachant
que les Comédies , du moins fi on ne fait
que lire celles - ci . Dans les uns , c'eſt du
vrai réel , du vrai hiftorique , dans les autres
, ce n'eft que du vrai imité , du vrai
poétique , feulement un peu réalisé par
l'illufion du Théâtre. D'ailleurs j'ai trouvé
trop de charge dans les deux pieces de Madame
de Staal. Enfin , fi elle dialogue bien,
à mon avis elle raconte encore mieux .
Quant à ce qu'on appelle action , &
unité d'action , intrigue bien liée & bien
fuivie , dépendance néceffaire des évenemens
, &c. j'ai entendu dire que tout cela
manque aux deux pieces , & qu'ainfi elles
ne réuffiroient point au Théâtre , du
moins au Théâtre public. Mais encore une
fois , je me récufe ; je m'en rapporte aux
connoiffeurs , fur- tour à vous , Monfieur ,
qu'ils ont fi fouvent applaudi ; & je fuis
très-parfaitement , &c.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE. Sur les Mémoires de Madame de STAAL ; à Paris, 16 Octobre 1755.
La lettre datée du 16 octobre 1755 traite des Mémoires de Madame de Staal. L'auteur exprime son admiration pour les mémoires historiques sincères, en particulier ceux des hommes d'État, négociateurs et généraux. Il regrette le manque de mémoires de simples particuliers, bien que ceux-ci soient rares. L'abbé Trublet partage ce regret, souhaitant que des auteurs célèbres écrivent des mémoires sincères. L'auteur apprécie les Mémoires de Madame de Staal et souhaite que tout homme sincère et réfléchissant écrive ses mémoires, indépendamment de son style. Il cite les Mémoires de l'abbé de Marolles comme exemple de mémoires appréciés malgré un style médiocre. Il affirme que les mémoires de simples particuliers peuvent être aussi intéressants que ceux des grands hommes, car ils montrent l'homme dans sa vie quotidienne. L'auteur conteste l'idée que les Mémoires de Madame de Staal plaisent seulement par leur style. Il soutient que les petits faits de la vie privée sont tout aussi intéressants que les grands événements. Il admire le caractère unique de Madame de Staal et les circonstances de sa vie, bien qu'il critique ses amours détaillées dans les mémoires. La lettre se termine par une réflexion sur les malheurs des grands hommes et l'importance des mémoires pour comprendre la nature humaine. L'auteur suggère que les comédies de Madame de Staal auraient dû être publiées avant ses mémoires pour susciter plus d'intérêt. Il conclut en préférant le style narratif des mémoires à celui des comédies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 18-19
VERS A Madame de la Tour, par M. de Bastide.
Début :
Tu chantes comme Eglé, [...]
Mots clefs :
Talents, Amour, Bonheur, Voix, Amant
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texteReconnaissance textuelle : VERS A Madame de la Tour, par M. de Bastide.
VERS
A Madame de la Tour , par M. de Baftide.
Tu
chantes
comme Eglé ,
Tu rimes comme Ovide ;
A tes talens le gout préfide ,
Il devient une volupté.
Si tu chantes l'amour ; la vertu , la fierté ,
Difparoiffent d'un coeur infenfible ou févere :
La douceur de ta voix change en réalité
Le bonheur d'un amant qui n'eft qu'imaginatre ;
Et l'on prend tes accens dont on eft enchanté ,
Pour les garants d'un bien qui devient néceſſaire
A la félicité.
Si tu peins un amant perfide ,
On le voit , on le hait ; on eft épouvanté
Du crime d'un ingrat trop bien repréſenté,
Et fon horreur décide
A la fidélité.
Si du chant des oifeaux ton luth dépofitaire ,
Unit les doux accens aux accords de ta voix ,
On fent tout leur bonheur qui fe peint ſous tes
Et
par
doigts ,
l'effet involontaire
D'un concert plus doux mille fois
DECEMBRE . 12 1755 .
Que les bruyans concerts des Rois ,
On devient berger ou bergere:
Et l'on croit être dans les bois.
Ton efprit naturel & tendre
Sçait parfaitement aſſortir
L'art de faire penſer & l'art de divertir ;
Et qui ne fçait pas bien t'entendre ,
N'eftguere digne de fentir.
Sans affectation , fans faux air de molleffe ,
Dans tout ce que tu fais , tu répands la tendreffe :
Tes talens femblent nés d'un amoureux penchant
;
On voit que l'amour t'intéreſſe ,
Non par l'effet de la foibleffe ,
Mais par l'attrait du fentiment.
Puiffe à jamais un fi doux avantage
Conferver fon prix à tes yeux ;
Puiffe Apollon , puiffe l'amour heureux ,
T'allurer , chaque jour , nos coeurs & notre hommage
,
En t'infpirant des champs harmonieux !
On s'illuftre par leur langage ,
Et l'on s'embellit par leurs feux.
Les talens font le premier gage
De la faveur des Dieux ;
Ils n'ont au-deffus d'eux
Que l'art d'en faire un immortel ufage.
A Madame de la Tour , par M. de Baftide.
Tu
chantes
comme Eglé ,
Tu rimes comme Ovide ;
A tes talens le gout préfide ,
Il devient une volupté.
Si tu chantes l'amour ; la vertu , la fierté ,
Difparoiffent d'un coeur infenfible ou févere :
La douceur de ta voix change en réalité
Le bonheur d'un amant qui n'eft qu'imaginatre ;
Et l'on prend tes accens dont on eft enchanté ,
Pour les garants d'un bien qui devient néceſſaire
A la félicité.
Si tu peins un amant perfide ,
On le voit , on le hait ; on eft épouvanté
Du crime d'un ingrat trop bien repréſenté,
Et fon horreur décide
A la fidélité.
Si du chant des oifeaux ton luth dépofitaire ,
Unit les doux accens aux accords de ta voix ,
On fent tout leur bonheur qui fe peint ſous tes
Et
par
doigts ,
l'effet involontaire
D'un concert plus doux mille fois
DECEMBRE . 12 1755 .
Que les bruyans concerts des Rois ,
On devient berger ou bergere:
Et l'on croit être dans les bois.
Ton efprit naturel & tendre
Sçait parfaitement aſſortir
L'art de faire penſer & l'art de divertir ;
Et qui ne fçait pas bien t'entendre ,
N'eftguere digne de fentir.
Sans affectation , fans faux air de molleffe ,
Dans tout ce que tu fais , tu répands la tendreffe :
Tes talens femblent nés d'un amoureux penchant
;
On voit que l'amour t'intéreſſe ,
Non par l'effet de la foibleffe ,
Mais par l'attrait du fentiment.
Puiffe à jamais un fi doux avantage
Conferver fon prix à tes yeux ;
Puiffe Apollon , puiffe l'amour heureux ,
T'allurer , chaque jour , nos coeurs & notre hommage
,
En t'infpirant des champs harmonieux !
On s'illuftre par leur langage ,
Et l'on s'embellit par leurs feux.
Les talens font le premier gage
De la faveur des Dieux ;
Ils n'ont au-deffus d'eux
Que l'art d'en faire un immortel ufage.
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Résumé : VERS A Madame de la Tour, par M. de Bastide.
Le texte est une lettre poétique de M. de Baftide à Madame de la Tour, datée du 12 décembre 1755. L'auteur y loue les talents exceptionnels de Madame de la Tour en chant et en poésie, comparant ses chants à ceux d'Églé et ses rimes à celles d'Ovide. Il souligne que ses performances évoquent des émotions profondes, transformant l'imaginaire en réalité et inspirant la vertu et la fidélité. La voix de Madame de la Tour représente authentiquement divers sentiments, tels que l'amour, la perfidie ou la douceur. Son esprit naturel et tendre combine l'art de faire réfléchir et de divertir. L'auteur admire la tendresse et l'authenticité de ses talents, nés d'un véritable intérêt pour l'amour. Il souhaite que ses talents continuent de lui apporter honneur et admiration, et qu'ils lui permettent de s'illustrer et de s'embellir par leur langage et leurs feux. Les talents sont présentés comme un gage de la faveur des Dieux et un moyen d'atteindre l'immortalité.
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6
p. 20-22
Ouverture du Ballet des Fêtes de Thalie. PARODIE. LE PHILOSOPHE AIMABLE.
Début :
Vous, qui courez [...]
Mots clefs :
Heureux, Plaisirs, Ballet
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texteReconnaissance textuelle : Ouverture du Ballet des Fêtes de Thalie. PARODIE. LE PHILOSOPHE AIMABLE.
Ouverture du Ballet des Fêtes de Thalie.
PARODI E.
LE PHILOSOPHE AIMABLE.
Vous ,qui courez
Après l'éclat & l'opulence ;
Qui dévorez
Tous les plaifirs outrés ;
Que je vous plains ! la moindre décadence
Vous met au rang des hommes égarés.
La trop aimable fagefle
Qui doit charmer
Sçait animer
L'honneur , le devoir & la tendreffe.
Pourquoi
Ne pas écouter fa loi ,
Qui , fans condamner les defirs,
Semble approuver fouvent l'ufage des plaifirs
Partiſan de ſon ſyſtême ,
Je ris , & j'aime
Sincerement ,
Conftamment ,
Qui ? ma femme ſeulement ;
Et fans redouter les rieurs ,
Les froids railleurs ,
Les moqueurs ,
Je ne fçais point aimer ailleurs.
DECEMBRE. 28
1755.
Je reçois dans ma retraite
Mes amis ;
A ce que chacun ſouhaite
J'applaudis ,
En menageant les eſprits ;
Et quand je vois la fin d'une Comete ,
Sans fracas ,
Trois petits plats
Affez délicats
A deux font offerts tout baş,
Minuit fonne , je me couche.
Dieux ! pour lors
Comme heureux époux je touche
Des trésors.
L'amour ſe retire , & je m'endors
Affez fouvent fur la bonne bouche,
Mais le jour venu
De mon revenu
Je vois fi tout s'eft foutenu.
Si-tôt que ma maiſon
Eft fur le ton
De la raison ,
Je lis Caton ,
Baile , Newton ,
Rollin , Platon ,
Anacréon ,
Arnaud , Virgile , Horace , ou Ciceron.
Entre-nous
Que les four
22 MERCURE DE FRANCE.
Me critiquent.
S'ils m'indiquent
L'art heureux
De vivre mieux ,
Je me rends , & fuis pour eux.
Par M. Fuzillier , à Amiens .
PARODI E.
LE PHILOSOPHE AIMABLE.
Vous ,qui courez
Après l'éclat & l'opulence ;
Qui dévorez
Tous les plaifirs outrés ;
Que je vous plains ! la moindre décadence
Vous met au rang des hommes égarés.
La trop aimable fagefle
Qui doit charmer
Sçait animer
L'honneur , le devoir & la tendreffe.
Pourquoi
Ne pas écouter fa loi ,
Qui , fans condamner les defirs,
Semble approuver fouvent l'ufage des plaifirs
Partiſan de ſon ſyſtême ,
Je ris , & j'aime
Sincerement ,
Conftamment ,
Qui ? ma femme ſeulement ;
Et fans redouter les rieurs ,
Les froids railleurs ,
Les moqueurs ,
Je ne fçais point aimer ailleurs.
DECEMBRE. 28
1755.
Je reçois dans ma retraite
Mes amis ;
A ce que chacun ſouhaite
J'applaudis ,
En menageant les eſprits ;
Et quand je vois la fin d'une Comete ,
Sans fracas ,
Trois petits plats
Affez délicats
A deux font offerts tout baş,
Minuit fonne , je me couche.
Dieux ! pour lors
Comme heureux époux je touche
Des trésors.
L'amour ſe retire , & je m'endors
Affez fouvent fur la bonne bouche,
Mais le jour venu
De mon revenu
Je vois fi tout s'eft foutenu.
Si-tôt que ma maiſon
Eft fur le ton
De la raison ,
Je lis Caton ,
Baile , Newton ,
Rollin , Platon ,
Anacréon ,
Arnaud , Virgile , Horace , ou Ciceron.
Entre-nous
Que les four
22 MERCURE DE FRANCE.
Me critiquent.
S'ils m'indiquent
L'art heureux
De vivre mieux ,
Je me rends , & fuis pour eux.
Par M. Fuzillier , à Amiens .
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Résumé : Ouverture du Ballet des Fêtes de Thalie. PARODIE. LE PHILOSOPHE AIMABLE.
Le texte 'Le Philosophe aimable' du 'Ballet des Fêtes de Thalie' décrit un philosophe qui méprise l'éclat et l'opulence, préférant les plaisirs modérés. Il valorise l'honneur, le devoir et la tendresse, et choisit de n'aimer que sa femme, indifférent aux moqueurs. Le 28 décembre 1755, il invite ses amis dans sa retraite, leur offre un repas délicat à minuit, et se couche heureux. Le lendemain, il découvre que ses revenus ont disparu. Lorsqu'il vit raisonnablement, il lit des auteurs classiques tels que Caton, Newton, Rollin, Platon, Anacréon, Arnaud, Virgile, Horace ou Cicéron. Il est ouvert aux critiques constructives qui pourraient lui apprendre à vivre mieux. Le texte est publié par M. Fuzillier à Amiens dans le Mercure de France.
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7
p. 22-32
LA PERRUCHE GOUVERNANTE. CONTE ORIENTAL. Par une jeune personne de Province, âgée de 14 ans.
Début :
SUHRID, riche Négociant de Bagdat, avoit une fille d'une beauté singuliere, [...]
Mots clefs :
Perruche, Yeux, Coeur, Théâtre, Talent, Gouvernante, Opéra, Sentiments, Chanter
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texteReconnaissance textuelle : LA PERRUCHE GOUVERNANTE. CONTE ORIENTAL. Par une jeune personne de Province, âgée de 14 ans.
LA PERRUCHE GOUVERNANTE .
CONTE ORIENTAL ,
Par une jeune perfonne de Province , âgée
de 14 ans.
UHRID , riche Négociant de Bagdat ,
avoit une fille d'une beauté finguliere ,
& une perruche d'un mérite encore plus
furprenant. Elle n'avoit pas feulement le
talent de parler , elle avoit encore la faculté
de penfer. Elle avoit des fentimens ,
elle avoit des moeurs . C'étoit dans des tems
éloignés où tout étoit poffible. Suhrid
qui connoiffoit le prix de tant de rares
qualités , l'avoit établie Gouvernante de
fa maiſon , & particulierement de la jeune
Banou fa fille. Obligé de faire un voyage
pour le bien de fon commerce , il lui recommanda
ce précieux dépôt , & lui dit
avant fon départ : Zaïre , je confie Banou
à votre fageffe ; elle n'a que quinze ans ,
DECEMBRE . 1755. 23
elle eft fans experience , elle eft ingenue ;
mais elle a l'humeur vive , & je lui crois
le coeur fenfible ; elle tient de fa mere :
veillez fur fa conduite , & fur-tout prenez
foin d'écarter tous les objets qui pourroient
la féduire. Oh ! oh ! ne craignez
rien , lui répondit la perruche , repofezvous
fur mon zele & fur mon adreffe.
Votre fille aime les contes par-deffus toutes
chofes. Elle me prie à chaque inſtant
de lui en dire , & quitte tout pour les enrendre.
Quand un jeune féducteur viendra
s'offrir à fa vue , je lui conterai vîte
une hiftoire , où je lui ferai fentir adroitement
le danger du piége qu'on lui dreffe .
Par cette innocente rufe j'aurai l'efprit de
l'en garantir en l'amufant ; mais , ajoutat'elle
, revenez dans un mois . Si votre
abfence dure davantage , je ne réponds
plus de Banou je n'ai ma provifion de
contes que jufqu'à ce tems là ; je vous en
avertis. Suhrid lui promit de ne pas paffer
ce terme. Il appella enfuite fa fille ,
lui ordonna expreffément de ne rien faire
fans confulter fa bonne , l'embraffa , &
partit .
Almanzor , un jeune chanteur étoit
voifin de Banou ; il l'avoit apperçue à fa
fenêtre , qui étoit vis -à- vis de la fienne ,
& fa beauté l'avoit frappé . Elle l'avoit en-
7
24 MERCURE DE FRANCE.
tendu chanter , & fon coeur en avoit été
ému. Une après-midi que la perruche s'étoit
endormie , un ferin partit de l'appartement
d'Almanzor , & vola fur la toilette
de Banou , qui rajuftoit une boucle de
fes cheveux, & lui préfenta un billet qu'il
tenoit dans fon bec. Banou careffe l'oifeau
& prend le papier qu'elle lit. La perruche
s'éveille , & fond fur le ferin qu'elle
auroit déchiré , fi Banou ne l'avoit arraché
de fes griffes cruelles. Sa jeune éleve
furpriſe d'une colere fi violente , lui en
demande le fujet. Zaïre lui répond qu'elle
en a de fortes raifons , qu'un ferin a caufé
le malheur de fa vie , & qu'elle eft prête à
lui en raconter l'hiftoire , mais qu'elle
veut auparavant lire le billet qu'on lui a
écrit. Le Lecteur fera peut-être étonné de
voir une perruche qui fçait lire , mais elle
n'eft pas la feule. Banou remet à fa Bonne
le poulet , qui étoit conçu en ces termes :
Charmante Banou , de grace , apprenez
la mufique . Ce talent manque à vos charmes.
Je puis dire fans vanité que je fuis le
premier homme de Bagdat , pour montrer le
gout du chant. J'ai compofe le duo le plus
charmant du monde. Marquez moi l'heure
où votre Duegne fera la méridienne . Je volerai
dans votre chambre pour vous l'apprendre.
Quel plaifir de chanter d'accord avcc
vous!
Ah !
DECEMBRE . 1755 . 25.
Ah ! le petit fripon , s'écria la perruche ;
ah ! le petit fcélerat , qui ne vous offre fes
fervices que pour tromper votre innocence
! Non , non , interrompit Banou ; il eſt
trop joli pour me tromper : c'eft parce qu'il
eft joli , qu'il en eft plus à craindre , reprit
la Gouvernante. Oh ! j'aime la mufique ,
ma Bonne dites le Muficien , ma fille ;
mais il ne vous convient pas , contentezyous
de votre maître à danfer. Il eft
trop
laid , il n'eft plus jeune , dit la pupille.
Votre voix eft rebelle au chant , infifta la
perruche : vous avez la jambe brillante ,
vous danfez avec grace. C'eft votre talent ;
tenez - vous - y. Vous chanterez à faire
peur , ce fera votre perte : vous vous rendrez
ridicule. Croyez en mon expérience.
J'étois dans le même cas , & j'ai donné
bêtement dans le piege qu'on vient de vous
tendre. Il ne faut jamais fe déplacer. Pour
vous en convaincre , écoutez mon hif
toire,
LE RISQUE DU DEPLACEMENT ;
Aventure qui n'est pas fans exemple.
J
E fuis née dans l'ifle des oifeaux , pays
heureux où notre efpece domine . La
candeur y regnoit avec elle. Il n'y avoit
II. Vol.
B
26 MERCURE DE FRANCE.
point d'hommes mais des oifeaux d'Afie
& d'Europe , inftruits par eux , font venus
s'y établir , ont ufurpé le trône , & perverti
nos moeurs. Un aigle étoit Roi de
l'ifle ; il étoit fier , mais il aimoit les arts ,
il les appelloit à fa Cour. La Comédie &
l'Opera partageoient fes amuſemens. Mon
pere étoit Comédien de la troupe du Prince
, il y jouoit les Rois. Comme mon plumage
étoit diftingué , que j'avois le maintien
noble , la parole aifée , & la prononciation
parfaite , il me fit débuter dans les
rôles de Princeffe. F'y réuffis parfaitement.
On n'entendit que des cris d'admiration
& des battemens d'aîles dans toute la falle.
Le fuccès fut tous les jours en croiffant. Il
me fit donner le nom de Zaïre , que j'ai
toujours porté , & m'attira des adorateurs
en foule , au point que j'en fus excédée.
>
Pour m'en débarraffer avec décence ;
mais contre l'efprit de mon état , j'étois
fur le point de faire choix d'un mari , &
de l'aveu de mon pere , j'avois jetté les
yeux fur un perroquet bouffon qui me faifoit
rire. Il repréfentoit les valers , & s'appelloit
la Verdure . Ce mariage étoit affor
ti. Il étoit Comédien aimé , & j'étois Actrice
à la mode : Mais un foir que j'avois
enchanté toute la Cour , Médor , un charmant
petit ferin vint m'exprimer fon raDECEMBRE.
1755. 27
viffement dans ma loge , avec des fons fi
touchans , que je fus fenfible à la douceur
de fon ramage . Pour m'achever , je fus le
lendemain à l'Opera . Medor y chantoit la
haute-contre. Il me vit dans une premiere
loge ; mes yeux qui l'applaudiffoient , animerent
fon expreffion , & firent paffer tout
leur feu dans fon organe. Il fe furpaffa.
Toute l'affemblée fortit enivrée de plaifir ,
& je m'en retournai folle d'amour . La tête
m'en tourna . Medor s'en apperçut ; le
fripon en profita , ou plutot il en abuſa
pour me perdre .
Deux jours après je le rencontrai au bal,
& nous nous arrangeâmes. Comme j'ai
toujours confulté la décence , que je craignois
les reproches de mon pere , & que le
myftere étoit de mon gout , je le priai de
ne me voir qu'en bonne fortune , & de
cacher bien fa flamme. Pendant trois mois
il fut auffi difcret que fidele ; mais au
bout de ce terme fon coeur me fut enlevé
par les agaceries d'une petite effrontée
d'une jeune linotte , dont le début à l'Opera
avoit réuffi , graces à fon manége plûtot
qu'à fon talent. Il me cacha d'abord
fon inconftance , & nous nous voyons toujours
fecrétement dans une petite maiſon
qu'il avoit louée dans un fauxbourg. En
ces circonftances la Verdure me preffa de
Bij
28 MERCURE DE FRANCE:
conclure notre hymen, mais mon coeur &
mes yeux étoient changés. La comparaifon
que j'en fis alors avec mon beau ferin
l'enlaidit fi fort à ma vue , & je le trouvai
fi ignoble que je le congédiai , en lui difant
dédaigneufement , qu'une Princeffe
n'étoit point faite pour époufer un valet ;
tant il eft vrai que les fentimens de grandeur
qu'on exprime fur la fcene , nous
font encore illufion après l'avoir quittée ,
& qu'on fe figure être dans le monde , ce
qu'on repréfente au théâtre. C'eſt le délire
de la profeffion.
Le malin perroquet fe vengea de mon
dédain par un trait de fon emploi. Dans
une petite piece de fa façon , intitulée la
fauffe Princeffe ou le Déguisement ridicule
il parodia ma perfonne & mon jeu affez
plaifamment pour mettre contre moi
les rieurs de fon côté . Medor lui - même
trouva mauvais que je n'euffe point accepté
fon rival pour mari. Il me dit durement
que j'avois ce que je méritois , &
que ce mariage politique eût fervi de voile
à nos amours. Je lui répondis piquée
que , puifqu'il le prenoit fur ce ton , il
m'épouferoit lui - même pour effacer ce ridicule
, & pour juftifier mon refus, ou que
je romprois avec lui fans retour. Ah ! je
vous aime trop , fe récria-t'il , pour deDECEMBRE.
1755 29
venir votre mari . Je veux que ma flamme
foit éternelle , & ce titre feul feroit сара-
ble de l'éteindre. J'ai un plus noble parti
à vous propofer. Quel parti , lui demandai-
je avec vivacité ? C'eſt , par vos talens,
de remporter un nouveau triomphe qui
faffe oublier la mauvaiſe plaifanterie qu'on
vous a faite . La fingularité d'un fuccès
inattendu eft une éponge qui lave tout.
Vous avez une voix charmante , un gofier
flexible , des fons pénétrans qui vont jufqu'à
l'ame. Venez les faire briller fur notre
théâtre , c'eft la plus belle vengeance
que vous puiffiez tirer du vôtre . J'y fuis
Medor , vous y ferez Angelique . Mais , lui
dis- je , je n'ai jamais chanté , je ne fçai
pas la mufique . Eh ! je vous l'apprendrai ,
mon Ange , reprit - il affectueufement.
Avec les belles difpofitions que vous avez,
& tous mes foins que je vous prodiguerai
, je veux , avant qu'il foit quinze jours ,
vous mettre en état de chanter un rôle
mieux que moi. Vous faites le charme de
la Comédie , & vous ferez les délices de
l'Opera. Que ne peut le talent , quand
il est formé par l'amour ! A ce difcours
paffionné , qui ne l'auroit cru fincere !
c'étoit pourtant le langage de la perfidie ,
& qui cachoit la trame la plus noire. Le
traître venoit de l'arranger avec ma rivale
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
qui l'avoit imaginée. Incapable de trom❤
per , je me lailai prendre au piege. L'amour-
propre aida la féduction . Il m'exagéra
mon mérite , & m'aveugla fur le
danger. La nature m'avoit douée d'un organe
facile pour parler , mais j'oubliai
alors que j'avois reçu d'elle une voix défagréable
pour chanter. En conféquence
je fis la folie de me tranfplanter fur un
autre théâtre, où j'étois parfaitement étrangere.
La curiofité y attira tous les oiſeaux
du pays . On applaudit à tout rompre , dès
qu'on me vit paroître , mais à peine eusje
ouvert le bec pour chanter , & formé
ma premiere cadence , qu'une troupe
d'impertinens merles & de bruyans
étourneaux qui compofoient le parterre ,
me perça de mille fifflets : l'amphithéâtre
en même tems , les balcons , & toutes les
loges m'accablerent d'autant de huées . Le
perfide Medor , fous une trifteffe feinte ,
déguifoit fa joie fcélérate. Mon infolente
rivale triomphoit dans une loge , & par
fes éclats moqueurs animoit le combat.
Serins , linottes , pinçons , chardonnerets
tous fiffloient à l'uniffon . Le corbeau croaffoit
, la pie crioit , la cane , le canard ,
l'oifon même me contrefaifoit avec fes
fons nazillards. Tous les perroquets foulevés
par la Verdure , murmuroient con-
›
DECEMBRE. 1755. 3x
tre moi d'avoir compromis ainfi l'efpece.
Il n'y eut pas jufqu'à une vieille perruche,
ma grand'mere , qui s'écria en ricanant
de dépit Ah ! ah ! c'eft bien fait. Voilà
pour corriger cette petite folle , & pour
lui apprendre à fe déplacer. Sifflez , fifflez
fort, de peur qu'elle ne l'oublie . Je ne tins
point à ce dernier trait : J'abandonnai la
fcene , en m'arrachant les plumes de défefpoir.
Je voulus prendre ma revanche
fur mon premier théâtre , mais les difpofitions
étoient changées ; on m'y vit avec les
yeux de la prévention qui m'étoit contraire.
On m'y trouva mauvaiſe. J'eus toutes
mes camarades contre moi . Un ordre me
défendit de paroître à la Cour. Je devins
la fable de la ville. On me chanfonna.
Tous mes parens m'abandonnerent . Une
colombe fut la feule qui me confola , &
qui eut même le courage de fe montrer
en public avec moi . Bel exemple , qui
prouve que les fentimens de l'amitié font
plus furs & plus forts que ceux du fang
& de la nature ! Elle m'apprit que la perfide
linotte avoit engagé Medor à me jouer
ce cruel tour , afin de me rendre firidicule
aux yeux de tout le monde , qu'il
n'ofât plus me voir , & qu'il ne fût qu'à
elle fans partage.
Jugez , après ce récit , fi ma haine eft
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
fondée contre les ferins . Que mon exemple
vous ferve de leçon . Un jeune Muficien
eft pour vous un maître dangereux.
Son art eft fait pour vous féduire , & non
pas pour vous embellir. Vous avez , comme
moi , la voix fauffe. Fuyez Almanzor :
craignez mon défaftre ; & fongez que le
déplacement ternit toutes les graces , &
rend la beauté même ridicule.
CONTE ORIENTAL ,
Par une jeune perfonne de Province , âgée
de 14 ans.
UHRID , riche Négociant de Bagdat ,
avoit une fille d'une beauté finguliere ,
& une perruche d'un mérite encore plus
furprenant. Elle n'avoit pas feulement le
talent de parler , elle avoit encore la faculté
de penfer. Elle avoit des fentimens ,
elle avoit des moeurs . C'étoit dans des tems
éloignés où tout étoit poffible. Suhrid
qui connoiffoit le prix de tant de rares
qualités , l'avoit établie Gouvernante de
fa maiſon , & particulierement de la jeune
Banou fa fille. Obligé de faire un voyage
pour le bien de fon commerce , il lui recommanda
ce précieux dépôt , & lui dit
avant fon départ : Zaïre , je confie Banou
à votre fageffe ; elle n'a que quinze ans ,
DECEMBRE . 1755. 23
elle eft fans experience , elle eft ingenue ;
mais elle a l'humeur vive , & je lui crois
le coeur fenfible ; elle tient de fa mere :
veillez fur fa conduite , & fur-tout prenez
foin d'écarter tous les objets qui pourroient
la féduire. Oh ! oh ! ne craignez
rien , lui répondit la perruche , repofezvous
fur mon zele & fur mon adreffe.
Votre fille aime les contes par-deffus toutes
chofes. Elle me prie à chaque inſtant
de lui en dire , & quitte tout pour les enrendre.
Quand un jeune féducteur viendra
s'offrir à fa vue , je lui conterai vîte
une hiftoire , où je lui ferai fentir adroitement
le danger du piége qu'on lui dreffe .
Par cette innocente rufe j'aurai l'efprit de
l'en garantir en l'amufant ; mais , ajoutat'elle
, revenez dans un mois . Si votre
abfence dure davantage , je ne réponds
plus de Banou je n'ai ma provifion de
contes que jufqu'à ce tems là ; je vous en
avertis. Suhrid lui promit de ne pas paffer
ce terme. Il appella enfuite fa fille ,
lui ordonna expreffément de ne rien faire
fans confulter fa bonne , l'embraffa , &
partit .
Almanzor , un jeune chanteur étoit
voifin de Banou ; il l'avoit apperçue à fa
fenêtre , qui étoit vis -à- vis de la fienne ,
& fa beauté l'avoit frappé . Elle l'avoit en-
7
24 MERCURE DE FRANCE.
tendu chanter , & fon coeur en avoit été
ému. Une après-midi que la perruche s'étoit
endormie , un ferin partit de l'appartement
d'Almanzor , & vola fur la toilette
de Banou , qui rajuftoit une boucle de
fes cheveux, & lui préfenta un billet qu'il
tenoit dans fon bec. Banou careffe l'oifeau
& prend le papier qu'elle lit. La perruche
s'éveille , & fond fur le ferin qu'elle
auroit déchiré , fi Banou ne l'avoit arraché
de fes griffes cruelles. Sa jeune éleve
furpriſe d'une colere fi violente , lui en
demande le fujet. Zaïre lui répond qu'elle
en a de fortes raifons , qu'un ferin a caufé
le malheur de fa vie , & qu'elle eft prête à
lui en raconter l'hiftoire , mais qu'elle
veut auparavant lire le billet qu'on lui a
écrit. Le Lecteur fera peut-être étonné de
voir une perruche qui fçait lire , mais elle
n'eft pas la feule. Banou remet à fa Bonne
le poulet , qui étoit conçu en ces termes :
Charmante Banou , de grace , apprenez
la mufique . Ce talent manque à vos charmes.
Je puis dire fans vanité que je fuis le
premier homme de Bagdat , pour montrer le
gout du chant. J'ai compofe le duo le plus
charmant du monde. Marquez moi l'heure
où votre Duegne fera la méridienne . Je volerai
dans votre chambre pour vous l'apprendre.
Quel plaifir de chanter d'accord avcc
vous!
Ah !
DECEMBRE . 1755 . 25.
Ah ! le petit fripon , s'écria la perruche ;
ah ! le petit fcélerat , qui ne vous offre fes
fervices que pour tromper votre innocence
! Non , non , interrompit Banou ; il eſt
trop joli pour me tromper : c'eft parce qu'il
eft joli , qu'il en eft plus à craindre , reprit
la Gouvernante. Oh ! j'aime la mufique ,
ma Bonne dites le Muficien , ma fille ;
mais il ne vous convient pas , contentezyous
de votre maître à danfer. Il eft
trop
laid , il n'eft plus jeune , dit la pupille.
Votre voix eft rebelle au chant , infifta la
perruche : vous avez la jambe brillante ,
vous danfez avec grace. C'eft votre talent ;
tenez - vous - y. Vous chanterez à faire
peur , ce fera votre perte : vous vous rendrez
ridicule. Croyez en mon expérience.
J'étois dans le même cas , & j'ai donné
bêtement dans le piege qu'on vient de vous
tendre. Il ne faut jamais fe déplacer. Pour
vous en convaincre , écoutez mon hif
toire,
LE RISQUE DU DEPLACEMENT ;
Aventure qui n'est pas fans exemple.
J
E fuis née dans l'ifle des oifeaux , pays
heureux où notre efpece domine . La
candeur y regnoit avec elle. Il n'y avoit
II. Vol.
B
26 MERCURE DE FRANCE.
point d'hommes mais des oifeaux d'Afie
& d'Europe , inftruits par eux , font venus
s'y établir , ont ufurpé le trône , & perverti
nos moeurs. Un aigle étoit Roi de
l'ifle ; il étoit fier , mais il aimoit les arts ,
il les appelloit à fa Cour. La Comédie &
l'Opera partageoient fes amuſemens. Mon
pere étoit Comédien de la troupe du Prince
, il y jouoit les Rois. Comme mon plumage
étoit diftingué , que j'avois le maintien
noble , la parole aifée , & la prononciation
parfaite , il me fit débuter dans les
rôles de Princeffe. F'y réuffis parfaitement.
On n'entendit que des cris d'admiration
& des battemens d'aîles dans toute la falle.
Le fuccès fut tous les jours en croiffant. Il
me fit donner le nom de Zaïre , que j'ai
toujours porté , & m'attira des adorateurs
en foule , au point que j'en fus excédée.
>
Pour m'en débarraffer avec décence ;
mais contre l'efprit de mon état , j'étois
fur le point de faire choix d'un mari , &
de l'aveu de mon pere , j'avois jetté les
yeux fur un perroquet bouffon qui me faifoit
rire. Il repréfentoit les valers , & s'appelloit
la Verdure . Ce mariage étoit affor
ti. Il étoit Comédien aimé , & j'étois Actrice
à la mode : Mais un foir que j'avois
enchanté toute la Cour , Médor , un charmant
petit ferin vint m'exprimer fon raDECEMBRE.
1755. 27
viffement dans ma loge , avec des fons fi
touchans , que je fus fenfible à la douceur
de fon ramage . Pour m'achever , je fus le
lendemain à l'Opera . Medor y chantoit la
haute-contre. Il me vit dans une premiere
loge ; mes yeux qui l'applaudiffoient , animerent
fon expreffion , & firent paffer tout
leur feu dans fon organe. Il fe furpaffa.
Toute l'affemblée fortit enivrée de plaifir ,
& je m'en retournai folle d'amour . La tête
m'en tourna . Medor s'en apperçut ; le
fripon en profita , ou plutot il en abuſa
pour me perdre .
Deux jours après je le rencontrai au bal,
& nous nous arrangeâmes. Comme j'ai
toujours confulté la décence , que je craignois
les reproches de mon pere , & que le
myftere étoit de mon gout , je le priai de
ne me voir qu'en bonne fortune , & de
cacher bien fa flamme. Pendant trois mois
il fut auffi difcret que fidele ; mais au
bout de ce terme fon coeur me fut enlevé
par les agaceries d'une petite effrontée
d'une jeune linotte , dont le début à l'Opera
avoit réuffi , graces à fon manége plûtot
qu'à fon talent. Il me cacha d'abord
fon inconftance , & nous nous voyons toujours
fecrétement dans une petite maiſon
qu'il avoit louée dans un fauxbourg. En
ces circonftances la Verdure me preffa de
Bij
28 MERCURE DE FRANCE:
conclure notre hymen, mais mon coeur &
mes yeux étoient changés. La comparaifon
que j'en fis alors avec mon beau ferin
l'enlaidit fi fort à ma vue , & je le trouvai
fi ignoble que je le congédiai , en lui difant
dédaigneufement , qu'une Princeffe
n'étoit point faite pour époufer un valet ;
tant il eft vrai que les fentimens de grandeur
qu'on exprime fur la fcene , nous
font encore illufion après l'avoir quittée ,
& qu'on fe figure être dans le monde , ce
qu'on repréfente au théâtre. C'eſt le délire
de la profeffion.
Le malin perroquet fe vengea de mon
dédain par un trait de fon emploi. Dans
une petite piece de fa façon , intitulée la
fauffe Princeffe ou le Déguisement ridicule
il parodia ma perfonne & mon jeu affez
plaifamment pour mettre contre moi
les rieurs de fon côté . Medor lui - même
trouva mauvais que je n'euffe point accepté
fon rival pour mari. Il me dit durement
que j'avois ce que je méritois , &
que ce mariage politique eût fervi de voile
à nos amours. Je lui répondis piquée
que , puifqu'il le prenoit fur ce ton , il
m'épouferoit lui - même pour effacer ce ridicule
, & pour juftifier mon refus, ou que
je romprois avec lui fans retour. Ah ! je
vous aime trop , fe récria-t'il , pour deDECEMBRE.
1755 29
venir votre mari . Je veux que ma flamme
foit éternelle , & ce titre feul feroit сара-
ble de l'éteindre. J'ai un plus noble parti
à vous propofer. Quel parti , lui demandai-
je avec vivacité ? C'eſt , par vos talens,
de remporter un nouveau triomphe qui
faffe oublier la mauvaiſe plaifanterie qu'on
vous a faite . La fingularité d'un fuccès
inattendu eft une éponge qui lave tout.
Vous avez une voix charmante , un gofier
flexible , des fons pénétrans qui vont jufqu'à
l'ame. Venez les faire briller fur notre
théâtre , c'eft la plus belle vengeance
que vous puiffiez tirer du vôtre . J'y fuis
Medor , vous y ferez Angelique . Mais , lui
dis- je , je n'ai jamais chanté , je ne fçai
pas la mufique . Eh ! je vous l'apprendrai ,
mon Ange , reprit - il affectueufement.
Avec les belles difpofitions que vous avez,
& tous mes foins que je vous prodiguerai
, je veux , avant qu'il foit quinze jours ,
vous mettre en état de chanter un rôle
mieux que moi. Vous faites le charme de
la Comédie , & vous ferez les délices de
l'Opera. Que ne peut le talent , quand
il est formé par l'amour ! A ce difcours
paffionné , qui ne l'auroit cru fincere !
c'étoit pourtant le langage de la perfidie ,
& qui cachoit la trame la plus noire. Le
traître venoit de l'arranger avec ma rivale
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
qui l'avoit imaginée. Incapable de trom❤
per , je me lailai prendre au piege. L'amour-
propre aida la féduction . Il m'exagéra
mon mérite , & m'aveugla fur le
danger. La nature m'avoit douée d'un organe
facile pour parler , mais j'oubliai
alors que j'avois reçu d'elle une voix défagréable
pour chanter. En conféquence
je fis la folie de me tranfplanter fur un
autre théâtre, où j'étois parfaitement étrangere.
La curiofité y attira tous les oiſeaux
du pays . On applaudit à tout rompre , dès
qu'on me vit paroître , mais à peine eusje
ouvert le bec pour chanter , & formé
ma premiere cadence , qu'une troupe
d'impertinens merles & de bruyans
étourneaux qui compofoient le parterre ,
me perça de mille fifflets : l'amphithéâtre
en même tems , les balcons , & toutes les
loges m'accablerent d'autant de huées . Le
perfide Medor , fous une trifteffe feinte ,
déguifoit fa joie fcélérate. Mon infolente
rivale triomphoit dans une loge , & par
fes éclats moqueurs animoit le combat.
Serins , linottes , pinçons , chardonnerets
tous fiffloient à l'uniffon . Le corbeau croaffoit
, la pie crioit , la cane , le canard ,
l'oifon même me contrefaifoit avec fes
fons nazillards. Tous les perroquets foulevés
par la Verdure , murmuroient con-
›
DECEMBRE. 1755. 3x
tre moi d'avoir compromis ainfi l'efpece.
Il n'y eut pas jufqu'à une vieille perruche,
ma grand'mere , qui s'écria en ricanant
de dépit Ah ! ah ! c'eft bien fait. Voilà
pour corriger cette petite folle , & pour
lui apprendre à fe déplacer. Sifflez , fifflez
fort, de peur qu'elle ne l'oublie . Je ne tins
point à ce dernier trait : J'abandonnai la
fcene , en m'arrachant les plumes de défefpoir.
Je voulus prendre ma revanche
fur mon premier théâtre , mais les difpofitions
étoient changées ; on m'y vit avec les
yeux de la prévention qui m'étoit contraire.
On m'y trouva mauvaiſe. J'eus toutes
mes camarades contre moi . Un ordre me
défendit de paroître à la Cour. Je devins
la fable de la ville. On me chanfonna.
Tous mes parens m'abandonnerent . Une
colombe fut la feule qui me confola , &
qui eut même le courage de fe montrer
en public avec moi . Bel exemple , qui
prouve que les fentimens de l'amitié font
plus furs & plus forts que ceux du fang
& de la nature ! Elle m'apprit que la perfide
linotte avoit engagé Medor à me jouer
ce cruel tour , afin de me rendre firidicule
aux yeux de tout le monde , qu'il
n'ofât plus me voir , & qu'il ne fût qu'à
elle fans partage.
Jugez , après ce récit , fi ma haine eft
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
fondée contre les ferins . Que mon exemple
vous ferve de leçon . Un jeune Muficien
eft pour vous un maître dangereux.
Son art eft fait pour vous féduire , & non
pas pour vous embellir. Vous avez , comme
moi , la voix fauffe. Fuyez Almanzor :
craignez mon défaftre ; & fongez que le
déplacement ternit toutes les graces , &
rend la beauté même ridicule.
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Résumé : LA PERRUCHE GOUVERNANTE. CONTE ORIENTAL. Par une jeune personne de Province, âgée de 14 ans.
Le conte 'La Perruche Gouvernante' narre l'histoire d'Uhrid, un riche négociant de Bagdad, propriétaire d'une perruche exceptionnelle nommée Zaïre, capable de parler et de penser. Uhrid confie à Zaïre la surveillance de sa fille Banou, âgée de quinze ans, avant de partir en voyage. Il recommande à Zaïre de veiller sur Banou et de la protéger des tentations. Pendant l'absence d'Uhrid, un jeune chanteur nommé Almanzor tente de séduire Banou en lui envoyant un billet. Zaïre, alertée par l'arrivée du billet, intervient et raconte à Banou son propre passé tragique pour la dissuader de suivre Almanzor. Zaïre narre comment elle a été séduite par un serin, Médor, et comment elle a été humiliée en tentant de chanter à l'opéra. Elle met en garde Banou contre les dangers de se déplacer dans un domaine où elle n'est pas douée, comme elle l'a fait en quittant la comédie pour l'opéra. Zaïre conclut en exhortant Banou à fuir Almanzor et à se contenter de ses talents naturels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 34
BOUQUET A Mademoiselle E. D. de Lyon, Par M. P. C. A. R. de P.
Début :
L'amour pour faire ta conquête, [...]
Mots clefs :
Amour, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET A Mademoiselle E. D. de Lyon, Par M. P. C. A. R. de P.
BOUQUET
A Mademoiselle E. D. de Lyon ;
Par M. P. C. A. R. de P.
L'Amour
'Amour pour faire ta conquête ,
Avoit pour le jour de ta fête ,
Avec foin cueilli cet oeillet ;
Amour , lui dis-je , à d'autres ce bouquet ,
La Belle n'a pas le coeur tendre ;
Te fattes- tu qu'Elifabet
De tes mains confente à le prendre ?
Elle le recevroit
Si l'Amitié l'offroit ;
Eh bien ! répond l'Amour , ufons de ftratagéme ;
Au nom de l'Amitié préſente le toi-même.
A Mademoiselle E. D. de Lyon ;
Par M. P. C. A. R. de P.
L'Amour
'Amour pour faire ta conquête ,
Avoit pour le jour de ta fête ,
Avec foin cueilli cet oeillet ;
Amour , lui dis-je , à d'autres ce bouquet ,
La Belle n'a pas le coeur tendre ;
Te fattes- tu qu'Elifabet
De tes mains confente à le prendre ?
Elle le recevroit
Si l'Amitié l'offroit ;
Eh bien ! répond l'Amour , ufons de ftratagéme ;
Au nom de l'Amitié préſente le toi-même.
Fermer
9
p. 34-35
A Madame de M*** qui avoit demandé à l'Auteur, des Vers sur l'Amitié.
Début :
Des tendres sentimens qui vous seroient offerts, [...]
Mots clefs :
Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Madame de M*** qui avoit demandé à l'Auteur, des Vers sur l'Amitié.
A Madame de M*** qui avoit demandé à
-l'Auteur , des Vers fur l'Amitié.
DEs tendres fentimens qui vous feroient offerts,
A ceux de l'Amitié vous bornez mes concerts ,
Je dois ne chanter qu'eux , fi je prétends vous
plaire.
Penfez- vous donc , Iris , qu'à cette loi fevere,
On puiffe , hélas ! fe conformer
DECEMBRE. 1755. 35
Ne portez-vous au coeur qu'une legere atteinte
Il gémit de cette contrainté ;
A peine s'ouvre-t'il qu'il doit fe refermer.
Ou méritez moins de tendreffe ,
Ou par un traitement plus doux ,
Permettez que l'on vous adreffe
Un encens plus digne de vous .
A vos decrets , faifi d'un beau délire ,
J'ai tenté d'en fuivre le cours ,
Et toujours vu paffer ma lyre
Des mains de l'Amitié dans celles des Amoury.
Près de vous , Belle Iris , fon tranfport fe rafine ,
Et certain fentiment de fi près l'avoifine ,
Qu'elle peut à la fin , par un commun appui ,
Se confondre avec lui.
Comme fufpecte alors , la Vertu la confifque ,
Elle profcrit encore les foupirs décelés .
Ne me mettez pas dans le rifque
De vous aimer , Iris , plus que vous ne voulez.
M. Tanevot.
-l'Auteur , des Vers fur l'Amitié.
DEs tendres fentimens qui vous feroient offerts,
A ceux de l'Amitié vous bornez mes concerts ,
Je dois ne chanter qu'eux , fi je prétends vous
plaire.
Penfez- vous donc , Iris , qu'à cette loi fevere,
On puiffe , hélas ! fe conformer
DECEMBRE. 1755. 35
Ne portez-vous au coeur qu'une legere atteinte
Il gémit de cette contrainté ;
A peine s'ouvre-t'il qu'il doit fe refermer.
Ou méritez moins de tendreffe ,
Ou par un traitement plus doux ,
Permettez que l'on vous adreffe
Un encens plus digne de vous .
A vos decrets , faifi d'un beau délire ,
J'ai tenté d'en fuivre le cours ,
Et toujours vu paffer ma lyre
Des mains de l'Amitié dans celles des Amoury.
Près de vous , Belle Iris , fon tranfport fe rafine ,
Et certain fentiment de fi près l'avoifine ,
Qu'elle peut à la fin , par un commun appui ,
Se confondre avec lui.
Comme fufpecte alors , la Vertu la confifque ,
Elle profcrit encore les foupirs décelés .
Ne me mettez pas dans le rifque
De vous aimer , Iris , plus que vous ne voulez.
M. Tanevot.
Fermer
Résumé : A Madame de M*** qui avoit demandé à l'Auteur, des Vers sur l'Amitié.
Dans une lettre poétique adressée à Madame de M***, M. Tanevot répond à sa demande de vers sur l'amitié. Il explique qu'il doit se limiter à chanter l'amitié pour lui plaire, bien qu'il ressente des sentiments plus tendres. Il exprime la difficulté de se conformer à cette contrainte, car son cœur est touché plus profondément qu'il ne le montre. Il souhaite pouvoir exprimer des sentiments plus dignes d'elle, mais se conforme à ses désirs. L'auteur avoue avoir tenté de suivre le cours de ses émotions, oscillant entre l'amitié et l'amour. En présence de Madame de M***, son transport se raffine, et il ressent un sentiment proche de l'amour, qu'il pourrait confondre avec l'amitié. Cependant, la vertu l'incite à réprimer ces sentiments. Il conclut en demandant à Madame de M*** de ne pas le mettre dans la situation de l'aimer plus qu'elle ne le souhaite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 36-47
Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
Début :
Ecuyer, Daniel-René Montaudouin naquit à Nantes, le 21 Janvier 1715. [...]
Mots clefs :
Commerce, Angleterre, Écuyer, Nantes, Académie des sciences, Société royale de Londres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
Mémoire fur feu M. Montaudouin , de ta
Société Royale de Londres ,
Correfpondant
de l'Académie des Sciences , & Négociant.
Cuyer , Daniel - René Montaudouin
naquit à Nantes , le 21 Janvier 1715 .
Sa famille s'eft fait un nom par l'étendue
de fon commerce , & par fa grande probité.
Il alla de bonne heure au College de
la Fleche ; mais fa vivacité le rendit incapable
de la moindre application , & on ne
put jamais difcipliner fon efprit. On lui
fit quitter des études qui n'en étoient pas
pour lui , & on l'envoya à Rouen où il
n'apprit pas davantage à s'appliquer. La
tendreffe ou plutôt la foibleffe d'une grand'
mere chez qui il demeuroit , donna un
nouvel effor à fa vivacité , & à l'indépendance
de fon efprit. On prit le parti
de le faire paffer en Angleterre. Il y fit un
féjour affez long , & il en rapporta des
fentimens d'admiration pour ce peuple
penfeur ; cependant fa jeuneffe continuoit
d'être vive , impétueufe & inappliquée
lorfque tout- à- coup , il fe fit en lui une de
ces révolutions étonnantes dont jufqu'à
préfent on n'avoit vu d'exemple que dans
l'ordre de la Religion. Jamais converfion
DECEMBRE . 1755 37
1
ne fut plus éclatante. Il alla trouver le
R. P. Giraud , Prêtre de l'Oratoire , aujourd'hui
Bibliothécaire de la ville , homme
d'un mérite rare. Il le fupplia de lui
donner des leçons de Mathématiques. Le
P. Giraud qui ne le connoiffoit point du
tout , & qui n'étoit pas fur le pied de
prendre des écoliers , chercha à le détourner
de fon deffein. Il vouloit fans doute
éprouver la vocation. Le difciple revint à
la charge , & le maître fut obligé de fe
rendre. Cette complaifance fut fentie comme
un bienfait fignalé ; on chercha à la
payer par un travail affidu . L'éleve fit de
très grands progrès fous la direction de
cet habile homme. Une application extraordinaire
remplaça les avantages que le
fecours des premieres études & d'une mémoire
plus heureufe auroit pu donner.
Après plufieurs années confacrées à l'Algebre
& à la Géométrie , où les connoiffances
furent portées fort loin , on dirigea fa
marche vers la Métaphyfique , fcience à la
fois immenſe , fi l'on confidere fon objet ,
& bornée , fi l'on s'en tient aux vérités inconteftables
qu'elle contient , mais fcience
toujours honorable pour l'efprit humain
& qui mérite toute l'attention d'un être
penfant , parce que c'eft celle qui met fans
38 MERCURE DE FRANCE.
doute le plus grand intervalle entre la raifon
& l'instinct après la faculté de parler
qui en fait partie. M. Montaudouin entra
dans ce nouveau champ avec une nouvelle
ardeur. Après avoir forcé des broffailles
épailles , il découvrit un partere délicieux
, où la beauté raviffante de quelque
fleurs épanouies , lui faifoit fouhaiter
avec la plus vive impatience d'en voir
éclorre une multitude d'autres qui y font
plantées dans l'ordre le plus régulier , &
qui femblent fe refufer à la bonté du climat
, à la fertilité du fol , & à l'habileté
- des cultivateurs.
A la paix de 1748. il entreprit un nouveau
voyage en Angleterre. La principale
raifon qui l'y détermina fut l'efpérance d'y
trouver beaucoup d'iées exactes . D'ail
leurs ayant paffé plufieurs années dans l'étude
des fciences abftraites , il crut qu'il
lui feroit utile de fe répandre pendant quelque
tems dans le monde , parce que c'eft
le meilleur moyen de bien connoître les
hommes , & de fe connoître bien foimême.
Il ne fe borna pas , comme la plûpart
des voyageurs , à voir la ville de Londres
: il voulut connoître l'Angleterre
même ; & il donna une attention particuliere
à tout ce qui intéreffoit les Sciences
DECEMBRE. 1755. 39
& le Commerce , & à tout ce qui pouvoit
être utile à fon pays ( 1 ) . A Oxford , il faifoit
fa cour aux fçavans Profeffeurs ; à
Porftmouth , aux Conftructeurs habiles ; à
Liverpool & à Bristol , aux Négocians éclairés.
De retour à Londres , il vit tout ce
que cette grande ville renferme . Il examina
tout. Il fréquenta un grand nombre de Sçavans
en tout genre ; mais principalement
Meffieurs Folkes , Robins , Mitchell , de
Moivre , Bradley , Watfon , Tremblay ,
Graham , Smith , Mortimer , Maſſon ,
King , Knith , Blin , Ray , Beker , Stwart ,
Mead , &c. Il fut comblé d'honnêtetés par
M. le Duc de Richmond , & par Meffieurs
Ch. Stanhope & Ch . Cavendish : il contracta
une amitié intime avec Don Pedro
Maldonado , Gouverneur de la Province
des Emeraudes , illuftre Américain , qui
lui avoit été recommandé par M. Bouguer
de l'Académie des Sciences . A la premiere
nouvelle qu'il eut de fa maladie , il fit porter
fon lit chez lui , & il ne le quitta ni
jour ni nuit. Il lui fit adminiftrer tous les
fecours temporels & fpirituels. Les Doc-
(1 ) Il fe donna des foins infinis pour faire reftituer
les papiers pris fur les François pendant la
guerre , & il vint à bout d'en recouvrer un grand
nombre qu'il fit remettre en France à ceux à qui
ils appartenoient.
40 MERCURE DE FRANCE .
teurs Watfon & Wisbraham , ni le célebre
Docteur Mead , malgré toute leur capacité
, & leur zele ne purent dompter la violence
du mal qui emporta le malade en
peu de jours.
Au mois de Novembre , M. Montaudouin
fut proposé par plufieurs Membres
de la Société Royale , entr'autres par Meſfieurs
Folkes , Wafton & Graham pour être
admis dans cet illuftre corps ; ce qui s'effectua
au terme ordinaire. Enfin après un
an de féjour en Angleterre , comblé d'honneurs
& de politeffes , il s'arracha à tous les
agrémens qu'il goutoit dans ce pays. Il prit
fa route par la Hollande. Il alla voir à
Leyde Meffieurs Allemand & Mufchenbroek
, qui lui firent mille amitiés . Il reçut
à la Haie des marques d'attention de
M. le Comte de Bentheim .
Il retrouva à Paris M. le Marquis de
Croifmare , l'homme de France le plus curieux
, le plus obligeant & le plus aimable,
avec qui il s'étoit lié dans un précédent
voyage. Ils ne fe quitterent plus. Ils recommencerent
leurs courfes dans cette
grande ville. On y revit tout ce qui méritoit
d'être vu . Rien n'échappa. On voyoit
fouvent les illuftres Membres de l'Acadé
mie des Sciences , Meffieurs de Fontenelle
, de Reaumur , Juffieu , Duhamel , de
1
DECEMBRE. 1755 41
> la Condamine de Buffon , Rouelle ,
l'Abbé Nollet , & principalement M. Bouguer
pour qui M. Montaudouin avoit depuis
longtems la plus parfaite amitié. Pendant
fon féjour à Paris , l'Académie le
nomma fon Correſpondant , il avoit toujours
eu des fentimens d'admiration & de
refpect pour ce Sénat littéraire qui compte
parmi fes Membres tant de Souverains
dans le monde fçavant.
A fon retour à Nantes , il entreprit de
faire conftruire un Navire fur les principes
de M. Bouguer. Il fallut lutter contre
tous les préjugés du public marin. Les préventions
furent portées fi loin qu'on s'opiniâtra
à foutenir que le Navire feroit capot
en allant à l'eau . Il fut lancé , & il conferva
mieux fa direction qu'aucun navire.
On foutint enfuite qu'il ne pourroit pas
naviguer. On eut de la peine à trouver un
Capitaine & un équipage . Cependant il a
fait plufieurs voyages à S. Domingue. La
prévention ne fe décourage jamais ; elle
s'eft dédommagée de fes premieres erreurs
fur la marche de ce Navire : il eft vrai
qu'il n'a pas eu d'avantage de ce côté - là
fur les navires ordinaires ; ce n'eft point la
faute du fyftême du célebre Académicien.
La folidité de fes principes n'en eft point
affectée , & fa découverte conſerve toute
42 MERCURE DE FRANCE.
port ,
fa beauté , & mérite les plus grands éloges.
Le Problême confiftoit à trouver le navire
de la plus grande vitelle , du plus grand
& du moindre tirant d'eau . Pour
bien faire cette expérience , il eût fallu
être en place. Un particulier ne peut pas
rifquer la dépenfe d'une niachine auffi couteufe.
C'est ce que repréfentoit fortement
M. Bouguer qui n'étant pas fur
les lieux , ne pouvoit ni voir les chofes par
lui- même , ni donner tous les confeils qu'il
étoit naturel d'attendre de lui . M. Montaudouin
n'eut pour intéreffé dans cette
entreprife que fon frere. Il en auroit cherché
inutilement un autre . Cette confidération
importante fit faire des changemens.
Le constructeur n'exécuta pas toutes les parties
avec la même attention . Les frayeurs
du Capitaine obligerent de faire la mâture
trop courte ; & ces frayeurs ont encore
augmenté la longueur des traverfées.
Ainfi il n'eft point décidé que l'objet
de la marche foit manqué dans cette conftruction
, & il eft démontré que les deux
autres conditions du problème font parfaitement
remplies. Ce navire porte beaucoup
à raifon de fa grandeur , & il tire
près de trois pieds d'eau moins que les navires
ordinaires de fa capacité .
En 1753 , M. Montaudouin fut éla
DECEMBRE. 1755. 43
Conful. Cette place eft très - importante à
Nantes , parce qu'outre l'adminiſtration
de la juftice , elle embraffe la direction
des affaires générales du Commerce . Le
Confulat totalement diftinct dans fon origine
du Bureau de Ville , fe trouvoit par
une longue fuite d'abus , dans une dépendance
abfolue des Maire & Echevins . Ils
avoient la plus grande part aux élections ,
& y préfidoient . Le fiege du Confulat
étoit placé à l'Hôtel de Ville , c'est - à - dire ,
dans un éloignement extrême des Juges &
des parties. C'étoit - là la caufe principalede
l'abus . M. Montaudouin forma le projet
de remettre les chofes dans l'ordre . Il
avoit vu fur quel pied les Négocians
étoient en Angleterre & en Hollande Il
étoit fâché pour l'honneur de fon pays , &
de la raifon humaine , que les citoyens les
plus utiles fuflent regardés comme les plus
petits citoyens. Il y avoit de grands obſtacles
à combattre. La chofe avoit été tentée
plufieurs fois fans fuccès. L'abus étoit
ancien , & par conféquent refpectable pour
la multitude . La prévention affez répandue
dans le Royaume contre le commerce,
eft extrême en Bretagne ,
, & . fur-tout à
Nantes , quoique cette ville doive fa célébrité
& fon aifance au commerce . Ces
44 MERCURE DE FRANCE
difficultés , loin de le rebuter , l'animerent
davantage à la pourfuite de fon projer.
Ceux qui crurent devoir le traverſer , firent
les plus grands efforts ; ils fe permirent
même des excès que l'urbanité du
dix-huitieme fiecle ne comporte pas . On
ne leur oppofa que des raifons. Le Confeil
en fentit toute la folidité. Les chofes
font à préfent dans l'ordre. Le Tribunal
devant qui les affaires de commerce font
portées eft placé dans le bâtiment même
où les affaires du commerce fe font tous
les jours ; & le commerce élit paifiblement
ceux qui doivent le juger & le défendre.
M. Montaudouin remplit les différentes
fonctions attachées au Confulat avec le
plus grand éclat. Il traita plufieurs grandes
parties du commerce dans de fçavans
mémoires. Son grand talent étoit une aptitude
merveilleufe à trouver des raifons
folides , & il les ramenoit toujours à des
principes fimples & lumineux. Sa fanté
étoit très- délicate , l'application trop forte
qu'il donna aux affaires publiques , renverfa
bientôt cette foible fanté , qui ne fe
foutenoit que par un régime auftere ; il ne
buvoir que de l'eau , & ne foupoit point ;
mais l'excès du travail rendit fa fobriété
inutile . Il fut attaqué d'une fievre mali-
វ
DECEMBRE. 1755. 45
gne , qui l'emporta le 11 Septembre 1754,
l'âge de trente - neuf ans fept mois vingt
jours ( 1 ) . Jamais un fimple particulier
ne fut fi généralement regretté . Cette perte
fut regardée comme un malheur public .
Il est vrai qu'on ne vit jamais un meilleur
citoyen. Il dirigeoit toutes fes vues vers
le bien de fon pays. Il eftimoit moins
dans le commerce les avantages perfonnels
qui peuvent en réfulter , que les
moyens infinis que cette profeffion donne
d'être utile aux autres hommes , & d'exercer
fans ceffe la bienfaiſance , Son extérieur
étoit fort fimple. Son abord étoit facile ,
quoiqu'un peu froid , mais jamais ami ne
fut plus chaud. Il étoit parvenu, en aguerriffant
fans ceffe fa raifon , à conferver fon
ame dans une grande tranquillité : il ne s'en
écartoit guere , que quand il falloit lutter
contre de mauvais raifonnemens. La vérité
trouva en lui un défenſeur toujours zelé ,
mais jamais paffionné . Sa modeftie l'empêchoit
de s'appercevoir de ce qu'il valoit.
Il n'a rien donné au Public. On a trouvé
dans fes papiers un journal de fon voyage
en Angleterre , qui renferme des détails
utiles & curieux. Il avoit entrepris un
(1 ) La Gazette d'Avignon du 27 Septembra
1754 , en rapportant cette mort à l'article de Pa
ris , lui donne mal à propos 41 ans .
'
46 MERCURE DE FRANCE.
grand ouvrage fur les affurances maritimes.
Perfuadé que l'empire du hazard n'a
d'appui que dans la pareffe des hommes ,
il s'étoit propofé de déterminer la valeur
réelle des affurances fur le commerce maritime
de la ville de Nantes avec la Guinée
& les colonies en tems de paix . Il
étoit queſtion d'avoir la fomme des voyages
, & celle des pertes pendant un affez
long efpace de tems. Il embraffa dans fa
recherche trente années. Le grand embarras
confiftoit à avoir exactement les
états des pertes partielles ou avaries , parce
que ces objets ne font inférés fur aucun
regiftre public. Il entreprit d'en venir à
bout , & il en raffembla un grand nombre.
Pour rendre cet ouvrage d'une plus
grande utilité , il additionna le nombre de
jours de toutes les traverfées des navires
: par-là il avoit furement les traversées
moyennes ; mais cela ne le contenta pas
encore il vouloit avoir les traversées
moyennes dans les différens tems de l'année
, & il comptoit additionner à cet effet
toutes les traverfées des mêmes mois. Par
ce moyen , le jour de départ , & la prime
d'une traverfée ordinaire étant connus , on
peut déterminer l'augmentation de la prime
pour chaque jour qui excede la traverfée
ordinaire. La prime eft la fomme
DECEMBRE. 1755. 47
des dégrés de probabilité de perte , plus le
profit de l'affureur.
Il a auffi commencé un traité des Avaries.
Il vouloit établir un certain nombre
de formules qui puffent embraffer tous les
cas , & ôter tout l'arbitraire dans cette
partie , la plus difficile du commerce maritime.
On ne peut mieux terminer ce Mémoire
qu'en obfervant que M. le Duc d'Aiguillon
avoit une eftime particuliere pour
M. Montaudouin . Il a dit plufieurs fois
publiquement qu'il regardoit fa mort comme
une perte confidérable. On fçait que
ce refpectable Seigneur , fecond créateur
de la ville de Nantes & de fa navigation ,
n'eſt pas moins exercé dans la connoiffance
des hommes que dans la bienfaiſance.
Société Royale de Londres ,
Correfpondant
de l'Académie des Sciences , & Négociant.
Cuyer , Daniel - René Montaudouin
naquit à Nantes , le 21 Janvier 1715 .
Sa famille s'eft fait un nom par l'étendue
de fon commerce , & par fa grande probité.
Il alla de bonne heure au College de
la Fleche ; mais fa vivacité le rendit incapable
de la moindre application , & on ne
put jamais difcipliner fon efprit. On lui
fit quitter des études qui n'en étoient pas
pour lui , & on l'envoya à Rouen où il
n'apprit pas davantage à s'appliquer. La
tendreffe ou plutôt la foibleffe d'une grand'
mere chez qui il demeuroit , donna un
nouvel effor à fa vivacité , & à l'indépendance
de fon efprit. On prit le parti
de le faire paffer en Angleterre. Il y fit un
féjour affez long , & il en rapporta des
fentimens d'admiration pour ce peuple
penfeur ; cependant fa jeuneffe continuoit
d'être vive , impétueufe & inappliquée
lorfque tout- à- coup , il fe fit en lui une de
ces révolutions étonnantes dont jufqu'à
préfent on n'avoit vu d'exemple que dans
l'ordre de la Religion. Jamais converfion
DECEMBRE . 1755 37
1
ne fut plus éclatante. Il alla trouver le
R. P. Giraud , Prêtre de l'Oratoire , aujourd'hui
Bibliothécaire de la ville , homme
d'un mérite rare. Il le fupplia de lui
donner des leçons de Mathématiques. Le
P. Giraud qui ne le connoiffoit point du
tout , & qui n'étoit pas fur le pied de
prendre des écoliers , chercha à le détourner
de fon deffein. Il vouloit fans doute
éprouver la vocation. Le difciple revint à
la charge , & le maître fut obligé de fe
rendre. Cette complaifance fut fentie comme
un bienfait fignalé ; on chercha à la
payer par un travail affidu . L'éleve fit de
très grands progrès fous la direction de
cet habile homme. Une application extraordinaire
remplaça les avantages que le
fecours des premieres études & d'une mémoire
plus heureufe auroit pu donner.
Après plufieurs années confacrées à l'Algebre
& à la Géométrie , où les connoiffances
furent portées fort loin , on dirigea fa
marche vers la Métaphyfique , fcience à la
fois immenſe , fi l'on confidere fon objet ,
& bornée , fi l'on s'en tient aux vérités inconteftables
qu'elle contient , mais fcience
toujours honorable pour l'efprit humain
& qui mérite toute l'attention d'un être
penfant , parce que c'eft celle qui met fans
38 MERCURE DE FRANCE.
doute le plus grand intervalle entre la raifon
& l'instinct après la faculté de parler
qui en fait partie. M. Montaudouin entra
dans ce nouveau champ avec une nouvelle
ardeur. Après avoir forcé des broffailles
épailles , il découvrit un partere délicieux
, où la beauté raviffante de quelque
fleurs épanouies , lui faifoit fouhaiter
avec la plus vive impatience d'en voir
éclorre une multitude d'autres qui y font
plantées dans l'ordre le plus régulier , &
qui femblent fe refufer à la bonté du climat
, à la fertilité du fol , & à l'habileté
- des cultivateurs.
A la paix de 1748. il entreprit un nouveau
voyage en Angleterre. La principale
raifon qui l'y détermina fut l'efpérance d'y
trouver beaucoup d'iées exactes . D'ail
leurs ayant paffé plufieurs années dans l'étude
des fciences abftraites , il crut qu'il
lui feroit utile de fe répandre pendant quelque
tems dans le monde , parce que c'eft
le meilleur moyen de bien connoître les
hommes , & de fe connoître bien foimême.
Il ne fe borna pas , comme la plûpart
des voyageurs , à voir la ville de Londres
: il voulut connoître l'Angleterre
même ; & il donna une attention particuliere
à tout ce qui intéreffoit les Sciences
DECEMBRE. 1755. 39
& le Commerce , & à tout ce qui pouvoit
être utile à fon pays ( 1 ) . A Oxford , il faifoit
fa cour aux fçavans Profeffeurs ; à
Porftmouth , aux Conftructeurs habiles ; à
Liverpool & à Bristol , aux Négocians éclairés.
De retour à Londres , il vit tout ce
que cette grande ville renferme . Il examina
tout. Il fréquenta un grand nombre de Sçavans
en tout genre ; mais principalement
Meffieurs Folkes , Robins , Mitchell , de
Moivre , Bradley , Watfon , Tremblay ,
Graham , Smith , Mortimer , Maſſon ,
King , Knith , Blin , Ray , Beker , Stwart ,
Mead , &c. Il fut comblé d'honnêtetés par
M. le Duc de Richmond , & par Meffieurs
Ch. Stanhope & Ch . Cavendish : il contracta
une amitié intime avec Don Pedro
Maldonado , Gouverneur de la Province
des Emeraudes , illuftre Américain , qui
lui avoit été recommandé par M. Bouguer
de l'Académie des Sciences . A la premiere
nouvelle qu'il eut de fa maladie , il fit porter
fon lit chez lui , & il ne le quitta ni
jour ni nuit. Il lui fit adminiftrer tous les
fecours temporels & fpirituels. Les Doc-
(1 ) Il fe donna des foins infinis pour faire reftituer
les papiers pris fur les François pendant la
guerre , & il vint à bout d'en recouvrer un grand
nombre qu'il fit remettre en France à ceux à qui
ils appartenoient.
40 MERCURE DE FRANCE .
teurs Watfon & Wisbraham , ni le célebre
Docteur Mead , malgré toute leur capacité
, & leur zele ne purent dompter la violence
du mal qui emporta le malade en
peu de jours.
Au mois de Novembre , M. Montaudouin
fut proposé par plufieurs Membres
de la Société Royale , entr'autres par Meſfieurs
Folkes , Wafton & Graham pour être
admis dans cet illuftre corps ; ce qui s'effectua
au terme ordinaire. Enfin après un
an de féjour en Angleterre , comblé d'honneurs
& de politeffes , il s'arracha à tous les
agrémens qu'il goutoit dans ce pays. Il prit
fa route par la Hollande. Il alla voir à
Leyde Meffieurs Allemand & Mufchenbroek
, qui lui firent mille amitiés . Il reçut
à la Haie des marques d'attention de
M. le Comte de Bentheim .
Il retrouva à Paris M. le Marquis de
Croifmare , l'homme de France le plus curieux
, le plus obligeant & le plus aimable,
avec qui il s'étoit lié dans un précédent
voyage. Ils ne fe quitterent plus. Ils recommencerent
leurs courfes dans cette
grande ville. On y revit tout ce qui méritoit
d'être vu . Rien n'échappa. On voyoit
fouvent les illuftres Membres de l'Acadé
mie des Sciences , Meffieurs de Fontenelle
, de Reaumur , Juffieu , Duhamel , de
1
DECEMBRE. 1755 41
> la Condamine de Buffon , Rouelle ,
l'Abbé Nollet , & principalement M. Bouguer
pour qui M. Montaudouin avoit depuis
longtems la plus parfaite amitié. Pendant
fon féjour à Paris , l'Académie le
nomma fon Correſpondant , il avoit toujours
eu des fentimens d'admiration & de
refpect pour ce Sénat littéraire qui compte
parmi fes Membres tant de Souverains
dans le monde fçavant.
A fon retour à Nantes , il entreprit de
faire conftruire un Navire fur les principes
de M. Bouguer. Il fallut lutter contre
tous les préjugés du public marin. Les préventions
furent portées fi loin qu'on s'opiniâtra
à foutenir que le Navire feroit capot
en allant à l'eau . Il fut lancé , & il conferva
mieux fa direction qu'aucun navire.
On foutint enfuite qu'il ne pourroit pas
naviguer. On eut de la peine à trouver un
Capitaine & un équipage . Cependant il a
fait plufieurs voyages à S. Domingue. La
prévention ne fe décourage jamais ; elle
s'eft dédommagée de fes premieres erreurs
fur la marche de ce Navire : il eft vrai
qu'il n'a pas eu d'avantage de ce côté - là
fur les navires ordinaires ; ce n'eft point la
faute du fyftême du célebre Académicien.
La folidité de fes principes n'en eft point
affectée , & fa découverte conſerve toute
42 MERCURE DE FRANCE.
port ,
fa beauté , & mérite les plus grands éloges.
Le Problême confiftoit à trouver le navire
de la plus grande vitelle , du plus grand
& du moindre tirant d'eau . Pour
bien faire cette expérience , il eût fallu
être en place. Un particulier ne peut pas
rifquer la dépenfe d'une niachine auffi couteufe.
C'est ce que repréfentoit fortement
M. Bouguer qui n'étant pas fur
les lieux , ne pouvoit ni voir les chofes par
lui- même , ni donner tous les confeils qu'il
étoit naturel d'attendre de lui . M. Montaudouin
n'eut pour intéreffé dans cette
entreprife que fon frere. Il en auroit cherché
inutilement un autre . Cette confidération
importante fit faire des changemens.
Le constructeur n'exécuta pas toutes les parties
avec la même attention . Les frayeurs
du Capitaine obligerent de faire la mâture
trop courte ; & ces frayeurs ont encore
augmenté la longueur des traverfées.
Ainfi il n'eft point décidé que l'objet
de la marche foit manqué dans cette conftruction
, & il eft démontré que les deux
autres conditions du problème font parfaitement
remplies. Ce navire porte beaucoup
à raifon de fa grandeur , & il tire
près de trois pieds d'eau moins que les navires
ordinaires de fa capacité .
En 1753 , M. Montaudouin fut éla
DECEMBRE. 1755. 43
Conful. Cette place eft très - importante à
Nantes , parce qu'outre l'adminiſtration
de la juftice , elle embraffe la direction
des affaires générales du Commerce . Le
Confulat totalement diftinct dans fon origine
du Bureau de Ville , fe trouvoit par
une longue fuite d'abus , dans une dépendance
abfolue des Maire & Echevins . Ils
avoient la plus grande part aux élections ,
& y préfidoient . Le fiege du Confulat
étoit placé à l'Hôtel de Ville , c'est - à - dire ,
dans un éloignement extrême des Juges &
des parties. C'étoit - là la caufe principalede
l'abus . M. Montaudouin forma le projet
de remettre les chofes dans l'ordre . Il
avoit vu fur quel pied les Négocians
étoient en Angleterre & en Hollande Il
étoit fâché pour l'honneur de fon pays , &
de la raifon humaine , que les citoyens les
plus utiles fuflent regardés comme les plus
petits citoyens. Il y avoit de grands obſtacles
à combattre. La chofe avoit été tentée
plufieurs fois fans fuccès. L'abus étoit
ancien , & par conféquent refpectable pour
la multitude . La prévention affez répandue
dans le Royaume contre le commerce,
eft extrême en Bretagne ,
, & . fur-tout à
Nantes , quoique cette ville doive fa célébrité
& fon aifance au commerce . Ces
44 MERCURE DE FRANCE
difficultés , loin de le rebuter , l'animerent
davantage à la pourfuite de fon projer.
Ceux qui crurent devoir le traverſer , firent
les plus grands efforts ; ils fe permirent
même des excès que l'urbanité du
dix-huitieme fiecle ne comporte pas . On
ne leur oppofa que des raifons. Le Confeil
en fentit toute la folidité. Les chofes
font à préfent dans l'ordre. Le Tribunal
devant qui les affaires de commerce font
portées eft placé dans le bâtiment même
où les affaires du commerce fe font tous
les jours ; & le commerce élit paifiblement
ceux qui doivent le juger & le défendre.
M. Montaudouin remplit les différentes
fonctions attachées au Confulat avec le
plus grand éclat. Il traita plufieurs grandes
parties du commerce dans de fçavans
mémoires. Son grand talent étoit une aptitude
merveilleufe à trouver des raifons
folides , & il les ramenoit toujours à des
principes fimples & lumineux. Sa fanté
étoit très- délicate , l'application trop forte
qu'il donna aux affaires publiques , renverfa
bientôt cette foible fanté , qui ne fe
foutenoit que par un régime auftere ; il ne
buvoir que de l'eau , & ne foupoit point ;
mais l'excès du travail rendit fa fobriété
inutile . Il fut attaqué d'une fievre mali-
វ
DECEMBRE. 1755. 45
gne , qui l'emporta le 11 Septembre 1754,
l'âge de trente - neuf ans fept mois vingt
jours ( 1 ) . Jamais un fimple particulier
ne fut fi généralement regretté . Cette perte
fut regardée comme un malheur public .
Il est vrai qu'on ne vit jamais un meilleur
citoyen. Il dirigeoit toutes fes vues vers
le bien de fon pays. Il eftimoit moins
dans le commerce les avantages perfonnels
qui peuvent en réfulter , que les
moyens infinis que cette profeffion donne
d'être utile aux autres hommes , & d'exercer
fans ceffe la bienfaiſance , Son extérieur
étoit fort fimple. Son abord étoit facile ,
quoiqu'un peu froid , mais jamais ami ne
fut plus chaud. Il étoit parvenu, en aguerriffant
fans ceffe fa raifon , à conferver fon
ame dans une grande tranquillité : il ne s'en
écartoit guere , que quand il falloit lutter
contre de mauvais raifonnemens. La vérité
trouva en lui un défenſeur toujours zelé ,
mais jamais paffionné . Sa modeftie l'empêchoit
de s'appercevoir de ce qu'il valoit.
Il n'a rien donné au Public. On a trouvé
dans fes papiers un journal de fon voyage
en Angleterre , qui renferme des détails
utiles & curieux. Il avoit entrepris un
(1 ) La Gazette d'Avignon du 27 Septembra
1754 , en rapportant cette mort à l'article de Pa
ris , lui donne mal à propos 41 ans .
'
46 MERCURE DE FRANCE.
grand ouvrage fur les affurances maritimes.
Perfuadé que l'empire du hazard n'a
d'appui que dans la pareffe des hommes ,
il s'étoit propofé de déterminer la valeur
réelle des affurances fur le commerce maritime
de la ville de Nantes avec la Guinée
& les colonies en tems de paix . Il
étoit queſtion d'avoir la fomme des voyages
, & celle des pertes pendant un affez
long efpace de tems. Il embraffa dans fa
recherche trente années. Le grand embarras
confiftoit à avoir exactement les
états des pertes partielles ou avaries , parce
que ces objets ne font inférés fur aucun
regiftre public. Il entreprit d'en venir à
bout , & il en raffembla un grand nombre.
Pour rendre cet ouvrage d'une plus
grande utilité , il additionna le nombre de
jours de toutes les traverfées des navires
: par-là il avoit furement les traversées
moyennes ; mais cela ne le contenta pas
encore il vouloit avoir les traversées
moyennes dans les différens tems de l'année
, & il comptoit additionner à cet effet
toutes les traverfées des mêmes mois. Par
ce moyen , le jour de départ , & la prime
d'une traverfée ordinaire étant connus , on
peut déterminer l'augmentation de la prime
pour chaque jour qui excede la traverfée
ordinaire. La prime eft la fomme
DECEMBRE. 1755. 47
des dégrés de probabilité de perte , plus le
profit de l'affureur.
Il a auffi commencé un traité des Avaries.
Il vouloit établir un certain nombre
de formules qui puffent embraffer tous les
cas , & ôter tout l'arbitraire dans cette
partie , la plus difficile du commerce maritime.
On ne peut mieux terminer ce Mémoire
qu'en obfervant que M. le Duc d'Aiguillon
avoit une eftime particuliere pour
M. Montaudouin . Il a dit plufieurs fois
publiquement qu'il regardoit fa mort comme
une perte confidérable. On fçait que
ce refpectable Seigneur , fecond créateur
de la ville de Nantes & de fa navigation ,
n'eſt pas moins exercé dans la connoiffance
des hommes que dans la bienfaiſance.
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Résumé : Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
René Montaudouin naquit à Nantes le 21 janvier 1715 dans une famille réputée pour son commerce et sa probité. Après des études infructueuses au Collège de la Flèche et à Rouen, il fut envoyé en Angleterre, où il admira le peuple pensant. De retour en France, il connut une conversion religieuse et se consacra aux mathématiques et à la métaphysique sous la direction du Père Giraud. En 1748, il retourna en Angleterre pour approfondir ses connaissances scientifiques et commerciales. Il fréquenta de nombreux savants et fut honoré par des personnalités influentes. De retour en France, il fut nommé correspondant de l'Académie des Sciences et construisit un navire selon les principes de Bouguer, malgré les préjugés du public marin. En 1753, il devint consul à Nantes, réformant le système judiciaire et commercial. Sa santé fragile, due à un régime austère et à un travail excessif, le conduisit à une mort prématurée le 11 septembre 1754 à l'âge de 39 ans. Montaudouin était respecté pour son dévouement au bien public et sa modestie. Il avait entrepris un ouvrage sur les assurances maritimes, mais il n'a rien publié de son vivant. Montaudouin a travaillé à améliorer l'utilité d'un ouvrage en calculant les traversées moyennes des navires. Il a d'abord additionné les jours de toutes les traversées pour obtenir une moyenne, puis cherché à déterminer les traversées moyennes pour différents moments de l'année en additionnant les traversées des mêmes mois. Cela permettrait, connaissant le jour de départ et la prime d'une traversée ordinaire, de déterminer l'augmentation de la prime pour chaque jour dépassant la traversée ordinaire. La prime est définie comme la somme des degrés de probabilité de perte et du profit de l'assureur. Montaudouin a également commencé un traité sur les avaries, visant à établir des formules pour embrasser tous les cas et éliminer l'arbitraire dans cette partie difficile du commerce maritime. Le Duc d'Aiguillon, seigneur respecté et bienfaiteur de la ville de Nantes, avait une grande estime pour Montaudouin, le considérant comme une perte considérable après sa mort.
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11
p. 48-50
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Début :
La vive impression des passions de l'ame ! [...]
Mots clefs :
Peintres d'Italie, Peintres, Léonard de Vinci, Giacomo Cavedone, Jean Lanfranc, Carlo Cignani
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX
PEINTRES D'ITALIE.
Leonard de Vinci.
LA vive impreffion des paffions de l'ame !
Voilà de Leonard le talent dominant.
Il inftruit Raphael. Michel- Ange le blâme :
La haine doit flatter dans un tel concurrent.
Quel riche fonds fon traité de Peinture
Prodigue à la poſtérité !
Allez puifer à cette fource pure ,
Vous que la gloire appelle à l'immortalité,
Jacques Cavedone.
Le Colonna , Rubens & Velafquez (1)
Admirent tes tableaux , les donnent au Carrache
Cette flatteufe erreur couronna tes fuccès ;
Ce jour , le Dieu du gout te donna ſon attache.
On le vit applaudir aux beaux contours du nu ,
Que ta fimple maniere enfante.
(1 ) Le Roi d'Espagne avoit dans fa Chapelle une
Vifitation du Cavedone , que ces trois célébres Artiftes
jugerent être d'Annibal Carrache. Pareille
méprife étoit arrivée à Venise chez le Sénateur
Grimani ,& arrivoit tous les jours à Bologne , furtout
au fujet du begu tableau de Saint Alo dans
l'Eglife de Mendicanti,
Hélas !
DECEMBRE . 1755 . 49
Hélas ! ce grand talent , qu'eft-il donc devenu
Tu rougis. Ton hyver m'afflige✶ & t'épouvante.
Jean Lanfranc.
La lumiere en ce lieu ** fçavamment fe dégrade
.
Quel génie abondant ! qu'il eft fier & léger !
Son élegance attire , & fon ton perfuade.
Vers ces grouppes on vole ..... on craint de les
charger.
C'eft bien toi qui naquis pour les grandes machi
nes ;
Le raccourci magique eft un jeu pour ta main.
Difons mieux : à ton gré les demeures divines
S'ouvrent leur gloire éclate aux yeux du genre
humain.
Alexandre Veroneze .
Plaire eft ton lot . Tu peins avec amour,
La vigueur de ces tons , ce beau fini , ces graces
Prêtent à la nature un féduifant atour.
* Il devint un Peintre fi médiocre qu'il fut réduit
à faire des ex voto. Enfin il mourut dans une rue
de Bologne , où il mandioitfon pain.
** L'on a ici particuliérement en vue la coupole
de S. André de la Valle , qui fait à Rome l'admiration
des curieux . La Vierge affife fur des nuages
regarde fonfils qui eft peint au haut de la lanterne :
Au basfont plufieurs grouppes de Saints de Prephêtes
, dont l'effet ne laiſſe rien à désirer..
II. Vol. C
50 MERCURE DE FRANCE.
Je la vois , elle craint que tu ne la furpafles.
Le meilleur choix par elle échappe de tes mains.
Ate rendre incorrect ſe peut - il qu'on parvienne ›
Tu t'efforces d'unir le deffein des Romains
A la couleur Vénitience ?
Charles Cignani.
Quel Peintre gracieux ; fon fertile génie ,
D'une légere main eft au mieux ſecondé,
Il brille trop pour que la calomnie
A le perfécuter n'ait un gout décidé .
Il foumet à fon art les paffions de l'ame.
La force & la fraîcheur diftinguent fon pinceau :
Emule d'Auguftin l'amour par lui m'enflamme,
Ce Dieu , pour l'admirer , déchire fon bandeau.
* Le Duc Ranucio le manda pour peindre à
Parme les murs d'une chambre , Sur le plafond de
laquelle Auguftin Carrache avoit exprimé le pouvoir
de l'amour. Ce Prince donna à Cignani le
même fujet à continuer ; il le traita avec beaucoup
d'élégance.
PEINTRES D'ITALIE.
Leonard de Vinci.
LA vive impreffion des paffions de l'ame !
Voilà de Leonard le talent dominant.
Il inftruit Raphael. Michel- Ange le blâme :
La haine doit flatter dans un tel concurrent.
Quel riche fonds fon traité de Peinture
Prodigue à la poſtérité !
Allez puifer à cette fource pure ,
Vous que la gloire appelle à l'immortalité,
Jacques Cavedone.
Le Colonna , Rubens & Velafquez (1)
Admirent tes tableaux , les donnent au Carrache
Cette flatteufe erreur couronna tes fuccès ;
Ce jour , le Dieu du gout te donna ſon attache.
On le vit applaudir aux beaux contours du nu ,
Que ta fimple maniere enfante.
(1 ) Le Roi d'Espagne avoit dans fa Chapelle une
Vifitation du Cavedone , que ces trois célébres Artiftes
jugerent être d'Annibal Carrache. Pareille
méprife étoit arrivée à Venise chez le Sénateur
Grimani ,& arrivoit tous les jours à Bologne , furtout
au fujet du begu tableau de Saint Alo dans
l'Eglife de Mendicanti,
Hélas !
DECEMBRE . 1755 . 49
Hélas ! ce grand talent , qu'eft-il donc devenu
Tu rougis. Ton hyver m'afflige✶ & t'épouvante.
Jean Lanfranc.
La lumiere en ce lieu ** fçavamment fe dégrade
.
Quel génie abondant ! qu'il eft fier & léger !
Son élegance attire , & fon ton perfuade.
Vers ces grouppes on vole ..... on craint de les
charger.
C'eft bien toi qui naquis pour les grandes machi
nes ;
Le raccourci magique eft un jeu pour ta main.
Difons mieux : à ton gré les demeures divines
S'ouvrent leur gloire éclate aux yeux du genre
humain.
Alexandre Veroneze .
Plaire eft ton lot . Tu peins avec amour,
La vigueur de ces tons , ce beau fini , ces graces
Prêtent à la nature un féduifant atour.
* Il devint un Peintre fi médiocre qu'il fut réduit
à faire des ex voto. Enfin il mourut dans une rue
de Bologne , où il mandioitfon pain.
** L'on a ici particuliérement en vue la coupole
de S. André de la Valle , qui fait à Rome l'admiration
des curieux . La Vierge affife fur des nuages
regarde fonfils qui eft peint au haut de la lanterne :
Au basfont plufieurs grouppes de Saints de Prephêtes
, dont l'effet ne laiſſe rien à désirer..
II. Vol. C
50 MERCURE DE FRANCE.
Je la vois , elle craint que tu ne la furpafles.
Le meilleur choix par elle échappe de tes mains.
Ate rendre incorrect ſe peut - il qu'on parvienne ›
Tu t'efforces d'unir le deffein des Romains
A la couleur Vénitience ?
Charles Cignani.
Quel Peintre gracieux ; fon fertile génie ,
D'une légere main eft au mieux ſecondé,
Il brille trop pour que la calomnie
A le perfécuter n'ait un gout décidé .
Il foumet à fon art les paffions de l'ame.
La force & la fraîcheur diftinguent fon pinceau :
Emule d'Auguftin l'amour par lui m'enflamme,
Ce Dieu , pour l'admirer , déchire fon bandeau.
* Le Duc Ranucio le manda pour peindre à
Parme les murs d'une chambre , Sur le plafond de
laquelle Auguftin Carrache avoit exprimé le pouvoir
de l'amour. Ce Prince donna à Cignani le
même fujet à continuer ; il le traita avec beaucoup
d'élégance.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES D'ITALIE.
Le texte présente des portraits de cinq célèbres peintres italiens. Léonard de Vinci est reconnu pour sa capacité à représenter les passions de l'âme, influençant Raphaël mais étant critiqué par Michel-Ange. Jacques Cavedone est admiré par le Colonna, Rubens et Vélasquez, qui attribuèrent à tort certains de ses tableaux à Annibal Carrache. Jean Lanfranc est loué pour son génie abondant et son talent pour les grandes compositions, notamment la coupole de l'église Saint-André de la Valle à Rome. Alexandre Veronese, après une carrière brillante, finit dans la misère, réduisant à peindre des ex-voto. Charles Cignani est apprécié pour son style gracieux et son talent à représenter les passions de l'âme, travaillant pour le Duc Ranucio à Parme.
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12
p. 50-51
VERS Sur M. le Comte de Provence.
Début :
Quel redoutable bruit ! Le Maître du tonnerre, [...]
Mots clefs :
Comte de Provence
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texteReconnaissance textuelle : VERS Sur M. le Comte de Provence.
Nous avons cru devoir inférer ici les différentes
pieces de vers qui nous ont été envoyées
fur la naillance de Monfeigneur le
Comte de Provence. Si elles ne marquent
pas toutes le talent , elles prouvent du
moins le zele , & un évenement aufli intérellant
pour la France , ne peut être trop
célébré,
DECEMBRE . 1755 . 1755. ST
QU
VERS
Sur M. le Comte de Provence.
Uel redoutable bruit ! Le Maître du tonnerre,
Las de régner aux Cieux , defcend-t'il fur la terre?
Dans les bras de Morphée on m'arrache au repos.
Mais un lys éclatant fuccede à mes pavots .
Réveil délicieux ! un Bourbon vient de naître ;
De tous les coeurs françois , il eft déja le maître :
La France tous les ans s'enrichit d'un Héros.
Quelle race en vertus fut jamais plus féconde ,
Et plus digne d'orner tous les trônes du monde ?
pieces de vers qui nous ont été envoyées
fur la naillance de Monfeigneur le
Comte de Provence. Si elles ne marquent
pas toutes le talent , elles prouvent du
moins le zele , & un évenement aufli intérellant
pour la France , ne peut être trop
célébré,
DECEMBRE . 1755 . 1755. ST
QU
VERS
Sur M. le Comte de Provence.
Uel redoutable bruit ! Le Maître du tonnerre,
Las de régner aux Cieux , defcend-t'il fur la terre?
Dans les bras de Morphée on m'arrache au repos.
Mais un lys éclatant fuccede à mes pavots .
Réveil délicieux ! un Bourbon vient de naître ;
De tous les coeurs françois , il eft déja le maître :
La France tous les ans s'enrichit d'un Héros.
Quelle race en vertus fut jamais plus féconde ,
Et plus digne d'orner tous les trônes du monde ?
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Résumé : VERS Sur M. le Comte de Provence.
En décembre 1755, des poèmes célèbrent la naissance du Comte de Provence. Ils expriment la surprise et la joie, comparant l'événement à un éclair après un sommeil paisible. Le nouveau-né, membre de la famille Bourbon, est acclamé comme un futur maître des cœurs français. Les poèmes soulignent la fécondité et la dignité de la race Bourbon.
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13
p. 51
AUTRES.
Début :
Comment à nom le Jouvenceau ? [...]
Mots clefs :
Comte de Provence
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texteReconnaissance textuelle : AUTRES.
AUTRE S.
ComOmmmeenntt a nom le Jouvenceau ?
Ah ! c'eft le Comte de Provence.
Pour un petit Cadet de France ,
Cadédis , le friand morceau !
Un Gentilhomme n'eft pas mince
Quand d'un tel fief on le fait Prince.
Il eft déja l'efpoir , l'honneur de fa province.
Mais lorsqu'on fort d'un fang fi beau ;
Les plus petits font grands dès le berceau.
ComOmmmeenntt a nom le Jouvenceau ?
Ah ! c'eft le Comte de Provence.
Pour un petit Cadet de France ,
Cadédis , le friand morceau !
Un Gentilhomme n'eft pas mince
Quand d'un tel fief on le fait Prince.
Il eft déja l'efpoir , l'honneur de fa province.
Mais lorsqu'on fort d'un fang fi beau ;
Les plus petits font grands dès le berceau.
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14
p. 52-53
VERS Présentés au Roi, le lendemain de l'accouchement de Madame la Dauphine, sur la naissance de Monseigneur le Comte de Provence, le 17 Novembre 1755.
Début :
Au milieu du repos des ombres de la nnit, [...]
Mots clefs :
Comte de Provence, Puissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS Présentés au Roi, le lendemain de l'accouchement de Madame la Dauphine, sur la naissance de Monseigneur le Comte de Provence, le 17 Novembre 1755.
VERS
Préfentés au Roi , le lendemain de l'accouchement
de Madame la Dauphine , fur la
naissance de Monseigneur le Comte de
Provence , le 17 Novembre 1755.
Au milieu du repos des ombres de la nnit , - U
Quel aftre étincelant commence la carriere ?
Empreffez-vous , François ; par l'éclat qui le fuit
Célébrez dans vos chants fa naiffante lumiere.
Dans cet enfant chéri , que nous donnent les
- Dieux ,
De leurs nouveaux bienfaits fa naiſſance eft le
gage.
Son ayeul adoré poffede avantage
De régner dans fes fils fur ces climats heureux.
Pere & Roi fortuné , cette famille augufte ,
Ainfi que fon pouvoir , s'augmente chaque jour .
Maître de nos deſtins , s'il a tout notre amour ,
Quel hommage flatteur , quel tribut eſt plus jufte s
De l'Aurore au Couchant , les fiecles à venir ,
De ce Prince immortel méditeront l'hiſtoire .
Ses rares qualités , fa prudence , & fa gloire ,
Feront de nos neveux le plus cher fouvenir.
DECEMBRE. 1755. 53
Ses exploits , fa fageffe , affurent fa puiffance.
Envain de notre fort un grand peuple eft jaloux ,
Le ciel plaçant Louis pour élever la France ,
Eternife avec lui notre eſpoir le plus doux.
En formant des Héros pour régir cet empire ,
Louis , dans fes enfans , retrouve les vertus ;
Notre félicité , dans fes foins affidus ,
Eft un des fentimens que fon coeur leur infpire
Que le fang des Bourbons commande à l'univers !
Le bonheur des humains fondé fur leur puiffance,
Garantit l'avenir , fixe notre efpérance .
Qui pourroit fous leurs loix redouter des revers ?
La Seine, en arrofant ces fertiles rivages ,
De ces Princes chéris verra les defcendans
Auffi grands dans la paix , qu'illuftres conquérans,
De Tite , & de Trajan rappeller les images.
Par J. Martinot , Valet de Chambre , Hor-
Loger de Sa Majesté .
Préfentés au Roi , le lendemain de l'accouchement
de Madame la Dauphine , fur la
naissance de Monseigneur le Comte de
Provence , le 17 Novembre 1755.
Au milieu du repos des ombres de la nnit , - U
Quel aftre étincelant commence la carriere ?
Empreffez-vous , François ; par l'éclat qui le fuit
Célébrez dans vos chants fa naiffante lumiere.
Dans cet enfant chéri , que nous donnent les
- Dieux ,
De leurs nouveaux bienfaits fa naiſſance eft le
gage.
Son ayeul adoré poffede avantage
De régner dans fes fils fur ces climats heureux.
Pere & Roi fortuné , cette famille augufte ,
Ainfi que fon pouvoir , s'augmente chaque jour .
Maître de nos deſtins , s'il a tout notre amour ,
Quel hommage flatteur , quel tribut eſt plus jufte s
De l'Aurore au Couchant , les fiecles à venir ,
De ce Prince immortel méditeront l'hiſtoire .
Ses rares qualités , fa prudence , & fa gloire ,
Feront de nos neveux le plus cher fouvenir.
DECEMBRE. 1755. 53
Ses exploits , fa fageffe , affurent fa puiffance.
Envain de notre fort un grand peuple eft jaloux ,
Le ciel plaçant Louis pour élever la France ,
Eternife avec lui notre eſpoir le plus doux.
En formant des Héros pour régir cet empire ,
Louis , dans fes enfans , retrouve les vertus ;
Notre félicité , dans fes foins affidus ,
Eft un des fentimens que fon coeur leur infpire
Que le fang des Bourbons commande à l'univers !
Le bonheur des humains fondé fur leur puiffance,
Garantit l'avenir , fixe notre efpérance .
Qui pourroit fous leurs loix redouter des revers ?
La Seine, en arrofant ces fertiles rivages ,
De ces Princes chéris verra les defcendans
Auffi grands dans la paix , qu'illuftres conquérans,
De Tite , & de Trajan rappeller les images.
Par J. Martinot , Valet de Chambre , Hor-
Loger de Sa Majesté .
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Résumé : VERS Présentés au Roi, le lendemain de l'accouchement de Madame la Dauphine, sur la naissance de Monseigneur le Comte de Provence, le 17 Novembre 1755.
Le poème célèbre la naissance du Comte de Provence, futur Louis XVIII, le 17 novembre 1755. Présenté au Roi le lendemain de l'accouchement de Madame la Dauphine, il loue cet événement comme un signe des bienfaits divins et souligne l'augmentation du pouvoir et de la famille royale. Le texte prédit que les générations futures admireront l'histoire de ce prince, mettant en avant ses qualités, sa prudence et sa gloire. Il exalte également les exploits et la sagesse du roi Louis, comparant sa descendance à des héros capables de régir l'empire. La puissance des Bourbons est présentée comme garantissant l'avenir et l'espérance, assurant le bonheur des humains. La Seine est évoquée comme témoin des descendants de ces princes, aussi grands en paix qu'en tant que conquérants illustres, rappelant les images de Tite et de Trajan. Le poème est signé par J. Martinot, Valet de Chambre et Horloger de Sa Majesté.
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15
p. 54-55
VERS Présentés au Roi à l'occasion de la naissance de Monseignenr le Comte de Provence, par M. Le Monnier.
Début :
Au milieu d'une nuit obscure, [...]
Mots clefs :
Comte de Provence, Bonheur
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texteReconnaissance textuelle : VERS Présentés au Roi à l'occasion de la naissance de Monseignenr le Comte de Provence, par M. Le Monnier.
VERS
Préfentés au Roi à l'occafion de la naissance
de Monfeignenr le Comte de Provence , par
M. Le Monnier.
Aumilieu d'une nuit obſcure , U
Quelle vive clarté ſe répand dans les airs ?
La terre en un inſtant ſe couvre de verdure :
Flore paroît braver la glace des hyvers :
Quel ſpectacle pompeux embellit la nature ?
Sur les bords argentés d'une onde vive & pure ;
S'éleve un tendre lys , l'amour de l'univers .
Mais que vois -je ?.... Du fein de fa tige féconde ,
Sort tout à coup un jeune enfant ;
Afon air doux & triomphant ,
Il paroît être né pour le bonheur du monde.
Tous les Dieux à l'envi , le comblent de leurs
dons :
Minerve lui fourit , la Gloire l'environne ,
La main des Graces le couronne.
Puis-je vous méconnoître , & race des Bourbons ,
A cette majefté dont l'éclat nous étonne !
Croiffez , aimable enfant , fous les yeux de Louis
Joignez à la vertu de votre illuftre mere
La valeur , la bonté de votre auguſte pere ,
Et méritez un jour le beau nom de fon fils.
DECEMBRE. 1755 . SS
Louis à ton bonheur rien ne peut mettre obſtacle.
Tout réuffit au-delà de tes voeux :
Comblés de tes bienfaits , nos coeurs font un
oracle
Qui t'annonce à jamais le fort le plus heureux.
Pourfuis : chaque moment d'un regne glorieux
Doit être confacré par un nouveau miracle.
Préfentés au Roi à l'occafion de la naissance
de Monfeignenr le Comte de Provence , par
M. Le Monnier.
Aumilieu d'une nuit obſcure , U
Quelle vive clarté ſe répand dans les airs ?
La terre en un inſtant ſe couvre de verdure :
Flore paroît braver la glace des hyvers :
Quel ſpectacle pompeux embellit la nature ?
Sur les bords argentés d'une onde vive & pure ;
S'éleve un tendre lys , l'amour de l'univers .
Mais que vois -je ?.... Du fein de fa tige féconde ,
Sort tout à coup un jeune enfant ;
Afon air doux & triomphant ,
Il paroît être né pour le bonheur du monde.
Tous les Dieux à l'envi , le comblent de leurs
dons :
Minerve lui fourit , la Gloire l'environne ,
La main des Graces le couronne.
Puis-je vous méconnoître , & race des Bourbons ,
A cette majefté dont l'éclat nous étonne !
Croiffez , aimable enfant , fous les yeux de Louis
Joignez à la vertu de votre illuftre mere
La valeur , la bonté de votre auguſte pere ,
Et méritez un jour le beau nom de fon fils.
DECEMBRE. 1755 . SS
Louis à ton bonheur rien ne peut mettre obſtacle.
Tout réuffit au-delà de tes voeux :
Comblés de tes bienfaits , nos coeurs font un
oracle
Qui t'annonce à jamais le fort le plus heureux.
Pourfuis : chaque moment d'un regne glorieux
Doit être confacré par un nouveau miracle.
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Résumé : VERS Présentés au Roi à l'occasion de la naissance de Monseignenr le Comte de Provence, par M. Le Monnier.
Le poème célèbre la naissance du Comte de Provence, futur Louis XVIII, en décembre 1755. Une nuit obscure s'illumine soudainement, symbolisant cet événement. La nature se transforme, se couvrant de verdure et de fleurs, et un lys, symbole de pureté, apparaît. Un jeune enfant, né pour le bonheur du monde, reçoit des dons divins : Minerve lui offre la sagesse, la Gloire l'entoure, et les Grâces le couronnent. Le poète reconnaît en cet enfant un membre de la race des Bourbons, admirant sa majesté. Il souhaite que le comte, sous le regard de Louis XV, combine la vertu de sa mère et la valeur et la bonté de son père, méritant ainsi le nom de fils de Louis. Le poème se conclut en affirmant que rien ne peut entraver le bonheur du comte, dont le règne sera marqué par des miracles et des succès constants.
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16
p. 55
Mot de l'Enigme & du Logogryphe du premier volume du Mercure de Decembre, [titre d'après la table]
Début :
Le mot de l'Enigme du premier volume du Mercure de Decembre est la lettre R. [...]
Mots clefs :
Lettre R, Chapeau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mot de l'Enigme & du Logogryphe du premier volume du Mercure de Decembre, [titre d'après la table]
L'E mot de l'Enigme du premier volume
da Mercure de Decembre eft la lettre R.
Celui du Logogryphe , Chapeau , dans lequel
on trouve cave , écu , cape , cep , ave ,
Eau , Auch , peau , Pau , pavé , Cap , Ava ,
Eu , ah ! avec , pen , au , ce , ache , chape.
da Mercure de Decembre eft la lettre R.
Celui du Logogryphe , Chapeau , dans lequel
on trouve cave , écu , cape , cep , ave ,
Eau , Auch , peau , Pau , pavé , Cap , Ava ,
Eu , ah ! avec , pen , au , ce , ache , chape.
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17
p. 55
ENIGME.
Début :
Mon éclat éblouit le plus noble des sens, [...]
Mots clefs :
Pelote de neige
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Mon éclat éblouit le plus noble des fens ,
1
Il me faut preffer pour me faire ;
Si celui qui me fait , me preffe trop long- tems ,
Je redeviens ma propre mere.
Mon éclat éblouit le plus noble des fens ,
1
Il me faut preffer pour me faire ;
Si celui qui me fait , me preffe trop long- tems ,
Je redeviens ma propre mere.
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18
p. 55-56
LOGOGRYPHE.
Début :
Peu de gens, cher Lecteur, conviennent de m'avoir, [...]
Mots clefs :
Peur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
PEu de gens , cher Lecteur , conviennent de
m'avoir ,
Et pourtant fur beaucoup j'exerce mon pouvoir,
Une fatalité préside à ma naiſſance ,
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
Rien ne détruit mon exiſtence.
Par ce petit début tu peux voir qui je fuis.
Mais pour te mieux aider , je vais faire paroître
Les membres de mon corps , épars & defunis ,
En les raſſemblant bien , tu trouveras peut-être ,
Ce qui de mon entier te donnera le tour ,
Et tu n'iras pas loin pour en trouver le bout.
Quatre pieds feulement compofent ma ftructure ,
Qui different entr'eux de forme & de figure :
En moi l'on voit d'abord l'opposé de beaucoup ;
Puis me décompofant , l'on trouve tout- à- coup
Un lieu très -fréquenté , fur tout dans cette ville ,
Mais qui dans tout pays eft toujours fort utile :
Ce qu'eft le vin qu'on boit , fans y mettre de l'eau
Un animal rampant , qui n'eſt ni bon ni beau,
De la virginité , le parfait fynonyme :
Ici , ma foi , l'Auteur abandonne la rime :
Mais non , il faut encor te donner un avis ,
Evite , cher Lecteur , d'être par moi furpris.
A Paris , par Madame la Baronne C ....
PEu de gens , cher Lecteur , conviennent de
m'avoir ,
Et pourtant fur beaucoup j'exerce mon pouvoir,
Une fatalité préside à ma naiſſance ,
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
Rien ne détruit mon exiſtence.
Par ce petit début tu peux voir qui je fuis.
Mais pour te mieux aider , je vais faire paroître
Les membres de mon corps , épars & defunis ,
En les raſſemblant bien , tu trouveras peut-être ,
Ce qui de mon entier te donnera le tour ,
Et tu n'iras pas loin pour en trouver le bout.
Quatre pieds feulement compofent ma ftructure ,
Qui different entr'eux de forme & de figure :
En moi l'on voit d'abord l'opposé de beaucoup ;
Puis me décompofant , l'on trouve tout- à- coup
Un lieu très -fréquenté , fur tout dans cette ville ,
Mais qui dans tout pays eft toujours fort utile :
Ce qu'eft le vin qu'on boit , fans y mettre de l'eau
Un animal rampant , qui n'eſt ni bon ni beau,
De la virginité , le parfait fynonyme :
Ici , ma foi , l'Auteur abandonne la rime :
Mais non , il faut encor te donner un avis ,
Evite , cher Lecteur , d'être par moi furpris.
A Paris , par Madame la Baronne C ....
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19
p. 56
« Nous avons avancé dans le Mercure d'Octobre, p. 44. que M. le Chevalier de [...] »
Début :
Nous avons avancé dans le Mercure d'Octobre, p. 44. que M. le Chevalier de [...]
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texteReconnaissance textuelle : « Nous avons avancé dans le Mercure d'Octobre, p. 44. que M. le Chevalier de [...] »
Nous avons avancé dans le Mercure
d'Octobre , p. 44. que M. le Chevalier de
Fontaines , & Madame la Marquife de
Fontanges fa foeur , jouiffoient de la penhion
faite par les Juifs de Mets à M. le
Marquis de Livri leur grand pere ; mais
on nous avoit mal inftruits, & nous venons
d'apprendre qu'ils ne l'ont plus depuis près
de onze ans.
d'Octobre , p. 44. que M. le Chevalier de
Fontaines , & Madame la Marquife de
Fontanges fa foeur , jouiffoient de la penhion
faite par les Juifs de Mets à M. le
Marquis de Livri leur grand pere ; mais
on nous avoit mal inftruits, & nous venons
d'apprendre qu'ils ne l'ont plus depuis près
de onze ans.
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p. 57-58
LA NAISSANCE de Monseigneur le Comte de Provence. MUSETTE. Par M. Thomassin de Juilly, Garde du Corps du Roi ; mise en chant par M. de Buri, Surintendant de la Musique de Sa Majesté.
Début :
Bruyans tambours, fieres trompettes, [...]
Mots clefs :
Comte de Provence, Naissance, Naissance du Comte de Provence, Amour, Voeux
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texteReconnaissance textuelle : LA NAISSANCE de Monseigneur le Comte de Provence. MUSETTE. Par M. Thomassin de Juilly, Garde du Corps du Roi ; mise en chant par M. de Buri, Surintendant de la Musique de Sa Majesté.
LA NAISSANCE
de Monfeigneur
le Comte de Provence.
MU. SET TE .
Par M. Thomafin de Juilly , Garde du
Corps du Roi, & mife en chant par M. de..
Buri , Surintendant de la Musique de San
Majefté.
BRuyans tambours , fieres trompettes ,
Faites éclater nos tranfports ;
Au fon de nos tendres mufettes ,
Mêlez pour toujours vos accords ..
Des Dieux vous ferviez la vengeance ,
Maintenant ils font fatisfaits :
N'annoncez plus que leur clémence.
Ne chantez plus que leurs bienfaits.`.
Que tout cede à la douce ivreffe
Que nous inſpire un fi beau jour !
Nous le devons à la tendrefle ,
Puifqu'il eft produit par l'amour.
Libres de foucis & de craintes ,
Livrons-nous aux plus doux loiſirs :
Cv
JS MERCURE DE FRANCE.
Baniffons le trouble & les plaintes ;
Voici le regne des plaifirs.
串
O vous , Race illuftre & féconde ,
Qui rendez l'efpoir à nos voeux !
De Héros rempliffez le Monde :
C'eſt à vous à le rendre heureux.
L'Amour pour embellir nos fêtes ,
Fait régner les Graces , les Ris ;
Mais ce Dieu ne fait des conquêtes
Que pour vous en offrir le prix.
串
Que Lucine à nos voeux propice ,
Préfide à nos jeux , à nos airs !
Que le boccage retentiffe
Du bruit de nos tendres concerts !
Confacrons , Bergers , à la gloire
Et nos chalumeaux & nos voix :
Qu'à jamais fes dons , fa mémoire ,
Soient les délices de nos bois !
A Arc en Barois , le 22 Nouembre 175.5-
de Monfeigneur
le Comte de Provence.
MU. SET TE .
Par M. Thomafin de Juilly , Garde du
Corps du Roi, & mife en chant par M. de..
Buri , Surintendant de la Musique de San
Majefté.
BRuyans tambours , fieres trompettes ,
Faites éclater nos tranfports ;
Au fon de nos tendres mufettes ,
Mêlez pour toujours vos accords ..
Des Dieux vous ferviez la vengeance ,
Maintenant ils font fatisfaits :
N'annoncez plus que leur clémence.
Ne chantez plus que leurs bienfaits.`.
Que tout cede à la douce ivreffe
Que nous inſpire un fi beau jour !
Nous le devons à la tendrefle ,
Puifqu'il eft produit par l'amour.
Libres de foucis & de craintes ,
Livrons-nous aux plus doux loiſirs :
Cv
JS MERCURE DE FRANCE.
Baniffons le trouble & les plaintes ;
Voici le regne des plaifirs.
串
O vous , Race illuftre & féconde ,
Qui rendez l'efpoir à nos voeux !
De Héros rempliffez le Monde :
C'eſt à vous à le rendre heureux.
L'Amour pour embellir nos fêtes ,
Fait régner les Graces , les Ris ;
Mais ce Dieu ne fait des conquêtes
Que pour vous en offrir le prix.
串
Que Lucine à nos voeux propice ,
Préfide à nos jeux , à nos airs !
Que le boccage retentiffe
Du bruit de nos tendres concerts !
Confacrons , Bergers , à la gloire
Et nos chalumeaux & nos voix :
Qu'à jamais fes dons , fa mémoire ,
Soient les délices de nos bois !
A Arc en Barois , le 22 Nouembre 175.5-
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Résumé : LA NAISSANCE de Monseigneur le Comte de Provence. MUSETTE. Par M. Thomassin de Juilly, Garde du Corps du Roi ; mise en chant par M. de Buri, Surintendant de la Musique de Sa Majesté.
Le poème célèbre la naissance du Comte de Provence, futur Louis XVIII, le 22 novembre 1755 à Arc-en-Barrois. Il commence par une invocation aux tambours et trompettes pour annoncer la joie et la clémence divine. Le texte exprime la gratitude pour ce jour heureux, attribué à l'amour et à la tendresse. Il appelle à bannir les soucis et les plaintes pour entrer dans un règne de plaisirs. Le poème s'adresse à une race illustre et féconde, espérant qu'elle remplisse le monde de héros pour le rendre heureux. L'amour est présenté comme le moteur des fêtes, embellissant les célébrations par les grâces et les rires. Le texte souhaite que Lucine, déesse des accouchements, préside aux jeux et aux airs musicaux. Enfin, il invite les bergers à consacrer leurs chalumeaux et leurs voix à la gloire, afin que les dons et la mémoire de cet événement soient à jamais les délices des bois.
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