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1
p. 820-828
ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
Début :
ARREST du 21. Novembre 1730. qui ordonne que le sieur [...]
Mots clefs :
Arrêt, Déclaration du roi, Ordonnance, Commerce, Brevets, Militaires, Médecine, Négociants
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texteReconnaissance textuelle : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
ARRESTS , DECLARATIONS
ORDONNANCES , &c.
RREST du 21. Novembre 1730. qui or-
Adonne que le sieur Jacques Auriol et ses
Associez , jouiront pendant dix années à commencer
au premier Janvier 1731. au lieu & place
de la Compagnie des Indes , du commerce de la
Côte de Barbarie , pour en jouir et y faire le
commerce exclusif , sous le nom de COMPAGNIE
D'AFRIQUE.
" DECLARATION DU ROY , concernant
les Scellez des Officiers Militaires. Donnée
à Versailles le 3. Février 1731. Registrée en
Parlement. Par laquelle S. M. établit un nouveau
Reglement pour prévenir toutes les difficul
tez qui pourroient survenir sur cette matiere.
ARREST du 11. Fevrier , portant . Reglement
pour les Toiles , Batistes et Linons qui se
fabriquent dans les Generalitez de Paris et de
Soissons.
AUTRE , du 13. Fevrier , qui ordonne que
les Acquereurs des Offices sur les Quais , Ports et
Halles de Paris , rétablis par Edit du mois de Juin
1730 seront mis en possession des fonctions et
Droits y attribuez , lorsque tous les Offices auront
été acquis ; que les acquereurs des Offices
d'une Communauté , dont la totalité n'aura point
encore été levée , jouiront seulement de la portion
AVRIL. 1731. 821
tion des droits attachez à leurs Offices ; et qu'en
attendant que la totalité des Offices de chaque
Communauté soit levée , Remy Barbier et ses
Cautions continueront la perception desdits droits
à la charge de payer tous les mois à chaque acquereur
d'Office la portion des droits à lui revenante.
DECLARATION DU ROY , sur les
Insinuations. Donnée à Versailles le 17. Fevrier
1731. Registrée en Parlement le 9. Mars , par
laquelle S. M. a . jugé nécessaire de rappeller les
dispositions des anciens Reglemens à cet égard, et
même de fixer d'une maniere encore plus précise
qu'il n'a été fait jusqu'à present, les Bureaux dans
lesquels les Insinuations des Donations entre-vifs
doivent êtres faites , &c.
ARREST du 5. Mars , qui regle la distribution
des fonds destinez au soulagement des pauvres
Maisons et Communautez de filles Religieuses
du Royaume.
AUTRE du 6. Mars , par lequel Sa Majesté
accorde une Loterie d'Etoffes de Soye , Or et
Argent , en faveur des Créanciers de Gazon -Galpin.
Et veut qu'elle soit , composée de 133000.
Billets de 3. livres chacun , et que les Lots desdites
Etoffes soient, en nombre proportionné,suivant
la division qu'il conviendra faire desdites
Marchandises , dont sera dressé un Etat visé du
Lieutenant General de Police. Ladite Loterie a été
ouverte le 19. Mars et doit être tirée pour la premiere
fois le 11. May suivant , et ensuite de mois
en mois . On a publié differens Avis pour
former le Public de la disposition de ladite Loterie
, avec un Etat des Marchandises qui doivent
la composer , et une Liste de ceux qui ont été
I j commis
in822
MERCURE DE FRANCE
commis par M. Herault , pour la distribution
des Billets.
2
2
ORDONNANCE DU ROI , du io . Mars
concernant les Cavaliers , Dragons et Soldats ,
qui aprés avoir obtenu leurs Congez absolus
voudront prendre de nouveaux Engagemens. Par
laquelle il est dit , que Sa Majesté étant informée
que la plus grande partie des Cavaliers , Dragons
et Soldats , qui sont dans le cas d'obtenir des
Congez absolus , aprés avoir rempli le temps de
leurs engagemens , au lieu d'en prendre de nouveaux
avec leurs Capitaines , lorsqu'ils ont intention
de continuer leurs services dans les Troupes
, en sont souvent détournez par les proposi
tions qui leur sont faites avant l'expiration desdits
Congez , par d'autres Capitaines de la même
garnison , pour les attirer dans leurs Compagnies
; Et voulant remedier à un abus égaleanent
contraire au bien de son Service , et à la
bonne intelligence qui doit regner entre les differens
corps et les Officiers dont ils sont composez
, 5. M. a défendu et défend très expressement
à tous Capitaines d'Infanterie , Cavalerie et
Dragons , d'engager et recevoir en leurs Compagnies
aucun Cavalier , Dragon ou Saldat des
autres Compagnies , avec lesquelles ils seront en
garnison , quoique porteur d'un Congé absolu ;
à peine ausdits Capitaines d'être cassez , et de
perdre ce qu'ils auront payé pour lesdits engagemens
, et ausdits Soldats , Cavaliers ou Dragons
, de continuer à servir dans la Compagnie
qu'ils auront quitté , pendant le temps porté par
leur nouvel engagement , et d'être punis comme
déserteurs s'ils s'en absentent sans Congé. Défend
pareillement Sa Majesté à tous Capitaines ,
quoique de garnison differente , de recevoir en
·
leurs
AVRIL. 1731. 823
Jeurs Compagnies aucun Cavalier , Dragon on
Soldat sortant d'une autre Compagnie avec Congé
absolu , pendant le temps d'un mois , à compter
du jour de la date dudit Congé : Permet Sa
Majesté , en cas de contravention , au Capitaine
de la Compagnie que ledit Cavalier , Dragon ou
Soldat aura quitté , de le reprendre en celle on it
aura passé avant ledir terme expiré , pour continuer
ses services en sa premiere Compagnie pen-
"dant le tems de son nouvel enrollement , ainsi
qu'il est dit ci-dessus , en restituant au nouveau
Capitaine la somme de trente livres seulement
pour le prix d'icelui. Veur au surplus , Sa Majesté
, qu'après ledit terme d'un mois passé , il soit
libre à tous Cavaliers , Dragons et Soldats por
teurs de Congez absolus , de prendre partie en
telle Compagnie qu'ils jugeront à propos , à
l'exception seulement de celles avec lesquelles ils
étoient en garnison lors de l'expedition de leurs
Congez absolus ; et à tous Capitaines étant en
garnisons , ou, quartiers differens , de les recevoir
en leurs Compagnies , sans pouvoir être repetez
sous quelque prétexte que ce puisse être , &c.
ARREST du Conseil du 17. Mars , concermant
la Discipline et la Police des trois Corps
de la Medecine .
Le Roi s'étant fait représenter les Arrêts de
son Conseil , des trois Juillet , vingt-cinq Octobré
mil sept cent vingt-huit , et onze Mars mil
sept cent trente-un , Par lesquels sa Majesté , pour
prévenir les dangereux inconveniens de la distribution
d'un nombre considerable de Remedes appellez
Specifiques et autres , qui se fait par diffesens
Particuliers , auroit ordonné qu'ils seroient
examinez , et auroit à cet effet choisi son prenier
Medecin et son premier Chirurgien , avec
I iiij
ceur:
824 MERCURE DE FRANCE
ceux des differens Corps de la Medecine , de la
Chirurgie et des Apotiquaires , qu'Elle a jugé les
-plus capables pour proceder à cet examen. Vu
PAvis du Sieur Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , Oui le rapport , Sa
Majesté étant en son Conseil , a ordonné et or
donne , que les Arrêts des 3. Juillet , 25. Octobre
1728. , et 11. Mars 1731. seront executez selon
leur forme et teneur , et en consequence ordonné
la
I. Qu'il ne sera à l'avenir expedié ni délivré
aucuns Brevets par son Premier Medecin pour
distribution des Remedes particuliers , qu'aprés
avoir été examinez à la Commission , et en conséquence
d'une Déliberation signée de tous ceux
qui la composent ; et que pour plus grande sûreté
dans l'usage desdits Remedes , les Maladies et
les circonstances ausquelles ils seront jugez applicables
, soient specifiez dans lesdits Brevets et
Privileges.
II. Ne pourront lesdits Brevets et Privileges
être accordez que pour le tems et espace de trois
ans , passé lequel temps , seront tenus ceux en
faveur de qui ils auront été expedicz , de les rapporter
, pour en obtenir le renouvellement , qui
ne sera délivré que sur les Certificats donnez par
les Medecins et Chirurgiens des lieux où lesdits
Remedes auront été employez , sur le bon effet
qu'ils auront produit ; Et en cas qu'aucuns desdits
Brevets on Privileges ayent été expediez pour
un temps indéfini , ils ne pourront avoir lieu que
pendant ledit temps de trois années , à compter
du jour de leur date , le tout à peine de nullité
mille livres d'amende applicable aux Hôpitaux
des Lieux , même de punition exemplaire contre
ceux qui auront , ledit temps passé , continué à
distribuer leurs Remedes sans avoir obtenu le
renouAVRIL.
1731. 825
renouvellement de leurs Brevets dans la forme
prescrite ci dessus. 2
III . Veut Sa Majesté que les Minutes desdies
Brevets et Privileges , ainsi que le Registre
qui en sera tenu ,
demeurent entre les mains du
Premier Medecin , pour y avoir recours en cas de
besoin.
2
IV. Et pour éviter toute surprise dans le Public
de la part des Distributeurs desdits Remedes
qui auront été examinez et approuvez , ordonne
Sa Majesté que l'Original des Affiches sera conforme
à la teneur des Brevets qui les autoriseront,
et visé du Premier Medecin , ou de tel autre qui
sera par lui préposé à cet effet à peine de cing
cens livres d'amende.
,
V. Ordonne Sa Majesté que son Premier Me,
decin sera tenu d'adresser un double Imprimé de
chaque Brevet ou Privilege , aux Doyens des Facultez
ou Aggregations de Medecine lesquels
auront soin de l'informer exactement du succès
ou des inconveniens desdits Remedes.
2
VI. Entend pareillement Sa Majesté , que lorsqu'il
arrivera des Maladies Epidemiques ou des
cas extraordinaires jusqu'ici inconnus soit en
fait de Medecine ou de Chirurgie dans la Ville
de Paris , il en soit donné avis à la Commission
par les Medecins ou Chirurgiens chargez du soin
des Malades , lesquels seront invitez , s'il est ainsi
jugé à propos , a venir faire le détail de ladite
Maladie ou desdits cas extraordinaires à ladite
Commission , à laquelle les Medecins et Chirurgiens
des Provinces seront pareillement tenus dans
les mêmes cas d'en envoyer le récit , qui sera
adressé au Premier Medecin , et qui contiendra
aussi la maniere dont les Malades auront été trai
tez , et du tout en sera tenu Registre , dans le
quel sera fait mention du progrès et de l'issue de
la
$26 MERCURE DE FRANCE
la Maladie ou desdits cas extraordinaires.
VII. Enjoint trés-expressément Sa Majesté
tous les Corps des Facultez de Medecine et d'Aggregations
du Royaume , ainsi qu'à tous les
Lieutenans du Premier Chirurgien , de dénoncer
ladite Commission tous Distributeurs de Remedes
, et Colporteurs qui ne se trouveront munis
d'aucun Brevet du Premier Medecin dans
la forme ci - dessus prescrite .
VIII. Et pour prévenir toutes sortes de contestations
et de procès entre les trois professions ,
des Medecins , Chirurgiens et Apoticaires en co
qui peut regarder les differens objets et la police
desdites Professions , veut Sa Majesté que ladite
Commission aprés s'être fait représenter les Statuts
et Reglemens , donne son Avis sur les difficultez
nées ou à naître , concernant l'exercice
la discipline et les limites de chacune desdites
Professions , pour , ledit avis vû et rapporté , y
être pourvû par Sa Majesté.
>
IX. Fait Sa Majesté défenses à tous Gouverneurs
et Magistrats des Villes dans les Provinces,
de permettre à des gens sans qualité comme
Operateurs ou autres , de distribuer et débiter aucuns
Remedes s'ils n'ont été approuvez de
la Commission , et qu'il ne leur soit apparu de
Pexpedition des Brevets ou Privileges dans les
formes 'ci dessus , &c.
AUTRE du 20. Mars , portant Reglement
pour le droit d'Amortissement des sommes données
aux gens de main- morte , à charge de fondation
perpetuelle , quoique sans stipulation
d'emploi.
ORDONNANCE du Roi
Mars , qui fixe à dix ans , la résidence des
du 21.
NégoAVRIL.
173.1 . 827
Négocians et Artisans François dans les Eschelles
du Levant et de Barbarie. Par laquelle S. M.
ordonne ce qui suit.
1. Les Négocians François , qui sont présentement
établis dans les Eschelle's du Levant et de
Barbarie , sur les permissions de la Chambre du
Commerce de Marseille , pourront y continuer
leur résidence pendant dix années , à compter du
jour que la présente Ordonnance aura été enregistrée
dans les Chancelleries de chacune desdites
Eschelles ; aprés lequel temps de dix années , Sa
Majesté enjoint ausdits Negocians de revenir dans
le Royaume , à peine de désobéissance , et aux
Consuls et Vice - Consuls de les y contraindre.
II. Les Negocians qui voudront à l'avenir passer
en Levant et en Barbarie pour s'y établir
prendront le Certificat de la Chambre du Cominerce
de Marseille , en la maniere ordinaire , er:
ne pourront résider que dix ans dans l'Eschelle
qu'ils auront choisie , lesquels dix ans ne compteront
que du jour de leur arrivée sur l'Eschelle
dont le Chancelier adressera son Certificat à ladite
Chambre,
III. Veut et entend Sa Majesté , que les dis
positions des deux précedens Articles ayent licu
et soient observées à l'égard des Artisans et gens
de mêtier , de quelque Profession qu'ils soient
lesquels se trouvent présentement établis dans les
Eschelles de Levant êt de Barbarie , au qui pourront
s'y établir dans la suite,
IV. Les Marchands et Artisans , qui après
avoir résidé en Levant et en Barbarie seront revenus
en France , ne pourront y retourner qu'à
prés un terme de cinq ans au moins , comp
ter du jour de leur départ desdits Pays.
V. Les Commis des Négocians ne seront point
soumis aux mêmes dispositions , pendant tout le
temps
828 MERCURE DE FRANCE.
temps qu'ils seront au service desdits Négocians
François , et qu'ils s'instruiront pour se rendre
capables de participer à leur commerce , et les
remplacer lors de leur retraite , ou en cas de mort,
ou de tout autre évennement.
VI.. Les Domestiques pourront demeurer chez
leurs Maîtres autant de temps qu'ils voudront
les garder ; mais lorsqu'ils leur donneront congé
, et qu'ils seront inutiles sur les Eschelles , les
Consuls les teront embarquer sur le premier bâtiment
destiné pour France.
ORDONNANCES , &c.
RREST du 21. Novembre 1730. qui or-
Adonne que le sieur Jacques Auriol et ses
Associez , jouiront pendant dix années à commencer
au premier Janvier 1731. au lieu & place
de la Compagnie des Indes , du commerce de la
Côte de Barbarie , pour en jouir et y faire le
commerce exclusif , sous le nom de COMPAGNIE
D'AFRIQUE.
" DECLARATION DU ROY , concernant
les Scellez des Officiers Militaires. Donnée
à Versailles le 3. Février 1731. Registrée en
Parlement. Par laquelle S. M. établit un nouveau
Reglement pour prévenir toutes les difficul
tez qui pourroient survenir sur cette matiere.
ARREST du 11. Fevrier , portant . Reglement
pour les Toiles , Batistes et Linons qui se
fabriquent dans les Generalitez de Paris et de
Soissons.
AUTRE , du 13. Fevrier , qui ordonne que
les Acquereurs des Offices sur les Quais , Ports et
Halles de Paris , rétablis par Edit du mois de Juin
1730 seront mis en possession des fonctions et
Droits y attribuez , lorsque tous les Offices auront
été acquis ; que les acquereurs des Offices
d'une Communauté , dont la totalité n'aura point
encore été levée , jouiront seulement de la portion
AVRIL. 1731. 821
tion des droits attachez à leurs Offices ; et qu'en
attendant que la totalité des Offices de chaque
Communauté soit levée , Remy Barbier et ses
Cautions continueront la perception desdits droits
à la charge de payer tous les mois à chaque acquereur
d'Office la portion des droits à lui revenante.
DECLARATION DU ROY , sur les
Insinuations. Donnée à Versailles le 17. Fevrier
1731. Registrée en Parlement le 9. Mars , par
laquelle S. M. a . jugé nécessaire de rappeller les
dispositions des anciens Reglemens à cet égard, et
même de fixer d'une maniere encore plus précise
qu'il n'a été fait jusqu'à present, les Bureaux dans
lesquels les Insinuations des Donations entre-vifs
doivent êtres faites , &c.
ARREST du 5. Mars , qui regle la distribution
des fonds destinez au soulagement des pauvres
Maisons et Communautez de filles Religieuses
du Royaume.
AUTRE du 6. Mars , par lequel Sa Majesté
accorde une Loterie d'Etoffes de Soye , Or et
Argent , en faveur des Créanciers de Gazon -Galpin.
Et veut qu'elle soit , composée de 133000.
Billets de 3. livres chacun , et que les Lots desdites
Etoffes soient, en nombre proportionné,suivant
la division qu'il conviendra faire desdites
Marchandises , dont sera dressé un Etat visé du
Lieutenant General de Police. Ladite Loterie a été
ouverte le 19. Mars et doit être tirée pour la premiere
fois le 11. May suivant , et ensuite de mois
en mois . On a publié differens Avis pour
former le Public de la disposition de ladite Loterie
, avec un Etat des Marchandises qui doivent
la composer , et une Liste de ceux qui ont été
I j commis
in822
MERCURE DE FRANCE
commis par M. Herault , pour la distribution
des Billets.
2
2
ORDONNANCE DU ROI , du io . Mars
concernant les Cavaliers , Dragons et Soldats ,
qui aprés avoir obtenu leurs Congez absolus
voudront prendre de nouveaux Engagemens. Par
laquelle il est dit , que Sa Majesté étant informée
que la plus grande partie des Cavaliers , Dragons
et Soldats , qui sont dans le cas d'obtenir des
Congez absolus , aprés avoir rempli le temps de
leurs engagemens , au lieu d'en prendre de nouveaux
avec leurs Capitaines , lorsqu'ils ont intention
de continuer leurs services dans les Troupes
, en sont souvent détournez par les proposi
tions qui leur sont faites avant l'expiration desdits
Congez , par d'autres Capitaines de la même
garnison , pour les attirer dans leurs Compagnies
; Et voulant remedier à un abus égaleanent
contraire au bien de son Service , et à la
bonne intelligence qui doit regner entre les differens
corps et les Officiers dont ils sont composez
, 5. M. a défendu et défend très expressement
à tous Capitaines d'Infanterie , Cavalerie et
Dragons , d'engager et recevoir en leurs Compagnies
aucun Cavalier , Dragon ou Saldat des
autres Compagnies , avec lesquelles ils seront en
garnison , quoique porteur d'un Congé absolu ;
à peine ausdits Capitaines d'être cassez , et de
perdre ce qu'ils auront payé pour lesdits engagemens
, et ausdits Soldats , Cavaliers ou Dragons
, de continuer à servir dans la Compagnie
qu'ils auront quitté , pendant le temps porté par
leur nouvel engagement , et d'être punis comme
déserteurs s'ils s'en absentent sans Congé. Défend
pareillement Sa Majesté à tous Capitaines ,
quoique de garnison differente , de recevoir en
·
leurs
AVRIL. 1731. 823
Jeurs Compagnies aucun Cavalier , Dragon on
Soldat sortant d'une autre Compagnie avec Congé
absolu , pendant le temps d'un mois , à compter
du jour de la date dudit Congé : Permet Sa
Majesté , en cas de contravention , au Capitaine
de la Compagnie que ledit Cavalier , Dragon ou
Soldat aura quitté , de le reprendre en celle on it
aura passé avant ledir terme expiré , pour continuer
ses services en sa premiere Compagnie pen-
"dant le tems de son nouvel enrollement , ainsi
qu'il est dit ci-dessus , en restituant au nouveau
Capitaine la somme de trente livres seulement
pour le prix d'icelui. Veur au surplus , Sa Majesté
, qu'après ledit terme d'un mois passé , il soit
libre à tous Cavaliers , Dragons et Soldats por
teurs de Congez absolus , de prendre partie en
telle Compagnie qu'ils jugeront à propos , à
l'exception seulement de celles avec lesquelles ils
étoient en garnison lors de l'expedition de leurs
Congez absolus ; et à tous Capitaines étant en
garnisons , ou, quartiers differens , de les recevoir
en leurs Compagnies , sans pouvoir être repetez
sous quelque prétexte que ce puisse être , &c.
ARREST du Conseil du 17. Mars , concermant
la Discipline et la Police des trois Corps
de la Medecine .
Le Roi s'étant fait représenter les Arrêts de
son Conseil , des trois Juillet , vingt-cinq Octobré
mil sept cent vingt-huit , et onze Mars mil
sept cent trente-un , Par lesquels sa Majesté , pour
prévenir les dangereux inconveniens de la distribution
d'un nombre considerable de Remedes appellez
Specifiques et autres , qui se fait par diffesens
Particuliers , auroit ordonné qu'ils seroient
examinez , et auroit à cet effet choisi son prenier
Medecin et son premier Chirurgien , avec
I iiij
ceur:
824 MERCURE DE FRANCE
ceux des differens Corps de la Medecine , de la
Chirurgie et des Apotiquaires , qu'Elle a jugé les
-plus capables pour proceder à cet examen. Vu
PAvis du Sieur Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , Oui le rapport , Sa
Majesté étant en son Conseil , a ordonné et or
donne , que les Arrêts des 3. Juillet , 25. Octobre
1728. , et 11. Mars 1731. seront executez selon
leur forme et teneur , et en consequence ordonné
la
I. Qu'il ne sera à l'avenir expedié ni délivré
aucuns Brevets par son Premier Medecin pour
distribution des Remedes particuliers , qu'aprés
avoir été examinez à la Commission , et en conséquence
d'une Déliberation signée de tous ceux
qui la composent ; et que pour plus grande sûreté
dans l'usage desdits Remedes , les Maladies et
les circonstances ausquelles ils seront jugez applicables
, soient specifiez dans lesdits Brevets et
Privileges.
II. Ne pourront lesdits Brevets et Privileges
être accordez que pour le tems et espace de trois
ans , passé lequel temps , seront tenus ceux en
faveur de qui ils auront été expedicz , de les rapporter
, pour en obtenir le renouvellement , qui
ne sera délivré que sur les Certificats donnez par
les Medecins et Chirurgiens des lieux où lesdits
Remedes auront été employez , sur le bon effet
qu'ils auront produit ; Et en cas qu'aucuns desdits
Brevets on Privileges ayent été expediez pour
un temps indéfini , ils ne pourront avoir lieu que
pendant ledit temps de trois années , à compter
du jour de leur date , le tout à peine de nullité
mille livres d'amende applicable aux Hôpitaux
des Lieux , même de punition exemplaire contre
ceux qui auront , ledit temps passé , continué à
distribuer leurs Remedes sans avoir obtenu le
renouAVRIL.
1731. 825
renouvellement de leurs Brevets dans la forme
prescrite ci dessus. 2
III . Veut Sa Majesté que les Minutes desdies
Brevets et Privileges , ainsi que le Registre
qui en sera tenu ,
demeurent entre les mains du
Premier Medecin , pour y avoir recours en cas de
besoin.
2
IV. Et pour éviter toute surprise dans le Public
de la part des Distributeurs desdits Remedes
qui auront été examinez et approuvez , ordonne
Sa Majesté que l'Original des Affiches sera conforme
à la teneur des Brevets qui les autoriseront,
et visé du Premier Medecin , ou de tel autre qui
sera par lui préposé à cet effet à peine de cing
cens livres d'amende.
,
V. Ordonne Sa Majesté que son Premier Me,
decin sera tenu d'adresser un double Imprimé de
chaque Brevet ou Privilege , aux Doyens des Facultez
ou Aggregations de Medecine lesquels
auront soin de l'informer exactement du succès
ou des inconveniens desdits Remedes.
2
VI. Entend pareillement Sa Majesté , que lorsqu'il
arrivera des Maladies Epidemiques ou des
cas extraordinaires jusqu'ici inconnus soit en
fait de Medecine ou de Chirurgie dans la Ville
de Paris , il en soit donné avis à la Commission
par les Medecins ou Chirurgiens chargez du soin
des Malades , lesquels seront invitez , s'il est ainsi
jugé à propos , a venir faire le détail de ladite
Maladie ou desdits cas extraordinaires à ladite
Commission , à laquelle les Medecins et Chirurgiens
des Provinces seront pareillement tenus dans
les mêmes cas d'en envoyer le récit , qui sera
adressé au Premier Medecin , et qui contiendra
aussi la maniere dont les Malades auront été trai
tez , et du tout en sera tenu Registre , dans le
quel sera fait mention du progrès et de l'issue de
la
$26 MERCURE DE FRANCE
la Maladie ou desdits cas extraordinaires.
VII. Enjoint trés-expressément Sa Majesté
tous les Corps des Facultez de Medecine et d'Aggregations
du Royaume , ainsi qu'à tous les
Lieutenans du Premier Chirurgien , de dénoncer
ladite Commission tous Distributeurs de Remedes
, et Colporteurs qui ne se trouveront munis
d'aucun Brevet du Premier Medecin dans
la forme ci - dessus prescrite .
VIII. Et pour prévenir toutes sortes de contestations
et de procès entre les trois professions ,
des Medecins , Chirurgiens et Apoticaires en co
qui peut regarder les differens objets et la police
desdites Professions , veut Sa Majesté que ladite
Commission aprés s'être fait représenter les Statuts
et Reglemens , donne son Avis sur les difficultez
nées ou à naître , concernant l'exercice
la discipline et les limites de chacune desdites
Professions , pour , ledit avis vû et rapporté , y
être pourvû par Sa Majesté.
>
IX. Fait Sa Majesté défenses à tous Gouverneurs
et Magistrats des Villes dans les Provinces,
de permettre à des gens sans qualité comme
Operateurs ou autres , de distribuer et débiter aucuns
Remedes s'ils n'ont été approuvez de
la Commission , et qu'il ne leur soit apparu de
Pexpedition des Brevets ou Privileges dans les
formes 'ci dessus , &c.
AUTRE du 20. Mars , portant Reglement
pour le droit d'Amortissement des sommes données
aux gens de main- morte , à charge de fondation
perpetuelle , quoique sans stipulation
d'emploi.
ORDONNANCE du Roi
Mars , qui fixe à dix ans , la résidence des
du 21.
NégoAVRIL.
173.1 . 827
Négocians et Artisans François dans les Eschelles
du Levant et de Barbarie. Par laquelle S. M.
ordonne ce qui suit.
1. Les Négocians François , qui sont présentement
établis dans les Eschelle's du Levant et de
Barbarie , sur les permissions de la Chambre du
Commerce de Marseille , pourront y continuer
leur résidence pendant dix années , à compter du
jour que la présente Ordonnance aura été enregistrée
dans les Chancelleries de chacune desdites
Eschelles ; aprés lequel temps de dix années , Sa
Majesté enjoint ausdits Negocians de revenir dans
le Royaume , à peine de désobéissance , et aux
Consuls et Vice - Consuls de les y contraindre.
II. Les Negocians qui voudront à l'avenir passer
en Levant et en Barbarie pour s'y établir
prendront le Certificat de la Chambre du Cominerce
de Marseille , en la maniere ordinaire , er:
ne pourront résider que dix ans dans l'Eschelle
qu'ils auront choisie , lesquels dix ans ne compteront
que du jour de leur arrivée sur l'Eschelle
dont le Chancelier adressera son Certificat à ladite
Chambre,
III. Veut et entend Sa Majesté , que les dis
positions des deux précedens Articles ayent licu
et soient observées à l'égard des Artisans et gens
de mêtier , de quelque Profession qu'ils soient
lesquels se trouvent présentement établis dans les
Eschelles de Levant êt de Barbarie , au qui pourront
s'y établir dans la suite,
IV. Les Marchands et Artisans , qui après
avoir résidé en Levant et en Barbarie seront revenus
en France , ne pourront y retourner qu'à
prés un terme de cinq ans au moins , comp
ter du jour de leur départ desdits Pays.
V. Les Commis des Négocians ne seront point
soumis aux mêmes dispositions , pendant tout le
temps
828 MERCURE DE FRANCE.
temps qu'ils seront au service desdits Négocians
François , et qu'ils s'instruiront pour se rendre
capables de participer à leur commerce , et les
remplacer lors de leur retraite , ou en cas de mort,
ou de tout autre évennement.
VI.. Les Domestiques pourront demeurer chez
leurs Maîtres autant de temps qu'ils voudront
les garder ; mais lorsqu'ils leur donneront congé
, et qu'ils seront inutiles sur les Eschelles , les
Consuls les teront embarquer sur le premier bâtiment
destiné pour France.
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Résumé : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
Entre novembre 1730 et avril 1731, plusieurs ordonnances et déclarations royales ont été émises. Le 21 novembre 1730, un arrêt accorda à Jacques Auriol et ses associés le monopole du commerce sur la Côte de Barbarie pour dix ans, à partir du 1er janvier 1731, sous le nom de Compagnie d'Afrique. Le 3 février 1731, une déclaration royale établit un nouveau règlement concernant les sceaux des officiers militaires. Le 11 février, un arrêt régula la fabrication des toiles, batistes et linons dans les généralités de Paris et de Soissons. Le 13 février, un autre arrêt organisa la mise en possession des acquéreurs d'offices sur les quais, ports et halles de Paris. Le 17 février, une déclaration royale rappela les dispositions des anciens règlements sur les insinuations des donations entre vifs. Le 5 mars, un arrêt régula la distribution des fonds destinés au soulagement des pauvres maisons et communautés de filles religieuses. Le 6 mars, une ordonnance royale accorda une loterie d'étoffes de soie, or et argent en faveur des créanciers de Gazon-Galpin. Le 10 mars, une ordonnance royale concerna les engagements des cavaliers, dragons et soldats. Le 17 mars, un arrêt du Conseil régula la discipline et la police des trois corps de la médecine. Le 20 mars, un arrêt porta règlement sur le droit d'amortissement des sommes données aux gens de main-morte. Enfin, le 21 mars, une ordonnance royale fixa à dix ans la résidence des négociants et artisans français dans les échelles du Levant et de Barbarie. Le texte mentionne également deux points concernant les relations commerciales et les domestiques dans un contexte colonial. Premièrement, il permet aux individus de participer à des activités commerciales et de se faire remplacer en cas de retraite, de décès ou d'autres événements. Deuxièmement, il stipule que les domestiques peuvent rester au service de leurs maîtres aussi longtemps que ceux-ci le souhaitent. Cependant, lorsqu'ils sont congédiés et deviennent inutiles sur les lieux de travail désignés, les consuls doivent les faire embarquer sur le premier navire en partance pour la France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 261-284
DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
Début :
PREMIERE PARTIE. Depuis que les hommes poussés par l'ambition [...]
Mots clefs :
Père Martin, Enseignes militaires, Rois, Bannière, Église, Symboles, Guerre, Religion, Reliques, Français, Saints, Militaires, Étendards, Romains, Royaume, Drapeaux, Peuples, Dévotion, Figures, Protection, Armées
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
DISSERTATION sur les Enseignes
Militaires des François , par M. Beneton
de Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roi.
PREMIERE PARTIE.
Dambition curent songé à dominer
les uns sur les autres , et qu'en conséquence
ils se furent assemblés en troupes
pour attaquer , ou pour se deffendre
ils prirent des marques militaires , soit
Epuis que les hommes poussés par
262 MERCURE DE FRANCE
en couleurs , soit en figures pour se reconnoître
dans les Combats , et ce sont
ces marques qu'on peut encore appeller
signes et symboles , qu'on a ensuite nom
més Enseignes , Drapeaux et Etendarts.
Chaque Nation regarda les siennes
avec un respect et une veneration infinie
, elles servoient à exciter en eux la
valeur et l'envie de bien faire , pour éviter
la honte de les laisser tomber en la
puissance de l'ennemi ; leur perte fut regardée
comme un affront insigne , et ceux
qui les portoient étoient punis de mort
quand ils les perdoient par négligence ou
par lâcheté.
Les Juifs eurent des Enseignes , chacu
ne des douze Tribus avoit la sienne d'une
couleur particuliere , et sur laquelle
étoit le Symbole , qui la désignoit,suivant
la Prophetie de Jacob.
Dans l'Ecriture , et en particulier dans
les Pseaumes , il est souvent parlé en ´un
sens allegorique du Lion de la Tribu de
Juda , du Navire de Zabulon , des Etoiles
ou du Firmament d'Isachar.
Du tems des Machabées les Drapeaux
Hebreux étoient chargés de quatre lettres
équivalentes à celles- ci , MCBI,
qui signifioient selon quelques Commentateurs
, quis sicut tn in Diis Domine ? La
force
FEVRIER. 1733. 253
force de la Guerre est dans le Seigneur
nul n'est égale à lui . Ce sont ces quatre
lettres qui firent donner le nom de Machabée
à la race de celui qui le premier
les fit mettre sur les Etendarts qu'il leva
pour la deffense de la vraie Religion .
C'était dès ces tems- là , et ça été toujours
depuis l'usage des Juifs , de faire des
noms artificiels avec les premieres` lettres
des differens mots qui doivent entrer
dans les noms propres . De là sont venus
les termes de Radaq , de Ralbag
de
Rambana , &c. pour Rabbi David Kimchi
, Rabbi Levi - ben- genson , et Rabbi
Moses ben-maïmon , qui semblent ne rien
signifier à ceux qui ne sçavent pas ces
sortes d'Anagrames; plusieurs autres semblables
mots, dont on a ignoré la veritable
signification , ont fourni aux Cabba
listes les noms qu'ils ont donné aux intelligences
superieures .
Semiramis , Reine des Assyriens étoit
appellée en langage du pays Chemirmor ,
mot qui signifioit aussi une Colombe
de-là vient que les Enseignes de cet Empite
étoient chargées de ces Oyseaux pour
conserver le souvenir de l'Heroïne , de
qui il tenoit son premier éclat ; et quand
les Prophetes exhortoient les Juifs à la
pénitence , ils les menaçoient de cette
Colom
264 MERCURE DE FRANCE
<
Colombe Assyrienne , comme du fleau
de la vengeance Divine le plus à crain
dre.
Semiramis pourroit bien être la Venus
de Phenicie , que les Poëtes nous représentent
sur un Char traîné par des Colombes.
Selon que les Peuples ont été plus ou
moins policés, ils ont aussi employé pour
Drapeaux , ou Etendarts , des choses plus
ou moins recherchées.
Les Romains dans les commencemens
se contentoient de mettre un paquet
d'herbes au bout d'une picque . On sçait
que les Tartares se sont servi de queues
de Cheval , ce qui est encore en usage
chez les Turcs.
Lorsqu'on découvrit l'Amérique , les
habitans de ces vastes contrées n'avoient
pour Enseignes que de grands bâtons ornés
de plumes d'Oyseaux qu'ils appelloient
Calumets.
Les Romains mitent ensuite au bout de
la picque des représentations d'animaux ,
comme celles du Loup , du Cheval , du
Sanglier , du Minotaure , &c. C'est Pline
( L. X. C. IV. ) qui nous l'apprend ,
et ses Commentateurs donnent pour la
plûpart des raisons politiques de ces usages
; ils prétendent, par exemple, que le
Mino
FEVRIER, 1733. 265
Minotaure devoit faire ressouvenir les
gens de Guerre de garder le silence sur les
Entreprises projettées , et ce seroit apparemment
dans cet esprit que Festus appelle
la principale vertu militaire , la Religion
du secret.
Je suis persuadé que tous les animaux
qui servoient d'Enseignes aux Romains
n'étoient que les signes emblématiques
des Divinitez de l'Etat, et c'est pour cela,
sans doute , que l'Aigle étant le Symbole
de Jupiter , le Consul Marius voulut.
qu'elle eut le premier rang parmi les Etendarts.
Les Romains alloient donc à la Guerre
avec ces Symboles de leur culte , et lors
qu'ils eurent pris la coûtume de déïfier
leurs Empereurs , les Portraits de ces Princes
formerent chez eux de nouveaux Etendarts
, qu'ils joignirent aux anciens. Le
respect que les Soldats rendoient à leurs
Enseignes montroit qu'ils les regardoient
comme quelque chose de sacré .
C'étoit devant elles que se faisoient les
Sermens de fidelité , et les engagemens du
Service Militaire ; on les prenoit à témoins
des Traitez de Paix , et des promesses
faites aux Etrangers , on les encençoit
, et on les honoroit de plusieurs
autres cerémonies de Religion.
Le
266 MERCURE DE FRANCE:
Le bois, ou le métail étoient les matieres
dont on faisoit les Enseignes , et pour
la forme elles étoient en Sculpture entiere
, ou en bas relief, dans des Médaillons
au-dessous desquelles pendoit en forme
de Banniere un petit morceau d'Etoffe
quarré , dont la couleur distinguoit
les Légions les unes des autres.
Il y avoit aussi des Drapeaux d'Etoffe
sans aucunes figures , et ils étoient de
differentes couleurs ; cela s'apprend par
la maniere que les Romains avoient d'enrôler
des Soldats dans les pressans besoins
.
Le Géneral que la République avoit
désigné pour commander l'Armée montoit
au Capitole ; là il élevoit deux de ses
Drapeaux , l'un rouge qui étoit la mar
que de l'Infanterie , l'autre bleu qui étoit
celle de la Cavalerie ; ensuite à haute
voix il prononçoit ces paroles : Que ceuse
qui aiment le salut de la République ne tarà
me suivre. dent
pas
Ceux qui vouloient aller à la Guerre
chacun, suivant son inclination de servir
à pied , ou à cheval , se rangeoient sous
l'un des deux Drapeaux , et cette maniere
de faire des levées extraordinaires se nom
moit évocation.
Jusqu'au tems de Constantin il n'y
·
et
FEVRIER. 1733. 267
eut point de changement dans les Enseignes
Romaines : mais alors le Christianisme
, qui s'établissoit par tout l'Empire,
y en apporta. Les , Aigles , et les Croix
allerent de compagnie ; il se fit un mêlange
des usages de la vieille Religion
avec ceux de la nouvelle , et les Fideles.
étant alors absolument désabusés des erreurs
du Paganisme , et se trouvant en
très-grand nombre dans les Armées de
Constantin , et de ses Successeurs , il n'y
avoit plus à craindre qu'ils prostituassent
leur adoration aux Symboles des anciennes
Divinitez , comme ils avoient fait
auparavant.
Par là s'introduisit une espèce d'indifférence
pour toutes sortes d'Etendarts , et
au milieu du Christianis me même on
retint ces Symboles , inventés autrefois
par les Payens , qu'on jugea toujours utiles
pour la distinction , et qui devenoient
sans conséquence pour des Soldats Chré
tiens , instruits , et constans dans leur
Religion
Les Empereurs depuis Constantin eurent
pour principale Enseigne de Guerre
le Labarum qui étoit une petite Banniere
de couleur de pourpre , sur laquelle
étoit brodé le Monograme de
CHRIST ,
228 MERCURE DE FRANCE
CHRIST, Signe adorable de notre Rédemp
tion .
*
Les autres Nations Etrangeres que les
Romains nous ont fait connoître avoient
aussi leurs Signes Militaires. Tacite nous
apprend que ceux des Germains étoient
Les figures des bêtes communes dans les
Forêts que les peuples habitoient , et selon
le Pere Martin , ces bêtes étoient aussi
les Symboles de leurs Divinitez . On sçait
que c'est de l'union de ces Peuples ligués
ensemble qu'a été formée la Nation Françoise
ce qui fit que cette Nation eut
pendant long- tems differens Symboles
sur ses Etendarts , on y voyoit des Lions ,
des Serpens et des Crapeaux .
Tout cela sert à expliquer la prétenduë
Prophetie de Sainte Hildegarde , qui dans
ses révélations , en parlant de la ruine de
Rome par les Nations de la Germanie
assûre que Dieu donnera aux Francs le
Camp des prostituez , et que le Lion brisera
l'Aigle avec le secours du Serpent.
Cela servira encore à faire voir que
dans le XII . siécle , où vivoit cette Sainte
, les François n'avoient pas perdu la
* Dom Jacques Martin , dans son Livre sur la
Religion des Gaulois.
con :
FEVRIER. 1733 269
connoissance de leurs anciens Symboles
militaires et sur quels fondemens nos
vieux Historiens ont crû que les premieres
Armes du Royaume avoient été des
Crapaux.
:
Quand les François entrerent dans les
Gaules , ils étoient déja partagés en deux,
branches , l'une dite des Ripuaires , et
l'autre des Sicambres. Chacune de ces
branches avoit son Symbole celui de
la premiere étoit l'Epée , qui désignoit
Mars , Dieu principal de la Nation ; et la
seconde avoit pour le sien une tête de
Boeuf , ou un Apis , Dieu des Egyptiens ,
dont une partie des Francs tiroit son
origine.
J'ai montré dans ma Dissertation sur .
l'origine des François , que Sesostris ayant
poussé ses Conquêtes jusqu'aux Palus méo-´
tides , laissa plusieurs Egyptiens et Cananéens
qui s'établirent dans ces Contrées
d'où ils se sont répandus en differens tems
dans la Pannonie , et jusques dans la Germanie
, après s'être mêlés avec les Scytes
, et d'autres Peuples Septentrionaux.
Le Tombeau de Childeric découvert au
siécle passé , et dans lequel se trouverent
plusieursTêtes d'Apis, prouve que leSymbole
de ce Dicu étoit un des signes militaires
des François ; ainsi les Fleurs de
D lys
>
270 MERCURE DE FRANCE
lys qui sont depuis long- tems le caracte→
re distinctif de notre Nation , pouvoient
être aussi- bien des Lotus Egyptiens que
des Iris , ou des Flambes des Marais de
Batavie.
L'Ecriture des premiers Empires étoit
en caracteres symboliques , Les Caldéens
et les Egyptiens avoient des hierogliphes
pour exprimer leurs pensées , et les termes
des Sciences qu'ils cultivoient , surtout
de l'Astronomie ; cela se prouve par
les figures d'animaux dont ils marquoient
les Constellations célestes , que nous mar
quons encore des mêmes figures depuis
eux .
Les grands Empires de l'Orient ont
conservé depuis leur fondation jusqu'à
présent des Symboles distinctifs.Les Turcs!
ont le Croissant , les Persans ont un
Lion surmonté d'un Soleil Levant.
Le principal Kam des Tartares a un
Hibou , l'Empereur de la Chine un Dragon
, et les Mandarins qui sont les
Grands de cet Empire , portent sur leurs
habits des figures d'Oyseaux , et d'animaux
pour distinguer les differentes classes
que composent ces Seigneurs , ce qui
fait la même distinction que font les
marques particulieres de chacun de nos
Ordres de Chevalerie,
Les
FEVRIER. 17330 271
Les François garderent les Symboles
dont je viens de parler jusqu'au tems de
Clovis ; mais ce Roi après sa conversion ,
profitant du conseil salutaire que lui avoit
donné S. Remy : Mitis depone colla sicam
ber : adora quod incendisti , incende quod
adorasti , d'adorer ce qu'il avoit brûlé
et de brûler ce qu'il avoit adoré , fit mettre
des Croix sur ses Etendarts , et donna
à ce Signe respectable de la Religion qu'il
venoit d'embrasser , la premiere place sur
tous les autres dont sa Nation s'étoit servi
jusqu'alors.
J'ai dit plus haut que les Romains regardoient
leurs Enseignes comme quelque
chose de sacré , ils n'étoient pas les
seuls qui fussent dans cet usage , les autres
Nations payennes l'avoient de même
, ce qui me donne occasion de distinguer
deux sortes de signes militaires , les
uns de dévotion , faits pour exciter la
pieté dans les Soldats , et pour les mieux
contenir par la vue de ces Signes misterieux
de la Religion qu'ils professoient.
Et les autres inventez pour exciter simplement
la valeur . Ainsi on portoit dans,
les Armées des marques sacrées , et des
marques d'honneurs ou de politique.
>
Cette distinction est de tous les tems ;
Dij ct
272 MERCURE DE FRANCE
&
et a été chez tous les Peuples qui n'alloient
point à la Guerre sans des objets visibles
de leur culte.
Les Perses adorateurs du Soleil y al
loient avec le feu perpetuel qu'ils entretenoient
soigneusement sur des Autels -portatifs
.
Les Israëlites depuis Moyse jusqu'au
tems des Rois, n'entreprenoient point de
Guerres que l'Arche d'Alliance ne fut
presque toujours portée , pour montrer
que c'étoit de l'ordre du Seigneur qu'ils
les entreprenoient et qu'ils mettoient en
lui toute leur confiance.
Les Empereurs Grecs faisoient porter
la vraie Croix de Jesus- Christ dans les
Armées destinées à combattre pour la
Religion , ce qui fit tomber plusieurs fois
cette sainte Relique au pouvoir de ses
ennemis . Tous les Souverains des Monarchies
qui se formerent des débris de l'Empire
Romain , si tôt qu'ils eurent embrassé
le Christianisme , se firent un devoir
de n'aller à la Guerre qu'avec des
Reliques , et principalement de celles des
Saints qu'ils reconnoissoient comme leurs
Apôtres , et dont ils se firent des Patrons
pour reclamer leurs secours dans les pres
sans besoins.
Les Gots du Royaume d'Arragon se
voyant
FÉVRIER. 1733. 273
voyant attaquez par Childebert Roi de
France , furent au-devant de lui avec les
Reliques de S. Vincent , pour obtenir
plus facilement la paix de ce Prince.
On portoit processionellement les Châsses
des Saints sur les murailles d'une Ville
assiegée , et les yeux de la foi faisoient
souvent appercevoir aux peuples, assiegez
ces saints Protecteurs en qui ils avoient
confiance , qui paroissoient armés pour
les deffendre .
Les Apôtres S. Pierre et S. Paul combatirent
visiblement pour le Pape saint
Léon , lors de l'irruption d'Attila ; et les
Chrétiens d'Espagne virent plusieurs fois
S. Jacques , l'épée à la main , leur aider à
repousser les Maures.
Il ne faut pas douter par tous ces exem →
ples que les Rois de France , Successeurs
de Clovis , n'ayent eu aussi le même usage
, et qu'outre les Enseignes chargées de
Croix , ces Princes ne fissent porter à la
Guerre des Châsses pleines de Reliques.
Auguste Galland , dans un Ouvrage
qu'il a composé sur le même sujet que je
traite , pour n'avoir pas senti la distinction
qu'il faut faire des Enseignes pieuses ,
de celles de pure politique , est tombé
dans l'erreur de croire que la Chape de
Diij S.
.
274 MERCURE DE FRANCE
S. Martin , portée autrefois dans les Armées
Françoises , étoit positivement le
Manteau de ce Saint , que l'on attachoit
à une picque pour en faire la principale
Enseigne. Débrouillons un peu ce que
c'étoit que cette Chape , et montrons
qu'elle étoit toute differente de ce qu'on
nommoit Enseigne principale , ou nationale
, et que si on lui veut conserver le
nom d'Enseigne , elle ne sera que du nombre
de celles que j'ai nommées sacrées
pour les distinguer des autres qui étoient
purement des Symboles propres à exciter.
la valeur & le courage .
Chaque Nation chrétienne en prenant
un Saint , pour reclamer sa protection auprès
de Dieu , en choisissoit ordinairement
un qui eut vêcu parmi eux , et à qui
elle fut redevable de sa conversion
cette raison auroit dû engager les François
à prendre pour Patron ,ou S. Irenée , ou
l'un des sept Evêques reconnus unanimement
pour les premiers Apôtres des Gaules
.
Mais comme il auroit été difficile de
s'accorder sur celui de ces Saints , qui auroit
merité la préférence , et que chaque
Province auroit voulu avoir le Saint de
qui elle tenoit la foi , on se détermina insensiblement
à faire choix de S. Martin
EvêFEVRIER.
1733 275
1
Evêque de Tours , dont le souvenir des
mérites éclatans se conservoit encore par
une tradition vivante , et par les miracles
qui s'opéroient à son Tombeau , qui
étoit devenu par là le lieu le plus saint, et
le plus fréquenté du Royaume , comme
nous l'apprenons de S. Grégoire , un de
ses Successeurs. La Ville de Tours étoit
le centre du Royaume , et une de ses
Villes capitales , tout cela acheva de déterminer
les François à regarder S. Martin
comme leur principal Patron , et à
lui donner le premier rang sur tous les
autres Saints Missionnaires , qui avoient
prêché la Foi en France.
Ce que je viens de dire n'est pas une
simple conjecture ; nos anciennes Histoires
font assez connoître que la dévotion
à S. Martin , étoit si grande dans les
premiers siècles de la Monarchie , qu'il
n'étoit appellé que le Saint et le tres - Saint,
sans autre addition de nom : Dominus ,
Sanctus Dominus , gloriosissimus Dominus ;
la mémoire de ce Saint devint en si grande
veneration par toute la France que
jour de sa Fête étoit l'Epoque du renouvellement
de toutes les affaires civiles :
c'est pourquoi l'on y joignoit les Festins , et
les Réjouissances publiques, comme pour
servir d'heureux présage de ce qui devoit
D iiij
le
ar276
MERCURE DE FRANCE
arriver pendant l'année. Les Grands Parlemens
ne s'assembloient que pendant
l'octave qui suivoit cette Fête.
La dévotion generale de tout le peuple
envers S. Martin , procura de si grands
biens à l'Eglise où étoit son Tombeau par
l'affluance des Pelerins qui y laissoient de
Riches offrandes , que lorsque cette Eglise
, qui étoit d'abord une Abbaye de
l'Ordre de S. Benoît , fut secularisée l'an
848. par l'Empereur Charles - le -Chauve ;
ce Prince , à l'exemple de ses Prédecesseurs
, se fit un devoir de s'en déclarer le
Protecteur, et peu de temps après il y mit
un Abbé laïc , pour en administrer le
temporel.
Tous les Souverains ont de droit la Garde
et la Protection des Grandes Eglises
de leurs Etats . Sans faire remonter l'origine
de ce droit à Constantin , je remarquerai
seulement que depuis que Pepin et
son Fils Charlemagne se furent rendus
les deffenseurs de l'Eglise Romaine contre
les Lombards , les Successeurs de ces deux
Princes ne crurent pas avilir leur dignité,
en y ajoutant quelquefois la qualité d'Avoué
des Eglises les plus celebres de leur
Royaume. Louis , Roy de Germanie , fut
Advoüé de l'Abbaye de S.Gal, en Suisse ,
et l'Empereur Othon I. de celle de Gemblou
, en Brabant,
Hus
FEVRIER . 1733 277
Hugues Capet étant monté sur le
Trône , se démit de la qualité d'Abbé
Laïc de S. Martin de Tours , que ses
Ancêtres avoient portée depuis le Prince
Robert le Fort , se réservant néanmoins
pour lui et ses Successcurs , le Titre de
Chanoine d'honneur, pour montrer qu'il
prétendoit toujours conserver le droit de
Protection , que les Rois , ses Prédeces
seurs avoient voulu avoir sur cette fameuse
Abbaye.
Les premiers de nos Monarques qui s'obligerent
par piété , à proteger l'Abbaye
de S. Martin , pour montrer publiquement
que la dévotion étoit le seul motif
qui les engageoit , mirent la Banniere de
cette Abbaye au nombre de leurs Enseignes
generales , et par là cette Banniere ,
qui n'auroit dû paroître que dans les occasions
où il falloit soûtenir le temporel
de l'Abbaye , ayant été portée dans toutes
les grandes Expeditions que nos Rois
entreprirent , elle devint bien-tôt la prin
cipale Enseigne de la Nation .
La dévotion de nos Princes envers saint
Martin ne se borna pas là ; mais par une
suite de l'ancien usage , toutes les fois que
la Banniere de ce Saint alloit à l'Armée ,
elle étoit suivie des Reliques du Saint
même ; on ne trouvera rien d'extraordi-
D v naire
278 MERCURE DE FRANCE
naire dans cette pratique , si on se souvient
des exemples que j'ai donnez cy dessus ,
elle se perpetua tant que durerent les
Guerres contre Is Sarasins et les Normands
, qui ravagerent la France pendant
les 8,5 et 10 siécles . Ces Gurres étant
toutes des Guerres de Religion , on sentoit
alors mieux que dans tout autre
temps , combien on avoit besoin des secours
du Ciel , et de l'intercession des
Saints Patrons pour les obtenir. -
On ignoreroit entierement ce que c'étoit
que ces Reliques de S. Martin , portées
à l'Armée , sans une des Formules de la
Collection de Marculfe , qui nous apprend
que nos Rois avoient toujours près d'eux
un Oratoire ou Châsse qui contenoit en
tr'autres Reliques , des Vêtemens de S.
Martin ; que cet Oratoire nommé Cappa
Sanci Martini , suivoit par tout les Rois,
et sur tout à l'Armée , et qu'on avoit coutume
de faire jurer dessus ceux qui vouloient
se purger des crimes dont ils étoient
accusés.
Le mot de Châsse dérivé de celui de
Capsa , présente toujours l'idée d'une
chos qui couvre , ou qui en renferme
une autres ainsi on peut dire également
des Reliques enchassées , ou enchappées.
Dans la suite ces Châsses ou Chappes ,
que
FEVRIER . 1733 279
que l'on portoit dans les voyages furent
appellées Chapelles ; on disoit la Messe
dessus dans les Campemens ; la Coutu
me de l'Eglise ayant toujours été d'offrir
le Sacrifice sur les Reliques des Saints , et
les Prêtres qui désservoient ces Chapelles
furent nommez Chapellains . Valafrid
Strabon confirme ce que j'avance , et dit
en termes précis , que le Titre de Chapelain
fut donné à ceux qui portoient la
Chappe de S. Martin , et les autres Reliques
; preuve entiere que par ce mot de
Chapelle , il ne s'agit que de Reliquaires
portés par des Prêtres destinés à ces
fonctions , et non pas d'un Etendart qui
ne doit être porté que par gens en état de
le deffendre.
Quand le Clergé d'une Eglise recevoit un
Avoué , ou un Abbé Laïc , ce n'étoit
point en lui présentant les ornemens
convenables au Sacerdoce . Un Abbé ,
Prêtre , étoit investi par la Crosse et l'Anneau
; pour l'Avoué il ne l'étoit que par
la Banniere de l'Eglise qu'on lui mettoit
à la main .
Le Pape Leon II. avant que de couronner
l'Empereur Charlemagne , l'établit
Deffenseur du Patrimoine de Saint
Pierre , en lui mettant en main l'Etendart
des Saints Apôtres , ou le Gonfalon
D vj de
280 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglise , et de la Ville de Rome. Les
Comtes d'Auvergne prirent pour Armorries
la Banniere de l'Eglise de Brioude ,
depuis qu'ils eurent la protection de cette
Eglise .
Cette idée de protection a passé des
choses Saintes dans les Civiles ; et delà est
venu que dans plusieurs Républiques , le
Chef en est nommé Gonfaloniers qualité
Sinonime à celle de Protecteur et de
Conservateur des libertés du Peuple.
あ
Toutes les Cérémonies d'Eglise ayant
quelque chose d'auguste et de vénérable,
de-là les Deffenseurs de ces Eglises , qui
n'auroient dû se servir des Bannieres Écclésiastiques
que dans les occasions où il
s'agissoit de deffendre les biens du Saint
auquel ils étoient vouez . Ils ne laisserent
pas de se servir de ces Bannieres dans les
Guerres , qui ne les regardoient que directement
; ainsi par cette raison ( que j'al
déja dite ) les Rois de France faisoient
porter dans toutes leurs Guerres la Banniere
de S.Martin , et honoroient de cette
commission le premier Officier de leur
Couronne , pour montrer l'estime et le
respect qu'ils avoient pour cette Banniere
.
La dignité de Maire du Palais ayant été
éteinte avec la premiere Race de nos
Rois,
FEVRIER. 1733. 281
-
Rois , le premier Officier de la Couronne
étoit le Grand - Sénéchal. Lorsque la
Banniere de S. Martin devint l'Enseigne
principale de la Nation , cette importan
tante Charge , qui étoit la premiere da
Royaume , depuis qu'il n'y avoit plus de
Maire duPalais ,étoit possedée par lesComtes
d'Anjou ; ce qui fit que ces Comtes fu
rent les premiers honorez de la Dignité
de Porte Banniere de S.Martin , qui étoit
fa même chose que Grand- Enseigne de la
Couronne.
Les trois Dignités de Comte , de Sénéchal
, et de Porte Enseigne n'étoient
entrées dans cette Maison que par commission
, comme l'étoient sous les deux
premieres Races toutes les Dignités de
PEtat ; mais ces Comtes , à l'exemple des
autres Grands Vassaux , ayant retenu ces
trois Charges à titre héréditaire , ils prétendirent
avoir acquis par là le droit de
Conprotection sur l'Eglise de S. Martin ;
et les derniers Rois de la seconde Race
ayant négligé de le leur contester , il s'en
mirent si- bien en possession , qu'ils commirent
à leur tour d'autres Gentilhommes
, comme les Seigneurs de Preüilly et
de Partenay , pour porter en leur nom la
Banniere de S. Martin .
Toutes ces nouveautés ne trouverent
point
282 MERCURE DE FRANCE
point d'obstacle dans leur éxécution ,
parce que les Rois de la troisiéme Race
n'ayant plus que la Suseraineté de l'Anjou
, de la Touraine , et des Provinces
voisines , ils se choisirent un autre S. Patron
plus près du lieu de leur demeure ;
pour n'être pas obligés d'en aller cher
cher un dans des Païs dont ils n'avoient
plus la domination en entier ; cela fit diminuer
peu à peu la dévotion envers Saint
Martin , sur tout dans les Provinces qui
resterent immédiatement soumises à la
Couronne ; et nos Rois , depuis Hugues-
Caper, ayant fixé leur séjour à Paris . Saint
Denis , Patron de leur Capitale , le fut
bien- tôt de tout le Royaume.
Avant que de finir cette premiere Partie
de ma Dissertation , je ferai encore remarquer
que si Auguste Galland avoit
bien examiné lesPassages dont il s'est servî
pour prouver que la Chappe de S. Martin
étoit une Enseigne de Guerre , il auroit
trouvé dans le Rituel même de cette
Eglise , ( qu'il cite souvent ) des preuves
contraires a son sentiment.
Ce Rituel , en parlant des prérogatives
de distinction que les Comtes d'Anjou
avoient sur l'Abbaïe de S. Martin , marque
celle- ci : Ipse habet vexillum beati
Martini quotiens vadit in bello. Aux autres
1
FEVRIER. 1733. 283
tres endroits de ce Rituel le mot de
Vexillum y est toujours employé quand il
s'agit de quelque Acte Militaire ; et celui
de Cappa n'est emploïé que pour les Actions
purement Ecclésiastiques .
Comment ne pas sentir que ces deux
mots signifioient deux choses differèn
tes ? Er comment de Sçavans Critiques,
ont - ils pû être incertains sur ce que l'on
devoit entendre par la Chappe de S. Mar
tins et pancher à croire que c'étoit un
Manteau qui servoit d'Eténdart ? Une
pareille opinion est bonne à faire croire
apocriphe l'Histoire de la Chemise du
Sultan Saladin , qui après la mort de ce
Sultan , fut mise ( dit on ) au bout d'une
Pique , et promenée par toute son Ar
mée , pendant qu'un Hérault qui préce
doit , crioit à haute voix : Voici tout ce
qui reste de ce grand Homme Les Historiens
qui ont suivi Galland dans son erreur
, ne l'ont fait que pour n'avoir pas
sçu les doubles Symboles Militaires dont
on se servoit dans les Armées, et quisont
l'origine de ce qui se pratique encore en
donnant l'Ordre , ou le mot du Guet , à
la Guerre , ou dans les Villes fermées , qui
est de mettre ensemble le nom d'un Saint
et le nom d'une Ville , comme S. George
et Vandôme , &c,
An284
MERCURE
DE FRANCE
Anciennement quand les Comtes et les
Barons menoient leurs Vassaux à la Guerre
, chacun de ces Seigneurs avoit son cri
particulier , pour ranimer le courage de sa
Troupe dans les dangers , et pour faciliter
le raliement dans une déroute ; ce cri
militaire étoit , ou le nom de famille du
Chef de la Troupe , ou un mot pris à sa
fantaisie , auquel on joignoit souvent le
nom d'un Saint à qui le Chef avoit dé
votion.Comme
Notre - Dame de Chartres,
pour les Comtes de Champagne ;et Montjoye
, S. Denis. Ce dernier cri étoit celui
des Rois de France. J'en donnerai
l'explication dans la seconde partie de
cette Dissertation , en continuant de parler
des Enseignes Militaires des François,
et sur tout du fameux Oriflamme , sur
lequel j'ai à dire des choses nouvelles .
Militaires des François , par M. Beneton
de Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roi.
PREMIERE PARTIE.
Dambition curent songé à dominer
les uns sur les autres , et qu'en conséquence
ils se furent assemblés en troupes
pour attaquer , ou pour se deffendre
ils prirent des marques militaires , soit
Epuis que les hommes poussés par
262 MERCURE DE FRANCE
en couleurs , soit en figures pour se reconnoître
dans les Combats , et ce sont
ces marques qu'on peut encore appeller
signes et symboles , qu'on a ensuite nom
més Enseignes , Drapeaux et Etendarts.
Chaque Nation regarda les siennes
avec un respect et une veneration infinie
, elles servoient à exciter en eux la
valeur et l'envie de bien faire , pour éviter
la honte de les laisser tomber en la
puissance de l'ennemi ; leur perte fut regardée
comme un affront insigne , et ceux
qui les portoient étoient punis de mort
quand ils les perdoient par négligence ou
par lâcheté.
Les Juifs eurent des Enseignes , chacu
ne des douze Tribus avoit la sienne d'une
couleur particuliere , et sur laquelle
étoit le Symbole , qui la désignoit,suivant
la Prophetie de Jacob.
Dans l'Ecriture , et en particulier dans
les Pseaumes , il est souvent parlé en ´un
sens allegorique du Lion de la Tribu de
Juda , du Navire de Zabulon , des Etoiles
ou du Firmament d'Isachar.
Du tems des Machabées les Drapeaux
Hebreux étoient chargés de quatre lettres
équivalentes à celles- ci , MCBI,
qui signifioient selon quelques Commentateurs
, quis sicut tn in Diis Domine ? La
force
FEVRIER. 1733. 253
force de la Guerre est dans le Seigneur
nul n'est égale à lui . Ce sont ces quatre
lettres qui firent donner le nom de Machabée
à la race de celui qui le premier
les fit mettre sur les Etendarts qu'il leva
pour la deffense de la vraie Religion .
C'était dès ces tems- là , et ça été toujours
depuis l'usage des Juifs , de faire des
noms artificiels avec les premieres` lettres
des differens mots qui doivent entrer
dans les noms propres . De là sont venus
les termes de Radaq , de Ralbag
de
Rambana , &c. pour Rabbi David Kimchi
, Rabbi Levi - ben- genson , et Rabbi
Moses ben-maïmon , qui semblent ne rien
signifier à ceux qui ne sçavent pas ces
sortes d'Anagrames; plusieurs autres semblables
mots, dont on a ignoré la veritable
signification , ont fourni aux Cabba
listes les noms qu'ils ont donné aux intelligences
superieures .
Semiramis , Reine des Assyriens étoit
appellée en langage du pays Chemirmor ,
mot qui signifioit aussi une Colombe
de-là vient que les Enseignes de cet Empite
étoient chargées de ces Oyseaux pour
conserver le souvenir de l'Heroïne , de
qui il tenoit son premier éclat ; et quand
les Prophetes exhortoient les Juifs à la
pénitence , ils les menaçoient de cette
Colom
264 MERCURE DE FRANCE
<
Colombe Assyrienne , comme du fleau
de la vengeance Divine le plus à crain
dre.
Semiramis pourroit bien être la Venus
de Phenicie , que les Poëtes nous représentent
sur un Char traîné par des Colombes.
Selon que les Peuples ont été plus ou
moins policés, ils ont aussi employé pour
Drapeaux , ou Etendarts , des choses plus
ou moins recherchées.
Les Romains dans les commencemens
se contentoient de mettre un paquet
d'herbes au bout d'une picque . On sçait
que les Tartares se sont servi de queues
de Cheval , ce qui est encore en usage
chez les Turcs.
Lorsqu'on découvrit l'Amérique , les
habitans de ces vastes contrées n'avoient
pour Enseignes que de grands bâtons ornés
de plumes d'Oyseaux qu'ils appelloient
Calumets.
Les Romains mitent ensuite au bout de
la picque des représentations d'animaux ,
comme celles du Loup , du Cheval , du
Sanglier , du Minotaure , &c. C'est Pline
( L. X. C. IV. ) qui nous l'apprend ,
et ses Commentateurs donnent pour la
plûpart des raisons politiques de ces usages
; ils prétendent, par exemple, que le
Mino
FEVRIER, 1733. 265
Minotaure devoit faire ressouvenir les
gens de Guerre de garder le silence sur les
Entreprises projettées , et ce seroit apparemment
dans cet esprit que Festus appelle
la principale vertu militaire , la Religion
du secret.
Je suis persuadé que tous les animaux
qui servoient d'Enseignes aux Romains
n'étoient que les signes emblématiques
des Divinitez de l'Etat, et c'est pour cela,
sans doute , que l'Aigle étant le Symbole
de Jupiter , le Consul Marius voulut.
qu'elle eut le premier rang parmi les Etendarts.
Les Romains alloient donc à la Guerre
avec ces Symboles de leur culte , et lors
qu'ils eurent pris la coûtume de déïfier
leurs Empereurs , les Portraits de ces Princes
formerent chez eux de nouveaux Etendarts
, qu'ils joignirent aux anciens. Le
respect que les Soldats rendoient à leurs
Enseignes montroit qu'ils les regardoient
comme quelque chose de sacré .
C'étoit devant elles que se faisoient les
Sermens de fidelité , et les engagemens du
Service Militaire ; on les prenoit à témoins
des Traitez de Paix , et des promesses
faites aux Etrangers , on les encençoit
, et on les honoroit de plusieurs
autres cerémonies de Religion.
Le
266 MERCURE DE FRANCE:
Le bois, ou le métail étoient les matieres
dont on faisoit les Enseignes , et pour
la forme elles étoient en Sculpture entiere
, ou en bas relief, dans des Médaillons
au-dessous desquelles pendoit en forme
de Banniere un petit morceau d'Etoffe
quarré , dont la couleur distinguoit
les Légions les unes des autres.
Il y avoit aussi des Drapeaux d'Etoffe
sans aucunes figures , et ils étoient de
differentes couleurs ; cela s'apprend par
la maniere que les Romains avoient d'enrôler
des Soldats dans les pressans besoins
.
Le Géneral que la République avoit
désigné pour commander l'Armée montoit
au Capitole ; là il élevoit deux de ses
Drapeaux , l'un rouge qui étoit la mar
que de l'Infanterie , l'autre bleu qui étoit
celle de la Cavalerie ; ensuite à haute
voix il prononçoit ces paroles : Que ceuse
qui aiment le salut de la République ne tarà
me suivre. dent
pas
Ceux qui vouloient aller à la Guerre
chacun, suivant son inclination de servir
à pied , ou à cheval , se rangeoient sous
l'un des deux Drapeaux , et cette maniere
de faire des levées extraordinaires se nom
moit évocation.
Jusqu'au tems de Constantin il n'y
·
et
FEVRIER. 1733. 267
eut point de changement dans les Enseignes
Romaines : mais alors le Christianisme
, qui s'établissoit par tout l'Empire,
y en apporta. Les , Aigles , et les Croix
allerent de compagnie ; il se fit un mêlange
des usages de la vieille Religion
avec ceux de la nouvelle , et les Fideles.
étant alors absolument désabusés des erreurs
du Paganisme , et se trouvant en
très-grand nombre dans les Armées de
Constantin , et de ses Successeurs , il n'y
avoit plus à craindre qu'ils prostituassent
leur adoration aux Symboles des anciennes
Divinitez , comme ils avoient fait
auparavant.
Par là s'introduisit une espèce d'indifférence
pour toutes sortes d'Etendarts , et
au milieu du Christianis me même on
retint ces Symboles , inventés autrefois
par les Payens , qu'on jugea toujours utiles
pour la distinction , et qui devenoient
sans conséquence pour des Soldats Chré
tiens , instruits , et constans dans leur
Religion
Les Empereurs depuis Constantin eurent
pour principale Enseigne de Guerre
le Labarum qui étoit une petite Banniere
de couleur de pourpre , sur laquelle
étoit brodé le Monograme de
CHRIST ,
228 MERCURE DE FRANCE
CHRIST, Signe adorable de notre Rédemp
tion .
*
Les autres Nations Etrangeres que les
Romains nous ont fait connoître avoient
aussi leurs Signes Militaires. Tacite nous
apprend que ceux des Germains étoient
Les figures des bêtes communes dans les
Forêts que les peuples habitoient , et selon
le Pere Martin , ces bêtes étoient aussi
les Symboles de leurs Divinitez . On sçait
que c'est de l'union de ces Peuples ligués
ensemble qu'a été formée la Nation Françoise
ce qui fit que cette Nation eut
pendant long- tems differens Symboles
sur ses Etendarts , on y voyoit des Lions ,
des Serpens et des Crapeaux .
Tout cela sert à expliquer la prétenduë
Prophetie de Sainte Hildegarde , qui dans
ses révélations , en parlant de la ruine de
Rome par les Nations de la Germanie
assûre que Dieu donnera aux Francs le
Camp des prostituez , et que le Lion brisera
l'Aigle avec le secours du Serpent.
Cela servira encore à faire voir que
dans le XII . siécle , où vivoit cette Sainte
, les François n'avoient pas perdu la
* Dom Jacques Martin , dans son Livre sur la
Religion des Gaulois.
con :
FEVRIER. 1733 269
connoissance de leurs anciens Symboles
militaires et sur quels fondemens nos
vieux Historiens ont crû que les premieres
Armes du Royaume avoient été des
Crapaux.
:
Quand les François entrerent dans les
Gaules , ils étoient déja partagés en deux,
branches , l'une dite des Ripuaires , et
l'autre des Sicambres. Chacune de ces
branches avoit son Symbole celui de
la premiere étoit l'Epée , qui désignoit
Mars , Dieu principal de la Nation ; et la
seconde avoit pour le sien une tête de
Boeuf , ou un Apis , Dieu des Egyptiens ,
dont une partie des Francs tiroit son
origine.
J'ai montré dans ma Dissertation sur .
l'origine des François , que Sesostris ayant
poussé ses Conquêtes jusqu'aux Palus méo-´
tides , laissa plusieurs Egyptiens et Cananéens
qui s'établirent dans ces Contrées
d'où ils se sont répandus en differens tems
dans la Pannonie , et jusques dans la Germanie
, après s'être mêlés avec les Scytes
, et d'autres Peuples Septentrionaux.
Le Tombeau de Childeric découvert au
siécle passé , et dans lequel se trouverent
plusieursTêtes d'Apis, prouve que leSymbole
de ce Dicu étoit un des signes militaires
des François ; ainsi les Fleurs de
D lys
>
270 MERCURE DE FRANCE
lys qui sont depuis long- tems le caracte→
re distinctif de notre Nation , pouvoient
être aussi- bien des Lotus Egyptiens que
des Iris , ou des Flambes des Marais de
Batavie.
L'Ecriture des premiers Empires étoit
en caracteres symboliques , Les Caldéens
et les Egyptiens avoient des hierogliphes
pour exprimer leurs pensées , et les termes
des Sciences qu'ils cultivoient , surtout
de l'Astronomie ; cela se prouve par
les figures d'animaux dont ils marquoient
les Constellations célestes , que nous mar
quons encore des mêmes figures depuis
eux .
Les grands Empires de l'Orient ont
conservé depuis leur fondation jusqu'à
présent des Symboles distinctifs.Les Turcs!
ont le Croissant , les Persans ont un
Lion surmonté d'un Soleil Levant.
Le principal Kam des Tartares a un
Hibou , l'Empereur de la Chine un Dragon
, et les Mandarins qui sont les
Grands de cet Empire , portent sur leurs
habits des figures d'Oyseaux , et d'animaux
pour distinguer les differentes classes
que composent ces Seigneurs , ce qui
fait la même distinction que font les
marques particulieres de chacun de nos
Ordres de Chevalerie,
Les
FEVRIER. 17330 271
Les François garderent les Symboles
dont je viens de parler jusqu'au tems de
Clovis ; mais ce Roi après sa conversion ,
profitant du conseil salutaire que lui avoit
donné S. Remy : Mitis depone colla sicam
ber : adora quod incendisti , incende quod
adorasti , d'adorer ce qu'il avoit brûlé
et de brûler ce qu'il avoit adoré , fit mettre
des Croix sur ses Etendarts , et donna
à ce Signe respectable de la Religion qu'il
venoit d'embrasser , la premiere place sur
tous les autres dont sa Nation s'étoit servi
jusqu'alors.
J'ai dit plus haut que les Romains regardoient
leurs Enseignes comme quelque
chose de sacré , ils n'étoient pas les
seuls qui fussent dans cet usage , les autres
Nations payennes l'avoient de même
, ce qui me donne occasion de distinguer
deux sortes de signes militaires , les
uns de dévotion , faits pour exciter la
pieté dans les Soldats , et pour les mieux
contenir par la vue de ces Signes misterieux
de la Religion qu'ils professoient.
Et les autres inventez pour exciter simplement
la valeur . Ainsi on portoit dans,
les Armées des marques sacrées , et des
marques d'honneurs ou de politique.
>
Cette distinction est de tous les tems ;
Dij ct
272 MERCURE DE FRANCE
&
et a été chez tous les Peuples qui n'alloient
point à la Guerre sans des objets visibles
de leur culte.
Les Perses adorateurs du Soleil y al
loient avec le feu perpetuel qu'ils entretenoient
soigneusement sur des Autels -portatifs
.
Les Israëlites depuis Moyse jusqu'au
tems des Rois, n'entreprenoient point de
Guerres que l'Arche d'Alliance ne fut
presque toujours portée , pour montrer
que c'étoit de l'ordre du Seigneur qu'ils
les entreprenoient et qu'ils mettoient en
lui toute leur confiance.
Les Empereurs Grecs faisoient porter
la vraie Croix de Jesus- Christ dans les
Armées destinées à combattre pour la
Religion , ce qui fit tomber plusieurs fois
cette sainte Relique au pouvoir de ses
ennemis . Tous les Souverains des Monarchies
qui se formerent des débris de l'Empire
Romain , si tôt qu'ils eurent embrassé
le Christianisme , se firent un devoir
de n'aller à la Guerre qu'avec des
Reliques , et principalement de celles des
Saints qu'ils reconnoissoient comme leurs
Apôtres , et dont ils se firent des Patrons
pour reclamer leurs secours dans les pres
sans besoins.
Les Gots du Royaume d'Arragon se
voyant
FÉVRIER. 1733. 273
voyant attaquez par Childebert Roi de
France , furent au-devant de lui avec les
Reliques de S. Vincent , pour obtenir
plus facilement la paix de ce Prince.
On portoit processionellement les Châsses
des Saints sur les murailles d'une Ville
assiegée , et les yeux de la foi faisoient
souvent appercevoir aux peuples, assiegez
ces saints Protecteurs en qui ils avoient
confiance , qui paroissoient armés pour
les deffendre .
Les Apôtres S. Pierre et S. Paul combatirent
visiblement pour le Pape saint
Léon , lors de l'irruption d'Attila ; et les
Chrétiens d'Espagne virent plusieurs fois
S. Jacques , l'épée à la main , leur aider à
repousser les Maures.
Il ne faut pas douter par tous ces exem →
ples que les Rois de France , Successeurs
de Clovis , n'ayent eu aussi le même usage
, et qu'outre les Enseignes chargées de
Croix , ces Princes ne fissent porter à la
Guerre des Châsses pleines de Reliques.
Auguste Galland , dans un Ouvrage
qu'il a composé sur le même sujet que je
traite , pour n'avoir pas senti la distinction
qu'il faut faire des Enseignes pieuses ,
de celles de pure politique , est tombé
dans l'erreur de croire que la Chape de
Diij S.
.
274 MERCURE DE FRANCE
S. Martin , portée autrefois dans les Armées
Françoises , étoit positivement le
Manteau de ce Saint , que l'on attachoit
à une picque pour en faire la principale
Enseigne. Débrouillons un peu ce que
c'étoit que cette Chape , et montrons
qu'elle étoit toute differente de ce qu'on
nommoit Enseigne principale , ou nationale
, et que si on lui veut conserver le
nom d'Enseigne , elle ne sera que du nombre
de celles que j'ai nommées sacrées
pour les distinguer des autres qui étoient
purement des Symboles propres à exciter.
la valeur & le courage .
Chaque Nation chrétienne en prenant
un Saint , pour reclamer sa protection auprès
de Dieu , en choisissoit ordinairement
un qui eut vêcu parmi eux , et à qui
elle fut redevable de sa conversion
cette raison auroit dû engager les François
à prendre pour Patron ,ou S. Irenée , ou
l'un des sept Evêques reconnus unanimement
pour les premiers Apôtres des Gaules
.
Mais comme il auroit été difficile de
s'accorder sur celui de ces Saints , qui auroit
merité la préférence , et que chaque
Province auroit voulu avoir le Saint de
qui elle tenoit la foi , on se détermina insensiblement
à faire choix de S. Martin
EvêFEVRIER.
1733 275
1
Evêque de Tours , dont le souvenir des
mérites éclatans se conservoit encore par
une tradition vivante , et par les miracles
qui s'opéroient à son Tombeau , qui
étoit devenu par là le lieu le plus saint, et
le plus fréquenté du Royaume , comme
nous l'apprenons de S. Grégoire , un de
ses Successeurs. La Ville de Tours étoit
le centre du Royaume , et une de ses
Villes capitales , tout cela acheva de déterminer
les François à regarder S. Martin
comme leur principal Patron , et à
lui donner le premier rang sur tous les
autres Saints Missionnaires , qui avoient
prêché la Foi en France.
Ce que je viens de dire n'est pas une
simple conjecture ; nos anciennes Histoires
font assez connoître que la dévotion
à S. Martin , étoit si grande dans les
premiers siècles de la Monarchie , qu'il
n'étoit appellé que le Saint et le tres - Saint,
sans autre addition de nom : Dominus ,
Sanctus Dominus , gloriosissimus Dominus ;
la mémoire de ce Saint devint en si grande
veneration par toute la France que
jour de sa Fête étoit l'Epoque du renouvellement
de toutes les affaires civiles :
c'est pourquoi l'on y joignoit les Festins , et
les Réjouissances publiques, comme pour
servir d'heureux présage de ce qui devoit
D iiij
le
ar276
MERCURE DE FRANCE
arriver pendant l'année. Les Grands Parlemens
ne s'assembloient que pendant
l'octave qui suivoit cette Fête.
La dévotion generale de tout le peuple
envers S. Martin , procura de si grands
biens à l'Eglise où étoit son Tombeau par
l'affluance des Pelerins qui y laissoient de
Riches offrandes , que lorsque cette Eglise
, qui étoit d'abord une Abbaye de
l'Ordre de S. Benoît , fut secularisée l'an
848. par l'Empereur Charles - le -Chauve ;
ce Prince , à l'exemple de ses Prédecesseurs
, se fit un devoir de s'en déclarer le
Protecteur, et peu de temps après il y mit
un Abbé laïc , pour en administrer le
temporel.
Tous les Souverains ont de droit la Garde
et la Protection des Grandes Eglises
de leurs Etats . Sans faire remonter l'origine
de ce droit à Constantin , je remarquerai
seulement que depuis que Pepin et
son Fils Charlemagne se furent rendus
les deffenseurs de l'Eglise Romaine contre
les Lombards , les Successeurs de ces deux
Princes ne crurent pas avilir leur dignité,
en y ajoutant quelquefois la qualité d'Avoué
des Eglises les plus celebres de leur
Royaume. Louis , Roy de Germanie , fut
Advoüé de l'Abbaye de S.Gal, en Suisse ,
et l'Empereur Othon I. de celle de Gemblou
, en Brabant,
Hus
FEVRIER . 1733 277
Hugues Capet étant monté sur le
Trône , se démit de la qualité d'Abbé
Laïc de S. Martin de Tours , que ses
Ancêtres avoient portée depuis le Prince
Robert le Fort , se réservant néanmoins
pour lui et ses Successcurs , le Titre de
Chanoine d'honneur, pour montrer qu'il
prétendoit toujours conserver le droit de
Protection , que les Rois , ses Prédeces
seurs avoient voulu avoir sur cette fameuse
Abbaye.
Les premiers de nos Monarques qui s'obligerent
par piété , à proteger l'Abbaye
de S. Martin , pour montrer publiquement
que la dévotion étoit le seul motif
qui les engageoit , mirent la Banniere de
cette Abbaye au nombre de leurs Enseignes
generales , et par là cette Banniere ,
qui n'auroit dû paroître que dans les occasions
où il falloit soûtenir le temporel
de l'Abbaye , ayant été portée dans toutes
les grandes Expeditions que nos Rois
entreprirent , elle devint bien-tôt la prin
cipale Enseigne de la Nation .
La dévotion de nos Princes envers saint
Martin ne se borna pas là ; mais par une
suite de l'ancien usage , toutes les fois que
la Banniere de ce Saint alloit à l'Armée ,
elle étoit suivie des Reliques du Saint
même ; on ne trouvera rien d'extraordi-
D v naire
278 MERCURE DE FRANCE
naire dans cette pratique , si on se souvient
des exemples que j'ai donnez cy dessus ,
elle se perpetua tant que durerent les
Guerres contre Is Sarasins et les Normands
, qui ravagerent la France pendant
les 8,5 et 10 siécles . Ces Gurres étant
toutes des Guerres de Religion , on sentoit
alors mieux que dans tout autre
temps , combien on avoit besoin des secours
du Ciel , et de l'intercession des
Saints Patrons pour les obtenir. -
On ignoreroit entierement ce que c'étoit
que ces Reliques de S. Martin , portées
à l'Armée , sans une des Formules de la
Collection de Marculfe , qui nous apprend
que nos Rois avoient toujours près d'eux
un Oratoire ou Châsse qui contenoit en
tr'autres Reliques , des Vêtemens de S.
Martin ; que cet Oratoire nommé Cappa
Sanci Martini , suivoit par tout les Rois,
et sur tout à l'Armée , et qu'on avoit coutume
de faire jurer dessus ceux qui vouloient
se purger des crimes dont ils étoient
accusés.
Le mot de Châsse dérivé de celui de
Capsa , présente toujours l'idée d'une
chos qui couvre , ou qui en renferme
une autres ainsi on peut dire également
des Reliques enchassées , ou enchappées.
Dans la suite ces Châsses ou Chappes ,
que
FEVRIER . 1733 279
que l'on portoit dans les voyages furent
appellées Chapelles ; on disoit la Messe
dessus dans les Campemens ; la Coutu
me de l'Eglise ayant toujours été d'offrir
le Sacrifice sur les Reliques des Saints , et
les Prêtres qui désservoient ces Chapelles
furent nommez Chapellains . Valafrid
Strabon confirme ce que j'avance , et dit
en termes précis , que le Titre de Chapelain
fut donné à ceux qui portoient la
Chappe de S. Martin , et les autres Reliques
; preuve entiere que par ce mot de
Chapelle , il ne s'agit que de Reliquaires
portés par des Prêtres destinés à ces
fonctions , et non pas d'un Etendart qui
ne doit être porté que par gens en état de
le deffendre.
Quand le Clergé d'une Eglise recevoit un
Avoué , ou un Abbé Laïc , ce n'étoit
point en lui présentant les ornemens
convenables au Sacerdoce . Un Abbé ,
Prêtre , étoit investi par la Crosse et l'Anneau
; pour l'Avoué il ne l'étoit que par
la Banniere de l'Eglise qu'on lui mettoit
à la main .
Le Pape Leon II. avant que de couronner
l'Empereur Charlemagne , l'établit
Deffenseur du Patrimoine de Saint
Pierre , en lui mettant en main l'Etendart
des Saints Apôtres , ou le Gonfalon
D vj de
280 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglise , et de la Ville de Rome. Les
Comtes d'Auvergne prirent pour Armorries
la Banniere de l'Eglise de Brioude ,
depuis qu'ils eurent la protection de cette
Eglise .
Cette idée de protection a passé des
choses Saintes dans les Civiles ; et delà est
venu que dans plusieurs Républiques , le
Chef en est nommé Gonfaloniers qualité
Sinonime à celle de Protecteur et de
Conservateur des libertés du Peuple.
あ
Toutes les Cérémonies d'Eglise ayant
quelque chose d'auguste et de vénérable,
de-là les Deffenseurs de ces Eglises , qui
n'auroient dû se servir des Bannieres Écclésiastiques
que dans les occasions où il
s'agissoit de deffendre les biens du Saint
auquel ils étoient vouez . Ils ne laisserent
pas de se servir de ces Bannieres dans les
Guerres , qui ne les regardoient que directement
; ainsi par cette raison ( que j'al
déja dite ) les Rois de France faisoient
porter dans toutes leurs Guerres la Banniere
de S.Martin , et honoroient de cette
commission le premier Officier de leur
Couronne , pour montrer l'estime et le
respect qu'ils avoient pour cette Banniere
.
La dignité de Maire du Palais ayant été
éteinte avec la premiere Race de nos
Rois,
FEVRIER. 1733. 281
-
Rois , le premier Officier de la Couronne
étoit le Grand - Sénéchal. Lorsque la
Banniere de S. Martin devint l'Enseigne
principale de la Nation , cette importan
tante Charge , qui étoit la premiere da
Royaume , depuis qu'il n'y avoit plus de
Maire duPalais ,étoit possedée par lesComtes
d'Anjou ; ce qui fit que ces Comtes fu
rent les premiers honorez de la Dignité
de Porte Banniere de S.Martin , qui étoit
fa même chose que Grand- Enseigne de la
Couronne.
Les trois Dignités de Comte , de Sénéchal
, et de Porte Enseigne n'étoient
entrées dans cette Maison que par commission
, comme l'étoient sous les deux
premieres Races toutes les Dignités de
PEtat ; mais ces Comtes , à l'exemple des
autres Grands Vassaux , ayant retenu ces
trois Charges à titre héréditaire , ils prétendirent
avoir acquis par là le droit de
Conprotection sur l'Eglise de S. Martin ;
et les derniers Rois de la seconde Race
ayant négligé de le leur contester , il s'en
mirent si- bien en possession , qu'ils commirent
à leur tour d'autres Gentilhommes
, comme les Seigneurs de Preüilly et
de Partenay , pour porter en leur nom la
Banniere de S. Martin .
Toutes ces nouveautés ne trouverent
point
282 MERCURE DE FRANCE
point d'obstacle dans leur éxécution ,
parce que les Rois de la troisiéme Race
n'ayant plus que la Suseraineté de l'Anjou
, de la Touraine , et des Provinces
voisines , ils se choisirent un autre S. Patron
plus près du lieu de leur demeure ;
pour n'être pas obligés d'en aller cher
cher un dans des Païs dont ils n'avoient
plus la domination en entier ; cela fit diminuer
peu à peu la dévotion envers Saint
Martin , sur tout dans les Provinces qui
resterent immédiatement soumises à la
Couronne ; et nos Rois , depuis Hugues-
Caper, ayant fixé leur séjour à Paris . Saint
Denis , Patron de leur Capitale , le fut
bien- tôt de tout le Royaume.
Avant que de finir cette premiere Partie
de ma Dissertation , je ferai encore remarquer
que si Auguste Galland avoit
bien examiné lesPassages dont il s'est servî
pour prouver que la Chappe de S. Martin
étoit une Enseigne de Guerre , il auroit
trouvé dans le Rituel même de cette
Eglise , ( qu'il cite souvent ) des preuves
contraires a son sentiment.
Ce Rituel , en parlant des prérogatives
de distinction que les Comtes d'Anjou
avoient sur l'Abbaïe de S. Martin , marque
celle- ci : Ipse habet vexillum beati
Martini quotiens vadit in bello. Aux autres
1
FEVRIER. 1733. 283
tres endroits de ce Rituel le mot de
Vexillum y est toujours employé quand il
s'agit de quelque Acte Militaire ; et celui
de Cappa n'est emploïé que pour les Actions
purement Ecclésiastiques .
Comment ne pas sentir que ces deux
mots signifioient deux choses differèn
tes ? Er comment de Sçavans Critiques,
ont - ils pû être incertains sur ce que l'on
devoit entendre par la Chappe de S. Mar
tins et pancher à croire que c'étoit un
Manteau qui servoit d'Eténdart ? Une
pareille opinion est bonne à faire croire
apocriphe l'Histoire de la Chemise du
Sultan Saladin , qui après la mort de ce
Sultan , fut mise ( dit on ) au bout d'une
Pique , et promenée par toute son Ar
mée , pendant qu'un Hérault qui préce
doit , crioit à haute voix : Voici tout ce
qui reste de ce grand Homme Les Historiens
qui ont suivi Galland dans son erreur
, ne l'ont fait que pour n'avoir pas
sçu les doubles Symboles Militaires dont
on se servoit dans les Armées, et quisont
l'origine de ce qui se pratique encore en
donnant l'Ordre , ou le mot du Guet , à
la Guerre , ou dans les Villes fermées , qui
est de mettre ensemble le nom d'un Saint
et le nom d'une Ville , comme S. George
et Vandôme , &c,
An284
MERCURE
DE FRANCE
Anciennement quand les Comtes et les
Barons menoient leurs Vassaux à la Guerre
, chacun de ces Seigneurs avoit son cri
particulier , pour ranimer le courage de sa
Troupe dans les dangers , et pour faciliter
le raliement dans une déroute ; ce cri
militaire étoit , ou le nom de famille du
Chef de la Troupe , ou un mot pris à sa
fantaisie , auquel on joignoit souvent le
nom d'un Saint à qui le Chef avoit dé
votion.Comme
Notre - Dame de Chartres,
pour les Comtes de Champagne ;et Montjoye
, S. Denis. Ce dernier cri étoit celui
des Rois de France. J'en donnerai
l'explication dans la seconde partie de
cette Dissertation , en continuant de parler
des Enseignes Militaires des François,
et sur tout du fameux Oriflamme , sur
lequel j'ai à dire des choses nouvelles .
Fermer
Résumé : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François, par M. Beneton de Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roi.
La dissertation de M. Beneton de Perrin, ancien gendarme de la Garde du Roi, explore l'histoire des enseignes militaires des Français. Les enseignes, initialement des marques militaires sous forme de couleurs ou de figures, servaient à reconnaître les troupes sur le champ de bataille. Chaque nation vénérait ses enseignes, et leur perte était considérée comme un affront majeur. Les Juifs, par exemple, avaient des enseignes spécifiques pour chaque tribu, et les drapeaux des Machabées portaient les lettres MCBI, symbolisant la force divine. Les enseignes variaient selon les cultures : les Romains utilisaient des paquets d'herbes ou des représentations d'animaux, tandis que les Tartares et les Turcs employaient des queues de cheval. Les Amérindiens utilisaient des calumets ornés de plumes. Après l'adoption du christianisme, les Romains intégrèrent des symboles chrétiens comme le labarum, une bannière pourpre avec le monogramme de Christ. Les Français, issus de l'union de divers peuples germains, avaient des symboles variés comme des lions, des serpents et des crapauds. Après la conversion de Clovis, les croix furent ajoutées aux enseignes. Les enseignes étaient souvent considérées comme sacrées et servaient à exciter la piété et la valeur des soldats. Les Perses, les Israélites et les Empereurs grecs portaient également des symboles religieux lors des combats. Les reliques et les bannières saintes étaient couramment utilisées dans les armées chrétiennes. Les Goths d'Arragon portaient les reliques de Saint Vincent pour obtenir la paix face à Childebert, roi de France. Les chrétiens voyaient souvent leurs saints protecteurs armés pour les défendre. Les Apôtres Saint Pierre et Saint Paul combattirent pour le pape Saint Léon contre Attila, et Saint Jacques aida les chrétiens d'Espagne contre les Maures. En France, les rois successeurs de Clovis portaient des châsses pleines de reliques à la guerre. Les nations chrétiennes choisissaient souvent un saint local comme protecteur. Les Français adoptèrent Saint Martin de Tours, dont le tombeau était un lieu de pèlerinage important. La dévotion à Saint Martin était si grande que son jour de fête marquait le renouvellement des affaires civiles et les réjouissances publiques. Les souverains avaient le droit de protéger les grandes églises de leurs États. Les rois francs, comme Pépin et Charlemagne, se déclarèrent défenseurs de l'Église romaine et protecteurs des abbayes célèbres. La bannière de Saint Martin devint l'enseigne principale de la nation française, portée dans toutes les grandes expéditions. Elle était accompagnée des reliques du saint, surtout lors des guerres contre les Sarrasins et les Normands. Les rois avaient un oratoire contenant des vêtements de Saint Martin, utilisé pour les serments. Les chapelles, dérivées du mot 'chape' (reliquaire), étaient des lieux de messe dans les campements. Les chapelains étaient les prêtres chargés de porter les reliques. Les défenseurs des églises utilisaient les bannières ecclésiastiques même dans les guerres non directement liées à la défense des biens saints. Les cris de ralliement étaient également utilisés pour encourager les troupes et faciliter le ralliement en cas de déroute. Ces cris pouvaient être le nom de famille du chef ou un mot de son choix, souvent accompagné du nom d'un saint auquel le chef était dévot. Par exemple, les Comtes de Champagne utilisaient 'Notre-Dame de Chartres', et les Rois de France utilisaient 'Montjoye' et 'Saint-Denis'. L'auteur prévoit d'expliquer davantage les enseignes militaires des Français, notamment l'Oriflamme, dans une seconde partie de sa dissertation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 111-117
LETTRE* DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
Début :
Le nom que vous vous faites dans les Lettres, Monsieur, plus encore que le remercîment [...]
Mots clefs :
Seigneuries, Droit de Régale, Bénéfices, Abbé, Roi, Militaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE* DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
29-ins 291 mol el amo .
D
LETTRE DE M. LE P. H.
A M. L'AB BE V.
noop nog insbe
Lures ,
E nom que vous vous faites dans les Let
Atnes, Monfieur plus encore que le re,
merciment que je vous dois de l'extrême politelle
que vous me marquez dans votre ouvrag
ge , mérite bien que je me défendefur un article
où nous penfons tous deux differemment ,
c'eft la Régale ** , Sima nouvelle édition n'étoit
pas trop avancée , j'y aurois inféré cette
réponse pour y Suppléer , je vous l'adreſſe
sast
a vous-même, & je me fais honneur d'en
prendre le public pour témoin : j'espere que
cela me vaudra quelque nouvelle obfervation
e votre part, ce genre de combat litté
en des mains
aufli polies que les vôtres , fert merveillenfe
de
?
raire
quand le
armes s
* Nous redonnons cette Lettre , où il s'étoit gliffé
plufieurs fautes d'impreffion dans le dernier Mer
cure, pour que l'on puiffe mieux juger de la réponſe.
** Je prie ceux qui liront cette réponſe , de jet
ter les yeux fur ce que j'ai écrit à l'année $ 11.
112 MERCURE DE FRANCE.
f
ment à éclaircir la vérité . Nousfommes d'ailleurs
trop fouvent d'accord fur des faits auffi
curieux qu'importans , pour que l'on doive
être furprisfi nous différons quelquefois.
M. l'Abbé Velly prétend que l'on ne
doit chercher l'origine de la Régale
que
dans le droit féodal ; &82mmooii je crois
qu'elle eft antérieure aux fiefs . Les fiefs ,
fuivant moi , tels que nous les connoiſſons
aujourd'hui , n'ont commencé qu'avec l'ufurpation
des fujets , vers le regne de
Charles le Simple. La Régale , auffi ancienne
que la Couronne , eft donnccplusancienne
que les fiefs. Pinfon , dans fon
traité de la Régale , la compare au Nil ,
dont la fource eft inconnue celle des
fiefs l'eft- elle ? Les Gens du Roi , dans un
difcours du 24 Juillet 1633 , difent que la
Régale eft auffi ancienne que la Couronne :
peut-on en dire autant des fiefs ? les Francs
les ont - ils apportés , ou les ont - ils trouvés
établis dans les Gaules ? Les Rois de
France feuls ont le droit de Régale , & les
fiefs font de tous les pays : les fiefs n'ont
donc pas produit la Régale ? Les fiefs , dit
M. l'Abbé Velly , fe nommoient Regalia :
donc ils ont , felon lui , donné ce nom à
la Régale ; & moi je
dis ar
que les fiefs ont
pris en France le nom de Regalia , qui n'ap
partenoit alors qu'à la Régale , parce que
A VRI L. 1755. 113
»
sendes
300 98 119
"
la Régale eft le plus noble droit de la Couronne
: c'étoit bien ainfi
en ainfi que s'exprimoit
Philippe de Valois en 1334. La colla-
>> tion des en régale nous appartient
, à caufe de la nobleffe de la
Couronne de France » . Enfin , & c'eſt là
rancen .
la grande objection , j'ai dit que llees vrais
principes de la Régale fe trouvoient dans
Cache, 209 25, 2007 anon
VTT) ; car je
n'ai pas dir que le canon d'Orléans foit le
titre qui ait conféré la Régale à nos Rois ,
à Dieu ne plaife : c'eût été faire dépendre
ce droit d'une autorité dont il ne dépend
pas. Mais je dis qu'à la maniere dont les
Evêques reconnoillent dans ce Concile que
l'Eglife poffede les biens temporels , qui
n'eft qu'un fimple ufufruit , ils caracterifent
la nature de ces biens, qui ne font que
viagers , de même qu'ils reconnoiffent le
droit de celui qui les confere , & qui par
la force de la directe les réunit à chaque
vacance , ce qui n'eft autre chofe que la
Régale : auffi les Juges laics en font- ils feuls
les juges. bien fenti la forcé
Baronius avoir
de ce canon , puifqu'il ne trouve d'autre
moyen de l'éluder qu'en le changeant , &
qu'au lieu de lire quicquid in fructibus , il a
écrit quicquid in faventibus : ce qui donne
une nouvelle force au véritable texte. Mais
enfin , dit M. l'Abbé Velly , il y avoit des
170
114 MERCURE DE FRANCE.
30
Eglifes qui ne vaquoient point en Régale :
quelle en peut être la raifon , finon que
ces Eglifes ne tenoient aucun fief du Roi ?
Voici la réponſe par où je termine cet ar
ticle. Les Gens du Roi , dans leur avis au
Parlement , figné Malé en 1633 , que j'ai
déja cité , difent qu'il doit être tenu
pour conftant que la Régale eft univer-
» felle , & a lieu dans toutes les Eglifes
» du royaume , comme étant un droit non
» feulement inhérent à la perfonne facrée
» de nos Rois , mais auffi unin& incor-
» poré à la Couronne , né établi avec
» elle » . C'est ce qu'on trouve encore dans
le fameux plaidoyer de Jerôme Bignon ,
de 1638. Aucun cas d'exemption n'est donc
prévû , aucune Eglife n'en eft exceptée.
Celles qui prétendent cette exception ne la
peuvent donc jamais prétendre par la na
ture des biens qu'elles poffédent , mais feulement
par des conceffions particulieres ,
qui n'étant que des exceptions , confirment
la regle. Pour achever de fe convaincre ,
il n'y a qu'à lire la troifième partie du livre
III. du Traité de l'origine de la Régale , par
M. Audoul. Cet ouvrage parut en 1708
fous les yeux de M. Dagueffeau , auquel
ce célebre Avocat étoit attaché ; & voici
l'extrait de l'approbation donnée par M.
Ifali , cet oracle du barreau . » M. Audoui
AVRIL 1755. 115
a fait voir que ce droit éminent de la
» Régale tire fa fource du canon VII..du
» concile I.td'Orléans ; ce qu'il a prouvé
" par de faits fi certains & par de fi bons
principes , qu'il n'eft pas poffible d'y ré
99
fifter " . Voilà d'après qui j'ai écrit , fans
aller cependant anffi loin que M. Ifali ,
puifque je ne trouve dans le concile d'Orléans
que la preuve d'un droit déja établi .
Il réfulte de ce qui vient d'être dit , que
nous différons , M. l'Abbé Velly & moi ,
non feulement fur la Régale , mais même
fur l'origine des fiefs , puifque, les fiefs ,
fuivant moi , tels qu'ils font aujourd'hui
neremontent pas plus haut que le tems
de Charles le Simple , & quela Régale étant
auffiqancienne que la monarchie , j'ai eu
raifon de conclure que la Régale ne pouvoit
pas venir des fiefs. Mais cette preuve ,
qui efti fans replique , fuivant mes principes
, ne fatisfera point M. l'Abbé V. puifqu'il
fait commencer les fiefs avec la mo
narchie ; auffi n'eft- ce qu'une des preuves
que
que j'ai alléguées . Refte donc la queftion
de l'ancienneté des fiefs , & on fent dans
quelle difcuffion scela nous entraîneroir.
Une des preuves qu'en rapporte M. l'Abbé
V. qui eft l'inveftiture de la Seigneurie de
Melun , pourroit être contredite , & l'autorité
d'Aimoin , écrivain du onzieme fié116
MERCURE DE FRANCE.
cle , ne feroit pas d'un grand poids , quand
il dépofe d'un fait arrivé au fixieme. D'ailleurs
il faut avoir de bons yeux pour reconnoître
les fiefs dans les bénéfices militaires
. On trouve , à la vérité , dès la premiere
race , des exemples de bénéfices accordés
fous de certaines redevancés , dont
la principale devoit être le fervice militaire
; mais font- ce bien là des fiefs ? cès bénéfices
étoient viagers , & ont continué de
l'être jufqu'au tems de Pufurpation , &
alors , en effet , ils peuvent être devenus
des fiefs , fans qu'ils le fuffent auparavant.
On pourroit ajouter que les bénéfices ont
été inftitués d'après les terrés faliques ,
fans courir le rifque que l'on en tirât des
conféquences pour les fiefs. Le Seigneur
de fief avoit un fuzerain' , le bénéficier
n'avoit qu'un fouverain . Le feigneur de
fief avoit des vallaux , dont il étoit à fon
tour le fuzerain ; mot , dit Loiſeau , qui
eft auffi étrange que cette efpece de Seigneurie
eft abfurde ce qui prouve en
paffant qu'il ne regardoit le fief que comme
une innovation ) . Quelle fimilitude ,
en effet , peut -on trouver entre ces deux
qualités de bénéficier & de fuzerain ? Le
fief eft une Seigneurie , & affûrement les
bénéfices militaires n'en étoient pas . Ils
-peuvent avoir donné la naiffance aux fiefs ,
3
AVRI L. 1755. 117
3
comme les partages faits par nos Rois entre
leurs enfans ont donné lieu aux appanages
, avec cette différence que les fiefs
ont été l'abus des bénéfices militaires , au
lieu que les appanages ont été la réforme
des partages. Le Seigneur de fief faifoit la
guerre au Roi , & fes vaffaux étoient obligés
de l'y fuivre , les bénéficiers militaires
eurent- ils jamais une femblable prétention
2 Mais abandonnons cette queſtion
qui a fait le tourment de tant d'Ecrivains.
Le fentiment de M. l'Abbé V. peut fort
bien fe foutenir fans que , felon moi , il
influe fur la queftion de la Régale , où
j'aurois plus de peine à me rendre.
Voilà , Monfieur , ce que je mefuis fait un
devoir de vous expofer , pour répondre à l'eftime
que vous avez bien voulu me témoigner ,
&
en même tems pour faire connoître lesfenmens
avec lesquels j'ai l'honneur d'être , &c.
D
LETTRE DE M. LE P. H.
A M. L'AB BE V.
noop nog insbe
Lures ,
E nom que vous vous faites dans les Let
Atnes, Monfieur plus encore que le re,
merciment que je vous dois de l'extrême politelle
que vous me marquez dans votre ouvrag
ge , mérite bien que je me défendefur un article
où nous penfons tous deux differemment ,
c'eft la Régale ** , Sima nouvelle édition n'étoit
pas trop avancée , j'y aurois inféré cette
réponse pour y Suppléer , je vous l'adreſſe
sast
a vous-même, & je me fais honneur d'en
prendre le public pour témoin : j'espere que
cela me vaudra quelque nouvelle obfervation
e votre part, ce genre de combat litté
en des mains
aufli polies que les vôtres , fert merveillenfe
de
?
raire
quand le
armes s
* Nous redonnons cette Lettre , où il s'étoit gliffé
plufieurs fautes d'impreffion dans le dernier Mer
cure, pour que l'on puiffe mieux juger de la réponſe.
** Je prie ceux qui liront cette réponſe , de jet
ter les yeux fur ce que j'ai écrit à l'année $ 11.
112 MERCURE DE FRANCE.
f
ment à éclaircir la vérité . Nousfommes d'ailleurs
trop fouvent d'accord fur des faits auffi
curieux qu'importans , pour que l'on doive
être furprisfi nous différons quelquefois.
M. l'Abbé Velly prétend que l'on ne
doit chercher l'origine de la Régale
que
dans le droit féodal ; &82mmooii je crois
qu'elle eft antérieure aux fiefs . Les fiefs ,
fuivant moi , tels que nous les connoiſſons
aujourd'hui , n'ont commencé qu'avec l'ufurpation
des fujets , vers le regne de
Charles le Simple. La Régale , auffi ancienne
que la Couronne , eft donnccplusancienne
que les fiefs. Pinfon , dans fon
traité de la Régale , la compare au Nil ,
dont la fource eft inconnue celle des
fiefs l'eft- elle ? Les Gens du Roi , dans un
difcours du 24 Juillet 1633 , difent que la
Régale eft auffi ancienne que la Couronne :
peut-on en dire autant des fiefs ? les Francs
les ont - ils apportés , ou les ont - ils trouvés
établis dans les Gaules ? Les Rois de
France feuls ont le droit de Régale , & les
fiefs font de tous les pays : les fiefs n'ont
donc pas produit la Régale ? Les fiefs , dit
M. l'Abbé Velly , fe nommoient Regalia :
donc ils ont , felon lui , donné ce nom à
la Régale ; & moi je
dis ar
que les fiefs ont
pris en France le nom de Regalia , qui n'ap
partenoit alors qu'à la Régale , parce que
A VRI L. 1755. 113
»
sendes
300 98 119
"
la Régale eft le plus noble droit de la Couronne
: c'étoit bien ainfi
en ainfi que s'exprimoit
Philippe de Valois en 1334. La colla-
>> tion des en régale nous appartient
, à caufe de la nobleffe de la
Couronne de France » . Enfin , & c'eſt là
rancen .
la grande objection , j'ai dit que llees vrais
principes de la Régale fe trouvoient dans
Cache, 209 25, 2007 anon
VTT) ; car je
n'ai pas dir que le canon d'Orléans foit le
titre qui ait conféré la Régale à nos Rois ,
à Dieu ne plaife : c'eût été faire dépendre
ce droit d'une autorité dont il ne dépend
pas. Mais je dis qu'à la maniere dont les
Evêques reconnoillent dans ce Concile que
l'Eglife poffede les biens temporels , qui
n'eft qu'un fimple ufufruit , ils caracterifent
la nature de ces biens, qui ne font que
viagers , de même qu'ils reconnoiffent le
droit de celui qui les confere , & qui par
la force de la directe les réunit à chaque
vacance , ce qui n'eft autre chofe que la
Régale : auffi les Juges laics en font- ils feuls
les juges. bien fenti la forcé
Baronius avoir
de ce canon , puifqu'il ne trouve d'autre
moyen de l'éluder qu'en le changeant , &
qu'au lieu de lire quicquid in fructibus , il a
écrit quicquid in faventibus : ce qui donne
une nouvelle force au véritable texte. Mais
enfin , dit M. l'Abbé Velly , il y avoit des
170
114 MERCURE DE FRANCE.
30
Eglifes qui ne vaquoient point en Régale :
quelle en peut être la raifon , finon que
ces Eglifes ne tenoient aucun fief du Roi ?
Voici la réponſe par où je termine cet ar
ticle. Les Gens du Roi , dans leur avis au
Parlement , figné Malé en 1633 , que j'ai
déja cité , difent qu'il doit être tenu
pour conftant que la Régale eft univer-
» felle , & a lieu dans toutes les Eglifes
» du royaume , comme étant un droit non
» feulement inhérent à la perfonne facrée
» de nos Rois , mais auffi unin& incor-
» poré à la Couronne , né établi avec
» elle » . C'est ce qu'on trouve encore dans
le fameux plaidoyer de Jerôme Bignon ,
de 1638. Aucun cas d'exemption n'est donc
prévû , aucune Eglife n'en eft exceptée.
Celles qui prétendent cette exception ne la
peuvent donc jamais prétendre par la na
ture des biens qu'elles poffédent , mais feulement
par des conceffions particulieres ,
qui n'étant que des exceptions , confirment
la regle. Pour achever de fe convaincre ,
il n'y a qu'à lire la troifième partie du livre
III. du Traité de l'origine de la Régale , par
M. Audoul. Cet ouvrage parut en 1708
fous les yeux de M. Dagueffeau , auquel
ce célebre Avocat étoit attaché ; & voici
l'extrait de l'approbation donnée par M.
Ifali , cet oracle du barreau . » M. Audoui
AVRIL 1755. 115
a fait voir que ce droit éminent de la
» Régale tire fa fource du canon VII..du
» concile I.td'Orléans ; ce qu'il a prouvé
" par de faits fi certains & par de fi bons
principes , qu'il n'eft pas poffible d'y ré
99
fifter " . Voilà d'après qui j'ai écrit , fans
aller cependant anffi loin que M. Ifali ,
puifque je ne trouve dans le concile d'Orléans
que la preuve d'un droit déja établi .
Il réfulte de ce qui vient d'être dit , que
nous différons , M. l'Abbé Velly & moi ,
non feulement fur la Régale , mais même
fur l'origine des fiefs , puifque, les fiefs ,
fuivant moi , tels qu'ils font aujourd'hui
neremontent pas plus haut que le tems
de Charles le Simple , & quela Régale étant
auffiqancienne que la monarchie , j'ai eu
raifon de conclure que la Régale ne pouvoit
pas venir des fiefs. Mais cette preuve ,
qui efti fans replique , fuivant mes principes
, ne fatisfera point M. l'Abbé V. puifqu'il
fait commencer les fiefs avec la mo
narchie ; auffi n'eft- ce qu'une des preuves
que
que j'ai alléguées . Refte donc la queftion
de l'ancienneté des fiefs , & on fent dans
quelle difcuffion scela nous entraîneroir.
Une des preuves qu'en rapporte M. l'Abbé
V. qui eft l'inveftiture de la Seigneurie de
Melun , pourroit être contredite , & l'autorité
d'Aimoin , écrivain du onzieme fié116
MERCURE DE FRANCE.
cle , ne feroit pas d'un grand poids , quand
il dépofe d'un fait arrivé au fixieme. D'ailleurs
il faut avoir de bons yeux pour reconnoître
les fiefs dans les bénéfices militaires
. On trouve , à la vérité , dès la premiere
race , des exemples de bénéfices accordés
fous de certaines redevancés , dont
la principale devoit être le fervice militaire
; mais font- ce bien là des fiefs ? cès bénéfices
étoient viagers , & ont continué de
l'être jufqu'au tems de Pufurpation , &
alors , en effet , ils peuvent être devenus
des fiefs , fans qu'ils le fuffent auparavant.
On pourroit ajouter que les bénéfices ont
été inftitués d'après les terrés faliques ,
fans courir le rifque que l'on en tirât des
conféquences pour les fiefs. Le Seigneur
de fief avoit un fuzerain' , le bénéficier
n'avoit qu'un fouverain . Le feigneur de
fief avoit des vallaux , dont il étoit à fon
tour le fuzerain ; mot , dit Loiſeau , qui
eft auffi étrange que cette efpece de Seigneurie
eft abfurde ce qui prouve en
paffant qu'il ne regardoit le fief que comme
une innovation ) . Quelle fimilitude ,
en effet , peut -on trouver entre ces deux
qualités de bénéficier & de fuzerain ? Le
fief eft une Seigneurie , & affûrement les
bénéfices militaires n'en étoient pas . Ils
-peuvent avoir donné la naiffance aux fiefs ,
3
AVRI L. 1755. 117
3
comme les partages faits par nos Rois entre
leurs enfans ont donné lieu aux appanages
, avec cette différence que les fiefs
ont été l'abus des bénéfices militaires , au
lieu que les appanages ont été la réforme
des partages. Le Seigneur de fief faifoit la
guerre au Roi , & fes vaffaux étoient obligés
de l'y fuivre , les bénéficiers militaires
eurent- ils jamais une femblable prétention
2 Mais abandonnons cette queſtion
qui a fait le tourment de tant d'Ecrivains.
Le fentiment de M. l'Abbé V. peut fort
bien fe foutenir fans que , felon moi , il
influe fur la queftion de la Régale , où
j'aurois plus de peine à me rendre.
Voilà , Monfieur , ce que je mefuis fait un
devoir de vous expofer , pour répondre à l'eftime
que vous avez bien voulu me témoigner ,
&
en même tems pour faire connoître lesfenmens
avec lesquels j'ai l'honneur d'être , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE* DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
La lettre de M. le P. H. à M. l'Abbé Velly aborde la controverse sur l'origine de la Régale. M. le P. H. commence par exprimer sa gratitude pour la politesse de l'Abbé Velly dans son ouvrage et souhaite clarifier un désaccord concernant la Régale. Il affirme que la Régale est antérieure aux fiefs, qui n'ont commencé qu'avec l'usurpation des sujets sous Charles le Simple. En revanche, la Régale est aussi ancienne que la Couronne. M. le P. H. soutient que les fiefs n'ont pas produit la Régale, car les Rois de France seuls possèdent ce droit, contrairement aux fiefs qui existent dans tous les pays. Pour appuyer son argumentation, il cite des sources historiques, notamment le discours des Gens du Roi en 1633 et le traité de Pinfon. L'Abbé Velly, quant à lui, pense que la Régale trouve son origine dans le droit féodal. La lettre se conclut par une invitation à poursuivre la discussion pour éclaircir la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 165-181
Description des Fêtes données en la ville d'Arras, à l'occasion de la Naissance de Monseigneur le Comte d'Artois.
Début :
La joie que cet évènement a répandue dans l'Artois, ne s'est [...]
Mots clefs :
Fêtes, Arras, Monseigneur le Comte d'Artois, Naissance, Évêque d'Arras, Te Deum, Mandement, Heureux, Prince, Royaume, Secrétaire, Lettre du roi, Bonheur, Voeux, Providence, Banquets, Conseillers, Militaires, Religieux, Peuple, Vers d'un citoyen d'Arras, Représentations, Feux d'artifice, Destruction d'édifices, Chronographes, Peinture, Médaillons, Symboles, Histoire de l'Artois, Armes, Inscriptions latines, Arts et sciences, Royauté, Bal, Comtes, Comtesses, Marquis, Cérémonies, Sentiments, Vertus, Architecture, Décors, Concert de musique, Jésuites, Capitale, Villes de France
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texteReconnaissance textuelle : Description des Fêtes données en la ville d'Arras, à l'occasion de la Naissance de Monseigneur le Comte d'Artois.
Defcription des Fêtes données en la ville d'Arras ,
à l'occafion de la Naiffance de Monseigneur le
Comte d'Artois.
LA joie que cet événement a répandue dans
l'Artois , ne s'eft pas bornée aux fentimens de
refpect , d'amour & de reconnoiffance que les
Etats de cette Province ont portés jufqu'au pied
du trône , par la députation nombreufe dont le
Mercure de Novembre a fait mention . Cette joie
a encore éclaté par des fêtes qui méritent qu'on
en conferve le fouvenir ; & nous allons détailler
ce qui s'eft paffé en cette conjoncture dans la
Capitale du pays,
Dès le 11 Octobre , jour auquel un Courier du
cabinet vint apporter aux Députés ordinaires des
Etats ( 1 ) , la nouvelle de l'heureux accouchement
de Madame la Dauphine , & du nom donné par
le Roi au Prince nouveau-né , il y eut des illuminations
& autres démonftrations publiques d'alégreffe
, tant aux Etats & à l'Hôtel de Ville , qu'au
Confeil d'Artois , à l'Evêché , à l'Abbaye de Saint-
Vaaft , &c. mais elles ne furent que le prélude
des réjouiffances brillantes qui devoient les fuivre,
M. l'Evêque fixa au Dimanche 6 Novembre , lé
(1 ) Ce font trois perfonnes choifies dans les trois
Corps des Etats , qui réfident à Arras , & font
chargées de l'adminiftration , hors du temps dés
Affemblées,
166 MERCURE DE FRANCE.
"
Te Deum ordonné par le Roi , & publia à ce fujet
un Mandement conçu en ces terines :
Jean de Bonneguize , par la grace de Dien
» & du S. Siège Apoftolique , Evêque d'Arras : à
tous Abbés , Abbeffes , Chapitres , Doyens ,
Paſteurs , Supérieurs & Supérieures des Eglifes
» & Monafteres exempts & non exempts, & à tous
» fideles de notre Dioceſe , falut & bénédiction.
» Le Seigneur , Mes Très- Chers Freres , tient
dans , fes mains , & la deftinée des Maîtres de
» la terre & le fort des Empires. Heureux les Rois
» & les Peuples , quand ils ne l'apprennent qué
par les preuves qu'il leur donne de fon amour
» & de fa protection !
» Tel eft l'avantage dont nous jouiffons , Mes
Très Chers Freres, furtout depuis que l'heureuſe
fécondité de Madame la Dauphine ajoute à tant
» d'autres faveurs du ciel , les bénédictions dont
≫ il comble par elle le Roi & le Royaume . Cha-
» que année nous ramene au pied des Autels pour
» y rendre graces d'un préſent nouveau à un Dieu
» qui véille au repos & à la profpérité de l'Etar.
» Il donne encore aujourd'hui dans le Prince qui
» vient de naître un nouvel appui au trône déjà le
» mieux affermi , & à la Nation la plus heureufe
un gage de plus de la durée de fon bonheur.
i » Mais fi la naiffance de Monfeigneur le Comté
» d'Artois doit être pour toute la France un fujer
» de joié & un objet de reconnoiffance , vous le
fçavez , M. T. C. F. cet événement intéreffe
» particuliérement cette Province ; & le nom de
ce Prince doit lui feul vous rappeller tout ce que
vous devez dans cette circonftance aux bontés
du Roi , ou plutôt aux miféricordes du Seigneur
qui , après avoir mis dans l'ame du Monarque
, l'amour de tous fes Peuples , daigné
JANVIER. 1758. 167
aujourd'hui fixer finguliérement fur nous les regards
de fa tendrefle.
>> Province heureuſe & préférée , hâtons- nous
» de faire éclater notre joie , & de fignaler notre
» reconnoiffance pour un Dieu qui nous diftingue .
» Mais joignons à nos actions de graces pour ce
préfent ineftimable de fa bonté , les prieres les
plus ferventes , pour qu'il daigne nous le con-
>> ferver. Ce Prince eſt , en naiſſant , le fondement
» & l'appui de nos efpérances : qu'il foit pendant
» le cours d'une longue vie , le gage de notre fé-
» licité , & le lien qui refferre de plus en plus les
>> noeuds de cette tendreffe paternelle , dont le Roi
»> nous donne aujourd'hui dans fa perfonne , la
preuve la plus éclatante.
» Demandons au Seigneur de graver de bonne
>> heure dans fon ame les principes inaltérables de
» de bonté & d'humanité qui nous font trouver
» le meilleur des Peres dans le plus grand des
Rois qu'il lui infpire le goût de cette piété tendre
& folide qui fait de la Reine l'exemple de la
Cour & la gloire de la Religion ; qu'il mette
» dans fon coeur le germe des vertus de Monſeigneur
le Dauphin , & de Madame la Dauphine,
»fi dignes l'un & l'autre des bénédictions multipliées
que le Ciel répand fur leur union , & fi
propres à attirer fur le Royaume celles qui peuvent
en perpétuer la gloire , le répos & la
» profpérité.
Puiffe cet augufte Enfant fi précieux à cette
» Province en particulier , devenit , pour notre
bonheur, tous les jours de fa vie , plus parfait, en
fe formant fur de pareils modeles puiffent
> nos neveux avoir des raifons de renouveller fans
» ceffe au Seigneur pour fa confervation les ac-
» tions de graces que nous allons lui rendre pour
fa naiflance,
16S MERCURE DE FRANCE.
» A ces cauſes , après avoir pris l'avis de nos
» Vénérables Freres les Prévôt , Doyen , Cha-
» noines & Chapitre de notre Eglife Cathédrale ,
» nous ordonnons de faire chanter le Te Deum,
>> chacun dans vos Eglifes , avec les folemnités
>> requifes , le premier Dimanche ou jour de
Fête , après que vous aurez reçu notre préſent
>> Mandement , les Officiers , Magiftrats des
>> lieux , & tous autres qu'il appartiendra , invités
» d'y aſſiſter .
» Donné à Arras , en notre Palais Epiſcopal ,
fous notre feing & la fignature de notre Secre-
D taire , le trois Novembre mil fept cens cinquan-
» te-fept » .
JEAN , Evêque d'Arras.
Par Monfeigneur ,
PECHENA , Secrétaire.
Lettre du Roi , à M. l'Evêque d'Arras .
Monfieur l'Evêque d'Arras , la durée du bonheur
de mes fujets étant l'objet de mes voeux les plus
ardens , tous les événemens capables de le perpétuef,
excitent en moi les fentimens que mérite
un peuple toujours empreffé à me donner des
marques de fon zele , de fa fidélité & de fon
amour. Les princes dont il a plu à Dieu de combler
mes fouhaits , affurent la tranquillité dans
mes états. Celui dont matrès chere Fille la Dauphine
vient d'être heureuſement délivrée , eſt un
nouveau don de la providence , & c'eft pour lui
rendre les actions de graces qui lui font dûes , que
je vous fais cette lettre , pour vous dire que mon
intention eft que vous faffiez chanter le Te Deum
dans votre Eglife Cathédrale , & dans toutes les
autres
JANVIERL
169
. 1758.
autres de votre Dioceſe , avec la folemnité requife
, & que vous invitiez d'y affifter tous ceux qu'il
conviendra ; ce que me promettant de votre zele
je ne vous ferai la préfente plus longue , que pour
prier Dieu qu'il vous ait , Mons. l'Evêque d'Arras
, en fa fainte garde. Ecrit à Versailles le 9 Octobre
1757. Signé , LOUIS . Et plus bas , R. de
Voyer. Etfur le repli : à Mons. l'Evêque d'Arras,
Confeiller en mes Confeils .
La fête fut annoncée le au foir par toutes les
cloches de la Ville , que l'on fonna encore le 6 ,
de grand matin. En même temps des falves d'artillerie
& de boîte fe firent entendre , & recommencerent
à différentes reptiles dans le cours de
la journée. Il y eut ce même jour à l'Hôtel de
Ville un dîner fomptueux de plus de quatre-vingts
couverts , où le trouva M. de Caumartin , Intendant
de la Province . On y avoit auffi invité l'Evêque
, l'Abbé de Saint- Vaaft , le Commandant
de la Place , le premier Préfident du Confeil d'Artois
, & la Nobleffe , ainfi qu'un certain nombre
des Officiers de la garnifon , & des autres principaux
Corps , ecclefiaftiques , civils & militaires.
Pendant ce repas , on jetta de l'argent au peuple
& les Magiftrats lui firent diftribuer du pain , des
viandes & du vin. Immédiatement après que la
fanté de Monfeigneur le Comte d'Artois eût été
bue au fon des inftrumens , on préfenta à tous les
convives des exemplaires de la piece fuivante ,
compofée par M Harduin , Avocat , ancien Député
des Etats d'Artois à la Cour , & Secretaire
perpétuel de la Société Littéraire d'Arras.
L. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
Sentimens d'un Citoyen d'Arras , fur la Naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
It fort donc aujourd'hui de fon obſcurité ,
Ce Titre qu'autrefois des Héros ont porté ( 1 ).
D'un Enfant de Louis il devient le partage :
Louis , pour couronner notre fidélité ,
Daigne de fon amour nous accorder ce gage .
Vous reprenez enfin votre antique fplendeur ,
Lieux où de Pharamond le brave Succeffeur (1 )
Jetta les fondemens du floriffant Empire
Qui commande à l'Europe , & que le monde admire.
Monarque triomphant , que le Ciel a formé
Pour les vertus & pour la gloire ,
Ton peuple réuni , d'un beau zele animé ,
T'a placé dès long-temps au Temple de mémoire ,
Sous le nom de Roi Bien - Aimé.
Mais lorfque furpaffant toute notre eſpérance ,
Tu veux nous diftinguer de tes autres Sujets ,
Lorfque tu mets pour nous le comble à tes bienfaits
,
Quel nom te donnera notre reconnoiffance !
Plaifirs , volez ici fous mille traits divers :
Que Polymnie & Terpsichore
Célebrent à l'envi le Maître qu'on adore.
(1) Robert I & Robert II, Comtes d'Artois.
(2) Clodion.2
JANVIER.
1758.
171
Qu'un bruit guerrier fe mêle aux plus tendres
concerts :
Que la fiere trompette fonne :
Sur nos murs que la foudre tonne :
Que le falpêtre éclate dans les airs.
Que mille bouche enflammées
Annoncent les tranfports de nos ames charmées
Au bout de ce vafte Univers.
Je vois juſques à
l'Empyrée
S'élevér de rapides feux :
Ainfi vers la voûte azurée
S'élance l'ardeur de nos voeux.
Tels que ces
brillantes étoiles ,
Qui de la nuit perçant les voiles ,
Retombent en foule à nos yeux ,
Sur l'Enfant fi cher à la France
Puiffent
defcendre en
abondance
Les plus riches préfens des Cieux.
Dans le
raviffement où mon ame fe livre ,
En lui déja je vois revivre
Ce Frere vertueux du plus faint de nos Rois ( 1).
A nos ayeux il fit chérir fes loix :
Des cruels
Sarrafins il
confondit la rage :
Prince , lis fes exploits , & deviens fon image ...
Mais pourquoi de l'hiftoire
emprunter le fecours ▸
(1) Robert I, frere de Saint Louis , furnommé
le Bon & le
Vaillant, ‹
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Pour acquérir une gloire immortelle ,
Il ne te faut d'autre modele
Que ton augufte Ayeul , ou l'Auteur de tes jours.
Illuftre Enfant , auprès du trône
Tu feras de l'Artois le plus ferme foutien :
De Louis & du peuple à qui fa main te donne ,
Tu refferres encor le fortuné lien .
Si tu pouvois juger de notre amour extrêmê
Si tu lifois au fond de notre coeur ,
Ah ! tu t'applaudirois toi- même
Du nom qui fait notre bonheur .
.
On avoit élevé , vis- à-vis de l'Hôtel de Ville ,
un Feu d'artifice , pour lequel on n'avoit épargné
ni foins , ni dépenfe , non plus que pour les illuminations
de cet hôtel , de la haute & admirable
tour qui l'accompagne , & des autres édifices publics
. Tous les particuliers s'étoient auffi empreffés
à illuminer leurs maiſons , d'une maniere qui
répondît à la folemnité du jour ; mais une pluie
continuelle empêcha l'effet de ces préparatifs. On
ne put faire jouer qu'une petite partie de l'artifice
; & le refte fut remis au furlendemain.
L'édifice conftruit pour le feu , fur les deffeins
du fieur Beffara , Architecte de la Ville , étoit
feint de marbre blanc , & avoit s 2 pieds d'élévation
en deux étages , furmontés d'une pyramide
de 33 pieds . Le premier étage ou rez - de - chauffée
étoit un quarré d'ordre dorique , ayant 44 pieds
de face , dont le côté principal offroit un portique
, avec fronton & baluftrade , orné des Armes
du Roi , de Monfeigneur le Dauphin , & de Mon.
feigneur le Comte d'Artois , Une colonnade ioniJANVIER.
1758. 173
que formoit le fecond étage , qui étoit circulaire.
Vingt-quatre vafes à fleurs & trophées d'armes
ou de mufique , fervoient d'amortiffemens aux
deux ordres d'architecture . Cette décoration étoit
femée de chronogrammes ou chronographes
forte d'infcription fort en ufage aux Pays Bas ,
dans laquelle on trouve , en chiffre Romain , par
la réunion de toutes les lettres numérales qu'elle
contient , l'année de l'événement qui en eſt l'objet.
Voici quelques- uns de ces chronographes :
nasCItVŕ CoMes , spLenDor artesIx.
DonVM CLI aC, regIs.
PVLChra FIDel MerCes .
LætVs aMor aCCenDIt Ignes,
Entre les différentes illuminations qui avoient
été préparées , on remarquoit aux croifées de
Pappartement que la Société Littéraire occupe à
l'hôtel du Gouverneur , trois tranfparens , fur
lefquels étoient peints autant de médaillons , imaginés
par M. Camp , Avocat , Membre de cette
Société , & actuellement Député des Etats à lạ
Cour. On croit devoir donner ici la defcription
de ces morceaux de peinture.
Premier Médaillon.
L'hiftoire de l'Artois caractérisée fpécifiquement
par une femme vêtue d'une faie blanche
rayée de pourpre ( 1 ) . Elle a fur la tête une couronne
de laurier , & une plume à la main . Devant
(1 ) Cette espece d'étoffe fe fabriquoit autrefois
par les habitans d'Arras , nommés Atrebates, avec
tant de réputation que les Romains en faifoient
leurs plus magniques habillemens.
Hiij
74 MERCURE DE FRANCE.
elle eft un grand livre ouvert , fur la couverture
duquel fe voyent les Armes de la province . Elle
tient de la main gauche un médaillon portant
celles de Monfeigneur le Comte d'Artois , qu'elle
regarde avec un étonnement mêlé de joie. Une
pile de volumes imprimés & manuſcrits , fur laquelle
font les aîles & autres attributs du Temps ,
fert d'appui au livre que cette femme tient ouvert.
Elle a un pied pofé fur un débris de monument
antique , dont les reftes font épars. Auprès eft
une urne renverfée , d'où fe répand un grand
nombre de médailles .
Légende.
QUANTA FASTORUM GLORIA !
Exergue.
COMES DATUS IXA. OCT. M. DCC. LVII .
Second médaillon ,
Minerve affife , ferrant de fon bras gauche un
vafe aux Armes d'Artois , dans lequel eft planté
un rejetton de lys , qu'elle prend foin de cultiver.
A fes pieds font des trophées relatifs aux Arts &
aux Sciences.
Légende.
CURAT NOBISQUE COLIT.
Exergue.
SOC. LITT . ATR. SPES ET VOT.
Troisieme médaillon.
Les chiffres des Rois Louis VIII & Louis XV,
figurés par deux doubles IL , placés fous une
même couronne , & accompagnées refpectivement
JANVIER. 1758 . 175
des nombres VIII & XV . Un cordon bleu fort de
la couronne , entrelace les deux chiffres , & ſe
termine par un noeud , d'où pendent les Armes de
Monfeigneur le Comte d'Artois ( 1 ) .
Légende.
AB EVO IN ÆVUM.
Exergue.
DECUS FUNDATUM ET RESTITUTUM.
Le même jour 6 Novembre , vers les dix heures
du foir , il y eut dans la grande falle de l'Hôtel
de Ville , qu'on avoit fuperbement décorée , un
bal qui fut ouvert par M. l'Intendant avec Madame
la Comteffe de Houchin , épouse du Député
ordinaire de la Nobleffe des Etats . On y fervit
fur des buffets en gradins , un ambigu fuffifant
pour fatisfaire les goûts divers de deux mille perfonnes
au moins qui fe trouverent à ce bal .
Les Etats d'Artois différerent jufqu'à l'ouverture
de leur Affemblée générale , la folemnité de
leurs actions de graces & de leurs réjouiflances ,
afin que tous les Membres des trois Ordres fuflent
à portée d'y participer. Ce fut le lundi 21 Novembre
que le fit cette ouverture ; & après la
féance , qui fe tint dans la forme ordinaire fur les
dix heures du matin , on chanta dans l'Eglife des
Récollets un Te Deum en mufique , auquel M.
(1) Louis VIII , par fon Teftament du mois de
Juin 1225 , affigna l'Artois en partage à Robert
fon fecond fils , frere de S. Louis , de qui defcend la
branche de Bourbon. Depuis ce Robert , premier
Comte d'Artois , aucun fils de France n'en avoit
porté le titre.
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE .
l'Evêque d'Arras officia pontificalement. M. fe
Duc de Chaulnes , Gouverneur de la Province ;
M. l'Intendant , & M. Briois , Premier Préfident
du Confeil Provincial , Commiffaires du Roi pour
la tenue des Etats , affifterent à cette cérémonie ,
accompagnés de tous les Membres de l'Affemblée.
Il y eut enfuite un magnifique dîner de deux cens
vingt-cinq couverts, auquel tous les Corps avoient
été invités. Sur la fin du repas , on but avec appareil
les fantés du Roi , de Monfeigneur le Dauphin
& du nouveau Prince , qui furent annoncées
fucceffivement par des falves de boîtes & d'artillerie
; & les Députés ordinaires jetterent de l'argent
au peuple. Dès que la nuit fut venue , on tira
avec toute la réuffite poffible , un très- beau Feu
d'artifice au milieu de la grande place.
Ce feu avoit la forme d'un temple , dont le
premier
étage , quarré & élevé d'environ fept pieds
au deffus du pavé , fervoit de focle à tout l'édifice.
Quatre grandes rampes de dix marches occupoient
le milieu de chaque face , & conduifoient
à une galerie fermée de panneaux & d'acroteres
enrichis d'Armes du Roi , de Monfeigneur le Dauphin
, & de Monfeigneur le Comte d'Artois , ainfi
que des Chiffres de la province.
Le principal corps établi fur le premier étage
avoit huit côtés , dont quatre plus larges que les
autres , faifant faillie & avant- corps , formoient
des portiques , & répondoient aux rampes. Aux
entrées de ces portiques étoient les figures fymboliques
de la fincérité & de la fidélité , qui caractérifent
les Artéfiens , & celles de la reconnoiffance
& de l'espérance , fentimens dont ce peuple eft
particuliérement affecté dans la circonftance préfente.
Les quatre côtés enfoncés étoient ornés de
iches , avec d'autres figures qui défignoient les
JANVIER. 1758. 177
Vertus protectrices du jeune Prince ; fçavoir , la
Religion , la Bonté , la Valeur & la Prudence.
Des emblêmes relatifs à ces vertus rempliffoient
le deffus des niches. La décoration générale de
toute cette partie étoit un ordre Ionique régulier ,
dont l'entablement faillant foutenoit une baluftrade
mêlée d'acroteres , fur chacun defquels on
voyoit des grouppes d'enfans , qui fembloient , en
exprimant leur joie , difputer à qui porteroit les
Armes du Roi , & celles des autres perfonnes de
la Famille Royale.
Sur le deuxieme étage étoit pofé un attique à
quatre faces , dont trois préfentoient des tableaux
emblématiques , & l'autre contenoir cette infcription
:
NOVO ARTESIA COMITI
Il y avoit des pilaftres aux angles de ce corps
d'architecture avec un entablement en faillie ,
lequel étoit couronné de quatre vafes de ronde
bolle. Une pyramide en mofaïque évidée , s'élevoit
fur l'attique qui lui fervoit de baſe , & portoit
fur fa cime les Armes d'Artois , furmontées
d'un foleil .
Aux quatre coins du temple , & à une diſtance
convenable , étoient de grands obéliſques décorés,
de chiffres , de médaillons , &c.
Toutes les parties de l'édifice étoient peintes
en grifaille , à l'exception des tableaux & des
emblêmes , qui l'étoient en camayeu de couleur
bleue. Mais cette fimplicité étoit relevée par l'éclat
de l'or répandu fur les armoiries , les infcriptions
, les cartouches , les guirlandes ; fur la pyramide
, fur les vafes , & fur tous les ornemens
où l'on avoit pu l'employer avec goût.
Cet ouvrage fut exécuté par les foins & fur les
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
deffeins du fieur Linque , Architecte , natif & hæ
bitant d'Arras.
Les Commiffaires de Sa Majesté & les Etats
virent jouer l'artifice d'un amphithéâtre dreffé à
l'un des bouts de la place , qui eft une des plus
vaftes du Royaume. Des fanfares de cors , trompettes
& timbales , animerent ce fpectacle , aprèslequel
plufieurs fontaines de vin coulerent pour
le peuple.
Les deux façades de l'Hôtel des Etats furent
illuminés par une quantité immenfe de lamprons
, dont l'arrangement deffinoit , fans confufion
, toute la belle architecture de cet hôtel Dans
un grand tableau tranfparent placé au deffus de
la porte d'entrée , on voyoit Lucine defcendant
du Ciel , & tenant dans fes bras le Prince nouveau-
né. Le Roi montroit à cette Déeffe la Province
d'Artois perſonnifiée qui , d'un air empreffé
, tendoit les mains pour recevoir l'augufte Enfant.
Un rayon de lumiere partant du vifage de
ce nouveau Comte , fe répandoit fur celui de la
Province ; & on lifoit fur une banderole ce chronographe
:
novo spLenDes CIt CoMIte.
A neuf heures du foir commença un concert ,
dans lequel on exécuta plufieurs pieces de mufique
Françoife & Italienne . A ce concert fuccéda
un ambigu pour les Dames , fervi fur deux tables
de foixante perfonnes chacune . La fête fut terminée
par un grand bal , que M. le Duc de
Chaulnes ouvrit avec Madame la Comteffe de
Houchin , & qui dura jufqu'au jour. Rien n'y
fut oublié , foit pour la décoration des trois falles
où l'on danfa , foit pour la maniere dont elles
furent éclairées , foit pour la fymphonie & les
rafraîchiffemens de toute efpece.
JANVIER . 1758. 179
M. l'Evêque d'Arras donna de grands foupers
la veille de l'ouverture & le jour de la clôture
des Etats. Pendant la fête du 21 , on diftribua
abondamment dans fon palais du pain , des viandes
, de la biere , du bois & de Pargent à cinq
cens perfonnes au moins . La maison du Bon
Pafteur , qui renferme plus de cent pauvres filles ,
a éprouvé les mêmes libéralités de la part de ce
Prélat.
Le 6 & le 21 , M. de Briois , Abbé de S. Vaaſt ,
fit tirer beaucoup d'artifice. Il a pareillement
fignalé fa charité , en faisant délivrer aux pauvres
quatre mille pains , du poids de trois livres &
demie:
M. de Caumartin qui , depuis le commencement
de l'Affemblée des Etats avoit donné des
preuves de fa magnificence ordinaire , y ajouta
le Dimanche 27 Novembre un dîner de cent trente
couverts. Ce feftin ne fut que pour les hommes ;
mais environ quatre- vingts Dames fouperent le
même jour à l'intendance , où il y eut audi un
bal qui ne laiffa rien à défirer . M. le premier
Préſident du Confeil d'Artois s'étoit diftingué de
fon côté le jeudi précédent , par un dîner fuivi
d'un bal , qui fut interrompu pour voir un bouquet
d'artifice & une illumination terreftre , formée
avec goût dans le parterre du jardin de ce
Magiftrat. Il fit fervir fur les neuf heures un ambigu
; après lequel il y eut concert , & l'on reprit
le bal qui ne finit qu'avec la nuit.
Enfin le 30 Novembre , les RR. PP. Jéfuites
du College d'Arras firent chanter dans leur Eglife
le Te Deum & l'Exaudiat , par toute la mufique
de la Cathédrale . M. l'Evêque d'Arra y officia ,
& les Etats qu'on avoit invités à la cérémonie ,
affifterent en corps ; après quoi ils pafferent dans
y
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
la falle des Actes , où le R. P. Dubuiffon , Profeffeur
de Rhétorique , leur adreffa une harangue
latine , dont l'objet étoit de féliciter la province
d'Artois fur la naiffance du nouveau Comte.
L'Orateur s'attacha à prouver dans la premiere
partie de fon difcours , qu'il ne pouvoit rien arriver
de plus avantageux à la Province , que de
voir fon nom porté par un Prince de la Maifon de
Bourbon ; & dans la feconde , qu'aucune Province
n'étoit plus digne de cette grace.
Les PP. Jéfuites ont fourni ce jour là de quoi
dîner à douze pauvres familles de chacune des
onze Paroiffes de la Ville. Les écoliers , tant externes
que penfionnaires , qui font de la Congré
gation de la Vierge , ont donné le même jour à
dîner & à fouper aux malheureux détenus dans
les prifons royales , lefquels étoient au nombre
de quarante , les ont fervis eux- mêmes , & leur ont
encore diftribué des aumônes.
Les autres Villes de l'Artois n'ont pas témoi
gné moins d'ardeur que la Capitale à célébrer
une époque fi glorieufe pour la Province ; & de
fimples Bourgades ont donné en cette occafion
les marques les plus éclatantes de leur zele & de
leur alégreffe.
Le Roi a nommé le Maréchal de Tomond ,
pour commander fur les côtes de la Méditerranée .
Sa Majefté a auffi difpofé du commandement de
la Guyenne en faveur du Comte de Langeron
Lieutenant-Général de fes armées , & Elle a donné
au Comte de Gramont , Brigadier d'Infanterie,
& Menin de Monfeigneur le Dauphin , le Commandement
des troupes , dans la partie du Gouvernement
de la Guyenne , qui dépend de la Généralité
d'Aufch.
Sur la démiffion de Madame la Ducheffe d'Antin,
JANVIER. 1758.
181
de la place de Dame du Palais de la Reine , le Roi a
nommé le 25 Novembre Madame la Comteffe de
Clermont-Tonnere pour la remplacer.
Le 27, M. le Comte de Rochechouart prêta ferment
entre les mains du Roi , pour le Gouvernement
de l'Orléannois.
M. Le Duc de Chaulnes étant revenu de l'armée
du Maréchal Duc de Richelieu , pour tenir les
Etats d'Artois , en fit l'ouverture à Arras le 21
Novembre.
à l'occafion de la Naiffance de Monseigneur le
Comte d'Artois.
LA joie que cet événement a répandue dans
l'Artois , ne s'eft pas bornée aux fentimens de
refpect , d'amour & de reconnoiffance que les
Etats de cette Province ont portés jufqu'au pied
du trône , par la députation nombreufe dont le
Mercure de Novembre a fait mention . Cette joie
a encore éclaté par des fêtes qui méritent qu'on
en conferve le fouvenir ; & nous allons détailler
ce qui s'eft paffé en cette conjoncture dans la
Capitale du pays,
Dès le 11 Octobre , jour auquel un Courier du
cabinet vint apporter aux Députés ordinaires des
Etats ( 1 ) , la nouvelle de l'heureux accouchement
de Madame la Dauphine , & du nom donné par
le Roi au Prince nouveau-né , il y eut des illuminations
& autres démonftrations publiques d'alégreffe
, tant aux Etats & à l'Hôtel de Ville , qu'au
Confeil d'Artois , à l'Evêché , à l'Abbaye de Saint-
Vaaft , &c. mais elles ne furent que le prélude
des réjouiffances brillantes qui devoient les fuivre,
M. l'Evêque fixa au Dimanche 6 Novembre , lé
(1 ) Ce font trois perfonnes choifies dans les trois
Corps des Etats , qui réfident à Arras , & font
chargées de l'adminiftration , hors du temps dés
Affemblées,
166 MERCURE DE FRANCE.
"
Te Deum ordonné par le Roi , & publia à ce fujet
un Mandement conçu en ces terines :
Jean de Bonneguize , par la grace de Dien
» & du S. Siège Apoftolique , Evêque d'Arras : à
tous Abbés , Abbeffes , Chapitres , Doyens ,
Paſteurs , Supérieurs & Supérieures des Eglifes
» & Monafteres exempts & non exempts, & à tous
» fideles de notre Dioceſe , falut & bénédiction.
» Le Seigneur , Mes Très- Chers Freres , tient
dans , fes mains , & la deftinée des Maîtres de
» la terre & le fort des Empires. Heureux les Rois
» & les Peuples , quand ils ne l'apprennent qué
par les preuves qu'il leur donne de fon amour
» & de fa protection !
» Tel eft l'avantage dont nous jouiffons , Mes
Très Chers Freres, furtout depuis que l'heureuſe
fécondité de Madame la Dauphine ajoute à tant
» d'autres faveurs du ciel , les bénédictions dont
≫ il comble par elle le Roi & le Royaume . Cha-
» que année nous ramene au pied des Autels pour
» y rendre graces d'un préſent nouveau à un Dieu
» qui véille au repos & à la profpérité de l'Etar.
» Il donne encore aujourd'hui dans le Prince qui
» vient de naître un nouvel appui au trône déjà le
» mieux affermi , & à la Nation la plus heureufe
un gage de plus de la durée de fon bonheur.
i » Mais fi la naiffance de Monfeigneur le Comté
» d'Artois doit être pour toute la France un fujer
» de joié & un objet de reconnoiffance , vous le
fçavez , M. T. C. F. cet événement intéreffe
» particuliérement cette Province ; & le nom de
ce Prince doit lui feul vous rappeller tout ce que
vous devez dans cette circonftance aux bontés
du Roi , ou plutôt aux miféricordes du Seigneur
qui , après avoir mis dans l'ame du Monarque
, l'amour de tous fes Peuples , daigné
JANVIER. 1758. 167
aujourd'hui fixer finguliérement fur nous les regards
de fa tendrefle.
>> Province heureuſe & préférée , hâtons- nous
» de faire éclater notre joie , & de fignaler notre
» reconnoiffance pour un Dieu qui nous diftingue .
» Mais joignons à nos actions de graces pour ce
préfent ineftimable de fa bonté , les prieres les
plus ferventes , pour qu'il daigne nous le con-
>> ferver. Ce Prince eſt , en naiſſant , le fondement
» & l'appui de nos efpérances : qu'il foit pendant
» le cours d'une longue vie , le gage de notre fé-
» licité , & le lien qui refferre de plus en plus les
>> noeuds de cette tendreffe paternelle , dont le Roi
»> nous donne aujourd'hui dans fa perfonne , la
preuve la plus éclatante.
» Demandons au Seigneur de graver de bonne
>> heure dans fon ame les principes inaltérables de
» de bonté & d'humanité qui nous font trouver
» le meilleur des Peres dans le plus grand des
Rois qu'il lui infpire le goût de cette piété tendre
& folide qui fait de la Reine l'exemple de la
Cour & la gloire de la Religion ; qu'il mette
» dans fon coeur le germe des vertus de Monſeigneur
le Dauphin , & de Madame la Dauphine,
»fi dignes l'un & l'autre des bénédictions multipliées
que le Ciel répand fur leur union , & fi
propres à attirer fur le Royaume celles qui peuvent
en perpétuer la gloire , le répos & la
» profpérité.
Puiffe cet augufte Enfant fi précieux à cette
» Province en particulier , devenit , pour notre
bonheur, tous les jours de fa vie , plus parfait, en
fe formant fur de pareils modeles puiffent
> nos neveux avoir des raifons de renouveller fans
» ceffe au Seigneur pour fa confervation les ac-
» tions de graces que nous allons lui rendre pour
fa naiflance,
16S MERCURE DE FRANCE.
» A ces cauſes , après avoir pris l'avis de nos
» Vénérables Freres les Prévôt , Doyen , Cha-
» noines & Chapitre de notre Eglife Cathédrale ,
» nous ordonnons de faire chanter le Te Deum,
>> chacun dans vos Eglifes , avec les folemnités
>> requifes , le premier Dimanche ou jour de
Fête , après que vous aurez reçu notre préſent
>> Mandement , les Officiers , Magiftrats des
>> lieux , & tous autres qu'il appartiendra , invités
» d'y aſſiſter .
» Donné à Arras , en notre Palais Epiſcopal ,
fous notre feing & la fignature de notre Secre-
D taire , le trois Novembre mil fept cens cinquan-
» te-fept » .
JEAN , Evêque d'Arras.
Par Monfeigneur ,
PECHENA , Secrétaire.
Lettre du Roi , à M. l'Evêque d'Arras .
Monfieur l'Evêque d'Arras , la durée du bonheur
de mes fujets étant l'objet de mes voeux les plus
ardens , tous les événemens capables de le perpétuef,
excitent en moi les fentimens que mérite
un peuple toujours empreffé à me donner des
marques de fon zele , de fa fidélité & de fon
amour. Les princes dont il a plu à Dieu de combler
mes fouhaits , affurent la tranquillité dans
mes états. Celui dont matrès chere Fille la Dauphine
vient d'être heureuſement délivrée , eſt un
nouveau don de la providence , & c'eft pour lui
rendre les actions de graces qui lui font dûes , que
je vous fais cette lettre , pour vous dire que mon
intention eft que vous faffiez chanter le Te Deum
dans votre Eglife Cathédrale , & dans toutes les
autres
JANVIERL
169
. 1758.
autres de votre Dioceſe , avec la folemnité requife
, & que vous invitiez d'y affifter tous ceux qu'il
conviendra ; ce que me promettant de votre zele
je ne vous ferai la préfente plus longue , que pour
prier Dieu qu'il vous ait , Mons. l'Evêque d'Arras
, en fa fainte garde. Ecrit à Versailles le 9 Octobre
1757. Signé , LOUIS . Et plus bas , R. de
Voyer. Etfur le repli : à Mons. l'Evêque d'Arras,
Confeiller en mes Confeils .
La fête fut annoncée le au foir par toutes les
cloches de la Ville , que l'on fonna encore le 6 ,
de grand matin. En même temps des falves d'artillerie
& de boîte fe firent entendre , & recommencerent
à différentes reptiles dans le cours de
la journée. Il y eut ce même jour à l'Hôtel de
Ville un dîner fomptueux de plus de quatre-vingts
couverts , où le trouva M. de Caumartin , Intendant
de la Province . On y avoit auffi invité l'Evêque
, l'Abbé de Saint- Vaaft , le Commandant
de la Place , le premier Préfident du Confeil d'Artois
, & la Nobleffe , ainfi qu'un certain nombre
des Officiers de la garnifon , & des autres principaux
Corps , ecclefiaftiques , civils & militaires.
Pendant ce repas , on jetta de l'argent au peuple
& les Magiftrats lui firent diftribuer du pain , des
viandes & du vin. Immédiatement après que la
fanté de Monfeigneur le Comte d'Artois eût été
bue au fon des inftrumens , on préfenta à tous les
convives des exemplaires de la piece fuivante ,
compofée par M Harduin , Avocat , ancien Député
des Etats d'Artois à la Cour , & Secretaire
perpétuel de la Société Littéraire d'Arras.
L. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
Sentimens d'un Citoyen d'Arras , fur la Naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
It fort donc aujourd'hui de fon obſcurité ,
Ce Titre qu'autrefois des Héros ont porté ( 1 ).
D'un Enfant de Louis il devient le partage :
Louis , pour couronner notre fidélité ,
Daigne de fon amour nous accorder ce gage .
Vous reprenez enfin votre antique fplendeur ,
Lieux où de Pharamond le brave Succeffeur (1 )
Jetta les fondemens du floriffant Empire
Qui commande à l'Europe , & que le monde admire.
Monarque triomphant , que le Ciel a formé
Pour les vertus & pour la gloire ,
Ton peuple réuni , d'un beau zele animé ,
T'a placé dès long-temps au Temple de mémoire ,
Sous le nom de Roi Bien - Aimé.
Mais lorfque furpaffant toute notre eſpérance ,
Tu veux nous diftinguer de tes autres Sujets ,
Lorfque tu mets pour nous le comble à tes bienfaits
,
Quel nom te donnera notre reconnoiffance !
Plaifirs , volez ici fous mille traits divers :
Que Polymnie & Terpsichore
Célebrent à l'envi le Maître qu'on adore.
(1) Robert I & Robert II, Comtes d'Artois.
(2) Clodion.2
JANVIER.
1758.
171
Qu'un bruit guerrier fe mêle aux plus tendres
concerts :
Que la fiere trompette fonne :
Sur nos murs que la foudre tonne :
Que le falpêtre éclate dans les airs.
Que mille bouche enflammées
Annoncent les tranfports de nos ames charmées
Au bout de ce vafte Univers.
Je vois juſques à
l'Empyrée
S'élevér de rapides feux :
Ainfi vers la voûte azurée
S'élance l'ardeur de nos voeux.
Tels que ces
brillantes étoiles ,
Qui de la nuit perçant les voiles ,
Retombent en foule à nos yeux ,
Sur l'Enfant fi cher à la France
Puiffent
defcendre en
abondance
Les plus riches préfens des Cieux.
Dans le
raviffement où mon ame fe livre ,
En lui déja je vois revivre
Ce Frere vertueux du plus faint de nos Rois ( 1).
A nos ayeux il fit chérir fes loix :
Des cruels
Sarrafins il
confondit la rage :
Prince , lis fes exploits , & deviens fon image ...
Mais pourquoi de l'hiftoire
emprunter le fecours ▸
(1) Robert I, frere de Saint Louis , furnommé
le Bon & le
Vaillant, ‹
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Pour acquérir une gloire immortelle ,
Il ne te faut d'autre modele
Que ton augufte Ayeul , ou l'Auteur de tes jours.
Illuftre Enfant , auprès du trône
Tu feras de l'Artois le plus ferme foutien :
De Louis & du peuple à qui fa main te donne ,
Tu refferres encor le fortuné lien .
Si tu pouvois juger de notre amour extrêmê
Si tu lifois au fond de notre coeur ,
Ah ! tu t'applaudirois toi- même
Du nom qui fait notre bonheur .
.
On avoit élevé , vis- à-vis de l'Hôtel de Ville ,
un Feu d'artifice , pour lequel on n'avoit épargné
ni foins , ni dépenfe , non plus que pour les illuminations
de cet hôtel , de la haute & admirable
tour qui l'accompagne , & des autres édifices publics
. Tous les particuliers s'étoient auffi empreffés
à illuminer leurs maiſons , d'une maniere qui
répondît à la folemnité du jour ; mais une pluie
continuelle empêcha l'effet de ces préparatifs. On
ne put faire jouer qu'une petite partie de l'artifice
; & le refte fut remis au furlendemain.
L'édifice conftruit pour le feu , fur les deffeins
du fieur Beffara , Architecte de la Ville , étoit
feint de marbre blanc , & avoit s 2 pieds d'élévation
en deux étages , furmontés d'une pyramide
de 33 pieds . Le premier étage ou rez - de - chauffée
étoit un quarré d'ordre dorique , ayant 44 pieds
de face , dont le côté principal offroit un portique
, avec fronton & baluftrade , orné des Armes
du Roi , de Monfeigneur le Dauphin , & de Mon.
feigneur le Comte d'Artois , Une colonnade ioniJANVIER.
1758. 173
que formoit le fecond étage , qui étoit circulaire.
Vingt-quatre vafes à fleurs & trophées d'armes
ou de mufique , fervoient d'amortiffemens aux
deux ordres d'architecture . Cette décoration étoit
femée de chronogrammes ou chronographes
forte d'infcription fort en ufage aux Pays Bas ,
dans laquelle on trouve , en chiffre Romain , par
la réunion de toutes les lettres numérales qu'elle
contient , l'année de l'événement qui en eſt l'objet.
Voici quelques- uns de ces chronographes :
nasCItVŕ CoMes , spLenDor artesIx.
DonVM CLI aC, regIs.
PVLChra FIDel MerCes .
LætVs aMor aCCenDIt Ignes,
Entre les différentes illuminations qui avoient
été préparées , on remarquoit aux croifées de
Pappartement que la Société Littéraire occupe à
l'hôtel du Gouverneur , trois tranfparens , fur
lefquels étoient peints autant de médaillons , imaginés
par M. Camp , Avocat , Membre de cette
Société , & actuellement Député des Etats à lạ
Cour. On croit devoir donner ici la defcription
de ces morceaux de peinture.
Premier Médaillon.
L'hiftoire de l'Artois caractérisée fpécifiquement
par une femme vêtue d'une faie blanche
rayée de pourpre ( 1 ) . Elle a fur la tête une couronne
de laurier , & une plume à la main . Devant
(1 ) Cette espece d'étoffe fe fabriquoit autrefois
par les habitans d'Arras , nommés Atrebates, avec
tant de réputation que les Romains en faifoient
leurs plus magniques habillemens.
Hiij
74 MERCURE DE FRANCE.
elle eft un grand livre ouvert , fur la couverture
duquel fe voyent les Armes de la province . Elle
tient de la main gauche un médaillon portant
celles de Monfeigneur le Comte d'Artois , qu'elle
regarde avec un étonnement mêlé de joie. Une
pile de volumes imprimés & manuſcrits , fur laquelle
font les aîles & autres attributs du Temps ,
fert d'appui au livre que cette femme tient ouvert.
Elle a un pied pofé fur un débris de monument
antique , dont les reftes font épars. Auprès eft
une urne renverfée , d'où fe répand un grand
nombre de médailles .
Légende.
QUANTA FASTORUM GLORIA !
Exergue.
COMES DATUS IXA. OCT. M. DCC. LVII .
Second médaillon ,
Minerve affife , ferrant de fon bras gauche un
vafe aux Armes d'Artois , dans lequel eft planté
un rejetton de lys , qu'elle prend foin de cultiver.
A fes pieds font des trophées relatifs aux Arts &
aux Sciences.
Légende.
CURAT NOBISQUE COLIT.
Exergue.
SOC. LITT . ATR. SPES ET VOT.
Troisieme médaillon.
Les chiffres des Rois Louis VIII & Louis XV,
figurés par deux doubles IL , placés fous une
même couronne , & accompagnées refpectivement
JANVIER. 1758 . 175
des nombres VIII & XV . Un cordon bleu fort de
la couronne , entrelace les deux chiffres , & ſe
termine par un noeud , d'où pendent les Armes de
Monfeigneur le Comte d'Artois ( 1 ) .
Légende.
AB EVO IN ÆVUM.
Exergue.
DECUS FUNDATUM ET RESTITUTUM.
Le même jour 6 Novembre , vers les dix heures
du foir , il y eut dans la grande falle de l'Hôtel
de Ville , qu'on avoit fuperbement décorée , un
bal qui fut ouvert par M. l'Intendant avec Madame
la Comteffe de Houchin , épouse du Député
ordinaire de la Nobleffe des Etats . On y fervit
fur des buffets en gradins , un ambigu fuffifant
pour fatisfaire les goûts divers de deux mille perfonnes
au moins qui fe trouverent à ce bal .
Les Etats d'Artois différerent jufqu'à l'ouverture
de leur Affemblée générale , la folemnité de
leurs actions de graces & de leurs réjouiflances ,
afin que tous les Membres des trois Ordres fuflent
à portée d'y participer. Ce fut le lundi 21 Novembre
que le fit cette ouverture ; & après la
féance , qui fe tint dans la forme ordinaire fur les
dix heures du matin , on chanta dans l'Eglife des
Récollets un Te Deum en mufique , auquel M.
(1) Louis VIII , par fon Teftament du mois de
Juin 1225 , affigna l'Artois en partage à Robert
fon fecond fils , frere de S. Louis , de qui defcend la
branche de Bourbon. Depuis ce Robert , premier
Comte d'Artois , aucun fils de France n'en avoit
porté le titre.
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE .
l'Evêque d'Arras officia pontificalement. M. fe
Duc de Chaulnes , Gouverneur de la Province ;
M. l'Intendant , & M. Briois , Premier Préfident
du Confeil Provincial , Commiffaires du Roi pour
la tenue des Etats , affifterent à cette cérémonie ,
accompagnés de tous les Membres de l'Affemblée.
Il y eut enfuite un magnifique dîner de deux cens
vingt-cinq couverts, auquel tous les Corps avoient
été invités. Sur la fin du repas , on but avec appareil
les fantés du Roi , de Monfeigneur le Dauphin
& du nouveau Prince , qui furent annoncées
fucceffivement par des falves de boîtes & d'artillerie
; & les Députés ordinaires jetterent de l'argent
au peuple. Dès que la nuit fut venue , on tira
avec toute la réuffite poffible , un très- beau Feu
d'artifice au milieu de la grande place.
Ce feu avoit la forme d'un temple , dont le
premier
étage , quarré & élevé d'environ fept pieds
au deffus du pavé , fervoit de focle à tout l'édifice.
Quatre grandes rampes de dix marches occupoient
le milieu de chaque face , & conduifoient
à une galerie fermée de panneaux & d'acroteres
enrichis d'Armes du Roi , de Monfeigneur le Dauphin
, & de Monfeigneur le Comte d'Artois , ainfi
que des Chiffres de la province.
Le principal corps établi fur le premier étage
avoit huit côtés , dont quatre plus larges que les
autres , faifant faillie & avant- corps , formoient
des portiques , & répondoient aux rampes. Aux
entrées de ces portiques étoient les figures fymboliques
de la fincérité & de la fidélité , qui caractérifent
les Artéfiens , & celles de la reconnoiffance
& de l'espérance , fentimens dont ce peuple eft
particuliérement affecté dans la circonftance préfente.
Les quatre côtés enfoncés étoient ornés de
iches , avec d'autres figures qui défignoient les
JANVIER. 1758. 177
Vertus protectrices du jeune Prince ; fçavoir , la
Religion , la Bonté , la Valeur & la Prudence.
Des emblêmes relatifs à ces vertus rempliffoient
le deffus des niches. La décoration générale de
toute cette partie étoit un ordre Ionique régulier ,
dont l'entablement faillant foutenoit une baluftrade
mêlée d'acroteres , fur chacun defquels on
voyoit des grouppes d'enfans , qui fembloient , en
exprimant leur joie , difputer à qui porteroit les
Armes du Roi , & celles des autres perfonnes de
la Famille Royale.
Sur le deuxieme étage étoit pofé un attique à
quatre faces , dont trois préfentoient des tableaux
emblématiques , & l'autre contenoir cette infcription
:
NOVO ARTESIA COMITI
Il y avoit des pilaftres aux angles de ce corps
d'architecture avec un entablement en faillie ,
lequel étoit couronné de quatre vafes de ronde
bolle. Une pyramide en mofaïque évidée , s'élevoit
fur l'attique qui lui fervoit de baſe , & portoit
fur fa cime les Armes d'Artois , furmontées
d'un foleil .
Aux quatre coins du temple , & à une diſtance
convenable , étoient de grands obéliſques décorés,
de chiffres , de médaillons , &c.
Toutes les parties de l'édifice étoient peintes
en grifaille , à l'exception des tableaux & des
emblêmes , qui l'étoient en camayeu de couleur
bleue. Mais cette fimplicité étoit relevée par l'éclat
de l'or répandu fur les armoiries , les infcriptions
, les cartouches , les guirlandes ; fur la pyramide
, fur les vafes , & fur tous les ornemens
où l'on avoit pu l'employer avec goût.
Cet ouvrage fut exécuté par les foins & fur les
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
deffeins du fieur Linque , Architecte , natif & hæ
bitant d'Arras.
Les Commiffaires de Sa Majesté & les Etats
virent jouer l'artifice d'un amphithéâtre dreffé à
l'un des bouts de la place , qui eft une des plus
vaftes du Royaume. Des fanfares de cors , trompettes
& timbales , animerent ce fpectacle , aprèslequel
plufieurs fontaines de vin coulerent pour
le peuple.
Les deux façades de l'Hôtel des Etats furent
illuminés par une quantité immenfe de lamprons
, dont l'arrangement deffinoit , fans confufion
, toute la belle architecture de cet hôtel Dans
un grand tableau tranfparent placé au deffus de
la porte d'entrée , on voyoit Lucine defcendant
du Ciel , & tenant dans fes bras le Prince nouveau-
né. Le Roi montroit à cette Déeffe la Province
d'Artois perſonnifiée qui , d'un air empreffé
, tendoit les mains pour recevoir l'augufte Enfant.
Un rayon de lumiere partant du vifage de
ce nouveau Comte , fe répandoit fur celui de la
Province ; & on lifoit fur une banderole ce chronographe
:
novo spLenDes CIt CoMIte.
A neuf heures du foir commença un concert ,
dans lequel on exécuta plufieurs pieces de mufique
Françoife & Italienne . A ce concert fuccéda
un ambigu pour les Dames , fervi fur deux tables
de foixante perfonnes chacune . La fête fut terminée
par un grand bal , que M. le Duc de
Chaulnes ouvrit avec Madame la Comteffe de
Houchin , & qui dura jufqu'au jour. Rien n'y
fut oublié , foit pour la décoration des trois falles
où l'on danfa , foit pour la maniere dont elles
furent éclairées , foit pour la fymphonie & les
rafraîchiffemens de toute efpece.
JANVIER . 1758. 179
M. l'Evêque d'Arras donna de grands foupers
la veille de l'ouverture & le jour de la clôture
des Etats. Pendant la fête du 21 , on diftribua
abondamment dans fon palais du pain , des viandes
, de la biere , du bois & de Pargent à cinq
cens perfonnes au moins . La maison du Bon
Pafteur , qui renferme plus de cent pauvres filles ,
a éprouvé les mêmes libéralités de la part de ce
Prélat.
Le 6 & le 21 , M. de Briois , Abbé de S. Vaaſt ,
fit tirer beaucoup d'artifice. Il a pareillement
fignalé fa charité , en faisant délivrer aux pauvres
quatre mille pains , du poids de trois livres &
demie:
M. de Caumartin qui , depuis le commencement
de l'Affemblée des Etats avoit donné des
preuves de fa magnificence ordinaire , y ajouta
le Dimanche 27 Novembre un dîner de cent trente
couverts. Ce feftin ne fut que pour les hommes ;
mais environ quatre- vingts Dames fouperent le
même jour à l'intendance , où il y eut audi un
bal qui ne laiffa rien à défirer . M. le premier
Préſident du Confeil d'Artois s'étoit diftingué de
fon côté le jeudi précédent , par un dîner fuivi
d'un bal , qui fut interrompu pour voir un bouquet
d'artifice & une illumination terreftre , formée
avec goût dans le parterre du jardin de ce
Magiftrat. Il fit fervir fur les neuf heures un ambigu
; après lequel il y eut concert , & l'on reprit
le bal qui ne finit qu'avec la nuit.
Enfin le 30 Novembre , les RR. PP. Jéfuites
du College d'Arras firent chanter dans leur Eglife
le Te Deum & l'Exaudiat , par toute la mufique
de la Cathédrale . M. l'Evêque d'Arra y officia ,
& les Etats qu'on avoit invités à la cérémonie ,
affifterent en corps ; après quoi ils pafferent dans
y
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
la falle des Actes , où le R. P. Dubuiffon , Profeffeur
de Rhétorique , leur adreffa une harangue
latine , dont l'objet étoit de féliciter la province
d'Artois fur la naiffance du nouveau Comte.
L'Orateur s'attacha à prouver dans la premiere
partie de fon difcours , qu'il ne pouvoit rien arriver
de plus avantageux à la Province , que de
voir fon nom porté par un Prince de la Maifon de
Bourbon ; & dans la feconde , qu'aucune Province
n'étoit plus digne de cette grace.
Les PP. Jéfuites ont fourni ce jour là de quoi
dîner à douze pauvres familles de chacune des
onze Paroiffes de la Ville. Les écoliers , tant externes
que penfionnaires , qui font de la Congré
gation de la Vierge , ont donné le même jour à
dîner & à fouper aux malheureux détenus dans
les prifons royales , lefquels étoient au nombre
de quarante , les ont fervis eux- mêmes , & leur ont
encore diftribué des aumônes.
Les autres Villes de l'Artois n'ont pas témoi
gné moins d'ardeur que la Capitale à célébrer
une époque fi glorieufe pour la Province ; & de
fimples Bourgades ont donné en cette occafion
les marques les plus éclatantes de leur zele & de
leur alégreffe.
Le Roi a nommé le Maréchal de Tomond ,
pour commander fur les côtes de la Méditerranée .
Sa Majefté a auffi difpofé du commandement de
la Guyenne en faveur du Comte de Langeron
Lieutenant-Général de fes armées , & Elle a donné
au Comte de Gramont , Brigadier d'Infanterie,
& Menin de Monfeigneur le Dauphin , le Commandement
des troupes , dans la partie du Gouvernement
de la Guyenne , qui dépend de la Généralité
d'Aufch.
Sur la démiffion de Madame la Ducheffe d'Antin,
JANVIER. 1758.
181
de la place de Dame du Palais de la Reine , le Roi a
nommé le 25 Novembre Madame la Comteffe de
Clermont-Tonnere pour la remplacer.
Le 27, M. le Comte de Rochechouart prêta ferment
entre les mains du Roi , pour le Gouvernement
de l'Orléannois.
M. Le Duc de Chaulnes étant revenu de l'armée
du Maréchal Duc de Richelieu , pour tenir les
Etats d'Artois , en fit l'ouverture à Arras le 21
Novembre.
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Résumé : Description des Fêtes données en la ville d'Arras, à l'occasion de la Naissance de Monseigneur le Comte d'Artois.
À l'occasion de la naissance du Comte d'Artois, Arras a organisé des festivités marquantes. Dès l'annonce de la nouvelle le 11 octobre, des illuminations et des salves d'artillerie ont exprimé la joie publique. L'évêque d'Arras a ordonné un Te Deum le 6 novembre, accompagné d'un mandement célébrant la naissance du prince et appelant à la prière pour sa conservation. Le roi a demandé la célébration du Te Deum dans toutes les églises du diocèse. Le jour de la fête, des cloches ont sonné, des salves d'artillerie ont retenti, et un dîner somptueux a été organisé à l'Hôtel de Ville, avec la présence de personnalités locales. Pendant le repas, de l'argent et des vivres ont été distribués au peuple. Une pièce poétique de M. Harduin a été lue, exprimant la joie et la reconnaissance des citoyens d'Arras. Un feu d'artifice et des illuminations étaient prévus, mais la pluie a perturbé leur réalisation. L'édifice pour le feu d'artifice, conçu par l'architecte Beffara, était orné des armes royales et de chronogrammes. La Société Littéraire a exposé des transparents avec des médaillons imaginés par M. Camp, dont le premier représentait l'histoire de l'Artois symbolisée par une femme tenant un médaillon aux armes du Comte d'Artois. Le 6 novembre, un bal a été organisé à l'Hôtel de Ville, décoré somptueusement, avec un buffet pour deux mille personnes. Les États d'Artois ont reporté leurs actions de grâce pour permettre à tous les membres de participer. Le 21 novembre, après une séance solennelle, un Te Deum a été chanté à l'église des Récollets, suivi d'un dîner pour deux cent vingt-cinq personnes. Des salves d'artillerie ont annoncé les santés du Roi, du Dauphin et du nouveau prince, et des pièces d'argent ont été jetées au peuple. Un feu d'artifice en forme de temple a été tiré sur la grande place, illustrant diverses vertus et emblèmes. Les façades de l'Hôtel des États ont été illuminées, et un concert ainsi qu'un bal ont clôturé la fête. Des soupers et distributions de vivres aux pauvres ont été organisés par l'évêque d'Arras et d'autres dignitaires. Le 30 novembre, les Jésuites ont chanté un Te Deum, et une harangue latine a félicité la province pour la naissance du nouveau Comte. D'autres villes de l'Artois ont également célébré cet événement. Par ailleurs, le Roi a nommé de nouveaux commandants pour les côtes de la Méditerranée, la Guyenne, et le Gouvernement de l'Orléannois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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