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1
p. 49-93
De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
Début :
On gronde contre la satyre, [...]
Mots clefs :
Critique, Mal, Écrire, Ronsard, Bon, Visage, Satire, Prévôt, Cotin, Boileau
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texteReconnaissance textuelle : De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
De la necessité de la critique,
ou le grand Prevôt
du Parnasse.
ON gronde contre la
satyre,
Et Cotin dit qu'on a raison:
Mais quoy que Cotin puisse
dire,
Dans l'étrange demangeaison
Qu'en nôtre siecle on a d'écrire
Ilnous faut ce cotre poison.
Ecrire en vers, écrire en
prose,
Au temps passé c'était un
art,
Au temps present c'est autre
chose:
Tant bien que mal, à tout
hazard,
Rime qui veut, qui veut
compose,
Se dit habile
, ou le suppose,
Entre au chorus, ou chante
a part,
Est pour un tiers, ou pour
un quart,
Fournie le texte, en fait la
glose,
Et tout le monde en veut
sa part.
Dites- nous, Muses, d'où
peut naître
, Cette heureusefeondité?
f Est-on savant quand on
-1-1 veut l'être?
j; Cela n'a pastoujours été;
Il en coûtoit à nos ancêtres
Ce , ne fut pas pour eux un
;,- jeu:
Ce qui coûtoit à ces grands
Maîtres,
D'où vient nous coûte-t-il
>
si peu?
Vanité sotte! qui presume
Par un aveugle & fol orgüell
De son efpric ôc de sa plume:
Voila d'abord le grand écüeil.
Item, le Temple de Memoire
Est un trés-dangereux appas:
Mais en griffonnant pour
la gloire
L'encre toûjours ne coule
pas,
Et quelquefois avient le
cas
Que l'on caffe son écritoire.
Item, soit à bon titreou
non,
On dit, mes oeuvres, mon
Libraire,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son livre & son
nom.
Item, chacun a sa folie;
Item, aujourd'hui tout est
bon,
Et tout ouvrage se publie.
Ce qu'un homme a rêvé la
nuit,
Ce qu'il a dit à sa servante,
Ce qu'il fait entre sept &
huit,
Qu'on l'imprime & le mette
en vente,
L'ouvrage trouve du débit;
Et quelquefois, sans qu'il
s'en vante,
L'auteur y gagne un bon
habit.
Item, quand on ne fçaic
mieux faire,
On forge, on ment dans
un écrit.
Item, on ne sçauroit se- taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand item, il faut vivre;
Voila comment se fait un
livre.
: De là nous viennent à foisonv
Maigres livrets de toute
forte;
Ils n'ont ni rime, ni raison,
Cela se vend toûjours, qu'-
importe?
Tous les sujets sont presque
usez
5 Et tous les titres épuisez,
Jusques à des Contes de
Fée,
Dont on a fait long-temps
trophée.
Le desordre croît tous les
jours,
Je crie, & j'appelle au secours;
Quand viendra-t-il quelque
critique
Pour reformer un tel abus,
Et purger nôtreRépubli-
,
que
De tant d'Ecrivains de Bibus?
A l'aspect d'un censeur farouche
Qui sçait faire valoir ses
droits,
Un pauvre auteur craindra
latouche,
Et devant que d'ouvrir la
bouche,
Y pensera plus de deux
fois.
Je touche une fâcheuse
corde,
Et crois déjà de tous côtez
Entendre à ce funeste exorde
Nombre d'auteurs épouvantez
Crier tout haut, Misericorde.
Soit fait, Messieurs,j'en
luisd'accord:
Mais quand le public en
furie
Contre vous & vos oeuvres
crie
Misericorde encor plus
fort,
Que lui répondre, je vous
prie?
1 C'est un mal, iél ne dis pas
non,
Qu'un censeurrigide & severe,
Qui le prend sur Le plus
haut ton,
Qu'on hait, & pourtant
qu'on revere:
Mais si c'est un mal
,
c'est
souvent
Un mal pour nous bien necessaire;
Un critique en pays sçavant
Fait le métier de Commisfaire.
Bornonsnous,sans aller
plus loin, *
A la feule gent poëtique;
Plus que tout autre elle a
-
besoin
Pour Commissaire,d'un critique.
1
Les Poëtes sont insolens,
Et souvent les plus miserables
Se trouvent les plus intraitables;
Fiers de leurs pretendus talens,
v
Ils prendront le pas au Parnaisse
Et sur Virgile & sur Horace,
S'il nest des censeurs vigilans
Pour chasser ces passe-volans,
-
Et marquer à chacun sa
place. -
D'abord ces petits avortons
Viennent se couler à tâ..
cons,
Ils sont soûmis, humbles,
dociles,
Souples à prendre les leçons
Des Horaces & desVirgiles,
Et devant ces auteurs habiles
Sont muëts comme des
poissons:
Mais quand enfin cette vermine
Sur leParnasse a pris racine,
Elle s'ameute & forme un
corps
Qui se révolte & se mutine.
,Dés qu'une fois elle domine,
Adieu Virgile & ses consors;
Dans quelque coin on les
consine,
Et si Phebus faisoit la mi
ne,
Lui-même on le mettroit
dehors.
*
Comment Ronsard & sa
pleyade, -
Dont un tem ps le regne a
duré,
Nousl'avoient ilsdéfiguré
Dans leur grotesque mascarade?
Plus bigaré qu'un Arlequin
Affublé d'un vieux cafaquin,
Fait a peu prés à la Françoise,
Mais d'étoffe antique &
Gauloise,
Sans goût, sans air, le tout
enfin
Brodé de Grec Ôc de Latin.
C'étoit dans ce bel équipage
Qu'Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit partout rendre
hommage:
Mais après un long esclavage,
tEnfiin Méalhe,rbe en eut pi- tIC
J Et l'ayant pris en amitié,
Lui débarboüilla le visage,
Et le remit sur le bon pié,
Renvoyant à la friperie
Ses haillons & sa broderie.
Alors dans le sacré vallon
On
On décria la vieille mode,
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau code,
Défendant ces vieux passemens
Qu'avec de grands empressemens
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium ôc dans la Grece.
Ronsard en fut triste & mâri
Perdant beaucoup à ce décri:
Il en pleura même, & de
rage
Il se souffleta le visage,
Es s'alla cacher dans un trou
En se souffletant tout son
soû.
Les Muses rn'iernefi,rent que
Et demandoient par quel
hazard
., Ronsard if-vanté pour bien dire
Donnoitdes soufflets à Kon*
fard.
Cependant tour changea
de face
Sur l'Helicon &:. le Parnasse;
C'étoit un air de propreté
Plein de grandeur & de
noblesse
; Rien de fade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité ;
Le bon goût & la politesse
Brilloient dans la simplicite,
Laissant la frivole parure
Aux fades heros de Ro-
! mans: On emprunta de la nature
Ses plus superbes ornemens.
Vous eussiez vu les jours de
fêtes
Phebus & les neuf d#d:es
Soeurs.
N'employer pour orner
leurs réces
Que dès lauriers mêlez de
fleurs:- Mais cette mode trop unie
Ennuya bientôt, nos Fran-
-
çois; -
Au mépris, des nouvelles
loix
/Ils revinrent à leur génie,
Et reclamerent tous leurs
droits.
Nous aimons trop la bigarure
Jenepuis le dire assez haut
Voila nôtre premier défauc,
Et c'est depuis long temps
qu'il dure:
Il durera,j'enluis garanr,
Quoique le bon lens en
1 murmure.
Si l'on le quitte, on le reprend
Même en dépit de la cen- tre :
On veut du rare ôc du nouveau
#<i Le tout sans regle & sans
mesure,
On outre, on casse le pinceu:
Mais à charger trop le tableau,
On vient à gâter la peinture,
Et voulant le porrrait trop
beau,
On fait grimacer la figure.
Soit-Poëtes, soit Orateurs , C'estlàqu'en sont bien des
auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit,
Nous voulons partout de
l'esprir,
Du brillant, de l'enluminure.
C'est un abus, ne forçons
rien,
Laissons travailler la nature,
Et sans effort nous ferons
bien;
Il en coûre pour l'ordinaire
Par cet entêtement fatal
Plus à certains pour faire
mal,
Qu'il n'en coûteroit pour
bien faire.
Mevoila dans un fort beau
champ:
Mais je prêche,& peut- être
ennuye
Comme bien d'autres en
prêchant.
Je finis donc, & je m'essuye.
Bel exemple sans me flater,
Si l'on vouloir en profiter.
Or durant cette maladie
Dont l'Helicon futinfecte,
On bannit la simplicité
SousMalherbe tant applaudie,
Pointes, équivoques dans
peu,
Et jeux de mots vinrent en
jeu:
On
On vit l'assemblage gro.
tesque
Du serieux ôc du burlefque;
Le Phebus, le Gali-Mathias
Parurent avec assurance,
t Et comme si l'on n'étoit
pas
Assez fou, quand on veut
en France,
On fut avec avidité
j Chercher jusques dansl'I
j taliGl
;
Des secours dont par charite
Elle assista nôtre folie.
Apollon se tuoit envain
De faife mainte remontrance,
Et de prêcher à toute outrance,
Nos gens suivoienttoujours
leur train,
Et tout alloit en decadence.
Mais quand ce Dieu plein
de prudence
Eut pris Boileau pour son
Prévôt,
Combiend'auteurs firent le
faut?
- On voyait décaler en bna-
-, -.
-
de
,
Tous ces Messieurs de contrebande.
Chapelain couvert de lauriers
Sauta lui-même des premiers
Et perdit,dit-o,n, dans la
crotte
Et sa perruque & sa calotte.
Il crioit prêt à trébucher:
Sauvez l'honneur de la pucelle.
Mais Boileau plus dur qu'un
rocher
N'eut pitié ni de lui, ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer,,
Fit d'abord de la resistance,
Et parut quelque temps luter,
Même en Poëte d'importance;
Il appella de la sentence:
Mais il salut toûjours [au.
ter,
Et l'on n'a point jugé l'infiance.
Sous le manteau de Regulus
On eût épargné sa personne
Mais le pauvre homme n'a-
-
voit plus
Que le just-au-corps d'An-
-tigone. Quinaut par la foule emporte,
Quinaut même fie la culbute:.
Mais un appel interjetté
, Le vangea bientôt de sa
chute.
On vit les Musses en rumeur
A l'envi prendre en main
sa cause.
Quelques gens de mau
vaise humeur
Vouloient pouffer plus loin
la chose,
Insistant qu'on fîst au plûtôt
Le procès au pauvre Prevot:
Mais helas ! qu'un Prévôt
s'echape,
Le cas estdigne de pardon
;
Il n'est pas infaillible, non:
Plus ne pretendroir, fût-il
Pape.
Cependant les plus emportez
Dans cette. émeute générale
Estoient les rimeurs maltraitez.
Les Cotins chefs de la ca- A
bale
Murmuroient & crioient
tout haut:
Voyez-moy ce Prevôt de bale,
Il n'a pas épargné Quinaut.
Mais Phebusd'uneoeillade
fiere
Les rejettant avec mépris,
Leur dit d'un ton ferme &
severe:
Paix, canailles de beaux
esprits,
Qui n'avez fait ici que braire;
Si sur Quinauton s'est mélpris,
J'y veillerai, c'est mon af-
*
faire;
Quantàvous, perdez toue
espoir,
Et ne me rompez plus la
tête,
Mon Prévôt a fait son devoir.
Ainsi se calma la tempête,
Et Quinaut s'étant presenté,
Dans ses griefs fut écouré.
On déclara, vû la Requête,
Bien appelle comme, d'abus,
Dont le Prévôt resta camus.
Il fut même sur le Parnasse
Reglé sans contestation,
Qu'auprès d'Orphée &
d'Amphion
Il iroit reprendre sa place;
Et puis Phebus, d'un air
humain,
Lui mit sa propre lyre en
main,
Non que la sienne fût usée:
Mais par un noble & fier
dédain
De la voir à tort meprisee,
En tombantillavoit briféc.
On en fit recueillir soudain
Tous les morceaux jusques
au moindre:
Mais on les recueillit en
vain,
Et l'on ne put bien les rejoindre.
Tel fut le destin de Quinaut,
Seul de tous où le Commissaire,
A son égard un peu Corfaire,
- S'était trouvé pris en dé- faut: Pourtant en paya-t-il l'amende
,
Et de mainte Mufe en couroux
Essuya verte reprimande,
On a dit même quelques
coups.
Dans tout le reste irréprochabie,
Faisant sa charge avec hauceur,
A tout mauvais & sot auteur
II fut Prevôt inexorable
Sur les grands chemins
d'Helicon)
Donc il fit presque un Montfaucon.
On voyoit de loin les sque-
-lettes
De cent miserables Poètesy-
Exemple dont le seul afpeér
Tenoit les rimeurs en respect.
Il est bien vrai qu'en sa
vieillesse
Il laissa tour à l'ab andon,
Et fit sa charge avec molette.
Quand on est vieux, on
devient bon.
Un reste de terreur cmpreinte
Retenoit pourtant les efprits,
Et l'on ne pensoit qu'avec
crainte
Au fort de tant d'auteurs
proscrits.
Dans cette vieillesse impuissante
Son ombre encore menaçante
Arrêtoit les plus resolus:;
Mais cette ombre fiere ôc
glaçante,
Cette ombre même, helas!
nest plus.
Cependant danscetinterregne
Tout dégénéré & déperit;
Et faute d'un Prevôt qu'on
craigne,
Chacun sur pied de bel
esprit
Arbore déja son enseigne.
Les Cotins bravant les lardons,
De tous côtez (emblenc renaître,
Et comme en un temps de
pardons,
On voit hardiment reparaître
Les Pelletiers & les Pradons.
Apollon, c'est vous que
j'appelle,
Dece mal arrêtez le cours; Le prix de la gloire immortelle
Est en proye aux joueurs de
viele,
Et la plus brillante des
Cours,
Vôtre Cour, autrefois si
belle,
Devient un Grenier de Ga.,
belle,
Et s'encanaille tous les
jours.
Déja qui veut sur le Parnasse
S'établit comme en son
foyer:
Tel croit tour charmer, qui
croasse;
Tel en chantant semble
aboyer;
Tel rimant sans grâce efficace,
Passe tout le jour à broyer,
Et fait des vers, qui, quoy
qu'il sa sse,
-
Semblent tous faits par contumace.
Tel pour tout titre & tout
loyer
Tire
Tire du fonddesa besace
Des vers qu'il prit à la tirace,.
«
Sçavant dans l'art de g1 iboyer.
Confonduparmi cette cras
se
Corneille, pour garder sa
place,
En est reduit à guerroyer,
Et Racine rencontre en
face
Tantôcle Clerc, tantôt
Boyer.
Quel depit pour le grand
Horace!
D'avoir à soûtenir l'audace
D'un fat qui vient le coudoyer.
Le mal plus loin va se répandre,
Si l'on n'y met ordre au plûtôr5
Muses, songez à vous défendre:
Au fpecifiquc, un bon Prévôt.
Un bon Prévôt ! mais où le
prendre?
Je pourrois, s'il m'étoit
permis,
En nommer un, digne de
l'être:
Par ses soins en honneur
remis,
Et plus grand qu'iln'étoit
peut-être,
Homere assez le fait connOlere.
II a tous les talens qu'il faut
Pour un employ si necessaire;
Je ne lui vois qu'un seul
défaut,
C'est que ce métier salutaire
De blâmer ce qui doit dé.
plaire,
De reprendre & n'épargner
rien,
Ce métier qu'il seroit si
bien,
Il ne voudra jamais le faire.
Attaqué par maint traie
selon,
Jamais cótre le noirfrelon
Il n'employa ses nobles
veilles
Et comme le Roy des abeilles
Il fut toujours sans aiguillon.
A son défaut, cherchez
quelqu'autre,
Qui plus hardi, qui moins
humain,
, Pour vôtregloire & pour
la nôtre
Ose à l'oeuvre mettre la
main.
Du Parnasse arbitre supra
me,
Si
vousprisez
Sivouspriiez mon zzcellce
extrême,
Faites-le voirenm'exau,
çant: Helas peut -
être en vous
pressant
Fais-je des voeux contre
moy-même !
ou le grand Prevôt
du Parnasse.
ON gronde contre la
satyre,
Et Cotin dit qu'on a raison:
Mais quoy que Cotin puisse
dire,
Dans l'étrange demangeaison
Qu'en nôtre siecle on a d'écrire
Ilnous faut ce cotre poison.
Ecrire en vers, écrire en
prose,
Au temps passé c'était un
art,
Au temps present c'est autre
chose:
Tant bien que mal, à tout
hazard,
Rime qui veut, qui veut
compose,
Se dit habile
, ou le suppose,
Entre au chorus, ou chante
a part,
Est pour un tiers, ou pour
un quart,
Fournie le texte, en fait la
glose,
Et tout le monde en veut
sa part.
Dites- nous, Muses, d'où
peut naître
, Cette heureusefeondité?
f Est-on savant quand on
-1-1 veut l'être?
j; Cela n'a pastoujours été;
Il en coûtoit à nos ancêtres
Ce , ne fut pas pour eux un
;,- jeu:
Ce qui coûtoit à ces grands
Maîtres,
D'où vient nous coûte-t-il
>
si peu?
Vanité sotte! qui presume
Par un aveugle & fol orgüell
De son efpric ôc de sa plume:
Voila d'abord le grand écüeil.
Item, le Temple de Memoire
Est un trés-dangereux appas:
Mais en griffonnant pour
la gloire
L'encre toûjours ne coule
pas,
Et quelquefois avient le
cas
Que l'on caffe son écritoire.
Item, soit à bon titreou
non,
On dit, mes oeuvres, mon
Libraire,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son livre & son
nom.
Item, chacun a sa folie;
Item, aujourd'hui tout est
bon,
Et tout ouvrage se publie.
Ce qu'un homme a rêvé la
nuit,
Ce qu'il a dit à sa servante,
Ce qu'il fait entre sept &
huit,
Qu'on l'imprime & le mette
en vente,
L'ouvrage trouve du débit;
Et quelquefois, sans qu'il
s'en vante,
L'auteur y gagne un bon
habit.
Item, quand on ne fçaic
mieux faire,
On forge, on ment dans
un écrit.
Item, on ne sçauroit se- taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand item, il faut vivre;
Voila comment se fait un
livre.
: De là nous viennent à foisonv
Maigres livrets de toute
forte;
Ils n'ont ni rime, ni raison,
Cela se vend toûjours, qu'-
importe?
Tous les sujets sont presque
usez
5 Et tous les titres épuisez,
Jusques à des Contes de
Fée,
Dont on a fait long-temps
trophée.
Le desordre croît tous les
jours,
Je crie, & j'appelle au secours;
Quand viendra-t-il quelque
critique
Pour reformer un tel abus,
Et purger nôtreRépubli-
,
que
De tant d'Ecrivains de Bibus?
A l'aspect d'un censeur farouche
Qui sçait faire valoir ses
droits,
Un pauvre auteur craindra
latouche,
Et devant que d'ouvrir la
bouche,
Y pensera plus de deux
fois.
Je touche une fâcheuse
corde,
Et crois déjà de tous côtez
Entendre à ce funeste exorde
Nombre d'auteurs épouvantez
Crier tout haut, Misericorde.
Soit fait, Messieurs,j'en
luisd'accord:
Mais quand le public en
furie
Contre vous & vos oeuvres
crie
Misericorde encor plus
fort,
Que lui répondre, je vous
prie?
1 C'est un mal, iél ne dis pas
non,
Qu'un censeurrigide & severe,
Qui le prend sur Le plus
haut ton,
Qu'on hait, & pourtant
qu'on revere:
Mais si c'est un mal
,
c'est
souvent
Un mal pour nous bien necessaire;
Un critique en pays sçavant
Fait le métier de Commisfaire.
Bornonsnous,sans aller
plus loin, *
A la feule gent poëtique;
Plus que tout autre elle a
-
besoin
Pour Commissaire,d'un critique.
1
Les Poëtes sont insolens,
Et souvent les plus miserables
Se trouvent les plus intraitables;
Fiers de leurs pretendus talens,
v
Ils prendront le pas au Parnaisse
Et sur Virgile & sur Horace,
S'il nest des censeurs vigilans
Pour chasser ces passe-volans,
-
Et marquer à chacun sa
place. -
D'abord ces petits avortons
Viennent se couler à tâ..
cons,
Ils sont soûmis, humbles,
dociles,
Souples à prendre les leçons
Des Horaces & desVirgiles,
Et devant ces auteurs habiles
Sont muëts comme des
poissons:
Mais quand enfin cette vermine
Sur leParnasse a pris racine,
Elle s'ameute & forme un
corps
Qui se révolte & se mutine.
,Dés qu'une fois elle domine,
Adieu Virgile & ses consors;
Dans quelque coin on les
consine,
Et si Phebus faisoit la mi
ne,
Lui-même on le mettroit
dehors.
*
Comment Ronsard & sa
pleyade, -
Dont un tem ps le regne a
duré,
Nousl'avoient ilsdéfiguré
Dans leur grotesque mascarade?
Plus bigaré qu'un Arlequin
Affublé d'un vieux cafaquin,
Fait a peu prés à la Françoise,
Mais d'étoffe antique &
Gauloise,
Sans goût, sans air, le tout
enfin
Brodé de Grec Ôc de Latin.
C'étoit dans ce bel équipage
Qu'Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit partout rendre
hommage:
Mais après un long esclavage,
tEnfiin Méalhe,rbe en eut pi- tIC
J Et l'ayant pris en amitié,
Lui débarboüilla le visage,
Et le remit sur le bon pié,
Renvoyant à la friperie
Ses haillons & sa broderie.
Alors dans le sacré vallon
On
On décria la vieille mode,
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau code,
Défendant ces vieux passemens
Qu'avec de grands empressemens
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium ôc dans la Grece.
Ronsard en fut triste & mâri
Perdant beaucoup à ce décri:
Il en pleura même, & de
rage
Il se souffleta le visage,
Es s'alla cacher dans un trou
En se souffletant tout son
soû.
Les Muses rn'iernefi,rent que
Et demandoient par quel
hazard
., Ronsard if-vanté pour bien dire
Donnoitdes soufflets à Kon*
fard.
Cependant tour changea
de face
Sur l'Helicon &:. le Parnasse;
C'étoit un air de propreté
Plein de grandeur & de
noblesse
; Rien de fade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité ;
Le bon goût & la politesse
Brilloient dans la simplicite,
Laissant la frivole parure
Aux fades heros de Ro-
! mans: On emprunta de la nature
Ses plus superbes ornemens.
Vous eussiez vu les jours de
fêtes
Phebus & les neuf d#d:es
Soeurs.
N'employer pour orner
leurs réces
Que dès lauriers mêlez de
fleurs:- Mais cette mode trop unie
Ennuya bientôt, nos Fran-
-
çois; -
Au mépris, des nouvelles
loix
/Ils revinrent à leur génie,
Et reclamerent tous leurs
droits.
Nous aimons trop la bigarure
Jenepuis le dire assez haut
Voila nôtre premier défauc,
Et c'est depuis long temps
qu'il dure:
Il durera,j'enluis garanr,
Quoique le bon lens en
1 murmure.
Si l'on le quitte, on le reprend
Même en dépit de la cen- tre :
On veut du rare ôc du nouveau
#<i Le tout sans regle & sans
mesure,
On outre, on casse le pinceu:
Mais à charger trop le tableau,
On vient à gâter la peinture,
Et voulant le porrrait trop
beau,
On fait grimacer la figure.
Soit-Poëtes, soit Orateurs , C'estlàqu'en sont bien des
auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit,
Nous voulons partout de
l'esprir,
Du brillant, de l'enluminure.
C'est un abus, ne forçons
rien,
Laissons travailler la nature,
Et sans effort nous ferons
bien;
Il en coûre pour l'ordinaire
Par cet entêtement fatal
Plus à certains pour faire
mal,
Qu'il n'en coûteroit pour
bien faire.
Mevoila dans un fort beau
champ:
Mais je prêche,& peut- être
ennuye
Comme bien d'autres en
prêchant.
Je finis donc, & je m'essuye.
Bel exemple sans me flater,
Si l'on vouloir en profiter.
Or durant cette maladie
Dont l'Helicon futinfecte,
On bannit la simplicité
SousMalherbe tant applaudie,
Pointes, équivoques dans
peu,
Et jeux de mots vinrent en
jeu:
On
On vit l'assemblage gro.
tesque
Du serieux ôc du burlefque;
Le Phebus, le Gali-Mathias
Parurent avec assurance,
t Et comme si l'on n'étoit
pas
Assez fou, quand on veut
en France,
On fut avec avidité
j Chercher jusques dansl'I
j taliGl
;
Des secours dont par charite
Elle assista nôtre folie.
Apollon se tuoit envain
De faife mainte remontrance,
Et de prêcher à toute outrance,
Nos gens suivoienttoujours
leur train,
Et tout alloit en decadence.
Mais quand ce Dieu plein
de prudence
Eut pris Boileau pour son
Prévôt,
Combiend'auteurs firent le
faut?
- On voyait décaler en bna-
-, -.
-
de
,
Tous ces Messieurs de contrebande.
Chapelain couvert de lauriers
Sauta lui-même des premiers
Et perdit,dit-o,n, dans la
crotte
Et sa perruque & sa calotte.
Il crioit prêt à trébucher:
Sauvez l'honneur de la pucelle.
Mais Boileau plus dur qu'un
rocher
N'eut pitié ni de lui, ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer,,
Fit d'abord de la resistance,
Et parut quelque temps luter,
Même en Poëte d'importance;
Il appella de la sentence:
Mais il salut toûjours [au.
ter,
Et l'on n'a point jugé l'infiance.
Sous le manteau de Regulus
On eût épargné sa personne
Mais le pauvre homme n'a-
-
voit plus
Que le just-au-corps d'An-
-tigone. Quinaut par la foule emporte,
Quinaut même fie la culbute:.
Mais un appel interjetté
, Le vangea bientôt de sa
chute.
On vit les Musses en rumeur
A l'envi prendre en main
sa cause.
Quelques gens de mau
vaise humeur
Vouloient pouffer plus loin
la chose,
Insistant qu'on fîst au plûtôt
Le procès au pauvre Prevot:
Mais helas ! qu'un Prévôt
s'echape,
Le cas estdigne de pardon
;
Il n'est pas infaillible, non:
Plus ne pretendroir, fût-il
Pape.
Cependant les plus emportez
Dans cette. émeute générale
Estoient les rimeurs maltraitez.
Les Cotins chefs de la ca- A
bale
Murmuroient & crioient
tout haut:
Voyez-moy ce Prevôt de bale,
Il n'a pas épargné Quinaut.
Mais Phebusd'uneoeillade
fiere
Les rejettant avec mépris,
Leur dit d'un ton ferme &
severe:
Paix, canailles de beaux
esprits,
Qui n'avez fait ici que braire;
Si sur Quinauton s'est mélpris,
J'y veillerai, c'est mon af-
*
faire;
Quantàvous, perdez toue
espoir,
Et ne me rompez plus la
tête,
Mon Prévôt a fait son devoir.
Ainsi se calma la tempête,
Et Quinaut s'étant presenté,
Dans ses griefs fut écouré.
On déclara, vû la Requête,
Bien appelle comme, d'abus,
Dont le Prévôt resta camus.
Il fut même sur le Parnasse
Reglé sans contestation,
Qu'auprès d'Orphée &
d'Amphion
Il iroit reprendre sa place;
Et puis Phebus, d'un air
humain,
Lui mit sa propre lyre en
main,
Non que la sienne fût usée:
Mais par un noble & fier
dédain
De la voir à tort meprisee,
En tombantillavoit briféc.
On en fit recueillir soudain
Tous les morceaux jusques
au moindre:
Mais on les recueillit en
vain,
Et l'on ne put bien les rejoindre.
Tel fut le destin de Quinaut,
Seul de tous où le Commissaire,
A son égard un peu Corfaire,
- S'était trouvé pris en dé- faut: Pourtant en paya-t-il l'amende
,
Et de mainte Mufe en couroux
Essuya verte reprimande,
On a dit même quelques
coups.
Dans tout le reste irréprochabie,
Faisant sa charge avec hauceur,
A tout mauvais & sot auteur
II fut Prevôt inexorable
Sur les grands chemins
d'Helicon)
Donc il fit presque un Montfaucon.
On voyoit de loin les sque-
-lettes
De cent miserables Poètesy-
Exemple dont le seul afpeér
Tenoit les rimeurs en respect.
Il est bien vrai qu'en sa
vieillesse
Il laissa tour à l'ab andon,
Et fit sa charge avec molette.
Quand on est vieux, on
devient bon.
Un reste de terreur cmpreinte
Retenoit pourtant les efprits,
Et l'on ne pensoit qu'avec
crainte
Au fort de tant d'auteurs
proscrits.
Dans cette vieillesse impuissante
Son ombre encore menaçante
Arrêtoit les plus resolus:;
Mais cette ombre fiere ôc
glaçante,
Cette ombre même, helas!
nest plus.
Cependant danscetinterregne
Tout dégénéré & déperit;
Et faute d'un Prevôt qu'on
craigne,
Chacun sur pied de bel
esprit
Arbore déja son enseigne.
Les Cotins bravant les lardons,
De tous côtez (emblenc renaître,
Et comme en un temps de
pardons,
On voit hardiment reparaître
Les Pelletiers & les Pradons.
Apollon, c'est vous que
j'appelle,
Dece mal arrêtez le cours; Le prix de la gloire immortelle
Est en proye aux joueurs de
viele,
Et la plus brillante des
Cours,
Vôtre Cour, autrefois si
belle,
Devient un Grenier de Ga.,
belle,
Et s'encanaille tous les
jours.
Déja qui veut sur le Parnasse
S'établit comme en son
foyer:
Tel croit tour charmer, qui
croasse;
Tel en chantant semble
aboyer;
Tel rimant sans grâce efficace,
Passe tout le jour à broyer,
Et fait des vers, qui, quoy
qu'il sa sse,
-
Semblent tous faits par contumace.
Tel pour tout titre & tout
loyer
Tire
Tire du fonddesa besace
Des vers qu'il prit à la tirace,.
«
Sçavant dans l'art de g1 iboyer.
Confonduparmi cette cras
se
Corneille, pour garder sa
place,
En est reduit à guerroyer,
Et Racine rencontre en
face
Tantôcle Clerc, tantôt
Boyer.
Quel depit pour le grand
Horace!
D'avoir à soûtenir l'audace
D'un fat qui vient le coudoyer.
Le mal plus loin va se répandre,
Si l'on n'y met ordre au plûtôr5
Muses, songez à vous défendre:
Au fpecifiquc, un bon Prévôt.
Un bon Prévôt ! mais où le
prendre?
Je pourrois, s'il m'étoit
permis,
En nommer un, digne de
l'être:
Par ses soins en honneur
remis,
Et plus grand qu'iln'étoit
peut-être,
Homere assez le fait connOlere.
II a tous les talens qu'il faut
Pour un employ si necessaire;
Je ne lui vois qu'un seul
défaut,
C'est que ce métier salutaire
De blâmer ce qui doit dé.
plaire,
De reprendre & n'épargner
rien,
Ce métier qu'il seroit si
bien,
Il ne voudra jamais le faire.
Attaqué par maint traie
selon,
Jamais cótre le noirfrelon
Il n'employa ses nobles
veilles
Et comme le Roy des abeilles
Il fut toujours sans aiguillon.
A son défaut, cherchez
quelqu'autre,
Qui plus hardi, qui moins
humain,
, Pour vôtregloire & pour
la nôtre
Ose à l'oeuvre mettre la
main.
Du Parnasse arbitre supra
me,
Si
vousprisez
Sivouspriiez mon zzcellce
extrême,
Faites-le voirenm'exau,
çant: Helas peut -
être en vous
pressant
Fais-je des voeux contre
moy-même !
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Résumé : De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
Le texte 'De la nécessité de la critique, ou le grand Prévôt du Parnasse' critique la prolifération de mauvais écrivains et l'absence de critique rigoureuse dans le monde littéraire. L'auteur déplore que, contrairement aux époques passées où écrire était un art exigeant, l'écriture est aujourd'hui accessible à tous, souvent sans talent ni effort. Il observe que la vanité et la quête de gloire poussent les auteurs à publier des œuvres de mauvaise qualité, parfois même mensongères ou plagiaires. L'auteur souligne l'importance d'un critique sévère pour purger la république littéraire de ces mauvais écrivains. Il rappelle l'exemple de Malherbe, qui avait réformé la poésie française en bannissant les vieilles modes et en imposant un nouveau code de goût. Cependant, cette réforme n'a pas duré, et les écrivains français sont revenus à leurs anciennes habitudes, préférant la bigarrure et le nouveau au détriment de la simplicité et de la qualité. Le texte mentionne également l'exemple de Boileau, nommé Prévôt du Parnasse par Apollon, qui a sévèrement critiqué et sanctionné les mauvais poètes, comme Chapelain et Pradon. Cependant, même Boileau a commis une erreur en condamnant injustement Quinaut, qui a finalement été réhabilité. L'auteur conclut en appelant à la nomination d'un nouveau Prévôt du Parnasse, capable de restaurer l'ordre et la qualité dans la littérature. Il suggère Homère pour ce rôle, bien que ce dernier refuse probablement de s'engager dans une tâche aussi ingrate. Le texte présente également une métaphore comparant un roi à une abeille, soulignant qu'il fut toujours sans aiguillon, c'est-à-dire sans agressivité. Il exprime le souhait de trouver un successeur plus audacieux et moins humain pour assurer la gloire collective. Le poète se désigne comme l'arbitre suprême du Parnasse, invitant quelqu'un à prendre sa place. Il mentionne son extrême célébrité et exprime un dilemme intérieur, se demandant s'il ne formule pas des vœux contre lui-même en souhaitant être remplacé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 169-214
De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Début :
On gronde contre la Satire, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Auteur, Critique, Muses, Ombre, Auteurs, Censeurs, Virgile, Malherbe, Quinault, Prévôt, Bigarrure, Prévôt du Parnasse
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texteReconnaissance textuelle : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Fermer
Résumé : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Le texte 'De la Nécessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse', publié en juin 1714 dans le Mercure, traite de l'importance de la critique littéraire. Il souligne la nécessité de la satire et de la critique dans un contexte où l'écriture poétique est accessible à tous, souvent sans respect des règles de l'art. Le texte déplore la publication et la vente d'œuvres de qualité médiocre et appelle à une réforme par l'intervention d'un critique sévère. Il rappelle l'évolution de la poésie française, marquée par des périodes de décadence et de renouveau. Des figures littéraires comme Malherbe et Boileau sont mentionnées pour leur rôle dans la réforme de la poésie. Le texte évoque également des auteurs tels que Ronsard, Chapelain, Pradon, et Quinaut, illustrant les conflits et les jugements critiques qui ont façonné la littérature. Le texte se conclut par un appel à trouver un nouveau 'Prevost' capable de purger la littérature des mauvais auteurs et de rétablir des standards de qualité. Il exprime le souhait de voir un critique sévère et juste, capable de blâmer ce qui doit l'être, mais aussi de reconnaître les véritables talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 536-553
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Début :
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union ; prononcé [...]
Mots clefs :
Lyon, Union, Discours, Prévôt, Concorde, Discorde, Magistrats, Justice, Société, Gouverneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
DISCOURS sur les avantages et la né
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
*
au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
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au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
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Résumé : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Le 21 décembre 1730, Me A. G. Boucher d'Argis, avocat au Parlement de Paris, prononça un discours à Lyon sur l'importance de l'union. Cet événement annuel se déroulait à l'Hôtel de Ville de Lyon en présence de diverses autorités, dont l'archevêque, le gouverneur, le lieutenant du roi, l'intendant, les comtes de Lyon, et d'autres dignitaires. Le discours, intitulé 'Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union', s'inspirait d'une citation de Salluste : 'Concordia parve res crescunt. discordia maxime dilabuntur.' Boucher d'Argis souligna que l'union est essentielle pour la grandeur d'un État et le bonheur des peuples. Il expliqua que l'union permet l'accroissement et la conservation de la fortune des individus, ainsi que l'augmentation et la pérennité des forces d'un État. Sans union, même les sociétés les plus puissantes risquent de s'effondrer. L'orateur définissait l'union non seulement comme une association d'intérêts, mais aussi comme une société fondée sur la bienveillance et les lois, où chaque membre contribue à la prospérité commune. Il illustra son propos par des exemples historiques, notamment l'ascension de Rome grâce à l'union de ses citoyens. Boucher d'Argis conclut en affirmant que les lois et les magistrats sont cruciaux pour maintenir cette union et assurer la paix et la justice dans l'État. Il cita également l'exemple de la France, dont le bonheur et la stabilité étaient attribués à la concorde entre ses provinces et villes. Le discours loua Lyon pour avoir toujours bénéficié des avantages de l'union et pour avoir su se maintenir au-dessus des exemples pernicieux donnés par d'autres villes du royaume. La situation géographique de Lyon, au centre de l'Europe et traversée par deux fleuves majestueux, symbolise l'union et la disposition naturelle de ses habitants à l'harmonie. L'orateur rappela que les Romains avaient distingué Lyon et l'avaient associée à Rome en raison de son importance commerciale et stratégique. Il insista sur la nécessité de l'union pour le succès du commerce lyonnais, qui repose sur la bonne intelligence entre les habitants et les sociétés de négociants. Boucher d'Argis décrivit ensuite les ravages de la discorde, qu'il compara à un monstre semant la haine et l'inhumanité. Il illustra ses propos par des exemples historiques, comme les guerres civiles romaines et les divisions au sein de la monarchie française. Il conclut en soulignant que Lyon, modèle d'union parfaite, doit continuer à promouvoir cette valeur essentielle pour éviter les malheurs de la désunion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2912-2920
CEREMONIE de la Benediction des quatre nouvelles Cloches de l'Abbaye Sainte Geneviéve.
Début :
Il a été parlé dans le Mercure du mois d'Octobre de deux Cloches bénites à [...]
Mots clefs :
Bénédiction, Cloches, Abbaye de Sainte Geneviève, Prieur, Patrone de Paris, Comtesse de Trêmes, Prévôt, Amphithéâtre, Charpente, Sonnerie
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texteReconnaissance textuelle : CEREMONIE de la Benediction des quatre nouvelles Cloches de l'Abbaye Sainte Geneviéve.
CEREMONIE de la Benediction des
quatre nouvelles Cloches de l'Abbaye
Sainte Geneviève.
Idactée de deux Cloches bénites à
L a été parlé dans le Mercure du mois
Sainte Geneviève au mois de Septembre
dernier par l'Abbé de cette Abbaye : voici
ce qui s'est passé pour la bénédiction de
celles qui restoient.
Le Corps de Ville de Paris s'étant volontiers engagé de les nommer , on avoit
fait inscrire sur ces Cloches les noms et
les Armoiries de chacun de ces Mrs comme Parrains , on avoit pris la même précaution au sujet des Titres , Qualitez et
Blazon de Madame la Comtesse deTrémes
qui devoit être la Maraine.
Pour fixer le jour de la Cerémonie , les
Chanoines Réguliers de Sainte Genevieve
ffrent une députation à la Ville de huit
Religieux ; ils furent reçûs le 21 Novembre à la premiere Porte de l'Hôtel de Vilpar les Huissiers en Robe , lesquels les
ayant conduits jusqu'au haut de l'escalier,
deux Echevins , qui étoient venus au devant , les introduisirent , et les firent placer vis-à-vis M. le Prévôt des Marchands
le
II. Vol. après
DECEMBRE. 1732. 2913
après quelques révérences à Mrs de Ville
qui étoient debout.
J
La Compagnie ayant pris séance , le
Prieur de Sainte Geneviève , Chef de la
députation , complimenta ces Mrs sur le
zele , qu'à l'exemple de leurs Ancêtres
ils témoignoient pour la gloire de la Patrone de Paris , et les remercia de la nouvelle preuve qu'ils en donnoient dans la
conjoncture présente. Le Discours fini ,
le Procureur du Roi prit la parole , et rappellant les bienfaits obtenus par l'inter-,
cession de Sainte Geneviève , loua le zele
desReligieux à prier continuellementpour
les besoins publics. Le Prévôt des Marchands résuma ensuite ce qu'on venoit de
dire , et répondit que Mrs de Ville , et
lui en particulier , s'estimoient heureux
de donner cette marque de leur veneration pour la Patrone de Paris , et de concourir ainsi à la splendeur de l'Office Divin
dans une Eglise où les Citoyens ont toujours éprouvé les faveurs du Ciel ; il ajoûta quelques mots obligeans pour les Chanoines Réguliers , et fixa le jour de la Cérémonie au 27 Novembre , à dix heures
du matin. La Compagnie s'étant levée ,
les Religieux furent reconduits par les
deux Echevins qui les avoient reçûs.
Le jour de la Cerémonie ainsi arrêté
11. Vol.
Mrs
2914 MERCURE DE FRANCE
Mrs de Ville prirent des mesures pour ob
tenir du Roi la permission d'assister à
cette Benediction en grand habit de cerémonie ( comme cela se pratique en pareille occasion ) le Roi eut la bonté de l'accorder.
>
Le 27 Novembre , le Prévôt des Marchands , les Echevins et le Procureur du
Roi , se rendirent à l'Hôtel de Ville revêtus de Robbes de Velours , usitées seulement dans les plus grandes solemnitez ;
ils en partirent en Carosse , précedez de
quelques Archers de Ville , les autres Archers ayant le Commandant à leur tête
marchoient aux côtez des Carosses , lesquels étoient suivis de plusieurs autres
Čarosses où étoient les principaux Offciers , et le Colonel des 300. Archers de
Ville.
9
Mrs de Ville arriverent à 10 heures à
P'Abbaye , et furent d'abord conduits dans
une grande Sale où ils se reposerent pendant quelque tems. Ils se mirent ensuite
en marche , précedez de leurs Huissiers
en Robe mi-partie de rouge et de bleu ,
accompagnez de l'Etat- Major et des Gardes en habits d'Ordonnance neufs , ce qui
formoit un grand et pompeux Cortege
au bruit des Tambours et des Hautbois ,
et au son des deux premieres Cloches nou vellement bénites.
DECEMBRE. 1732. 2915
Ces Mrs continuerent leur marche vers
l'Eglise parmi une foule innombrable de
peuple , et une grande quantité de pauvres à qui on fit distribuer des aumônes
considérables. Ils furent reçûs à l'Eglise
et complimentez suivant la coûtume des
grandes cerémonies ; puis ayant passé au
milieu de la Communauté qui étoit en
haye dans la Nef, ils furent placez sur la
gauche d'un Autel qu'on avoit dressé exprès , et qui étoit adossé à la porte du
Chœur. Un excellent Concert d'instrument se fit entendre en même tems , et
ne discontinua point pendant la cerémonie.
La Comtesse de Trêmes arriva peu de
tems après dans un grand Carosse drapé ,
qu'environnoient 30 Valets de pied , cette Dame étoit en Robe de Cour , préce
dée de ses Pages , de quelques Ecuyers , et
accompagnée de plusieurs Dames de distinction . Les Chanoines la feçûrent en cerémonie , elle se plaça ( après avoir été
saluée du Corps de Ville ) auprès du Prévôt des Marchands et des Echevins ; les
anciens Echevins ( qui étoient en exercice quand le Corps de la Ville délibera de
nommer les quatre Cloches ) furent placez sur la même ligne , de même que les
Conseillers de l'Hôtel de Ville, On avoit
II. Vel. ta-
2916 MERCURE DE FRANCE
tapissé toute la façade de l'Eglise , pour
annoncer une solemnité extraordinaire
et on avoit couvert de grands tapis de
pied tout le pavé depuis la premiere porte de l'Eglise jusqu'à celle du Choeur ,
où étoit l'Autel dont on a parlé.
La Nef, destinée pour la cerémonie
avoit été ornée par le sieur Guillemont
Tapissier du Clergé et de la Ville , d'une
maniere fort ingenieuse , de même que
l'Autel qui étoit orné de 36 grands
Chandeliers d'argent garnis de gros cierges aux Armes de la Ville. Vis- à-vis l'Autel étoit un magnifique Lustre de cristal
à 18 branches qui donnoit une lumiere
des plus brillantes. Au- dessus de l'Autel
s'élevoit un magnifique Dais de Velours
brodé d'or , avec un assortiment relatif
orné de Cartouches historiques et symbo
liques , aussi brodez d'or , qui venoient
aboutir au Retable de l'Autel.
Cet Aurel étant placé au fond du milieu de la Nef, il restoit aux deux côtez
un intervale considerable : le tout formoit une face entiere ornée de tapisseries
semées de Fleur-de- lys d'or , ce qui fai
soit une superbe décoration et un beau
point de vue. On avoit pratiqué une
Tribune sur le Jubé qui est entre le
Chœur et la Nef, pour la Reine DoüaiII. Vol. riere
DECEMBRE. 1732 2917
riere d'Espagne ; tout le dedans étoit orné de Damas cramoisi , lé devant fermé
avec des rideaux de la même étoffe , et
l'appui du dehors paré d'un tapis brodé
d'or : la suite deS. M. C. occupoit le reste
du Jubé , qui étoit aussi orné à proportion.
Un Amphithéatre de six Gradins occu
poit les deux aîles de la Nef, ils étoient
couverts de Tapis de Perse et de verdure ,
les Pilliers étoient aussi ornez d'étoffes
depuis les Chapitaux jusqu'au pavé. Cet
Amphithéatre , parallele à la longueur de
la Nef, venoit de chaque côté se terminer circulairement à la Porte de l'Eglise.
On avoit pratiqué une autre Tribune à
côté du Jubé des Orgues , qui est audessus de cette Porte , presqu'au niveau
du Jubé , pour y placer une partie des
Musiciens et des Simfonistes , et le retour
de cette Tribune joignoit les premiers
pilliers de la Nef, Le sieur Dornel , Or- .
ganiste de l'Abbaye , fit éxécuter difféTens motets de sa composition , convena
bles à la solemnité de la Cerémonie , par
un excellent Chœur de musique composé
de plus de 80 personnes.
Ôn avoit construit au milieu de la
Nef, un quarré de charpente de 20 pieds
de long sur 14 de large , élevé dans une
II. Vol.
juste
2918 MERCURE DE FRANCE
juste proportion , et soutenu par 12 Colomnes couvertes de Satin blanc , sur le
quel étoient contournez de distance en
distance des cordons à glands d'or.Le Plafond de cette Charpente étoit couvert de
Damas cramoisi , et le dessus orné de riches Tapisseries de verdure. Les pentes .
collaterales étoient bordées de franges d'or
en Feston , avec des Aigretes touffues et
panachées aux quatre coins de l'Edifice ,
qui représentoit un somptueux et magni
fique Dais.
C'est dans cette Charpente qu'on avoit
suspendu les quatre Cloches , disposées
sans se toucher , et sans pouvoir presque
connoître à quoi elles tenoient , les differentes étoffes dont elles étoient ornées
avoient caché les cordages , les poulies , et
les autres machines , &c. Une Toile de
Batiste des plus fines , ornée d'une dentelle de deux pieds de hauteur et d'un
.goût exquis , couyroit les Cloches d'une manière également simple et noble.
Une étoffe rouge placée entre les Cloches
et la Toille , relevoit encore la beauté de
la dentelle.
Ce n'est pas le seul ornement dont Mrs
de Ville auroient voulu décorer les nouvelles Cloches , si le tems limité avoit pû
le leur permettre. Pour suppléer à cette II. Vol.
mis-
DECEMBRE. 1732. 2919
( mission , ils font faire actuellement à
Lyon un Drap d'or des plus précieux pour
de magnifiques Ornemens , qui ne serviront à l'Eglise de Sainte Genevieve
qu'aux jours des Fêtes les plus solemnelles.
-
L'Abbé de Sainte Geneviève commença la Cerémonie par une Messe basse
pendant laquelle le Choeur de Musique
chanta un très beau Motet. Après la
Messe l'Abbé alla prendre ses Habits Pontificaux , il revint accompagné de treize
Officiers magnifiquement revêtus , quatre en Tuniques et neufen Chapes. Les
Officiers de Justice de l'Abbaye en Robe
parurent en même tems. L'Abbé , selon
ce qui est marqué dans les Rituels , alla
aussi-tôt demander sous l'invocation de
quels Saints les Cloches seroient bénites ;
et cette Rubrique accomplie il tinta cha
que Cloche trois fois , la Comtesse de
Trêmes et le Prévôt des Marchands firent
la même chose , les autres Magistrats tinterent chacun séparément ; pour faciliter
cet essai de sonnerie , on avoit attaché
plusieurs cordons tissus d'argent , relevés
par des houpes très riches , aux battans
des Cloches.
Differents Pseaumes furent chantés pendant cetteCerémonie, soit en Plein- Chant,
I. Vol. avec
1920 MERCURE DE FRANCE
4
avec l'Orgue , ou en Musique. Les fanfá
res des Trompettes et des Hautbois accompagnoient et animoient ce chant. Les
Antiennes préliminaires aux Pseaumes
étoient toujours entonnées à l'Officiant
par le Grand- Chantre qui présidoit au
Choeur avec le Bâton de son Office. L'Abbé termina la Cerémonie par la Benediction qu'il donna pontificalement. Il alla
ensuite remercier la Comtesse de Trêmes
et Mrs de Ville , qui répondirent de la
maniere la plus gracieuse.
La Comtesse de Trêmes fut reconduite
par les Chanoines jusqu'à son Carosse, et
Mrs de Ville furent conduits dans un
Appartement de l'Abbaye , où ils accepterent le dîner qu'on leur avoit fait préparer. Une multitude prodigieuse de Feu
ple , qui n'avoit pu être témoin de cette
Cerémonie , s'empressa d'entrer dans l'Eglise , qui fût ouverte jusqu'au soir pour
satisfaire à la curiosité publique.
quatre nouvelles Cloches de l'Abbaye
Sainte Geneviève.
Idactée de deux Cloches bénites à
L a été parlé dans le Mercure du mois
Sainte Geneviève au mois de Septembre
dernier par l'Abbé de cette Abbaye : voici
ce qui s'est passé pour la bénédiction de
celles qui restoient.
Le Corps de Ville de Paris s'étant volontiers engagé de les nommer , on avoit
fait inscrire sur ces Cloches les noms et
les Armoiries de chacun de ces Mrs comme Parrains , on avoit pris la même précaution au sujet des Titres , Qualitez et
Blazon de Madame la Comtesse deTrémes
qui devoit être la Maraine.
Pour fixer le jour de la Cerémonie , les
Chanoines Réguliers de Sainte Genevieve
ffrent une députation à la Ville de huit
Religieux ; ils furent reçûs le 21 Novembre à la premiere Porte de l'Hôtel de Vilpar les Huissiers en Robe , lesquels les
ayant conduits jusqu'au haut de l'escalier,
deux Echevins , qui étoient venus au devant , les introduisirent , et les firent placer vis-à-vis M. le Prévôt des Marchands
le
II. Vol. après
DECEMBRE. 1732. 2913
après quelques révérences à Mrs de Ville
qui étoient debout.
J
La Compagnie ayant pris séance , le
Prieur de Sainte Geneviève , Chef de la
députation , complimenta ces Mrs sur le
zele , qu'à l'exemple de leurs Ancêtres
ils témoignoient pour la gloire de la Patrone de Paris , et les remercia de la nouvelle preuve qu'ils en donnoient dans la
conjoncture présente. Le Discours fini ,
le Procureur du Roi prit la parole , et rappellant les bienfaits obtenus par l'inter-,
cession de Sainte Geneviève , loua le zele
desReligieux à prier continuellementpour
les besoins publics. Le Prévôt des Marchands résuma ensuite ce qu'on venoit de
dire , et répondit que Mrs de Ville , et
lui en particulier , s'estimoient heureux
de donner cette marque de leur veneration pour la Patrone de Paris , et de concourir ainsi à la splendeur de l'Office Divin
dans une Eglise où les Citoyens ont toujours éprouvé les faveurs du Ciel ; il ajoûta quelques mots obligeans pour les Chanoines Réguliers , et fixa le jour de la Cérémonie au 27 Novembre , à dix heures
du matin. La Compagnie s'étant levée ,
les Religieux furent reconduits par les
deux Echevins qui les avoient reçûs.
Le jour de la Cerémonie ainsi arrêté
11. Vol.
Mrs
2914 MERCURE DE FRANCE
Mrs de Ville prirent des mesures pour ob
tenir du Roi la permission d'assister à
cette Benediction en grand habit de cerémonie ( comme cela se pratique en pareille occasion ) le Roi eut la bonté de l'accorder.
>
Le 27 Novembre , le Prévôt des Marchands , les Echevins et le Procureur du
Roi , se rendirent à l'Hôtel de Ville revêtus de Robbes de Velours , usitées seulement dans les plus grandes solemnitez ;
ils en partirent en Carosse , précedez de
quelques Archers de Ville , les autres Archers ayant le Commandant à leur tête
marchoient aux côtez des Carosses , lesquels étoient suivis de plusieurs autres
Čarosses où étoient les principaux Offciers , et le Colonel des 300. Archers de
Ville.
9
Mrs de Ville arriverent à 10 heures à
P'Abbaye , et furent d'abord conduits dans
une grande Sale où ils se reposerent pendant quelque tems. Ils se mirent ensuite
en marche , précedez de leurs Huissiers
en Robe mi-partie de rouge et de bleu ,
accompagnez de l'Etat- Major et des Gardes en habits d'Ordonnance neufs , ce qui
formoit un grand et pompeux Cortege
au bruit des Tambours et des Hautbois ,
et au son des deux premieres Cloches nou vellement bénites.
DECEMBRE. 1732. 2915
Ces Mrs continuerent leur marche vers
l'Eglise parmi une foule innombrable de
peuple , et une grande quantité de pauvres à qui on fit distribuer des aumônes
considérables. Ils furent reçûs à l'Eglise
et complimentez suivant la coûtume des
grandes cerémonies ; puis ayant passé au
milieu de la Communauté qui étoit en
haye dans la Nef, ils furent placez sur la
gauche d'un Autel qu'on avoit dressé exprès , et qui étoit adossé à la porte du
Chœur. Un excellent Concert d'instrument se fit entendre en même tems , et
ne discontinua point pendant la cerémonie.
La Comtesse de Trêmes arriva peu de
tems après dans un grand Carosse drapé ,
qu'environnoient 30 Valets de pied , cette Dame étoit en Robe de Cour , préce
dée de ses Pages , de quelques Ecuyers , et
accompagnée de plusieurs Dames de distinction . Les Chanoines la feçûrent en cerémonie , elle se plaça ( après avoir été
saluée du Corps de Ville ) auprès du Prévôt des Marchands et des Echevins ; les
anciens Echevins ( qui étoient en exercice quand le Corps de la Ville délibera de
nommer les quatre Cloches ) furent placez sur la même ligne , de même que les
Conseillers de l'Hôtel de Ville, On avoit
II. Vel. ta-
2916 MERCURE DE FRANCE
tapissé toute la façade de l'Eglise , pour
annoncer une solemnité extraordinaire
et on avoit couvert de grands tapis de
pied tout le pavé depuis la premiere porte de l'Eglise jusqu'à celle du Choeur ,
où étoit l'Autel dont on a parlé.
La Nef, destinée pour la cerémonie
avoit été ornée par le sieur Guillemont
Tapissier du Clergé et de la Ville , d'une
maniere fort ingenieuse , de même que
l'Autel qui étoit orné de 36 grands
Chandeliers d'argent garnis de gros cierges aux Armes de la Ville. Vis- à-vis l'Autel étoit un magnifique Lustre de cristal
à 18 branches qui donnoit une lumiere
des plus brillantes. Au- dessus de l'Autel
s'élevoit un magnifique Dais de Velours
brodé d'or , avec un assortiment relatif
orné de Cartouches historiques et symbo
liques , aussi brodez d'or , qui venoient
aboutir au Retable de l'Autel.
Cet Aurel étant placé au fond du milieu de la Nef, il restoit aux deux côtez
un intervale considerable : le tout formoit une face entiere ornée de tapisseries
semées de Fleur-de- lys d'or , ce qui fai
soit une superbe décoration et un beau
point de vue. On avoit pratiqué une
Tribune sur le Jubé qui est entre le
Chœur et la Nef, pour la Reine DoüaiII. Vol. riere
DECEMBRE. 1732 2917
riere d'Espagne ; tout le dedans étoit orné de Damas cramoisi , lé devant fermé
avec des rideaux de la même étoffe , et
l'appui du dehors paré d'un tapis brodé
d'or : la suite deS. M. C. occupoit le reste
du Jubé , qui étoit aussi orné à proportion.
Un Amphithéatre de six Gradins occu
poit les deux aîles de la Nef, ils étoient
couverts de Tapis de Perse et de verdure ,
les Pilliers étoient aussi ornez d'étoffes
depuis les Chapitaux jusqu'au pavé. Cet
Amphithéatre , parallele à la longueur de
la Nef, venoit de chaque côté se terminer circulairement à la Porte de l'Eglise.
On avoit pratiqué une autre Tribune à
côté du Jubé des Orgues , qui est audessus de cette Porte , presqu'au niveau
du Jubé , pour y placer une partie des
Musiciens et des Simfonistes , et le retour
de cette Tribune joignoit les premiers
pilliers de la Nef, Le sieur Dornel , Or- .
ganiste de l'Abbaye , fit éxécuter difféTens motets de sa composition , convena
bles à la solemnité de la Cerémonie , par
un excellent Chœur de musique composé
de plus de 80 personnes.
Ôn avoit construit au milieu de la
Nef, un quarré de charpente de 20 pieds
de long sur 14 de large , élevé dans une
II. Vol.
juste
2918 MERCURE DE FRANCE
juste proportion , et soutenu par 12 Colomnes couvertes de Satin blanc , sur le
quel étoient contournez de distance en
distance des cordons à glands d'or.Le Plafond de cette Charpente étoit couvert de
Damas cramoisi , et le dessus orné de riches Tapisseries de verdure. Les pentes .
collaterales étoient bordées de franges d'or
en Feston , avec des Aigretes touffues et
panachées aux quatre coins de l'Edifice ,
qui représentoit un somptueux et magni
fique Dais.
C'est dans cette Charpente qu'on avoit
suspendu les quatre Cloches , disposées
sans se toucher , et sans pouvoir presque
connoître à quoi elles tenoient , les differentes étoffes dont elles étoient ornées
avoient caché les cordages , les poulies , et
les autres machines , &c. Une Toile de
Batiste des plus fines , ornée d'une dentelle de deux pieds de hauteur et d'un
.goût exquis , couyroit les Cloches d'une manière également simple et noble.
Une étoffe rouge placée entre les Cloches
et la Toille , relevoit encore la beauté de
la dentelle.
Ce n'est pas le seul ornement dont Mrs
de Ville auroient voulu décorer les nouvelles Cloches , si le tems limité avoit pû
le leur permettre. Pour suppléer à cette II. Vol.
mis-
DECEMBRE. 1732. 2919
( mission , ils font faire actuellement à
Lyon un Drap d'or des plus précieux pour
de magnifiques Ornemens , qui ne serviront à l'Eglise de Sainte Genevieve
qu'aux jours des Fêtes les plus solemnelles.
-
L'Abbé de Sainte Geneviève commença la Cerémonie par une Messe basse
pendant laquelle le Choeur de Musique
chanta un très beau Motet. Après la
Messe l'Abbé alla prendre ses Habits Pontificaux , il revint accompagné de treize
Officiers magnifiquement revêtus , quatre en Tuniques et neufen Chapes. Les
Officiers de Justice de l'Abbaye en Robe
parurent en même tems. L'Abbé , selon
ce qui est marqué dans les Rituels , alla
aussi-tôt demander sous l'invocation de
quels Saints les Cloches seroient bénites ;
et cette Rubrique accomplie il tinta cha
que Cloche trois fois , la Comtesse de
Trêmes et le Prévôt des Marchands firent
la même chose , les autres Magistrats tinterent chacun séparément ; pour faciliter
cet essai de sonnerie , on avoit attaché
plusieurs cordons tissus d'argent , relevés
par des houpes très riches , aux battans
des Cloches.
Differents Pseaumes furent chantés pendant cetteCerémonie, soit en Plein- Chant,
I. Vol. avec
1920 MERCURE DE FRANCE
4
avec l'Orgue , ou en Musique. Les fanfá
res des Trompettes et des Hautbois accompagnoient et animoient ce chant. Les
Antiennes préliminaires aux Pseaumes
étoient toujours entonnées à l'Officiant
par le Grand- Chantre qui présidoit au
Choeur avec le Bâton de son Office. L'Abbé termina la Cerémonie par la Benediction qu'il donna pontificalement. Il alla
ensuite remercier la Comtesse de Trêmes
et Mrs de Ville , qui répondirent de la
maniere la plus gracieuse.
La Comtesse de Trêmes fut reconduite
par les Chanoines jusqu'à son Carosse, et
Mrs de Ville furent conduits dans un
Appartement de l'Abbaye , où ils accepterent le dîner qu'on leur avoit fait préparer. Une multitude prodigieuse de Feu
ple , qui n'avoit pu être témoin de cette
Cerémonie , s'empressa d'entrer dans l'Eglise , qui fût ouverte jusqu'au soir pour
satisfaire à la curiosité publique.
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Résumé : CEREMONIE de la Benediction des quatre nouvelles Cloches de l'Abbaye Sainte Geneviéve.
Le texte relate la cérémonie de bénédiction des quatre nouvelles cloches de l'Abbaye Sainte Geneviève à Paris. Les cloches portaient les noms et armoiries des membres du Corps de Ville de Paris, qui les avaient parrainées. La Comtesse de Trémes fut désignée comme marraine. Pour déterminer la date de la cérémonie, les Chanoines de Sainte Geneviève envoyèrent une délégation à la Ville de Paris, qui fut reçue le 21 novembre. Le Prévôt des Marchands fixa la cérémonie au 27 novembre. Le jour de la cérémonie, les membres du Corps de Ville se rendirent à l'Abbaye en grand habit de cérémonie, précédés par des archers et suivis par d'autres officiels. Ils furent accueillis par une foule nombreuse et des pauvres à qui des aumônes furent distribuées. L'église était richement décorée avec des tapisseries, des chandeliers d'argent et un lustre de cristal. La Comtesse de Trémes arriva peu après, accompagnée de sa suite. La cérémonie débuta par une messe basse suivie de la bénédiction des cloches. L'Abbé, assisté de treize officiers, demanda sous l'invocation de quels saints les cloches seraient bénites. Chaque cloche fut sonnée trois fois par l'Abbé, la Comtesse de Trémes, le Prévôt des Marchands et les autres magistrats. Des psaumes et des antiennes furent chantés, accompagnés par un chœur de musique et des instruments. La cérémonie se conclut par la bénédiction pontificale de l'Abbé, qui remercia ensuite la Comtesse de Trémes et les membres du Corps de Ville. Après la cérémonie, la Comtesse de Trémes fut reconduite à son carrosse, et les membres du Corps de Ville acceptèrent un dîner préparé à l'Abbaye. L'église resta ouverte jusqu'au soir pour permettre au public de voir les décorations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 204-206
DE VERSAILLES, le 28 Février, & jours suivans.
Début :
Le sieur Bignon, Commandeur, Prevôt, & Maître des Cérémonies des Ordres [...]
Mots clefs :
Prévôt, Cérémonies, Ordres du roi, Famille royale, Contrat de mariage, Colonel, Demoiselle, Chapitre, Nominations, Capitaine, Commandant, Chevalier, Abbé, Marquis, Prince de Condé, Abbaye, Prieuré
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texteReconnaissance textuelle : DE VERSAILLES, le 28 Février, & jours suivans.
De VERSAILLES , le 28 Février , & jours
L
fuivans.
E fieur Bignon , Commandeur , Prevôt , &
Maître des Cérémonies des Ordres du Roi , fon
Eibliothécaire , Maître des Requêtes , de l'Académie
Françoife , & honoraire de celle des Infcriptions
, a été chargé par Sa Majefté de porter au
Prince des Afturies , & à l'Infant . Don Louis , le
Collier , & les marques des ordres du Roi.
AVRIL. 1760. 205
Le 18 Février , le Roi , la Reine , & la Famille
Royale , fignerent le contrat de mariage du Marquis
de Juigné , Colonel du Régiment de Champagne
, avec Demoiſelle Thiroux de Chammeville
, fille du feur de Chammeville , l'un des
Adminiſtrateurs généraux des Poftes.
Le 2 , le Roi tint un Chapitre extraordinaire
de l'Ordre du S. Efprit , & il nomma Chevalier
de cet Ordre , le Roi des Deux - Siciles . Le 3 , Sa
Majefté tint le Sceau .
Le Roi a nommé le fieur de Sinety. , Capitaine
dans le Régiment des Gardes Françoifes , Sous-
Gouverneur de Monfeigneur le Duc de Berry ; &
il lui a accordé une penfion de retraite de fix
mille livres. Sa Majeſté a auffi nommé le Comte
de Montault & le Vicomte de Boisgelin , Gentilshommes
de la Manche du même Prince.
Le Roi a donné le commandement de la Province
de Rouergue , & de toute l'étendue des Evêchés
de Rhodes & de Vabre , au Baron de Tullier
, Meftre-de-Camp de Dragons , Inspecteur
des Milices Garde-côtes de Guyenne , & Gouverneur
de Rhodès.
Sa Majesté a accordé au Chevalier de Crancé,
Ecuyer de main de Madame la Dauphine , le
Gouvernement de Châlons en Champagne , vadepuis
la mort du Comte d'Estaing. cant
Le Roi a nommé l'Abbé Moftuejour , Grand-
Vicaire de Chartres , Sous- Précepteur de Monfeigneur
le Duc de Berry
Le 1 ,, le Roi , la Reine , & la Famille Royale ,
fignerent le contrat de mariage du Marquis de
Rougé . Colonel du Régiment de Foix , avec N..
d'Havré , fille du Duc de ce nom ; & celui du
Comte de Parabere , avec Dile de Perigni.
Le 17 , le Prince de Condé eut l'honneur de
faire les révérences au Roi , a la Reine , & a la ›
Famille Royale. Il étoit en manteau long , ainfi
206 MERCURE DE FRANCE.
que les Gentilshommes de fa fuite. Les Princes
qui l'ont accompagné à cette cérémonie , font le
Comte de Charolois & le Comte de Clermont.
Le 18 , Sa Majesté tint le Sceau .
Le Roi a donné l'Abbaye Royale & Séculière
de S. Pierre de Metz , à la Dame de Choiſeul ,
Chanoineffe de Remiremont.
Et le Prieuré des Filles- Dieu , Diocèfe & Ville
de Rouen , à la Dame Dutot de Beaunay , Religieufe
a l'Abbaye de Fontaine- Guérard .
L
fuivans.
E fieur Bignon , Commandeur , Prevôt , &
Maître des Cérémonies des Ordres du Roi , fon
Eibliothécaire , Maître des Requêtes , de l'Académie
Françoife , & honoraire de celle des Infcriptions
, a été chargé par Sa Majefté de porter au
Prince des Afturies , & à l'Infant . Don Louis , le
Collier , & les marques des ordres du Roi.
AVRIL. 1760. 205
Le 18 Février , le Roi , la Reine , & la Famille
Royale , fignerent le contrat de mariage du Marquis
de Juigné , Colonel du Régiment de Champagne
, avec Demoiſelle Thiroux de Chammeville
, fille du feur de Chammeville , l'un des
Adminiſtrateurs généraux des Poftes.
Le 2 , le Roi tint un Chapitre extraordinaire
de l'Ordre du S. Efprit , & il nomma Chevalier
de cet Ordre , le Roi des Deux - Siciles . Le 3 , Sa
Majefté tint le Sceau .
Le Roi a nommé le fieur de Sinety. , Capitaine
dans le Régiment des Gardes Françoifes , Sous-
Gouverneur de Monfeigneur le Duc de Berry ; &
il lui a accordé une penfion de retraite de fix
mille livres. Sa Majeſté a auffi nommé le Comte
de Montault & le Vicomte de Boisgelin , Gentilshommes
de la Manche du même Prince.
Le Roi a donné le commandement de la Province
de Rouergue , & de toute l'étendue des Evêchés
de Rhodes & de Vabre , au Baron de Tullier
, Meftre-de-Camp de Dragons , Inspecteur
des Milices Garde-côtes de Guyenne , & Gouverneur
de Rhodès.
Sa Majesté a accordé au Chevalier de Crancé,
Ecuyer de main de Madame la Dauphine , le
Gouvernement de Châlons en Champagne , vadepuis
la mort du Comte d'Estaing. cant
Le Roi a nommé l'Abbé Moftuejour , Grand-
Vicaire de Chartres , Sous- Précepteur de Monfeigneur
le Duc de Berry
Le 1 ,, le Roi , la Reine , & la Famille Royale ,
fignerent le contrat de mariage du Marquis de
Rougé . Colonel du Régiment de Foix , avec N..
d'Havré , fille du Duc de ce nom ; & celui du
Comte de Parabere , avec Dile de Perigni.
Le 17 , le Prince de Condé eut l'honneur de
faire les révérences au Roi , a la Reine , & a la ›
Famille Royale. Il étoit en manteau long , ainfi
206 MERCURE DE FRANCE.
que les Gentilshommes de fa fuite. Les Princes
qui l'ont accompagné à cette cérémonie , font le
Comte de Charolois & le Comte de Clermont.
Le 18 , Sa Majesté tint le Sceau .
Le Roi a donné l'Abbaye Royale & Séculière
de S. Pierre de Metz , à la Dame de Choiſeul ,
Chanoineffe de Remiremont.
Et le Prieuré des Filles- Dieu , Diocèfe & Ville
de Rouen , à la Dame Dutot de Beaunay , Religieufe
a l'Abbaye de Fontaine- Guérard .
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Résumé : DE VERSAILLES, le 28 Février, & jours suivans.
En février et avril 1760, plusieurs événements et nominations marquèrent la cour de France. Le 28 février, le sieur Bignon fut chargé de remettre le Collier et les marques des ordres du Roi au Prince des Asturies et à l'Infant Don Louis. Le 18 février, le Roi, la Reine et la Famille Royale signèrent le contrat de mariage du Marquis de Juigné avec Demoiselle Thiroux de Chammeville. Le 2 avril, le Roi organisa un Chapitre extraordinaire de l'Ordre du Saint-Esprit et nomma Chevalier le Roi des Deux-Siciles. Plusieurs nominations furent annoncées, dont celle du sieur de Sinety comme Sous-Gouverneur du Duc de Berry, du Baron de Tullier comme commandant de la Province de Rouergue, et du Chevalier de Crancé comme Gouverneur de Châlons en Champagne. L'Abbé Moftuejour fut nommé Sous-Précepteur du Duc de Berry. Le 1er avril, les contrats de mariage du Marquis de Rougé et du Comte de Parabere furent signés par le Roi, la Reine et la Famille Royale. Le 17 avril, le Prince de Condé fit les révérences au Roi, à la Reine et à la Famille Royale. Le Roi attribua l'Abbaye Royale de Saint-Pierre de Metz à la Dame de Choiseul et le Prieuré des Filles-Dieu de Rouen à la Dame Dutot de Beaunay.
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