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1
p. 157-162
Les Mandarins restés à Paris pour affaires pendant le Voyage de Flandres, vont au Seminaire des Missions Estrangeres, à la Savonerie, au Jardin Royal, à la Bibliotheque de S. Victor, à la Chambre de la Tournelle & au College de Louis le Grand, avec tout ce qui se passe en ces lieux-là. [titre d'après la table]
Début :
Les Ambassadeurs n'avoient mené à leur Voyage de Flandre [...]
Mots clefs :
Mandarins, Séminaire des Missions étrangères, Bibliothèque de Saint-Victor, Savonnerie, Tapis de la Savonnerie, Chambre de la Tournelle, Collège de Louis le Grand, Roi, Maison, Église, Jardin royal des plantes, Jacques-Charles de Brisacier, Éléphant de Versailles
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texteReconnaissance textuelle : Les Mandarins restés à Paris pour affaires pendant le Voyage de Flandres, vont au Seminaire des Missions Estrangeres, à la Savonerie, au Jardin Royal, à la Bibliotheque de S. Victor, à la Chambre de la Tournelle & au College de Louis le Grand, avec tout ce qui se passe en ces lieux-là. [titre d'après la table]
LesAmbaſſadeurs n'avoiet
mené à leurVoyage de Flandre
que quatre des fix Mandarins
qui font venus de Siam
avec eux , pour rendre leur
Ambaſſade plus celebre, & ils
en avoient laiſſfé deux à Pa
758 IV. P. du Voyage
ris, afin de faire avancer pendant
ce Voyage, tous les Ouvrages
qu'ils faifoient faire
pour le Roy de Siam. Mode
Veneroni, Interprete du Roy
en Langue Italienne, eut ſoin
de les accompagner chez tous
les Ouvriers ,& de les mener
enpluſieurs endroits de Paris
dignes de leur curioſité.
Ils allerent dîner au Seminaire
des Miſſions Etrangeres
, où ils furent extrémement
édifiez de la modeſtie
de tous ceux qui compoſent
cette Maiſon. Ils mangerent
dans le Refectoire , & pendes
Amb. de Siam. 159
dant le dîner , qui fut fort
beau, on fût les Régles de
cette Maiſon. Ils remercierent
M Brifacier qui les a
voit invitez à ceRepas, ainſi
que tous ceux qui forment
ee Lieu fi faint , & dont l'Eglife
tire tant d'avantages.
Ils allerent le meſme jour à
la Savonnerie voir les Tapis
qu'on y fait pour le Roy de
Siam . On leur fit voir auffi
le Jardin Royal des Plantes,
qui eſt dans le Fauxbourg S.
Victor ; & on leur montra
tout ce qu'il y a de plus curieux,&
tout ce que ce lieu
160 IV. P. duVoyage
doit depuis quelques années
àM de Louvois. Ils reconnurent
beaucoup de Plantes
de Siam, & examinerent pluſieurs
Squelettes, & entre autres
celuy de l'Elephant de
Verfailles. Ils allerent auſſi à
S. Victor , dont ils virent la
fameuſe Bibliotheque , & les
Ornemens de l'Eglife . Ils faluërent
M le Preſident de
Bailleul , qui leur fit tous les
honneurs qu'il auroit rendus
aux Ambaſſadeurs meſmes .
On les mena au Palais , &
quoyque ce fuſt pendant les
Vacations , ils ne laiſſerent
des Amb. de Siam. 161
pas de voir des chofes dignes
de leur curiofité . Male Preſident
de Mefmes, qui tenoit
la Tournelle Civile , envoya
les Huiffiers pour leur faire
faire place. Il les fit affeoir
fur les bancs d'enhaut ; &
M. de Veneroni leur expliqua
la maniere dont on plaide
en France. Ils entendirent
trois Plaidoyez , & dirent
que dans le Royaume de
Siam chacun plaidoit luy-mefme
sa cause. Ils allerent auſſi
au College de Loüis le Grand,
où ils furent extrémement
furpris de voir un fi grand
0
162 IV. P. du Voyage
nombre d'Ecoliers , & parti
culierement d'Enfans de qualité,
qui les venoient faluër,
&des Princes meſmes.
mené à leurVoyage de Flandre
que quatre des fix Mandarins
qui font venus de Siam
avec eux , pour rendre leur
Ambaſſade plus celebre, & ils
en avoient laiſſfé deux à Pa
758 IV. P. du Voyage
ris, afin de faire avancer pendant
ce Voyage, tous les Ouvrages
qu'ils faifoient faire
pour le Roy de Siam. Mode
Veneroni, Interprete du Roy
en Langue Italienne, eut ſoin
de les accompagner chez tous
les Ouvriers ,& de les mener
enpluſieurs endroits de Paris
dignes de leur curioſité.
Ils allerent dîner au Seminaire
des Miſſions Etrangeres
, où ils furent extrémement
édifiez de la modeſtie
de tous ceux qui compoſent
cette Maiſon. Ils mangerent
dans le Refectoire , & pendes
Amb. de Siam. 159
dant le dîner , qui fut fort
beau, on fût les Régles de
cette Maiſon. Ils remercierent
M Brifacier qui les a
voit invitez à ceRepas, ainſi
que tous ceux qui forment
ee Lieu fi faint , & dont l'Eglife
tire tant d'avantages.
Ils allerent le meſme jour à
la Savonnerie voir les Tapis
qu'on y fait pour le Roy de
Siam . On leur fit voir auffi
le Jardin Royal des Plantes,
qui eſt dans le Fauxbourg S.
Victor ; & on leur montra
tout ce qu'il y a de plus curieux,&
tout ce que ce lieu
160 IV. P. duVoyage
doit depuis quelques années
àM de Louvois. Ils reconnurent
beaucoup de Plantes
de Siam, & examinerent pluſieurs
Squelettes, & entre autres
celuy de l'Elephant de
Verfailles. Ils allerent auſſi à
S. Victor , dont ils virent la
fameuſe Bibliotheque , & les
Ornemens de l'Eglife . Ils faluërent
M le Preſident de
Bailleul , qui leur fit tous les
honneurs qu'il auroit rendus
aux Ambaſſadeurs meſmes .
On les mena au Palais , &
quoyque ce fuſt pendant les
Vacations , ils ne laiſſerent
des Amb. de Siam. 161
pas de voir des chofes dignes
de leur curiofité . Male Preſident
de Mefmes, qui tenoit
la Tournelle Civile , envoya
les Huiffiers pour leur faire
faire place. Il les fit affeoir
fur les bancs d'enhaut ; &
M. de Veneroni leur expliqua
la maniere dont on plaide
en France. Ils entendirent
trois Plaidoyez , & dirent
que dans le Royaume de
Siam chacun plaidoit luy-mefme
sa cause. Ils allerent auſſi
au College de Loüis le Grand,
où ils furent extrémement
furpris de voir un fi grand
0
162 IV. P. du Voyage
nombre d'Ecoliers , & parti
culierement d'Enfans de qualité,
qui les venoient faluër,
&des Princes meſmes.
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Résumé : Les Mandarins restés à Paris pour affaires pendant le Voyage de Flandres, vont au Seminaire des Missions Estrangeres, à la Savonerie, au Jardin Royal, à la Bibliotheque de S. Victor, à la Chambre de la Tournelle & au College de Louis le Grand, avec tout ce qui se passe en ces lieux-là. [titre d'après la table]
En 1758, quatre mandarins de Siam accompagnèrent des ambassadeurs en Flandre, laissant deux autres à Paris pour superviser des travaux destinés au roi de Siam. Mode Veneroni, interprète du roi, les guida auprès des ouvriers et dans divers lieux parisiens. Ils dînèrent au Séminaire des Missions Étrangères, appréciant la modestie des membres et les règles de la maison. Ils remercièrent M. Brifacier pour l'invitation. Les mandarins visitèrent la Savonnerie pour voir les tapis fabriqués pour le roi de Siam, le Jardin Royal des Plantes, et la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Victor. Ils reconnurent plusieurs plantes de Siam et examinèrent divers squelettes, dont celui de l'éléphant de Versailles. Ils rencontrèrent M. le Président de Bailleul, qui leur fit tous les honneurs. Au Palais, ils assistèrent à des plaidoiries et furent surpris par la manière dont on plaidait en France. Ils visitèrent également le Collège de Louis-le-Grand, impressionnés par le grand nombre d'écoliers, notamment des enfants de qualité et des princes.
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1
Les Mandarins restés à Paris pour affaires pendant le Voyage de Flandres, vont au Seminaire des Missions Estrangeres, à la Savonerie, au Jardin Royal, à la Bibliotheque de S. Victor, à la Chambre de la Tournelle & au College de Louis le Grand, avec tout ce qui se passe en ces lieux-là. [titre d'après la table]
2
p. 227-231
Ils sont haranguez en 24 Langues au College de Louis le Grand ; noms de ceux qui les ont haranguez, & des 24 Langues. [titre d'après la table]
Début :
Ils avoient esté quelques jours au paravant au College de [...]
Mots clefs :
Haranguer, Langues, Collège de Louis le Grand, Marquis, Chevalier, Comte
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texteReconnaissance textuelle : Ils sont haranguez en 24 Langues au College de Louis le Grand ; noms de ceux qui les ont haranguez, & des 24 Langues. [titre d'après la table]
Ils avoient eſté quelques
jours au paravant au College
de Loüis le Grand , où ils furent
receus par tour ce qu'il
y avoit dans ce College d'enfans
de la premiere qualité de
ce Royaume,&desPaïs étrangers
, qui les complimente
rent en 24. Langues differentes
. Voicy les noms de cette
jeune Nobleffe, & les Langues
dont elle s'eſt ſervie pour ces
divers compliments.
Monfieur le Comte de Sophia
en Polonois.
228 IV.P.duVoyage
M le Chevalier de Boüil
Ion en Arabe.
Le Seigneur Foſcarini en
Italien.
M le Comte de Luna en
Espagnol.
M l'Abbé de Coet-logon
en Latin.
M le Chevalier de ColbertCroiſſy
en Stamois.
M. de Bontemps en Montaneft
de Canada.
Mr le Prince de Montmorency
en Flamand.
Me le Marquis deBordage
en Egyptien.
M l'Abbé Colbert de
2
des Amb. de Siam. 219
Maulevrier en Chinois.
M le Comte de Bouillon
en Grec vulgaire.
M de Gluë en Hollandois.
Lord Hovvar en Anglois.
M le Marquis de S. Vallier
en Algonquin.
M. Galion en Portugais.
Γ
M Ceberet en Galibi.
M le Chevalier de Roye
en Danois.
Mele Prince Emanuel de
Lorraine en Hebreu.
M le Chevalier de Ville
roy en François.
M le Marquis de la Force
enAlbanois.
230 IV. P. duVoyage
Me le Marquis de Cau
mont en Allemand.
Me l'Abbé de Villeroy en
Siriaque.
Male Marquis de Boeſſe
en Bas-Breton .
M de Caſtelnau en Turca
Ils répondirent à tous ces
Compliments d'une maniere
fort fpirituelle , & fort obligeante
, & tout- à-fait avanrageuſe
à la Nation de ceux
qui les haranguoient. On les
conduifit dans une Galerie
qui donne fur la Court pour
leur faire voir les Ecoliers du
College qu'on fit fortir de
desAmb. de Siam. 238
toutes les Claſſes. Ils furent
furpris d'en voir le nombre
monter à plus de trois mille
qui rempliſſoient toute la
court ,& ils prirent beaucoup
de plaifir aux applaudiffements
qu'ils leur donnerent
felon leur coûtume en ces
fortes d'occaſions , qui eſt de
louhaitter tous enſemble , &
àpleine voix une longue vie,
à tous ceux qui leur font donner
quelque congé extraordinaire
, où dont ils l'efperent.
jours au paravant au College
de Loüis le Grand , où ils furent
receus par tour ce qu'il
y avoit dans ce College d'enfans
de la premiere qualité de
ce Royaume,&desPaïs étrangers
, qui les complimente
rent en 24. Langues differentes
. Voicy les noms de cette
jeune Nobleffe, & les Langues
dont elle s'eſt ſervie pour ces
divers compliments.
Monfieur le Comte de Sophia
en Polonois.
228 IV.P.duVoyage
M le Chevalier de Boüil
Ion en Arabe.
Le Seigneur Foſcarini en
Italien.
M le Comte de Luna en
Espagnol.
M l'Abbé de Coet-logon
en Latin.
M le Chevalier de ColbertCroiſſy
en Stamois.
M. de Bontemps en Montaneft
de Canada.
Mr le Prince de Montmorency
en Flamand.
Me le Marquis deBordage
en Egyptien.
M l'Abbé Colbert de
2
des Amb. de Siam. 219
Maulevrier en Chinois.
M le Comte de Bouillon
en Grec vulgaire.
M de Gluë en Hollandois.
Lord Hovvar en Anglois.
M le Marquis de S. Vallier
en Algonquin.
M. Galion en Portugais.
Γ
M Ceberet en Galibi.
M le Chevalier de Roye
en Danois.
Mele Prince Emanuel de
Lorraine en Hebreu.
M le Chevalier de Ville
roy en François.
M le Marquis de la Force
enAlbanois.
230 IV. P. duVoyage
Me le Marquis de Cau
mont en Allemand.
Me l'Abbé de Villeroy en
Siriaque.
Male Marquis de Boeſſe
en Bas-Breton .
M de Caſtelnau en Turca
Ils répondirent à tous ces
Compliments d'une maniere
fort fpirituelle , & fort obligeante
, & tout- à-fait avanrageuſe
à la Nation de ceux
qui les haranguoient. On les
conduifit dans une Galerie
qui donne fur la Court pour
leur faire voir les Ecoliers du
College qu'on fit fortir de
desAmb. de Siam. 238
toutes les Claſſes. Ils furent
furpris d'en voir le nombre
monter à plus de trois mille
qui rempliſſoient toute la
court ,& ils prirent beaucoup
de plaifir aux applaudiffements
qu'ils leur donnerent
felon leur coûtume en ces
fortes d'occaſions , qui eſt de
louhaitter tous enſemble , &
àpleine voix une longue vie,
à tous ceux qui leur font donner
quelque congé extraordinaire
, où dont ils l'efperent.
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Résumé : Ils sont haranguez en 24 Langues au College de Louis le Grand ; noms de ceux qui les ont haranguez, & des 24 Langues. [titre d'après la table]
Un groupe de jeunes nobles visita le Collège de Louis le Grand. Quelques jours auparavant, ils avaient été accueillis par les élèves du collège, issus des plus hautes familles du royaume et de pays étrangers. Ces élèves les complimentèrent dans 24 langues différentes. Parmi les nobles, le Comte de Sophia reçut des compliments en polonais, le Chevalier de Bouillon en arabe, le Seigneur Foscarini en italien, et ainsi de suite pour chaque noble dans une langue spécifique. Les visiteurs répondirent de manière spirituelle et obligeante. Ils furent ensuite conduits dans une galerie pour voir les écoliers du collège, au nombre de plus de trois mille, répartis dans toutes les classes. Les visiteurs furent surpris par ce nombre et prirent plaisir aux applaudissements des écoliers, qui leur souhaitèrent une longue vie selon leur coutume.
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3
p. 1856-1864
La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Début :
Le 2 Août, on representa au College de Louis le Grand, pour la Distribution [...]
Mots clefs :
Théâtre, Ballet, Ridicule, Dieu, Armée, Mort, Collège de Louis le Grand, Histoire, Tyran, Prince, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 Août , on reprefenta au College
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
Fermer
Résumé : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 août 1730, la tragédie 'Maurice, Empereur d'Orient' a été représentée au Collège de Louis le Grand pour la distribution des prix. Cette tragédie, suivie d'un ballet, raconte l'histoire de Maurice, empereur de Constantinople, tourmenté par des remords pour avoir laissé périr de nombreux sujets qu'il aurait pu sauver. Il prie Dieu de lui faire expier son crime dans ce monde plutôt que dans l'autre. Sa prière est exaucée, et il est déchu de son trône par Phocas, qui le fait emprisonner. Maurice meurt en confessant la justice de Dieu. L'intrigue se déroule en cinq actes. Dans le premier acte, Maurice, après avoir fait arrêter Germain, le beau-père de son fils Theodore, sur la base d'une lettre anonyme, découvre que Philippicus, son beau-frère, est le véritable coupable. Il libère Germain et prépare une armée pour réprimer la révolte de Phocas. Maurice, effrayé par un songe, décide de sauver ses enfants plutôt que lui-même. Theodore refuse de fuir et veut défendre le trône. Dans le deuxième acte, Maurice est abandonné par ses troupes et capturé par Phocas. Germain, irrité par son emprisonnement, introduit Phocas dans le palais. Alcime, confident de Phocas, annonce la défaite de Maurice et de Theodore. Phocas tente de faire livrer Justin, le fils cadet de Maurice, mais ce dernier refuse de tomber dans le piège. Dans le troisième acte, Philippicus et Germain découvrent les intentions de Phocas. Priscus, gouverneur de Justin, sauve le jeune prince en le faisant passer pour son propre fils, Heraclius. Phocas, trompé, ne reconnaît pas Justin. Dans le quatrième acte, Germain, réalisant les ambitions de Phocas, se joint à Philippicus pour le combattre. Phocas, effrayé par la fierté d'Heraclius, décide de le faire périr. Justin, échappant à Priscus, réclame son père et son nom. Phocas, apprenant la révolte de Germain soutenue par Philippicus et Priscus, suspend l'exécution de Justin. Dans le cinquième et dernier acte, Phocas triomphe de Germain et de Theodore, mais épargne Philippicus et Priscus en raison de leur respect au sein de l'armée. Maurice, amené chargé de fers, confesse ses fautes et demande que ses enfants soient épargnés. Phocas fait exécuter Theodore et Justin sous les yeux de Maurice, qui prédit à Phocas un châtiment divin. Le théâtre se ferme par un éloge du roi. La tragédie est suivie d'un ballet satirique sur le ridicule des hommes, divisé en quatre parties : leurs caractères, leurs entreprises, leurs déguisements et leurs amusements. Minerve et Momus tentent de corriger les défauts humains, mais sans grand succès. Le ballet se conclut par une réconciliation entre Minerve et Momus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2009-2017
Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
Début :
Le Mercredy 6 Aoust, on representa au College de LOUIS LE GRAND, la Tragédie [...]
Mots clefs :
Danse, Collège de Louis le Grand, Sennacherib, Tragédie, Ballet, Danse, Décoration
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
SPECTACLE S.
E Mercredy 6 Aoust, on representa au
LE ›
gédie de Sennacherib , Roy des Assiriens ,
pour la distribution des Prix. En voici le
sujet.
SENNACHERIB ayant perdu devant Jerusalemi
18f000 hommes, tuez dans une nuit, par la main
d'un Ange , retourna à Ninive plein de fureur et
de confusion. Il crut que ce malheur lui étoit are
rivé , parce que son Dieu tutelaire étoit irrité.
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable , il
fut immolé au pied de son Idole , par ses deux
fils aînez , Adramelech et Sarasar, 45 jours après
la défaite de fon Armée. Liv. 4. des Rois. c . 19.
Tob. c. I.
Ainsi s'accomplit la Prophetie faite par Isaic
au Roy Ezechias , environ deux mois auparavant. Ifa. c. 37.
La Tradition des Hébreux rapportée par S.Jerôme , est que Sennacherib vouloit immoler ses deux fils pour fléchir son Dieu par ce Sacrifice ,
que ceux- ci le prévinrent et lui porterent les coupsqu'il leur destinoit.
. On suppose , comme il est vrai- semblable
que Sennacherib vouloit fléchir son Dieu pour tenter une seconde fois la conquête de Jeru- salem,
La Scene est à Ninive , dans le Palais
du Roy.
Fiij La
2010 MERCURE DE FRANCE
*
Le Ballet qui fut dansé après la Tragé
'die , porte pour titre : Histoire de la Danse. Voici le dessein et la division de ce
Ballet.
Comme on ne sçauroit donner dans un
seul Ballet tout ce qui concerne la Danse,
`on se borne icy à en exposer la naissance
et les quatres âges.
›
te
La Danse , selon le sentiment de la
plupart des Auteurs , doit son origine
aux Egyptiens ; on croit qu'elle est née
de l'observation des Planettes ; comme
elle. sert à exprimer les differentes passions des hommes , et sur tout celles qui
ont la joye pour principe , on la suppose
presqu'aussi ancienne que le monde , parce que les passions attachées à l'humanité
ont existé plus ou moins dans tous les
temps.
Dans la premiere Entrée , des Bergers ,
forment des pas sur le mouvement des
Airs champêtres,avant même que les Ins
trumens de Musique soient inventez.Dans
la seconde , des Personnes de différentes
conditions dansent plus méthodiquement,
au son des Instrumens, nouvellement inventez. De la naissance de la Danse on
passe à ses quatre différens âges.
Pre-
SEPTEMBR E. 1732. 2013
Premier âge de la Danse.
Les Egyptiens sont les Peuples chez qui
la Danse ait fait de plus grands progrès
l'Histoire leur donne l'honneur de l'avoir
inventée , et de l'avoir employée à plu sieurs différens usages.
"
Danse Astronomique.
Des Astronomes Egyptiens , après avoir
rendu hommage au Soleil , observent le
cours des Astres et leurs Eclipses , avec
des Tubes ; ce qui est exprimé par leurs
Danses.
Danse Magique.
Des Magiciens évoquent les ombres dos
Morts,
Danse Idolatrique.
Dans cette Danse, les habitans des Villes et des Champs adorent les Divinitez
de leurs Païs , sous la figure de divers animaux.
Second âge de la Danse.
Les Grecs ont la gloire d'avoir inven
té , ou du moins perfectionné tous les
beaux Arts , et sur tout la Danse.
Fiiij Danse
2012 MERCURE DE FRANCE
Danse Politique et Militaire.
Licurgue établit une Danse politique
dans Lacédémone , pour concilier tous les
Membres de l'Etat ; les Citoyens de differens âges et de differentes conditions ,
se mêlent ensemble. Les Lacédémoniens
avoient déja introduit chez eux la Danse
Militaire , pour se représenter l'image des
combats comme un jeu.
Danse de Fête solemnelle.
La Danse faisoit une des principales Fêtes des Thébains ; on represente
dans cette Entrée les Orgies ; on en retranche toute image de licence , à la fureur près.
Danse Théatrale.
Les Poëtes Athéniens introduisirent la
Danse dans leurs Pieces ; on donne dans
cette Entrée l'idée d'une Scene Tragique
et d'une Scene Comique , dans le gout
d'Euripide et d'Aristophane.
Troisiéme âge de la Danse.
Les Romains n'eurent pas beaucoup
d'estime pour la Danse ; l'Art Militaire
leur fit long-temps oublier tous les Arts
pacifiques , et ce ne fut que sous les Empercurs
SEPTEMBRE. 1752. 2013:
pereurs que la Danse occupa un Peuple
oisif et amolli , à qui on vouloit faire
oublier son ancienne liberté.
Danse Triomphale:
Les Saliens , Prêtres de Mars , furent
admis dans les Marches de Triomphes ;
c'est cette Danse guerriere qu'on exprime dans cette premiere Entrée.
Danse Italique. s *
Les Pantomimes , Sérieux et Comiques,
furent inventez sous Auguste; on en donne icy.une légere idée; pour rendre cette
Danse plus intelligible aux Spectateurs
on a choisi les Caracteres Comiques ,
qui leur sont les plus connus , préférablement à ceux des Comédies Romaines.
Danse d'Animaux.
On prend pour modeles de cette Danse
les Sibarites , Peuples de la basse Italie ,
qui eurent tant de passion pour la Danse,
qu'ils y firent entrer leurs Chevaux , et
d'autres animaux.
Quatrième âge de la Danse, sous les Nations
modernes, et principalement sous
lés François.
On appelle Nations modernes , celles
Fy qui
2014 MERCURE DE FRANCE
qui ont été démembrées de l'Empire
Romain, Elles ont toutes cultivé la Dan-'
> chacune selon son génie ; aucun de
ces Peuples ne s'y est tant distingué que
les François.
Bal de Ceremonie. abs
Un Prince donne un Bal aux Seigneurs
de sa Cour , ou à des Etrangers de dis
tinction , arrivez de divers Païs.
Bal de Spectacle.
La France, qui a reçu de l'Italie les Ballets avec Machines , a beaucoup encheri
sur elle dans ce genre de Spectacle ; c'est
ce qu'on représente dans cette Entrée.
Bal Bourgeois.
Des Bourgeois et des Artisans forment
une espece de Mascarade , où chacun est
admis , sans distinction .
La Danse des Academies Litteraires.
Les Danses figurées ont été introduites
dans plusieurs Académies littéraires. On
y represente des Ballets nouveaux ou historiques , pour relever la solemnité d'un
Spectacle établi et souvent fondé par des
Rois , pour distribuer avec éclat des Prix
à la jeunesse qu'on y éleve dans l'étude
des Belles Lettres,
Apollon
SEPTEMBRE. 1732. 2015
Apollon , Minerve et Mercure distri- buent des Couronnes de Laurier aux Eleves qui se sont distinguez dans les Exercices Litteraires.
La jeunesse couronnée , exprime par la
Danse , le plaisir qu'elle ressent du Prix
glorieux qu'elle a remporté.
Des Bergers ont chanté des Vers dans
la premiere Entrée de l'ouverture; nous en
donnerons une légere idée par ceux qu'on
va voir.
Bergers , qu'un doux repos assemble ,
Venez sous ces tendres Ormeaux
Nous y devons former ensemble
Des jeux innocens et nouveaux..
C'est icy que la Danse ,
Va prendre sa naissance.
Sur mes chants composez vos pas ;
Que tous les mouvemens de vos pieds, de vosbras
D'accord avec ma voix , en suivent la cadance.
Que sans voltiger ,
Les naïves Graces ,
Marchent sur vos traces,
D'un pas coulant et leger , &c.
La Décoration de ce grand et pompeux Spec
tacle , representoit une grande Cour exterieure
d'un Palais magnifique,d'Ordre composite , for- mant un plan circulaire de cent pieds de face , et:
faisant par la Perspective 150 pieds de circonfe- F vj rence
2016 MERCURE DE FRANCE
rence sur 35 pieds d'élévation. Au milieu est un
corps avancé , soutenu par des Colonnes et Pilastres de breche violette; les Chapiteaux et Bases
en or. Dans les entre-Colonnes sont placez des Grouppes de Figures de Marbre blanc sur des
piedestaux de forme ronde : sçavoir , à la droite,
MédéeJason; à la gauche le Sacrifice d'Iphigenie.
Sur les devants de la partie circulaire,à la droite
Oedipe qui se perce les yeux ; à la gauche , Her- rule sur le bucher ; sur le devant de ces deux extrêmitez sont des Amphitheatres terminés par une Balustrade , en forme de demi-fer à cheval ,
au bas de laquelle on voit les Statues des deux
plus fameux Poëtes Grecs ; sçavoir , à la droite
Sophocle; à la gauche Euripide. ?
Au milieu de la Décoration est une grande et magnifique Arcade surmontée des Armes de
France , soutenues par des Génies , au travers
de laquelle on apperçoit un grand Salon cintré ,
soutenu par des colonnes couplées , et dans les
deux passages , aux côtez des Galeries ingénieusement percées d'une Architecture noble et simple , ornée de Bustes sur des scabellons ; au- dessus des quatre Groupes de colonnes , sont dea
trophées de Guerre , et sur les corps avancez qui terminent les côtez de la Décoration des Trophées de Poësie en or , ainsi que les Armes du
Roi et les autres Trophées et Consolles qui sont
sous la Corniche , sur laquelle est une Balustrade
qui régne au pourtour de cette magnifique Ordonnance.
ges
M. Le Maire , déja connu par plusieurs ouvrade cette espece qui ont eu l'applaudissement
du Public . est Auteur de celui- ci , qui a été fort
approuvé. L'Estampe qu'il en a fait graver avec soin
SEPTEMBRE. 1732. 2017
soin , se vend chez lui dans la Cour des Quinze
Vingts.
E Mercredy 6 Aoust, on representa au
LE ›
gédie de Sennacherib , Roy des Assiriens ,
pour la distribution des Prix. En voici le
sujet.
SENNACHERIB ayant perdu devant Jerusalemi
18f000 hommes, tuez dans une nuit, par la main
d'un Ange , retourna à Ninive plein de fureur et
de confusion. Il crut que ce malheur lui étoit are
rivé , parce que son Dieu tutelaire étoit irrité.
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable , il
fut immolé au pied de son Idole , par ses deux
fils aînez , Adramelech et Sarasar, 45 jours après
la défaite de fon Armée. Liv. 4. des Rois. c . 19.
Tob. c. I.
Ainsi s'accomplit la Prophetie faite par Isaic
au Roy Ezechias , environ deux mois auparavant. Ifa. c. 37.
La Tradition des Hébreux rapportée par S.Jerôme , est que Sennacherib vouloit immoler ses deux fils pour fléchir son Dieu par ce Sacrifice ,
que ceux- ci le prévinrent et lui porterent les coupsqu'il leur destinoit.
. On suppose , comme il est vrai- semblable
que Sennacherib vouloit fléchir son Dieu pour tenter une seconde fois la conquête de Jeru- salem,
La Scene est à Ninive , dans le Palais
du Roy.
Fiij La
2010 MERCURE DE FRANCE
*
Le Ballet qui fut dansé après la Tragé
'die , porte pour titre : Histoire de la Danse. Voici le dessein et la division de ce
Ballet.
Comme on ne sçauroit donner dans un
seul Ballet tout ce qui concerne la Danse,
`on se borne icy à en exposer la naissance
et les quatres âges.
›
te
La Danse , selon le sentiment de la
plupart des Auteurs , doit son origine
aux Egyptiens ; on croit qu'elle est née
de l'observation des Planettes ; comme
elle. sert à exprimer les differentes passions des hommes , et sur tout celles qui
ont la joye pour principe , on la suppose
presqu'aussi ancienne que le monde , parce que les passions attachées à l'humanité
ont existé plus ou moins dans tous les
temps.
Dans la premiere Entrée , des Bergers ,
forment des pas sur le mouvement des
Airs champêtres,avant même que les Ins
trumens de Musique soient inventez.Dans
la seconde , des Personnes de différentes
conditions dansent plus méthodiquement,
au son des Instrumens, nouvellement inventez. De la naissance de la Danse on
passe à ses quatre différens âges.
Pre-
SEPTEMBR E. 1732. 2013
Premier âge de la Danse.
Les Egyptiens sont les Peuples chez qui
la Danse ait fait de plus grands progrès
l'Histoire leur donne l'honneur de l'avoir
inventée , et de l'avoir employée à plu sieurs différens usages.
"
Danse Astronomique.
Des Astronomes Egyptiens , après avoir
rendu hommage au Soleil , observent le
cours des Astres et leurs Eclipses , avec
des Tubes ; ce qui est exprimé par leurs
Danses.
Danse Magique.
Des Magiciens évoquent les ombres dos
Morts,
Danse Idolatrique.
Dans cette Danse, les habitans des Villes et des Champs adorent les Divinitez
de leurs Païs , sous la figure de divers animaux.
Second âge de la Danse.
Les Grecs ont la gloire d'avoir inven
té , ou du moins perfectionné tous les
beaux Arts , et sur tout la Danse.
Fiiij Danse
2012 MERCURE DE FRANCE
Danse Politique et Militaire.
Licurgue établit une Danse politique
dans Lacédémone , pour concilier tous les
Membres de l'Etat ; les Citoyens de differens âges et de differentes conditions ,
se mêlent ensemble. Les Lacédémoniens
avoient déja introduit chez eux la Danse
Militaire , pour se représenter l'image des
combats comme un jeu.
Danse de Fête solemnelle.
La Danse faisoit une des principales Fêtes des Thébains ; on represente
dans cette Entrée les Orgies ; on en retranche toute image de licence , à la fureur près.
Danse Théatrale.
Les Poëtes Athéniens introduisirent la
Danse dans leurs Pieces ; on donne dans
cette Entrée l'idée d'une Scene Tragique
et d'une Scene Comique , dans le gout
d'Euripide et d'Aristophane.
Troisiéme âge de la Danse.
Les Romains n'eurent pas beaucoup
d'estime pour la Danse ; l'Art Militaire
leur fit long-temps oublier tous les Arts
pacifiques , et ce ne fut que sous les Empercurs
SEPTEMBRE. 1752. 2013:
pereurs que la Danse occupa un Peuple
oisif et amolli , à qui on vouloit faire
oublier son ancienne liberté.
Danse Triomphale:
Les Saliens , Prêtres de Mars , furent
admis dans les Marches de Triomphes ;
c'est cette Danse guerriere qu'on exprime dans cette premiere Entrée.
Danse Italique. s *
Les Pantomimes , Sérieux et Comiques,
furent inventez sous Auguste; on en donne icy.une légere idée; pour rendre cette
Danse plus intelligible aux Spectateurs
on a choisi les Caracteres Comiques ,
qui leur sont les plus connus , préférablement à ceux des Comédies Romaines.
Danse d'Animaux.
On prend pour modeles de cette Danse
les Sibarites , Peuples de la basse Italie ,
qui eurent tant de passion pour la Danse,
qu'ils y firent entrer leurs Chevaux , et
d'autres animaux.
Quatrième âge de la Danse, sous les Nations
modernes, et principalement sous
lés François.
On appelle Nations modernes , celles
Fy qui
2014 MERCURE DE FRANCE
qui ont été démembrées de l'Empire
Romain, Elles ont toutes cultivé la Dan-'
> chacune selon son génie ; aucun de
ces Peuples ne s'y est tant distingué que
les François.
Bal de Ceremonie. abs
Un Prince donne un Bal aux Seigneurs
de sa Cour , ou à des Etrangers de dis
tinction , arrivez de divers Païs.
Bal de Spectacle.
La France, qui a reçu de l'Italie les Ballets avec Machines , a beaucoup encheri
sur elle dans ce genre de Spectacle ; c'est
ce qu'on représente dans cette Entrée.
Bal Bourgeois.
Des Bourgeois et des Artisans forment
une espece de Mascarade , où chacun est
admis , sans distinction .
La Danse des Academies Litteraires.
Les Danses figurées ont été introduites
dans plusieurs Académies littéraires. On
y represente des Ballets nouveaux ou historiques , pour relever la solemnité d'un
Spectacle établi et souvent fondé par des
Rois , pour distribuer avec éclat des Prix
à la jeunesse qu'on y éleve dans l'étude
des Belles Lettres,
Apollon
SEPTEMBRE. 1732. 2015
Apollon , Minerve et Mercure distri- buent des Couronnes de Laurier aux Eleves qui se sont distinguez dans les Exercices Litteraires.
La jeunesse couronnée , exprime par la
Danse , le plaisir qu'elle ressent du Prix
glorieux qu'elle a remporté.
Des Bergers ont chanté des Vers dans
la premiere Entrée de l'ouverture; nous en
donnerons une légere idée par ceux qu'on
va voir.
Bergers , qu'un doux repos assemble ,
Venez sous ces tendres Ormeaux
Nous y devons former ensemble
Des jeux innocens et nouveaux..
C'est icy que la Danse ,
Va prendre sa naissance.
Sur mes chants composez vos pas ;
Que tous les mouvemens de vos pieds, de vosbras
D'accord avec ma voix , en suivent la cadance.
Que sans voltiger ,
Les naïves Graces ,
Marchent sur vos traces,
D'un pas coulant et leger , &c.
La Décoration de ce grand et pompeux Spec
tacle , representoit une grande Cour exterieure
d'un Palais magnifique,d'Ordre composite , for- mant un plan circulaire de cent pieds de face , et:
faisant par la Perspective 150 pieds de circonfe- F vj rence
2016 MERCURE DE FRANCE
rence sur 35 pieds d'élévation. Au milieu est un
corps avancé , soutenu par des Colonnes et Pilastres de breche violette; les Chapiteaux et Bases
en or. Dans les entre-Colonnes sont placez des Grouppes de Figures de Marbre blanc sur des
piedestaux de forme ronde : sçavoir , à la droite,
MédéeJason; à la gauche le Sacrifice d'Iphigenie.
Sur les devants de la partie circulaire,à la droite
Oedipe qui se perce les yeux ; à la gauche , Her- rule sur le bucher ; sur le devant de ces deux extrêmitez sont des Amphitheatres terminés par une Balustrade , en forme de demi-fer à cheval ,
au bas de laquelle on voit les Statues des deux
plus fameux Poëtes Grecs ; sçavoir , à la droite
Sophocle; à la gauche Euripide. ?
Au milieu de la Décoration est une grande et magnifique Arcade surmontée des Armes de
France , soutenues par des Génies , au travers
de laquelle on apperçoit un grand Salon cintré ,
soutenu par des colonnes couplées , et dans les
deux passages , aux côtez des Galeries ingénieusement percées d'une Architecture noble et simple , ornée de Bustes sur des scabellons ; au- dessus des quatre Groupes de colonnes , sont dea
trophées de Guerre , et sur les corps avancez qui terminent les côtez de la Décoration des Trophées de Poësie en or , ainsi que les Armes du
Roi et les autres Trophées et Consolles qui sont
sous la Corniche , sur laquelle est une Balustrade
qui régne au pourtour de cette magnifique Ordonnance.
ges
M. Le Maire , déja connu par plusieurs ouvrade cette espece qui ont eu l'applaudissement
du Public . est Auteur de celui- ci , qui a été fort
approuvé. L'Estampe qu'il en a fait graver avec soin
SEPTEMBRE. 1732. 2017
soin , se vend chez lui dans la Cour des Quinze
Vingts.
Fermer
Résumé : Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
Le spectacle 'La Tragédie de Sennacherib, Roy des Assiriens' a été représenté le mercredi 6 août pour la distribution des prix. L'histoire met en scène la défaite de Sennacherib devant Jérusalem, où il perdit 18 000 hommes en une nuit. De retour à Ninive, il fut assassiné par ses deux fils aînés, Adramelech et Sarasar, 45 jours après la défaite. Cette tragédie accomplissait une prophétie d'Isaïe au roi Ézéchias. Selon la tradition hébraïque rapportée par Saint Jérôme, Sennacherib voulait sacrifier ses fils pour apaiser son dieu, mais ceux-ci le tuèrent avant. Le spectacle se déroulait à Ninive, dans le palais du roi. Après la tragédie, un ballet intitulé 'Histoire de la Danse' fut présenté. Ce ballet retraçait la naissance et les quatre âges de la danse. Les Égyptiens sont crédités de l'origine de la danse, qui servait à exprimer les passions humaines. Le ballet se divisait en plusieurs entrées représentant différents âges et styles de danse, des bergers aux danses modernes en France. La décoration du spectacle représentait une cour extérieure d'un palais magnifique, avec diverses statues et trophées. L'auteur de la décoration, M. Le Maire, est connu pour ses œuvres appréciées du public. Une estampe de la décoration était disponible à la vente.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2738-2761
EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
Début :
On continue à faire dans ce College tous les ans avec un succès constant [...]
Mots clefs :
Collège de Louis le Grand, Plaidoyers, Père de la Santé, Délibération, Luxe, Rhétorique, Duel, Combat, Citoyens, Oisiveté, Indépendance, Prince, Discours, France
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
EXTRAIT des Plaidoyers prononcer
an College de Louis le Grand.
Ο
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'or- dinaire se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le cœur de la jeune
Noblesse qu'on y éleve .
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DE-
DECEMBRE. 1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de Louis
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus verò
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres qui commençoient à s'introduire parmi la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein.
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire,quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'ar
rêter le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la découII. Vol A v verte
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre le Luxe ou les folles dépenses.
Le second contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la fai
neantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs.
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve, mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
·garderà dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation et dujugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Préliminaire , fait voir quelle doit être la vigilance d'un Prince sur tous les Membres d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres au Peuple , elle doit aussi lui donner des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
II. Vol. Ex-
DECEMBRE. 1732. 2741
}
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxe.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses ; 1. elles sont , disent- ils , nécessaires pour soutenir leur rang. 2 ° . Elles
contribuent même à la gloire et à l'utilité de la Nation. Le jeune Orateur employe deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2 ° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison sur opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend. Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre. Sur le mérite de ceux qui la compo-.
sent ? Un homme livré au luxe n'a gueres d'autre mérite que celui de bien arranger un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
II. Vol. A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront-ils de quoi
les acheter ? ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont- ils de ce caractere sur
les alliances honorables qu'elle peut former mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir une maison chancelante; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte opulence , acheter des biens aux dépens de l'honneur , et former des nœuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles et le ridicule des Riches ... Qu'estce qui a forcé tant de familles illustres
tombées par l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol. travers
DECEMBRE. 1732. 2743
travers du faste. Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et dé
sole tant de miserables ? .. Le luxe n'est .
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources.
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui authorisent une magnificence extraordinaire: elle est alors légitime pour le particu .
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent ; c'est un abus criminel , c'est une injustice criante contre les droits du Prince,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce , et dont par - là elle épuise les ressources.
"
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront ils leur ministere au maintien de tout ce corps ? le commerce
nesera-t-il pas détruit,quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
II. Fol lui
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services , ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable mendicité...Quelle inhumanité,
quede se repaître les yeux des larmes ameresque l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe-t-il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires...L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Duel.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol. voie
DECEMBRE. 1732. 2745
-voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé et c'est , ajoutent- ils, un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériqués , l'Orateur en établit deux réelles , par lesquelles il prouve 1 ° . que le
duel à plus de quoi deshonorer un ´homme que de quoi lui faire honneur. 2°.Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel.
Les unes et les autres deshonorent la raison , et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
ces combats singuliers ? consultons les acteurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne.
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné; approche-t- il ? la pa- 11. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent. Les
separe-t-on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite. A- t -on eu du dessous dans le
combat? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle &c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie ? Quel sujet les arme communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi. Il
faut du sang pour cimenter la connoissance, et pour paroître brave devenir inhu
main. Cent autres sujets plus legers armcnt cent autres combatans plus coupables. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfermerdans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer et là renouveller les scenes effrayantes des cruels Andabates , qui se portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voi la mortq'ils s'entredonnoient Onen
a vu d'autres s'embrasser avant que de
II. Vol. s'égorger
DECEMBRE. 1732: 27+7 27+7
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier, dira quelqu'un: Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque-t-on ? que n'êtes vous plus humain , plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux que sur l'article du duel... mais l'usa
ge le veut dites l'abus. Si vous vous trouviés dans ces contrées barbares, où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez- vous pouvoir sans folie vous assujettir à une si étran
ge coutume ? ... mais je compte icy donner la mort et non pas la recevoir. Combien d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués, ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience ,
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter les yeux sur ses suites infamantes.L'indignation du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse,des biens, de la vie; l'indiII. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité du coupable , tout cela ne suffit il
pas pour faire voir combien le duël flétrit
l'honneur du Vivant et du Mort, du vainqueur et du vaincu : mais quel tort ne faitil pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à exami- ner.
Seconde Partie.
Prétendre le duel forme des Braves que
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure. Elle consiste dans
un courage intrépide animépar le devoir,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie . La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante.
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le cœur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent-ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBR E. 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est-il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser par
l'exemple des anciens Heros. Leurs combats singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particulieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces. Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien l'ancienne Rome cherissoit le sang
de ses Citoyens de là ces Couronnes civiques pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décernées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
l'Ar-
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes ?
:
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer de la Pologne par une loy aussi severe dans son exécution , qu'immuable
dans sa durée. Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition fréquente. Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des particuliers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS,
Contre P'Oisiveté
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoîtte ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République. 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. Pre-
DECEMBRE. 1732. 2758
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux
pourroit- on lui répondre ; mais votre fai
néantise ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé.humaine ? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit : mais êtes- vous un homme?
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut - il s'en acquitter ?
?
Comment veut-on qu'un jeune effeminé , toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis atta
chez à sa maison ? il n'interromproit pas son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation , la mollesse en a éteint le feu dans
son cœur sa famille se flattoit qu'il seI. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui à peine sçait- il qu'il en est
membre.
:
Est- il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur qui gouverneune Province en donne à tous ceux qui l'habitent : les Sciences , les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait.
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat , d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera- t'on ? Sçaurat'il remettre ou entretenir dans une Province le bon ordre , prévoir et réprimer
les mauxque l'on craint ? quel embarras !
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos. Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau ! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes. Lui confiera- t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 1732. 2753
Guerre s'accommoda t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient, tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit : mais son portrait n'est encore qu'ébauché , il ne peut être citoyen.
inutile sans devenir citoyen perni
cieux.
>
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glis
sé dans un jeune cœur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque tou
jours se livrer au mal. Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront ils point baisser les yeux à la sage
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées dans ses repas ? mais surtout , que ne
II.Vol. doin
4754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général ?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république laborieuse des Abeilles , et la troublent sans cesse dans ses travaux utiles
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent de leur aiguillon contre elle. Ils boivent les sucurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'éxige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe ? Ne le verra- t- on pas secouer bien-tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur , et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage, n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne futII. Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV. DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination. L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle
les porte à prétendre mêmeau droit d'impunité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance, il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime. La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent dans l'enfance éblouit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom- II. Vol.
B pent
2755 MERCURE DE FRANCE
pent leur cœur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépare
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap.
peller aux devoirs? les flatteurs les en écartent , et leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy, on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal ,
et les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve-t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
II. Vol.
L'In-
DECEMBRE.
873202757
L'Indépendance conduit à la révolte ,
l'Eleve intraitable devient fils rebelle ;
combien en a-t'on vû braver l'autorité
paternelle , outrager la Nature , et d'indépendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
que de changer de nom pour devenir dénaturés ? Mauvais fils sera- t'il bon sujet ?
peut- on s'en flatter surtout dans un
Royaume électif, où l'on est quelquefois
tenté , de faire avec audace , ' ce qu'on croit
pouvoir faire avec avantage ?
,
La plus florissante République de la
terre , Rome la maîtresse du monde pres- -qu'entier , se vit sur le point d'être saccagée et réduite en cendres. Qui alluma
l'incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
conduits par Catilina , et possedés du
démon de l'indépendance. Que de sang
ne fallut- il pas répandre pour éteindre ce
feu ? Autorité domestique et publique
loix divines et humaines , tout est sacrifié
à l'impérieux désir de se rendre indépendant. La loi violée s'arme- t'elle du glaive
pour vanger ces attentats ? Après avoir bravé ses réglemens , ils bravent ses menaces , et s'arrogent le droit d'impunité.
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs indépendans , leur jeunesse et leur condi11. Vol.
Bij tion
4758 MERCURE DE FRANCE
tion les mettent à couvert des loix et do
la punition qu'elles prescrivent.
La jeunesse est l'âge où le feu des passions s'allume ; c'est donc aussi le tems.
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre. Fautil attendre que l'incendie ait pris des forces et se soit communiqué ? trop de severité , il est vrai , révolte et fait hair le
devoir , mais tropd'indulgence enhardit ,
et fait violer la loi.
- La Noblesse est l'état où les exemples
sont plus contagieux ; mais c'est donc
aussi l'etat où les punitions sont plus
- nécessaires. Les sujets d'un moindre étage regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leurs
maîtres. Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'espé
rance de l'impunité.
Aussi Rome et Sparte punissoient- elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebéïens , pour n'avoir pas assez promptement obéï à un Proconsul.
peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépendance. Comme l'élévation du rang produit les fumées de l'orgueil , l'humilia
Un
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732 2750
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
des Parties , fait sentir le fort et le foible
des raisons alleguées , et en ajoute plu
sieurs nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur , est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est à dire , celui qui est le plus
considérable en lui- même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance long-tems par une infinité de preu
ves que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, c'est- à- dire l'obéïssance et la soumission : et nous pouvons , dit le Juge , espe- rer de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'hon- neur , à l'indolence et à l'oisiveté des faineans par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
260 MERCURE DE FRANCE
2
,
cepenpour l'indépendant , si son caprice le porte à être dissipateur , dueliste , et indolent de profession , en vertu de son systeme et de ses principes d'indépendance , il
se maintiendra en possession de ces trois
desordres , et ses maximes favorites nous
répondent par avance qu'il comptera pour
rien la loi que nous allons porter contre
lui et contre ses consorts. Portons - la
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce , 1° contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 ° .
contre le Duel , 4° contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté , Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie de l'Europe contre le Duel.
Enfin M. d'Aligre qui avoit été complimenté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imagina
DECEMBRE. 1732. 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation . L'illustre Assemblée souscrivit sans peine à la justice de ces éloges.
an College de Louis le Grand.
Ο
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'or- dinaire se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le cœur de la jeune
Noblesse qu'on y éleve .
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DE-
DECEMBRE. 1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de Louis
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus verò
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres qui commençoient à s'introduire parmi la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein.
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire,quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'ar
rêter le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la découII. Vol A v verte
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre le Luxe ou les folles dépenses.
Le second contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la fai
neantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs.
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve, mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
·garderà dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation et dujugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Préliminaire , fait voir quelle doit être la vigilance d'un Prince sur tous les Membres d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres au Peuple , elle doit aussi lui donner des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
II. Vol. Ex-
DECEMBRE. 1732. 2741
}
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxe.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses ; 1. elles sont , disent- ils , nécessaires pour soutenir leur rang. 2 ° . Elles
contribuent même à la gloire et à l'utilité de la Nation. Le jeune Orateur employe deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2 ° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison sur opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend. Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre. Sur le mérite de ceux qui la compo-.
sent ? Un homme livré au luxe n'a gueres d'autre mérite que celui de bien arranger un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
II. Vol. A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront-ils de quoi
les acheter ? ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont- ils de ce caractere sur
les alliances honorables qu'elle peut former mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir une maison chancelante; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte opulence , acheter des biens aux dépens de l'honneur , et former des nœuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles et le ridicule des Riches ... Qu'estce qui a forcé tant de familles illustres
tombées par l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol. travers
DECEMBRE. 1732. 2743
travers du faste. Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et dé
sole tant de miserables ? .. Le luxe n'est .
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources.
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui authorisent une magnificence extraordinaire: elle est alors légitime pour le particu .
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent ; c'est un abus criminel , c'est une injustice criante contre les droits du Prince,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce , et dont par - là elle épuise les ressources.
"
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront ils leur ministere au maintien de tout ce corps ? le commerce
nesera-t-il pas détruit,quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
II. Fol lui
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services , ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable mendicité...Quelle inhumanité,
quede se repaître les yeux des larmes ameresque l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe-t-il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires...L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Duel.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol. voie
DECEMBRE. 1732. 2745
-voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé et c'est , ajoutent- ils, un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériqués , l'Orateur en établit deux réelles , par lesquelles il prouve 1 ° . que le
duel à plus de quoi deshonorer un ´homme que de quoi lui faire honneur. 2°.Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel.
Les unes et les autres deshonorent la raison , et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
ces combats singuliers ? consultons les acteurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne.
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné; approche-t- il ? la pa- 11. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent. Les
separe-t-on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite. A- t -on eu du dessous dans le
combat? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle &c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie ? Quel sujet les arme communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi. Il
faut du sang pour cimenter la connoissance, et pour paroître brave devenir inhu
main. Cent autres sujets plus legers armcnt cent autres combatans plus coupables. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfermerdans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer et là renouveller les scenes effrayantes des cruels Andabates , qui se portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voi la mortq'ils s'entredonnoient Onen
a vu d'autres s'embrasser avant que de
II. Vol. s'égorger
DECEMBRE. 1732: 27+7 27+7
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier, dira quelqu'un: Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque-t-on ? que n'êtes vous plus humain , plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux que sur l'article du duel... mais l'usa
ge le veut dites l'abus. Si vous vous trouviés dans ces contrées barbares, où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez- vous pouvoir sans folie vous assujettir à une si étran
ge coutume ? ... mais je compte icy donner la mort et non pas la recevoir. Combien d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués, ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience ,
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter les yeux sur ses suites infamantes.L'indignation du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse,des biens, de la vie; l'indiII. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité du coupable , tout cela ne suffit il
pas pour faire voir combien le duël flétrit
l'honneur du Vivant et du Mort, du vainqueur et du vaincu : mais quel tort ne faitil pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à exami- ner.
Seconde Partie.
Prétendre le duel forme des Braves que
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure. Elle consiste dans
un courage intrépide animépar le devoir,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie . La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante.
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le cœur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent-ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBR E. 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est-il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser par
l'exemple des anciens Heros. Leurs combats singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particulieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces. Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien l'ancienne Rome cherissoit le sang
de ses Citoyens de là ces Couronnes civiques pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décernées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
l'Ar-
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes ?
:
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer de la Pologne par une loy aussi severe dans son exécution , qu'immuable
dans sa durée. Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition fréquente. Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des particuliers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS,
Contre P'Oisiveté
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoîtte ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République. 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. Pre-
DECEMBRE. 1732. 2758
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux
pourroit- on lui répondre ; mais votre fai
néantise ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé.humaine ? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit : mais êtes- vous un homme?
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut - il s'en acquitter ?
?
Comment veut-on qu'un jeune effeminé , toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis atta
chez à sa maison ? il n'interromproit pas son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation , la mollesse en a éteint le feu dans
son cœur sa famille se flattoit qu'il seI. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui à peine sçait- il qu'il en est
membre.
:
Est- il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur qui gouverneune Province en donne à tous ceux qui l'habitent : les Sciences , les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait.
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat , d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera- t'on ? Sçaurat'il remettre ou entretenir dans une Province le bon ordre , prévoir et réprimer
les mauxque l'on craint ? quel embarras !
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos. Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau ! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes. Lui confiera- t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 1732. 2753
Guerre s'accommoda t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient, tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit : mais son portrait n'est encore qu'ébauché , il ne peut être citoyen.
inutile sans devenir citoyen perni
cieux.
>
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glis
sé dans un jeune cœur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque tou
jours se livrer au mal. Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront ils point baisser les yeux à la sage
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées dans ses repas ? mais surtout , que ne
II.Vol. doin
4754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général ?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république laborieuse des Abeilles , et la troublent sans cesse dans ses travaux utiles
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent de leur aiguillon contre elle. Ils boivent les sucurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'éxige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe ? Ne le verra- t- on pas secouer bien-tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur , et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage, n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne futII. Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV. DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination. L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle
les porte à prétendre mêmeau droit d'impunité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance, il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime. La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent dans l'enfance éblouit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom- II. Vol.
B pent
2755 MERCURE DE FRANCE
pent leur cœur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépare
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap.
peller aux devoirs? les flatteurs les en écartent , et leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy, on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal ,
et les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve-t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
II. Vol.
L'In-
DECEMBRE.
873202757
L'Indépendance conduit à la révolte ,
l'Eleve intraitable devient fils rebelle ;
combien en a-t'on vû braver l'autorité
paternelle , outrager la Nature , et d'indépendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
que de changer de nom pour devenir dénaturés ? Mauvais fils sera- t'il bon sujet ?
peut- on s'en flatter surtout dans un
Royaume électif, où l'on est quelquefois
tenté , de faire avec audace , ' ce qu'on croit
pouvoir faire avec avantage ?
,
La plus florissante République de la
terre , Rome la maîtresse du monde pres- -qu'entier , se vit sur le point d'être saccagée et réduite en cendres. Qui alluma
l'incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
conduits par Catilina , et possedés du
démon de l'indépendance. Que de sang
ne fallut- il pas répandre pour éteindre ce
feu ? Autorité domestique et publique
loix divines et humaines , tout est sacrifié
à l'impérieux désir de se rendre indépendant. La loi violée s'arme- t'elle du glaive
pour vanger ces attentats ? Après avoir bravé ses réglemens , ils bravent ses menaces , et s'arrogent le droit d'impunité.
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs indépendans , leur jeunesse et leur condi11. Vol.
Bij tion
4758 MERCURE DE FRANCE
tion les mettent à couvert des loix et do
la punition qu'elles prescrivent.
La jeunesse est l'âge où le feu des passions s'allume ; c'est donc aussi le tems.
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre. Fautil attendre que l'incendie ait pris des forces et se soit communiqué ? trop de severité , il est vrai , révolte et fait hair le
devoir , mais tropd'indulgence enhardit ,
et fait violer la loi.
- La Noblesse est l'état où les exemples
sont plus contagieux ; mais c'est donc
aussi l'etat où les punitions sont plus
- nécessaires. Les sujets d'un moindre étage regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leurs
maîtres. Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'espé
rance de l'impunité.
Aussi Rome et Sparte punissoient- elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebéïens , pour n'avoir pas assez promptement obéï à un Proconsul.
peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépendance. Comme l'élévation du rang produit les fumées de l'orgueil , l'humilia
Un
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732 2750
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
des Parties , fait sentir le fort et le foible
des raisons alleguées , et en ajoute plu
sieurs nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur , est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est à dire , celui qui est le plus
considérable en lui- même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance long-tems par une infinité de preu
ves que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, c'est- à- dire l'obéïssance et la soumission : et nous pouvons , dit le Juge , espe- rer de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'hon- neur , à l'indolence et à l'oisiveté des faineans par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
260 MERCURE DE FRANCE
2
,
cepenpour l'indépendant , si son caprice le porte à être dissipateur , dueliste , et indolent de profession , en vertu de son systeme et de ses principes d'indépendance , il
se maintiendra en possession de ces trois
desordres , et ses maximes favorites nous
répondent par avance qu'il comptera pour
rien la loi que nous allons porter contre
lui et contre ses consorts. Portons - la
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce , 1° contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 ° .
contre le Duel , 4° contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté , Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie de l'Europe contre le Duel.
Enfin M. d'Aligre qui avoit été complimenté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imagina
DECEMBRE. 1732. 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation . L'illustre Assemblée souscrivit sans peine à la justice de ces éloges.
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Résumé : EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
Le texte relate un plaidoyer prononcé au Collège de Louis le Grand, où les élèves de rhétorique abordent des sujets destinés à former l'esprit et le cœur de la jeune noblesse. Le sujet choisi est la délibération concernant la jeune noblesse d'un État, inspirée par le prince Casimir de Pologne. Indigné par les désordres parmi la noblesse, Casimir demande à son père, le roi Casimir III, d'établir une commission pour réprimer ces excès. Le roi nomme des seigneurs pour discuter des problèmes et proposer des lois. Les quatre principaux désordres identifiés sont le luxe, le duel, l'oisiveté et l'indépendance des jeunes seigneurs. Chaque orateur argue que son désordre mérite la plus grande attention et sévérité. Casimir dresse ensuite les articles de la loi, décide de l'ordre d'exécution et règle le rang des commissaires dans le Conseil d'État. Dans le premier discours, contre le luxe, l'orateur réfute les prétextes des partisans du luxe, affirmant que celui-ci ruine les grandes maisons et épuise les ressources de la nation. Il souligne que le luxe empêche la jeune noblesse de soutenir son rang et est préjudiciable à l'État. Le luxe est décrit comme une injustice criante contre les droits du prince, des créanciers, des enfants et de la nation entière. Dans le deuxième discours, contre le duel, l'orateur démontre que le duel déshonore plus qu'il n'honore et que l'État y perd plus qu'il n'y gagne. Il critique les motivations des duels, souvent basées sur la fureur et la petitesse d'esprit, et non sur le véritable courage. Le duel est comparé à une forme de guerre civile et est jugé impie et insensé. L'orateur conclut en appelant à la répression sévère de ces désordres pour le bien public. Le texte aborde également l'oisiveté, décrite comme la source de nombreux autres vices. Un homme oisif est inutile à la République et devient rapidement pernicieux. L'oisiveté est comparée à un poison qui glace l'ardeur des jeunes cœurs et les rend funestes à l'État. Les oisifs vivent aux dépens de la patrie et troublent les travaux utiles des citoyens laborieux. L'indépendance est également critiquée. Elle s'enracine dans une éducation malsaine qui enseigne aux jeunes nobles à commander plutôt qu'à obéir. Cette indépendance conduit à la révolte et au mépris des lois. Les jeunes indépendants se croient au-dessus des lois et des punitions. Le texte cite l'exemple de la République romaine, où l'indépendance a failli la détruire. Les punitions sévères sont nécessaires pour dissuader les jeunes nobles de leur comportement rebelle. Enfin, le texte mentionne un discours du Prince qui examine quatre désordres : l'indépendance, l'oisiveté, le duel et le luxe. Il conclut que les jeunes seigneurs indépendants sont les plus coupables car ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, l'obéissance et la soumission. Le Prince prononce des lois contre ces quatre maux, en commençant par l'indépendance. Le document mentionne également des compliments échangés lors d'un jugement. M. d'Aligre a été félicité pour la noblesse et la dignité avec lesquelles il a présidé au jugement. Il a ensuite complimenté plusieurs personnes pour leurs talents respectifs. L'assemblée a approuvé ces éloges.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 220-223
PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
Début :
On nous a envoyé trop tard l'extrait de cette Tragédie. L'abondance des [...]
Mots clefs :
Tragédie, Empereur, Collège de Louis le Grand, Pensionnaires
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texteReconnaissance textuelle : PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
PRECIS de la Tragédie de Juftin , repréfentée
au College de Louis le Grand par
Penfionnaires , le 6 Août 1755 .
ΟOde cette Tragedie . L'abondance des
N nous a envoyé trop tard l'extrait
matieres qui nous font furvenues , nous
ont obligé de le réduire à un précis ou plutôt
à un Programme , pour ne pas le reculer
davantage .
La Scene eft à Conftantinople dans le
Palais d'Anaftafe. L'Auteur peint cet Empereur
d'après l'Hiftoire comme un Prince
impie , cruel , ombrageux. Une fédition
dans laquelle , pour calmer le peuple , il
s'étoit dépouillé des marques de fa dignité,
l'irrite vivement , & reveille fes foupçons
contre Juftin . Celui - ci , Thrace d'origine
, & d'une nailfance obfcure , s'eft vu
élever par dégrés aux premieres dignités
de l'Empire . Son attachement à la foi , &
fa générofité lui ont acquis l'eftime &
I amour des Citoyens . Quoiqu'innocent
il eft fur le point de périr avec Juftinien
fon neveu , lorfqu'Anaftafe
dont mille
Longes affreux avoient jufqu'alors fufpen
DECEMBRE . 1755. 221
du la vengeance , eft frappé d'un coup de
tonnere. Le P. Geoffroi , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique , a travaillé fur ce
fonds avec fuccès. Il a pris les Grecs pour
modeles , & les a heureufement imités.
Il n'a changé l'Hiftoire que dans un point;
c'eft dans le genre de mort dont Anaſtaſe
eft frappé.
Cet Empereur ouvre la Scene avec
Adrafte , Miniftre & Confident digne d'un
tel maître. Le peuple eft prêt à fe révolter.
Anaftafe témoigne fes allarmes fur cette
émeute au perfide Adrafte qui en eft l'auteur
fecret , & dont l'adreffe fcélérate fait
tomber le foupçon fur Juftin . Le Tyran
effrayé ordonne qu'on faffe entrer dans
Conftantinople les troupes étrangeres dévouées
à fa vengeance. Cependant Juftin
appaife l'orage excité par les fourdes intrigues
d'Adrafte & de Vitallien. L'Empereur
eft dépouillé des marques de fa dignité
& couvert de honte ; mais Juftin rejette
avec fermeté les hommages & le
fceptre qu'on lui préfente. Anaftafe raffermi
fur le Trône , rentre dans fon premier
caractere , & oubliant ce qu'il doit à
ce Héros , lui ordonne de juger Mégiſte
fon ami , qui lui a offert la Couronne. La
cruauté d'Anaſtaſe va plus loin : on eft fur
le point de voir périr Justin ainfi que Mé-
K iij
222 MERCURE DE FRANCE.
gifte par l'ordre de l'Empereur. Mais le
peuple qui veille à leur confervation , s'eſt
faifi de Trafille dont la vie doit répondre
pour la leur . Anaftafe court délivrer le
Prince fon neveu , mais il fe trouve invefti
de toutes parts par fes fujets , par
Vitallien à la tête des troupes étrangeres ,
& par Adrafte qui leve le mafque. Juſtin
vole une feconde fois au fecours du Tyran
qui avoit juré fa perte. Adrafte convaincu
de perfidie fubit le châtiment qu'il a mérité
, Trafille eft tué dans le combat , &
l'Empereur bleffé à mort , eft forcé de remettre
fon fceptre entre les mains de Juftin
plus digne de le porter. Ce dénouement
heureux fatisfait tous les fpectateurs,
& la piece entiere fait honneur au P. Geoffroi
par fa conduite & par les détails . Le
rôle d'Anaftafe a été parfaitement rendu
par M. le Vaffeur . Il mérite d'autant plus
d'éloge , qu'il n'en avoit été chargé que fix
jours avant la repréfentation de la Tragédie.
La maladie furvenue lors de l'exercice
à M. Guerin , occafionna au nouvel
Acteur un redoublement de travail & d'applaudiffemens
dont un pere refpectable a
partagé la joie. M. de Quinfonas fils de
M le Premier Préfident du Parlement de
Befançon , s'eft furpaffé dans celui de Juſtin.
MM. de Villefranche & Chalon ont
DECEMBRE. 1755. 223
rempli avec force les perfonnages d'Adrafte
& de Vitallien ; M. Varnier ne s'eft
pas moins bien acquitté de celui de Mégifte
, & MM. Miran & Thevenin ont été
également applaudis , l'un dans le rôle
de Trafille , & l'autre dans celui de Juftinien
.
On exécuta dans les entr'actes un Ballet
intitulé , la Profpérité. M. Dupré le
jeune & M. Dourdet en avoient compofé
les pas , & le P. Geoffroi , en avoit donné
l'idée. Il l'avoit partagé en quatre entrées
qui formoient chacune les différens caracteres
de la Profpérité avec autant de jufteffe
que d'efprit.
10. Les impreffions que fait une profpérité
naiffante . 2 °. Les avantages que
produit une profpérité bien établie. 3 ° . Les
vices qui déshonorent une profpérité mal
employée. 4°. Les reffources qui peuvent
rétablir une profpérité chancelante. Le ralent
de M. la Riviere , Directeur des Ballets
de la Comédie Françoife , brilla furtout
dans cette fête , & contribuà le plus
à fa réuffite. Après la diftribution des Prix
fondés par Sa Majefté , la Séance fut
agréablement
couronnée par un feu Chinois
de la compofition des fieurs Ruggieri.
au College de Louis le Grand par
Penfionnaires , le 6 Août 1755 .
ΟOde cette Tragedie . L'abondance des
N nous a envoyé trop tard l'extrait
matieres qui nous font furvenues , nous
ont obligé de le réduire à un précis ou plutôt
à un Programme , pour ne pas le reculer
davantage .
La Scene eft à Conftantinople dans le
Palais d'Anaftafe. L'Auteur peint cet Empereur
d'après l'Hiftoire comme un Prince
impie , cruel , ombrageux. Une fédition
dans laquelle , pour calmer le peuple , il
s'étoit dépouillé des marques de fa dignité,
l'irrite vivement , & reveille fes foupçons
contre Juftin . Celui - ci , Thrace d'origine
, & d'une nailfance obfcure , s'eft vu
élever par dégrés aux premieres dignités
de l'Empire . Son attachement à la foi , &
fa générofité lui ont acquis l'eftime &
I amour des Citoyens . Quoiqu'innocent
il eft fur le point de périr avec Juftinien
fon neveu , lorfqu'Anaftafe
dont mille
Longes affreux avoient jufqu'alors fufpen
DECEMBRE . 1755. 221
du la vengeance , eft frappé d'un coup de
tonnere. Le P. Geoffroi , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique , a travaillé fur ce
fonds avec fuccès. Il a pris les Grecs pour
modeles , & les a heureufement imités.
Il n'a changé l'Hiftoire que dans un point;
c'eft dans le genre de mort dont Anaſtaſe
eft frappé.
Cet Empereur ouvre la Scene avec
Adrafte , Miniftre & Confident digne d'un
tel maître. Le peuple eft prêt à fe révolter.
Anaftafe témoigne fes allarmes fur cette
émeute au perfide Adrafte qui en eft l'auteur
fecret , & dont l'adreffe fcélérate fait
tomber le foupçon fur Juftin . Le Tyran
effrayé ordonne qu'on faffe entrer dans
Conftantinople les troupes étrangeres dévouées
à fa vengeance. Cependant Juftin
appaife l'orage excité par les fourdes intrigues
d'Adrafte & de Vitallien. L'Empereur
eft dépouillé des marques de fa dignité
& couvert de honte ; mais Juftin rejette
avec fermeté les hommages & le
fceptre qu'on lui préfente. Anaftafe raffermi
fur le Trône , rentre dans fon premier
caractere , & oubliant ce qu'il doit à
ce Héros , lui ordonne de juger Mégiſte
fon ami , qui lui a offert la Couronne. La
cruauté d'Anaſtaſe va plus loin : on eft fur
le point de voir périr Justin ainfi que Mé-
K iij
222 MERCURE DE FRANCE.
gifte par l'ordre de l'Empereur. Mais le
peuple qui veille à leur confervation , s'eſt
faifi de Trafille dont la vie doit répondre
pour la leur . Anaftafe court délivrer le
Prince fon neveu , mais il fe trouve invefti
de toutes parts par fes fujets , par
Vitallien à la tête des troupes étrangeres ,
& par Adrafte qui leve le mafque. Juſtin
vole une feconde fois au fecours du Tyran
qui avoit juré fa perte. Adrafte convaincu
de perfidie fubit le châtiment qu'il a mérité
, Trafille eft tué dans le combat , &
l'Empereur bleffé à mort , eft forcé de remettre
fon fceptre entre les mains de Juftin
plus digne de le porter. Ce dénouement
heureux fatisfait tous les fpectateurs,
& la piece entiere fait honneur au P. Geoffroi
par fa conduite & par les détails . Le
rôle d'Anaftafe a été parfaitement rendu
par M. le Vaffeur . Il mérite d'autant plus
d'éloge , qu'il n'en avoit été chargé que fix
jours avant la repréfentation de la Tragédie.
La maladie furvenue lors de l'exercice
à M. Guerin , occafionna au nouvel
Acteur un redoublement de travail & d'applaudiffemens
dont un pere refpectable a
partagé la joie. M. de Quinfonas fils de
M le Premier Préfident du Parlement de
Befançon , s'eft furpaffé dans celui de Juſtin.
MM. de Villefranche & Chalon ont
DECEMBRE. 1755. 223
rempli avec force les perfonnages d'Adrafte
& de Vitallien ; M. Varnier ne s'eft
pas moins bien acquitté de celui de Mégifte
, & MM. Miran & Thevenin ont été
également applaudis , l'un dans le rôle
de Trafille , & l'autre dans celui de Juftinien
.
On exécuta dans les entr'actes un Ballet
intitulé , la Profpérité. M. Dupré le
jeune & M. Dourdet en avoient compofé
les pas , & le P. Geoffroi , en avoit donné
l'idée. Il l'avoit partagé en quatre entrées
qui formoient chacune les différens caracteres
de la Profpérité avec autant de jufteffe
que d'efprit.
10. Les impreffions que fait une profpérité
naiffante . 2 °. Les avantages que
produit une profpérité bien établie. 3 ° . Les
vices qui déshonorent une profpérité mal
employée. 4°. Les reffources qui peuvent
rétablir une profpérité chancelante. Le ralent
de M. la Riviere , Directeur des Ballets
de la Comédie Françoife , brilla furtout
dans cette fête , & contribuà le plus
à fa réuffite. Après la diftribution des Prix
fondés par Sa Majefté , la Séance fut
agréablement
couronnée par un feu Chinois
de la compofition des fieurs Ruggieri.
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Résumé : PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
Le texte relate la représentation de la tragédie 'Juftin' au Collège de Louis le Grand le 6 août 1755 par les pensionnaires. Initialement prévue comme un extrait, la pièce a été réduite à un programme en raison de l'abondance des matières et des délais. L'action se déroule à Constantinople, dans le palais d'Anastase, un empereur impie, cruel et ombrageux. Une sédition pousse Anastase à se dépouiller des marques de sa dignité pour apaiser le peuple, mais cela réveille ses soupçons contre Justin, un Thrace d'origine modeste élevé aux plus hautes dignités de l'Empire grâce à sa foi et à sa générosité. La pièce commence avec Anastase et Adraste, son ministre et confident. Le peuple est prêt à se révolter, et Adraste, auteur secret de l'émeute, fait retomber les soupçons sur Justin. Anastase ordonne l'entrée de troupes étrangères pour réprimer la révolte. Justin apaise l'orage causé par les intrigues d'Adraste et de Vitalien. Anastase, rétabli sur le trône, ordonne à Justin de juger Mégiste, un ami qui lui a offert la couronne. Le peuple, veillant à la conservation de Justin et de Mégiste, se soulève. Anastase est blessé et contraint de remettre le sceptre à Justin, plus digne de le porter. Adraste est puni pour sa perfidie, et Trafille est tué dans le combat. Les rôles principaux ont été interprétés par des élèves du collège. M. le Vasseur a joué Anastase et a été félicité pour sa performance malgré un délai de préparation court. M. de Quinfonas a excellé dans le rôle de Justin. Les rôles d'Adraste et de Vitalien ont été joués par MM. de Villefranche et Chalon, tandis que M. Varnier a interprété Mégiste. MM. Miran et Thevenin ont été applaudis pour leurs rôles de Trafille et de Justinien, respectivement. Des ballets intitulés 'La Prosperité' ont été exécutés entre les actes, composés par M. Dupré le jeune et M. Dourdet, sous la direction du P. Geoffroi. Ces ballets illustraient différents aspects de la prospérité. La séance s'est conclue par une distribution de prix et un feu d'artifice chinois des frères Ruggieri.
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