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301
p. 8-17
LETTRE sur une Médaille Antique d'argent.
Début :
Puisque je vous ai promis, Monsieur, de vous dire ce [...]
Mots clefs :
Médaille antique d'argent, Hercules Adsertor, Abbé de Rothelin, Galba, Suétone, Fortuna
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur une Médaille Antique d'argent.
LETTRE sur une Médaille Antique
d'argent.
HERCULES ADSERTOR. La tête d'Hercule
represente un vieillard avec une longue
barbe en pointes et une couronne de Lau- rier. Et sur le revers TUNA. P. R.
une Divinité debout, dont on ne peut pas
bien distinguer les symboles , la Médaille
qui est fourée, étant gâtée en cet endroit.
Puisque le vous ai promis , Monsieur de vous dire ce que je pensois de cette Médaille qui est à Paris , dans le riche
Cabinet de M. l'Abbé de Rothelin , et
qui jusques icy peut passer pour être
unique ; je m'acquitte aujourd'hui de ma
parole par cette Lettre , où vous trou
verez mes conjectures sur cette Antique.
Je vous y propose, deux explications
l'une et l'autre a ses avantages et ses difficultez ; je me suis servi des premiers
et j'ai tâché de répondre aux autres. Je
re me flatte pas cependant d'avoir satisfait à tout , mais du moins ce que je vous
écris pourra donner envie à quelque autre plus habile de vous contenter sur ces
JANVIER. 1732.
et article , s'il vous prend envie de com
muniquer ma Lettre à vos amis.
La premiere explication , c'est que cette
Médaille peut fort bien se rapporter au
temps de la mort de Néron , et que sous
les traits d'un Hercule vieillard , ven
geur et protecteur de la liberté , on doit
reconnoître les traits de l'Empereur
Galba , qui , lors qu'il parvint à l'Empire
étoit âgé de 73 ans , et qui en délivrant
Rome d'un Prince qu'elle regardoit avec
justice , comme un Tyran , méritoit l'éloge qu'on donne icy au Dompteur des
Monstres , et dont , au rapport de l'Histoire , Julius-Vindex l'avoit déja flatté ,
lors qu'il l'engagea à prendre les Armes
Hortantis ut humanogeneri assemorem Ducemque se accommodaret.
Outre cette convenance , vous remar
querez , s'il vous plaît , que l'épithéte
d'ADSERTOR , Sur les Médailles , est contemporaine de Galba (a) , puis qu'elle se
trouve sur un grand Bronze ( b ) de Ves
pasien. S. P. Q. R. ADSERTORI LIBERTATIS PUBLICE , dans une Couronne de chêne.
Cette observation paroît legere , mais
elle ne le sera pas pour vous , Monsieur ,
qui sçayez de quel poids sont ces ressem-
(a )Dans la vie de Galba , n. 96
b) Le P. Hardouin, page 731, chap. 2.
B blances
to MERCURE DE FRANCE
blances sur les Médailles. Le grand prin
cipe des Antiquaires et le plus sûr étant
d'expliquer ces monumens les uns par les
autres. Le Titre d'Adsertor , au reste , est
tres- rare sur les Monnoyes ; et outre ces
deux cy , je n'en connois qu'une troisiéme où il se rencontre. J'aurai occasion de
la rapporter plus bas.
Le Revers , FORTUNA P. R. Car je ne
crois pas qu'on me conteste qu'il ne faille
ainsi restituer la légende,ceRevers, dis- je,
convient encore fort bien à l'époque que
je donne à la Médaille et à Galba en particulier, Premierement il ne faut qu'ouvrir
lesHistoriens, et faire quelque attention au
triste état où Rome se trouvoit réduite
par la tyrannie de Néron , pour se convaincre que le plus grand bonheur qui
pût arriver à l'Empire , étoit de se voir
délivré d'un tel Prince. Aussi on ne peut
exprimer la joïe que ressentit tout ce vaste Corps , quand il en apprit la mort.
Adeò cuncta Provincia, dit(a)Aurelius Victor , omnisque Roma interitu ejus exultavit
ut plebs induta pileis manumissionum , tanquam savo exemto domino , triumpharet , ct
c'est ce qui nous est confirmé par les Médailles de Galba , où l'on voit : LIBERTAS
RESTITUTA FELICITAS PUBLICA FORTUNE
(a ) Epitome , 13,
REDUC
JANVIER. 1732. TI
REDUCI FELICITAS BONI EVENTUs; et autrès
Inscriptions semblables.
Pour ce qui regarde plus particulierement Galba , Suetone rapporte que cè
Prince étant encore jeune , songea une
nuit que la fortune lui disoit, que se trou
vant lasse , elle se reposoit sur sa porte ,
qu'il la fit entrer chez lui au plutôt , sinon qu'elle seroit enlevée par quelques
autres ; que s'étant réveillé là - dessus , et
ayant fait ouvrir son appartement , il
avoit effectivement trouvé une image de
bronze de cette Déesse , à qui depuis il
avoit toujours continué de rendre un culte particulier.Suétone place cette avanture parmi les pronostics qu'eut ce Prin
ce , qu'un jour il regneroit. Il n'est donc
pas surprenant que sur uneMédaille frappée pour lui , on ait representé cette mê
me Fortune, qui de protectrice de Galba , simple particulier , étoit devenuë par
son avénement à l'Empire , une Divinité
commune à tous les Romains. FORTUNA
P. R.
Il est inutile d'observer que le manquè
du nom du Prince sur la Médaille n'empêche pas qu'on ne la puisse donner à
Galba; puisque tous les Antiquaires lui en
attribuent plusieurs semblables ; telle est
(a) celle d'argent, que j'ai citée plus haut
(a )Le P. Hardoüin , pag. 728. ch. I
Bij E
12 MERCURE DE FRANCE
FELICITAS BONÍ EVENTUS , avec la tête de la
Félicité ; et au revers , deux mains , qui
tiennent un Caducée , P. R. PAX. Outre
qu'on peut ajouter que ces Médailles ont
été frappées à Rome , immédiatement
après la mort de Néron , dans le dans le temps
où Galba étant encore absent,on pouvoit
n'avoir aucun de ses portraits , et sur tout
ignorer quels titres il vouloit qu'on lui donnât sur la Monnoye.
"
Je viens à la seconde Explication :
M. Patin , dans son ( a ) Suétone , a fait
graver une Médaille d'argent , ou ďun
côté est la tête d'une femme voilée , au
devant de laquelle est une branche de
Laurier , et pour Légende : LIBERTAS RESTITUTA; au Revers,Mars debout , tenant
un Bouclier d'une main , er un Trophée
de l'autre, et ces lettres : MARS ADSERŢOR,
Cet Auteur , sans expliquer autrement la
Médaille , la place parmi celles que les
conjurez contre Jules César , firent
frapper après la mort de ce grand homme , comme des monumens de la liberté
qu'ils crurent avoir rendue à leur patrie,
Il seroit difficile de lui donner une autre Explication , et je ne doute point
que M. Vaillant dans son ouvrage des
Consulaires , n'en ait jugé de même. Or
(a) Page 63.
-
Vous
JANVIER.. 1732. 13
-
Yous conviendrez , M. que cette Médaille
et celle de M. l'Abbé de Rothelin , ont
entr'elles un grand rapport. En effet, quoi
de plus semblable que Mars et Hercule ,
fun comme l'autre , Vengeurs et Protecteurs de la liberté opprimée. ADSERTOR , les
autres Légendes de ces deux Médailles ne
vous disent elles pas la même chose ;
puisque le bonheur du peuple Romain
FORTUNA P. R. ne vient que de la liberté.
qui lui est rendue 2 LIBERTAS RESTITUTA ,
que l'une est l'effet , l'autre la cause ? ou
plutôt que toutes les deux sont produites
par la mort d'un Prince que des gens
accoutumez à vivre en République, pouvoient , avec quelque raison , regardes
comme un Tyran? Je ne m'arrêterai pas
à continuer ce Parallele , il est aisé de
conclure par le peu que j'en ai fait remarquer , que le même motifa fait battre les deux Médailles , et qu'elles sont
l'ouvrage des Meurtriers de Jules- César.
On m'a fait une objection qui mérite
d'être examinée ; à sçavoir , qu'on vois
bien la part que Mars peut avoir dans la
mort de Jules- César. C'étoit à ce Dieu
que les Romains devoient leur origine et
les interêts de ce peuple étoient les fiens 'mais pour Hercule , on ne voit rien de
semblable et il s'en falloit beaucoup
Biij que
"
14 MERCURE DE FRANCE
que ce Dieu jouat à Rome un aussi grand
rôle que Mars; ainsi nulle comparaison
à faire des Médailles , qui portent l'image de l'un , avec celles qui portent la
tête de l'autre.
apJe réponds à cela , 1 ° . que les Pontifes
Romains , c'est-à- dire , ceux à qui il
partenoit de prononcer sur tout ce qui
regardoit les Dieux , ne faisoient de Mars
et d'Hercule qu'une même Divinité. C'est-
( a ) Macrobe qui nous l'apprend : Quia·
is Deus , dit cet Auteur , en parlant du
dernier , et apud Pontifices idem qui et.
Mars habetur.
2º. A ne regarder Hercule que comme
une Divinité distincte et séparée , on ne
peut disconvenir qu'il ne fut tres- considérable à Rome. Son culte plus ancien,
que cette Ville , avoit commencé en Italie du vivant de ce Héros ; les Romains
Pavoient réçu en s'établissant , et on peut
juger de son étendue par le grand nom..
bre deTemples et de Statues qui lui étoient conservez. P. Victor nous en a laissé le
dénombrement ; mais ce qui fait le plus à
notre sujet , c'est que les premieres Monnoyes que firent fraprer les Romains , et
qui portoient une Proie de Vaisseau
empreinte d'un côté , paroissent égale-.
(a) Saturn. lib. 3. cap. 12.
ment
JANVIER. 1732.
ment de l'autre , avec la tête d'Hercule
comme avec celles de Janus et de Mars
d'où il est aisé d'inférer qu'il falloit que
ce Dieu fut une des Divinitez protectrices de Rome.
·
-
3. Un autre motifpeut avoir enga
gé les Monétaires à mettre la tête d'Her
cule sur cette Médaille. On sçait combien
ce Dieu étoit honoré à Corinthe. (a)Pau,
sanias et les Médailles nous en font foy ;
peut être par l'image de ce Dieu a
t- on voulu marquer l'origine que Brutus tiroit de cette Ville ; par Tarquin
Pancien , de la fille duquel il descendoit.
Ma conjecture se trouve appuyée par
(b ) M. Beger , dans l'explication qu'il a
donnée d'une Medaille du Cabinet det
Brandebourg , où l'on voit d'un côté une
tête couverte d'un Casque , derriere la
quelle est une massuë; et au Revers , ce
mot , ROMANO, étoit écrit sous une Louve qui allaicte deux enfans. Il n'en a pas
fallu davantage à cet Auteur , que cette
massuë , pour lui faire soupçonner que la
tête casquée étoit celle d'un des Tar
quins précisément , parce que ces Princes
venoient de Corinthe,et qu'Hercule, dont
la massuë est le symbole , étoit un des
(a ) Lib. 20
(b )Tom. 1. pag. 33.80 B. iiij Dieux
16 MERCURE DE FRANCE
Dieux Tutelaires de cette Ville. Si cette
observation a lieu , voilà l'état de la Médaille que nous examinons tout- à- fair
determiné. Elle est consulaire, et doit être
placée avec celles de la famille de Junia.
Au reste , cette Medaille , pour le dire en
passant, peut servir à determiner la leçond'une autre , de la famille de Sicinia , oùl'on lit FORT. P. R. ( a ) que Fulvius Ursi- nus , aussi- bien que M. Patin,qui n'a rien
changé à cet endroit , explique par FORTITUDO P. R. et qu'il faut lire avec (b )
M. Spanheim, FORTUNA P.R. Comme dans
la Médaille de M. de Rothelin.
Voilà , M. à peu près tout ce que j'avois à dire; il ne me reste plus qu'un mot
à ajouter , et qui encore ne regarde que
la Médaille , sans rien ôter aux explications. Par les vestiges qui restent des Lettres effacées par la rouille , il paroît qu'il
y en avoit plus que le mot de FORTUNA
P. R. n'en comprend , et il s'agit d'y suppléer. Je crois qu'on ne le peut mieuxfaire que par l'Epithete de BONA , qui a
été donnée sur les Médailles à d'autres Divinitez du même rang. ( c) BON. EVENT.
(a )Famil. Rom. 263.
(b) De Usu et Pras. Num. pag. 575.
(c) Med. de lafamille Scribonia,
BONA
JANVIER 17320- 57
(a ) BONÆ SPEI. (b) BONO GENIO IMP. et àla
fortune , elle-même sous Gallien , BONE
FORTUNÆ. Outre que vous sçavez mieux
que moi que,dès le temps de la Républi- que , cette Divinité étoit adorée dans le
Ĉapitole , sous le nom de favorable : Boni
eventus , et Bona fortune simulacra in Capi».
tolio. Pline , liv. 36. cap. 5.
Je suis , Monsieur , &c..
( a ) Med. de Pescen. Nigers.
(b) Med. de Maximin d'Aza...
AOrleans „ ce 5 , Oct. 1731 ..
d'argent.
HERCULES ADSERTOR. La tête d'Hercule
represente un vieillard avec une longue
barbe en pointes et une couronne de Lau- rier. Et sur le revers TUNA. P. R.
une Divinité debout, dont on ne peut pas
bien distinguer les symboles , la Médaille
qui est fourée, étant gâtée en cet endroit.
Puisque le vous ai promis , Monsieur de vous dire ce que je pensois de cette Médaille qui est à Paris , dans le riche
Cabinet de M. l'Abbé de Rothelin , et
qui jusques icy peut passer pour être
unique ; je m'acquitte aujourd'hui de ma
parole par cette Lettre , où vous trou
verez mes conjectures sur cette Antique.
Je vous y propose, deux explications
l'une et l'autre a ses avantages et ses difficultez ; je me suis servi des premiers
et j'ai tâché de répondre aux autres. Je
re me flatte pas cependant d'avoir satisfait à tout , mais du moins ce que je vous
écris pourra donner envie à quelque autre plus habile de vous contenter sur ces
JANVIER. 1732.
et article , s'il vous prend envie de com
muniquer ma Lettre à vos amis.
La premiere explication , c'est que cette
Médaille peut fort bien se rapporter au
temps de la mort de Néron , et que sous
les traits d'un Hercule vieillard , ven
geur et protecteur de la liberté , on doit
reconnoître les traits de l'Empereur
Galba , qui , lors qu'il parvint à l'Empire
étoit âgé de 73 ans , et qui en délivrant
Rome d'un Prince qu'elle regardoit avec
justice , comme un Tyran , méritoit l'éloge qu'on donne icy au Dompteur des
Monstres , et dont , au rapport de l'Histoire , Julius-Vindex l'avoit déja flatté ,
lors qu'il l'engagea à prendre les Armes
Hortantis ut humanogeneri assemorem Ducemque se accommodaret.
Outre cette convenance , vous remar
querez , s'il vous plaît , que l'épithéte
d'ADSERTOR , Sur les Médailles , est contemporaine de Galba (a) , puis qu'elle se
trouve sur un grand Bronze ( b ) de Ves
pasien. S. P. Q. R. ADSERTORI LIBERTATIS PUBLICE , dans une Couronne de chêne.
Cette observation paroît legere , mais
elle ne le sera pas pour vous , Monsieur ,
qui sçayez de quel poids sont ces ressem-
(a )Dans la vie de Galba , n. 96
b) Le P. Hardouin, page 731, chap. 2.
B blances
to MERCURE DE FRANCE
blances sur les Médailles. Le grand prin
cipe des Antiquaires et le plus sûr étant
d'expliquer ces monumens les uns par les
autres. Le Titre d'Adsertor , au reste , est
tres- rare sur les Monnoyes ; et outre ces
deux cy , je n'en connois qu'une troisiéme où il se rencontre. J'aurai occasion de
la rapporter plus bas.
Le Revers , FORTUNA P. R. Car je ne
crois pas qu'on me conteste qu'il ne faille
ainsi restituer la légende,ceRevers, dis- je,
convient encore fort bien à l'époque que
je donne à la Médaille et à Galba en particulier, Premierement il ne faut qu'ouvrir
lesHistoriens, et faire quelque attention au
triste état où Rome se trouvoit réduite
par la tyrannie de Néron , pour se convaincre que le plus grand bonheur qui
pût arriver à l'Empire , étoit de se voir
délivré d'un tel Prince. Aussi on ne peut
exprimer la joïe que ressentit tout ce vaste Corps , quand il en apprit la mort.
Adeò cuncta Provincia, dit(a)Aurelius Victor , omnisque Roma interitu ejus exultavit
ut plebs induta pileis manumissionum , tanquam savo exemto domino , triumpharet , ct
c'est ce qui nous est confirmé par les Médailles de Galba , où l'on voit : LIBERTAS
RESTITUTA FELICITAS PUBLICA FORTUNE
(a ) Epitome , 13,
REDUC
JANVIER. 1732. TI
REDUCI FELICITAS BONI EVENTUs; et autrès
Inscriptions semblables.
Pour ce qui regarde plus particulierement Galba , Suetone rapporte que cè
Prince étant encore jeune , songea une
nuit que la fortune lui disoit, que se trou
vant lasse , elle se reposoit sur sa porte ,
qu'il la fit entrer chez lui au plutôt , sinon qu'elle seroit enlevée par quelques
autres ; que s'étant réveillé là - dessus , et
ayant fait ouvrir son appartement , il
avoit effectivement trouvé une image de
bronze de cette Déesse , à qui depuis il
avoit toujours continué de rendre un culte particulier.Suétone place cette avanture parmi les pronostics qu'eut ce Prin
ce , qu'un jour il regneroit. Il n'est donc
pas surprenant que sur uneMédaille frappée pour lui , on ait representé cette mê
me Fortune, qui de protectrice de Galba , simple particulier , étoit devenuë par
son avénement à l'Empire , une Divinité
commune à tous les Romains. FORTUNA
P. R.
Il est inutile d'observer que le manquè
du nom du Prince sur la Médaille n'empêche pas qu'on ne la puisse donner à
Galba; puisque tous les Antiquaires lui en
attribuent plusieurs semblables ; telle est
(a) celle d'argent, que j'ai citée plus haut
(a )Le P. Hardoüin , pag. 728. ch. I
Bij E
12 MERCURE DE FRANCE
FELICITAS BONÍ EVENTUS , avec la tête de la
Félicité ; et au revers , deux mains , qui
tiennent un Caducée , P. R. PAX. Outre
qu'on peut ajouter que ces Médailles ont
été frappées à Rome , immédiatement
après la mort de Néron , dans le dans le temps
où Galba étant encore absent,on pouvoit
n'avoir aucun de ses portraits , et sur tout
ignorer quels titres il vouloit qu'on lui donnât sur la Monnoye.
"
Je viens à la seconde Explication :
M. Patin , dans son ( a ) Suétone , a fait
graver une Médaille d'argent , ou ďun
côté est la tête d'une femme voilée , au
devant de laquelle est une branche de
Laurier , et pour Légende : LIBERTAS RESTITUTA; au Revers,Mars debout , tenant
un Bouclier d'une main , er un Trophée
de l'autre, et ces lettres : MARS ADSERŢOR,
Cet Auteur , sans expliquer autrement la
Médaille , la place parmi celles que les
conjurez contre Jules César , firent
frapper après la mort de ce grand homme , comme des monumens de la liberté
qu'ils crurent avoir rendue à leur patrie,
Il seroit difficile de lui donner une autre Explication , et je ne doute point
que M. Vaillant dans son ouvrage des
Consulaires , n'en ait jugé de même. Or
(a) Page 63.
-
Vous
JANVIER.. 1732. 13
-
Yous conviendrez , M. que cette Médaille
et celle de M. l'Abbé de Rothelin , ont
entr'elles un grand rapport. En effet, quoi
de plus semblable que Mars et Hercule ,
fun comme l'autre , Vengeurs et Protecteurs de la liberté opprimée. ADSERTOR , les
autres Légendes de ces deux Médailles ne
vous disent elles pas la même chose ;
puisque le bonheur du peuple Romain
FORTUNA P. R. ne vient que de la liberté.
qui lui est rendue 2 LIBERTAS RESTITUTA ,
que l'une est l'effet , l'autre la cause ? ou
plutôt que toutes les deux sont produites
par la mort d'un Prince que des gens
accoutumez à vivre en République, pouvoient , avec quelque raison , regardes
comme un Tyran? Je ne m'arrêterai pas
à continuer ce Parallele , il est aisé de
conclure par le peu que j'en ai fait remarquer , que le même motifa fait battre les deux Médailles , et qu'elles sont
l'ouvrage des Meurtriers de Jules- César.
On m'a fait une objection qui mérite
d'être examinée ; à sçavoir , qu'on vois
bien la part que Mars peut avoir dans la
mort de Jules- César. C'étoit à ce Dieu
que les Romains devoient leur origine et
les interêts de ce peuple étoient les fiens 'mais pour Hercule , on ne voit rien de
semblable et il s'en falloit beaucoup
Biij que
"
14 MERCURE DE FRANCE
que ce Dieu jouat à Rome un aussi grand
rôle que Mars; ainsi nulle comparaison
à faire des Médailles , qui portent l'image de l'un , avec celles qui portent la
tête de l'autre.
apJe réponds à cela , 1 ° . que les Pontifes
Romains , c'est-à- dire , ceux à qui il
partenoit de prononcer sur tout ce qui
regardoit les Dieux , ne faisoient de Mars
et d'Hercule qu'une même Divinité. C'est-
( a ) Macrobe qui nous l'apprend : Quia·
is Deus , dit cet Auteur , en parlant du
dernier , et apud Pontifices idem qui et.
Mars habetur.
2º. A ne regarder Hercule que comme
une Divinité distincte et séparée , on ne
peut disconvenir qu'il ne fut tres- considérable à Rome. Son culte plus ancien,
que cette Ville , avoit commencé en Italie du vivant de ce Héros ; les Romains
Pavoient réçu en s'établissant , et on peut
juger de son étendue par le grand nom..
bre deTemples et de Statues qui lui étoient conservez. P. Victor nous en a laissé le
dénombrement ; mais ce qui fait le plus à
notre sujet , c'est que les premieres Monnoyes que firent fraprer les Romains , et
qui portoient une Proie de Vaisseau
empreinte d'un côté , paroissent égale-.
(a) Saturn. lib. 3. cap. 12.
ment
JANVIER. 1732.
ment de l'autre , avec la tête d'Hercule
comme avec celles de Janus et de Mars
d'où il est aisé d'inférer qu'il falloit que
ce Dieu fut une des Divinitez protectrices de Rome.
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3. Un autre motifpeut avoir enga
gé les Monétaires à mettre la tête d'Her
cule sur cette Médaille. On sçait combien
ce Dieu étoit honoré à Corinthe. (a)Pau,
sanias et les Médailles nous en font foy ;
peut être par l'image de ce Dieu a
t- on voulu marquer l'origine que Brutus tiroit de cette Ville ; par Tarquin
Pancien , de la fille duquel il descendoit.
Ma conjecture se trouve appuyée par
(b ) M. Beger , dans l'explication qu'il a
donnée d'une Medaille du Cabinet det
Brandebourg , où l'on voit d'un côté une
tête couverte d'un Casque , derriere la
quelle est une massuë; et au Revers , ce
mot , ROMANO, étoit écrit sous une Louve qui allaicte deux enfans. Il n'en a pas
fallu davantage à cet Auteur , que cette
massuë , pour lui faire soupçonner que la
tête casquée étoit celle d'un des Tar
quins précisément , parce que ces Princes
venoient de Corinthe,et qu'Hercule, dont
la massuë est le symbole , étoit un des
(a ) Lib. 20
(b )Tom. 1. pag. 33.80 B. iiij Dieux
16 MERCURE DE FRANCE
Dieux Tutelaires de cette Ville. Si cette
observation a lieu , voilà l'état de la Médaille que nous examinons tout- à- fair
determiné. Elle est consulaire, et doit être
placée avec celles de la famille de Junia.
Au reste , cette Medaille , pour le dire en
passant, peut servir à determiner la leçond'une autre , de la famille de Sicinia , oùl'on lit FORT. P. R. ( a ) que Fulvius Ursi- nus , aussi- bien que M. Patin,qui n'a rien
changé à cet endroit , explique par FORTITUDO P. R. et qu'il faut lire avec (b )
M. Spanheim, FORTUNA P.R. Comme dans
la Médaille de M. de Rothelin.
Voilà , M. à peu près tout ce que j'avois à dire; il ne me reste plus qu'un mot
à ajouter , et qui encore ne regarde que
la Médaille , sans rien ôter aux explications. Par les vestiges qui restent des Lettres effacées par la rouille , il paroît qu'il
y en avoit plus que le mot de FORTUNA
P. R. n'en comprend , et il s'agit d'y suppléer. Je crois qu'on ne le peut mieuxfaire que par l'Epithete de BONA , qui a
été donnée sur les Médailles à d'autres Divinitez du même rang. ( c) BON. EVENT.
(a )Famil. Rom. 263.
(b) De Usu et Pras. Num. pag. 575.
(c) Med. de lafamille Scribonia,
BONA
JANVIER 17320- 57
(a ) BONÆ SPEI. (b) BONO GENIO IMP. et àla
fortune , elle-même sous Gallien , BONE
FORTUNÆ. Outre que vous sçavez mieux
que moi que,dès le temps de la Républi- que , cette Divinité étoit adorée dans le
Ĉapitole , sous le nom de favorable : Boni
eventus , et Bona fortune simulacra in Capi».
tolio. Pline , liv. 36. cap. 5.
Je suis , Monsieur , &c..
( a ) Med. de Pescen. Nigers.
(b) Med. de Maximin d'Aza...
AOrleans „ ce 5 , Oct. 1731 ..
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Résumé : LETTRE sur une Médaille Antique d'argent.
La lettre examine une médaille antique en argent conservée par l'Abbé de Rothelin à Paris. Cette médaille présente Hercule sur l'avers et une divinité sur le revers. L'auteur propose deux interprétations possibles pour cette médaille. La première explication suggère que la médaille date de la mort de Néron et représente Galba, empereur de 73 ans, sous les traits d'Hercule. Galba est perçu comme un vengeur et protecteur de la liberté, ayant libéré Rome de Néron. L'épithète 'ADSERTOR' sur la médaille est contemporaine de Galba et apparaît également sur un bronze de Vespasien. Le revers, 'FORTUNA P. R.', est approprié pour cette période, symbolisant la joie de Rome après la mort de Néron. La seconde explication, avancée par M. Patin, situe la médaille parmi celles frappées après la mort de Jules César par les conjurés, célébrant la liberté retrouvée. La médaille de M. Patin montre Mars, protecteur de la liberté, et présente des similitudes avec celle de l'Abbé de Rothelin. L'auteur répond à une objection en expliquant que les Romains considéraient Mars et Hercule comme une même divinité, Hercule étant également une divinité protectrice de Rome. L'auteur conclut en proposant de compléter les lettres effacées sur la médaille par l'épithète 'BONA', comme sur d'autres médailles similaires. La lettre est datée de janvier 1732.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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302
p. 88-98
RÉFLÉXIONS sur la bizarerie de differens usages qui ont paru et qui paroissent encore dans le monde. Par M. CAPERON, ancien Doyen de S. Maxent.
Début :
Personne ne peut douter que le guide naturel que Dieu [...]
Mots clefs :
Usages, Monde, Bizarrerie, Satisfaction des sens, Satisfaction des inclinations, Vue, Cheveux, Barbe, Ouïe, Odorat
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLÉXIONS sur la bizarerie de differens usages qui ont paru et qui paroissent encore dans le monde. Par M. CAPERON, ancien Doyen de S. Maxent.
REFLEXIÓNS sur la bizarerie de dif
ferens usages qui ont paru et qui paroissent encore dans le monde. Par M. CAPPERON , ancien Doyen de S. Maxent..
P
Ersonne ne peut douter que le guide naturel que Dieu a donné à l'hom
me, ne soit sa raison ; il ne devroit donc
rien entreprendre , qu'après avoir réflé
chi sérieusement sur tous les rapports de
perfection qui peuvent se trouver , soir
dans les choses qu'il recherche , soit dans.
les actions qu'il veut faire , afin de ne se
déterminer , qu'à ce qu'il jugeroit alors
être le plus convenable , le plus conforme à l'ordre , à la droite raison et au bon
sens
JANVIER. 1732. 89
sens. Sans doute , s'il agissoit toujours de
la softe , tout ce qu'il feroit seroit parfaitement raisonnable , et il ne s'y trouveveroit jamais n'y bizarrerie , ni extravagance.
Mais il s'en faut beaucoup que la plus
grande partie des hommes en agissent ain
si ; la nature corrompuë donnant trop de
pouvoir à leurs passions, l'attrait trop vic
lent de ces passions fait plus d'impression
sur leur esprit que la pure raison et la penre à suivre plutôt l'impulsion des unes, que:
la lumiere de l'autre , étant plus grande
ils s'y abandonnent volontiers ; ce qui fait
qu'ils donnent aveuglement dans une infinité de bizareries et d'excès, dontils n'ap--
perçoivent pas alors le ridicule.
Cependant comme toutes les personnes sensées doivent se faire une gloire:
d'être raisonnable; puisque c'est leur plus
glorieux privilege ; j'espere que je ferai
plaisir à tous ceux qui sont de cet heureux
caractere , si je leur mets devant les yeux
diverses bizaréries, qui ont paru et qui pa
roissent tous les jours dans quantité d'u--
sages qui s'introduisent dans le monde
afin que le caprice de ceux qui les ont:
précédez , les frappant davantage , ils :
puissent donner moins dansd'autres usa
ges , qui ne vaudroient pas mieux.
8
E v IN
90 MERCURE DE FRANCE
·
Il est donc à propos de sçavoir que généralement tous les usages tirent leur origine de deux principes , du désir de satisfaire les sens , ou du désir de satisfaire .
les autres inclinations dont les hommes
sont capables ; ainsi je parlerai dabord
de la bizarerie des usages qui ont rapport -
aux sens , ct je ferai ensuite la même chose à l'égard des usages qui viennent du
désir de satisfaire les autres inclinations ,
naturelles.
Pour commencer par le sens de la vûe ,
je trouve peu de choses à remarquer sur ,
la bizarcrie qui a pû s'introduire dans l'u
sage de ce sens je n'en vois qu'une seule .
qui me paroît des plus singulieres ; sçavoir , celle qui s'est établie en Espagne et
en Portugal , où loin de ne se servir de
lunettes que pour aider aux besoins de la
vue; les personnes qui ont voulu se rendre respectables , cr se donner un air de
gravité , ont affecié de ne paroître dans.
les occasions de cérémonie , qu'avec des.
lunettes sur le n: z; et cela non seulementles personnes âgées , mais même les jeunes et ce qui est de plus surprenant ,
jusqu'aux jeunes Dames.
Čet usage bizare parut sur tout fort
extraordinaire aux Religieuses Ursulines
de Rouen, qui passerent à la Louisiane
il
JANVIER 1732. 91 .
ily a quatre ans , sçavoir en 1727. C'est
une de ces Dames qui le dit dans sa se--
conde Lettre, imprimée à Rouen , l'année
suivante , chez Antoine lePrevôt. Après,
avoir rapporté , comme elles aborderent
àl'Ifle de Madere, qui appartient aux Portugais , qu'elles relâcherent à la rade de la
Ville de FUNCHAL, qui est la principale de
P'Isle ; elle ajoute , que quantité de personnes de la Ville les étant venu voir
elles furent extrêmement surprises
quand parmi les Religieux qui vinrent
les saluer , elles apperçurent qu'il y en
avoit plusieurs , lesquels pour le faire
avec plus de gravité , avoient de grandes
Lunettes , à la mode de Portugal ; elles en:
remarquerent même un assez jeune , lequel voulant lire , fut obligé de les ôter
de dessus son nez. C'est à l'occasion de
cet usage bizare , introduit par les Espa--
gnols , qu'un Poëte a dit :
Mais le bonair chez cette Nation ,
Pour les Sçavans , c'est de porter Lunettes ;;
Couvrir ses yeux de deux glaces bien nettes ,
Leur est motif de vénération.
Mais si ce qui facilite le sens de la vue
a produit peu de bizareries , il n'y a rien
en revanche qu'on n'ait imaginé pour
Favj satis
2 MERCURE DE FRANCE
satisfaire ce sens ; car que de bizareries
differentes n'a-t- on pas vû se succeder
dans les vêtemens , dans les ameublemens
et dans une infinité d'autres choses ?
comme je ne finirois pas , si je voulois
entrer dans ce détail , je me fixerai ici
à quelque chose qui regarde l'homme de
plus pès ; en m'attachant principalement à quelques usages qui se sont for
mez dans differens temps , pour donner
à sa tête un prétendu caractere de beauté ; parce que c'est la partie principale
de son corps , par laquelle il veut plaire
le plus à la vue : Totus homo in vultu est.
Commençons par les Cheveux ; que de
figures bizares ne leur- a- t-on pas donné ?
Dans le grand nombre que je pourrois
citer , je ne parlerai que d'une seule , quifit grand bruit à la fin du x1 siecle , et
au commencement du XII. Les hommes
se mirent alors dans l'usage , de porter
de long cheveux, ce qu'ils ne faisoient pas
auparavant.Cet usage parut d'autant plus :
bizare pour des chrétiens , que Saint Paul
même avoit dit , que la nature enseignoit,
qu'il ne convenoit pas à l'homme d'avoir
les cheveux longs : Ipsa natura docet , (a) :
dit cet Apôtre ; et qu'il ne peut les por--
ter ainsi qu'à sa honte et à sa confusion .
(a) Ep. I. ad Corinh.cap. 11.
Igno
JANVIER 1732. 93
Ignominia est illi , que cela ne convenoit
qu'à la femme : Gloria est illi.
Cet usage parut donc alors si opposé à
la droite raison , que les Evêques s'éleverent avec force contre cette nouveauté..
Ils crurent ne pas trop faire , que d'employer les plus grandes censures de l'Egli
sepour la réprimer.. Un Concile tenu à
Rouen , sous l'Archevêque Guillaume I.
l'an 1096. ( a ) ordonna en conséquence ,
que ceux qui porteroient de longs che
veux , seroient exclus de l'Eglise pendant
leur vie , et qu'on ne prieroit pas Dieu
pour eux après leur mort: En 1104. Serfon , Evêque de Sécz , prêchant à Carentan , devant le Roy d'Angleterre Henry I:
et toute sa Cour , parla avec tant de véhemence contre cet usage , que le Roy et
ses Courtisans se firent tous couper les
cheveux au même instant.
Il arriva à peu près la même chose à
Amiens. L'Evêque Godefroi qui étoit
contemporain , animé du même zéle ,
voyant que plusieurs assistoient à la Messe
de Noël , à laquelle il officioit , portant:
encore les cheveux longs ; i les refusa
tous à l'offrande ; ce qui leur fit une telle
( a ) Histoire des Archevêques de Rouen , par le
P. Pommeraye , Benedictin. Eloge de Guillaume I.
chap. 8. page 295..
impres
94 MERCURE DE FRANCE
Y
impression , que pour y être admis¸ ils sex
les couperent sur le champ avec leurs
couteaux. On peut raisonnablement présumer que les Evêques de ce temps- là au
roient sans doute fait beaucoup plus de
bruit , s'ils avoient vu les hommes faire
couper les longs cheveux des femmes pour
en orner leurs têtes ; peut-être se seroientils autorisez du Concile de Gangre , tenu
en 324. qui deffend aux femmes de se
couper les cheveux. On peut douter au
reste si leur zéle auroit été selon la
science.
Des cheveux , passons à la barbe , au
sujet de laquelle nous ne trouverons pas
moins de bizarerie ; l'usage ancien a été
de la porter longue : Tel fut , par exemple , l'Empereur Othon ( a ) qui le premier établit l'usage en Allemagne de
porter de longues barbes ; il se faisoit tant
d'honneur de celle qu'il portoit , que son
plus gros serment étoit du jurer par sa
barbe , ce qui introiduisit l'usage de ce
serment dans toute l'Allemagne.
En France , du temps de François I. les
longues barbes étoient fort en usage , et
les Ecclesiastiques en étoient les plus curieux ; ce qui donna lieu à ce Prince, qui
(a ) Paul Hacheb. Eclairciss. sur ce qui s'est
passé en Allemagne...
VOU
JANVIER.. 1732 955
vouloit tirer de l'argent du Clergé, d'obtenir du Pape un Bref , qui ordonnoit
à tous les Ecclesiastiques de se faire razer
la barbe, s'ils n'aimoient mieux se dispenser de cette Loy , en donnant certaine -
somme , qu'ils payerent volontiers ; plus .
disposez à ouvrir leur bourse , qu'à perdre leur barbe ( a ). Cela contribua , sans .
doute , à faire diminuer l'usage des longues barbes , et à les rendre méprisables ;
puisqu'on obligea dans la suite ceux qui i
vouloient entrer dans les premieres Magistratures à se la faire razer. On voit
en effet , que François Olivier ne put en- trer au Parlement comme Maître des
Requêtes, en 1536. qu'à la charge de faire
couper sa longue barbe ( b ) . Plusieurs
Magistrats subalternes ne laisserent pas..
de la conserver ; le dernier qui l'a portée
dans cetteVille, à été M.Richard Mithon,,
Baillif et Juge criminel du Comté d'Eu ,
qui vivoit au commencement du dernier
siécle ; érant mort vers l'an 1626. Plusieurs Ecclesiastiques l'ont conservée jusqu'à la minorité de Louis XIV. quelquesuns même ont été plus loin.
L'estime qu'on a faite de la barbé en cer
( a ) Theod. Zuing. Theatr. vit& humane. Lib. 3.›.
(b) Oeuvres milées de l'Abbé de S.Réal. Diss...
4. de l'usage de l'hist.. taine ,
MERCURE DE FRANCE
tains temps du Paganisme , a encore donné lieu à un autre usage assez singulier
qui consistoit à croire , que c'étoit un présent digne de la Divinité que de lui offrir
ce qu'on en coupoit la premiere fois. Les
Grecs et les Romains consacroient ces
prémices de la barbe , ou à des Fleuves
ou aux Tombeaux de leurs amis, ou enfin
àApollon( ) , Er chez lesChrétiens mêmes,
il a été un temps, où c'étoit l'usage, que la.
premiere fois qu'on coupoit la barbe aux
Ecclesiastiques on la benissoit, et on consacroit à Dieu ce qu'on en avoit coupé ( b ).
En passant de la barbe et des cheveux au
teint du visage , je trouve que pour le
rendre plus agréable , il a eu aussi ses bizareries. Car n'en étoit- ce pas une chez
les Romains , que de s'estimer d'autant
plus beaux, qu'ils avoient le teint du visage plus bazané ? jusqucs-là que pour le
rendre tel , ils s'exposoient aux rayons du
Soleil. C'étoit le conseil qu'Ovide donnoit aux jeunes gens de son temps , pour
se rendre plus agréables aux Dames.
Munditia placeant; fulcentur Corpora campo. ( c )
Etoit ce autrefois une bizarerie à nos
(a )Vigenere , Tab.. de Philost. Tab. d'Anti-
·loq. pag. 341.
( b ) Dict. de Furet. verbo barbe.
c) De Arte Aman……
Dames
JANVIER. 1732. 57
Dames , de n'oser faire un pas sans avoir
un masque sur le visage pour conserver la
fraîcheur de leur teint ? où en est- ce une
aujourd'hui , de n'en plus porter du tout'
C'est une bizarerie ridicule aux femmes
des Sauvages , de prétendre orner leur visage en y attachant des figures d'arbres
ou d'animaux , comme Papillons , &c.
Sans doute qu'elle est beaucoup moindre
chez nous , lorsqu'on n'y attache que des
figures de mouches.
4
Après le sens de la vuë, parlons de ce
lui de l'oüie ; quoique ce soit celui qui aic
le moins fourni d'usages bizares , il ne
laisse pourtant pas d'en avoir eu de temps
en temps quelques uns : Car combien le
son de certains Instrumens , certains
Concerts , certains Vaudevilles , ont ils
été en vogue , recherchez et chantez de
tout le monde , pour lesquels on n'a eu
ensuite que du mépris , et qui le méritoient en effet ! Je pourrois en rapporter
plusieurs ; mais comme il y auroit plus à
badiner là-dessus , qu'à parler sérieusement , je me contente de dire , que ce
sens a quelquefois ses bizareries, par rapport à certains Hommes. J'ay connu unc
personne , qui ne trouvoit rien de plus
agréable que le son lugubre des Cloches
el que celui qui se fait entendre dans les
D
Villes
93 MERCURE DE FRANCE
A
Villes le jour des Morts ; et qui , pour en
gouter micux le plaisir , se retiroit alors
seul, dans un lieu écarté.
Si le sens de l'oüie me donne moins
d'usages bizares , ceux qui suivent , m'en
fourniront de reste ;car combien l'odorat
n'en-a- t-il pas produit ? Quels empressemens n'a-t- on pas eu dans certains temps
pour gouter l'agréable odeur des parfums?
On en a mis sur les habits,sur les gants, sur
lės perruques. On faisoit des Pommes d'yvoire creusées , et percées de petits trous ,
qu'on mettoit aux Roseaux des Indes ,
qu'on portoit pour servir de contenance..
Onremplissoit ces Pommes de telle odeur
qu'on vouloit et toutes ces odeurs qui alors
ne nuisoient à rien , parce que c'étoit la
mode, ontdepuis causé des maux de tête et
des vapeurs: Ensuite est venu l'usage de
l'Eau de la Reine d'Hongrie, lequel devint:
sicommun, qu'il n'y avoit presque personne qui n'eut son Flacon , et qui ne le portât continuellement au nez; mais l'usage.
bizare qui l'a emporté par dessus tous les
autres et qui paroît plus constant, est sans doute celui du Tabac..
Le reste pour un autre Mercure
ferens usages qui ont paru et qui paroissent encore dans le monde. Par M. CAPPERON , ancien Doyen de S. Maxent..
P
Ersonne ne peut douter que le guide naturel que Dieu a donné à l'hom
me, ne soit sa raison ; il ne devroit donc
rien entreprendre , qu'après avoir réflé
chi sérieusement sur tous les rapports de
perfection qui peuvent se trouver , soir
dans les choses qu'il recherche , soit dans.
les actions qu'il veut faire , afin de ne se
déterminer , qu'à ce qu'il jugeroit alors
être le plus convenable , le plus conforme à l'ordre , à la droite raison et au bon
sens
JANVIER. 1732. 89
sens. Sans doute , s'il agissoit toujours de
la softe , tout ce qu'il feroit seroit parfaitement raisonnable , et il ne s'y trouveveroit jamais n'y bizarrerie , ni extravagance.
Mais il s'en faut beaucoup que la plus
grande partie des hommes en agissent ain
si ; la nature corrompuë donnant trop de
pouvoir à leurs passions, l'attrait trop vic
lent de ces passions fait plus d'impression
sur leur esprit que la pure raison et la penre à suivre plutôt l'impulsion des unes, que:
la lumiere de l'autre , étant plus grande
ils s'y abandonnent volontiers ; ce qui fait
qu'ils donnent aveuglement dans une infinité de bizareries et d'excès, dontils n'ap--
perçoivent pas alors le ridicule.
Cependant comme toutes les personnes sensées doivent se faire une gloire:
d'être raisonnable; puisque c'est leur plus
glorieux privilege ; j'espere que je ferai
plaisir à tous ceux qui sont de cet heureux
caractere , si je leur mets devant les yeux
diverses bizaréries, qui ont paru et qui pa
roissent tous les jours dans quantité d'u--
sages qui s'introduisent dans le monde
afin que le caprice de ceux qui les ont:
précédez , les frappant davantage , ils :
puissent donner moins dansd'autres usa
ges , qui ne vaudroient pas mieux.
8
E v IN
90 MERCURE DE FRANCE
·
Il est donc à propos de sçavoir que généralement tous les usages tirent leur origine de deux principes , du désir de satisfaire les sens , ou du désir de satisfaire .
les autres inclinations dont les hommes
sont capables ; ainsi je parlerai dabord
de la bizarerie des usages qui ont rapport -
aux sens , ct je ferai ensuite la même chose à l'égard des usages qui viennent du
désir de satisfaire les autres inclinations ,
naturelles.
Pour commencer par le sens de la vûe ,
je trouve peu de choses à remarquer sur ,
la bizarcrie qui a pû s'introduire dans l'u
sage de ce sens je n'en vois qu'une seule .
qui me paroît des plus singulieres ; sçavoir , celle qui s'est établie en Espagne et
en Portugal , où loin de ne se servir de
lunettes que pour aider aux besoins de la
vue; les personnes qui ont voulu se rendre respectables , cr se donner un air de
gravité , ont affecié de ne paroître dans.
les occasions de cérémonie , qu'avec des.
lunettes sur le n: z; et cela non seulementles personnes âgées , mais même les jeunes et ce qui est de plus surprenant ,
jusqu'aux jeunes Dames.
Čet usage bizare parut sur tout fort
extraordinaire aux Religieuses Ursulines
de Rouen, qui passerent à la Louisiane
il
JANVIER 1732. 91 .
ily a quatre ans , sçavoir en 1727. C'est
une de ces Dames qui le dit dans sa se--
conde Lettre, imprimée à Rouen , l'année
suivante , chez Antoine lePrevôt. Après,
avoir rapporté , comme elles aborderent
àl'Ifle de Madere, qui appartient aux Portugais , qu'elles relâcherent à la rade de la
Ville de FUNCHAL, qui est la principale de
P'Isle ; elle ajoute , que quantité de personnes de la Ville les étant venu voir
elles furent extrêmement surprises
quand parmi les Religieux qui vinrent
les saluer , elles apperçurent qu'il y en
avoit plusieurs , lesquels pour le faire
avec plus de gravité , avoient de grandes
Lunettes , à la mode de Portugal ; elles en:
remarquerent même un assez jeune , lequel voulant lire , fut obligé de les ôter
de dessus son nez. C'est à l'occasion de
cet usage bizare , introduit par les Espa--
gnols , qu'un Poëte a dit :
Mais le bonair chez cette Nation ,
Pour les Sçavans , c'est de porter Lunettes ;;
Couvrir ses yeux de deux glaces bien nettes ,
Leur est motif de vénération.
Mais si ce qui facilite le sens de la vue
a produit peu de bizareries , il n'y a rien
en revanche qu'on n'ait imaginé pour
Favj satis
2 MERCURE DE FRANCE
satisfaire ce sens ; car que de bizareries
differentes n'a-t- on pas vû se succeder
dans les vêtemens , dans les ameublemens
et dans une infinité d'autres choses ?
comme je ne finirois pas , si je voulois
entrer dans ce détail , je me fixerai ici
à quelque chose qui regarde l'homme de
plus pès ; en m'attachant principalement à quelques usages qui se sont for
mez dans differens temps , pour donner
à sa tête un prétendu caractere de beauté ; parce que c'est la partie principale
de son corps , par laquelle il veut plaire
le plus à la vue : Totus homo in vultu est.
Commençons par les Cheveux ; que de
figures bizares ne leur- a- t-on pas donné ?
Dans le grand nombre que je pourrois
citer , je ne parlerai que d'une seule , quifit grand bruit à la fin du x1 siecle , et
au commencement du XII. Les hommes
se mirent alors dans l'usage , de porter
de long cheveux, ce qu'ils ne faisoient pas
auparavant.Cet usage parut d'autant plus :
bizare pour des chrétiens , que Saint Paul
même avoit dit , que la nature enseignoit,
qu'il ne convenoit pas à l'homme d'avoir
les cheveux longs : Ipsa natura docet , (a) :
dit cet Apôtre ; et qu'il ne peut les por--
ter ainsi qu'à sa honte et à sa confusion .
(a) Ep. I. ad Corinh.cap. 11.
Igno
JANVIER 1732. 93
Ignominia est illi , que cela ne convenoit
qu'à la femme : Gloria est illi.
Cet usage parut donc alors si opposé à
la droite raison , que les Evêques s'éleverent avec force contre cette nouveauté..
Ils crurent ne pas trop faire , que d'employer les plus grandes censures de l'Egli
sepour la réprimer.. Un Concile tenu à
Rouen , sous l'Archevêque Guillaume I.
l'an 1096. ( a ) ordonna en conséquence ,
que ceux qui porteroient de longs che
veux , seroient exclus de l'Eglise pendant
leur vie , et qu'on ne prieroit pas Dieu
pour eux après leur mort: En 1104. Serfon , Evêque de Sécz , prêchant à Carentan , devant le Roy d'Angleterre Henry I:
et toute sa Cour , parla avec tant de véhemence contre cet usage , que le Roy et
ses Courtisans se firent tous couper les
cheveux au même instant.
Il arriva à peu près la même chose à
Amiens. L'Evêque Godefroi qui étoit
contemporain , animé du même zéle ,
voyant que plusieurs assistoient à la Messe
de Noël , à laquelle il officioit , portant:
encore les cheveux longs ; i les refusa
tous à l'offrande ; ce qui leur fit une telle
( a ) Histoire des Archevêques de Rouen , par le
P. Pommeraye , Benedictin. Eloge de Guillaume I.
chap. 8. page 295..
impres
94 MERCURE DE FRANCE
Y
impression , que pour y être admis¸ ils sex
les couperent sur le champ avec leurs
couteaux. On peut raisonnablement présumer que les Evêques de ce temps- là au
roient sans doute fait beaucoup plus de
bruit , s'ils avoient vu les hommes faire
couper les longs cheveux des femmes pour
en orner leurs têtes ; peut-être se seroientils autorisez du Concile de Gangre , tenu
en 324. qui deffend aux femmes de se
couper les cheveux. On peut douter au
reste si leur zéle auroit été selon la
science.
Des cheveux , passons à la barbe , au
sujet de laquelle nous ne trouverons pas
moins de bizarerie ; l'usage ancien a été
de la porter longue : Tel fut , par exemple , l'Empereur Othon ( a ) qui le premier établit l'usage en Allemagne de
porter de longues barbes ; il se faisoit tant
d'honneur de celle qu'il portoit , que son
plus gros serment étoit du jurer par sa
barbe , ce qui introiduisit l'usage de ce
serment dans toute l'Allemagne.
En France , du temps de François I. les
longues barbes étoient fort en usage , et
les Ecclesiastiques en étoient les plus curieux ; ce qui donna lieu à ce Prince, qui
(a ) Paul Hacheb. Eclairciss. sur ce qui s'est
passé en Allemagne...
VOU
JANVIER.. 1732 955
vouloit tirer de l'argent du Clergé, d'obtenir du Pape un Bref , qui ordonnoit
à tous les Ecclesiastiques de se faire razer
la barbe, s'ils n'aimoient mieux se dispenser de cette Loy , en donnant certaine -
somme , qu'ils payerent volontiers ; plus .
disposez à ouvrir leur bourse , qu'à perdre leur barbe ( a ). Cela contribua , sans .
doute , à faire diminuer l'usage des longues barbes , et à les rendre méprisables ;
puisqu'on obligea dans la suite ceux qui i
vouloient entrer dans les premieres Magistratures à se la faire razer. On voit
en effet , que François Olivier ne put en- trer au Parlement comme Maître des
Requêtes, en 1536. qu'à la charge de faire
couper sa longue barbe ( b ) . Plusieurs
Magistrats subalternes ne laisserent pas..
de la conserver ; le dernier qui l'a portée
dans cetteVille, à été M.Richard Mithon,,
Baillif et Juge criminel du Comté d'Eu ,
qui vivoit au commencement du dernier
siécle ; érant mort vers l'an 1626. Plusieurs Ecclesiastiques l'ont conservée jusqu'à la minorité de Louis XIV. quelquesuns même ont été plus loin.
L'estime qu'on a faite de la barbé en cer
( a ) Theod. Zuing. Theatr. vit& humane. Lib. 3.›.
(b) Oeuvres milées de l'Abbé de S.Réal. Diss...
4. de l'usage de l'hist.. taine ,
MERCURE DE FRANCE
tains temps du Paganisme , a encore donné lieu à un autre usage assez singulier
qui consistoit à croire , que c'étoit un présent digne de la Divinité que de lui offrir
ce qu'on en coupoit la premiere fois. Les
Grecs et les Romains consacroient ces
prémices de la barbe , ou à des Fleuves
ou aux Tombeaux de leurs amis, ou enfin
àApollon( ) , Er chez lesChrétiens mêmes,
il a été un temps, où c'étoit l'usage, que la.
premiere fois qu'on coupoit la barbe aux
Ecclesiastiques on la benissoit, et on consacroit à Dieu ce qu'on en avoit coupé ( b ).
En passant de la barbe et des cheveux au
teint du visage , je trouve que pour le
rendre plus agréable , il a eu aussi ses bizareries. Car n'en étoit- ce pas une chez
les Romains , que de s'estimer d'autant
plus beaux, qu'ils avoient le teint du visage plus bazané ? jusqucs-là que pour le
rendre tel , ils s'exposoient aux rayons du
Soleil. C'étoit le conseil qu'Ovide donnoit aux jeunes gens de son temps , pour
se rendre plus agréables aux Dames.
Munditia placeant; fulcentur Corpora campo. ( c )
Etoit ce autrefois une bizarerie à nos
(a )Vigenere , Tab.. de Philost. Tab. d'Anti-
·loq. pag. 341.
( b ) Dict. de Furet. verbo barbe.
c) De Arte Aman……
Dames
JANVIER. 1732. 57
Dames , de n'oser faire un pas sans avoir
un masque sur le visage pour conserver la
fraîcheur de leur teint ? où en est- ce une
aujourd'hui , de n'en plus porter du tout'
C'est une bizarerie ridicule aux femmes
des Sauvages , de prétendre orner leur visage en y attachant des figures d'arbres
ou d'animaux , comme Papillons , &c.
Sans doute qu'elle est beaucoup moindre
chez nous , lorsqu'on n'y attache que des
figures de mouches.
4
Après le sens de la vuë, parlons de ce
lui de l'oüie ; quoique ce soit celui qui aic
le moins fourni d'usages bizares , il ne
laisse pourtant pas d'en avoir eu de temps
en temps quelques uns : Car combien le
son de certains Instrumens , certains
Concerts , certains Vaudevilles , ont ils
été en vogue , recherchez et chantez de
tout le monde , pour lesquels on n'a eu
ensuite que du mépris , et qui le méritoient en effet ! Je pourrois en rapporter
plusieurs ; mais comme il y auroit plus à
badiner là-dessus , qu'à parler sérieusement , je me contente de dire , que ce
sens a quelquefois ses bizareries, par rapport à certains Hommes. J'ay connu unc
personne , qui ne trouvoit rien de plus
agréable que le son lugubre des Cloches
el que celui qui se fait entendre dans les
D
Villes
93 MERCURE DE FRANCE
A
Villes le jour des Morts ; et qui , pour en
gouter micux le plaisir , se retiroit alors
seul, dans un lieu écarté.
Si le sens de l'oüie me donne moins
d'usages bizares , ceux qui suivent , m'en
fourniront de reste ;car combien l'odorat
n'en-a- t-il pas produit ? Quels empressemens n'a-t- on pas eu dans certains temps
pour gouter l'agréable odeur des parfums?
On en a mis sur les habits,sur les gants, sur
lės perruques. On faisoit des Pommes d'yvoire creusées , et percées de petits trous ,
qu'on mettoit aux Roseaux des Indes ,
qu'on portoit pour servir de contenance..
Onremplissoit ces Pommes de telle odeur
qu'on vouloit et toutes ces odeurs qui alors
ne nuisoient à rien , parce que c'étoit la
mode, ontdepuis causé des maux de tête et
des vapeurs: Ensuite est venu l'usage de
l'Eau de la Reine d'Hongrie, lequel devint:
sicommun, qu'il n'y avoit presque personne qui n'eut son Flacon , et qui ne le portât continuellement au nez; mais l'usage.
bizare qui l'a emporté par dessus tous les
autres et qui paroît plus constant, est sans doute celui du Tabac..
Le reste pour un autre Mercure
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Résumé : RÉFLÉXIONS sur la bizarerie de differens usages qui ont paru et qui paroissent encore dans le monde. Par M. CAPERON, ancien Doyen de S. Maxent.
Le texte 'REFLEXIÓNS sur la bizarerie de différents usages' de M. Capperon, ancien Doyen de S. Maxent, publié en janvier 1732, examine les usages étranges observés dans le monde. L'auteur affirme que la raison, accordée par Dieu, devrait diriger les actions humaines. Cependant, les passions corrompent souvent cette raison, entraînant des comportements extravagants et ridicules. Capperon explique que ces usages bizarres naissent du désir de satisfaire les sens ou d'autres inclinations naturelles. Il commence par analyser les usages liés au sens de la vue, mentionnant une pratique en Espagne et au Portugal où les lunettes sont portées pour paraître graves, même par les jeunes. Cette coutume a surpris des religieuses ursulines de Rouen lors de leur passage en Louisiane en 1727. Le texte aborde ensuite les bizarreries liées aux cheveux et à la barbe. À la fin du XIe siècle et au début du XIIe siècle, les hommes portaient les cheveux longs, malgré les critiques de Saint Paul et des évêques. En France, sous François Ier, les barbes longues étaient courantes, mais des mesures furent prises pour les rendre méprisables. Capperon discute également des pratiques liées au teint du visage, comme les Romains s'exposant au soleil pour bronzer, ou les femmes portant des masques pour conserver la fraîcheur de leur peau. Il mentionne aussi les usages bizarres liés au sens de l'ouïe, comme l'appréciation du son des cloches, et ceux liés à l'odorat, comme l'usage des parfums et du tabac. Le texte se conclut par une réflexion sur les diverses bizarreries observées dans les usages humains, soulignant l'importance de la raison pour éviter ces excès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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303
p. 203-211
SUITE des Reflexions de M. Caperon, sur la Bizarerie de differens usages, &c.
Début :
Chacun sçait que l'usage du Tabac étant devenu commun [...]
Mots clefs :
Usages, Tabac, Poudre, Toucher, Bonnets, Bizarrerie, Corps
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texteReconnaissance textuelle : SUITE des Reflexions de M. Caperon, sur la Bizarerie de differens usages, &c.
UITE des Reflexions de M. Capperon , sur la Bizarerie de differens usa
ges, &c.
Hacun sçait que l'usage du Tabac étant devenu commun en peu dé
temps , on ne se contenta pas d'en macher et d'en fumer , on le réduisit encore en poudre, pour en user par le nez. On
mit d'abord cette poudre dans de petites
Boëtes , faites en forme de Poires, qu'on
duvroit par un petit trou , d'où on faisoit
sortir la poudre , pour en mettre deux
petits monceaux sur le dos de la main,afin
qu'on put delà les pórter l'un'après l'autre à chaque narine. Le premier usage de
ce Tabac en poudre , parut dans ces commencemens si bizare , qu'on crut qu'il
ne convenoit qu'à des Soldats et aux personnes de la lie du peuple. En effet , il
n'y eut que ces sortes de gens qui en userent les premiers.
Cependant , comme il arrive , à l'égard
des usages les plus bizares , l'imagination
se fit peu à peu à celui-là ; d'honnêtes
gens commencerent à s'y accoutumer.On
fit en leur faveur des Boëtes beaucoup plus
propres et plus riches , qui se fermoient,
A- iiij avec
t
204 MERCURE DE FRANCE
avec une sorte de petit fourniment , qui
ne prenoit dans la Boëte , qu'autant de
poudre qu'il en faloit pour chaque narine , et qu'on mettoit toujours sur le dos
de la main.
La répugnance qu'on avoit euë d'abord,
étant levée , chacun se piqua d'avoir du
Tabac en poudre et d'en user ; mais les
personnes distinguées et délicates eurent
de la peine à s'accommoder de l'odeur de
cette Plante ; on y mit differentes odeurs;
et ce fut encore icy , ou la bizarrerie parut tout de nouveau. Certaines odeurs
furent en vogue, et prirent le dessus , selon le caprice des personnes qui les mettoient en crédit ; jusques- là , qu'un Mare
chand d'une Ville de Flandres s'enrichit,
pouravoir donné à son Tabac en poudre,
l'odeur des vieux Livres moisis, qu'il sçut
accréditer parmi les Officiers François ,
qui étoient en garnison dans cette Pro
vince:
Enfin on a cessé de donner de l'odeur
au Tabac , et l'usage en est devenu abso
lument general. Loin de se faire une
honte de prendre du Tabac , comme dans
les commencemens , chacun s'en fait une
espece de bienseance , dans les plus belles
compagnies.
En avoir le nez barbouillé , la Cravatte
Ou
FEVRIER: * 1732% 205
ou le Justaucorps marquez et couverts ,
n'a rien de choquant aujourd'hui , comme d'avoir des Rapes presque aussi longues que des Basses de Viole. En un mot,
on n'y a plus gardé de mesures ; plusieurs
Pont pris à pleine main , non seulement
dans les Tabatieres , mais jusques dans
leurs poches. Il suffit de dire que cet
usage a passé jusques dans les Cloîtres les
plus réguliers, même dans les Eglises.Que
dis-je ? jusques sur les Autels. Il est vrai
que les Espagnols nous ont précedez dans
Pusage outré du Tabac ; puisque Urbain
VIII. qui est mort en 1644. donna une
Bulle, qu'on peut voir dans le grand Bullaire des Séraphins, par laquelle il excommunie tous ceux qui prennent du Tabac
dans l'Eglise. Cette Bulle fut donnée à la
sollicitation du Doyen et des Chanoines
de la Cathédrale de Séville , où les Prêtres
disant la Messe , prenoient du Tabac jusques sur l'Autel.
Venons maintenant au gout. Sens qui
n'a pas moins fourni d'usages bizares que
les autres ,carcombien de sortes de Mets,
de Liqueurs et d'Apprêts ont ils été en
vogue dans certains temps , qu'on a né,
gligés ensuite ? Je ne finirois pas , si je
voulois en faire l'énumération. Pour m'attacher donc à quelques- uns de ces usages
Av
les
206 MERCURE DE FRANCE
les plus marquez , je dirai qu'à la fin du
seizième siecle, les Dragées vinrent tellement à la mode , que chacun avoit son
Dragier ; on s'en présentoit les uns aux
autres comme on fait aujourd'hui du Tabac. Le Duc de Guise avoit son Dragier à:
la main , lorsqu'il fut tué à Blois . On en
servoit sur toutes les bonnes Tables. Les :
Ecorces de Citrons et d'Oranges eurent:
ensuite leur tour.
Sous Louis XIII.parce que ce Prince aimois le Pain d'Epice,tout le monde en por--
toit dans sa poche;on s'en donnoit aussi les
uns aux autres, et on en vendoit dans tous -
les Lieux où il y avoit des assemblées, soit
de plaisir soit de dévotion; ce qui dure en--
core à Paris. Personne n'ignore que le
grand usage d'aujourd'hui est de prendre
du Thé , du Caffé et du Chocolat. LeFal
tran, autrement les Vulneraires de Suisse,.
prises comme le Thé , ont eu leur temps,
qui n'est pas encore bien passé.
Que n'aurois-je pas à dire , si je voulois m'étendre sur le détestable usage de
prendre du vin à l'excès , qui n'a continué que trop long- temps en France , et
qui regne encore dans quelques autres
Païs. Jusqu'à quels excès n'a - t- on pas ·
porté les differens usages inventez pour?
s'exciter à boire dans les repas de débau- ·
che.
FEVRIER 1732 207
che: N'a-t-on pas vu un temps où c'étoit
remporter une victoire que de sçavoir
mieux que les autres, non seulement vuider tout d'une haleine les plus grands
verres, mais les Pots entiers et les Eguieres?
Que dis-je , la fólie a été jusqu'à se piquer de vuider des Bottes pleines de vin.
Si l'on en croit Misson , dans son voyage
d'Allemagne , les choses y sont encore
sur ce pied-là , puisqu'autour de la plûpart des chambres , il regne une Cotniche , sur laquelle les verres sont rangez
comme des tuyaux d'Orgues , toujours
en augmentant de volume , les derniers
étant comme des Cloches à Melons, qu'il
faut necessairement vuider tout d'un trait,
lorsqu'il s'agit de boire quelque santé
d'importance ; aussi dit - on en proverbe
Germanorum vivere bibere est.
*
Au reste , il ne faut pas croire que ce
ne soit que de nos jours que l'usage abusif
de boire avec excès a regné , il étoit encore plus extravagant au vii siecle , puisque S. Cesaire , Evêque d'Arles , dit ( a )
que de son temps , on poussoit si loin la
débauche , que lorsqu'on ne pouvoit pres
que plus boire , pour s'y exciter encore ,
on adressoit les santez aux Anges et à tels
Saints' qu'on jugcoit à propos..
(a ) Homel 6.
Avj Lo
208 MERCURE DE FRANCE
Le sens du toucher étant plus étendu
que les autres , puisqu'il est répandu par
tout le corps , il n'a pas aussi été moins
assujetti à diverses bizareries , quand il a
été question de munir le corps contre les
injures de l'air ou de lui donner ses aises.
Pour deffendre la tête contre la rigueur
du froid , on contre les incommoditez de
la pluye , ou de l'ardeur du soleil , on
a eu soin de la couvrir differemment ; et
c'est sur quoi il y auroit une infinité de
choses à dire , si je voulois rapporter
toutes les modes bizares qui ont été en
usage à cet égard- là. Ce seroit toute autre chose si je voulois détailler les bizareries sans nombre des Coeffures des fem
mes.
Laissons ce détail à ceux qui voudront
Pentreprendre , et commençons par un
usage assez bizare , auquel je crois qu'on
ne pense gueres , et qui frappa néanmoins
bien des gens, quand il commença de s'é
tablir ; c'est l'usage où sont les Ecclesiastiques de porter des Bonnets quarrez pour
couvrir leur tête , qui est ronde: ( a). C'est
ce qui donna lieu de dire dans ce tempslà , qu'enfin on avoit trouvé ce qu'on
( a )Pasquier remarque que cet usage n'avoit
commencé que peu avant lui , c'est-à-dire , vers
15000
cher-
FEVRIER. 17326 205
cherche depuis longtems , sçavoir la qua
drature du Cercle. C'étoit encore une plus
grande bizarerie aux Empereurs Jules Cesar, Adrien et Severe , de tenir toujours
leur tête découverte , ( a ) soit qu'il fit du
soleil , ou qu'il tombât de la pluye , ou
de la nege, même pendant les froids les
plus rudes, et d'établir chez lesRomains un
pareil usage. Je pardonnerois plus volon
tiers à la rusticité de nos anciens Gaulois,
d'avoir été dans l'usage , non-seulement
de marcher toujours nuds jusqu'à la ceinture; mais de combattre ainsi à la guerre.
( b ) Les Sauvages n'en font pas moins
aujourd'hui sans parler des Forçats de
Galere qui tirent la rame en cet état.
›
la
Si de la tête nous descendons au col ;:
nous trouverons que pour le couvrir ,
bizarerie s'en est également mêlée ; car
sans parler du col des Dames , à l'égard
de celui des Hommes , quoi de plus biza--
reque ces longuesCravates que nousavons
уй porter de nos jours , dont l'extrêmelongueur , frapa enfin de sorte , que ler
Harlequin de la Comedie Italienne ,
pour en faire observer tout le ridicule pa
tut sur le Theâtre, avec une de ces Crava
tes , qui pendant du col , lui passoit en-
(a) Alex. ab Alex. Genial. dier. lib. 2. cap. 19. `-
(b) Tit-Liv. Lib. 22. Cap. 46.
tie
216 MER CURE DE FRANCE
tre les jambes & revenoit pardessus l'épaule ; aujourd'hui on a passé à l'extre
mité opposée en ne portant qu'un simple
tour de col. Les mains ont souvent besoin
d'être couvertés , soit pour être préservées de la rigueur du froid , ou pour n'ê
tre pas trop hallées par l'ardeur du soleil::
mais je crois qu'on prendra bientot l'usage de les avoir toujours à nud , et de
proscrire entierement les Gants dont on
commence à se passer.
Le corps doit sans doute être couverts
le besoin et la bienséance l'exigent : mais
parmi une infinité d'usages qui ont paru
dans la maniere de se vêtir , je n'en vois
pas de plus bizare et de plus extravagant ,
que celui qui regnoit à la fin du seizième
siecle ; qui consitoit en ce que les hommes
s'aviserent alors , de se vêtir en Pantalons , c'est-à- dire , que leur habit leur sertoit tout le corps depuis les pieds jusqu'au
col , marquoit même ce que la natüre enseigne de cacher à la plupart des¨
Peuples Sauvages. On voit encore aujour- d'hui dans les Peintures de ce tems- là,dif
férens Personnages représentez de cette façon.Il y en a aux vitres de mon ancienne
Paroisse. Et j'ai un livre de Geometrie im---
primé à Paris en 1586. où les hommes,
sont tous vêtus de même; enfin sans aller
plus
$
FEVRIER. , 1732. 211
plus loin , il y a encore à la maison qui
joint la mienne du côté de la ruë, deax Figures sculptées sur deux poteaux, formées
de cette maniere.
Ce fut dans le même tems que les femmes porterent leurs juppes immodestement et excessivement larges par le bas. -
C'est ainsi qu'on les voit representées sur
des Tapisseries et dans des Tableaux ; on
en voit ici chez des Particuliers & au château. A la verité , cela doit un peu moins
surprendre , il regnoit encore alors en
France beaucoup d'ignorance et de grossiereté ; mais comment excuser aujourd'hui dans un siecle si éclairé , et où le
gout s'est perfectionné sur tant de choses, comment , dis- je, excuser l'invention
et l'usage des Jupes à Paniers ? on auroit
grand besoin d'opposer à cette licence la
pratique du Canon seizième du Concile:
de Montpellier, tenu l'an 1193. conçû en ces termes : Mulieres vestibus. sumptuosis .... amodo non utantur , sed habitu :
honesto et moderato incedunt , qui non lasciviam notet , nec jactantiam vanitatis os➡
tendat.
A Eu, le 20. de Decembre 1731.
ges, &c.
Hacun sçait que l'usage du Tabac étant devenu commun en peu dé
temps , on ne se contenta pas d'en macher et d'en fumer , on le réduisit encore en poudre, pour en user par le nez. On
mit d'abord cette poudre dans de petites
Boëtes , faites en forme de Poires, qu'on
duvroit par un petit trou , d'où on faisoit
sortir la poudre , pour en mettre deux
petits monceaux sur le dos de la main,afin
qu'on put delà les pórter l'un'après l'autre à chaque narine. Le premier usage de
ce Tabac en poudre , parut dans ces commencemens si bizare , qu'on crut qu'il
ne convenoit qu'à des Soldats et aux personnes de la lie du peuple. En effet , il
n'y eut que ces sortes de gens qui en userent les premiers.
Cependant , comme il arrive , à l'égard
des usages les plus bizares , l'imagination
se fit peu à peu à celui-là ; d'honnêtes
gens commencerent à s'y accoutumer.On
fit en leur faveur des Boëtes beaucoup plus
propres et plus riches , qui se fermoient,
A- iiij avec
t
204 MERCURE DE FRANCE
avec une sorte de petit fourniment , qui
ne prenoit dans la Boëte , qu'autant de
poudre qu'il en faloit pour chaque narine , et qu'on mettoit toujours sur le dos
de la main.
La répugnance qu'on avoit euë d'abord,
étant levée , chacun se piqua d'avoir du
Tabac en poudre et d'en user ; mais les
personnes distinguées et délicates eurent
de la peine à s'accommoder de l'odeur de
cette Plante ; on y mit differentes odeurs;
et ce fut encore icy , ou la bizarrerie parut tout de nouveau. Certaines odeurs
furent en vogue, et prirent le dessus , selon le caprice des personnes qui les mettoient en crédit ; jusques- là , qu'un Mare
chand d'une Ville de Flandres s'enrichit,
pouravoir donné à son Tabac en poudre,
l'odeur des vieux Livres moisis, qu'il sçut
accréditer parmi les Officiers François ,
qui étoient en garnison dans cette Pro
vince:
Enfin on a cessé de donner de l'odeur
au Tabac , et l'usage en est devenu abso
lument general. Loin de se faire une
honte de prendre du Tabac , comme dans
les commencemens , chacun s'en fait une
espece de bienseance , dans les plus belles
compagnies.
En avoir le nez barbouillé , la Cravatte
Ou
FEVRIER: * 1732% 205
ou le Justaucorps marquez et couverts ,
n'a rien de choquant aujourd'hui , comme d'avoir des Rapes presque aussi longues que des Basses de Viole. En un mot,
on n'y a plus gardé de mesures ; plusieurs
Pont pris à pleine main , non seulement
dans les Tabatieres , mais jusques dans
leurs poches. Il suffit de dire que cet
usage a passé jusques dans les Cloîtres les
plus réguliers, même dans les Eglises.Que
dis-je ? jusques sur les Autels. Il est vrai
que les Espagnols nous ont précedez dans
Pusage outré du Tabac ; puisque Urbain
VIII. qui est mort en 1644. donna une
Bulle, qu'on peut voir dans le grand Bullaire des Séraphins, par laquelle il excommunie tous ceux qui prennent du Tabac
dans l'Eglise. Cette Bulle fut donnée à la
sollicitation du Doyen et des Chanoines
de la Cathédrale de Séville , où les Prêtres
disant la Messe , prenoient du Tabac jusques sur l'Autel.
Venons maintenant au gout. Sens qui
n'a pas moins fourni d'usages bizares que
les autres ,carcombien de sortes de Mets,
de Liqueurs et d'Apprêts ont ils été en
vogue dans certains temps , qu'on a né,
gligés ensuite ? Je ne finirois pas , si je
voulois en faire l'énumération. Pour m'attacher donc à quelques- uns de ces usages
Av
les
206 MERCURE DE FRANCE
les plus marquez , je dirai qu'à la fin du
seizième siecle, les Dragées vinrent tellement à la mode , que chacun avoit son
Dragier ; on s'en présentoit les uns aux
autres comme on fait aujourd'hui du Tabac. Le Duc de Guise avoit son Dragier à:
la main , lorsqu'il fut tué à Blois . On en
servoit sur toutes les bonnes Tables. Les :
Ecorces de Citrons et d'Oranges eurent:
ensuite leur tour.
Sous Louis XIII.parce que ce Prince aimois le Pain d'Epice,tout le monde en por--
toit dans sa poche;on s'en donnoit aussi les
uns aux autres, et on en vendoit dans tous -
les Lieux où il y avoit des assemblées, soit
de plaisir soit de dévotion; ce qui dure en--
core à Paris. Personne n'ignore que le
grand usage d'aujourd'hui est de prendre
du Thé , du Caffé et du Chocolat. LeFal
tran, autrement les Vulneraires de Suisse,.
prises comme le Thé , ont eu leur temps,
qui n'est pas encore bien passé.
Que n'aurois-je pas à dire , si je voulois m'étendre sur le détestable usage de
prendre du vin à l'excès , qui n'a continué que trop long- temps en France , et
qui regne encore dans quelques autres
Païs. Jusqu'à quels excès n'a - t- on pas ·
porté les differens usages inventez pour?
s'exciter à boire dans les repas de débau- ·
che.
FEVRIER 1732 207
che: N'a-t-on pas vu un temps où c'étoit
remporter une victoire que de sçavoir
mieux que les autres, non seulement vuider tout d'une haleine les plus grands
verres, mais les Pots entiers et les Eguieres?
Que dis-je , la fólie a été jusqu'à se piquer de vuider des Bottes pleines de vin.
Si l'on en croit Misson , dans son voyage
d'Allemagne , les choses y sont encore
sur ce pied-là , puisqu'autour de la plûpart des chambres , il regne une Cotniche , sur laquelle les verres sont rangez
comme des tuyaux d'Orgues , toujours
en augmentant de volume , les derniers
étant comme des Cloches à Melons, qu'il
faut necessairement vuider tout d'un trait,
lorsqu'il s'agit de boire quelque santé
d'importance ; aussi dit - on en proverbe
Germanorum vivere bibere est.
*
Au reste , il ne faut pas croire que ce
ne soit que de nos jours que l'usage abusif
de boire avec excès a regné , il étoit encore plus extravagant au vii siecle , puisque S. Cesaire , Evêque d'Arles , dit ( a )
que de son temps , on poussoit si loin la
débauche , que lorsqu'on ne pouvoit pres
que plus boire , pour s'y exciter encore ,
on adressoit les santez aux Anges et à tels
Saints' qu'on jugcoit à propos..
(a ) Homel 6.
Avj Lo
208 MERCURE DE FRANCE
Le sens du toucher étant plus étendu
que les autres , puisqu'il est répandu par
tout le corps , il n'a pas aussi été moins
assujetti à diverses bizareries , quand il a
été question de munir le corps contre les
injures de l'air ou de lui donner ses aises.
Pour deffendre la tête contre la rigueur
du froid , on contre les incommoditez de
la pluye , ou de l'ardeur du soleil , on
a eu soin de la couvrir differemment ; et
c'est sur quoi il y auroit une infinité de
choses à dire , si je voulois rapporter
toutes les modes bizares qui ont été en
usage à cet égard- là. Ce seroit toute autre chose si je voulois détailler les bizareries sans nombre des Coeffures des fem
mes.
Laissons ce détail à ceux qui voudront
Pentreprendre , et commençons par un
usage assez bizare , auquel je crois qu'on
ne pense gueres , et qui frappa néanmoins
bien des gens, quand il commença de s'é
tablir ; c'est l'usage où sont les Ecclesiastiques de porter des Bonnets quarrez pour
couvrir leur tête , qui est ronde: ( a). C'est
ce qui donna lieu de dire dans ce tempslà , qu'enfin on avoit trouvé ce qu'on
( a )Pasquier remarque que cet usage n'avoit
commencé que peu avant lui , c'est-à-dire , vers
15000
cher-
FEVRIER. 17326 205
cherche depuis longtems , sçavoir la qua
drature du Cercle. C'étoit encore une plus
grande bizarerie aux Empereurs Jules Cesar, Adrien et Severe , de tenir toujours
leur tête découverte , ( a ) soit qu'il fit du
soleil , ou qu'il tombât de la pluye , ou
de la nege, même pendant les froids les
plus rudes, et d'établir chez lesRomains un
pareil usage. Je pardonnerois plus volon
tiers à la rusticité de nos anciens Gaulois,
d'avoir été dans l'usage , non-seulement
de marcher toujours nuds jusqu'à la ceinture; mais de combattre ainsi à la guerre.
( b ) Les Sauvages n'en font pas moins
aujourd'hui sans parler des Forçats de
Galere qui tirent la rame en cet état.
›
la
Si de la tête nous descendons au col ;:
nous trouverons que pour le couvrir ,
bizarerie s'en est également mêlée ; car
sans parler du col des Dames , à l'égard
de celui des Hommes , quoi de plus biza--
reque ces longuesCravates que nousavons
уй porter de nos jours , dont l'extrêmelongueur , frapa enfin de sorte , que ler
Harlequin de la Comedie Italienne ,
pour en faire observer tout le ridicule pa
tut sur le Theâtre, avec une de ces Crava
tes , qui pendant du col , lui passoit en-
(a) Alex. ab Alex. Genial. dier. lib. 2. cap. 19. `-
(b) Tit-Liv. Lib. 22. Cap. 46.
tie
216 MER CURE DE FRANCE
tre les jambes & revenoit pardessus l'épaule ; aujourd'hui on a passé à l'extre
mité opposée en ne portant qu'un simple
tour de col. Les mains ont souvent besoin
d'être couvertés , soit pour être préservées de la rigueur du froid , ou pour n'ê
tre pas trop hallées par l'ardeur du soleil::
mais je crois qu'on prendra bientot l'usage de les avoir toujours à nud , et de
proscrire entierement les Gants dont on
commence à se passer.
Le corps doit sans doute être couverts
le besoin et la bienséance l'exigent : mais
parmi une infinité d'usages qui ont paru
dans la maniere de se vêtir , je n'en vois
pas de plus bizare et de plus extravagant ,
que celui qui regnoit à la fin du seizième
siecle ; qui consitoit en ce que les hommes
s'aviserent alors , de se vêtir en Pantalons , c'est-à- dire , que leur habit leur sertoit tout le corps depuis les pieds jusqu'au
col , marquoit même ce que la natüre enseigne de cacher à la plupart des¨
Peuples Sauvages. On voit encore aujour- d'hui dans les Peintures de ce tems- là,dif
férens Personnages représentez de cette façon.Il y en a aux vitres de mon ancienne
Paroisse. Et j'ai un livre de Geometrie im---
primé à Paris en 1586. où les hommes,
sont tous vêtus de même; enfin sans aller
plus
$
FEVRIER. , 1732. 211
plus loin , il y a encore à la maison qui
joint la mienne du côté de la ruë, deax Figures sculptées sur deux poteaux, formées
de cette maniere.
Ce fut dans le même tems que les femmes porterent leurs juppes immodestement et excessivement larges par le bas. -
C'est ainsi qu'on les voit representées sur
des Tapisseries et dans des Tableaux ; on
en voit ici chez des Particuliers & au château. A la verité , cela doit un peu moins
surprendre , il regnoit encore alors en
France beaucoup d'ignorance et de grossiereté ; mais comment excuser aujourd'hui dans un siecle si éclairé , et où le
gout s'est perfectionné sur tant de choses, comment , dis- je, excuser l'invention
et l'usage des Jupes à Paniers ? on auroit
grand besoin d'opposer à cette licence la
pratique du Canon seizième du Concile:
de Montpellier, tenu l'an 1193. conçû en ces termes : Mulieres vestibus. sumptuosis .... amodo non utantur , sed habitu :
honesto et moderato incedunt , qui non lasciviam notet , nec jactantiam vanitatis os➡
tendat.
A Eu, le 20. de Decembre 1731.
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Résumé : SUITE des Reflexions de M. Caperon, sur la Bizarerie de differens usages, &c.
Le texte explore l'évolution des usages sociaux et vestimentaires à travers l'histoire, en mettant l'accent sur des pratiques telles que la consommation de tabac et d'autres habitudes alimentaires et vestimentaires. L'usage du tabac, initialement associé aux soldats et aux personnes de basse condition, s'est progressivement répandu parmi les classes sociales plus élevées. Les boîtes à tabac, d'abord simples et fonctionnelles, sont devenues plus élégantes et sophistiquées. Les parfums ajoutés au tabac ont également suivi des modes capricieuses, incluant des senteurs variées comme celle des vieux livres moisis. Aujourd'hui, la consommation de tabac est généralisée et acceptée, même dans des lieux sacrés comme les églises et les autels. Le texte mentionne également divers usages alimentaires. À la fin du XVIe siècle, les dragées étaient très populaires, suivies par les écorces de citrons et d'oranges. Sous Louis XIII, le pain d'épice était à la mode. Actuellement, le thé, le café et le chocolat sont couramment consommés. Le texte critique également l'usage excessif de l'alcool, soulignant des pratiques extrêmes de consommation dans différentes époques et régions. En matière vestimentaire, le texte évoque des pratiques bizarres comme les bonnets carrés des ecclésiastiques, les longues cravates, et les pantalons couvrant tout le corps. Les femmes portaient des jupons excessivement larges, et plus récemment, des jupes à paniers. Le texte se termine par une critique de ces excès vestimentaires, rappelant une pratique canonique du Concile de Montpellier de 1193.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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304
p. 437-452
EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Début :
Monseigneur, L'accüeil dont V.A.S. m'a honoré à mon [...]
Mots clefs :
Médaille antique, Carausius, Tutele, Figure, Légende, Cote, Divinité, Empereur, Temple
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
EXPLICATION d'une Medaille
antique très singuliere de Carausius ,
Empereur des anciens Bretons , au temps de Diocletien et de Maximien-Hercule ,
adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine,
Prince Souverain de Dombes , &c. Par
M. Genebrier , Docteur en Medecine.
MONSEIGNEUR,
L'accueil dont V. A. S. m'a honoré à
mon retour d'Angleterre , la maniere distinguée dont elle a b en voulu me communiquer elle-même , et à Versailles et
Bij à
38 MERCURE DE FRANCE
à Sceaux , ses differens Cabinets de Mé,
dailles antiques , et la permission qu'elle
m'a accordée de décrire celles qui pou
voient entrer dans mes vûës Litteraires
sont des effets d'unebonté digne deV.A.S
mais trop marquez pour moi , pour ne
pas rechercher l'occasion de les publier.
' ose donc mefatter , Monseigneur , que
V. A. S. ne trouvera pas mauvais que je
fasse paroître cet Ecrit sous vos auspices.
Je l'ai composé au sujet d'une Médaille
antique du Héros bes Bretons , dont j'ai
déja eu l'honneur d'entretenir V. A, S.
Cette Médaille interesse particulierement
la gloire d'une de nos plus anciennes
Villes de France , Ville autrefois et encore aujourd'hui très celebre , et qui
étant la Capitale du Gouvernement de
Monseigneur le Comte d'Eu , Prince qui
marche si dignement sur vos traces , doit
aussi interesser V. A. S.
Cette Médaille est de petit bronze et
assez bien conservée , elle est d'un Métail jaune , qui est rare dans les Médailles
de ce temps- là . Je la croyois d'abord unique , mais M. l'Abbé de Rothelin en a
trouvé depuis peu une autre qui n'est que
de cuivre rouge. Elle représente d'un côté
la tête de l'Empereur Carausius , couronnée de rayons , avec la Légende ordinaire.
Imp
MARS J
es
1-
de
ui
E.AE
fé
lles
uni
en a
que
côté
гоп
aire
Imp.
>
. 1732 439
Imp. Carausius P. F. Aug. Et au revers
pour Legende , Tutela Aug. La Tutele
d'Auguste. Pour Type la figure d'une
femme debout , tournée du côté droit
vétuë d'une robe longue abbattue , don't
ún bout ramené du côté droit par devant et retroussé sur le bras gauche , va
encore descendre jusqu'aux pieds. Certe
figure tient de la main droite une patere
sur un Autel où il y a du feu , et de la
gauche elle soutient par le bas une Corne
d'abondance , couchée sur le bras du mê- me côté.
Parmi beaucoup de Médailles antiques
que j'ai vûës dans un assez grand nombre de Cabinets en differens Royaumes,
par ordre et sous les auspices de S. A. R.
feuë Madame , et que j'ai décrites , je
n'en ai jamais trouvé que deux differentes du haut Empire , avec la Legende
TVTELA , &C.
La premiere est une Médaille de Vespasien , et la seconde de Nerva.
Au revers de la Médaille de Vespasien , il y a pour Legende Tutela Augusti S. C. et pour Type , la figure d'une
femme assise , tournée du côté droit , qui
impose la main droite sur la tête de Tite,
qui est devant elle au côté droit , ayant
fe bras gauche négligemment appuyé sur
Biij les
440 MERCURE DE FRANCE
les épaules de Domitien , qui est aussi
debout de l'autre côté , la face tournée
differemment. Ce qui nous marque que
ces deux jeunes Princes s'étoient , pour ainsi dire voüés à cette Divinité Tutele
et qu'ils s'étoient mis sous sa protection.
3
Au revers de la Médaille de Nerva ,
il y a pour Legende Tutela Italia S. C.
La Tutele de l'Italie. Pour Type , la figure de l'Empereur assis , de gauche à
droite , sur une Chaise Curule , qui tend
la main droite à deux petits enfans , garçon et fille , qui sont debout à ses pieds ,
et qui lui sont présentez par l'Italie personifiée sous la figure d'une femme aussi
debout derriere eux , pour faire entendre
que ce Prince s'étoit déclaré le Pere et le
Protecteur des enfans orphelins de l'un
et l'autre Sexe, C'est ce qui paroît confirmé par un Passage de Xiphilin , * qui
rapporte que ce Prince assigna des Terres
estimées quinze cent mille dragmes pour
la subsistance des Citoyens qui étoient
dans la necessité.
A l'égard de la Médaille de Carausius,
il- y a pour Legende au revers , Tutela
Aug. à peu près comme dans la Médaille de Vespasien , et non pas Tutela
Italia , comme dans celle de Nerva ; mais
* Dans la Vie de Nerva.
au
MARS. 17321 441
e
|-
ai
es
ur
at
is,
ela
éela
ais
au
au lieu que sur la Médaille de Vespasien,
on y voit trois figures représentées , et
que sur celle de Nerva , on en voit quatre,
il ne se trouve qu'une seule figure sur
la Médaille de Carausius , comme je l'ai
décrite au commencement; ce qui forme
un troisiéme Type different sur les Médailles de ce genre.
Boissart , dans le troisiéme Tome de
ses Antiquitez , nous a donné la figure
de la Déesse Tutilina , sous l'habit d'une
venerable Matrone debout , le derriere
de la tête voilé , dont la robe descend
jusques aux pieds. On voit au côté droit
auprès d'elle un tronc d'arbre qu'un Serpent entortille ; et au-dessous de la figure est écrit en gros caractere , TVTILINAE. S, ce qui nous apprend que la figure qui est représentée sur ce bas- relief,
avoit été consacrée à la Tutiline sous ce
Type. *
Cette Divinité avoit un Autel à Rome
sur le Mont Aventin , comme Varron le
remarque dans sa Ménippée. Cette der-
* S. Augustin , dans le 4. Livre de la Cité de
Dieu , Chap. 8. fait mention de la Déesse Tutiline , comme de la Sur- Intendante des Grains
après la récolte. Frumentis vero collectis atque reconditis , ut tutò servarentur Deam Tutilinam praposuerunt.
B iiij niere
442 MERCURE DE FRANCE
niere figure est encore differente de celle
qui est représentée sur notre Médaille de
Carausius , elle ne ressemble point non
plus à la figure de la Tutele qui est sur
la Médaille de Vespasien , où cette Divinité est assise dans une attitude majestueuse , ayant deux jeunes Princes debout à ses côtez.
Pour ce qui regarde la Médaille de
Nerva, ce n'est point la Divinité Tutele
qui est représentée sur son revers ; c'est
l'Empereur Nerva lui- même qui y est
appellé la Tutele de l'Italie , et avec jus- tice , pour les raisons que nous avons rapportées plus haut.
Ainsi le Type de la Médaille de Carausius avec TVTELA AVG..ne revient à aucun de tous ces Types. C'est , comme on
l'a dit , une figure toute particuliere. Elle
sacrifie sur un Autel , où il y a du feu ,
sur lequel elle répand une Patere pleine
de quelque liqueur propre au Sacrifice ,
tenant de la main gauche une Corne d'abondance.
Ne seroit- ce point là , Monseigneur
le Génie Tutelaire de la Ville et du Port
de Boulogne sur l'Ocean , ou bien celui
de la Ville et du Port de Bourdeaux ?
Ce sont , comme V.A.S. le sçait, deux
Ports et deux Villes qui ont été autrefois
MARS. 17320 443
fois très- considerables , soit par leur propre situation , soit par les grands Evenemens qui y sont arrivez du temps des Romains.
•
La premiere est aujourd'hui la Capitale
du Boulonnois , Peuple qu'on appelloit
autrefois les Morins.
La seconde est la Capitale de la Guyen:
ne , Province que Ptolomée appelle Aqui
tania.
Par rapport à Boulogne , j'ai prouvé dans le corps de mon Ouvrage sur Carausius , que cette Ville fût d'abord comme le Magazin general et l'Arcenal de
cet Empereur, et qu'il en fit une des plus
fortes Places qu'il eûr sur les Côtes Maritimes des Gaules , et qu'elle soutint un
Siege presqu'aussi long que le fut le fameux Siege de Troye.
Le Génie Tutelaire en ce sens sur les
Médailles de Carausius , ne conviendroit
peut-être pas mal à Boulogne ; cet Autel,
ces Parfums , cette Paterre , désigneroient
les Sacrifices qui furent faits dans cette
Ville pour la prosperité des Armes , et
pour l'heureux succès de la Flotte de cet
Empereur.LaCorne d'abondance que tient
cette Figure , marqueroit la quantité suffisante de toutes les munitions necessaires
pour la deffense et pour la sureté de cette
Place. Les Tours dont elle paroît couronBv néc
444 MERCURE DE FRANCE
née , désigneroient la force de ses murailles , qui devoient être bien considérables ,
puisque le Rhéteur Euménius ( a) , dans
un de ses Panégyriques en fait mention ;
en les appellant Gessoriacenses muros , les
Murs de Gessoriac , parce que cette Ville
a aussi été appellée , Gessoriacum navale
à cause de la renommée de son Port , que
je prétends être le fameux Por.us Iccius
des Anciens.
Pour revenir à notre Médaille. Pline le
jeune en parlant des Sacrifices qui furenţ
faits à la proclamation de Nerva , nous
fournit un passage qui semble l'expliquer
encore dans un sens qui ne seroit point
incompatible à quelque Ville qu'on voulut la donner. Diem , dit-il , in quem
Tutela Generis humani felicissima successione translata est debita religione celebravimus, commendantes Diis Imperii Authoribus , et vota publica et gaudia.
C'est peut être , Monseigneur , ce que
les Monetaires nous auroient voulu faire
entendre par ce Type et par cette Légende , par cet Autel et par ces Sacrifices.
Pour marquer à la posterité qu'à son
avenement à l'Empire , les Gaulois et les
Bretons de son parti , s'étoient religieu-
(a) Panegyr. à Constantius César , chap. 4.
sement
MARS. 1732. 445
sement acquittez d'un devoir essentiel
envers Carausius , qu'ils venoient de reconnoître pour Empereur , et qu'ils regardoient comme l'objet de leurs vœux et
la Tutele du genre humain , dans le mê
me sens qu'Horace,dans une de ses Odes*,
donne ce titre à Auguste.
OTutela prasens
Italia, Dominaque Roma.
C'est dans la même pensée que Nerva
est appellé , Tutela Italia sur la Médaille ,
dont nous avons déja décrit le revers , et
dont la Légende est tirée de ces deux Vers
d'Horace.
Mais la Médaille de Carausius , avec
Tutela Aug.au revers , accompagnée d'un
Type nouveau , et jusques icy inconnu ;
paroît nous marquer encore quelque chose de plus , et elle pourroit s'entendre
d'une Divinité Topique , et propre à un
lieu particulier.
L'Autel , sur ce revers nous marque
que la Tutele avoit aussi ses Autels , ses
Temples et ses Sacrifices particuliers du
temps de Carausius , et que le culte de la
Tutele , étant Romain d'origine , s'étoit
* Ode 14. Carmin. lib. 4.
B vj ré
446 MERCURE DE FRANCE.
répandu dans l'étendue de ses Etats , dans
la grande Bretagne , dans nos Gaules et
dans d'autres Provinces, comme celui des
autres Dieux , dont V. A. S. sçait que le
culte s'étendoit , à mesure que les Romains avançoient leurs conquêtes.
Pour venir à la Ville de Bourdeaux
l'Inscription antique qui y fut trouvée ,
et que voici , prouve invinciblement
le culte de la Tutele y étoit établi,
TVTELÆ
AVG.
LASCIVOS CANIL:
EX VOTO
L. D. EX. D. D.
que
C'est l'accomplissement d'un vœu solemnel , fait à la Turele d'Auguste , par
un particulier, nommé Lascivus Canilius.
Les dernieres Lettres initiales de cette
Inscription , L. D. EX. D. D. signifient
que le Sol lui en avoit été assigné par un
Décret exprès des Décurions de la Ville.
Locus datus ex Decreto Decurionum. Ce
qui fait voir en passant que Bourdeaux
joüissoit pour lors du droit de Colonie
Romaine, et qu'elle avoit adopté le culte
de cette Divinité. Elle y avoit un Temple
MARS. 1732 447
܂ܐ
>
ple des plus superbes , dans lequel cette
Inscription fut trouvée , selon Tristan.
Ce Temple subsistoit encore presqu'en
son entier en 1700.avant que Louis XIV.
de glorieuse mémoire , l'eut fait détruire
pour en faire une Esplanade devant le
Château Trompette. C'étoit un Péristyle,
à quatre Angles droits , long de 87 pieds,
et large de 62. selon Elie Vinet , ou de
63 , selon Merula , dans sa Géographie
page 426. Ce Temple avoit six Colonnes
en face dans sa largeur, et huit Colonnes
à chaque côté dans sa longueur ; ce qui
faisoit en tout une colonnade de 24 Colonnes , de l'Ordre Corinthien , dont il
en restoit encore 18 sur pied , dans le
temps que Vinet publia ses Notes sur Ausone. Les Colonnes de ce Temple étoient
d'une hauteur si considérable qu'elles do
minoient sur tous les plus hauts Edifices
de la Ville ; ce qui peut avoir été en partie cause de sa destruction. Au dessous de
ce Temple il y avoit des Voutes et des
Caves qui étoient d'un ouvrage aussi ancien. On s'en servoit pour y conserver du
Vin , selon quelques Auteurs.
La démolition d'un monument si superbe et si respectable par son anciennete , ne laissa pas d'exciter les regrets de
quelques amateurs de l'Antiquité , gens
qui
448 MERCURE DE FRANCE
qui ne s'embarassent guere de politique.
Ces regrets furent même accompagnez
des larmes d'un des plus sçavans Antiquaires (a) de ce temps- là. Ce qui donna
occasion aux Vers , qui furent imprimez
dans le Mercurede Mars 1702.que V.A.S.
ne sera peut-être pas fâchée de voir icy.
99
55
Pourquoi démolit-on ces Colomnes des
Dieux ?
Ouvrage des Césars , Monument Tutclaire ,
Depuis plus de mille ans , que le temps les re- vére ,
Elles s'élevoient jusqu'aux Cieux.
»Il faut que leur orgueil , cede à la Forteresse
» Où Mars pour nous veille sans cesse.
Son redoutable Mur , Edifice Royal ,
Ne doit point souffrir de Rival.
Ainsi il ne nous reste plus aujourd'hui
aucun vestige de ce fameux Temple de
la Tutele, qu'un triste souvenir de sa ruine..
Mais que dis- je, Monseigneur, ce Temple n'est pas entierement détruit , et l'idée de ce superbe Edifice ne sera jamais tout à-fait effacée de la mémoire des hommes. Le même Vinet nous en a heureusement conservé le Dessein. C'est dans ses
sçavantes Notes sur Ausone , où j'ai eu
( a ) M. Spon.
la
MARS. 1732. 449
ul
de
ne,
cm.
l'imais
ɔmceu5 ses
eu
la 1
la satisfaction de le voir représenté sous
le nom de Palais ou de Piliers de Tutele,
C'est ainsi qu'on l'appelloit vulgairement , à cause de sa magnificence égale à
celle des Palais des Rois. C'étoit , sans
doute , non un Palais , mais un Temple
consacré à la Tutele , ou au Genie Tutelaire de la Ville et du Port de Bourdeaux,
comme l'Inscription antique , que nous
venons de rapporter plus haut , et qui y
fut trouvée , le prouve invinciblement.
Quoique tous les Dieux pussent être
Dieux Tuteles , soit male , ou femelle ,
V. A. S. sçait cependant que chaque Nation ou Peuplade s'en choisissoit un particulier , qu'elle invoquoit comme son
Génie , son Protecteur , et son Dieu Tutele. Chaque Vaisseau avoit aussi son Dieu
Tutele particulier.
Or c'est du Dieu Tutele de la Ville de
Bourdeaux que je crois qu'on doit entendre l'Inscription : Tutela Aug. & c. qui y
fut trouvée.
C'est de Bourdeaux que je crois aussi
qu'il faut entendre la Légende : Tutela
Aug. qui est sur la Médaille de Carausius;
et il est beaucoup plus à présumer , que
la figure qui esr sur notre Médaille, peut
être la mêmequi étoit adorée dans ceTemple
450 MERCURE DE FRANCE
ple de Bourdeaux , et que c'étoit- là la
Divinité Tutele de la Ville.
En effet , Carausius étant Maître de la
Mer, comme il l'étoit , je ne fais aucun
doute , qu'il ne se fut aussi emparé de la
Ville et du Port de Bourdeaux. Cette
Ville , aussi-bien que Boulogne , lui étoit
de trop grande importance pour la négliger. Son Port , qui étoit autrefois au
milieu de la Ville , étoit aussi un des plus
superbes , suivant ces Vers d'Ausone :
"Per mediumque Urbis Fontani fluminis al veum
Quem Pater Oceanus refluo quum impleverit astu.
» Adlabi totum spectabis classibus aquor.
Carausius avoit en ces deux Villes deux
clefs pour sortir et pour entrer dans les
Gaules , suivant que ses affaires tourneroient , bien ou mal ; dans l'expédition
qu'il projettoit de la grande Bretagne.
C'est de Bourdeaux et de ses Citoyens
que je pense qu'il faut entendre en partie
un Passage d'Eumenius , où il est dit que
Carausius emmena avec lui , en la grande
Bretagne , plusieurs Marchands des GauIes. Contractis ad Dilectum Mercatoribus
*
Galli
MAR S.. 1732.
450
S
n
je
le
He
us
Gallicanis;parce que cette Ville a toujours
été en grand commerce , sur tout avec
ces Insulaires.
Enfin Bourdeaux est la Ville où je crois
que notre Médaillea pû avoir été frappée,
les raisons que nous venons d'en raporter.
par
Peut- être cette Ville, puissante comme
elle étoit,et parTerre et par Mer,à l'exemple de Boulogne, fut- elle une des premieres à saisir cette occasion , pour secoüer
le joug des deux autres Empereurs Romains. V. A. S. sçait qu'il n'y avoit pas
long- temps que la Ville de Bourdeaux
s'étoit soustraite à l'obéïssance de Gallien,
et que du Gouverneur de la Province
dont elle étoit la Capitale , elle avoit fait
un Empereur , nommé Tetricus , qui prit
la Pourpre à Bourdeaux , où il faisoit sa
résidence ordinaire.
On voit encore à Bourdeaux , parmi les
autres Antiquitez, les ruines d'un Amphithéatre , nommé vulgairement , le Palais
de Gallien , qui pouvoit y avoir fait quelque séjour avant la révolte de Tétricus.
Cela fait voir le rang distingué que tenoit autrefois cette Ville Maritime de la
Province d'Aquitaine , ou de la Guienne,
comme on l'appelle aujourd'hui.
Cette Ville ancienne ne s'étoit pas seu
lement
452 MERCURE DE FRANCE
lement renduë recommandable par son
commerce dans les extrémitez des Mers ,
même du temps d'Auguste , comme Strabon , qui vivoit sous ce Prince, nous l'assure. Elle s'est encore rendue celebre par
le grand nombre de Sçavans qui y ont
fleuri , comme on le peut voir dans les
Vers d'Ausone. Mais ce n'est point icy le
lieu d'en parler.
Ce que j'ai dit , Monseigneur, en faveur
de cette Ville , paroît suffire pour l'expliIcation de notre Médaille de Carausius
avec la Légende , Tutela Aug. ,
Légende inconnue jusques icy dans les
Médailles du bas Empire , et dont le Type n'est pas moins singulier , ni moins
digne de l'attention des Antiquaires.
Ce sont- là , Monseigneur , les conjectures que j'ai crû pouvoir hazarder , et
que je soûmets entierement à votre décision. Je ne sçai si V. A. S. les trouvera
assez solidement appuyées ; mais elles serviront du moins à exciter la curiosité
des Sçavans sur ce sujet , et elles seront
un témoignage public de la Protection
jose dire , de la Tutele particuliere , dont vous honorez les Sciences et les Gens de
Lettres , ainsi que du profond respect et
de la reconnoissance parfaite avec laquelle
je serai toute ma vie , &c.
A Paris , ce 15 Février 1732.
antique très singuliere de Carausius ,
Empereur des anciens Bretons , au temps de Diocletien et de Maximien-Hercule ,
adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine,
Prince Souverain de Dombes , &c. Par
M. Genebrier , Docteur en Medecine.
MONSEIGNEUR,
L'accueil dont V. A. S. m'a honoré à
mon retour d'Angleterre , la maniere distinguée dont elle a b en voulu me communiquer elle-même , et à Versailles et
Bij à
38 MERCURE DE FRANCE
à Sceaux , ses differens Cabinets de Mé,
dailles antiques , et la permission qu'elle
m'a accordée de décrire celles qui pou
voient entrer dans mes vûës Litteraires
sont des effets d'unebonté digne deV.A.S
mais trop marquez pour moi , pour ne
pas rechercher l'occasion de les publier.
' ose donc mefatter , Monseigneur , que
V. A. S. ne trouvera pas mauvais que je
fasse paroître cet Ecrit sous vos auspices.
Je l'ai composé au sujet d'une Médaille
antique du Héros bes Bretons , dont j'ai
déja eu l'honneur d'entretenir V. A, S.
Cette Médaille interesse particulierement
la gloire d'une de nos plus anciennes
Villes de France , Ville autrefois et encore aujourd'hui très celebre , et qui
étant la Capitale du Gouvernement de
Monseigneur le Comte d'Eu , Prince qui
marche si dignement sur vos traces , doit
aussi interesser V. A. S.
Cette Médaille est de petit bronze et
assez bien conservée , elle est d'un Métail jaune , qui est rare dans les Médailles
de ce temps- là . Je la croyois d'abord unique , mais M. l'Abbé de Rothelin en a
trouvé depuis peu une autre qui n'est que
de cuivre rouge. Elle représente d'un côté
la tête de l'Empereur Carausius , couronnée de rayons , avec la Légende ordinaire.
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MARS J
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. 1732 439
Imp. Carausius P. F. Aug. Et au revers
pour Legende , Tutela Aug. La Tutele
d'Auguste. Pour Type la figure d'une
femme debout , tournée du côté droit
vétuë d'une robe longue abbattue , don't
ún bout ramené du côté droit par devant et retroussé sur le bras gauche , va
encore descendre jusqu'aux pieds. Certe
figure tient de la main droite une patere
sur un Autel où il y a du feu , et de la
gauche elle soutient par le bas une Corne
d'abondance , couchée sur le bras du mê- me côté.
Parmi beaucoup de Médailles antiques
que j'ai vûës dans un assez grand nombre de Cabinets en differens Royaumes,
par ordre et sous les auspices de S. A. R.
feuë Madame , et que j'ai décrites , je
n'en ai jamais trouvé que deux differentes du haut Empire , avec la Legende
TVTELA , &C.
La premiere est une Médaille de Vespasien , et la seconde de Nerva.
Au revers de la Médaille de Vespasien , il y a pour Legende Tutela Augusti S. C. et pour Type , la figure d'une
femme assise , tournée du côté droit , qui
impose la main droite sur la tête de Tite,
qui est devant elle au côté droit , ayant
fe bras gauche négligemment appuyé sur
Biij les
440 MERCURE DE FRANCE
les épaules de Domitien , qui est aussi
debout de l'autre côté , la face tournée
differemment. Ce qui nous marque que
ces deux jeunes Princes s'étoient , pour ainsi dire voüés à cette Divinité Tutele
et qu'ils s'étoient mis sous sa protection.
3
Au revers de la Médaille de Nerva ,
il y a pour Legende Tutela Italia S. C.
La Tutele de l'Italie. Pour Type , la figure de l'Empereur assis , de gauche à
droite , sur une Chaise Curule , qui tend
la main droite à deux petits enfans , garçon et fille , qui sont debout à ses pieds ,
et qui lui sont présentez par l'Italie personifiée sous la figure d'une femme aussi
debout derriere eux , pour faire entendre
que ce Prince s'étoit déclaré le Pere et le
Protecteur des enfans orphelins de l'un
et l'autre Sexe, C'est ce qui paroît confirmé par un Passage de Xiphilin , * qui
rapporte que ce Prince assigna des Terres
estimées quinze cent mille dragmes pour
la subsistance des Citoyens qui étoient
dans la necessité.
A l'égard de la Médaille de Carausius,
il- y a pour Legende au revers , Tutela
Aug. à peu près comme dans la Médaille de Vespasien , et non pas Tutela
Italia , comme dans celle de Nerva ; mais
* Dans la Vie de Nerva.
au
MARS. 17321 441
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au
au lieu que sur la Médaille de Vespasien,
on y voit trois figures représentées , et
que sur celle de Nerva , on en voit quatre,
il ne se trouve qu'une seule figure sur
la Médaille de Carausius , comme je l'ai
décrite au commencement; ce qui forme
un troisiéme Type different sur les Médailles de ce genre.
Boissart , dans le troisiéme Tome de
ses Antiquitez , nous a donné la figure
de la Déesse Tutilina , sous l'habit d'une
venerable Matrone debout , le derriere
de la tête voilé , dont la robe descend
jusques aux pieds. On voit au côté droit
auprès d'elle un tronc d'arbre qu'un Serpent entortille ; et au-dessous de la figure est écrit en gros caractere , TVTILINAE. S, ce qui nous apprend que la figure qui est représentée sur ce bas- relief,
avoit été consacrée à la Tutiline sous ce
Type. *
Cette Divinité avoit un Autel à Rome
sur le Mont Aventin , comme Varron le
remarque dans sa Ménippée. Cette der-
* S. Augustin , dans le 4. Livre de la Cité de
Dieu , Chap. 8. fait mention de la Déesse Tutiline , comme de la Sur- Intendante des Grains
après la récolte. Frumentis vero collectis atque reconditis , ut tutò servarentur Deam Tutilinam praposuerunt.
B iiij niere
442 MERCURE DE FRANCE
niere figure est encore differente de celle
qui est représentée sur notre Médaille de
Carausius , elle ne ressemble point non
plus à la figure de la Tutele qui est sur
la Médaille de Vespasien , où cette Divinité est assise dans une attitude majestueuse , ayant deux jeunes Princes debout à ses côtez.
Pour ce qui regarde la Médaille de
Nerva, ce n'est point la Divinité Tutele
qui est représentée sur son revers ; c'est
l'Empereur Nerva lui- même qui y est
appellé la Tutele de l'Italie , et avec jus- tice , pour les raisons que nous avons rapportées plus haut.
Ainsi le Type de la Médaille de Carausius avec TVTELA AVG..ne revient à aucun de tous ces Types. C'est , comme on
l'a dit , une figure toute particuliere. Elle
sacrifie sur un Autel , où il y a du feu ,
sur lequel elle répand une Patere pleine
de quelque liqueur propre au Sacrifice ,
tenant de la main gauche une Corne d'abondance.
Ne seroit- ce point là , Monseigneur
le Génie Tutelaire de la Ville et du Port
de Boulogne sur l'Ocean , ou bien celui
de la Ville et du Port de Bourdeaux ?
Ce sont , comme V.A.S. le sçait, deux
Ports et deux Villes qui ont été autrefois
MARS. 17320 443
fois très- considerables , soit par leur propre situation , soit par les grands Evenemens qui y sont arrivez du temps des Romains.
•
La premiere est aujourd'hui la Capitale
du Boulonnois , Peuple qu'on appelloit
autrefois les Morins.
La seconde est la Capitale de la Guyen:
ne , Province que Ptolomée appelle Aqui
tania.
Par rapport à Boulogne , j'ai prouvé dans le corps de mon Ouvrage sur Carausius , que cette Ville fût d'abord comme le Magazin general et l'Arcenal de
cet Empereur, et qu'il en fit une des plus
fortes Places qu'il eûr sur les Côtes Maritimes des Gaules , et qu'elle soutint un
Siege presqu'aussi long que le fut le fameux Siege de Troye.
Le Génie Tutelaire en ce sens sur les
Médailles de Carausius , ne conviendroit
peut-être pas mal à Boulogne ; cet Autel,
ces Parfums , cette Paterre , désigneroient
les Sacrifices qui furent faits dans cette
Ville pour la prosperité des Armes , et
pour l'heureux succès de la Flotte de cet
Empereur.LaCorne d'abondance que tient
cette Figure , marqueroit la quantité suffisante de toutes les munitions necessaires
pour la deffense et pour la sureté de cette
Place. Les Tours dont elle paroît couronBv néc
444 MERCURE DE FRANCE
née , désigneroient la force de ses murailles , qui devoient être bien considérables ,
puisque le Rhéteur Euménius ( a) , dans
un de ses Panégyriques en fait mention ;
en les appellant Gessoriacenses muros , les
Murs de Gessoriac , parce que cette Ville
a aussi été appellée , Gessoriacum navale
à cause de la renommée de son Port , que
je prétends être le fameux Por.us Iccius
des Anciens.
Pour revenir à notre Médaille. Pline le
jeune en parlant des Sacrifices qui furenţ
faits à la proclamation de Nerva , nous
fournit un passage qui semble l'expliquer
encore dans un sens qui ne seroit point
incompatible à quelque Ville qu'on voulut la donner. Diem , dit-il , in quem
Tutela Generis humani felicissima successione translata est debita religione celebravimus, commendantes Diis Imperii Authoribus , et vota publica et gaudia.
C'est peut être , Monseigneur , ce que
les Monetaires nous auroient voulu faire
entendre par ce Type et par cette Légende , par cet Autel et par ces Sacrifices.
Pour marquer à la posterité qu'à son
avenement à l'Empire , les Gaulois et les
Bretons de son parti , s'étoient religieu-
(a) Panegyr. à Constantius César , chap. 4.
sement
MARS. 1732. 445
sement acquittez d'un devoir essentiel
envers Carausius , qu'ils venoient de reconnoître pour Empereur , et qu'ils regardoient comme l'objet de leurs vœux et
la Tutele du genre humain , dans le mê
me sens qu'Horace,dans une de ses Odes*,
donne ce titre à Auguste.
OTutela prasens
Italia, Dominaque Roma.
C'est dans la même pensée que Nerva
est appellé , Tutela Italia sur la Médaille ,
dont nous avons déja décrit le revers , et
dont la Légende est tirée de ces deux Vers
d'Horace.
Mais la Médaille de Carausius , avec
Tutela Aug.au revers , accompagnée d'un
Type nouveau , et jusques icy inconnu ;
paroît nous marquer encore quelque chose de plus , et elle pourroit s'entendre
d'une Divinité Topique , et propre à un
lieu particulier.
L'Autel , sur ce revers nous marque
que la Tutele avoit aussi ses Autels , ses
Temples et ses Sacrifices particuliers du
temps de Carausius , et que le culte de la
Tutele , étant Romain d'origine , s'étoit
* Ode 14. Carmin. lib. 4.
B vj ré
446 MERCURE DE FRANCE.
répandu dans l'étendue de ses Etats , dans
la grande Bretagne , dans nos Gaules et
dans d'autres Provinces, comme celui des
autres Dieux , dont V. A. S. sçait que le
culte s'étendoit , à mesure que les Romains avançoient leurs conquêtes.
Pour venir à la Ville de Bourdeaux
l'Inscription antique qui y fut trouvée ,
et que voici , prouve invinciblement
le culte de la Tutele y étoit établi,
TVTELÆ
AVG.
LASCIVOS CANIL:
EX VOTO
L. D. EX. D. D.
que
C'est l'accomplissement d'un vœu solemnel , fait à la Turele d'Auguste , par
un particulier, nommé Lascivus Canilius.
Les dernieres Lettres initiales de cette
Inscription , L. D. EX. D. D. signifient
que le Sol lui en avoit été assigné par un
Décret exprès des Décurions de la Ville.
Locus datus ex Decreto Decurionum. Ce
qui fait voir en passant que Bourdeaux
joüissoit pour lors du droit de Colonie
Romaine, et qu'elle avoit adopté le culte
de cette Divinité. Elle y avoit un Temple
MARS. 1732 447
܂ܐ
>
ple des plus superbes , dans lequel cette
Inscription fut trouvée , selon Tristan.
Ce Temple subsistoit encore presqu'en
son entier en 1700.avant que Louis XIV.
de glorieuse mémoire , l'eut fait détruire
pour en faire une Esplanade devant le
Château Trompette. C'étoit un Péristyle,
à quatre Angles droits , long de 87 pieds,
et large de 62. selon Elie Vinet , ou de
63 , selon Merula , dans sa Géographie
page 426. Ce Temple avoit six Colonnes
en face dans sa largeur, et huit Colonnes
à chaque côté dans sa longueur ; ce qui
faisoit en tout une colonnade de 24 Colonnes , de l'Ordre Corinthien , dont il
en restoit encore 18 sur pied , dans le
temps que Vinet publia ses Notes sur Ausone. Les Colonnes de ce Temple étoient
d'une hauteur si considérable qu'elles do
minoient sur tous les plus hauts Edifices
de la Ville ; ce qui peut avoir été en partie cause de sa destruction. Au dessous de
ce Temple il y avoit des Voutes et des
Caves qui étoient d'un ouvrage aussi ancien. On s'en servoit pour y conserver du
Vin , selon quelques Auteurs.
La démolition d'un monument si superbe et si respectable par son anciennete , ne laissa pas d'exciter les regrets de
quelques amateurs de l'Antiquité , gens
qui
448 MERCURE DE FRANCE
qui ne s'embarassent guere de politique.
Ces regrets furent même accompagnez
des larmes d'un des plus sçavans Antiquaires (a) de ce temps- là. Ce qui donna
occasion aux Vers , qui furent imprimez
dans le Mercurede Mars 1702.que V.A.S.
ne sera peut-être pas fâchée de voir icy.
99
55
Pourquoi démolit-on ces Colomnes des
Dieux ?
Ouvrage des Césars , Monument Tutclaire ,
Depuis plus de mille ans , que le temps les re- vére ,
Elles s'élevoient jusqu'aux Cieux.
»Il faut que leur orgueil , cede à la Forteresse
» Où Mars pour nous veille sans cesse.
Son redoutable Mur , Edifice Royal ,
Ne doit point souffrir de Rival.
Ainsi il ne nous reste plus aujourd'hui
aucun vestige de ce fameux Temple de
la Tutele, qu'un triste souvenir de sa ruine..
Mais que dis- je, Monseigneur, ce Temple n'est pas entierement détruit , et l'idée de ce superbe Edifice ne sera jamais tout à-fait effacée de la mémoire des hommes. Le même Vinet nous en a heureusement conservé le Dessein. C'est dans ses
sçavantes Notes sur Ausone , où j'ai eu
( a ) M. Spon.
la
MARS. 1732. 449
ul
de
ne,
cm.
l'imais
ɔmceu5 ses
eu
la 1
la satisfaction de le voir représenté sous
le nom de Palais ou de Piliers de Tutele,
C'est ainsi qu'on l'appelloit vulgairement , à cause de sa magnificence égale à
celle des Palais des Rois. C'étoit , sans
doute , non un Palais , mais un Temple
consacré à la Tutele , ou au Genie Tutelaire de la Ville et du Port de Bourdeaux,
comme l'Inscription antique , que nous
venons de rapporter plus haut , et qui y
fut trouvée , le prouve invinciblement.
Quoique tous les Dieux pussent être
Dieux Tuteles , soit male , ou femelle ,
V. A. S. sçait cependant que chaque Nation ou Peuplade s'en choisissoit un particulier , qu'elle invoquoit comme son
Génie , son Protecteur , et son Dieu Tutele. Chaque Vaisseau avoit aussi son Dieu
Tutele particulier.
Or c'est du Dieu Tutele de la Ville de
Bourdeaux que je crois qu'on doit entendre l'Inscription : Tutela Aug. & c. qui y
fut trouvée.
C'est de Bourdeaux que je crois aussi
qu'il faut entendre la Légende : Tutela
Aug. qui est sur la Médaille de Carausius;
et il est beaucoup plus à présumer , que
la figure qui esr sur notre Médaille, peut
être la mêmequi étoit adorée dans ceTemple
450 MERCURE DE FRANCE
ple de Bourdeaux , et que c'étoit- là la
Divinité Tutele de la Ville.
En effet , Carausius étant Maître de la
Mer, comme il l'étoit , je ne fais aucun
doute , qu'il ne se fut aussi emparé de la
Ville et du Port de Bourdeaux. Cette
Ville , aussi-bien que Boulogne , lui étoit
de trop grande importance pour la négliger. Son Port , qui étoit autrefois au
milieu de la Ville , étoit aussi un des plus
superbes , suivant ces Vers d'Ausone :
"Per mediumque Urbis Fontani fluminis al veum
Quem Pater Oceanus refluo quum impleverit astu.
» Adlabi totum spectabis classibus aquor.
Carausius avoit en ces deux Villes deux
clefs pour sortir et pour entrer dans les
Gaules , suivant que ses affaires tourneroient , bien ou mal ; dans l'expédition
qu'il projettoit de la grande Bretagne.
C'est de Bourdeaux et de ses Citoyens
que je pense qu'il faut entendre en partie
un Passage d'Eumenius , où il est dit que
Carausius emmena avec lui , en la grande
Bretagne , plusieurs Marchands des GauIes. Contractis ad Dilectum Mercatoribus
*
Galli
MAR S.. 1732.
450
S
n
je
le
He
us
Gallicanis;parce que cette Ville a toujours
été en grand commerce , sur tout avec
ces Insulaires.
Enfin Bourdeaux est la Ville où je crois
que notre Médaillea pû avoir été frappée,
les raisons que nous venons d'en raporter.
par
Peut- être cette Ville, puissante comme
elle étoit,et parTerre et par Mer,à l'exemple de Boulogne, fut- elle une des premieres à saisir cette occasion , pour secoüer
le joug des deux autres Empereurs Romains. V. A. S. sçait qu'il n'y avoit pas
long- temps que la Ville de Bourdeaux
s'étoit soustraite à l'obéïssance de Gallien,
et que du Gouverneur de la Province
dont elle étoit la Capitale , elle avoit fait
un Empereur , nommé Tetricus , qui prit
la Pourpre à Bourdeaux , où il faisoit sa
résidence ordinaire.
On voit encore à Bourdeaux , parmi les
autres Antiquitez, les ruines d'un Amphithéatre , nommé vulgairement , le Palais
de Gallien , qui pouvoit y avoir fait quelque séjour avant la révolte de Tétricus.
Cela fait voir le rang distingué que tenoit autrefois cette Ville Maritime de la
Province d'Aquitaine , ou de la Guienne,
comme on l'appelle aujourd'hui.
Cette Ville ancienne ne s'étoit pas seu
lement
452 MERCURE DE FRANCE
lement renduë recommandable par son
commerce dans les extrémitez des Mers ,
même du temps d'Auguste , comme Strabon , qui vivoit sous ce Prince, nous l'assure. Elle s'est encore rendue celebre par
le grand nombre de Sçavans qui y ont
fleuri , comme on le peut voir dans les
Vers d'Ausone. Mais ce n'est point icy le
lieu d'en parler.
Ce que j'ai dit , Monseigneur, en faveur
de cette Ville , paroît suffire pour l'expliIcation de notre Médaille de Carausius
avec la Légende , Tutela Aug. ,
Légende inconnue jusques icy dans les
Médailles du bas Empire , et dont le Type n'est pas moins singulier , ni moins
digne de l'attention des Antiquaires.
Ce sont- là , Monseigneur , les conjectures que j'ai crû pouvoir hazarder , et
que je soûmets entierement à votre décision. Je ne sçai si V. A. S. les trouvera
assez solidement appuyées ; mais elles serviront du moins à exciter la curiosité
des Sçavans sur ce sujet , et elles seront
un témoignage public de la Protection
jose dire , de la Tutele particuliere , dont vous honorez les Sciences et les Gens de
Lettres , ainsi que du profond respect et
de la reconnoissance parfaite avec laquelle
je serai toute ma vie , &c.
A Paris , ce 15 Février 1732.
Fermer
Résumé : EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Le texte, rédigé par M. Genebrier, Docteur en Médecine, présente une médaille antique en bronze dédiée à Carausius, Empereur des anciens Bretons. Cette médaille, unique en son genre, représente Carausius couronné de rayons au recto, avec la légende 'Imp. Carausius P. F. Aug.' et au verso, une femme debout tenant une patère et une corne d'abondance, accompagnée de la légende 'Tutela Aug.' Cette médaille se distingue des autres médailles antiques connues, comme celles de Vespasien et Nerva, qui portent également la légende 'Tutela'. La médaille de Carausius pourrait être liée à Boulogne-sur-Mer ou Bordeaux, deux villes importantes à l'époque romaine. Boulogne-sur-Mer était un arsenal et une place forte de Carausius, tandis que Bordeaux possédait un temple dédié à la Tutele, comme le montre une inscription antique. La médaille pourrait symboliser le génie tutélaire de l'une de ces villes, représentant les sacrifices et les abondances nécessaires à leur défense et prospérité. Le texte mentionne également des détails sur les autres médailles antiques et les divinités tutélaires, soulignant l'importance historique et culturelle de ces objets. La médaille de Carausius, portant l'inscription 'Tutela Aug.', est probablement liée à Bordeaux, ville stratégique pour Carausius en raison de son port et de son importance commerciale. Bordeaux a également été un centre de rébellion contre les empereurs romains, avec l'ascension de Tetricus. La ville est riche en antiquités, comme les ruines d'un amphithéâtre, et a été célèbre pour son commerce et ses savants, notamment Ausone. Le texte conclut en soumettant ces conjectures à l'appréciation de son destinataire, soulignant l'importance historique et culturelle de Bordeaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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305
p. 508-525
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Début :
RECUEIL de Pieces. d'Histoire et de Litterature, Tome 1. [...]
Mots clefs :
Recueil, Histoire, Littérature, Mahomet, Temps, France, Mecque, Trésor
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
RECUEIL de Pieces. d'Histoire et de
Litterature , Tome 1. vol. in 12. de 224.
pages , sans les Préfaces. A Paris , chez
Chaubert , à l'entrée du Quay des Augustins , du côté du Pont S. Michel , 1731. ~
L'Auteur de ce Recueil s'est proposé
comme il le dit dans sa Préface , de plaire
à l'esprit et de l'orner des connoissances
solides ; on peut dire qu'il a réussi dans
ce premier volume , et qu'il tient plus
qu'il ne nous a promis. Il paroît trèsmodeste surson article et même sur celui
de
MARS. 1732. 509.
de la Nation Françoise , à laquelle il préfere les Anglois pour le goût et les in-1
clinations , selon la coûtume d'un certain cercle de personnes qui prennent aujourd'hui à tâche de proner les grandes ,
perfections de la Nation Angloise , aux:
dépens même de la leur , et qui rabaise
sent souvent leur Patrie pour donner à
la Nation Britannique plus de lustre et
de réputation qu'il ne lui enest legitime,
ment dû.
Ce Volume contient les Pieces suivan- ,
tes , toutes ayant leur mérite. Lettre de
M. D...à un de ses amis , sur la nouvelle Edition des Oeuvres de M. l'Abbé.
de S. Real , servant de Préface à la premiere Piece de ce Recueil.
Panegyrique de la Régence de Madame
Royale Marie J. B. de Savoye.
Refléxions nouvelles de M. de la R.
Histoire du Mahometisme.
Remarques sur l'administration des Fi
nances des Romains , traduites de l'Anglois.
Dissertation touchant la part qu'eut
le Pape. Zacharie à la déposition de Chil- deric.
Dissertation , si la grandeur temporelle de l'Eglise n'est point contraire à la
Loy de Dieu , et aux maximes des temps
Apostoliques. Eij Da
o MERCURE DE FRANCE
De la maniere de compter par siecles.
Du commencement et de la fin de chaque
siecle.
Nous ne donnerons aucun Extrait des.
deux premieres Pieces de ce Recueil
nous dirons seulement que le Panegyrique est une fort belle Piece , dont le sujet est traité avec beaucoup d'éloquence.
Les Refléxions diverses qui suivent
cette Piece , sont neuves et délicates.
Elles regardent la confiance , la difference
des esprits , les goûts , la societé , la conversation , le faux , l'air et les manieres.
Nous renvoyons encore au Recueil même
ceux qui en voudront connoître la solidiré et la justesse.
Nous passerons à l'Histoire du Mahometisme , qui est une des Pieces de ce
Recueil ; il paroît d'abord que cette Histoire doive être considerable. Elle l'est en
effet , mais moins par son étenduë que
par la maniere dont elle est traitée. Elle
est divisée en trois Parties. La premiere
est employée à l'Histoire de Mahomet er
de sa Secte. La seconde rapporte les Fables principales que des Auteurs mal informez ont debitées sur Mahomet. L'Auteur réfute en peu de mots dans la troisiéme les principes de cette fausse Religion,Donnons quelque idée de cette Histoire.
MAR-S; 1732 Sar
L'Auteur a puisé les circonstances qu'il
rapporte dans son Discours , dans les
meilleurs Auteurs Mahométan's dans
Abulfeda , Elmacin , Abuljacer , et autres.
Il s'est servi aussi des sçavans Chrétiens
qui ont écrit sur l'Histoire Orientale ,
tels qu'Abulfarage , qu'on peut mettre
de ce nombre, puisqu'il embrassa le Christianisme avant que de mourir , les sçavans Maronites , Gabriël Sionita , Jean
Hesronita , et Abraham Ecchellensis , le
F. Maracci , Hottinger , d'Herbelot , que
Imprimeur nomme Berthelot , et autres.
Mahomet pâquit à la Mecque, Ville
d'Arabie , dans le temps que l'Eglise
Orientale,aussi-bien que l'Empire,étoient
agitez par un très grand nombre de Sectes
et de divisions. Ses parens étoient d'une
naissance illustre parmi les Arabes , mais
pauvres. Il fut orphelin de pere et de
mere à 7. ans. Son oncle l'éleva au commerce des Syriens ; et à l'âge de 28. aps
il épousa une veuve jaune et riche , dont'
il avoit conduit en Syrie pendant trois
ans les Marchandises qu'elle y envoyoit.
Il se vit par un Mariage si avantageux
en état de faire valoir les grandes qualitez de son esprit, sa bravoure dans les
dangers , sa fermeté , sa pénetration et
ses manieres affables et complaisantes. Il
étoit
i
E iij
312 MERCURE DE FRANCE
pour
étoit naturellement éloquent , et il se serIvit bien dans la suite de ce talent. Il
contrefit dès l'année 606. de J. C. l'homme rêveur et contemplatif , et fit passer
des révelations et des communications avec l'Ange Gabriël , les attaques
du mal caduc , dont il étoit agité assez
souvent. Il s'appliqua de bonne heure à
réunir les trois Religions qui regnoient
en Arabie , la Chrétienne , la Juive et
l'ancienne des Arabes.
La Religion Chrétienne étoit plutôt alors une confusion de Sectes et de superstitions , qu'une Religion. Les Juifs et
les Ismaëlites paroissoient pouvoir être
aisément réunis , puisque les uns et les
autres reconnoissoient Abraham pour leur
"Pere commun. Enfin les Arabes étoient
presque tous Idolâtres et adoroient les
Astres dans leur fameux Temple de la
Mecque , qu'ils croyoient ( comme ils le
croyent encore fort abusivement ) plus.
ancien que celui de Salomon.
Mahomet pour profiter de ces divisions.
et pour réunir toutes ces Sectes en une
seule , pose pour principal fondement
qu'il n'y a qu'un Dieu digne de nos adorations ; ce principe établi avec les Chrétiens et avec les Juifs , il tâche d'y amener aussi les Ismaëlites ou les Arabes , en
les:
MARS. 17320 Sis
.
les faisant souvenir qu'ils sont Enfans d'Abraham , et qu'Abraham n'a jamais adoré
qu'un seul Dieu. Il soutient en faveur
des Juifs , qu'il n'y a point de Trinité
queDieu n'a point de fils et qu'il ne s'est
point incarné , ce qui réunissoit encore
plusieurs Sectes, Nestoriens, Ariens et autres. Il dit avec les Chrétiens , que la
Loi de Dieu , qui avoit été confiée aux
Juifs , ayant été corrompue par eux , if
falloit que Dieu suscitât un autre Prophete plus excellent que les autres. Il
avoue que c'est J. C. qu'il est né d'une
Vierge , qu'il est le Verbe de Dieu , que les
Juifs l'ont voulu crucifier , mais qu'il fut
: enlevé dans le Ciel, et que les Juifs ne
-crucifierent que sa Figure , ce qui étoit
Pheresie des Ebionites. Enfin après avoir
déclaré ces trois Religions insuffisantes ,
il ajoûte en sa faveur que le temps dư
Consolateur promis par J. C. est arrivé ,
: et que la promesse s'accomplit en sa pro
-pre personne. Il accompagna tout cela
de fables qui avoient quelques fondemens dans l'Histoire Sainte , ou qu'il tiroit des Histoires apocriphes , et des
Traditions populaires , mais dont les Arabes ne pouvoient reconnoître la fausseté,
tant leur ignorance étoit grossiere. De
temps-en-temps Mahomet faisoit descenÈ iiij dre
514 MERCURE DE FRANCE
dre du Ciel quelques Cahiers qu'il composoit selon les conjectures où il se trouvoit. On les recueillit après sa mort , et
c'est ce qu'on appelle Alcoran. * Et comme il faut quelqu'exterieur dans une Religion , il ordonna le Jeûne de Ramadan,
il laissa la Circoncision qui étoit en usage en Arabie , et établit des Fêtes , des
Pelerinages , des purifications et d'autres
ceremonies tirées du Christianisme , du
Judaisme et de la pratique ordinaire de
la Nation Arabe.
Il fut cependant 12. ou 13. ans suivi
d'un très-petit nombre de Disciples. La
14. année près de 80. Disciples se joignirent aux premiers , ce qui fit du bruit
dans la Mecque. Les Magistrats en craignirent quelqu'émotion et le chasserent
de la Ville. C'est à cette année de la fuite
de Mahomet , qu'il se réfugia à Medine ,
que commence la celebre Epoque des Mahométans , qu'ils nomment Hegire , c'està-dire Fuite, ce fut Omar oncle de Mahomet, qui 17 ans après cette fuite l'érigea
solemnellement en Epoque et la fitinserer
dans tous les Actes publics. Elle tombe
aur 22. Juillet de l'année 622. de J. C.
Peu de temps après cette fuite , Ma-
* Aloran , composé de deux mots Arabes , signifie l'Ecriture par excellence.
homet
MARS. 1732. SI5
homet eut recours à l'épée , qui lui réüssit encore mieux que la parole. Un Ca
hier descendit du Ciel , qui lui ordonna
d'exterminer tous ceux qui ne suivroient
pas sa doctrine. Les Historiens comptent
12. Batailles qu'il a gagnées pendant sa
vie. Enfin il assiegea la Mecque , à la
tête de 10000. hommes , s'en rendit le
maître et fit passer par le fil de l'épée
tous ceux qui ne se soumirent pas à la
doctrine de l'Alcoran. Voilà en peu de
mots l'Histoire de ce celebre Imposteur.
Il eut , selon quelques- uns , 17. femmes ,
selon d'autres , 21. mais il n'en eut point
d'enfans mâles. Il mourut âgé de 63. ans
dans la 11 année de l'Hegire , et fut enterré à Médine , lieu de sa retraite.
Les fables que l'auteur du Discours historique réfute sont les Miracles que l'on
supose avoir été faits par Mahomet, soit en
naissant , soit dans le cours de sa prétendue Mission . C'est une suite de ces fables
de dire que le Temple de la Mecque ait été bâti en l'honneur de Mahomet. De
son temps même on croyoit que ce Temple subsistoit depuis Abraham, outre que les Mahométans n'y vont que pour adorer Dieu. La suspension en l'air du Tom-- beau de Mahomet est encore une fable ,
mais il ne faut pas la mettre sur le compte
Ev dess
2
16 MERCURE DE FRANCE
des Mahometans , qui la rejettent absoJument. Autre fable, que ce que quelquesuns ont écrit que Mahomet fut choisi
pour le Chef de ceux qui se révolterent
contre Heraclius , et qu'il alla au-devant
de cet Empereur lorsqu'il revenoit de:
Perse. Jamais Mahomet n'a yû Heraclius.
ni n'a combattu contre lui.
Les Villes d'Arabie , ajoûte l'Auteur,
étoient alors régies comme des Républiques ;.
le Cherif, c'est- à- dire , Senior , commandoit:
et l'on n'y avoit nul rapport avec l'Empe-·
reur. Ici notre Auteur nous permettra de
ne pas adopter son Explication du nom de:
Cherif. Ce terme Arabe ne signifie nulle-
-mentSenior Pancien,mais il signifieNoble,
nom qui ne se donne qu'aux Descendans
de Mahomet par Ali , son gendre et par
sa fille Fathime , parce que ceux- là sont
censez de la plus haute naissance qui appartiennent à cette Branche de la Race de
leur Prophete. C'est le seul titre dont le Prince de la Mecque se pare , ainsi que
celui de Medine ; les Rois de Maroc se
font aussi une gloire de porter ce nom ,
regardant comme un des plus beaux ti- tres de noblesse de descendre de MahoLes Arabes expriment ce terme par Scheik ,
qui signifie aussi un Gouverneur , un Chef, uns
Docteur, &c..
met
MARS. 17321 517
4
met par Fathime. Il y a en cet endroit
une autre méprise ; car quoiqu'il soit vrai
que Cherif signifie Noble , et qu'il semble que les Nobles du Pays ayent dû le
gouverner , nous ne voyons cependant
pas que les Villes d'Arabie , à l'exception des deux qu'on vient de nommer
ayent été gouvernées par des Cherifs.
C'est encore une fable de dire que Mahomet ait pris Damas. Fable que son corps
ait été mangé par les chiens. Une autre
fable adoptée par Constantin Porphyrogenete , par Euthymius , Cedrene et autres , c'est d'attribuer aux Mahometans
le culte de Lucifer , de Venus ou de la
-Lune , en leur faisant dire , Alla , oita
Kubar , Deus et Luna seu magna ; au lieu
de Alla ou Akubar, ô Deus maximus
qui sont les premieres paroles qu'on crie
du haut des Mosquées , &c.
oйa
Nous ne suivrons point l'Auteur dans
l'examen , concis à la verité , mais bien
touché, qu'il fait de la Doctrine de Mahomet; il ruine en peu de mots beaucoup
de ses principes. Ce court examen pour--
roit servir de plan à une réfutation com
plette du Mahométisme. Passons à la V.
Piece de ce Recueil , qui contient des Remarques traduites de l'Anglois sur l'administration des Finances des Romains.
En Voici le précis Evi fuc
18 MERCURE DE FRANCE
L'Histoire fournit aux Rois des lumie
res pour soutenir leurs Etats dans la splendeur , en profitant des maximes qui ont
contribué à la grandeur des Empires , et
en évitant ce qui a causé leur décadence.
Rome fut redevable de sa puissance à
une sage dispensation de ses revenus ;
leur dissipation entraîna sa ruine.
y
Valerius-Publicola fut le premier qui
ordonna que le revenu appartenant à la
République seroit déposé dans le Temple
de Saturne , afin que la sainteté du licu
rendît ce dépôt encore plus sacré ; il
avoit deux Trésors ; l'un destiné aux besoins journaliers de la République , l'autre aux pressantes nécessitez. On portoit
dans le premier les Tributs et les Impôts
ordinaires , et dans l'autre l'or de l'Impôt
du vingtiéme sur les Esclaves ; on l'appelloit pour ce sujet Aurum vicesimarium.
Pendant quelques siecles la République
n'eut pas besoin d'argent ; ce ne fut qu'au
Siege de Veïes 350. ans après la fondation de Rome , que les Troupes commeacerent à recevoir une solde. Les Romains
persuadez que rien n'étoit plus important que de ne point surcharger le Peuple d'Impôts et d'avoir un fonds capable de maintenir l'Etat en temps, de guerte
et de paix , firent porter dans le Trésor
public
MARS. 1732 $39
public toutes les richesses qu'ils emportoient par leurs victoires. Ainsi les richesses de Carthage , de Sicile , des Villes de
Macédoine , d'Asie et des autres Provinces conquises , furent déposées par les
Generaux dans le Temple de Saturne
avec un désinteressement admirable , qui
duroit encore quelque temps après la
derniere guerte punique.
›
Dans le siecle suivant cette integrité
fut alterée , mais ce ne fut jamais que
par des ambitieux qui tramoient la servitude et la ruine de la République. Ce
pendant le Trésor public ne laissoit pas
d'être enrichi continuellement par les richesses immenses que la République tiroit de ceux de qui elle triomphoit. Scipion l'Africain fit payer aux Carthaginois
30. millions de livres dans l'espace de 50.
ans , et il obligea le Roi Antiochus en lui
accordant la paix , de payer à la Répablique 24.. millions. Titus Q. Flaminius
Coptraignit Philippe , Roi de Macedoine,
de donner à la Rep. 3. millions ; il n'accorda la Paix à Nabis , Tyran de Sparte .
qu'en exigeant de lui près d'un million.
Il ajoûta encore aux sommes immenses
dont il avoit déja enrichi le Trésor , six
cent quarante millions de livres en lingots d'argent ; 79. millions quatre cens
-
cin-
* 20 MERCURE DE FRANCE
· "
cinquante- deux mille livrés en monnoye
d'argent , et deux millions quatre cent
vingt mille livres en Pieces d'or. On peut
encore voir d'autres exemples de ce désinteressement des Generaux Romains
dans ces Remarques.
C'est donc par cette conduite des Ro-
'mains à l'égard de ceux dont ils triomphoient et par l'integrité et le desinteressement de ces grands Hommes que Rome s'est élevée si haut et qu'elle s'est soutenuë si long- temps. Car il n'est pas pos.
sible qu'un Etat puisse soutenir de lonque ques guerres sans autre fonds celui
de son propre revenu. En effet tant que
les Romains ne perdirent point de vûë
ce systême, ils furent heureux dans leurs
Expeditions. Auguste laissa des sommes
si considerables dans le Trésor public ,
qu'on les fait monter jusqu'à 202 , millions de notre monnoye. Aussi , remarque l'Auteur Anglois , avoit- il une qualité qui ne manque jamais d'enrichir un
Prince , c'étoit d'examiner avec soin les
comptes publics. Mais Caligula dépensa
ses immenses richesses en moins d'un an
au rapport de Suetone. L'Auteur prouve
ensuite que le salut de l'Etat dépend de
- Padministration des Finances , et que la
prodigalité des Princes, et leur inatter- tion
MARS. 1732. JA
tion à veiller sur l'usage et l'emploi de
feurs richesses , en entraînent la dissipa-`
tion et peu à peu la ruine de leurs Etats.
Il fait ensuite remarquer que la cruauté
de plusieurs Empereurs de Rome n'est
venuë que des necessitez ausquelles leur
prodigalité les avoit réduits , qu'ils n'étoient pas cruels d'abord, et que ce n'a été
qu'une suite de leur inattention à veiller
sur leurs Finances ; négligence qui les
contraignoit d'exiger des Peuples avec
dureté des Impôts multipliez et à les
vexer en mille manieres ; funestes fruits
des conseils pernicieux de leurs Courti
sans qui ne manquoient pas de leur inspirer du dégoût et de l'éloignement pour
les affaires et sur tout pour celles qui regardent les Finances.
L'Empereur Caracalla fut le premier
qui altera les Monnoyes et qui donna des pieces d'étain et de cuivre pour des
pieces d'or et d'argent , sur quoi on peut
remarquer en general que durant la décadence de l'Empire les Monnoyes furent
fortalterées , la necessité poussant le Prin
ce à donner aux Especes une plus grande valeur à proportion de leur rareté 35
d'où l'on peut conclure avec l'Auteur
des Remarques , que les Especes sont comme le pouls d'un Etat ; , s'il bat irréguliere-- ment
522 MERCURE DE FRANCE
rement , onjuge par ce symptome que le corps
politique est attaqué de quelque maladie
dangereuse ; que si le Prince se trouve obligé
d'affaiblir les Especes , c'est un indice qu'on
commence à les faire sortir du Royaume ; s'il
est dans la nécessité de substituer quelqu'autre
matiereà l'or et àl'argent, comme fit Caracalla , on peut inferer de- là qu'unegrande par
tie de l'argent en est déja sortie que s'il ar
rive que les Especes soient entierement enlevées on universellement alterées comme
cela se fit dans la décadence de l'Empire Remain , on en peut augurer la raine prochaine
de l'Etat. On trouve dans cette Piece un
grand nombre de traits curieux que les bornes d'un Extrait ne nous permettent
pas de rapporter. Nou ne dirons rien des
deux Dissertations qui suivent sur la déposition de Childeric e sur la compatibilité de la grandeur temporelle avec la
puissance spirituelle ; ces deux Pieces sont
P'une et l'autre remplies de choses Cu
rieuses et qui se font lire avec plaisir.
La derniere Piece de ce Recueil regarde une dispute qui s'éleva vers la fin du
dernier siecle ; les uns prétendoient que
Pannée 1700. devoit commencer le sie--
cle suivant , desorte que du même moment que l'on pouvoit compter 1700. la :
centiéme année devoit être accomplie ,.
et
MARS. 1732. 5232
麵
et la premiere année du siecle suivant devoit commencer. Les autres sontenoient au contraire que l'année 1700.
devoit terminer le 17. siecle , mais de façon que ce ne pouvoit être qu'après da
révolution entiere de cette année que le
siecle suivant devoit commencer. L'Auteur de cette Dissertation embrassa alors.
cé dernier parti. Il fait voir dans cette
Piece que puisqu'on entend par un siecle
l'espace de cent ans , on ne compte le
siecle achevé ou révolu que lorsque la
centiéme année est révolue , comme un
homme à qui on devroit cent pistoles , ne
seroit pas content de 99. et de la ceatiéme commencée. Que l'on compte , ditil , les années , les mois , les semaines et
les jours de la même maniere qu'on dit
qu'il est Lundi , qu'il est le mois de Janvier , la premiere semaine de l'Avent du
Carême quoique Lundy ou le mois deJanvier ou la premiere semaine de l'Avent ne fassent que commencer.
,
Les anciens Actes disent communément le mois courant ou l'année courante.
Ainsi on comptoit déja une telle année
avant qu'elle fût achevée. Les Marchands
mettent en titre dans leurs Registres
Janvier ou Mars ou Avril , avant que
le premier jour de ces mois soit achevé.
Un
$24 MERCURE DE FRANCE
•
Un Sçavant met le 2. ou 3. ou 6. Livre
en composant son Ouvrage , dès qu'il
commence le 2. 3. ou6. Livre.Le Voyageur
dans ses Fournauxde Voyages,écrit la premiere , seconde , troisiéme journée , dès le
matin de chaque journée et si son voyage
a duré 15. jours et qu'il arrive le 16 à midi
dans une Ville , il dira qu'il est arrivé lat
16 journée , quoiqu'elle ne soit pas finie.
Les Historiens Ecclesiastiques mettent
dans la premiere année de l'Ere Chré
rienne plusieurs faits arrivez long-temps
avant la fin de cette premiere année , tels
que la Circoncision , l'Adoration des Ma-
-ges , la Fuite en Egypte , le Meurtre des
Innocens , &c. Les Rois dattent de la
premiere année de leur regne les Edits
qu'ils ont donnez pendant les 12. premiers mois. Dès que Jerusalem fut délivrée de la persecution d'Antiochuset
qu'il fut permis de battre de la monnoye,
on marqua cette Epoque ainsi : L'anpremier sous Simon , anno primo sub Simone.
F. Machab. 13. comme on le voit encore
dans plusieurs Médailles.
Dans le temps de la correction du
: Calendrier par Jules-Cesar l'an 709. de
Rome , dès le commencement de cette
Epoque en Janvier , on a compté l'an
premier. Cette année commença avec.
cle
4.
MARS. 1732. 525
Consulat de Jules-Cesar et de Lepide,
le Consulat duroit depuis Janvier jusqu'en Décembre. Ainsi puisqu'on comptoit les années courantes comme on comp
toit les Consulats , l'année se comptoit
aussi dès qu'elle commençoit , coinme
l'on comptoit le Consulat dès qu'il commençoit. Enfin dès le commencement de
l'Ere de Diocletien ou des Martyrs , que
les Chrétiens ont suivie , même pour dresser les Cicles Paschaux , jusqu'à- ce que
Denis le Petit ait fait succeder l'Ere de
l'Incarnation , on compta l'an 1. car elle
commença exactement avec le premier
jour du Regne de Diocletien. Aussi quand
S. Ambroise datte quelques faits par les
années de cette Ere , il dit toûjours l'am
depuis le premier jour du Regne de Diocletien. De tout celà il est aisé de conclure
que l'on a dû compter l'année 1700. dès
qu'elle a commencé, et par consequent que
le premier Janvier 1700. fut le premier
jour de la derniere année du XVII. secle
Litterature , Tome 1. vol. in 12. de 224.
pages , sans les Préfaces. A Paris , chez
Chaubert , à l'entrée du Quay des Augustins , du côté du Pont S. Michel , 1731. ~
L'Auteur de ce Recueil s'est proposé
comme il le dit dans sa Préface , de plaire
à l'esprit et de l'orner des connoissances
solides ; on peut dire qu'il a réussi dans
ce premier volume , et qu'il tient plus
qu'il ne nous a promis. Il paroît trèsmodeste surson article et même sur celui
de
MARS. 1732. 509.
de la Nation Françoise , à laquelle il préfere les Anglois pour le goût et les in-1
clinations , selon la coûtume d'un certain cercle de personnes qui prennent aujourd'hui à tâche de proner les grandes ,
perfections de la Nation Angloise , aux:
dépens même de la leur , et qui rabaise
sent souvent leur Patrie pour donner à
la Nation Britannique plus de lustre et
de réputation qu'il ne lui enest legitime,
ment dû.
Ce Volume contient les Pieces suivan- ,
tes , toutes ayant leur mérite. Lettre de
M. D...à un de ses amis , sur la nouvelle Edition des Oeuvres de M. l'Abbé.
de S. Real , servant de Préface à la premiere Piece de ce Recueil.
Panegyrique de la Régence de Madame
Royale Marie J. B. de Savoye.
Refléxions nouvelles de M. de la R.
Histoire du Mahometisme.
Remarques sur l'administration des Fi
nances des Romains , traduites de l'Anglois.
Dissertation touchant la part qu'eut
le Pape. Zacharie à la déposition de Chil- deric.
Dissertation , si la grandeur temporelle de l'Eglise n'est point contraire à la
Loy de Dieu , et aux maximes des temps
Apostoliques. Eij Da
o MERCURE DE FRANCE
De la maniere de compter par siecles.
Du commencement et de la fin de chaque
siecle.
Nous ne donnerons aucun Extrait des.
deux premieres Pieces de ce Recueil
nous dirons seulement que le Panegyrique est une fort belle Piece , dont le sujet est traité avec beaucoup d'éloquence.
Les Refléxions diverses qui suivent
cette Piece , sont neuves et délicates.
Elles regardent la confiance , la difference
des esprits , les goûts , la societé , la conversation , le faux , l'air et les manieres.
Nous renvoyons encore au Recueil même
ceux qui en voudront connoître la solidiré et la justesse.
Nous passerons à l'Histoire du Mahometisme , qui est une des Pieces de ce
Recueil ; il paroît d'abord que cette Histoire doive être considerable. Elle l'est en
effet , mais moins par son étenduë que
par la maniere dont elle est traitée. Elle
est divisée en trois Parties. La premiere
est employée à l'Histoire de Mahomet er
de sa Secte. La seconde rapporte les Fables principales que des Auteurs mal informez ont debitées sur Mahomet. L'Auteur réfute en peu de mots dans la troisiéme les principes de cette fausse Religion,Donnons quelque idée de cette Histoire.
MAR-S; 1732 Sar
L'Auteur a puisé les circonstances qu'il
rapporte dans son Discours , dans les
meilleurs Auteurs Mahométan's dans
Abulfeda , Elmacin , Abuljacer , et autres.
Il s'est servi aussi des sçavans Chrétiens
qui ont écrit sur l'Histoire Orientale ,
tels qu'Abulfarage , qu'on peut mettre
de ce nombre, puisqu'il embrassa le Christianisme avant que de mourir , les sçavans Maronites , Gabriël Sionita , Jean
Hesronita , et Abraham Ecchellensis , le
F. Maracci , Hottinger , d'Herbelot , que
Imprimeur nomme Berthelot , et autres.
Mahomet pâquit à la Mecque, Ville
d'Arabie , dans le temps que l'Eglise
Orientale,aussi-bien que l'Empire,étoient
agitez par un très grand nombre de Sectes
et de divisions. Ses parens étoient d'une
naissance illustre parmi les Arabes , mais
pauvres. Il fut orphelin de pere et de
mere à 7. ans. Son oncle l'éleva au commerce des Syriens ; et à l'âge de 28. aps
il épousa une veuve jaune et riche , dont'
il avoit conduit en Syrie pendant trois
ans les Marchandises qu'elle y envoyoit.
Il se vit par un Mariage si avantageux
en état de faire valoir les grandes qualitez de son esprit, sa bravoure dans les
dangers , sa fermeté , sa pénetration et
ses manieres affables et complaisantes. Il
étoit
i
E iij
312 MERCURE DE FRANCE
pour
étoit naturellement éloquent , et il se serIvit bien dans la suite de ce talent. Il
contrefit dès l'année 606. de J. C. l'homme rêveur et contemplatif , et fit passer
des révelations et des communications avec l'Ange Gabriël , les attaques
du mal caduc , dont il étoit agité assez
souvent. Il s'appliqua de bonne heure à
réunir les trois Religions qui regnoient
en Arabie , la Chrétienne , la Juive et
l'ancienne des Arabes.
La Religion Chrétienne étoit plutôt alors une confusion de Sectes et de superstitions , qu'une Religion. Les Juifs et
les Ismaëlites paroissoient pouvoir être
aisément réunis , puisque les uns et les
autres reconnoissoient Abraham pour leur
"Pere commun. Enfin les Arabes étoient
presque tous Idolâtres et adoroient les
Astres dans leur fameux Temple de la
Mecque , qu'ils croyoient ( comme ils le
croyent encore fort abusivement ) plus.
ancien que celui de Salomon.
Mahomet pour profiter de ces divisions.
et pour réunir toutes ces Sectes en une
seule , pose pour principal fondement
qu'il n'y a qu'un Dieu digne de nos adorations ; ce principe établi avec les Chrétiens et avec les Juifs , il tâche d'y amener aussi les Ismaëlites ou les Arabes , en
les:
MARS. 17320 Sis
.
les faisant souvenir qu'ils sont Enfans d'Abraham , et qu'Abraham n'a jamais adoré
qu'un seul Dieu. Il soutient en faveur
des Juifs , qu'il n'y a point de Trinité
queDieu n'a point de fils et qu'il ne s'est
point incarné , ce qui réunissoit encore
plusieurs Sectes, Nestoriens, Ariens et autres. Il dit avec les Chrétiens , que la
Loi de Dieu , qui avoit été confiée aux
Juifs , ayant été corrompue par eux , if
falloit que Dieu suscitât un autre Prophete plus excellent que les autres. Il
avoue que c'est J. C. qu'il est né d'une
Vierge , qu'il est le Verbe de Dieu , que les
Juifs l'ont voulu crucifier , mais qu'il fut
: enlevé dans le Ciel, et que les Juifs ne
-crucifierent que sa Figure , ce qui étoit
Pheresie des Ebionites. Enfin après avoir
déclaré ces trois Religions insuffisantes ,
il ajoûte en sa faveur que le temps dư
Consolateur promis par J. C. est arrivé ,
: et que la promesse s'accomplit en sa pro
-pre personne. Il accompagna tout cela
de fables qui avoient quelques fondemens dans l'Histoire Sainte , ou qu'il tiroit des Histoires apocriphes , et des
Traditions populaires , mais dont les Arabes ne pouvoient reconnoître la fausseté,
tant leur ignorance étoit grossiere. De
temps-en-temps Mahomet faisoit descenÈ iiij dre
514 MERCURE DE FRANCE
dre du Ciel quelques Cahiers qu'il composoit selon les conjectures où il se trouvoit. On les recueillit après sa mort , et
c'est ce qu'on appelle Alcoran. * Et comme il faut quelqu'exterieur dans une Religion , il ordonna le Jeûne de Ramadan,
il laissa la Circoncision qui étoit en usage en Arabie , et établit des Fêtes , des
Pelerinages , des purifications et d'autres
ceremonies tirées du Christianisme , du
Judaisme et de la pratique ordinaire de
la Nation Arabe.
Il fut cependant 12. ou 13. ans suivi
d'un très-petit nombre de Disciples. La
14. année près de 80. Disciples se joignirent aux premiers , ce qui fit du bruit
dans la Mecque. Les Magistrats en craignirent quelqu'émotion et le chasserent
de la Ville. C'est à cette année de la fuite
de Mahomet , qu'il se réfugia à Medine ,
que commence la celebre Epoque des Mahométans , qu'ils nomment Hegire , c'està-dire Fuite, ce fut Omar oncle de Mahomet, qui 17 ans après cette fuite l'érigea
solemnellement en Epoque et la fitinserer
dans tous les Actes publics. Elle tombe
aur 22. Juillet de l'année 622. de J. C.
Peu de temps après cette fuite , Ma-
* Aloran , composé de deux mots Arabes , signifie l'Ecriture par excellence.
homet
MARS. 1732. SI5
homet eut recours à l'épée , qui lui réüssit encore mieux que la parole. Un Ca
hier descendit du Ciel , qui lui ordonna
d'exterminer tous ceux qui ne suivroient
pas sa doctrine. Les Historiens comptent
12. Batailles qu'il a gagnées pendant sa
vie. Enfin il assiegea la Mecque , à la
tête de 10000. hommes , s'en rendit le
maître et fit passer par le fil de l'épée
tous ceux qui ne se soumirent pas à la
doctrine de l'Alcoran. Voilà en peu de
mots l'Histoire de ce celebre Imposteur.
Il eut , selon quelques- uns , 17. femmes ,
selon d'autres , 21. mais il n'en eut point
d'enfans mâles. Il mourut âgé de 63. ans
dans la 11 année de l'Hegire , et fut enterré à Médine , lieu de sa retraite.
Les fables que l'auteur du Discours historique réfute sont les Miracles que l'on
supose avoir été faits par Mahomet, soit en
naissant , soit dans le cours de sa prétendue Mission . C'est une suite de ces fables
de dire que le Temple de la Mecque ait été bâti en l'honneur de Mahomet. De
son temps même on croyoit que ce Temple subsistoit depuis Abraham, outre que les Mahométans n'y vont que pour adorer Dieu. La suspension en l'air du Tom-- beau de Mahomet est encore une fable ,
mais il ne faut pas la mettre sur le compte
Ev dess
2
16 MERCURE DE FRANCE
des Mahometans , qui la rejettent absoJument. Autre fable, que ce que quelquesuns ont écrit que Mahomet fut choisi
pour le Chef de ceux qui se révolterent
contre Heraclius , et qu'il alla au-devant
de cet Empereur lorsqu'il revenoit de:
Perse. Jamais Mahomet n'a yû Heraclius.
ni n'a combattu contre lui.
Les Villes d'Arabie , ajoûte l'Auteur,
étoient alors régies comme des Républiques ;.
le Cherif, c'est- à- dire , Senior , commandoit:
et l'on n'y avoit nul rapport avec l'Empe-·
reur. Ici notre Auteur nous permettra de
ne pas adopter son Explication du nom de:
Cherif. Ce terme Arabe ne signifie nulle-
-mentSenior Pancien,mais il signifieNoble,
nom qui ne se donne qu'aux Descendans
de Mahomet par Ali , son gendre et par
sa fille Fathime , parce que ceux- là sont
censez de la plus haute naissance qui appartiennent à cette Branche de la Race de
leur Prophete. C'est le seul titre dont le Prince de la Mecque se pare , ainsi que
celui de Medine ; les Rois de Maroc se
font aussi une gloire de porter ce nom ,
regardant comme un des plus beaux ti- tres de noblesse de descendre de MahoLes Arabes expriment ce terme par Scheik ,
qui signifie aussi un Gouverneur , un Chef, uns
Docteur, &c..
met
MARS. 17321 517
4
met par Fathime. Il y a en cet endroit
une autre méprise ; car quoiqu'il soit vrai
que Cherif signifie Noble , et qu'il semble que les Nobles du Pays ayent dû le
gouverner , nous ne voyons cependant
pas que les Villes d'Arabie , à l'exception des deux qu'on vient de nommer
ayent été gouvernées par des Cherifs.
C'est encore une fable de dire que Mahomet ait pris Damas. Fable que son corps
ait été mangé par les chiens. Une autre
fable adoptée par Constantin Porphyrogenete , par Euthymius , Cedrene et autres , c'est d'attribuer aux Mahometans
le culte de Lucifer , de Venus ou de la
-Lune , en leur faisant dire , Alla , oita
Kubar , Deus et Luna seu magna ; au lieu
de Alla ou Akubar, ô Deus maximus
qui sont les premieres paroles qu'on crie
du haut des Mosquées , &c.
oйa
Nous ne suivrons point l'Auteur dans
l'examen , concis à la verité , mais bien
touché, qu'il fait de la Doctrine de Mahomet; il ruine en peu de mots beaucoup
de ses principes. Ce court examen pour--
roit servir de plan à une réfutation com
plette du Mahométisme. Passons à la V.
Piece de ce Recueil , qui contient des Remarques traduites de l'Anglois sur l'administration des Finances des Romains.
En Voici le précis Evi fuc
18 MERCURE DE FRANCE
L'Histoire fournit aux Rois des lumie
res pour soutenir leurs Etats dans la splendeur , en profitant des maximes qui ont
contribué à la grandeur des Empires , et
en évitant ce qui a causé leur décadence.
Rome fut redevable de sa puissance à
une sage dispensation de ses revenus ;
leur dissipation entraîna sa ruine.
y
Valerius-Publicola fut le premier qui
ordonna que le revenu appartenant à la
République seroit déposé dans le Temple
de Saturne , afin que la sainteté du licu
rendît ce dépôt encore plus sacré ; il
avoit deux Trésors ; l'un destiné aux besoins journaliers de la République , l'autre aux pressantes nécessitez. On portoit
dans le premier les Tributs et les Impôts
ordinaires , et dans l'autre l'or de l'Impôt
du vingtiéme sur les Esclaves ; on l'appelloit pour ce sujet Aurum vicesimarium.
Pendant quelques siecles la République
n'eut pas besoin d'argent ; ce ne fut qu'au
Siege de Veïes 350. ans après la fondation de Rome , que les Troupes commeacerent à recevoir une solde. Les Romains
persuadez que rien n'étoit plus important que de ne point surcharger le Peuple d'Impôts et d'avoir un fonds capable de maintenir l'Etat en temps, de guerte
et de paix , firent porter dans le Trésor
public
MARS. 1732 $39
public toutes les richesses qu'ils emportoient par leurs victoires. Ainsi les richesses de Carthage , de Sicile , des Villes de
Macédoine , d'Asie et des autres Provinces conquises , furent déposées par les
Generaux dans le Temple de Saturne
avec un désinteressement admirable , qui
duroit encore quelque temps après la
derniere guerte punique.
›
Dans le siecle suivant cette integrité
fut alterée , mais ce ne fut jamais que
par des ambitieux qui tramoient la servitude et la ruine de la République. Ce
pendant le Trésor public ne laissoit pas
d'être enrichi continuellement par les richesses immenses que la République tiroit de ceux de qui elle triomphoit. Scipion l'Africain fit payer aux Carthaginois
30. millions de livres dans l'espace de 50.
ans , et il obligea le Roi Antiochus en lui
accordant la paix , de payer à la Répablique 24.. millions. Titus Q. Flaminius
Coptraignit Philippe , Roi de Macedoine,
de donner à la Rep. 3. millions ; il n'accorda la Paix à Nabis , Tyran de Sparte .
qu'en exigeant de lui près d'un million.
Il ajoûta encore aux sommes immenses
dont il avoit déja enrichi le Trésor , six
cent quarante millions de livres en lingots d'argent ; 79. millions quatre cens
-
cin-
* 20 MERCURE DE FRANCE
· "
cinquante- deux mille livrés en monnoye
d'argent , et deux millions quatre cent
vingt mille livres en Pieces d'or. On peut
encore voir d'autres exemples de ce désinteressement des Generaux Romains
dans ces Remarques.
C'est donc par cette conduite des Ro-
'mains à l'égard de ceux dont ils triomphoient et par l'integrité et le desinteressement de ces grands Hommes que Rome s'est élevée si haut et qu'elle s'est soutenuë si long- temps. Car il n'est pas pos.
sible qu'un Etat puisse soutenir de lonque ques guerres sans autre fonds celui
de son propre revenu. En effet tant que
les Romains ne perdirent point de vûë
ce systême, ils furent heureux dans leurs
Expeditions. Auguste laissa des sommes
si considerables dans le Trésor public ,
qu'on les fait monter jusqu'à 202 , millions de notre monnoye. Aussi , remarque l'Auteur Anglois , avoit- il une qualité qui ne manque jamais d'enrichir un
Prince , c'étoit d'examiner avec soin les
comptes publics. Mais Caligula dépensa
ses immenses richesses en moins d'un an
au rapport de Suetone. L'Auteur prouve
ensuite que le salut de l'Etat dépend de
- Padministration des Finances , et que la
prodigalité des Princes, et leur inatter- tion
MARS. 1732. JA
tion à veiller sur l'usage et l'emploi de
feurs richesses , en entraînent la dissipa-`
tion et peu à peu la ruine de leurs Etats.
Il fait ensuite remarquer que la cruauté
de plusieurs Empereurs de Rome n'est
venuë que des necessitez ausquelles leur
prodigalité les avoit réduits , qu'ils n'étoient pas cruels d'abord, et que ce n'a été
qu'une suite de leur inattention à veiller
sur leurs Finances ; négligence qui les
contraignoit d'exiger des Peuples avec
dureté des Impôts multipliez et à les
vexer en mille manieres ; funestes fruits
des conseils pernicieux de leurs Courti
sans qui ne manquoient pas de leur inspirer du dégoût et de l'éloignement pour
les affaires et sur tout pour celles qui regardent les Finances.
L'Empereur Caracalla fut le premier
qui altera les Monnoyes et qui donna des pieces d'étain et de cuivre pour des
pieces d'or et d'argent , sur quoi on peut
remarquer en general que durant la décadence de l'Empire les Monnoyes furent
fortalterées , la necessité poussant le Prin
ce à donner aux Especes une plus grande valeur à proportion de leur rareté 35
d'où l'on peut conclure avec l'Auteur
des Remarques , que les Especes sont comme le pouls d'un Etat ; , s'il bat irréguliere-- ment
522 MERCURE DE FRANCE
rement , onjuge par ce symptome que le corps
politique est attaqué de quelque maladie
dangereuse ; que si le Prince se trouve obligé
d'affaiblir les Especes , c'est un indice qu'on
commence à les faire sortir du Royaume ; s'il
est dans la nécessité de substituer quelqu'autre
matiereà l'or et àl'argent, comme fit Caracalla , on peut inferer de- là qu'unegrande par
tie de l'argent en est déja sortie que s'il ar
rive que les Especes soient entierement enlevées on universellement alterées comme
cela se fit dans la décadence de l'Empire Remain , on en peut augurer la raine prochaine
de l'Etat. On trouve dans cette Piece un
grand nombre de traits curieux que les bornes d'un Extrait ne nous permettent
pas de rapporter. Nou ne dirons rien des
deux Dissertations qui suivent sur la déposition de Childeric e sur la compatibilité de la grandeur temporelle avec la
puissance spirituelle ; ces deux Pieces sont
P'une et l'autre remplies de choses Cu
rieuses et qui se font lire avec plaisir.
La derniere Piece de ce Recueil regarde une dispute qui s'éleva vers la fin du
dernier siecle ; les uns prétendoient que
Pannée 1700. devoit commencer le sie--
cle suivant , desorte que du même moment que l'on pouvoit compter 1700. la :
centiéme année devoit être accomplie ,.
et
MARS. 1732. 5232
麵
et la premiere année du siecle suivant devoit commencer. Les autres sontenoient au contraire que l'année 1700.
devoit terminer le 17. siecle , mais de façon que ce ne pouvoit être qu'après da
révolution entiere de cette année que le
siecle suivant devoit commencer. L'Auteur de cette Dissertation embrassa alors.
cé dernier parti. Il fait voir dans cette
Piece que puisqu'on entend par un siecle
l'espace de cent ans , on ne compte le
siecle achevé ou révolu que lorsque la
centiéme année est révolue , comme un
homme à qui on devroit cent pistoles , ne
seroit pas content de 99. et de la ceatiéme commencée. Que l'on compte , ditil , les années , les mois , les semaines et
les jours de la même maniere qu'on dit
qu'il est Lundi , qu'il est le mois de Janvier , la premiere semaine de l'Avent du
Carême quoique Lundy ou le mois deJanvier ou la premiere semaine de l'Avent ne fassent que commencer.
,
Les anciens Actes disent communément le mois courant ou l'année courante.
Ainsi on comptoit déja une telle année
avant qu'elle fût achevée. Les Marchands
mettent en titre dans leurs Registres
Janvier ou Mars ou Avril , avant que
le premier jour de ces mois soit achevé.
Un
$24 MERCURE DE FRANCE
•
Un Sçavant met le 2. ou 3. ou 6. Livre
en composant son Ouvrage , dès qu'il
commence le 2. 3. ou6. Livre.Le Voyageur
dans ses Fournauxde Voyages,écrit la premiere , seconde , troisiéme journée , dès le
matin de chaque journée et si son voyage
a duré 15. jours et qu'il arrive le 16 à midi
dans une Ville , il dira qu'il est arrivé lat
16 journée , quoiqu'elle ne soit pas finie.
Les Historiens Ecclesiastiques mettent
dans la premiere année de l'Ere Chré
rienne plusieurs faits arrivez long-temps
avant la fin de cette premiere année , tels
que la Circoncision , l'Adoration des Ma-
-ges , la Fuite en Egypte , le Meurtre des
Innocens , &c. Les Rois dattent de la
premiere année de leur regne les Edits
qu'ils ont donnez pendant les 12. premiers mois. Dès que Jerusalem fut délivrée de la persecution d'Antiochuset
qu'il fut permis de battre de la monnoye,
on marqua cette Epoque ainsi : L'anpremier sous Simon , anno primo sub Simone.
F. Machab. 13. comme on le voit encore
dans plusieurs Médailles.
Dans le temps de la correction du
: Calendrier par Jules-Cesar l'an 709. de
Rome , dès le commencement de cette
Epoque en Janvier , on a compté l'an
premier. Cette année commença avec.
cle
4.
MARS. 1732. 525
Consulat de Jules-Cesar et de Lepide,
le Consulat duroit depuis Janvier jusqu'en Décembre. Ainsi puisqu'on comptoit les années courantes comme on comp
toit les Consulats , l'année se comptoit
aussi dès qu'elle commençoit , coinme
l'on comptoit le Consulat dès qu'il commençoit. Enfin dès le commencement de
l'Ere de Diocletien ou des Martyrs , que
les Chrétiens ont suivie , même pour dresser les Cicles Paschaux , jusqu'à- ce que
Denis le Petit ait fait succeder l'Ere de
l'Incarnation , on compta l'an 1. car elle
commença exactement avec le premier
jour du Regne de Diocletien. Aussi quand
S. Ambroise datte quelques faits par les
années de cette Ere , il dit toûjours l'am
depuis le premier jour du Regne de Diocletien. De tout celà il est aisé de conclure
que l'on a dû compter l'année 1700. dès
qu'elle a commencé, et par consequent que
le premier Janvier 1700. fut le premier
jour de la derniere année du XVII. secle
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Résumé : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil d'histoires et de littérature intitulé 'Recueil de Pièces d'Histoire et de Littérature', publié en 1731 à Paris. L'auteur vise à plaire et à enrichir l'esprit avec des connaissances solides. Le premier volume contient plusieurs pièces, dont une lettre sur la nouvelle édition des œuvres de l'abbé de Saint-Réal, un panégyrique de la régence de Marie Jeanne Baptiste de Savoie, des réflexions diverses, une histoire du mahométisme, des remarques sur l'administration des finances des Romains, et des dissertations sur des sujets religieux et historiques. L'histoire du mahométisme est divisée en trois parties : la vie de Mahomet, les fables le concernant, et les principes de l'islam. Mahomet, né à La Mecque, a uni les religions chrétienne, juive et arabe en prônant un dieu unique. Il a compilé ses révélations dans l'Alcoran et a instauré des pratiques religieuses comme le jeûne du Ramadan et la circoncision. Après des années de prédication, il a conquis La Mecque par la force, établissant ainsi l'hégire en 622. Le texte réfute plusieurs fables sur Mahomet, telles que celles concernant des miracles à sa naissance ou des batailles contre des empereurs. Il mentionne également des erreurs sur la gouvernance des villes arabes et le culte des mahométans. Le texte aborde ensuite l'intégrité et la gestion financière de la République romaine après la dernière guerre punique. Pendant un siècle, cette intégrité fut maintenue, bien que des ambitieux cherchassent à servir leurs intérêts. Le Trésor public s'enrichit grâce aux tributs imposés aux vaincus. Par exemple, Scipion l'Africain fit payer 30 millions de livres aux Carthaginois sur 50 ans, et Antiochus fut contraint de payer 24 millions. Titus Q. Flaminius obtint également des sommes importantes de Philippe de Macédoine et de Nabis de Sparte. Ces généraux romains enrichirent le Trésor sans s'enrichir personnellement, contribuant ainsi à la puissance et à la durabilité de Rome. Le texte souligne que Rome put soutenir de longues guerres grâce à ce système financier. Auguste laissa un Trésor public considérable, estimé à 202 millions. Cependant, des empereurs comme Caligula dilapidèrent ces richesses. La prodigalité et la négligence des finances publiques menèrent à la cruauté de certains empereurs, contraints d'imposer des taxes lourdes et vexatoires pour combler leurs besoins. L'Empereur Caracalla fut le premier à altérer la monnaie, remplaçant l'or et l'argent par de l'étain et du cuivre. Cette pratique se poursuivit durant la décadence de l'Empire, indiquant une crise financière. Le texte compare les espèces monétaires au pouls d'un État, soulignant que leur altération ou leur disparition annonce la ruine de l'État. Enfin, le texte aborde une dispute sur le début du XVIIIe siècle. Certains estimaient que l'année 1700 marquait le début du nouveau siècle, tandis que d'autres soutenaient qu'il fallait attendre la fin complète de l'année pour commencer le nouveau siècle. L'auteur adopte la seconde position, illustrant son argument par divers exemples historiques et pratiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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306
p. 631-641
SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
Début :
Mr Foucault, Intendant de la Géneralité de Caën, bien persuadé, [...]
Mots clefs :
Voyage, Bases Normandie, Pierres, Inscriptions, Médailles, M. Belin, Antiquités, M. Foucault
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
SUITE du Voyage de Basse Normandie.
LETTRE VIII.
M
'R Foucault , Intendant de la Géneralité de Caën , bien persuadé ,
Monsieur , que la Tradition du Pays touchant le lieu deVieux, n'étoit point vaine,
avoit toûjours eu envie de s'en assurer
par quelque recherche ; mais il étoit bien
aise qu'il se présentât une occasion un
peu plausible de la faire , lorsqu'au mois
de Mars de l'année 1705. le Seigneur de
Vieux vint lui donner avis qu'on avoit
trouvé deux Pierres avec des Inscriptions,
ajoûtant que des Maçons en avoient déja
pris une à son insçû , pour employer à
quelques réparations et en avoient gâté
les Lettres que Fautre étant plus difficile à tirer, avoit été abandonnée , et recouverte de terre, ne doutant point qu'on
ne fit en cet endroit quelque découverte
plus considerable. M. l'Intendant , qui
étoit alors avec M. Belain , Curé de Blainville , et Secretaire de l'Académie de
Caën, résolut d'aller sur les lieux le lendemain , l'engageant de l'y accompagner,
ce qui fut executé,
י
AV Oh
632 MERCURE DE FRANCE
On chercha en vain la Pierre en question , elle ne fut point retrouvée ; on déterra seulement quelques Médailles. Tandis qu'on faisoit ce travail inutile , un
Laboureur vint dire que dans sa Piece de
terre il emportoit souvent avec la Charruede fort belles Briques , dont quelquesunes étoient ornées de feuillages , ce qui
détermina de faire creuser dans ce Champ..
En y entrant on apperçut une petite élevation couverte de ronces , et tout au
près quantité de morceaux de Brique ,
ornées de feuilles d'Acanthe. M. Belin
ayant poussé sa Canne dans un trou , en
remuant ces Briques , trouva une liberté
de tourner dans ce même trou , ce qui
fit juger et déterminer qu'il falloit commencer par là à foüiller.
Les Paysans ne travaillerent pas longtemps sans decouvrir un Mur d'environ
cinq pieds d'épaisseur , et en continuant
de creuser à trois pieds de profondeur ,
on découvrit environ vingt pieds de long
du même Mur , au bout duquel travail
il se trouva une espece d'Angle er de
Contour qui étoit de neuf pieds. M. Foucault crut d'abord que c'étoient des fondations , mais M. Belin pensa le contraire
sur ce que ce Mur étoit crêpi fort proprement, et conjectura que ce reste d'élevation
AVRIL: 17320 633
levation d'un Bâtiment iroit jusqu'au niveau d'un Ruisseau qui coule au bas de
ce Champ ; de quoi on convint. Commet
l'heure de partir pressoit , on ne put pour
cette premiere fois en faire davantage.
M. Foucault pria M. de Vieux , de mettre dès le lendemain le plus d'Ouvriers
qu'il pourroit et de faire travailler diligemment jusqu'à la huitaine qu'il y re- tourneroit.
Il n'y manqua pas , en effet , toûjours
accompagné de M. Belln , et trouva qu'en
creusant jusqu'au bout de la trace qu'on
avoit marquée et jusqu'à l'extremité du
Champ , on avoit découvert un beau
Bassin de pierre , d'environ douze pieds
de diametre , entouré de trois rangs de
Sieges , avec une ouverture par laquelle ,
au moyen d'un degré de cinq marches ,
on descendoit dans ce Bassin , dont le
fond étoit fort uni et formé de belles pierres blanches , jointes ensemble avec un
mortier très -poli , dans lequel on voyoit
de petits morceaux de Marbre rouge. Ce
mortier étoit si dur qu'on eut bien de la
peine à l'entamer avec une Pince , pour
voir surquoi ce Bassin étoit assis . Il l'étoit
sur d'autres pierres , posées de côté sur
du sable , au- dessous duquel il y avoir
encore un lit du même mortier , et entre
A vj ces
634 MERCURE DE FRANCE
ces pierres on voyoit plusieurs Tuyaux
de Brique.
Ce qui avoit paru un Angle dans le
Mur , d'abord découvert , se trouva être
une voute qui couvroit une Etuve, dans
laquelle on trouva encore le Fourneau qui
l'échauffoit, tout noirci de fumée , dans
une petite fenêtre plusieurs petits Instrumens d'Yvoire qui servoient dans l'usage
des Bains à la propreté du corps , &c.
Comme la terre avoit couvert le debris du grand Bâtiment , dont le Bassin
et l'Etuve ne faisoient qu'une partie , on
découvrit aussi en remuant cette même
terre et en continuant de creuser , plu
sieurs parties de très- belles voûtes , la
pluspart renversées , sous lesquelles on
avoit enfermé des Tuyaux de Brique. Le
mortier étoit si bien lié et uni avec les
pierres , qu'on les cassoit plutôt que de
les séparer de ce mortier.
Les Murs du Bâtiment principal dont
on vient de parler , ayant plus de 200.
pieds de longueur et 4 à 5. pieds d'é
paisseur , étoient construits alternativementd'un lit de Briques d'un pied en quar
ré , de trois pouces d'épaisseur , et d'un
très beau rouge , et d'un lit de pierres
blanches , toutes d'un même échantillon,
liées avec du ciment. L'ordre fut donné
de
AVRIL. 1732. 635
de continuer le creusement et le remuage des terres , et d'augmenter le nombre
des Ouvriers , ce qui fut executé pendant
huit autres jours.
י
Au bout de ce temps- là M. Foucault
et M. Belin retournerent sur les lieux et
trouverent qu'au moyen d'un grand travail , on avoit découvert un second Bassin construit comme le premier de ces
belles Pierres blanches qu'on voit à Caen,
et ayant les mêmes accompagnemens. Če
Bassin avoit ses écoulemens par des tuyaux
de Brique , qui portoient les eaux jusques
dans le Ruisseau dont il est parlé cydessus. On avoit aussi découvert le commencement d'un Aqueduc , qui selon sa
direction , devoit passer sous le Village
de Vieux , pour recevoir l'eau d'une Fontaine qu'on voit encore auprès. On ne
put pas découvrir davantage de cet Aqueduc , il auroit fallu pour cela renverser
une partie du Village.
Au lieu d'un travail inutile , on creusa
encore jusqu'à une des extremitez du
Champ, ce qui acheva de faire découvrir
toute l'enceinte de l'Edifice entier , qui
devoit être d'une grande étendue , er
qu'on crut , avec raison , avoir été un
Gymnase , ou lieu des Exercices que les
Romains avoient bâti en cet endroit et
qu'ils
836 MERCURE DE FRANCE
qu'ils avoient accompagné de Thermes
de Commoditez et d'autres ornemens utiles et en usage chez les Anciens. Pour
s'y moins tromper , M. Foucault avoit
apporté son Vitruve , dont la lecture sur
la construction de pareils Bâtimens , appliquée à l'examen des Monumens dont
on vient de parler , acheva de constater
ce qu'on n'avoit encore fait que conjecturer par leur conformité avec les descrip
tions exactes et les regles données par cet
Auteur.
On trouva au reste des Antiquitez de
plus d'une espece dans ce remuement des
terres ; d'abord un grand Tombeau de
pierre, dans lequel étoient enfermez un
Squelete humain et quelques Médailles.
Romaines , ensuite le Fust d'une Colomne de Marbre , dont on ne peut découvrir la bize ni le chapiteau. La Statuë d'une
femme, ayant la tête voilée et la plus belle qu'on puisse voir tenant de la
main droite une Patere ou Coupe , servant aux Libations , la Statue étoit tron
quée par le bas. On découvrit aussi plusieurs fragmens d'Inscriptions , ceux- cy
entre autres.
و
MEMO RIAM
MAGNINI
SENICIONIS
ME-
AVRIL. 1732. 637
MEMORIA
VASSIONI
Q: K.
La plus entiere de ces Inscriptions étoit
gravée sur une Cyppe ou espece de Piedestal quarré, en forme de petit Autel
et contenoit ces mots :
DEO MARTI
C. VICTORIVS
FELIX PROSEET
IVNIO FILIO SVO
ET MATERNAE VIC
TORIS CONIVGIS
MÆE. V. S. L. M. DIALE
ET. BASSO. COS. IDIBVS
MARTIS.
Celle qui suit n'est pas moins entiere , elle étoit gravée sur un Bloc de
Marbre rougeâtre , comme celui de la
Carriere dont j'ai parlé.
NOVIVS VIC
TOR MEMO
RIAE DOMI
TIAE PANFILE
M Galland prétend dans une de ses Lettres ,
qu'il falloit Sax , au lieu de Mex , mais qu'on a
employé ce dernier motpour éviter toute équivoque.. Voici
338 MERCURE DE FRANCE
Voici encore deux fragmens d'Inscriptions , aussi sur du Marbre..
D M
SEX. SENODIO SEVERO
VESTIARIO HEREDES POSVEVN...
Ꭰ M
LERONTIO IVNIANO DEFVNCTO
L.FRONTIVS IVNIVS. PATER.V.S.P.
Enfin dans ces differens travaux , où
l'on avoit creusé considerablement en
divers endroits , il se trouva beaucoup
de Médailles de bronze de toutes les
grandeurs , et quelques-unes d'argent ,
d'Empereurs , d'Imperatrices , de Cesars,.
&c. depuis le plus haut Empire jusqu'aux
Constantins ; mais ce qui surprit beau
coup , ce fut de découvrir parmi ces Médailles unDiadumenien Grec , avec un revers qui rendoit la Médaille encore plus
singuliere. Voici , Monsieur , de quelle maniere M. Galland m'écrivit sur cette:
Découverte , dans une de ses Lettres datée de Caën le 13. Juillet 1705.
>> Au retour de mon voyage de Paris
>>M. Foucault , qui avoit fait travailler à
Vieux pendant mon absence, me donna
à
AVRIL. 1732. 639
à examiner un grand nombre de Mé-
»dailles fort crasseuses qu'on y avoit déter-
» rées . Il s'en est trouvé une de moyen
» Bronze , où l'on n'appercevoit presque
»rien , ni du côté de la tête , ni au re-
» vers ; je la nettoyai et je vis paroître
»une très- belle Médaille Grecque de Dia-
»dumenien, ayant d'un côté la tête de cet
»Empereur avec cette Legende M ONEA
» ΔΙΑΔΟΥΜΕΝIANOC. et sur le revers ,
»le Philosophe Heraclite de bout avec
»le Manteau de Philosophe , et une Mas-
»suë qu'il tient de la main gauche , et
» ces deux mots , ΕΦΕΣΙΩΝ ΗΡΑΚΛΕΙΤΟΣ.
» Cette Médaille a donné lieu à une Dissertation que je mets actuellement au
»net, et dont je me propose de vous
»faire part.
M. Galland tint sa parole : il m'envoya peu de temps après cette Dissertation , avec un dessein exact de la Médaille en question , que j'ai depuis vûë
en original dans le Cabinet de M. Foucault , je vous communiquerai l'une et
l'autre en son temps ; je reviens cependant à mon narré.
Quand M. Foucault jugea qu'il avoit
fait assez travailler à Vieux , et assez découvert de ruine et de Monumens , il
fit faire de toutes ces Ruines et de l'état
des
640 MERCURE DE FRANCE
des lieux en question , une espece d'Iconographie , pour en mieux conserver l'idée , prévoyant bien que tout cela changeroit bien- tôt de face et que les Proprieraires remettroient les choses dans leur
prémier état , pour continuer de labourer la terre , &c. Cette Iconographie , est
une élevation de tout l'Ouvrage sur une
Table d'environ 12. pieds de longueur
et de largeur proportionnée , sur laquelle
avec du gros carton diversement coloré ,
on avoit représenté au naturel la figure
de ces Ruines en petit , il y avoit sur
ces Cartons des Enduits et de la terre
élevée autour pour les soutenir et pour
mieux figurer les endroits creusez , &c .
M. Foucault fit porter cette Représen
tation à sa Maison d'Atie , située à quatre lieuës de Paris , avec les Marbres contenant les Inscriptions et les autres fragmens d'antiquité trouvez à Vieux , parmi
lesquels il y avoit un Mercure de pierre
d'un pied et demi dehauteur, parfaitement
beau et très-bien conservé ; ce Morceau
fut trouvé en curant un Puits du Village,
peu de temps avant les autres Découver
tes. C'est à Atie que plusieurs Curieux
ont vû et examiné ces Monumens d'Antiquité , qui en seront aussi de la sagacité
de M. Foucault , de son bon goût et de
son amour pour les Lettres.
AVRIL, 1732. 64r
Voilà , Monsieur , tout ce qu'on peut
sçavoir, et tout ce qui se peut dire de plus
exact sur les découvertes de Vieux. Elles
confirment la tradition ancienne et universelle du Païs , sur le séjour des Romains , dans le même Païs , et sur l'existence d'une Ville , qui , comme beaucoup
d'autres , n'ayant pû résister à la vicissitude des temps, a perdu jusqu'à son nom
permettez -moi d'ajouter quelques Remarques à ma Narration
LETTRE VIII.
M
'R Foucault , Intendant de la Géneralité de Caën , bien persuadé ,
Monsieur , que la Tradition du Pays touchant le lieu deVieux, n'étoit point vaine,
avoit toûjours eu envie de s'en assurer
par quelque recherche ; mais il étoit bien
aise qu'il se présentât une occasion un
peu plausible de la faire , lorsqu'au mois
de Mars de l'année 1705. le Seigneur de
Vieux vint lui donner avis qu'on avoit
trouvé deux Pierres avec des Inscriptions,
ajoûtant que des Maçons en avoient déja
pris une à son insçû , pour employer à
quelques réparations et en avoient gâté
les Lettres que Fautre étant plus difficile à tirer, avoit été abandonnée , et recouverte de terre, ne doutant point qu'on
ne fit en cet endroit quelque découverte
plus considerable. M. l'Intendant , qui
étoit alors avec M. Belain , Curé de Blainville , et Secretaire de l'Académie de
Caën, résolut d'aller sur les lieux le lendemain , l'engageant de l'y accompagner,
ce qui fut executé,
י
AV Oh
632 MERCURE DE FRANCE
On chercha en vain la Pierre en question , elle ne fut point retrouvée ; on déterra seulement quelques Médailles. Tandis qu'on faisoit ce travail inutile , un
Laboureur vint dire que dans sa Piece de
terre il emportoit souvent avec la Charruede fort belles Briques , dont quelquesunes étoient ornées de feuillages , ce qui
détermina de faire creuser dans ce Champ..
En y entrant on apperçut une petite élevation couverte de ronces , et tout au
près quantité de morceaux de Brique ,
ornées de feuilles d'Acanthe. M. Belin
ayant poussé sa Canne dans un trou , en
remuant ces Briques , trouva une liberté
de tourner dans ce même trou , ce qui
fit juger et déterminer qu'il falloit commencer par là à foüiller.
Les Paysans ne travaillerent pas longtemps sans decouvrir un Mur d'environ
cinq pieds d'épaisseur , et en continuant
de creuser à trois pieds de profondeur ,
on découvrit environ vingt pieds de long
du même Mur , au bout duquel travail
il se trouva une espece d'Angle er de
Contour qui étoit de neuf pieds. M. Foucault crut d'abord que c'étoient des fondations , mais M. Belin pensa le contraire
sur ce que ce Mur étoit crêpi fort proprement, et conjectura que ce reste d'élevation
AVRIL: 17320 633
levation d'un Bâtiment iroit jusqu'au niveau d'un Ruisseau qui coule au bas de
ce Champ ; de quoi on convint. Commet
l'heure de partir pressoit , on ne put pour
cette premiere fois en faire davantage.
M. Foucault pria M. de Vieux , de mettre dès le lendemain le plus d'Ouvriers
qu'il pourroit et de faire travailler diligemment jusqu'à la huitaine qu'il y re- tourneroit.
Il n'y manqua pas , en effet , toûjours
accompagné de M. Belln , et trouva qu'en
creusant jusqu'au bout de la trace qu'on
avoit marquée et jusqu'à l'extremité du
Champ , on avoit découvert un beau
Bassin de pierre , d'environ douze pieds
de diametre , entouré de trois rangs de
Sieges , avec une ouverture par laquelle ,
au moyen d'un degré de cinq marches ,
on descendoit dans ce Bassin , dont le
fond étoit fort uni et formé de belles pierres blanches , jointes ensemble avec un
mortier très -poli , dans lequel on voyoit
de petits morceaux de Marbre rouge. Ce
mortier étoit si dur qu'on eut bien de la
peine à l'entamer avec une Pince , pour
voir surquoi ce Bassin étoit assis . Il l'étoit
sur d'autres pierres , posées de côté sur
du sable , au- dessous duquel il y avoir
encore un lit du même mortier , et entre
A vj ces
634 MERCURE DE FRANCE
ces pierres on voyoit plusieurs Tuyaux
de Brique.
Ce qui avoit paru un Angle dans le
Mur , d'abord découvert , se trouva être
une voute qui couvroit une Etuve, dans
laquelle on trouva encore le Fourneau qui
l'échauffoit, tout noirci de fumée , dans
une petite fenêtre plusieurs petits Instrumens d'Yvoire qui servoient dans l'usage
des Bains à la propreté du corps , &c.
Comme la terre avoit couvert le debris du grand Bâtiment , dont le Bassin
et l'Etuve ne faisoient qu'une partie , on
découvrit aussi en remuant cette même
terre et en continuant de creuser , plu
sieurs parties de très- belles voûtes , la
pluspart renversées , sous lesquelles on
avoit enfermé des Tuyaux de Brique. Le
mortier étoit si bien lié et uni avec les
pierres , qu'on les cassoit plutôt que de
les séparer de ce mortier.
Les Murs du Bâtiment principal dont
on vient de parler , ayant plus de 200.
pieds de longueur et 4 à 5. pieds d'é
paisseur , étoient construits alternativementd'un lit de Briques d'un pied en quar
ré , de trois pouces d'épaisseur , et d'un
très beau rouge , et d'un lit de pierres
blanches , toutes d'un même échantillon,
liées avec du ciment. L'ordre fut donné
de
AVRIL. 1732. 635
de continuer le creusement et le remuage des terres , et d'augmenter le nombre
des Ouvriers , ce qui fut executé pendant
huit autres jours.
י
Au bout de ce temps- là M. Foucault
et M. Belin retournerent sur les lieux et
trouverent qu'au moyen d'un grand travail , on avoit découvert un second Bassin construit comme le premier de ces
belles Pierres blanches qu'on voit à Caen,
et ayant les mêmes accompagnemens. Če
Bassin avoit ses écoulemens par des tuyaux
de Brique , qui portoient les eaux jusques
dans le Ruisseau dont il est parlé cydessus. On avoit aussi découvert le commencement d'un Aqueduc , qui selon sa
direction , devoit passer sous le Village
de Vieux , pour recevoir l'eau d'une Fontaine qu'on voit encore auprès. On ne
put pas découvrir davantage de cet Aqueduc , il auroit fallu pour cela renverser
une partie du Village.
Au lieu d'un travail inutile , on creusa
encore jusqu'à une des extremitez du
Champ, ce qui acheva de faire découvrir
toute l'enceinte de l'Edifice entier , qui
devoit être d'une grande étendue , er
qu'on crut , avec raison , avoir été un
Gymnase , ou lieu des Exercices que les
Romains avoient bâti en cet endroit et
qu'ils
836 MERCURE DE FRANCE
qu'ils avoient accompagné de Thermes
de Commoditez et d'autres ornemens utiles et en usage chez les Anciens. Pour
s'y moins tromper , M. Foucault avoit
apporté son Vitruve , dont la lecture sur
la construction de pareils Bâtimens , appliquée à l'examen des Monumens dont
on vient de parler , acheva de constater
ce qu'on n'avoit encore fait que conjecturer par leur conformité avec les descrip
tions exactes et les regles données par cet
Auteur.
On trouva au reste des Antiquitez de
plus d'une espece dans ce remuement des
terres ; d'abord un grand Tombeau de
pierre, dans lequel étoient enfermez un
Squelete humain et quelques Médailles.
Romaines , ensuite le Fust d'une Colomne de Marbre , dont on ne peut découvrir la bize ni le chapiteau. La Statuë d'une
femme, ayant la tête voilée et la plus belle qu'on puisse voir tenant de la
main droite une Patere ou Coupe , servant aux Libations , la Statue étoit tron
quée par le bas. On découvrit aussi plusieurs fragmens d'Inscriptions , ceux- cy
entre autres.
و
MEMO RIAM
MAGNINI
SENICIONIS
ME-
AVRIL. 1732. 637
MEMORIA
VASSIONI
Q: K.
La plus entiere de ces Inscriptions étoit
gravée sur une Cyppe ou espece de Piedestal quarré, en forme de petit Autel
et contenoit ces mots :
DEO MARTI
C. VICTORIVS
FELIX PROSEET
IVNIO FILIO SVO
ET MATERNAE VIC
TORIS CONIVGIS
MÆE. V. S. L. M. DIALE
ET. BASSO. COS. IDIBVS
MARTIS.
Celle qui suit n'est pas moins entiere , elle étoit gravée sur un Bloc de
Marbre rougeâtre , comme celui de la
Carriere dont j'ai parlé.
NOVIVS VIC
TOR MEMO
RIAE DOMI
TIAE PANFILE
M Galland prétend dans une de ses Lettres ,
qu'il falloit Sax , au lieu de Mex , mais qu'on a
employé ce dernier motpour éviter toute équivoque.. Voici
338 MERCURE DE FRANCE
Voici encore deux fragmens d'Inscriptions , aussi sur du Marbre..
D M
SEX. SENODIO SEVERO
VESTIARIO HEREDES POSVEVN...
Ꭰ M
LERONTIO IVNIANO DEFVNCTO
L.FRONTIVS IVNIVS. PATER.V.S.P.
Enfin dans ces differens travaux , où
l'on avoit creusé considerablement en
divers endroits , il se trouva beaucoup
de Médailles de bronze de toutes les
grandeurs , et quelques-unes d'argent ,
d'Empereurs , d'Imperatrices , de Cesars,.
&c. depuis le plus haut Empire jusqu'aux
Constantins ; mais ce qui surprit beau
coup , ce fut de découvrir parmi ces Médailles unDiadumenien Grec , avec un revers qui rendoit la Médaille encore plus
singuliere. Voici , Monsieur , de quelle maniere M. Galland m'écrivit sur cette:
Découverte , dans une de ses Lettres datée de Caën le 13. Juillet 1705.
>> Au retour de mon voyage de Paris
>>M. Foucault , qui avoit fait travailler à
Vieux pendant mon absence, me donna
à
AVRIL. 1732. 639
à examiner un grand nombre de Mé-
»dailles fort crasseuses qu'on y avoit déter-
» rées . Il s'en est trouvé une de moyen
» Bronze , où l'on n'appercevoit presque
»rien , ni du côté de la tête , ni au re-
» vers ; je la nettoyai et je vis paroître
»une très- belle Médaille Grecque de Dia-
»dumenien, ayant d'un côté la tête de cet
»Empereur avec cette Legende M ONEA
» ΔΙΑΔΟΥΜΕΝIANOC. et sur le revers ,
»le Philosophe Heraclite de bout avec
»le Manteau de Philosophe , et une Mas-
»suë qu'il tient de la main gauche , et
» ces deux mots , ΕΦΕΣΙΩΝ ΗΡΑΚΛΕΙΤΟΣ.
» Cette Médaille a donné lieu à une Dissertation que je mets actuellement au
»net, et dont je me propose de vous
»faire part.
M. Galland tint sa parole : il m'envoya peu de temps après cette Dissertation , avec un dessein exact de la Médaille en question , que j'ai depuis vûë
en original dans le Cabinet de M. Foucault , je vous communiquerai l'une et
l'autre en son temps ; je reviens cependant à mon narré.
Quand M. Foucault jugea qu'il avoit
fait assez travailler à Vieux , et assez découvert de ruine et de Monumens , il
fit faire de toutes ces Ruines et de l'état
des
640 MERCURE DE FRANCE
des lieux en question , une espece d'Iconographie , pour en mieux conserver l'idée , prévoyant bien que tout cela changeroit bien- tôt de face et que les Proprieraires remettroient les choses dans leur
prémier état , pour continuer de labourer la terre , &c. Cette Iconographie , est
une élevation de tout l'Ouvrage sur une
Table d'environ 12. pieds de longueur
et de largeur proportionnée , sur laquelle
avec du gros carton diversement coloré ,
on avoit représenté au naturel la figure
de ces Ruines en petit , il y avoit sur
ces Cartons des Enduits et de la terre
élevée autour pour les soutenir et pour
mieux figurer les endroits creusez , &c .
M. Foucault fit porter cette Représen
tation à sa Maison d'Atie , située à quatre lieuës de Paris , avec les Marbres contenant les Inscriptions et les autres fragmens d'antiquité trouvez à Vieux , parmi
lesquels il y avoit un Mercure de pierre
d'un pied et demi dehauteur, parfaitement
beau et très-bien conservé ; ce Morceau
fut trouvé en curant un Puits du Village,
peu de temps avant les autres Découver
tes. C'est à Atie que plusieurs Curieux
ont vû et examiné ces Monumens d'Antiquité , qui en seront aussi de la sagacité
de M. Foucault , de son bon goût et de
son amour pour les Lettres.
AVRIL, 1732. 64r
Voilà , Monsieur , tout ce qu'on peut
sçavoir, et tout ce qui se peut dire de plus
exact sur les découvertes de Vieux. Elles
confirment la tradition ancienne et universelle du Païs , sur le séjour des Romains , dans le même Païs , et sur l'existence d'une Ville , qui , comme beaucoup
d'autres , n'ayant pû résister à la vicissitude des temps, a perdu jusqu'à son nom
permettez -moi d'ajouter quelques Remarques à ma Narration
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Résumé : SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
En 1705, M. Foucault, Intendant de la Généralité de Caen, initia une enquête sur la tradition locale concernant le lieu de Vieux, après avoir été informé de la découverte de deux pierres inscrites. Accompagné de M. Belain, curé de Blainville et secrétaire de l'Académie de Caen, ils se rendirent sur place mais ne trouvèrent pas les pierres. Un laboureur les orienta vers des briques ornées de feuillages dans son champ, ce qui mena à la découverte d'un mur épais et d'un bassin de pierre entouré de sièges, probablement une partie d'un bâtiment romain. Les fouilles révélèrent également une étuve avec des instruments en ivoire, des voûtes et des tuyaux de brique. Le bâtiment principal, long de plus de 200 pieds, était construit avec des briques et des pierres blanches liées par du ciment. Divers objets antiques, tels que des médailles, des statues et des inscriptions, furent également découverts. Parmi les inscriptions, certaines mentionnaient des noms romains et des dédicaces à des divinités. Ces découvertes confirmèrent la présence romaine et la tradition locale d'une ville disparue. M. Foucault fit réaliser une iconographie des ruines et conserva les artefacts dans sa maison d'Auteuil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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307
p. 641-656
REMARQUES sur les ruines de Vieux.
Début :
L'un des plus Sçavans Hommes que la Normandie ait [...]
Mots clefs :
M. Foucault, Médailles, Inscription, Ruines de Vieux, Marbre, Pline, Antiquité, Romains
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les ruines de Vieux.
REMARQUES sur les ruines
deVieux.
L'un des plus Sçavans Hommes que la
Normandie ait porté , je veux dire M.
Huet,Evêque d'Avranches,n'auroit peutêtre pas écrit , comme il a fait , au sujet
de Vieux , si les découvertes dont je viens
de parler , avoient précédé la composition de ses Origines de Caen , l'un des plus
curieux Ouvrages qui ayent été écrits en
ce genre , et le plus rempli de recherches historiques , géographyques , étymologiques, &c. ensortequ'il seroit à souhaiter que chaque Ville un peu importante , et de quelque ancienneté , eut un
Historien à peu près semblable. Il est cependant arrivé à ce grand critique de n'avoir pas toujours écrit avec la même jus tesse
642 MERCURE DE FRANCE
tesse , dans le Livre dont je viens de parler ; cela se remarque sur tout dans l'Article de Vieux ; soit amour de la Patrie ;
qui ne lui a pas permis de reconnoître
dans le même canton une Ville plus an
cienne que Caën , qui de son aveu ne l'est
pas beaucoup , soit prévention ou éloignement de penser , commeon a toujours
fait dans le Païs , à l'égard des ruines de
Vieux, M.Huet ne veut pas que ce soient
les restes d'une ancienne Ville ; et on n'y
voit , selon lui , tout au plus que les vestiges d'un Camp des Romains.
Il est inutile d'entrer icy dans un détail des raisons , ou plutôt des conjectures que rapporte ce Sçavant Ecrivain`,
pour ne point reconnoître une Ville ancienne dans les ruines de Vieux , parce
que ces raisons tombent d'elles- mêmes
depuis les monumens qui y ont été découverts , avant, durant et après les Recherches de M. Foucault ; monumens qui
ne peuvent convenir qu'à une Ville et
à une Ville considérable.
Le plus remarquable de ces monumens ,
et qui fait icy , selon moy , une démons
tration ; c'est , sans doute, le fameux Marbre de Joigny , trouvé à Vieux , il y a déja
bien des années. Ce Marbre, tout à-fait
semblable à celui dela Carriere deVieux ;
est
AVRIL 1732 843
est , comme je l'ai dit ailleurs , le Piédestal , sur lequel étoit élevée la Statuë de
T. SENNIUS SOLENNIS , Grand-Prêtre Gaulois , Homme des plus distinguez dans sa
Nation , lequel étoit originaire de la cité
des Viducassiens. Cette Cité est nommée trois fois dans la longue Inscription , gravée sur le Piédestal dont je vous
ai envoyé une coppie, avec ma Ive Lettre, en sorte qu'on ne peut se refuser à
une preuve si évidente.
M. Huet qui a senti la force de cette
preuve , a cru l'affoiblir , en disant que
quoique ce Marbre soit semblable à celui de
Vieux , il peut bien avoir été tiré de quelqu'autre Carriere de Marbre pareil , qui
aura depuis été épuisée ou recouverte et abandonnée. Tout le Marbre blanc ne vient pas
de Paros, Je vous laisse , Monsieur , à juger de la solidité de ce raisonnement ; et
en attendant , on peut , je crois , s'en raporter au témoignage de quantité de
personnes éclairées , qui ont vu le Piédestal de Torigny , et qui l'ayant comparé
à plusieurs Marbres , tirez de la Carriere
de Vieux entr'autres , avec les Colomnes
qui sont dans les Eglises de S. Jean et des
Carmes de Caen, assurent toutes que c'est
la même nature , la même qualité , &c.
Il est vrai que tout le Marbre blanc ne
vient
344 MERCURE DE FRANCE
-
vient pas de Paros ; mais il est aussi vrai
que comme nos Connoisseurs , nos Marbriers même , distinguent fort bien le
Marbre de cette Isle , d'avec les autres.
Marbres blancs par la difference du grain,
du poli , de la dureté , &c. On peut distinguer de même le Marbre rougeâtre et
veiné , de Vieux , d'avec les autres Marbres de pareille espece. Celui de Vieux a
cela de particulier , que le poli n'en est nullement beau.
>
Quant au témoignage de l'Inscription,
notre sçavant Prélat y répond en disant
que: Civitas viducassium , signifie là
comme en cent autres lieux des anciens
un Peuple , et non une Ville, Mais je ne
sçai si cette interpretation éludera un témoignage si formel ; on peut bien accorder que Viducasses , est le nom d'un Peuple; mais les Peuples ayant bâti les Villes,
ausquelles ils ont donné des noms particuliers , il est communément arrivé que
dans la suite ces noms particuliers ont
cessé d'être usitez , et qu'on n'a employé
dans le discours que le nom du Peuple
qui les avoit bâties, où dont elles avoient
été capitales. C'est ce qu'on peut reconnoître par la lecture de César , de Pline
de Ptolomée, &c. chez lesquels les noms
de nos Villes d'aujourd'hui,sont des noms
de
AVRIL 1732 645
1
de Peuples , de Nations. Les Viducassiens
ou une partie de ce Peuple ont donc construit la Cité dont il s'agit icy. Il est vrai
que nous ne sçavons pas le nom particulier qu'ils lui donnerent , aussi parfaite
ment que nous sçavons que la Capitale
des Lexoviens s'appelloit Neomagus ; mais
les Monumens trouvez en ce même lieu ,
témoignent évidemment que c'étoit une
Ville ; et les termes de la fameuse Inscription de T. S. Solennis , déterminent à
croire que c'étoit une Ville des Viducassiens.
Au reste , Monsieur , quand je vous
ai dit , en vous envoyant cette Inscription , qu'elle ne se trouvenulle part dans
les differens , Recueils imprimez , je n'ai
pas parlé avec exactitude ; je l'ai depuis
trouvée moi-même , dans le Recueil de
M. Spon , intitulé : Miscellanea erudite
Antiquitatis , &c. 1. vol. fol. Lyon, 1685.
à la page 82. Mais elle y est rapportée
tres-imparfaitement , sur une coppie envoyée à M. Spon , qui ne contenoit que
ce qui se trouve sur les deux côtez du
Piedestal , et rien du tout de ce qui est
gravé sur la face , et qui est pourtant le
plus remarquable et le plus instructif de
ce Monument. J'aurai occasion de vous
en parler encore une fois , mais revenons
à M. Huet,
Cet
45 MERCURE DE FRANCE
Cet habile Ecrivain oppose le silence
'des Historiens , celui de Ptolomée , de
Itineraire d'Antonin , et des Tables de
Peutinger , à ceux qui veulent que Vieux
ait été la Ville des Viducassiens , et qui
outre la tradition du Païs , citent un Passage de Pline , dont je vais parler. Mais on
peut lui répondre avec fondement , que
nous n'avons pas tous les Historiens et
tous les Géographes anciens , que nous
n'avons pas les Ouvrages entiers de tous
ceux qui restent , et que ceux- cy ont encore fait bien des omissions , ce qui ne
peut jamais former qu'un Argument négatif; Argument qui tombe à la vûë des
Monumens découverts à Vieux.
Le silence , au reste , de Ptolomée , est
icy fort mal allégué , puisqu'il est du
moins certain que ce fameux Géographe
liv. 11. chap. 8. en traitant de la Gaule
Lyonnoise: Celto Galatia Lugdunensis situs ; et faisant l'énumeration des Peuples
qui bordent l'Ocean depuis la Seine jusqu'au fond de la basse Bretagne , à l'endroit appellé alors Gobeum Promontorium ,
met parmi ces Peuples , Biducenses , qui
est la même chose que s'il avoit mis viducenses , lequel terme de Biducenses ou
Viducenses , a une égale analogie avec
Vieux , comme Viducasses,
Le
AVRIL 1732% 847.
Le passage de Pline se trouve dans le
18 ch. du 4 liv. M. Huet le rapporte et
en jugé de cette maniere : » Ceux qui
» veulent , dit-il , que Vieux ait été une
Ville , se fondent sur ce Passage de Pli
>> ne , où il met entre les Peuples de la
» Gaule Lyonnoise , Parrhisios , Trecasses,
» Andegavos , Viducasses, Vadicasses;d'où
ils inferent que ces derniers , désignant
» les Peuples du Bessin , les Viducasses
marquent la Ville de Vieux... Mais il
» est tres- probable que dans le Passage de
» Pline , Viducasses ou Fadicasses , sont
» un même nom , qui signifie le Bessin
* et qu'un de ces mots est une diverse
» leçon de l'autre , qui a passé de la mar-
» ge dans le texte , comme il est arrivé
» dans une infinité de lieux des anciens
» Autheurs. De plus , Pline marque des
» Peuples en cet endroit , et non pas des » Villes.
Avant que de réfléchir sur cette Critique de M. Huet , il est bon d'observer
que le Passage de Pline est different dans
toutes les Editions que j'ai vûës , de celui
qu'on vient de lire ; mais pour ne point
entrer icy dans un détail ennuyeux des
Variations , et de différentes leçons qu'on
trouve sur ce sujet , je me contente de
rapporterce même Passage , pris dans l'EB dition
18 MERCURE DE FRANCE
dition du P. Hardouin , la plus récente , et
qu'on a lie de croire la plus correcte de toutes , l'Auteur ayant consulté les meilleurs Manuscrits , et n'ayant ignoré aucunes des Editions imprimées. Or ce Påssage est tel : Parisi , Trecosse's, Andegavi,
Viducasses , Bodiocasses , &c. Par ce der
nier terme , toute la probabilité de M.
Huet disparoît ; on ne croira jamais en
effet que Bodiocasses et Viducasses ne sont
qu'un même nom , qui signifie le Bessin ,
&c. Bodiocasses peut le signifier fort naturellement , et beaucoup mieux que Vadicasses , ainsi toute la conjecture du sçavant Prélat devient plus ingénieuse que
solide.
J'ai répondu cy- dessus à ce qu'il ajoute , qu'en cet endroit Pline marque des
Peuples et non pas des Villes , au sujet de
l'interprétation qu'il donne au terme de
Civitas Viducassium , de l'Inscription de
Torigny trouvée à Vieux ; ainsi , Monsieur,au lieu d'une répetition inutile,jeme
contente de remarquer icy que le P. Hardouin , dans une Note qu'il a faite sur
Pendroit de Pline , dont nous venons de
parler , reconnoît que Ptolomée a parlé
des Viducassiens ; mais on ne sçait sur
quelle autorité il place , comme il fait ,
ce Peuple dans la Basse- Bretagne , et les
recon-
AVRIL 1132 649
reconnoît pour les Fondateurs de la Ville
de Dinan; l'idée en doit paroître singuliere aux bas Normands , sur tout depuis
les Découvertes de Vieux,
la
On voit cependant , que selon les anciens Auteurs , les Viducassiens étoient
un Peuple de la Gaule Lyonnoise, et que
ce Peuple étoit où est Vieux , ou aux environs , vers le Midy et le Couchant..
L'Inscription de Torigny confirme ces
autoritez. Il est plus que probable par
circonstance du lieu où cette Inscription
a été trouvée , que la Ville en question ,
étoit assise sur le Terrain , dont le Village de Vieux , occupe encore une partie
entre la Riviere d'Orne , appellée O'λiva
dans Ptolomée et celle d'Odon.
- Vous sçavez , Monsieur , qu'après la
conquête des Gaules par les Romains
les Monumens publics ne furent plus
gueres érigez dans ce Païs , que dans la
Langue , et selon l'usage et le génie des
Vainqueurs Outre l'Inscription Romaine, dont je viens de parler , qui est toute à la gloire d'un Prêtre Gaulois , vous
avez vû dans ma Lettre , qu'on a trouvé
dans le même lieu , d'autres Inscriptions
Romaines , qui , en prouvant cet usage ,
prouvent aussi que les Romains ont été
long- temps les Maîtres de la Ville des ViBij ducas-
*
750 MERCURE DE FRANCE
ducassiens. Celle qui commence ainsi :
DEOMARTI, &c.indique assez le bas Empire et la décadence des Arts. Plusieurs
Lettres y sont mal formées , et sur tout
les Lettres A. L. o. M. Galland la croïoit
environ dutemps de Claude le Gothique,
mortvers 271.11 croïoit aussi qu'il y avoit
là un Temple dédié au Dieu Mars. Des
deux Consuls , Dialis et Bassus , sommez
dans l'Inscription , le nom dupremier ne
se trouve point, dans les Fastes que nous avons. On en voit du nom du second
Bassus , sous plusieurs Empereurs , mênie
du haut Empire. Il est vrai que dans les
Fastes , les noms des Consuls subrogez ou
substituez sont souvent omis. Le Consul
Dialis , de l'Inscription , étoit peut-être
de cette espece. Au reste, l'ignorant ouvrier a gravé sur le Marbre DIALÆ, au lieu de DIALE. Ce même nom se lit
dans Gruter , 8 Inscript. Edit. de 1707.
pag. 307.
12 ران .
Les autres Inscriptions , quoique mutilées , marquent une plus hauteAntiquité,
par la beauté et par la correction des caracteres ; on y voit les noms de quelques
anciennes Familles Romaines ; entre- autres des Familles Domitia , Novia , Comu
ficia , &c.
Je crois que vous trouverez juste l'obser-
AVRIL. 17523
servation de M. G. au sujet du mot MEMORIA , qui se trouve dans les deux Fragmens d'Inscription , cy devant rapportez ; il signifie là la même chose que Monumentum et Sepulcrum ; on le trouve en
effet, employé en ce sens dans Suetone, qui
dit qu'Othon , avant que de se donner la
mort , laissa le soin de sa Sépulture et de
ses Funérailles à Messaline. Commendans ,
Reliquias suas et Memoriam.
Ce Sçavant Antiquaire pensoit aussi
que Magninus Senecio , dont le nom est
gravé dans l'un de ces Fragmens , pouvoit
bien être le fils et le descendant de ce Senecion , dont parle assez plaisamment le
Rhereur Sénéque , lequel étoit surnommé Grandio, par Sobriquet, à cause de son
affectation ridicule pour tout ce qui
étoit grand dans les choses deson usage
les plus communes. Grands. Vases à boire,
grands Souli rs , grosses Figures , grands
Esclaves , et jusqu'à sa Maîtresse , qui tenoit du Colosse. Le surnom de Magninus
de l'Inscription , ne revient pas mal à célui de Grandio.
La grande quantité de Médailles trouvées à Vieux , et celles qu'on y déterre
tous les jours , méritent une attention
particuliere ; elles démontrent concurBiij remment
652 MERCURE DE FRANCE
•
remment avec les Inscriptions et les autres Monumens , découverts au même
lieu , que les Romains ont été long- tems
en possession dela Ville des Viducassiens.
Ces Médailles , comme je l'ai déja observé , sont depuis les premiers Empereurs
jusqu'aux enfans de Constantin. On peut
donc raisonnablement présumer quecette
Ville a subsisté jusques dans le rv siécle ;
on pourroit former des conjectures
moins solides sur les causes et le temps
plus précis de sa destruction ; circonstances omises par les Historiens ; mais je
ne m'engagerai point dans cette recherche aussi pénible qu'inftuctueuse.
Je me dispense aussi d'examiner si la
Ville de Caen a été bâtie , comme quelques-uns le prétendent , des ruines de
celle des Viducassiens , ou de Vieux. M.
Huet tient pour la négative et soutient
que Caën , du temps de Charles le Chauve , c'est- à- dire , vers 840. n'étoit guéres
plus qu'un Village.
Je finis mes Remarques , en observant
que ce Sçavant Homme , malgré la prevention dont j'ai parlé , semble revenir
au sentiment qu'il a prétendu combattre
au sujet des ruines de Vieux: Voici com
ment il s'exprime , après avoir beaucoup
discouru là-dessus.
»IL
AVRIL. 17321 653
Il est donc beaucoup plus apparent ,
"par tous ces Monumens d'antiquité, qué
» Vieux étoit autrefois un Camp des Ro
»mains , placé sur la Riviere d'Orne ,
» pour y conserver un passage ,
tendant
» vers le Païs ( a ) d'Hiesmes. Ce Camp
» ayant été fixé en ce lieu , donna l'occa-
» sion et le loisir aux Soldats d'y bâtir des
» Maisons , et un Aqueduc , pour leur
در
commodité , dont il reste des ruines.
» La même chose est arrivée en plusieurs
» autres endroits et quelquefois ces .
Camps sont devenus Villes , et quoi-
»que Villes , ils ont retenu le nom de
» Camps , témoin la Ville de Constance ,
qui étoit dans le commencement le
Camp de Constantius Chlorus , Pere de
»Constantin le Grend , et qui dans la suite est devenu une Ville celebre et floris-
» sante. Témoin encore la Ville de Cou
» tance, qui quoique Ville, s'appelle com-
» me la premiere : Constantia Castra. Cela
» se confirme encore par ce grand chemin
» pavé , qui alloit du Bessin dans l'Hies- "
» mois , et qui passe par Vieux-, bâti dơ
» Brique , ainsi que l'Aqueduc.
C'est toujours beaucoup de convenir
que Vieux a pu être une Ville , dont un
( a ) Le Païs d'Hiesmes est un Canton qui comprend une partie du Diocèse de Bayeux.
Biiij Camp
64 MERCURE DE FRANCE
Camp des Romains ait été l'origine. Pour
moi , je croirois plutôt le contraire ; sçavoir , qu'auprès de la Ville Gauloise des
Viducassiens , les Romains la trouvant
bien située , suivant leurs veuës , &c. auroient établi un de leurs Camps , conjecture que j'abandonne encore à votre critique , et que je n'entreprens pas de sou- tenir..
Outre l'aveu que nous venons de remarquer de la part de M. Huet, il n'est
pas indifferent de rapporter icy ce qu'il
nous apprend dans le même chapitre sur
la dénomination de Vieux. Vieux , dit it ,
est appellée Vedioca et Veoca , dans les
vieux titres de l'Abbaye de Fontenay. I
est assez incertain , continue - t- il , si
Veoca et Vedioca ont été formez du mot
de Vieux, ou Vieca de Vedioca, et de Veoce. Le nom de Bayeux ne vient pas de
Bajoca, mais de Biducasses , &c. je ne le
suivrai pas dans le reste de cette discussion étymologique , où notre Auteur ne
dit rien , ce me semble , de solide , n'apprend qu'à douter et ne fait que conjec- turer.
Mais vous me prévenez sans doute icy ,
Monsieur , sur le nom de Vedioca , pour
signifier Vieux , qui se trouve dans les
titres d'une ancienne Abbaye voisine.; et
vous.
AVRIL 1732. 655
vous m'allez dire qu'on ne peut guéres
méconnoître dans ce nom les Biducenses de Ptolomée , et les Badiocasses de
Pline , et le Civitas viducassium de l'Inscription trouvée à Vieux. Votre réfléxion
est juste , et me dispense d'examiner si le
nom de Vieux , ne viendroit point de Vetera Castra ; en supposant dans ce lieu ,
avec M. Huet , un Camp des Romains ';
ou de Ve , du Latin , Vadum , un Gué ;
supposant encore qu'il y en avoit un dans
le même lieu , lequel mot , Ve , s'exprimoit autrefois par Vien ; comme pour
André, on disoit Andrieu , c. toutes
conjectures des plus frivoles , qui ne méritoient pas de sortir d'une pareille plume, et qui tombent d'elles - mêmes par ce que vous venez de voir.
On peut , ce me semble , conclure de
toutes ces observations , que la Ville des
Viducassiens dont deux anciens Ecrivains
ont parlé , étoit située à peu près dans le
terrain , dont le Village de Vieux occupe
aujourd'hui une partie , entre les Rivie
res d'Orne et d'Odon , et que les ruines découvertes dans ce terrain sont celles de
cette ancienne Ville , qu'elle a été considérable du temps que les Romains l'ont
occupée , comme il paroît sur tout par les
beaux restes de son Gymnase , et des acBy com-
656 MERCURE DE FRANCE
compagnemens de cet Edifice public ,
( qu'on n'en voyoit de pareils que dans
les bonnes Villes ) et par les autres Monumens dont on a parlé ; que cette Ville
étoit avantageusement située , à cause des
deux Rivieres , dont l'une lui donnoit la
communication avec la Mer Oceane , l'éloignement n'étant que d'environ 5 lieuës;
que la même Ville devoit être florissante
par le commerce et par la communication qu'elle pouvoit avoir avec les Nations les plus éloignées.
La Médaille Grecque de Diaduménien
en est une preuve indirecte, et cette preu
ve est fortifiée par d'autres Médailles
Grecques et de fabrique étrangere , par
rapport aux Romains , découvertes depuis au même lieu , dont j'espere de vous
entretenir dans une autre Lettre. Celle- cy
s'est allongée beaucoup plus que je ne
croyois ; je soumets à vos lumieres tout ce
qu'elle renferme , et je suis,Monsieur, &c.
deVieux.
L'un des plus Sçavans Hommes que la
Normandie ait porté , je veux dire M.
Huet,Evêque d'Avranches,n'auroit peutêtre pas écrit , comme il a fait , au sujet
de Vieux , si les découvertes dont je viens
de parler , avoient précédé la composition de ses Origines de Caen , l'un des plus
curieux Ouvrages qui ayent été écrits en
ce genre , et le plus rempli de recherches historiques , géographyques , étymologiques, &c. ensortequ'il seroit à souhaiter que chaque Ville un peu importante , et de quelque ancienneté , eut un
Historien à peu près semblable. Il est cependant arrivé à ce grand critique de n'avoir pas toujours écrit avec la même jus tesse
642 MERCURE DE FRANCE
tesse , dans le Livre dont je viens de parler ; cela se remarque sur tout dans l'Article de Vieux ; soit amour de la Patrie ;
qui ne lui a pas permis de reconnoître
dans le même canton une Ville plus an
cienne que Caën , qui de son aveu ne l'est
pas beaucoup , soit prévention ou éloignement de penser , commeon a toujours
fait dans le Païs , à l'égard des ruines de
Vieux, M.Huet ne veut pas que ce soient
les restes d'une ancienne Ville ; et on n'y
voit , selon lui , tout au plus que les vestiges d'un Camp des Romains.
Il est inutile d'entrer icy dans un détail des raisons , ou plutôt des conjectures que rapporte ce Sçavant Ecrivain`,
pour ne point reconnoître une Ville ancienne dans les ruines de Vieux , parce
que ces raisons tombent d'elles- mêmes
depuis les monumens qui y ont été découverts , avant, durant et après les Recherches de M. Foucault ; monumens qui
ne peuvent convenir qu'à une Ville et
à une Ville considérable.
Le plus remarquable de ces monumens ,
et qui fait icy , selon moy , une démons
tration ; c'est , sans doute, le fameux Marbre de Joigny , trouvé à Vieux , il y a déja
bien des années. Ce Marbre, tout à-fait
semblable à celui dela Carriere deVieux ;
est
AVRIL 1732 843
est , comme je l'ai dit ailleurs , le Piédestal , sur lequel étoit élevée la Statuë de
T. SENNIUS SOLENNIS , Grand-Prêtre Gaulois , Homme des plus distinguez dans sa
Nation , lequel étoit originaire de la cité
des Viducassiens. Cette Cité est nommée trois fois dans la longue Inscription , gravée sur le Piédestal dont je vous
ai envoyé une coppie, avec ma Ive Lettre, en sorte qu'on ne peut se refuser à
une preuve si évidente.
M. Huet qui a senti la force de cette
preuve , a cru l'affoiblir , en disant que
quoique ce Marbre soit semblable à celui de
Vieux , il peut bien avoir été tiré de quelqu'autre Carriere de Marbre pareil , qui
aura depuis été épuisée ou recouverte et abandonnée. Tout le Marbre blanc ne vient pas
de Paros, Je vous laisse , Monsieur , à juger de la solidité de ce raisonnement ; et
en attendant , on peut , je crois , s'en raporter au témoignage de quantité de
personnes éclairées , qui ont vu le Piédestal de Torigny , et qui l'ayant comparé
à plusieurs Marbres , tirez de la Carriere
de Vieux entr'autres , avec les Colomnes
qui sont dans les Eglises de S. Jean et des
Carmes de Caen, assurent toutes que c'est
la même nature , la même qualité , &c.
Il est vrai que tout le Marbre blanc ne
vient
344 MERCURE DE FRANCE
-
vient pas de Paros ; mais il est aussi vrai
que comme nos Connoisseurs , nos Marbriers même , distinguent fort bien le
Marbre de cette Isle , d'avec les autres.
Marbres blancs par la difference du grain,
du poli , de la dureté , &c. On peut distinguer de même le Marbre rougeâtre et
veiné , de Vieux , d'avec les autres Marbres de pareille espece. Celui de Vieux a
cela de particulier , que le poli n'en est nullement beau.
>
Quant au témoignage de l'Inscription,
notre sçavant Prélat y répond en disant
que: Civitas viducassium , signifie là
comme en cent autres lieux des anciens
un Peuple , et non une Ville, Mais je ne
sçai si cette interpretation éludera un témoignage si formel ; on peut bien accorder que Viducasses , est le nom d'un Peuple; mais les Peuples ayant bâti les Villes,
ausquelles ils ont donné des noms particuliers , il est communément arrivé que
dans la suite ces noms particuliers ont
cessé d'être usitez , et qu'on n'a employé
dans le discours que le nom du Peuple
qui les avoit bâties, où dont elles avoient
été capitales. C'est ce qu'on peut reconnoître par la lecture de César , de Pline
de Ptolomée, &c. chez lesquels les noms
de nos Villes d'aujourd'hui,sont des noms
de
AVRIL 1732 645
1
de Peuples , de Nations. Les Viducassiens
ou une partie de ce Peuple ont donc construit la Cité dont il s'agit icy. Il est vrai
que nous ne sçavons pas le nom particulier qu'ils lui donnerent , aussi parfaite
ment que nous sçavons que la Capitale
des Lexoviens s'appelloit Neomagus ; mais
les Monumens trouvez en ce même lieu ,
témoignent évidemment que c'étoit une
Ville ; et les termes de la fameuse Inscription de T. S. Solennis , déterminent à
croire que c'étoit une Ville des Viducassiens.
Au reste , Monsieur , quand je vous
ai dit , en vous envoyant cette Inscription , qu'elle ne se trouvenulle part dans
les differens , Recueils imprimez , je n'ai
pas parlé avec exactitude ; je l'ai depuis
trouvée moi-même , dans le Recueil de
M. Spon , intitulé : Miscellanea erudite
Antiquitatis , &c. 1. vol. fol. Lyon, 1685.
à la page 82. Mais elle y est rapportée
tres-imparfaitement , sur une coppie envoyée à M. Spon , qui ne contenoit que
ce qui se trouve sur les deux côtez du
Piedestal , et rien du tout de ce qui est
gravé sur la face , et qui est pourtant le
plus remarquable et le plus instructif de
ce Monument. J'aurai occasion de vous
en parler encore une fois , mais revenons
à M. Huet,
Cet
45 MERCURE DE FRANCE
Cet habile Ecrivain oppose le silence
'des Historiens , celui de Ptolomée , de
Itineraire d'Antonin , et des Tables de
Peutinger , à ceux qui veulent que Vieux
ait été la Ville des Viducassiens , et qui
outre la tradition du Païs , citent un Passage de Pline , dont je vais parler. Mais on
peut lui répondre avec fondement , que
nous n'avons pas tous les Historiens et
tous les Géographes anciens , que nous
n'avons pas les Ouvrages entiers de tous
ceux qui restent , et que ceux- cy ont encore fait bien des omissions , ce qui ne
peut jamais former qu'un Argument négatif; Argument qui tombe à la vûë des
Monumens découverts à Vieux.
Le silence , au reste , de Ptolomée , est
icy fort mal allégué , puisqu'il est du
moins certain que ce fameux Géographe
liv. 11. chap. 8. en traitant de la Gaule
Lyonnoise: Celto Galatia Lugdunensis situs ; et faisant l'énumeration des Peuples
qui bordent l'Ocean depuis la Seine jusqu'au fond de la basse Bretagne , à l'endroit appellé alors Gobeum Promontorium ,
met parmi ces Peuples , Biducenses , qui
est la même chose que s'il avoit mis viducenses , lequel terme de Biducenses ou
Viducenses , a une égale analogie avec
Vieux , comme Viducasses,
Le
AVRIL 1732% 847.
Le passage de Pline se trouve dans le
18 ch. du 4 liv. M. Huet le rapporte et
en jugé de cette maniere : » Ceux qui
» veulent , dit-il , que Vieux ait été une
Ville , se fondent sur ce Passage de Pli
>> ne , où il met entre les Peuples de la
» Gaule Lyonnoise , Parrhisios , Trecasses,
» Andegavos , Viducasses, Vadicasses;d'où
ils inferent que ces derniers , désignant
» les Peuples du Bessin , les Viducasses
marquent la Ville de Vieux... Mais il
» est tres- probable que dans le Passage de
» Pline , Viducasses ou Fadicasses , sont
» un même nom , qui signifie le Bessin
* et qu'un de ces mots est une diverse
» leçon de l'autre , qui a passé de la mar-
» ge dans le texte , comme il est arrivé
» dans une infinité de lieux des anciens
» Autheurs. De plus , Pline marque des
» Peuples en cet endroit , et non pas des » Villes.
Avant que de réfléchir sur cette Critique de M. Huet , il est bon d'observer
que le Passage de Pline est different dans
toutes les Editions que j'ai vûës , de celui
qu'on vient de lire ; mais pour ne point
entrer icy dans un détail ennuyeux des
Variations , et de différentes leçons qu'on
trouve sur ce sujet , je me contente de
rapporterce même Passage , pris dans l'EB dition
18 MERCURE DE FRANCE
dition du P. Hardouin , la plus récente , et
qu'on a lie de croire la plus correcte de toutes , l'Auteur ayant consulté les meilleurs Manuscrits , et n'ayant ignoré aucunes des Editions imprimées. Or ce Påssage est tel : Parisi , Trecosse's, Andegavi,
Viducasses , Bodiocasses , &c. Par ce der
nier terme , toute la probabilité de M.
Huet disparoît ; on ne croira jamais en
effet que Bodiocasses et Viducasses ne sont
qu'un même nom , qui signifie le Bessin ,
&c. Bodiocasses peut le signifier fort naturellement , et beaucoup mieux que Vadicasses , ainsi toute la conjecture du sçavant Prélat devient plus ingénieuse que
solide.
J'ai répondu cy- dessus à ce qu'il ajoute , qu'en cet endroit Pline marque des
Peuples et non pas des Villes , au sujet de
l'interprétation qu'il donne au terme de
Civitas Viducassium , de l'Inscription de
Torigny trouvée à Vieux ; ainsi , Monsieur,au lieu d'une répetition inutile,jeme
contente de remarquer icy que le P. Hardouin , dans une Note qu'il a faite sur
Pendroit de Pline , dont nous venons de
parler , reconnoît que Ptolomée a parlé
des Viducassiens ; mais on ne sçait sur
quelle autorité il place , comme il fait ,
ce Peuple dans la Basse- Bretagne , et les
recon-
AVRIL 1132 649
reconnoît pour les Fondateurs de la Ville
de Dinan; l'idée en doit paroître singuliere aux bas Normands , sur tout depuis
les Découvertes de Vieux,
la
On voit cependant , que selon les anciens Auteurs , les Viducassiens étoient
un Peuple de la Gaule Lyonnoise, et que
ce Peuple étoit où est Vieux , ou aux environs , vers le Midy et le Couchant..
L'Inscription de Torigny confirme ces
autoritez. Il est plus que probable par
circonstance du lieu où cette Inscription
a été trouvée , que la Ville en question ,
étoit assise sur le Terrain , dont le Village de Vieux , occupe encore une partie
entre la Riviere d'Orne , appellée O'λiva
dans Ptolomée et celle d'Odon.
- Vous sçavez , Monsieur , qu'après la
conquête des Gaules par les Romains
les Monumens publics ne furent plus
gueres érigez dans ce Païs , que dans la
Langue , et selon l'usage et le génie des
Vainqueurs Outre l'Inscription Romaine, dont je viens de parler , qui est toute à la gloire d'un Prêtre Gaulois , vous
avez vû dans ma Lettre , qu'on a trouvé
dans le même lieu , d'autres Inscriptions
Romaines , qui , en prouvant cet usage ,
prouvent aussi que les Romains ont été
long- temps les Maîtres de la Ville des ViBij ducas-
*
750 MERCURE DE FRANCE
ducassiens. Celle qui commence ainsi :
DEOMARTI, &c.indique assez le bas Empire et la décadence des Arts. Plusieurs
Lettres y sont mal formées , et sur tout
les Lettres A. L. o. M. Galland la croïoit
environ dutemps de Claude le Gothique,
mortvers 271.11 croïoit aussi qu'il y avoit
là un Temple dédié au Dieu Mars. Des
deux Consuls , Dialis et Bassus , sommez
dans l'Inscription , le nom dupremier ne
se trouve point, dans les Fastes que nous avons. On en voit du nom du second
Bassus , sous plusieurs Empereurs , mênie
du haut Empire. Il est vrai que dans les
Fastes , les noms des Consuls subrogez ou
substituez sont souvent omis. Le Consul
Dialis , de l'Inscription , étoit peut-être
de cette espece. Au reste, l'ignorant ouvrier a gravé sur le Marbre DIALÆ, au lieu de DIALE. Ce même nom se lit
dans Gruter , 8 Inscript. Edit. de 1707.
pag. 307.
12 ران .
Les autres Inscriptions , quoique mutilées , marquent une plus hauteAntiquité,
par la beauté et par la correction des caracteres ; on y voit les noms de quelques
anciennes Familles Romaines ; entre- autres des Familles Domitia , Novia , Comu
ficia , &c.
Je crois que vous trouverez juste l'obser-
AVRIL. 17523
servation de M. G. au sujet du mot MEMORIA , qui se trouve dans les deux Fragmens d'Inscription , cy devant rapportez ; il signifie là la même chose que Monumentum et Sepulcrum ; on le trouve en
effet, employé en ce sens dans Suetone, qui
dit qu'Othon , avant que de se donner la
mort , laissa le soin de sa Sépulture et de
ses Funérailles à Messaline. Commendans ,
Reliquias suas et Memoriam.
Ce Sçavant Antiquaire pensoit aussi
que Magninus Senecio , dont le nom est
gravé dans l'un de ces Fragmens , pouvoit
bien être le fils et le descendant de ce Senecion , dont parle assez plaisamment le
Rhereur Sénéque , lequel étoit surnommé Grandio, par Sobriquet, à cause de son
affectation ridicule pour tout ce qui
étoit grand dans les choses deson usage
les plus communes. Grands. Vases à boire,
grands Souli rs , grosses Figures , grands
Esclaves , et jusqu'à sa Maîtresse , qui tenoit du Colosse. Le surnom de Magninus
de l'Inscription , ne revient pas mal à célui de Grandio.
La grande quantité de Médailles trouvées à Vieux , et celles qu'on y déterre
tous les jours , méritent une attention
particuliere ; elles démontrent concurBiij remment
652 MERCURE DE FRANCE
•
remment avec les Inscriptions et les autres Monumens , découverts au même
lieu , que les Romains ont été long- tems
en possession dela Ville des Viducassiens.
Ces Médailles , comme je l'ai déja observé , sont depuis les premiers Empereurs
jusqu'aux enfans de Constantin. On peut
donc raisonnablement présumer quecette
Ville a subsisté jusques dans le rv siécle ;
on pourroit former des conjectures
moins solides sur les causes et le temps
plus précis de sa destruction ; circonstances omises par les Historiens ; mais je
ne m'engagerai point dans cette recherche aussi pénible qu'inftuctueuse.
Je me dispense aussi d'examiner si la
Ville de Caen a été bâtie , comme quelques-uns le prétendent , des ruines de
celle des Viducassiens , ou de Vieux. M.
Huet tient pour la négative et soutient
que Caën , du temps de Charles le Chauve , c'est- à- dire , vers 840. n'étoit guéres
plus qu'un Village.
Je finis mes Remarques , en observant
que ce Sçavant Homme , malgré la prevention dont j'ai parlé , semble revenir
au sentiment qu'il a prétendu combattre
au sujet des ruines de Vieux: Voici com
ment il s'exprime , après avoir beaucoup
discouru là-dessus.
»IL
AVRIL. 17321 653
Il est donc beaucoup plus apparent ,
"par tous ces Monumens d'antiquité, qué
» Vieux étoit autrefois un Camp des Ro
»mains , placé sur la Riviere d'Orne ,
» pour y conserver un passage ,
tendant
» vers le Païs ( a ) d'Hiesmes. Ce Camp
» ayant été fixé en ce lieu , donna l'occa-
» sion et le loisir aux Soldats d'y bâtir des
» Maisons , et un Aqueduc , pour leur
در
commodité , dont il reste des ruines.
» La même chose est arrivée en plusieurs
» autres endroits et quelquefois ces .
Camps sont devenus Villes , et quoi-
»que Villes , ils ont retenu le nom de
» Camps , témoin la Ville de Constance ,
qui étoit dans le commencement le
Camp de Constantius Chlorus , Pere de
»Constantin le Grend , et qui dans la suite est devenu une Ville celebre et floris-
» sante. Témoin encore la Ville de Cou
» tance, qui quoique Ville, s'appelle com-
» me la premiere : Constantia Castra. Cela
» se confirme encore par ce grand chemin
» pavé , qui alloit du Bessin dans l'Hies- "
» mois , et qui passe par Vieux-, bâti dơ
» Brique , ainsi que l'Aqueduc.
C'est toujours beaucoup de convenir
que Vieux a pu être une Ville , dont un
( a ) Le Païs d'Hiesmes est un Canton qui comprend une partie du Diocèse de Bayeux.
Biiij Camp
64 MERCURE DE FRANCE
Camp des Romains ait été l'origine. Pour
moi , je croirois plutôt le contraire ; sçavoir , qu'auprès de la Ville Gauloise des
Viducassiens , les Romains la trouvant
bien située , suivant leurs veuës , &c. auroient établi un de leurs Camps , conjecture que j'abandonne encore à votre critique , et que je n'entreprens pas de sou- tenir..
Outre l'aveu que nous venons de remarquer de la part de M. Huet, il n'est
pas indifferent de rapporter icy ce qu'il
nous apprend dans le même chapitre sur
la dénomination de Vieux. Vieux , dit it ,
est appellée Vedioca et Veoca , dans les
vieux titres de l'Abbaye de Fontenay. I
est assez incertain , continue - t- il , si
Veoca et Vedioca ont été formez du mot
de Vieux, ou Vieca de Vedioca, et de Veoce. Le nom de Bayeux ne vient pas de
Bajoca, mais de Biducasses , &c. je ne le
suivrai pas dans le reste de cette discussion étymologique , où notre Auteur ne
dit rien , ce me semble , de solide , n'apprend qu'à douter et ne fait que conjec- turer.
Mais vous me prévenez sans doute icy ,
Monsieur , sur le nom de Vedioca , pour
signifier Vieux , qui se trouve dans les
titres d'une ancienne Abbaye voisine.; et
vous.
AVRIL 1732. 655
vous m'allez dire qu'on ne peut guéres
méconnoître dans ce nom les Biducenses de Ptolomée , et les Badiocasses de
Pline , et le Civitas viducassium de l'Inscription trouvée à Vieux. Votre réfléxion
est juste , et me dispense d'examiner si le
nom de Vieux , ne viendroit point de Vetera Castra ; en supposant dans ce lieu ,
avec M. Huet , un Camp des Romains ';
ou de Ve , du Latin , Vadum , un Gué ;
supposant encore qu'il y en avoit un dans
le même lieu , lequel mot , Ve , s'exprimoit autrefois par Vien ; comme pour
André, on disoit Andrieu , c. toutes
conjectures des plus frivoles , qui ne méritoient pas de sortir d'une pareille plume, et qui tombent d'elles - mêmes par ce que vous venez de voir.
On peut , ce me semble , conclure de
toutes ces observations , que la Ville des
Viducassiens dont deux anciens Ecrivains
ont parlé , étoit située à peu près dans le
terrain , dont le Village de Vieux occupe
aujourd'hui une partie , entre les Rivie
res d'Orne et d'Odon , et que les ruines découvertes dans ce terrain sont celles de
cette ancienne Ville , qu'elle a été considérable du temps que les Romains l'ont
occupée , comme il paroît sur tout par les
beaux restes de son Gymnase , et des acBy com-
656 MERCURE DE FRANCE
compagnemens de cet Edifice public ,
( qu'on n'en voyoit de pareils que dans
les bonnes Villes ) et par les autres Monumens dont on a parlé ; que cette Ville
étoit avantageusement située , à cause des
deux Rivieres , dont l'une lui donnoit la
communication avec la Mer Oceane , l'éloignement n'étant que d'environ 5 lieuës;
que la même Ville devoit être florissante
par le commerce et par la communication qu'elle pouvoit avoir avec les Nations les plus éloignées.
La Médaille Grecque de Diaduménien
en est une preuve indirecte, et cette preu
ve est fortifiée par d'autres Médailles
Grecques et de fabrique étrangere , par
rapport aux Romains , découvertes depuis au même lieu , dont j'espere de vous
entretenir dans une autre Lettre. Celle- cy
s'est allongée beaucoup plus que je ne
croyois ; je soumets à vos lumieres tout ce
qu'elle renferme , et je suis,Monsieur, &c.
Fermer
Résumé : REMARQUES sur les ruines de Vieux.
Le texte traite des ruines de Vieux, une ville en Normandie, et des débats historiques concernant son ancienneté et son importance. M. Huet, évêque d'Avranches, dans son ouvrage 'Origines de Caen', ne reconnaît pas Vieux comme une ancienne ville, y voyant plutôt les vestiges d'un camp romain. L'auteur conteste cette vision en se basant sur plusieurs monuments découverts à Vieux, notamment le marbre de Joigny, un piédestal de statue dédié à T. Sennius Solennis, un grand-prêtre gaulois des Viducassiens. Cette inscription mentionne trois fois la cité des Viducassiens, prouvant ainsi l'existence d'une ville ancienne. Huet tente de minimiser cette preuve en suggérant que le marbre pourrait provenir d'une autre carrière. L'auteur réfute cette hypothèse en soulignant que des experts peuvent distinguer le marbre de Vieux par ses caractéristiques spécifiques. Le texte aborde également le silence des historiens anciens comme Ptolémée et l'Itinéraire d'Antonin concernant Vieux, mais note que ces silences ne sont pas concluants face aux preuves matérielles. L'auteur cite un passage de Pline qui mentionne les Viducassiens et conteste l'interprétation de Huet selon laquelle ce terme désignerait simplement un peuple et non une ville. Le texte mentionne diverses inscriptions romaines et médailles trouvées à Vieux, témoignant de la présence romaine prolongée dans la ville des Viducassiens. Ces découvertes confirment l'importance historique de Vieux et contredisent l'opinion de Huet. Les médailles trouvées sur le site permettent de dater la présence romaine jusqu'aux enfants de Constantin, soit au IVe siècle. La ville de Caen, quant à elle, n'était qu'un village au temps de Charles le Chauve, vers 840. L'auteur refuse de spéculer sur la destruction de la ville des Viducassiens, un sujet omis par les historiens. Il mentionne également les débats sur l'origine de Caen, certains affirmant qu'elle aurait été construite à partir des ruines de la ville des Viducassiens ou de Vieux. Des vestiges comme un aqueduc et un chemin pavé soutiennent l'hypothèse que Vieux aurait pu devenir une ville. L'auteur conclut que la ville des Viducassiens était située dans la région actuelle de Vieux, entre les rivières d'Orne et d'Odon, et qu'elle était prospère grâce à sa situation stratégique et à son commerce. Des médailles grecques et étrangères découvertes sur place renforcent cette conclusion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
308
p. 674-683
REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Début :
J'ay lû ce que M.L.B. oppose aux Remarques que [...]
Mots clefs :
Inscription d'Auxerre, Ovinius, Monnaies antiques, Ouvrage, M. L. B., Association, Guerre, Alexandre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
REPLIQUE àla Réponse de M, L. B
sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Ay lû ce que M. L. B. oppose aux
Remarques que j'ai données dans le
mois de Juillet dernier , sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre. Sa Réponse est d'un homme du métier qui
écrit d'une maniere aussi spirituelle que
sçavante;
AVRIL. 1732. 675
sçavante ; mais les raisonnemens qu'il
employe pour soutenir sa prétendue association d'Ovinius , ne me paroissent pas
solides , et il m'accuse d'ailleurs assez légerement de lui faire dire au sujet de la
Guerre d'Allemagne , ce qu'il ne dit pas,
et cela dans la vûë de combattre son sentiment ; il me permettra donc , s'il lui
plaît, de m'expliquer sur ces deux articles.
Premierement,pour ce qui regarde Ovinius , je soutiens , comme je l'ai déja fait,
que la lecturo seule du Texte de Lampride , qui nous rapporte l'association de ce
Sénateur à l'Empire , suffit pour nous
convaincre de la fausseté de cet Evenement. En effet a-t'on jamais vû qu'un
Prince puissant et paisible , à la premiere
nouvelle qu'un de ses Sujets est dans le
dessein de brouiller l'Etat , ait aussi- tôt .
sans autre consideration et par une foiblesse indigne , partagé avec lui son pouvoir , l'ait associé au Trône, et lui ait voulû de plus laisser le commandement des
Armées , c'est-à-dire en bon François
se livrer entierement à sa discretion. Voilà
pourtant la conduite de Severe Alexandre , si l'on s'en rapporte à Lampride.
Cum quidam Ovinius ... rebellare voluisset...participem imperii appellavit ... &
eam expeditio barbarica esset nunciata
Ciij vel
676 MERCURE DE FRANCE
vel ipsum, si vellet ire, vel ut secum proficis ceretur hortatus est. Un tel récit révolte le
Lecteur le plus crédule , aussi ne suis-je
pas le seul qui le révoque en doute. It
me suffira pour la de preuve, rapporter
ici les paroles de M. de Tillemont , sur
l'action qui fait la dispute. Nous ne vou
lons pas omettre ici , ( dit cet Auteur , p.
214. du Tome 3. de l'Hist. des Empereurs ) un Evenement qui semble apparte
nir plus que tout autre à l'an 228. S'il est
veritable dans toutes les circonstances que
l'on en dit ; car il est vrai qu'il y en a qui
paroissent tenir de la fable.
Secondement, non-seulement les Auteurs qui vivoient sous Severe Alexandre
et dont les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous , comme Dion et Herodien, (a)
ne nous disent rien de l'Association d'O
vinius ; mais par la maniere dont ils nous
marquent que Severe Alexandre agit dans
des temps de Révolte , il nous font assez
connoître ce que nous devons penser du
(a) En citant Herodien , je réponds incidemment à une Observation de M. L. B. qui prétend
que le silence des Historiens sur le sujet d'Ovinius , ne vient que de ce que ces Auteurs n'ont
écrit que de simples abregez. Herodien seurement ne passera jamais pour un Epitomiste , et le silence d'un Ecrivain aussi exact , balancera toujours l'autorité de Lampride,
récit
AVRIL. 1732.
677
récit de Lampride. Puisque chez eux Se- vere Alexandre est un Prince ferme et
vigilant , qui au premier bruit de quel¬
que entreprise contre son autorité , a
soin de la réprimer avec courage et d'en
punir les auteurs. Conduite qui convient
parfaitement à un Empereur , que M.L.B.
lui-même compare à Trajan. Voici les
Passages des Auteurs que j'ai citez . Per
id tempus ( dit Dion ) multa rebellionesfacte
sunt , quarum cum fuissent formidolosa ,
repressa ac restincta sunt. Et selon Hérodien: Nequi non in Syria res novas contra
Imperium moliti alii , sed universioppressi
statim supplicioque affecti sunt.
En troisiéme lieu , ce qui s'observoit
d'abord dans l'association d'un Prince à
l'Empire , étoit de frapper des Monnoyes
(a) au coin du nouveau Souverain , ç'a
été un usageconstamment gardé sous tous
les Empereurs ; soit que ces Associations
ayent été libres , comme celles de Trajan
par Nerva, d'Elius par Hadrien , soit
qu'elles ayent.été forcées , comme quand
Balbin et Puppien furent obligez de déclarer Cesar le jeune Gordien , ou que
(a) Et vero simul Imperii summam adepti erant ,
Imperatores ) prima hac cura fuit nummos sua ,
mox conjugum denique et liberorum effigie insignire.
Anton, Augustinus. Dial. T. de Vet. Num. antiq..
Cij Ma-
678 MERCURE DE FRANCE
Maximien Hercule fut contraint par Galere , d'accorder le même titre à Severe.
Il nous reste des Médailles de tous ces
Princes. Ovinius seroit- il le seul pour qui
on eut négligé une coûtume si essentielle
et si continue? Sur tout ce Sénateur ayant
vécu plus de 7 ans , après sa prétendue
association , si l'on s'en rapporte à M.L.B.
qui ne le fait mourir qu'après Severe
Aléxandre.
Enfin pour me servir des armes que
M. L. B. me fournit lui-même, je ferai
remarquer que si Ovinius avoit effectivement été associé par Severe Alexandre;
les Loix que ce dernier donna la même
année de cet Evénement , n'auroient pas
manqué de faire mention d'Ovinius , ou
nommément ou en nom collectif , ce qui
n'est pas., Severe Aléxandre y étant seul
nommé , et cela contre la Regle générale , s'il avoit cu un Collégue ; puisque
nous voyons dans toutes les Loix des Empereurs qui nous restent , le nombre des
Augustes qui regnoient,' exactement marqué. Divi FRATRES AA. IMP. Severus
ET ANTON. A.A. IMPP.GRATIANUS VALENS
ET THEODOSIUS AAA.
Mais , dit M. L. B. l'association d'Ovinius nous est racontée par un Auteur de
réputation , qui vivoit seulement cent ans
après
AVRIL 17320 679
après Severe Alexandre , et qui comme il
le dit lui-même , avoit emprunté ce fait
des Mémoires de quatre Courtisans de ce
Prince; en faut-il davantage pour autoriser cet Evenement ? Je réponds , que ces
quatre Auteurs n'étant point connus autrement que par ce que nous en dit Lampride , ou les autres Auteurs de l'Histoire
Auguste on n'en sçauroit tirer aucun avantage , s'il est vrai qu'on soit en droit de
révoquer en doute ce que ces Ecrivains
avancent, quand il ne se trouve pas d'ail
leurs confirmé , du moins pour le fonds;.
et c'est ce qu'il est aisé de prouver.
teurs ,
Le corps d'Histoire,appellée Auguste, est
l'ouvrage d'un Compilateur , demi sçavant, qui sans choix , et sans ordre , a
mêlé ensemble les Narrations des Audont son Recueil porte les noms
et de quelques autres , peut-être encore ,
qui nous sont inconnus. C'est le sentiment
de ( a ) Casaubon , de ( b ) Saumaise , et
de M. de ( c) Tillemont , qui suffit pour
nous convaincre, qu'à moins que les faitsqu'on trouve dans cette compilation , ne
se rencontrent ailleurs , on est toujours
(a ) Casaub. Pref. in Hist. Augustë”-
(b ) Saum. Idem .
(c) Till. tom. 4. pag. 66.
Cly bien
680 MERCURE DE FRANCE
reçu , comme je l'ai dit, à ne les point bien
recevoir comme véritables.
د
Mais M. L. B. qui veut absolument
donner la Pourpre à Ovinius , a trouvé
une maniere de le faire , sans inter
resser le Prince. C'est de dire que du côté
de Severe Alexandre , l'association d'O
vinius pouvoit n'être que simulée. J'ai
honte de rapporter un expédient aussi
foible et qui tout mysterieux qu'il est , s'il
étoit même véritable , ne changeoit rien .
aux inconveniens , que n'auroit pas manqué d'emporter avec elle une action aussi
publique , et d'une aussi grande consé→
quence , du moins pour les peuples , qui
conduit par les apparences , auroient tou
jours été dans la bonne foy.
Je passe donc à la seconde partie de la
réponse de M. L. B. mais je dois conve
nir auparavant avec lui,que le mot Vulgi,
que j'ai cité dans ma Lettre du mois de
Juillet , se rapporte moins à l'associa
tion d'Ovinius, qu'au temps où elle peutavoir été faite , sous Trajan ou sous Seve
re Alexandre. C'est un manque d'atten
tion de mapart , mais qui n'ôte rien à mes
preuves , et que je ne veux pas excuser.
M. L. B. nous dit que par l'expedition
qui suivit l'association d'Ovinius, il a entendu la guerre d'Illyrie , qu'on peut appeller :
AVRIL. 1732. 681
peller la Guerre d'Allemagne , et que je
suppose que c'est de la derniere guerre
d'Allemagne dans laquelle périt Severe
Alexandre , dont il a voulu parler. Qu'il
me soit permis de dire que jamais repro
che ne fut plus mal fondé. 1º . En parlant
simplement d'une guerre contre les Allemans , comme a fait M. L. B. dans sa
Lettre du mois de May , il est naturel
`d'entendre la derniere contre ces peuples,
comme la plus considérable , et celle où
ils sont désignez par leur nom dans Lam- "
pride. 2°. C'est , qu'en suivant cet Auteur , comme il a fait , on ne peut l'en- "
rendre autrement. Je m'explique : Lampride nous dit que Severe Alexandre "
ayant appris l'irruption de quelques Barbares sur les Terres de l'Empire , marcha
en personne contre eux , et que dans ce
voyage il mena Ovinius ; or cecy ne peut
convenir à l'expédition d'Illyrie où ce
Prince ne se trouva pas , et qui fut conduite par ses Généraux ; le Texte de Lam
pride y est précis. Acta sunt res feliciter et
in Mauretania per Durium Celsum , et in
Illyrico per Varium Macrinum. Ainsi , s'il
s'agit d'Allemans , et que Severe Alexan- 1
dre ait marché contre eux ; ce ne peutêtre
que dans la seconde guerre , et j'ai euraison d'avancer que quand même l'associa
Cvj tion
682 MERCURE DE FRANCE
tion d'Ovinius ne seroit pas insoutenable. M. L. B. se seroit toujours trompé à
cet égard.
Voilà ce que j'avois à dire pour madeffence ; mais avant que de finir,je dois rapporter une Inscription , qui fait , au sujet
qui nous divise, M. L. B. et moi. Elle se
trouve à Rome , dans les Jardins du Palais Giustiniani , et c'est Reinesius qui la
rapporte.
Syntag. Inscrip. Antiq. cxIx. Part. I.
FORTVNE AVG..
PRO. SAL VTE FERENDINE
DOMINORVM. NN.
SEVERI. PIL. AV G.
FIL. IVLIÆ. AVG. MATRIS
و
Dans cette Inscription , comme on le
voit, Antonin Caracalle et Julie sa mere
sont appellez Domini nostri, ce qui est une
confirmation tout- à- fait décisive de l'ex-.
plication que j'ai donnée de Dominorum
nostrorum , de l'Inscription d'Auxerre , en
l'entendant de Severe Alexandre et de:
Mammée , mere de ce Prince. Tout est
semblable dans ces deux Monumens ; j'ajoute seulement que quoiqu'il semble d'abord qu'on puisse aussi- bien expliquer
celle
AVRIL. 17320 6·831
celle d'Auxerre par rapport à Severe Alexandre et à Sallustia Bårbia Osbiana " son.
épouse ; et que je paroisse en quelque façon donner dans mes Remarques l'alternative sur ce sujet. Je suis néanmoins trèspersuadé que c'est de Mammée seule, que.
I'Inscription peut parler, parce que les(a)
Médailles Grecques qui nous restent d'Orbiana , et qui sont marquées des années.
du Regne de son Mary, nous offrent seu--
lement la cinquième année de ce Prince ;
et comme l'Inscription a été posée la septiéme, il n'y a pas d'apparence d'y trou
ver Orbiana, que Herodion, sans la nommer, nous dit avoir été renvoyée peu de
temps après son mariage , aux instances
de sa belle-mere, j'alouse qu'une autre
partageat avec elle les honneurs de la
Cour. Dedit autem ( Mammée ) filio in matrimoniumpuellam... eadempaulo post aula
per omnem contumeliam exegit , et quum ipsa
tantum vocari angusta vellet , &c.
A Orleans , ce 7 Fev. 1732.D.P..
(a)Vaillant. Nusmism. Graca
sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Ay lû ce que M. L. B. oppose aux
Remarques que j'ai données dans le
mois de Juillet dernier , sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre. Sa Réponse est d'un homme du métier qui
écrit d'une maniere aussi spirituelle que
sçavante;
AVRIL. 1732. 675
sçavante ; mais les raisonnemens qu'il
employe pour soutenir sa prétendue association d'Ovinius , ne me paroissent pas
solides , et il m'accuse d'ailleurs assez légerement de lui faire dire au sujet de la
Guerre d'Allemagne , ce qu'il ne dit pas,
et cela dans la vûë de combattre son sentiment ; il me permettra donc , s'il lui
plaît, de m'expliquer sur ces deux articles.
Premierement,pour ce qui regarde Ovinius , je soutiens , comme je l'ai déja fait,
que la lecturo seule du Texte de Lampride , qui nous rapporte l'association de ce
Sénateur à l'Empire , suffit pour nous
convaincre de la fausseté de cet Evenement. En effet a-t'on jamais vû qu'un
Prince puissant et paisible , à la premiere
nouvelle qu'un de ses Sujets est dans le
dessein de brouiller l'Etat , ait aussi- tôt .
sans autre consideration et par une foiblesse indigne , partagé avec lui son pouvoir , l'ait associé au Trône, et lui ait voulû de plus laisser le commandement des
Armées , c'est-à-dire en bon François
se livrer entierement à sa discretion. Voilà
pourtant la conduite de Severe Alexandre , si l'on s'en rapporte à Lampride.
Cum quidam Ovinius ... rebellare voluisset...participem imperii appellavit ... &
eam expeditio barbarica esset nunciata
Ciij vel
676 MERCURE DE FRANCE
vel ipsum, si vellet ire, vel ut secum proficis ceretur hortatus est. Un tel récit révolte le
Lecteur le plus crédule , aussi ne suis-je
pas le seul qui le révoque en doute. It
me suffira pour la de preuve, rapporter
ici les paroles de M. de Tillemont , sur
l'action qui fait la dispute. Nous ne vou
lons pas omettre ici , ( dit cet Auteur , p.
214. du Tome 3. de l'Hist. des Empereurs ) un Evenement qui semble apparte
nir plus que tout autre à l'an 228. S'il est
veritable dans toutes les circonstances que
l'on en dit ; car il est vrai qu'il y en a qui
paroissent tenir de la fable.
Secondement, non-seulement les Auteurs qui vivoient sous Severe Alexandre
et dont les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous , comme Dion et Herodien, (a)
ne nous disent rien de l'Association d'O
vinius ; mais par la maniere dont ils nous
marquent que Severe Alexandre agit dans
des temps de Révolte , il nous font assez
connoître ce que nous devons penser du
(a) En citant Herodien , je réponds incidemment à une Observation de M. L. B. qui prétend
que le silence des Historiens sur le sujet d'Ovinius , ne vient que de ce que ces Auteurs n'ont
écrit que de simples abregez. Herodien seurement ne passera jamais pour un Epitomiste , et le silence d'un Ecrivain aussi exact , balancera toujours l'autorité de Lampride,
récit
AVRIL. 1732.
677
récit de Lampride. Puisque chez eux Se- vere Alexandre est un Prince ferme et
vigilant , qui au premier bruit de quel¬
que entreprise contre son autorité , a
soin de la réprimer avec courage et d'en
punir les auteurs. Conduite qui convient
parfaitement à un Empereur , que M.L.B.
lui-même compare à Trajan. Voici les
Passages des Auteurs que j'ai citez . Per
id tempus ( dit Dion ) multa rebellionesfacte
sunt , quarum cum fuissent formidolosa ,
repressa ac restincta sunt. Et selon Hérodien: Nequi non in Syria res novas contra
Imperium moliti alii , sed universioppressi
statim supplicioque affecti sunt.
En troisiéme lieu , ce qui s'observoit
d'abord dans l'association d'un Prince à
l'Empire , étoit de frapper des Monnoyes
(a) au coin du nouveau Souverain , ç'a
été un usageconstamment gardé sous tous
les Empereurs ; soit que ces Associations
ayent été libres , comme celles de Trajan
par Nerva, d'Elius par Hadrien , soit
qu'elles ayent.été forcées , comme quand
Balbin et Puppien furent obligez de déclarer Cesar le jeune Gordien , ou que
(a) Et vero simul Imperii summam adepti erant ,
Imperatores ) prima hac cura fuit nummos sua ,
mox conjugum denique et liberorum effigie insignire.
Anton, Augustinus. Dial. T. de Vet. Num. antiq..
Cij Ma-
678 MERCURE DE FRANCE
Maximien Hercule fut contraint par Galere , d'accorder le même titre à Severe.
Il nous reste des Médailles de tous ces
Princes. Ovinius seroit- il le seul pour qui
on eut négligé une coûtume si essentielle
et si continue? Sur tout ce Sénateur ayant
vécu plus de 7 ans , après sa prétendue
association , si l'on s'en rapporte à M.L.B.
qui ne le fait mourir qu'après Severe
Aléxandre.
Enfin pour me servir des armes que
M. L. B. me fournit lui-même, je ferai
remarquer que si Ovinius avoit effectivement été associé par Severe Alexandre;
les Loix que ce dernier donna la même
année de cet Evénement , n'auroient pas
manqué de faire mention d'Ovinius , ou
nommément ou en nom collectif , ce qui
n'est pas., Severe Aléxandre y étant seul
nommé , et cela contre la Regle générale , s'il avoit cu un Collégue ; puisque
nous voyons dans toutes les Loix des Empereurs qui nous restent , le nombre des
Augustes qui regnoient,' exactement marqué. Divi FRATRES AA. IMP. Severus
ET ANTON. A.A. IMPP.GRATIANUS VALENS
ET THEODOSIUS AAA.
Mais , dit M. L. B. l'association d'Ovinius nous est racontée par un Auteur de
réputation , qui vivoit seulement cent ans
après
AVRIL 17320 679
après Severe Alexandre , et qui comme il
le dit lui-même , avoit emprunté ce fait
des Mémoires de quatre Courtisans de ce
Prince; en faut-il davantage pour autoriser cet Evenement ? Je réponds , que ces
quatre Auteurs n'étant point connus autrement que par ce que nous en dit Lampride , ou les autres Auteurs de l'Histoire
Auguste on n'en sçauroit tirer aucun avantage , s'il est vrai qu'on soit en droit de
révoquer en doute ce que ces Ecrivains
avancent, quand il ne se trouve pas d'ail
leurs confirmé , du moins pour le fonds;.
et c'est ce qu'il est aisé de prouver.
teurs ,
Le corps d'Histoire,appellée Auguste, est
l'ouvrage d'un Compilateur , demi sçavant, qui sans choix , et sans ordre , a
mêlé ensemble les Narrations des Audont son Recueil porte les noms
et de quelques autres , peut-être encore ,
qui nous sont inconnus. C'est le sentiment
de ( a ) Casaubon , de ( b ) Saumaise , et
de M. de ( c) Tillemont , qui suffit pour
nous convaincre, qu'à moins que les faitsqu'on trouve dans cette compilation , ne
se rencontrent ailleurs , on est toujours
(a ) Casaub. Pref. in Hist. Augustë”-
(b ) Saum. Idem .
(c) Till. tom. 4. pag. 66.
Cly bien
680 MERCURE DE FRANCE
reçu , comme je l'ai dit, à ne les point bien
recevoir comme véritables.
د
Mais M. L. B. qui veut absolument
donner la Pourpre à Ovinius , a trouvé
une maniere de le faire , sans inter
resser le Prince. C'est de dire que du côté
de Severe Alexandre , l'association d'O
vinius pouvoit n'être que simulée. J'ai
honte de rapporter un expédient aussi
foible et qui tout mysterieux qu'il est , s'il
étoit même véritable , ne changeoit rien .
aux inconveniens , que n'auroit pas manqué d'emporter avec elle une action aussi
publique , et d'une aussi grande consé→
quence , du moins pour les peuples , qui
conduit par les apparences , auroient tou
jours été dans la bonne foy.
Je passe donc à la seconde partie de la
réponse de M. L. B. mais je dois conve
nir auparavant avec lui,que le mot Vulgi,
que j'ai cité dans ma Lettre du mois de
Juillet , se rapporte moins à l'associa
tion d'Ovinius, qu'au temps où elle peutavoir été faite , sous Trajan ou sous Seve
re Alexandre. C'est un manque d'atten
tion de mapart , mais qui n'ôte rien à mes
preuves , et que je ne veux pas excuser.
M. L. B. nous dit que par l'expedition
qui suivit l'association d'Ovinius, il a entendu la guerre d'Illyrie , qu'on peut appeller :
AVRIL. 1732. 681
peller la Guerre d'Allemagne , et que je
suppose que c'est de la derniere guerre
d'Allemagne dans laquelle périt Severe
Alexandre , dont il a voulu parler. Qu'il
me soit permis de dire que jamais repro
che ne fut plus mal fondé. 1º . En parlant
simplement d'une guerre contre les Allemans , comme a fait M. L. B. dans sa
Lettre du mois de May , il est naturel
`d'entendre la derniere contre ces peuples,
comme la plus considérable , et celle où
ils sont désignez par leur nom dans Lam- "
pride. 2°. C'est , qu'en suivant cet Auteur , comme il a fait , on ne peut l'en- "
rendre autrement. Je m'explique : Lampride nous dit que Severe Alexandre "
ayant appris l'irruption de quelques Barbares sur les Terres de l'Empire , marcha
en personne contre eux , et que dans ce
voyage il mena Ovinius ; or cecy ne peut
convenir à l'expédition d'Illyrie où ce
Prince ne se trouva pas , et qui fut conduite par ses Généraux ; le Texte de Lam
pride y est précis. Acta sunt res feliciter et
in Mauretania per Durium Celsum , et in
Illyrico per Varium Macrinum. Ainsi , s'il
s'agit d'Allemans , et que Severe Alexan- 1
dre ait marché contre eux ; ce ne peutêtre
que dans la seconde guerre , et j'ai euraison d'avancer que quand même l'associa
Cvj tion
682 MERCURE DE FRANCE
tion d'Ovinius ne seroit pas insoutenable. M. L. B. se seroit toujours trompé à
cet égard.
Voilà ce que j'avois à dire pour madeffence ; mais avant que de finir,je dois rapporter une Inscription , qui fait , au sujet
qui nous divise, M. L. B. et moi. Elle se
trouve à Rome , dans les Jardins du Palais Giustiniani , et c'est Reinesius qui la
rapporte.
Syntag. Inscrip. Antiq. cxIx. Part. I.
FORTVNE AVG..
PRO. SAL VTE FERENDINE
DOMINORVM. NN.
SEVERI. PIL. AV G.
FIL. IVLIÆ. AVG. MATRIS
و
Dans cette Inscription , comme on le
voit, Antonin Caracalle et Julie sa mere
sont appellez Domini nostri, ce qui est une
confirmation tout- à- fait décisive de l'ex-.
plication que j'ai donnée de Dominorum
nostrorum , de l'Inscription d'Auxerre , en
l'entendant de Severe Alexandre et de:
Mammée , mere de ce Prince. Tout est
semblable dans ces deux Monumens ; j'ajoute seulement que quoiqu'il semble d'abord qu'on puisse aussi- bien expliquer
celle
AVRIL. 17320 6·831
celle d'Auxerre par rapport à Severe Alexandre et à Sallustia Bårbia Osbiana " son.
épouse ; et que je paroisse en quelque façon donner dans mes Remarques l'alternative sur ce sujet. Je suis néanmoins trèspersuadé que c'est de Mammée seule, que.
I'Inscription peut parler, parce que les(a)
Médailles Grecques qui nous restent d'Orbiana , et qui sont marquées des années.
du Regne de son Mary, nous offrent seu--
lement la cinquième année de ce Prince ;
et comme l'Inscription a été posée la septiéme, il n'y a pas d'apparence d'y trou
ver Orbiana, que Herodion, sans la nommer, nous dit avoir été renvoyée peu de
temps après son mariage , aux instances
de sa belle-mere, j'alouse qu'une autre
partageat avec elle les honneurs de la
Cour. Dedit autem ( Mammée ) filio in matrimoniumpuellam... eadempaulo post aula
per omnem contumeliam exegit , et quum ipsa
tantum vocari angusta vellet , &c.
A Orleans , ce 7 Fev. 1732.D.P..
(a)Vaillant. Nusmism. Graca
Fermer
Résumé : REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
L'auteur répond à M. L. B. concernant l'interprétation d'une inscription d'Auxerre. Il conteste l'idée que Ovinius aurait été associé à l'Empire sous Sévère Alexandre, comme le suggère M. L. B. Selon l'auteur, la lecture du texte de Lampride, qui mentionne cet événement, suffit à en prouver la fausseté. Un prince puissant et pacifique n'aurait pas partagé son pouvoir avec un sujet rebelle sans considération préalable. L'auteur cite également M. de Tillemont, qui exprime des doutes sur la véracité de cet événement. Les historiens contemporains de Sévère Alexandre, tels que Dion et Hérode, ne font aucune mention de cette association et décrivent l'empereur comme un prince ferme et vigilant. L'auteur souligne que les empereurs avaient l'habitude de frapper des monnaies à l'effigie des nouveaux souverains associés, ce qui n'a pas été fait pour Ovinius. L'auteur réfute également l'argument de M. L. B. selon lequel l'association d'Ovinius pourrait avoir été simulée. Il corrige une erreur concernant l'interprétation d'un mot dans sa lettre précédente. Enfin, il présente une inscription romaine qui confirme son interprétation de l'inscription d'Auxerre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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309
p. 687-692
REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
Début :
Les Nouvellistes du Parnasse nous régalent si souvent de ce [...]
Mots clefs :
Histoire de l'Église de Meaux, Cloches, Inscription, Siècle
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
REMARQUE sur un endroit de
l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par
Dom du Plessis.
Es Nouvellistes du Parnasse nous réLgalent galent si souvent de ce qui leur paroît réjouissant dans l'Histoire de l'Eglise.
de Meaux; comme Epitaphes, Articles de
Testamens, Titres d'Eglises , &c. que cela
m'a fait naître l'envie de lire cette Histoire. En me donnant cette satisfaction ,
je suis tombé dès le second jour sur une
circonstance particuliere qui regarde l'an
tiquité d'un Prieuré de ce Diocèse.Quoique l'Auteur ne manque pas de preuves ,
qui établissent cette antiquité , il en va
chercher une jusques sur une Cloche ;
mais par malheur il ne prend pas, le veritable sens de l'Inscription qu'on y lit.
Et afin que vous n'en doutiez pas , il faut
vous nommer le Prieuré dont il est question. C'est celui de Nanteuil le Haudoin,
qui est sur les limites du Valois et du
Mulcien. Dom Toussaints du Plessis en
parle à la page 120. de son premier vo- Tume.
Il nous dit qu'une des deux Tours de
l'Eglise
·
683 MERCURE DE FRANCE
2.
l'Eglise de ce Prieuré , appellée la Tour
de Saint-Babylas , contient deux grosses
Cloches , sur l'une desquelles on lit ces
mots : Mentem sanctam , spontaneam , bo
norem Deo et patria liberationem. Radulfus
Silvanectensis nos fecit.Ces derniers mots,
dit- il , signifient : Raoul , Comte de Senlis
nous afaitfondre ; et il tire delà une seconde preuve de l'ancienneté de ce Monastere ; car , ajoute- t- il , le seul Raoul de
Senlis ou de Crépy , qui ait été Seigneur
de Nanteuil, vivoit sur la fin du dixième
siécle. Pour moy , en finissant de lire cet
endroit , je n'ai point hésité de dire que
Dom du Plessis ne donnoit point à l'Inscription de la Cloche, le sens qu'elle doir
avoir. Plein des noms personnels des Seigneurs du voisinage de Meaux , il a cru
en trouver jusques sur cette Cloche; et
quoique le Titre de Comes ne soit point
employé dans l'Inscription , il a cru pouvoir le sous- entendre.
Je ne sçai si Dom Toussains a visité ce
Prieuré en personne , et s'il a vû la Cloche dont il tire sa Preuve. Quelque soit
le caractere de l'fascription , il ne peut
être d'un siècle si reculé que le dixième.
Les Cloches sont sujettes à tant d'accidens , que ce seroit une merveille d'en
voir une grosse subsister depuis 7 à 8 cens
ans
AVRIL. 1732. 689
ans. Il n'y a qu'à faire attention aux differens malheurs , qui dans l'espace seulement d'un siecle , peuvent arriver à une
Eglise et à unClocher, pour comprendre.
que dans l'espace de huit siécles , ces accidens sont présumez, à plus forte raison,
avoir pu arriver. Comme l'Edifice de l'Eglise de Nanteuil , que j'ai vû et examiné, n'est point d'une si haute date, quoiqu'il soit ancien ; il faudroit dire encore ,
que cette Cloche proviendroit d'un Clocher de la Basilique précédente (a) ; mais
non , il n'y a qu'à s'en tenir au sens naturel de l'Inscription : Radulphus , Silvanectensis nos fecit , signifie tout naturellement : Raoul de Senlis nous a fonduës.
C'étoit un Fondeur , nommé Raoul, et
surnommé ou originaire de Senlis, qui fit
l'opération , et qui dirigea l'Inscription
de la Cloche.
Il n'y faut pas entendre plus de finesse , que dans les Inscriptions qu'on lit
au dessous des Statues , ou au bas des Tableaux. NN. sculpsit. NN. pinxit ; et
jamais on ne s'avisa de croire que les noms
propres , marquez au bas de ces ouvrages
soient ceux des personnes qui ont fait faire
les Tableaux ou les Statues. Chacun com-
(a )Il m'aparu que dans le côté droit , il ne
restoit que deux Pilliers de lapermiere Eglise.
prend
90 MERCURE DE FRANCE
prend que c'est celui des ouvriers.
Sa Sentence qui est avant la Note du
Fondeur,consiste dans l'Epitaphe de sainte Agathe. On la trouve dans la Légende de cette Sainte , et on la chante encore dans l'Office en plusieurs Eglises , le
jour du Martyre , de cette Vierge.
Tout ce que je puis en dire , est que
cette Inscription se mettoit communé
ment sur les Cloches,au quinziéme siècle.
L'Histoire des Evêques de Montpellier ,
du sieur Gariel , nous apprend qu'une
Cloche fondue , vers l'an 1450. pour les
Cordeliers de cette Ville , portoit la même Sentence : Mentem Sanctam , &c. Je
me souviens aussi qu'en l'an 1711. lorsqu'on eut descendu du Clocher de certains Religieux du même Ordre ( mais
d'une autre Province ) une Cloche cassée,
du poids d'environ 5 à 6 cens , j'y lûs les
mêmes paroles , en Lettres Gothiques, Capitales : MENTEM SANCTAM , &c. avec le
chiffre , M. CCCCXXV. Soit donc que ce fût
la Sentence favorite de quelques Fondeurs de Cloches au quinziéme siecle ,
soit que le Clergé ait eu en cela l'intention de mettre ces Cloches sous la protection de sainte Agathe; cela ne contribuë
pas davantage à faire croire que le Radul
phus de l'Inscription , fût un Comte de
Senlis ou de Crépy..
Il
AVRIL. 1732. €91
Il est vrai que l'on a pû être au quinziéme siécle dans l'usage d'opposer aux
accidens des Foudres et des Ouragans cette venerable Inscription qui a tant excité
la foy des Catanois , contre les périls menaçans du Mont Etna : Mais sans rafiner
dans la spiritualité plus qu'il ne convient,
le Cloche en question , ne viendroit- elle
point de l'Eglise de sainte Agathe de Crépy en Valois , qui n'est qu'à trois lieuës de
Nanteuil, et qui est tres-ancienne, à en juger par le Portail ? Il n'est pas rare de
voir une Cloche déplayée et portée d'un
Clocher dans un autre. Dom Toussaint
sçait à merveille que les Cloches de la
Cathedrale d'Orleans sont en vente , depuis que la Tour est abbatuë ; et que l'on
a eu quelques pensées de les transferer dans
les deux Tours de S. Laumer de Blois.On
pourroit produire des exemples de translation de Cloches d'une Eglise à une autre ; mais cette matiere est trop peu intéressante pour s'y étendre.
Vouspouvezjuger, M , par ce que j'ai
dit cy dessus , que je n'aurois aucune peine à croire qu'une petite Cloche , qui ne
seroit point d'usage , n'y exposée aux accidens , ne pûtsubsister des milliers d'années. Telle est celle que l'on montre à
S. Jeande Laon , et qu'on croit être du
temps
692 MERCURE DE FRANCE
peçe que
temps de Sainte Salaberge , Abbesse, c'està-dire , du septième siècle. Mais ce n'est
pas proprement une Cloche , c'est plutôt
une Sonnette en forme de Timbre,de l'esde celles les Soldats François, du
temps de la premiere Race , attachoient
au col de leurs Chevaux, lorsqu'ils les faisoient paître dans les Campagnes et dans
les Bois voisins du Camp. Il en est parlé
dans les Articles de la Loy Salique , sous
le nom de Skilla.
Le Pere Daniel en fait aussi mention
à l'an 593. Ce nom de Skilla a passé dans
le langage vulgaire de quelque Province
pour signifier une Cloche. Le College de
Equille , comme on parle à Toulouse,
est un des principaux de cette Ville.
l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par
Dom du Plessis.
Es Nouvellistes du Parnasse nous réLgalent galent si souvent de ce qui leur paroît réjouissant dans l'Histoire de l'Eglise.
de Meaux; comme Epitaphes, Articles de
Testamens, Titres d'Eglises , &c. que cela
m'a fait naître l'envie de lire cette Histoire. En me donnant cette satisfaction ,
je suis tombé dès le second jour sur une
circonstance particuliere qui regarde l'an
tiquité d'un Prieuré de ce Diocèse.Quoique l'Auteur ne manque pas de preuves ,
qui établissent cette antiquité , il en va
chercher une jusques sur une Cloche ;
mais par malheur il ne prend pas, le veritable sens de l'Inscription qu'on y lit.
Et afin que vous n'en doutiez pas , il faut
vous nommer le Prieuré dont il est question. C'est celui de Nanteuil le Haudoin,
qui est sur les limites du Valois et du
Mulcien. Dom Toussaints du Plessis en
parle à la page 120. de son premier vo- Tume.
Il nous dit qu'une des deux Tours de
l'Eglise
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683 MERCURE DE FRANCE
2.
l'Eglise de ce Prieuré , appellée la Tour
de Saint-Babylas , contient deux grosses
Cloches , sur l'une desquelles on lit ces
mots : Mentem sanctam , spontaneam , bo
norem Deo et patria liberationem. Radulfus
Silvanectensis nos fecit.Ces derniers mots,
dit- il , signifient : Raoul , Comte de Senlis
nous afaitfondre ; et il tire delà une seconde preuve de l'ancienneté de ce Monastere ; car , ajoute- t- il , le seul Raoul de
Senlis ou de Crépy , qui ait été Seigneur
de Nanteuil, vivoit sur la fin du dixième
siécle. Pour moy , en finissant de lire cet
endroit , je n'ai point hésité de dire que
Dom du Plessis ne donnoit point à l'Inscription de la Cloche, le sens qu'elle doir
avoir. Plein des noms personnels des Seigneurs du voisinage de Meaux , il a cru
en trouver jusques sur cette Cloche; et
quoique le Titre de Comes ne soit point
employé dans l'Inscription , il a cru pouvoir le sous- entendre.
Je ne sçai si Dom Toussains a visité ce
Prieuré en personne , et s'il a vû la Cloche dont il tire sa Preuve. Quelque soit
le caractere de l'fascription , il ne peut
être d'un siècle si reculé que le dixième.
Les Cloches sont sujettes à tant d'accidens , que ce seroit une merveille d'en
voir une grosse subsister depuis 7 à 8 cens
ans
AVRIL. 1732. 689
ans. Il n'y a qu'à faire attention aux differens malheurs , qui dans l'espace seulement d'un siecle , peuvent arriver à une
Eglise et à unClocher, pour comprendre.
que dans l'espace de huit siécles , ces accidens sont présumez, à plus forte raison,
avoir pu arriver. Comme l'Edifice de l'Eglise de Nanteuil , que j'ai vû et examiné, n'est point d'une si haute date, quoiqu'il soit ancien ; il faudroit dire encore ,
que cette Cloche proviendroit d'un Clocher de la Basilique précédente (a) ; mais
non , il n'y a qu'à s'en tenir au sens naturel de l'Inscription : Radulphus , Silvanectensis nos fecit , signifie tout naturellement : Raoul de Senlis nous a fonduës.
C'étoit un Fondeur , nommé Raoul, et
surnommé ou originaire de Senlis, qui fit
l'opération , et qui dirigea l'Inscription
de la Cloche.
Il n'y faut pas entendre plus de finesse , que dans les Inscriptions qu'on lit
au dessous des Statues , ou au bas des Tableaux. NN. sculpsit. NN. pinxit ; et
jamais on ne s'avisa de croire que les noms
propres , marquez au bas de ces ouvrages
soient ceux des personnes qui ont fait faire
les Tableaux ou les Statues. Chacun com-
(a )Il m'aparu que dans le côté droit , il ne
restoit que deux Pilliers de lapermiere Eglise.
prend
90 MERCURE DE FRANCE
prend que c'est celui des ouvriers.
Sa Sentence qui est avant la Note du
Fondeur,consiste dans l'Epitaphe de sainte Agathe. On la trouve dans la Légende de cette Sainte , et on la chante encore dans l'Office en plusieurs Eglises , le
jour du Martyre , de cette Vierge.
Tout ce que je puis en dire , est que
cette Inscription se mettoit communé
ment sur les Cloches,au quinziéme siècle.
L'Histoire des Evêques de Montpellier ,
du sieur Gariel , nous apprend qu'une
Cloche fondue , vers l'an 1450. pour les
Cordeliers de cette Ville , portoit la même Sentence : Mentem Sanctam , &c. Je
me souviens aussi qu'en l'an 1711. lorsqu'on eut descendu du Clocher de certains Religieux du même Ordre ( mais
d'une autre Province ) une Cloche cassée,
du poids d'environ 5 à 6 cens , j'y lûs les
mêmes paroles , en Lettres Gothiques, Capitales : MENTEM SANCTAM , &c. avec le
chiffre , M. CCCCXXV. Soit donc que ce fût
la Sentence favorite de quelques Fondeurs de Cloches au quinziéme siecle ,
soit que le Clergé ait eu en cela l'intention de mettre ces Cloches sous la protection de sainte Agathe; cela ne contribuë
pas davantage à faire croire que le Radul
phus de l'Inscription , fût un Comte de
Senlis ou de Crépy..
Il
AVRIL. 1732. €91
Il est vrai que l'on a pû être au quinziéme siécle dans l'usage d'opposer aux
accidens des Foudres et des Ouragans cette venerable Inscription qui a tant excité
la foy des Catanois , contre les périls menaçans du Mont Etna : Mais sans rafiner
dans la spiritualité plus qu'il ne convient,
le Cloche en question , ne viendroit- elle
point de l'Eglise de sainte Agathe de Crépy en Valois , qui n'est qu'à trois lieuës de
Nanteuil, et qui est tres-ancienne, à en juger par le Portail ? Il n'est pas rare de
voir une Cloche déplayée et portée d'un
Clocher dans un autre. Dom Toussaint
sçait à merveille que les Cloches de la
Cathedrale d'Orleans sont en vente , depuis que la Tour est abbatuë ; et que l'on
a eu quelques pensées de les transferer dans
les deux Tours de S. Laumer de Blois.On
pourroit produire des exemples de translation de Cloches d'une Eglise à une autre ; mais cette matiere est trop peu intéressante pour s'y étendre.
Vouspouvezjuger, M , par ce que j'ai
dit cy dessus , que je n'aurois aucune peine à croire qu'une petite Cloche , qui ne
seroit point d'usage , n'y exposée aux accidens , ne pûtsubsister des milliers d'années. Telle est celle que l'on montre à
S. Jeande Laon , et qu'on croit être du
temps
692 MERCURE DE FRANCE
peçe que
temps de Sainte Salaberge , Abbesse, c'està-dire , du septième siècle. Mais ce n'est
pas proprement une Cloche , c'est plutôt
une Sonnette en forme de Timbre,de l'esde celles les Soldats François, du
temps de la premiere Race , attachoient
au col de leurs Chevaux, lorsqu'ils les faisoient paître dans les Campagnes et dans
les Bois voisins du Camp. Il en est parlé
dans les Articles de la Loy Salique , sous
le nom de Skilla.
Le Pere Daniel en fait aussi mention
à l'an 593. Ce nom de Skilla a passé dans
le langage vulgaire de quelque Province
pour signifier une Cloche. Le College de
Equille , comme on parle à Toulouse,
est un des principaux de cette Ville.
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Résumé : REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
L'auteur critique une interprétation erronée d'une inscription sur une cloche du prieuré de Nanteuil-le-Haudouin, telle que présentée dans l'Histoire de l'Église de Meaux par Dom du Plessis. Dom du Plessis avait attribué l'inscription 'Radulfus Silvanectensis nos fecit' à Raoul, Comte de Senlis, vivant à la fin du dixième siècle, pour prouver l'antiquité du prieuré. Cependant, l'auteur conteste cette interprétation, affirmant que 'Radulfus Silvanectensis' désigne un fondeur de cloches nommé Raoul, originaire ou surnommé de Senlis. L'auteur souligne que les cloches sont sujettes à divers accidents et que leur conservation sur une longue période est improbable. Il mentionne également que l'inscription 'Mentem sanctam, spontaneam, bonorem Deo et patria liberationem' est courante au quinzième siècle et ne prouve pas l'antiquité du prieuré. Enfin, il suggère que la cloche pourrait provenir de l'église de Sainte-Agathe de Crépy-en-Valois, située près de Nanteuil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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310
p. 920-932
LETTRE d'un Officier General des Armées du Roy à un de ses Amis, qui est en Province, au sujet d'un Ouvrage Historique.
Début :
Pour satisfaire, Monsieur, à ce que vous souhaitez de moi, [...]
Mots clefs :
Prince Eugène, Histoire militaire, Ouvrage historique, Dumont, Batailles, Historiens, Guerre, Louis XIV
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Officier General des Armées du Roy à un de ses Amis, qui est en Province, au sujet d'un Ouvrage Historique.
LETTRE d'un Officier Genera' des
Armées du Roy à un de ses Amis , qui
est en Province , au sujet d'un Ouvrage
Historique.
Our satisfure , Monsieur , à ce que
Pvous souhait z de moi , touchant
P'Histoire Militaire du Prince Eugene de
Savoye , du Duc de Malbourough, et du
Prince de Nassau-Frise , qui a été annoncée dans les Nouvelles publiques ,
j'aurai l'honneur de vous dire que ce Livre est une suite des Batailles que le
Prince Eugene a gagnées en Hongrie et
contre la France , qui ont paru en l'année 1728. Elles ont été données par
M. Dumont , qui se qualifie de Baron de
Calescroon , et Historiographe de S.M.I. Comme
MAY. 17321 921
Comme je n'ai point vâ ce Livre des Batailles , je ne vous en dirai rien , je me
contenterai de vous dire quelque chose
de l'Histoire Militaire en question , dont
on a emprunté le Titre de l'Histoire Militaire de Louis XIV. que vous avez , et
qui a commencé à paroître en l'année
1726.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties ; la premiere porte le Titre de Supplement aux Batailles du Prince Eugene ,
par le même M. Dumont , et à la tête est
une Préface de l'Editeur ; elle comprend
une Histoire particuliere de ce Prince en
61. pages , dans laquelle il ne se contente
pas de marquer le grand nombre de conquêtes que ce Prince a faites et des Batailles qu'il a veritablement gagnées ; mais
pour donner encore un plus grand lustre
à la gloire qu'il a si justement acquise , il
lui attribue le gain de plusieurs Batailles qu'il a perdues contre l'Armée des
deux Couronnes. Vous le trouverez mal
instruit des Maisons de France , puisqu'il
fait le Prince de Turenne fils du Duc de
Crequy , et qu'il donne le Prince de Talmont comme étant de la Maison de Lorraine.
La seconde Partie a 338. pages. Elle
est de M. Rousset , qui ne prend aucune
qualité,
922 MERCURE DE FRANCE.
qualité; il dit seulement qu'il a été témoin de la plupart des évenemens qui
se sont passez dans la guerre qu'il décrit.
>>Nous n'avons pû citer en marge, dit- il
» dans son Avertissement , les Auteurs
>> dont nous avons emprunté nos Maté-
» riaux, parce qu'outre l'Histoire Mili-
» taire de Louis XIV. par M. Dequincy ,
>> et les Mémoires du Tems , nous n'avons
»eu recours qu'à des Relations manus-
>> crites que nous tenons de bonnes mains,
» et à des Lettres de Generaux et d'autres
» Officiers.... Nous avons évité , autant
» que nous avons pû , la coûtume de tant
» d'Historiens qui ne parlent de leurs Hé-
»ros que l'Encensoir à la main. Les basses
»flateries dont M. Dequincy a soupoudré
»toute l'Histoire Militaire de Louis XIV.
»> nous ont montré un écueil
» avons bien résolu d'éviter.
que nous
M. Rousset a mal suivi sa résolution ,
puisqu'il est tombé lui même dans ce
prétendu deffaut qu'il reproche à l'Auteur de l'Histoire Militaire , et qu'il a
cependant bien résolu d'éviter ; vous le
connoîtrez visiblement par la lecture de son Livre , que j'offre de vous
envoyer; si vous ne trouvez pas à propos
de l'achepter , vous verrez que non- seulement il ne se contente pas des loüanges
outrées
M. A Y. 1732. 523
outrées qu'il donne aux trois Princes dont
il donne l'Histoire Militaire , et aux autres Generaux des Alliez ; il ne les soupoudre point , à la verité , de loüanges
( expression qui est nouvelle , et qui , je
crois , ne fera pas fortune ) mais accompagnée d'épithetes quine sont plus , pour
ainsi dire , consacrez qu'à la Poësie ,
et sur tout aux Romans. Il croit même
les Victoires que le Prince Eugene a
remportées ne suffisent pas à sa gloire ,
s'il ne lui donne , de sa propre autorité ,
le gain de quelques Batailles qu'il a perduës , entr'autres celles de Luzara et de
Cassano.
que
Vous sçavez que dans le Combat de
la Villorsa , qui préceda la Bataille de
Luzara , les Alliez y perdirent plus de
2000. Cuirassiers de l'Empereur , que
commandoit le General Vo comti. Cet
Auteur ne fait perdre aux Alliez que
5oo. hommes , pendant qu'il trouve à propos de faire monter la perte des deux Couronnes à 2000. Il vient ensuite à la Bataille
de Luzara , dont il donne le gain au Prince
Eugene , étant resté Maître , dit- il , du
Champ de Bataille, quoiqu'il soit d'une notorieté inévitable que ce Prince fut obligé,
près de grands efforts , et après avoir fait
une perte considerable, dese retirer sur les
bords
924 MERCURE DE FRANCE
bords du Zero , où il se retrancha , il n'y
a cependant qu'à refléchir sur ce qui se
passa , pour détruire ce que M. Rousset
a osé avancer. Le dessein du Roi d'Espagne, lorsqu'il marcha à Luzara , fut de
s'emparer de ce poste ; parce que les Ennemis y avoient de gros Magazins , d'y
faire un Pont pour communiquer avec
l'Armée du Prince de Vaudemont , et de
couper toute communication de Bresello
avec l'Armée du Prince Eugene ; tout
cela fut executé , quoique le Prince Eugene n'eût décampé d'Osliglice que pour
s'y opposer , la Prise de Luzara n'a pû
être contestée , puisque le Marquis de
Crequy y fut enterré en presence de sso
Prisonniers qu'on y avoit fait le jour précedent , et de tous ceux qu'on avoit faits
le jour de la Bataille. Il est vrai que le
Roy d'Espagne fit retirer un peu en rrière la droite de son Armée , où elle
resta en Bataille toute la nuit , mais aussi
la gauche , composée de la Brigade de
Piémont , la passa dans l'endroit qu'elle
avoit combattu.
preuves ,
attribuer
Voyons présentement si M. Rousset a
pû, sur de meilleures
le gain de la Bataille deCassano au Prince
Eugene. Vous sçavez , Monsieur , puisque vous y étiez, que le Prince Eugene
n'avoit
MAY. 1732 925
n'avoit d'autre but que de joindre le Duc
de Savoye ; il ne le pouvoit faire qu'en
passant l'Adda ; après avoir fait plusieurs
tentatives inutiles en plusieurs endroits ,
il crut pouvoir le faire à Cassano, M. le
Duc de Vendôme y marcha avec ce qu'il
put ramasser de Troupes , pour s'y opposer. Le Prince Eugene , après un Combat des plus vifs et des plus sanglants , et
après avoir fait une perte considerable,fut
obligé d'abandonner le Champ de bataille
et de se retirer à Tréviglio , où il se couvrit de Naville et de Canande , ce qui
fit qu'on ne le put suivre dans sa retraite.
En un mot , ce Prince veut passer l'Adda,
il est répoussé , il y perd cinq ou six
mille hommes , abandonne le Champ de
Bataille. Un Auteur après cela ose- t'il
avancer qu'il la gagna,cette Bataille?Vous
le trouverez aussi infidele dans le récit
qu'il fait de la Bataille de Castigliane ,
que gagna M. de Vendôme en l'année
1706. contre le General Raventlau. Il
traite cette Action comme un petit Combat , quoique les Ennemis y eussent laissé
300. hommes sur le Champ de Bataille ,
et qu'on leur eût fait environ le même
nombre de Prisonniers.
Il en est de même dans le détail qu'il
fait de la Bataille d'Ekereu , que gagna
le
326 MERCURE DE FRANCE
le Maréchal de Bouflers , contre le Baron
Dobdam , qui voyant ses Troupes forcées
dans les Postes qu'elles occupoient , se retira avec les premieres et ne parut plus.
Il n'y a pas jusqu'à la Bataille de Fredelingue , dont il attribüę le gain au Prince
de Bade , en le favorisant du Champ de
Bataille ; tout le monde sçait que ce Prince , après une Action qui mérita le Bâton
de Maréchal de France à M. de Villars ,
fut contraint de se retirer avec son Armée dans les Montagnes Noires ; cet Auteur perd même le respect qui est dû à
un General si renommé par un si grand
nombre d'Actions éclatantes , en le traitant dans plusieurs endroits de fanfaron
et sujet à des gasgonades ; vous croyez
bien que de pareils traits dans un Historien , ne peuvent qu'attirer l'indignation des honnêtes g ns , et ne sont pas ca- gns,
>
pables de donner la moindre atteinte à
réputation d'un General qui a joué un
si grand Rôle dans l'Europe.
Mais doit- on attendre autre chose d'un
Auteur qui pousse l'audace , pour ne rien
dire de plus , jusqu'à vouloir flétrir la
réputation d'un Prince aussi respectable
qu'il est malheureux , c'est du Prétendant,
dont il fait, une peinture aussi odieuse
qu'elle est fausse , c'est avec peine que je
me
MAY 1732. 927
me trouve obligé de vous en rapporter
les mêmes termes , que je renfermerois
dans l'oubli , si M. Rousser ne les avoit
rendus publics , en donnant son Histoire. Les voici , mot pour mot
trouverez à la page 245.
› que vous
Louis XIV. dit - il , qui étoit l'ame
»de tous les projets de ses Généraux , en
» avoit formé d'aussi magnifiques qu'ils
» étoient vastes , pour cette Campagne ;
»mais par malheur , tout dépendoit du
» premier, et celui - cy dépendoit du vent,
» et de l'homme le plus lâche de tous
ceux qui ont jamais porté le nom de
» Prince. Ce premier mobile de tous les
» projets du Roy de France , étoit une
» descente en Ecosse , pour une Flotte
» Françoise, armée à Dunkerque, qui devoit
» porter le Prétendant. S.M.T.C. croyoit
» qu'aussi- tôt que la Flotte auroit mis à
» terre ce prétendu Roy , toute l'Ecosse
» se souleveroit , et que le moindre avan-
» tage qu'il en tireroit , seroit la supérion rité qu'acqueroient ces Troupes en Flan
dres; d'où la Reine Anne auroit été obii-
» gée de tirer au moins trente Bataillons;
» et d'où il s'en seroit suivi , que l'on au-
»roit aisément contraint les Hollandois
>> à quitter la grande alliance et à faire
» leur paix. Mais Louis XIV. éprouva
qu'il
928 MERCURE DE FRANCE
» qu'il n'étoit pas le maître des Vents, qui »devinrent contraires , et l'idée d'aller
tirer l'Fpe en Ecosse , donna la fiévre
» au Prétendant, qui ne put s'embarquer,
» quand il l'auroit fallu , et qui s'embar-
» qua lorsqu'il n'étoit plus temps.
Quelle idée cet Auteur veut il donner
à l'Europe d'un Prince que nous avons
vu dans les dernieres Campagnes, donner
des marques d'une si grande valeur , et
d'une si grande intrépidité ; principalement à la Bataille de Malplaquet , où il
resta pendant toute l'action avec une
grande fermeté , à la tête du premier EsCadron de la Maison du Roy , malgré un
feu épouventable , dont un des deux Of
ficiers qu'on avoit mis auprès de sa Personne , fut tué à ses côtez. Il chargea même, avec la Maison du Roy , plusieurs fois les Ennemis.
Ce n'est pas tout , la témérité de cet
Auteur l'a porté à changer le discours
que Louis XIV. fit au Dauphin avant sa
mort , et qui est écrit en Lettre d'Or , à
coté du lit de Louis XV. Souffrez que je
vous le rappelle pour vous faire voir combien il est different de celui que M.Rousset fait tenir à ce grand Prince.
Mon enfant, vous allez être un grand
Roy, ne m'imitez pas dans le goût que
j'ai
MAY. 1732. 929
j'ai eu pour la Guerre; tâchez d'avoir la
paix avec vos voisins ; rendez à Dieu ce
que vous lui devez; reconnoissez les obligations que vous lui avez, faites- le honorer par ces Sujets, suivez toujours les bons
conseils , tâchez de soulager vos peuples ,
ce que je suis assez malheureux de n'avoir
pû faire.
Et voicy ce que M. Rousset trouve à
propos de lui faire dire ; vous y trouverez une difference qui n'est pas excusable dans un Auteur : Ne suivez pas les
mauvais exemples que je vous ai donnez;
j'ai souvent entrepris la Guerre trop lé
gerement , et je l'ai soutenue par vanité.
Après tant d'infidélités , qui ne sont pas
pardonnables dans un Historien , vous reconnoîtrez sa mauvaise foy , par rap
port aux Citations de la plupart des faits
qu'il rapporte. Il dit dans son Avertissement, comme je vous l'ai déja marqué
qu'il n'a pû citer les Auteurs dont il a
emprunté les matériaux , parce qu'outre
l'Histoire Militaire de Louis XIV. et les
Mémoires du temps , il n'a eu recours
qu'à des Relations manuscrites, que nous
tenons , dit- il , de bonnes mains.
Il commence son Histoire par les deux
Traitez de partage de la Monarchie d'Espagne, dont il à tiré mot à mot, 10 pag.
de
30 MERCURE DE FRANCE
de suites , de l'Histoire Militaire de Louis
XIV. Il a , à la vérité , la bonne foy de
marquer par un renvoi au bas de la page,
le nom de son Auteur; mais il n'a pas eu
la même exactitude , à l'égard de plusieurs autres articles du même Historien
entremêlez , avec ce qu'il a tiré des Mémoires de la Torve. La même bonne foy
paroît dans la Relation qu'il donne de la
bataille d'Hochetet, qui contient 16 pag.
ayant pareillement , par un renvoi , cité
l'Auteur de l'Histoire Militaire ; mais il
en demeure- là dans tout le reste de son
Ouvrage, croyant que cela étoit suffisant
pour la fidelité qu'il avoit promise et qu'il
n'a pas tenuë.
Vous en serez convaincu dès la page
65 , où il donne une Relation de l'action
de Crémone qui est en 16 pag. et qu'il
prise toute entiere dans l'Histoire Militaire , sans aucune citation. Toutes les dispositions pour le Siége de Turin , qui commencent à la page 135. ce qui s'est passé
à l'attaque de cette Place ; les mouvemens
du Duc de la Feüillade pendant ce Siége ;
ceux du Prince Eugêne , à la tête de
l'armée Impériale , pour joindre le Duc
de Savoye ; et ceux que le Duc d'Orleans
a faits pour s'y opposer ; aussi bien que
les dispositions des Alliez , pour attaquer
les
MAY. 1732 937
les Lignes ; et le récit de cette grande ac
tion , le tout contenant 72 pag. est ti
ré du même Auteur , sans l'avoir cité.
La tentative que le Prince Eugêne a
faite pour surprendre Brisac , est copiée
mot à mot de l'Histoire Militaire , en 4
pages. Vous trouverez à la page 242. la
levée du Siége de Toulon toute entiere
dans le même Historien , en 26 pag.aussibien que la surprise de Gand , par l'Elec
teur de Baviere , en s pag. le Combat de
Vincudal , en 4 la description des Lignes
de l'Escarpes , et la disposition des Troupes pour leurs deffenses , en 5.le Siege de
la Citadelle de Tournai , en 6. Ce qu'il
donne du Siége de Doüay , en 4. et enfin
à la page 320. L'action entiere de Denain,
en douze pages et le tout sans nulle citation ; par le petit détail que je vous
donne de cet Ouvrage , vous connoîtrez
qu'il a tout tiré de l'Histoire Militaire de Louis XIV . et que dans 335. pages
qui composent l'Histoire de M. Rousser,
y en a 180. qu'il a prises dans cet Historien, et qu'il n'a cité que les deux Traitez de partage ; et la Relation de la Bataille d'Ochstet , qui contiennent ensemble 46 pag. comme les ayant tirées de cet
Auteur. Au reste , ce Livre est en grand
Papier Imperial, de belle Impression
E orné
932 MERCURE DE FRANCE
orné de trois Cartes Géographiques de la
Flandre , et de 53 Planches bien gravées ,
dont quelques Plans , commeceux de Cléves, de Huy et de la Kenocque, et de plusieurs une pareil- autres , ne meritent pas
le dépense. Si vous prenez , Monsieur , le
parti de l'achepter , vous aurez une Histoire infidelle ; écrite par un Plagiaire , entremêlée de quelques traits de Satyres fort
imprudens ; mais en récompense vous
pourrez vous vanter d'avoir quelques Rames de magnifique papier et de tres- belles
Images. J'ay l'honneur d'être , &c.
Armées du Roy à un de ses Amis , qui
est en Province , au sujet d'un Ouvrage
Historique.
Our satisfure , Monsieur , à ce que
Pvous souhait z de moi , touchant
P'Histoire Militaire du Prince Eugene de
Savoye , du Duc de Malbourough, et du
Prince de Nassau-Frise , qui a été annoncée dans les Nouvelles publiques ,
j'aurai l'honneur de vous dire que ce Livre est une suite des Batailles que le
Prince Eugene a gagnées en Hongrie et
contre la France , qui ont paru en l'année 1728. Elles ont été données par
M. Dumont , qui se qualifie de Baron de
Calescroon , et Historiographe de S.M.I. Comme
MAY. 17321 921
Comme je n'ai point vâ ce Livre des Batailles , je ne vous en dirai rien , je me
contenterai de vous dire quelque chose
de l'Histoire Militaire en question , dont
on a emprunté le Titre de l'Histoire Militaire de Louis XIV. que vous avez , et
qui a commencé à paroître en l'année
1726.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties ; la premiere porte le Titre de Supplement aux Batailles du Prince Eugene ,
par le même M. Dumont , et à la tête est
une Préface de l'Editeur ; elle comprend
une Histoire particuliere de ce Prince en
61. pages , dans laquelle il ne se contente
pas de marquer le grand nombre de conquêtes que ce Prince a faites et des Batailles qu'il a veritablement gagnées ; mais
pour donner encore un plus grand lustre
à la gloire qu'il a si justement acquise , il
lui attribue le gain de plusieurs Batailles qu'il a perdues contre l'Armée des
deux Couronnes. Vous le trouverez mal
instruit des Maisons de France , puisqu'il
fait le Prince de Turenne fils du Duc de
Crequy , et qu'il donne le Prince de Talmont comme étant de la Maison de Lorraine.
La seconde Partie a 338. pages. Elle
est de M. Rousset , qui ne prend aucune
qualité,
922 MERCURE DE FRANCE.
qualité; il dit seulement qu'il a été témoin de la plupart des évenemens qui
se sont passez dans la guerre qu'il décrit.
>>Nous n'avons pû citer en marge, dit- il
» dans son Avertissement , les Auteurs
>> dont nous avons emprunté nos Maté-
» riaux, parce qu'outre l'Histoire Mili-
» taire de Louis XIV. par M. Dequincy ,
>> et les Mémoires du Tems , nous n'avons
»eu recours qu'à des Relations manus-
>> crites que nous tenons de bonnes mains,
» et à des Lettres de Generaux et d'autres
» Officiers.... Nous avons évité , autant
» que nous avons pû , la coûtume de tant
» d'Historiens qui ne parlent de leurs Hé-
»ros que l'Encensoir à la main. Les basses
»flateries dont M. Dequincy a soupoudré
»toute l'Histoire Militaire de Louis XIV.
»> nous ont montré un écueil
» avons bien résolu d'éviter.
que nous
M. Rousset a mal suivi sa résolution ,
puisqu'il est tombé lui même dans ce
prétendu deffaut qu'il reproche à l'Auteur de l'Histoire Militaire , et qu'il a
cependant bien résolu d'éviter ; vous le
connoîtrez visiblement par la lecture de son Livre , que j'offre de vous
envoyer; si vous ne trouvez pas à propos
de l'achepter , vous verrez que non- seulement il ne se contente pas des loüanges
outrées
M. A Y. 1732. 523
outrées qu'il donne aux trois Princes dont
il donne l'Histoire Militaire , et aux autres Generaux des Alliez ; il ne les soupoudre point , à la verité , de loüanges
( expression qui est nouvelle , et qui , je
crois , ne fera pas fortune ) mais accompagnée d'épithetes quine sont plus , pour
ainsi dire , consacrez qu'à la Poësie ,
et sur tout aux Romans. Il croit même
les Victoires que le Prince Eugene a
remportées ne suffisent pas à sa gloire ,
s'il ne lui donne , de sa propre autorité ,
le gain de quelques Batailles qu'il a perduës , entr'autres celles de Luzara et de
Cassano.
que
Vous sçavez que dans le Combat de
la Villorsa , qui préceda la Bataille de
Luzara , les Alliez y perdirent plus de
2000. Cuirassiers de l'Empereur , que
commandoit le General Vo comti. Cet
Auteur ne fait perdre aux Alliez que
5oo. hommes , pendant qu'il trouve à propos de faire monter la perte des deux Couronnes à 2000. Il vient ensuite à la Bataille
de Luzara , dont il donne le gain au Prince
Eugene , étant resté Maître , dit- il , du
Champ de Bataille, quoiqu'il soit d'une notorieté inévitable que ce Prince fut obligé,
près de grands efforts , et après avoir fait
une perte considerable, dese retirer sur les
bords
924 MERCURE DE FRANCE
bords du Zero , où il se retrancha , il n'y
a cependant qu'à refléchir sur ce qui se
passa , pour détruire ce que M. Rousset
a osé avancer. Le dessein du Roi d'Espagne, lorsqu'il marcha à Luzara , fut de
s'emparer de ce poste ; parce que les Ennemis y avoient de gros Magazins , d'y
faire un Pont pour communiquer avec
l'Armée du Prince de Vaudemont , et de
couper toute communication de Bresello
avec l'Armée du Prince Eugene ; tout
cela fut executé , quoique le Prince Eugene n'eût décampé d'Osliglice que pour
s'y opposer , la Prise de Luzara n'a pû
être contestée , puisque le Marquis de
Crequy y fut enterré en presence de sso
Prisonniers qu'on y avoit fait le jour précedent , et de tous ceux qu'on avoit faits
le jour de la Bataille. Il est vrai que le
Roy d'Espagne fit retirer un peu en rrière la droite de son Armée , où elle
resta en Bataille toute la nuit , mais aussi
la gauche , composée de la Brigade de
Piémont , la passa dans l'endroit qu'elle
avoit combattu.
preuves ,
attribuer
Voyons présentement si M. Rousset a
pû, sur de meilleures
le gain de la Bataille deCassano au Prince
Eugene. Vous sçavez , Monsieur , puisque vous y étiez, que le Prince Eugene
n'avoit
MAY. 1732 925
n'avoit d'autre but que de joindre le Duc
de Savoye ; il ne le pouvoit faire qu'en
passant l'Adda ; après avoir fait plusieurs
tentatives inutiles en plusieurs endroits ,
il crut pouvoir le faire à Cassano, M. le
Duc de Vendôme y marcha avec ce qu'il
put ramasser de Troupes , pour s'y opposer. Le Prince Eugene , après un Combat des plus vifs et des plus sanglants , et
après avoir fait une perte considerable,fut
obligé d'abandonner le Champ de bataille
et de se retirer à Tréviglio , où il se couvrit de Naville et de Canande , ce qui
fit qu'on ne le put suivre dans sa retraite.
En un mot , ce Prince veut passer l'Adda,
il est répoussé , il y perd cinq ou six
mille hommes , abandonne le Champ de
Bataille. Un Auteur après cela ose- t'il
avancer qu'il la gagna,cette Bataille?Vous
le trouverez aussi infidele dans le récit
qu'il fait de la Bataille de Castigliane ,
que gagna M. de Vendôme en l'année
1706. contre le General Raventlau. Il
traite cette Action comme un petit Combat , quoique les Ennemis y eussent laissé
300. hommes sur le Champ de Bataille ,
et qu'on leur eût fait environ le même
nombre de Prisonniers.
Il en est de même dans le détail qu'il
fait de la Bataille d'Ekereu , que gagna
le
326 MERCURE DE FRANCE
le Maréchal de Bouflers , contre le Baron
Dobdam , qui voyant ses Troupes forcées
dans les Postes qu'elles occupoient , se retira avec les premieres et ne parut plus.
Il n'y a pas jusqu'à la Bataille de Fredelingue , dont il attribüę le gain au Prince
de Bade , en le favorisant du Champ de
Bataille ; tout le monde sçait que ce Prince , après une Action qui mérita le Bâton
de Maréchal de France à M. de Villars ,
fut contraint de se retirer avec son Armée dans les Montagnes Noires ; cet Auteur perd même le respect qui est dû à
un General si renommé par un si grand
nombre d'Actions éclatantes , en le traitant dans plusieurs endroits de fanfaron
et sujet à des gasgonades ; vous croyez
bien que de pareils traits dans un Historien , ne peuvent qu'attirer l'indignation des honnêtes g ns , et ne sont pas ca- gns,
>
pables de donner la moindre atteinte à
réputation d'un General qui a joué un
si grand Rôle dans l'Europe.
Mais doit- on attendre autre chose d'un
Auteur qui pousse l'audace , pour ne rien
dire de plus , jusqu'à vouloir flétrir la
réputation d'un Prince aussi respectable
qu'il est malheureux , c'est du Prétendant,
dont il fait, une peinture aussi odieuse
qu'elle est fausse , c'est avec peine que je
me
MAY 1732. 927
me trouve obligé de vous en rapporter
les mêmes termes , que je renfermerois
dans l'oubli , si M. Rousser ne les avoit
rendus publics , en donnant son Histoire. Les voici , mot pour mot
trouverez à la page 245.
› que vous
Louis XIV. dit - il , qui étoit l'ame
»de tous les projets de ses Généraux , en
» avoit formé d'aussi magnifiques qu'ils
» étoient vastes , pour cette Campagne ;
»mais par malheur , tout dépendoit du
» premier, et celui - cy dépendoit du vent,
» et de l'homme le plus lâche de tous
ceux qui ont jamais porté le nom de
» Prince. Ce premier mobile de tous les
» projets du Roy de France , étoit une
» descente en Ecosse , pour une Flotte
» Françoise, armée à Dunkerque, qui devoit
» porter le Prétendant. S.M.T.C. croyoit
» qu'aussi- tôt que la Flotte auroit mis à
» terre ce prétendu Roy , toute l'Ecosse
» se souleveroit , et que le moindre avan-
» tage qu'il en tireroit , seroit la supérion rité qu'acqueroient ces Troupes en Flan
dres; d'où la Reine Anne auroit été obii-
» gée de tirer au moins trente Bataillons;
» et d'où il s'en seroit suivi , que l'on au-
»roit aisément contraint les Hollandois
>> à quitter la grande alliance et à faire
» leur paix. Mais Louis XIV. éprouva
qu'il
928 MERCURE DE FRANCE
» qu'il n'étoit pas le maître des Vents, qui »devinrent contraires , et l'idée d'aller
tirer l'Fpe en Ecosse , donna la fiévre
» au Prétendant, qui ne put s'embarquer,
» quand il l'auroit fallu , et qui s'embar-
» qua lorsqu'il n'étoit plus temps.
Quelle idée cet Auteur veut il donner
à l'Europe d'un Prince que nous avons
vu dans les dernieres Campagnes, donner
des marques d'une si grande valeur , et
d'une si grande intrépidité ; principalement à la Bataille de Malplaquet , où il
resta pendant toute l'action avec une
grande fermeté , à la tête du premier EsCadron de la Maison du Roy , malgré un
feu épouventable , dont un des deux Of
ficiers qu'on avoit mis auprès de sa Personne , fut tué à ses côtez. Il chargea même, avec la Maison du Roy , plusieurs fois les Ennemis.
Ce n'est pas tout , la témérité de cet
Auteur l'a porté à changer le discours
que Louis XIV. fit au Dauphin avant sa
mort , et qui est écrit en Lettre d'Or , à
coté du lit de Louis XV. Souffrez que je
vous le rappelle pour vous faire voir combien il est different de celui que M.Rousset fait tenir à ce grand Prince.
Mon enfant, vous allez être un grand
Roy, ne m'imitez pas dans le goût que
j'ai
MAY. 1732. 929
j'ai eu pour la Guerre; tâchez d'avoir la
paix avec vos voisins ; rendez à Dieu ce
que vous lui devez; reconnoissez les obligations que vous lui avez, faites- le honorer par ces Sujets, suivez toujours les bons
conseils , tâchez de soulager vos peuples ,
ce que je suis assez malheureux de n'avoir
pû faire.
Et voicy ce que M. Rousset trouve à
propos de lui faire dire ; vous y trouverez une difference qui n'est pas excusable dans un Auteur : Ne suivez pas les
mauvais exemples que je vous ai donnez;
j'ai souvent entrepris la Guerre trop lé
gerement , et je l'ai soutenue par vanité.
Après tant d'infidélités , qui ne sont pas
pardonnables dans un Historien , vous reconnoîtrez sa mauvaise foy , par rap
port aux Citations de la plupart des faits
qu'il rapporte. Il dit dans son Avertissement, comme je vous l'ai déja marqué
qu'il n'a pû citer les Auteurs dont il a
emprunté les matériaux , parce qu'outre
l'Histoire Militaire de Louis XIV. et les
Mémoires du temps , il n'a eu recours
qu'à des Relations manuscrites, que nous
tenons , dit- il , de bonnes mains.
Il commence son Histoire par les deux
Traitez de partage de la Monarchie d'Espagne, dont il à tiré mot à mot, 10 pag.
de
30 MERCURE DE FRANCE
de suites , de l'Histoire Militaire de Louis
XIV. Il a , à la vérité , la bonne foy de
marquer par un renvoi au bas de la page,
le nom de son Auteur; mais il n'a pas eu
la même exactitude , à l'égard de plusieurs autres articles du même Historien
entremêlez , avec ce qu'il a tiré des Mémoires de la Torve. La même bonne foy
paroît dans la Relation qu'il donne de la
bataille d'Hochetet, qui contient 16 pag.
ayant pareillement , par un renvoi , cité
l'Auteur de l'Histoire Militaire ; mais il
en demeure- là dans tout le reste de son
Ouvrage, croyant que cela étoit suffisant
pour la fidelité qu'il avoit promise et qu'il
n'a pas tenuë.
Vous en serez convaincu dès la page
65 , où il donne une Relation de l'action
de Crémone qui est en 16 pag. et qu'il
prise toute entiere dans l'Histoire Militaire , sans aucune citation. Toutes les dispositions pour le Siége de Turin , qui commencent à la page 135. ce qui s'est passé
à l'attaque de cette Place ; les mouvemens
du Duc de la Feüillade pendant ce Siége ;
ceux du Prince Eugêne , à la tête de
l'armée Impériale , pour joindre le Duc
de Savoye ; et ceux que le Duc d'Orleans
a faits pour s'y opposer ; aussi bien que
les dispositions des Alliez , pour attaquer
les
MAY. 1732 937
les Lignes ; et le récit de cette grande ac
tion , le tout contenant 72 pag. est ti
ré du même Auteur , sans l'avoir cité.
La tentative que le Prince Eugêne a
faite pour surprendre Brisac , est copiée
mot à mot de l'Histoire Militaire , en 4
pages. Vous trouverez à la page 242. la
levée du Siége de Toulon toute entiere
dans le même Historien , en 26 pag.aussibien que la surprise de Gand , par l'Elec
teur de Baviere , en s pag. le Combat de
Vincudal , en 4 la description des Lignes
de l'Escarpes , et la disposition des Troupes pour leurs deffenses , en 5.le Siege de
la Citadelle de Tournai , en 6. Ce qu'il
donne du Siége de Doüay , en 4. et enfin
à la page 320. L'action entiere de Denain,
en douze pages et le tout sans nulle citation ; par le petit détail que je vous
donne de cet Ouvrage , vous connoîtrez
qu'il a tout tiré de l'Histoire Militaire de Louis XIV . et que dans 335. pages
qui composent l'Histoire de M. Rousser,
y en a 180. qu'il a prises dans cet Historien, et qu'il n'a cité que les deux Traitez de partage ; et la Relation de la Bataille d'Ochstet , qui contiennent ensemble 46 pag. comme les ayant tirées de cet
Auteur. Au reste , ce Livre est en grand
Papier Imperial, de belle Impression
E orné
932 MERCURE DE FRANCE
orné de trois Cartes Géographiques de la
Flandre , et de 53 Planches bien gravées ,
dont quelques Plans , commeceux de Cléves, de Huy et de la Kenocque, et de plusieurs une pareil- autres , ne meritent pas
le dépense. Si vous prenez , Monsieur , le
parti de l'achepter , vous aurez une Histoire infidelle ; écrite par un Plagiaire , entremêlée de quelques traits de Satyres fort
imprudens ; mais en récompense vous
pourrez vous vanter d'avoir quelques Rames de magnifique papier et de tres- belles
Images. J'ay l'honneur d'être , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE d'un Officier General des Armées du Roy à un de ses Amis, qui est en Province, au sujet d'un Ouvrage Historique.
La lettre d'un officier général des armées du roi à un ami en province critique un ouvrage historique sur les batailles du Prince Eugène de Savoie, du Duc de Marlborough et du Prince de Nassau-Frise. Cet ouvrage est une suite des batailles gagnées par le Prince Eugène en Hongrie et contre la France, publiées en 1728 par M. Dumont, baron de Calescroon et historiographe de Sa Majesté Impériale. L'officier général n'ayant pas lu le livre de Dumont, il se concentre sur l'Histoire Militaire en question, qui est une continuation de l'Histoire Militaire de Louis XIV, commencée en 1726. L'ouvrage est divisé en deux parties. La première, intitulée 'Supplément aux Batailles du Prince Eugène', est écrite par M. Dumont et comprend une histoire particulière du Prince Eugène sur 61 pages. Dumont attribue au Prince Eugène des victoires qu'il a en réalité perdues et fait des erreurs sur les maisons de France, comme faire du Prince de Turenne le fils du Duc de Crequy et du Prince de Talmont un membre de la maison de Lorraine. La seconde partie, de 338 pages, est écrite par M. Rousset, qui affirme avoir été témoin des événements décrits. Rousset critique les flatteurs excessifs dans les histoires militaires mais tombe lui-même dans cette erreur en louant excessivement les trois princes et les généraux alliés. Il attribue également au Prince Eugène des victoires qu'il a perdues, comme celles de Luzara et de Cassano. Rousset minimise les pertes des alliés et exagère celles des ennemis, et traite de manière injurieuse des généraux et des princes, comme le Prétendant. L'officier général critique également la mauvaise foi de Rousset concernant les citations des sources. Rousset affirme n'avoir pu citer les auteurs des matériaux empruntés, sauf pour l'Histoire Militaire de Louis XIV et les Mémoires du temps, mais il ne cite pas toujours ses sources pour d'autres passages. L'officier général souligne que 180 des 335 pages du livre de Rousset sont directement copiées de l'Histoire Militaire de Louis XIV sans aucune citation. Parmi les passages copiés, on trouve la tentative du Prince Eugène contre Brisac, la levée du Siège de Toulon, la surprise de Gand par l'Électeur de Bavière, le combat de Vincudal, la description des lignes de l'Escarpe, le siège de la citadelle de Tournai, le siège de Douai, et l'action de Denain. L'ouvrage est imprimé sur du grand papier impérial, avec une belle impression et orné de trois cartes géographiques de la Flandre et de 53 planches gravées. Cependant, certaines planches, comme celles de Clèves, Huy et la Kenocque, sont jugées de mauvaise qualité. L'auteur de la critique conseille de ne pas acheter ce livre, le qualifiant d'infidèle et écrit par un plagiaire, mêlé de traits de satire imprudents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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311
p. 935-943
Discours du P. de le Sante. Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Nous avions promis un Extrait du Discours Latin que le [...]
Mots clefs :
Discours latin, Orateur, Français, Histoire, Caractère des français, Rois de France
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texteReconnaissance textuelle : Discours du P. de le Sante. Extrait, [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
N
DES BEAUX ARTS, &c.
Ous avions promis un Extrait du
Discours Latin que le R. P. de la
Sante , Professeur de Rhétorique au Collége de Louis le Grand, prononça au mois
de Janvier , devant une illustre et nom
breuse Assemblée , sur l'Histoire de Fran
ce: Voici cet Extrait.
Dans son Exorde , l'Orateur témoigne
sa surprise , sur ce que les François ont
un si petit nombre d'Ecrivains qui ayent réüssi nous donner une Histoire complette et achevée de la Nation , eux qui
écrivent si volontiers , et avec assez de
succès sur d'autres sujets , et même sur
PHistoire. Après quelques discussions , le
P. la Sante en rejette la cause , sur ceque
Histoite de France est par elle - même
aussi difficile à écrire , qu'elle est agréable
à lire. Et voilà les deux Propositions qui
partagent son Discours.
E iij
Dan's
936 MERCURE DE " FRANCE
Dans la premiere Partie , l'Orateur ne
voit rien de plus brillant pour un homme de Lettres que de réussir dans l'Histoi
re. Mais cela même, selon lui , en fait la
grande difficulté. L'historien soutient en
quelque sorte le Personnage de Juge et
de Maître.Son Tribunal est comme placé
entre les siécles passez et les siècles à ve÷
nir , pourjuger ceux-là , et instruire ceuxcy.
Les principales qualitez d'un homme
qui veut écrire notre Histoire , sont un
bon esprit , unjugement sain , utie profonde connoissance de cette Histoire ; un
amour impartial de la vérité, un stile décemment poli ; de sorte que pour former
un Ecrivain de ce caractere, il faut réunir
les talens naturels , l'usage de la vie ; un
travail pénible , une raison supérieure, et
toute la culture que l'art peut donner.
Lucien et Ciceron ont dequoi épouvan
ter quiconque entreprend d'écrire l'Histoire , par la singularité des talens qu'ils
exigent pour écrire ; l'un , l'Histoire Gre
que; l'autre , l'Histoire Romaine. Or ce
n'est rien , selon notre Orateur ; si l'on
compare les difficultés , dont parlent ces
grands hommes , à celles que notre Histoire oppose à ceux qui entreprennent de
la manier.
Y
MAY. 1732 937
Y a-t-il d'Histoire qui comprenne un
plus ample détail de faits et d'évenemens
obscurs dans leur origine, envelopez dans
leurs causes , reculez dans la suite des sié
cles , éloignez dans la vaste étendue du
Théatre où ils se sont passez , et tout-àfait merveilleux dans leur issue , quoique
dépouillez du faux merveilleux des faBles des Grecs et des Romains ?
et
Une des grandes difficultez de notre
Histoire vient de ce que le caractere des
François , formé dans un climat doux
temperé, demande une modération d'esprit extraordinaire , dans tout homme
qui entreprend de plaire à la Nation, par
un Ouvrage comme celui- là , qui est plus
particulierement fait qu'aucune autre espece d'Ouvrage pour la Nation.Cette raison est fort ingénieusement trouvée , et a
même un fonds de vérité. Il 'est pourtant
vrai que Paterculus, Tacite et Mainbourg
à qui l'Orateur reproche justement leurs
excès d'esprit , de politique ou de feu d'imagination , ont toujours trouvé et trouveront sans doute toujours des Lecteurs
et des admirateurs , même en grand nombre parmi nous.
Le P. de la Sante veut qu'une Histoire
de France ressemble à un grand Fleuve ,
dont les eaux claires , quoique profondes,
E iiij rou- 419.03
938 MERCURE DE FRANCE
roulent avec majesté leurs flors, et il com
pare les petites Histoires , dont notre Nation ne laisse pas de se faire un assez agréable amusement;à ces Eaux,détournées dans
des Canaux, qui s'élancent en Jets- d'eaux,
en Cascades , et prenent toutes sortes de
formes , plus propres à repaître là vaine
curiosité des Spectateurs , qu'à fertiliser
les Jardins qu'elles font semblant d'arroser.
·
L'Orateur écarte toutes ces gentillesses
de notre Histoire , et ne la consacre qu'à
nourrir solidement l'esprit. Pour cela il
exige unjugement sain et une grande sagacité de critique dans quiconque veut y
réussir. Il touche à cette occasion la diversité des opinions , sur l'origine des
François , sur les commencemens de la
Monarchie , que quelques uns fixent à
Clovis , que d'autres font remonter
Pharamond ; les differends du Roy Philippe le Bel avec le Pape Boniface VIII.
sur lesquels sans rien ôter à nos Rois, sans
trop donner aux Papes ; il faut se souvenir qu'on est François , qu'on est Catholique , qu'on est Historien ; trois qualitez.
qu'on n'allie pasfacilement sans une gran
de solidité d'esprit , sans un grand art de narration.
Pour ce qui est de l'érudition d'un His.
torien
MAY, 1732. 939
torien de France, il est visible qu'elle doit
être des plus étendues ; nulle Monarchie,
nul Empire n'ayant égalé celui- cy pour
la durée. Car les Dominations des Assyrtens a été de mille ans , celle des Medes
⚫de 300 , celle des Perses 230 , celle des
Macédoniens 640, celle des Romains 1200.
L'Empire François compte plus de 1300
ans.
L'Orateur après avoir parlé de l'amour
de la vérité qui doit animer un Historien de France , et du stile pur et noble
qu'on en exige , fait le caractere de nos
principaux Historiens. Il rend justice à
Mezerai , et ne dit rien de trop en faveur
du P. Daniel , applaudissant à ce que celui-là a de bon , et ne dissimulant pas ce
que ce dernier a de mauvais.
Dans la seconde Partie de ce Discours
il entreprend de prouver , ce qui est sans
doute plus facile, que l'histoire de France,
est des plus agréables à lire, sur tout pour
les François.
Deux sortes de gens lisent l'Histoire
les uns pour lire et s'amuser , les autres
pour s'instruire et profiter ; ceux- là ne
veulent que des fleurs , ceux-cy veulent
des fruits ; pour contenter tous les goûts,
il faut plaire et instruire ; et c'est dequoi
le P. de la Sante croit notre Histoire tout
E v à
940 MERCURE DE FRANCE
à- fait capable ; de plaire par la singularité
des évenemens , d'instruire par la gramdeur des exemples.
Cet Orateur ne laisse pas de citer des
traits merveilleux de l'Histoire de France,
qui peuvent aller de pair avec plusieurs
traits de l'Histoire Romaine.Clovis est un
vrai conquerant; la défaite du Général des
Romains, et celle d'Alaric, Roy des Visi
gots les grands exploits de Charlemagne , et bien d'autres , étonneroient bien
autant , si les esprits n'étoient déja étonnez et comme gagnez par l'Histoire Romaine , dont on se trouve tout préoccupé lorsqu'on commence, en France même,
à lire l'Histoire de France. On n'est plus
alors si jeune ni si capable d'éblouissement;ón ne trouve donc rien de nouveau,
on ne revoit que des coppies , et les Romains restent toujours en possession d'un
esprit nourri de la Langue même de Ro
me, avant que d'avoir connu celle de son
Païs ailleurs que dans des conversations
familieres et domestiques.
L'Orateur François se sert de tout, même
de nos défaites et de nos malheurs qu'il
met en parallele avec ceux des Romains.
Nos Rois pris à Pavie et à Poitiers , nos
Vêpres Siciliennes , avec les Fourches caudines , avec la Bataille de Cannes , &c.-
Tout
M.AY. 1732 942
Tout cela ya au but , et fait le merveilleux et l'amusement d'une histoire.
2
Le Pont de Naples, deffendu par Bayard,
vaut bien celui de Rome deff ndu par
Cocles;à Clelie on compare fort à propos la Pucelle d'Orleans , aux Camilles et
aux Marcels Bertrand du Guesclin ; aux
Luculles et aux Pompées , le Maréchal de
Boucicaut, aux Scipions le Comte de Dunois ; aux Vespasiens , Godefroi de Bouillon ; à Germanicus , le Comte de Montfort ; à Drusus , le Maréchal de Brisac ; à
Fabricius , Catinat ; à Emilius , Luxembourg; à Fabius , Turenne ; à César
Condé,
Après ce parallele avec les Romains
l'Orateur défie et peutbien défier toutes
les autres Nations ensemble de l'empor
ter sur les François. Il passe ensuite à l'instruction , dont il prétend que notre Histoire est plus pleine qu'aucune autre.
Et il est vrai que rien n'égale, par exemple , la constance des François à maintenir
leurs Loix, sur tout les Loix fondamenta
les du Royaume , telles que la Loy Sali
que. Il est étonnant , et peut être unique
de voir une Loy portée par les hommes ,
mais , sans doute , tout à fait inspirée de
Dieu , se maintenir, pendant un si long,
E vj tems
942 MERCURE DE FRANCE
temps sans altération ; et cela malgré
des efforts extraordinaires faits en divers
temps par l'Angleterre , par l'Espagne ,
et par la France même , qui n'a pourtant
jamais osé franchir cette Barriere , lors
qu'il a fallu en venir à une décision précise et positive.
L'amour des François pour leurs Rois légitimes , leur fidelité inviolable ont constamment maintenu une Loy si belle' , si
sage , si divine qui rend cet Empire com- me éternel ; et cet amour et cette fidelité
deviennent , par là-même , un des grands
exemples , une des plus solides instruc
tions , qu'aucune histoire puisse soutenir.
L'ardeur des François pour les Croisades , n'est pas sans instruction non plus,
et on y trouve pour le moins autant de
bien à imiter dans l'ente rise , que de
mauvais à éviter dans l'execution . Mais
leur constance à proscrire toute Hérésie ,
tout Fanatisme , toute Religion nouvelle
est aus i d'un grand exemple. L'Arianisme
et les autres erreurs des Grecs ne purent
jamais s'y glisser , les Albigeois ne firent pas de grands progrès. Le Calvinisme
se glissa pas tout, s'empara de tout et à la
fin ne tint rien. Il est surprenant qu'on
ite par tout le François comme un molele de légereté et d'inconstance. On en
juge
MAY. 1732. 943
juge par de petits airs , de petites manieres qui épuisent la vivacité de la Nation , et par là -même , lui laissent toute
sa solidité , toute sa maturité pour les
choses essentielles qui en valent la peine,
C'est par le fond même et par de grands
résultats qu'on doit juger en general d'une Nation comme la nôtre.
N
DES BEAUX ARTS, &c.
Ous avions promis un Extrait du
Discours Latin que le R. P. de la
Sante , Professeur de Rhétorique au Collége de Louis le Grand, prononça au mois
de Janvier , devant une illustre et nom
breuse Assemblée , sur l'Histoire de Fran
ce: Voici cet Extrait.
Dans son Exorde , l'Orateur témoigne
sa surprise , sur ce que les François ont
un si petit nombre d'Ecrivains qui ayent réüssi nous donner une Histoire complette et achevée de la Nation , eux qui
écrivent si volontiers , et avec assez de
succès sur d'autres sujets , et même sur
PHistoire. Après quelques discussions , le
P. la Sante en rejette la cause , sur ceque
Histoite de France est par elle - même
aussi difficile à écrire , qu'elle est agréable
à lire. Et voilà les deux Propositions qui
partagent son Discours.
E iij
Dan's
936 MERCURE DE " FRANCE
Dans la premiere Partie , l'Orateur ne
voit rien de plus brillant pour un homme de Lettres que de réussir dans l'Histoi
re. Mais cela même, selon lui , en fait la
grande difficulté. L'historien soutient en
quelque sorte le Personnage de Juge et
de Maître.Son Tribunal est comme placé
entre les siécles passez et les siècles à ve÷
nir , pourjuger ceux-là , et instruire ceuxcy.
Les principales qualitez d'un homme
qui veut écrire notre Histoire , sont un
bon esprit , unjugement sain , utie profonde connoissance de cette Histoire ; un
amour impartial de la vérité, un stile décemment poli ; de sorte que pour former
un Ecrivain de ce caractere, il faut réunir
les talens naturels , l'usage de la vie ; un
travail pénible , une raison supérieure, et
toute la culture que l'art peut donner.
Lucien et Ciceron ont dequoi épouvan
ter quiconque entreprend d'écrire l'Histoire , par la singularité des talens qu'ils
exigent pour écrire ; l'un , l'Histoire Gre
que; l'autre , l'Histoire Romaine. Or ce
n'est rien , selon notre Orateur ; si l'on
compare les difficultés , dont parlent ces
grands hommes , à celles que notre Histoire oppose à ceux qui entreprennent de
la manier.
Y
MAY. 1732 937
Y a-t-il d'Histoire qui comprenne un
plus ample détail de faits et d'évenemens
obscurs dans leur origine, envelopez dans
leurs causes , reculez dans la suite des sié
cles , éloignez dans la vaste étendue du
Théatre où ils se sont passez , et tout-àfait merveilleux dans leur issue , quoique
dépouillez du faux merveilleux des faBles des Grecs et des Romains ?
et
Une des grandes difficultez de notre
Histoire vient de ce que le caractere des
François , formé dans un climat doux
temperé, demande une modération d'esprit extraordinaire , dans tout homme
qui entreprend de plaire à la Nation, par
un Ouvrage comme celui- là , qui est plus
particulierement fait qu'aucune autre espece d'Ouvrage pour la Nation.Cette raison est fort ingénieusement trouvée , et a
même un fonds de vérité. Il 'est pourtant
vrai que Paterculus, Tacite et Mainbourg
à qui l'Orateur reproche justement leurs
excès d'esprit , de politique ou de feu d'imagination , ont toujours trouvé et trouveront sans doute toujours des Lecteurs
et des admirateurs , même en grand nombre parmi nous.
Le P. de la Sante veut qu'une Histoire
de France ressemble à un grand Fleuve ,
dont les eaux claires , quoique profondes,
E iiij rou- 419.03
938 MERCURE DE FRANCE
roulent avec majesté leurs flors, et il com
pare les petites Histoires , dont notre Nation ne laisse pas de se faire un assez agréable amusement;à ces Eaux,détournées dans
des Canaux, qui s'élancent en Jets- d'eaux,
en Cascades , et prenent toutes sortes de
formes , plus propres à repaître là vaine
curiosité des Spectateurs , qu'à fertiliser
les Jardins qu'elles font semblant d'arroser.
·
L'Orateur écarte toutes ces gentillesses
de notre Histoire , et ne la consacre qu'à
nourrir solidement l'esprit. Pour cela il
exige unjugement sain et une grande sagacité de critique dans quiconque veut y
réussir. Il touche à cette occasion la diversité des opinions , sur l'origine des
François , sur les commencemens de la
Monarchie , que quelques uns fixent à
Clovis , que d'autres font remonter
Pharamond ; les differends du Roy Philippe le Bel avec le Pape Boniface VIII.
sur lesquels sans rien ôter à nos Rois, sans
trop donner aux Papes ; il faut se souvenir qu'on est François , qu'on est Catholique , qu'on est Historien ; trois qualitez.
qu'on n'allie pasfacilement sans une gran
de solidité d'esprit , sans un grand art de narration.
Pour ce qui est de l'érudition d'un His.
torien
MAY, 1732. 939
torien de France, il est visible qu'elle doit
être des plus étendues ; nulle Monarchie,
nul Empire n'ayant égalé celui- cy pour
la durée. Car les Dominations des Assyrtens a été de mille ans , celle des Medes
⚫de 300 , celle des Perses 230 , celle des
Macédoniens 640, celle des Romains 1200.
L'Empire François compte plus de 1300
ans.
L'Orateur après avoir parlé de l'amour
de la vérité qui doit animer un Historien de France , et du stile pur et noble
qu'on en exige , fait le caractere de nos
principaux Historiens. Il rend justice à
Mezerai , et ne dit rien de trop en faveur
du P. Daniel , applaudissant à ce que celui-là a de bon , et ne dissimulant pas ce
que ce dernier a de mauvais.
Dans la seconde Partie de ce Discours
il entreprend de prouver , ce qui est sans
doute plus facile, que l'histoire de France,
est des plus agréables à lire, sur tout pour
les François.
Deux sortes de gens lisent l'Histoire
les uns pour lire et s'amuser , les autres
pour s'instruire et profiter ; ceux- là ne
veulent que des fleurs , ceux-cy veulent
des fruits ; pour contenter tous les goûts,
il faut plaire et instruire ; et c'est dequoi
le P. de la Sante croit notre Histoire tout
E v à
940 MERCURE DE FRANCE
à- fait capable ; de plaire par la singularité
des évenemens , d'instruire par la gramdeur des exemples.
Cet Orateur ne laisse pas de citer des
traits merveilleux de l'Histoire de France,
qui peuvent aller de pair avec plusieurs
traits de l'Histoire Romaine.Clovis est un
vrai conquerant; la défaite du Général des
Romains, et celle d'Alaric, Roy des Visi
gots les grands exploits de Charlemagne , et bien d'autres , étonneroient bien
autant , si les esprits n'étoient déja étonnez et comme gagnez par l'Histoire Romaine , dont on se trouve tout préoccupé lorsqu'on commence, en France même,
à lire l'Histoire de France. On n'est plus
alors si jeune ni si capable d'éblouissement;ón ne trouve donc rien de nouveau,
on ne revoit que des coppies , et les Romains restent toujours en possession d'un
esprit nourri de la Langue même de Ro
me, avant que d'avoir connu celle de son
Païs ailleurs que dans des conversations
familieres et domestiques.
L'Orateur François se sert de tout, même
de nos défaites et de nos malheurs qu'il
met en parallele avec ceux des Romains.
Nos Rois pris à Pavie et à Poitiers , nos
Vêpres Siciliennes , avec les Fourches caudines , avec la Bataille de Cannes , &c.-
Tout
M.AY. 1732 942
Tout cela ya au but , et fait le merveilleux et l'amusement d'une histoire.
2
Le Pont de Naples, deffendu par Bayard,
vaut bien celui de Rome deff ndu par
Cocles;à Clelie on compare fort à propos la Pucelle d'Orleans , aux Camilles et
aux Marcels Bertrand du Guesclin ; aux
Luculles et aux Pompées , le Maréchal de
Boucicaut, aux Scipions le Comte de Dunois ; aux Vespasiens , Godefroi de Bouillon ; à Germanicus , le Comte de Montfort ; à Drusus , le Maréchal de Brisac ; à
Fabricius , Catinat ; à Emilius , Luxembourg; à Fabius , Turenne ; à César
Condé,
Après ce parallele avec les Romains
l'Orateur défie et peutbien défier toutes
les autres Nations ensemble de l'empor
ter sur les François. Il passe ensuite à l'instruction , dont il prétend que notre Histoire est plus pleine qu'aucune autre.
Et il est vrai que rien n'égale, par exemple , la constance des François à maintenir
leurs Loix, sur tout les Loix fondamenta
les du Royaume , telles que la Loy Sali
que. Il est étonnant , et peut être unique
de voir une Loy portée par les hommes ,
mais , sans doute , tout à fait inspirée de
Dieu , se maintenir, pendant un si long,
E vj tems
942 MERCURE DE FRANCE
temps sans altération ; et cela malgré
des efforts extraordinaires faits en divers
temps par l'Angleterre , par l'Espagne ,
et par la France même , qui n'a pourtant
jamais osé franchir cette Barriere , lors
qu'il a fallu en venir à une décision précise et positive.
L'amour des François pour leurs Rois légitimes , leur fidelité inviolable ont constamment maintenu une Loy si belle' , si
sage , si divine qui rend cet Empire com- me éternel ; et cet amour et cette fidelité
deviennent , par là-même , un des grands
exemples , une des plus solides instruc
tions , qu'aucune histoire puisse soutenir.
L'ardeur des François pour les Croisades , n'est pas sans instruction non plus,
et on y trouve pour le moins autant de
bien à imiter dans l'ente rise , que de
mauvais à éviter dans l'execution . Mais
leur constance à proscrire toute Hérésie ,
tout Fanatisme , toute Religion nouvelle
est aus i d'un grand exemple. L'Arianisme
et les autres erreurs des Grecs ne purent
jamais s'y glisser , les Albigeois ne firent pas de grands progrès. Le Calvinisme
se glissa pas tout, s'empara de tout et à la
fin ne tint rien. Il est surprenant qu'on
ite par tout le François comme un molele de légereté et d'inconstance. On en
juge
MAY. 1732. 943
juge par de petits airs , de petites manieres qui épuisent la vivacité de la Nation , et par là -même , lui laissent toute
sa solidité , toute sa maturité pour les
choses essentielles qui en valent la peine,
C'est par le fond même et par de grands
résultats qu'on doit juger en general d'une Nation comme la nôtre.
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Résumé : Discours du P. de le Sante. Extrait, [titre d'après la table]
Le Père de la Sante, professeur de rhétorique au Collège de Louis le Grand, a prononcé un discours en janvier devant une assemblée nombreuse et illustre. Il exprime sa surprise que les Français, malgré leur talent pour l'écriture, aient peu d'historiens ayant réussi à produire une histoire complète et achevée de la France. Il attribue cette difficulté à la complexité de l'histoire française, qui est à la fois difficile à écrire et agréable à lire. Dans la première partie de son discours, l'orateur souligne que l'histoire est un domaine où les écrivains peuvent briller, mais où les défis sont nombreux. L'historien doit être un juge impartial, placé entre les siècles passés et futurs, avec des qualités telles qu'un bon esprit, un jugement sain, une connaissance profonde de l'histoire, un amour impartial de la vérité et un style décemment poli. Les difficultés de l'histoire française sont comparées à celles des histoires grecque et romaine, décrites par Lucien et Cicéron. L'orateur mentionne également les particularités du caractère français, formé dans un climat tempéré, qui nécessite une modération d'esprit extraordinaire. Il compare l'histoire de France à un grand fleuve aux eaux claires et profondes, contrastant avec les petites histoires qui amusent mais ne nourrissent pas solidement l'esprit. La seconde partie du discours met en avant l'agrément de l'histoire de France, riche en événements singuliers et en exemples grandioses. L'orateur cite des traits merveilleux de l'histoire française, comparables à ceux de l'histoire romaine, et souligne la constance des Français à maintenir leurs lois fondamentales, comme la loi salique. Il mentionne également l'amour des Français pour leurs rois légitimes et leur fidélité inviolable, ainsi que leur ardeur pour les croisades et leur constance à proscrire les hérésies. Malgré les jugements extérieurs sur la légèreté et l'inconstance des Français, l'orateur affirme que la nation montre une grande solidité et maturité dans les choses essentielles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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312
p. 1141-1147
LETTRE écrite d'Orleans, au sujet d'une Inscription, &c.
Début :
Cette inscription, un des plus rares Monumens qui nous restent [...]
Mots clefs :
Inscription antique, Orléans, Église, La Saussaye, Monument
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Orleans, au sujet d'une Inscription, &c.
LETTRE écrite d'Orleans , au sujet d'une
Inscription , &c.
Ette Inscription , un des plus rares
Monumens qui nous restent en son
genre , est gravée sur deux Pierres d'inégale grandeur , qui sont restées jusqu'à
nos jours au Portail de l'Eglise Cathédrale de cette ville où elles étoient posées
l'une sur l'autre , au jambage droit de
l'Arc en entrant.La voici tres-exactement
representée.
EX BENE
FICIOS
+R
106EM
EPM
HALBER
TVMS+
CASATVM
FACT
VSE
LIBER
LETBER
TVS
ESE
HÂC
SAE
CLES .
1142 MERCURE DE FRANCE
En 1726 , lorsqu'on abbatit ce Portail
et les Tours qui l'accompagnoient , ces
deux Pierres furent transportées dans le
Chapitre , où elles sont conservées , jusqu'à ce qu'on éleve le nouveau Portail et
les Tours , dont on a déja jetté une partie
des fondemens et où l'Inscription doit
être replacée dans la même position , où
elle se trouvoit dans l'ancien ouvrage ;
ainsi qu'il a été statué dans l'Acte de dé
molition.
Cette Inscription que personne , jus
ques-icy , n'a encore donnée figurée , se
doit lire sans abbréviations de la maniere
qui suit ;
Ex. BENEFICIO. SANCTE . CRVCIS. PER.
JOHANNEM. EPISCOPVM. ET. PER. ALBERTVM. SANCTÆ. CRVCIS. CASATVM. FACTVS.
EST. LIBER. LETBERTYS. TESTE. HẠC. SANCTA. ECLESIA.
1
Ce qui signifie , qu'en l'honneur de la
Croix du Sauveur , un nommé Letbert
avoit été affranchi dans l'Eglise qui en
porte le nom , par Jean,son Evêque et Albert , Vassal , possédant un Fief de la même Eglise.
Avant que de faire quelques observations,pour l'explication de ce monument,
il n'est pas inutile de remarquer , que
1. Vol. ceux
JUIN. 1732. 1743
4
ceux qui nous l'ont cy-devant donné, ont
presque tous fait quelque faute en le rap
portant. Le Maire Antiq. de l'Egl.
d'Orl. ch.12. pag. 41.aussi- bien queCujas,
dans ses Notes, sur les Institutes , lisent ,
Lembertus , que Leon Tripault ,'Sylvula,
Antiq. Aurel. pag. 16. Ducange , Gloss.
tom. 2. pag. 417. lisent encore plus mal
Lambertus. Jodocus Sincerus , Itin. Gallpag. 5o. met Libertus , et ajoute après le
mot , Liber, celui d'ET , qui seurement
n'est pas dans l'original. La Saussaye ,
Annal. Eccles. Aurel. lib. 9. n . 4. le troisiéme Factum de M. de Sully , contre M.
de Nets, pag. 43. au lieu d'EST , lisent ;
EIVS,qui n'a point de sens. Enfin M. DeFerriere , dans les Institutes du Droit
François , Tom. 1. pag. 33. oublie le mot
de PER. avant celui d'Albertum , écrit
Cassatum , par deux ss , et appelle l'Afranchi , Lambertum. Je ne connois que
Symphorien Guyon , 2. Hist. de l'Eglise
d'Orl. pag. 184. et Hubert , 2. Annal.
Hist. de l'Egl. de S. Aignan , n. 184. qui
nous ayent rapporté l'Inscription telle
qu'elle est.
>
PER IOHANNEM. Le nom de cet Evêque
nous fait connoître à peu près le temps où
cette Inscription a été posée, qui est sur la
fin du onzième siècle. Puisque JeanI.que
•1. Vol. E la
4144 MERCURE DE FRANCE
la Notice de nos Evêques , imprimée à la
tête des Statuts Synodaux du Diocèse ,
fait Frere de Raoul Archevêque de
Tours , siégeoit en 1091.ainsi qu'on le reconnoît par un Acte du Thrésor de l'Eglise d'Orleans, cité par la Saussaye, liv.9.
n. 1. et que ce même Evêque se trouve
encore parmi ceux qui souscrivirent en
105. au Concile de Clermont , où le Roy
Philippes I. fut excommunié, à cause de
son mariage avec Bertrade de Montfort.
ALBERTVM , c'est avec assez d'apparence que les Auteurs de l'histoire d'Orleans,
ont avancé que cet Albert est le même
celui , qui dans un Acte cité par
Saussaye , liv.8. n.42. et dans les Factums
de M.le Duc de Sully , se qualifie Vassal,
tenant le Fief de Pithiviers, appartenant à
l'Evêque d'Orleans. Albertus de Castro
Piveris Casatus. Cet Acte dont la date est
tres-mal marquée par la Saussaye, est l'u
nion d'une Prébende au Doyenné de Ste
Croix , faite à la requête du Chapitre ,
par Raynerius , Evêque d'Orleans , en
1072 le 8 des Ides de Juin , Indiction 10,
et la douzième année de Philippes I. signée de 36. personnes , entre lesquelles se trouvent trois Casati , de la même
Eglise.
que la
CASATVM. Le mog de Casatus a eu plu1.Vol. sieurs
JUIN. 17325 1145.
sieurs significations. Ce nom a été donné
d'abord à des esclaves, attachez à certains
heritages , dont ils faisoient partie. EnSuite on a appellé Casati,les affranchis qui
prenoient des biens à ferme ou qui les faisoient valoir. Enfin dans les derniers ont
s'est servi de ce terme pour signifier un
Vassal , qui possedoit un Fief, lequel dans
son origine étoit un de ceux dont la possession étoirà tems,etTitulo Guardia.C'est
dans ce dernier sens qu'il est icy employé.
L'Eglise d'Orleans avoit et a encore plusieurs de ces Vassaux Casati , que les Titres de cette Eglise appellent Caseici, dont
les redevances sont differentes , les uns.
étant tenus à une présentation de cire ;
c'est ce qu'on appelle à Orleans les Gou
tieres, de la forme de la Caisse où est renfermée cette Cire, nommée dansles Titres
Latins : Cereus sancta Crucis. Les autres au
Port de l'Evêque le jour de son entrée ,
et enfin quelques- uns à tous les deux.
FACTVS EST LIBER. 'De toutes les differentes sortes de Manumissions ou affranchissemens , qui étoient en usage chez
nos premiers François , celle qui se faisoit
dans les Eglises à la face des Autels , étoit
la plus considérable et se pratiquoit plus
ordinairement à l'endroit des Serfs , appartenant aux mêmes Eglises ou à leurs
Vassaux.
1. Vol E ij Cons-
146 MER- CURE DE FRANCE
Constantin le Grand , avoit introduit
cette façon d'affranchir , pour honorer
P'Eglise , et la Loy de ce Prince , ( L. 7.
qui Cod.de hisfin Ecclesia Manumittuntur, )
nous a conservé ce qui s'observoit en
cette occasion. Il nous a plû d'ordonner,
dit cet Empereur , que dorénavant les
Maîtres puissent donner la liberté à leurs
Esclaves , dans les Eglises Catholiques ,
pourvû que cela se fasse à la vûë de tout
le peuple , et que les Evêques y assistent
auquel cas un simple exposé , ou autre
écriture, vaudra pour un Acte en forme:
Placuit ut in Ecclesia Catholica libertatem
Dominifamulis suis præstare possint , si sub
aspean Plebis , adsistentibus Christianorum
Antistibus id faciant. Utpropterfacti me
moriam vice actorum interponatur, qualis
cumque scriptura.
LETBERTYS. Nous ne connoissons ce
Letbert que par l'Inscription qui nous apprend que c'étoit un Serf, ou homme du
Corps de l'Eglise de Ste Croix , dependant du Fief de Pithiviers, puisqu'Albert
que nous avons dit en être le Casatus , affranchit ce Serf, conjointement avec l'Evêque d'Orleans.
Ĉes Serfs ou hommes de Corps , qui
étoit le nom qu'on leur donnoit plus
communément , étoient des sujets qui
LaVol.
JUIN. 17327 11:47
1
S
vivoient ,, par rapport à leurs Seigneurs ,
dans une telle dépendance , que leur condition étoit une espece de servitude; et
quoique cette servitude fut bien differente de celle des Romains , elle ne laissoit
pas de diminuer beaucoup de leur libert
feur état n'étoit pas égal , et les redevancès ausquelles ils étoient assujettis , varioient selon les temps et les lieux. Dans
differens temps les Seigneurs , par quelques considérations affranchirent ces Serfs
qui ont subsisté en France jusqu'à la moi- tié du troisième siècle. Ceux qui appartenoientà l'Eglise d'Orleans furent tous
affranchis par le Chapitre , en quelque
Province qu'ils se trouvassent demeurans
en France, par les Lettres Patentes qu'il en
obtint du Roy Philippes Auguste , en date du mois de Septembre 1204. lesquelles
Lettres servirent en 1224. pour les Serfs
de la Terre de Mesnil- Girault, près Etampes , qui lui avoit été donnée depuis , et
furent confirmées par le Roy Louis VIII.
au mois de Février de la même année.
D. P.
AOrleans , ce 3
Février 1732
Inscription , &c.
Ette Inscription , un des plus rares
Monumens qui nous restent en son
genre , est gravée sur deux Pierres d'inégale grandeur , qui sont restées jusqu'à
nos jours au Portail de l'Eglise Cathédrale de cette ville où elles étoient posées
l'une sur l'autre , au jambage droit de
l'Arc en entrant.La voici tres-exactement
representée.
EX BENE
FICIOS
+R
106EM
EPM
HALBER
TVMS+
CASATVM
FACT
VSE
LIBER
LETBER
TVS
ESE
HÂC
SAE
CLES .
1142 MERCURE DE FRANCE
En 1726 , lorsqu'on abbatit ce Portail
et les Tours qui l'accompagnoient , ces
deux Pierres furent transportées dans le
Chapitre , où elles sont conservées , jusqu'à ce qu'on éleve le nouveau Portail et
les Tours , dont on a déja jetté une partie
des fondemens et où l'Inscription doit
être replacée dans la même position , où
elle se trouvoit dans l'ancien ouvrage ;
ainsi qu'il a été statué dans l'Acte de dé
molition.
Cette Inscription que personne , jus
ques-icy , n'a encore donnée figurée , se
doit lire sans abbréviations de la maniere
qui suit ;
Ex. BENEFICIO. SANCTE . CRVCIS. PER.
JOHANNEM. EPISCOPVM. ET. PER. ALBERTVM. SANCTÆ. CRVCIS. CASATVM. FACTVS.
EST. LIBER. LETBERTYS. TESTE. HẠC. SANCTA. ECLESIA.
1
Ce qui signifie , qu'en l'honneur de la
Croix du Sauveur , un nommé Letbert
avoit été affranchi dans l'Eglise qui en
porte le nom , par Jean,son Evêque et Albert , Vassal , possédant un Fief de la même Eglise.
Avant que de faire quelques observations,pour l'explication de ce monument,
il n'est pas inutile de remarquer , que
1. Vol. ceux
JUIN. 1732. 1743
4
ceux qui nous l'ont cy-devant donné, ont
presque tous fait quelque faute en le rap
portant. Le Maire Antiq. de l'Egl.
d'Orl. ch.12. pag. 41.aussi- bien queCujas,
dans ses Notes, sur les Institutes , lisent ,
Lembertus , que Leon Tripault ,'Sylvula,
Antiq. Aurel. pag. 16. Ducange , Gloss.
tom. 2. pag. 417. lisent encore plus mal
Lambertus. Jodocus Sincerus , Itin. Gallpag. 5o. met Libertus , et ajoute après le
mot , Liber, celui d'ET , qui seurement
n'est pas dans l'original. La Saussaye ,
Annal. Eccles. Aurel. lib. 9. n . 4. le troisiéme Factum de M. de Sully , contre M.
de Nets, pag. 43. au lieu d'EST , lisent ;
EIVS,qui n'a point de sens. Enfin M. DeFerriere , dans les Institutes du Droit
François , Tom. 1. pag. 33. oublie le mot
de PER. avant celui d'Albertum , écrit
Cassatum , par deux ss , et appelle l'Afranchi , Lambertum. Je ne connois que
Symphorien Guyon , 2. Hist. de l'Eglise
d'Orl. pag. 184. et Hubert , 2. Annal.
Hist. de l'Egl. de S. Aignan , n. 184. qui
nous ayent rapporté l'Inscription telle
qu'elle est.
>
PER IOHANNEM. Le nom de cet Evêque
nous fait connoître à peu près le temps où
cette Inscription a été posée, qui est sur la
fin du onzième siècle. Puisque JeanI.que
•1. Vol. E la
4144 MERCURE DE FRANCE
la Notice de nos Evêques , imprimée à la
tête des Statuts Synodaux du Diocèse ,
fait Frere de Raoul Archevêque de
Tours , siégeoit en 1091.ainsi qu'on le reconnoît par un Acte du Thrésor de l'Eglise d'Orleans, cité par la Saussaye, liv.9.
n. 1. et que ce même Evêque se trouve
encore parmi ceux qui souscrivirent en
105. au Concile de Clermont , où le Roy
Philippes I. fut excommunié, à cause de
son mariage avec Bertrade de Montfort.
ALBERTVM , c'est avec assez d'apparence que les Auteurs de l'histoire d'Orleans,
ont avancé que cet Albert est le même
celui , qui dans un Acte cité par
Saussaye , liv.8. n.42. et dans les Factums
de M.le Duc de Sully , se qualifie Vassal,
tenant le Fief de Pithiviers, appartenant à
l'Evêque d'Orleans. Albertus de Castro
Piveris Casatus. Cet Acte dont la date est
tres-mal marquée par la Saussaye, est l'u
nion d'une Prébende au Doyenné de Ste
Croix , faite à la requête du Chapitre ,
par Raynerius , Evêque d'Orleans , en
1072 le 8 des Ides de Juin , Indiction 10,
et la douzième année de Philippes I. signée de 36. personnes , entre lesquelles se trouvent trois Casati , de la même
Eglise.
que la
CASATVM. Le mog de Casatus a eu plu1.Vol. sieurs
JUIN. 17325 1145.
sieurs significations. Ce nom a été donné
d'abord à des esclaves, attachez à certains
heritages , dont ils faisoient partie. EnSuite on a appellé Casati,les affranchis qui
prenoient des biens à ferme ou qui les faisoient valoir. Enfin dans les derniers ont
s'est servi de ce terme pour signifier un
Vassal , qui possedoit un Fief, lequel dans
son origine étoit un de ceux dont la possession étoirà tems,etTitulo Guardia.C'est
dans ce dernier sens qu'il est icy employé.
L'Eglise d'Orleans avoit et a encore plusieurs de ces Vassaux Casati , que les Titres de cette Eglise appellent Caseici, dont
les redevances sont differentes , les uns.
étant tenus à une présentation de cire ;
c'est ce qu'on appelle à Orleans les Gou
tieres, de la forme de la Caisse où est renfermée cette Cire, nommée dansles Titres
Latins : Cereus sancta Crucis. Les autres au
Port de l'Evêque le jour de son entrée ,
et enfin quelques- uns à tous les deux.
FACTVS EST LIBER. 'De toutes les differentes sortes de Manumissions ou affranchissemens , qui étoient en usage chez
nos premiers François , celle qui se faisoit
dans les Eglises à la face des Autels , étoit
la plus considérable et se pratiquoit plus
ordinairement à l'endroit des Serfs , appartenant aux mêmes Eglises ou à leurs
Vassaux.
1. Vol E ij Cons-
146 MER- CURE DE FRANCE
Constantin le Grand , avoit introduit
cette façon d'affranchir , pour honorer
P'Eglise , et la Loy de ce Prince , ( L. 7.
qui Cod.de hisfin Ecclesia Manumittuntur, )
nous a conservé ce qui s'observoit en
cette occasion. Il nous a plû d'ordonner,
dit cet Empereur , que dorénavant les
Maîtres puissent donner la liberté à leurs
Esclaves , dans les Eglises Catholiques ,
pourvû que cela se fasse à la vûë de tout
le peuple , et que les Evêques y assistent
auquel cas un simple exposé , ou autre
écriture, vaudra pour un Acte en forme:
Placuit ut in Ecclesia Catholica libertatem
Dominifamulis suis præstare possint , si sub
aspean Plebis , adsistentibus Christianorum
Antistibus id faciant. Utpropterfacti me
moriam vice actorum interponatur, qualis
cumque scriptura.
LETBERTYS. Nous ne connoissons ce
Letbert que par l'Inscription qui nous apprend que c'étoit un Serf, ou homme du
Corps de l'Eglise de Ste Croix , dependant du Fief de Pithiviers, puisqu'Albert
que nous avons dit en être le Casatus , affranchit ce Serf, conjointement avec l'Evêque d'Orleans.
Ĉes Serfs ou hommes de Corps , qui
étoit le nom qu'on leur donnoit plus
communément , étoient des sujets qui
LaVol.
JUIN. 17327 11:47
1
S
vivoient ,, par rapport à leurs Seigneurs ,
dans une telle dépendance , que leur condition étoit une espece de servitude; et
quoique cette servitude fut bien differente de celle des Romains , elle ne laissoit
pas de diminuer beaucoup de leur libert
feur état n'étoit pas égal , et les redevancès ausquelles ils étoient assujettis , varioient selon les temps et les lieux. Dans
differens temps les Seigneurs , par quelques considérations affranchirent ces Serfs
qui ont subsisté en France jusqu'à la moi- tié du troisième siècle. Ceux qui appartenoientà l'Eglise d'Orleans furent tous
affranchis par le Chapitre , en quelque
Province qu'ils se trouvassent demeurans
en France, par les Lettres Patentes qu'il en
obtint du Roy Philippes Auguste , en date du mois de Septembre 1204. lesquelles
Lettres servirent en 1224. pour les Serfs
de la Terre de Mesnil- Girault, près Etampes , qui lui avoit été donnée depuis , et
furent confirmées par le Roy Louis VIII.
au mois de Février de la même année.
D. P.
AOrleans , ce 3
Février 1732
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Résumé : LETTRE écrite d'Orleans, au sujet d'une Inscription, &c.
La lettre traite d'une inscription rare gravée sur deux pierres de tailles inégales, situées au portail de la cathédrale d'Orléans. Ces pierres ont été déplacées au chapitre de la cathédrale en 1726 lors de la démolition du portail et des tours, et doivent être replacées une fois les nouvelles constructions achevées. L'inscription, jamais représentée auparavant, se lit comme suit : 'Ex Beneficio Sancte Crucis. Per Johannem Episcopum. Et Per Albertum Sanctæ Crucis Casatum Factus Est Liber Letbertys. Teste Hac Sancta Ecclesia.' Cela signifie qu'en l'honneur de la Croix du Sauveur, un nommé Letbert a été affranchi dans l'église Sainte-Croix par Jean, l'évêque, et Albert, vassal possédant un fief de la même église. L'inscription date de la fin du onzième siècle, comme l'indique le nom de l'évêque Jean, frère de Raoul, archevêque de Tours, qui siégeait en 1091. Albert est identifié comme un vassal tenant le fief de Pithiviers appartenant à l'évêque d'Orléans. Le terme 'Casatum' désigne un vassal possédant un fief, et l'affranchissement de Letbert a été effectué selon une pratique introduite par Constantin le Grand, où les esclaves étaient affranchis dans les églises en présence du peuple et des évêques. Letbert était un serf ou homme du corps de l'église Sainte-Croix, dépendant du fief de Pithiviers. Les serfs de l'église d'Orléans ont été affranchis par le chapitre grâce à des lettres patentes obtenues du roi Philippe Auguste en 1204.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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313
p. 1248-1251
CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Début :
MR le Comte de Chastellux, Brigadier des Armées du Roy, [...]
Mots clefs :
Cérémonie, Auxerre, Chastellux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
CEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usageCEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usage
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usageCEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usage
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Résumé : CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Le 2 juin 1732, le Comte de Chastellux, Brigadier des Armées du Roy et Capitaine des Gens d'armes de Flandres, a pris possession de la dignité de premier Chanoine héréditaire de l'Église d'Auxerre. Cette cérémonie, qui a eu lieu 84 ans après celle de son père, César-Philippe de Chastellux, a été marquée par un grand éclat et une affluence considérable. Le Comte a prêté serment en Chapitre, promettant de vivre selon la Religion Catholique, Apostolique et Romaine, et de défendre les droits et possessions de l'Église d'Auxerre. Vêtu d'un habit militaire et d'un surplis, il a été conduit à sa place dans les hautes-chaires du chœur. Cette cérémonie coïncidait avec les fêtes de la Pentecôte et la translation des reliques de Saint Prix et de ses compagnons. Le Comte a assisté à la Grande Messe, à la procession et aux vêpres, conformément à ses privilèges héréditaires. Ces privilèges remontent à 1423, lorsque Claude de Beauvoir, Seigneur de Chastellux, avait libéré la ville de Cravan des brigands et avait été récompensé par le Chapitre d'Auxerre. Claude de Beauvoir, Maréchal de France en 1418, est enterré dans l'Église d'Auxerre avec son frère Georges, Amiral de France. En 1683, Louis XIV avait remarqué cette distinction lors de son passage à Auxerre. Les informations rapportées proviennent des chartes du Chapitre de l'Église d'Auxerre, des registres du Parlement de Paris et de l'historien Monstrelet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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314
p. 13[4]4-1367
SECONDE LETTRE de M. de L. R. à M. Boyer, Docteur Médecine, de la Faculté de Montpellier, Docteur Regent de celle de Paris, sur une Médaille Latine de la Ville de Troade; et sur une Médaille Grecque des Dardaniens.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que ce n'est pas sans [...]
Mots clefs :
Troade, Médaille latine, Médaille grecque, Dardaniens, Erreur, Ruines, Alexandrie, M. Vaillant, Alexandre Severe, Historien, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE de M. de L. R. à M. Boyer, Docteur Médecine, de la Faculté de Montpellier, Docteur Regent de celle de Paris, sur une Médaille Latine de la Ville de Troade; et sur une Médaille Grecque des Dardaniens.
SECONDE LETTRE de M.de L. R..
à M. Boyer, Docteur en Médecine , de
la Faculté de Montpellier, Docteur Regent de celle de Paris , sur une Médaille
Latine de la Ville de Troade et sur une
Médaille Grecque des Dardaniens.
J
E vous avoue , Monsieur , que ce n'est
pas sans quelque espece de chagrin que
dans ma précedente Lettre j'ai été obligé
de déclarer l'erreur de pius d'un Ecrivain
moderné , qui prétendent que la Ville de
Troade soit la seconde Troye , comme
ayant été bâtie par les ordres d'AlexanII. Vol. dre
JUIN. 1732 1343
dre, des ruines de la premiere Ville qui a
porté ce fameux nom , et que c'est pour
cela même que Troade a été surnommée Alexandrine; en citant pour garants , des
Auteurs de réputation , lesquels bien examinez , n'ont jamais écrit ce qu'on leur
fait dire ; j'avoue , dis- je , que j'ai là- dessus quelque espece de regret ; car si ces
prétentions étoient aussi fondées, qu'elles
m'ont paru vaines jusqu'à present ,
CC
ne seroit pas un petit reliefpour cetre ancienne Ville , pour notre Médaille , et
un médiocre ornementà ma Dissertation:
mais vous sçavez , Monsieur , combien je
suis éloigné d'adopter des Faits brillants.
aux dépens de la vérité ; peut-être trouverons- nous assez dequoi illustrer Troade et de quoi mériter l'attention des Leçteurs sensez dans ce que j'ai à vous en
dire , sans avoir recours à des embellissemens dont la vanité peut être démontrée.
Je suis, au reste, persuadé que M.Vaillant n'a erré là-dessus que par une certaine prévention dont il étoit frappé sur le
nom d'Alexandrine , que portent quantité de Médailles de Troade ; mais ce qui
me paroît icy de singulier , c'est quele
P. Hardouin , ce grand Critique , qui n'a
point hesité d'appeller ses Ouvrages ,
Errata des Antiquaires: Errata Antiqua
II. Vol. riorum
1346 MERCURE DE FRANCE
riorum , qui a même fait un Livre exprès ,
pour reprendre M. Vaillant de ses pré
tendues fautes sur les Médailles des Colonies et des Municipes , et qui le reprend
nommément , avec beaucoup de hauteur,
au sujet d'une Médaille d'Aquilia severa ,
frappée par la Colonie de Troade ; il pa
roît , dis-je , singulier que ce Censeur , si
acharné', pour ainsi dire , contre Vaik
lant , qui le chicane le plus souvent sur
des minuties , ou sur des erreurs imagi
naires , ne se soit pas apperçu de la veritable méprise de cet Antiquaire , au sujet
de la Médaille de Troade.
Bien, loin , Monsieur , de s'en aperce
voir , je trouve le P. Hardouin •presque
dans la mêmeerreur ; car en parlant d'une
( a ) Medaille d'Antonin Pie , frappée , d
ce qu'il croit , par la même Colonie de
Troade , il dit que le nom d'Alexandrine
lui vient d'Alexandre le Grand. Alexan
dria ab Alexandro Magno. C'est cependant ce que Strabon qu'il cite , ni aucun
autre Auteur , ne nous apprennent point.
Mais ne quittons pas le P. H sans vous
donner en passant un échantillon de la
hauteur insultante avec laquelle il a traité M. Vaillant , votre illustre confrere.
(a ) Nummi Populorum et Urbium illustrati ,
&c. pag. 507.
II. Vol. Un
JUIN. 17320 1347
Un seul trait suffira ›, et ce trait vous fera
rire. Je le trouve à la page 115. de son
ANTIRRHETICUS.Vide jam , lui dit-il, quot
sibi sintex opere tuo placita tradenda,quantaque tibi sit laudifuturum , cum eos , à qui
bus hac didicisti , à nobis monitus dedocebis. N'est-il pas vrai , Monsieur , qu'un
hommequi parle avec cet air de Maître ,
doit du moins être irréprochable dans ses
Ecrits , et qu'il doit lui- même être bien
endoctriné , avant que de s'ériger en Censeur de la doctrine d'autrui ? On rempliroit cependant un volume raisonnable
des Erreurs , des Paradoxes , et des Ecarts
duP. H. revenons à notre Troade ,
nommée Alexandrine.
surJ'ai crû que je trouverois sur ce sujet
quelque lumiere dans le curieux Ouvrage
d'Etienne de Byzance ; cet Auteur m'apprend , tom. 1. pag. 61. qu'on comptoit
de son temps jusqu'à dix- huit Villes qui
portoient le nom d'Alexandrie , dont la
premiere est la fameuse Alexandrie d'Egypte; la seconde , dit-il , est la Ville de
Troye , don't Démosthène fait mention :
Bithyniacorum 42. Il met la onzième dans
l'Isle de Chypre , et il dit ensuite , selon
Pinedo son Traducteur; est et locus in Ida
Trojana, qui dicitur Alexandria , in quo
ferunt Paridem Dearum certaminajudicasse,
II. Vol. ut
1348 MERCURE DE FRANCE
ut Timosthenes. Cela s'accorde avec ce que
nous avons déja remarquéau sujet de cette Alexandrie du Mont Ida, qui n'est pas
notre Troade. L'Auteur Grec parle aussi
de cette derniere ; mais le même Traducteur a , ce me semble , fort embroüillé les
choses à cet égard par son interprétation.
Luc de Holstein , de qui nous avons une
belle Edition d'Etienne de Byzance avec
des Notes et des Corrections , a plus heureusement expliqué cet endroit. TROIAS ,
dit Pinedo, Regio Ilii qua vocabatur Teucris
et Dardania et Xante.Gentile Troadeus. Ce
qui n'est pas , selon le SçavantEditeur , let
sens de l'Auteur original , et il corrige Pinedo de la maniere qui suit : Cum deberes
vertere et Alexandria Troas. Hoc in locoTroas non accipitur de Regione , sed de ipsa Alexandria Troadis Urbe que Troas
etiam dicta fuit ut Plinius , lib.v.cap 30.
N'oublions pas icy , au sujet de ce Passage de Pline , qui est tel : Troas Antigonia dicta nunc Alexandria Colonia Romana: n'oublions pas , dis-je , de remarquer
que Goltzius rapporte dans son Tresor
une Médaille de Tite , où l'on donne à
Troade ce nom d'Antigonia. Elle est citée
dans le P. Hardouin , qui semble l'adopter comme légitime , et dans les Colonies de Vaillant , qui la regarde comme
II. Vol. .. dou-
JUIN. 1732. 1349
douteuse. On peut dire qu'elle est absolument fausse , et qu'elle a été forgée sur
le Passage de Pline.
Voilà cependant notre Troade au nom
bre des 18 Villes , qui , selon Etienne de
Byzance , ont aussi porté le nom d'Alexandrie ; ce qui est confirmé par les Medailles et par le témoignage de plusieurs
Ecrivains ; mais nous n'avons aucune autorité , comme je vous l'ai déja dit , qui
établisse , que c'est pour avoir été bâtie
des ruines de Troye , par les ordres d'Alexandre , ainsi que l'ont écrit quelques
Modernes. Il se peut faire , au reste, que
quelque Evenement considérable • que
nous ignorons , ait donné lieu à la dénomination dont il s'agit icy. Toutes les *
grandes actions du Conquerant de l'Asie
ne sont pas connuës , comme l'a particu
lierement remarqué l'un de ses Historiens : Ita estfactum , dit Arrien , Liv. 1 .
ut nobis minus nota sint Alexandri Rex
magna et præclara , quam multorum veterum
infima exiguaque.
M. Vaillant , au reste , propose une autre origine du nom d'Alexandrie , donné
à la Ville de Troade. Il remarque d'abord,
au sujet d'une Medaille de Fulia Domna,
Epouse de Septime Severe, frappée à
Troade; qu'avant ce tems-là la Ville dont
II. Vol. nous
1350 MERCURE DE FRANCE
nous parlons ne prit point le nom d'Aleandrie: Urbs non se Alexandriam Troadem nuncupavit , licet , ajoute-t- il , Troas
et Alexandria eadem sit apud veteres Historicos ut videre est apud Strabonem , lib. 2.
ce qui semble se contredire. Troade,poursuit M. Vaillant , devant son nom d'Alexandrie au Grand Alexandre , affecta de
marquer particulierement ce nom ' sur les
Medailles qu'elle frappoit sous l'Empire
de ( a ) Caracalla , pour flatter un Prince
qui , au rapport de Dion, liv. 78. se donnoit pour un autre Alexandre , sese Alexandrum Orientalem Augustum appellavit,
dit cet Historien.
M. Vaillant repete à peu près la même
chose en parlant d'une autre Medaille de
Troade , frappée en l'honneur d'Alexandre Severe , fils de Caracalla. Alexandria
appellationem habet,dit-il, vel ab Alexandro
M.àquo exTroja ruderibus extructa est Strabone Q Curtio testibus , vel ab Alexandro-Severo , quod maximum illius esset , ut
Caracalla Patris studium , ut tradit Lampridius ; sans compter , ajoute notre Antiquaire , que cet Empereur visita en personne la Ville de Troade, en allant en Sy.
.
(a) Aurelia et Antoniana , in Caracalla gratiam vocata , dit ailleurs le même M. Vaillant, en
parlant de Troade.
11.Vol.
tie ,
JUIN. 1732. 135r
tie ; il avoit dit la même chose à l'égard
de Trajan ; ce qui est avancé gratuitement .
et sans aucune authorité.
Il est vrai cependant qu'avant le Regne de Sept. Severe on ne voit point le
nom d'Alexandrie,ajouté à celui de Troade,dans les Médailles de cette Ville, ce qui
semble donner quelque vrai- semblance à
la conjecture de M. Vaillant ; mais il faut
convenir aussi que cette conjecture est affoiblie par les témoignages des Histeriens
qu'il rapporte lui - même , selon lesquels
Troade portoit le nom d'Alexandrie dès
le temps de la République Romaine.Je ne
produirai icy que celui de Tite-Live, omis
par Vaillant.
Ce celebre Historien en parlant de la
guerre que les Romains eurent à soutenir
contre le Roy Antiochus , sous le Consulat de L. Quintius et de Cn. Domitius,
dit que trois Villes occupoient principalement les forces de ce Prince , sçavoir
(a)Smyrne, Alexandrie-Troade et Lampsa-
(a ) Smyrne.et Troade n'étoient pas fort éloignées l'une de l'autre , et il y avoit une alliance ,
une union particuliere entre les deux Villes ; ce
qui est prouvépar une Medaille de Marc - Aurele ;
sur le revers de laquelle en lit : ΤΡΟΑΔΕΩΝ C
ΜΥΡΝΑΙΩΝ ΟΜΟΝΟΙΑ , rapportée par le Pere
Hardouin.
11. Vole ques
Y352 MERCURE DE FRANCE
ques , dont il n'avoit pû venir à bout
jusqu'alors par la force , ni par aucun
Traité , ne voulant pas d'ailleurs , en passant en Europe , laisser ces Places derriere lui , Tres eum civitates tenebant , Smyrna
et Alexandria- Troas , et Lampsacus ; quas
neque vi expugnare ad eam diem poterat,
neque conditionibus in amicitiam perlicere;
neque કે tergo relinquere trajiciens ipse in
Europam volebat , Lib. xxxv. cap. XLII.
Ce qui paroît décisif pour l'ancienneté du
nom d'Alexandrie , joint à celui de la
Ville de Troade ; cela doit aussi nous déterminer à tirer cette dénomination d'Alexandre le Grand , comme Fondateur
ou comme Restaurateur dela Ville dont
il s'agit icy , sans qu'on soit obligé pour
cela de croire et de prouver que Troade
ait été bâtie des ruines de Troye.
,
Nous n'avons en effet aucune autorité pour le prétendre. Une seule Ville du
Pays de Troade a pû se vanter de cette
distinction;c'est Sigée, bâtie certainement
des ruines de Troye , par les habitans de
Metelin , ville de l'Isle de Lesbos. J'aurai dans quelque temps occasion de vous
prouverce fait , en vous faisant part d'un
Monument des plus singuliers de l'Antiquité Grecque , trouvé dans le siecle
passé , au voisinage de Sigée , et publié
II. Vol.
par
JUIN. 17320 1353
par un sçavant Anglois en l'année 1721.
Son Ouvrage ne m'a été apporté d'Angleterre que depuis quelques mois ; ce
que j'ai à vous en dire peut encore jetter
de la clarté sur la matiere que nous traitons icy.
Je vous ai dit , Monsieur , dans ma premiere Lettre, que la Ville de Troade étoit
Colonie Romaine dès le temps d'Auguste. Pour le prouver , je n'ai presque besoin
que du titre d'Auguste qu'elle porte sur
notre Medaille. Les Antiquaires tiennent
communément que les Colonies nommées Julia, dénotent qu'elles ont été fondées par Jules- Cesar ; et Augusta , par
I'Empereur Auguste. Je sçai que Gens difficiles pourroient contester cette regle en
certain cas ; mais enfin , c'est- là un de ces
Principes generalement avoüez , et contre lesquels on n'est presque pas reçu à
disputer. Dans ce cas particulier on auroit encore moins de raison , parce qu'on
voit que la Ville de Troade étoit Colonie
Romaine , non seulement du temps de
Pline , mais même du temps de Strabon
qui a vécu sous Tibere , et même sous
Auguste. Ainsi il est presque démontré
qu'Auguste a été le Fondateur de cette
Colonie.
Il n'est guere moins certain qu'elle fut
II. Vol. E dans
1354 MERCURE DE FRANCE
dans une singuliere recommandation auprès des Empereurs. On y envoyoit les
Soldats veterans , choisis parmi les Légions qui avoient bien servi , pour s'y reposer comme dans un séjour agréable , et
dans un Païs abondant ; c'est ce que désigne particulierement l'Enseigne Militaire , qui paroît sur notre Medaille de
Troade.
par
Quelques- uns de ces Empereurs l'orne:
rent et lui accorderent des Privileges.
Adrien , sur tout , y fit faire (a) des Bains
magnifiques et des Aqueducs, comme on
le lit dans la vie d'Herode le Sophiste
écrite Philostrate. La Ville, en reconnoissance , fit frapper une Medaille où
l'on voit d'un côté la tête de cet Empereur , et sur le revers, le Type de Troade
tel qu'on le voit sur la face de la nôtre ,
avec ces mots : COL. TROAD. Elle étendit
même la reconnoissance de ce bienfait
jusqu'à la personne d'Antonin Pie , fils
adoptif d'Adrien , et jusqu'à Marc- Aurele, en faisant aussi frapper des Medailles
pour ces deux Empereurs.
•
(a ) On voit par un Passage de Pline , livre
XXXI. ch. VI. qu'avant ce temps-là il y avoit à
Troade des Bains d'Eau chaude , que P. Belon
liv. 2. ch. 6. de ses Observ. a confondus avec ceux
de Larissa , dans le même Païs ; quoique bien distinguez dans Pline , qu'il cite.
1
11. Vol A
JUIN. 17320 1355
-
A l'égard des Privileges et des immunitez accordez à Troade , quelques Me
dailles frappées par la même Ville , les
prouvent ; entr'autres celles de SeptimeSevere , et de Julia Domna sa Femme s
au revers de laquelle on voit pour Symbole , un Cheval qui paît en liberté. M. Vaillant remarque , en rapportant ces
deux Medailles , que l'Empereur Claude
avoit rendu la Colonie de Troade exempte de toutes sortes de charges , ajoutant
qu'entre les autres Colonies , fondées par
Auguste, celle- ci avoit été particulierement
avantagée duDroit dont jouissoient lesVilles d'Italic:Juris Italici pronunciata est. Dequoi deux Auteurs ont fait une mention
expresses sçavoir , Caïus ( a ) sur les Loix
Julia et Papia, lib. 6. et Paulus , lib. 2. des Cens. Ce dernier ajoute que Troade étoit
du Proconsulat d'Asie . In Provincia Asia
Dua sunt Juris Italici Troas et Purinus .
M. Vaillant observe à propos , à l'oc
casion d'une Medaille frappée à Troade ,
pour Philippe le Peres que toutes les Colonies n'avoient pas ce beau Droit dont
nous venons de parler , qui distinguoit si
fort une Ville d'une autre; mais je ne sçai
s'il faut s'en tenir à son explication du
MOV.
(a ) Juris Italici sunt , rpwas Bupytos , AuppoH. Vol E ij revers
5 MERCURE DE FRANCE
revers de la même Medaille. On y voit
une Aigle qui tient dans ses Serres , en
volant la Tête d'un Bœuf. Cela , dit-il
dénote l'origine et l'antiquité de cette
Villes car quand il fut question de la
fonder , on sacrifia un Bœuf , dont un
Aigle emporta la tête, ce qui fut pris
pour un ordre du Ciel et servit d'Augure pour déterminer le lieu où elle devoit
être bâtie. Elle le fut à l'endroit même
où l'Aigle transporta cette tête. L'antiquité payenne et fabuleuse a pû debiter
cela au sujet de la fondation de Troade
comme vous sçavez , Monsieur , qu'elle
on a usé à l'égard de Rome , et à l'égard
des plus anciennes Villes ; mais la chose
ne peut guere passer que pour une conjectite , aussi , M. Vaillant ne nous cite làdessus aucune autorité.
Passons- lui donc la conjecture ; mais je
le crois dans ( a) l'erreur, quand dans l'explication de deux Medailles de la Colonie
de Troade, frappées, l'une pour Elagabale,et l'autre pour Volusien, notre Sçavant
:
(a ) M. Vaillant se trompe encore quand an
sujet d'une Medaille de Geta , frappée à Troade ,
qu'il appelle Insignem Urbem Veterum Hefoum. Il cite Dyonisius Afer pour premier Auteur
de cette Expression , cet Ecrivain n'ayant point
parlé deTroale dans son Poëme , Desitu Orbis.
14. Vol.
Me-
JUIN. 1732. 1357
Medecin confond Troade avec Ilium, attribuant à la premiere ce qui certainement
regarde la seconde de ces deux Villes, qui
sont cependant tres- distinctes'; sur quoi
les citations mêmes qu'il allegue sont
contre lui , en particulier celle du Digeste , où il s'agit visiblement des Privi
leges d'Ilium et non pas de Troade. Com
cessum est ut qui Matre Iliensi natus est ,
sit eorum Municeps , lib. 5. tom. 1
dont le
Ce qu'il y a icy de singulier , c'est que
M. Vaillant a reconnu parfaitement lui
même, tom. I. la distinction de ces deuxVilles, en expliquant une Medaille d'Alexandre-Severe , frappée à Troade. Troas
et Ilium , dit- il , dua sunt Urbes , post Tro
jam antiquam dirutam seorsim condite, quod
nummi confirmant , &c. Ce que notre An
tiquaire prouve par l'autorité de Polybe,.
liv. 5. décisif est rappor passage
té, ajoutant , par surcroit de lumiere sur
ce sujet , la distinction que voicy : Troadenses cum Romani sint Coloni , latinè nummos scribunt, Ilienses verò Epigraphem Gracam : IAIEON praferunt. Il pouvoit prouver encore cette distinction par l'Itineraire d'Antonin , par les Tables de Peutinger , et enfin par les Souscriptions des
Evêques des deux Villes , qui ont assisté
aux Conciles , &c.
. II. Vol E iij Re-
1358 MERCURE DE FRANCE
Remarquons , en passant , à cette occasion , une faute toute differente qu'a faite
Casaubon , Traducteur latin de Strabon
à l'égard de notre Alexandrie-Troade dont
il fait deux Villes ; au lieu que, comme je ·
l'ai observé dans ma premiere Lettre , ce
n'en est qu'une, suivant la force du Grec,
Αλεξανδρείαν τω τριαδα , qu'il faut traduire , et Alexandria que est Troas, et non
pas comme ont fait Casaubon et d'autres,
et Alexandria , ac Troas. Pinedo dans son
Commentaire sur Etienne de Byzance ,
a relevé cette méprise au mot Troïas, et
après lui Spanheim et Vaillant.
Mais c'est assez parlé de Troade Payenne, Grecque et Romaine ; disons un mot,
en finissant ma Lettre de Troade Chré
tienne , devenuë telle , selon toute apparence , par le bonheur qu'elle a eu de recevoir si souvent dans son sein l'Apôtre
S. Paul , ainsi qu'il est rapporté dans plus
d'un endroit des Actes des Apôtres. C'est
à Troade que ce grand Apôtre eût la vision du Macedonien , qui le pria de pas
ser dans la Macedoine, et de venir au secours de ses Compatriotes , ch . 16. Grotius dans son Commentaire sur ce chapitre , a pris la Ville de Troade pour la Region de même nom. Nous avons vû qu'il
n'est pas le premier qui s'est trompé là- II. Vel. des-
JUIN. 1732. 7359
dessus ; il commence à s'en appercevoir
au chapitre 20.
On lit dans le même chap. 16. qu'en
conséquence de sa vision,S. Paul s'embarqua àTroade même , d'où étant venu
droit à Samothrace et à Neapolis , il arriva à Philippes : Et inde Philippos, que est
primapartis Macedonia Civitas COLONIA.
Je ne sçai , Monsieur , si ces dernieres
paroles ne peuvent pas donner lieu à une
Remarque. Le Saint Ecrivain n'oublie pas d'observer que la Ville de Philippes, dont
il parle pour la premiere fois , étoit une
Colonie; il ne dit rien de pareil de Troade , nommée plusieurs fois dans son Itineraire , où S. Paul séjourna une fois sept
jours entiers; et où la veille de son départ , il fit le miracle éclatant de ressusciter le jeune Homme tombé d'une fenê
tre,&c. Ch. 20. Peut - être Troade n'étoitelle pas alors honorée de ce Titre , ce qui
détruiroit le sentiment des meilleurs Antiquaires , qui veulent , comme nous l'avons vu plus haut , que le Titre d'Au
gusta , marqué sur les Medailles de cette
Ville , dénote qu'elle a reçu cette qualité
dès le temps d'Auguste.
Quoiqu'il en soit , Troade éclairée des
lumieres de la Foy , par le Docteur des
Nations , ou par ses Disciples , a dû avoir
II. Vol. E iiij des
1360 MERCURE DE FRANCE
des Pasteurs dès les premiers temps du
Christianisme. On reconnoîtroit volop-.
tiers le premier de tous en la personne de
Carpus , chez qui S. Paul logeoit dans cette Ville , et dont il ( a ) parle particulierement dans sa II. Epître à Timoth.ch.2.
Si on pouvoit faire quelque fond sur ce
qu'on lit de Carpus, dans la Lettre à Démophile, la vini de celles qui portent le
nom de S. Denis l'Areopagite ; mais il y a
long - temps que les meilleurs Critiques.
ont reconnu pour supposez tous les Ou
vrages cy - devant attribuez à ce S. Athénien; ce qui n'a pas empêché que l'Auteur
d'une compilation de Vies des Saints , intitulée : Fasti Mariani , et publiée à Anvers en l'année 1633. n'ait fait de ce Disciple de S.Paul un veritable Evêque, dontil marque la Fête au 26 May, en citant:
à la fin Denis l'Areopagite, pour garant de
ce qu'il a trouvé à propos d'en rapporter.
Pour moi , Monsieur , je ne connois
point d'Evêque de Troade avant Marin
qui assista au Concile de Nicée avec Théonas de Cyzique , son Métropolitain, com
me on le voit par les Actes de ce fameux
Concile , recueillis par Gelase, un des suc-
(a ) Penulam quam reliqui Troade apud Carpum veniens affer tecum et libros , maximè autem membranas. verf. 13 .
•
II.Vol.
cesseurs
JUIN. 1732. 1361
cesseurs de Théonas , et rapportez dans
les Editions des Conciles du P. Labbe et
du P. Hardoüin.
J'ai crû pendant quelque temps qu'un
S. Evêque , nommé Silvain , dont parle
Pallade dans la vie de S. Jean Chrysostome , et qui fut envelopé dans la disgrace
du S. Archevêque de Constantinople, avoit
été Evêque de Troade ; mais on ne peut,
ce me semble , recueillir des paroles de
Pallade autre chose, au sujet de ce Prélat ,
si ce n'est qu'il fût réduit à ce point d'in
digence que d'être obligé de gagner sa vie
à pêcher du Poisson à Troade , où il s'étoit vrai semblablement réfugié.Silvanus,
sanctus Episcopus Troade piscatur et piscatu vivit , selon la version de Bigot.
Il est vrai que Socrate, dans le 8 ° Livre
de son Histoire Ecclesiastique , chap. 36.
parle au long d'un Silvain , Evêque de
Troade , qui l'avoit auparavant êté de
Philipolis mais en lisant cet Historien
avec quelque attention , il est aisé de voir
que ce n'est pas le même dont Pallade a
fait mention. Le Silvain de Socrate a été
constamment Evêque de Troade , mais il
l'a été par le choix d'Atticus, second suc
cesseur de S. Jean Chrysostome en l'Archevêché de Constantinople , temps posterieur à la vie de l'autre Sylvain , et cirH. Vol. Ev cons-
1362 MERCURE DE FRANCE
constance décisive , pour ne pas confon dre ces deux Prélats de même nom en
un seul. On pourroit s'y méprendre par ;
la ressemblance des qualitez. Celui de Pallade étoit un S. Evêque , celui de Socrate
étoit aussi un Saint et un Saint à Miracles ,témoin celui que rapporte le même
Historien Socrate , d'un gros Vaisseau
construit sur le rivage de la Mer , auprès
de Troade , et destiné à transporter des
Colomnes d'un poids immense, lequel ,
quand il fut question de le mettre en
Mer , on ne pouvoit en aucune façon.
faire remuer , et qui ne fut ébranlé , tiré
et mis à flot , qu'après que le S. Evêque ,
cedant aux instances des habitans , qui
croyoient que c'étoit un prestige , se fut
transporté sur le lieu, et eut fait des prieres , dont on vit bien-tôt l'efficacité.
C'est ce même Silvain , S. Evêque de
Troade, qui , au rapport de Métaphraste,
vit en songe Corneille le Centenier Evêque de Césarée et de ( a ) Scepsis , lequel
lui apprit l'endroit où reposoit son corps,
lui marquant tout ce qu'il devoit faire
pour sa translation , pour la construction
d'un Temple , &c. On peut voir dans
(a) Scepsis, Ville de la petite Mysie , selon Strabon , ou de la Troade , selon Etienne de By- zance.
II. Vol. l'Au-
JUI N. 1732. 1363
P'Auteur Grec les suites de ' cette vision , et
de l'obéissance de l'Evêque de Troade, les
Miracles operez à cette occasion , la conversion d'un grand nombre de Payens , à
laquelle ils donnerent lieu , &c.
Les illustres Compilateurs des Actes
des Saints , publiez à Anvers , ont observé au 2 Février , jour destiné au culte du
S. Centenier Corneille , dans leurs Notes.
sur le texte de Métaphrate , que le temps
de cet Evenement peut être à peu près fixé
par celui auquel Atticus , Archevêque de
Constantinople, qui avoit fait notre S.Silvain , Evêque de Troade , cessa de vivre :
or sa mort arriva, disent-ils , le 10 d'Octobre de l'année 425. sous le Consulat de
Théodose le Jeune et de Valentinien. Ils.
s'engagent dans les mêmes Notes à donner la vie du S. Evêque Silvain de Troade au 1 jour de Decembre , temps auquel
le Martyrologe Romain fait mémoire de
lui.
Enfin surce que Métaphraste ajoute qu'après le decès de notre Silvain , Athanase
fut nommé son successeur ; les mêmes
Historiens des Saints pensent que ce Prélat pourroit être le même qui souscrivit
à la VI Session du Concile d'Ephese , en
qualité d'Evêque de Scepse, depuis transferé au Siége de Troade, mais quelque soit
EL. Volar E VI CEL
1364 MERCURE DE FRANCE
cet Athanase , continuent- ils , il est cer
tainement mort avant la célébration du
Concile de Calcedoine , puisque les Actes
de ce Concile se trouvent souscrits par
Pionius , alors Evêque de la même Ville
de Troade.
Mais laissons à un sçavant (a) Ecrivain ,
qui fait imprimer auLouvre une Histoire entiere de l'Eglise Orientale , &c. à
laquelle il travaille depuis plusieurs années , avec une application infatigable ;
laissons- lui , dis- je , le soin de nous donner sur le Christianisme.de Troade , et sur
ses Evêques, une plus ample instruction.
je me contente d'ajoûter au peu que je
viens de dire,que dans la distribution des
Provinces Ecclesiastiques , l'Evêque de
Troade devint Suffragant du Metropoli
tain de Cyzique , dequoi on a déja rapporté une preuve; il y a tout lieu de croi
( a ) Le R. P. Michel le Quien, Dominiquain .
voyez le Projet de son Ouvrage dans le Mercure
de Mars 1731.Nous avons du même Auteur , une belle Edition des Oeuvres de S.Jean de Damas , et
dans la Préface de cette Edition , une Dissertation
dans laquelle il est démontré que les Ecrits , attriuez à S. Denys l'Areopagite , dont il est parlé cilessus , sont des Ecrits supposez, &c. fabriquez par
an Monophysite , ou Disciple de Severe d'Antiothe , ou par ce Patriarche lui-même, pour appuier ses erreurs.
II. Vol. re
JUIN. 1732. 1363
re , malgré la désolation de cette ancienne Ville , qui n'est presque aujourd'hui
qu'un amas de ruines, que son Siege Episcopal subsiste toujours , avee la même
dépendance.
L'Auteur (a ) Italien d'une Histoire
moderne des Patriarchats d'Antioche et
de Jerusalem , et d'un Abregé de celle
des Patriarchats d'Alexandrie et de Cons
tantinople , qui avoit fait lui-même le
voyage d'Orient , le témoigne ainsi , en
donnant sur la fin de son Ouvrage une
Notice tres- étendue du Patriarchat de
Constantinople. On y voir , en effet , les
Eglises de Cyzique et de Troade , parmi
celles qui composent dans ce Patriarchat
la seconde Province de l'Hellespont , divisée en 17 Diocèses ; on y trouve aussi
que Troade est aujourd'hui connue sous
le nom de Carasia , et que Cyzique n'a
point changé de nom. Baudran, dans son
Dictionaire Géographique et Historique ,
assure que. les ruines de Troade , encore
(a) SIRIA SACRA , Descrittione Istorico , Geo---
grafica , Cronologico- Topografica delle due Chiese ,
Patriarcali Antiochia , e Gerusalemme , &c. Com.
due Trattati nel fine della Patriarcali d'Alessandria , e Constantinopoli , &c. Opera dell'Abb . Biagio Terzi di Lauria , &c. 1. vol. fol. in Roma
16.95. pag. 448. avec des Cartes Géografiques.
L. Vol. visitées
1366 MERCURE DE FRANCE
visitées , dit- il , par les Curieux , portent
le nom d'Eski- Stamboul. Il les place sur
les côtes de la Natolie, à 13 lieuës des Dar
danelles , et vers l'Isle de Tenedos.
Dans la Turquie Chrétienne , &c. Ou--
vrage imprimé à Paris en 1695. 1. vol. 12.
chez Herissant.
On voit aussi un Etat des Eglises soumises au Patriarchat de Constantinople; l'Auteur n'y fait aucune mention de Troade ;
il n'a pas même nommé Cyzique parmi
les Métropoles de ce Patriarchat , ce qui
démontre le peu de recherches qu'il a faites. Il a aussi manqué d'exactitude sur
d'autres sujets qui entrent dans son Quvrage.
Au reste , Monsieur , vous sçavez que
ce beau Païs , autrefois rempli de grandes
et fameuses Villes , ne présente presqueplus aujourd'hui que des ruines. Vous
m'avez appris qu'un assez petit Bourg ,
nommé en grec vulgaire Troaki , ou petite Troye, est tout ce qui reste , pour rappeller la mémoire et la situation de la celebre Troye;et j'apprens de l'Auteur de la
Bibliotheque Orientale , que Cari- Ili , est
le nom que les Turcs donnent au Païs
dont je parle , comprenant sous ce même
nom , la Lydie , la Troade, avec une partie de la Mysie et de la Phrygie des Anciens.
II. Vol Voilà
JUIN. 1732. 1367
Voilà tout ce que j'avois à vous dire au
sujet et à l'occasion de votre curieuse
Médaille de Troade. Je vous parlerai sans
faute dans ma premiere Lettre , de la pe
tite Médaille des Dardaniens , qui ne nous.
occupera pas si long- temps. Je suis , Monsieur , &c.
AParis , le Mars 17 31.
à M. Boyer, Docteur en Médecine , de
la Faculté de Montpellier, Docteur Regent de celle de Paris , sur une Médaille
Latine de la Ville de Troade et sur une
Médaille Grecque des Dardaniens.
J
E vous avoue , Monsieur , que ce n'est
pas sans quelque espece de chagrin que
dans ma précedente Lettre j'ai été obligé
de déclarer l'erreur de pius d'un Ecrivain
moderné , qui prétendent que la Ville de
Troade soit la seconde Troye , comme
ayant été bâtie par les ordres d'AlexanII. Vol. dre
JUIN. 1732 1343
dre, des ruines de la premiere Ville qui a
porté ce fameux nom , et que c'est pour
cela même que Troade a été surnommée Alexandrine; en citant pour garants , des
Auteurs de réputation , lesquels bien examinez , n'ont jamais écrit ce qu'on leur
fait dire ; j'avoue , dis- je , que j'ai là- dessus quelque espece de regret ; car si ces
prétentions étoient aussi fondées, qu'elles
m'ont paru vaines jusqu'à present ,
CC
ne seroit pas un petit reliefpour cetre ancienne Ville , pour notre Médaille , et
un médiocre ornementà ma Dissertation:
mais vous sçavez , Monsieur , combien je
suis éloigné d'adopter des Faits brillants.
aux dépens de la vérité ; peut-être trouverons- nous assez dequoi illustrer Troade et de quoi mériter l'attention des Leçteurs sensez dans ce que j'ai à vous en
dire , sans avoir recours à des embellissemens dont la vanité peut être démontrée.
Je suis, au reste, persuadé que M.Vaillant n'a erré là-dessus que par une certaine prévention dont il étoit frappé sur le
nom d'Alexandrine , que portent quantité de Médailles de Troade ; mais ce qui
me paroît icy de singulier , c'est quele
P. Hardouin , ce grand Critique , qui n'a
point hesité d'appeller ses Ouvrages ,
Errata des Antiquaires: Errata Antiqua
II. Vol. riorum
1346 MERCURE DE FRANCE
riorum , qui a même fait un Livre exprès ,
pour reprendre M. Vaillant de ses pré
tendues fautes sur les Médailles des Colonies et des Municipes , et qui le reprend
nommément , avec beaucoup de hauteur,
au sujet d'une Médaille d'Aquilia severa ,
frappée par la Colonie de Troade ; il pa
roît , dis-je , singulier que ce Censeur , si
acharné', pour ainsi dire , contre Vaik
lant , qui le chicane le plus souvent sur
des minuties , ou sur des erreurs imagi
naires , ne se soit pas apperçu de la veritable méprise de cet Antiquaire , au sujet
de la Médaille de Troade.
Bien, loin , Monsieur , de s'en aperce
voir , je trouve le P. Hardouin •presque
dans la mêmeerreur ; car en parlant d'une
( a ) Medaille d'Antonin Pie , frappée , d
ce qu'il croit , par la même Colonie de
Troade , il dit que le nom d'Alexandrine
lui vient d'Alexandre le Grand. Alexan
dria ab Alexandro Magno. C'est cependant ce que Strabon qu'il cite , ni aucun
autre Auteur , ne nous apprennent point.
Mais ne quittons pas le P. H sans vous
donner en passant un échantillon de la
hauteur insultante avec laquelle il a traité M. Vaillant , votre illustre confrere.
(a ) Nummi Populorum et Urbium illustrati ,
&c. pag. 507.
II. Vol. Un
JUIN. 17320 1347
Un seul trait suffira ›, et ce trait vous fera
rire. Je le trouve à la page 115. de son
ANTIRRHETICUS.Vide jam , lui dit-il, quot
sibi sintex opere tuo placita tradenda,quantaque tibi sit laudifuturum , cum eos , à qui
bus hac didicisti , à nobis monitus dedocebis. N'est-il pas vrai , Monsieur , qu'un
hommequi parle avec cet air de Maître ,
doit du moins être irréprochable dans ses
Ecrits , et qu'il doit lui- même être bien
endoctriné , avant que de s'ériger en Censeur de la doctrine d'autrui ? On rempliroit cependant un volume raisonnable
des Erreurs , des Paradoxes , et des Ecarts
duP. H. revenons à notre Troade ,
nommée Alexandrine.
surJ'ai crû que je trouverois sur ce sujet
quelque lumiere dans le curieux Ouvrage
d'Etienne de Byzance ; cet Auteur m'apprend , tom. 1. pag. 61. qu'on comptoit
de son temps jusqu'à dix- huit Villes qui
portoient le nom d'Alexandrie , dont la
premiere est la fameuse Alexandrie d'Egypte; la seconde , dit-il , est la Ville de
Troye , don't Démosthène fait mention :
Bithyniacorum 42. Il met la onzième dans
l'Isle de Chypre , et il dit ensuite , selon
Pinedo son Traducteur; est et locus in Ida
Trojana, qui dicitur Alexandria , in quo
ferunt Paridem Dearum certaminajudicasse,
II. Vol. ut
1348 MERCURE DE FRANCE
ut Timosthenes. Cela s'accorde avec ce que
nous avons déja remarquéau sujet de cette Alexandrie du Mont Ida, qui n'est pas
notre Troade. L'Auteur Grec parle aussi
de cette derniere ; mais le même Traducteur a , ce me semble , fort embroüillé les
choses à cet égard par son interprétation.
Luc de Holstein , de qui nous avons une
belle Edition d'Etienne de Byzance avec
des Notes et des Corrections , a plus heureusement expliqué cet endroit. TROIAS ,
dit Pinedo, Regio Ilii qua vocabatur Teucris
et Dardania et Xante.Gentile Troadeus. Ce
qui n'est pas , selon le SçavantEditeur , let
sens de l'Auteur original , et il corrige Pinedo de la maniere qui suit : Cum deberes
vertere et Alexandria Troas. Hoc in locoTroas non accipitur de Regione , sed de ipsa Alexandria Troadis Urbe que Troas
etiam dicta fuit ut Plinius , lib.v.cap 30.
N'oublions pas icy , au sujet de ce Passage de Pline , qui est tel : Troas Antigonia dicta nunc Alexandria Colonia Romana: n'oublions pas , dis-je , de remarquer
que Goltzius rapporte dans son Tresor
une Médaille de Tite , où l'on donne à
Troade ce nom d'Antigonia. Elle est citée
dans le P. Hardouin , qui semble l'adopter comme légitime , et dans les Colonies de Vaillant , qui la regarde comme
II. Vol. .. dou-
JUIN. 1732. 1349
douteuse. On peut dire qu'elle est absolument fausse , et qu'elle a été forgée sur
le Passage de Pline.
Voilà cependant notre Troade au nom
bre des 18 Villes , qui , selon Etienne de
Byzance , ont aussi porté le nom d'Alexandrie ; ce qui est confirmé par les Medailles et par le témoignage de plusieurs
Ecrivains ; mais nous n'avons aucune autorité , comme je vous l'ai déja dit , qui
établisse , que c'est pour avoir été bâtie
des ruines de Troye , par les ordres d'Alexandre , ainsi que l'ont écrit quelques
Modernes. Il se peut faire , au reste, que
quelque Evenement considérable • que
nous ignorons , ait donné lieu à la dénomination dont il s'agit icy. Toutes les *
grandes actions du Conquerant de l'Asie
ne sont pas connuës , comme l'a particu
lierement remarqué l'un de ses Historiens : Ita estfactum , dit Arrien , Liv. 1 .
ut nobis minus nota sint Alexandri Rex
magna et præclara , quam multorum veterum
infima exiguaque.
M. Vaillant , au reste , propose une autre origine du nom d'Alexandrie , donné
à la Ville de Troade. Il remarque d'abord,
au sujet d'une Medaille de Fulia Domna,
Epouse de Septime Severe, frappée à
Troade; qu'avant ce tems-là la Ville dont
II. Vol. nous
1350 MERCURE DE FRANCE
nous parlons ne prit point le nom d'Aleandrie: Urbs non se Alexandriam Troadem nuncupavit , licet , ajoute-t- il , Troas
et Alexandria eadem sit apud veteres Historicos ut videre est apud Strabonem , lib. 2.
ce qui semble se contredire. Troade,poursuit M. Vaillant , devant son nom d'Alexandrie au Grand Alexandre , affecta de
marquer particulierement ce nom ' sur les
Medailles qu'elle frappoit sous l'Empire
de ( a ) Caracalla , pour flatter un Prince
qui , au rapport de Dion, liv. 78. se donnoit pour un autre Alexandre , sese Alexandrum Orientalem Augustum appellavit,
dit cet Historien.
M. Vaillant repete à peu près la même
chose en parlant d'une autre Medaille de
Troade , frappée en l'honneur d'Alexandre Severe , fils de Caracalla. Alexandria
appellationem habet,dit-il, vel ab Alexandro
M.àquo exTroja ruderibus extructa est Strabone Q Curtio testibus , vel ab Alexandro-Severo , quod maximum illius esset , ut
Caracalla Patris studium , ut tradit Lampridius ; sans compter , ajoute notre Antiquaire , que cet Empereur visita en personne la Ville de Troade, en allant en Sy.
.
(a) Aurelia et Antoniana , in Caracalla gratiam vocata , dit ailleurs le même M. Vaillant, en
parlant de Troade.
11.Vol.
tie ,
JUIN. 1732. 135r
tie ; il avoit dit la même chose à l'égard
de Trajan ; ce qui est avancé gratuitement .
et sans aucune authorité.
Il est vrai cependant qu'avant le Regne de Sept. Severe on ne voit point le
nom d'Alexandrie,ajouté à celui de Troade,dans les Médailles de cette Ville, ce qui
semble donner quelque vrai- semblance à
la conjecture de M. Vaillant ; mais il faut
convenir aussi que cette conjecture est affoiblie par les témoignages des Histeriens
qu'il rapporte lui - même , selon lesquels
Troade portoit le nom d'Alexandrie dès
le temps de la République Romaine.Je ne
produirai icy que celui de Tite-Live, omis
par Vaillant.
Ce celebre Historien en parlant de la
guerre que les Romains eurent à soutenir
contre le Roy Antiochus , sous le Consulat de L. Quintius et de Cn. Domitius,
dit que trois Villes occupoient principalement les forces de ce Prince , sçavoir
(a)Smyrne, Alexandrie-Troade et Lampsa-
(a ) Smyrne.et Troade n'étoient pas fort éloignées l'une de l'autre , et il y avoit une alliance ,
une union particuliere entre les deux Villes ; ce
qui est prouvépar une Medaille de Marc - Aurele ;
sur le revers de laquelle en lit : ΤΡΟΑΔΕΩΝ C
ΜΥΡΝΑΙΩΝ ΟΜΟΝΟΙΑ , rapportée par le Pere
Hardouin.
11. Vole ques
Y352 MERCURE DE FRANCE
ques , dont il n'avoit pû venir à bout
jusqu'alors par la force , ni par aucun
Traité , ne voulant pas d'ailleurs , en passant en Europe , laisser ces Places derriere lui , Tres eum civitates tenebant , Smyrna
et Alexandria- Troas , et Lampsacus ; quas
neque vi expugnare ad eam diem poterat,
neque conditionibus in amicitiam perlicere;
neque કે tergo relinquere trajiciens ipse in
Europam volebat , Lib. xxxv. cap. XLII.
Ce qui paroît décisif pour l'ancienneté du
nom d'Alexandrie , joint à celui de la
Ville de Troade ; cela doit aussi nous déterminer à tirer cette dénomination d'Alexandre le Grand , comme Fondateur
ou comme Restaurateur dela Ville dont
il s'agit icy , sans qu'on soit obligé pour
cela de croire et de prouver que Troade
ait été bâtie des ruines de Troye.
,
Nous n'avons en effet aucune autorité pour le prétendre. Une seule Ville du
Pays de Troade a pû se vanter de cette
distinction;c'est Sigée, bâtie certainement
des ruines de Troye , par les habitans de
Metelin , ville de l'Isle de Lesbos. J'aurai dans quelque temps occasion de vous
prouverce fait , en vous faisant part d'un
Monument des plus singuliers de l'Antiquité Grecque , trouvé dans le siecle
passé , au voisinage de Sigée , et publié
II. Vol.
par
JUIN. 17320 1353
par un sçavant Anglois en l'année 1721.
Son Ouvrage ne m'a été apporté d'Angleterre que depuis quelques mois ; ce
que j'ai à vous en dire peut encore jetter
de la clarté sur la matiere que nous traitons icy.
Je vous ai dit , Monsieur , dans ma premiere Lettre, que la Ville de Troade étoit
Colonie Romaine dès le temps d'Auguste. Pour le prouver , je n'ai presque besoin
que du titre d'Auguste qu'elle porte sur
notre Medaille. Les Antiquaires tiennent
communément que les Colonies nommées Julia, dénotent qu'elles ont été fondées par Jules- Cesar ; et Augusta , par
I'Empereur Auguste. Je sçai que Gens difficiles pourroient contester cette regle en
certain cas ; mais enfin , c'est- là un de ces
Principes generalement avoüez , et contre lesquels on n'est presque pas reçu à
disputer. Dans ce cas particulier on auroit encore moins de raison , parce qu'on
voit que la Ville de Troade étoit Colonie
Romaine , non seulement du temps de
Pline , mais même du temps de Strabon
qui a vécu sous Tibere , et même sous
Auguste. Ainsi il est presque démontré
qu'Auguste a été le Fondateur de cette
Colonie.
Il n'est guere moins certain qu'elle fut
II. Vol. E dans
1354 MERCURE DE FRANCE
dans une singuliere recommandation auprès des Empereurs. On y envoyoit les
Soldats veterans , choisis parmi les Légions qui avoient bien servi , pour s'y reposer comme dans un séjour agréable , et
dans un Païs abondant ; c'est ce que désigne particulierement l'Enseigne Militaire , qui paroît sur notre Medaille de
Troade.
par
Quelques- uns de ces Empereurs l'orne:
rent et lui accorderent des Privileges.
Adrien , sur tout , y fit faire (a) des Bains
magnifiques et des Aqueducs, comme on
le lit dans la vie d'Herode le Sophiste
écrite Philostrate. La Ville, en reconnoissance , fit frapper une Medaille où
l'on voit d'un côté la tête de cet Empereur , et sur le revers, le Type de Troade
tel qu'on le voit sur la face de la nôtre ,
avec ces mots : COL. TROAD. Elle étendit
même la reconnoissance de ce bienfait
jusqu'à la personne d'Antonin Pie , fils
adoptif d'Adrien , et jusqu'à Marc- Aurele, en faisant aussi frapper des Medailles
pour ces deux Empereurs.
•
(a ) On voit par un Passage de Pline , livre
XXXI. ch. VI. qu'avant ce temps-là il y avoit à
Troade des Bains d'Eau chaude , que P. Belon
liv. 2. ch. 6. de ses Observ. a confondus avec ceux
de Larissa , dans le même Païs ; quoique bien distinguez dans Pline , qu'il cite.
1
11. Vol A
JUIN. 17320 1355
-
A l'égard des Privileges et des immunitez accordez à Troade , quelques Me
dailles frappées par la même Ville , les
prouvent ; entr'autres celles de SeptimeSevere , et de Julia Domna sa Femme s
au revers de laquelle on voit pour Symbole , un Cheval qui paît en liberté. M. Vaillant remarque , en rapportant ces
deux Medailles , que l'Empereur Claude
avoit rendu la Colonie de Troade exempte de toutes sortes de charges , ajoutant
qu'entre les autres Colonies , fondées par
Auguste, celle- ci avoit été particulierement
avantagée duDroit dont jouissoient lesVilles d'Italic:Juris Italici pronunciata est. Dequoi deux Auteurs ont fait une mention
expresses sçavoir , Caïus ( a ) sur les Loix
Julia et Papia, lib. 6. et Paulus , lib. 2. des Cens. Ce dernier ajoute que Troade étoit
du Proconsulat d'Asie . In Provincia Asia
Dua sunt Juris Italici Troas et Purinus .
M. Vaillant observe à propos , à l'oc
casion d'une Medaille frappée à Troade ,
pour Philippe le Peres que toutes les Colonies n'avoient pas ce beau Droit dont
nous venons de parler , qui distinguoit si
fort une Ville d'une autre; mais je ne sçai
s'il faut s'en tenir à son explication du
MOV.
(a ) Juris Italici sunt , rpwas Bupytos , AuppoH. Vol E ij revers
5 MERCURE DE FRANCE
revers de la même Medaille. On y voit
une Aigle qui tient dans ses Serres , en
volant la Tête d'un Bœuf. Cela , dit-il
dénote l'origine et l'antiquité de cette
Villes car quand il fut question de la
fonder , on sacrifia un Bœuf , dont un
Aigle emporta la tête, ce qui fut pris
pour un ordre du Ciel et servit d'Augure pour déterminer le lieu où elle devoit
être bâtie. Elle le fut à l'endroit même
où l'Aigle transporta cette tête. L'antiquité payenne et fabuleuse a pû debiter
cela au sujet de la fondation de Troade
comme vous sçavez , Monsieur , qu'elle
on a usé à l'égard de Rome , et à l'égard
des plus anciennes Villes ; mais la chose
ne peut guere passer que pour une conjectite , aussi , M. Vaillant ne nous cite làdessus aucune autorité.
Passons- lui donc la conjecture ; mais je
le crois dans ( a) l'erreur, quand dans l'explication de deux Medailles de la Colonie
de Troade, frappées, l'une pour Elagabale,et l'autre pour Volusien, notre Sçavant
:
(a ) M. Vaillant se trompe encore quand an
sujet d'une Medaille de Geta , frappée à Troade ,
qu'il appelle Insignem Urbem Veterum Hefoum. Il cite Dyonisius Afer pour premier Auteur
de cette Expression , cet Ecrivain n'ayant point
parlé deTroale dans son Poëme , Desitu Orbis.
14. Vol.
Me-
JUIN. 1732. 1357
Medecin confond Troade avec Ilium, attribuant à la premiere ce qui certainement
regarde la seconde de ces deux Villes, qui
sont cependant tres- distinctes'; sur quoi
les citations mêmes qu'il allegue sont
contre lui , en particulier celle du Digeste , où il s'agit visiblement des Privi
leges d'Ilium et non pas de Troade. Com
cessum est ut qui Matre Iliensi natus est ,
sit eorum Municeps , lib. 5. tom. 1
dont le
Ce qu'il y a icy de singulier , c'est que
M. Vaillant a reconnu parfaitement lui
même, tom. I. la distinction de ces deuxVilles, en expliquant une Medaille d'Alexandre-Severe , frappée à Troade. Troas
et Ilium , dit- il , dua sunt Urbes , post Tro
jam antiquam dirutam seorsim condite, quod
nummi confirmant , &c. Ce que notre An
tiquaire prouve par l'autorité de Polybe,.
liv. 5. décisif est rappor passage
té, ajoutant , par surcroit de lumiere sur
ce sujet , la distinction que voicy : Troadenses cum Romani sint Coloni , latinè nummos scribunt, Ilienses verò Epigraphem Gracam : IAIEON praferunt. Il pouvoit prouver encore cette distinction par l'Itineraire d'Antonin , par les Tables de Peutinger , et enfin par les Souscriptions des
Evêques des deux Villes , qui ont assisté
aux Conciles , &c.
. II. Vol E iij Re-
1358 MERCURE DE FRANCE
Remarquons , en passant , à cette occasion , une faute toute differente qu'a faite
Casaubon , Traducteur latin de Strabon
à l'égard de notre Alexandrie-Troade dont
il fait deux Villes ; au lieu que, comme je ·
l'ai observé dans ma premiere Lettre , ce
n'en est qu'une, suivant la force du Grec,
Αλεξανδρείαν τω τριαδα , qu'il faut traduire , et Alexandria que est Troas, et non
pas comme ont fait Casaubon et d'autres,
et Alexandria , ac Troas. Pinedo dans son
Commentaire sur Etienne de Byzance ,
a relevé cette méprise au mot Troïas, et
après lui Spanheim et Vaillant.
Mais c'est assez parlé de Troade Payenne, Grecque et Romaine ; disons un mot,
en finissant ma Lettre de Troade Chré
tienne , devenuë telle , selon toute apparence , par le bonheur qu'elle a eu de recevoir si souvent dans son sein l'Apôtre
S. Paul , ainsi qu'il est rapporté dans plus
d'un endroit des Actes des Apôtres. C'est
à Troade que ce grand Apôtre eût la vision du Macedonien , qui le pria de pas
ser dans la Macedoine, et de venir au secours de ses Compatriotes , ch . 16. Grotius dans son Commentaire sur ce chapitre , a pris la Ville de Troade pour la Region de même nom. Nous avons vû qu'il
n'est pas le premier qui s'est trompé là- II. Vel. des-
JUIN. 1732. 7359
dessus ; il commence à s'en appercevoir
au chapitre 20.
On lit dans le même chap. 16. qu'en
conséquence de sa vision,S. Paul s'embarqua àTroade même , d'où étant venu
droit à Samothrace et à Neapolis , il arriva à Philippes : Et inde Philippos, que est
primapartis Macedonia Civitas COLONIA.
Je ne sçai , Monsieur , si ces dernieres
paroles ne peuvent pas donner lieu à une
Remarque. Le Saint Ecrivain n'oublie pas d'observer que la Ville de Philippes, dont
il parle pour la premiere fois , étoit une
Colonie; il ne dit rien de pareil de Troade , nommée plusieurs fois dans son Itineraire , où S. Paul séjourna une fois sept
jours entiers; et où la veille de son départ , il fit le miracle éclatant de ressusciter le jeune Homme tombé d'une fenê
tre,&c. Ch. 20. Peut - être Troade n'étoitelle pas alors honorée de ce Titre , ce qui
détruiroit le sentiment des meilleurs Antiquaires , qui veulent , comme nous l'avons vu plus haut , que le Titre d'Au
gusta , marqué sur les Medailles de cette
Ville , dénote qu'elle a reçu cette qualité
dès le temps d'Auguste.
Quoiqu'il en soit , Troade éclairée des
lumieres de la Foy , par le Docteur des
Nations , ou par ses Disciples , a dû avoir
II. Vol. E iiij des
1360 MERCURE DE FRANCE
des Pasteurs dès les premiers temps du
Christianisme. On reconnoîtroit volop-.
tiers le premier de tous en la personne de
Carpus , chez qui S. Paul logeoit dans cette Ville , et dont il ( a ) parle particulierement dans sa II. Epître à Timoth.ch.2.
Si on pouvoit faire quelque fond sur ce
qu'on lit de Carpus, dans la Lettre à Démophile, la vini de celles qui portent le
nom de S. Denis l'Areopagite ; mais il y a
long - temps que les meilleurs Critiques.
ont reconnu pour supposez tous les Ou
vrages cy - devant attribuez à ce S. Athénien; ce qui n'a pas empêché que l'Auteur
d'une compilation de Vies des Saints , intitulée : Fasti Mariani , et publiée à Anvers en l'année 1633. n'ait fait de ce Disciple de S.Paul un veritable Evêque, dontil marque la Fête au 26 May, en citant:
à la fin Denis l'Areopagite, pour garant de
ce qu'il a trouvé à propos d'en rapporter.
Pour moi , Monsieur , je ne connois
point d'Evêque de Troade avant Marin
qui assista au Concile de Nicée avec Théonas de Cyzique , son Métropolitain, com
me on le voit par les Actes de ce fameux
Concile , recueillis par Gelase, un des suc-
(a ) Penulam quam reliqui Troade apud Carpum veniens affer tecum et libros , maximè autem membranas. verf. 13 .
•
II.Vol.
cesseurs
JUIN. 1732. 1361
cesseurs de Théonas , et rapportez dans
les Editions des Conciles du P. Labbe et
du P. Hardoüin.
J'ai crû pendant quelque temps qu'un
S. Evêque , nommé Silvain , dont parle
Pallade dans la vie de S. Jean Chrysostome , et qui fut envelopé dans la disgrace
du S. Archevêque de Constantinople, avoit
été Evêque de Troade ; mais on ne peut,
ce me semble , recueillir des paroles de
Pallade autre chose, au sujet de ce Prélat ,
si ce n'est qu'il fût réduit à ce point d'in
digence que d'être obligé de gagner sa vie
à pêcher du Poisson à Troade , où il s'étoit vrai semblablement réfugié.Silvanus,
sanctus Episcopus Troade piscatur et piscatu vivit , selon la version de Bigot.
Il est vrai que Socrate, dans le 8 ° Livre
de son Histoire Ecclesiastique , chap. 36.
parle au long d'un Silvain , Evêque de
Troade , qui l'avoit auparavant êté de
Philipolis mais en lisant cet Historien
avec quelque attention , il est aisé de voir
que ce n'est pas le même dont Pallade a
fait mention. Le Silvain de Socrate a été
constamment Evêque de Troade , mais il
l'a été par le choix d'Atticus, second suc
cesseur de S. Jean Chrysostome en l'Archevêché de Constantinople , temps posterieur à la vie de l'autre Sylvain , et cirH. Vol. Ev cons-
1362 MERCURE DE FRANCE
constance décisive , pour ne pas confon dre ces deux Prélats de même nom en
un seul. On pourroit s'y méprendre par ;
la ressemblance des qualitez. Celui de Pallade étoit un S. Evêque , celui de Socrate
étoit aussi un Saint et un Saint à Miracles ,témoin celui que rapporte le même
Historien Socrate , d'un gros Vaisseau
construit sur le rivage de la Mer , auprès
de Troade , et destiné à transporter des
Colomnes d'un poids immense, lequel ,
quand il fut question de le mettre en
Mer , on ne pouvoit en aucune façon.
faire remuer , et qui ne fut ébranlé , tiré
et mis à flot , qu'après que le S. Evêque ,
cedant aux instances des habitans , qui
croyoient que c'étoit un prestige , se fut
transporté sur le lieu, et eut fait des prieres , dont on vit bien-tôt l'efficacité.
C'est ce même Silvain , S. Evêque de
Troade, qui , au rapport de Métaphraste,
vit en songe Corneille le Centenier Evêque de Césarée et de ( a ) Scepsis , lequel
lui apprit l'endroit où reposoit son corps,
lui marquant tout ce qu'il devoit faire
pour sa translation , pour la construction
d'un Temple , &c. On peut voir dans
(a) Scepsis, Ville de la petite Mysie , selon Strabon , ou de la Troade , selon Etienne de By- zance.
II. Vol. l'Au-
JUI N. 1732. 1363
P'Auteur Grec les suites de ' cette vision , et
de l'obéissance de l'Evêque de Troade, les
Miracles operez à cette occasion , la conversion d'un grand nombre de Payens , à
laquelle ils donnerent lieu , &c.
Les illustres Compilateurs des Actes
des Saints , publiez à Anvers , ont observé au 2 Février , jour destiné au culte du
S. Centenier Corneille , dans leurs Notes.
sur le texte de Métaphrate , que le temps
de cet Evenement peut être à peu près fixé
par celui auquel Atticus , Archevêque de
Constantinople, qui avoit fait notre S.Silvain , Evêque de Troade , cessa de vivre :
or sa mort arriva, disent-ils , le 10 d'Octobre de l'année 425. sous le Consulat de
Théodose le Jeune et de Valentinien. Ils.
s'engagent dans les mêmes Notes à donner la vie du S. Evêque Silvain de Troade au 1 jour de Decembre , temps auquel
le Martyrologe Romain fait mémoire de
lui.
Enfin surce que Métaphraste ajoute qu'après le decès de notre Silvain , Athanase
fut nommé son successeur ; les mêmes
Historiens des Saints pensent que ce Prélat pourroit être le même qui souscrivit
à la VI Session du Concile d'Ephese , en
qualité d'Evêque de Scepse, depuis transferé au Siége de Troade, mais quelque soit
EL. Volar E VI CEL
1364 MERCURE DE FRANCE
cet Athanase , continuent- ils , il est cer
tainement mort avant la célébration du
Concile de Calcedoine , puisque les Actes
de ce Concile se trouvent souscrits par
Pionius , alors Evêque de la même Ville
de Troade.
Mais laissons à un sçavant (a) Ecrivain ,
qui fait imprimer auLouvre une Histoire entiere de l'Eglise Orientale , &c. à
laquelle il travaille depuis plusieurs années , avec une application infatigable ;
laissons- lui , dis- je , le soin de nous donner sur le Christianisme.de Troade , et sur
ses Evêques, une plus ample instruction.
je me contente d'ajoûter au peu que je
viens de dire,que dans la distribution des
Provinces Ecclesiastiques , l'Evêque de
Troade devint Suffragant du Metropoli
tain de Cyzique , dequoi on a déja rapporté une preuve; il y a tout lieu de croi
( a ) Le R. P. Michel le Quien, Dominiquain .
voyez le Projet de son Ouvrage dans le Mercure
de Mars 1731.Nous avons du même Auteur , une belle Edition des Oeuvres de S.Jean de Damas , et
dans la Préface de cette Edition , une Dissertation
dans laquelle il est démontré que les Ecrits , attriuez à S. Denys l'Areopagite , dont il est parlé cilessus , sont des Ecrits supposez, &c. fabriquez par
an Monophysite , ou Disciple de Severe d'Antiothe , ou par ce Patriarche lui-même, pour appuier ses erreurs.
II. Vol. re
JUIN. 1732. 1363
re , malgré la désolation de cette ancienne Ville , qui n'est presque aujourd'hui
qu'un amas de ruines, que son Siege Episcopal subsiste toujours , avee la même
dépendance.
L'Auteur (a ) Italien d'une Histoire
moderne des Patriarchats d'Antioche et
de Jerusalem , et d'un Abregé de celle
des Patriarchats d'Alexandrie et de Cons
tantinople , qui avoit fait lui-même le
voyage d'Orient , le témoigne ainsi , en
donnant sur la fin de son Ouvrage une
Notice tres- étendue du Patriarchat de
Constantinople. On y voir , en effet , les
Eglises de Cyzique et de Troade , parmi
celles qui composent dans ce Patriarchat
la seconde Province de l'Hellespont , divisée en 17 Diocèses ; on y trouve aussi
que Troade est aujourd'hui connue sous
le nom de Carasia , et que Cyzique n'a
point changé de nom. Baudran, dans son
Dictionaire Géographique et Historique ,
assure que. les ruines de Troade , encore
(a) SIRIA SACRA , Descrittione Istorico , Geo---
grafica , Cronologico- Topografica delle due Chiese ,
Patriarcali Antiochia , e Gerusalemme , &c. Com.
due Trattati nel fine della Patriarcali d'Alessandria , e Constantinopoli , &c. Opera dell'Abb . Biagio Terzi di Lauria , &c. 1. vol. fol. in Roma
16.95. pag. 448. avec des Cartes Géografiques.
L. Vol. visitées
1366 MERCURE DE FRANCE
visitées , dit- il , par les Curieux , portent
le nom d'Eski- Stamboul. Il les place sur
les côtes de la Natolie, à 13 lieuës des Dar
danelles , et vers l'Isle de Tenedos.
Dans la Turquie Chrétienne , &c. Ou--
vrage imprimé à Paris en 1695. 1. vol. 12.
chez Herissant.
On voit aussi un Etat des Eglises soumises au Patriarchat de Constantinople; l'Auteur n'y fait aucune mention de Troade ;
il n'a pas même nommé Cyzique parmi
les Métropoles de ce Patriarchat , ce qui
démontre le peu de recherches qu'il a faites. Il a aussi manqué d'exactitude sur
d'autres sujets qui entrent dans son Quvrage.
Au reste , Monsieur , vous sçavez que
ce beau Païs , autrefois rempli de grandes
et fameuses Villes , ne présente presqueplus aujourd'hui que des ruines. Vous
m'avez appris qu'un assez petit Bourg ,
nommé en grec vulgaire Troaki , ou petite Troye, est tout ce qui reste , pour rappeller la mémoire et la situation de la celebre Troye;et j'apprens de l'Auteur de la
Bibliotheque Orientale , que Cari- Ili , est
le nom que les Turcs donnent au Païs
dont je parle , comprenant sous ce même
nom , la Lydie , la Troade, avec une partie de la Mysie et de la Phrygie des Anciens.
II. Vol Voilà
JUIN. 1732. 1367
Voilà tout ce que j'avois à vous dire au
sujet et à l'occasion de votre curieuse
Médaille de Troade. Je vous parlerai sans
faute dans ma premiere Lettre , de la pe
tite Médaille des Dardaniens , qui ne nous.
occupera pas si long- temps. Je suis , Monsieur , &c.
AParis , le Mars 17 31.
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE de M. de L. R. à M. Boyer, Docteur Médecine, de la Faculté de Montpellier, Docteur Regent de celle de Paris, sur une Médaille Latine de la Ville de Troade; et sur une Médaille Grecque des Dardaniens.
Dans sa seconde lettre à M. Boyer, M. de L. R. exprime son regret d'avoir dû corriger une erreur répandue selon laquelle la ville de Troade serait la seconde Troie, bâtie par Alexandre sur les ruines de la première. Il souligne son attachement à la vérité et son refus d'adopter des faits brillants au détriment de l'exactitude historique. Il mentionne que M. Vaillant et le Père Hardouin ont tous deux commis des erreurs concernant les médailles de Troade, notamment en ce qui concerne l'origine du nom 'Alexandrine'. Étienne de Byzance et Pline sont cités pour clarifier que plusieurs villes portaient le nom d'Alexandrie, dont Troade, mais sans lien direct avec Alexandre le Grand. M. Vaillant propose que le nom 'Alexandrine' pourrait avoir été adopté pour flatter des empereurs se revendiquant de l'héritage d'Alexandre. La lettre discute également de l'ancienneté du nom 'Alexandrie' associé à Troade, mentionné par Tite-Live et d'autres historiens. Enfin, M. de L. R. confirme que Troade était une colonie romaine dès le temps d'Auguste et qu'elle bénéficiait de privilèges impériaux, notamment sous Adrien. Le texte traite des privilèges et immunités accordés à Troade, une ville antique, et des preuves de ces privilèges à travers des médailles frappées par la ville. Parmi ces médailles, celles de Septime Sévère et de Julia Domna montrent un cheval en liberté, symbole de la liberté accordée à Troade. L'empereur Claude avait rendu la colonie de Troade exemptée de charges et lui avait accordé le droit de juris italici, un privilège particulier parmi les colonies fondées par Auguste. Ce droit est mentionné par les auteurs Caïus et Paulus. Le texte mentionne également une médaille frappée pour Philippe le Père, soulignant que toutes les colonies n'avaient pas ce droit distinctif. Une autre médaille, frappée pour Elagabal et Volusien, est discutée, ainsi qu'une erreur de M. Vaillant concernant une médaille de Geta, où il confond Troade avec Ilium. L'antiquité de Troade est illustrée par une légende impliquant un aigle et une tête de bœuf, bien que cette histoire soit considérée comme une conjecture. Le texte corrige également des erreurs historiques, comme celle de Casaubon qui confond Alexandrie-Troade en deux villes. Enfin, le texte aborde Troade chrétienne, soulignant l'importance de la ville pour l'apôtre Paul, qui y eut une vision et y ressuscita un jeune homme. La ville eut plusieurs évêques, dont Carpus, mentionné par Paul, et Silvain, connu pour ses miracles. Le siège épiscopal de Troade subsiste toujours, dépendant du métropolite de Cyzique. Le texte traite de la fin d'un ouvrage qui inclut une notice étendue sur le Patriarchat de Constantinople. Il mentionne les Églises de Cyzique et de Troade, situées dans la seconde Province de l'Hellespont, divisée en 17 diocèses. Troade est aujourd'hui connue sous le nom de Carasia, tandis que Cyzique a conservé son nom. Baudran, dans son Dictionnaire Géographique et Historique, indique que les ruines de Troade, encore visitées, portent le nom d'Eski-Stamboul et se trouvent sur les côtes de l'Anatolie, à 13 lieues des Dardanelles, près de l'île de Tenedos. L'ouvrage 'Turquie Chrétienne' mentionne un état des Églises soumises au Patriarchat de Constantinople, mais ne fait aucune référence à Troade et ne nomme pas Cyzique parmi les métropoles, ce qui montre un manque de recherches. La région, autrefois remplie de grandes villes, ne présente plus aujourd'hui que des ruines. Un petit bourg nommé Troaki ou petite Troye rappelle la mémoire de la célèbre Troie. Les Turcs désignent cette région sous le nom de Cari-Ili, incluant la Lydie, la Troade, ainsi qu'une partie de la Mysie et de la Phrygie des Anciens.
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315
p. 1369-1370
AUTRE LOGOGRIPHE.
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Mon nom sous six Lettres compris, [...]
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Clovis
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UTRE LOGOGRIPHE
Monnom sous six Lettres compris,
Se peut diversement combiner et construire ;
On y trouve mieux qu'en LOUISA
(Soit dit , sans prétendre détruireCe qu'un Auteur disoit jadis , )
L'Instrument dont la Mécanique
Se sert bien pour les presser corps.
4. 3. 2. humain , qui me mets. en pratique
Si l'on te prend tremble pour lors ,
Voici ce queje pronostique ;
Tu mourras sur la rouë , ou seras étranglé ;
2. 3. 5. ainsi l'a réglé ;
2
II. Vol. Dans
1370 MERCURE DE FRANCE
Dans 1. 2. 3. et 6. contre ma violence
Le fruit n'est pas toûjours en assurauce.
De 2. 5. 6. un Ecusson orné ,
N'annonce pas une valeur commune.
Alorgner l'1. 3. 2. d'une piquante Brune ,
Mon plaisir n'est jamais borné..
3. 6. nourrit un animal fidele.
Le Monde au vrai Chrétien paroît 4. 5.
deux.
3. 1. adieux à l'homme de Ruelle ,
Occupa très-souvent un Romain belliqueux.
6. 3. 2.6.ct 5. sont connus en Musique ,
Et bien ailleurs en sens très - different.
5. 2. ou 6. 3. §. à Thersite s'applique ,
Comme il se dit d'Achille et du Dieu son parent.
4
P. D. F.
Monnom sous six Lettres compris,
Se peut diversement combiner et construire ;
On y trouve mieux qu'en LOUISA
(Soit dit , sans prétendre détruireCe qu'un Auteur disoit jadis , )
L'Instrument dont la Mécanique
Se sert bien pour les presser corps.
4. 3. 2. humain , qui me mets. en pratique
Si l'on te prend tremble pour lors ,
Voici ce queje pronostique ;
Tu mourras sur la rouë , ou seras étranglé ;
2. 3. 5. ainsi l'a réglé ;
2
II. Vol. Dans
1370 MERCURE DE FRANCE
Dans 1. 2. 3. et 6. contre ma violence
Le fruit n'est pas toûjours en assurauce.
De 2. 5. 6. un Ecusson orné ,
N'annonce pas une valeur commune.
Alorgner l'1. 3. 2. d'une piquante Brune ,
Mon plaisir n'est jamais borné..
3. 6. nourrit un animal fidele.
Le Monde au vrai Chrétien paroît 4. 5.
deux.
3. 1. adieux à l'homme de Ruelle ,
Occupa très-souvent un Romain belliqueux.
6. 3. 2.6.ct 5. sont connus en Musique ,
Et bien ailleurs en sens très - different.
5. 2. ou 6. 3. §. à Thersite s'applique ,
Comme il se dit d'Achille et du Dieu son parent.
4
P. D. F.
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316
p. 1501-1510
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. U. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques, &c.
Début :
Je n'ai pû, Monsieur, vous satisfaire plutôt sur les [...]
Mots clefs :
Marquis de Rosny, Duc de Sully, Diocèse, Maximilien de Bethune, Charge, Voyage, Pension
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. U. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques, &c.
LETTRE de M. D. L. R. écrite
à M. A. C. D. V. au sujet du Marquis
de Rosny , depuis Duc de Sully , &c.
contenant quelques Remarques Histori
ques , &c.
E n'ai pû , Monsieur , vous satisfaire
Jplutôt sur les éclaircissemensque vous
me demandez par votre derniere Lettre ;
la matiere ma paru mériter attention , et
ce n'est qu'après avoir fait les recherches
convenables , que je me vois enfin en
état de répondre un peu pertinemment
aux questions que vous me faites.
Vous voulez d'abord sçavoir s'il est
vrai que Maximilien de Bethune , Marquis de Rosny, puis I. Duc de Sully , et
Principal Ministre sous le Regne de Henry le Grand , ait possedé l'Abbaye de
S.Taurin d'Evreux,par nomination Royale , ainsi qu'un homme de Lettres , fort
versé dans l'Histoire de votre Diocèse ,
vous l'a assuré. Vous ajoûtez qu'il n'a
pas
502 MERCURE DE FRANCE
pas pû vous en fournir la preuve , et qu'il
ne se trouve aucun vestige de ce fait sin
gulier , même dans les Archives de l'AbBaye en question. La singularité consiste
en ce que le Marquis de Rosny a été de
la Religion P. R.
Je répons , Monsieur , que ce fait a
toujours passé chez moi pour très- certain,
et qu'il se trouve ainsi écrit dans mes
Memoires , recueillis depuis bien des années ; mais comme il faut des preuves et
des preuves solides à quiconque veut ,
comme vous , écrire une Histoire digne
de la Posterité , je me suis mis en devoir
de vous fournir celle dont il s'agit ici.
C'est d'abord inutilement que je l'ai cherchée dans l'Histoire de la Maison de Be
thune , publiée par André du Chesne en
1639. dans laquelle il y a un très- long
Chapitre et un détail curieux de la vie du
Marquis de Rosny , qui vivoit encore en
ce temps- là ; même silence dans le Gallia Christiana de M" de Sainte Marthe
Article de l'Abbaye de S.. Taurin , où
un semblable fait auroit dû , sans doute,
n'être pas omis, et encore dans l'Histoire
Genealogique du P. Anselme..
Je ne me suis pas rebuté pour cela , et
j'ai bien fait car j'ai enfin trouvé ce que:
i cherchois en ouvrant , presque à l'aventure,,
JUILLET. 1732 1503
venture , le premier volume des Memoires de Sully , et cela dans un endroit où
l'ordre des temps et la matiere sembloient
ne pas permettre de l'y trouver. C'est
dans le Chapitre XLIX. intitulé Affaires
d'Etat , avec beaucoup de raison ; car on
y voit la Ville de Roüen réduite à l'obéissance du Roy , et toute la Normandie rendue enfin paisible par les soins du
Marquis de Rosny.
Après un succès si heureux , ce Seigneur partit de Roüen au mois de Mars
1594. pour se rendre auprès du Roy son
Maître , dont la Cour étoit à Paris , et il
vint coucher à Louviers , petite Ville sur
la Riviere d'Eure. Là il lui arriva une:
aventure des plus plaisantes , et qui semble être faite pour servir d'Episode propre à égayer le grand sérieux de cet endroit des Memoires. Je vais vous le narrer. Elle contient le dénoument de votre
premiere Question.
Boisrosé,Gentilhomme Normand, Gou
verneur de Fécamp , arriva fort tard dans
la même Hôtellerie pour y loger , il alloit à Paris pour faire ses remontrances
ausujet de son petit Gouvernement , qu'il
lui falloit abandonner , en execution du
Traité négocié par M. de Rosny ; on lui
dit qu'il y avoit dans cette Maison un
grandi
1504 MERCURE DE FRANCE
grand Train logé d'un Seigneur qui s'en
alloit à la Cour , lequel étoit fort en faveur auprès du Roy, sans en dire le nom;
et sans que Boisrosé , qui croyoit le Marquis de Rosny encore à Rouen , s'avisat
de le demander. Là- dessus il monte à la
chambre de M. de Rosny , qu'il n'avoit
jamais vû , lui fait la réverence , et lui
entame un discours plaintif sur l'injustice criante qu'on lui faisoit , le suppliant
de vouloir bien l'aider de son crédit auprès de S. M. A quoi le bon Seigneur ,
sans le connoître et sans lui demander
son nom , ayant répondu obligeamment,
Boisrosé enhardi , répliqua en ces termes.
» Monsieur , les principales de mes
>> plaintes sont contre un Seigneur qu'on
» nommeM. de Rosny, qu'au diable soit-
» il donné , tant il me fait de mal ; sans
»jamais l'avoir en rien offensé , auquel le
Roy ayant donné pouvoir de traiter
»pour la réduction en son obéïssance de
» toutes les Villes qui sont de la Ligue en
» Normandie , sous ombre qu'il est des
>> anciens amis de M. l'Amiral de Villars,
»il semble qu'il n'aye songé qu'à le con-
»tenter au préjudice de qui que ce puisse
Ȑtre , sans se soucier de plusieurs bons
»Serviteurs du Roy , au nombre desquels
»je suis, et m'appelle Boisrosé , Gouverneur
JUILLET. 1732 1509
neur de Fécamp ; voire n'a pas craint
»de s'adresser à M"de Montpensier * et
» de Biron , tant il abuse de son pouvoir
»et de la faveur qu'il croit avoir auprès
de son Maître ; mais pardieu il en pour
>> roit tant faire , mettant tant de gens au
» desespoir, qu'il se repentiroit , et quel-
>> qu'un aussi étourdi qu'il sçauroit être,
»lui en joüeroit d'une, si l'on ne craignoit
»d'offenser le Roy.
Vous jugez bien , Monsieur , que
le Marquis de Rosny pensa perdre sa gravité ordinaire , aussi ne répondit- il qu'en
riant ce que vous allez entendre.
»
>> Monsieur, je n'estime pas que ce M.de
» Rosny , dont vous me parlez , ait rien
fait que suivant le commandement de
>> son Maître ; car il a toûjours affectionné les bons François , et ne doute point
même que le Roy, à sa sollicitation ,
» n'ait pensé à vous donner si bonne ré-
>compense , que vous aurez sujet de con-
»tentement ; car vous jugez bien qu'il
»n'eût pas été raisonnable de manquer 3
conclure un Traité de si grande impor
>>
François de Bourbon , Duc de Montpensier;
Gouverneur de Normandie , &c. Charles de Gonsault , Duc de Biron , Pair et Maréchal de France,
qui avoit beaucoup contribué à réduire cette Pro- wince,
> tance
1505 MERCURE DE FRANCE
·
tance , que celui qu'a manié M. de Ros-
»ny, pour interêts de quelques Particu-
»liers , aussi ai -je appris qu'il a voulu
»commencer par lui-même et donner
»exemple aux autres en quittant l'Abbaye
»de S. Taurin d'Evreux , que le feu Roy
» lui avoit donnée , et m'assure qu'il ne
Vous aura point porté de préjudice sans penser à vous en récompen-
»ser ; de quoi je vous oserai quasi repondre , dautant que je le connois ;
»voire est tellement de mes amis , que je
»lui ferai faire en votre faveur tout ce
>> qui sera raisonnable ; et lorsque nous
»serons à la Cour , venez m'en parler , et
»je vous ferai paroître que je suis votre
»ami , et que je prise votre courage.
"
"
Notre homme , après avoir fait ses remercimens se retira fort satisfait de
l'heureuse rencontre. Il ne lui restoit plus
que de sçavoir le nom d'un Seigneur si
genereux pour recourir à lui en tems et
lieu ; il le demanda dès qu'il fut descendu
au premier qu'il rencontra ; c'étoit justement un des Pages de M. de Rosny,
qui parla selon la verité. Boisrosé en fut
si troublé et prit là - dessus une telle allarme , qu'il remonta soudain à cheval ,
s'en alla loger à une autre Hôtellerie et
partit dès la pointe du jour pour aller à
la
JUILLET 1732. 1507
la Cour faire lui - même ses plaintes au
Roy, &c.
Mais laissons- là le pauvre Boisrosé , et
tirons parti de son aventure. Il étoit nécessaire de vous la raconter , puisqu'elle
contient la preuve d'une verité que nous
cherchons à constater. C'est le Marquis
de Rosny lui- même qui la déclare , et qui
la donne pour preuve de son attachement au Bien Public , de son désinteressement, et și vous voulez aussi pour motif de consolation à un homme qui étoit
dans des sentimens fort opposez.
Voilà donc Maximilien de Bethune
Abbé de S. Taurin d'Evreux , par la nomination du Roi Henry III. On ne peut
guéres que conjecturer le tems auquel il
en fut pourvû , et celui de sa démission ,
en conciliant différentes dates ; mais où
cette recherche nous meneroit- elle ? J'aime mieux vous apprendre ce que tout
habitant que vous êtes du Diocèse d'Evreux , et voisin de la Ville , vous n'avez
pû sçavoir , dites-vous , des Religieux
mêmes , je veux , dis-je , vous confirmer
le fait dont il s'agit ici , par , par les propres
Regitres de S. Taurin. Voici le petit Extrait qu'un sçavant Religieux du même
Ordre et d'une autre Abbaye , beaucoup
plus expert que ceux d'Evreux , vient
de
1508 MERCURE DE FRANCE
de m'envoyer, tiré , dit- il, des Registres
Journaux de cette Maison.
>> Maximilien de Bethune , Marquis de
»Rosny , et depuis Duc de Sully , a été
» Abbé de S. Taurin la donation de par
» Henry III. Il eut pour Successeur
» Guillaume de Pericard , Doyen de l'E-
» glise de Rouen , qui permuta ensuite
» cette Abbaye pour l'Evêché d'E-
» vreux , avec le Cardinal du Perron en
1604.
*
Vous ne me demanderez plus rien sans
doute là- dessus , après ce surcroît de preuve , et vous pourrez par- là rétablir la verité de l'Histoire , quand il en sera tems.
Vous rétablirez aussi ce qui n'est pas
éxact dans Mrs de Sainte Marthe , et dans
l'Histoire d'Evreux de M. le Brasseur , à
l'égard de quelques autres Abbez de Saint
Taurin , qui ont précedé le Marquis de
* Leterme de permuter n'est pas convenable
et paroit unpeu aventuré dans les Registres. Il ess toujours certain que Guillaume de Pericard n'auroit
jamais été Evêque d'Evreux sans la faveur de
M. de Rosny , qui avoit fait donner cet Evêché à
M. du Perron, comme il est marqué dans le 1 . vol.
de ses Mémoires , chap. 39. et qui sans doute avoit
eu part à ce qui se passa ensuite entre ces deux
Prélats , par rapport au changement en question. Il
fallut , sans doute , de nouvelles Provisions pour M. duPerron, devenu Abbé de S. Taurin.
¡Rosny
།
JUILLET . 1732. 1509
Rosny, ou qui lui ont succedé dans cette
Dignité.
Je m'apperçois, au reste,que ma réponse
à vos autres questions ne sçauroit entrer
dans cette Lettre , déja assez allongée.
Mais je ne veux pas la finir sans prévenir
la demande que vous êtes en droit de me
faire sur la suite de l'aventure de Boisrosé, et sur le succès de son Voyage à la
Cour. Le trouble , comme je l'ai dit , lui
donna des aîles ; il arriva un jour plutôt
que M. de Rosny, qui s'arrêta à Rosny
et à Mante , où il coucha. Ainsi ce petit
Gouverneur , petit génie , et on peut dire
encore,tant soit peu malhonnête homme
croyant le premier Miniftre très offense
de ses discours , et le considérant dès- lors
comme son plus cruel ennemi , eût tout
le tems de parler au Roi , et de déclamer
tant qu'il voulut contre lui , en donnant
-un tourNormand à la rencontre de Louviers. Mais qu'en arriva-t-il ? le voici.
Le Marquis de Rosny arrivé à la Cour
eûtd'abord un long entretien avec le Roi
sur sa Négociation de Normandie , » sans
oublier , disent les * Auteurs des Mé
Le Marquis de Rosny n'a pas écrit lui-même ses Mémoires. C'est l'ouvrage de quatre de ses Secretaires , lesquels dans la Narration addressent la
parole à leur Maître.
C » moires ,
1510 MERCURE
DE FRANCE
» moires , quasi une seule particularité ,
» car le Roi les voulut toutes sçavoir
» dont il y eut bien à rire lorsque vous
» lui contâtes ce qui s'étoit passé entre
» vous et le sieur de Boisrosé ; surquoi
» S. M. vous dit qu'il lui étoit venu faire
» de grandes plaintes de vous , et le prier
» de le vouloir pourvoir sans le renvoyer
» à vous , dautant qu'il sçavoit bien que
» vous étiez son ennemi , à cause de quel-
» ques propos qu'il vous avoit tenus sans
»vous connoître , et partant le Roi vous
» pria de l'envoyer querir , &c.
Ce que M. de Rosny éxecuta dès le
lendemain. Il promit à Boisrosé , & lui
assûra deux mille écus de récompense ,
une pension de 1200. liv. et une Place de
Capitaine en pied. Bien plus , ce génereux
Ministre le retint depuis à sa suite , et le
fit enfin son Lieutenant en l'Artillerie au
Département de Normandie , dès que
Roi lui eût donné la Charge de GrandMaître. Voilà quelle fût la fin et le succès de l'aventure de Louviers. Je vous
promets incessamment la réponse à vos
autres Questions , et je suis , Monsieur
Bic.
AParis , le 29 Février 1732
à M. A. C. D. V. au sujet du Marquis
de Rosny , depuis Duc de Sully , &c.
contenant quelques Remarques Histori
ques , &c.
E n'ai pû , Monsieur , vous satisfaire
Jplutôt sur les éclaircissemensque vous
me demandez par votre derniere Lettre ;
la matiere ma paru mériter attention , et
ce n'est qu'après avoir fait les recherches
convenables , que je me vois enfin en
état de répondre un peu pertinemment
aux questions que vous me faites.
Vous voulez d'abord sçavoir s'il est
vrai que Maximilien de Bethune , Marquis de Rosny, puis I. Duc de Sully , et
Principal Ministre sous le Regne de Henry le Grand , ait possedé l'Abbaye de
S.Taurin d'Evreux,par nomination Royale , ainsi qu'un homme de Lettres , fort
versé dans l'Histoire de votre Diocèse ,
vous l'a assuré. Vous ajoûtez qu'il n'a
pas
502 MERCURE DE FRANCE
pas pû vous en fournir la preuve , et qu'il
ne se trouve aucun vestige de ce fait sin
gulier , même dans les Archives de l'AbBaye en question. La singularité consiste
en ce que le Marquis de Rosny a été de
la Religion P. R.
Je répons , Monsieur , que ce fait a
toujours passé chez moi pour très- certain,
et qu'il se trouve ainsi écrit dans mes
Memoires , recueillis depuis bien des années ; mais comme il faut des preuves et
des preuves solides à quiconque veut ,
comme vous , écrire une Histoire digne
de la Posterité , je me suis mis en devoir
de vous fournir celle dont il s'agit ici.
C'est d'abord inutilement que je l'ai cherchée dans l'Histoire de la Maison de Be
thune , publiée par André du Chesne en
1639. dans laquelle il y a un très- long
Chapitre et un détail curieux de la vie du
Marquis de Rosny , qui vivoit encore en
ce temps- là ; même silence dans le Gallia Christiana de M" de Sainte Marthe
Article de l'Abbaye de S.. Taurin , où
un semblable fait auroit dû , sans doute,
n'être pas omis, et encore dans l'Histoire
Genealogique du P. Anselme..
Je ne me suis pas rebuté pour cela , et
j'ai bien fait car j'ai enfin trouvé ce que:
i cherchois en ouvrant , presque à l'aventure,,
JUILLET. 1732 1503
venture , le premier volume des Memoires de Sully , et cela dans un endroit où
l'ordre des temps et la matiere sembloient
ne pas permettre de l'y trouver. C'est
dans le Chapitre XLIX. intitulé Affaires
d'Etat , avec beaucoup de raison ; car on
y voit la Ville de Roüen réduite à l'obéissance du Roy , et toute la Normandie rendue enfin paisible par les soins du
Marquis de Rosny.
Après un succès si heureux , ce Seigneur partit de Roüen au mois de Mars
1594. pour se rendre auprès du Roy son
Maître , dont la Cour étoit à Paris , et il
vint coucher à Louviers , petite Ville sur
la Riviere d'Eure. Là il lui arriva une:
aventure des plus plaisantes , et qui semble être faite pour servir d'Episode propre à égayer le grand sérieux de cet endroit des Memoires. Je vais vous le narrer. Elle contient le dénoument de votre
premiere Question.
Boisrosé,Gentilhomme Normand, Gou
verneur de Fécamp , arriva fort tard dans
la même Hôtellerie pour y loger , il alloit à Paris pour faire ses remontrances
ausujet de son petit Gouvernement , qu'il
lui falloit abandonner , en execution du
Traité négocié par M. de Rosny ; on lui
dit qu'il y avoit dans cette Maison un
grandi
1504 MERCURE DE FRANCE
grand Train logé d'un Seigneur qui s'en
alloit à la Cour , lequel étoit fort en faveur auprès du Roy, sans en dire le nom;
et sans que Boisrosé , qui croyoit le Marquis de Rosny encore à Rouen , s'avisat
de le demander. Là- dessus il monte à la
chambre de M. de Rosny , qu'il n'avoit
jamais vû , lui fait la réverence , et lui
entame un discours plaintif sur l'injustice criante qu'on lui faisoit , le suppliant
de vouloir bien l'aider de son crédit auprès de S. M. A quoi le bon Seigneur ,
sans le connoître et sans lui demander
son nom , ayant répondu obligeamment,
Boisrosé enhardi , répliqua en ces termes.
» Monsieur , les principales de mes
>> plaintes sont contre un Seigneur qu'on
» nommeM. de Rosny, qu'au diable soit-
» il donné , tant il me fait de mal ; sans
»jamais l'avoir en rien offensé , auquel le
Roy ayant donné pouvoir de traiter
»pour la réduction en son obéïssance de
» toutes les Villes qui sont de la Ligue en
» Normandie , sous ombre qu'il est des
>> anciens amis de M. l'Amiral de Villars,
»il semble qu'il n'aye songé qu'à le con-
»tenter au préjudice de qui que ce puisse
Ȑtre , sans se soucier de plusieurs bons
»Serviteurs du Roy , au nombre desquels
»je suis, et m'appelle Boisrosé , Gouverneur
JUILLET. 1732 1509
neur de Fécamp ; voire n'a pas craint
»de s'adresser à M"de Montpensier * et
» de Biron , tant il abuse de son pouvoir
»et de la faveur qu'il croit avoir auprès
de son Maître ; mais pardieu il en pour
>> roit tant faire , mettant tant de gens au
» desespoir, qu'il se repentiroit , et quel-
>> qu'un aussi étourdi qu'il sçauroit être,
»lui en joüeroit d'une, si l'on ne craignoit
»d'offenser le Roy.
Vous jugez bien , Monsieur , que
le Marquis de Rosny pensa perdre sa gravité ordinaire , aussi ne répondit- il qu'en
riant ce que vous allez entendre.
»
>> Monsieur, je n'estime pas que ce M.de
» Rosny , dont vous me parlez , ait rien
fait que suivant le commandement de
>> son Maître ; car il a toûjours affectionné les bons François , et ne doute point
même que le Roy, à sa sollicitation ,
» n'ait pensé à vous donner si bonne ré-
>compense , que vous aurez sujet de con-
»tentement ; car vous jugez bien qu'il
»n'eût pas été raisonnable de manquer 3
conclure un Traité de si grande impor
>>
François de Bourbon , Duc de Montpensier;
Gouverneur de Normandie , &c. Charles de Gonsault , Duc de Biron , Pair et Maréchal de France,
qui avoit beaucoup contribué à réduire cette Pro- wince,
> tance
1505 MERCURE DE FRANCE
·
tance , que celui qu'a manié M. de Ros-
»ny, pour interêts de quelques Particu-
»liers , aussi ai -je appris qu'il a voulu
»commencer par lui-même et donner
»exemple aux autres en quittant l'Abbaye
»de S. Taurin d'Evreux , que le feu Roy
» lui avoit donnée , et m'assure qu'il ne
Vous aura point porté de préjudice sans penser à vous en récompen-
»ser ; de quoi je vous oserai quasi repondre , dautant que je le connois ;
»voire est tellement de mes amis , que je
»lui ferai faire en votre faveur tout ce
>> qui sera raisonnable ; et lorsque nous
»serons à la Cour , venez m'en parler , et
»je vous ferai paroître que je suis votre
»ami , et que je prise votre courage.
"
"
Notre homme , après avoir fait ses remercimens se retira fort satisfait de
l'heureuse rencontre. Il ne lui restoit plus
que de sçavoir le nom d'un Seigneur si
genereux pour recourir à lui en tems et
lieu ; il le demanda dès qu'il fut descendu
au premier qu'il rencontra ; c'étoit justement un des Pages de M. de Rosny,
qui parla selon la verité. Boisrosé en fut
si troublé et prit là - dessus une telle allarme , qu'il remonta soudain à cheval ,
s'en alla loger à une autre Hôtellerie et
partit dès la pointe du jour pour aller à
la
JUILLET 1732. 1507
la Cour faire lui - même ses plaintes au
Roy, &c.
Mais laissons- là le pauvre Boisrosé , et
tirons parti de son aventure. Il étoit nécessaire de vous la raconter , puisqu'elle
contient la preuve d'une verité que nous
cherchons à constater. C'est le Marquis
de Rosny lui- même qui la déclare , et qui
la donne pour preuve de son attachement au Bien Public , de son désinteressement, et și vous voulez aussi pour motif de consolation à un homme qui étoit
dans des sentimens fort opposez.
Voilà donc Maximilien de Bethune
Abbé de S. Taurin d'Evreux , par la nomination du Roi Henry III. On ne peut
guéres que conjecturer le tems auquel il
en fut pourvû , et celui de sa démission ,
en conciliant différentes dates ; mais où
cette recherche nous meneroit- elle ? J'aime mieux vous apprendre ce que tout
habitant que vous êtes du Diocèse d'Evreux , et voisin de la Ville , vous n'avez
pû sçavoir , dites-vous , des Religieux
mêmes , je veux , dis-je , vous confirmer
le fait dont il s'agit ici , par , par les propres
Regitres de S. Taurin. Voici le petit Extrait qu'un sçavant Religieux du même
Ordre et d'une autre Abbaye , beaucoup
plus expert que ceux d'Evreux , vient
de
1508 MERCURE DE FRANCE
de m'envoyer, tiré , dit- il, des Registres
Journaux de cette Maison.
>> Maximilien de Bethune , Marquis de
»Rosny , et depuis Duc de Sully , a été
» Abbé de S. Taurin la donation de par
» Henry III. Il eut pour Successeur
» Guillaume de Pericard , Doyen de l'E-
» glise de Rouen , qui permuta ensuite
» cette Abbaye pour l'Evêché d'E-
» vreux , avec le Cardinal du Perron en
1604.
*
Vous ne me demanderez plus rien sans
doute là- dessus , après ce surcroît de preuve , et vous pourrez par- là rétablir la verité de l'Histoire , quand il en sera tems.
Vous rétablirez aussi ce qui n'est pas
éxact dans Mrs de Sainte Marthe , et dans
l'Histoire d'Evreux de M. le Brasseur , à
l'égard de quelques autres Abbez de Saint
Taurin , qui ont précedé le Marquis de
* Leterme de permuter n'est pas convenable
et paroit unpeu aventuré dans les Registres. Il ess toujours certain que Guillaume de Pericard n'auroit
jamais été Evêque d'Evreux sans la faveur de
M. de Rosny , qui avoit fait donner cet Evêché à
M. du Perron, comme il est marqué dans le 1 . vol.
de ses Mémoires , chap. 39. et qui sans doute avoit
eu part à ce qui se passa ensuite entre ces deux
Prélats , par rapport au changement en question. Il
fallut , sans doute , de nouvelles Provisions pour M. duPerron, devenu Abbé de S. Taurin.
¡Rosny
།
JUILLET . 1732. 1509
Rosny, ou qui lui ont succedé dans cette
Dignité.
Je m'apperçois, au reste,que ma réponse
à vos autres questions ne sçauroit entrer
dans cette Lettre , déja assez allongée.
Mais je ne veux pas la finir sans prévenir
la demande que vous êtes en droit de me
faire sur la suite de l'aventure de Boisrosé, et sur le succès de son Voyage à la
Cour. Le trouble , comme je l'ai dit , lui
donna des aîles ; il arriva un jour plutôt
que M. de Rosny, qui s'arrêta à Rosny
et à Mante , où il coucha. Ainsi ce petit
Gouverneur , petit génie , et on peut dire
encore,tant soit peu malhonnête homme
croyant le premier Miniftre très offense
de ses discours , et le considérant dès- lors
comme son plus cruel ennemi , eût tout
le tems de parler au Roi , et de déclamer
tant qu'il voulut contre lui , en donnant
-un tourNormand à la rencontre de Louviers. Mais qu'en arriva-t-il ? le voici.
Le Marquis de Rosny arrivé à la Cour
eûtd'abord un long entretien avec le Roi
sur sa Négociation de Normandie , » sans
oublier , disent les * Auteurs des Mé
Le Marquis de Rosny n'a pas écrit lui-même ses Mémoires. C'est l'ouvrage de quatre de ses Secretaires , lesquels dans la Narration addressent la
parole à leur Maître.
C » moires ,
1510 MERCURE
DE FRANCE
» moires , quasi une seule particularité ,
» car le Roi les voulut toutes sçavoir
» dont il y eut bien à rire lorsque vous
» lui contâtes ce qui s'étoit passé entre
» vous et le sieur de Boisrosé ; surquoi
» S. M. vous dit qu'il lui étoit venu faire
» de grandes plaintes de vous , et le prier
» de le vouloir pourvoir sans le renvoyer
» à vous , dautant qu'il sçavoit bien que
» vous étiez son ennemi , à cause de quel-
» ques propos qu'il vous avoit tenus sans
»vous connoître , et partant le Roi vous
» pria de l'envoyer querir , &c.
Ce que M. de Rosny éxecuta dès le
lendemain. Il promit à Boisrosé , & lui
assûra deux mille écus de récompense ,
une pension de 1200. liv. et une Place de
Capitaine en pied. Bien plus , ce génereux
Ministre le retint depuis à sa suite , et le
fit enfin son Lieutenant en l'Artillerie au
Département de Normandie , dès que
Roi lui eût donné la Charge de GrandMaître. Voilà quelle fût la fin et le succès de l'aventure de Louviers. Je vous
promets incessamment la réponse à vos
autres Questions , et je suis , Monsieur
Bic.
AParis , le 29 Février 1732
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Résumé : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. U. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques, &c.
La lettre de M. D. L. R. à M. A. C. D. V. aborde la possession de l'Abbaye de Saint-Taurin d'Évreux par Maximilien de Béthune, Marquis de Rosny et Duc de Sully. L'auteur répond à une demande d'éclaircissements sur ce sujet et confirme que Rosny a effectivement possédé cette abbaye par nomination royale sous Henri III. Bien que les archives de l'abbaye et certaines sources historiques ne mentionnent pas ce fait, l'auteur trouve la preuve dans les Mémoires de Sully. Il relate une anecdote où Boisrosé, gouverneur de Fécamp, rencontre Rosny à Louviers et se plaint de lui sans le reconnaître. Rosny, amusé, lui assure qu'il interviendra en sa faveur auprès du roi. L'auteur confirme ensuite la possession de l'abbaye par Rosny grâce à des registres et des témoignages religieux. Il mentionne également la suite de l'aventure de Boisrosé, qui arrive à la cour avant Rosny et se plaint au roi, mais finit par recevoir des récompenses et une place auprès de Rosny.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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317
p. 1511-1512
A M. Aroüet de Voltaire, sur son Poëme Epique de Henry le Grand, et sur la vie de Charles XII. Roi de Suede, qu'il vient de donner au Public. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Charles, nommé l'Alexandre du Nord, [...]
Mots clefs :
Voltaire, Charles XII, Henry Le Grand, Henry IV
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texteReconnaissance textuelle : A M. Aroüet de Voltaire, sur son Poëme Epique de Henry le Grand, et sur la vie de Charles XII. Roi de Suede, qu'il vient de donner au Public. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
AM. Arouet de Voltaire , sur son Poëme
Epique de Henry le Grand , et sur la vie
de Charles XII. Roi de Suede , qu'il
vient de donner au Public. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croisic , en
Bretagne.
Charles , nommé l'Alexandre du Nord¸
Le grand Henri , le César de la France ,
Ont repassé , dit - on , le sombre bord ,
Pour assûrer de leur reconnoissance
Notre Voltaire, Auteur par excellence,
Les deux Heros lui conterent d'abord ,
Comment par tout dans les Champs Elisées
Avec éclat leurs Ombres sont prisées ,
Depuis qu'on lit , et sa Prose et ses Vers ,
Où sont moulez leurs faits d'armes divers
Où leurs vertus sont immortalisées.
Mais , dit Henri , comme au séjour des Morts
D'or ni d'argent ne se fabrique espéce ,
De nous n'auras ces périlleux trésors ,
Après qui l'Homme au cœur bas court sans cesse.
Ce n'onobstant voulant à tes travaux
Ainsi qu'il duit , donner loyer insigne ,
Nous apportons présent cent fois plus digne
C ₁j D'être
12 MERCURE
DE FRANCE
Ce sont ,
D'être estimé , que tous les mineraux .
Tien , le voilà, déja ton ceil s'empresse ;
ami , les titres de Noblesse ,
Non par extrait , ains par originaux ,
Dont autrefois , en dépit des Rivaux ,
Le bon Auguste honora son Virgile ,
Virgile épris des beautez de ton stile ,
Car il entend le François aujourd'hui ,
T'en fait préſent , pour charmer ton ennui.
Ton nom , mon cher , joint au sien s'y fair
line ;
A cettui don Auguste a consenti ,
Lui-même encore a voulu les souscrire ,
Et Charle , et moi , qui prenons ton parti
Contre quiconque opposant au contraire ,
De nos deux sceaux , avons , fameux- Voltaire
Le tout muni dûment et garanti.
Adieu; n'avons nulle autre récompense
Pour te payer de tes doctes bienfaits ;
Mais bien jugeons qu'au Païs des François,
Tant fier soit-il , n'est Humain qui s'offense ,
Qu'à son côté tu marches désormais.
Epique de Henry le Grand , et sur la vie
de Charles XII. Roi de Suede , qu'il
vient de donner au Public. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croisic , en
Bretagne.
Charles , nommé l'Alexandre du Nord¸
Le grand Henri , le César de la France ,
Ont repassé , dit - on , le sombre bord ,
Pour assûrer de leur reconnoissance
Notre Voltaire, Auteur par excellence,
Les deux Heros lui conterent d'abord ,
Comment par tout dans les Champs Elisées
Avec éclat leurs Ombres sont prisées ,
Depuis qu'on lit , et sa Prose et ses Vers ,
Où sont moulez leurs faits d'armes divers
Où leurs vertus sont immortalisées.
Mais , dit Henri , comme au séjour des Morts
D'or ni d'argent ne se fabrique espéce ,
De nous n'auras ces périlleux trésors ,
Après qui l'Homme au cœur bas court sans cesse.
Ce n'onobstant voulant à tes travaux
Ainsi qu'il duit , donner loyer insigne ,
Nous apportons présent cent fois plus digne
C ₁j D'être
12 MERCURE
DE FRANCE
Ce sont ,
D'être estimé , que tous les mineraux .
Tien , le voilà, déja ton ceil s'empresse ;
ami , les titres de Noblesse ,
Non par extrait , ains par originaux ,
Dont autrefois , en dépit des Rivaux ,
Le bon Auguste honora son Virgile ,
Virgile épris des beautez de ton stile ,
Car il entend le François aujourd'hui ,
T'en fait préſent , pour charmer ton ennui.
Ton nom , mon cher , joint au sien s'y fair
line ;
A cettui don Auguste a consenti ,
Lui-même encore a voulu les souscrire ,
Et Charle , et moi , qui prenons ton parti
Contre quiconque opposant au contraire ,
De nos deux sceaux , avons , fameux- Voltaire
Le tout muni dûment et garanti.
Adieu; n'avons nulle autre récompense
Pour te payer de tes doctes bienfaits ;
Mais bien jugeons qu'au Païs des François,
Tant fier soit-il , n'est Humain qui s'offense ,
Qu'à son côté tu marches désormais.
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Résumé : A M. Aroüet de Voltaire, sur son Poëme Epique de Henry le Grand, et sur la vie de Charles XII. Roi de Suede, qu'il vient de donner au Public. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Mlle de Malcrais de la Vigne décrit une rencontre imaginaire entre Voltaire et les esprits de Henri IV, roi de France, et Charles XII, roi de Suède, dans les Champs-Élysées. Ces souverains félicitent Voltaire pour son poème épique dédié à Henri IV et pour sa biographie de Charles XII. Ils lui expliquent qu'ils ne peuvent lui offrir des trésors matériels, mais lui accordent une récompense plus précieuse : des titres de noblesse originaux, similaires à ceux qu'Auguste avait offerts à Virgile. Ces titres sont cosignés par Auguste, Charles XII et Henri IV, assurant ainsi la noblesse et la reconnaissance de Voltaire. La lettre se conclut en affirmant que Voltaire marchera désormais aux côtés des plus grands écrivains français, sans que quiconque puisse s'en offenser.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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318
p. 1513-1515
LETTRE écrite le 18. Juin 1732. au sujet des Barons de la sainte Ampoule.
Début :
Je satisfais, Monsieur, à la demande que vous faites dans [...]
Mots clefs :
Sainte ampoule, Médaille, Fiole, Barons de la Sainte Ampoule
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite le 18. Juin 1732. au sujet des Barons de la sainte Ampoule.
LETTRE écrite le 18. Juin 1732. an
sujet des Barons de la sainte Ampoule.
JE
E satisfais , Monsieur , à la demande
que vous faites dans votre Mercure du
mois de Mars dernier , page 619. au suje
de l'origine des Barons de la Sainte Ampoule. Tout le monde sçait que l'on appelle la sainte Ampoule une petite phiole
qui est conservée dans l'Eglise de S. Res
my de Rheims , que l'on prétend avoir
été apportée du Ciel , pleine de baume
par une Colombe , au Batême de Clovis ,
premier Roi Chrétien , qui fut baptisé la
veille de Noël l'an 496. par S. Remy ,
Archevêque de Rheims, et l'Apôtre de la
France. Ĉette histoire est rapportée par
l'Auteur de la vie de S. Remy , attribuée
Hincmar , par l'Auteur de la vie de
Sainte Clotilde , femme de Clovis , par
Flodoard , par Aimoin , dans les Annales de S. Bertin , et dans plusieurs autres
Historiens.
Il est vrai qu'il n'en est rien dit dans
l'Histoire de Gregoire de Tours , qui sup
pose au contraire que tout étoit préparé.
quand Clovis entra dans l'Eglise pour y
Ciij rece-
1514 MERCURE DE FRANCE
recevoir le Baptême ; il n'en est rien dit
non plus dans l'ancienne vie de S. Remy ,
abregée par Fortunat , qui vivoit environ
o ans après ce Saint. Le silence de Gregoire de Tours qui ne rapporte point ce
miracle , quoiqu'il soit si éxact à écrire
ceux qui sont venus à sa connoissance
est un fort préjugé qu'il n'étoit pas connu de son tems.
Quoiqu'il en soit , on prétend que Clovis aussi- tôt après son Baptême institua
l'Ordre des Chevaliers , Barons de la sainte Ampoule , en l'honneur de cette sainte
Ampoule , dont nous venons de parler
Favin , dans son Histoire de Navarre , assûre que ces Chevaliers ne sont seulement
qu'au nombre de quatre , et que pour
être reçûs ils doivent posseder les quatre
Baronnies de Terrier , de Belestre , de
Sonastre , et de Louvercy , qui relevent
de l'Abbaye de S. Remy de Rheims , à
laquelle ils rendent foi et hommage ; il
dit qu'ils portoient au Sacre de nos Rois
le Dais sous lequel l'Abbé ou le Prieur de
cette Abbaye porte la sainte Ampoule
dans l'Eglise Cathedrale de Notre- Dame.
Ces quatre Barons étoient revêtus à cette
cérémonie d'un Manteau de taffetas noir ,
sur le côté duquel étoit une Croix anglée,
émaillée d'argent,et chargée d'une Colombe
JUILLET. 1732. ISIS
be,tenant enson bec une phiole, reçûë par
une main mouvante dans une nuée ; et ils
portoient encore au cou une Médaille chargée d'une Croix semblable , pendue à un
ruban noir. Le revers de la Médaille étoir
frappé de l'Image de S. Remy , d'où vient
qu'on appelloit aussi les, Chevaliers de la
Ste Ampoule , les Chevaliers de S. Remy.
Le Pere Helyot prétend cependant que
cet Ordre est supposé , et que son origine
que l'on fait monter au tems de Clovis ,
est certainement chimerique. Voyez ce
qu'il en dit au Chapitre 70. des Ordres
Monastiques. Tome VIII. page 438. et
suivantes. Voyez aussi le Livre intitulé :
Les heureux commencemens de la France
Chrétienne sous l'Apôtre de nos Rois
S. Remy. Par le Pere Ceriziers, imprimé à
Rheims en 1633. Je suis , &c.
sujet des Barons de la sainte Ampoule.
JE
E satisfais , Monsieur , à la demande
que vous faites dans votre Mercure du
mois de Mars dernier , page 619. au suje
de l'origine des Barons de la Sainte Ampoule. Tout le monde sçait que l'on appelle la sainte Ampoule une petite phiole
qui est conservée dans l'Eglise de S. Res
my de Rheims , que l'on prétend avoir
été apportée du Ciel , pleine de baume
par une Colombe , au Batême de Clovis ,
premier Roi Chrétien , qui fut baptisé la
veille de Noël l'an 496. par S. Remy ,
Archevêque de Rheims, et l'Apôtre de la
France. Ĉette histoire est rapportée par
l'Auteur de la vie de S. Remy , attribuée
Hincmar , par l'Auteur de la vie de
Sainte Clotilde , femme de Clovis , par
Flodoard , par Aimoin , dans les Annales de S. Bertin , et dans plusieurs autres
Historiens.
Il est vrai qu'il n'en est rien dit dans
l'Histoire de Gregoire de Tours , qui sup
pose au contraire que tout étoit préparé.
quand Clovis entra dans l'Eglise pour y
Ciij rece-
1514 MERCURE DE FRANCE
recevoir le Baptême ; il n'en est rien dit
non plus dans l'ancienne vie de S. Remy ,
abregée par Fortunat , qui vivoit environ
o ans après ce Saint. Le silence de Gregoire de Tours qui ne rapporte point ce
miracle , quoiqu'il soit si éxact à écrire
ceux qui sont venus à sa connoissance
est un fort préjugé qu'il n'étoit pas connu de son tems.
Quoiqu'il en soit , on prétend que Clovis aussi- tôt après son Baptême institua
l'Ordre des Chevaliers , Barons de la sainte Ampoule , en l'honneur de cette sainte
Ampoule , dont nous venons de parler
Favin , dans son Histoire de Navarre , assûre que ces Chevaliers ne sont seulement
qu'au nombre de quatre , et que pour
être reçûs ils doivent posseder les quatre
Baronnies de Terrier , de Belestre , de
Sonastre , et de Louvercy , qui relevent
de l'Abbaye de S. Remy de Rheims , à
laquelle ils rendent foi et hommage ; il
dit qu'ils portoient au Sacre de nos Rois
le Dais sous lequel l'Abbé ou le Prieur de
cette Abbaye porte la sainte Ampoule
dans l'Eglise Cathedrale de Notre- Dame.
Ces quatre Barons étoient revêtus à cette
cérémonie d'un Manteau de taffetas noir ,
sur le côté duquel étoit une Croix anglée,
émaillée d'argent,et chargée d'une Colombe
JUILLET. 1732. ISIS
be,tenant enson bec une phiole, reçûë par
une main mouvante dans une nuée ; et ils
portoient encore au cou une Médaille chargée d'une Croix semblable , pendue à un
ruban noir. Le revers de la Médaille étoir
frappé de l'Image de S. Remy , d'où vient
qu'on appelloit aussi les, Chevaliers de la
Ste Ampoule , les Chevaliers de S. Remy.
Le Pere Helyot prétend cependant que
cet Ordre est supposé , et que son origine
que l'on fait monter au tems de Clovis ,
est certainement chimerique. Voyez ce
qu'il en dit au Chapitre 70. des Ordres
Monastiques. Tome VIII. page 438. et
suivantes. Voyez aussi le Livre intitulé :
Les heureux commencemens de la France
Chrétienne sous l'Apôtre de nos Rois
S. Remy. Par le Pere Ceriziers, imprimé à
Rheims en 1633. Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE écrite le 18. Juin 1732. au sujet des Barons de la sainte Ampoule.
La lettre du 18 juin 1732 traite de l'origine des Barons de la Sainte Ampoule. La Sainte Ampoule, conservée à l'église de Saint-Remy de Reims, est une phiole supposée apportée par une colombe lors du baptême de Clovis en 496. Plusieurs historiens rapportent cette histoire, bien que Grégoire de Tours et l'ancienne vie de Saint-Remy ne mentionnent pas ce miracle. Selon la tradition, Clovis aurait créé l'Ordre des Chevaliers, Barons de la Sainte Ampoule, après son baptême. Favin affirme que ces Chevaliers, au nombre de quatre, possèdent les baronnies de Terrier, Belestre, Sonastre et Louvercy, relevant de l'abbaye de Saint-Remy. Lors des sacres royaux, ils portaient le dais sous lequel l'abbé apportait la Sainte Ampoule, vêtus d'un manteau noir avec une croix et une colombe, et portant une médaille représentant Saint-Remy. Le Père Helyot conteste l'authenticité de cet ordre, le qualifiant de supposé et d'origine chimérique. La lettre cite également un livre imprimé à Reims en 1633 intitulé 'Les heureux commencements de la France Chrétienne sous l'Apôtre de nos Rois Saint-Remy'.
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319
p. 1637-1643
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Ville d'Oran.
Début :
L'Interêt que vous prenez, Monsieur, au succès des Armes [...]
Mots clefs :
Armement du roi d'Espagne, Conquête d'Oran, Flotte, Chrétienté Maritime, Afrique, Marine, Médaille, Barberousse
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Ville d'Oran.
MORTS,
XXXXX
NAISSANCES,
et Mariage des Pays Etrangers.
E Duc Theodore , Prince Souverain de Sultz- bach, de la Maison Palatine,mourut le 11.
de ce mois à Dinckelspiel , dans la 74e année de
son âge , étant né le 14. Février 1659. Ce Prince
qui avoit épousé le 9. Juin 1692. Marie- Elonore
Amelie de Hesse- Reinfels- Rotembourg , morte
le 19. Janvier 1720. laisse pour heritier de ses
Etats , le Prince Joseph- Charles- Emanuel de Sultzbach , né le 17 Mars 1693. lequel avoit
épousé en 1717. Sophie- Auguste , fille de Charles Philippe Electeur Palatin , qui mourut en
couches le 30. Janvier 1728. duquel Mariage il
reste un Prince né le 15 Juin 1724.
Le 8. Juin , la Duchesse de Brunswick Beve- ren , sœur de l'Imperatrice et Epouse du Duc
Ferdinand Albert de Brunswick , accoucha d'un Prince.
On a appris de Milan, que le General Comte de
Stampa avoit conclu le Mariage du jeune Prince
Eugene de Savoye , avec la Princesse fille unique et heritiere du feu Duc de Massa de Carrara , et
que la celebration de ce Mariage devoit se faire incessamment.
XXXXX
NAISSANCES,
et Mariage des Pays Etrangers.
E Duc Theodore , Prince Souverain de Sultz- bach, de la Maison Palatine,mourut le 11.
de ce mois à Dinckelspiel , dans la 74e année de
son âge , étant né le 14. Février 1659. Ce Prince
qui avoit épousé le 9. Juin 1692. Marie- Elonore
Amelie de Hesse- Reinfels- Rotembourg , morte
le 19. Janvier 1720. laisse pour heritier de ses
Etats , le Prince Joseph- Charles- Emanuel de Sultzbach , né le 17 Mars 1693. lequel avoit
épousé en 1717. Sophie- Auguste , fille de Charles Philippe Electeur Palatin , qui mourut en
couches le 30. Janvier 1728. duquel Mariage il
reste un Prince né le 15 Juin 1724.
Le 8. Juin , la Duchesse de Brunswick Beve- ren , sœur de l'Imperatrice et Epouse du Duc
Ferdinand Albert de Brunswick , accoucha d'un Prince.
On a appris de Milan, que le General Comte de
Stampa avoit conclu le Mariage du jeune Prince
Eugene de Savoye , avec la Princesse fille unique et heritiere du feu Duc de Massa de Carrara , et
que la celebration de ce Mariage devoit se faire incessamment.
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Résumé : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Ville d'Oran.
Le texte évoque plusieurs événements familiaux et décès au sein de la noblesse européenne. Le duc Théodore, prince souverain de Sulzbach, est décédé le 11 du mois à Dinckelspiel à l'âge de 74 ans. Né le 14 février 1659, il avait épousé Marie-Éléonore Amélie de Hesse-Reinfel-Rotembourg le 9 juin 1692, décédée le 19 janvier 1720. Leur héritier, le prince Joseph-Charles-Emanuel de Sulzbach, né le 17 mars 1693, avait épousé en 1717 Sophie-Auguste, fille de Charles Philippe Électeur Palatin, décédée en couches le 30 janvier 1728. De cette union est né un prince le 15 juin 1724. Le 8 juin, la duchesse de Brunswick-Bevern, sœur de l'impératrice et épouse du duc Ferdinand Albert de Brunswick, a accouché d'un prince. À Milan, le général comte de Stampa a arrangé le mariage du jeune prince Eugène de Savoie avec la princesse héritière du défunt duc de Massa de Carrara, dont la célébration devait avoir lieu prochainement.
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320
p. 1709-1734
DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
Début :
Il a dû vous paroître, Monsieur, par ce que j'ai [...]
Mots clefs :
Trait historique, Lampride, Ovinius Camillus, Association, Histoire, Empereur, Alexandre, Médailles, Lois, Xiphilin
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texteReconnaissance textuelle : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
DEFFENS E d'un Trait Historique
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
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Résumé : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
La lettre adressée à M. Bouhier, président au Parlement de Dijon, traite de l'interprétation d'une inscription découverte près de Dijon. L'auteur, Defens, reconnaît qu'il existe plusieurs explications possibles pour le terme 'PRO SALUTE DOMINORUM'. Il mentionne qu'un individu d'Orléans, se faisant appeler D.P., a proposé une autre interprétation, contestant l'association d'Ovinius Camillus avec l'Empire d'Alexandre Sévère. Defens défend l'autorité de Lampride, l'historien qui rapporte cette association, et souligne que les circonstances politiques de l'époque rendent cette association plausible. L'Empire d'Alexandre Sévère fut marqué par des soulèvements et des menaces internes, justifiant la prudence d'Alexandre en associant Ovinius à l'Empire pour apaiser les Prétoriens. Le texte discute également de la stratégie politique d'Alexandre Sévère visant à discréditer Ovinius, un rival potentiel. Alexandre proposa à Ovinius de l'accompagner en guerre contre les Barbares, anticipant que ce dernier ne pourrait supporter les fatigues du voyage. Cette manœuvre réussit, permettant à Alexandre de se débarrasser d'un ennemi dangereux. Le texte compare cette stratégie à celle utilisée par Septime Sévère contre Albin, soulignant l'efficacité de telles tactiques politiques. Une controverse sur l'interprétation d'un passage de Lampride est également abordée. Monsieur de Tillemont avait traduit ce passage de manière erronée, suggérant qu'Alexandre avait offert à Ovinius de conduire l'armée seul. Cependant, la particule 'vel' dans le texte latin doit être interprétée comme 'et', indiquant qu'Alexandre invita Ovinius à se joindre à lui en guerre. Le texte mentionne les campagnes militaires d'Alexandre contre les Sarmates et les Germains, soulignant leur importance dans la consolidation de son pouvoir. Il discute également de la fiabilité des historiens contemporains, comme Dion et Hérodien, notant leurs omissions et erreurs. L'auteur affirme que l'association d'Ovinius avec Alexandre est un fait historique, malgré les silences de certains historiens. Le Mercure de France, daté de 1730 à 1734, défend l'idée que les témoignages des historiens, même imparfaits, doivent être pris en compte. L'auteur réfute l'objection de M. P. concernant l'association d'Ovinius à l'Empire, soulignant que cette association fut de courte durée et que l'absence de médailles ou de lois mentionnant Ovinius n'est pas une preuve de son inexistence. Il argue que de nombreux monuments et documents historiques ont été perdus ou ne sont pas encore découverts. L'auteur conclut que l'on ne peut pas conclure avec certitude à l'inexistence d'un prince en l'absence de preuves contemporaines. Il discute également de l'inscription votive de l'an 228 et de la généalogie d'Ovinius, citée par Tristan, ainsi que de la présence du nom Ovinius dans les lois et l'Histoire Auguste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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321
p. 1762-1768
REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
Début :
Les Antiquaires sont partagez sur les Médailles qui portent le [...]
Mots clefs :
Médailles, Antiquiaires, Lucille, Princesse, Impératrice, Objection, Erreur, Observation
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
REMARQUES sur les Médailles qui
portent le nom de Lucille.
LMédailles qui portent le nomde Lu- Es Antiquaires sont partagez sur les
cille. Les uns les donnent toutes à Lucille,
femme de Verus , qui regna avec MarcAurele ; et selon les autres, il faut les partager entre cette Princesse , et la femme
d'Elius Cesar , adopté par Adrien.
Ceux qui reconnoissent deux Lucilles ',
se fondent principalement,sur ce que Lucille ,femme de Verus,se fait appeller sur
ses Médailles , fille d'Antonin Auguste
LUCILLE. AUG. ANTONINI AUG. F. à la
difference, de Lucille femme d'Ælius ,
qui
AOUST. 1732. 1763
qui se contente du titre d'Auguste , LuCILLA AUGUSTA. Cette raison , quelque
spécieuse qu'elle le paroît d'abord , n'est
d'aucune considération , aussi - tôt qu'on
vient à faire attention que Faustine , femme, de Marc - Aurele , s'appella dans les
commencemens , fille d'Antonin le Débonnaire. FAUSTINA AUG. PII AUG. F. et
qu'en suite elle quitta ce titre , pour ne
garder que celui d'Auguste,FAUSTINA AUSTINA
AUGUSTA. Ce qui est arrivé à cette Princesse , est sans doute arrivé à Lucille sa
fille. Toutes deux nées d'un pere Empereur ; elles eurent soin dans le commencement de s'en faire honneur, en se nommant d'eux , pour faire connoître par là
que ce n'étoit pas de leur maris seuls
qu'elles empruntoient leur noblesse, mais
ce titre une fois reconnu devint assez inutile dans la suite , et elles ont pû le négliger tres aisément.
La différence de la Coëffure qu'on re
marque dans les Médailles de l'une et de
l'autre Princesse est un argument plus
foible que le premier; car , je vous prie ,
si cette observation avoit lieu , combien
de Princesses serions - nous obligez de
multiplier. Nous reconnoitrions au moins
quatre Sabines , femmes d'Adrien , puisqu'il se trouve autant et plus de CoëffuLOS
1764 MERCURE DE FRANCE
res differentes sur les Médailles de cette
Impératrice.
J'en dis autant de quelques différences
de traits, qu'on prétend appercevoir dans
les Médailles qu'on attribueune Lucil
le , et dans celles qu'on reconnoît pour
être de l'autre , outre quelle est tres- légere ; ainsi qu'on en convient, c'est qu'on
remarque cette même différence dans les
Médailles, qui d'un communaccord n'appartiennent qu'à une seule ; c'est ce dont
il est aisé de se convaincre , en confrontant les Médailles de la Lucille , qu'on
prétend femme d'Elius , qui portent
pour légende HILARITAS. S. c. avec celles
où l'on lit FECUNDITAS. S. C. où l'on trou
vera une difference surement plus grande
que celle qu'on veut trouver dans les autres.
Mais , dit- on , Lucille , femme de Verus , n'a jamais eu d'enfans, au lieu qu'on
en trouve jusqu'à trois , sur les Médailles
de Lucille , femme d'Elius.
: Il n'est pas difficile de répondre à cette
objection , jamais proposition ne fut plus
légere ; tout concourt à en faire voir le
peu de solidité. 1º . Selon quelques His- toriens , Lucille , femme de Verns , eut
de Pompeianus , qu'elle épousa après la
mort de ce Prince , un fils qui porta le
nom de son pere , et qui fut tué par le
com-
AOUST. 17320 1769
commandement de Caracalla. Ce que je
remarque , parce qu'Angelloni , pour
mieux prouver la stérilité de Lucille , l'a
avancée , comme constant , dans son second , comme dans son premier mariage.
2. Les Médailles et les Inscriptions
nous prouvent clairement que cette Princesse eut des enfans de son premier mari ;
en effet , sur quelques- unes de ses Médailles , j'entens parler de celles qu'on ne
lui dispute point et où elle est : ANTONINI
AVG. F. Ne lit-on pas : IVNONI LVCIANAE.
FECVNDITAS. AVGVSTAE. avec l'Image de
ces Déesses , tenant un enfant dans les
bras : Qu'à-t on voulu faire entendre parlà ; si-non que Lucille étoit mere , lorsque ces monumens ont été frappez. Mais
les Inscriptions s'expliquent encore plus
clairement. Je n'en veux pour témoin que
celle- cy , rapportée par Gruter , qui semble faite exprès , pour expliquer les Médailles que je viens de citer.
IVNONI LVCINAE
PRO SALVTE DOMVS AVGVSTORVM.
IMP. CAES. M. AVREĻI. ANTONINI. AVO.
ARMENIACI. PARTICI. MAXIMI. MEDICI. ET
FAVSTINAE. AVG. EIVS. ET IMP, CAES. L.AV,
RELI. VERI. AVG, ARMENIACI, PARTICI
MEDICI. ET LVCILLAE, AVGVSTAE. EIVS.
LIBERORVM. QVE. EORVM.
FORTVNATVS , et le reste.
1766 MERCURE DE FRANCE
Peut- on avancer après cela , que Lucille n'a jamais eu d'enfans ; le silence des
Historiens sur leur sujet , insinuë seulement , que ces enfans sont morts au berceau , ou si jeunes , que l'histoire n'a pas
crû en devoir faire mention.
Après ces observations , qui pourroient
suffire pour le sentiment qui ne reconnoît qu'une Lucille , dont nous ayons eu
des Médailles, et qui est femme de Verus ;
j'ajouterai deux autres Remarques , qui achevent de mettre la chose dans une plus
grande évidence.
La premiere consiste dans le titre d'Auguste qu'on donne à la femme d'Elius.
LVCILLA AVGVSTA. titre que cette Princesse n'a jamais pû porter ; Ælius n'ayant
été que César , et n'ayant jamais eu luimême la qualité d'Auguste. Nous ne
voyons pas même , avant le regne de
Constantin , des titres particuliers pour
les femmes des Césars , qui commencerent alors à s'appeller Dames Illustres :
NOBIL. F. Mais pour le nom d'Auguste ,
aucune ne l'a jamais eu; et si Constantine ,
femme du César Gallus , paroît avec ce
titre , dans une Légende de Médaille, citée
par Golzius , on doit se souvenir qu'avant d'épouser Gallus , elle avoit été déja
mariée à Anniballien , qui prenoit le titre
de
AOUST. 1732. 1767
de Roy , et que Philostorge ( lib . 3. ) nous
marque expressement que Constantin le
Grand , son pere , avoit de son vivant
donné le titre d'Auguste à cette Princesse ; ainsi elle ne peut faire d'exception à
la Regle générale.
La seconde observation par laquelle je
finis; c'est que la dispute n'est fondée que
sur unesupposition que l'on fait. On veut
que la femme d'Alius se soit appellée Lucille, et cependant aucun Autheur ne nous
a appris sonnom.Nous sçavons seulement
qu'elle étoit fille de Nigrinus , qu'elle cut
deux enfans , l'Empereur Verus , et une
fille appellée Fadia , qui avoit été destinée par Adrien , pour épouse à MarcAurele , mais que ce Prince n'épousa pas
à cause de sa jeunesse. Voilà tout ce que
l'hitoire nous en apprend ; son nom est
un mystere inconnu ; et ceux qui l'ont
nommée Domitia Lucilla , se sont trompez. Qu'il me soit permis de le dire , un
manque d'attention les a jettez dans l'erreur. Marc Aurele et Verus sont toûjours
appellez Freres. DIVI FRATRES ; les Auteurs voyant que la mere du premier s'appelloit Domitia Lucilla, ont cru assez légerement qu'elle l'étoit du second , sans
se ressouvenir que la fraternité de ces
Princes ne venoit que d'adoption.
,
Voilà
1768 MERCURE DE FRANCE
Voilà la cause de l'erreur ; cause qui a
fait naître la question , mais qui une fois
reconnuë , ne fait plus de difficulté pour
la décision , à sçavoir que toutes les Médailles qui nous restent , avec le nom de
Lucille , appartiennent toutes à la femme
de Verus. D. P.
A Orleans, ce 12 Avril 1732.
portent le nom de Lucille.
LMédailles qui portent le nomde Lu- Es Antiquaires sont partagez sur les
cille. Les uns les donnent toutes à Lucille,
femme de Verus , qui regna avec MarcAurele ; et selon les autres, il faut les partager entre cette Princesse , et la femme
d'Elius Cesar , adopté par Adrien.
Ceux qui reconnoissent deux Lucilles ',
se fondent principalement,sur ce que Lucille ,femme de Verus,se fait appeller sur
ses Médailles , fille d'Antonin Auguste
LUCILLE. AUG. ANTONINI AUG. F. à la
difference, de Lucille femme d'Ælius ,
qui
AOUST. 1732. 1763
qui se contente du titre d'Auguste , LuCILLA AUGUSTA. Cette raison , quelque
spécieuse qu'elle le paroît d'abord , n'est
d'aucune considération , aussi - tôt qu'on
vient à faire attention que Faustine , femme, de Marc - Aurele , s'appella dans les
commencemens , fille d'Antonin le Débonnaire. FAUSTINA AUG. PII AUG. F. et
qu'en suite elle quitta ce titre , pour ne
garder que celui d'Auguste,FAUSTINA AUSTINA
AUGUSTA. Ce qui est arrivé à cette Princesse , est sans doute arrivé à Lucille sa
fille. Toutes deux nées d'un pere Empereur ; elles eurent soin dans le commencement de s'en faire honneur, en se nommant d'eux , pour faire connoître par là
que ce n'étoit pas de leur maris seuls
qu'elles empruntoient leur noblesse, mais
ce titre une fois reconnu devint assez inutile dans la suite , et elles ont pû le négliger tres aisément.
La différence de la Coëffure qu'on re
marque dans les Médailles de l'une et de
l'autre Princesse est un argument plus
foible que le premier; car , je vous prie ,
si cette observation avoit lieu , combien
de Princesses serions - nous obligez de
multiplier. Nous reconnoitrions au moins
quatre Sabines , femmes d'Adrien , puisqu'il se trouve autant et plus de CoëffuLOS
1764 MERCURE DE FRANCE
res differentes sur les Médailles de cette
Impératrice.
J'en dis autant de quelques différences
de traits, qu'on prétend appercevoir dans
les Médailles qu'on attribueune Lucil
le , et dans celles qu'on reconnoît pour
être de l'autre , outre quelle est tres- légere ; ainsi qu'on en convient, c'est qu'on
remarque cette même différence dans les
Médailles, qui d'un communaccord n'appartiennent qu'à une seule ; c'est ce dont
il est aisé de se convaincre , en confrontant les Médailles de la Lucille , qu'on
prétend femme d'Elius , qui portent
pour légende HILARITAS. S. c. avec celles
où l'on lit FECUNDITAS. S. C. où l'on trou
vera une difference surement plus grande
que celle qu'on veut trouver dans les autres.
Mais , dit- on , Lucille , femme de Verus , n'a jamais eu d'enfans, au lieu qu'on
en trouve jusqu'à trois , sur les Médailles
de Lucille , femme d'Elius.
: Il n'est pas difficile de répondre à cette
objection , jamais proposition ne fut plus
légere ; tout concourt à en faire voir le
peu de solidité. 1º . Selon quelques His- toriens , Lucille , femme de Verns , eut
de Pompeianus , qu'elle épousa après la
mort de ce Prince , un fils qui porta le
nom de son pere , et qui fut tué par le
com-
AOUST. 17320 1769
commandement de Caracalla. Ce que je
remarque , parce qu'Angelloni , pour
mieux prouver la stérilité de Lucille , l'a
avancée , comme constant , dans son second , comme dans son premier mariage.
2. Les Médailles et les Inscriptions
nous prouvent clairement que cette Princesse eut des enfans de son premier mari ;
en effet , sur quelques- unes de ses Médailles , j'entens parler de celles qu'on ne
lui dispute point et où elle est : ANTONINI
AVG. F. Ne lit-on pas : IVNONI LVCIANAE.
FECVNDITAS. AVGVSTAE. avec l'Image de
ces Déesses , tenant un enfant dans les
bras : Qu'à-t on voulu faire entendre parlà ; si-non que Lucille étoit mere , lorsque ces monumens ont été frappez. Mais
les Inscriptions s'expliquent encore plus
clairement. Je n'en veux pour témoin que
celle- cy , rapportée par Gruter , qui semble faite exprès , pour expliquer les Médailles que je viens de citer.
IVNONI LVCINAE
PRO SALVTE DOMVS AVGVSTORVM.
IMP. CAES. M. AVREĻI. ANTONINI. AVO.
ARMENIACI. PARTICI. MAXIMI. MEDICI. ET
FAVSTINAE. AVG. EIVS. ET IMP, CAES. L.AV,
RELI. VERI. AVG, ARMENIACI, PARTICI
MEDICI. ET LVCILLAE, AVGVSTAE. EIVS.
LIBERORVM. QVE. EORVM.
FORTVNATVS , et le reste.
1766 MERCURE DE FRANCE
Peut- on avancer après cela , que Lucille n'a jamais eu d'enfans ; le silence des
Historiens sur leur sujet , insinuë seulement , que ces enfans sont morts au berceau , ou si jeunes , que l'histoire n'a pas
crû en devoir faire mention.
Après ces observations , qui pourroient
suffire pour le sentiment qui ne reconnoît qu'une Lucille , dont nous ayons eu
des Médailles, et qui est femme de Verus ;
j'ajouterai deux autres Remarques , qui achevent de mettre la chose dans une plus
grande évidence.
La premiere consiste dans le titre d'Auguste qu'on donne à la femme d'Elius.
LVCILLA AVGVSTA. titre que cette Princesse n'a jamais pû porter ; Ælius n'ayant
été que César , et n'ayant jamais eu luimême la qualité d'Auguste. Nous ne
voyons pas même , avant le regne de
Constantin , des titres particuliers pour
les femmes des Césars , qui commencerent alors à s'appeller Dames Illustres :
NOBIL. F. Mais pour le nom d'Auguste ,
aucune ne l'a jamais eu; et si Constantine ,
femme du César Gallus , paroît avec ce
titre , dans une Légende de Médaille, citée
par Golzius , on doit se souvenir qu'avant d'épouser Gallus , elle avoit été déja
mariée à Anniballien , qui prenoit le titre
de
AOUST. 1732. 1767
de Roy , et que Philostorge ( lib . 3. ) nous
marque expressement que Constantin le
Grand , son pere , avoit de son vivant
donné le titre d'Auguste à cette Princesse ; ainsi elle ne peut faire d'exception à
la Regle générale.
La seconde observation par laquelle je
finis; c'est que la dispute n'est fondée que
sur unesupposition que l'on fait. On veut
que la femme d'Alius se soit appellée Lucille, et cependant aucun Autheur ne nous
a appris sonnom.Nous sçavons seulement
qu'elle étoit fille de Nigrinus , qu'elle cut
deux enfans , l'Empereur Verus , et une
fille appellée Fadia , qui avoit été destinée par Adrien , pour épouse à MarcAurele , mais que ce Prince n'épousa pas
à cause de sa jeunesse. Voilà tout ce que
l'hitoire nous en apprend ; son nom est
un mystere inconnu ; et ceux qui l'ont
nommée Domitia Lucilla , se sont trompez. Qu'il me soit permis de le dire , un
manque d'attention les a jettez dans l'erreur. Marc Aurele et Verus sont toûjours
appellez Freres. DIVI FRATRES ; les Auteurs voyant que la mere du premier s'appelloit Domitia Lucilla, ont cru assez légerement qu'elle l'étoit du second , sans
se ressouvenir que la fraternité de ces
Princes ne venoit que d'adoption.
,
Voilà
1768 MERCURE DE FRANCE
Voilà la cause de l'erreur ; cause qui a
fait naître la question , mais qui une fois
reconnuë , ne fait plus de difficulté pour
la décision , à sçavoir que toutes les Médailles qui nous restent , avec le nom de
Lucille , appartiennent toutes à la femme
de Verus. D. P.
A Orleans, ce 12 Avril 1732.
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Résumé : REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
Le texte examine les médailles portant le nom de Lucille et présente deux interprétations principales. La première attribue toutes les médailles à Lucille, épouse de Verus et co-régnante avec Marc-Aurèle. La seconde suggère de partager ces médailles entre cette Lucille et la femme d'Élius César, adopté par Adrien. Les partisans de l'existence de deux Lucilles se basent sur les titres présents sur les médailles. Lucille, femme de Verus, se désigne comme fille d'Antonin Auguste, tandis que Lucille, femme d'Élius, utilise simplement le titre d'Auguste. Cependant, cette distinction est contestée car Faustine, femme de Marc-Aurèle, a également changé de titre au cours de sa vie. La différence de coiffure et de traits sur les médailles est jugée insuffisante pour distinguer deux Lucilles, car ces variations existent aussi parmi les médailles d'une même personne. Une objection majeure concerne la maternité. Lucille, femme de Verus, est souvent considérée comme stérile, contrairement à Lucille, femme d'Élius, qui aurait eu trois enfants. Toutefois, des historiens et des inscriptions indiquent que Lucille, femme de Verus, a pu avoir des enfants, peut-être morts jeunes. Enfin, le texte souligne que la femme d'Élius n'a jamais porté le titre d'Auguste, réservé aux épouses des empereurs. De plus, le nom de la femme d'Élius n'est pas confirmé comme étant Lucille, ce qui renforce l'hypothèse que toutes les médailles appartiennent à Lucille, femme de Verus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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322
p. 1776-1781
Deffense du Franc-Aleu, &c. [titre d'après la table]
Début :
DEFFENSE du Franc-Aleu du Païs de Provence. A Aix [...]
Mots clefs :
Provence, Franc-Aleu, Pays de droit, Histoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Deffense du Franc-Aleu, &c. [titre d'après la table]
DEFFENSE du Franc-Aleu du Païs de
Provence. A Aix , chez Joseph David.
Brochure in 4.
C'est un Factum de la Provence , contre le Fermier du Domaine , qui prétend
assujettir toute cette Province à la Seigneurie directe du Roy. Le but de cet
Ouvrage est de prouver que la Provence
est un Païs de Franc- Aleu roturier de
nature , sur lequel nul Seigneur, le Roy
même, ne peut prétendre aucune directe
s'il ne rapporte des titres de la mouvance.
L'Ouvrage entier contient 295. pages ,
il est distribué en cinq Parties outre l'Exorde et l'état de la question , où l'Auteur
A O UST. 1732. 1777
teur pose quelques définitions et quelques principes generaux pour servir à la
décision de cette question. Chaque partie est divisée en plusieurs Paragraphes ,
autant pour le soulagement du Lecteur ,
que pour l'éclaircissement des matieres.
Dans la premiere Partie qui sert de
fait , l'Auteur parcourt toutes les differentes dominations sous lesquelles les
Provençaux ont vécu avant que d'appar--
tenir à la France. Ce morceau d'Histoire
appuyé sur le témoignage de plusieurs
bons Auteurs , sur le Corps de Droit ,
est curieux. Vient ensuite un Extrait du
Testament de Charles d'Anjou , 23 et
dernier Comte de Provence , en faveur
de Louis XI. Roy de France. Ce Testament , qui est le titre de la réunion de
la Provence à la France , est de l'année
1481. l'Auteur détaille toutes les poursuites , toutes les procedures qui se sott
faites entre les Procureurs du Païs et les
differens Fermiers du Domaine , tant au
Conseil du Roy, qu'au Parlement d'Aix ,
pardevant les Commissaires et en la
Chambre du Domaine. Les Procureurs
du Païs sont les Agens generaux des Affaires de la Province.
Cette seule Partie suffiroit pour écarter
la prétention du Fermier et pour se dé- Ev ter-
1778 MERCURE DE FRANCE
terminer en faveur de l'Avocat Provençal , puisqu'on y trouve la question résolue définitivement et contradictoire
ment par des Edits , des Lettres Patentes,
suivies de Déclarations du Roy , et par
des Arrêts du Conseil , en consequence
desquels la Provence a payé des Taxes
considerables , dont il a plu au Roy de
charger en differens temps les Païs de
Franc Aleu de nature.
Dans les quatre autres Parties , l'Auteur établit ses principes et ses preuves ,
répond aux objections que le Fermier
tire ou des faits ou des textes du Droit .
et contredit les Pieces produites par ce
Fermier. Il s'attache dans la seconde Partie à prouver que cette maxime , ou pour
parler plus exactement ce vieux Proverbe François , nulle Terre sans Seigneur
ne peut avoir lieu en Provence ni en aucun Païs régi par le Droit Ecrit , si ce
n'est la Jurisdiction. Il passe plus
avant , il prétend même qu'en Païs Coutumier on ne peut donner à ce Proverbe
plus d'extention , et que pour que dans
les Provinces de Coûtume on adjuge au
Seigneur la directe , il faut qu'il rapporte un titre ou qu'il y ait une présomption en sa faveur qui vaille titre ; c'està- dire qu'il faut que le Seigneur air un
pour
Territoire
AOUST. 1732. 1779
Territoire circonscript et limité , qu'il y
possede toutes les Terres en friche ou
incultes , qu'il y ait une directe répandue en tous les quartiers et sur plus de la
moitié du Territoires qu'alors on présume
que le Seigneur a la directe sur tout le
Territoire. Il appuye cette doctrine par
les Auteurs et réfute les autoritez sur les
quelles le Fermier s'appuye.
*
Dans la troisiéme proposition il prouve que la Provence est un Païs de Droit
Ecrit , et que le Droit Romain ne reconnoît point de directe , qu'il n'admet
que le Franc- Aleu.
Dans la quatrième et dans la cinquié
me , il rappelle les faits qu'il a établis
dans la premiere, il rapporte les Pieces
qu'il adétailléesdans cette premierePartie.
Il est aisé de juger par cet abregé des
quatre dernieres Propositions,que ce n'est
qu'une application un peu étendue de
ce qui a été dit dans la premiere.
Et pour donner en peu de mots une
idée juste de tout l'Ouvrage, il suffit de
dire que l'Auteur se propose de prouver
que la Provence est un Païs de Franc
Aleu. Voici ses preuves.
1. La Provence a de tout temps été
et est encore régie par le Droit Ron
Un des principaux effets du Droit Ro
E vj mainy
1780 MERCURE DE FRANCE
main est de rendre tous les heritages
allodiaux, et de rejetter toute directe sans
titres. Par cette seule raison le Languedoc a été maintenu dans le Franc- Aleu,
2°. Toutes les differentes dominations
que les Provençaux ont éprouvées n'ont
point alteré ce droit d'être reglé par le
Droit Romain , ni de tenir leurs Terres
en Franc-Aleu.
"
39. La Provence n'a été réunie à la
France qu'à la charge d'entretenir tous
ces Privileges.
4. En effet , Louis XI. Charles VIII.
Louis XII. et tous les Rois jusqu'à Louis
XIV. l'ont confirmée dans ces Privileges.
5. Les Fermiers ayant inquieté ce
Païs, il a été maintenu dans le Franc- Aleu
de nature , par des Edits , des Lettres Patentes , des Déclarations du Roy duement enregistrées , par plusieurs Arrêts
du Conseil contradictoires, avec les Fermiers et les Officiers du Domaine. Il a
payé en differens temps des Taxes considerables pour être conservé dans ce
droit. Il a été déchargé des taxes imposées sur les biens du Franc- Aleu de Privilege , comme joüissänt du Franc-Aleu
de nature.
6. Enfin la possession revêtuë de ces
caracteres , suffiroit seule pour établir son
droit,
Ces
AOUST. 1732. 1781.
Ces propositions , prouvées dans une
juste étenduë, ne permettent pas de douter du grand travail et de la capacité de l'Auteur.
Provence. A Aix , chez Joseph David.
Brochure in 4.
C'est un Factum de la Provence , contre le Fermier du Domaine , qui prétend
assujettir toute cette Province à la Seigneurie directe du Roy. Le but de cet
Ouvrage est de prouver que la Provence
est un Païs de Franc- Aleu roturier de
nature , sur lequel nul Seigneur, le Roy
même, ne peut prétendre aucune directe
s'il ne rapporte des titres de la mouvance.
L'Ouvrage entier contient 295. pages ,
il est distribué en cinq Parties outre l'Exorde et l'état de la question , où l'Auteur
A O UST. 1732. 1777
teur pose quelques définitions et quelques principes generaux pour servir à la
décision de cette question. Chaque partie est divisée en plusieurs Paragraphes ,
autant pour le soulagement du Lecteur ,
que pour l'éclaircissement des matieres.
Dans la premiere Partie qui sert de
fait , l'Auteur parcourt toutes les differentes dominations sous lesquelles les
Provençaux ont vécu avant que d'appar--
tenir à la France. Ce morceau d'Histoire
appuyé sur le témoignage de plusieurs
bons Auteurs , sur le Corps de Droit ,
est curieux. Vient ensuite un Extrait du
Testament de Charles d'Anjou , 23 et
dernier Comte de Provence , en faveur
de Louis XI. Roy de France. Ce Testament , qui est le titre de la réunion de
la Provence à la France , est de l'année
1481. l'Auteur détaille toutes les poursuites , toutes les procedures qui se sott
faites entre les Procureurs du Païs et les
differens Fermiers du Domaine , tant au
Conseil du Roy, qu'au Parlement d'Aix ,
pardevant les Commissaires et en la
Chambre du Domaine. Les Procureurs
du Païs sont les Agens generaux des Affaires de la Province.
Cette seule Partie suffiroit pour écarter
la prétention du Fermier et pour se dé- Ev ter-
1778 MERCURE DE FRANCE
terminer en faveur de l'Avocat Provençal , puisqu'on y trouve la question résolue définitivement et contradictoire
ment par des Edits , des Lettres Patentes,
suivies de Déclarations du Roy , et par
des Arrêts du Conseil , en consequence
desquels la Provence a payé des Taxes
considerables , dont il a plu au Roy de
charger en differens temps les Païs de
Franc Aleu de nature.
Dans les quatre autres Parties , l'Auteur établit ses principes et ses preuves ,
répond aux objections que le Fermier
tire ou des faits ou des textes du Droit .
et contredit les Pieces produites par ce
Fermier. Il s'attache dans la seconde Partie à prouver que cette maxime , ou pour
parler plus exactement ce vieux Proverbe François , nulle Terre sans Seigneur
ne peut avoir lieu en Provence ni en aucun Païs régi par le Droit Ecrit , si ce
n'est la Jurisdiction. Il passe plus
avant , il prétend même qu'en Païs Coutumier on ne peut donner à ce Proverbe
plus d'extention , et que pour que dans
les Provinces de Coûtume on adjuge au
Seigneur la directe , il faut qu'il rapporte un titre ou qu'il y ait une présomption en sa faveur qui vaille titre ; c'està- dire qu'il faut que le Seigneur air un
pour
Territoire
AOUST. 1732. 1779
Territoire circonscript et limité , qu'il y
possede toutes les Terres en friche ou
incultes , qu'il y ait une directe répandue en tous les quartiers et sur plus de la
moitié du Territoires qu'alors on présume
que le Seigneur a la directe sur tout le
Territoire. Il appuye cette doctrine par
les Auteurs et réfute les autoritez sur les
quelles le Fermier s'appuye.
*
Dans la troisiéme proposition il prouve que la Provence est un Païs de Droit
Ecrit , et que le Droit Romain ne reconnoît point de directe , qu'il n'admet
que le Franc- Aleu.
Dans la quatrième et dans la cinquié
me , il rappelle les faits qu'il a établis
dans la premiere, il rapporte les Pieces
qu'il adétailléesdans cette premierePartie.
Il est aisé de juger par cet abregé des
quatre dernieres Propositions,que ce n'est
qu'une application un peu étendue de
ce qui a été dit dans la premiere.
Et pour donner en peu de mots une
idée juste de tout l'Ouvrage, il suffit de
dire que l'Auteur se propose de prouver
que la Provence est un Païs de Franc
Aleu. Voici ses preuves.
1. La Provence a de tout temps été
et est encore régie par le Droit Ron
Un des principaux effets du Droit Ro
E vj mainy
1780 MERCURE DE FRANCE
main est de rendre tous les heritages
allodiaux, et de rejetter toute directe sans
titres. Par cette seule raison le Languedoc a été maintenu dans le Franc- Aleu,
2°. Toutes les differentes dominations
que les Provençaux ont éprouvées n'ont
point alteré ce droit d'être reglé par le
Droit Romain , ni de tenir leurs Terres
en Franc-Aleu.
"
39. La Provence n'a été réunie à la
France qu'à la charge d'entretenir tous
ces Privileges.
4. En effet , Louis XI. Charles VIII.
Louis XII. et tous les Rois jusqu'à Louis
XIV. l'ont confirmée dans ces Privileges.
5. Les Fermiers ayant inquieté ce
Païs, il a été maintenu dans le Franc- Aleu
de nature , par des Edits , des Lettres Patentes , des Déclarations du Roy duement enregistrées , par plusieurs Arrêts
du Conseil contradictoires, avec les Fermiers et les Officiers du Domaine. Il a
payé en differens temps des Taxes considerables pour être conservé dans ce
droit. Il a été déchargé des taxes imposées sur les biens du Franc- Aleu de Privilege , comme joüissänt du Franc-Aleu
de nature.
6. Enfin la possession revêtuë de ces
caracteres , suffiroit seule pour établir son
droit,
Ces
AOUST. 1732. 1781.
Ces propositions , prouvées dans une
juste étenduë, ne permettent pas de douter du grand travail et de la capacité de l'Auteur.
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Résumé : Deffense du Franc-Aleu, &c. [titre d'après la table]
Le document 'Défense du Franc-Aleu du Païs de Provence' est une brochure publiée à Aix par Joseph David. Elle présente un factum de la Provence contre le fermier du domaine royal, qui cherche à soumettre la province à la seigneurie directe du roi. L'ouvrage vise à démontrer que la Provence est un pays de franc-aleu roturier, où aucun seigneur, y compris le roi, ne peut prétendre à une seigneurie directe sans titres de mouvance. L'ouvrage, composé de 295 pages, est structuré en cinq parties, outre l'exorde et l'état de la question. La première partie retrace les différentes dominations sous lesquelles les Provençaux ont vécu avant d'appartenir à la France, appuyée par des témoignages d'auteurs et des textes juridiques. Elle inclut également un extrait du testament de Charles d'Anjou, dernier comte de Provence, en faveur de Louis XI, daté de 1481. L'auteur détaille les procédures entre les procureurs du pays et les fermiers du domaine, soulignant que la Provence a payé des taxes considérables pour maintenir son statut de franc-aleu. Les quatre autres parties établissent les principes et les preuves de l'auteur, répondant aux objections du fermier et réfutant les pièces produites par celui-ci. La deuxième partie contredit la maxime 'nulle terre sans seigneur' en Provence et dans les pays de droit écrit. La troisième partie prouve que la Provence est régie par le droit romain, qui reconnaît le franc-aleu. Les quatrième et cinquième parties rappellent les faits et les pièces déjà détaillés dans la première partie. En résumé, l'auteur soutient que la Provence est un pays de franc-aleu, appuyé par des preuves historiques et juridiques, et confirme que la province a toujours été régie par le droit romain, rejetant toute seigneurie directe sans titres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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323
p. 1800-1801
Coûtumes Generales de Bourbonne [titre d'après la table]
Début :
M. l'Abbé Auroux, Prêtre, Docteur en Théologie, et Conseiller-Clerc au [...]
Mots clefs :
Coutumes, Pays et duché bourbonnais, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Coûtumes Generales de Bourbonne [titre d'après la table]
M. l'Abbé Auroux , Prêtre , Docteur
en Théologie , et ,Conseiller - Clerc au
Présidial de Moulins , vient de donner au
Fu
A O UST. 1732. 1801.
Public un COMMENTAIRE sur les Coutumes Generales et Locales du Païs et Duché
de Bourbonnois.
• La lecture de cet Ouvrage serà fort utile , non seulement à ceux qui veulent
s'instruire des dispositions de la Coutume
de Bourbonnois ; mais encore à ceux qui
s'attachent à la Jurisprudence Coutumiere de tout le Royaume. L'Auteur a traité,
avec beaucoup d'érudition et d'ordre les
questions qui naissent de cette Coutume. Il les a proposées à la fin de chaque
article , et a puisé principalement ses réfléxions , tant dans les Ouvrages de Dumoulin , Papon et Potier , qui ont donné des Nottes sur la même Coutume ,
que dans ceux de plusieurs bons Commentaires Manuscrits , et dans les décisions rendues en la Sénéchaussée et
Présidial de Moulins , confirmées par
Parlement.
le
Ce Livre se vend à Paris , chez Cleuzier,
Libraire , au coin de la rue de la Parcheminerie , et chez Lebreton , fils , à l'entrée
du Quai des Augustins , près la, ruë Gistle - Cœur ; chcz Paulus- du-Mesnil , à la
Grande Salle du Palais , et chez Osmond,
Paîné, rue S. Jacques , 2732. 2. volumes
in folio.
en Théologie , et ,Conseiller - Clerc au
Présidial de Moulins , vient de donner au
Fu
A O UST. 1732. 1801.
Public un COMMENTAIRE sur les Coutumes Generales et Locales du Païs et Duché
de Bourbonnois.
• La lecture de cet Ouvrage serà fort utile , non seulement à ceux qui veulent
s'instruire des dispositions de la Coutume
de Bourbonnois ; mais encore à ceux qui
s'attachent à la Jurisprudence Coutumiere de tout le Royaume. L'Auteur a traité,
avec beaucoup d'érudition et d'ordre les
questions qui naissent de cette Coutume. Il les a proposées à la fin de chaque
article , et a puisé principalement ses réfléxions , tant dans les Ouvrages de Dumoulin , Papon et Potier , qui ont donné des Nottes sur la même Coutume ,
que dans ceux de plusieurs bons Commentaires Manuscrits , et dans les décisions rendues en la Sénéchaussée et
Présidial de Moulins , confirmées par
Parlement.
le
Ce Livre se vend à Paris , chez Cleuzier,
Libraire , au coin de la rue de la Parcheminerie , et chez Lebreton , fils , à l'entrée
du Quai des Augustins , près la, ruë Gistle - Cœur ; chcz Paulus- du-Mesnil , à la
Grande Salle du Palais , et chez Osmond,
Paîné, rue S. Jacques , 2732. 2. volumes
in folio.
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Résumé : Coûtumes Generales de Bourbonne [titre d'après la table]
En 1732, M. l'Abbé Auroux, prêtre et docteur en théologie, ainsi que conseiller-clerc au Présidial de Moulins, a publié un commentaire sur les coutumes générales et locales du pays et duché de Bourbonnois. Cet ouvrage est destiné à ceux qui souhaitent comprendre les dispositions de la coutume de Bourbonnois et la jurisprudence coutumière du royaume. L'auteur aborde les questions relatives à cette coutume avec érudition et ordre, en s'appuyant sur les œuvres de Dumoulin, Papon et Potier, ainsi que sur des commentaires manuscrits et des décisions judiciaires confirmées par le Parlement. Le livre est disponible à Paris en deux volumes in-folio chez plusieurs libraires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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324
p. 1809-1810
Statuës antiques, trouvées en Provence, [titre d'après la table]
Début :
On trouva il y a quelques années auprès de la Ville d'Apt en Provence, deux [...]
Mots clefs :
Apt, Marbre blanc, Monuments antiques
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Statuës antiques, trouvées en Provence, [titre d'après la table]
On trouva il y a quelques années auprès de la Ville d'Apt en Provence , deux
Monumens antiques de Marbre blanc ,
d'une très-grande beauté ; sçavoir , la Sta
tuë en pied d'un homme , et sur un autre
bloc de Marbre , la figure d'une femme
assise , coëffée de la maniere que quelques
Imperatrices le sont dans les Médailles du
haut Empire , ayant auprès d'elle une
jeune fille debout , le tout d'un grand
goût, tant pour les airs de tête et l'expression , que pour la legereté des Draperies , &c. M. le Bret , Premier Président
et Intendant de la Province , le Marquis
de Caumont , le Président de Mazaugues,
&c. s'interesserent d'abord à cette découverte , et le R. P. de Montfaucon en a
profité pour le Public , en faisant graver
ces
1810 MERCURE DE FRANCE
ces Figures dans le III . Tome, page 11. de
ses Supplémens. Nous apprenons aujour
d'hui aux Amateurs de la belle Antiquité , quelque chose de plus ; ces précieux
Originaux ont été depuis peu transportez
à Paris, et ils sont actuellement exposez en
vente chez Mme de S. Didier , ruë de l'Eperon , près la rue S. André des Arcs.
Monumens antiques de Marbre blanc ,
d'une très-grande beauté ; sçavoir , la Sta
tuë en pied d'un homme , et sur un autre
bloc de Marbre , la figure d'une femme
assise , coëffée de la maniere que quelques
Imperatrices le sont dans les Médailles du
haut Empire , ayant auprès d'elle une
jeune fille debout , le tout d'un grand
goût, tant pour les airs de tête et l'expression , que pour la legereté des Draperies , &c. M. le Bret , Premier Président
et Intendant de la Province , le Marquis
de Caumont , le Président de Mazaugues,
&c. s'interesserent d'abord à cette découverte , et le R. P. de Montfaucon en a
profité pour le Public , en faisant graver
ces
1810 MERCURE DE FRANCE
ces Figures dans le III . Tome, page 11. de
ses Supplémens. Nous apprenons aujour
d'hui aux Amateurs de la belle Antiquité , quelque chose de plus ; ces précieux
Originaux ont été depuis peu transportez
à Paris, et ils sont actuellement exposez en
vente chez Mme de S. Didier , ruë de l'Eperon , près la rue S. André des Arcs.
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Résumé : Statuës antiques, trouvées en Provence, [titre d'après la table]
Près de la ville d'Apt en Provence, deux monuments antiques en marbre blanc ont été découverts. Ces monuments incluent une statue en pied d'un homme et une figure de femme assise, coiffée à la manière de certaines impératrices du haut Empire. À côté de cette femme se trouve une jeune fille debout. Ces œuvres se distinguent par leur beauté, l'expression des visages et la légèreté des draperies. Plusieurs personnalités, dont M. le Bret, Premier Président et Intendant de la Province, le Marquis de Caumont et le Président de Mazaugues, ont manifesté de l'intérêt pour cette découverte. Le R. P. de Montfaucon a contribué à la diffusion de ces œuvres en les faisant graver dans le troisième tome de ses suppléments. Récemment, ces originaux ont été transportés à Paris et sont actuellement exposés en vente chez Mme de S. Didier, rue de l'Éperon, près la rue Saint-André des Arcs.
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325
p. 1810-1811
Autres Antiques, trouvées en Portugal, Rome, &c. [titre d'après la table]
Début :
Des Lettres de Lisbonne portent, qu'on y avoit reçû avis de Braga, que des Ouvriers [...]
Mots clefs :
Braga, Vestiges, Colonne, Tombeau, Rome, Statues, Médailles, Antiquités romaines
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autres Antiques, trouvées en Portugal, Rome, &c. [titre d'après la table]
Des Lettres de Lisbonne portent , qu'on
y avoit reçû avis de Braga , que des Ou
vriers travaillant aux fondemens de l'ancienne Eglise de S. Martin de Dume ,
avoient trouvé les vestiges d'un Edifice
du temps des Romains , qu'on croit être
ceux d'un Temple dédié à Jupiter , parce
qu'on a trouvé des caracteres Romains
sur plusieurs pierres qui formoient les
Colomnes , et sur une Colomne assez bien
conservée , l'Inscription suivante , Jovi
expulsori Armia Lussina ex Voto posuit.
On a découvert aussi près de cette Colomne , un Tombeau de Marbre blanc ,
d'onze palmes de contour et large de trois
palmes , dans lequel on a trouvé les os
d'un Corps humain , que quelques Sçayans du Païs croyent être celui de Théadomire , l'un des Rois des Sueves , qui
ont regné en Portugal , qui mourut l'an
570. et qui avoit fondé le Monastete de
S.
AOUST. 1732.
1811
S. Martin de Dume. Comme les Goths
avoient ruiné les Edifices des Romains, les
Arabes ou Sarrazins ont pareillement détruit les Edifices des Goths , c'est ce qui
peut occasionner la confusion et le mêlange de toutes ces ruines , sur lesquelles
l'Académie Royale de l'Histoire , a ordre
de faire des recherches , dont elle fera
part au Public.
On écrit de Rome , que des Ouvriers
creusant depuis peu la terre aux environs
de la Chapelle de la Maison Corsini , y
trouverent quatre Statuës , une Colomne
de Jaspe antique ; deux autres Colomnes, des Urnes sépulcrales, quelques Lampes de Terre cuite , plusieurs Médailles
d'Empereurs , et diverses autres Antiqui- tez Romaines.
y avoit reçû avis de Braga , que des Ou
vriers travaillant aux fondemens de l'ancienne Eglise de S. Martin de Dume ,
avoient trouvé les vestiges d'un Edifice
du temps des Romains , qu'on croit être
ceux d'un Temple dédié à Jupiter , parce
qu'on a trouvé des caracteres Romains
sur plusieurs pierres qui formoient les
Colomnes , et sur une Colomne assez bien
conservée , l'Inscription suivante , Jovi
expulsori Armia Lussina ex Voto posuit.
On a découvert aussi près de cette Colomne , un Tombeau de Marbre blanc ,
d'onze palmes de contour et large de trois
palmes , dans lequel on a trouvé les os
d'un Corps humain , que quelques Sçayans du Païs croyent être celui de Théadomire , l'un des Rois des Sueves , qui
ont regné en Portugal , qui mourut l'an
570. et qui avoit fondé le Monastete de
S.
AOUST. 1732.
1811
S. Martin de Dume. Comme les Goths
avoient ruiné les Edifices des Romains, les
Arabes ou Sarrazins ont pareillement détruit les Edifices des Goths , c'est ce qui
peut occasionner la confusion et le mêlange de toutes ces ruines , sur lesquelles
l'Académie Royale de l'Histoire , a ordre
de faire des recherches , dont elle fera
part au Public.
On écrit de Rome , que des Ouvriers
creusant depuis peu la terre aux environs
de la Chapelle de la Maison Corsini , y
trouverent quatre Statuës , une Colomne
de Jaspe antique ; deux autres Colomnes, des Urnes sépulcrales, quelques Lampes de Terre cuite , plusieurs Médailles
d'Empereurs , et diverses autres Antiqui- tez Romaines.
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Résumé : Autres Antiques, trouvées en Portugal, Rome, &c. [titre d'après la table]
En août 1732, des ouvriers à Lisbonne ont découvert les vestiges d'un temple romain dédié à Jupiter sous les fondations de l'ancienne église de Saint-Martin de Dume. Cette hypothèse est confirmée par des inscriptions en caractères romains, dont une sur une colonne : 'Jovi expulsori Armia Lussina ex Voto posuit'. Près de cette colonne, un tombeau de marbre blanc contenant des ossements humains a été trouvé. Certains savants locaux suggèrent que ces ossements pourraient appartenir à Théodomir, roi des Suèves mort en 570. Les ruines romaines, gothiques et arabes se mélangent en raison des destructions successives. L'Académie Royale de l'Histoire a été chargée d'étudier ces vestiges et de publier les résultats. Parallèlement, à Rome, des antiquités romaines, incluant des statues, des colonnes et des médailles d'empereurs, ont été découvertes près de la chapelle de la Maison Corsini.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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326
p. 1866-1874
SECONDE LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet de la Priste d'Oran, &c.
Début :
La premiere nouvelle, Monsieur, de la conquête d'Oran, est venuë ici par un Courier [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Roi d'Espagne, Flotte, Bâtiments, Ennemis, Armée, Marquis de Santa Cruz
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet de la Priste d'Oran, &c.
SECONDE LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. le Marquis de B. au sujet de
la Prise d'Oran , &c.
L
A premiere nouvelle , Monsieur , de la conquête d'Oran , est venue ici par un Courier
Extraordinaire dépêché de Séville le 10. de co
3
mois
A OUST. 1732. 1867
mois au Marquis de Castellar, Ambassadeur d'Es
pagne , lequel arriva à Paris le 20. Ce Ministrer
en fit part au Roy le lendemain , et présenta
S. M. une Lettre du Roy d'Espagne sur ce sujet.
Quelques jours après il donna un grand repas
aux Ministres Etrangers, aux Grands d'Espagne,
et aux Chevaliers de la Toison d'Or. Il y eut le
soir des Illuminations et une Fête entiere dans
son Hôtel ; on peut dire que toute la Ville y a
pris une grande part ; mais venons au détail que
vous avez droit d'attendre de moy sur cet Evene- ment.
Le premier soin du Roy d'Espagne , avant
que sa Flote se mit en Mer , a été de recomman der à Dieu le succès d'une entreprise si impor
tante , et d'ordonner des Prieres publiques dans
tous ses Etats. S. M. rendit pour cela un Decret
solemnel que je vais transcrire ici dans la Langue de l'Original , sçachant d'ailleurs que les
principales Langues de l'Europe vous sont fami lieres.
;
Siendo mi Real animo non, dejar separado del
gremio de laYglezia , y de nuestra Catholica Religion parte alguna de los Dominios que la Divina
Providega intrego a mi cuidado , quando me co- loco en el trono de esta Monarquia , y que la superioridad , y multiplicidad de mis enemigos arranco despues de mi obediencia violenta y fraudalen
tamente , he miditado en todos tiempos reunirlas
pero como la diversidad de las experimentadas contingincias ha embarazado hasta a hora el logro de
mis deseos , no hepodido ante aplicar a este importante'fin las considerables fuerzas que la Divina
omnipotencia hafiado in mi arbitrio ; y al presente
a unque no enteramente libre de ostros evidados
he resuelto no dilatar el de recobrar la importante
I ij Plaza
1668 MERCURE DE FRANCE
Plaza de Oran , que ha sido ostras vezer objecto
ร
valor , y de la piedad Christiana de la Nacion
spannola, considerandomuy principalmente que estando esta Plaza en poder de los Barbaros Africa- nos es una Purta Cerrada a la estencion de nuestra
Sagrada Religion , y abierta à la esclavidad de
los Habitadores de las immediatas Costas de Espanna , non sin fundato rezelo de que instruida esta Nacion de la guerra de Mar y tierra le facilite
la situacion de esta Paza y Puerto formidables , y
`fatales Ventay as sobre las vezings Provincias de
estos Ceynos , si tal Vez sehallazen entregadas al
descuido , o menos prorcidas de las fuerzas militares, conque presentemente, con la assistencia del
todo proderoso quedan superabundamente resguardadas , para et logro de tan importantefin he mandadojuntar en Alicante un exercito de hasta 30 M.
Infantes, y Cavallos ( si fuere menester ) provedido
de todos los viveros , Artilleria , municiones , y persechos correspondientes aquelquera ardua empressa
baxo las ordines del Capitan general Conde de Monsemar, y de mas Officiales Generales, y particulares , que he nombrado , y de Cuyas experiencias ,
y valor meprometo qualquera exito favorable , y
glorioso para que embarcados en el considerable numero de embarcaciones preventidas y escortadas de
las Esquadras de Navios , Galeras , y Galeotas
que a estefin he madato aprestar , passen immediamente a la recuperacion de mencionada Plaza de
Oran. Yporque todas las prevenciones humanas no
pueden sin los auxilios de la divina omnipotencia
assegurar el logro de empressa alguna , mando que
por la Camara se comunique luego esta determinacion a los Arzobispos , Obispos , y Cabildos Echlesiasticos , y atodas las Cuidades , y Villas de e
mes Reynos , segun se ha hecho en Otras occasiones,
*
+ estospara
A CUST. 1732 1869
para que se emplene en las Publicas , fervorosas Ro
gativas altodo Poderoso , afin que proteja mis reales
armas, y mes vivos deseos in tan importante expedicion. Expedido in Sevilla à 6 de Junio de 1732 .
Executese assi al Arzobispo Governador de Consejo
de Castilla. Yo EL REY.
Cet Acte de la pieté du Roy fut reçu avec un
applaudissement universel , principalement par
le Clergé. Un même zele parut aussi- tôt enflammer tous les cœurs , et par toute la Monarchie
d'Espagne on fit des vœux et on repeta ces grandes et édifiantes paroles qui furent autrefois prononcées avec tant de succès par le fameux Cardinal qui fit la premiere conquête d'Oran , * elles
méritent d'être transmises à la Posterité. Seigneur , ayez pitié de votre Peuple , et n'abandonnez
point votre héritage à des Barbares qui vous meconnoissent. Assistez-nous , puisque nous ne mettons
notre confiance qu'en vous et que nous n'adorons
que vous. Quoique nous n'ayons , mon Dieu , d'autre pensée ni d'autre dessein que d'étendre votre
sainte Foy et defaire honorer votre S. Nom ; nous
ne pouvons rien , toutefois , si vous ne nous prétez
la force de votre bras tout-puissant. Qu'est- ce que
peut la fragilité humaine sans votre secours La
puissance , l'Empire , la vertu , n'appartiennent qu'à
vous. Faites connoître à ceux qui vous haissent que
vous nous protegez , et ils seront confondus. Envoyez
le secours d'enhaut ; brisez la force de vos Ennemis et dissipez-les , afin qu'ils scachent qu'il n'y a que
vous qui êtes notre Dieu , qui combattez pour nous.
Cependant la Flotte équipée en la Baye d'Alicant , étant prête , et les derniers ordres de la Cour étant arrivez , elle mit à la voile le 15. de
Frias de Bello Oran. Art. XIV.
I iij. Juin
1870. MERCURE DE FRANCE
Juin , composée de plus de 5oo. Bâtimens de
transport de douze Vaisseaux de ligne , deux
Frégates , deux Galiotes à Bombes , sept Galeres ,
dix-huit Galiotes à Rames , et douze Barques
longes armées. Elle trouva bien- tôt des vents
contraires qui l'obligerent de rester pendant sept
jours à l'abri du Cap de Palos , d'où elle partit le 24. favorisée d'un bon vent qui la fit entrer dans le Canal , ensorte que le 25. elle se trouva
à la vue de la Côte d'Oran ; cependant les vents
contraires et la rapidité des courans ,
mirent pas de mouiller dans la Baye de cette
Ville avant le 28. Ce moüillage se fit sans perdre
aucun Bâtiment. Le 29. au point du jour on
commença de faire la descente en la Plage dite
des Aiguadas , à une lieuë à l'Ouest du Château
Almarza ou Marzalquibir , par le moyen de
Joo. Chaloupes formant une ligne , soutenuë de
tout le feu des Vaisseaux et des Galeres.
ne lui perLes Ennemis , qui s'étoient avancez au nombre
de dix ou douze mille Turcs ou Maures , divisez
en plusieurs troupes , voulurent s'opposer au dé- barquement; mais l'Artillerie des Vaisseaux et
des Galeres ayant redoublé son feu , et le principal Etendart des Ennemis ayant été abatu par Je premier coup de Canon que tira la Galere
S. Joseph , ils reculerent jusqu'à une certaine
* Ces Etendars sont ordinairement faits de quelque riche Etoffe dont le fond est verd et qui a servi a orner le Tombeau de Mahomet. Il y a au milieu
La Profession de Foy ordinaire ALLAH , ALLAH ,
c. en caracteres Arabes , brodez d'or ou d'argent
quelquefois de Perles. Rien n'est plus capable de
consterner les Infideles , que l'enlevement "d'un tel
Etendart.
distance.
A OUST. 1732. 1871
distance. Dans le même temps les Troupes du
Roy sauterent à terre. Toute l'Infanterie acheva
de débarquer le même jour avec une partie de la
Cavalerie, le tout dans un très bon ordre , mal
gré les continuelles escarmouches des Maures ,
ensorte qu'il n'y eut que quelques Soldats de blessez dans l'Armée du Roy.
Dès que les Ennemis eurent vů que la descente.
étoit faite , ils tenterent avec, un Corps de leur
Cavalerie , de tomber sur une troupe de Soldats
Espagnols, qui s'étoient écartez pour se rafrai
chir à une Fontaine assez éloignée de l'Armée ,
mais ce mouvement ayant été apperçu du General , il détacha 16. Compagnies de Grenadiers';
commandées par Don Lucas Fernando Patino ,
Maréchal de Camp , et 400. Chevaliers sous les
ordres du Marquis de las- Minas , aussi Maréchal de Camp , pour leur couper la retraite et pour s'emparer d'un poste avantageux qui étoit à la droite de l'Armée. Chrétienne. Le hazard
voulut que le Régiment du Prince étant débarqué du côté de la même Fontaine , une partie de
ce Régiment chargea les Maures , ce qui empêcha de les couper ; mas on se saisit toûjours du
poste en question , avantage qui les força tous à
gagner le haut de la Montagne et qui donna la facilité de pourvoir l'Armée d'eau pour deux
jours , afin de se mettre aussi -tôt en marche pour scontinuer ses progrès.
Le 30. Juin on se hâta de construire un Fort
sur la Plage, au pied de la Montagne del Sancto,
pour assurer la communication , la subsistance
de Armée et le reste du Débarquement ; mais le
Détachement qui couvroir les Travailleurs , s'étant peu à peu engagé avec les Maures , qui le
chargeoient avec beaucoup de violence , fut obliI´ iiij gé
1872 MERCURE DE FRANCE
gé de faire un mouvement vers la Ligne et les
Postes qui pouvoient le secourir ; ce qui ne suffisant pas , le General fit avancer quelques Compagnies de Grenadiers; mais la multitude et le feu
des Barbares augmentant toûjours , le General accourut lui- même , et fut enfin obligé de mettre toute l'Armée en mouvement.
Le Comte de Montemar marcha d'abord en
six colomnes pour se saisir des Montagnes d'où
les ennemis étoient descendus , ce qui fut heureusement executé , après un combat très- opiniâtré ; ensorte que les Troupes du Roy s'établirent principalement sur la Montagne del Sanco,
qui commande la Forteresse de Marzarquibir , ce
qui coupa aux Maures toute communication
et leur ota tout espoir. }
En effet le lendemain premier Juillet , l'Armée
s'étant mise en marche pour aller chercher les
ennemis , on apprit que les Infideles avoient abandonné la Place et les Forts d'Oran , et qu'ayant
le Bey ou Commandant à leur tête , ils avoient
pris le parti de se retirer , ou plutôt de s'enfuir à
la faveur de la nuit. Le Bey étoit au milieu de
sa Garde , suivi de 200. chevaux chargez de ses
effets les plus précieux ; ensorte que l'Arméa
Chrétienne trouva la Place deserte , quantité de
meubles dans la maison du Bey , les Magazins.
remplis de munitions de toute espece , et un Camp
formé par des Baraques entre Oran et le Fort de
Marzalquibir.. - i
On a sçu que le jour du combat- l'Armée des
Maures étoit de 220co. Africains , et de 2000.
Turcs , dont une partie étoit de la Garnison de
Marzalquibir , qui ne purent entrer dans la Forteresse , les Troupes Chrétiennes s'étant emparées
très à propos de la Montagne del Sancto. Cetre,
action
AOUST. 17521 1873
action a été sanglante et il y est péri un grand
nombre d'infideles , àતે en juger par la quantité de
riches dépouilles , d'argent monnoyé, d'Armes
et de Harnois garnis d'orfévrerie , &c qui furent ...le partage des Soldats.
On a trouvé dans les Forteresses 138 pieces
de Canon , dont-87. sont de fonte , Sept Mortiers
et une grande quantité de munitions de guerre et
de bouche. Il y avoit dans le Mole d'Oran , une
grande Galiote et cinq Brigantins pour la course , qui furent pareillement abandonnez par les Maures.
Dans l'Armée du Roy il n'y a eu que 30 hom- mes de tuez et cent de blessez. Deux Officiersseulement sont du nombre des morts et six du
nombre des blessez.
Le 2 Juillet, le Gouverneur Turc de la Forteresse
de Marzarquibir, ayant été sommé de se rendré.il
sortit avec sa Garnison de 150. Tures , mais un
grand nombre d'Africains qui étoient dans la
Place , prirent le parti de se jetter dans la Mer
et d'aller à la nage rejoindre leur Armée.
Voilà , Monsieur , le précis de ce que j'ai lu
dans plusieurs Lettres originales écrites du Campdevant Oran le 30. Juin, et de Séville le 6. et le 8.
de Juillet. Le succès , comme vous voyez , a été
dès plus heureux. On donne de justes éloges au
Comte de Montemar, General, aux Officiers Generaux et aux autres Officiers qui ont servi sous
ses ordres , et à la valeur des Troupes , sur tout
aux Grenadiers , qur, malgré la résistance , le
grand feu des Ennemis et la situation des lieux
escarpez et difficiles , les ont enfin entierement:
défaits et mis en déroute.
J'aurai soin de vous instruire des suites de ces
heureux évenement. Je suis, &c.
AParis , ce 4. Août 17320
فل
Dy
1874 MERCURE DE FRANCE
J'apprends , en fermant ma Lettre , que le Roy
d'Espagne a nommé Gouverneur d'Oran le Marquis de Santa Cruz , qui l'étoit de Ceuta, et qui
a servi dans cette Expedition en sa qualité de
Maréchal de Camp. C'est le même que vous avez
connu ici et qui étoit Ambassadeur Plénipotentiaire du Roi d'Espagne au Congrès de Cambray,
écrite à M. le Marquis de B. au sujet de
la Prise d'Oran , &c.
L
A premiere nouvelle , Monsieur , de la conquête d'Oran , est venue ici par un Courier
Extraordinaire dépêché de Séville le 10. de co
3
mois
A OUST. 1732. 1867
mois au Marquis de Castellar, Ambassadeur d'Es
pagne , lequel arriva à Paris le 20. Ce Ministrer
en fit part au Roy le lendemain , et présenta
S. M. une Lettre du Roy d'Espagne sur ce sujet.
Quelques jours après il donna un grand repas
aux Ministres Etrangers, aux Grands d'Espagne,
et aux Chevaliers de la Toison d'Or. Il y eut le
soir des Illuminations et une Fête entiere dans
son Hôtel ; on peut dire que toute la Ville y a
pris une grande part ; mais venons au détail que
vous avez droit d'attendre de moy sur cet Evene- ment.
Le premier soin du Roy d'Espagne , avant
que sa Flote se mit en Mer , a été de recomman der à Dieu le succès d'une entreprise si impor
tante , et d'ordonner des Prieres publiques dans
tous ses Etats. S. M. rendit pour cela un Decret
solemnel que je vais transcrire ici dans la Langue de l'Original , sçachant d'ailleurs que les
principales Langues de l'Europe vous sont fami lieres.
;
Siendo mi Real animo non, dejar separado del
gremio de laYglezia , y de nuestra Catholica Religion parte alguna de los Dominios que la Divina
Providega intrego a mi cuidado , quando me co- loco en el trono de esta Monarquia , y que la superioridad , y multiplicidad de mis enemigos arranco despues de mi obediencia violenta y fraudalen
tamente , he miditado en todos tiempos reunirlas
pero como la diversidad de las experimentadas contingincias ha embarazado hasta a hora el logro de
mis deseos , no hepodido ante aplicar a este importante'fin las considerables fuerzas que la Divina
omnipotencia hafiado in mi arbitrio ; y al presente
a unque no enteramente libre de ostros evidados
he resuelto no dilatar el de recobrar la importante
I ij Plaza
1668 MERCURE DE FRANCE
Plaza de Oran , que ha sido ostras vezer objecto
ร
valor , y de la piedad Christiana de la Nacion
spannola, considerandomuy principalmente que estando esta Plaza en poder de los Barbaros Africa- nos es una Purta Cerrada a la estencion de nuestra
Sagrada Religion , y abierta à la esclavidad de
los Habitadores de las immediatas Costas de Espanna , non sin fundato rezelo de que instruida esta Nacion de la guerra de Mar y tierra le facilite
la situacion de esta Paza y Puerto formidables , y
`fatales Ventay as sobre las vezings Provincias de
estos Ceynos , si tal Vez sehallazen entregadas al
descuido , o menos prorcidas de las fuerzas militares, conque presentemente, con la assistencia del
todo proderoso quedan superabundamente resguardadas , para et logro de tan importantefin he mandadojuntar en Alicante un exercito de hasta 30 M.
Infantes, y Cavallos ( si fuere menester ) provedido
de todos los viveros , Artilleria , municiones , y persechos correspondientes aquelquera ardua empressa
baxo las ordines del Capitan general Conde de Monsemar, y de mas Officiales Generales, y particulares , que he nombrado , y de Cuyas experiencias ,
y valor meprometo qualquera exito favorable , y
glorioso para que embarcados en el considerable numero de embarcaciones preventidas y escortadas de
las Esquadras de Navios , Galeras , y Galeotas
que a estefin he madato aprestar , passen immediamente a la recuperacion de mencionada Plaza de
Oran. Yporque todas las prevenciones humanas no
pueden sin los auxilios de la divina omnipotencia
assegurar el logro de empressa alguna , mando que
por la Camara se comunique luego esta determinacion a los Arzobispos , Obispos , y Cabildos Echlesiasticos , y atodas las Cuidades , y Villas de e
mes Reynos , segun se ha hecho en Otras occasiones,
*
+ estospara
A CUST. 1732 1869
para que se emplene en las Publicas , fervorosas Ro
gativas altodo Poderoso , afin que proteja mis reales
armas, y mes vivos deseos in tan importante expedicion. Expedido in Sevilla à 6 de Junio de 1732 .
Executese assi al Arzobispo Governador de Consejo
de Castilla. Yo EL REY.
Cet Acte de la pieté du Roy fut reçu avec un
applaudissement universel , principalement par
le Clergé. Un même zele parut aussi- tôt enflammer tous les cœurs , et par toute la Monarchie
d'Espagne on fit des vœux et on repeta ces grandes et édifiantes paroles qui furent autrefois prononcées avec tant de succès par le fameux Cardinal qui fit la premiere conquête d'Oran , * elles
méritent d'être transmises à la Posterité. Seigneur , ayez pitié de votre Peuple , et n'abandonnez
point votre héritage à des Barbares qui vous meconnoissent. Assistez-nous , puisque nous ne mettons
notre confiance qu'en vous et que nous n'adorons
que vous. Quoique nous n'ayons , mon Dieu , d'autre pensée ni d'autre dessein que d'étendre votre
sainte Foy et defaire honorer votre S. Nom ; nous
ne pouvons rien , toutefois , si vous ne nous prétez
la force de votre bras tout-puissant. Qu'est- ce que
peut la fragilité humaine sans votre secours La
puissance , l'Empire , la vertu , n'appartiennent qu'à
vous. Faites connoître à ceux qui vous haissent que
vous nous protegez , et ils seront confondus. Envoyez
le secours d'enhaut ; brisez la force de vos Ennemis et dissipez-les , afin qu'ils scachent qu'il n'y a que
vous qui êtes notre Dieu , qui combattez pour nous.
Cependant la Flotte équipée en la Baye d'Alicant , étant prête , et les derniers ordres de la Cour étant arrivez , elle mit à la voile le 15. de
Frias de Bello Oran. Art. XIV.
I iij. Juin
1870. MERCURE DE FRANCE
Juin , composée de plus de 5oo. Bâtimens de
transport de douze Vaisseaux de ligne , deux
Frégates , deux Galiotes à Bombes , sept Galeres ,
dix-huit Galiotes à Rames , et douze Barques
longes armées. Elle trouva bien- tôt des vents
contraires qui l'obligerent de rester pendant sept
jours à l'abri du Cap de Palos , d'où elle partit le 24. favorisée d'un bon vent qui la fit entrer dans le Canal , ensorte que le 25. elle se trouva
à la vue de la Côte d'Oran ; cependant les vents
contraires et la rapidité des courans ,
mirent pas de mouiller dans la Baye de cette
Ville avant le 28. Ce moüillage se fit sans perdre
aucun Bâtiment. Le 29. au point du jour on
commença de faire la descente en la Plage dite
des Aiguadas , à une lieuë à l'Ouest du Château
Almarza ou Marzalquibir , par le moyen de
Joo. Chaloupes formant une ligne , soutenuë de
tout le feu des Vaisseaux et des Galeres.
ne lui perLes Ennemis , qui s'étoient avancez au nombre
de dix ou douze mille Turcs ou Maures , divisez
en plusieurs troupes , voulurent s'opposer au dé- barquement; mais l'Artillerie des Vaisseaux et
des Galeres ayant redoublé son feu , et le principal Etendart des Ennemis ayant été abatu par Je premier coup de Canon que tira la Galere
S. Joseph , ils reculerent jusqu'à une certaine
* Ces Etendars sont ordinairement faits de quelque riche Etoffe dont le fond est verd et qui a servi a orner le Tombeau de Mahomet. Il y a au milieu
La Profession de Foy ordinaire ALLAH , ALLAH ,
c. en caracteres Arabes , brodez d'or ou d'argent
quelquefois de Perles. Rien n'est plus capable de
consterner les Infideles , que l'enlevement "d'un tel
Etendart.
distance.
A OUST. 1732. 1871
distance. Dans le même temps les Troupes du
Roy sauterent à terre. Toute l'Infanterie acheva
de débarquer le même jour avec une partie de la
Cavalerie, le tout dans un très bon ordre , mal
gré les continuelles escarmouches des Maures ,
ensorte qu'il n'y eut que quelques Soldats de blessez dans l'Armée du Roy.
Dès que les Ennemis eurent vů que la descente.
étoit faite , ils tenterent avec, un Corps de leur
Cavalerie , de tomber sur une troupe de Soldats
Espagnols, qui s'étoient écartez pour se rafrai
chir à une Fontaine assez éloignée de l'Armée ,
mais ce mouvement ayant été apperçu du General , il détacha 16. Compagnies de Grenadiers';
commandées par Don Lucas Fernando Patino ,
Maréchal de Camp , et 400. Chevaliers sous les
ordres du Marquis de las- Minas , aussi Maréchal de Camp , pour leur couper la retraite et pour s'emparer d'un poste avantageux qui étoit à la droite de l'Armée. Chrétienne. Le hazard
voulut que le Régiment du Prince étant débarqué du côté de la même Fontaine , une partie de
ce Régiment chargea les Maures , ce qui empêcha de les couper ; mas on se saisit toûjours du
poste en question , avantage qui les força tous à
gagner le haut de la Montagne et qui donna la facilité de pourvoir l'Armée d'eau pour deux
jours , afin de se mettre aussi -tôt en marche pour scontinuer ses progrès.
Le 30. Juin on se hâta de construire un Fort
sur la Plage, au pied de la Montagne del Sancto,
pour assurer la communication , la subsistance
de Armée et le reste du Débarquement ; mais le
Détachement qui couvroir les Travailleurs , s'étant peu à peu engagé avec les Maures , qui le
chargeoient avec beaucoup de violence , fut obliI´ iiij gé
1872 MERCURE DE FRANCE
gé de faire un mouvement vers la Ligne et les
Postes qui pouvoient le secourir ; ce qui ne suffisant pas , le General fit avancer quelques Compagnies de Grenadiers; mais la multitude et le feu
des Barbares augmentant toûjours , le General accourut lui- même , et fut enfin obligé de mettre toute l'Armée en mouvement.
Le Comte de Montemar marcha d'abord en
six colomnes pour se saisir des Montagnes d'où
les ennemis étoient descendus , ce qui fut heureusement executé , après un combat très- opiniâtré ; ensorte que les Troupes du Roy s'établirent principalement sur la Montagne del Sanco,
qui commande la Forteresse de Marzarquibir , ce
qui coupa aux Maures toute communication
et leur ota tout espoir. }
En effet le lendemain premier Juillet , l'Armée
s'étant mise en marche pour aller chercher les
ennemis , on apprit que les Infideles avoient abandonné la Place et les Forts d'Oran , et qu'ayant
le Bey ou Commandant à leur tête , ils avoient
pris le parti de se retirer , ou plutôt de s'enfuir à
la faveur de la nuit. Le Bey étoit au milieu de
sa Garde , suivi de 200. chevaux chargez de ses
effets les plus précieux ; ensorte que l'Arméa
Chrétienne trouva la Place deserte , quantité de
meubles dans la maison du Bey , les Magazins.
remplis de munitions de toute espece , et un Camp
formé par des Baraques entre Oran et le Fort de
Marzalquibir.. - i
On a sçu que le jour du combat- l'Armée des
Maures étoit de 220co. Africains , et de 2000.
Turcs , dont une partie étoit de la Garnison de
Marzalquibir , qui ne purent entrer dans la Forteresse , les Troupes Chrétiennes s'étant emparées
très à propos de la Montagne del Sancto. Cetre,
action
AOUST. 17521 1873
action a été sanglante et il y est péri un grand
nombre d'infideles , àતે en juger par la quantité de
riches dépouilles , d'argent monnoyé, d'Armes
et de Harnois garnis d'orfévrerie , &c qui furent ...le partage des Soldats.
On a trouvé dans les Forteresses 138 pieces
de Canon , dont-87. sont de fonte , Sept Mortiers
et une grande quantité de munitions de guerre et
de bouche. Il y avoit dans le Mole d'Oran , une
grande Galiote et cinq Brigantins pour la course , qui furent pareillement abandonnez par les Maures.
Dans l'Armée du Roy il n'y a eu que 30 hom- mes de tuez et cent de blessez. Deux Officiersseulement sont du nombre des morts et six du
nombre des blessez.
Le 2 Juillet, le Gouverneur Turc de la Forteresse
de Marzarquibir, ayant été sommé de se rendré.il
sortit avec sa Garnison de 150. Tures , mais un
grand nombre d'Africains qui étoient dans la
Place , prirent le parti de se jetter dans la Mer
et d'aller à la nage rejoindre leur Armée.
Voilà , Monsieur , le précis de ce que j'ai lu
dans plusieurs Lettres originales écrites du Campdevant Oran le 30. Juin, et de Séville le 6. et le 8.
de Juillet. Le succès , comme vous voyez , a été
dès plus heureux. On donne de justes éloges au
Comte de Montemar, General, aux Officiers Generaux et aux autres Officiers qui ont servi sous
ses ordres , et à la valeur des Troupes , sur tout
aux Grenadiers , qur, malgré la résistance , le
grand feu des Ennemis et la situation des lieux
escarpez et difficiles , les ont enfin entierement:
défaits et mis en déroute.
J'aurai soin de vous instruire des suites de ces
heureux évenement. Je suis, &c.
AParis , ce 4. Août 17320
فل
Dy
1874 MERCURE DE FRANCE
J'apprends , en fermant ma Lettre , que le Roy
d'Espagne a nommé Gouverneur d'Oran le Marquis de Santa Cruz , qui l'étoit de Ceuta, et qui
a servi dans cette Expedition en sa qualité de
Maréchal de Camp. C'est le même que vous avez
connu ici et qui étoit Ambassadeur Plénipotentiaire du Roi d'Espagne au Congrès de Cambray,
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet de la Priste d'Oran, &c.
En 1732, la prise d'Oran par les Espagnols fut annoncée par un courrier extraordinaire de Séville à Paris le 20 juin. Avant l'expédition, le roi d'Espagne ordonna des prières publiques dans tous ses États pour assurer le succès de l'entreprise. Une flotte composée de plus de 500 bâtiments quitta Alicante le 15 juin et arriva devant Oran le 28 juin. Le débarquement des troupes espagnoles eut lieu le 29 juin, malgré la résistance des ennemis, qui furent repoussés par l'artillerie des vaisseaux. Les Espagnols construisirent un fort sur la plage pour sécuriser la communication et la subsistance de l'armée. Le 30 juin, les troupes espagnoles prirent les montagnes stratégiques, forçant les Maures à se retirer. Le 1er juillet, l'armée chrétienne trouva la place d'Oran désertée par les ennemis, qui avaient fui pendant la nuit. Les Espagnols découvrirent des munitions et des richesses abandonnées. La bataille fit 30 morts et 100 blessés dans les rangs espagnols. Le 2 juillet, la forteresse de Marzarquivir se rendit. Le roi d'Espagne nomma le Marquis de Santa Cruz gouverneur d'Oran. Le texte mentionne également une personne connue en tant qu'Ambassadeur Plénipotentiaire du Roi d'Espagne au Congrès de Cambray, sans fournir de détails supplémentaires sur cette personne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
327
p. 1953-1969
TROISIÈME LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Conquête d'Oran.
Début :
Je suis ravi, Monsieur, que vous soyez un peu content de moi, par l'exactitude que j'ai [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Armement du roi d'Espagne, Marsalquibir, Doria, Ville, Cardinal, Golfe, Bataille
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Conquête d'Oran.
TROISIEME
J
LETTRE écrite
par M. D. L. R. à M. le Marquis de
B. au sujet de l'Armement du Roy d'Es
pagne, et de la Conquête d'Oran.
E suis ravi , Monsieur , que vous soyez un peu
content de moi , par l'exactitude que j'ai apportée à vous instruire de tout ce qui regarde la
prise de la Ville d'Oran , du Port et de la Forteresse de Marsalquibir ; c'est ce qui m'oblige de continuer de vous écrire sur le même sujet , pour
ne vous laisser rien ignorer de tout ce qui peut y
avoir quelque rapport . Vous me faites cependant
Monsieur, quelques demandes ausquelles il est de mon devoir de satisfaire avant toutes choses.
D'abord vous êtes surpris de n'avoir pas reçu
avec ma premiere Lettre le Dessein de la Médailie du celebre André Doria , qui devoit l'accompagner , et vous me faites l'honneur de me demander ce Dessein. Pour réparer cette omission ,
qui vient moins de moi que du Dessinateur , lequel ne fut pas prêt lorsque ma Lettre vous fut
envoyée
1954 MERCURE DE FRANCE
envoyée ; je joins à celle- cy la Medaille en question , que j'ai fait graver par une habile main ,
et dont j'espere que vous serez content. Je ne repete point la Description que j'en ai déja faite dans l'autre Lettre ; mais vous ne me sçaurez pas
mauvais gré,si j'ajoûte ici quelque chose d'histo
rique sur ce grand Homme, après m'être instruit
plus que je ne l'étois avant la gravure de la Mé- daille.
André Dorianaquit à Oneille * le 30. Novembre , jour de S. André , 1468. d'une des plus anciennes , des plus illustres etcr des plus illustrées
Maisons de l'Etat de Genes. Il aima la Marine
dès son enfance , et dans un âge peu avancé il acquit la réputation du plus grand Homme de
Mer de son temps. Il servit dabord sa Patrie en
cette qualité très- utilement , puis passa au service
du Roy François I. qui le fit General des Galeres
de France et lui donna le Collier de ses Ordres ;
mais un chagrin , reçû à l'occasion de quelques Prisonniers de distinction , faits dans une Bataille
Navalle , fomenté et menagé d'ailleurs par les En- nemis de la France , fit déclarer Doria pour l'Empereur Charles V. qui lui confia toutes ses forces
Maritimes , avec lesquelles il fit plusieurs conquêtes en Barbarie et dans la Morée et gagna plusieurs Batailles , malgré la bravoure et l'experience de Barberousse , Amiral de Soliman II. son Concurrent. La fortune né lui tourna le dos presque qu'une seule fois , ce fut en l'année 1552.
que Dragut Rais, Capitaine General des Corsaires
Barbaresques , à qui André Doria avoit cy-devant accordé la vie et la liberté , le surprit lors-
* Ou Oneglia , Ville Maritime , située entre
Nice et Genes , dont le Pere de Doria étoit Seigneur .
qu'il
REAS
DORIA
KS NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
SEPTEMBR E. 1732. 1955
qu'il y pensoit le moins , et lui prit plusieurs
Vaisseaux dans une retraite précipitée . Il se dédommagea de cet Echet deux ans après en pre- nant Sansiotenzo , dans l'Isle de Corse , Place
occupée par les François. Les Grands Hommes
ne sont pas exempts de défauts ; une severité
quelquefois outrée,peut être necessaire,fut, dit on,
celui de Doria; il parloit de faire jetter à la Mer,
et de pendre, comme d'un châtiment familier ;
témoin ce Pilote , qui après l'avoir déja importuné, se présenta encore devant lui pour le
prier de lui laisser dire seulement trois paroles.
Je le veux bien , répondit le General , mais si tu
en dis davantage je te ferai pendre. Le Pilote ,
sans s'émouvoir, répliqua , argent ou congé. Doria , très -satisfait de sa hardiesse , le fit payer sur
le champ et continua de se servir de lui. Notre Heros reçut. du Ciel une faveur singuliere , lorsque sur la fin d'une longue et glorieuse carriere ,
il se retira dans le Palais qu'il avoit fait bâtir dans`
le principal Fauxbourg de Genes , où il ne s'oc
cupa que de sa Religion , et où il mourut âgé
d'environ 94. ans , en l'année 1560. on l'inhuma
sans pompe , suivant ses ordres précis ; mais
quelques jours après le Sénat lui fit des Obseques
magnifiques dans la grande Eglise , et toute la Ville de Gennes , sans distinction de Sexe ni de
condition , prit le deuil.
Jamais Maison , au reste , n'a été plus féconde
en Grands Hommes dans l'Italie , et sur tout en
Grands Hommes de Mer , que celle de Doria. Je
me contenterai de vous nommer ici par occasion
les principaux sujets qui ont illustré cette Maison. André Doria épousa vers l'année 1150. la
fille de Barrison , Roy de Sardaigne . Jacques Doria , qui vivoit en 1170. fut un des quatre Sça- vans
1956 MERCURE DE FRANCE
vans Citoyens de Genes , nommez pour écrire
'Histoire de la République. Perceval et Simon
D. qui vivoient dans le même siecle , se firent
admirer par leur capacité et par leur politesse à
la Cour de Charles -I . Roy de Naples , &c. Comte de Provence. Le premier étoit grand Philosophe , et tenoit le premier rang parmi les Poëtes
Provençaux ; il eut beaucoup de part à la faveur de la Reine Beatrix , et mourut à Naples en 1276.
après avoir été Podestat d'Arles et d'Avignon."
Hilaire D. épousa en 1397.une fille d'Emmanuel,
Empereur de Constantinople.
Jerôme Doria , Comte de Cremolin , rendit
de grands services à la République de Genes qui
l'envoya en 1512. auprès du Pape Jules II. pour
une négociation importante. 11 embrassa l'Etat
Ecclesiastique après la mort de son Epouse , fur
Evêque de Nebbi , puis de Jacca et de Huesca
reçut le Chapeau de Cardinal en 1530. à la solli
citation d'André Doria , et enfin fut fait Archevêque de Tarragone. Il mourut à Genes en 1550.
Philippe Doria défit en 1518. l'Armée Navale
des Espagnols devant Naples , et fit beaucoup de
Prisonniers. Jannetin Doria , fils de Thomas, fut
choisi par notre André Doria , qui n'avoitpoint
d'enfans , pour son heritier , comme son plus proche parent , et il lui donna le commandement
de vingt Galeres. Le jeune Doria , marchant sur
les traces de son Oncle , fit diverses Expeditions
glorieuses , dont la plus flateuse et la plus importante fut la défaite et la prise du fameux Corsaire
Dragut, trouvé dans un Port de l'Ile de Corse.
Il lui enleva treize Galeres et mit le Pyrate à la chaîne. Ce brave homme fut tué en 1547. dans
fa malheureuse Conjuration des Fiesques , si con- nue dans l'Histoire.
Jean
SEPTEMBRE. 1732. 1957
Jean-André Doria , son fils , élevé par son
grand-oncle et institué son heritier , commanda
l'Armée Navale d'Espagne en 1560 à l'entreprise de Tripoly , se signala en 1564. en l'Isle
de Corse , offrit l'année suivante d'aller secourir
Malte , assiegée par les Turcs , commanda encore en 1570. l'Armée d'Espagne destinée au secours de l'Isle de Chypre , et l'année d'après il eut
beaucoup de part à la Victoire de Lepante.
J'omets ; Monsieur , plusieurs autres Illustres -
de cette Maison , en particulier divers Doges de
Genes de ce même nom et d'un rare mérite. Je
finis par Antoine Doria , autre grand Capitaine ,
qui se rendit celebre sous Charles V. Il est Auteur d'une Histoire de son temps fort estimée,laquelle fut publiée en 1571. sous le titre de Compendia d'Antonio Doria , delle Cose di sua Notitia et Memorie Occorse al Mondo , nel tempo dell' Im-,
peratore Carlo V. Elle mérite une place dans vo~
tre Cabinet.
Il y a depuis deux cent ans , au moins , une
Branche de cette Maison établie à Marseille , qui
est devenue toute Françoise. Je trouve que Lazarin
Doria fut premier Consul de cette Ville en l'année 1558. Pour posseder cette Charge , il falloit
être né à Marseille et d'une noblelle qualifiée. Jean
Doria fut Assesseur de Marseille en 1564
Les Doria avoient une Maison magnifique ou
plutôt un Palais presque dans le cœur de la Ville.
Ceux qui connoissent Marseille , pourront juger
de sa grandeur de la beauté de l'Emplacement
et de ses Jardins , en leur apprenant que tout cela
forme aujourd'hui le Monastere des Dames Reeuses Augustines. Dans ma jeunesse on voyoit encore sur l'une des Portes les Armes de Doria
dans un Ecu de Marbre blanc, artistement travail- D lé ,
1958 MERCURE DE FRANCE.
lé , où , malgré l'injure du temps , on remarquoit
un Aigle à aîles éployées. L'Ecu est panché, comme étoit représenté dans ce temps- là celui des plus grandes et des plus anciennes Maisons.
Avant que de finir , je reviens encore une fois
à la Médaille d'André Doria , pour faire deux
Remarques : la prémiere , sur la Légende du côté
de la tête , qui est telle , ANDREAS DORIA PP.
ces deux P P. selon moi , ne peuvent s'expliquer
que par ces mots imitez des Médailles Romaines,
PATER PATRIA , et fort justement appliquez à
notre Héros , qui , selon l'Histoire de sa Vie ,
écrite par Sigonius , fut veritablement le Pere et leiberateur de sa Patrie , sur tout depuis que
pour la servir plus utilement , il eut quitté le serviće de François I. après que ce grand Prince eut
fait la conquête de Genes 1527. &c. Et je ne
doute point que la Médaille n'ait été frappée par P'ordre du Sénat ; s'il est vrai , comme je viens de
le lire dans un Auteur anonyme contemporain ,
que la Patrie de Doria lui fit ériger une belle et
grande Statue de Marbre dans la principale Place
de Genes , au Piedestal de laquelle on lisoit ces
deux mots PATRI PATRIA, J'apprens par le
même Auteur, que l'Empereur Charlequint , dans
toutes ses Lettres , et en parlant de vive voix à
A Doria , l'appelloit toujours son Pere , et l'ac- cabloit de caresses.
Ma seconde Remarque est une suite de ce que
je vous ai déja dit , Monsieur , au sujet du Revers de notre Médaille , où l'on voit la tête d'un
Captif, et autour , des Chaînes et d'autres symboles d'esclavage. J'ai pensé d'abord que cette
Tête pouvoit être prise pour celle du fame
* Doria porte d'Or à l'Aigle à deux Têtes de sable,
..
Bar
SEPTEMBRE. 1732. 1959
•
Barberousse , homme obscur dans son origine,
Esclave de Soliman II . puis Capitan Pacha , l'Emule et le Rival de Doria , qui le batit en 1536.
et reprit ensuite Tunis , &c. mais il seroit peutêtre plus naturel de croire que c'est ici la tête du
Pyrate Dragut , que Jannetin Doria batit avec
les Galeres et sous les auspices de son Oncle
comme je l'ai dit cy-dessus , qu'il lui amena
Genes chargé de chaînes , pour augmenter ses
triomphes,et que le genereux Doriamit en liberté.
Quoiqu'il en soit , voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pu vous dire en peu de mots d'André
Doria et de sa Maison. Si je n'avois pas été si
pressé de vous envoyer ma Lettre par les circonstances du temps , &c. j'aurois pû profiter d'un
Memoire Historique , que M. le Marquis Doria,
actuellement Envoyé de la République de Genes auprès du Roy , a eu la bonté de me promettre
et qu'il attend tous les jours , dans lequel peuvent être d'autres faits curieux et Anecdotes ; en tout
cas je pourrai vous en faire part dans une autre
occasion. Il est temps de revenir à la Ville d'Oran.
Vous me demandez , Monsieur , si je crois cette
Ville aussi ancienne que je vous l'ai exposé dans
ma premiere Lettre , sur la foi de quelques Auteurs modernes. Je vous avoue avec franchise que
je les crois dans l'erreur sur ce sujet , et que
M. Corneille en particulier , s'est fort abusé quand il nous dit dans son Dictionnaire Universel, Géographique et Historique, que du temps des Romains, on appelloit la Ville d'Oran Unica Colonia. Il est vrai qu'Ortelius , dans son Trésor
Geographique , donne le nom d'Unuca à une
Ville de l'Afrique , proprement dite , en citant
là-dessus l'Itineraire d'Antonin , ce qui peut avoir Dij donné
1960 MERCURE DE FRANCE
donné lieu à l'erreur de M. Corneille ; mais cet
Itineraire consulté , je trouve seulement qu'il y
est fait mention d'une Ville nommée Unaca , et
non pas Unuca , ni Unica , laquelle est située dans la Mauritanie Cesarienne , qui comprend , si vous
voulez, le Pays où est Oran ; ce qui ne suffit pas
pour se déterminer en faveur de l'Antiquité de
cette Ville ; outre que l'Unaca de l'Itineraire n'est
en aucune façon qualifiée de Colonie.
Mais quelle antiquité peut- on donner à Oran?
Vous l'allez voir , Monsieur, dans le petit Narré
qui suit ; et par- là je répons aussi à une autre
question que vous me faites au sujet de l'Eglise
d'Oran , que vous avez lû quelque part avoir été
une Cathédrale , dont l'Evêque étoit suffragant
de l'Archevêque de Tolede , depuis la conquête
du Cardinal Ximenés.
Lorsque ce Prélat forma le projet de cette conquête , qu'il devoitent reprendre , comme il fit en
personne et à ses dépens , il stipula expressément
avec le Roy Catholique, que la Ville et le Territoire d'Oran dépendroient pour le spirituel de
'Archevêché de Tolede. Cette dépendance , dit
un Historien , étoit coinme un Monument de sa
conquête , qui devoit en conserver le souvenir à
la Posterité. C'étoit aussi pour engager tous ses
Successeurs dans cet Archevêché d'avoir une attention particuliere sur la Ville d'Oran , au cas
qu'elle fût attaquée ou reprise par les Infideles. Il
Jeur avoit donné un exemple trop signalé de son
zele pour la Religion , et d'un parfait désinteresşement , pour n'être pas imité.
Cependant Ximenés fut traversé dans la
possession d'un droit si clairement énoncé et si
bien acquis. Cette affaire lui donna même beau- coup de peine et de chagrin. Un Religieux Fran- ciscain
Q
SEPTEMBRE. 1732 1961
ciscain , nommé Fr. Louis-Guillaume , ayant
sollicité en Cour de Rome le titre d'Evêque in
Partibus , obtint enfin des Bulles , qui le nommoient Episcopum Aurensem , avant qu'il fût ques
tion de l'Expedition d'Oran , et il fut sacré en
cette qualité. Cette Ville n'eut pas plutôt été con- quise , que la ressemblance des noins lui fit ima.
giner que ce pouvoit bien être son Evêché , ne
sçachant pas auparavant en quelle partie du Mon
de étoit situé son Diocèse. Là- dessus il se fit appeller l'Evêque d'Oran , et sans faire la moindre
honnêteté au Cardinal , il lui fit signifier ses prétentions , &c. avec déclaration qu'il alloit pren
dre possession , &c.
Ce grand homme, quoique bien fondé et persuadé que les prétentions du Cordelier Espagnol
étoient frivoles , les fit examiner en sa présence.
par un esprit d'équité et de Religion avec la derniere exactitude. Deux principes furent d'abord
établis. 1 ° . Que quand le Pape confere un Evêque in Partibus on supposoit toujours que cer
Evêché avoit existé lorsque les Chrétiens étoient
en possession du Pays où il étoit situé. 2 °. Que
le Pape n'avoit point érigé Oran en Evêché ; qu'il
n'avoit pû par consequent le conferer sans pré- tendre que c'en étoit un dès le temps que les Chrétiens étoient les maîtres de l'Afrique , et que
Christianisme y Aeurissoit,Principe que la Patrie
interessée ne pouvoit pas contester.
le
Il n'y avoit donc proprement qu'à examiner
si Oran avoit été un Evêché avant que lesArabes
eussent conquis l'Affrique , n'étant pas possible
d'imaginer qu'il l'eût été depuis. Là-dessus on
Koceda à l'examen de tous les Auteurs qui
avoient traité des Antiquitez Ecclesiastiques et
Civiles d'Affrique. On lut les Conciles qui y
Diij avoient
1962 MERCURE DE FRANCE
avoient été tenus , et les autres Conciles où les
Évêques Affricains s'étoient trouvez , on parcoufut toutes les Souscriptions ; aucun Concile ne
faisoit mention de l'Evêché ni de l'Evêque d'Oran ou d'Aure. Même silence parmi les Cosmographes anciens , &c.
Pour n'avoir rien à se reprocher , le Cardinal
fit faire avec le même soin et par d'habiles gens
une recherche exacte de l'origine d'Oran , et on
trouva que cette Ville avoit été bâtie récemment
par les Habitans de Trémesen , qui étant attirez
par la beauté et par la commoditể du Port , y
avoient envoyé une Colonie. La conclusion étoit
aisée à tirer contre les prétentions de l'Evêque * in
Partibus.
Celui- cy , loin de se rendre à une pareille Dé- monstration , et de renoncer à des esperances
mal fondées , eut la témerité de dire en face au
Cardinal et avec émotion , que le Pape avoit prétendu lui conferer un Evêché , et qu'il falloit bien
que ce fût Oran , puisqu'il ne se trouvoit point
ailleurs. Vous le chercherez où il vous plaira , lai
répondit Ximenés , mais contez que tant que je
vivrai vous ne serez point Evêque d'Oran.
Il est étonnant , Monsieur , que ce Moine ayant
à faire à un homme du rang et de l'autorité de
Ce qui donnoit lieu à l'erreur du Prélat Cordelier , c'est que dans la Province Ecclesiastique de
Carthage on comptoit parmi les Villes Episcopales
Aurian ou Auran , mais cette Ville étoit éloignée
d'Oran , dont il s'agisso t de plus de 20. lieuës , et
c'est apparemment le titre de cet Evêché , que le Pape
avoit voulu lui conferer ; l'esprit d'interêt et l'entête
ment ne permirent pas à ce Religieux d'ouvrir les
yeux.
P'Archevêque
SEPTEMBRE. 1732. 1963
PArchevêque Cardinal , ne se rendit pas à cette
réponse. Il partit au contraire pour la Cour et
fit tant par ses intrigues , qu'il obtint du Roy des
Lettres pour le Cardinal , par lesquelles S. M.
le prioit de lui donner toute la satisfaction qu'il se pourroit. Il ne restoit plus pour embrouiller
cette affaire et pour la faire devenir de consequence , que le Pape , sollicité de soutenir sa no.
mination , vint à s'en mêler.
C'est ce qui engagea Ximenés à proposer an accommodement qui fut qu'on établiroit à Oran une Collégiale dont on donneroit à ce Prétendant la premiere Dignité , avec le
le titre d'Abbé , et un revenu égal à celui des
Dignitez du Chapitre de Tolede, parmi lesquelles
il auroit un rang, sans être obligé à la résidence,
sans renoncer même ni à son titre d'Evêque , ni
à ce prétendu Diocèse , s'il se trouvoit jamais être
quelque chose de réel ; accommodement qui fut réfusé.
Alors le Cardinal envoya au Roy les Recherches qu'il avoit faites au sujet d'Oran , et le projet d'accommodement , suivi d'un refus opiniâtre,
suppliant S. M. de trouver bon que les choses
restassent à cet égard dans l'état dont on étoit
convenu ; ce que ce Prince trouva si juste , qu'il
ne voulut plus entendre parler de cette affaire ;
desorte que durant la vie de Ximenés, ni après sa
mort , il n'y eut jamais d'Evêque d'Otan. On n'y établit pas même la Collégiale dont il avoit fait
le projet , et tout se réduisit à l'établissement d'un
Grand- Vicaire et d'un Official , que l'Archevêque de Tolede tient à Oran pour l'exercice de sa
Jurisdiction.
Vous voyez , Monsieur , deux choses également vrayes par cet Exposé; la premiere , que la Diiij Ville
1964 MERCURE DE FRANCE
Ville d'Oran n'a pas l'antiquité prétendue par
quelques Auteurs , puisqu'elle doit sa fondation
aune Ville qui n'est connue que depuis la conquête de l'Afrique par les Mohometans Arabes ,
et que les Califes ont vrai- semblablement bâtie.
La seconde verité est qu'il n'y a jamais eu d'Eyêque ni d'Eglise Cathédrale à Oran , comme le
veut Davity , dans sa Description generale de
l'Affrique Tom. VI. de l'Edit de Rocolles , falio ,
Paris, 1660.
Il y auroit plus de fondement à croire la petite
Ville de Marsalquibir , voisine d'Oran , veritablement ancienne, et de lui appliquer cet Endroit
de Ptolomée , où en décrivant la situation Maritime de la Mauritanie Césarienne , ce fameux
Géographe fait mention d'un lieu qu'il a nommé πορτος μαγνος selon la dénomination de son
temps , Portus magnus et Fretum magnum , selon
le Traducteur Latin. Marsalquibir, qui d'ailleurs
est un mot Arabe signifiant la même chose
mérite assurément ce nom et cette croyance ,
cause de la grandeur de son Port , qui forme un
petit Golfe sur cette Côte.
Davity , dont je viens de parler , en faisant
mention de ces deux Places , qualifie Oran de
Marquisat ; je ne vois pas trop sur quel fondement , et il dit que Marsalquibir fut enlevé aux
Maures par le Marquis de Comarez en isos. Ce n'est pas ici le lieu d'éclaircir ces faits et d'autres
Circonstances historiques que l'Auteur ajoûte sur P'une et sur l'autre Ville.
Mais laissons ces temps éloignez pour venir
aux affaires présentes d'Oran, Vous vous étonnez,
Monsieur , avec raison , que les Maures fortifiez
par un secours considerable de Turcs , ayant une
pombreuse Artillerie , prévenus d'ailleurs et mepaccz
SEPTEMBRE. 1732. 1965
་
nacez d'une prochaine descente de l'Armée Espagnole, ne se soient pas opposez plus vigoureusement à cette entreprise ; que du moins la descente étant faite , Oran et Marsalquibir , bien
munis comme ils étoient , n'ayent pas merité ,
pour ainsi dire , l'honneur d'un Siége , et qu'une
Bataille , imprudemment engagée de leur part ,
ait presque , en arrivant , décidé du sort de ces
Places. Cela vous a fait juger qu'elles étoient
peut être sans deffense du côté de l'Art
les Maures n'ayant pas eu soin de se fortifier ,
d'entretenir du moins les Ouvrages faits depuis
la Conquête de Ximenés.
-
Mais c'est tout le contraire , suivant toutes
les Lettres les plus exactes et les mieux circonstanciées , qui nous sont venues de ce Païs- là.
Vous en jugeriez ; Monsieur, autant que personne , si le Plan de ces deux Places et de leurs environs, qui vient de m'être communiqué par un
ami de distinction , qui l'a reçu depuis peu de la
Cour d'Espagne, pouvoit vous être envoyé avec
ma Lettre. On y voit Oran entouré de Fortifications , attachées au Corps de la Place , dont le
principal Ouvrage est ce qu'on appelle le Donjon. Dans les dehors sont les Châteaux de RosalCasar , de S. André , de S. Philippe , de Sainte
Croix , de S. Grégoice , avantageusement situez sur des hauteurs , et dans des distances convenables, sans parler de la Tour du Madrigal et de
la grosse Tour. Marsalquibir est à proportion
fortifié de même , deffendu aux environs par le
Fort de S. Sauveur , et par le Fortin , qui est le
plus près de la Ville , avec un chemin de com- munication d'une Ville à l'autre , qui cottoye le
fonds du Golphe ou du grand Port de Marsalquibir.
DV
3
1966 MERCURE DE FRANCE
1
Ce Golphe represente un demi Cercle presque
parfait.Oran est situé sur la pointe Orientale , et
Marsalquibir,vis- à- vis,sur la pointe Occidentale;
l'espace de l'une à l'autre pointe , ou l'ouverture
du Golphe , est de plus de 900 toises , avec en
viron 700 toises de profondeur. De plus,la Ville
d'Oran a son Port particulier, mais qui n'est pas,
à beaucoup près , si considérable,
Le même Plan me confirme qu'Oran ne manque point d'Eaux. Il y a auprès de la Ville une
Riviere , sur laquelle est le Pont de Trémésen ,
et un grand Ruisseau encore plus près des Murailles , qui arrose des Jardins Potagers et des Vergers. De sorte Monsieur , que dans toutes
ces circonstances réunies , c'est une espece de Miracle , que cette Conquête ait été si subitement
décidée par le sort d'un Bataille generale, laquelle , selon toutes les Regles de la Guerre , ne devoit pas si-tôt se donner , et qui n'a été engagée que casuellement, comme parle l'Autheur de
la Relation Espagnole que j'ai Il y a eu cependant de part et d'autre beaucoup de bravoure dans le combat; et sur tout du
côté des Espagnols , des Actions d'une valeur
peu commune. Il m'est venu là- dessus de nouveaux détails , qui allongeroient trop ma Lettre; mais je n'obmettrai point l'Action plus que hardie d'un simple Sergent, qui fut commandé avec
16 Soldats le jour du débarquement , pour
s'emparer d'un Poste. Il fut d'abord enveloppé
par un détachement de 300 Cavaliers Turcs ;
mais le Sergent et sa foible Trouble , sans s'embarrasser de la superiorité , se deffendirent avec
tant de courage et chargerent si à propos , qu'ils !
gagnerent enfin le Poste en question , et oblige- rent les Turcs de se retirer.
Оц
SEPTEMBRE. 1732. 1967
On ne peut,au reste.rien ajoûter à la pieuse reconnoissance du Roy d'Espagne envers le Ciel ,
pour un succès si heureux. Toutes les nouvelles
publiques sont remplies des Actes de sa piété , et du zéle de ses Sujets à célébrer cet Evenement.
Le Cardinal d'Astorga , Archevêque de Tolede ,
Primat des Espagnes, &c. s'est particulierement distingué en cette occasion , ainsi que le Chapitre de son Eglise , la Ville d'Oran étant de la Ju- risdiction de cet Archevêché. Dès le 27 Juin , il y avoit eu à Tolede une Procession Generale de
tout le Clergé Séculier et Régulier , suivie des Magistrats , de joutes les Personnes de distinction , et d'un Peuple infini. On y porta l'Etendart avec lequel le Cardinal Ximenés entra en
triomphe dans Oran. La Procession se rendit de
l'Eglise Métropolitaine à celle de l'Hôpital
Royal , où se conserve une Image celebre de
Notte-Dame , Patrone de la Ville d'Oran , d'où
elle a été transportée à Tolede , après la derniere invasion des Maures. Il y a eu depuis des Ac- tions de Graces tres- solemnelles dans la même
Ville de Tolede.
Sa M, C. rendit quelques jours après justice
aux Officiers qui ont servi dans cette Expédition.
Elle fit le Comte de Montemar , Commandant
en Chef, Capitaine General de ses Armées ; plusieurs Lieutenans Generaux , parmi lesquels est
le Marquis de Santa Cruz que vous connoissez ;
plusieurs Marêchaux de Camp, et Brigadiers. On
y voit aussi plusieurs Capitaines, qui ont été faits
Colonels .
Cependant depuis la Bataille d'Oran et la
prise des deux Places , on n'a été occupé qu'à débarquer l'Artillerie , les Munitions et les Equi--
D vj pages
1968 MERCURE DE FRANCE
pages , et à réparer et augmenter les Fortifications , à fortifier le Camp , à faire enfin les dispositions necessaires pour s'assurer du plat Païs,
afin d'en tirer des Vivres , &c. On écrit même
déja que les Habitans de plus de vingt lieuës à
la ronde , sont venus se soumettre.
Je ne vous parle point d'une petite disgrace, arrivée aux Espagnols le 16 Juillet. Un Détachement de leur Armée , envoyé pour attaquer les
Maures dans les Montagnes , est tombé dans
une Embuscade des Ennemis , ce qui a coûté la
vie environ à 300 hommes, sans compter le Due
de S. Blas , et quelques autres Personnes de
moindre considération , qui ont été tuées dans
cette rencontre Disgrace, dont les Troupes Espagnoles ont eu leur revanche quelques jours
après , par un détachement de mille Grenadiers ,
placez dans une Embuscade , avec du Canon .
chargé à cartouche, qui a fait périr plus de mille
Maures , sans compter plusieurs autres avantages remportez depuis , et la prise de quelques Convois des Infideles ; un entr'autres de mille
Chameaux chargez , &c.
Les dernieres Lettres parlent de l'arrivée au
Camp Espagnol , d'un Grand du Païs , que les
nouvelles publiques ont appellé Bacha , terme
impropre et inusité parmi les Maures , pour
offrir au Comte de Montemar de mettre 30000
Maures en Campagne pour le service de S. M.
C. et d'autres avantages , à de certaines conditions ; pour la seureté desquelles offres il ajoutoit celle de laisser son fils , qui l'accompagnoit,
en otage. Le bruit couroit même à Madrid, que Ice Prince Maure devoit y arriver incessamment
avec un train considérable.
Les mêmes Lettres parlent d'un nouveau Dé- tache
SEPTEMBRE. 1732 1969
tachement que le Comte de Montemar venoit
de faire sous les Ordres du Marquis de Villadarias , composé de 5000 hommes d'Infanterie .
et de 2000 de Cavalerie , pour aller assiéger
Mazagran , Ville située à is lieuës d'Oran et
sur la même Côte, dans le temps que 2 Vaisseaux
de Guerre et 7 Galeres devoient attaquer la Place par Mer.
Je finis , Monsieur , en vous confirmant que
le Marquis de Santa- Cruz a été fait Gouverneur
des Villes d'Oran et de Marsalquibir. Ces Places
ne pouvoient être confiées à un plus digne Sujer
et qui entendît mieux l'art de les fortifier et de les deffendre en cas de besoin , sans parler de ses
autres excellentes qualitez. On a publié icy une
Traduction Françoise du X I. Tome de son grand Ouvrage, intitulé : Reflexiones Militares..
Cette Traduction compose un vol. in 4. imprimé à Paris , chez Langlois. Pour vous mettre au
fait de ce Livre , que je ne puis pas vous faire
tenir présentement , je vous envoye le Journal
de Trévoux , du mois de Janvier dernier , où
vous en trouverez l'Extrait. J'ai l'honneur d'ê tre , Monsieur , &c.
A Paris , les Aoust 17322-
J
LETTRE écrite
par M. D. L. R. à M. le Marquis de
B. au sujet de l'Armement du Roy d'Es
pagne, et de la Conquête d'Oran.
E suis ravi , Monsieur , que vous soyez un peu
content de moi , par l'exactitude que j'ai apportée à vous instruire de tout ce qui regarde la
prise de la Ville d'Oran , du Port et de la Forteresse de Marsalquibir ; c'est ce qui m'oblige de continuer de vous écrire sur le même sujet , pour
ne vous laisser rien ignorer de tout ce qui peut y
avoir quelque rapport . Vous me faites cependant
Monsieur, quelques demandes ausquelles il est de mon devoir de satisfaire avant toutes choses.
D'abord vous êtes surpris de n'avoir pas reçu
avec ma premiere Lettre le Dessein de la Médailie du celebre André Doria , qui devoit l'accompagner , et vous me faites l'honneur de me demander ce Dessein. Pour réparer cette omission ,
qui vient moins de moi que du Dessinateur , lequel ne fut pas prêt lorsque ma Lettre vous fut
envoyée
1954 MERCURE DE FRANCE
envoyée ; je joins à celle- cy la Medaille en question , que j'ai fait graver par une habile main ,
et dont j'espere que vous serez content. Je ne repete point la Description que j'en ai déja faite dans l'autre Lettre ; mais vous ne me sçaurez pas
mauvais gré,si j'ajoûte ici quelque chose d'histo
rique sur ce grand Homme, après m'être instruit
plus que je ne l'étois avant la gravure de la Mé- daille.
André Dorianaquit à Oneille * le 30. Novembre , jour de S. André , 1468. d'une des plus anciennes , des plus illustres etcr des plus illustrées
Maisons de l'Etat de Genes. Il aima la Marine
dès son enfance , et dans un âge peu avancé il acquit la réputation du plus grand Homme de
Mer de son temps. Il servit dabord sa Patrie en
cette qualité très- utilement , puis passa au service
du Roy François I. qui le fit General des Galeres
de France et lui donna le Collier de ses Ordres ;
mais un chagrin , reçû à l'occasion de quelques Prisonniers de distinction , faits dans une Bataille
Navalle , fomenté et menagé d'ailleurs par les En- nemis de la France , fit déclarer Doria pour l'Empereur Charles V. qui lui confia toutes ses forces
Maritimes , avec lesquelles il fit plusieurs conquêtes en Barbarie et dans la Morée et gagna plusieurs Batailles , malgré la bravoure et l'experience de Barberousse , Amiral de Soliman II. son Concurrent. La fortune né lui tourna le dos presque qu'une seule fois , ce fut en l'année 1552.
que Dragut Rais, Capitaine General des Corsaires
Barbaresques , à qui André Doria avoit cy-devant accordé la vie et la liberté , le surprit lors-
* Ou Oneglia , Ville Maritime , située entre
Nice et Genes , dont le Pere de Doria étoit Seigneur .
qu'il
REAS
DORIA
KS NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
SEPTEMBR E. 1732. 1955
qu'il y pensoit le moins , et lui prit plusieurs
Vaisseaux dans une retraite précipitée . Il se dédommagea de cet Echet deux ans après en pre- nant Sansiotenzo , dans l'Isle de Corse , Place
occupée par les François. Les Grands Hommes
ne sont pas exempts de défauts ; une severité
quelquefois outrée,peut être necessaire,fut, dit on,
celui de Doria; il parloit de faire jetter à la Mer,
et de pendre, comme d'un châtiment familier ;
témoin ce Pilote , qui après l'avoir déja importuné, se présenta encore devant lui pour le
prier de lui laisser dire seulement trois paroles.
Je le veux bien , répondit le General , mais si tu
en dis davantage je te ferai pendre. Le Pilote ,
sans s'émouvoir, répliqua , argent ou congé. Doria , très -satisfait de sa hardiesse , le fit payer sur
le champ et continua de se servir de lui. Notre Heros reçut. du Ciel une faveur singuliere , lorsque sur la fin d'une longue et glorieuse carriere ,
il se retira dans le Palais qu'il avoit fait bâtir dans`
le principal Fauxbourg de Genes , où il ne s'oc
cupa que de sa Religion , et où il mourut âgé
d'environ 94. ans , en l'année 1560. on l'inhuma
sans pompe , suivant ses ordres précis ; mais
quelques jours après le Sénat lui fit des Obseques
magnifiques dans la grande Eglise , et toute la Ville de Gennes , sans distinction de Sexe ni de
condition , prit le deuil.
Jamais Maison , au reste , n'a été plus féconde
en Grands Hommes dans l'Italie , et sur tout en
Grands Hommes de Mer , que celle de Doria. Je
me contenterai de vous nommer ici par occasion
les principaux sujets qui ont illustré cette Maison. André Doria épousa vers l'année 1150. la
fille de Barrison , Roy de Sardaigne . Jacques Doria , qui vivoit en 1170. fut un des quatre Sça- vans
1956 MERCURE DE FRANCE
vans Citoyens de Genes , nommez pour écrire
'Histoire de la République. Perceval et Simon
D. qui vivoient dans le même siecle , se firent
admirer par leur capacité et par leur politesse à
la Cour de Charles -I . Roy de Naples , &c. Comte de Provence. Le premier étoit grand Philosophe , et tenoit le premier rang parmi les Poëtes
Provençaux ; il eut beaucoup de part à la faveur de la Reine Beatrix , et mourut à Naples en 1276.
après avoir été Podestat d'Arles et d'Avignon."
Hilaire D. épousa en 1397.une fille d'Emmanuel,
Empereur de Constantinople.
Jerôme Doria , Comte de Cremolin , rendit
de grands services à la République de Genes qui
l'envoya en 1512. auprès du Pape Jules II. pour
une négociation importante. 11 embrassa l'Etat
Ecclesiastique après la mort de son Epouse , fur
Evêque de Nebbi , puis de Jacca et de Huesca
reçut le Chapeau de Cardinal en 1530. à la solli
citation d'André Doria , et enfin fut fait Archevêque de Tarragone. Il mourut à Genes en 1550.
Philippe Doria défit en 1518. l'Armée Navale
des Espagnols devant Naples , et fit beaucoup de
Prisonniers. Jannetin Doria , fils de Thomas, fut
choisi par notre André Doria , qui n'avoitpoint
d'enfans , pour son heritier , comme son plus proche parent , et il lui donna le commandement
de vingt Galeres. Le jeune Doria , marchant sur
les traces de son Oncle , fit diverses Expeditions
glorieuses , dont la plus flateuse et la plus importante fut la défaite et la prise du fameux Corsaire
Dragut, trouvé dans un Port de l'Ile de Corse.
Il lui enleva treize Galeres et mit le Pyrate à la chaîne. Ce brave homme fut tué en 1547. dans
fa malheureuse Conjuration des Fiesques , si con- nue dans l'Histoire.
Jean
SEPTEMBRE. 1732. 1957
Jean-André Doria , son fils , élevé par son
grand-oncle et institué son heritier , commanda
l'Armée Navale d'Espagne en 1560 à l'entreprise de Tripoly , se signala en 1564. en l'Isle
de Corse , offrit l'année suivante d'aller secourir
Malte , assiegée par les Turcs , commanda encore en 1570. l'Armée d'Espagne destinée au secours de l'Isle de Chypre , et l'année d'après il eut
beaucoup de part à la Victoire de Lepante.
J'omets ; Monsieur , plusieurs autres Illustres -
de cette Maison , en particulier divers Doges de
Genes de ce même nom et d'un rare mérite. Je
finis par Antoine Doria , autre grand Capitaine ,
qui se rendit celebre sous Charles V. Il est Auteur d'une Histoire de son temps fort estimée,laquelle fut publiée en 1571. sous le titre de Compendia d'Antonio Doria , delle Cose di sua Notitia et Memorie Occorse al Mondo , nel tempo dell' Im-,
peratore Carlo V. Elle mérite une place dans vo~
tre Cabinet.
Il y a depuis deux cent ans , au moins , une
Branche de cette Maison établie à Marseille , qui
est devenue toute Françoise. Je trouve que Lazarin
Doria fut premier Consul de cette Ville en l'année 1558. Pour posseder cette Charge , il falloit
être né à Marseille et d'une noblelle qualifiée. Jean
Doria fut Assesseur de Marseille en 1564
Les Doria avoient une Maison magnifique ou
plutôt un Palais presque dans le cœur de la Ville.
Ceux qui connoissent Marseille , pourront juger
de sa grandeur de la beauté de l'Emplacement
et de ses Jardins , en leur apprenant que tout cela
forme aujourd'hui le Monastere des Dames Reeuses Augustines. Dans ma jeunesse on voyoit encore sur l'une des Portes les Armes de Doria
dans un Ecu de Marbre blanc, artistement travail- D lé ,
1958 MERCURE DE FRANCE.
lé , où , malgré l'injure du temps , on remarquoit
un Aigle à aîles éployées. L'Ecu est panché, comme étoit représenté dans ce temps- là celui des plus grandes et des plus anciennes Maisons.
Avant que de finir , je reviens encore une fois
à la Médaille d'André Doria , pour faire deux
Remarques : la prémiere , sur la Légende du côté
de la tête , qui est telle , ANDREAS DORIA PP.
ces deux P P. selon moi , ne peuvent s'expliquer
que par ces mots imitez des Médailles Romaines,
PATER PATRIA , et fort justement appliquez à
notre Héros , qui , selon l'Histoire de sa Vie ,
écrite par Sigonius , fut veritablement le Pere et leiberateur de sa Patrie , sur tout depuis que
pour la servir plus utilement , il eut quitté le serviće de François I. après que ce grand Prince eut
fait la conquête de Genes 1527. &c. Et je ne
doute point que la Médaille n'ait été frappée par P'ordre du Sénat ; s'il est vrai , comme je viens de
le lire dans un Auteur anonyme contemporain ,
que la Patrie de Doria lui fit ériger une belle et
grande Statue de Marbre dans la principale Place
de Genes , au Piedestal de laquelle on lisoit ces
deux mots PATRI PATRIA, J'apprens par le
même Auteur, que l'Empereur Charlequint , dans
toutes ses Lettres , et en parlant de vive voix à
A Doria , l'appelloit toujours son Pere , et l'ac- cabloit de caresses.
Ma seconde Remarque est une suite de ce que
je vous ai déja dit , Monsieur , au sujet du Revers de notre Médaille , où l'on voit la tête d'un
Captif, et autour , des Chaînes et d'autres symboles d'esclavage. J'ai pensé d'abord que cette
Tête pouvoit être prise pour celle du fame
* Doria porte d'Or à l'Aigle à deux Têtes de sable,
..
Bar
SEPTEMBRE. 1732. 1959
•
Barberousse , homme obscur dans son origine,
Esclave de Soliman II . puis Capitan Pacha , l'Emule et le Rival de Doria , qui le batit en 1536.
et reprit ensuite Tunis , &c. mais il seroit peutêtre plus naturel de croire que c'est ici la tête du
Pyrate Dragut , que Jannetin Doria batit avec
les Galeres et sous les auspices de son Oncle
comme je l'ai dit cy-dessus , qu'il lui amena
Genes chargé de chaînes , pour augmenter ses
triomphes,et que le genereux Doriamit en liberté.
Quoiqu'il en soit , voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pu vous dire en peu de mots d'André
Doria et de sa Maison. Si je n'avois pas été si
pressé de vous envoyer ma Lettre par les circonstances du temps , &c. j'aurois pû profiter d'un
Memoire Historique , que M. le Marquis Doria,
actuellement Envoyé de la République de Genes auprès du Roy , a eu la bonté de me promettre
et qu'il attend tous les jours , dans lequel peuvent être d'autres faits curieux et Anecdotes ; en tout
cas je pourrai vous en faire part dans une autre
occasion. Il est temps de revenir à la Ville d'Oran.
Vous me demandez , Monsieur , si je crois cette
Ville aussi ancienne que je vous l'ai exposé dans
ma premiere Lettre , sur la foi de quelques Auteurs modernes. Je vous avoue avec franchise que
je les crois dans l'erreur sur ce sujet , et que
M. Corneille en particulier , s'est fort abusé quand il nous dit dans son Dictionnaire Universel, Géographique et Historique, que du temps des Romains, on appelloit la Ville d'Oran Unica Colonia. Il est vrai qu'Ortelius , dans son Trésor
Geographique , donne le nom d'Unuca à une
Ville de l'Afrique , proprement dite , en citant
là-dessus l'Itineraire d'Antonin , ce qui peut avoir Dij donné
1960 MERCURE DE FRANCE
donné lieu à l'erreur de M. Corneille ; mais cet
Itineraire consulté , je trouve seulement qu'il y
est fait mention d'une Ville nommée Unaca , et
non pas Unuca , ni Unica , laquelle est située dans la Mauritanie Cesarienne , qui comprend , si vous
voulez, le Pays où est Oran ; ce qui ne suffit pas
pour se déterminer en faveur de l'Antiquité de
cette Ville ; outre que l'Unaca de l'Itineraire n'est
en aucune façon qualifiée de Colonie.
Mais quelle antiquité peut- on donner à Oran?
Vous l'allez voir , Monsieur, dans le petit Narré
qui suit ; et par- là je répons aussi à une autre
question que vous me faites au sujet de l'Eglise
d'Oran , que vous avez lû quelque part avoir été
une Cathédrale , dont l'Evêque étoit suffragant
de l'Archevêque de Tolede , depuis la conquête
du Cardinal Ximenés.
Lorsque ce Prélat forma le projet de cette conquête , qu'il devoitent reprendre , comme il fit en
personne et à ses dépens , il stipula expressément
avec le Roy Catholique, que la Ville et le Territoire d'Oran dépendroient pour le spirituel de
'Archevêché de Tolede. Cette dépendance , dit
un Historien , étoit coinme un Monument de sa
conquête , qui devoit en conserver le souvenir à
la Posterité. C'étoit aussi pour engager tous ses
Successeurs dans cet Archevêché d'avoir une attention particuliere sur la Ville d'Oran , au cas
qu'elle fût attaquée ou reprise par les Infideles. Il
Jeur avoit donné un exemple trop signalé de son
zele pour la Religion , et d'un parfait désinteresşement , pour n'être pas imité.
Cependant Ximenés fut traversé dans la
possession d'un droit si clairement énoncé et si
bien acquis. Cette affaire lui donna même beau- coup de peine et de chagrin. Un Religieux Fran- ciscain
Q
SEPTEMBRE. 1732 1961
ciscain , nommé Fr. Louis-Guillaume , ayant
sollicité en Cour de Rome le titre d'Evêque in
Partibus , obtint enfin des Bulles , qui le nommoient Episcopum Aurensem , avant qu'il fût ques
tion de l'Expedition d'Oran , et il fut sacré en
cette qualité. Cette Ville n'eut pas plutôt été con- quise , que la ressemblance des noins lui fit ima.
giner que ce pouvoit bien être son Evêché , ne
sçachant pas auparavant en quelle partie du Mon
de étoit situé son Diocèse. Là- dessus il se fit appeller l'Evêque d'Oran , et sans faire la moindre
honnêteté au Cardinal , il lui fit signifier ses prétentions , &c. avec déclaration qu'il alloit pren
dre possession , &c.
Ce grand homme, quoique bien fondé et persuadé que les prétentions du Cordelier Espagnol
étoient frivoles , les fit examiner en sa présence.
par un esprit d'équité et de Religion avec la derniere exactitude. Deux principes furent d'abord
établis. 1 ° . Que quand le Pape confere un Evêque in Partibus on supposoit toujours que cer
Evêché avoit existé lorsque les Chrétiens étoient
en possession du Pays où il étoit situé. 2 °. Que
le Pape n'avoit point érigé Oran en Evêché ; qu'il
n'avoit pû par consequent le conferer sans pré- tendre que c'en étoit un dès le temps que les Chrétiens étoient les maîtres de l'Afrique , et que
Christianisme y Aeurissoit,Principe que la Patrie
interessée ne pouvoit pas contester.
le
Il n'y avoit donc proprement qu'à examiner
si Oran avoit été un Evêché avant que lesArabes
eussent conquis l'Affrique , n'étant pas possible
d'imaginer qu'il l'eût été depuis. Là-dessus on
Koceda à l'examen de tous les Auteurs qui
avoient traité des Antiquitez Ecclesiastiques et
Civiles d'Affrique. On lut les Conciles qui y
Diij avoient
1962 MERCURE DE FRANCE
avoient été tenus , et les autres Conciles où les
Évêques Affricains s'étoient trouvez , on parcoufut toutes les Souscriptions ; aucun Concile ne
faisoit mention de l'Evêché ni de l'Evêque d'Oran ou d'Aure. Même silence parmi les Cosmographes anciens , &c.
Pour n'avoir rien à se reprocher , le Cardinal
fit faire avec le même soin et par d'habiles gens
une recherche exacte de l'origine d'Oran , et on
trouva que cette Ville avoit été bâtie récemment
par les Habitans de Trémesen , qui étant attirez
par la beauté et par la commoditể du Port , y
avoient envoyé une Colonie. La conclusion étoit
aisée à tirer contre les prétentions de l'Evêque * in
Partibus.
Celui- cy , loin de se rendre à une pareille Dé- monstration , et de renoncer à des esperances
mal fondées , eut la témerité de dire en face au
Cardinal et avec émotion , que le Pape avoit prétendu lui conferer un Evêché , et qu'il falloit bien
que ce fût Oran , puisqu'il ne se trouvoit point
ailleurs. Vous le chercherez où il vous plaira , lai
répondit Ximenés , mais contez que tant que je
vivrai vous ne serez point Evêque d'Oran.
Il est étonnant , Monsieur , que ce Moine ayant
à faire à un homme du rang et de l'autorité de
Ce qui donnoit lieu à l'erreur du Prélat Cordelier , c'est que dans la Province Ecclesiastique de
Carthage on comptoit parmi les Villes Episcopales
Aurian ou Auran , mais cette Ville étoit éloignée
d'Oran , dont il s'agisso t de plus de 20. lieuës , et
c'est apparemment le titre de cet Evêché , que le Pape
avoit voulu lui conferer ; l'esprit d'interêt et l'entête
ment ne permirent pas à ce Religieux d'ouvrir les
yeux.
P'Archevêque
SEPTEMBRE. 1732. 1963
PArchevêque Cardinal , ne se rendit pas à cette
réponse. Il partit au contraire pour la Cour et
fit tant par ses intrigues , qu'il obtint du Roy des
Lettres pour le Cardinal , par lesquelles S. M.
le prioit de lui donner toute la satisfaction qu'il se pourroit. Il ne restoit plus pour embrouiller
cette affaire et pour la faire devenir de consequence , que le Pape , sollicité de soutenir sa no.
mination , vint à s'en mêler.
C'est ce qui engagea Ximenés à proposer an accommodement qui fut qu'on établiroit à Oran une Collégiale dont on donneroit à ce Prétendant la premiere Dignité , avec le
le titre d'Abbé , et un revenu égal à celui des
Dignitez du Chapitre de Tolede, parmi lesquelles
il auroit un rang, sans être obligé à la résidence,
sans renoncer même ni à son titre d'Evêque , ni
à ce prétendu Diocèse , s'il se trouvoit jamais être
quelque chose de réel ; accommodement qui fut réfusé.
Alors le Cardinal envoya au Roy les Recherches qu'il avoit faites au sujet d'Oran , et le projet d'accommodement , suivi d'un refus opiniâtre,
suppliant S. M. de trouver bon que les choses
restassent à cet égard dans l'état dont on étoit
convenu ; ce que ce Prince trouva si juste , qu'il
ne voulut plus entendre parler de cette affaire ;
desorte que durant la vie de Ximenés, ni après sa
mort , il n'y eut jamais d'Evêque d'Otan. On n'y établit pas même la Collégiale dont il avoit fait
le projet , et tout se réduisit à l'établissement d'un
Grand- Vicaire et d'un Official , que l'Archevêque de Tolede tient à Oran pour l'exercice de sa
Jurisdiction.
Vous voyez , Monsieur , deux choses également vrayes par cet Exposé; la premiere , que la Diiij Ville
1964 MERCURE DE FRANCE
Ville d'Oran n'a pas l'antiquité prétendue par
quelques Auteurs , puisqu'elle doit sa fondation
aune Ville qui n'est connue que depuis la conquête de l'Afrique par les Mohometans Arabes ,
et que les Califes ont vrai- semblablement bâtie.
La seconde verité est qu'il n'y a jamais eu d'Eyêque ni d'Eglise Cathédrale à Oran , comme le
veut Davity , dans sa Description generale de
l'Affrique Tom. VI. de l'Edit de Rocolles , falio ,
Paris, 1660.
Il y auroit plus de fondement à croire la petite
Ville de Marsalquibir , voisine d'Oran , veritablement ancienne, et de lui appliquer cet Endroit
de Ptolomée , où en décrivant la situation Maritime de la Mauritanie Césarienne , ce fameux
Géographe fait mention d'un lieu qu'il a nommé πορτος μαγνος selon la dénomination de son
temps , Portus magnus et Fretum magnum , selon
le Traducteur Latin. Marsalquibir, qui d'ailleurs
est un mot Arabe signifiant la même chose
mérite assurément ce nom et cette croyance ,
cause de la grandeur de son Port , qui forme un
petit Golfe sur cette Côte.
Davity , dont je viens de parler , en faisant
mention de ces deux Places , qualifie Oran de
Marquisat ; je ne vois pas trop sur quel fondement , et il dit que Marsalquibir fut enlevé aux
Maures par le Marquis de Comarez en isos. Ce n'est pas ici le lieu d'éclaircir ces faits et d'autres
Circonstances historiques que l'Auteur ajoûte sur P'une et sur l'autre Ville.
Mais laissons ces temps éloignez pour venir
aux affaires présentes d'Oran, Vous vous étonnez,
Monsieur , avec raison , que les Maures fortifiez
par un secours considerable de Turcs , ayant une
pombreuse Artillerie , prévenus d'ailleurs et mepaccz
SEPTEMBRE. 1732. 1965
་
nacez d'une prochaine descente de l'Armée Espagnole, ne se soient pas opposez plus vigoureusement à cette entreprise ; que du moins la descente étant faite , Oran et Marsalquibir , bien
munis comme ils étoient , n'ayent pas merité ,
pour ainsi dire , l'honneur d'un Siége , et qu'une
Bataille , imprudemment engagée de leur part ,
ait presque , en arrivant , décidé du sort de ces
Places. Cela vous a fait juger qu'elles étoient
peut être sans deffense du côté de l'Art
les Maures n'ayant pas eu soin de se fortifier ,
d'entretenir du moins les Ouvrages faits depuis
la Conquête de Ximenés.
-
Mais c'est tout le contraire , suivant toutes
les Lettres les plus exactes et les mieux circonstanciées , qui nous sont venues de ce Païs- là.
Vous en jugeriez ; Monsieur, autant que personne , si le Plan de ces deux Places et de leurs environs, qui vient de m'être communiqué par un
ami de distinction , qui l'a reçu depuis peu de la
Cour d'Espagne, pouvoit vous être envoyé avec
ma Lettre. On y voit Oran entouré de Fortifications , attachées au Corps de la Place , dont le
principal Ouvrage est ce qu'on appelle le Donjon. Dans les dehors sont les Châteaux de RosalCasar , de S. André , de S. Philippe , de Sainte
Croix , de S. Grégoice , avantageusement situez sur des hauteurs , et dans des distances convenables, sans parler de la Tour du Madrigal et de
la grosse Tour. Marsalquibir est à proportion
fortifié de même , deffendu aux environs par le
Fort de S. Sauveur , et par le Fortin , qui est le
plus près de la Ville , avec un chemin de com- munication d'une Ville à l'autre , qui cottoye le
fonds du Golphe ou du grand Port de Marsalquibir.
DV
3
1966 MERCURE DE FRANCE
1
Ce Golphe represente un demi Cercle presque
parfait.Oran est situé sur la pointe Orientale , et
Marsalquibir,vis- à- vis,sur la pointe Occidentale;
l'espace de l'une à l'autre pointe , ou l'ouverture
du Golphe , est de plus de 900 toises , avec en
viron 700 toises de profondeur. De plus,la Ville
d'Oran a son Port particulier, mais qui n'est pas,
à beaucoup près , si considérable,
Le même Plan me confirme qu'Oran ne manque point d'Eaux. Il y a auprès de la Ville une
Riviere , sur laquelle est le Pont de Trémésen ,
et un grand Ruisseau encore plus près des Murailles , qui arrose des Jardins Potagers et des Vergers. De sorte Monsieur , que dans toutes
ces circonstances réunies , c'est une espece de Miracle , que cette Conquête ait été si subitement
décidée par le sort d'un Bataille generale, laquelle , selon toutes les Regles de la Guerre , ne devoit pas si-tôt se donner , et qui n'a été engagée que casuellement, comme parle l'Autheur de
la Relation Espagnole que j'ai Il y a eu cependant de part et d'autre beaucoup de bravoure dans le combat; et sur tout du
côté des Espagnols , des Actions d'une valeur
peu commune. Il m'est venu là- dessus de nouveaux détails , qui allongeroient trop ma Lettre; mais je n'obmettrai point l'Action plus que hardie d'un simple Sergent, qui fut commandé avec
16 Soldats le jour du débarquement , pour
s'emparer d'un Poste. Il fut d'abord enveloppé
par un détachement de 300 Cavaliers Turcs ;
mais le Sergent et sa foible Trouble , sans s'embarrasser de la superiorité , se deffendirent avec
tant de courage et chargerent si à propos , qu'ils !
gagnerent enfin le Poste en question , et oblige- rent les Turcs de se retirer.
Оц
SEPTEMBRE. 1732. 1967
On ne peut,au reste.rien ajoûter à la pieuse reconnoissance du Roy d'Espagne envers le Ciel ,
pour un succès si heureux. Toutes les nouvelles
publiques sont remplies des Actes de sa piété , et du zéle de ses Sujets à célébrer cet Evenement.
Le Cardinal d'Astorga , Archevêque de Tolede ,
Primat des Espagnes, &c. s'est particulierement distingué en cette occasion , ainsi que le Chapitre de son Eglise , la Ville d'Oran étant de la Ju- risdiction de cet Archevêché. Dès le 27 Juin , il y avoit eu à Tolede une Procession Generale de
tout le Clergé Séculier et Régulier , suivie des Magistrats , de joutes les Personnes de distinction , et d'un Peuple infini. On y porta l'Etendart avec lequel le Cardinal Ximenés entra en
triomphe dans Oran. La Procession se rendit de
l'Eglise Métropolitaine à celle de l'Hôpital
Royal , où se conserve une Image celebre de
Notte-Dame , Patrone de la Ville d'Oran , d'où
elle a été transportée à Tolede , après la derniere invasion des Maures. Il y a eu depuis des Ac- tions de Graces tres- solemnelles dans la même
Ville de Tolede.
Sa M, C. rendit quelques jours après justice
aux Officiers qui ont servi dans cette Expédition.
Elle fit le Comte de Montemar , Commandant
en Chef, Capitaine General de ses Armées ; plusieurs Lieutenans Generaux , parmi lesquels est
le Marquis de Santa Cruz que vous connoissez ;
plusieurs Marêchaux de Camp, et Brigadiers. On
y voit aussi plusieurs Capitaines, qui ont été faits
Colonels .
Cependant depuis la Bataille d'Oran et la
prise des deux Places , on n'a été occupé qu'à débarquer l'Artillerie , les Munitions et les Equi--
D vj pages
1968 MERCURE DE FRANCE
pages , et à réparer et augmenter les Fortifications , à fortifier le Camp , à faire enfin les dispositions necessaires pour s'assurer du plat Païs,
afin d'en tirer des Vivres , &c. On écrit même
déja que les Habitans de plus de vingt lieuës à
la ronde , sont venus se soumettre.
Je ne vous parle point d'une petite disgrace, arrivée aux Espagnols le 16 Juillet. Un Détachement de leur Armée , envoyé pour attaquer les
Maures dans les Montagnes , est tombé dans
une Embuscade des Ennemis , ce qui a coûté la
vie environ à 300 hommes, sans compter le Due
de S. Blas , et quelques autres Personnes de
moindre considération , qui ont été tuées dans
cette rencontre Disgrace, dont les Troupes Espagnoles ont eu leur revanche quelques jours
après , par un détachement de mille Grenadiers ,
placez dans une Embuscade , avec du Canon .
chargé à cartouche, qui a fait périr plus de mille
Maures , sans compter plusieurs autres avantages remportez depuis , et la prise de quelques Convois des Infideles ; un entr'autres de mille
Chameaux chargez , &c.
Les dernieres Lettres parlent de l'arrivée au
Camp Espagnol , d'un Grand du Païs , que les
nouvelles publiques ont appellé Bacha , terme
impropre et inusité parmi les Maures , pour
offrir au Comte de Montemar de mettre 30000
Maures en Campagne pour le service de S. M.
C. et d'autres avantages , à de certaines conditions ; pour la seureté desquelles offres il ajoutoit celle de laisser son fils , qui l'accompagnoit,
en otage. Le bruit couroit même à Madrid, que Ice Prince Maure devoit y arriver incessamment
avec un train considérable.
Les mêmes Lettres parlent d'un nouveau Dé- tache
SEPTEMBRE. 1732 1969
tachement que le Comte de Montemar venoit
de faire sous les Ordres du Marquis de Villadarias , composé de 5000 hommes d'Infanterie .
et de 2000 de Cavalerie , pour aller assiéger
Mazagran , Ville située à is lieuës d'Oran et
sur la même Côte, dans le temps que 2 Vaisseaux
de Guerre et 7 Galeres devoient attaquer la Place par Mer.
Je finis , Monsieur , en vous confirmant que
le Marquis de Santa- Cruz a été fait Gouverneur
des Villes d'Oran et de Marsalquibir. Ces Places
ne pouvoient être confiées à un plus digne Sujer
et qui entendît mieux l'art de les fortifier et de les deffendre en cas de besoin , sans parler de ses
autres excellentes qualitez. On a publié icy une
Traduction Françoise du X I. Tome de son grand Ouvrage, intitulé : Reflexiones Militares..
Cette Traduction compose un vol. in 4. imprimé à Paris , chez Langlois. Pour vous mettre au
fait de ce Livre , que je ne puis pas vous faire
tenir présentement , je vous envoye le Journal
de Trévoux , du mois de Janvier dernier , où
vous en trouverez l'Extrait. J'ai l'honneur d'ê tre , Monsieur , &c.
A Paris , les Aoust 17322-
Fermer
Résumé : TROISIÈME LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de l'Armement du Roy d'Espagne, et de la Conquête d'Oran.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. discute de la prise de la ville d'Oran, du port et de la forteresse de Marsalquivir. L'auteur exprime sa satisfaction de continuer à informer le Marquis sur ce sujet et répond à une demande concernant le dessin de la médaille d'André Doria, qu'il joint à la lettre. La médaille, gravée par un artiste habile, représente les exploits de Doria, et l'auteur espère que le Marquis en sera content. André Doria, né à Oneille le 30 novembre 1468, appartenait à une des plus anciennes et illustres familles de Gênes. Passionné par la marine dès son enfance, il acquit rapidement une réputation de grand homme de mer. Il servit d'abord sa patrie, puis le roi François I, qui le nomma général des galères de France. Après un chagrin lié à des prisonniers de distinction, il changea d'allégeance pour servir l'empereur Charles V, qui lui confia toutes ses forces maritimes. Doria remporta plusieurs victoires en Barbarie et en Morée, malgré la bravoure de Barberousse, amiral de Soliman II. Il connut une défaite en 1552 face à Dragut Rais, mais se rattrapa en prenant Sansiotenzo en Corse deux ans plus tard. Doria était connu pour sa sévérité, parfois excessive. Il mourut à Gênes en 1560 à l'âge de 94 ans, après une carrière glorieuse. La maison Doria a produit de nombreux grands hommes, notamment des marins et des savants. En septembre 1732, le franciscain Frère Louis-Guillaume obtint des bulles papales le nommant Évêque d'Aurensem avant la conquête d'Oran. Après la prise de la ville, il se proclama Évêque d'Oran, revendiquant ce titre sans en informer le Cardinal. Le Cardinal Ximenés examina la question avec équité et établit que l'évêché d'Oran n'avait jamais existé historiquement. Le moine refusa de se rendre à ces démonstrations et insista sur ses prétentions. Le Cardinal proposa un accommodement, offrant une dignité collégiale à Oran, mais cette offre fut refusée. Le Roi d'Espagne soutint le Cardinal, et aucune collégiale ni évêque ne fut établi à Oran. Le texte mentionne également des événements militaires et nominations. Une proposition est faite au Comte de Montemar d'engager 30 000 Maures pour le service du roi, avec des conditions spécifiques. À Madrid, des rumeurs circulent sur l'arrivée imminente du Prince Maure avec une suite importante. Un détachement dirigé par le Comte de Montemar, sous les ordres du Marquis de Villadarias, composé de 5 000 hommes d'infanterie et 2 000 de cavalerie, doit assiéger Mazagran, une ville située à 15 lieues d'Oran. Simultanément, deux vaisseaux de guerre et sept galères doivent attaquer Mazagran par mer. Le Marquis de Santa-Cruz a été nommé gouverneur des villes d'Oran et de Marsalquivir, reconnu pour ses compétences en fortification et défense.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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328
p. 2105-2111
REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
Début :
Ayant appris, Messieurs, de ceux qui ont vû le Mercure de Juin avant [...]
Mots clefs :
Inscription, Portail de Sainte-Croix d'Orléans, Polluche, Quadratus orbis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
du monde. Si le monde est rond comme
un globe , et quarré en même-tems , voilà tout d'un coup la quadrature du cercle qu'on se fatigue tant à chercher. Pasquier s'est diverti à la faire remarquer dans un bonnet de forme quarrée , qui
coëffe une tête ronde. Si par quadratus or
bis on doit entendre les quatre parties.
du monde on peut demander s'il est
donc vrai que celle qu'on appelle l'Amérique fut dès-lors connue. Mais je finis
car je m'appe çois qu'insensiblement je
m'éloigne du sujet qui ma engagé à vous
écrire. Je suis , &c.
>
A Auxerre , ce is. 15.
Juillet 1732.
un globe , et quarré en même-tems , voilà tout d'un coup la quadrature du cercle qu'on se fatigue tant à chercher. Pasquier s'est diverti à la faire remarquer dans un bonnet de forme quarrée , qui
coëffe une tête ronde. Si par quadratus or
bis on doit entendre les quatre parties.
du monde on peut demander s'il est
donc vrai que celle qu'on appelle l'Amérique fut dès-lors connue. Mais je finis
car je m'appe çois qu'insensiblement je
m'éloigne du sujet qui ma engagé à vous
écrire. Je suis , &c.
>
A Auxerre , ce is. 15.
Juillet 1732.
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Résumé : REMARQUES sur la nouvelle publication de l'Inscription qu'on voyoit cy devant au Portail de sainte Croix d'Orleans, adressées aux Auteurs du Mercure.
Le texte de 1732 discute de la forme du monde, à la fois ronde et carrée, illustrée par un bonnet carré sur une tête ronde. Il aborde la quadrature du cercle et les 'quatre parties du monde', se demandant si l'Amérique était connue. L'auteur s'excuse de s'être éloigné du sujet initial de sa lettre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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329
p. 2117-2139
SUITE du Voyage de Basse-Normandie, par M. D. L. R. IX. LETTRE,
Début :
Les raisons que j'avois, Monsieur, de séjourner à Caën, énoncées dans mes [...]
Mots clefs :
Voyage, Basse-Normandie, Abbaye de Cerisy, Bayeux, Cathédrale, Messe, Sacristie, Trésor, Ornements, Croix, Chanoine, Inscription, Buste, Diane de Poitiers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE du Voyage de Basse-Normandie, par M. D. L. R. IX. LETTRE,
UITE du Voyage de Basse - Normandie ,
par M. D. L. R.
*
IX. LETTRE,
Lséjournerà Caen , énoncées dans mes Es raisons que j'avois , Monsieur , de
dernieres Lettres , subsistoient toujours:
elles m'engagerent de profiter de cette
occasion pour aller voir la Ville de
Bayeux , et l'Abbaye de Cerisy , l'une
des plus considérables de ce Diocèse. Le
même Docteur en Médecinè , homme
comme je vous ai dit , d'érudition , et
d'un agréable commerce ,
voulut encore
m'accompagner dans cette course. Nous
partîmes de Caën d'assez bon matin , et
comme Bayeux n'en est éloigné que de
six licuës , nous y arrivâmes avant l'heu-
* Ces Lettres sont dans le Mercure de Juin 1730.
vol.11 . et dans le Mercure d'Avril 1732.
re
2118 MERCURE DE FRANCE
re de dîner. Nous allâmes d'abord à la
Cathedrale , où après avoir entendu laMesse , nous fumes abordez fort gracieusement par M. l'Abbé de... Chanoine de
la connoissance du Médecin , qui nous
fit voir tout ce qu'il y a de remarquable
dans cette Eglise dédiée à la Vierge , et
nous instruisit de tout ce que des Voyageurs de notre espéce étoient bien aises
de ne pas ignorer. Le Bâtiment est un
Vaisseau assez spacieux , d'une Architecture gothique , mais bien éxécutée L'Autel principal , placé au fond du Chœur ,
est d'une simplicité noble et édifiante.
Le Chœur est seulement orné d'une Tapisserie qui représente la vie de la sainte
Vierge , à qui l'Eglise est dédiée , et les
Mysteres quiy ont du rapport. Leon Conseil , Chancelier de cette Eglise , en fit
faire les desseins, qui furent assez bien éxécutez , et lui en fit présent.
Une autre Tapisserie d'une fabrique
bien différente , régne autour de la Nef.
Elle n'a pas plus de deux pieds et demi
de hauteur ; c'est cependant un ornement instructif et des plus curieux qu'on
puisse trouver en ce genre. On y trouve
toute l'Histoire du fameux Guillaume II.
Duc de Normandie , par rapport à sa
Conquête du Royaume d'Angleterre , et
on
OCTOBRE. 1732. 2119
on peut dire que pour le tems auquel cet
ouvrage a été fait , il n'y a presque rien
à désirer pour les Figures , qu'un peu
plus de correction de dessein. Tous les
fonds restent à remplir , ce qui fait présumer que le projet étoit de faire ces
fonds en or ou en argent mais il ne
manque rien aux personnages , et aux Figures , qui composent ensemble un Monument respectable et instructif. Tout le
monde veut que la Princesse Mathilde
fille de Baudouin , Comte de Flandres Niéce du Roi Robert et de la Reine
Constance , Epouse du Duc Guillaume
fit faire cette Tapisserie pour immortaliser ses Exploits. Apparemment
cette Princesse ne vêcut pas assez pour faire achever entierement l'ouvrage. M. Foucault , qui en connoissoit le mérite , en
avoit fait dessiner quelques morceaux
qu'on a vûs à Paris dans sa Bibliotheque.
Depuis mon Voyage de Normandie , et après
la mort de M. Foucault , ce qu'il en avoit fait copier est heureusement tombé entre les mains de
M. Lancelot , qui a composé là- dessus un très-beau .
Discours qu'il a lû à l'Académie , dont il en est un
très-digne Membre ; et le R. P. de Montfaucon a
fait graver le même Monument dont il donne aussi l'explication dans les premiers Volumes de ses
Monumens de la Monarchie.
Nous
2120 MERCURE DE FRANCE
2 que
Nous passâmes dans la Sacristie , où
nous vîmes le Trésor , et beaucoup de riches Ornemens : nous y vîmes le petit
Coffre d'yvoire , de fabrique Moresque
qui renferme la Chasuble de S. Renobert,
second Evêque de Bayeux , fermé d'une
espéce de serrure d'argent , sur laquelle
est gravée une Inscription Arabe. J'ai
parlé,comme vous le sçavez , de ce Coffre
et de l'Inscription avant de les
avoir vûs , dans une de mes Lettres écrite à M. Rigord , qui est imprimée dans
les Mémoires de Trévoux du mois d'Octobre 1714. vous sçavez , dis je ,
sieur , par cette Lettre , que l'Inscription
éxactement copiée et apportée à M. Petist
de la Croix , Interpréte du Roi , chez qui
j'étois alors , se trouva être une Sentence
Mahometane , dont le sens est tel. Au
NOM DE DIEU. Quelque honneur que nousrendions à Dieu , nous ne pouvons pas l'honorer autant qu'il le mérite ; mais nous l'honoronspar son Saint Nom.
MonJe dis à cette occasion dans ma Lettre
que tout se peut concilier par le moyen
de l'Histoire et de la raison , mais que je
n'entreprenois pas de démêler comment ,
par qui , et en quel tems , deux choses
aussi opposées , que le sont la Relique
de S. Kenobert et le Coffret à Inscription
OCTOBRE.
1732 2121 tion Mahometane , ont pû se rencontrer
ensemble dans le lieu où elles sont aujourd'hui. Le R. P. Tournemine , qui dirigeoit alors le Journal de Trévoux , proposa là - dessus une conjecture qui paroît
plausible , et qu'il fit imprimer à la fin de
ma Lettre dans le même Journal.
» On sçait , dit- il , que Charles Martel
»
vainquit les Sarrazins proche de Tours ,
leur Camp fut pillé , la Cassete marquée de l'Inscription Arabe aura été
» prise en cette occasion , et la Reine
»
Ermantrude, Epouse de Charles le Chauve , à qui cette Cassete venoit de la suċcession de son Trisayeul, l'ayant euë de
» son mari , la consacra à
renfermer les
»Reliques de S. Renobert , qui avoit guéri le Roi son époux. Cette guérison et
la magnifique reconnoissance d'Ermantrude , sont marquées dans les Historiens. Cette Cassete étoit apparemment
» celle du Prince Sarrazin Abdarrha-
> man.
Quoiqu'il en soit , deux Auteurs nouveaux , sçavoir Dom Beaunier , Benedictin , et M. Piganiol de la Force , ont profité de ce que j'avois appris au public làdessus dès l'année 1714. l'un dans son
Recueil Historique, & c. des Archevêchez e
Evêchez de France , &c. Tom. II. p. 714.
B publié
2122 MERCURE DE FRANCE
publié en 1726. et l'autre dans son nou
veau Voyage de France , pag. 582. qui a
paru presque en même tems. Ils onttrouvé à propos l'un et l'autre de s'en faire
honneur , et de ne pas déclarer où ils ont
pris cette découverte , ce qui n'arrive ja- mais aux véritables Sçavans.
Le Chapitre de 1Eglise de Bayeux est
un des plus considérables qu'il y ait en
France il est composé de douze Digni
tez , dont la premiere est celle de Doyen,
et de cinquante Chanoines. Cette Eglise
reconnoît pour son premier Evêque saint
Exupere , vers la fin du deuxième, * siecle : pour second , S. Renobert , auquel
plusieurs autres saints Evêques ont suc- cedé. Elle a eu aussi des Cardinaux et des
Prélats très- distinguez par leur naissance ,
par leur doctrine et par leur pieté.. Les
Cardinaux sont Renaud , ou René de
Prie , Augustin Trivulce , Arnaud Dossat , Charles d'Humieres.
Au sortir de l'Eglise nous allâmes voir
le Subdelegué de M. l'Intendant , qui
*C'est la Chronologie d'un Historien Moderne
laquelle est rejettée par les meilleurs Critiques.
5. Renobert , second Evêque de Bayeux , assista
en 1630. à un Concile de Rheims , et par conséquent, &c.
nous
OCTOBRE. 1732.
nous retint à dîner, et nous engagea,
2723 puisque nous devions coucher à Bayeux , d'aller l'après dîner nous promener à S. Vigor , qui n'en est éloigné que d'un bon
quart de lieuë. Le Chanoine dont j'ai
parlé se joignit à nous , et j'appris encore bien des choses dans cette promenade.
S. Vigor ,
surnommé le Grand , pour
le distinguer de plusieurs Paroisses de même nom, dans le même pays , est un Prieuré de Benedictins de la Congrégation de
S. Maur ; le lieu est fort élevé , ensorte
qu'il y a beaucoup à monter pour y arriver ; mais il est très-agréable , et on découvre de- là une grande étendue de
Il est en même tems fort renommépays par.'
la dévotion des Peuples envers le Saint
de ce nom , qui a été l'un des premiers
Evêques de Bayeux , et par la cérémonie
qui s'y fait à chaque changement d'Evêque , lorsque le Prélat fait pour la premiere fois son Entrée publique dans la
Ville , et prend possession de son Eglise.
a
On ne voit rien à S. Vigor qui mérite
une attention singuliere.
L'Eglise du
Prieuré paroît bâtie sur une autre plus ancienne et ce qu'il y de nouveau
n'est pas achevé. Celle de la Paroisse est
très- moderne et fort propre. Les BeneBij dic
,
2124 MERCURE DE FRANCE
dictins de S. Maur , qui sont là en assez
petit nombre , ont bien réparé le Monastere , et ils édifient par leur éxacte régularité. Nous fûmes très-contens de leur
réception. Je trouvai dans leur petite
Bibliotheque , où sont aussi quelques titres , et les papiers de la Maison , une
Copie du Procès Verbal de la cérémonie
dont je viens de parler , telle qu'elle se
passa , lorsque François de Nesmond fit
sa premiere entrée dans la Ville de Bayeux.
Un Religieux âgé de près de 9o . ans , qui
ayoit assisté à cette cérémonie , me don-"
na l'Extrait qu'il avoit fait de ce Procès
Verbal , qui me parut curieux , et sur le
quel j'ai fait le petit narré que vous ne serez pas fâché de trouver ici.
M. l'Evêque ayant fixé le jour de son
Entrée solemnelle dans la Ville de Bayeux
au 15 Mai 1662. Il se rendit , selon la
coûtume, le matin du jour précédent à la
Chapelle de Notre Dame de la Délivrande. M. Buhot de Cartigny , Docteur de
Sorbonne , Directeur de cette Chapelle
le reçût à la Porte , revêtu d'une Chape
assisté des Prêtres qui la desservent , et le
harangua, L'Evêque étant entré , et s'étant mis à genoux sur un Prie- Dieu , le
même Chanoine lui présenta la Croix à
baiser. Après avoir fait sa priere , il célébra
OCTOBRE. 1732. 2125
6
bra la Messe , il se rendit ensuite à saing
Vigor,monté sur une Haquenéé blanche
pour y passer le reste du jour , et coucher
dans le Monastere.
Le Prélat fut conduit-une partie du chemin les Vassaux et les Habitans sous par
les armes de la Baronie de Douvres. Il
rencontra à deux ou trois lieues de Saint
Vigor les Députez du Chapitre deBayeux,
quatre Dignitez , et quatre Chanoines
qui le complimenterent. La Noblesse
vint aussi en grand nombre le saluer , le
Marquis de Colombieres , quoique de la
Religion P. R. portant la parole , ce
Marquis et les principaux de la Noblesse
l'accompagnerent jusqu'au Prieuré.
M. de Choisy , Seigneur du Fief de
Beaumont , qui releve de l'Evêché , se
trouva à la descente , et tint l'étrier , suivant l'obligation de son Fief ; le Prélat
étant descendu , le Gentilhomme se saisit
de la Haquenée , qu'il envoya , montée
par un autre Gentilhomme,à son Ecurie ,
selon le droit du même Fief.
L'Evêque se mit tout de suite sous un
Dais porté par quatre Religieux ; et prenant le chemin de l'Eglise , il fût reçû à
l'entrée du Cimetiere de la Paroisse par
le Prieur des Benedictins . Quand il fût arrivé à l'Eglise du Prieuré , on chanta le
B iij Te
2126 MERCURE DE FRANCE
1
Te Deum , et ensuite il fut conduit à sor
Appartement parles principaux de la Ng
blesse , &c. A l'heure du souper on lu
servit en maigre un Repas fort frugal
suivant le Cérémonial.
Le lendemain de grand matin , tout I
Clergé Séculier et Régulier de la Vill
s'étant assemblé au son des grosses Clo
ches dans l'Eglise Cathedrale , il se form
une Procession , dont le Corps du Cha
pitre faisoit la queue , laquelle se rendi
au Prieuré de S. Vigor. Le Doyen et le
principaux du Chapitre monterent à
l'appartement du Prélat , qu'ils trouve.
rent en prieres. Après de profondes révé rences , le Doyen le conduisit dans un
Chapelle de l'Eglise , où le Sacristain lu
ôta ses souliers et ses bas , et lui mit ur
espéce de sandales fort minces. On le r
vêtit en même-tems d'une Chappe blan
che , et on lui mit une Mitre toute sir
ple. Il alla ainsi se placer dans une ancie
ne Chaire de marbre, couverte d'un Dai
qui est près le grand Autel , où M.
Franqueville de Longaulnay le harai. ;
en présence du Clergé. L'Evêque se le
immédiatement après , et partit de S. Y
gor pour se rendre à Bayeux en
ordre.
Il étoit placé entre Mrs de Chois Bai
OCTOBRE. 1732. 2127
le Baron deBeaumont, et le Baron de Bosqbrunville , représentant le Seigneur d'E
trehan , soutenant l'un et l'autre les bouts
de sa Chappe , dont deux Aumoniers portoient la queue. Derriere étoit un Gentilhomme armé de toutes piéces à l'antique,'
portant une Hallebarde sur l'épaule , seÎon le devoir de son Fief, et un autre
Vassal marchoit immédiatement devant
le Prélat , semant de la paille depuis saint
Vigor jusqu'à la Porte de l'Eglise de
S. Sauveur de Bayeux. Les Compagnies
Bourgeoises qui étoient sous les armes ,
formerent cependant une double haye
depuis le Monastere des Capucins jusqu'à
l'Eglise Cathedrale.
L'Evêque entra , suivant la coûtume ,
dans l'Eglise de S. Sauveur , on lui lava
les mains et les pieds. Le Bassin et l'Aiguiere d'argent appartiennent au Curé
de cette Eglise ; mais le Curé étant alors
en * Déport , ils furent donnez au Chapitre. Après avoir pris des Habits pontificaux , plus riches que les précedens , il
$ rendit à la Porte de l'Eglise Cathedra
qu'il trouva fermée , et qui fût ou-
* Déport est le nom qu'on donne au droit qu'ont
les Evêques de Normandie , de joüir des revenus des
Cures de leurs Diocèses la premiere année de la vacance de chacun de ces Benefices.
B iiij verte
2128 MERCURE DE FRANCE
1
verte un moment après par quatre Chanoines.
Le Prélat se mit à genoux , à l'entrée ,
sur un Carreau de velours violet ; et après
avoir fait la priete , il fit le serment accoutumé. On le conduisit tout de suite
au Chœur jusqu'à sa Chaire Episcopale ,
et après qu'on eut chanté solemnellement
le Te Deum , il entra dans la Sacristie ,
il prit les plus magnifiques ornemens. Il
celebra la Messe pontificalement , assisté
de quatre Diacres , et de quatre Soudiacres.
où
La Messe étant finie , l'Evêque fut conduit en son Palais par le Chapitre , qu'il
retint à dîner , ainsi que les Barons , et
plusieurs autres personnes de condition
qui s'étoient trouvez à la cérémonie. Le
même jour il reçut les complimens de
tous les Corps de la Ville. Il reçut même
celui du Ministre de la Religion P.R.qui
fut éloquent , respectueux , et fort applaudi.
* La même ceremonie icy décrite , a été renouvellée depuis peu à la prise de possession de M. de
Luynes , actuellement Evêque de Bayeux ; et il en a paru une Relation en forme de Lettre , addressée
par le Chevalier de S. Jory , à Madame la Duchesse
de Chevreuse, imprimée à Caen. Cette Relation oùs
il ne falloit que de la simplicité et de l'exactitude ,
est si pleine d'emphase et de choses déplacées , &e,
qu'on peut dire qu'elle n'a contenté personne.
OCTOBRE. 1732. 2129
Nous rentrâmes de fort bonne heure
dans la Ville , ce qui me donna lieu de retourner à l'Eglise Cathedrale, pour voir la
Bibliotheque et le Chartrier du Chapitre ;
c'est presque la même chose. Quoique cette Bibliotheque , comme la plupart de
celles des autres Chapitres , Abbayes et
Monasteres ait souffert beaucoup de diminution par la vicissitude et par les malheurs des temps , on y trouve encore de
bons Manuscrits , qui regardent non- seu
lement l'Eglise , et le Diocèse de Bayeux,
mais qui pourroient encore beaucoup servir pour 'Histoire generale de la Province , même pour l'Histoire d'Angleterre ;
à cause de la part qu'ont eû quelques Evêques de Bayeux aux affaires d'Etat des
Ducs de Normandie , devenus Rois de la
Grande Bretagne. On tireroit sur tout
beaucoup de lumieres des Ecrits d'Eusebe
l'Angevin , docte Chanoine de Bayeux ;
qui sont dans ce Chartrier.
Ony apprend que l'Evêque deBayeux a
droit de sacrer le Métropolitain , Primat
de Normandie , en qualité de Doyen des
Evêques de la Province,et que cette qualité de Doyen lui fut confirmée dans un
Synode de la mêmeProvince, tenu à Caën
en 1061. en présence du Duc Guillaume ,
à cause de l'ancienneté de son Eglise , anB v te
2130 MERCURE DE FRANCE
.
térieure même à celle de Rouen , et à toutes les autres Eglises de la Normandie. Les Evêques y sont nommez en
cer ordre: Bayeux , Avranches , Evreux
Séez , Lisieux , Coûtances ; ce qui se trouve ainsi établi dans tous les Conciles Provinciaux , jusqu'au différend survenu entre Louis du Moulinet , Evêque de Séez
et Bernardin de S. François , Evêque de
Bayeux.
anco.com-
,
Le premier prétendoit la préséanc
me plus ancien Evêque dans le Concile
Provincial tņu à Rouen en 1581 , où
pré-idoit le Cardinal Chales de Bourbon.
Le second la lui disputoir par la prééminence don Siege , et par l'usage. On jugea par provision en faveur de lEvêque
de Bayeux comme Doyen de la Provin
ce Ecclésiastique. Il est vrai que le Pape
Grégoire X II. consulté sur cetre contestation, ordonna par son Rescrit de la même année 1581. qu'on se regleroit à l'avenir sur l'ancienn té de l'ordination ou
du Sacre des Evêques.
On trouve aussi dans ce même Lieu les
Ecrits historiques de Robert Cénalis ,
Chanoine de Bayeux , puis Evêque d'Avranches , l'un des meilleurs Esprits de
son temps , et dont l'ouvrage sur l'Histoire Topographyque de France est plein
de recherches curieuses. On
OCTOBRE. 1732. 21L
On apprend encore bien des choses.dans
un grand Cartulaire, nommé le Livre noir,
tout rempli de Titres et d'Actes autentiques.
C'est dans ce lieu qu'on est informé surement du mérite distingué, de plusieurs
Personnages illustres du Chapitre de cette
Eglise , entr'autres , de Robert Vaice, ou
de Vace , Chanoine sous Philippe de Harcourt , Auteur du Roman de Rou et des
Normans , écrit en Vers François , vers
l'an 1160. et dédié à Henry II. Roy d'Angleterre, dans lequel on apprend bien des
faits historiques , &c.
,
De Roger du Hommet, Archidiacre de
Bayeux, élu Evêque de Dol en 1160. d'Arnoul , Trésorier de la même Eglise , puis
Evêque de Lisieux , sçavant homme et
Auteur de plusieurs Ouvrages , mort en
1182. et enterré à S. Victor de Paris , où il
s'étoit retiré. De Pierre de Blois , Chanoine , Précepteur , puis Sécretaire de Guillaume.II. Roy de Sicile , ensuite Chancelier de Richard , Archevêque de Cantorbery, grand Homme d'Etat, et qui a beaucoup écrit , mort vers l'année 1200.
D'Etienne , Chanoine de Gavrai , neveu
du Pape Innocent III . qui le fit Cardinal,
mort en 1254.
D'Henry de Vezelai , Archidiacre , l'un
B vj des
2132 MERCURE DE FRANCE
/
des Exécuteurs du Testament de S.Louis,
puis l'un des Regens du Royaume , sous
Philippe le Hardy , enfin Chancelier de
France , mort vers l'année 1280.
De Raoul ou Radulphe de Harcourt ,
Chancelier de l'Eglise de Bayeux , Archidiacre et Chanoine de Rouen, Chantre de
la Cathedrale d'Evreux , Archidiacre de
Coutance , puis premier Aumônier du
Comte de Valois , fils de Philippe le Hardi , Conseiller d'Etat , &c. mort en 1301.
Les Eclaircissemens Historiques , pris
dans cette Bibliotheque et dans les Archives de l'Evêché , que nous visitâmes ensuite, me fourniroient une ample matiere
de parler aussi de plusieurs Evêques de
Bayeux Illustres par la naissance , par la
doctrine ou par la piéré ; mais je dois me
souvenir que j'écris une Lettre et non pas.
une Hi toire. Je me contenterai de faire
icy mention de deux outrois des plus distinguez de ces Prélats.
Ŏdon ou Eudes , surnommé le Grand,
fils de Herluin ou Hellouin , Comte de
Conteville , et d'Arlete,qui fut aimée par Robert , Duc de Normandie , amour qui
donna naissance au fameux Duc Guillaume, fut le trentiéme Evêque de Bayeux ,
en 1055. Il fit bâtir l'Eglise Cathedrale
et peindre dans la voute du Chanr , les
Ενέ
OCTOBRE. 1732. 2133
Evêques de Bayeux , réputez Saints. Il fit
faire aussi le grand Vitrage de la Nef,
peint suivant l'art de ce temps-là, qui s'est
perdu depuis , avec diverses représentations instructives et convenables au Lieu.
Ce Prélat donna , par une Charte , en
108 2. le Prieuré de S. Vigor , dont nous
avons parlé , à Gerenton , Abbé de saint
Benigne de Dijon , qui lui avoit rendu
favorable le Pape Urbain II. et choisit
pour sa sépulture , et pour celle de ses
Successeurs et de son Clergé , l'Eglise de
S. Vigor. Ce qui fut confirmé par une Bulle de l'année 1096.
Le même Evêque a joué un grand rôle
en Angleterre unie à la Normandie sous
un même Prince , dès l'année 1065. Il en
fut le Viceroy ; mais l'Histoire remarque
que son Gouvernement fut dur , et qu'il
usurpa souvent l'autorité souveraine ; ce
qui lui causa bien des disgraces.
Il partit enfin pour la Terre- Sainte avec
le Duc Robert son neveu ; ce voyage lui
fut fatal , car étant arrivé en Sicile, il tomba malade , et mourut à Palerme en l'année 1097. Gilbert , Evêque d'Evreux, prit
soin de ses Obseques , le fit inhumer dans
la Cathedrale , et Roger , Comte de Sicile , honora son Tombeau d'une Epitaphe.
Ce Prélat régit l'Eglise de Bayeux pendant
2134 MERCURE DE FRANCE "
dant so années. Il assista à 7 Conciles ou
Assemblées de la Province.
Philippe de Harcourt , 35 Evêque, est
celui qui après Odon , a fait le plus de
bien à l'Eglise de Bayeux. Il étoit Fils de
Robert , Sire de Hircourt , premier du
nom , et Frere de Guillaume Richard
Chevalier du Temple, qui en l'année 11115050. fonda la Commanderie de S. Etien- .
ne de Renneville , au Diocèse d'Evreux ,
dont j'ai parlé dans ma premiere Lettre ,
et où , comme je l'ai dit, on voit le Tombeau du Fondateur.
*
Ce Prélat fut d'abord Archidiac re d'Evreux; puis étant Evêque , il fonda l'Abbaye du Val- Richer , Ordre de Citeaux
et fit rebâtir en 1159. l'Eglise Cathédrale , où l'on voit son Tombeau, d'un Mar◄
bre grisatre. Sa mort arriva en l'année
1163 .
Pierre de Benais , Doyen , puis 42º Evêque de Bayeux , tint un Concile Diocésain , pour le rétablissement de la Disclpline , dans lequel furent faits 113 Statuts , qui sont insérez dans la Collection
des PP. Labbe et Cossart de l'année 1671.
et fort louez par le Sçavant P. Sirmond
qui les a aussi donnez dans son Recueil
* Cette Lettre est dans le Mercure de Decembre
1726. vol. 1. pag. 2696,
des
4
OCTOBRE. 1732. 2135
'des Conciles de France. Ce Prélat mourut
en 1306. six ans après la publication de ces
Statuts , dont il y a un beau Manuscrit
dans la Biblioteque de S. Victor de Paris.
C'est le même qui fonda le Collège de
Bayeux à Paris , qui subsiste encore dans
la rue de la Harpe.
que
Ason imitation François Servien, Evêde Bayeux , publia long-temps après
des Ordonnances Synodales , qui furent
imprimées en 1656. Et à propos de ce
dernier Prélat, nous apprimes que quand
on voulut l'inhumer en 1659.on ouvrit le
Tombeau de l'Evêque Guy, mort en 1259.
Son Corps fut trouvé entier , mais l'air le
réduisit bientôt en poussiere ; on lui trouva un Anneau d'or , enrichi d'un Saphir ,
qui nous fut montré dans le Trésor de '
l'Eglise Cathédrale.
Jean de Bayenx n'a pas gouverné ce
Diocèse , mais il mérite de tenir un rang
distingué parmi les Hommes Illust es qui
y sont nez. Ce vertueux Prélat fut d'abord Evêque d'Avranches, et ensuite Archevêque de Rollen. Grand amateur de la
Discipline il tint en l'année 1074. un Concile à Rouen , dans lequel on érigea en
Abbaye le Prieuré de S. Victor en Caux ,
à la priere de Roger de Mortemer. C'est
lui qui fit la Dédicace solemnelle de l'Eglise
2136 MERCURE DE FRANCE
glise de S. Etienne de Caën en présence
du Duc Guillaume , qui en est le Fondateur. Ce Prélat composa un Ouvrage estimé : De Divinis Officiis , qui a été imprimé en 1641.
Nous apprîmes encore dans le Chartrier
de l'Evêché , qui peut fournir beaucoup .
de fait, historiques , principalement dans
un Cartulaire , nommé Le Livre Rouge ;
nous apprîmes , dis- je , qu'il y a une ancienne union entre PEglise Cathedrale
d'Auverre et celle de Bayeux , fondée sur
ce qu'on croit qu'Exupere venant d'Italie , passa par la Ville d'Auxerre , et y précha le Christianisme. Cette union fut renouvellée en 1520. par la Députation que
fit le Chapitre d'Auxerre , d'un de ses
Chanoines lequel reçut dans l'Eglise de
Bayeux les mêmes honneurs et jouit des
mêmes droits qui sont dûs aux Chanoines
de cette Eglise.
François Armand de Lorraine , fils de
Louis de Lorraine, Comte d'Armagnac &c.
Grand Ecuyer de France , et de Catherine de Neufville- Villeroy , est aujourd'hui Evêque de Bayeux depuis l'année
714. Il a succedé à François de Nesmond, Prélat d'un mérite accompli.
Je ne vous dirai rien , Monsieur, de la
Ville de Bayeux , qui n'est pas considé
rable
OCTOBRE. 1732. 2137
1
rable , quoique la Capitale du Païs Bessin,
à une lieue et demie de la Mer , ce qui
peut lui donner de grandes commoditez.
On y compte plus de quinze Paroisses ,
cependant elle est assez mal peuplée.Cette Ville a été long- temps au pouvoir des
Anglois ; mais le fameux Comte de Dunoit l'ayant assiégée pour le Roy Charles VII. il la prit par Capitulation , suivant laquelle tous les Anglois en sortirent
desarmez , et un bâton à la main. Ce qui arriva en 1450.
Comme nous étions sur le point de monter à Cheval , pour voir l'Abbaye de Cérisi , et retourner à Caën, je vis arriver un
Exprès qu'on m'envoyoit de Torigny, lequel ne m'ayant point trouvé dans cette Ville , crut devoir faire le voyage de
Bayeux, pour me rendre une Lettre, par la
quelle j'étois invité le plus gracieusement du monde , à me rendre dans ce beau
séjour , sous peine de ne revoir de longtemps mes compagnons de voyage, et d'ê
tre privé des plaisirs de plus d'une espece.'
On ajoutoit que je trouverois - là de l'Antique et du Moderne , pour contenter ma
curiosité et pour grossir mes Memoires.
Il ne fallut qu'un moment pour me déterminer; mais comme il étoit déja un peu
tard, je pris le parti de coucher à Bayeux
et
2138 MERCURE DE FRANCE
#
et d'aller à Torigny , par l'Abbaye de
Cérisy , sans repasser par Caën. Je passai
le reste du jour à revoir mon Memoire sur
Bayeux , et je le lus à deux ou trois personnes intelligentes et instruites , qui y
trouverent de l'exactitude ; à un parent ,
sur tout defeu M. Petite ,Chanoine et Of
ficial de Bayeux , qui lui a laissé quantité de Memoires d'un travail immense
sur l'Histoire Ecclesiastique et Civile de
Bayeux , qu'il avoit dessein de publier, et
qui manque à ce grand Diocèse.
*
Ce Chanoine étoit aussi fort curieux de
Médailles Antiques et Modernes , dont
il avoit amassé un très- grand nombre; les
Antiques furent acquises après sa mort ,
par M. Foucault ; et une partie des Modernes sont encore au pouvoir de ce proche Parent , qui voulut bien me les com-
* On peut dire que cette Histoire manque au Diocèse de Bayeux. Celle qui a été écrite par M. Her- mant, Curé de Maltot , et imprimée à Caën en
1705. ne peut gueres passer que pour une ébauche;
outre que des trois Parties, dont elle devoit être composée , l'Autheur n'en a encore publié que la premiere, qui est peu exacte du côté de la Chronologie ,
at qui ne donne pas une grande idée de sa Criti
que, &c. J'apprens que Dom Toussaints du Plessis
qui a écrit avec succès l'Histoire du Diocèse de
Meaux, et qui compose actuellement celle de l'Archevêché de Rouen, a pris des engagemens pour écrive aussi l'Histoire du Diocèse de Bayeux.
niquer
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND TILDEN
FOUNDATION8
.
VALENTINORVA DVX
DIANA
CLARISSIMA
AE
I
WAINWO
REM VICI
OCTOBRE. 1732 2139
muniquer aussi obligemment que les Manuscrits. Il fit plus , il me donna celle de
Diane de Poitiers, Duchesse deValentinois,
celebre dans notre Histoire , qui ne m'étoit point encore tombée entre les mains :
vous en trouverez ici un Dessein qui sarisfera , sans doute , votre curiosité ; il est
de la grandeur de l'Original . On y voit
d'un côté le Buste de cette Dame coëffée
et habillée suivant l'usage de son tems
avec cette Inscription : DIANA DUX VALENTINORUM CLARISSIMA , et de l'autre la
figure de Diane en pied avec son équipade Chasse ,foulant fierement l'Amour,
qui est terrassé à ses pieds, et ces mots auge
tour : OMNIUM VICTOREM VICI. Vous sentez , sans doute , l'allusion et la justesse
de ce symbole , pour le moins aussi flateur pour la Dame que pour le Grand et
Victorieux Monarque dont elle avoit fait
la conquête , il n'est pas nécessaire de
vous en dire davantage , ni de vous avertir que ma premiere Lettre vous rendra
un compte fidele de mon Voyage
par M. D. L. R.
*
IX. LETTRE,
Lséjournerà Caen , énoncées dans mes Es raisons que j'avois , Monsieur , de
dernieres Lettres , subsistoient toujours:
elles m'engagerent de profiter de cette
occasion pour aller voir la Ville de
Bayeux , et l'Abbaye de Cerisy , l'une
des plus considérables de ce Diocèse. Le
même Docteur en Médecinè , homme
comme je vous ai dit , d'érudition , et
d'un agréable commerce ,
voulut encore
m'accompagner dans cette course. Nous
partîmes de Caën d'assez bon matin , et
comme Bayeux n'en est éloigné que de
six licuës , nous y arrivâmes avant l'heu-
* Ces Lettres sont dans le Mercure de Juin 1730.
vol.11 . et dans le Mercure d'Avril 1732.
re
2118 MERCURE DE FRANCE
re de dîner. Nous allâmes d'abord à la
Cathedrale , où après avoir entendu laMesse , nous fumes abordez fort gracieusement par M. l'Abbé de... Chanoine de
la connoissance du Médecin , qui nous
fit voir tout ce qu'il y a de remarquable
dans cette Eglise dédiée à la Vierge , et
nous instruisit de tout ce que des Voyageurs de notre espéce étoient bien aises
de ne pas ignorer. Le Bâtiment est un
Vaisseau assez spacieux , d'une Architecture gothique , mais bien éxécutée L'Autel principal , placé au fond du Chœur ,
est d'une simplicité noble et édifiante.
Le Chœur est seulement orné d'une Tapisserie qui représente la vie de la sainte
Vierge , à qui l'Eglise est dédiée , et les
Mysteres quiy ont du rapport. Leon Conseil , Chancelier de cette Eglise , en fit
faire les desseins, qui furent assez bien éxécutez , et lui en fit présent.
Une autre Tapisserie d'une fabrique
bien différente , régne autour de la Nef.
Elle n'a pas plus de deux pieds et demi
de hauteur ; c'est cependant un ornement instructif et des plus curieux qu'on
puisse trouver en ce genre. On y trouve
toute l'Histoire du fameux Guillaume II.
Duc de Normandie , par rapport à sa
Conquête du Royaume d'Angleterre , et
on
OCTOBRE. 1732. 2119
on peut dire que pour le tems auquel cet
ouvrage a été fait , il n'y a presque rien
à désirer pour les Figures , qu'un peu
plus de correction de dessein. Tous les
fonds restent à remplir , ce qui fait présumer que le projet étoit de faire ces
fonds en or ou en argent mais il ne
manque rien aux personnages , et aux Figures , qui composent ensemble un Monument respectable et instructif. Tout le
monde veut que la Princesse Mathilde
fille de Baudouin , Comte de Flandres Niéce du Roi Robert et de la Reine
Constance , Epouse du Duc Guillaume
fit faire cette Tapisserie pour immortaliser ses Exploits. Apparemment
cette Princesse ne vêcut pas assez pour faire achever entierement l'ouvrage. M. Foucault , qui en connoissoit le mérite , en
avoit fait dessiner quelques morceaux
qu'on a vûs à Paris dans sa Bibliotheque.
Depuis mon Voyage de Normandie , et après
la mort de M. Foucault , ce qu'il en avoit fait copier est heureusement tombé entre les mains de
M. Lancelot , qui a composé là- dessus un très-beau .
Discours qu'il a lû à l'Académie , dont il en est un
très-digne Membre ; et le R. P. de Montfaucon a
fait graver le même Monument dont il donne aussi l'explication dans les premiers Volumes de ses
Monumens de la Monarchie.
Nous
2120 MERCURE DE FRANCE
2 que
Nous passâmes dans la Sacristie , où
nous vîmes le Trésor , et beaucoup de riches Ornemens : nous y vîmes le petit
Coffre d'yvoire , de fabrique Moresque
qui renferme la Chasuble de S. Renobert,
second Evêque de Bayeux , fermé d'une
espéce de serrure d'argent , sur laquelle
est gravée une Inscription Arabe. J'ai
parlé,comme vous le sçavez , de ce Coffre
et de l'Inscription avant de les
avoir vûs , dans une de mes Lettres écrite à M. Rigord , qui est imprimée dans
les Mémoires de Trévoux du mois d'Octobre 1714. vous sçavez , dis je ,
sieur , par cette Lettre , que l'Inscription
éxactement copiée et apportée à M. Petist
de la Croix , Interpréte du Roi , chez qui
j'étois alors , se trouva être une Sentence
Mahometane , dont le sens est tel. Au
NOM DE DIEU. Quelque honneur que nousrendions à Dieu , nous ne pouvons pas l'honorer autant qu'il le mérite ; mais nous l'honoronspar son Saint Nom.
MonJe dis à cette occasion dans ma Lettre
que tout se peut concilier par le moyen
de l'Histoire et de la raison , mais que je
n'entreprenois pas de démêler comment ,
par qui , et en quel tems , deux choses
aussi opposées , que le sont la Relique
de S. Kenobert et le Coffret à Inscription
OCTOBRE.
1732 2121 tion Mahometane , ont pû se rencontrer
ensemble dans le lieu où elles sont aujourd'hui. Le R. P. Tournemine , qui dirigeoit alors le Journal de Trévoux , proposa là - dessus une conjecture qui paroît
plausible , et qu'il fit imprimer à la fin de
ma Lettre dans le même Journal.
» On sçait , dit- il , que Charles Martel
»
vainquit les Sarrazins proche de Tours ,
leur Camp fut pillé , la Cassete marquée de l'Inscription Arabe aura été
» prise en cette occasion , et la Reine
»
Ermantrude, Epouse de Charles le Chauve , à qui cette Cassete venoit de la suċcession de son Trisayeul, l'ayant euë de
» son mari , la consacra à
renfermer les
»Reliques de S. Renobert , qui avoit guéri le Roi son époux. Cette guérison et
la magnifique reconnoissance d'Ermantrude , sont marquées dans les Historiens. Cette Cassete étoit apparemment
» celle du Prince Sarrazin Abdarrha-
> man.
Quoiqu'il en soit , deux Auteurs nouveaux , sçavoir Dom Beaunier , Benedictin , et M. Piganiol de la Force , ont profité de ce que j'avois appris au public làdessus dès l'année 1714. l'un dans son
Recueil Historique, & c. des Archevêchez e
Evêchez de France , &c. Tom. II. p. 714.
B publié
2122 MERCURE DE FRANCE
publié en 1726. et l'autre dans son nou
veau Voyage de France , pag. 582. qui a
paru presque en même tems. Ils onttrouvé à propos l'un et l'autre de s'en faire
honneur , et de ne pas déclarer où ils ont
pris cette découverte , ce qui n'arrive ja- mais aux véritables Sçavans.
Le Chapitre de 1Eglise de Bayeux est
un des plus considérables qu'il y ait en
France il est composé de douze Digni
tez , dont la premiere est celle de Doyen,
et de cinquante Chanoines. Cette Eglise
reconnoît pour son premier Evêque saint
Exupere , vers la fin du deuxième, * siecle : pour second , S. Renobert , auquel
plusieurs autres saints Evêques ont suc- cedé. Elle a eu aussi des Cardinaux et des
Prélats très- distinguez par leur naissance ,
par leur doctrine et par leur pieté.. Les
Cardinaux sont Renaud , ou René de
Prie , Augustin Trivulce , Arnaud Dossat , Charles d'Humieres.
Au sortir de l'Eglise nous allâmes voir
le Subdelegué de M. l'Intendant , qui
*C'est la Chronologie d'un Historien Moderne
laquelle est rejettée par les meilleurs Critiques.
5. Renobert , second Evêque de Bayeux , assista
en 1630. à un Concile de Rheims , et par conséquent, &c.
nous
OCTOBRE. 1732.
nous retint à dîner, et nous engagea,
2723 puisque nous devions coucher à Bayeux , d'aller l'après dîner nous promener à S. Vigor , qui n'en est éloigné que d'un bon
quart de lieuë. Le Chanoine dont j'ai
parlé se joignit à nous , et j'appris encore bien des choses dans cette promenade.
S. Vigor ,
surnommé le Grand , pour
le distinguer de plusieurs Paroisses de même nom, dans le même pays , est un Prieuré de Benedictins de la Congrégation de
S. Maur ; le lieu est fort élevé , ensorte
qu'il y a beaucoup à monter pour y arriver ; mais il est très-agréable , et on découvre de- là une grande étendue de
Il est en même tems fort renommépays par.'
la dévotion des Peuples envers le Saint
de ce nom , qui a été l'un des premiers
Evêques de Bayeux , et par la cérémonie
qui s'y fait à chaque changement d'Evêque , lorsque le Prélat fait pour la premiere fois son Entrée publique dans la
Ville , et prend possession de son Eglise.
a
On ne voit rien à S. Vigor qui mérite
une attention singuliere.
L'Eglise du
Prieuré paroît bâtie sur une autre plus ancienne et ce qu'il y de nouveau
n'est pas achevé. Celle de la Paroisse est
très- moderne et fort propre. Les BeneBij dic
,
2124 MERCURE DE FRANCE
dictins de S. Maur , qui sont là en assez
petit nombre , ont bien réparé le Monastere , et ils édifient par leur éxacte régularité. Nous fûmes très-contens de leur
réception. Je trouvai dans leur petite
Bibliotheque , où sont aussi quelques titres , et les papiers de la Maison , une
Copie du Procès Verbal de la cérémonie
dont je viens de parler , telle qu'elle se
passa , lorsque François de Nesmond fit
sa premiere entrée dans la Ville de Bayeux.
Un Religieux âgé de près de 9o . ans , qui
ayoit assisté à cette cérémonie , me don-"
na l'Extrait qu'il avoit fait de ce Procès
Verbal , qui me parut curieux , et sur le
quel j'ai fait le petit narré que vous ne serez pas fâché de trouver ici.
M. l'Evêque ayant fixé le jour de son
Entrée solemnelle dans la Ville de Bayeux
au 15 Mai 1662. Il se rendit , selon la
coûtume, le matin du jour précédent à la
Chapelle de Notre Dame de la Délivrande. M. Buhot de Cartigny , Docteur de
Sorbonne , Directeur de cette Chapelle
le reçût à la Porte , revêtu d'une Chape
assisté des Prêtres qui la desservent , et le
harangua, L'Evêque étant entré , et s'étant mis à genoux sur un Prie- Dieu , le
même Chanoine lui présenta la Croix à
baiser. Après avoir fait sa priere , il célébra
OCTOBRE. 1732. 2125
6
bra la Messe , il se rendit ensuite à saing
Vigor,monté sur une Haquenéé blanche
pour y passer le reste du jour , et coucher
dans le Monastere.
Le Prélat fut conduit-une partie du chemin les Vassaux et les Habitans sous par
les armes de la Baronie de Douvres. Il
rencontra à deux ou trois lieues de Saint
Vigor les Députez du Chapitre deBayeux,
quatre Dignitez , et quatre Chanoines
qui le complimenterent. La Noblesse
vint aussi en grand nombre le saluer , le
Marquis de Colombieres , quoique de la
Religion P. R. portant la parole , ce
Marquis et les principaux de la Noblesse
l'accompagnerent jusqu'au Prieuré.
M. de Choisy , Seigneur du Fief de
Beaumont , qui releve de l'Evêché , se
trouva à la descente , et tint l'étrier , suivant l'obligation de son Fief ; le Prélat
étant descendu , le Gentilhomme se saisit
de la Haquenée , qu'il envoya , montée
par un autre Gentilhomme,à son Ecurie ,
selon le droit du même Fief.
L'Evêque se mit tout de suite sous un
Dais porté par quatre Religieux ; et prenant le chemin de l'Eglise , il fût reçû à
l'entrée du Cimetiere de la Paroisse par
le Prieur des Benedictins . Quand il fût arrivé à l'Eglise du Prieuré , on chanta le
B iij Te
2126 MERCURE DE FRANCE
1
Te Deum , et ensuite il fut conduit à sor
Appartement parles principaux de la Ng
blesse , &c. A l'heure du souper on lu
servit en maigre un Repas fort frugal
suivant le Cérémonial.
Le lendemain de grand matin , tout I
Clergé Séculier et Régulier de la Vill
s'étant assemblé au son des grosses Clo
ches dans l'Eglise Cathedrale , il se form
une Procession , dont le Corps du Cha
pitre faisoit la queue , laquelle se rendi
au Prieuré de S. Vigor. Le Doyen et le
principaux du Chapitre monterent à
l'appartement du Prélat , qu'ils trouve.
rent en prieres. Après de profondes révé rences , le Doyen le conduisit dans un
Chapelle de l'Eglise , où le Sacristain lu
ôta ses souliers et ses bas , et lui mit ur
espéce de sandales fort minces. On le r
vêtit en même-tems d'une Chappe blan
che , et on lui mit une Mitre toute sir
ple. Il alla ainsi se placer dans une ancie
ne Chaire de marbre, couverte d'un Dai
qui est près le grand Autel , où M.
Franqueville de Longaulnay le harai. ;
en présence du Clergé. L'Evêque se le
immédiatement après , et partit de S. Y
gor pour se rendre à Bayeux en
ordre.
Il étoit placé entre Mrs de Chois Bai
OCTOBRE. 1732. 2127
le Baron deBeaumont, et le Baron de Bosqbrunville , représentant le Seigneur d'E
trehan , soutenant l'un et l'autre les bouts
de sa Chappe , dont deux Aumoniers portoient la queue. Derriere étoit un Gentilhomme armé de toutes piéces à l'antique,'
portant une Hallebarde sur l'épaule , seÎon le devoir de son Fief, et un autre
Vassal marchoit immédiatement devant
le Prélat , semant de la paille depuis saint
Vigor jusqu'à la Porte de l'Eglise de
S. Sauveur de Bayeux. Les Compagnies
Bourgeoises qui étoient sous les armes ,
formerent cependant une double haye
depuis le Monastere des Capucins jusqu'à
l'Eglise Cathedrale.
L'Evêque entra , suivant la coûtume ,
dans l'Eglise de S. Sauveur , on lui lava
les mains et les pieds. Le Bassin et l'Aiguiere d'argent appartiennent au Curé
de cette Eglise ; mais le Curé étant alors
en * Déport , ils furent donnez au Chapitre. Après avoir pris des Habits pontificaux , plus riches que les précedens , il
$ rendit à la Porte de l'Eglise Cathedra
qu'il trouva fermée , et qui fût ou-
* Déport est le nom qu'on donne au droit qu'ont
les Evêques de Normandie , de joüir des revenus des
Cures de leurs Diocèses la premiere année de la vacance de chacun de ces Benefices.
B iiij verte
2128 MERCURE DE FRANCE
1
verte un moment après par quatre Chanoines.
Le Prélat se mit à genoux , à l'entrée ,
sur un Carreau de velours violet ; et après
avoir fait la priete , il fit le serment accoutumé. On le conduisit tout de suite
au Chœur jusqu'à sa Chaire Episcopale ,
et après qu'on eut chanté solemnellement
le Te Deum , il entra dans la Sacristie ,
il prit les plus magnifiques ornemens. Il
celebra la Messe pontificalement , assisté
de quatre Diacres , et de quatre Soudiacres.
où
La Messe étant finie , l'Evêque fut conduit en son Palais par le Chapitre , qu'il
retint à dîner , ainsi que les Barons , et
plusieurs autres personnes de condition
qui s'étoient trouvez à la cérémonie. Le
même jour il reçut les complimens de
tous les Corps de la Ville. Il reçut même
celui du Ministre de la Religion P.R.qui
fut éloquent , respectueux , et fort applaudi.
* La même ceremonie icy décrite , a été renouvellée depuis peu à la prise de possession de M. de
Luynes , actuellement Evêque de Bayeux ; et il en a paru une Relation en forme de Lettre , addressée
par le Chevalier de S. Jory , à Madame la Duchesse
de Chevreuse, imprimée à Caen. Cette Relation oùs
il ne falloit que de la simplicité et de l'exactitude ,
est si pleine d'emphase et de choses déplacées , &e,
qu'on peut dire qu'elle n'a contenté personne.
OCTOBRE. 1732. 2129
Nous rentrâmes de fort bonne heure
dans la Ville , ce qui me donna lieu de retourner à l'Eglise Cathedrale, pour voir la
Bibliotheque et le Chartrier du Chapitre ;
c'est presque la même chose. Quoique cette Bibliotheque , comme la plupart de
celles des autres Chapitres , Abbayes et
Monasteres ait souffert beaucoup de diminution par la vicissitude et par les malheurs des temps , on y trouve encore de
bons Manuscrits , qui regardent non- seu
lement l'Eglise , et le Diocèse de Bayeux,
mais qui pourroient encore beaucoup servir pour 'Histoire generale de la Province , même pour l'Histoire d'Angleterre ;
à cause de la part qu'ont eû quelques Evêques de Bayeux aux affaires d'Etat des
Ducs de Normandie , devenus Rois de la
Grande Bretagne. On tireroit sur tout
beaucoup de lumieres des Ecrits d'Eusebe
l'Angevin , docte Chanoine de Bayeux ;
qui sont dans ce Chartrier.
Ony apprend que l'Evêque deBayeux a
droit de sacrer le Métropolitain , Primat
de Normandie , en qualité de Doyen des
Evêques de la Province,et que cette qualité de Doyen lui fut confirmée dans un
Synode de la mêmeProvince, tenu à Caën
en 1061. en présence du Duc Guillaume ,
à cause de l'ancienneté de son Eglise , anB v te
2130 MERCURE DE FRANCE
.
térieure même à celle de Rouen , et à toutes les autres Eglises de la Normandie. Les Evêques y sont nommez en
cer ordre: Bayeux , Avranches , Evreux
Séez , Lisieux , Coûtances ; ce qui se trouve ainsi établi dans tous les Conciles Provinciaux , jusqu'au différend survenu entre Louis du Moulinet , Evêque de Séez
et Bernardin de S. François , Evêque de
Bayeux.
anco.com-
,
Le premier prétendoit la préséanc
me plus ancien Evêque dans le Concile
Provincial tņu à Rouen en 1581 , où
pré-idoit le Cardinal Chales de Bourbon.
Le second la lui disputoir par la prééminence don Siege , et par l'usage. On jugea par provision en faveur de lEvêque
de Bayeux comme Doyen de la Provin
ce Ecclésiastique. Il est vrai que le Pape
Grégoire X II. consulté sur cetre contestation, ordonna par son Rescrit de la même année 1581. qu'on se regleroit à l'avenir sur l'ancienn té de l'ordination ou
du Sacre des Evêques.
On trouve aussi dans ce même Lieu les
Ecrits historiques de Robert Cénalis ,
Chanoine de Bayeux , puis Evêque d'Avranches , l'un des meilleurs Esprits de
son temps , et dont l'ouvrage sur l'Histoire Topographyque de France est plein
de recherches curieuses. On
OCTOBRE. 1732. 21L
On apprend encore bien des choses.dans
un grand Cartulaire, nommé le Livre noir,
tout rempli de Titres et d'Actes autentiques.
C'est dans ce lieu qu'on est informé surement du mérite distingué, de plusieurs
Personnages illustres du Chapitre de cette
Eglise , entr'autres , de Robert Vaice, ou
de Vace , Chanoine sous Philippe de Harcourt , Auteur du Roman de Rou et des
Normans , écrit en Vers François , vers
l'an 1160. et dédié à Henry II. Roy d'Angleterre, dans lequel on apprend bien des
faits historiques , &c.
,
De Roger du Hommet, Archidiacre de
Bayeux, élu Evêque de Dol en 1160. d'Arnoul , Trésorier de la même Eglise , puis
Evêque de Lisieux , sçavant homme et
Auteur de plusieurs Ouvrages , mort en
1182. et enterré à S. Victor de Paris , où il
s'étoit retiré. De Pierre de Blois , Chanoine , Précepteur , puis Sécretaire de Guillaume.II. Roy de Sicile , ensuite Chancelier de Richard , Archevêque de Cantorbery, grand Homme d'Etat, et qui a beaucoup écrit , mort vers l'année 1200.
D'Etienne , Chanoine de Gavrai , neveu
du Pape Innocent III . qui le fit Cardinal,
mort en 1254.
D'Henry de Vezelai , Archidiacre , l'un
B vj des
2132 MERCURE DE FRANCE
/
des Exécuteurs du Testament de S.Louis,
puis l'un des Regens du Royaume , sous
Philippe le Hardy , enfin Chancelier de
France , mort vers l'année 1280.
De Raoul ou Radulphe de Harcourt ,
Chancelier de l'Eglise de Bayeux , Archidiacre et Chanoine de Rouen, Chantre de
la Cathedrale d'Evreux , Archidiacre de
Coutance , puis premier Aumônier du
Comte de Valois , fils de Philippe le Hardi , Conseiller d'Etat , &c. mort en 1301.
Les Eclaircissemens Historiques , pris
dans cette Bibliotheque et dans les Archives de l'Evêché , que nous visitâmes ensuite, me fourniroient une ample matiere
de parler aussi de plusieurs Evêques de
Bayeux Illustres par la naissance , par la
doctrine ou par la piéré ; mais je dois me
souvenir que j'écris une Lettre et non pas.
une Hi toire. Je me contenterai de faire
icy mention de deux outrois des plus distinguez de ces Prélats.
Ŏdon ou Eudes , surnommé le Grand,
fils de Herluin ou Hellouin , Comte de
Conteville , et d'Arlete,qui fut aimée par Robert , Duc de Normandie , amour qui
donna naissance au fameux Duc Guillaume, fut le trentiéme Evêque de Bayeux ,
en 1055. Il fit bâtir l'Eglise Cathedrale
et peindre dans la voute du Chanr , les
Ενέ
OCTOBRE. 1732. 2133
Evêques de Bayeux , réputez Saints. Il fit
faire aussi le grand Vitrage de la Nef,
peint suivant l'art de ce temps-là, qui s'est
perdu depuis , avec diverses représentations instructives et convenables au Lieu.
Ce Prélat donna , par une Charte , en
108 2. le Prieuré de S. Vigor , dont nous
avons parlé , à Gerenton , Abbé de saint
Benigne de Dijon , qui lui avoit rendu
favorable le Pape Urbain II. et choisit
pour sa sépulture , et pour celle de ses
Successeurs et de son Clergé , l'Eglise de
S. Vigor. Ce qui fut confirmé par une Bulle de l'année 1096.
Le même Evêque a joué un grand rôle
en Angleterre unie à la Normandie sous
un même Prince , dès l'année 1065. Il en
fut le Viceroy ; mais l'Histoire remarque
que son Gouvernement fut dur , et qu'il
usurpa souvent l'autorité souveraine ; ce
qui lui causa bien des disgraces.
Il partit enfin pour la Terre- Sainte avec
le Duc Robert son neveu ; ce voyage lui
fut fatal , car étant arrivé en Sicile, il tomba malade , et mourut à Palerme en l'année 1097. Gilbert , Evêque d'Evreux, prit
soin de ses Obseques , le fit inhumer dans
la Cathedrale , et Roger , Comte de Sicile , honora son Tombeau d'une Epitaphe.
Ce Prélat régit l'Eglise de Bayeux pendant
2134 MERCURE DE FRANCE "
dant so années. Il assista à 7 Conciles ou
Assemblées de la Province.
Philippe de Harcourt , 35 Evêque, est
celui qui après Odon , a fait le plus de
bien à l'Eglise de Bayeux. Il étoit Fils de
Robert , Sire de Hircourt , premier du
nom , et Frere de Guillaume Richard
Chevalier du Temple, qui en l'année 11115050. fonda la Commanderie de S. Etien- .
ne de Renneville , au Diocèse d'Evreux ,
dont j'ai parlé dans ma premiere Lettre ,
et où , comme je l'ai dit, on voit le Tombeau du Fondateur.
*
Ce Prélat fut d'abord Archidiac re d'Evreux; puis étant Evêque , il fonda l'Abbaye du Val- Richer , Ordre de Citeaux
et fit rebâtir en 1159. l'Eglise Cathédrale , où l'on voit son Tombeau, d'un Mar◄
bre grisatre. Sa mort arriva en l'année
1163 .
Pierre de Benais , Doyen , puis 42º Evêque de Bayeux , tint un Concile Diocésain , pour le rétablissement de la Disclpline , dans lequel furent faits 113 Statuts , qui sont insérez dans la Collection
des PP. Labbe et Cossart de l'année 1671.
et fort louez par le Sçavant P. Sirmond
qui les a aussi donnez dans son Recueil
* Cette Lettre est dans le Mercure de Decembre
1726. vol. 1. pag. 2696,
des
4
OCTOBRE. 1732. 2135
'des Conciles de France. Ce Prélat mourut
en 1306. six ans après la publication de ces
Statuts , dont il y a un beau Manuscrit
dans la Biblioteque de S. Victor de Paris.
C'est le même qui fonda le Collège de
Bayeux à Paris , qui subsiste encore dans
la rue de la Harpe.
que
Ason imitation François Servien, Evêde Bayeux , publia long-temps après
des Ordonnances Synodales , qui furent
imprimées en 1656. Et à propos de ce
dernier Prélat, nous apprimes que quand
on voulut l'inhumer en 1659.on ouvrit le
Tombeau de l'Evêque Guy, mort en 1259.
Son Corps fut trouvé entier , mais l'air le
réduisit bientôt en poussiere ; on lui trouva un Anneau d'or , enrichi d'un Saphir ,
qui nous fut montré dans le Trésor de '
l'Eglise Cathédrale.
Jean de Bayenx n'a pas gouverné ce
Diocèse , mais il mérite de tenir un rang
distingué parmi les Hommes Illust es qui
y sont nez. Ce vertueux Prélat fut d'abord Evêque d'Avranches, et ensuite Archevêque de Rollen. Grand amateur de la
Discipline il tint en l'année 1074. un Concile à Rouen , dans lequel on érigea en
Abbaye le Prieuré de S. Victor en Caux ,
à la priere de Roger de Mortemer. C'est
lui qui fit la Dédicace solemnelle de l'Eglise
2136 MERCURE DE FRANCE
glise de S. Etienne de Caën en présence
du Duc Guillaume , qui en est le Fondateur. Ce Prélat composa un Ouvrage estimé : De Divinis Officiis , qui a été imprimé en 1641.
Nous apprîmes encore dans le Chartrier
de l'Evêché , qui peut fournir beaucoup .
de fait, historiques , principalement dans
un Cartulaire , nommé Le Livre Rouge ;
nous apprîmes , dis- je , qu'il y a une ancienne union entre PEglise Cathedrale
d'Auverre et celle de Bayeux , fondée sur
ce qu'on croit qu'Exupere venant d'Italie , passa par la Ville d'Auxerre , et y précha le Christianisme. Cette union fut renouvellée en 1520. par la Députation que
fit le Chapitre d'Auxerre , d'un de ses
Chanoines lequel reçut dans l'Eglise de
Bayeux les mêmes honneurs et jouit des
mêmes droits qui sont dûs aux Chanoines
de cette Eglise.
François Armand de Lorraine , fils de
Louis de Lorraine, Comte d'Armagnac &c.
Grand Ecuyer de France , et de Catherine de Neufville- Villeroy , est aujourd'hui Evêque de Bayeux depuis l'année
714. Il a succedé à François de Nesmond, Prélat d'un mérite accompli.
Je ne vous dirai rien , Monsieur, de la
Ville de Bayeux , qui n'est pas considé
rable
OCTOBRE. 1732. 2137
1
rable , quoique la Capitale du Païs Bessin,
à une lieue et demie de la Mer , ce qui
peut lui donner de grandes commoditez.
On y compte plus de quinze Paroisses ,
cependant elle est assez mal peuplée.Cette Ville a été long- temps au pouvoir des
Anglois ; mais le fameux Comte de Dunoit l'ayant assiégée pour le Roy Charles VII. il la prit par Capitulation , suivant laquelle tous les Anglois en sortirent
desarmez , et un bâton à la main. Ce qui arriva en 1450.
Comme nous étions sur le point de monter à Cheval , pour voir l'Abbaye de Cérisi , et retourner à Caën, je vis arriver un
Exprès qu'on m'envoyoit de Torigny, lequel ne m'ayant point trouvé dans cette Ville , crut devoir faire le voyage de
Bayeux, pour me rendre une Lettre, par la
quelle j'étois invité le plus gracieusement du monde , à me rendre dans ce beau
séjour , sous peine de ne revoir de longtemps mes compagnons de voyage, et d'ê
tre privé des plaisirs de plus d'une espece.'
On ajoutoit que je trouverois - là de l'Antique et du Moderne , pour contenter ma
curiosité et pour grossir mes Memoires.
Il ne fallut qu'un moment pour me déterminer; mais comme il étoit déja un peu
tard, je pris le parti de coucher à Bayeux
et
2138 MERCURE DE FRANCE
#
et d'aller à Torigny , par l'Abbaye de
Cérisy , sans repasser par Caën. Je passai
le reste du jour à revoir mon Memoire sur
Bayeux , et je le lus à deux ou trois personnes intelligentes et instruites , qui y
trouverent de l'exactitude ; à un parent ,
sur tout defeu M. Petite ,Chanoine et Of
ficial de Bayeux , qui lui a laissé quantité de Memoires d'un travail immense
sur l'Histoire Ecclesiastique et Civile de
Bayeux , qu'il avoit dessein de publier, et
qui manque à ce grand Diocèse.
*
Ce Chanoine étoit aussi fort curieux de
Médailles Antiques et Modernes , dont
il avoit amassé un très- grand nombre; les
Antiques furent acquises après sa mort ,
par M. Foucault ; et une partie des Modernes sont encore au pouvoir de ce proche Parent , qui voulut bien me les com-
* On peut dire que cette Histoire manque au Diocèse de Bayeux. Celle qui a été écrite par M. Her- mant, Curé de Maltot , et imprimée à Caën en
1705. ne peut gueres passer que pour une ébauche;
outre que des trois Parties, dont elle devoit être composée , l'Autheur n'en a encore publié que la premiere, qui est peu exacte du côté de la Chronologie ,
at qui ne donne pas une grande idée de sa Criti
que, &c. J'apprens que Dom Toussaints du Plessis
qui a écrit avec succès l'Histoire du Diocèse de
Meaux, et qui compose actuellement celle de l'Archevêché de Rouen, a pris des engagemens pour écrive aussi l'Histoire du Diocèse de Bayeux.
niquer
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND TILDEN
FOUNDATION8
.
VALENTINORVA DVX
DIANA
CLARISSIMA
AE
I
WAINWO
REM VICI
OCTOBRE. 1732 2139
muniquer aussi obligemment que les Manuscrits. Il fit plus , il me donna celle de
Diane de Poitiers, Duchesse deValentinois,
celebre dans notre Histoire , qui ne m'étoit point encore tombée entre les mains :
vous en trouverez ici un Dessein qui sarisfera , sans doute , votre curiosité ; il est
de la grandeur de l'Original . On y voit
d'un côté le Buste de cette Dame coëffée
et habillée suivant l'usage de son tems
avec cette Inscription : DIANA DUX VALENTINORUM CLARISSIMA , et de l'autre la
figure de Diane en pied avec son équipade Chasse ,foulant fierement l'Amour,
qui est terrassé à ses pieds, et ces mots auge
tour : OMNIUM VICTOREM VICI. Vous sentez , sans doute , l'allusion et la justesse
de ce symbole , pour le moins aussi flateur pour la Dame que pour le Grand et
Victorieux Monarque dont elle avoit fait
la conquête , il n'est pas nécessaire de
vous en dire davantage , ni de vous avertir que ma premiere Lettre vous rendra
un compte fidele de mon Voyage
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Résumé : SUITE du Voyage de Basse-Normandie, par M. D. L. R. IX. LETTRE,
L'auteur décrit son séjour à Caen et sa visite de Bayeux en compagnie d'un médecin érudit. Ils se rendent à la cathédrale de Bayeux, dédiée à la Vierge, où ils sont accueillis par un chanoine. La cathédrale présente une architecture gothique avec un autel principal sobre et édifiant. Elle abrite des tapisseries remarquables, dont une représentant la vie de la Vierge et une autre illustrant la conquête de l'Angleterre par Guillaume II, attribuée à la princesse Mathilde. Cette tapisserie est incomplète mais riche en détails historiques. Après la visite de la cathédrale, ils se rendent à la sacristie pour voir le trésor et divers ornements, notamment un coffret en ivoire contenant la chasuble de Saint Renobert, le second évêque de Bayeux. Ce coffret porte une inscription arabe interprétée comme une sentence mahométane. L'auteur mentionne des conjectures sur l'origine de ce coffret, notamment une victoire de Charles Martel sur les Sarrazins. Le chapitre de l'église de Bayeux est l'un des plus importants de France, composé de douze dignités et cinquante chanoines. L'église reconnaît saint Exupère comme premier évêque et saint Renobert comme second. Plusieurs cardinaux et prélats distingués ont marqué l'histoire de cette église. L'auteur et son accompagnateur se rendent ensuite à Saint-Vigor, un prieuré bénédictin situé à un quart de lieue de Bayeux. Ils assistent à une cérémonie traditionnelle lors de l'entrée solennelle d'un nouvel évêque dans la ville. Cette cérémonie inclut une procession, des prières et des discours, et se termine par une entrée solennelle à la cathédrale de Bayeux. Le texte décrit également la cérémonie de prise de possession de l'évêque de Bayeux, qui inclut un serment, une messe pontificale, et un dîner avec le chapitre et les barons. Cette cérémonie a été renouvelée pour M. de Luynes, mais la relation écrite de cet événement a été critiquée pour son emphase et son manque de simplicité. La bibliothèque et le chartrier du chapitre de Bayeux contiennent des manuscrits précieux pour l'histoire de la région et de l'Angleterre. L'évêque de Bayeux a le droit de sacrer le métropolitain, en tant que doyen des évêques de la province, un privilège confirmé en 1061. La bibliothèque conserve des écrits historiques importants, notamment ceux d'Eusèbe l'Angevin et de Robert Cénalis. Le texte évoque plusieurs personnages illustres du chapitre de Bayeux, tels que Robert Wace, auteur du Roman de Rou, et Pierre de Blois, homme d'État et écrivain. Parmi les évêques notables, Odon le Grand et Philippe de Harcourt sont mentionnés pour leurs contributions à l'église de Bayeux. Le texte se termine par une description de la ville de Bayeux, son histoire, et une invitation à visiter l'abbaye de Cérisy.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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330
p. 2142-2144
LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
Début :
En relisant, Monsieur, le Mercure du mois de mai dernier, j'ai fait attention [...]
Mots clefs :
Orléanais, Guespin, Ville des Gaules
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
LETTRE écrite de Marseille le 3. Sepau sujet du mot de Guespin tembre
attribué aux Orleanois.
E
N relisant , Monsieur , le Mercure du
mois de mai dernier , j'ai fait attention à une petite Dissertation , faite par
M. P. au sujet du mot de Guespin , qu'on
donne aux Orléanois. Quelque sçavant
que m'ait parû son Ouvrage , je n'ai pas
laissé de m'appercevoir qu'il n'avoit pour
fondement qu'une erreur populaire, à laquel1
OCTOBRE. 1732. 2143
quelle je m'étonne qu'un homme versé
comme lui dans l'Antiquité soumette si
facilement son jugement ; il ne devroit
pas, ce me semble, ignorer qu'Orleans est
une des plus anciennes Villes des Gaules ,
fondée par une Colonie Grecque sortie
des environs de l'Epire , 250. ans après la
destruction de Troyes; et comme dans ces
tems là les Grecs étoient les seuls Peuples
addonnez aux Sciences , ils firent par leur
nouvelle Colonie, d'Orleans, la plus sçavante Ville des Gaules. On remarqubit
dans ses habitans un certain génie vif et
brillant , qu'on ne distinguoit point dans
les autres Gaulois : aussi leur donna- t'on
dès lors le nom de Guespos , qui en Grec
signifie ( comme il est facile de le voir )
Pierre brillante , c'étoit une espece de
caillou transparant qui se trouvoit aux
environs de l'Epire , et qui a long - tems
decoré les Temples des Grecs. Ce nom
leur est resté depuis , et par corruption
de langage a été changé en celui de Guespin.
Je n'ignore pas que ce même mot entraîne une autre idée , que quelques ignorans lui ont donnée , par rapport à une
sorte de Mouche appellée Guespe , dont
la piqueure est mauvaise. Je pardonnetois à tout autre qu'à un Orleanois éclaiτέ
2144 MERCURE DE FRANCE
ré , de donner dans une idée si grossiere ;
la franchise qu'il affecte dahs son Ecrit
n'est , ce me semble , qu'un voile dont
il couvre adroitement sa négligence pour
la recherche de la verité.
Au reste , les qualitez qu'il attribuë
aux Orleanois sont très- bien fondées , et
à l'exception du génie mordant , dont il
prétend les taxer pour autoriser son explication , je n'y trouve rien que de conforme aux sentimens de tous les Etrangers
qui les connoissent . J'ai l'honneur d'être , &c.
V. D. G.
attribué aux Orleanois.
E
N relisant , Monsieur , le Mercure du
mois de mai dernier , j'ai fait attention à une petite Dissertation , faite par
M. P. au sujet du mot de Guespin , qu'on
donne aux Orléanois. Quelque sçavant
que m'ait parû son Ouvrage , je n'ai pas
laissé de m'appercevoir qu'il n'avoit pour
fondement qu'une erreur populaire, à laquel1
OCTOBRE. 1732. 2143
quelle je m'étonne qu'un homme versé
comme lui dans l'Antiquité soumette si
facilement son jugement ; il ne devroit
pas, ce me semble, ignorer qu'Orleans est
une des plus anciennes Villes des Gaules ,
fondée par une Colonie Grecque sortie
des environs de l'Epire , 250. ans après la
destruction de Troyes; et comme dans ces
tems là les Grecs étoient les seuls Peuples
addonnez aux Sciences , ils firent par leur
nouvelle Colonie, d'Orleans, la plus sçavante Ville des Gaules. On remarqubit
dans ses habitans un certain génie vif et
brillant , qu'on ne distinguoit point dans
les autres Gaulois : aussi leur donna- t'on
dès lors le nom de Guespos , qui en Grec
signifie ( comme il est facile de le voir )
Pierre brillante , c'étoit une espece de
caillou transparant qui se trouvoit aux
environs de l'Epire , et qui a long - tems
decoré les Temples des Grecs. Ce nom
leur est resté depuis , et par corruption
de langage a été changé en celui de Guespin.
Je n'ignore pas que ce même mot entraîne une autre idée , que quelques ignorans lui ont donnée , par rapport à une
sorte de Mouche appellée Guespe , dont
la piqueure est mauvaise. Je pardonnetois à tout autre qu'à un Orleanois éclaiτέ
2144 MERCURE DE FRANCE
ré , de donner dans une idée si grossiere ;
la franchise qu'il affecte dahs son Ecrit
n'est , ce me semble , qu'un voile dont
il couvre adroitement sa négligence pour
la recherche de la verité.
Au reste , les qualitez qu'il attribuë
aux Orleanois sont très- bien fondées , et
à l'exception du génie mordant , dont il
prétend les taxer pour autoriser son explication , je n'y trouve rien que de conforme aux sentimens de tous les Etrangers
qui les connoissent . J'ai l'honneur d'être , &c.
V. D. G.
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Résumé : LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
La lettre, datée du 3 septembre et écrite à Marseille, aborde le terme 'Guespin' attribué aux habitants d'Orléans. L'auteur conteste une dissertation de M. P. publiée dans le Mercure de mai, qui repose sur une erreur populaire. Il affirme qu'Orléans est l'une des plus anciennes villes des Gaules, fondée par une colonie grecque venue des environs de l'Épire, 250 ans après la destruction de Troie. Les Grecs, alors les seuls peuples savants, firent d'Orléans une ville érudite. Les Orléanois étaient réputés pour leur esprit vif et brillant, ce qui leur valut le nom de 'Guespos', signifiant 'Pierre brillante' en grec. Ce nom a évolué en 'Guespin' par corruption linguistique. L'auteur rejette l'idée que 'Guespin' soit lié à une mouche, comme le suggèrent certains. Il conclut que les qualités attribuées aux Orléanois par M. P. sont bien fondées, sauf le génie mordant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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331
p. 2174-2187
QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
Début :
Il me reste, Monsieur, peu de chose à vous dire au sujet de la Conquête d'Oran en elle-même. [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Commerce, Pirates, Prince Maure, Troupes, Alger, Nonce d'Espagne, Rome, André Doria, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
QUATRIEME Lettre écrite par M. D.
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
Fermer
Résumé : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. discute de la conquête d'Oran et de ses conséquences. La prise d'Oran et d'une autre place stratégique sécurise la navigation et le commerce en Méditerranée, protégeant ainsi les côtes espagnoles des attaques des pirates maures. Cette victoire permet à la religion et à la couronne d'Espagne de récupérer des possessions anciennes. Le Comte de Montemar, après avoir soumis plusieurs pays voisins, avait envoyé un détachement dirigé par le Marquis de Villa-Darias pour assiéger Mostagran. Cependant, des vents contraires ont empêché l'escadre d'avancer, permettant aux ennemis de se renforcer. Montemar a donc ordonné le retrait des troupes et reporté l'expédition à une date plus favorable. Par la suite, Montemar a reçu l'ordre du roi d'Espagne de rembarquer toutes les troupes, sauf celles nécessaires pour les garnisons des places conquises. La flotte est arrivée en Espagne, et Montemar a été fait Chevalier de la Toison d'or pour ses succès. La lettre mentionne également un prince maure offrant son alliance, bien que cette proposition manque de confirmation certaine. Historiquement, des ambassadeurs avaient déjà proposé des alliances et des tributs à l'Espagne après la conquête d'Oran par le Cardinal Ximenès. La nouvelle de la conquête a suscité une grande joie à Rome et à Florence, où des actions de grâce ont été organisées. Le pape a félicité le roi d'Espagne et a ordonné des réjouissances publiques. La lettre évoque aussi la possibilité de retrouver des manuscrits arabes de littérature, de médecine et d'astrologie, similaires à ceux rapportés par Ximenès lors de sa conquête. Elle mentionne deux auteurs arabes réputés originaires de Trémésen, ville voisine d'Oran. Enfin, la lettre fait référence à André Doria, libérateur d'Oran, et à son historien, le jésuite Sigonius, qui a écrit sur la vie de Doria.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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332
p. 2317-2326
LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
Début :
Je suis bien aise, Monsieur, de ne pas vous renvoyer le treizième Volume [...]
Mots clefs :
Pierre de Natalibus, Journal des savants d'Italie, Évêché, Canonisation, Saint
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
LETTRE de M.... sur le siècle où a
vêcu Pierre de Natalibus , sur la situation de son Evêché , et sur la singularité
de son Ouvrage.
E suis bien aise , Monsieur , de ne
JEvous pas renvoyer le treiziéme Volume du Journal des Sçavans d'Italie¸imprimé à Venise , sans vous faire part dequelques-unes de mes remarques. Ce vo- lume contient veritablement bien des
choses qui sont de mon goût. Tels sont
les Extraits de la Dissertation de M. l'Abbé Vignoli , sur l'Epoque de la premiere
année de l'Empereur Severe , qui se voit
sur la Chaire de Marbre de S. Hyppolyte,conservée dans la Bibliotheque Vaticane ; je mets encore de ce nombre ce qui
est rapporté d'après les Ouvrages de
A v M.
2318 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque d'Adria , touchant différens.
Sujets de l'Antiquité Litteraire , et la
Dissertation sur l'Urne sépulcrale d'une
Prafica , avec les Observations sur les Fu
nerailles des Anciens. La découverte des
Fragmens de S. Irenée , inconnus jusqu'ici à tous les Editeurs , et même au Pere
Massuet, m'a paru très digne d'attention,
et on lit avec plaisir les sçavantes Notes.
qui accompagnent ceux d'entre ces Frag--
mens qu'on a jugé à propos d'inserer dans
ce Journal. L'article X. de ce Volume
qui critique quelques endroits de Vos--
sius sur les Historiens Latins , m'a arrêté
davantage. Si dans chaque Nation on entreprenoit de relever les fautes de ce Bi-.
bliothequaire , et de ceux qui sont venus
après lui , on pourroit avoir dans la sui- -
te une connoissance des Ecrivains plus .
éxacte qu'on ne l'a euë jusqu'à présent ,
et encherir de beaucoup sur la Bibliotheque de M. Dupin. J'ai oui dire qu'un
sçavant Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne a conçû le dessein de refondre..
cette Bibliotheque je souhaite que cette nouvelle se trouve veritable.
Entre les trois Auteurs dont on parle
dans les Remarques sur Vossius , j'en ai
choisi un qui est assez obscur dans un
sens , et qui cependant est assez célébre
si
FONOVEMBRE. 1732 2319
si on l'envisage d'un certain côté. C'est
celui que les Ecrivains appellent Petrus de
-Natalibus,et que quelques François se sont
ravisés depuis peu d'appeller Pierre des
Noëls. L'Auteur des Remarques sur Vossius qui ne se nomme pas , m'a paru très
-au fait touchant la Ville d'Equilium, dont
ace Pierre étoit Evêque. Il en décrit la situation d'une maniere très éxacte , et il
-marque soigneusement comment ce nom
Equilium a été corrompu en plusieurs manieres différentes. Il prouve ensuite que
cet Evêché n'a pas été si inconnu que l'a
dit Sandius : que dès le tems du Pape
Jean VIII. il y eut un Pierre d'Equilium,
et un Felix Evêque de la même Ville. Il
en nomme encore d'autres avant et depuis l'Episcopat de Pierre de Natalibus ,
et il assûre quecet Evêché est sous le Patriarchat de Grade. Il nous auroit fait
plaisir de citer quelques anciennes Descriptions des Provinces Ecclesiastiques de
ces pays là. Ces monumens peuvent n'être pas rares en Italie. A son défaut je
vous rapporterai ce que j'en trouve dans
un Manuscrit du treizième siècle, où sont
détaillez tous les Evêchez d'Italie. In
•·Histria supra mare , Patriarchatus Gradensis bos habet suffraganeos ; Castellanum
Torcellanum Aquilensem , Esulanum , Ca2 Avj pru
2320 MERCURE DE FRANCE
prulensem , Closenum , Civitatis nova. Il
est hors de doute que par Esulanum il faut
entendre Equilum. Le Journaliste en convient. On voit dans cette énumération
des sept Evêchez de quoi autoriser de
plus en plus l'Auteur à refuter Ferrari ,
qui a dit dans son Lexicon Geographique qu'Equilum avoit été du Patriarchat
d'Aquilée , et de quoi combattre ceux qui
ont confondu cet Equilum avec Cittanova , qui est située dans le même Pays.
Vossius est ensuite repris avec trèsgrande justice , pour avoir dit que Pierre
Evêque de cette Ville publia vers l'an
1470. quelques Histoires sur les Saints.
C'est à l'époque du tems auquel il le fait
vivre , que l'Anonime Italien en veut
d'abord. Il blâme avec raison Aubert le
Mire , Warton et autres , d'avoir fait vivre cet Evêque jusques vers la fin du XV.
siécle. M. Dupin fait voir , dit- il , beaud'inconstance dans ce qu'il a écrit
sur cet Auteur , et après avoir bien rencontré dans le X. Tome de sa Bibliotheque , il s'explique dans le douzième d'u
ne maniere opposée à ce qu'il avoit avan
cé. C'est ordinairement dans les derniers
volumes que l'on corrige les fautes dans
lesquelles on est tombé : M. Dupin a fait
sout le contraire. Les Bollandistes n'ont
coup
pas
NOVEMBRE. 1732. 2321
pas fait de même car après avoir dit
dans la Préface de leur premier Tome de
Janvier que ce Pierre de Natalibus étoit
contemporain de S. Antonin deFlorence ,
ils assurent dans le premier Tome de Février que cet Evêque est beaucoup plus
ancien que S. Antonin ; ce qui les mit au
fait de l'âge de notre Auteur, fût une Note tirée d'un Exemplaire considérable de
son Catalogus Sanctorum , écrit en 1403.
par un Curé de Saint Raphaël , à la fin
duquel on lisoit ces mots : Petrus Episcopus Venetus scribere inchoat anno M.CCC.
LXIX. die festo S. Bernarbe, adhuc plebanus existens, Sanctorum Apostolorum Venetiarum Diocesis Castellanensis. Opus vero
ad exitum per duxit anno M. CCC. LXXII.
die xxvI. Maiijam creatusEpiscopus Equilinus Provincia Gradensis. Ce peu de lignes démontre clairement que Pierre de Natalibus a vêcu cent, ans plutôt qu'on
n'avoit crû. Le Journaliste ajoûte à cela
que dans la Venise de Sansovino il y a
une Inscription qui marque la bénédiction d'une Chapelle de Saint Michel , faite en 1376. où après l'Evêque de Venise
est nommé Messer Pietro Nadal Vescovo
di Jesolo. Mais je suis surpris que ce Venitien qui paroît avoir tant à cœur de
redresser l'époque du tems auquel vivoit
Pierre
2322 MERCURE DE FRANCE
Pierre Evêque d'Equilum , ou d'Esulum,
ait oublié une preuve qui se tire naturel--
lement de l'Ouvrage même de cet Evêque. Je ne lis guéres cet Ouvrage que:
pour y apprendre jusqu'à quel point on
a défiguré l'Histoire des Saints dans les
siécles où la critique étoit peu éclairée
Mais je ne puis m'empêcher d'avertir que
le Critique de Vossius auroit pû jetter la
vue sur le commencement de la vie de
Saint Yves , et il y auroit vû que Pierre
marque assez clairement le tems auquel il
vivoit. Il débute ainsi sur les actions de
ce saint Curé du Diocèse de Treguier.
Lib. 5. Cap. 21. Ivo Presbyter et novus Confessor apud Trechorensem civitatem claruit ,
indiebus nostris canonizatus per Clementem
Papam sextum. Par là , l'Ecrivain déclare
sans aucune ambiguité qu'il a vêcu sous
le Pontificat de Clement VI. Or ce Pape
Limosin de naissance tint le Siége de
Saint Pierre depuis l'an 1342. jusqu'en
l'an 1352. Donc , Pierre Nadal vivoit au
milieu du XIV. siécle , et non pas du XV.-
et par conséquent il n'a pas été contem---
porain de S. Antonin. Quoique les Ecri
vains varient sur l'année dans laquelle
Clement VI. fit cette cérémonie , il est
toujours vrai de dire qu'elle se trouve
dans l'espace de ces dix années. Quel-
,
4
ques
NOVEMBRE. 1732. 2323
1
ques-uns pourroient faire remonter encore plus haut Pierre Nadal , etassûrer
qu'il a vêcu en même tems que Saint
Yves , c'est - à - dire , à la fin du treiziéme siécle prétendant que c'est ce qu'il a
voulu marquer , en plaçant la virgule none
avant in diebus nostris , mais après. Ce
raisonnement auroit quelque air de vrai
semblance s'il étoit bien certain que Pierre
Nadal eut regardé la Fête- Dieu comme
instituée tout récemment de son tems :
mais en éxaminant de près ce qu'il en dit ,
Lib. V. Cap. 45. on reconnoît que le nuper
ne doit pas être pris à la lettre , et qu'il
pouvoit s'entendre d'une chose déja éloignée , puisqu'il ajoûte tout de suite tune
temporis , ce que l'on ne dit que quand il
y a déja bien du tems que les choses sont
passées. D'un autre côté , l'on ne peut pas
reculer la mort de S. Yves bien avant dans
le XIV. siécle. Ce seroit être ridicule que
de réformer l'époque à laquelle on fixe sa..
mort , par celle du tems auquel les Ins--
criptions ci-dessus rapportées disent que
vivoit Pierre Nadal.Sans recourir à laBulle
de sa Canonisation , qui est le fondement
de son Histoire , on peut prouver par un
Synode de Treguier , qu'il étoit décedé
avant le commencement du Pontificat de
Jean XXII. et par conséquent avant l'an
1316a
2324 MERCURE DE FRANCE
1316. Ce Synode tenu dans l'une des premieres années de ce Pape , comme il pa
roît par son LXIX. Statut , ordonne dans
le soixante et dixième de la part de l'Evêque Diocesain à tous les Curez du Diocèse de Treguier , qu'ils engagent les peuples à obtenir de Dieu par un jeûne extraordinaire , et par une Messe Solemnelle du Saint Esprit , qu'il lui plaise d'operer de nouveaux miracles aux prieres
de Monsieur Yves Hælori. * Ce langage
déclare assez nettement que S. Yves étoit
mort alors , mais qu'il n'étoit pas canonisé , et que les miracles étoient rallentis à
son Tombeau , ou qu'il ne s'y en faisoit .
plus , et que cependant on souhaittoit
qu'ils recommençassent , pour prouver
de plus en plus sa sainteté , à laquelle le
Diocèse de Treguier étoit interessé. Vous
avez dû remarquer cette expression , novus Confessor. Elle désigne un Saint de
nouvelle date , c'est-à- dire , que lorsque
cela a été écrit , Messire Yves Hælori étoit
reconnu depuis peu pour Saint ; de la même maniere que le titre de nova Solemnitas , en parlant de la Fête- Dieu , marque
que les Livres où se trouve cet Epithete
sont écrits peu de tems après l'établisseVoyez ce Synode de Treguier au IV. Tome du
Trésor des Anecdotes du P. Martene , p. 1097.
ment
NOVEMBRE. 1732. 2320
ment de cette Fête.Mais je ne sçai si vous
( avez jamais fait attention que ce saint
Curé est le dernier Personnage d'entre
les Ecclésiastiques de France , et François
de naissance , qui ait été canonisé selon les
formes modernes peu de tems après sa
mort , et que depuis lui il n'y en a eu aucun de même que depuis le siecle de
cette canonisation il n'y a point eu de
Pape François.
•
>
gens ,
Je me suis peut-être étendu plus que
je n'aurois dû , à faire sentir que la vie
de S. Yves peut servir à fixer le tems auquel vivoit Pierre Nadal. Je ne sçai
après tout , si un Auteur qui a été si simple que de canoniser toutes sortes de
en valoit la peine : je ne vous le donne
pour célébre Ecrivain que de ce côté- là.
L'envie d'enfanter un gros volume l'a
porté à y faire entrer sous le nom de Saint
tous ceux qui sont dans la Génealogie de
N. S. selon S. Luc , tous les Juges de
l'Ancien Testament , et à ne point refuser ce titre au Roi Salomon. Il canonise
dans la nouvelle Loi tous les hommes illustres du Catalogue de S. Jerôme , tous
les Ecrivains Ecclésiastiques de Gennade ,
et tous les Empereurs Romains qui passent pour avoir été amis du Christianisme.Iln'y a pas jusqu'àRolland etOlivier,
pré
2326 MERCURE DE FRANCE
·
9
prétendus guerriers du tems de Charle
magne qui ont aussi le titre de Saint. Après -
cet avertissement vous ne serez pas surpris si en ouvrant jamais cet Ouvrage
Vous y appercevez à la fin du mois de
Janvier ces titres De Sancto Sale de
S. Heber , de S Phaleg , de S. Reй : au
premier jour d'Août de S. Salomone Rege
et Prophetâ : et dans l'onziéme Livre , de
Sancta Mamma Regina et Martyre , de
Sanctis Philippo et Philippo Imperatoribus
Martyribus , de Sancto Theodosio Magno ,
و
c. Ceci me meneroit naturellement à
vous parler de l'Ouvrage d'un certain
Carme appellé Zeger- Paul , ou plutôt du
Martyrologe de Tamayo de Salazar , Espagnol , lequel a prétendu trouver dans
Martial un grand nombre de Saints d'Es- ·
pagne. Mais permettez- moi de remettre
cette remarque à une autre occasion , eɛ ^
de finir en vous assurant que je suis , &
Ce 31 Mai 1732.
vêcu Pierre de Natalibus , sur la situation de son Evêché , et sur la singularité
de son Ouvrage.
E suis bien aise , Monsieur , de ne
JEvous pas renvoyer le treiziéme Volume du Journal des Sçavans d'Italie¸imprimé à Venise , sans vous faire part dequelques-unes de mes remarques. Ce vo- lume contient veritablement bien des
choses qui sont de mon goût. Tels sont
les Extraits de la Dissertation de M. l'Abbé Vignoli , sur l'Epoque de la premiere
année de l'Empereur Severe , qui se voit
sur la Chaire de Marbre de S. Hyppolyte,conservée dans la Bibliotheque Vaticane ; je mets encore de ce nombre ce qui
est rapporté d'après les Ouvrages de
A v M.
2318 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque d'Adria , touchant différens.
Sujets de l'Antiquité Litteraire , et la
Dissertation sur l'Urne sépulcrale d'une
Prafica , avec les Observations sur les Fu
nerailles des Anciens. La découverte des
Fragmens de S. Irenée , inconnus jusqu'ici à tous les Editeurs , et même au Pere
Massuet, m'a paru très digne d'attention,
et on lit avec plaisir les sçavantes Notes.
qui accompagnent ceux d'entre ces Frag--
mens qu'on a jugé à propos d'inserer dans
ce Journal. L'article X. de ce Volume
qui critique quelques endroits de Vos--
sius sur les Historiens Latins , m'a arrêté
davantage. Si dans chaque Nation on entreprenoit de relever les fautes de ce Bi-.
bliothequaire , et de ceux qui sont venus
après lui , on pourroit avoir dans la sui- -
te une connoissance des Ecrivains plus .
éxacte qu'on ne l'a euë jusqu'à présent ,
et encherir de beaucoup sur la Bibliotheque de M. Dupin. J'ai oui dire qu'un
sçavant Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne a conçû le dessein de refondre..
cette Bibliotheque je souhaite que cette nouvelle se trouve veritable.
Entre les trois Auteurs dont on parle
dans les Remarques sur Vossius , j'en ai
choisi un qui est assez obscur dans un
sens , et qui cependant est assez célébre
si
FONOVEMBRE. 1732 2319
si on l'envisage d'un certain côté. C'est
celui que les Ecrivains appellent Petrus de
-Natalibus,et que quelques François se sont
ravisés depuis peu d'appeller Pierre des
Noëls. L'Auteur des Remarques sur Vossius qui ne se nomme pas , m'a paru très
-au fait touchant la Ville d'Equilium, dont
ace Pierre étoit Evêque. Il en décrit la situation d'une maniere très éxacte , et il
-marque soigneusement comment ce nom
Equilium a été corrompu en plusieurs manieres différentes. Il prouve ensuite que
cet Evêché n'a pas été si inconnu que l'a
dit Sandius : que dès le tems du Pape
Jean VIII. il y eut un Pierre d'Equilium,
et un Felix Evêque de la même Ville. Il
en nomme encore d'autres avant et depuis l'Episcopat de Pierre de Natalibus ,
et il assûre quecet Evêché est sous le Patriarchat de Grade. Il nous auroit fait
plaisir de citer quelques anciennes Descriptions des Provinces Ecclesiastiques de
ces pays là. Ces monumens peuvent n'être pas rares en Italie. A son défaut je
vous rapporterai ce que j'en trouve dans
un Manuscrit du treizième siècle, où sont
détaillez tous les Evêchez d'Italie. In
•·Histria supra mare , Patriarchatus Gradensis bos habet suffraganeos ; Castellanum
Torcellanum Aquilensem , Esulanum , Ca2 Avj pru
2320 MERCURE DE FRANCE
prulensem , Closenum , Civitatis nova. Il
est hors de doute que par Esulanum il faut
entendre Equilum. Le Journaliste en convient. On voit dans cette énumération
des sept Evêchez de quoi autoriser de
plus en plus l'Auteur à refuter Ferrari ,
qui a dit dans son Lexicon Geographique qu'Equilum avoit été du Patriarchat
d'Aquilée , et de quoi combattre ceux qui
ont confondu cet Equilum avec Cittanova , qui est située dans le même Pays.
Vossius est ensuite repris avec trèsgrande justice , pour avoir dit que Pierre
Evêque de cette Ville publia vers l'an
1470. quelques Histoires sur les Saints.
C'est à l'époque du tems auquel il le fait
vivre , que l'Anonime Italien en veut
d'abord. Il blâme avec raison Aubert le
Mire , Warton et autres , d'avoir fait vivre cet Evêque jusques vers la fin du XV.
siécle. M. Dupin fait voir , dit- il , beaud'inconstance dans ce qu'il a écrit
sur cet Auteur , et après avoir bien rencontré dans le X. Tome de sa Bibliotheque , il s'explique dans le douzième d'u
ne maniere opposée à ce qu'il avoit avan
cé. C'est ordinairement dans les derniers
volumes que l'on corrige les fautes dans
lesquelles on est tombé : M. Dupin a fait
sout le contraire. Les Bollandistes n'ont
coup
pas
NOVEMBRE. 1732. 2321
pas fait de même car après avoir dit
dans la Préface de leur premier Tome de
Janvier que ce Pierre de Natalibus étoit
contemporain de S. Antonin deFlorence ,
ils assurent dans le premier Tome de Février que cet Evêque est beaucoup plus
ancien que S. Antonin ; ce qui les mit au
fait de l'âge de notre Auteur, fût une Note tirée d'un Exemplaire considérable de
son Catalogus Sanctorum , écrit en 1403.
par un Curé de Saint Raphaël , à la fin
duquel on lisoit ces mots : Petrus Episcopus Venetus scribere inchoat anno M.CCC.
LXIX. die festo S. Bernarbe, adhuc plebanus existens, Sanctorum Apostolorum Venetiarum Diocesis Castellanensis. Opus vero
ad exitum per duxit anno M. CCC. LXXII.
die xxvI. Maiijam creatusEpiscopus Equilinus Provincia Gradensis. Ce peu de lignes démontre clairement que Pierre de Natalibus a vêcu cent, ans plutôt qu'on
n'avoit crû. Le Journaliste ajoûte à cela
que dans la Venise de Sansovino il y a
une Inscription qui marque la bénédiction d'une Chapelle de Saint Michel , faite en 1376. où après l'Evêque de Venise
est nommé Messer Pietro Nadal Vescovo
di Jesolo. Mais je suis surpris que ce Venitien qui paroît avoir tant à cœur de
redresser l'époque du tems auquel vivoit
Pierre
2322 MERCURE DE FRANCE
Pierre Evêque d'Equilum , ou d'Esulum,
ait oublié une preuve qui se tire naturel--
lement de l'Ouvrage même de cet Evêque. Je ne lis guéres cet Ouvrage que:
pour y apprendre jusqu'à quel point on
a défiguré l'Histoire des Saints dans les
siécles où la critique étoit peu éclairée
Mais je ne puis m'empêcher d'avertir que
le Critique de Vossius auroit pû jetter la
vue sur le commencement de la vie de
Saint Yves , et il y auroit vû que Pierre
marque assez clairement le tems auquel il
vivoit. Il débute ainsi sur les actions de
ce saint Curé du Diocèse de Treguier.
Lib. 5. Cap. 21. Ivo Presbyter et novus Confessor apud Trechorensem civitatem claruit ,
indiebus nostris canonizatus per Clementem
Papam sextum. Par là , l'Ecrivain déclare
sans aucune ambiguité qu'il a vêcu sous
le Pontificat de Clement VI. Or ce Pape
Limosin de naissance tint le Siége de
Saint Pierre depuis l'an 1342. jusqu'en
l'an 1352. Donc , Pierre Nadal vivoit au
milieu du XIV. siécle , et non pas du XV.-
et par conséquent il n'a pas été contem---
porain de S. Antonin. Quoique les Ecri
vains varient sur l'année dans laquelle
Clement VI. fit cette cérémonie , il est
toujours vrai de dire qu'elle se trouve
dans l'espace de ces dix années. Quel-
,
4
ques
NOVEMBRE. 1732. 2323
1
ques-uns pourroient faire remonter encore plus haut Pierre Nadal , etassûrer
qu'il a vêcu en même tems que Saint
Yves , c'est - à - dire , à la fin du treiziéme siécle prétendant que c'est ce qu'il a
voulu marquer , en plaçant la virgule none
avant in diebus nostris , mais après. Ce
raisonnement auroit quelque air de vrai
semblance s'il étoit bien certain que Pierre
Nadal eut regardé la Fête- Dieu comme
instituée tout récemment de son tems :
mais en éxaminant de près ce qu'il en dit ,
Lib. V. Cap. 45. on reconnoît que le nuper
ne doit pas être pris à la lettre , et qu'il
pouvoit s'entendre d'une chose déja éloignée , puisqu'il ajoûte tout de suite tune
temporis , ce que l'on ne dit que quand il
y a déja bien du tems que les choses sont
passées. D'un autre côté , l'on ne peut pas
reculer la mort de S. Yves bien avant dans
le XIV. siécle. Ce seroit être ridicule que
de réformer l'époque à laquelle on fixe sa..
mort , par celle du tems auquel les Ins--
criptions ci-dessus rapportées disent que
vivoit Pierre Nadal.Sans recourir à laBulle
de sa Canonisation , qui est le fondement
de son Histoire , on peut prouver par un
Synode de Treguier , qu'il étoit décedé
avant le commencement du Pontificat de
Jean XXII. et par conséquent avant l'an
1316a
2324 MERCURE DE FRANCE
1316. Ce Synode tenu dans l'une des premieres années de ce Pape , comme il pa
roît par son LXIX. Statut , ordonne dans
le soixante et dixième de la part de l'Evêque Diocesain à tous les Curez du Diocèse de Treguier , qu'ils engagent les peuples à obtenir de Dieu par un jeûne extraordinaire , et par une Messe Solemnelle du Saint Esprit , qu'il lui plaise d'operer de nouveaux miracles aux prieres
de Monsieur Yves Hælori. * Ce langage
déclare assez nettement que S. Yves étoit
mort alors , mais qu'il n'étoit pas canonisé , et que les miracles étoient rallentis à
son Tombeau , ou qu'il ne s'y en faisoit .
plus , et que cependant on souhaittoit
qu'ils recommençassent , pour prouver
de plus en plus sa sainteté , à laquelle le
Diocèse de Treguier étoit interessé. Vous
avez dû remarquer cette expression , novus Confessor. Elle désigne un Saint de
nouvelle date , c'est-à- dire , que lorsque
cela a été écrit , Messire Yves Hælori étoit
reconnu depuis peu pour Saint ; de la même maniere que le titre de nova Solemnitas , en parlant de la Fête- Dieu , marque
que les Livres où se trouve cet Epithete
sont écrits peu de tems après l'établisseVoyez ce Synode de Treguier au IV. Tome du
Trésor des Anecdotes du P. Martene , p. 1097.
ment
NOVEMBRE. 1732. 2320
ment de cette Fête.Mais je ne sçai si vous
( avez jamais fait attention que ce saint
Curé est le dernier Personnage d'entre
les Ecclésiastiques de France , et François
de naissance , qui ait été canonisé selon les
formes modernes peu de tems après sa
mort , et que depuis lui il n'y en a eu aucun de même que depuis le siecle de
cette canonisation il n'y a point eu de
Pape François.
•
>
gens ,
Je me suis peut-être étendu plus que
je n'aurois dû , à faire sentir que la vie
de S. Yves peut servir à fixer le tems auquel vivoit Pierre Nadal. Je ne sçai
après tout , si un Auteur qui a été si simple que de canoniser toutes sortes de
en valoit la peine : je ne vous le donne
pour célébre Ecrivain que de ce côté- là.
L'envie d'enfanter un gros volume l'a
porté à y faire entrer sous le nom de Saint
tous ceux qui sont dans la Génealogie de
N. S. selon S. Luc , tous les Juges de
l'Ancien Testament , et à ne point refuser ce titre au Roi Salomon. Il canonise
dans la nouvelle Loi tous les hommes illustres du Catalogue de S. Jerôme , tous
les Ecrivains Ecclésiastiques de Gennade ,
et tous les Empereurs Romains qui passent pour avoir été amis du Christianisme.Iln'y a pas jusqu'àRolland etOlivier,
pré
2326 MERCURE DE FRANCE
·
9
prétendus guerriers du tems de Charle
magne qui ont aussi le titre de Saint. Après -
cet avertissement vous ne serez pas surpris si en ouvrant jamais cet Ouvrage
Vous y appercevez à la fin du mois de
Janvier ces titres De Sancto Sale de
S. Heber , de S Phaleg , de S. Reй : au
premier jour d'Août de S. Salomone Rege
et Prophetâ : et dans l'onziéme Livre , de
Sancta Mamma Regina et Martyre , de
Sanctis Philippo et Philippo Imperatoribus
Martyribus , de Sancto Theodosio Magno ,
و
c. Ceci me meneroit naturellement à
vous parler de l'Ouvrage d'un certain
Carme appellé Zeger- Paul , ou plutôt du
Martyrologe de Tamayo de Salazar , Espagnol , lequel a prétendu trouver dans
Martial un grand nombre de Saints d'Es- ·
pagne. Mais permettez- moi de remettre
cette remarque à une autre occasion , eɛ ^
de finir en vous assurant que je suis , &
Ce 31 Mai 1732.
Fermer
Résumé : LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
La lettre de M.... traite du treizième volume du Journal des Sçavans d'Italie, imprimé à Venise, qui présente plusieurs articles intéressants. Parmi ceux-ci, les extraits de la dissertation de l'abbé Vignoli sur l'époque de la première année de l'empereur Sévère, les ouvrages de l'évêque d'Adria sur divers sujets de l'antiquité littéraire, et la dissertation sur l'urne sépulcrale d'une Praefica sont particulièrement notables. La découverte de fragments de Saint Irénée, inconnus jusqu'alors, est également soulignée. L'auteur critique certains passages de Vossius sur les historiens latins et suggère que relever les fautes de ce bibliothécaire et de ses successeurs pourrait améliorer la connaissance des écrivains. Il mentionne un bénédictin de la Congrégation de Saint Vanne qui envisage de refondre la bibliothèque de M. Dupin. La lettre se concentre ensuite sur Pierre de Natalibus, un auteur obscur mais célèbre dans certains cercles. L'auteur des remarques sur Vossius décrit avec précision la ville d'Equilium, dont Pierre était évêque, et corrige les erreurs sur l'époque de sa vie. Pierre de Natalibus a vécu au milieu du XIVe siècle, sous le pontificat de Clément VI, et non au XVe siècle comme l'ont affirmé certains écrivains. Cette correction est appuyée par des preuves tirées de l'ouvrage même de Pierre et de diverses inscriptions. L'auteur conclut en mentionnant la singularité de l'ouvrage de Pierre de Natalibus, qui canonise un grand nombre de personnages, y compris des figures de l'Ancien Testament et des empereurs romains. Il promet de discuter d'autres ouvrages, comme celui de Zeger-Paul ou du Martyrologe de Tamayo de Salazar, dans une autre lettre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
333
p. 2389-2397
CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
Début :
Je ne vous parle plus, Monsieur, d'Oran, ni de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment instruit [...]
Mots clefs :
Oran, Sigonius, Bibliothèques, République des Lettres, Ouvrage, M. Argelati, Histoire, Antiquité, André Doria
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texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
CINQUIEME LETTRE de M. D.
L. R. écrite à M le Marquis de B.
dans laquelle , à l'occasion d'Oran , et
d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonius , &C.
J
2
E ne vous parle plus , Monsieur , d'Oran ni
de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment ins
truit de toutes les circonstances de la conquête
de ces deux Places, et des suites qu'elle a eues jus
qu'à présent. La saison où nous sommes défend
L'attendre d'autres progrès avant le retour du
Printemps. Vous sçavez , sans doute , Monsieur , que dès le commencement du mois de
Septembre la Mer Mediterranée n'est presque
plus praticable du côté de la Barbarie , et qu'il
en coûta cher à l'Empereur Charles V. lorsqu'il
entreprit en personne, au mois d'Octobre 1541 .
La Conquête d'Alger , avec une puissante Flote
qui périt miserablement sur ces Côtes. Laissons
donc pour quelque- tems les Affaires d'Affrique.
Oran sçaura bien- en attendant , se soutenir
avec un si brave * Gouverneur, contre les foibles
efforts des Maures. C'est inutilement qu'ils ont
attaqué depuis quelques tems le Fort de S. André , c'est avec aussi peu de succès qu'ils ont
cru faire une diversion importante en engageant
le Roi de Maroc à faire de nouveaux efforts contre la Ville de Ceuta , efforts favorisez par la
*Le Marquis de Santa-Crux.
D v
déser-
1 2390 MERCURE DE FRANCE
* désertion et par la trahison d'unSeigneur Espagnol , que sa conscience punit peut être déja , et
que le Ciel confondra un jour. Mettons plutôt
Monsieur , à la place d'Exploits guerriers , qui
ne sont pas de saison , quelque chose qui ne soie
guéres moins de votre ressort , et qui puisse vous
Occuper agréablement dans le séjour que vous continuez de faire dans vos Terres.
>
Un sujet se présente ici naturellement , et qui
un raport indirect à celui que je suis obligé de
quitter ou de suspendre. J'ai eu l'honneur de
vous parler dans ma derniere Lettre du Sçavant
Jesuite , Charles Sigonius , Auteur de la vie d'André Doria , et je vous ai dit , ce me semble
qu'il n'est pas aisé d'assembler tous ses Ouvra→
ges , qui sont cependant considérables , cet Au- teur n'ayant traité que de grands sujets et
Payant toujours fait habilement, ils manquent aut
jourdhui dans plusieurs bonnes Bibliotheques , et
les Provinces en sont presque entierement de
pourvûës. Comme je me plaignois de cette disette,
et que je faisois des vœux pour une nouvelle Edia
tion , j'ai été agréablement surpris par la récep
tion d'un Imprimé latin de 8. pages in- 4. pu
blié à Milan il y a quelques mois , qui contient
le plan d'une belle Edition de Sigonius , laquelle
se fait actuellement dans cette Ville. C'est, Monsieur , de quoi j'aurai l'honneur de vous rendre
compte dans ma Lettre d'aujourd'hui.
L'Auteur de cette entreprise est M. Argelati ,
Homme du premier mérite , et des plus connus
dans la République des Lettres , singulierement par la part qu'il à au vaste Recueil des Ecrivains
de l'Histoire d'Italie Il est Directeur de la Sa
*Le Duc de Riperda.
cieté
NOVEMBRE. 1732 2391
cieté Palatine , Académie des plus celébres de
l'Europe , fondée à Milan par le Comte Archin
to , Neveu du Cardinal- Archevêque de ce même ´nom.
M. Argelati commence dans son Ecrit adressé
à tous les Sçavans de l'Europe , par relever le
mérite litteraire de Sigonius , reconnu de tout
le monde sçavant , et le prix de ses Ouvrages ,
imprimez plus d'une fois , tant en Italie que
dans le reste de l'Europe , ce qui n'a pas empê
ché , dit-il , qu'ils ne soient devenus enfin d'une
grande rareté , au regret des habiles gens , et
surtout des amateurs de l'Antiquité. Il y a longtems que notre Sçavant s'étoit proposé de remé
dier à cet inconvenient, en donnant une nouvelle
Edition de Sigonius ; il s'y est enfin déterminé ,
et il a mis la main à l'œuvre dans les conjonctures , et par les considerations énoncées assez au
long dans son Programme que je me dispense de répéter ici.
Je n'obmettrai pas cependant une circonstance bien louable , qui marque un grand désinteressement et un pareil amour pour les Lettres ,
c'est que pour accelerer cette Edition, et pour le
ver toute difficulté , M. Argelati s'est mis en
état de fournir de son propre fonds tout ce qui
peut être nécessaire à l'éxecution de son entreprise , pour ne faire aucun tort aux Membres de
Ja Societé Palatine ni au Public , ne Palatinorum
Sociorum , dit- il , rationes diverterem in aliam causam , vel postrema comuni cura priorem aliquantisperpublico cum incommodo turbarem.
Le premier soin du sçavant Editeur a été de rechercher et d'assembler en un corps , non- seulement tous les Ouvrages imprimez de Sigonius ,
dont quelques-uns sont devenus très-rares , mais
D vj encore
2392 MERCURE DE FRANCE
encore ceux qui n'ont jamais vu le jour : ce qu'il n'a pû faire par lui-même a été éxecuté par des
Amis sçavans et éclairez. Visite de Bibliotheques, d'Archives publiques et particulieres , rien
n'a été oublié ; ce qui a été suivi d'un succès
auquel M. Argelati avoue que la grande réputa tion de Sigonius a eu beaucoup de part , particulierement à l'égard des Ouvrages Manuscrits de
notre Auteur , dont cette nouvelle Edition sera enrichie dans les derniers volumes.
L'ordre et la coutume demandoient de mettre
à la tête de l'Edition un abregé de la vie du celébre Sigonius. Personne ne pouvoit mieux s'en
acquitter , dit M. Argelati , que M. L. A. Muratori , qui outre son rate sçavoir et sa sagacité ,
se trouve être de la même Ville de Modene , Paarie de Sigonius , et par conséquent plus à portée
qu'un autre de prendre des instructions domesiques et sûres. Le succès de ce travail a été audelà de tout ce qu'on pouvoit attendre de M. Muratori. Ceux qui aiment à s'instruire de l'Histoire Litteraire et personnelle de certains Sçavans ,
trouveront, sans doute,de quoi se contenter dans le travail dont il s'est chargé au sujet de Sigonius. Sur quoi M. Argelati lui marque une parfaite reconnoissance.
Le premier volume de la nouvelle Edition commence par les Fastes Consulaires de cet Auteur.
Tout le monde connoît l'importance et la necessité des Fastes Consulaires , on sçait aussi en combien d'embarras et de difficultez ils ont souvent jetté les amateurs de l'Antiquité. On avoit
lieu de croire que cet Ouvrage , si pénible en soi,
avoit été rendu parfait par le travail de Sigonius:
mais comme depuis sa mort , on a déterré quan
tité de Monumens Antiques , et qu'on en désouyre
NOVEMBRE. 1732. 2393
couvre encore tous les jours , on s'en est servi
pour perfectionner encore davantage , pour corriger même en plusieurs endroits l'Ouvrage du docte Ecrivain, C'est un soin dont a bien voulu
se charger , à la priere de M. Argelati , le R. P.
Joseph- Marie Stampa de Côme , Clerc Régulier
de la Congrégation des Somasques , qui a fait entrer dans cette Edition toutes les Observations
des plus célebres Critiques sur le sujet en question, sçavoir celles du P. Petau, de Pighius , d'Almelowen , qui ont plus servi à confirmer qu'à
corriger les Fastes de Sigonius , celles de Mezabarba , du P. Pagi , de M. de Tillemont , du P. Blanchini , et suivant l'ordre des tems , celles
du Cardinal Noris , de M. Reland , de Cuspinien , et de Panvinius , sans oublier les propres
Observations du P. Stampa , qui n'a pas toujours
souscrit à toutes les Remarques de ces grands
Critiques , et qui a donné de son fonds une belle
Dissertation préliminaire , et d'autres Discours
remplis d'érudition sur cette matiere , à quoi il
faut ajoûter la continuation des mêmes Fastes ,
qu'il a conduits depuis la mort d'Auguste , Epoque où Sigonius s'étoit arrêté , jusqu'à l'Empire
de Diocletien et de Max imien. Autre Epoque où
commence un second Ouvrage de notre Auteur,,
dont on va parler , et qui acheve de remplir le
premier Tome.
Cet Ouvrage , divisé en plusieurs Livres , est
tout historique , et regarde l'Empire d'Occident ,
de Occidentali Imperio. Il a été revû et illustré
par un sçavant Benedictin du Mont- Cassin, nommé le P. Dom Janvier Salinas , Napolitain.
M. Arlegati fait ici un court éloge de la capacité
de ce Religieux , dont le travail immense doit Stre
2394 MERCURE DE FRANCE
1
être d'un grand secours
à ceux qui étudieront cet
autre Quvrage de Sigonius
.
Le second Volume contiendra en XX
. Livres
P'Histoire du Regne d'Italie
, de REGNO ITALIE
C'est la revision de ce grand Ouvrage
, qui occupe actuellement M. Argelati , aidé des lumieres et du travail infatigable de M. Joseph- Antoi
ne Saxi
, Préfet de la Bibliotheque Ambroisienne. Ce travail sera sans doute d'une grande utilité à cette partie de l'Edition de Sigonius , on
en peut juger par le témoignage qu'en rend l'Editeur , il est magnifique et fort étendu dans le
Programme Latin
.
,
M. Argelati déclare ensuite qu'il n'a fait encore aucun arrangement à l'égard des autres
Ouvrages de Sigonius
, mais que chacun de ces
Ouvrages paroîtra dans cette Edition avec les
Notes et les Observations qui lui conviennent
soit anciennes et déja publiées
, soit nouvelles et
fournies par de sçavans Hommes
. Par exemple
,
à l'égard des Traitez intitulez de Antiquo Jure Civium Romanorum , Italia ac Provinciarum,
de Judiciis. De Binis Comitiis et Lege curiata.
On aura dans la nouvelle Edition
, non
-seulement les Annotations de Grævius , répandues
dans son Trésor des Antiquitez Romaines
, mais
encore les Prolegomenes du sçavant Horatius
Blanci
. Jurisconsulte Romain
, et les Commentaires suivis de Jean Maderni de Milan , autre
fameux Jurisconsulte
.
,
et.
Pour ce qui regarde les Livres de Atheniensium,
eorumque ac Lacedamoniorum Temporibus
, P'Illustre Editeur nous apprend qu'ils ont occupé la
capacité d'un Homme de Lettres des plus versez dans la connoissance des Langues Orientales , et
dans celle de l'Histoire
, lequel s'est enfin renda
NOVEMBRE. 1732. 2395
du à ses instances réïterées , à condition qu'il ne
seroit point nommé ; rare exemple de modestie , consentant avec peine qu'on nommât seulement la Compagnie de Jesus , dont il est mem
bre. Surquoi M. Argelati prend occasion de
marquer en ces termes , sa reconnoissance generale et particuliere : Hoc erit perpetua laudis argumentum; nam sicut cœtus iste Lucidissimas quot in cœlo stellas doctrinarum omnium faces enumerat.
ita cuique me devotum beneficiorum acceptorum memoria perpetuo profiteor.
Sigonius ne s'est pas contenté de traiter l'Histoire et l'Antiquité prophane. Il a aussi écrit sur
la Republique des Hebreux , et des Commentaires
sur l'Histoire de Sulpice Severe , qui ont été publiez de son vivant ; sans compter huit Livres entiers de l'Histoire de l'Eglise , qu'il avoit composez , et qu'on ne desespere pas de retrouver. Le
tout ensemble pourra former un volume entier ,
séparé des autres , suivant le plan de l'habile Editeur , qui a eu soin d'enrichir les deux premiers Ouvrages des Notes et des Eclaircissemens dont
ils avoient besoin.
Il marque là-dessus sa parfaité reconnoissance
envers M. l'Abbé Laurent Maffei , si connu par
ses Ouvrages , et particulierement par ses Re- marques sur le 4° Tome d'Anastase le Bibliotequaire. Ce Docte Abbé s'est en effet donné de
grands soins pour ce qui regarde les Livres de
la République des Hebreux , et les Commentalres sur Sulpice Severe , lesquels servent beaucoup pour l'intelligence du premier Ouvrage.
Nul n'étoit plus propre que lui pour ce travail
ni plus à portée de profiter de plusieurs secours ;
singulierement de celui de la Biblioteque du Comte Charles Archinto , l'une des plus belles et des
mieux fournies dè l'Italic,
Majs
2396 MERCURE DE FRANCE
Mais ce que M. Argelati a le plus affectionné
entre les Ouvrages de Sigonius , c'est ce que cet
Auteur a écrit de la Ville de Boulogne , Patrie de
l'Editeur , qui a quelque rapport à l'Histoire
tant sacrée que prophane. Il s'est présenté plusieurs Sçavans Boulonnois , que le même amour
de la Patrie a portés à concourir là - dessus, avec
M. Argelati. Deux de ces Sçavans , Auteurs de
plusieurs Ouvrages imprimez , ont principalement mis la main à l'œuvre : sçavoir , le R. P.
Louis Rabbi Servite , qui a revû tout ce qui concerne l'Histoire Sainte ; et M. Alexandre Machiavelli, fameux Jurisca soulte , qui s'est donné
le mêmesoin pour l'Histoire prophane.
A l'égard de la Vie du Celebre André Doria
écrite par Sigonius, M Argelati ne s'est déchargé sur personne du soin de la revoir et d'y faire
les augmentations convenables ; il s'est attaché
sur tout à y ajouter les Traitez, les Négociations
et les autres Actes publics des affaires importan
tes ausquelles ce grand Capitaine a eu part. Ces Monumens ont été tirez des Archives de la République de Gennes, et obligemment communiquez par M. Mutius , à qui la Garde en est confiée , et qui aime beaucoup les Lettres et les
Sçavans.
Je ne doute pas , Monsieur , que M. Argelati
ne voye aussi , avec plaisir , peut-être avec quel- que profit,certaines circonstances de la Vie d'André Doria , qui sont dans les Lettres que je me suis donné l'honneur de vous écrire au sujet de
la conquête d'Oran , et qui sont omises dans
Sigonius : La Médaille , par exemple , frappée
en son honneur , que j'ai fait graver , et la Statue de Marbre qui lui a été érigée , qu'on peut
• Mercure de Septembre 1732.
faire
NOVEMBRE. 1732. 2397
faire graver dans la nouvelle Edition ; à quoi je
dois ajoûter deux beaux Portraits du même An
dré Doria , qui ont été peints , l'un par Sébas
tien Vénitien Frate del Piombo , vers l'année
1540 et l'autre par Agnolo Bronzino , Peintre
de réputation , Eleve de Piantorme , vers 1550.
lesquels doivent être à Gennes , dans le Palais
Doria.
Sigonius ayant aussi écrit la Vie de Scipion , et celle de P. Emile , sur les Monumens Histori-'
ques , Grecs et Latins , M. Argelati s'est pareillement appliqué à les revoir et à les perfectionner.
Enfin le Sçavant Editeur s'est entierement prêté
à la revision, à la Critique et à l'illustration du Traité , intitulé : Judicium de Romana Historia
Scriptoribus : Ouvrage que plusieurs Critiques ont douté être veritablement de Sigonius. M. Argelati y a épuisé sa patience et n'a rien oublié pour le rendre utile ; nouvelles Cartes Géographiques ,
plus exactes que les premieres , Tables et Indices
tres amples , enfin tout ce qui peut concourir à
rendre un Ouvrage parfait , a été employé.
Voilà , Monsieur , l'Exposition la plus exacte
et la plus abrégée que je puis vous faire de l'entreprise et du labeur de M. Argelati , sur les Euvres de Sigonius , tirée de son Programme Latin.
Je ne doute pas que vous n'en soyicz édifié , ainsi
que de sa générosité et de son désinteressement. Ilfinit , en marquant sa parfaite reconnoissance
envers Sa Majesté Imperiale , Auguste Protec
trice de la Société Palatine de Milan , sous les
Auspices de laquelle , lui et tous les Membres de
cette Académie , travaillent heureusement à l'avancement des Lettres , et en particulier à la perfection de l'Histoire, Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 25 Octobre 1732
L. R. écrite à M le Marquis de B.
dans laquelle , à l'occasion d'Oran , et
d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonius , &C.
J
2
E ne vous parle plus , Monsieur , d'Oran ni
de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment ins
truit de toutes les circonstances de la conquête
de ces deux Places, et des suites qu'elle a eues jus
qu'à présent. La saison où nous sommes défend
L'attendre d'autres progrès avant le retour du
Printemps. Vous sçavez , sans doute , Monsieur , que dès le commencement du mois de
Septembre la Mer Mediterranée n'est presque
plus praticable du côté de la Barbarie , et qu'il
en coûta cher à l'Empereur Charles V. lorsqu'il
entreprit en personne, au mois d'Octobre 1541 .
La Conquête d'Alger , avec une puissante Flote
qui périt miserablement sur ces Côtes. Laissons
donc pour quelque- tems les Affaires d'Affrique.
Oran sçaura bien- en attendant , se soutenir
avec un si brave * Gouverneur, contre les foibles
efforts des Maures. C'est inutilement qu'ils ont
attaqué depuis quelques tems le Fort de S. André , c'est avec aussi peu de succès qu'ils ont
cru faire une diversion importante en engageant
le Roi de Maroc à faire de nouveaux efforts contre la Ville de Ceuta , efforts favorisez par la
*Le Marquis de Santa-Crux.
D v
déser-
1 2390 MERCURE DE FRANCE
* désertion et par la trahison d'unSeigneur Espagnol , que sa conscience punit peut être déja , et
que le Ciel confondra un jour. Mettons plutôt
Monsieur , à la place d'Exploits guerriers , qui
ne sont pas de saison , quelque chose qui ne soie
guéres moins de votre ressort , et qui puisse vous
Occuper agréablement dans le séjour que vous continuez de faire dans vos Terres.
>
Un sujet se présente ici naturellement , et qui
un raport indirect à celui que je suis obligé de
quitter ou de suspendre. J'ai eu l'honneur de
vous parler dans ma derniere Lettre du Sçavant
Jesuite , Charles Sigonius , Auteur de la vie d'André Doria , et je vous ai dit , ce me semble
qu'il n'est pas aisé d'assembler tous ses Ouvra→
ges , qui sont cependant considérables , cet Au- teur n'ayant traité que de grands sujets et
Payant toujours fait habilement, ils manquent aut
jourdhui dans plusieurs bonnes Bibliotheques , et
les Provinces en sont presque entierement de
pourvûës. Comme je me plaignois de cette disette,
et que je faisois des vœux pour une nouvelle Edia
tion , j'ai été agréablement surpris par la récep
tion d'un Imprimé latin de 8. pages in- 4. pu
blié à Milan il y a quelques mois , qui contient
le plan d'une belle Edition de Sigonius , laquelle
se fait actuellement dans cette Ville. C'est, Monsieur , de quoi j'aurai l'honneur de vous rendre
compte dans ma Lettre d'aujourd'hui.
L'Auteur de cette entreprise est M. Argelati ,
Homme du premier mérite , et des plus connus
dans la République des Lettres , singulierement par la part qu'il à au vaste Recueil des Ecrivains
de l'Histoire d'Italie Il est Directeur de la Sa
*Le Duc de Riperda.
cieté
NOVEMBRE. 1732 2391
cieté Palatine , Académie des plus celébres de
l'Europe , fondée à Milan par le Comte Archin
to , Neveu du Cardinal- Archevêque de ce même ´nom.
M. Argelati commence dans son Ecrit adressé
à tous les Sçavans de l'Europe , par relever le
mérite litteraire de Sigonius , reconnu de tout
le monde sçavant , et le prix de ses Ouvrages ,
imprimez plus d'une fois , tant en Italie que
dans le reste de l'Europe , ce qui n'a pas empê
ché , dit-il , qu'ils ne soient devenus enfin d'une
grande rareté , au regret des habiles gens , et
surtout des amateurs de l'Antiquité. Il y a longtems que notre Sçavant s'étoit proposé de remé
dier à cet inconvenient, en donnant une nouvelle
Edition de Sigonius ; il s'y est enfin déterminé ,
et il a mis la main à l'œuvre dans les conjonctures , et par les considerations énoncées assez au
long dans son Programme que je me dispense de répéter ici.
Je n'obmettrai pas cependant une circonstance bien louable , qui marque un grand désinteressement et un pareil amour pour les Lettres ,
c'est que pour accelerer cette Edition, et pour le
ver toute difficulté , M. Argelati s'est mis en
état de fournir de son propre fonds tout ce qui
peut être nécessaire à l'éxecution de son entreprise , pour ne faire aucun tort aux Membres de
Ja Societé Palatine ni au Public , ne Palatinorum
Sociorum , dit- il , rationes diverterem in aliam causam , vel postrema comuni cura priorem aliquantisperpublico cum incommodo turbarem.
Le premier soin du sçavant Editeur a été de rechercher et d'assembler en un corps , non- seulement tous les Ouvrages imprimez de Sigonius ,
dont quelques-uns sont devenus très-rares , mais
D vj encore
2392 MERCURE DE FRANCE
encore ceux qui n'ont jamais vu le jour : ce qu'il n'a pû faire par lui-même a été éxecuté par des
Amis sçavans et éclairez. Visite de Bibliotheques, d'Archives publiques et particulieres , rien
n'a été oublié ; ce qui a été suivi d'un succès
auquel M. Argelati avoue que la grande réputa tion de Sigonius a eu beaucoup de part , particulierement à l'égard des Ouvrages Manuscrits de
notre Auteur , dont cette nouvelle Edition sera enrichie dans les derniers volumes.
L'ordre et la coutume demandoient de mettre
à la tête de l'Edition un abregé de la vie du celébre Sigonius. Personne ne pouvoit mieux s'en
acquitter , dit M. Argelati , que M. L. A. Muratori , qui outre son rate sçavoir et sa sagacité ,
se trouve être de la même Ville de Modene , Paarie de Sigonius , et par conséquent plus à portée
qu'un autre de prendre des instructions domesiques et sûres. Le succès de ce travail a été audelà de tout ce qu'on pouvoit attendre de M. Muratori. Ceux qui aiment à s'instruire de l'Histoire Litteraire et personnelle de certains Sçavans ,
trouveront, sans doute,de quoi se contenter dans le travail dont il s'est chargé au sujet de Sigonius. Sur quoi M. Argelati lui marque une parfaite reconnoissance.
Le premier volume de la nouvelle Edition commence par les Fastes Consulaires de cet Auteur.
Tout le monde connoît l'importance et la necessité des Fastes Consulaires , on sçait aussi en combien d'embarras et de difficultez ils ont souvent jetté les amateurs de l'Antiquité. On avoit
lieu de croire que cet Ouvrage , si pénible en soi,
avoit été rendu parfait par le travail de Sigonius:
mais comme depuis sa mort , on a déterré quan
tité de Monumens Antiques , et qu'on en désouyre
NOVEMBRE. 1732. 2393
couvre encore tous les jours , on s'en est servi
pour perfectionner encore davantage , pour corriger même en plusieurs endroits l'Ouvrage du docte Ecrivain, C'est un soin dont a bien voulu
se charger , à la priere de M. Argelati , le R. P.
Joseph- Marie Stampa de Côme , Clerc Régulier
de la Congrégation des Somasques , qui a fait entrer dans cette Edition toutes les Observations
des plus célebres Critiques sur le sujet en question, sçavoir celles du P. Petau, de Pighius , d'Almelowen , qui ont plus servi à confirmer qu'à
corriger les Fastes de Sigonius , celles de Mezabarba , du P. Pagi , de M. de Tillemont , du P. Blanchini , et suivant l'ordre des tems , celles
du Cardinal Noris , de M. Reland , de Cuspinien , et de Panvinius , sans oublier les propres
Observations du P. Stampa , qui n'a pas toujours
souscrit à toutes les Remarques de ces grands
Critiques , et qui a donné de son fonds une belle
Dissertation préliminaire , et d'autres Discours
remplis d'érudition sur cette matiere , à quoi il
faut ajoûter la continuation des mêmes Fastes ,
qu'il a conduits depuis la mort d'Auguste , Epoque où Sigonius s'étoit arrêté , jusqu'à l'Empire
de Diocletien et de Max imien. Autre Epoque où
commence un second Ouvrage de notre Auteur,,
dont on va parler , et qui acheve de remplir le
premier Tome.
Cet Ouvrage , divisé en plusieurs Livres , est
tout historique , et regarde l'Empire d'Occident ,
de Occidentali Imperio. Il a été revû et illustré
par un sçavant Benedictin du Mont- Cassin, nommé le P. Dom Janvier Salinas , Napolitain.
M. Arlegati fait ici un court éloge de la capacité
de ce Religieux , dont le travail immense doit Stre
2394 MERCURE DE FRANCE
1
être d'un grand secours
à ceux qui étudieront cet
autre Quvrage de Sigonius
.
Le second Volume contiendra en XX
. Livres
P'Histoire du Regne d'Italie
, de REGNO ITALIE
C'est la revision de ce grand Ouvrage
, qui occupe actuellement M. Argelati , aidé des lumieres et du travail infatigable de M. Joseph- Antoi
ne Saxi
, Préfet de la Bibliotheque Ambroisienne. Ce travail sera sans doute d'une grande utilité à cette partie de l'Edition de Sigonius , on
en peut juger par le témoignage qu'en rend l'Editeur , il est magnifique et fort étendu dans le
Programme Latin
.
,
M. Argelati déclare ensuite qu'il n'a fait encore aucun arrangement à l'égard des autres
Ouvrages de Sigonius
, mais que chacun de ces
Ouvrages paroîtra dans cette Edition avec les
Notes et les Observations qui lui conviennent
soit anciennes et déja publiées
, soit nouvelles et
fournies par de sçavans Hommes
. Par exemple
,
à l'égard des Traitez intitulez de Antiquo Jure Civium Romanorum , Italia ac Provinciarum,
de Judiciis. De Binis Comitiis et Lege curiata.
On aura dans la nouvelle Edition
, non
-seulement les Annotations de Grævius , répandues
dans son Trésor des Antiquitez Romaines
, mais
encore les Prolegomenes du sçavant Horatius
Blanci
. Jurisconsulte Romain
, et les Commentaires suivis de Jean Maderni de Milan , autre
fameux Jurisconsulte
.
,
et.
Pour ce qui regarde les Livres de Atheniensium,
eorumque ac Lacedamoniorum Temporibus
, P'Illustre Editeur nous apprend qu'ils ont occupé la
capacité d'un Homme de Lettres des plus versez dans la connoissance des Langues Orientales , et
dans celle de l'Histoire
, lequel s'est enfin renda
NOVEMBRE. 1732. 2395
du à ses instances réïterées , à condition qu'il ne
seroit point nommé ; rare exemple de modestie , consentant avec peine qu'on nommât seulement la Compagnie de Jesus , dont il est mem
bre. Surquoi M. Argelati prend occasion de
marquer en ces termes , sa reconnoissance generale et particuliere : Hoc erit perpetua laudis argumentum; nam sicut cœtus iste Lucidissimas quot in cœlo stellas doctrinarum omnium faces enumerat.
ita cuique me devotum beneficiorum acceptorum memoria perpetuo profiteor.
Sigonius ne s'est pas contenté de traiter l'Histoire et l'Antiquité prophane. Il a aussi écrit sur
la Republique des Hebreux , et des Commentaires
sur l'Histoire de Sulpice Severe , qui ont été publiez de son vivant ; sans compter huit Livres entiers de l'Histoire de l'Eglise , qu'il avoit composez , et qu'on ne desespere pas de retrouver. Le
tout ensemble pourra former un volume entier ,
séparé des autres , suivant le plan de l'habile Editeur , qui a eu soin d'enrichir les deux premiers Ouvrages des Notes et des Eclaircissemens dont
ils avoient besoin.
Il marque là-dessus sa parfaité reconnoissance
envers M. l'Abbé Laurent Maffei , si connu par
ses Ouvrages , et particulierement par ses Re- marques sur le 4° Tome d'Anastase le Bibliotequaire. Ce Docte Abbé s'est en effet donné de
grands soins pour ce qui regarde les Livres de
la République des Hebreux , et les Commentalres sur Sulpice Severe , lesquels servent beaucoup pour l'intelligence du premier Ouvrage.
Nul n'étoit plus propre que lui pour ce travail
ni plus à portée de profiter de plusieurs secours ;
singulierement de celui de la Biblioteque du Comte Charles Archinto , l'une des plus belles et des
mieux fournies dè l'Italic,
Majs
2396 MERCURE DE FRANCE
Mais ce que M. Argelati a le plus affectionné
entre les Ouvrages de Sigonius , c'est ce que cet
Auteur a écrit de la Ville de Boulogne , Patrie de
l'Editeur , qui a quelque rapport à l'Histoire
tant sacrée que prophane. Il s'est présenté plusieurs Sçavans Boulonnois , que le même amour
de la Patrie a portés à concourir là - dessus, avec
M. Argelati. Deux de ces Sçavans , Auteurs de
plusieurs Ouvrages imprimez , ont principalement mis la main à l'œuvre : sçavoir , le R. P.
Louis Rabbi Servite , qui a revû tout ce qui concerne l'Histoire Sainte ; et M. Alexandre Machiavelli, fameux Jurisca soulte , qui s'est donné
le mêmesoin pour l'Histoire prophane.
A l'égard de la Vie du Celebre André Doria
écrite par Sigonius, M Argelati ne s'est déchargé sur personne du soin de la revoir et d'y faire
les augmentations convenables ; il s'est attaché
sur tout à y ajouter les Traitez, les Négociations
et les autres Actes publics des affaires importan
tes ausquelles ce grand Capitaine a eu part. Ces Monumens ont été tirez des Archives de la République de Gennes, et obligemment communiquez par M. Mutius , à qui la Garde en est confiée , et qui aime beaucoup les Lettres et les
Sçavans.
Je ne doute pas , Monsieur , que M. Argelati
ne voye aussi , avec plaisir , peut-être avec quel- que profit,certaines circonstances de la Vie d'André Doria , qui sont dans les Lettres que je me suis donné l'honneur de vous écrire au sujet de
la conquête d'Oran , et qui sont omises dans
Sigonius : La Médaille , par exemple , frappée
en son honneur , que j'ai fait graver , et la Statue de Marbre qui lui a été érigée , qu'on peut
• Mercure de Septembre 1732.
faire
NOVEMBRE. 1732. 2397
faire graver dans la nouvelle Edition ; à quoi je
dois ajoûter deux beaux Portraits du même An
dré Doria , qui ont été peints , l'un par Sébas
tien Vénitien Frate del Piombo , vers l'année
1540 et l'autre par Agnolo Bronzino , Peintre
de réputation , Eleve de Piantorme , vers 1550.
lesquels doivent être à Gennes , dans le Palais
Doria.
Sigonius ayant aussi écrit la Vie de Scipion , et celle de P. Emile , sur les Monumens Histori-'
ques , Grecs et Latins , M. Argelati s'est pareillement appliqué à les revoir et à les perfectionner.
Enfin le Sçavant Editeur s'est entierement prêté
à la revision, à la Critique et à l'illustration du Traité , intitulé : Judicium de Romana Historia
Scriptoribus : Ouvrage que plusieurs Critiques ont douté être veritablement de Sigonius. M. Argelati y a épuisé sa patience et n'a rien oublié pour le rendre utile ; nouvelles Cartes Géographiques ,
plus exactes que les premieres , Tables et Indices
tres amples , enfin tout ce qui peut concourir à
rendre un Ouvrage parfait , a été employé.
Voilà , Monsieur , l'Exposition la plus exacte
et la plus abrégée que je puis vous faire de l'entreprise et du labeur de M. Argelati , sur les Euvres de Sigonius , tirée de son Programme Latin.
Je ne doute pas que vous n'en soyicz édifié , ainsi
que de sa générosité et de son désinteressement. Ilfinit , en marquant sa parfaite reconnoissance
envers Sa Majesté Imperiale , Auguste Protec
trice de la Société Palatine de Milan , sous les
Auspices de laquelle , lui et tous les Membres de
cette Académie , travaillent heureusement à l'avancement des Lettres , et en particulier à la perfection de l'Histoire, Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 25 Octobre 1732
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
La cinquième lettre de M. D. au Marquis de B. aborde les récentes conquêtes d'Oran et de Marsalquibir, soulignant que la saison rend impossible toute nouvelle avancée militaire avant le printemps. L'auteur évoque les difficultés rencontrées par l'Empereur Charles V lors de la conquête d'Alger en 1541 et espère qu'Oran, sous la gouvernance du Marquis de Santa-Crux, pourra résister aux attaques maures. Le texte change ensuite de sujet pour discuter de la nouvelle édition des œuvres de Carlo Sigonio (Sigonius), un savant jésuite. Les œuvres de Sigonius, bien que considérées comme importantes, sont rares et difficiles à trouver. Une nouvelle édition est en cours à Milan, dirigée par M. Argelati, un homme de lettres renommé. Cette édition inclut non seulement les œuvres imprimées de Sigonius, mais aussi des manuscrits inédits. M. Argelati a rassemblé ces œuvres avec l'aide de savants et de bibliothèques publiques et privées. L'édition est enrichie par des contributions de plusieurs érudits, comme le Père Joseph-Marie Stampa pour les Fastes Consulaires, et le Père Dom Janvier Salinas pour l'histoire de l'Empire d'Occident. Le second volume traitera de l'histoire du règne d'Italie, révisée par M. Joseph-Antoine Saxi. Chaque ouvrage sera accompagné de notes et d'observations, anciennes et nouvelles, fournies par des savants. M. Argelati a également révisé et perfectionné plusieurs écrits de Sigonius, notamment la vie de Scipion et celle de P. Émile, en se basant sur des monuments historiques grecs et latins. Il a travaillé sur la révision critique et l'illustration du traité 'Judicium de Romana Historia Scriptoribus', dont l'authenticité avait été remise en question. Pour ce traité, Argelati a ajouté des cartes géographiques plus exactes, des tables et des indices amples afin de rendre l'ouvrage parfait. Le texte mentionne également des portraits d'André Doria, peints par Sébastien Vénitien Frate del Piombo vers 1540 et par Agnolo Bronzino vers 1550, conservés à Gênes dans le Palais Doria. Enfin, Argelati exprime sa reconnaissance envers Sa Majesté Impériale, protectrice de la Société Palatine de Milan, sous l'égide de laquelle il et les membres de l'Académie travaillent à l'avancement des lettres et à la perfection de l'histoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
334
p. 2550-2562
SECONDE LETTRE DE M. D. L. R. à M. A. C. D. V. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
Début :
Avant que de répondre, Monsieur, aux autres demandes que vous me [...]
Mots clefs :
Marquis de Rosny, Duc de Sully, Abbaye de Saint Taurin, Lettre, Mémoires, Boisrozé, Général, Henriade, Méprises, Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE DE M. D. L. R. à M. A. C. D. V. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
SECONDE LETTRE de
M. D L. R. à M. A. C. D. V. au
sujet du Marquis de Rosny , depuis Duc
de Sully , &c. contenant quelques Remarques Historiques.
A
Vant que de répondre , Monsieur ,
aux autres demandes que vous me
faites au sujet du Marquis de Rosny.
j'ay encore quelque chose à vous dire
sur votre premiere question concernant
l'Abbaye de S. Taurin , que ce Seigneur
a possedée par la nomination du Roy
Henry III . Outre la double preuve que
je vous ai apportée de ce fait dans mapremiere Lettre , en voici encore deux autres
qu'il est bon de ne pas omettre.
La premiere est dans le XLI. Chapitre du I. Vol. des Memoires de
Sully. On voit sur la fin de ce Chapitre
que le Marquis de Rosny étant allé à sa
Terre de Bontin pour quelques affaires
domestiques , le Roy lui écrivit la Lettre
qui suit , pour le faire revenir à Fon- tainebleau.
Mon Ami, je ne vous avois donné congé
que pour dix jours , et neanmoins ily ena
1. Vol. déja
DECEMBRE. 1732. 2551 7
déja quinze que vous êtes partis ce n'estpas
votre coutume de manquer à ce que vous
promettez , ni d'être paresseux : partant revenez-vous-en me trouver , c'est chose necessaire pour mon service , tant pour voir
des Lettres que Madame de Simiers et un
nommé la Font (qui , à mon avis , est celui
de qui vous sçaviez des nouvelles durant
notre grand Siege ) qui vous écrivent de
Rouen, lesquelles sont en chiffres ; et par si
peu que nous en avons pu déchiffrer ( car
je les ai fait ouvrir ) nous jugeons qu'elles
importent à mon service. Il y en a encore.
une d'un nommé Desportes , qui demeure à
Verneuil, lequel vous prie de lui mander
s'il sera le bien venu pour vous parler d'une
chose dont vous conferâtes une fois ensemble.
à Evreux dans votre Abbaye de S. Taurin , que le feu Roy vous donna. J'ay aussi
plusieurs choses à vous dire , et s'en présente tous les jours une infinité sur lesquelles
je serai bien aise de prendre vos avis , comme j'ai fait sur beaucoup d'autres , dont je
me suis bien trouvé. Partant , partez en diligence et me venez trouver à Fontainebleau,
Adieu. Ce 3. Septembre 1593.
Vous voyez , Monsieur , dans cette Lettre le fait en question constaté de la main
du Roy ; on y voit aussi que le Marquis
de Rosny se retiroit quelquefois à saint
VI. Vel By Taurin
2552 MERCURE DE FRANCE
Taurin d'Evreux , pour gouter dans une
agréable solitude le repos qu'il ne trouvoit pas ailleurs , et qui ne laissoit pas
d'être encore interrompu dans cette Âbbaye par les affaires importantes qui le
sùivoient par tout.
L'autre preuve se trouve dans le même
premier Vol. des Memoires, Chap. XLVI.
où il est traité de la Négociation que
M. de Rosny fit à Rouen avec Amiral
de Villars , pour la réduction de toute
la Normandie. On voit là qu'entre autres demandes que faisoit cet Amiral de
là Ligue , il voulut avoir les Abbayes de
Jumieges, de Tiron , de Bomport , de
Valasse et de S. Taurin : les Memoires
ne disent point si c'étoit pour lui-même
ou pour ses amis qu'il faisoit cette de-,
mande , mais les Auteurs qui ont écrit
ces Memoires , et qui , comme vous sçavez , adressent toûjours la parole au Marquis de Rosny , leur Maître , s'expriment
én ces termes sur cet article.
De tous lesquels points dans quatre jours
vons convintes ensemble et en demeurâtes
d'accord , voire de S. Taurin , quoique
l'Abbayefût à vous.
Cela , au reste , ne fut pas un simple
projet , l'execution suivit et se trouve confirmée par le discours que tint M. de,
1. Vol A.,Rosny
DECEMBRE. 1732. 255 3
Rosny au sieur de Boisrosé , que vous
avez lû dans ma précédente Lettre ; ainsi
il est démontré non- seulement que ce
Seigneur a été Abbé de S. Taurin d'Evreux ; mais on sçait à peu près le temps.
et à quelle occasion il eut la generosité
de se dépouiller de cette Abbaye. 2
On apprend dans le même endroit que
quelque ample pouvoir qu'eût le Marquis de Rosny de traiter avec M. de Villars , pour l'entiere réduction de la Normandie , il y eut cependant trois Articles
sur lesquels il ne voulut rien prendre
sur lui.
Les deux premiers concernoient M. de
Montpensier et M. de Biron , et le troi,
siéme regardoit le sieur de Boisrozé , à
cause , disent les Memoires , de la baute
qualité des deux premiers , et de l'injustice
qu'il sembloit y avoir en l'autre. Sur quoi
M. de Rosny desira avoir un ordre particulier de la propre main du Roy, &c.
Vous êtes , sans doute surpris , Monsieur , de voir ici les petits interêts d'un
simple Gouverneur de Fécamp , mêlez
avec ceux d'un Prince du Sang , Gouverneur de Normandie et avec ceux de M. de
Biron , que le Roy avoit fait depuis peu
Amiral de France , Charge que M. de
Villars vouloit garder pour lui-même , les
2.1. Vol. B vj interêts
2554 MERCURE DE FRANCE
intetêts , dis-je , du sieur de Boisrozé
dont l'avanture vous a réjoui dans me
premiere Lettre , faire un objet considerable dans la Négociation d'un Traité si
important.
Cela a besoin d'un petit Commentaire.
Je vais vous le faire d'autant plus volontiers , qu'après avoir un peu maltraité,
ce me semble , se pauvre Gentilhomme
( en vous parlant de l'avanture de Louviers ) je profiterai de l'occasion pour le
réhabiliter dans votre esprit , en vous le
montrant par le plus bel endroit , et je
vous exposerai en même- temps un trait
de hardiesse et de valeur peu commune
qui mérite d'être distingué dans notre
Histoire, et que je trouve peu exactement *
par Mezeray et par le P. Daniel.
Je trouve ce fait dans le XLIII. Chapitre des Memoires, intitulé : Affaires Mi
litaires et d'Etat. J'en abregerai la narration tant que je pourrai,sans en rien omettre d'essentiel.
narré
Fécamp est une petite Ville Maritime
de la Haute Normandie , située à 15.
* Mezeray a défiguré jusqu'au nom de ce brave
homme, qu'il appelloit Bosc Rosé, il lui rend d'ailleurs justice sur sa valeur. Il s'étoit auparavant
très- distingué dans Roïen assiegé par l'Armée da Roy en 1992.
1. Fol. lieües
DECEMBRE. 1732. 2555
lieuës de Rouen vers le Couchant , à 8.
du Havre de Grace , et à 12 de Dieppe.
Elle étoit munie alors d'une bonne For
teresse , qu'on appelle aujourd'hui le
Château , élevé sur un Rocher escarpé
qui regarde la Mer. Boisrozé étoit dans.
la Place, lorsque M. de Biron l'assiegea et
la prit sur ceux de la Ligue. Avant que
d'en sortir il forma le dessein de la reprendre et il s'y prit de la maniere qui
suit. Après avoir bien instruit deux Soldats de la valeur et de la fidelité desquels
il étoit assuré , il trouva le moyen de
les faire entrer et admettre parmi ceux
de la Garnison. De son côté il s'assura
de so. autres Soldats ou Matelots , des
plus déterminez et des plus experts au
métier de grimper aux Hunes par les
cordages , &c. son dessein étoit d'escalader lui et les siens , le Rocher dont je
viens de parler , et d'entrer par là dans la
Place.
L'entreprise étoit des plus témeraires.
Le Roc en question de cent toises de
hauteur , est non- seulement escarpé et
coupé en précipice , mais son pied est
ordinairement battu de vagues de
la Mer , excepté quatre ou cinq fois de
l'année , au temps des plus basses Marées;
alors durant quelques heures seulement
1. Vol
2556 MERCURE DE FRANCE
la Mer laisse un certain espace sec au
pied du Rocher, ce qui arrive quelquefois la nuit et quelquefois le jour,
Boisrozé devoit executer son dessein
dans l'un de ces intervales , assez incer
tains , et pour cela il se munit d'un Cable
de longueur convenable pour le Roc qu'il
vouloit gravir, et à icelui d'espace en espace,
fut fairedes noeuds pour se tenir des mains, et
des étriers de corde avec de petits bâtons
pour y apposer les pieds. Avec cet appareil il s'embarqua lui et ses Gens dans
deux Chalouppes et vint par une nuit fort
noire , aborder le plus près du Roc que
la bassesse de l'eau put le lui permettre.
Sur le haut de ce Roc logeoit dans quel
que Hute l'un des deux Soldats gagnez ,
et il veilloit exactement à toutes les basses marées , pour entendre le signal dont
on étoit convenu, Il ne fut donc pas difficile, au moyen de ce signal, de jetter une
corde à l'extremité de laquelle fut attaché le bout du gros cable , que le Soldat
tira incontinent à lui. Le bout du cable
étoit muni d'un crampon de fer qui fut
aussi-tôt attaché dans l'entre- deux, d'une
canoniere avec un gros levier.
Après avoir tiré et ébranlé plusieurs
fois le cable pour s'assurer de la solidité
d'une Echelle si périlleuse , Boisrosé fit
--- I. Vol. d'abord,
DECEMBRE. 1732. 2557
d'abord monter l'un des deux Sergens
du nombre des so. hommes , auquel il
se fioit le plus , et l'ayant fait suivre par
tous les autres , il monta lui- même tout
le dernier , afin que nul ne s'en pût dédire
et qu'il leur servit de chasse-avant.
Cette précaution étoit nécessaire , car,
dans le temps qu'il fallut employer pour
placer les so. hommes sur cette corde er
à monter les uns après les autres avec
leurs armes bien attachées autour du
corps , la marée avoit commencé de revenir et elle étoit déja à six pieds de
hauteur contre le Rocher , que Boisrozé
et les Siens n'étoient encore qu'à moitié
chemin ; desorte qu'étant ainsi pendus et
comme enfilez à ce cable , il ne leur restoit plus aucune esperance de salut que
par la prise de la Place. Boisrozé , armé
d'un courage intrépide et bien résolu de
mourir plutôt que de reculer , la tenoit
toûjours pour indubitable , lorsque le Sergent qui montoit le premier , soit à cause de l'extreme hauteur où il étoit parvenu , soit à cause du bruit des vagues
qui venoient se briser contre le Roc
commença de s'effrayer , à dire que la
tête lui tournoit , et qu'il étoit impossi
ble de monter plus haut.
Cet incident étant rapporté de bouche
1- Vol.... ...cn
2558 MERCURE DE FRANCE
en bouche à Boisrozé ; celui cy après
avoir tenté inutilement de faire rassurer
son homme, prit la résolution de l'aller
joindre lui- même , et passant par- dessus
les corps et les têtes de ses Compagnons
suspendus en l'air , il parvint jusqu'à lui
et le rassura aucunement ; puis le poignard à la main , il le contraignit de continuer à monter , tant qu'enfin le jour
étant prêt à paroître ils parvinrent tous
sur le haut du Rocher sans autre inconvenient. Ils furent incontinent reçûs par
les deux Soldats , et connoissant tous ensemble les êtres et les avenues du Fort , ils
surprirent facilement le Corps de Garde
et les Sentinelles qui étoient du côté de
la Ville , car on ne faisoit aucune gardedu côté de la Mer estimé inaccessible, On
fit main bisse sur eux , et on tailla
en pieces tout ce qui vint successivement
au secours ; enfin Boisrozé se rendït le
maître du Fort , de quoi il avertit aussitôt M. de Villars , tant pour lui deLe P. Daniel dit que Boisrozé mécontent de
Villars , surprit Fécamp et s'y retrancha si bien que
ce Gouverneur , qui vint l'y attaquer , ne put le
forcer, &c.
L'Auteur se trompe et confond ici les choses ,
étant bien certain que Boisrozé ne fit son Expedition de Fécamp, qu'en faveur de la Ligue et de
M. de Villars , et que sa brouillerie avec ce Ge
meral n'arriva que dans la suite , &c. ·
DECEMBRE. 1732. 2559.
mander du monde , afin de se saisir de
la Ville et de pouvoir la garder , que
pour s'assurer du Gouvernement de la
Place , qu'il croyoit avoir bien mérité.
:
Vous jugés bien , M. que ce General ne
lui refusa rien mais j'apprends au même,
endroit que dans la suite Boisrosé s'étant
brouillé avec lui , et craignant toujours
de perdre son Gouvernement , il se donna entierement au Roi , et ne voulut plus
reconnoître les ordres de M. Villars. Ce
General le fit investir et le resserra si fort
dans Fecamp , que le Roi , dont le nouveau Gouverneur implorà le secours ,
vint en personne le dégager , en contraignant les Troupes de la Ligue de se retirer , et en donnant tous les ordres néces
saires pour la conservation du Fort de
Fécamp, dont ce grand Prince reconnois
soit l'importance.
Boisrozé en étoit donc paisible Gouver
neur , lorsque le Marquis de Rosny- traitoit de la réduction de toute la Normandie avec M. de Villars , et qu'il fut obligé de passer au nom du Roi toutes les
conditions qu'on éxigeoit , à l'exception
des trois dont il est parlé ci-dessus. Vous
vous souvenez , Monsieur , que la considération particuliere de Boisrozé formoit
la troisième , et vous voyez à présent que
I. Vol. CO
2560 MERCURE DE FRANCE
ce n'est pas sans raison , M. de Rosny
trouvant de l'injustice de déplacer un si
brave homme, et ne pouvant se résoudre
de le faire de son chef. Ii fallut cependant y venir , le Roi , à qui les trois articles furent renvoyés , n'hesita pas de
les passer pour parvenir à un si grand
bien. Je ne vous dis rien du bruit qu'en
fir Boisrozé , vous en sçavez assez par le
récit de l'avanture de Louviers. Le bon
homme , plein de son ressentiment, ignoroit alors tout ce que M. de Rosny
avoit fait pour le maintenir dans son
poste.
Au reste , dès que le Traité eut été ar
rêté et signé , M. de Rosny en écrivit de
Rouen une Lettre au Roi , dont je ne
rapporterai ici que le commencement
pour abreger.
SIRE ,
-La bonté de Dieu , votre vertu et votre
fortune , ont tellement fortifié mon courage
et bien heuré mon entremise , queje vous puis
maintenant nommer Ducpaisible de toute la
Normandie , &c.
dit
Le Roi ayant reçû cette Lettre , répon
par le même Courrier , et de sa propre main , au Marquis de Rosny, de la maniere qui suit.
İvel. MON-
DECEMBRE. 1732. 2561
MONSIEUR,
J'ai vû > tant par votre derniere Lettre
que par vos précedentes , les signalez servi➡
ces que vous m'avez rendus pour la Rêduction entiere de la Normandie en mon obeissance , lesquels j'appellervis volontiers des
miracles , si je ne sçavois bien que l'on nè
donne point ce titre aux choses tantjourna
lieres et ordinaires , que me sont les preuves
par effet de votre loyale affection , laquelle
aussi je n'oublieraijamais , &c. Adieu mon
Ami. De Senlis , le 14. Mars 1594
HENRY.
Je finis ici ma Lettre , Monsieur, pour
ne plus vous parler de l'Abbaye de
S.Taurin, ni du sieur de Boisrozé. Il falloit
vous faire ce détail pour répondre perti
nemment à votre premiere question , et
ne vous laisserrien ignorer sur une matiere qui entre si naturellement dans l'éxecution du projet d'Histoire que vous avez formé.
J'ai mes Mémoires prêts pour répondre
à vos autres demandes au sujet du Marquis de Rosny , et je n'oublierai pas ceque vous me marqués en dernier lieu sur
les variations et sur les méprises de l'Auteur du Poëme de la Ligue , ou la Hen- I. Vol. riade
2562 MERCURE DE FRANCE riade , par rapport à ce Seigneur. Je suis
toujours , &c.
AParis , le 20 Mars 1732.
M. D L. R. à M. A. C. D. V. au
sujet du Marquis de Rosny , depuis Duc
de Sully , &c. contenant quelques Remarques Historiques.
A
Vant que de répondre , Monsieur ,
aux autres demandes que vous me
faites au sujet du Marquis de Rosny.
j'ay encore quelque chose à vous dire
sur votre premiere question concernant
l'Abbaye de S. Taurin , que ce Seigneur
a possedée par la nomination du Roy
Henry III . Outre la double preuve que
je vous ai apportée de ce fait dans mapremiere Lettre , en voici encore deux autres
qu'il est bon de ne pas omettre.
La premiere est dans le XLI. Chapitre du I. Vol. des Memoires de
Sully. On voit sur la fin de ce Chapitre
que le Marquis de Rosny étant allé à sa
Terre de Bontin pour quelques affaires
domestiques , le Roy lui écrivit la Lettre
qui suit , pour le faire revenir à Fon- tainebleau.
Mon Ami, je ne vous avois donné congé
que pour dix jours , et neanmoins ily ena
1. Vol. déja
DECEMBRE. 1732. 2551 7
déja quinze que vous êtes partis ce n'estpas
votre coutume de manquer à ce que vous
promettez , ni d'être paresseux : partant revenez-vous-en me trouver , c'est chose necessaire pour mon service , tant pour voir
des Lettres que Madame de Simiers et un
nommé la Font (qui , à mon avis , est celui
de qui vous sçaviez des nouvelles durant
notre grand Siege ) qui vous écrivent de
Rouen, lesquelles sont en chiffres ; et par si
peu que nous en avons pu déchiffrer ( car
je les ai fait ouvrir ) nous jugeons qu'elles
importent à mon service. Il y en a encore.
une d'un nommé Desportes , qui demeure à
Verneuil, lequel vous prie de lui mander
s'il sera le bien venu pour vous parler d'une
chose dont vous conferâtes une fois ensemble.
à Evreux dans votre Abbaye de S. Taurin , que le feu Roy vous donna. J'ay aussi
plusieurs choses à vous dire , et s'en présente tous les jours une infinité sur lesquelles
je serai bien aise de prendre vos avis , comme j'ai fait sur beaucoup d'autres , dont je
me suis bien trouvé. Partant , partez en diligence et me venez trouver à Fontainebleau,
Adieu. Ce 3. Septembre 1593.
Vous voyez , Monsieur , dans cette Lettre le fait en question constaté de la main
du Roy ; on y voit aussi que le Marquis
de Rosny se retiroit quelquefois à saint
VI. Vel By Taurin
2552 MERCURE DE FRANCE
Taurin d'Evreux , pour gouter dans une
agréable solitude le repos qu'il ne trouvoit pas ailleurs , et qui ne laissoit pas
d'être encore interrompu dans cette Âbbaye par les affaires importantes qui le
sùivoient par tout.
L'autre preuve se trouve dans le même
premier Vol. des Memoires, Chap. XLVI.
où il est traité de la Négociation que
M. de Rosny fit à Rouen avec Amiral
de Villars , pour la réduction de toute
la Normandie. On voit là qu'entre autres demandes que faisoit cet Amiral de
là Ligue , il voulut avoir les Abbayes de
Jumieges, de Tiron , de Bomport , de
Valasse et de S. Taurin : les Memoires
ne disent point si c'étoit pour lui-même
ou pour ses amis qu'il faisoit cette de-,
mande , mais les Auteurs qui ont écrit
ces Memoires , et qui , comme vous sçavez , adressent toûjours la parole au Marquis de Rosny , leur Maître , s'expriment
én ces termes sur cet article.
De tous lesquels points dans quatre jours
vons convintes ensemble et en demeurâtes
d'accord , voire de S. Taurin , quoique
l'Abbayefût à vous.
Cela , au reste , ne fut pas un simple
projet , l'execution suivit et se trouve confirmée par le discours que tint M. de,
1. Vol A.,Rosny
DECEMBRE. 1732. 255 3
Rosny au sieur de Boisrosé , que vous
avez lû dans ma précédente Lettre ; ainsi
il est démontré non- seulement que ce
Seigneur a été Abbé de S. Taurin d'Evreux ; mais on sçait à peu près le temps.
et à quelle occasion il eut la generosité
de se dépouiller de cette Abbaye. 2
On apprend dans le même endroit que
quelque ample pouvoir qu'eût le Marquis de Rosny de traiter avec M. de Villars , pour l'entiere réduction de la Normandie , il y eut cependant trois Articles
sur lesquels il ne voulut rien prendre
sur lui.
Les deux premiers concernoient M. de
Montpensier et M. de Biron , et le troi,
siéme regardoit le sieur de Boisrozé , à
cause , disent les Memoires , de la baute
qualité des deux premiers , et de l'injustice
qu'il sembloit y avoir en l'autre. Sur quoi
M. de Rosny desira avoir un ordre particulier de la propre main du Roy, &c.
Vous êtes , sans doute surpris , Monsieur , de voir ici les petits interêts d'un
simple Gouverneur de Fécamp , mêlez
avec ceux d'un Prince du Sang , Gouverneur de Normandie et avec ceux de M. de
Biron , que le Roy avoit fait depuis peu
Amiral de France , Charge que M. de
Villars vouloit garder pour lui-même , les
2.1. Vol. B vj interêts
2554 MERCURE DE FRANCE
intetêts , dis-je , du sieur de Boisrozé
dont l'avanture vous a réjoui dans me
premiere Lettre , faire un objet considerable dans la Négociation d'un Traité si
important.
Cela a besoin d'un petit Commentaire.
Je vais vous le faire d'autant plus volontiers , qu'après avoir un peu maltraité,
ce me semble , se pauvre Gentilhomme
( en vous parlant de l'avanture de Louviers ) je profiterai de l'occasion pour le
réhabiliter dans votre esprit , en vous le
montrant par le plus bel endroit , et je
vous exposerai en même- temps un trait
de hardiesse et de valeur peu commune
qui mérite d'être distingué dans notre
Histoire, et que je trouve peu exactement *
par Mezeray et par le P. Daniel.
Je trouve ce fait dans le XLIII. Chapitre des Memoires, intitulé : Affaires Mi
litaires et d'Etat. J'en abregerai la narration tant que je pourrai,sans en rien omettre d'essentiel.
narré
Fécamp est une petite Ville Maritime
de la Haute Normandie , située à 15.
* Mezeray a défiguré jusqu'au nom de ce brave
homme, qu'il appelloit Bosc Rosé, il lui rend d'ailleurs justice sur sa valeur. Il s'étoit auparavant
très- distingué dans Roïen assiegé par l'Armée da Roy en 1992.
1. Fol. lieües
DECEMBRE. 1732. 2555
lieuës de Rouen vers le Couchant , à 8.
du Havre de Grace , et à 12 de Dieppe.
Elle étoit munie alors d'une bonne For
teresse , qu'on appelle aujourd'hui le
Château , élevé sur un Rocher escarpé
qui regarde la Mer. Boisrozé étoit dans.
la Place, lorsque M. de Biron l'assiegea et
la prit sur ceux de la Ligue. Avant que
d'en sortir il forma le dessein de la reprendre et il s'y prit de la maniere qui
suit. Après avoir bien instruit deux Soldats de la valeur et de la fidelité desquels
il étoit assuré , il trouva le moyen de
les faire entrer et admettre parmi ceux
de la Garnison. De son côté il s'assura
de so. autres Soldats ou Matelots , des
plus déterminez et des plus experts au
métier de grimper aux Hunes par les
cordages , &c. son dessein étoit d'escalader lui et les siens , le Rocher dont je
viens de parler , et d'entrer par là dans la
Place.
L'entreprise étoit des plus témeraires.
Le Roc en question de cent toises de
hauteur , est non- seulement escarpé et
coupé en précipice , mais son pied est
ordinairement battu de vagues de
la Mer , excepté quatre ou cinq fois de
l'année , au temps des plus basses Marées;
alors durant quelques heures seulement
1. Vol
2556 MERCURE DE FRANCE
la Mer laisse un certain espace sec au
pied du Rocher, ce qui arrive quelquefois la nuit et quelquefois le jour,
Boisrozé devoit executer son dessein
dans l'un de ces intervales , assez incer
tains , et pour cela il se munit d'un Cable
de longueur convenable pour le Roc qu'il
vouloit gravir, et à icelui d'espace en espace,
fut fairedes noeuds pour se tenir des mains, et
des étriers de corde avec de petits bâtons
pour y apposer les pieds. Avec cet appareil il s'embarqua lui et ses Gens dans
deux Chalouppes et vint par une nuit fort
noire , aborder le plus près du Roc que
la bassesse de l'eau put le lui permettre.
Sur le haut de ce Roc logeoit dans quel
que Hute l'un des deux Soldats gagnez ,
et il veilloit exactement à toutes les basses marées , pour entendre le signal dont
on étoit convenu, Il ne fut donc pas difficile, au moyen de ce signal, de jetter une
corde à l'extremité de laquelle fut attaché le bout du gros cable , que le Soldat
tira incontinent à lui. Le bout du cable
étoit muni d'un crampon de fer qui fut
aussi-tôt attaché dans l'entre- deux, d'une
canoniere avec un gros levier.
Après avoir tiré et ébranlé plusieurs
fois le cable pour s'assurer de la solidité
d'une Echelle si périlleuse , Boisrosé fit
--- I. Vol. d'abord,
DECEMBRE. 1732. 2557
d'abord monter l'un des deux Sergens
du nombre des so. hommes , auquel il
se fioit le plus , et l'ayant fait suivre par
tous les autres , il monta lui- même tout
le dernier , afin que nul ne s'en pût dédire
et qu'il leur servit de chasse-avant.
Cette précaution étoit nécessaire , car,
dans le temps qu'il fallut employer pour
placer les so. hommes sur cette corde er
à monter les uns après les autres avec
leurs armes bien attachées autour du
corps , la marée avoit commencé de revenir et elle étoit déja à six pieds de
hauteur contre le Rocher , que Boisrozé
et les Siens n'étoient encore qu'à moitié
chemin ; desorte qu'étant ainsi pendus et
comme enfilez à ce cable , il ne leur restoit plus aucune esperance de salut que
par la prise de la Place. Boisrozé , armé
d'un courage intrépide et bien résolu de
mourir plutôt que de reculer , la tenoit
toûjours pour indubitable , lorsque le Sergent qui montoit le premier , soit à cause de l'extreme hauteur où il étoit parvenu , soit à cause du bruit des vagues
qui venoient se briser contre le Roc
commença de s'effrayer , à dire que la
tête lui tournoit , et qu'il étoit impossi
ble de monter plus haut.
Cet incident étant rapporté de bouche
1- Vol.... ...cn
2558 MERCURE DE FRANCE
en bouche à Boisrozé ; celui cy après
avoir tenté inutilement de faire rassurer
son homme, prit la résolution de l'aller
joindre lui- même , et passant par- dessus
les corps et les têtes de ses Compagnons
suspendus en l'air , il parvint jusqu'à lui
et le rassura aucunement ; puis le poignard à la main , il le contraignit de continuer à monter , tant qu'enfin le jour
étant prêt à paroître ils parvinrent tous
sur le haut du Rocher sans autre inconvenient. Ils furent incontinent reçûs par
les deux Soldats , et connoissant tous ensemble les êtres et les avenues du Fort , ils
surprirent facilement le Corps de Garde
et les Sentinelles qui étoient du côté de
la Ville , car on ne faisoit aucune gardedu côté de la Mer estimé inaccessible, On
fit main bisse sur eux , et on tailla
en pieces tout ce qui vint successivement
au secours ; enfin Boisrozé se rendït le
maître du Fort , de quoi il avertit aussitôt M. de Villars , tant pour lui deLe P. Daniel dit que Boisrozé mécontent de
Villars , surprit Fécamp et s'y retrancha si bien que
ce Gouverneur , qui vint l'y attaquer , ne put le
forcer, &c.
L'Auteur se trompe et confond ici les choses ,
étant bien certain que Boisrozé ne fit son Expedition de Fécamp, qu'en faveur de la Ligue et de
M. de Villars , et que sa brouillerie avec ce Ge
meral n'arriva que dans la suite , &c. ·
DECEMBRE. 1732. 2559.
mander du monde , afin de se saisir de
la Ville et de pouvoir la garder , que
pour s'assurer du Gouvernement de la
Place , qu'il croyoit avoir bien mérité.
:
Vous jugés bien , M. que ce General ne
lui refusa rien mais j'apprends au même,
endroit que dans la suite Boisrosé s'étant
brouillé avec lui , et craignant toujours
de perdre son Gouvernement , il se donna entierement au Roi , et ne voulut plus
reconnoître les ordres de M. Villars. Ce
General le fit investir et le resserra si fort
dans Fecamp , que le Roi , dont le nouveau Gouverneur implorà le secours ,
vint en personne le dégager , en contraignant les Troupes de la Ligue de se retirer , et en donnant tous les ordres néces
saires pour la conservation du Fort de
Fécamp, dont ce grand Prince reconnois
soit l'importance.
Boisrozé en étoit donc paisible Gouver
neur , lorsque le Marquis de Rosny- traitoit de la réduction de toute la Normandie avec M. de Villars , et qu'il fut obligé de passer au nom du Roi toutes les
conditions qu'on éxigeoit , à l'exception
des trois dont il est parlé ci-dessus. Vous
vous souvenez , Monsieur , que la considération particuliere de Boisrozé formoit
la troisième , et vous voyez à présent que
I. Vol. CO
2560 MERCURE DE FRANCE
ce n'est pas sans raison , M. de Rosny
trouvant de l'injustice de déplacer un si
brave homme, et ne pouvant se résoudre
de le faire de son chef. Ii fallut cependant y venir , le Roi , à qui les trois articles furent renvoyés , n'hesita pas de
les passer pour parvenir à un si grand
bien. Je ne vous dis rien du bruit qu'en
fir Boisrozé , vous en sçavez assez par le
récit de l'avanture de Louviers. Le bon
homme , plein de son ressentiment, ignoroit alors tout ce que M. de Rosny
avoit fait pour le maintenir dans son
poste.
Au reste , dès que le Traité eut été ar
rêté et signé , M. de Rosny en écrivit de
Rouen une Lettre au Roi , dont je ne
rapporterai ici que le commencement
pour abreger.
SIRE ,
-La bonté de Dieu , votre vertu et votre
fortune , ont tellement fortifié mon courage
et bien heuré mon entremise , queje vous puis
maintenant nommer Ducpaisible de toute la
Normandie , &c.
dit
Le Roi ayant reçû cette Lettre , répon
par le même Courrier , et de sa propre main , au Marquis de Rosny, de la maniere qui suit.
İvel. MON-
DECEMBRE. 1732. 2561
MONSIEUR,
J'ai vû > tant par votre derniere Lettre
que par vos précedentes , les signalez servi➡
ces que vous m'avez rendus pour la Rêduction entiere de la Normandie en mon obeissance , lesquels j'appellervis volontiers des
miracles , si je ne sçavois bien que l'on nè
donne point ce titre aux choses tantjourna
lieres et ordinaires , que me sont les preuves
par effet de votre loyale affection , laquelle
aussi je n'oublieraijamais , &c. Adieu mon
Ami. De Senlis , le 14. Mars 1594
HENRY.
Je finis ici ma Lettre , Monsieur, pour
ne plus vous parler de l'Abbaye de
S.Taurin, ni du sieur de Boisrozé. Il falloit
vous faire ce détail pour répondre perti
nemment à votre premiere question , et
ne vous laisserrien ignorer sur une matiere qui entre si naturellement dans l'éxecution du projet d'Histoire que vous avez formé.
J'ai mes Mémoires prêts pour répondre
à vos autres demandes au sujet du Marquis de Rosny , et je n'oublierai pas ceque vous me marqués en dernier lieu sur
les variations et sur les méprises de l'Auteur du Poëme de la Ligue , ou la Hen- I. Vol. riade
2562 MERCURE DE FRANCE riade , par rapport à ce Seigneur. Je suis
toujours , &c.
AParis , le 20 Mars 1732.
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE DE M. D. L. R. à M. A. C. D. V. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
La lettre de M. D L. R. à M. A. C. D. V. traite de la possession de l'Abbaye de Saint-Taurin par le Marquis de Rosny, devenu Duc de Sully. L'auteur répond à une question concernant cette abbaye, dont la possession par le Marquis de Rosny a été confirmée par la nomination du roi Henri III. Deux preuves sont fournies pour étayer ce fait. La première est une lettre du roi Henri III, datée du 3 septembre 1593, où le roi demande au Marquis de Rosny de revenir à Fontainebleau pour des affaires importantes, mentionnant explicitement l'Abbaye de Saint-Taurin. La seconde preuve se trouve dans les Mémoires de Sully, où il est question d'une négociation à Rouen avec l'Amiral de Villars pour la réduction de la Normandie. L'Amiral demandait plusieurs abbayes, dont celle de Saint-Taurin, confirmant ainsi la possession du Marquis de Rosny. La lettre détaille également une négociation complexe où le Marquis de Rosny refusait de prendre des décisions sur trois articles sans un ordre particulier du roi. L'un de ces articles concernait le sieur de Boisrosé, gouverneur de Fécamp. L'auteur narre ensuite une expédition audacieuse de Boisrosé pour reprendre Fécamp, malgré les dangers et les obstacles. Cette action est décrite en détail, soulignant le courage et la détermination de Boisrosé. Par ailleurs, une autre correspondance, datée du 14 mars 1594, montre le roi Henri IV exprimant sa gratitude au Marquis de Rosny pour ses services dans la réduction de la Normandie. Le roi qualifie ces services de 'miracles' en raison de leur efficacité et de leur régularité. La lettre du roi a été écrite de Senlis. Un autre correspondant, écrivant en mars 1732, mentionne la fin d'une lettre concernant l'Abbaye de Saint-Taurin et le sieur de Boisrozé, et indique qu'il a des mémoires prêts pour répondre à d'autres demandes concernant le Marquis de Rosny. Il fait également référence aux variations et méprises de l'auteur du poème 'La Ligue' ou 'La Henriade' par rapport au Marquis de Rosny.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
335
p. 2581-2588
SIXIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de la Conquête d'Oran, &c.
Début :
Je n'ai pas conjecturé juste, Monsieur, quand je vous ai marqué par ma derniere Lettre que [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Château de Sainte Croix, Royaume d'Alger, Marquis de Santa Cruz, Chevalier Wogan, Maures, Troupes, Provisions, Secours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SIXIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de la Conquête d'Oran, &c.
SIXIE'ME Lettre écrite par M. D. L. R.
à M. le Marquis de B. au sujet de la
Conquête d'Oran , &c.
JT
E n'ai pas conjecturé juste , Monsieur , quand
je vous ai marqué par ma derniere Lettre que
je ne croyois pas d'avoir rien à vous écrire au
sujet d'Oran avant le Printemps prochain ; les
apparences étoient telles , mais l'Evenement a
détruit les apparences : Les Maures se sont mis
en campagne pour executer de grands projets ,
ils veulent batailler en plein hyver, d'un côté devant Oran , de l'autre devant Ceuta ; il faut vous
rendre compte de leurs Operations ; elles sont
yenues depuis peu à ma connoissance par plu- I. Vol. sieurs
2582 MERCURE DE FRANCE
sieurs Lettres écrites d'Espagne et d'Affrique,
Vous sçavez , Monsieur , qu'Oran et Marsalquibir ont fait partie du Royaume d'Alger , et
quelle a été la consternation de la Ville d'Alger
et de tout le Païs , lors de la prise de ces deux
Places par l'armée du Roy d'Espagne. La retraite
de cette Armée , le départ de la Flote , la mort
du vieux Dey d'Alger , âgé de 88. ans auquel a
succedé le Khaznadar ou Trésorier de la Régence , tout cela ensemble a fait cesser la consternation ; les Maures ont repris courage et paroissent disposez à faire de grands efforts pour
reprendre les Places conquises et chasser entierement les Espagnols des Côtes d'Affrique.
Dabord cette Régence a envoyé un secours
considerable au Dey Bigotillos , qu'on dit être
un Renegat Catalan , cy-devant Gouverneur d'Oran , lequel pendant une partie du mois de Septembre à fort inquieté la Garnison , occupée aux
nouvelles Fortifications de cette Place. Les escarmouches ont été fréquents , toûjours avec grande perte du côté des Maures , qui cependant ont
reçû d'autres renforts , et enfin ils se sont trouvez
en état de commencer le Siege d'Oran avec deux
Armées , dont l'une est commandée par Bigotillos , et l'autre par le fils du dernier Dey d'Alger, qui est Aga des Spahis , ou Commandant de
la Cavalerie.
Leurs premieres vûës ont été de surprendre
quelques-uns des principaux Châteaux qui envi
ronnent la Place et dont vous connoissez la si
tuation et l'importance par le Plan general d'O
ran et de Marsalquibir , que je vous ai envoyé.
Le Marquis de Santa- Cruz a pris là - dessus toutes
les précautions necessaires, et a fait les plus sages
dispositions pour la conservation de ces Forts.
1. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2583
Le dernier jour du mois de Septembre , les
Maures , suivant le projet que je viens de dire ,
ayant formé un Corps considerable , tenterent de
couper la communication de la Place avec le Fort
de S. Philippe , ils y vinrent dabord avec une
grande intrépidité , mais ils furent repoussez par
un Détachement de Grenadiers , et enfin entierement chassez par un Détachement de Cavalerie. L'action fut des plus vives , les Maures y
perdirent près de deux mille hommes , sans les
blessez. Les Espagnols n'eurent que huit hommes
de tuez et quelques blessez.
Le 4. d'Octobre il se donna un combat plus
considerable , à l'occasion d'un convoy que le
Marquis de Santa- Cruz voulut faire entrer dans le
Fort de Sainte- Croix, et qui y entra effectivement.
Toutes les circonstances de cette Action sont remarquables et interessantes ; je suis assuré , Monsieur, que vous me sçaurez bon gré de vous en ap- prendre le détail , au risque d'allonger un peu ma Lettre. Le voici tel qu'il a été envoyé à la Cour,
et conforme à toutes mes Lettres particulieres.
Le Chevalier Wogan , Colonel de jour , ( 4.
Octobre ) sortit vers les cinq heures du ma- tin , à la tête d'un Détachement composé de plusieurs Compagnies de Grenadiers et de quelques
Compagnies de Cavalerie pour escorter un grand Convoi de Vivres et de Munitions , que le Mar
quis de Santa-Cruz envoyoit au Château de Sainte-Croix , qui domine la Ville d'Oran , tous les Châteaux voisins et même l'entrée du Port. Il y
avoit près d'un mois que Bigotillos , cy-devant
Gouverneur d'Oran, assiegeoit ce Château, ayant
placé ses Batteries sur la Mezeta , Montagne fort
élevée et à une portée de fusil , mais séparée du
Château par une gorge très-profonde et très- es- I. Vel. carpée.
2584 MERCURE DE FRANCE
carpée. Cette Batterie avec déja fait une breche
considerable à la muraille du Château ; mais la
breche étant inutile aux ennemis , à cause des Rochers escarpez qui se trouvoient entre leur Camp
et le Château , Bigotillos prit le parti d'appliquer
le Mineur à l'autre côté du demi- Bastion qu'il
avoit battu en breche : les Mines ne firent aucun
effet , parce qu'elles ne penetroient pas le Roc ,
plusieurs assauts qu'il voulut donner par escalade,
firent périr près de 10000. Turcs ou Algeriens ,
fils de Turcs.
Cependant la Garnison Espagnole du Château de Sainte-Croix , qui n'est que de 5oo. hommes,
étoit considerablement diminuée par toutes ces
attaques ; et manquant de tout , elle auroit été
obligée de se rendre. C'est ce qui détermina le
Marquis de Santa- Cruz à tout risquer pour la
secourir ; ainsi avant que de faire sortir le Détachement commandé par le Chevalier de Wogan , il fit faire une fausse attaque du Fort de
S. Philippe sur la batterie des Retranchemens du
fils du Dey d'Alger , qui étoit à la droite de la
tranchée des Ennemis , afin d'y attirer les Troupes de Bigotillos et de dégarnir son poste de la
gauche. Pendant le feu continuel de cette fausse
attaque , le Chevalier de Wogan , Colonel Commandant du Détachement , fit avancer quatre
Compagnies de Grenadiers sur la demi Côte entre
les Châteaux de S. Gregoire et de Sainte Croix ,
pour arrêter ceux qui tenteroient de couper le
Convoy par en haut. Il envoya deux autres Compagnies au bas du Rocher qui est au pied du dernier de ces deux Châteaux , et il marcha ensuite
en bataille avec le reste de son Détachement , occupant toute la Plaine par son front jusqu'au
bord du Baranco , gorge profonde , où les Mau- - Vol. *CS
DECEMBRE. 1732. 2585
res et les Turcs se tenoient ordinairement en
embuscade.
Vers les sept heures du matin , la tête du Convoy s'étant avancée jusqu'à Sainte- Croix , quelques Compagnies de la Garnison de ce Château ,
sortirent pour renforcer l'Escorte , et se posterent sous le Canon du demi- Bastion , qui fit un
feu si continuel et si violent , que les Maures en
furent épouventez , et s'il eût été permis au Chevalier de Wogan de contrevenir aux ordres du
Marquis de Santa-Cruz, et de passer les bords du
Baranco , on ne doute point qu'il ne les`eût chassez de leur retranchement, et qu'il n'eût pû jetter
leur batterie dans les précipices; mais le Marquis de Santa Cruz n'avoit d'autre vûé que de secou
rir le Fort sans rien risquer ; cependant les En- nemis voyant qu'on ne tentoit pas de passer le
Baranco , revinrent y planter leurs Etendarts par
maniere de défi , et il y eut pendant une heure un
feu continuel de Mousqueterie , qui leur tua plus
de 1000 ou 1200. hommes. Bigotillos ayant fait
revenir une partie de ses Troupes , que la fausse attaque du Fort S. Philippe avoit attirée , se dé- termina à traverser la gorge du Baranco. Alors
le Chevalier de Wogan fit marcher deux Compagnies de Grenadiers pour occuper le passage de cette gorge , par lequel les Maures auroient pu couper le Convoy, ils commencerent à entrer dans
Sainte Croix , ce qui obligea Bigotillos à changer de dessein , quoique ses Troupes qui étoient
alors dans la gorge, montassent à plus de 15000
hommes , et après avoir essuyé plusieurs déchar ges de l'Artillerie du Fort , il alla se mettre à
couvert derriere les Rochers qui sont au - dessous
du Château , d'où les bombes qu'on y rouloit ,
obligerent les Maures de se retirer et de remonter i. Vol.
wyers
2585 MERCURE DE FRANCE
vers leur batterie , dont un coup de Canon bles
sa un Officier Espagnol et couvrit de poussiere le Chevalier de Wogan.
Vers les neuf heures du matin , toutes les voitures du Convoi étant retournées à Oran , après
avoir déchargé leurs provisions dans le Fort de
Sainte Croix , la Cavalerie du Détachement se
mit en bataille du côté de la Marine , pour soutenir l'Infanterie voisine dans sa retraite. Le
Chevalier deWogan reçut en cet endroit un coup
de fusil qui l'obligea de se retirer et de laisser le
commandement au Marquis de Turbilly , son
Lieutenant Colonel ; il étoit resté vers le Rocher
de Sainte- Croix six Compagnies de Grenadiers ,
dont trois devoient rentrer dans le Château, et les
trois autres retourner à Oran avec le reste du Détachement.
La Cavalerie , par un ordre mal entendu , commençoit déja à défiler , et ne pouvoit plus les secourir , desorte que ces Compagnies furent obligées de lâcher pied et de se retirer en confusion,
trois sous le Canon de Sainte Croix et le reste du
côté du Fortin de la Marine. Un Capitaine du
Régiment de Dragons de Belgia , nommé le Chevalier de Wuilts , au desespoir de voir les Maures
courir la Plaine impunément , s'avança à la tête
de 30. de ses Dragons , les arrêta pour quelque
temps, et après en avoir tué un grand nombre, et
perdu la moitié de sa Troupe , il se retira en bon ordre.
Les Maures , de leur côté , craignant une sortie
de la Garnison d'Oran , se retirerent par les Rochers de Sainte- Croix , où ils essuyerent tout le
feu de l'Artillerie du Château , et on compte que
pendant le défilé du Convoy , ils ont perdu prés
de 3000. hommes , parmi lesquels il y a cu 19.
" I. Vol.
Agas
DECEMBRE. 1732. 2587
Agas ou Officiers de distinction et un des fils de
Bigotillos. Cette journée a été très- glorieuse pour
les Espagnols , malgré la déroute des Compagnies
de Grenadiers qui n'ont pû faire assez iôt leur retraite.
Le Château de Sainte-Croix a présentement
en abondance toutes sortes de provisions et de munitions de guerre; l'entrée du Convoy a tellement déconcerté les Turcs et les Maures , que
malgré le cordon ou la ligne que Bigotillos avoit fait faire derriere son Camp , pour empêcher la
désertion , la plus grande partie de sa Cavalerie l'a abandonné. Le Détachement de la Garnison
d'Oran n'étoit en tout que de 1300. hommes.
L'Armée des Maures , dont ce Détachement a
soutenu les differentes attaques , étoit au moins de 17. à 18000. hommes.
On a appris par des Lettres posterieures , qu'on
avoit construit un Ouvrage entre le Château de
Sainte-Croix et celui de S. Gregoire , pour conserver la communication entre ces deux Forts ,
qu'on avoit introduit un nouveau secours dans le
premier , dont les Maures continuoient le Siege ,
mais avec moins de vigueur que cy-devant , qu'ils
avoient fait sauter une Mine qui n'avoit point endommagé la muraille , mais qui avoit tué trois
Mineurs d'une Contremine et blessé trois Grenadiers , qu'il n'y avoit que trois minutes que le
Marquis de Santa- Cruz et M. de la Croix , Commandant de l'Artillerie , étoient sortis de cette
Contremine , qu'ils étoient allé visiter ; que les
trois derniers jours du mois d'Octobre , l'Artil- lerie des Ennemis avoit fait peu de feu ; qu'on
avoit appris depuis que de trois grosses pieces de
Canons qu'ils avoient dans leur batterie de la
Mezetta , il y en avoit deux de crevées ; que les I. Vel, Maures
2588 MERCURE DE FRANCE
>
Maures qui font le Siege du Fort de S. Philippe ,
avoient cessé de tirer depuis cinq jours , ce qu'on
attribue au deffaut de Munitions et aux pluyes continuelles qui sont tombées pendant ce tempslà, et qui ont inondé toutes leurs tranchées ; enfin
que la Garnison avoit profité de ce temps pour
élever une nouvelle batterie , qui incommodoit
beaucoup les Ennemis , et que le fils du feu Dey
d'Alger, qui commande au Siege du Fort de
S. Philippe et qui s'en étoit absenté pendant
quelques jours , y étoit révenu
Cependant il est arrivé à Oran plusieurs secours de Troupes et de Provisions , ensorte qu'il
y a tout lieu d'esperer que les Maures , après
avoir perdu bien du monde , n'auront fait qu'une
tentative inutile et témeraire. Les principaux Algeriens sont convenus eux-mêmes en plein Divan, que sans le secours d'une Flote , qu'ils ne
sont pas en état d'équiper , il leur est absolument
impossible de reprendre cette Place. Il est vrai
que suivant les dernieres Lettres il avoit paru au commencement de Novembre aux environs d'Oran , huit ou neuf Vaisseaux de guerre d'Alger ;
mais ces Lettres ajoûtent que sur les premiers
avis , le Roy d'Espagne avoit envoyé des ordres précis aux Commandans de trois de ses Vaisseaux de guerre , de joindre trois autres
Vaisseaux de guerre de Malthe qui sont dans ces
Mers et d'aller attaquer conjointement les Vaisseaux Turcs; ensorte , Monsieur , que nous sommes actuellement dans l'attente de plusieurs nouvelles importantessur la suite des affaires d'Oran.
Je renvoye à une autre Lettre celles qui regardent Ceuta , pour ne point donner ici dans
une excessive longueur. J'ai l'honneur d'être, &c.
A Paris , le 22. Novembre 1732.
I. Vol.
R
à M. le Marquis de B. au sujet de la
Conquête d'Oran , &c.
JT
E n'ai pas conjecturé juste , Monsieur , quand
je vous ai marqué par ma derniere Lettre que
je ne croyois pas d'avoir rien à vous écrire au
sujet d'Oran avant le Printemps prochain ; les
apparences étoient telles , mais l'Evenement a
détruit les apparences : Les Maures se sont mis
en campagne pour executer de grands projets ,
ils veulent batailler en plein hyver, d'un côté devant Oran , de l'autre devant Ceuta ; il faut vous
rendre compte de leurs Operations ; elles sont
yenues depuis peu à ma connoissance par plu- I. Vol. sieurs
2582 MERCURE DE FRANCE
sieurs Lettres écrites d'Espagne et d'Affrique,
Vous sçavez , Monsieur , qu'Oran et Marsalquibir ont fait partie du Royaume d'Alger , et
quelle a été la consternation de la Ville d'Alger
et de tout le Païs , lors de la prise de ces deux
Places par l'armée du Roy d'Espagne. La retraite
de cette Armée , le départ de la Flote , la mort
du vieux Dey d'Alger , âgé de 88. ans auquel a
succedé le Khaznadar ou Trésorier de la Régence , tout cela ensemble a fait cesser la consternation ; les Maures ont repris courage et paroissent disposez à faire de grands efforts pour
reprendre les Places conquises et chasser entierement les Espagnols des Côtes d'Affrique.
Dabord cette Régence a envoyé un secours
considerable au Dey Bigotillos , qu'on dit être
un Renegat Catalan , cy-devant Gouverneur d'Oran , lequel pendant une partie du mois de Septembre à fort inquieté la Garnison , occupée aux
nouvelles Fortifications de cette Place. Les escarmouches ont été fréquents , toûjours avec grande perte du côté des Maures , qui cependant ont
reçû d'autres renforts , et enfin ils se sont trouvez
en état de commencer le Siege d'Oran avec deux
Armées , dont l'une est commandée par Bigotillos , et l'autre par le fils du dernier Dey d'Alger, qui est Aga des Spahis , ou Commandant de
la Cavalerie.
Leurs premieres vûës ont été de surprendre
quelques-uns des principaux Châteaux qui envi
ronnent la Place et dont vous connoissez la si
tuation et l'importance par le Plan general d'O
ran et de Marsalquibir , que je vous ai envoyé.
Le Marquis de Santa- Cruz a pris là - dessus toutes
les précautions necessaires, et a fait les plus sages
dispositions pour la conservation de ces Forts.
1. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2583
Le dernier jour du mois de Septembre , les
Maures , suivant le projet que je viens de dire ,
ayant formé un Corps considerable , tenterent de
couper la communication de la Place avec le Fort
de S. Philippe , ils y vinrent dabord avec une
grande intrépidité , mais ils furent repoussez par
un Détachement de Grenadiers , et enfin entierement chassez par un Détachement de Cavalerie. L'action fut des plus vives , les Maures y
perdirent près de deux mille hommes , sans les
blessez. Les Espagnols n'eurent que huit hommes
de tuez et quelques blessez.
Le 4. d'Octobre il se donna un combat plus
considerable , à l'occasion d'un convoy que le
Marquis de Santa- Cruz voulut faire entrer dans le
Fort de Sainte- Croix, et qui y entra effectivement.
Toutes les circonstances de cette Action sont remarquables et interessantes ; je suis assuré , Monsieur, que vous me sçaurez bon gré de vous en ap- prendre le détail , au risque d'allonger un peu ma Lettre. Le voici tel qu'il a été envoyé à la Cour,
et conforme à toutes mes Lettres particulieres.
Le Chevalier Wogan , Colonel de jour , ( 4.
Octobre ) sortit vers les cinq heures du ma- tin , à la tête d'un Détachement composé de plusieurs Compagnies de Grenadiers et de quelques
Compagnies de Cavalerie pour escorter un grand Convoi de Vivres et de Munitions , que le Mar
quis de Santa-Cruz envoyoit au Château de Sainte-Croix , qui domine la Ville d'Oran , tous les Châteaux voisins et même l'entrée du Port. Il y
avoit près d'un mois que Bigotillos , cy-devant
Gouverneur d'Oran, assiegeoit ce Château, ayant
placé ses Batteries sur la Mezeta , Montagne fort
élevée et à une portée de fusil , mais séparée du
Château par une gorge très-profonde et très- es- I. Vel. carpée.
2584 MERCURE DE FRANCE
carpée. Cette Batterie avec déja fait une breche
considerable à la muraille du Château ; mais la
breche étant inutile aux ennemis , à cause des Rochers escarpez qui se trouvoient entre leur Camp
et le Château , Bigotillos prit le parti d'appliquer
le Mineur à l'autre côté du demi- Bastion qu'il
avoit battu en breche : les Mines ne firent aucun
effet , parce qu'elles ne penetroient pas le Roc ,
plusieurs assauts qu'il voulut donner par escalade,
firent périr près de 10000. Turcs ou Algeriens ,
fils de Turcs.
Cependant la Garnison Espagnole du Château de Sainte-Croix , qui n'est que de 5oo. hommes,
étoit considerablement diminuée par toutes ces
attaques ; et manquant de tout , elle auroit été
obligée de se rendre. C'est ce qui détermina le
Marquis de Santa- Cruz à tout risquer pour la
secourir ; ainsi avant que de faire sortir le Détachement commandé par le Chevalier de Wogan , il fit faire une fausse attaque du Fort de
S. Philippe sur la batterie des Retranchemens du
fils du Dey d'Alger , qui étoit à la droite de la
tranchée des Ennemis , afin d'y attirer les Troupes de Bigotillos et de dégarnir son poste de la
gauche. Pendant le feu continuel de cette fausse
attaque , le Chevalier de Wogan , Colonel Commandant du Détachement , fit avancer quatre
Compagnies de Grenadiers sur la demi Côte entre
les Châteaux de S. Gregoire et de Sainte Croix ,
pour arrêter ceux qui tenteroient de couper le
Convoy par en haut. Il envoya deux autres Compagnies au bas du Rocher qui est au pied du dernier de ces deux Châteaux , et il marcha ensuite
en bataille avec le reste de son Détachement , occupant toute la Plaine par son front jusqu'au
bord du Baranco , gorge profonde , où les Mau- - Vol. *CS
DECEMBRE. 1732. 2585
res et les Turcs se tenoient ordinairement en
embuscade.
Vers les sept heures du matin , la tête du Convoy s'étant avancée jusqu'à Sainte- Croix , quelques Compagnies de la Garnison de ce Château ,
sortirent pour renforcer l'Escorte , et se posterent sous le Canon du demi- Bastion , qui fit un
feu si continuel et si violent , que les Maures en
furent épouventez , et s'il eût été permis au Chevalier de Wogan de contrevenir aux ordres du
Marquis de Santa-Cruz, et de passer les bords du
Baranco , on ne doute point qu'il ne les`eût chassez de leur retranchement, et qu'il n'eût pû jetter
leur batterie dans les précipices; mais le Marquis de Santa Cruz n'avoit d'autre vûé que de secou
rir le Fort sans rien risquer ; cependant les En- nemis voyant qu'on ne tentoit pas de passer le
Baranco , revinrent y planter leurs Etendarts par
maniere de défi , et il y eut pendant une heure un
feu continuel de Mousqueterie , qui leur tua plus
de 1000 ou 1200. hommes. Bigotillos ayant fait
revenir une partie de ses Troupes , que la fausse attaque du Fort S. Philippe avoit attirée , se dé- termina à traverser la gorge du Baranco. Alors
le Chevalier de Wogan fit marcher deux Compagnies de Grenadiers pour occuper le passage de cette gorge , par lequel les Maures auroient pu couper le Convoy, ils commencerent à entrer dans
Sainte Croix , ce qui obligea Bigotillos à changer de dessein , quoique ses Troupes qui étoient
alors dans la gorge, montassent à plus de 15000
hommes , et après avoir essuyé plusieurs déchar ges de l'Artillerie du Fort , il alla se mettre à
couvert derriere les Rochers qui sont au - dessous
du Château , d'où les bombes qu'on y rouloit ,
obligerent les Maures de se retirer et de remonter i. Vol.
wyers
2585 MERCURE DE FRANCE
vers leur batterie , dont un coup de Canon bles
sa un Officier Espagnol et couvrit de poussiere le Chevalier de Wogan.
Vers les neuf heures du matin , toutes les voitures du Convoi étant retournées à Oran , après
avoir déchargé leurs provisions dans le Fort de
Sainte Croix , la Cavalerie du Détachement se
mit en bataille du côté de la Marine , pour soutenir l'Infanterie voisine dans sa retraite. Le
Chevalier deWogan reçut en cet endroit un coup
de fusil qui l'obligea de se retirer et de laisser le
commandement au Marquis de Turbilly , son
Lieutenant Colonel ; il étoit resté vers le Rocher
de Sainte- Croix six Compagnies de Grenadiers ,
dont trois devoient rentrer dans le Château, et les
trois autres retourner à Oran avec le reste du Détachement.
La Cavalerie , par un ordre mal entendu , commençoit déja à défiler , et ne pouvoit plus les secourir , desorte que ces Compagnies furent obligées de lâcher pied et de se retirer en confusion,
trois sous le Canon de Sainte Croix et le reste du
côté du Fortin de la Marine. Un Capitaine du
Régiment de Dragons de Belgia , nommé le Chevalier de Wuilts , au desespoir de voir les Maures
courir la Plaine impunément , s'avança à la tête
de 30. de ses Dragons , les arrêta pour quelque
temps, et après en avoir tué un grand nombre, et
perdu la moitié de sa Troupe , il se retira en bon ordre.
Les Maures , de leur côté , craignant une sortie
de la Garnison d'Oran , se retirerent par les Rochers de Sainte- Croix , où ils essuyerent tout le
feu de l'Artillerie du Château , et on compte que
pendant le défilé du Convoy , ils ont perdu prés
de 3000. hommes , parmi lesquels il y a cu 19.
" I. Vol.
Agas
DECEMBRE. 1732. 2587
Agas ou Officiers de distinction et un des fils de
Bigotillos. Cette journée a été très- glorieuse pour
les Espagnols , malgré la déroute des Compagnies
de Grenadiers qui n'ont pû faire assez iôt leur retraite.
Le Château de Sainte-Croix a présentement
en abondance toutes sortes de provisions et de munitions de guerre; l'entrée du Convoy a tellement déconcerté les Turcs et les Maures , que
malgré le cordon ou la ligne que Bigotillos avoit fait faire derriere son Camp , pour empêcher la
désertion , la plus grande partie de sa Cavalerie l'a abandonné. Le Détachement de la Garnison
d'Oran n'étoit en tout que de 1300. hommes.
L'Armée des Maures , dont ce Détachement a
soutenu les differentes attaques , étoit au moins de 17. à 18000. hommes.
On a appris par des Lettres posterieures , qu'on
avoit construit un Ouvrage entre le Château de
Sainte-Croix et celui de S. Gregoire , pour conserver la communication entre ces deux Forts ,
qu'on avoit introduit un nouveau secours dans le
premier , dont les Maures continuoient le Siege ,
mais avec moins de vigueur que cy-devant , qu'ils
avoient fait sauter une Mine qui n'avoit point endommagé la muraille , mais qui avoit tué trois
Mineurs d'une Contremine et blessé trois Grenadiers , qu'il n'y avoit que trois minutes que le
Marquis de Santa- Cruz et M. de la Croix , Commandant de l'Artillerie , étoient sortis de cette
Contremine , qu'ils étoient allé visiter ; que les
trois derniers jours du mois d'Octobre , l'Artil- lerie des Ennemis avoit fait peu de feu ; qu'on
avoit appris depuis que de trois grosses pieces de
Canons qu'ils avoient dans leur batterie de la
Mezetta , il y en avoit deux de crevées ; que les I. Vel, Maures
2588 MERCURE DE FRANCE
>
Maures qui font le Siege du Fort de S. Philippe ,
avoient cessé de tirer depuis cinq jours , ce qu'on
attribue au deffaut de Munitions et aux pluyes continuelles qui sont tombées pendant ce tempslà, et qui ont inondé toutes leurs tranchées ; enfin
que la Garnison avoit profité de ce temps pour
élever une nouvelle batterie , qui incommodoit
beaucoup les Ennemis , et que le fils du feu Dey
d'Alger, qui commande au Siege du Fort de
S. Philippe et qui s'en étoit absenté pendant
quelques jours , y étoit révenu
Cependant il est arrivé à Oran plusieurs secours de Troupes et de Provisions , ensorte qu'il
y a tout lieu d'esperer que les Maures , après
avoir perdu bien du monde , n'auront fait qu'une
tentative inutile et témeraire. Les principaux Algeriens sont convenus eux-mêmes en plein Divan, que sans le secours d'une Flote , qu'ils ne
sont pas en état d'équiper , il leur est absolument
impossible de reprendre cette Place. Il est vrai
que suivant les dernieres Lettres il avoit paru au commencement de Novembre aux environs d'Oran , huit ou neuf Vaisseaux de guerre d'Alger ;
mais ces Lettres ajoûtent que sur les premiers
avis , le Roy d'Espagne avoit envoyé des ordres précis aux Commandans de trois de ses Vaisseaux de guerre , de joindre trois autres
Vaisseaux de guerre de Malthe qui sont dans ces
Mers et d'aller attaquer conjointement les Vaisseaux Turcs; ensorte , Monsieur , que nous sommes actuellement dans l'attente de plusieurs nouvelles importantessur la suite des affaires d'Oran.
Je renvoye à une autre Lettre celles qui regardent Ceuta , pour ne point donner ici dans
une excessive longueur. J'ai l'honneur d'être, &c.
A Paris , le 22. Novembre 1732.
I. Vol.
R
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Résumé : SIXIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet de la Conquête d'Oran, &c.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. décrit la situation à Oran et les opérations militaires des Maures. Contrairement aux attentes, les Maures ont lancé des offensives en hiver pour reprendre Oran et Ceuta. La prise de ces villes par l'Espagne avait initialement causé une consternation à Alger, mais la retraite de l'armée espagnole et la mort du Dey avaient redonné courage aux Maures. Les Maures ont envoyé des renforts à Bigotillos, un renégat catalan et ancien gouverneur d'Oran, qui harcelait la garnison espagnole. Ils ont tenté de surprendre des châteaux autour d'Oran, mais ont été repoussés. Le 4 octobre, un combat significatif a eu lieu lors de l'escorte d'un convoi vers le château de Sainte-Croix. Les Espagnols, sous le commandement du Chevalier Wogan, ont réussi à sécuriser le convoi malgré les attaques des Maures, qui ont subi de lourdes pertes. Le château de Sainte-Croix est désormais bien approvisionné, et les Maures ont perdu une grande partie de leur cavalerie. Des renforts espagnols sont arrivés à Oran, et les Maures semblent manquer de munitions. La situation reste tendue, avec des attentes de nouvelles importantes concernant les opérations à Oran.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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336
p. 2591-2594
LETTRE du R. P. Dom Toussaints du Plessis, écrite de Roüen le 14. Novembre 1732. sur quelques endroits de son Histoire de l'Eglise de Meaux.
Début :
On m'a fait remarquer une ou deux fautes qui me sont échappées dans [...]
Mots clefs :
Histoire de l'Église de Meaux, Fautes
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE du R. P. Dom Toussaints du Plessis, écrite de Roüen le 14. Novembre 1732. sur quelques endroits de son Histoire de l'Eglise de Meaux.
LETTRE du R. P. Dom Toussaints
du Plessis , écrite de Rouen le 14. Novembre 1732. sur quelques endroits de
son Histoire de l'Eglise de Meaux.
O
fautes
qui
N m'a fait remarquer une ou deux
qui me sont échappées dans l'Histoire de l'Eglise de Meaux , et j'en
avois déja moi-même apperçu une autre.
Il est juste de me corriger ; cette Lettre
pourra servir d'Errata à mon Livre ; je
vous prie , Monsieur , de vouloir bien la
rendre publique.
1°. A la page 427. je dis que le second
Chapitre Generalde la Congrégation de Saint
Maur, se tint dans l'Abbaye de S. Faros
de Meaux en 1623. Il y eut , à la verité ,
un Chapitre General à S. Faron , le 14.
Septembre 1623. mais ce fut le cinquié
me, et non le second. Le premier fus
tenu à Paris aux Blancs-Manteaux , le 29.
Septembre 1618. Le second , au même
licu , le 7. Février 1720. Le troisième ,
dans l'Abbaye de Jumiege en Normandie , le 8. Juillet 1621. Le quatrième ,
dans celle de Corbie en Picardie , en 1622.
et enfin le cinquième à S. Faron, en 1623 .
1. Vol D 2 .
2592 MERCURE DE FRANCE
,
2. A la page 594. dans le Catalogue
des Abbesses de Jouarre , j'ai dit que
Jeanne de Lorraine étoit Professe du
Monastere de Promille Ordre de FontEvraud. On ne connoît point , dit-on ,
de Maison de ce nom dans tout l'Ordre.
Ainsi, ou elle n'étoit pas Professe de l'Or
dre de Fond- Evraud , ou elle l'étoit d'un
autre Monastere.
que
3º. Ala page 599. dans le Catalogue
des Abbesses de N. D. de Meaux , j'ai dit
Me de Mornay de Montchevreuil
étoit Niece d'une autre Dame de Montchevreuil , Abbesse de S. Antoine des
Champs à Paris. Elle étoit sa sœur , me
marque- t'on , et non sa niece.
A la page 161. où je parle du Monastere de Raroy , je dis que MM. de
Gesvres se sont approprié la Justice de
ce lieu ; et cette expression a fait de la
peine. C'est donner à entendre , me diton, qu'ils l'ont usurpée. Cependant je
ne farde point trop mes expressions quand
je veux parler d'usurpation , je ne vais
point chercher d'autre mot que celui d'usurpation même. Ici s'approprier ne peut
signifier autre chose qu'acquerir ou acheter; je renvoye même mon Lecteur à un
Traité de l'an 1618. que j'ai inseré dans
le second Tome , et qui fait foi de cette
.
I. Vol. acquisition
DECEMBRE. 1732. 2593
acquisition. C'en est assez , je crois , pour
me laver d'un pareil reproche.
A la page 638. de ce second Tome,
dans le Pouillié , on trouve l'article de
Croйy. Là , dit- on , j'avance que le Curé
de cette Paroisse , en abandonnant Raroy
à celle de Trêmes ou de Gesvres- le- Duc ,
n'a pû transiger sur cela au nom de ses
Successeurs. Or c'est ce que je ne dis en
aucune maniere ; j'observe seulement que
le Curé de Croüy le dit ainsi . Il est vrai
qu'en cela je parois donner quelque poids
à la prétention du Curé de Crouy ; et on
m'objecte une Sentence de M. le Cardinal de Bissy , qu'on ne date point , mais
qui attache , dit- on , pour toujours à la
Paroisse de Gesvres , les Domestiques du
dehors et les Fermiers de Raroy. Je ne
doute point que cette Sentence ne soit
dans toutes les formes , mais très- certai
nement elle ne m'a point été communiquée. Il en sera de même apparemment
de plusieurs autres omissions que l'on
pourra me reprocher ; mais que l'on auroit tort , par cette même raison , de re
jetter sur mon compte.
J'ai tâché de prouver dans une de mes
Notes ( Tome I. page 698. ) que sainte
Aubierge n'étoit point bâtarde , et que
le Filia naturalis du venerable Bede ne
I. Vol. Dij peur
2594 MERCURE DE FRANCE
peut signifier autre chose que Fille légi
time d'Anne , Roy d'Estanglie , et d'Hereswite , son Epouse. Comme mes preuves n'ont pas satisfait également tous mes
Lecteurs , je renvoye ceux qui ont de la
peine à se rendre au troisiéme Tome du
Spicilege de Dom Luc d'Achery , page
258. ils y trouveront que Hardecanut ,
fils légitime de Canut , est appellé filius
naturalis , par opposition même à Harold,
qui étoit son bâtard. Je suis , &c.
du Plessis , écrite de Rouen le 14. Novembre 1732. sur quelques endroits de
son Histoire de l'Eglise de Meaux.
O
fautes
qui
N m'a fait remarquer une ou deux
qui me sont échappées dans l'Histoire de l'Eglise de Meaux , et j'en
avois déja moi-même apperçu une autre.
Il est juste de me corriger ; cette Lettre
pourra servir d'Errata à mon Livre ; je
vous prie , Monsieur , de vouloir bien la
rendre publique.
1°. A la page 427. je dis que le second
Chapitre Generalde la Congrégation de Saint
Maur, se tint dans l'Abbaye de S. Faros
de Meaux en 1623. Il y eut , à la verité ,
un Chapitre General à S. Faron , le 14.
Septembre 1623. mais ce fut le cinquié
me, et non le second. Le premier fus
tenu à Paris aux Blancs-Manteaux , le 29.
Septembre 1618. Le second , au même
licu , le 7. Février 1720. Le troisième ,
dans l'Abbaye de Jumiege en Normandie , le 8. Juillet 1621. Le quatrième ,
dans celle de Corbie en Picardie , en 1622.
et enfin le cinquième à S. Faron, en 1623 .
1. Vol D 2 .
2592 MERCURE DE FRANCE
,
2. A la page 594. dans le Catalogue
des Abbesses de Jouarre , j'ai dit que
Jeanne de Lorraine étoit Professe du
Monastere de Promille Ordre de FontEvraud. On ne connoît point , dit-on ,
de Maison de ce nom dans tout l'Ordre.
Ainsi, ou elle n'étoit pas Professe de l'Or
dre de Fond- Evraud , ou elle l'étoit d'un
autre Monastere.
que
3º. Ala page 599. dans le Catalogue
des Abbesses de N. D. de Meaux , j'ai dit
Me de Mornay de Montchevreuil
étoit Niece d'une autre Dame de Montchevreuil , Abbesse de S. Antoine des
Champs à Paris. Elle étoit sa sœur , me
marque- t'on , et non sa niece.
A la page 161. où je parle du Monastere de Raroy , je dis que MM. de
Gesvres se sont approprié la Justice de
ce lieu ; et cette expression a fait de la
peine. C'est donner à entendre , me diton, qu'ils l'ont usurpée. Cependant je
ne farde point trop mes expressions quand
je veux parler d'usurpation , je ne vais
point chercher d'autre mot que celui d'usurpation même. Ici s'approprier ne peut
signifier autre chose qu'acquerir ou acheter; je renvoye même mon Lecteur à un
Traité de l'an 1618. que j'ai inseré dans
le second Tome , et qui fait foi de cette
.
I. Vol. acquisition
DECEMBRE. 1732. 2593
acquisition. C'en est assez , je crois , pour
me laver d'un pareil reproche.
A la page 638. de ce second Tome,
dans le Pouillié , on trouve l'article de
Croйy. Là , dit- on , j'avance que le Curé
de cette Paroisse , en abandonnant Raroy
à celle de Trêmes ou de Gesvres- le- Duc ,
n'a pû transiger sur cela au nom de ses
Successeurs. Or c'est ce que je ne dis en
aucune maniere ; j'observe seulement que
le Curé de Croüy le dit ainsi . Il est vrai
qu'en cela je parois donner quelque poids
à la prétention du Curé de Crouy ; et on
m'objecte une Sentence de M. le Cardinal de Bissy , qu'on ne date point , mais
qui attache , dit- on , pour toujours à la
Paroisse de Gesvres , les Domestiques du
dehors et les Fermiers de Raroy. Je ne
doute point que cette Sentence ne soit
dans toutes les formes , mais très- certai
nement elle ne m'a point été communiquée. Il en sera de même apparemment
de plusieurs autres omissions que l'on
pourra me reprocher ; mais que l'on auroit tort , par cette même raison , de re
jetter sur mon compte.
J'ai tâché de prouver dans une de mes
Notes ( Tome I. page 698. ) que sainte
Aubierge n'étoit point bâtarde , et que
le Filia naturalis du venerable Bede ne
I. Vol. Dij peur
2594 MERCURE DE FRANCE
peut signifier autre chose que Fille légi
time d'Anne , Roy d'Estanglie , et d'Hereswite , son Epouse. Comme mes preuves n'ont pas satisfait également tous mes
Lecteurs , je renvoye ceux qui ont de la
peine à se rendre au troisiéme Tome du
Spicilege de Dom Luc d'Achery , page
258. ils y trouveront que Hardecanut ,
fils légitime de Canut , est appellé filius
naturalis , par opposition même à Harold,
qui étoit son bâtard. Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE du R. P. Dom Toussaints du Plessis, écrite de Roüen le 14. Novembre 1732. sur quelques endroits de son Histoire de l'Eglise de Meaux.
Dans une lettre datée du 14 novembre 1732, le R. P. Dom Toussaints du Plessis corrige plusieurs erreurs présentes dans son 'Histoire de l'Eglise de Meaux'. Il rectifie d'abord l'année du second Chapitre Général de la Congrégation de Saint Maur, précisant qu'il s'est tenu en 1623 à l'Abbaye de Saint-Faron de Meaux et qu'il s'agissait en réalité du cinquième Chapitre. Il détaille ensuite les dates et lieux des premiers Chapitres. Il corrige également une erreur concernant Jeanne de Lorraine, qui n'était pas Professe du Monastère de l'Ordre de Fontevraud. De plus, il précise que Me de Mornay de Montchevreuil était la sœur, et non la nièce, d'une autre Dame de Montchevreuil. La lettre aborde également des clarifications sur des expressions et des faits historiques, notamment concernant la justice du Monastère de Raroy et les prétentions du Curé de Croüy. Enfin, il défend la légitimité de sainte Aubierge, renvoyant les lecteurs à des sources pour des preuves supplémentaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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337
p. 2618-2625
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République [...]
Mots clefs :
Histoire, Savants, Mémoires, Hommes illustres, R. P. Niceron, Jacques Sirmond
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texteReconnaissance textuelle : Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
EMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République des Lettres , &c. T. XVIl. de 408.
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science
M. DCC. XXXII.
Voici les noms des Sçavans dont il est
fait mention dans le xv11. Volume des
Mémoires du R. P. Niceron , qui continuent d'être bien reçûs du Public,
Henri Corneille Agrippa. Pierre Ayrault. Guillaume Barclay. Jean Barclay.
Gaspard Bauhin. Jean Baukin. Jordanus
1. vol.
Bru
DECEMBRE. 1732 2619
Brunus. Jean Chapeauville. Hilarion de
Coste. André Dudith. Charles Riviere Dufreny. Jacques Philippe Foresta. Jerôme Fracastor. Conrad Gesner. DenisGodefroy l'His>`·
torien. Jacques Godefroy. Theodore Godefroy. François Guichardin. Louis Guichardin. Jean Henri Heidedger. J. Gentien
Hervet. Christophe de Longueil. Gilbert
de Longüeil. Charles Paschal. Claude Pocquet Delivonniere. Modesta Pozzo. Eri→
cius Puteanus. Jean Savaron. Jacques Sirmond. Luc Tozzi.
Nous insererons ici , selon notre coûtume , l'un des articles de ces Mémoires ,
& nous croyons faire plaisir à nos Lectcurs , de choisir par préférence celui qui:
regarde le sçavant Pere Sirmond.
Jacques Sirmond nâquit le 12 Octobre 1559. à Riom en Auvergne , de Jean
Sirmond , Magistrat de cette Ville , et
d'Amable Barrier. Lorsqu'il eut 10 ans ,
ses parens l'envoyerent à Billon , Ville de
la basse Auvergne , pour y étudier dans
le College des Jésuites , qui est le premier qu'ils ayent eu en France.
Après qu'il eut fait ses Humanitez , il
entra dans leur Compagnie le 26 Juillet
1576. et en reçût l'Habit le 21 Août suivant dans sa 17 année. Il commença son
Noviciat à Verdun , dont il acheva les
I. Vol. E iij deux
620 MERCURE DE FRANCE
deux années à Pont-à-mousson , où il fir
ses vœux.
Il étudia ensuite en Philosophie, après
quoi sesSuperieurs connoissant ses talens,
le firent venir à Paris , où il professa deux
ans les Humanitez , et trois ans la Rhetorique. Il eut alors l'honneur d'avoir
pour Disciples Charles de Valois , Duc
d'Angoulême , Fils naturel de Charles IX.
et S. François de Sales.
Ce fut pendant ce peu de tems qu'il
acquit une parfaite connoissance des Langues Latine et Grecque , et qu'il se forma ce beau stile , qui joint à la solidité
de son jugement , et à la justesse de ses
pensées , a fait estimer tout ce qui est
sorti de sa plume. M. Cousin nous apprend dans le Journal des Sçavans , qu'il
avoit pris Muret pour son modele , et
qu'il ne laissoit passer aucun jour sans en
lire quelques pages.
En 1586. il commença son Cours de
Theologie , qui dura quatre ans , pendant lesquels il eut pour compagnon d'études le célébre Fronton du Duc. Il ne
se contenta pas d'une Scholastique séche
et décharnée telle qu'on l'enseignoit
alors , il lût avec soin les Saints Peres et
les Auteurs Ecclesiastiques , et entreprit
même dès lors de traduire en Latin quelو
I.Vel ques
DECEMBRE. 1732 2621
ques Ouvrages des Peres Grecs , et de
composer des Remarques sur Sidonius.
A peine fut- il sorti de Theologie , que
le P. Claude Aquaviva , General de sa
Compagnie , l'appella en 1590. à Rome,
pour être son Secretaire , et il s'acquitta
pendant plus de seize ans de cet emploi
avec un succès qui répondit parfaitement
aux espérances qu'on avoit conçues de
lui.
Ses heures de loisir étoient employées à
l'étude de l'Antiquité : il visitoit les Bibliotheques , et en consultoit les Manuscrits , il s'appliquoit aussi à l'étude des
Antiques , des Médailles et des Inscriptions ; et les Italiens , quoique jaloux de
la gloire de leur Nation , ne se faisoient
point une honte de le consulter fur ces
sortes de matieres , persuadez que ses connoissances pouvoient suppléer aux lumie
res qui leur manquoient.
Le P. Sirmond pendant fon séjour en
Italie , lia un commerce d'amitié avec
les Sçavans les plus illustres , qui y vivoient alors , & particulierement avec
Bellarmin et Tolet , qui étoient de sa Societé et avec les Cardinaux Baronius,d'Ossal et du Perron, Le Cardinal Baronius
tira même de lui de grands fecours pour
ses Annales Ecclesiastiques , principale
I. Vol. E iiij ment
2622 MERCURE DE FRANCE
ment par rapport à l'Histoire Grecque ,
sur laquelle il lui fournit un grand nombre de Piéces traduites de Grec en Latin.
Il revint à Paris en 1608. et depuis
ce temps-là il ne cessa point d'enrichir
le Public de nouveaux Ouvrages. Il demeura d'abord environ quatre ans dans
la Maison Professe , d'où il passa sur la
fin de 1612. au College , où il devoit être
plus commodément pour travailler à la
collection des Conciles de France , qu'il
avoit entreprise , et cinq ans après il en
fut fait Recteur.
Le Pape Urbain VIII. qui connoissoit
depuis long-temps son mérite , voulut
l'attirer de nouveau à Rome , et fit écrire
pour cela en France par le P. Vitelleschi,
qui étoit alors General de la Compagnie;
mais Louis XIII. ne voulut pas souffrir
qu'on lui ravit un Homme qui faisoit tant
d'honneur à son Royaume , et qui pouvoit lui rendre de grands services.
Sur la fin du mois de Décembre de l'an
1637. il fut choisi pour être Confesseur
du Roi à la place du P. Caussin. Il eut de
la peine à accepter un poste si délicat ;
quelques-uns même de ses amis , qui ne
songeoient qu'au tems qu'il leur alloit
dérober , jugeoient qu'il lui convenoit
moins qu'à un autre ; mais enfin obligé
I.Vol. de
- DECEMBR E. 1732: 2623
,
de se soumettre au choix qui avoit été
fait de lui , il se conduisit à la Cour avec
tant de précautions et de prudence , qu'il
n'y donna jamais à personne le moindre
sujet de plainte. Renfermé dans les bornes de son Ministere , il ne s'y mêla d'aucune affaire temporelle , et témoigna un
désinteressement si parfait , qu'il n'avança aucun de ses parens , et ne demanda
qu'un petit Benefice pour M. de la Lande,
son Neveu , auquel même il fut contesté.
Après la mort de Louis XIII. arrivée le
14 Mai 1643. il quitta la Cour , et reprit
ses occupations ordinaires avec la même
tranquillité , que s'il ne fut jamais sorti
de sa Retraite. 10
,
En 1645. il voulut bien , malgré son
grand âge , aller encore à Rome en qualité de Député des Jésuites de France
pour y assister à l'élection d'un General
à la place du P. Vitelleschi , comme il avoit fait trente ans auparavant , après
la mort du Pere Aquaviva , son prédécesseur.
De retour en France , il donna encore
quelques Ouvrages au Public , et il se préparoit à en mettre d'autres sous la presse ,
lorsqu'au retour d'une Assemblée tenue
à la Maison Professe , où il s'étoit un peu
I.Vol. Ev échauffé
2624 MERCURE DE FRANCE
échauffé, en soûtenant son avis, il fut attaqué d'une maladie , qui peu de jours
après se trouva accompagnée d'un débordement de bîle par tout le corps. Il en
mourut le 7. Octobre 1651. âgé de 92.
ans.
» Il avoit sçu joindre une grande dé-
» licatesse d'esprit et un discernement
très-juste , avec une profonde érudi-
» tion. Il sçavoit en perfection le Grec, le
» Latin , les Auteurs Profanes , l'Histoi-
» re et, tout ce qui s'appelle Belles- Let-
» tres. Il avoit une connoissance fort
étendue de l'Antiquité Ecclesiastique ,
» et avoit étudié avec soin les Auteurs du
» moyen âge. Son stile est pur , concis et
»serré. Il affecte néanmoins trop , de se
servir de certains mots des Poëtes
» Comiques. Il méditoit beaucoup sur ce
» qu'il écrivoit , et avoit un art tout par-
» ticulier de le réduire en une Note qui
»comprenoit bien des choses en peu de
mots , sans être chargée de rien d'inu-
» tile ou d'étranger. Il est éxact , judi-
» cieux , simple , et cependant . n'omet
»rien de ce qui est nécessaire. Ses Disser-
» tations ont passé pour un modele sur
»lequel il seroit à souhaitter qu'on se
»format. Quand il traitoit une matiere
» il ne disoit jamais d'abord tout ce qu'il
I. Vol. sça-
DECEMBRE. 1732. 2625
» sçavoit , et se réservoit toujours de nous.
» veaux argumens pour la réplique , com-
»me des troupes auxiliaires , pour venir
» au secours du corps de bataille. Il étoit
» désinteressé , équitable , moderé , sin-
» cere , modeste , laborieux , et cepen-
» dant familier , conversant agréablement
» avec ses amis , et appliqué à ses devoirs.
Il s'étoit attiré par son érudition et par
>> ses manieres , l'estime non seulement
» des Sçavans , mais encore de tous les
»honnêtes gens. Il a laissé après lui une
>> réputation qui durera pendant plusieurs
"siécles. C'est le jugement que M. Dupin
porte de cet Auteur.
»
Suit le Catalogue raisonné des Ouvrages
du P. Sirmond , qu'on ne sçauroit lire
sans admiration et sans profit. D'un côté ,
le fonds des matieres , et de l'autre l'arrangement et les Remarques de l'Editeur
ont de quoi satisfaire les Lecteurs intelli.
gens. Nous sommes fâchez de ne pouvoir
rapporter ce Catalogue à cause de sa prolixité. Il contient 55 Articles bien rem
plis. Les Antiquaires doivent s'interesser
aux Art. 43. 44. et 45.
des Hommes Illustres dans la République des Lettres , &c. T. XVIl. de 408.
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science
M. DCC. XXXII.
Voici les noms des Sçavans dont il est
fait mention dans le xv11. Volume des
Mémoires du R. P. Niceron , qui continuent d'être bien reçûs du Public,
Henri Corneille Agrippa. Pierre Ayrault. Guillaume Barclay. Jean Barclay.
Gaspard Bauhin. Jean Baukin. Jordanus
1. vol.
Bru
DECEMBRE. 1732 2619
Brunus. Jean Chapeauville. Hilarion de
Coste. André Dudith. Charles Riviere Dufreny. Jacques Philippe Foresta. Jerôme Fracastor. Conrad Gesner. DenisGodefroy l'His>`·
torien. Jacques Godefroy. Theodore Godefroy. François Guichardin. Louis Guichardin. Jean Henri Heidedger. J. Gentien
Hervet. Christophe de Longueil. Gilbert
de Longüeil. Charles Paschal. Claude Pocquet Delivonniere. Modesta Pozzo. Eri→
cius Puteanus. Jean Savaron. Jacques Sirmond. Luc Tozzi.
Nous insererons ici , selon notre coûtume , l'un des articles de ces Mémoires ,
& nous croyons faire plaisir à nos Lectcurs , de choisir par préférence celui qui:
regarde le sçavant Pere Sirmond.
Jacques Sirmond nâquit le 12 Octobre 1559. à Riom en Auvergne , de Jean
Sirmond , Magistrat de cette Ville , et
d'Amable Barrier. Lorsqu'il eut 10 ans ,
ses parens l'envoyerent à Billon , Ville de
la basse Auvergne , pour y étudier dans
le College des Jésuites , qui est le premier qu'ils ayent eu en France.
Après qu'il eut fait ses Humanitez , il
entra dans leur Compagnie le 26 Juillet
1576. et en reçût l'Habit le 21 Août suivant dans sa 17 année. Il commença son
Noviciat à Verdun , dont il acheva les
I. Vol. E iij deux
620 MERCURE DE FRANCE
deux années à Pont-à-mousson , où il fir
ses vœux.
Il étudia ensuite en Philosophie, après
quoi sesSuperieurs connoissant ses talens,
le firent venir à Paris , où il professa deux
ans les Humanitez , et trois ans la Rhetorique. Il eut alors l'honneur d'avoir
pour Disciples Charles de Valois , Duc
d'Angoulême , Fils naturel de Charles IX.
et S. François de Sales.
Ce fut pendant ce peu de tems qu'il
acquit une parfaite connoissance des Langues Latine et Grecque , et qu'il se forma ce beau stile , qui joint à la solidité
de son jugement , et à la justesse de ses
pensées , a fait estimer tout ce qui est
sorti de sa plume. M. Cousin nous apprend dans le Journal des Sçavans , qu'il
avoit pris Muret pour son modele , et
qu'il ne laissoit passer aucun jour sans en
lire quelques pages.
En 1586. il commença son Cours de
Theologie , qui dura quatre ans , pendant lesquels il eut pour compagnon d'études le célébre Fronton du Duc. Il ne
se contenta pas d'une Scholastique séche
et décharnée telle qu'on l'enseignoit
alors , il lût avec soin les Saints Peres et
les Auteurs Ecclesiastiques , et entreprit
même dès lors de traduire en Latin quelو
I.Vel ques
DECEMBRE. 1732 2621
ques Ouvrages des Peres Grecs , et de
composer des Remarques sur Sidonius.
A peine fut- il sorti de Theologie , que
le P. Claude Aquaviva , General de sa
Compagnie , l'appella en 1590. à Rome,
pour être son Secretaire , et il s'acquitta
pendant plus de seize ans de cet emploi
avec un succès qui répondit parfaitement
aux espérances qu'on avoit conçues de
lui.
Ses heures de loisir étoient employées à
l'étude de l'Antiquité : il visitoit les Bibliotheques , et en consultoit les Manuscrits , il s'appliquoit aussi à l'étude des
Antiques , des Médailles et des Inscriptions ; et les Italiens , quoique jaloux de
la gloire de leur Nation , ne se faisoient
point une honte de le consulter fur ces
sortes de matieres , persuadez que ses connoissances pouvoient suppléer aux lumie
res qui leur manquoient.
Le P. Sirmond pendant fon séjour en
Italie , lia un commerce d'amitié avec
les Sçavans les plus illustres , qui y vivoient alors , & particulierement avec
Bellarmin et Tolet , qui étoient de sa Societé et avec les Cardinaux Baronius,d'Ossal et du Perron, Le Cardinal Baronius
tira même de lui de grands fecours pour
ses Annales Ecclesiastiques , principale
I. Vol. E iiij ment
2622 MERCURE DE FRANCE
ment par rapport à l'Histoire Grecque ,
sur laquelle il lui fournit un grand nombre de Piéces traduites de Grec en Latin.
Il revint à Paris en 1608. et depuis
ce temps-là il ne cessa point d'enrichir
le Public de nouveaux Ouvrages. Il demeura d'abord environ quatre ans dans
la Maison Professe , d'où il passa sur la
fin de 1612. au College , où il devoit être
plus commodément pour travailler à la
collection des Conciles de France , qu'il
avoit entreprise , et cinq ans après il en
fut fait Recteur.
Le Pape Urbain VIII. qui connoissoit
depuis long-temps son mérite , voulut
l'attirer de nouveau à Rome , et fit écrire
pour cela en France par le P. Vitelleschi,
qui étoit alors General de la Compagnie;
mais Louis XIII. ne voulut pas souffrir
qu'on lui ravit un Homme qui faisoit tant
d'honneur à son Royaume , et qui pouvoit lui rendre de grands services.
Sur la fin du mois de Décembre de l'an
1637. il fut choisi pour être Confesseur
du Roi à la place du P. Caussin. Il eut de
la peine à accepter un poste si délicat ;
quelques-uns même de ses amis , qui ne
songeoient qu'au tems qu'il leur alloit
dérober , jugeoient qu'il lui convenoit
moins qu'à un autre ; mais enfin obligé
I.Vol. de
- DECEMBR E. 1732: 2623
,
de se soumettre au choix qui avoit été
fait de lui , il se conduisit à la Cour avec
tant de précautions et de prudence , qu'il
n'y donna jamais à personne le moindre
sujet de plainte. Renfermé dans les bornes de son Ministere , il ne s'y mêla d'aucune affaire temporelle , et témoigna un
désinteressement si parfait , qu'il n'avança aucun de ses parens , et ne demanda
qu'un petit Benefice pour M. de la Lande,
son Neveu , auquel même il fut contesté.
Après la mort de Louis XIII. arrivée le
14 Mai 1643. il quitta la Cour , et reprit
ses occupations ordinaires avec la même
tranquillité , que s'il ne fut jamais sorti
de sa Retraite. 10
,
En 1645. il voulut bien , malgré son
grand âge , aller encore à Rome en qualité de Député des Jésuites de France
pour y assister à l'élection d'un General
à la place du P. Vitelleschi , comme il avoit fait trente ans auparavant , après
la mort du Pere Aquaviva , son prédécesseur.
De retour en France , il donna encore
quelques Ouvrages au Public , et il se préparoit à en mettre d'autres sous la presse ,
lorsqu'au retour d'une Assemblée tenue
à la Maison Professe , où il s'étoit un peu
I.Vol. Ev échauffé
2624 MERCURE DE FRANCE
échauffé, en soûtenant son avis, il fut attaqué d'une maladie , qui peu de jours
après se trouva accompagnée d'un débordement de bîle par tout le corps. Il en
mourut le 7. Octobre 1651. âgé de 92.
ans.
» Il avoit sçu joindre une grande dé-
» licatesse d'esprit et un discernement
très-juste , avec une profonde érudi-
» tion. Il sçavoit en perfection le Grec, le
» Latin , les Auteurs Profanes , l'Histoi-
» re et, tout ce qui s'appelle Belles- Let-
» tres. Il avoit une connoissance fort
étendue de l'Antiquité Ecclesiastique ,
» et avoit étudié avec soin les Auteurs du
» moyen âge. Son stile est pur , concis et
»serré. Il affecte néanmoins trop , de se
servir de certains mots des Poëtes
» Comiques. Il méditoit beaucoup sur ce
» qu'il écrivoit , et avoit un art tout par-
» ticulier de le réduire en une Note qui
»comprenoit bien des choses en peu de
mots , sans être chargée de rien d'inu-
» tile ou d'étranger. Il est éxact , judi-
» cieux , simple , et cependant . n'omet
»rien de ce qui est nécessaire. Ses Disser-
» tations ont passé pour un modele sur
»lequel il seroit à souhaitter qu'on se
»format. Quand il traitoit une matiere
» il ne disoit jamais d'abord tout ce qu'il
I. Vol. sça-
DECEMBRE. 1732. 2625
» sçavoit , et se réservoit toujours de nous.
» veaux argumens pour la réplique , com-
»me des troupes auxiliaires , pour venir
» au secours du corps de bataille. Il étoit
» désinteressé , équitable , moderé , sin-
» cere , modeste , laborieux , et cepen-
» dant familier , conversant agréablement
» avec ses amis , et appliqué à ses devoirs.
Il s'étoit attiré par son érudition et par
>> ses manieres , l'estime non seulement
» des Sçavans , mais encore de tous les
»honnêtes gens. Il a laissé après lui une
>> réputation qui durera pendant plusieurs
"siécles. C'est le jugement que M. Dupin
porte de cet Auteur.
»
Suit le Catalogue raisonné des Ouvrages
du P. Sirmond , qu'on ne sçauroit lire
sans admiration et sans profit. D'un côté ,
le fonds des matieres , et de l'autre l'arrangement et les Remarques de l'Editeur
ont de quoi satisfaire les Lecteurs intelli.
gens. Nous sommes fâchez de ne pouvoir
rapporter ce Catalogue à cause de sa prolixité. Il contient 55 Articles bien rem
plis. Les Antiquaires doivent s'interesser
aux Art. 43. 44. et 45.
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Résumé : Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Le texte présente les 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres', volume XVII, publié en 1732 à Paris par Briasson. Ce volume mentionne plusieurs savants, dont Henri Corneille Agrippa, Pierre Ayrault, Guillaume Barclay, et Jacques Sirmond. Jacques Sirmond, né le 12 octobre 1559 à Riom en Auvergne, a étudié au Collège des Jésuites à Billom. Il est entré dans la Compagnie de Jésus en 1576 et a commencé son noviciat à Verdun, le terminant à Pont-à-Mousson. Il a enseigné les humanités et la rhétorique à Paris, comptant parmi ses disciples Charles de Valois et François de Sales. Sirmond a acquis une maîtrise du latin et du grec, et a adopté un style influencé par Muret. En 1586, il a commencé ses études de théologie, durant lesquelles il a traduit des œuvres des Pères grecs et a composé des remarques sur Sidonius. En 1590, il a été appelé à Rome par le Père Claude Aquaviva pour devenir son secrétaire, poste qu'il a occupé pendant seize ans. À Rome, il a étudié l'antiquité, visité des bibliothèques, et consulté des manuscrits. Il a également collaboré avec des savants italiens comme Bellarmin et Baronius. De retour à Paris en 1608, Sirmond a continué à publier des ouvrages et a été nommé recteur du Collège en 1617. En 1637, il est devenu confesseur du roi Louis XIII, poste qu'il a occupé avec prudence et désintéressement. Après la mort du roi en 1643, il a repris ses occupations habituelles. En 1645, il est retourné à Rome pour l'élection d'un général des Jésuites. De retour en France, il a continué à publier jusqu'à sa mort le 7 octobre 1651, à l'âge de 92 ans. Sirmond est décrit comme un érudit polyglotte, maîtrisant le grec, le latin, et les auteurs profanes. Son style est pur et concis, et ses dissertations sont considérées comme des modèles. Il était désintéressé, équitable, et modeste, et a laissé une réputation durable. Le texte mentionne également un catalogue des œuvres de Sirmond, contenant 55 articles, et note l'intérêt des antiquaires pour certains articles spécifiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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338
p. 2714-2719
EXTRAIT d'une Lettre, écrite par l'Auteur du Voyage de Normandie, à Monsieur...
Début :
Je suis obligé, pour l'amour de la verité et de la justice, de passer condamnation [...]
Mots clefs :
Voyage de Normandie, Episcopat de Saint Renobert, Vérité, Erreur, Note, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre, écrite par l'Auteur du Voyage de Normandie, à Monsieur...
XTRAIT d'une Lettre , écrite par
l'Auteur du Voyage de Normandie , à
•
·Monsieur...
E suis obligé , pour l'amour de la ve
rité et de la justice, de passer condamnation sur deux ou trois fautes qui me
sont échappées dans la neuviéme Lettre
je me suis donné l'honneur de vous que
écrire , au sujet de mon Voyage de Basse
Normandie, imprimée dans le Mercure
Jrité et de la justice,
1. Vol. du
DECEMBRE. 1732. 2716
du mois d'Octobre dernier. La premiere
faute regarde le temps de l'Episcopat de
S. Renobert , Evêque de Bayeux , que je
reconnois , avec les meilleurs critiques ,
devoir être fixé dans le vII siécle , contre
la Chronologie du Païs , qui fait vivre ce
Saint au ou au 4 siecle, Je devois m'en
tenir là , et ne pas qualifier dans le même
endroit le même Saint de second Evêque de Bayeux ; ce qui ne peut s'accorder
avec l'exacte verité , ct avec la Chrono
logie , qui n'a semblé la mieux fondée.
Il se trouve une autre faute au même
endroit et sur le même sujet; mais elle est
si lourde et si frapante , que nul Lecteur
éclairé ne pourra jamais me l'imputer
personnellement. Je rapporte pour preuve que S. Renobert n'a vécu qu'au vn *
siecle qu'il assista en 630 à un Concile de Rheims. Au lieu de 630 , on a
imprimé 1630 ; mais cela , comme je l'ai
dit ne peut faire illusion à personne.
Cette preuve , au reste du temps de l'Episcopat de S. Reinobert , avoit déja été
employée par le R. P- Tournemine, dans
le Journal de Trevoux , d'Octobre 1714,
pag. 1780. contre l'Historien du Diocèse
de Bayeux , qu'une Legende fabuleuse
trompé sur cet article.
و
Une erreur plus considerable se trouve
I. Vol. Iiij
2716 MERCURE DE FRANCE
à la suite de ma Lettre , pag. 2128. à l'occasion de la ceremonie de la premiereEntrée publique des Evêques de Bayeuxdans cette Ville , et de la prise de possession de leur Eglise ; ceremonie dont
j'ai rapporté le précis , tiré du Procès .
verbal dressé en 1662. de ce qui fut observé en pareille occasion , à l'égard de
M. de Nesmond.
tre ,
Une Note mise au bas de cette page ,.
fait remarquer que la même ceremonie a
été renouvellée depuis peu de temps , à.
la prise de possession de M. de Luynes
actuellement Evêque de Bayeux , et qu'il.
ena paru une Relation en forme de Letaddressée par M. le Chevalier de
S.Jory , à Madame la Duchesse de Chevreuse , imprimée à Caën. Cette Relation , continue la Note , où il ne falloit
que de la simplicité et de l'exactitude, est
si pleine d'emphase et de choses déplacées , qu'on peut dire qu'elle n'a contenté personne.
Tout cela , à l'exception du renouvellement de la cerémonie, est erronné ; car la
veritable relation de cette cerémonie , qui
a été faite par M. le Chevalier de S. Jory , ne merite rien moins que cette qualification. Si quand on écrit on pouvoit
tout voir d'abord et tout éclaircir par soi1. vol. même
DECEMBRE. 1732. 2717
même , on ne seroit pas sujet à être trom-
, comme je l'ai effectivement été dans
le fait en question. Deux mots vont vous
apprendre comment.
•pé
>
Fort peu de tems après la prise de possession de M. de Luynes , un Professeur
d'Humanitez à Caën m'envoya une assez
ample relation de la cerémonie , compo
sée , disoit-il dans sa Lettre , par M. le
Chevalier de S. Jory en forme de Lettre
à M. la Duchesse de Chevreuse , et copiée sur l'Imprimé à Caën. Il est vrai que
cette copie étoit un Ouvrage tel que je
l'ai représenté dans la Note en question
et que personne de tous ceux à qui je le
communiquai n'en fut content : mais il
est vrai aussi que depuis l'impression de
ma IX. Lettre , la veritable Relation de
M. de S.Jory , imprimé à Caën chez Ca- velier , broch. in- 4. de 16 pages , adressée à Madame de Chevreuse , m'étant parvenue presque par hazard , j'ai reconnu
un Ouvrage tout différent , c'est-à- dire
une bonne Piéce , et fort bien écrite. J'ai
appris depuis que la personne , qui m'avoit envoyé la Relation manuscrite avoit
pris la liberté de la défigurer entierement
par des Additions , par des changemens
et par tout le mauvais qu'il y mit de son
chef, et jusqu'à des Vers de sa façon , ce
,
1. Vol. I iiij qui
2718 MERCURE DE FRANCE
qui donna lieu à ma remarque un peut
prématurée , et faite sur un veritable mal
entendu.
Je suis d'autant plus fâché de cette erreur , que je ne sçaurois trop-tôt rectifier , que plusieurs personnes de mérite
m'ont assûréque M. le Chevalier de S. Jory , que je n'ai pas l'honneur de connoître , est un très- galant homme qui pense
et écrit parfaitement bien, ce queje reconnois aujourd'hui moi- même , et que la
Remarque en question porte à faux , et
ne peut jamais le regarder.
.
L'Acte du doüaire de Judith , Comtesse de Normandie , de l'an 1008. publié
par D. Martenne dans le 1.tom. de ses
Anecdotes , qui contient les noms de plusieurs Bourgs de Normandie , fait actuellement le sujet des recherches dont
vous avez besoin. J'ai envoyé votre Mé
moire à notre habile Médecin de Caën
dont vous me parlez ; je sçai trop ce que
c'est que de s'adresser à des gens superficiels , ou prévenus de leur prétenduë capacité. Sa réponse , que j'attens, vous sera
exactement envoyée.
J'ai vu ici cet Eté le nouvel Historien
du Diocèse de Rouen. Il continuë son
travail avec toute l'ardeur possible , et il
ya tout lieu d'en attendre un bon suc1. Vel. cès.
DECEMBRE. 1732. 2719
cès. Vous avez vû un échantillon de son
exactitude et de son amour pour la verité.
dans un des derniers Mercures , à l'occasion de quelques Endroits de son Histoire
du Diocèse de Meaux. Tous les hommes
peuvent se tromper , mais tous ne sont
pas également disposez à reconnoître leurs
erreurs. Je suis , &c.
AParis , lex Decembre 1732.
l'Auteur du Voyage de Normandie , à
•
·Monsieur...
E suis obligé , pour l'amour de la ve
rité et de la justice, de passer condamnation sur deux ou trois fautes qui me
sont échappées dans la neuviéme Lettre
je me suis donné l'honneur de vous que
écrire , au sujet de mon Voyage de Basse
Normandie, imprimée dans le Mercure
Jrité et de la justice,
1. Vol. du
DECEMBRE. 1732. 2716
du mois d'Octobre dernier. La premiere
faute regarde le temps de l'Episcopat de
S. Renobert , Evêque de Bayeux , que je
reconnois , avec les meilleurs critiques ,
devoir être fixé dans le vII siécle , contre
la Chronologie du Païs , qui fait vivre ce
Saint au ou au 4 siecle, Je devois m'en
tenir là , et ne pas qualifier dans le même
endroit le même Saint de second Evêque de Bayeux ; ce qui ne peut s'accorder
avec l'exacte verité , ct avec la Chrono
logie , qui n'a semblé la mieux fondée.
Il se trouve une autre faute au même
endroit et sur le même sujet; mais elle est
si lourde et si frapante , que nul Lecteur
éclairé ne pourra jamais me l'imputer
personnellement. Je rapporte pour preuve que S. Renobert n'a vécu qu'au vn *
siecle qu'il assista en 630 à un Concile de Rheims. Au lieu de 630 , on a
imprimé 1630 ; mais cela , comme je l'ai
dit ne peut faire illusion à personne.
Cette preuve , au reste du temps de l'Episcopat de S. Reinobert , avoit déja été
employée par le R. P- Tournemine, dans
le Journal de Trevoux , d'Octobre 1714,
pag. 1780. contre l'Historien du Diocèse
de Bayeux , qu'une Legende fabuleuse
trompé sur cet article.
و
Une erreur plus considerable se trouve
I. Vol. Iiij
2716 MERCURE DE FRANCE
à la suite de ma Lettre , pag. 2128. à l'occasion de la ceremonie de la premiereEntrée publique des Evêques de Bayeuxdans cette Ville , et de la prise de possession de leur Eglise ; ceremonie dont
j'ai rapporté le précis , tiré du Procès .
verbal dressé en 1662. de ce qui fut observé en pareille occasion , à l'égard de
M. de Nesmond.
tre ,
Une Note mise au bas de cette page ,.
fait remarquer que la même ceremonie a
été renouvellée depuis peu de temps , à.
la prise de possession de M. de Luynes
actuellement Evêque de Bayeux , et qu'il.
ena paru une Relation en forme de Letaddressée par M. le Chevalier de
S.Jory , à Madame la Duchesse de Chevreuse , imprimée à Caën. Cette Relation , continue la Note , où il ne falloit
que de la simplicité et de l'exactitude, est
si pleine d'emphase et de choses déplacées , qu'on peut dire qu'elle n'a contenté personne.
Tout cela , à l'exception du renouvellement de la cerémonie, est erronné ; car la
veritable relation de cette cerémonie , qui
a été faite par M. le Chevalier de S. Jory , ne merite rien moins que cette qualification. Si quand on écrit on pouvoit
tout voir d'abord et tout éclaircir par soi1. vol. même
DECEMBRE. 1732. 2717
même , on ne seroit pas sujet à être trom-
, comme je l'ai effectivement été dans
le fait en question. Deux mots vont vous
apprendre comment.
•pé
>
Fort peu de tems après la prise de possession de M. de Luynes , un Professeur
d'Humanitez à Caën m'envoya une assez
ample relation de la cerémonie , compo
sée , disoit-il dans sa Lettre , par M. le
Chevalier de S. Jory en forme de Lettre
à M. la Duchesse de Chevreuse , et copiée sur l'Imprimé à Caën. Il est vrai que
cette copie étoit un Ouvrage tel que je
l'ai représenté dans la Note en question
et que personne de tous ceux à qui je le
communiquai n'en fut content : mais il
est vrai aussi que depuis l'impression de
ma IX. Lettre , la veritable Relation de
M. de S.Jory , imprimé à Caën chez Ca- velier , broch. in- 4. de 16 pages , adressée à Madame de Chevreuse , m'étant parvenue presque par hazard , j'ai reconnu
un Ouvrage tout différent , c'est-à- dire
une bonne Piéce , et fort bien écrite. J'ai
appris depuis que la personne , qui m'avoit envoyé la Relation manuscrite avoit
pris la liberté de la défigurer entierement
par des Additions , par des changemens
et par tout le mauvais qu'il y mit de son
chef, et jusqu'à des Vers de sa façon , ce
,
1. Vol. I iiij qui
2718 MERCURE DE FRANCE
qui donna lieu à ma remarque un peut
prématurée , et faite sur un veritable mal
entendu.
Je suis d'autant plus fâché de cette erreur , que je ne sçaurois trop-tôt rectifier , que plusieurs personnes de mérite
m'ont assûréque M. le Chevalier de S. Jory , que je n'ai pas l'honneur de connoître , est un très- galant homme qui pense
et écrit parfaitement bien, ce queje reconnois aujourd'hui moi- même , et que la
Remarque en question porte à faux , et
ne peut jamais le regarder.
.
L'Acte du doüaire de Judith , Comtesse de Normandie , de l'an 1008. publié
par D. Martenne dans le 1.tom. de ses
Anecdotes , qui contient les noms de plusieurs Bourgs de Normandie , fait actuellement le sujet des recherches dont
vous avez besoin. J'ai envoyé votre Mé
moire à notre habile Médecin de Caën
dont vous me parlez ; je sçai trop ce que
c'est que de s'adresser à des gens superficiels , ou prévenus de leur prétenduë capacité. Sa réponse , que j'attens, vous sera
exactement envoyée.
J'ai vu ici cet Eté le nouvel Historien
du Diocèse de Rouen. Il continuë son
travail avec toute l'ardeur possible , et il
ya tout lieu d'en attendre un bon suc1. Vel. cès.
DECEMBRE. 1732. 2719
cès. Vous avez vû un échantillon de son
exactitude et de son amour pour la verité.
dans un des derniers Mercures , à l'occasion de quelques Endroits de son Histoire
du Diocèse de Meaux. Tous les hommes
peuvent se tromper , mais tous ne sont
pas également disposez à reconnoître leurs
erreurs. Je suis , &c.
AParis , lex Decembre 1732.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre, écrite par l'Auteur du Voyage de Normandie, à Monsieur...
Dans une lettre, un auteur corrige des erreurs présentes dans sa neuvième lettre publiée dans le Mercure de France en décembre 1732. Il reconnaît deux fautes concernant l'épiscopat de Saint Renobert, évêque de Bayeux. Premièrement, il situe son épiscopat au VIIe siècle, contrairement à la chronologie locale qui le place au IIIe ou IVe siècle. Deuxièmement, une faute d'impression indique que Saint Renobert aurait assisté à un concile en 1630 au lieu de 630. L'auteur mentionne également une erreur plus significative concernant la cérémonie de la première entrée publique des évêques de Bayeux. Il avait rapporté une relation erronée de cette cérémonie, basée sur une copie altérée par un professeur d'humanité de Caen. La véritable relation, écrite par le chevalier de Saint-Jory et adressée à la duchesse de Chevreuse, est bien écrite et mérite reconnaissance. L'auteur exprime son regret pour ces erreurs et souligne l'importance de la vérification des informations. Il mentionne également des recherches en cours sur l'acte du douaire de Judith, comtesse de Normandie, en 1008. Il parle aussi de l'historien du diocèse de Rouen, qui travaille avec exactitude et amour pour la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
339
p. 2785-2797
LETTRE de M.... écrite à M. de ... Commandeur de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau intitulé: La Vie de Messire François Picquet, &c.
Début :
Le Livre dont vous me parlez, Monsieur, est également curieux et édifiant, [...]
Mots clefs :
Ordre de saint Jean de Jerusalem, Livre, Journal de Verdun, Doutes, François Picquet, Consulat, Alep, Pacha , Historien, Mosquée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.... écrite à M. de ... Commandeur de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau intitulé: La Vie de Messire François Picquet, &c.
LETTRE de M.... écrite à M. de...
Commandeur de l'Ordre de S. Jean de
Jerusalem , au sujet d'un Livre nouveau
intitulé : La Vie de Messire François Pic
quet , &c.
E Livre dont vous me parlez , Mon
Li ,
→
fiant , il mérite que vous le lisiez avec
attention dès que vous serez de retour de votre Campagne. Le peu que
vous en avez vû dans le petit Journal de Verdun , n'est pas , comme vous
dites , suffisant pour vous instruire ; il l'a
été seulement pour exciter votre curiosité et pour former quelques doutes , que
vous me chargez d'éclaircir , les Journaux Litteraires n'en ayant point encore
parlé.
Le premier de ces doutes roule sur ces
paroles du Journaliste , page 175. du
mois de Septembre. En 1662. M. Pičquet revint en Europe, sans renoncer au Consulat d'Alep , qu'ilfit exercerparM. Baron.
II. Vol. C
Ces iiij
2786 MERCURE DE FRANCE
Ces paroles font , sans doute , entendre
que M. Baron ne fut que le Substitut de
M. Picquet , et que celui- cy étant toûjours le maître du Consulat d'Alep , il y
commit une personne à sa dévotion, &c.
Votre interprétation est juste , Monsieur,
mais le fondement en est peu solide. Les
termes que je viens de rapporter sont
entierement du Journaliste;l'Historien de
M. Picquet ne parle point ainsi , et vous
avez eû grande raison de douter que
M. Baron , dont vous avez connu la famille , fort superieure à celle de M. Picquet , dont vous avez , dis- je , vû les Neveux se distinguer dans votre Ordre , ait
jamais été le Substitut d'un Consul d'Alep.
Mais comme je ne sçaurois bien remplir tout ce que vous exigez de moi au
sujet de ce nouveau Livre , sans le lire
attentivement d'un bout à l'autre , je ne
vous dis rien de plus ici sur cet article. L'occasion d'en parler reviendra à
la suite de mes Observations , que je soumets d'avance toutes à vos lumieres , ne
les ayant entreprises que pour vous obéïr,
et pour perfectionner un Ouvrage qui mérite l'attention de tous les gens de bien.
En voici d'abord le Titre. LA VIE de
Messire François Picquet , Consul de Franse et de Hollande à Alep ; ensuite Evêque
II. Vol. de
DECEMBRE 1732. 2787
de Cesarople,puis de Babylone, Vicaire Apos
tolique en Perse ; avec titre d'Ambassadeur
du Roy auprès du Roy de Perse , contenant
plusieurs évenemens curieux , arrivez dans
le temps de son Consulat et de son Episcopat, dans les Etats de Turquie et de Perse ,
et dans les Eglises des deux Empires.Divisée
en trois Livres , 1. vol. in 8. de 543. pages
sans la Préface et la Table. A Paris,
chez la Veuve Mergé , ruë S. Jacques ,
M. DCC. XXXII.
Une assez longue Préface contient d'abord l'Eloge de M. Picquet, lequel ne présente rien que de vrai, et de fort touchant.
Elle indique ensuite les sources où l'on a
puisé les Memoires qui ont servi à écrire
I'Histoire de sa vie. On distingue particulierement ici François Malaval , ce sçavant Aveugle de Marseille , qui avoit autrefois projetté de composer lui - même
cette Histoire , et qui a fourni des lumieres et des secours considerables pour l'exc
cution de celle dont il est question . Les
autres personnes qui ont concouru au
même dessein , sont aussi nommées avec
distinction dans la même Préface. X
LIVRE I. qui comprend les commencemens
de la vie de M. Picquet , l'Histoire de son
Consulat et divers evenemens concernant les
Eglises du Levant et de Turquie
II. Vol. Cv François
2738 MERCURE DE FRANCE
· François Piquet nâquit à Lyon le jour
de Pâques 12. Avfil 1626 ; il étoit fils de
Geofroy Picquet et d'Anne de Monery
l'un et l'autre d'une honnête et ancienne
Famille , que l'on mettoit au nombre des
Nobles de la ville de Lyon. L'Autheur
ajoute que Geofroy Picquet avoit été fort
riche , et qu'il passoit pour l'un des plus
considerables Banquiers de Lyon , qui
avoit le plus de crédit et de correspondances dans toutes les Places de l'Europe.
Je passe , Monsieur , les prémices de la
piété et les premieres études de ce serviteur de Dieu , qui avançoit à grands pas
dans la carriere de la vertu à mesure qu'il
croissoit en âge ; je passe aussi ses voyages
en divers endroits de l'Italie dont il vit les
principales Villes , et dont il ne revint à
Lyon que vers la fin de l'année 1650.
En 1652 le Consulat d'Alep , dont on
décrit ici l'importance et les avantages ,
étant venu à vacquer par la mort de M.
Bonin de Marseille , M. Picquet fut nommé par la Chambre du Commerce pour
remplir cette Charge , et la Cour approuva ce choix ,
Il s'embarqua à Marseille au mois de
Septembre de la même année , et après
avoir débarqué à Alexandrete il se rendit
à Alep au commencement de Decembre.
` II. Vol. On
DECEMBRE. 1732. 2789
On lui fit une Réception magnifique ;
tous les Consuls à la tête de leur Nation
vinrent le recevoir à l'entrée de la Ville ,
et le conduisirent jusqu'à son Palais &c.
Il faut passer ce terme , souvent employé
dans cette Histoire pour signifier la Mai son du Consul.
Il donna dabord toute son application
au rétablissement des affaires du Commerce, que la mauvaise foi des Marchands
et l'avarice insatiable des Gouverneurs
avoient fortdérangées. LePacha d'alors s'ap
pelloit Bichir , et non pas Bicier , comme
le nomme notre Autheur ; ses violences
et ses injustices l'avoient rendu fameux
dans l'Orient , et on parloit encore de lui
quand j'étois dans la Syrie. M. Picquet
vintcependantà bout de réprimer ses véxations ; il obtint des ordres précis de la
Porte , par lesquels il lui fut deffendu de
les continuer , et enjoint de donner une
entiere satisfaction au Consul de France ,
et de vivre desormais en bonne intelligence avec lui.
Divers incidens troublerent depuis cette
intelligence ; mais ils ne servirent qu'à
faire paroître la fermeté et la sagesse de
notre Consul qui eut toujours l'avantage
sur le Pacha , et maintint hautement les
droits et la gloire de la Nation.
II. Vol. C vj Je
2750 MERCURE DE FRANCE
Je ne puis m'empêcher , Monsieur, de
vous dire ici que le narré de l'un de ces
incidens est une espece d'énigme pour
moi , je ne sçai si vous en comprendrez
mieux le sens ? Voici de quoi il s'agit.
» Le courage de ce brave Consul parut
>> encore , dit notre Historien , lorsque son
>> Vice- Consul étant investi dans sa Maison , qui étoit à l'extrêmité d'un fau-
»bourg, par 500 Mores , il alla lui- même
»à son secours à la tête de 200 François ,
» et les chargea si vigoureusement , qu'ils
furent obligez de prendre la fuite , et de
»lui laisser la gloire d'avoir purgé la cam-
» pagne de tous ces brigands , à la grande
»confusion du Pacha , qui negligeoit un
»devoir si essentiel à sa charge &c.
Tout le monde sçait que le Consul d'Alep n'a point de Vice-Consul dans cette
même Ville ; il y seroit fort inutile. Il
n'est pas moins certain que la Syrie n'est
pas le pays des Mores : d'où seroient donc
venus ceux qui investirent la Maison en
question ? M. le Chevalier Monier , originaire d'Alep, que vous avez fort connu
à Paris chez le Cardinal de Noailles , qui
a lu tous des premiers cette vie de M. Picquet, m'a avoué qu'il n'avoit pas mieux
compris que moi l'endroit dont je viens
de parler.
II. Vol. Cependant
DECEMBRE. 1732. 2791
Cependant les affaires du Commerce set
rétablissant de jour en jour , les Droits du
Consulat grossirent à proportion , et M.
Picquet se fit en peu de tems un gros re- venu. Rien n'est plus édifiant que de voir
dans le Livre même le saint usage qu'il
sçut en faire , et le détail de ses grandes
aumônes , particulierement envers les Ecclésiastiques et les pauvres Eglises du pays.
Ce détail est suivi du recit de la révolte du Pacha d'Alep , contre lequel le Grand Vizir envoya Mortasa et non pas Mourthesar , son Lieutenant , avec un corps de
troupes pour les opposer à ce Rebelle , et
pour commander en sa place dans Alep ,
ce qui ayant été heureusement executé , le
nouveau Pacha donna plusieurs témoignages d'estime et de considération à M.
Picquet , jusqu'à faire pendre le Grand
Douannier devant la porte du Palais
de France , pour vanger les injures qu'il
avoit faites à la Nation dans l'exercice de sa Charge , du tems du Pacha rebelle.
Les Gouverneurs Turcs ne visitent jamais personne , et ils affectent surtout de
ne pas se mesurer avec les Consuls : c'est
beaucoup quand ils s'acquittent à leur
égard des bienseances reglées. Cependant
le nouveau Pacha prévenu d'estime et
II. Vol. d'une
2792 MERCURE DE FRANCE
d'une amitié particuliere pour M. Picquet
lui rendit une visite. Le Consulde son côté
répondit tout de son mieux à cet honneur
extraordinaire, il regala le Pacha, et quand
celui-cy montoit à cheval pour s'en retourner , étant survenu une grosse pluye , M.
Picquet lui fit présenter un très- beau Manteau d'écarlate de Venise , doublé de bro
card d'or.
Le Pacha revint encore quelques jours
aprés chez le Consul pour demander
ses conseils au sujet de l'Armée des Rebelles , qui étoit encore assemblée , et
suivoit la fortune de Bichir Pacha.
La bienfeance et les suites de cette affaire
engagerent M. Picquet de visiter à son
tour le Pacha , qui lui rendit de grands
honneurs accompagnez de quelques présens , sçavoir une veste de drap verd , couleur cherie des Mahometans , et interdite
aux Chrétiens dans le Levant , une Pelisse , ou Fourure de Chameau , et le plus
beau Cheval de son Ecurie richement harnaché. La Pelisse de Chameau vous fera
sans doute rire , c'est apparemment une
méprise que je voudrois bien rejetter sur
'Imprimeur, s'il étoit possible , quoiqu'elle ne soit pas marquée dans l'Errata. Vous
sçavez ce que c'est que le poil et le cuir
d'un Chrmeau dont on fait seulement des
II. Vol.
cribles
DECEMBRE. 1732. 2793
cribles et d'autres usages les plus grossiers
Cette visite fut suivie de quelqu'autres
où toute ceremónie étoit bannie ; elles se
passoient dans la nuit pour conferer des
moyens de reduire les Chefs des Rebelles
et de dissiper leur Armée. Le Pacha et le
Consul convinrent enfin d'un moyen qui
fut éxecuté de la maniere qui suit.
Un jour de vendredi , destiné chez les
Mahometans à l'Assemblée generale et
aux Prieres publiques dans la principale
Mosquée , dans le tems de la plus grande
application des Assistans , 12 Imans ou
Ministres de la Religion , pratiquez par
le Pacha , tomberent brusquement sur les
Chefs des Rebelles et leur couperent la
tête. Le Pacha sortit en même tems de la
Ville avec l'Etendart de la Loi , qui fut
incontinent suivi par les troupes rebelles ,
et la tranquillité se rétablit aussi- tôt. C'est
ainsi , dit notre Historien , que Mortasa
assisté des lumieres et du conseil de M.
Picquet , remporta sur Bichir et les compagnons de sa revolte une victoire &c.
Il se trompe au reste dans ce narré, lorsqu'en expliquant le terme d'Iman , il dit
que ce sont chez les Turcs une espece de
Prêtres qui exercent leurs fonctions hors
la ville. Les Imans sont employez dans les
grandes villes , comme dans les petites
II. Vol. -Mosquées
2794 MERCURE DE FRANCE
Mosquées , il y en a à sainte Sophie et
dans les autres Mosquées Royales de Cons
tantinople , et par tout où les Mahométans ont des Temples.
Cette sanglante Tragedie , qui augmenta la bonne intelligence entre le Pacha d'Alep et le Consul François , fut suivie peu de tems après d'un spectacle plus
agréable ; c'est la fameuse Comedie de Pastor
Fido , dont M. le Consul voulut régaler le
Pacha. On dressa un Théatre dans la Maison Consulaire : la décoration en étoit
magnifique et bien entendue , et la Piece
fut executée avec tant de succès par de
jeunes Marchands François , que le Pacha
leur fit offrir un présent de deux mille
Piastres , lequel ne fut point accepté. Le
Gouverneur fut charmé de cette Piece
surtout de la belle Symphonie dont chaque Scene étoit suivie. Il y a beaucoup
d'apparence que c'est tout ce que les Turcs
purent admirer.
>
Le Pacha voulut regaler à son tour le
Consul et laNationFrançoise d'uneComédie Turque , laquelle fut representée dans
son Serrail par les meilleurs Acteurs du
Pays , et qui parut , dit notre Autheur ,
avoir son agrément dans l'esprit de nos
François. Ceux- ci ne manquerent pas ,
sans doute , de complaisance ; car vous
II. Vol. n'ignorez
DECEMBR E. 1732 2795
n'ignorez pas , Monsieur , que les Turcs
n'ont ni regles, ni genie pour ces sortes de
spectacles ; témoin celui dont je crois de
vous avoir parlé , et où je me suis trouvé
un jour chez le Pacha de Damas , qui n'étoit rempli que de boufonneries , quelquefois assez grossieres , et dont la derniere Scene fut un bizarre travestissement
des Acteurs,qui parurent habillez à la Françoise avec des Perruques &c. ce qui augmenta les éclats de rire et combla le plaisir des Spectateurs.
C'est à cette occasion que le Pacha d'Alep offrit au vertueux Consul deux des
plus belles filles et des principales Familles Turques de la Ville , qui avoient assisté à cette Comédie , offre qui fut bien
loin rejettée , et sur laquelle le Consul
s'excusa , en faisant confidence au Pacha
du Vou qu'il avoit fait de quitter le
monde pour embrasser l'Etat Ecclesiastique , comme il l'éxecuta quelques années
après.
M. Picquet n'avoit alors que trente ans ,
ce qui acheva de lui gagner l'estime et
l'amitié du Gouverneur. C'est à peu près
dans ce même tems que la République
de Hollande le choisit pour son Consul à
Alep et dans ses dépendances : l'agrément
du Roi est ici sous-entendu.
II. Vol. J.
2796 MERCURE DE FRANCE
Je ne suivrai point notre Historien
dans tout ce qu'il ajoûte des differens
effets du zele de ce Consul , pour affermir
les Catholiques Orientaux dans la Foi , et
pour soumettre les Schismatiques à l'Eglise Romaine. Il eut une tendresse particuliere pour l'Eglise Maronite , toute
Catholique , du Mont Liban ; il faut voir
dans le Livre même tout ce qu'il a fait
pour cette Eglise , qui fut de son tems
extrêmement persecutée ; on ne peut rien
lire de plus édifiant ni de mieux touché.
L'article des Esclaves Chrétiens que le
pieux Consul soulageoit par ses aumônes , et dont il rompoit les fers quand il
le pouvoit , est encore de ce même caractere , on ne sçauroit le lire sans être
émû.
Je ne m'arrêterai point aussi à extraire
le détail de la disgrace qui survint au Pacha d'Alep , disgrace que l'Auteur attri
bue à l'étroite union qu'il avoit avec le
Consul François , laquelle donna de l'ombrage au G. S. et au G. Viz. M. Picquet
déplora le malheureux sort de son ami
qui fût conduit comme un criminel à
Constantinople ; » craignant que la gran-
» de liaison qu'il avoit eue avec ce Pacha
» ne lui fut¯nuisible ; parce que dans ce
» pays là on ne manque pas de se défaire
II. Vol.
D d'u-
DECEMBRE. 1732 2797
» d'une personne sans bruit ; it résolut de
» se retirer , mais le Seigneur , qui vou-
>> loit encore se servir de son ministere
» pour le bien des Pauvres et de la Reli-
» gion , lui fit differer de deux ans l'exe-
»cution de son dessein.
Je m'arrête ici , Monsieur , pour ne
point trop fatiguer votre attention , et
pour préparer dans une seconde Lettre
la suite de cet Extrait et de mes petites
Remarques. Je suis , &c.
Commandeur de l'Ordre de S. Jean de
Jerusalem , au sujet d'un Livre nouveau
intitulé : La Vie de Messire François Pic
quet , &c.
E Livre dont vous me parlez , Mon
Li ,
→
fiant , il mérite que vous le lisiez avec
attention dès que vous serez de retour de votre Campagne. Le peu que
vous en avez vû dans le petit Journal de Verdun , n'est pas , comme vous
dites , suffisant pour vous instruire ; il l'a
été seulement pour exciter votre curiosité et pour former quelques doutes , que
vous me chargez d'éclaircir , les Journaux Litteraires n'en ayant point encore
parlé.
Le premier de ces doutes roule sur ces
paroles du Journaliste , page 175. du
mois de Septembre. En 1662. M. Pičquet revint en Europe, sans renoncer au Consulat d'Alep , qu'ilfit exercerparM. Baron.
II. Vol. C
Ces iiij
2786 MERCURE DE FRANCE
Ces paroles font , sans doute , entendre
que M. Baron ne fut que le Substitut de
M. Picquet , et que celui- cy étant toûjours le maître du Consulat d'Alep , il y
commit une personne à sa dévotion, &c.
Votre interprétation est juste , Monsieur,
mais le fondement en est peu solide. Les
termes que je viens de rapporter sont
entierement du Journaliste;l'Historien de
M. Picquet ne parle point ainsi , et vous
avez eû grande raison de douter que
M. Baron , dont vous avez connu la famille , fort superieure à celle de M. Picquet , dont vous avez , dis- je , vû les Neveux se distinguer dans votre Ordre , ait
jamais été le Substitut d'un Consul d'Alep.
Mais comme je ne sçaurois bien remplir tout ce que vous exigez de moi au
sujet de ce nouveau Livre , sans le lire
attentivement d'un bout à l'autre , je ne
vous dis rien de plus ici sur cet article. L'occasion d'en parler reviendra à
la suite de mes Observations , que je soumets d'avance toutes à vos lumieres , ne
les ayant entreprises que pour vous obéïr,
et pour perfectionner un Ouvrage qui mérite l'attention de tous les gens de bien.
En voici d'abord le Titre. LA VIE de
Messire François Picquet , Consul de Franse et de Hollande à Alep ; ensuite Evêque
II. Vol. de
DECEMBRE 1732. 2787
de Cesarople,puis de Babylone, Vicaire Apos
tolique en Perse ; avec titre d'Ambassadeur
du Roy auprès du Roy de Perse , contenant
plusieurs évenemens curieux , arrivez dans
le temps de son Consulat et de son Episcopat, dans les Etats de Turquie et de Perse ,
et dans les Eglises des deux Empires.Divisée
en trois Livres , 1. vol. in 8. de 543. pages
sans la Préface et la Table. A Paris,
chez la Veuve Mergé , ruë S. Jacques ,
M. DCC. XXXII.
Une assez longue Préface contient d'abord l'Eloge de M. Picquet, lequel ne présente rien que de vrai, et de fort touchant.
Elle indique ensuite les sources où l'on a
puisé les Memoires qui ont servi à écrire
I'Histoire de sa vie. On distingue particulierement ici François Malaval , ce sçavant Aveugle de Marseille , qui avoit autrefois projetté de composer lui - même
cette Histoire , et qui a fourni des lumieres et des secours considerables pour l'exc
cution de celle dont il est question . Les
autres personnes qui ont concouru au
même dessein , sont aussi nommées avec
distinction dans la même Préface. X
LIVRE I. qui comprend les commencemens
de la vie de M. Picquet , l'Histoire de son
Consulat et divers evenemens concernant les
Eglises du Levant et de Turquie
II. Vol. Cv François
2738 MERCURE DE FRANCE
· François Piquet nâquit à Lyon le jour
de Pâques 12. Avfil 1626 ; il étoit fils de
Geofroy Picquet et d'Anne de Monery
l'un et l'autre d'une honnête et ancienne
Famille , que l'on mettoit au nombre des
Nobles de la ville de Lyon. L'Autheur
ajoute que Geofroy Picquet avoit été fort
riche , et qu'il passoit pour l'un des plus
considerables Banquiers de Lyon , qui
avoit le plus de crédit et de correspondances dans toutes les Places de l'Europe.
Je passe , Monsieur , les prémices de la
piété et les premieres études de ce serviteur de Dieu , qui avançoit à grands pas
dans la carriere de la vertu à mesure qu'il
croissoit en âge ; je passe aussi ses voyages
en divers endroits de l'Italie dont il vit les
principales Villes , et dont il ne revint à
Lyon que vers la fin de l'année 1650.
En 1652 le Consulat d'Alep , dont on
décrit ici l'importance et les avantages ,
étant venu à vacquer par la mort de M.
Bonin de Marseille , M. Picquet fut nommé par la Chambre du Commerce pour
remplir cette Charge , et la Cour approuva ce choix ,
Il s'embarqua à Marseille au mois de
Septembre de la même année , et après
avoir débarqué à Alexandrete il se rendit
à Alep au commencement de Decembre.
` II. Vol. On
DECEMBRE. 1732. 2789
On lui fit une Réception magnifique ;
tous les Consuls à la tête de leur Nation
vinrent le recevoir à l'entrée de la Ville ,
et le conduisirent jusqu'à son Palais &c.
Il faut passer ce terme , souvent employé
dans cette Histoire pour signifier la Mai son du Consul.
Il donna dabord toute son application
au rétablissement des affaires du Commerce, que la mauvaise foi des Marchands
et l'avarice insatiable des Gouverneurs
avoient fortdérangées. LePacha d'alors s'ap
pelloit Bichir , et non pas Bicier , comme
le nomme notre Autheur ; ses violences
et ses injustices l'avoient rendu fameux
dans l'Orient , et on parloit encore de lui
quand j'étois dans la Syrie. M. Picquet
vintcependantà bout de réprimer ses véxations ; il obtint des ordres précis de la
Porte , par lesquels il lui fut deffendu de
les continuer , et enjoint de donner une
entiere satisfaction au Consul de France ,
et de vivre desormais en bonne intelligence avec lui.
Divers incidens troublerent depuis cette
intelligence ; mais ils ne servirent qu'à
faire paroître la fermeté et la sagesse de
notre Consul qui eut toujours l'avantage
sur le Pacha , et maintint hautement les
droits et la gloire de la Nation.
II. Vol. C vj Je
2750 MERCURE DE FRANCE
Je ne puis m'empêcher , Monsieur, de
vous dire ici que le narré de l'un de ces
incidens est une espece d'énigme pour
moi , je ne sçai si vous en comprendrez
mieux le sens ? Voici de quoi il s'agit.
» Le courage de ce brave Consul parut
>> encore , dit notre Historien , lorsque son
>> Vice- Consul étant investi dans sa Maison , qui étoit à l'extrêmité d'un fau-
»bourg, par 500 Mores , il alla lui- même
»à son secours à la tête de 200 François ,
» et les chargea si vigoureusement , qu'ils
furent obligez de prendre la fuite , et de
»lui laisser la gloire d'avoir purgé la cam-
» pagne de tous ces brigands , à la grande
»confusion du Pacha , qui negligeoit un
»devoir si essentiel à sa charge &c.
Tout le monde sçait que le Consul d'Alep n'a point de Vice-Consul dans cette
même Ville ; il y seroit fort inutile. Il
n'est pas moins certain que la Syrie n'est
pas le pays des Mores : d'où seroient donc
venus ceux qui investirent la Maison en
question ? M. le Chevalier Monier , originaire d'Alep, que vous avez fort connu
à Paris chez le Cardinal de Noailles , qui
a lu tous des premiers cette vie de M. Picquet, m'a avoué qu'il n'avoit pas mieux
compris que moi l'endroit dont je viens
de parler.
II. Vol. Cependant
DECEMBRE. 1732. 2791
Cependant les affaires du Commerce set
rétablissant de jour en jour , les Droits du
Consulat grossirent à proportion , et M.
Picquet se fit en peu de tems un gros re- venu. Rien n'est plus édifiant que de voir
dans le Livre même le saint usage qu'il
sçut en faire , et le détail de ses grandes
aumônes , particulierement envers les Ecclésiastiques et les pauvres Eglises du pays.
Ce détail est suivi du recit de la révolte du Pacha d'Alep , contre lequel le Grand Vizir envoya Mortasa et non pas Mourthesar , son Lieutenant , avec un corps de
troupes pour les opposer à ce Rebelle , et
pour commander en sa place dans Alep ,
ce qui ayant été heureusement executé , le
nouveau Pacha donna plusieurs témoignages d'estime et de considération à M.
Picquet , jusqu'à faire pendre le Grand
Douannier devant la porte du Palais
de France , pour vanger les injures qu'il
avoit faites à la Nation dans l'exercice de sa Charge , du tems du Pacha rebelle.
Les Gouverneurs Turcs ne visitent jamais personne , et ils affectent surtout de
ne pas se mesurer avec les Consuls : c'est
beaucoup quand ils s'acquittent à leur
égard des bienseances reglées. Cependant
le nouveau Pacha prévenu d'estime et
II. Vol. d'une
2792 MERCURE DE FRANCE
d'une amitié particuliere pour M. Picquet
lui rendit une visite. Le Consulde son côté
répondit tout de son mieux à cet honneur
extraordinaire, il regala le Pacha, et quand
celui-cy montoit à cheval pour s'en retourner , étant survenu une grosse pluye , M.
Picquet lui fit présenter un très- beau Manteau d'écarlate de Venise , doublé de bro
card d'or.
Le Pacha revint encore quelques jours
aprés chez le Consul pour demander
ses conseils au sujet de l'Armée des Rebelles , qui étoit encore assemblée , et
suivoit la fortune de Bichir Pacha.
La bienfeance et les suites de cette affaire
engagerent M. Picquet de visiter à son
tour le Pacha , qui lui rendit de grands
honneurs accompagnez de quelques présens , sçavoir une veste de drap verd , couleur cherie des Mahometans , et interdite
aux Chrétiens dans le Levant , une Pelisse , ou Fourure de Chameau , et le plus
beau Cheval de son Ecurie richement harnaché. La Pelisse de Chameau vous fera
sans doute rire , c'est apparemment une
méprise que je voudrois bien rejetter sur
'Imprimeur, s'il étoit possible , quoiqu'elle ne soit pas marquée dans l'Errata. Vous
sçavez ce que c'est que le poil et le cuir
d'un Chrmeau dont on fait seulement des
II. Vol.
cribles
DECEMBRE. 1732. 2793
cribles et d'autres usages les plus grossiers
Cette visite fut suivie de quelqu'autres
où toute ceremónie étoit bannie ; elles se
passoient dans la nuit pour conferer des
moyens de reduire les Chefs des Rebelles
et de dissiper leur Armée. Le Pacha et le
Consul convinrent enfin d'un moyen qui
fut éxecuté de la maniere qui suit.
Un jour de vendredi , destiné chez les
Mahometans à l'Assemblée generale et
aux Prieres publiques dans la principale
Mosquée , dans le tems de la plus grande
application des Assistans , 12 Imans ou
Ministres de la Religion , pratiquez par
le Pacha , tomberent brusquement sur les
Chefs des Rebelles et leur couperent la
tête. Le Pacha sortit en même tems de la
Ville avec l'Etendart de la Loi , qui fut
incontinent suivi par les troupes rebelles ,
et la tranquillité se rétablit aussi- tôt. C'est
ainsi , dit notre Historien , que Mortasa
assisté des lumieres et du conseil de M.
Picquet , remporta sur Bichir et les compagnons de sa revolte une victoire &c.
Il se trompe au reste dans ce narré, lorsqu'en expliquant le terme d'Iman , il dit
que ce sont chez les Turcs une espece de
Prêtres qui exercent leurs fonctions hors
la ville. Les Imans sont employez dans les
grandes villes , comme dans les petites
II. Vol. -Mosquées
2794 MERCURE DE FRANCE
Mosquées , il y en a à sainte Sophie et
dans les autres Mosquées Royales de Cons
tantinople , et par tout où les Mahométans ont des Temples.
Cette sanglante Tragedie , qui augmenta la bonne intelligence entre le Pacha d'Alep et le Consul François , fut suivie peu de tems après d'un spectacle plus
agréable ; c'est la fameuse Comedie de Pastor
Fido , dont M. le Consul voulut régaler le
Pacha. On dressa un Théatre dans la Maison Consulaire : la décoration en étoit
magnifique et bien entendue , et la Piece
fut executée avec tant de succès par de
jeunes Marchands François , que le Pacha
leur fit offrir un présent de deux mille
Piastres , lequel ne fut point accepté. Le
Gouverneur fut charmé de cette Piece
surtout de la belle Symphonie dont chaque Scene étoit suivie. Il y a beaucoup
d'apparence que c'est tout ce que les Turcs
purent admirer.
>
Le Pacha voulut regaler à son tour le
Consul et laNationFrançoise d'uneComédie Turque , laquelle fut representée dans
son Serrail par les meilleurs Acteurs du
Pays , et qui parut , dit notre Autheur ,
avoir son agrément dans l'esprit de nos
François. Ceux- ci ne manquerent pas ,
sans doute , de complaisance ; car vous
II. Vol. n'ignorez
DECEMBR E. 1732 2795
n'ignorez pas , Monsieur , que les Turcs
n'ont ni regles, ni genie pour ces sortes de
spectacles ; témoin celui dont je crois de
vous avoir parlé , et où je me suis trouvé
un jour chez le Pacha de Damas , qui n'étoit rempli que de boufonneries , quelquefois assez grossieres , et dont la derniere Scene fut un bizarre travestissement
des Acteurs,qui parurent habillez à la Françoise avec des Perruques &c. ce qui augmenta les éclats de rire et combla le plaisir des Spectateurs.
C'est à cette occasion que le Pacha d'Alep offrit au vertueux Consul deux des
plus belles filles et des principales Familles Turques de la Ville , qui avoient assisté à cette Comédie , offre qui fut bien
loin rejettée , et sur laquelle le Consul
s'excusa , en faisant confidence au Pacha
du Vou qu'il avoit fait de quitter le
monde pour embrasser l'Etat Ecclesiastique , comme il l'éxecuta quelques années
après.
M. Picquet n'avoit alors que trente ans ,
ce qui acheva de lui gagner l'estime et
l'amitié du Gouverneur. C'est à peu près
dans ce même tems que la République
de Hollande le choisit pour son Consul à
Alep et dans ses dépendances : l'agrément
du Roi est ici sous-entendu.
II. Vol. J.
2796 MERCURE DE FRANCE
Je ne suivrai point notre Historien
dans tout ce qu'il ajoûte des differens
effets du zele de ce Consul , pour affermir
les Catholiques Orientaux dans la Foi , et
pour soumettre les Schismatiques à l'Eglise Romaine. Il eut une tendresse particuliere pour l'Eglise Maronite , toute
Catholique , du Mont Liban ; il faut voir
dans le Livre même tout ce qu'il a fait
pour cette Eglise , qui fut de son tems
extrêmement persecutée ; on ne peut rien
lire de plus édifiant ni de mieux touché.
L'article des Esclaves Chrétiens que le
pieux Consul soulageoit par ses aumônes , et dont il rompoit les fers quand il
le pouvoit , est encore de ce même caractere , on ne sçauroit le lire sans être
émû.
Je ne m'arrêterai point aussi à extraire
le détail de la disgrace qui survint au Pacha d'Alep , disgrace que l'Auteur attri
bue à l'étroite union qu'il avoit avec le
Consul François , laquelle donna de l'ombrage au G. S. et au G. Viz. M. Picquet
déplora le malheureux sort de son ami
qui fût conduit comme un criminel à
Constantinople ; » craignant que la gran-
» de liaison qu'il avoit eue avec ce Pacha
» ne lui fut¯nuisible ; parce que dans ce
» pays là on ne manque pas de se défaire
II. Vol.
D d'u-
DECEMBRE. 1732 2797
» d'une personne sans bruit ; it résolut de
» se retirer , mais le Seigneur , qui vou-
>> loit encore se servir de son ministere
» pour le bien des Pauvres et de la Reli-
» gion , lui fit differer de deux ans l'exe-
»cution de son dessein.
Je m'arrête ici , Monsieur , pour ne
point trop fatiguer votre attention , et
pour préparer dans une seconde Lettre
la suite de cet Extrait et de mes petites
Remarques. Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE de M.... écrite à M. de ... Commandeur de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem, au sujet d'un Livre nouveau intitulé: La Vie de Messire François Picquet, &c.
La lettre traite d'un livre intitulé 'La Vie de Messire François Picquet', qui mérite une lecture attentive. Elle répond à des doutes soulevés par un journal littéraire concernant le consulat d'Alep exercé par François Picquet et son substitut, M. Baron. La lettre précise que les termes du journal ne sont pas ceux de l'historien de Picquet et que la famille de M. Baron est plus distinguée que celle de Picquet. François Picquet, né à Lyon en 1626, fils de Geofroy Picquet, un banquier influent, fut nommé consul d'Alep en 1652 et arriva à Alep en décembre de la même année. Il rétablit les affaires commerciales perturbées par la mauvaise foi des marchands et l'avarice des gouverneurs. Picquet obtint des ordres de la Porte pour réprimer les vexations du Pacha Bichir et rétablir une bonne intelligence. Le livre relate divers événements, dont un incident où Picquet secourut son vice-consul attaqué par des brigands, bien que l'existence de ce vice-consul soit mise en doute. Les affaires commerciales se rétablirent, permettant à Picquet de faire des aumônes significatives. Le livre décrit également la répression d'une révolte du Pacha d'Alep, avec l'aide du lieutenant Mortasa, et les relations diplomatiques entre Picquet et le nouveau Pacha. Picquet organisa une représentation de la comédie 'Pastor Fido' pour le Pacha, suivie d'une comédie turque offerte par le Pacha. Picquet refusa l'offre du Pacha de lui donner deux jeunes filles turques, invoquant son vœu de se consacrer à l'état ecclésiastique. À l'époque des faits relatés, Picquet avait trente ans. Le texte mentionne également les actions et les honneurs reçus par Picquet, qui a gagné l'estime et l'amitié du gouverneur local. Il fut choisi par la République de Hollande comme consul à Alep et ses dépendances, avec l'agrément implicite du roi. Picquet montra un zèle particulier pour affermir les catholiques orientaux dans la foi et soumettre les schismatiques à l'Église romaine. Il manifesta une tendresse spéciale pour l'Église maronite du Mont Liban, qu'il soutint malgré les persécutions. Il aida également les esclaves chrétiens en leur offrant des aumônes et en les libérant quand cela était possible. La disgrâce du pacha d'Alep, attribuée à son étroite union avec Picquet, causa de l'ombre au Grand Seigneur et au Grand Vizir. Picquet craignit pour sa sécurité et envisagea de se retirer, mais il différa son départ de deux ans à la demande de Dieu, qui souhaitait encore se servir de son ministère pour le bien des pauvres et de la religion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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340
p. 2929-2935
Histoire ou Carte generale du Militaire de France, [titre d'après la table]
Début :
DESCRIPTION ABREGÉE de la Carte generale de la Monarchie Françoise, contenant [...]
Mots clefs :
Carte générale, Monarchie française, Histoire du militaire ancien et moderne, Description, Règne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire ou Carte generale du Militaire de France, [titre d'après la table]
Régimens de la Cavalerie legere Françoise et Etrangere ; des quinze Régimens de Dragons et les noms et dattes des Brévets de leurs
Officiers Generaux et Principaux , avec les Troupes formées en 823. Compagnies Françoises et Etrangeres , composées de Batail ons , d'Escadrons et de Brigades. Sçavoir , les cent Suisses ordinaires du Corps du Roy , les Gardes de la Porte
du Louvre , et les Gardes de la Prévôté de l'HỘtel du Roy , ou Hocquetons de Sa Majesté , qui
sont de la Maison du Roy , les Cadets Gentils→
hommes , l'Hôtel Royal des Officiers et Soldats
Invalides , les Milices du Royaume , les Compagnies franches et de Partisans , tant à pied qu'à
cheval, la Compagnie de la Connétablie de France , celle de la Prévôté generale des Monnoyes
de France , et les Compagnies des Maréchaussées
du Royaume, depuis leur création et institution,
avec les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers • 10
29321
MERCURE DE FRANCE
10. Les Maréchaux de France ; les Lieutenans
Géneraux et Maréchaux de Camps des Armées
du Roy les Brigadiers d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons ; les Gouverneurs et Lieutenans
Généraux des Provinces ; avec les Armoiries en
Blazon de chaque Province ; et les Maréchaux :
Generaux des Logis , des Camps et Armées du
Roy , nommez jusqu'au 15. Février 1730. ensemble le nombre general des Officiers des Etats
Majors des Villes fortes et Places de Guerre , avec leurs créations et dattes des Promotions.
: 11. Commencement de l'Histoire abregée du
Regne de Louis XV. jusqu'au 15. Février 1730
le détail et les Institutions des Ordres Royaux ,
Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du
Mont Carmel et de S. Lazare de Jerusalem. Le
Corps de l'Artillerie de France , détaillé depuis
son origine ; celui des Officiers Ingénieurs ordinaires du Roy; la création et la nomination de las
Dignité de Ministre et Sec. d'Etat de la Guerre,
les Intendans et Commissaires départis du Roy ;
les grands Baillifs et Sénéchaux d'Epée , avec leurs Lieutenans ; les Commissaires ordinaires Provinciaux des Guerres , et géneralement tous les Officiers principaux en charge brévetez, et par Com→
mission du Roy , attachez au Militaire de France,
depuis leur Création et Institution..
12. Dénombrement géneral des Officiers , tant
en pied que réformez , et des Troupes de France.
sur pied , le 15 Février 1730. avec le nombre des
Officiers de chaque Corps de Troupes en particulier et en general ; l'abregé des Statuts et Institutions des Ordres du Roy, le trophée des Gra
des , honneurs et récompenses Militaires des
Officiers ; la Vûë et Description de l'Hôtel Royal
des Invalides, depuis sa fondation jusqu'à presents,
P'Institution et le détail de l'Ordre Royal et MiII. Vak litaire
DECEMBRE. 1732. 2933
litaire des Chevaliers de S. Louis, par Louis XIV.
pour honorer la valeur de ses Officiers , les origines et changemens arrivez jusqu'à présent dans
les Corps de Troupes qui subsistent ; et les observations pour la Regle et la discipline des Troupes , extraites des Ordonnances du Roy et des
Archives respectables de la Chambre des Comptes de Paris , avec les noms des Auteurs Militai
res , anciens et modernes , dont les Ouvrages ont
servi à la compilation et composition de cette Carte.
On trouvera au bas des trois dernieres feuilles
les Batailles mémorables , gagnées par les François , depuis le commencement de la Monarchie
jusqu'à présent; avec le vrai caractere d'un par- fait Homme de Guerre.
La grande Bordure de cette Carte contient sept :
feuilles , ou Tables en Tailles- douces , de pareille
grandeur , qui comprennent cent- dix Plans des
principales Places de Guerre et Villes maritimes
Frontieres du Royaume , distinguées par Dépar temens et Gouvernemens Géneraux des Provin--
ces , avec la Description, l'Etat Major, et les Armoiries en Blazon de chaque Place , et leur dis--
tance de Paris , ainsi que de l'une à l'autre , la
Description génerale desRoyaumes de France et
de Navarre , d'un côté , et de l'autre celle du s
Royaume de Pologne , d'où est sortie notre Auguste Reine ; l'Etat géneral des Garnisons ordi
naires de Gardes à Cheval , Hallebardiers et homa
mes de Guerre à pied , attachez aux Gouverneurs .
et Lieutenans Géneraux des Provinces du Royau--
me , détaillé depuis leur ancienne Institution jusqu'à présent , les quatre coins de la grande Bor
Jure de cette Carte , sont terminez par les Figu
res allégoriques des quatre principaux Vents dus
Levant,du Couchant; duMidy et du Septentrion ,
.
II Vol .
2934 MERCURE DE FRANCE
en forme de Renommée,aux Trompettes et Ban derolles de France et de Navarre , en Taille-douce;
on trouvera aussi au haut de la premiere Feuille de cette Bordure , le modele de l'effet ou de la réduction de la grande Carte rassemblée dans tou- te son étendue , avec deux Tableaux aux côtez
pour l'instruction nécessaire à son usage , gravez en taille- douce.
On a eu soin de graver au-dessus de la Maison Militaire du Roy , de la Gendarmerie , de
l'Infanterie, de la Cavalerie Françoise et Etrange
re, et des Dragons , ainsi que des Troupes for
mées en Compagnie , les differentes figures armées , tant à pied qu'à cheval , avec leurs Trophées d'armes anciennes et modernes;et au milieu
de chaque Corps de Troupes, la forme et couleur
de leurs Etendarts, Guidons etDrapeaux Colonels
et d'Ordonnance , représentez en Blazon , ainsi
que les Uniformes et Armures de toutes les Troupes du Roy qui subsistent, avec les Additions pour
la difference de chaque habillement et Equipage.
Cette Carte mise au jour en Janvier 1733. se
vend à Paris , chez l'Auteur , rue et près la Fontaine de Richelieu , avec les Supplémens annuels
pour expliquer les mutations ou changemens
Militaires , arrivez depuis le 15. Février 1730.
jusqu'au 15. Février 1732. et successivement
d'année en année le mêmejour , relatifs à cet Ouvrage, qui contient vingt grandes feuilles enri
chies de tailles- douces , réduites en un Livre broché et portatif, lesquelles feuilles se joignent en
une seule Carte de sept pieds en quarré, montée
sur Gorge et Rouleau.
L'Auteur annonce qu'attendu la dépense pour
la monture de sa Carte sur Gorge et Rouleau en
entier ou en trois parties , que chacun voudroit faire plus ou moins riche , ainsi que pour les difII. Vol ferentes
DECEMBRE. 1732 2935
ferentes façons de reliures des vingt feuilles , en
Maroquin ou en Veau , à l'usage des Bibliotheques , des Cabinets et du transport dans les Provinces , il s'est déterminé à ne le vendre qu'en
Livre en brochure , grand in folio , couvert de
Papier bleu d'Hollande , doublé de fort papier
blanc , dont le prix est fixé à vingt-quatre livres.
Et la feuille de Supplément aux mutations Militaires ; qui paroîtra chaque année , aussi gravée en taille- douce , sera de 24 sols seulement.
Le sieur Le Mau de la Jaisse , se chargera volontiers de faire ensuite accommoder sa Carte
proprement par ses Ouvriers , en telle forme qu'il
plaira , et à juste prix.
Officiers Generaux et Principaux , avec les Troupes formées en 823. Compagnies Françoises et Etrangeres , composées de Batail ons , d'Escadrons et de Brigades. Sçavoir , les cent Suisses ordinaires du Corps du Roy , les Gardes de la Porte
du Louvre , et les Gardes de la Prévôté de l'HỘtel du Roy , ou Hocquetons de Sa Majesté , qui
sont de la Maison du Roy , les Cadets Gentils→
hommes , l'Hôtel Royal des Officiers et Soldats
Invalides , les Milices du Royaume , les Compagnies franches et de Partisans , tant à pied qu'à
cheval, la Compagnie de la Connétablie de France , celle de la Prévôté generale des Monnoyes
de France , et les Compagnies des Maréchaussées
du Royaume, depuis leur création et institution,
avec les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers • 10
29321
MERCURE DE FRANCE
10. Les Maréchaux de France ; les Lieutenans
Géneraux et Maréchaux de Camps des Armées
du Roy les Brigadiers d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons ; les Gouverneurs et Lieutenans
Généraux des Provinces ; avec les Armoiries en
Blazon de chaque Province ; et les Maréchaux :
Generaux des Logis , des Camps et Armées du
Roy , nommez jusqu'au 15. Février 1730. ensemble le nombre general des Officiers des Etats
Majors des Villes fortes et Places de Guerre , avec leurs créations et dattes des Promotions.
: 11. Commencement de l'Histoire abregée du
Regne de Louis XV. jusqu'au 15. Février 1730
le détail et les Institutions des Ordres Royaux ,
Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du
Mont Carmel et de S. Lazare de Jerusalem. Le
Corps de l'Artillerie de France , détaillé depuis
son origine ; celui des Officiers Ingénieurs ordinaires du Roy; la création et la nomination de las
Dignité de Ministre et Sec. d'Etat de la Guerre,
les Intendans et Commissaires départis du Roy ;
les grands Baillifs et Sénéchaux d'Epée , avec leurs Lieutenans ; les Commissaires ordinaires Provinciaux des Guerres , et géneralement tous les Officiers principaux en charge brévetez, et par Com→
mission du Roy , attachez au Militaire de France,
depuis leur Création et Institution..
12. Dénombrement géneral des Officiers , tant
en pied que réformez , et des Troupes de France.
sur pied , le 15 Février 1730. avec le nombre des
Officiers de chaque Corps de Troupes en particulier et en general ; l'abregé des Statuts et Institutions des Ordres du Roy, le trophée des Gra
des , honneurs et récompenses Militaires des
Officiers ; la Vûë et Description de l'Hôtel Royal
des Invalides, depuis sa fondation jusqu'à presents,
P'Institution et le détail de l'Ordre Royal et MiII. Vak litaire
DECEMBRE. 1732. 2933
litaire des Chevaliers de S. Louis, par Louis XIV.
pour honorer la valeur de ses Officiers , les origines et changemens arrivez jusqu'à présent dans
les Corps de Troupes qui subsistent ; et les observations pour la Regle et la discipline des Troupes , extraites des Ordonnances du Roy et des
Archives respectables de la Chambre des Comptes de Paris , avec les noms des Auteurs Militai
res , anciens et modernes , dont les Ouvrages ont
servi à la compilation et composition de cette Carte.
On trouvera au bas des trois dernieres feuilles
les Batailles mémorables , gagnées par les François , depuis le commencement de la Monarchie
jusqu'à présent; avec le vrai caractere d'un par- fait Homme de Guerre.
La grande Bordure de cette Carte contient sept :
feuilles , ou Tables en Tailles- douces , de pareille
grandeur , qui comprennent cent- dix Plans des
principales Places de Guerre et Villes maritimes
Frontieres du Royaume , distinguées par Dépar temens et Gouvernemens Géneraux des Provin--
ces , avec la Description, l'Etat Major, et les Armoiries en Blazon de chaque Place , et leur dis--
tance de Paris , ainsi que de l'une à l'autre , la
Description génerale desRoyaumes de France et
de Navarre , d'un côté , et de l'autre celle du s
Royaume de Pologne , d'où est sortie notre Auguste Reine ; l'Etat géneral des Garnisons ordi
naires de Gardes à Cheval , Hallebardiers et homa
mes de Guerre à pied , attachez aux Gouverneurs .
et Lieutenans Géneraux des Provinces du Royau--
me , détaillé depuis leur ancienne Institution jusqu'à présent , les quatre coins de la grande Bor
Jure de cette Carte , sont terminez par les Figu
res allégoriques des quatre principaux Vents dus
Levant,du Couchant; duMidy et du Septentrion ,
.
II Vol .
2934 MERCURE DE FRANCE
en forme de Renommée,aux Trompettes et Ban derolles de France et de Navarre , en Taille-douce;
on trouvera aussi au haut de la premiere Feuille de cette Bordure , le modele de l'effet ou de la réduction de la grande Carte rassemblée dans tou- te son étendue , avec deux Tableaux aux côtez
pour l'instruction nécessaire à son usage , gravez en taille- douce.
On a eu soin de graver au-dessus de la Maison Militaire du Roy , de la Gendarmerie , de
l'Infanterie, de la Cavalerie Françoise et Etrange
re, et des Dragons , ainsi que des Troupes for
mées en Compagnie , les differentes figures armées , tant à pied qu'à cheval , avec leurs Trophées d'armes anciennes et modernes;et au milieu
de chaque Corps de Troupes, la forme et couleur
de leurs Etendarts, Guidons etDrapeaux Colonels
et d'Ordonnance , représentez en Blazon , ainsi
que les Uniformes et Armures de toutes les Troupes du Roy qui subsistent, avec les Additions pour
la difference de chaque habillement et Equipage.
Cette Carte mise au jour en Janvier 1733. se
vend à Paris , chez l'Auteur , rue et près la Fontaine de Richelieu , avec les Supplémens annuels
pour expliquer les mutations ou changemens
Militaires , arrivez depuis le 15. Février 1730.
jusqu'au 15. Février 1732. et successivement
d'année en année le mêmejour , relatifs à cet Ouvrage, qui contient vingt grandes feuilles enri
chies de tailles- douces , réduites en un Livre broché et portatif, lesquelles feuilles se joignent en
une seule Carte de sept pieds en quarré, montée
sur Gorge et Rouleau.
L'Auteur annonce qu'attendu la dépense pour
la monture de sa Carte sur Gorge et Rouleau en
entier ou en trois parties , que chacun voudroit faire plus ou moins riche , ainsi que pour les difII. Vol ferentes
DECEMBRE. 1732 2935
ferentes façons de reliures des vingt feuilles , en
Maroquin ou en Veau , à l'usage des Bibliotheques , des Cabinets et du transport dans les Provinces , il s'est déterminé à ne le vendre qu'en
Livre en brochure , grand in folio , couvert de
Papier bleu d'Hollande , doublé de fort papier
blanc , dont le prix est fixé à vingt-quatre livres.
Et la feuille de Supplément aux mutations Militaires ; qui paroîtra chaque année , aussi gravée en taille- douce , sera de 24 sols seulement.
Le sieur Le Mau de la Jaisse , se chargera volontiers de faire ensuite accommoder sa Carte
proprement par ses Ouvriers , en telle forme qu'il
plaira , et à juste prix.
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Résumé : Histoire ou Carte generale du Militaire de France, [titre d'après la table]
Le document compile des informations détaillées sur les régiments et les officiers de l'armée française jusqu'au 15 février 1730. Il inclut les régiments de cavalerie légère française et étrangère, ainsi que les régiments de dragons. Les noms et dates des brevets des officiers généraux et principaux sont également mentionnés. Le texte énumère diverses unités militaires telles que les Suisses ordinaires du Corps du Roy, les Gardes de la Porte du Louvre, les Gardes de la Prévôté de l'Hôtel du Roy, les Cadets Gentilshommes, et les Milices du Royaume. Il détaille les différents grades militaires, incluant les Maréchaux de France, les Lieutenants Généraux, les Maréchaux de camp, les Brigadiers, les Gouverneurs des provinces, et les Maréchaux Généraux des logis. Le document aborde l'histoire abrégée du règne de Louis XV, les institutions des ordres royaux, militaires et hospitaliers, ainsi que le corps de l'artillerie de France. Il fournit un dénombrement général des officiers et des troupes, ainsi que des descriptions des places de guerre et des villes maritimes frontalières du royaume. La carte, mise à jour en janvier 1733, est vendue à Paris et inclut des suppléments annuels pour expliquer les mutations militaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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341
p. 36-49
REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
Début :
Si les Voyages ont leur utilité du côté du Corps, on doit aussi avoüer que [...]
Mots clefs :
Ansac, Beauvais, Beauvaisis, Forêt, Village, Saint Robert, La Neuville, Savant, Prieuré, Lettre pastorale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
_R'E MA R Q?) E S curieuse: sur la
_ ‘Bazar/aisés , addrméer à M. de la Reg
que , Auteur/ï.» Mercure.
Æ les Voyages ont leur utilité du côté
S du Corps‘, on doit aussi avoiier que
ceux qui les entreprennent par espritde
Ïuriosité , trouvent presque toujours de
quoi profiter en les aisant, pourvu qu’ils
ne sasservissent point si fort aux Voitu.
xes publiqueglcsquelles "ne donnent pres
que pas le temps de rien voir ni de rien
exariiiner, parce qu'elles ne ÿécartent ja
mais des grands chemins. Vous sçavez de
uelle maniere je fais une bonne partie
e mes Voyages ,'et que je quitte’, quand
r
bon me semble , ces sortes de Voitures,
ounuser de la même commodité avec
äaquelle M.l’Abbé Baudrand fit autrefois
e voyage de Rome, et dont se servit le
sçavânt Pere hiabillonganr qu’il se porta
bien._ C’est ainsi que j’ai parcouru déja.
une bonne partie du Royaume, et jmr ce
moïen je me suis trouvé à portée de faire
plusieurs Observations,qui peuvent avoir:
leur place dans differens Ouvrages de mes
amis, ou dans ceux que j’ai entrepris de
' A donne!
. JANVIER. 173;. 57
r‘
donner au public. Je n’oublie point sur
tout le Sanctoral de France en faveur des
Continuateurs de Bollandus ,à l'exemple
de M. l’A_bbé Chastelain, mon ancien‘
Maître, ni ce qui peut servir à illustrer.‘
l’Histoire de France, en quelque genre
que ce soit.
Rien ne me tentoit davantage dans ma:
derniere course faire en Beauvoi;is,que de
voir la Patrie du cclebre M. Barillet , et:
ce Village d'Ansac , duquel on a parlé
tant de fois dans vos Journaux, depuis
deux ans. Je ne vous rapporte-rai rien du
Prieuré de la Tour du Lay; que ïai vû
en passant, à une petite lieuë de l'an
cien Palais Royal de Chambli , situé sur
la grande Route. Ce Prieuré est devenu
fameux depuis qu'il a donné occasion‘ â
une Lettre Pastorale , singulier-e de M. de.
Saint-Agnan , Évêque de Beauvais, du u.‘
Novembre r7 2.7. imprimée -â Paris , chez
Josse et Briasson , et mentionnée dans le
Journal de Verduu , aussi- bien que le
Village de Nogent-les-Vierges, connupar
une autre Lettre Pastorale‘ du même Pré-Î
lat , du 6 Novembre 1723. M. d’Auver
gne , Avocat à Beauvais; digne imitateur
du goût et du zele des Sieurs Loyscl et:
Louvet, m'a communiqué par la voïe de,
votre Journal de Févrierjtout ce quïl,
' iij peu;
38 MERCURE DE FRANCE.‘
‘v.
pensoit sur S. Nerlin, Patron de ce Prieuo‘
té. Mais constamment le nom de Nerlin
ne peut être formé de celui de Nevelon,‘
et [Ordonnance qui a proposé ce Saint,
en place de S. Robert, semble substituer
à une chose obscure, une autre qui l’est
encore davantage , dès qu’elle ne dé—‘
signe à ce S. Nerlin aucun jour de culte,
et qu’elle n’enseigne pas même comment
on le nommera en Latin. j’ai vû ce que
la Lettre Pastorale ap elle le Tombeau de
S, Robert. Ce qui est elevé sur six petites
Colonnes dans la Nef du Prieuré , n’est
point un Tombeau commeelle Passure;
ce n’est qu’une sim le Tombe du xm sié-_
cle , qui est ainsi p acée,et sur cette Tom
be est’ couchée la figure en relief d’un
Prêtre vêtu des habits Sacerdotaux ,
comme on les portoit il ya environ cinq»
cens ans, ayant la tête‘ nuë , les mains
jointes et une espece de Dragon sous ses:
pieds. Il est probable que ce Cenotaphe
est pour faire ressouvenir ‘du Tombeau
qui doit être quelque part dans cette
Eglise; mais certainement il en est tres
distingué. Ce S. Robert , du 2x Avril,‘
n’est point aussi absolument inconnu ,
même hors le Pais de Beauvoisis. Je me
suis ressouvenu que parcourant en I730.
51ans le Berry , le Martyrologe de laCcË-r
' . 1 ,‘ ._. l f!
JANVIER. X733’. 3g
lËgiale de Leré, qui est du treizième sié
cle‘, Ïy lûs cette addition du’ sieclc sui
vant ,W au jour en question: Item , lîoberti
c/Iôbati: ; et les Chanoines de cette Égli
se , qui estiment, avec raison , leur ma
nusctit ,et qui s’en servent tous les jours,
ne manqnent point de prononcct cette
‘annonce a son tour.
Mais je vais vous (lite quelquûchose
'de plus interrcssant , au sujet de la Ncu
villc , Patrie de M. Baiilet. Comme ilhy a
plusieurs Villages de ce nom dansle Dio
cèse de Beauvais; celui-cy säppelle la.
Neuville en Hez , pour le distigguer des
‘autres. Il n’est point situé au Nord de la
Ville de Beauvàis, comme on l'a assuré
dans ŸEiogc de ce Sçairant ,.imprimé en
i707; et comme le Pcre-Nicerbn l’a dit
ÿclepuis dans ses Mcmoires , ôte. ‘mais. s:
àituation est âPOticnt de cette Villes‘
C’est une difficulté purement Géogra.
phique de sgavoir s’il faut écrire en_ Heu
bu en Hayes. Ce lieu est à Fenttée d’une
Forêt de Hantc-Futaye , qui le ‘sépare ‘de
la terre d'Ansac.' Si l’on avoir des Îi
tres bien anciens , qui les clésignassent par
le surnom in Hagn, ou bien in Haya ,
il FaudroitPêctire de la seconde manied
se; mais" les Titres du douzième siècle,‘
tapgçrtez‘ parLouyft ,‘cmployent toul
i“ l C iiij jours
l 4
Etc M ERCURE DE FRANCE.‘ A
jours le nom de Hez , pour désigner l2!
Forêt : Magnum 21mm: quod 710cm1"; Hez, ,
ensorte qu’il paroît que f-Iez est un nom
propre c Forêt, de même queLaye ,
Argonne , Ardennes. Le Dictionnaire
Universel de la France,imprimé en i726.
met ce la Ntuville ‘en Picardie ; et cepen
dant il le déclare situé au Diocèse de
Clernÿnuce qui est absurde et risible.
Ce Village peu connu mérite däautan‘;
lus d’être tiré de Pobscurité , que c’est
sans le Château qu’en y voyoir avant les
Guerres de la Religion , qu’un‘ des lus
illustres de nos Rois vint au mondallest
vrai que'M. Baillet qui éroit natif de ce
la Neuvillea ignoré ce fait ; mais comme
ce Sçavant quitta sa Patrie de bonne beu
re, et qu’il sïnformoit peu de ce qui
éroit contenu dans les Archives séculie
tes, il n’est pas étonnant qu’il n’en ait
pas eu connoissancelepremier Ecrivain
qui ait remarque ce point historique est
M. Simon, Conseiller au Présidial d:
Bfrauvais , lequel dms ses Additions 5.
PI-Iistoire du Beauvoisis, imprimées Pan
I704. s’explique positivement en ces ret
mes , à la pag. 45. touchant la Neuville
en l-Iez : J'ai vû , dit-il , la: Originaux; de
irai: Titres , dam il y en a deux du Ra]
Iwüi: X1. l'un du mai: «#401453 i468. et
. ‘ ' ‘ Pâture
4
s L
. ‘JANVIER. 173.3. 41
l'autre du r3 Octobre 1475m2 le troisiême qui
sont Lettres olu Roy Henry Il’. de 1601. ois
l’on accorde aux Haéitans de la Neuville
fourmi temps, l'exemption (le la Taille, en
honneur et souvenir de la naissance de saint
Louis; et il est énoncé dans le dernier de ses
titres , qu’il avait lui-même accordé la même
exemption par Lettres. Il est vrai que" celle
_ de 1468. marque seulement ( ainsi qu’il a été
aflïrmé ausdits babitans. ) Les "copiesldes
mêmes titres,que i’ai vûës entre les mains
de M. Maillard , Avocat à Paris, me POP‘
\ \ n \ ,
tent a suivre, aptes le R. P. de Mont
faucon , le sentiment qu’a eu ce Sçavant
touchant ce fait Historique; et s’il est vrai
quÎaucun Historien contemporain a la
naissance de S. Loüis , [fait assuré qu’elle
soit arrivée à Poissy, mais seulement qu'il
y fut baptizé 5 il reste à croire plus vrai
semblable que ce Prince étoit néà la Neu
ville. La premiers Charte de Loüis XI.‘
fut expediée à Compiégxie; et la seconde,
â la Vietoire , proche Senlis. Il seroit à
souhaitter qu'on pût recouvrer le Titre
par lequel S. Loüis lui-même avoir re
connu ce La-Nertville pour le lieu de sa
naissance. On pourroit encore recourir
à la confirmation que ce Roy a faire de la
donation d’une Comtesse de Clermonr au
Prêtre de 1a Neuvifleg en 1 2. 5 I. que Lou;
C v Net
4:2‘ MERCURE DE FRANCE.‘
vet dit être au Trésor Royal des Char?
j les Layere , de PAppanage des Enfans
de France.
Au sortit de la Forêt de I-Iez, on apaj
perçoit vers le midy , dans un fond , le
Village d’Ansac , qui s'est fait un certain.
renom, à_l’occasion de l’Akousmate,dont
vos Journaux ont parlé. J’en ai examiné
la situation en venant de la Ferme du.
Plessis- Bilbaud , dest-à-dire , devers le
Septentrion. Il y a en ce territoire et de
ce côté-là — même , plusieurs Gorges ou
Vallons bornez , mais très-secs et arides;
et sans Caverne,au moins qui paroisse.‘
La superficie du terrain est pierreuse,
puisqubn en tire du Pavé. Le Parc est à
opposite de ces Gorges ( le Village en—'
tre deux), c’est - à - dire, en tirant de
PEglise du lieu vers le Soleil Fes-g
ace de deux heures; et il est étendu en‘
fongueur de ce côté-là , moitié en plai-f
ne, moitié en côteau à main gauche.
S’il n’y a point de Cavernes ou de Sou-a
terrains à Ansac , ce n’est point non
plus un Païs où l’on puisse dire que les
Marais et les Eaux dormanres , fournis
sent à l’air une vapeur capable de Former
des bruits extraordinaires. Il n’y a qu’un
tres-perit Ruisseau,qui traverse la ion-g
gueur du Parc , "capable à peinede Ÿfaire
l’ v - tourner
JANVIER. I733: 43
tourner un Moulin; de sorte que je me
trouverois embarassé à décider lesquels
des deuxiont plus de raison , ou de ceux
qui croyenr que ces bruits étoient dans
Pair, ou des autres que vous me mander,
être d’avis qu’ils sortoient de dessous la
terre. Jenavoispas remarqué qu’on peut:
avoir cette derniete pensée , cr que dans
Penquête de M. le Curé , quelques-uns
(les principaux de ses Paroissiens dépo
sent qtfune partie de ces bruits leurs pa
rutent comme s’ils fussent sortis des en
trailles de la terre. Si quelque Sçavane
Physicien prenoit la peine de. mettre
cette pensée dans tout son jour ,peut
être» ne setoit elle pas trouvée hors d’ap-‘
arence. Ce que jen dis , au reste , est
toujours en supposant que le bruit enten
du à Ansac , a été naturel ,v et non pas ars
tificiel ,. et que personne ne s’est diverrj.
dans lebas du Châreamautour de que lquo
Machine, soigneusement disposée pour
representer un murmure populaire; can
gens habiles dans la Mécanique préten.
dent qu’un homme qui tiendtoit de la,
main gauche un Tonneau vuide , dêfon’.
‘cé par les deuxbours, et dont les Don.
yes autoicnt été ctênelées de la longrtepg
çl-‘un pied, plus ou moins,.vers' le milieu.’
çtqrti promeneroitde la droite à Pinte.
« Ç vj tien;
1,4. MERCURE DE" FRANCE.‘
rieur cle ce Tonneau autour" de ces créneæ‘
lures , un fercourbê et garni de différens
crans , Former-cit des sons qui represenre
roienr la Musette, la Vielle‘, le Hautbois,
ëäc. confusément entendus.
-' Que sçaLje s’il n’y ‘a pas d’autres sc-‘
crets pourreprésenrer à Foüiexun amas
confus de voix humaines , et- le somâcre
de gens qui riroient tous ensemble.
Autant Ie bruit d’Ansac est extraordinai
re en lui-mêmqaurantildoit paroîrre sin
gulier de voir dans le Pais de Beauvoisis
un nom de lieu finissant enaall semble que
ces sortes de terminaisons devroLnt être
renfermées dans FAuVergneJe Limousin,
la Guyenne ou autres parties Méridiona
les du Royaume. Je dourerois de la gé
nuité de ce nom , si je ne l’avois trouvé
dansl un tirée, rîipporré par Louvenll fana
ui ‘y- air ien es siecles u’on sa ‘ erdu
3e vûë le nom larinde ceqViIiaggPpui-sq
que dès l’an 1186, le Pape Urbain‘ lII.‘
que l’on fait parler dans une Bulle , ne-le
peut désigner que par le nom François
Anmc( a ). Je merrrois Cressonsac du.
Diocèse de Beauvais dans le même cas , si
ce n’éroit que M. Simon m’apprcnd qu’i_l
t‘ ( '21) Hein,‘ quicquid Imàetis in Villa qui; dicitur
‘Ansac, mm in hospitibu: guùm in amen. Louvet, e
Tome l. pag‘. 19+. _,<,
faut
JANVIER. 173;. 4,5
faut dire Cressonsart conformément aux
anciennes Chartes , et que ce mot vient:
de Cresxaninm Euartaruvz.
M. Dauvergne a bien rai<on de croire
qu’on a des Otivrages d’H;linand dans
l’Abbaye de Froimont. il me fut facile '
(le m’y transporterâ la faveur du voisina
ge de Brêle où je sèjotirnois; ct ayant eu
entrée dans la Bibliotheqtie, je les y trou-r»
vai aisément. Si on y croÿoit l1 Chtoni4
que perdue‘ , c’est qu_’en efiet elle est deg
venuë très-mèconnoissable , cn ce que les"
cahiers ont è*é autrefois si mal reliczl que
celui qui est au commencement du Voï
lume contient des articles du Règne de
Dagobert, tandis que le premier cahier ,
à la tête duquel sont les Fasrss Consulai
res , est au milieu du Livre. Ce volume ,
fout petit 527-49. qu’il est , peut contenir
toute la Chronique dT-Ielinand rèdigèe
e_'n latim Outre q‘u’il est sans aucune
marge , l’Ecriture en est très - minutèe.
Elle est du treizième siècle; mais elle n’est
pas pqur cela si difficile à‘ lire qu’elle l’a.
péfruë a M. Hermant , et a son Coufrere.
Çc lqui est plus voisin clu tems de l’Au
peut me parût plein d'apparitions , et:
n’est po’nt du goût de notre siècle. Cet
Écrivain passe pour Bienheureux dans‘
läâbbaye. On voit par certains endroits
l‘. quïl ’
4€ MERCURE DE FR ANGE
qu’il imitoit S. Jerôme , quant à la pen
sée de la mort , et son Tableau le repré-j
sente à peu près comme ce saint Doc
teur. Je cherchai ( mais inutilement .)
l'endroit où Helinand parle de cet
homme du Beauvoisis qu’on croyoit être
transformé en Loup 3 ct qui de son tems
passa pour Antropophnge ou mangeur
d’Enfans , parce qu'on lui en vit vomit
des jointures cle doigt toutes entieres. Ce
qui mïzngageoit à ce point de curiosité ,
est la parité du cas où nous nous trou
‘vons dans nos Cantons , puisqubn ne
peut presque ôter de Pesprit de la plû
partldes Paysans du Comté düuxeäte ,
ue eLou énorme ui man etant ‘en
gins depuiî plus deqsix moigs’ , et que la
Louvetetie du Roi n’a û en cote tuer ,
est d’une espece route siemblable. Il fane
qu'Helin1nd fut un Auteur de grande
réputation au treizième siecle. Outre
Vincent de Beauvais qui en a fait delongs
Extraits . îe le trouve encore souvent ci
té par un Jean de S. Chefs (a) Corde-â
lier , qui se dit de la Province de Bout-‘_
gogne , lequel a composé une Chronique,
qui finit à l'an 1 2.50. Ce Franciscain écrit;
\
ce qui suit a l’.æn 12.09: Hz": temporibm
(a)‘ besJîveadwio; - i. . ' .flomü
JÂNVIER. 1733. 4.7
flortiit Helinandus Manne/Jus , wir Religio
sus et facundtts , Belvaoensis. La qualité
de disert peut être fondée sur le style de
ses Sermons , dont plusieurs sont dans
le même volume à Froimont: mais je me
dispensai d’en prendre lecture. Depuis
que ïal eu communication cle la vieille
Traduction du fragment d’Helinand , ti
rée du Miroir Historia], par le canal du»
Mercure de Fevrier, j’ai retrouvé les mê-A
mes choses dans S. Antonin, Pari. III.
Lit. r8‘. Cap. ç. et c'est là justement que
j'avais lû autrefois le bruit qui fut enten
du dans une Forêt entre Rcims et Aré
ras s chose terrible , si elle étoit veritable.
Je finirai, Monsieur , ce que fai à vous
dite cl’Helinancl par la Pièce de Vers que
ce même Auteur a écrite en françois sur
la Mort. Cet Ouvrage renommé est une
nouvelle preuve de ce que ÿai avancé
contre la proposition trop generaie de
M. l’Abbé Fleury, que l’on ne tram/e point
ale Poësies en langagef/angois du dauziéme
ou treiziéme siécle sur des S ujets moraux et
depieteflcr que j’ai réfutêe par des exeme
pics rapportez dans le Mercure de Dés
cembre 173x. 1. vol. p. 2972. CQSVCYS
doivent n’être pas extrêmement rares _,
puisque c'est Loysél qui les fit imprimer
l’an 152+. avec une Dédicace au Présiälrnt
au:
48 MERCURE DEFRANCE
L
vFauchet , ainsi qu’il le dit lui-même dans
ses Mémoires. '
Comme vous faites quelquefois part de
mes Lettres â deÿpcrsonnes qui aiment
la science des Rits Ecclésiastiques, je fi
nirai celle-ci par une Observation que Ïai
faîte à Beauvais à la Fête de S. Pierre ,
Patron de la Cathedrale. Un Etranger ne
gent mänqtier d’être surpris de voir quïän
resse ans lc Sanctuaire es Parterres e
Fleurs et de verdure sur les Tombes des
Ehveques cote que qdu’iuny asuotnrte:inilhunm’eeszt , ptaasntoblige
d’avoir la clefde cet usage. Comme c’est
a celui m’a le plus frappé par sa singu
larité , ÿen ai cherché lbtigine dans les
Ecrivains de cette Ville. Louvet , le plus
difÎus de ses Conftctes , en parlantfïama
1. p. 391. de Penlevement des Tombes
du Choeur de l’Abbaye de Saint Lucien ,
fait au XVI. ‘siècle pour paver les Cuisi
nes du Cardinal de Chastillon , alors
Évêque de Beauvais, dit que lor<qu’elles
étoient encore en leur place , il y en avoit
une d’Airain garnie de plusieurs trous
dans lesquels en certains jours on mettoit
des bouquets de fleurs , et qu'à Pégard de
deux ou trois autres des Evêques de Beau
yais réputez de sainte vie , on pratiquoit
autour;
M - >JANVIER. 173;. 4g
‘äutour de leurs Tombes la même cerémoè
nie gubn fait-dans la Cathédrale autour.‘
fics Sêpùlcrès des Evêques aux jours s04
IemnçLguqui-cst de les environner Vde
fldùfssVoiiä Ÿesprit de cette cèrêmohîcî
Mais ce n’e t pas encore assez de rendre
honneur erfcela à la mémoire des Evê
quegquoique non-çanonïsez , les Oflîcianl
encenscnt encore ces Tombes pendant
POflîce d'une mariiere édifiahtc , de mê-T
me que l'on fait dans d’autres Églises de
là Ikovince de Reiins , de Sens, 86C. Ce
qui est une marque de rechonnoissancc pû
blique très-bien placée , et qui invite lei
Evêqucs vivans ä meritcr parleurs bien
faits et par leur sainte vie , lès mêmes
honneuzs qgÿils voyent rendre à lcùrs Pré;
x
décesseuts. -. .
.4 Aùàcerre , ce 22. fnilluet 1732.‘
_ ‘Bazar/aisés , addrméer à M. de la Reg
que , Auteur/ï.» Mercure.
Æ les Voyages ont leur utilité du côté
S du Corps‘, on doit aussi avoiier que
ceux qui les entreprennent par espritde
Ïuriosité , trouvent presque toujours de
quoi profiter en les aisant, pourvu qu’ils
ne sasservissent point si fort aux Voitu.
xes publiqueglcsquelles "ne donnent pres
que pas le temps de rien voir ni de rien
exariiiner, parce qu'elles ne ÿécartent ja
mais des grands chemins. Vous sçavez de
uelle maniere je fais une bonne partie
e mes Voyages ,'et que je quitte’, quand
r
bon me semble , ces sortes de Voitures,
ounuser de la même commodité avec
äaquelle M.l’Abbé Baudrand fit autrefois
e voyage de Rome, et dont se servit le
sçavânt Pere hiabillonganr qu’il se porta
bien._ C’est ainsi que j’ai parcouru déja.
une bonne partie du Royaume, et jmr ce
moïen je me suis trouvé à portée de faire
plusieurs Observations,qui peuvent avoir:
leur place dans differens Ouvrages de mes
amis, ou dans ceux que j’ai entrepris de
' A donne!
. JANVIER. 173;. 57
r‘
donner au public. Je n’oublie point sur
tout le Sanctoral de France en faveur des
Continuateurs de Bollandus ,à l'exemple
de M. l’A_bbé Chastelain, mon ancien‘
Maître, ni ce qui peut servir à illustrer.‘
l’Histoire de France, en quelque genre
que ce soit.
Rien ne me tentoit davantage dans ma:
derniere course faire en Beauvoi;is,que de
voir la Patrie du cclebre M. Barillet , et:
ce Village d'Ansac , duquel on a parlé
tant de fois dans vos Journaux, depuis
deux ans. Je ne vous rapporte-rai rien du
Prieuré de la Tour du Lay; que ïai vû
en passant, à une petite lieuë de l'an
cien Palais Royal de Chambli , situé sur
la grande Route. Ce Prieuré est devenu
fameux depuis qu'il a donné occasion‘ â
une Lettre Pastorale , singulier-e de M. de.
Saint-Agnan , Évêque de Beauvais, du u.‘
Novembre r7 2.7. imprimée -â Paris , chez
Josse et Briasson , et mentionnée dans le
Journal de Verduu , aussi- bien que le
Village de Nogent-les-Vierges, connupar
une autre Lettre Pastorale‘ du même Pré-Î
lat , du 6 Novembre 1723. M. d’Auver
gne , Avocat à Beauvais; digne imitateur
du goût et du zele des Sieurs Loyscl et:
Louvet, m'a communiqué par la voïe de,
votre Journal de Févrierjtout ce quïl,
' iij peu;
38 MERCURE DE FRANCE.‘
‘v.
pensoit sur S. Nerlin, Patron de ce Prieuo‘
té. Mais constamment le nom de Nerlin
ne peut être formé de celui de Nevelon,‘
et [Ordonnance qui a proposé ce Saint,
en place de S. Robert, semble substituer
à une chose obscure, une autre qui l’est
encore davantage , dès qu’elle ne dé—‘
signe à ce S. Nerlin aucun jour de culte,
et qu’elle n’enseigne pas même comment
on le nommera en Latin. j’ai vû ce que
la Lettre Pastorale ap elle le Tombeau de
S, Robert. Ce qui est elevé sur six petites
Colonnes dans la Nef du Prieuré , n’est
point un Tombeau commeelle Passure;
ce n’est qu’une sim le Tombe du xm sié-_
cle , qui est ainsi p acée,et sur cette Tom
be est’ couchée la figure en relief d’un
Prêtre vêtu des habits Sacerdotaux ,
comme on les portoit il ya environ cinq»
cens ans, ayant la tête‘ nuë , les mains
jointes et une espece de Dragon sous ses:
pieds. Il est probable que ce Cenotaphe
est pour faire ressouvenir ‘du Tombeau
qui doit être quelque part dans cette
Eglise; mais certainement il en est tres
distingué. Ce S. Robert , du 2x Avril,‘
n’est point aussi absolument inconnu ,
même hors le Pais de Beauvoisis. Je me
suis ressouvenu que parcourant en I730.
51ans le Berry , le Martyrologe de laCcË-r
' . 1 ,‘ ._. l f!
JANVIER. X733’. 3g
lËgiale de Leré, qui est du treizième sié
cle‘, Ïy lûs cette addition du’ sieclc sui
vant ,W au jour en question: Item , lîoberti
c/Iôbati: ; et les Chanoines de cette Égli
se , qui estiment, avec raison , leur ma
nusctit ,et qui s’en servent tous les jours,
ne manqnent point de prononcct cette
‘annonce a son tour.
Mais je vais vous (lite quelquûchose
'de plus interrcssant , au sujet de la Ncu
villc , Patrie de M. Baiilet. Comme ilhy a
plusieurs Villages de ce nom dansle Dio
cèse de Beauvais; celui-cy säppelle la.
Neuville en Hez , pour le distigguer des
‘autres. Il n’est point situé au Nord de la
Ville de Beauvàis, comme on l'a assuré
dans ŸEiogc de ce Sçairant ,.imprimé en
i707; et comme le Pcre-Nicerbn l’a dit
ÿclepuis dans ses Mcmoires , ôte. ‘mais. s:
àituation est âPOticnt de cette Villes‘
C’est une difficulté purement Géogra.
phique de sgavoir s’il faut écrire en_ Heu
bu en Hayes. Ce lieu est à Fenttée d’une
Forêt de Hantc-Futaye , qui le ‘sépare ‘de
la terre d'Ansac.' Si l’on avoir des Îi
tres bien anciens , qui les clésignassent par
le surnom in Hagn, ou bien in Haya ,
il FaudroitPêctire de la seconde manied
se; mais" les Titres du douzième siècle,‘
tapgçrtez‘ parLouyft ,‘cmployent toul
i“ l C iiij jours
l 4
Etc M ERCURE DE FRANCE.‘ A
jours le nom de Hez , pour désigner l2!
Forêt : Magnum 21mm: quod 710cm1"; Hez, ,
ensorte qu’il paroît que f-Iez est un nom
propre c Forêt, de même queLaye ,
Argonne , Ardennes. Le Dictionnaire
Universel de la France,imprimé en i726.
met ce la Ntuville ‘en Picardie ; et cepen
dant il le déclare situé au Diocèse de
Clernÿnuce qui est absurde et risible.
Ce Village peu connu mérite däautan‘;
lus d’être tiré de Pobscurité , que c’est
sans le Château qu’en y voyoir avant les
Guerres de la Religion , qu’un‘ des lus
illustres de nos Rois vint au mondallest
vrai que'M. Baillet qui éroit natif de ce
la Neuvillea ignoré ce fait ; mais comme
ce Sçavant quitta sa Patrie de bonne beu
re, et qu’il sïnformoit peu de ce qui
éroit contenu dans les Archives séculie
tes, il n’est pas étonnant qu’il n’en ait
pas eu connoissancelepremier Ecrivain
qui ait remarque ce point historique est
M. Simon, Conseiller au Présidial d:
Bfrauvais , lequel dms ses Additions 5.
PI-Iistoire du Beauvoisis, imprimées Pan
I704. s’explique positivement en ces ret
mes , à la pag. 45. touchant la Neuville
en l-Iez : J'ai vû , dit-il , la: Originaux; de
irai: Titres , dam il y en a deux du Ra]
Iwüi: X1. l'un du mai: «#401453 i468. et
. ‘ ' ‘ Pâture
4
s L
. ‘JANVIER. 173.3. 41
l'autre du r3 Octobre 1475m2 le troisiême qui
sont Lettres olu Roy Henry Il’. de 1601. ois
l’on accorde aux Haéitans de la Neuville
fourmi temps, l'exemption (le la Taille, en
honneur et souvenir de la naissance de saint
Louis; et il est énoncé dans le dernier de ses
titres , qu’il avait lui-même accordé la même
exemption par Lettres. Il est vrai que" celle
_ de 1468. marque seulement ( ainsi qu’il a été
aflïrmé ausdits babitans. ) Les "copiesldes
mêmes titres,que i’ai vûës entre les mains
de M. Maillard , Avocat à Paris, me POP‘
\ \ n \ ,
tent a suivre, aptes le R. P. de Mont
faucon , le sentiment qu’a eu ce Sçavant
touchant ce fait Historique; et s’il est vrai
quÎaucun Historien contemporain a la
naissance de S. Loüis , [fait assuré qu’elle
soit arrivée à Poissy, mais seulement qu'il
y fut baptizé 5 il reste à croire plus vrai
semblable que ce Prince étoit néà la Neu
ville. La premiers Charte de Loüis XI.‘
fut expediée à Compiégxie; et la seconde,
â la Vietoire , proche Senlis. Il seroit à
souhaitter qu'on pût recouvrer le Titre
par lequel S. Loüis lui-même avoir re
connu ce La-Nertville pour le lieu de sa
naissance. On pourroit encore recourir
à la confirmation que ce Roy a faire de la
donation d’une Comtesse de Clermonr au
Prêtre de 1a Neuvifleg en 1 2. 5 I. que Lou;
C v Net
4:2‘ MERCURE DE FRANCE.‘
vet dit être au Trésor Royal des Char?
j les Layere , de PAppanage des Enfans
de France.
Au sortit de la Forêt de I-Iez, on apaj
perçoit vers le midy , dans un fond , le
Village d’Ansac , qui s'est fait un certain.
renom, à_l’occasion de l’Akousmate,dont
vos Journaux ont parlé. J’en ai examiné
la situation en venant de la Ferme du.
Plessis- Bilbaud , dest-à-dire , devers le
Septentrion. Il y a en ce territoire et de
ce côté-là — même , plusieurs Gorges ou
Vallons bornez , mais très-secs et arides;
et sans Caverne,au moins qui paroisse.‘
La superficie du terrain est pierreuse,
puisqubn en tire du Pavé. Le Parc est à
opposite de ces Gorges ( le Village en—'
tre deux), c’est - à - dire, en tirant de
PEglise du lieu vers le Soleil Fes-g
ace de deux heures; et il est étendu en‘
fongueur de ce côté-là , moitié en plai-f
ne, moitié en côteau à main gauche.
S’il n’y a point de Cavernes ou de Sou-a
terrains à Ansac , ce n’est point non
plus un Païs où l’on puisse dire que les
Marais et les Eaux dormanres , fournis
sent à l’air une vapeur capable de Former
des bruits extraordinaires. Il n’y a qu’un
tres-perit Ruisseau,qui traverse la ion-g
gueur du Parc , "capable à peinede Ÿfaire
l’ v - tourner
JANVIER. I733: 43
tourner un Moulin; de sorte que je me
trouverois embarassé à décider lesquels
des deuxiont plus de raison , ou de ceux
qui croyenr que ces bruits étoient dans
Pair, ou des autres que vous me mander,
être d’avis qu’ils sortoient de dessous la
terre. Jenavoispas remarqué qu’on peut:
avoir cette derniete pensée , cr que dans
Penquête de M. le Curé , quelques-uns
(les principaux de ses Paroissiens dépo
sent qtfune partie de ces bruits leurs pa
rutent comme s’ils fussent sortis des en
trailles de la terre. Si quelque Sçavane
Physicien prenoit la peine de. mettre
cette pensée dans tout son jour ,peut
être» ne setoit elle pas trouvée hors d’ap-‘
arence. Ce que jen dis , au reste , est
toujours en supposant que le bruit enten
du à Ansac , a été naturel ,v et non pas ars
tificiel ,. et que personne ne s’est diverrj.
dans lebas du Châreamautour de que lquo
Machine, soigneusement disposée pour
representer un murmure populaire; can
gens habiles dans la Mécanique préten.
dent qu’un homme qui tiendtoit de la,
main gauche un Tonneau vuide , dêfon’.
‘cé par les deuxbours, et dont les Don.
yes autoicnt été ctênelées de la longrtepg
çl-‘un pied, plus ou moins,.vers' le milieu.’
çtqrti promeneroitde la droite à Pinte.
« Ç vj tien;
1,4. MERCURE DE" FRANCE.‘
rieur cle ce Tonneau autour" de ces créneæ‘
lures , un fercourbê et garni de différens
crans , Former-cit des sons qui represenre
roienr la Musette, la Vielle‘, le Hautbois,
ëäc. confusément entendus.
-' Que sçaLje s’il n’y ‘a pas d’autres sc-‘
crets pourreprésenrer à Foüiexun amas
confus de voix humaines , et- le somâcre
de gens qui riroient tous ensemble.
Autant Ie bruit d’Ansac est extraordinai
re en lui-mêmqaurantildoit paroîrre sin
gulier de voir dans le Pais de Beauvoisis
un nom de lieu finissant enaall semble que
ces sortes de terminaisons devroLnt être
renfermées dans FAuVergneJe Limousin,
la Guyenne ou autres parties Méridiona
les du Royaume. Je dourerois de la gé
nuité de ce nom , si je ne l’avois trouvé
dansl un tirée, rîipporré par Louvenll fana
ui ‘y- air ien es siecles u’on sa ‘ erdu
3e vûë le nom larinde ceqViIiaggPpui-sq
que dès l’an 1186, le Pape Urbain‘ lII.‘
que l’on fait parler dans une Bulle , ne-le
peut désigner que par le nom François
Anmc( a ). Je merrrois Cressonsac du.
Diocèse de Beauvais dans le même cas , si
ce n’éroit que M. Simon m’apprcnd qu’i_l
t‘ ( '21) Hein,‘ quicquid Imàetis in Villa qui; dicitur
‘Ansac, mm in hospitibu: guùm in amen. Louvet, e
Tome l. pag‘. 19+. _,<,
faut
JANVIER. 173;. 4,5
faut dire Cressonsart conformément aux
anciennes Chartes , et que ce mot vient:
de Cresxaninm Euartaruvz.
M. Dauvergne a bien rai<on de croire
qu’on a des Otivrages d’H;linand dans
l’Abbaye de Froimont. il me fut facile '
(le m’y transporterâ la faveur du voisina
ge de Brêle où je sèjotirnois; ct ayant eu
entrée dans la Bibliotheqtie, je les y trou-r»
vai aisément. Si on y croÿoit l1 Chtoni4
que perdue‘ , c’est qu_’en efiet elle est deg
venuë très-mèconnoissable , cn ce que les"
cahiers ont è*é autrefois si mal reliczl que
celui qui est au commencement du Voï
lume contient des articles du Règne de
Dagobert, tandis que le premier cahier ,
à la tête duquel sont les Fasrss Consulai
res , est au milieu du Livre. Ce volume ,
fout petit 527-49. qu’il est , peut contenir
toute la Chronique dT-Ielinand rèdigèe
e_'n latim Outre q‘u’il est sans aucune
marge , l’Ecriture en est très - minutèe.
Elle est du treizième siècle; mais elle n’est
pas pqur cela si difficile à‘ lire qu’elle l’a.
péfruë a M. Hermant , et a son Coufrere.
Çc lqui est plus voisin clu tems de l’Au
peut me parût plein d'apparitions , et:
n’est po’nt du goût de notre siècle. Cet
Écrivain passe pour Bienheureux dans‘
läâbbaye. On voit par certains endroits
l‘. quïl ’
4€ MERCURE DE FR ANGE
qu’il imitoit S. Jerôme , quant à la pen
sée de la mort , et son Tableau le repré-j
sente à peu près comme ce saint Doc
teur. Je cherchai ( mais inutilement .)
l'endroit où Helinand parle de cet
homme du Beauvoisis qu’on croyoit être
transformé en Loup 3 ct qui de son tems
passa pour Antropophnge ou mangeur
d’Enfans , parce qu'on lui en vit vomit
des jointures cle doigt toutes entieres. Ce
qui mïzngageoit à ce point de curiosité ,
est la parité du cas où nous nous trou
‘vons dans nos Cantons , puisqubn ne
peut presque ôter de Pesprit de la plû
partldes Paysans du Comté düuxeäte ,
ue eLou énorme ui man etant ‘en
gins depuiî plus deqsix moigs’ , et que la
Louvetetie du Roi n’a û en cote tuer ,
est d’une espece route siemblable. Il fane
qu'Helin1nd fut un Auteur de grande
réputation au treizième siecle. Outre
Vincent de Beauvais qui en a fait delongs
Extraits . îe le trouve encore souvent ci
té par un Jean de S. Chefs (a) Corde-â
lier , qui se dit de la Province de Bout-‘_
gogne , lequel a composé une Chronique,
qui finit à l'an 1 2.50. Ce Franciscain écrit;
\
ce qui suit a l’.æn 12.09: Hz": temporibm
(a)‘ besJîveadwio; - i. . ' .flomü
JÂNVIER. 1733. 4.7
flortiit Helinandus Manne/Jus , wir Religio
sus et facundtts , Belvaoensis. La qualité
de disert peut être fondée sur le style de
ses Sermons , dont plusieurs sont dans
le même volume à Froimont: mais je me
dispensai d’en prendre lecture. Depuis
que ïal eu communication cle la vieille
Traduction du fragment d’Helinand , ti
rée du Miroir Historia], par le canal du»
Mercure de Fevrier, j’ai retrouvé les mê-A
mes choses dans S. Antonin, Pari. III.
Lit. r8‘. Cap. ç. et c'est là justement que
j'avais lû autrefois le bruit qui fut enten
du dans une Forêt entre Rcims et Aré
ras s chose terrible , si elle étoit veritable.
Je finirai, Monsieur , ce que fai à vous
dite cl’Helinancl par la Pièce de Vers que
ce même Auteur a écrite en françois sur
la Mort. Cet Ouvrage renommé est une
nouvelle preuve de ce que ÿai avancé
contre la proposition trop generaie de
M. l’Abbé Fleury, que l’on ne tram/e point
ale Poësies en langagef/angois du dauziéme
ou treiziéme siécle sur des S ujets moraux et
depieteflcr que j’ai réfutêe par des exeme
pics rapportez dans le Mercure de Dés
cembre 173x. 1. vol. p. 2972. CQSVCYS
doivent n’être pas extrêmement rares _,
puisque c'est Loysél qui les fit imprimer
l’an 152+. avec une Dédicace au Présiälrnt
au:
48 MERCURE DEFRANCE
L
vFauchet , ainsi qu’il le dit lui-même dans
ses Mémoires. '
Comme vous faites quelquefois part de
mes Lettres â deÿpcrsonnes qui aiment
la science des Rits Ecclésiastiques, je fi
nirai celle-ci par une Observation que Ïai
faîte à Beauvais à la Fête de S. Pierre ,
Patron de la Cathedrale. Un Etranger ne
gent mänqtier d’être surpris de voir quïän
resse ans lc Sanctuaire es Parterres e
Fleurs et de verdure sur les Tombes des
Ehveques cote que qdu’iuny asuotnrte:inilhunm’eeszt , ptaasntoblige
d’avoir la clefde cet usage. Comme c’est
a celui m’a le plus frappé par sa singu
larité , ÿen ai cherché lbtigine dans les
Ecrivains de cette Ville. Louvet , le plus
difÎus de ses Conftctes , en parlantfïama
1. p. 391. de Penlevement des Tombes
du Choeur de l’Abbaye de Saint Lucien ,
fait au XVI. ‘siècle pour paver les Cuisi
nes du Cardinal de Chastillon , alors
Évêque de Beauvais, dit que lor<qu’elles
étoient encore en leur place , il y en avoit
une d’Airain garnie de plusieurs trous
dans lesquels en certains jours on mettoit
des bouquets de fleurs , et qu'à Pégard de
deux ou trois autres des Evêques de Beau
yais réputez de sainte vie , on pratiquoit
autour;
M - >JANVIER. 173;. 4g
‘äutour de leurs Tombes la même cerémoè
nie gubn fait-dans la Cathédrale autour.‘
fics Sêpùlcrès des Evêques aux jours s04
IemnçLguqui-cst de les environner Vde
fldùfssVoiiä Ÿesprit de cette cèrêmohîcî
Mais ce n’e t pas encore assez de rendre
honneur erfcela à la mémoire des Evê
quegquoique non-çanonïsez , les Oflîcianl
encenscnt encore ces Tombes pendant
POflîce d'une mariiere édifiahtc , de mê-T
me que l'on fait dans d’autres Églises de
là Ikovince de Reiins , de Sens, 86C. Ce
qui est une marque de rechonnoissancc pû
blique très-bien placée , et qui invite lei
Evêqucs vivans ä meritcr parleurs bien
faits et par leur sainte vie , lès mêmes
honneuzs qgÿils voyent rendre à lcùrs Pré;
x
décesseuts. -. .
.4 Aùàcerre , ce 22. fnilluet 1732.‘
Fermer
Résumé : REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
L'auteur d'une lettre adressée à M. de la Regnie discute des voyages et de leurs utilités. Il souligne que les voyages entrepris par curiosité permettent souvent des observations profitables, à condition de ne pas se limiter aux voies publiques. L'auteur mentionne sa méthode de voyage, inspirée par l'Abbé Baudrand et le Père Habillon, qui consiste à quitter les voitures publiques pour explorer plus librement. L'auteur a parcouru une grande partie du Royaume de France, ce qui lui a permis de faire plusieurs observations utiles pour divers ouvrages, y compris le Sanctoral de France et l'histoire de France. Il évoque notamment sa visite en Beauvoisis, où il a exploré la patrie de M. Barillet et le village d'Ansac, rendu célèbre par des lettres pastorales de M. de Saint-Agnan. Il décrit le Prieuré de la Tour du Lay près de l'ancien Palais Royal de Chambli, et les controverses entourant le saint patron de ce prieuré, S. Nerlin ou S. Robert. L'auteur rapporte également des observations sur la Neuville-en-Hez, distinguée des autres villages du même nom, et discute de son histoire, notamment la naissance supposée de Saint Louis dans ce village. Enfin, il mentionne les bruits mystérieux entendus à Ansac et les théories sur leur origine, naturelle ou artificielle. Il conclut en parlant de la cérémonie autour des tombes des évêques et de l'honneur rendu à leur mémoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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342
p. 65-74
SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
Début :
Je vous fais, Monsieur, mon compliment sur votre heureux retour à Paris. Ce retour me [...]
Mots clefs :
Ceuta, Oran, Alger, Barbarie, Siège, Vaisseaux, Arabe, Mer, Cloches, Espagnols
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
SEL.PRT.IécÈritMe Eà M.LÇleTMTarRqEuidsede; B. au
sujet de: Villes d’Or4n et de Gema.
_, E- vous fais, Monsieur, mon compliment su:
» votre heureux retour à Paris. Ce retour me
fait un double laisir car il me dis ense de vous
. 4 . P *. .
écrire aa_ suite des affaires d’Oran depuis ma der
_niere Lettre; vous en êtes sans doute déa lei-s
. . . i . l l’
nement instruit. Il m’e ar ne aussi le chaorin de
_ O
:vous apprendre le premier une triste nouvelle,
le malheur arrive’ au Marquis de Saï-n'a‘ Cruz dans
l'action du 1.1. Novembre dernier. A cela près, je
-n’aurois presque eu que des choses agréables a‘.
vous dire , et ÿaurois fini par la levée du Siege
.de cette Place , par la démolition des travaux des
Maures et par leur retraite, circonstances qui
{ont Pétat présent des choses, suivant les der-e
pseres Lettres (Pfispagne et (Ÿliflïique. .
' D v Au
l.
Z5 MERCURE DE FRANCE
Au lieu de tout ce détail’, qui seroit pour vous,’
Monsieur , une répcrition , je crois devoir vous
faire part du précis d’une Lettre que ÿai reçûë
depuis peu d’Algcr , dans laquelle Oran n'est pas
oublié , et qui contient certaines particularitez
que vous ne serez pas fâché de sçavoir. La.
Lettre est datée du 2.3. Octobre dernier et
écrite par un Voyageur éclairé. ‘
sa Jamais Expedition n’a été plus heureuse ni
u plus visiblement favorisée du Ciel que celle
a d’0ran.Le Gouverneur Maure étoit eu état de
se faire acheter bien cher cette Place aux Espa-g
a gnols, il ne manquait ni de monde ni de mus
a: nitions pour faire une longue résistance , favo
g, risé d’ailleurs par la situation avantageuse des
u Forts, et par une Arméede sa Nation , qui de
ne voit rendre le débarquement des Troupes Chré
o. tiennes très-difficile. Si ce débarquement eût
a été diEeré seulement de deux jours , il devenait
o: presque impossible, â cause d’un vent d’Est,
p: qui survinr si frais et si violent , que tous les
hBâtimens de transport seroienr in ailliblement
upériær avec leur charge. De plus , en ternpori-i
u sant un peu de la part du Commandant , une
nseconde Armée de Turcs et de Maures , accou
u rus de toutes parts , se seroit jointe à la pre-j
n» miere, et auroit rendu la retraite et le rembar
p; quement de PArmée Chrétienne absolument
a nécessaire et évalement érilleux - mais comme
. D ’
aje l’ai d'abord reimrque’, le Ciel a voulu benitfi
m les Armes et les pieuses intentions du Roy d’Es-_'
D) Pflgfltn
a Après un ‘tel succès qui a d'abord rempli
‘a de consternation et d'épouvante toute la Bar—,
ce barie ,- si la saison avancée, ou cl’autres Consi-j
a dcrations , m'envoient "pas arrêté les progrès de
i . 98E
JANVIER. I733, 57
a ces mêmes Armes , on peut assurer que les Es
» pagnols se scroicnt rendus maîtres de toute
a: cette Côte et d’Alger même, saris beaucoup
u dbposition. On craignait ici si fort cet éve
.. nemcnt, que le Dey et tout le Pays étaient
a: plus disposez â la retraite , ou plutôt â la fuite
w dans les Montagnes les plus inaccessibles, qu'à.
a la deffense.
.. Mais ces dispositions n’ont ‘pas duré; l'in
a action des Espagnols a fait reprendre courage
æ aux Infidelcs , ils ont réütii toutes leurs Forces
a pour faire le Sicge d’Oran , qu’ils ont elfective
un ment formé depuis la my-Septembre , avec une
a grande Armée de Terre et avec une Escadre
v» tic dix Vaisseaux de guerre , sans compter plu
“sieurs Galiotes , et autres Bâtimens chargez de
v munitions pour le Camp et de quelques Trou
v pes de débarquement.
v D'autres Vaisseaux Algeriens croisent ce
s: pendant sur les Côtes dOEspagne, tnlevent tou
are sorte de Bâtimens , sur tout ceux qui sont
vchargez ‘pour Oran, et troublent cntieremen;
vie commerce D’un autre côte’ les Chrétiens
Pqui sont à Alger sont assez maltraitcz dans les
' v circonstances où sont les choses. .
n Vous jugez bien que dans ce temps «le trou
cible il n’est pas facile de faire les recherches
.0- clont vous me chargez dans votre dernier Me
v moire. La Ville de Tcmectn, ou comme on
ä> prononce ici, Tlmuan, subsiste encore , mais
m elle est fort éloignée de son ancienne splendeur.
u Avant la Prise d’Oran par les Maures sur les
a: Espagnols en 17.38. c’étoit le Siege des Deys,
u ou des Gouverneurs de la Province de Porteur.
.3: On y entretient une Garnison de zoo hommes
a giron clçang tous les ans, selon Pusagc du
V . D_ v; a: Royaume
58 MERCURE DE "FRANCE
wkoyaume cPAlger à Pégard de toutes les Places‘
si qui en dépendent. Cette Ville est admirable-g
sur-ment bien située , l’air y est très-salubre , et la
sa fertilité de son Territoire ne sçauroit être plus
a grande avec les meilleures eaux du monde. Elle
a; est a go milles environ au Sud-Ouest d’Oran, et
a après de 340. milies.d’Alger.Les habitans son:
,, presque tous ]uifs. Ses Fortifications sont fore
M peu de chose. Vous trouverés dans le Morerï
a une autre peinture de cette Ville, mais for!
,, éloignée de la verité. Alger est traité de même
_,, dans ce Livre, tout y est éxageré s surtout
ale nombre des Esclaves Chrétiens qu’en y fait:
s, monter âquarante milles , et qui ne sont pas
a seulement au nombre de zyoo.
- ne M. Thomas Shaw, Ministre AnglicamDoc.‘
m1611]: de l’Université d’Oxford , et fort habile
a. homme , dont je crois vous avoir déja par-«j
a. lé , nous a epfin quitté; il s’est embarqué le
9: t; juillet det-‘Ëiier pour se retirer en Angleterre;
sa après avoir visité Pîtalie. Il a demeuré plus
a de douze ans à A-lger , pendant lequel tems il
p a parcouru tous les Lieux qui en dépendent, le—_
5, vant les Plans des plus considérables , et faisan:
n: des Cirtes éxactes des Provinces , 8re. pour en
a richir PHistoire naturelle qu’il a composée du.
o: Royaume d’Algtr , et qu-’il prétend publier
u en peu de tems. ‘On peut présumer que cette
a Histoire sera curieuse et‘ recherchée, ifAuteut
a: ayant eu tout le tems et toutes les commodi
5o tez nécessaires pour être instruit , et ayant v6
a: et éxaminé tout ce qui a été écrit sur cette
o: matiere par M. Durand , ci-devant Consul
n: d’Alger , par les Religieux Trinitaires , pars
a: M. Laugier , Commissaire de la Marine ê’
m Amstrtdam l dont [Ouvrage q; imprimé , et
' n paç
JANVIER. I733. ‘G9
a- par‘ M. Peyssonnel, Médecin de Marseille , en
» voyé par le Roi en 172,1‘. à Alger et à Tunia
o: pour faire de nouvellesdécouvertes , &c.
n Les Cloches ‘d’©ran , dont vous mäævcz
se parlé , se voyent encore aujourdïiui ici â la.
w Porte qui conduit au Port. 1l y en a six de dif
n lereute grandeur , poséeseles unes sur les au
» rres contre une muÙille. Cette situation , ce
a; les COOEODCIUIÉS présentes ne permettent guéres
a: d’en prendre les Inscriptions. Elles ne sont pas
a: extrêmement grosses , la plus considérable n’a.
a» quïînviron quatre pieds de hauteur ,avec un
a: diamétrc proportionné. ]’ai liî une seule Ins
» criprion , laquelle est en Espagnol, e: contient:
- ces mots: Ai mm de la. sais que est» hache m
uMurrin si endo Prelado el Rmo Padre Balus
ovzar al Arma 1,74. C’ÎsÎ'ài-diÎC, qu"il y a une
v des six Cloches qui a été fondue à Murcie Pan
e: 1 r74. Le Très-Révereixd Pere Baltazar en étant
u alors Evêque.
n Vous sçavez‘ que les Mahometans se font
sa une espécc de trophée des Cloches par eux en
» levées sur les Chrétiens. On. voir encore au
a jounÿhui dans la principale Mosquée de la‘
a Ville de Maroc deux grandes Cloches suspen
n: duës à rebours, attachées a‘. la Net‘ par de gros
sa ses clæînes , que le Roi Almanzot fit empor
v: ter «Pläspagne.
Depuis la date de cette Lettre les choses ont‘
changé -:lc face , comme vous le sçavez , Mon
sieur; une Escadre de Vaisseaux de Guerre Es-i
pagnols , fortifiée par deux Vaisseaux de guerre
de Malte , a fait disparoîtrc PEscadre Turque 9
qui est rentrée i A-lger. Oran a reçû 4658660113
considérables , et vous êtes instruit de’ tout le
ICÜIC.
7o MERCURE DE FRANCE
Je ne vous dirai donc rien ici d’une Relation ‘Ê
Espagnole imprimée à Barcclone, des deux sari-g
glantes actions du u. Cedu 2. 3. Novembre _, 1a
quelle je viens de recevoir , après une attente de
près d’un mois, de la part du plus lent et du
plus distrait de mes amis. On y rend bien justi
ce a‘. la conduite et à la valeur du Marquis de
Sania-Cruz , qui a été t'a’ dans une fatale cir
consiance , ex rimée en ces termes dans la Re
lation. Vifîldûp erre desarden las Moras se nacre»
nm à aprovecharla cm las arma: 1214m4: , y fue
pretisso pasmssm par encima de elles para incorpo
nme ton l» Trop» : En cuya arnsion se perdra à cl
Marque: de SantmCmz , sir; que las paras Solda
das de Crwnlltri» , y Dragage: que le Mompanns
km , pudiessen emlmraznr su desgvacizda mume ,
ton lntima univerml , par la; prendas , y valor que
l: adornalzavz. l
Mais c’est assez parler dflllger et d'Oran , je
n’oul>lit pas , Monsieur , ce que je vous ai pro
mis au sujet de la Ville de Ccuta , dont le S:égc
par les Troupes du Roi de Maroc , a déja sur
passé en longueur le Siège de Troye. je ne
crois pas cependant que Ccuta fournisse jamais
le sujet d’une lliade: ce sera beaucoup pour cette
Ville si‘ le petit morceau historique que voici
peut. se trouver de votre goût, et vougamuser
agréablement. j -
La Ville de Ceuta est située dans FEmbOu.‘
chute du détroit de Gibraltar , à Pcntlroit où ce
"' Reluion du la succedzda m las do: Funcianfs
que m et dia u. y 1,3. de Noviembre de 1731.
inca la Guamitian de 012m ton el extraite de
les Turco: , y Maros , que l» sitinwn. Barcclona.
P9: Joseph Texido, 8re. 1732.. «
fameux
JANVIER. 1733. 7:
fameux Détroit est le plus retressi par les deux
Côtes, ensorte que le trajet de celle düfllïrique ,
ou est Ceuta . en Espagne , n’esr que d’environ
cinq lieues. Si on en croit quelques Écrivains
Espagnols , cette Ville est des plus anciennes et
des plus illustres de toute la Mauritanie, les Ro- _
\
mains qui la bâtirenr y tenoient leurs Flores , a
cause de la commodite de son Port , et la nom
merent enfin la Ville des Romains , ou la Ville
ar excellence , ce ue {ont aujourd’hui setrcible lceonnfiormmgruû’elle Potte C111
Un Historien Arabe lui donne une origine
‘bien plus ancienne ; c’est , selon lui , un Fils de
Noë qui l’a fondée deux cens trente ans après
le Déluge : mais défions-nous un peu des Ecri
vains de cette Nation , qui donnent pour la plâ
art dans le merveilleux ; et traitent PI-Iistoire
gomme la Fable. Ortelius vent que Ccuta soit
Pancienne Essilissn . dont la position " est mar
qué dans Ptoloméc, mais cette position est fort
differente de celle de Ceuta , comme nous Pal
Ions voir.
Abulfeda , ce fameux Geographe Arabe dont
j’ai parlé plusieurs fois, et dont on vient de
donner une belle Édition , avec une Traduction
Latine , &c. en Angleterre , parle de Ceuta qu’il
nomme 525m au nombre LXXVII. de ses Ta
bles Géographiques: il la place â neuf degrez
cinq minutes de longitude , et â g; dcgrcz tren
.te minutes de latitude sous le (V. Climat dans
la Barbarie * Ulterieure. sa Elle est, dit-il , si
’ 1393m’. 3o min. de longit. et 3; kg. ;6
min. de tarit. - -
9‘ Cc Giagrapêc divise la Barbarie m «vitrerie»
v 7€
72 MERCURE m: FRANCE
h tuée entre deux Mers , Pocean et la Médireg:
mranée, c’est Pabord de deux grands Pays .
o: la Barbarie et FESpagne , Ville de passage e:
n de commerce. Elle est baignée de la Mer de
‘ puis son Entrée du côte’ de Terre. Le chemin
Vaoqui conduit à cette Entrée est du côté du
v Couchant: il est fort ÿroit et presque tout
h entouré de la Mer, de sorte qu’il ne tiendroit
” qu’au’x Habitans de faire passer la Mer autour
°= de la Ville , et n’cn faire une Isle. Elle a de
'° hautes muuilles de pierre. Le Port est a 1'0
=> rient de la Ville , et la Mer est très-étroite en
a cct endroit ; de sorte que quand le tems es:
o: serain on découvre de Seâta la Ville dflâlgezi
u rat-Alkozra , ou Algezire , sur les Terres .1’Es
"pagne- L’Eau y est en abondance, et il y a.
a d’ailleurs des Citernes dans lesquelles on con-g
v serve l'eau de pluye. ’
Tel émit Pétat-cie Ceuta au temps dvlbulfeda
qui acheva son ouvrage vers Pannée r32. r. Il clé
clare que cc qu’il dit de cette Ville est tire’ prin
cipalement dflothman EBnsaid,surnorume'./1l ma.
3726i, ou FAlTricain , qui étoit de ce même Païs.
Abnlfcda, pour le dire en passant , que j'ai qua
lifié de Géographe Arabe , n’avoit rien d'Arabe
que la Langue et la Religion , c'est» â-dire , celle
de Mahomct. Il éroit de Syrie et d’une Race dis
tinguée , la même qui a donné naissance au
n ou Orientale . qui commence aux Frontieres
dOEgypte , et finit à telle: du Royaume de Tzmis ,'
devers Cuzmvan ; en moyenne , qui comprend le
‘Roy vume de Tunis , et les Provinces Orientales de
celui nlîalger ,- et en uloerieuré , qui commente aux
Frontieres Occidentales dÏ/Ilgêr , et comprend tout
l; reste de la Barbarie du tête’ du Couohnnt:
grand
r JANVTER.‘ 173;: '73»
‘grand Saladin , comme je‘ l'ai remarqué ailleurs.
Lorsque les premiers Califes , successeurs de
Mahomqt , eurent conquis PAIÏriquc . cc qui aré
riva vers" Pan 4;. de l’Hégire’66 s. de j. C.) ils
chasserent les Goths de plusieurs Contrées Mari
times , dont ces Barbares s’e'toient emparcz, dans
la décadence de PEmpire Romain, et en PSHÎCÜH,
lier de la Ville de Ceuta. Cette Ville devint ce
lebre sous la Domination des Arabes , cfiest-âs
dire, sous les Califes et sous divers Rois ou Prin
' ces leurs successeurs , lesquels y firent fleurir le
commerce et les Arts. Les Artisans de Ceuta sur-Ï
passaient en habileté ceux de Damas pour toute
sorte d’Ouvrage d’Orfévrerie , de Coutellerie , et
pour la fabrique des plus belles Îztotïes, et sur
tout de riches Tapis ,dont on venoit se pour-i
voir de toutes les Parties de l'intrigue et de
PEurope. ' ‘
Les Lettres fleurirent aussi dans Ceuta , pen
dant sa. prosperité . ce qui paroît par les noms e:
par les ouvrages de quelques Sçavans , originai.
res de cette Vrle {qui sont rapporte: par les Bi
bliographes Mahométaxis; lesquels par cette rai
son , portent tous le surnom J'AI Seétbi , ou de
Ceuta. Eqtflaurres Aboulfadhl Abbns, plus connu
sous le nom de Cadhi-Aïadh , qui mourut Pan
544.. de PHégire ( r r49. de]. C. ) Il est parlé
de lui avec de grands Eloges , par Ben Schunah ,
qui a donné un Cazalogue de ses Ouvrages. [o
seph Ben jahia , fameux Medecin juif, 8c grand
Philosophe , q-ii fut" premier Medccin du Sultan
d’Alcp Aldhacr. Il mourut l’an 513. de PHégi-ä
re n26. de j.C. et Mohammes. Ben-Omar , mort
l’an 7m. de la même Époque r tu. de j. C. Son
principal Ouvrage est’ intitulé : Erlaircissemem
mr le: dxfertnzt: 8cm: du Mahamémmc ; Ou
yrage
74MERCUREDEFRANCL
vrage dont la traduction seroit necessaire pouf
empêcher les hcrivains de l’Europe de coneinuer
leurs méprises sur ce sujet.
La prosperité de cette Ville fut altérée dans
la suite par de grandes disgraces ; la plus fatale
lui vint de la part d’Abdulmumen , Roy de Ma
xoc , qui l'ayant prise,après un Siège opiniâtre ,
la fit démolir et en transporta les Habitans. Al.
mansor , l’un de ses successeurs, la fie rebâtir, et
la repeupla â cause de sa situation; ensortc qu’el.
le devint encore une Place cousidérablumais un
Roy Mahométan de Grenade s’en étant emparé
dans des tems de troublc,il la désola une seconde
fois. Il est vrai qu’elle se rétablit encore par les
avantages du commerce et de la situation _. mais
on remarque que Ceuta n’est jamais revenue dans
cette grande splendeur , où elle s’étoit vuë sous
PEmpire des Califes ,et sous quelques Princes
leurs successeurs.
Il me reste, Monsieur ,’ à vous apprendre com.‘
ment cette Ville a passé pour la premiere foil
de la domination des Mahométans au pouvoir
d'un Monarque Chrétien ; ce qui est un point
(Pflistoire des plus singuliers , et i conduire le
morceau Historique que j’ai entrepris sur Ceuta,
jusquäu temps present; ce qui fera le sujet d’une
autre Lettre , moins longue que eelle-cy , et que
vous nïattendrez pas long-temps. j’ai Fhonneu
d’être , Monsieur . 8re
_ A Pari: , ce 24 Decembrt 173 2..
sujet de: Villes d’Or4n et de Gema.
_, E- vous fais, Monsieur, mon compliment su:
» votre heureux retour à Paris. Ce retour me
fait un double laisir car il me dis ense de vous
. 4 . P *. .
écrire aa_ suite des affaires d’Oran depuis ma der
_niere Lettre; vous en êtes sans doute déa lei-s
. . . i . l l’
nement instruit. Il m’e ar ne aussi le chaorin de
_ O
:vous apprendre le premier une triste nouvelle,
le malheur arrive’ au Marquis de Saï-n'a‘ Cruz dans
l'action du 1.1. Novembre dernier. A cela près, je
-n’aurois presque eu que des choses agréables a‘.
vous dire , et ÿaurois fini par la levée du Siege
.de cette Place , par la démolition des travaux des
Maures et par leur retraite, circonstances qui
{ont Pétat présent des choses, suivant les der-e
pseres Lettres (Pfispagne et (Ÿliflïique. .
' D v Au
l.
Z5 MERCURE DE FRANCE
Au lieu de tout ce détail’, qui seroit pour vous,’
Monsieur , une répcrition , je crois devoir vous
faire part du précis d’une Lettre que ÿai reçûë
depuis peu d’Algcr , dans laquelle Oran n'est pas
oublié , et qui contient certaines particularitez
que vous ne serez pas fâché de sçavoir. La.
Lettre est datée du 2.3. Octobre dernier et
écrite par un Voyageur éclairé. ‘
sa Jamais Expedition n’a été plus heureuse ni
u plus visiblement favorisée du Ciel que celle
a d’0ran.Le Gouverneur Maure étoit eu état de
se faire acheter bien cher cette Place aux Espa-g
a gnols, il ne manquait ni de monde ni de mus
a: nitions pour faire une longue résistance , favo
g, risé d’ailleurs par la situation avantageuse des
u Forts, et par une Arméede sa Nation , qui de
ne voit rendre le débarquement des Troupes Chré
o. tiennes très-difficile. Si ce débarquement eût
a été diEeré seulement de deux jours , il devenait
o: presque impossible, â cause d’un vent d’Est,
p: qui survinr si frais et si violent , que tous les
hBâtimens de transport seroienr in ailliblement
upériær avec leur charge. De plus , en ternpori-i
u sant un peu de la part du Commandant , une
nseconde Armée de Turcs et de Maures , accou
u rus de toutes parts , se seroit jointe à la pre-j
n» miere, et auroit rendu la retraite et le rembar
p; quement de PArmée Chrétienne absolument
a nécessaire et évalement érilleux - mais comme
. D ’
aje l’ai d'abord reimrque’, le Ciel a voulu benitfi
m les Armes et les pieuses intentions du Roy d’Es-_'
D) Pflgfltn
a Après un ‘tel succès qui a d'abord rempli
‘a de consternation et d'épouvante toute la Bar—,
ce barie ,- si la saison avancée, ou cl’autres Consi-j
a dcrations , m'envoient "pas arrêté les progrès de
i . 98E
JANVIER. I733, 57
a ces mêmes Armes , on peut assurer que les Es
» pagnols se scroicnt rendus maîtres de toute
a: cette Côte et d’Alger même, saris beaucoup
u dbposition. On craignait ici si fort cet éve
.. nemcnt, que le Dey et tout le Pays étaient
a: plus disposez â la retraite , ou plutôt â la fuite
w dans les Montagnes les plus inaccessibles, qu'à.
a la deffense.
.. Mais ces dispositions n’ont ‘pas duré; l'in
a action des Espagnols a fait reprendre courage
æ aux Infidelcs , ils ont réütii toutes leurs Forces
a pour faire le Sicge d’Oran , qu’ils ont elfective
un ment formé depuis la my-Septembre , avec une
a grande Armée de Terre et avec une Escadre
v» tic dix Vaisseaux de guerre , sans compter plu
“sieurs Galiotes , et autres Bâtimens chargez de
v munitions pour le Camp et de quelques Trou
v pes de débarquement.
v D'autres Vaisseaux Algeriens croisent ce
s: pendant sur les Côtes dOEspagne, tnlevent tou
are sorte de Bâtimens , sur tout ceux qui sont
vchargez ‘pour Oran, et troublent cntieremen;
vie commerce D’un autre côte’ les Chrétiens
Pqui sont à Alger sont assez maltraitcz dans les
' v circonstances où sont les choses. .
n Vous jugez bien que dans ce temps «le trou
cible il n’est pas facile de faire les recherches
.0- clont vous me chargez dans votre dernier Me
v moire. La Ville de Tcmectn, ou comme on
ä> prononce ici, Tlmuan, subsiste encore , mais
m elle est fort éloignée de son ancienne splendeur.
u Avant la Prise d’Oran par les Maures sur les
a: Espagnols en 17.38. c’étoit le Siege des Deys,
u ou des Gouverneurs de la Province de Porteur.
.3: On y entretient une Garnison de zoo hommes
a giron clçang tous les ans, selon Pusagc du
V . D_ v; a: Royaume
58 MERCURE DE "FRANCE
wkoyaume cPAlger à Pégard de toutes les Places‘
si qui en dépendent. Cette Ville est admirable-g
sur-ment bien située , l’air y est très-salubre , et la
sa fertilité de son Territoire ne sçauroit être plus
a grande avec les meilleures eaux du monde. Elle
a; est a go milles environ au Sud-Ouest d’Oran, et
a après de 340. milies.d’Alger.Les habitans son:
,, presque tous ]uifs. Ses Fortifications sont fore
M peu de chose. Vous trouverés dans le Morerï
a une autre peinture de cette Ville, mais for!
,, éloignée de la verité. Alger est traité de même
_,, dans ce Livre, tout y est éxageré s surtout
ale nombre des Esclaves Chrétiens qu’en y fait:
s, monter âquarante milles , et qui ne sont pas
a seulement au nombre de zyoo.
- ne M. Thomas Shaw, Ministre AnglicamDoc.‘
m1611]: de l’Université d’Oxford , et fort habile
a. homme , dont je crois vous avoir déja par-«j
a. lé , nous a epfin quitté; il s’est embarqué le
9: t; juillet det-‘Ëiier pour se retirer en Angleterre;
sa après avoir visité Pîtalie. Il a demeuré plus
a de douze ans à A-lger , pendant lequel tems il
p a parcouru tous les Lieux qui en dépendent, le—_
5, vant les Plans des plus considérables , et faisan:
n: des Cirtes éxactes des Provinces , 8re. pour en
a richir PHistoire naturelle qu’il a composée du.
o: Royaume d’Algtr , et qu-’il prétend publier
u en peu de tems. ‘On peut présumer que cette
a Histoire sera curieuse et‘ recherchée, ifAuteut
a: ayant eu tout le tems et toutes les commodi
5o tez nécessaires pour être instruit , et ayant v6
a: et éxaminé tout ce qui a été écrit sur cette
o: matiere par M. Durand , ci-devant Consul
n: d’Alger , par les Religieux Trinitaires , pars
a: M. Laugier , Commissaire de la Marine ê’
m Amstrtdam l dont [Ouvrage q; imprimé , et
' n paç
JANVIER. I733. ‘G9
a- par‘ M. Peyssonnel, Médecin de Marseille , en
» voyé par le Roi en 172,1‘. à Alger et à Tunia
o: pour faire de nouvellesdécouvertes , &c.
n Les Cloches ‘d’©ran , dont vous mäævcz
se parlé , se voyent encore aujourdïiui ici â la.
w Porte qui conduit au Port. 1l y en a six de dif
n lereute grandeur , poséeseles unes sur les au
» rres contre une muÙille. Cette situation , ce
a; les COOEODCIUIÉS présentes ne permettent guéres
a: d’en prendre les Inscriptions. Elles ne sont pas
a: extrêmement grosses , la plus considérable n’a.
a» quïînviron quatre pieds de hauteur ,avec un
a: diamétrc proportionné. ]’ai liî une seule Ins
» criprion , laquelle est en Espagnol, e: contient:
- ces mots: Ai mm de la. sais que est» hache m
uMurrin si endo Prelado el Rmo Padre Balus
ovzar al Arma 1,74. C’ÎsÎ'ài-diÎC, qu"il y a une
v des six Cloches qui a été fondue à Murcie Pan
e: 1 r74. Le Très-Révereixd Pere Baltazar en étant
u alors Evêque.
n Vous sçavez‘ que les Mahometans se font
sa une espécc de trophée des Cloches par eux en
» levées sur les Chrétiens. On. voir encore au
a jounÿhui dans la principale Mosquée de la‘
a Ville de Maroc deux grandes Cloches suspen
n: duës à rebours, attachées a‘. la Net‘ par de gros
sa ses clæînes , que le Roi Almanzot fit empor
v: ter «Pläspagne.
Depuis la date de cette Lettre les choses ont‘
changé -:lc face , comme vous le sçavez , Mon
sieur; une Escadre de Vaisseaux de Guerre Es-i
pagnols , fortifiée par deux Vaisseaux de guerre
de Malte , a fait disparoîtrc PEscadre Turque 9
qui est rentrée i A-lger. Oran a reçû 4658660113
considérables , et vous êtes instruit de’ tout le
ICÜIC.
7o MERCURE DE FRANCE
Je ne vous dirai donc rien ici d’une Relation ‘Ê
Espagnole imprimée à Barcclone, des deux sari-g
glantes actions du u. Cedu 2. 3. Novembre _, 1a
quelle je viens de recevoir , après une attente de
près d’un mois, de la part du plus lent et du
plus distrait de mes amis. On y rend bien justi
ce a‘. la conduite et à la valeur du Marquis de
Sania-Cruz , qui a été t'a’ dans une fatale cir
consiance , ex rimée en ces termes dans la Re
lation. Vifîldûp erre desarden las Moras se nacre»
nm à aprovecharla cm las arma: 1214m4: , y fue
pretisso pasmssm par encima de elles para incorpo
nme ton l» Trop» : En cuya arnsion se perdra à cl
Marque: de SantmCmz , sir; que las paras Solda
das de Crwnlltri» , y Dragage: que le Mompanns
km , pudiessen emlmraznr su desgvacizda mume ,
ton lntima univerml , par la; prendas , y valor que
l: adornalzavz. l
Mais c’est assez parler dflllger et d'Oran , je
n’oul>lit pas , Monsieur , ce que je vous ai pro
mis au sujet de la Ville de Ccuta , dont le S:égc
par les Troupes du Roi de Maroc , a déja sur
passé en longueur le Siège de Troye. je ne
crois pas cependant que Ccuta fournisse jamais
le sujet d’une lliade: ce sera beaucoup pour cette
Ville si‘ le petit morceau historique que voici
peut. se trouver de votre goût, et vougamuser
agréablement. j -
La Ville de Ceuta est située dans FEmbOu.‘
chute du détroit de Gibraltar , à Pcntlroit où ce
"' Reluion du la succedzda m las do: Funcianfs
que m et dia u. y 1,3. de Noviembre de 1731.
inca la Guamitian de 012m ton el extraite de
les Turco: , y Maros , que l» sitinwn. Barcclona.
P9: Joseph Texido, 8re. 1732.. «
fameux
JANVIER. 1733. 7:
fameux Détroit est le plus retressi par les deux
Côtes, ensorte que le trajet de celle düfllïrique ,
ou est Ceuta . en Espagne , n’esr que d’environ
cinq lieues. Si on en croit quelques Écrivains
Espagnols , cette Ville est des plus anciennes et
des plus illustres de toute la Mauritanie, les Ro- _
\
mains qui la bâtirenr y tenoient leurs Flores , a
cause de la commodite de son Port , et la nom
merent enfin la Ville des Romains , ou la Ville
ar excellence , ce ue {ont aujourd’hui setrcible lceonnfiormmgruû’elle Potte C111
Un Historien Arabe lui donne une origine
‘bien plus ancienne ; c’est , selon lui , un Fils de
Noë qui l’a fondée deux cens trente ans après
le Déluge : mais défions-nous un peu des Ecri
vains de cette Nation , qui donnent pour la plâ
art dans le merveilleux ; et traitent PI-Iistoire
gomme la Fable. Ortelius vent que Ccuta soit
Pancienne Essilissn . dont la position " est mar
qué dans Ptoloméc, mais cette position est fort
differente de celle de Ceuta , comme nous Pal
Ions voir.
Abulfeda , ce fameux Geographe Arabe dont
j’ai parlé plusieurs fois, et dont on vient de
donner une belle Édition , avec une Traduction
Latine , &c. en Angleterre , parle de Ceuta qu’il
nomme 525m au nombre LXXVII. de ses Ta
bles Géographiques: il la place â neuf degrez
cinq minutes de longitude , et â g; dcgrcz tren
.te minutes de latitude sous le (V. Climat dans
la Barbarie * Ulterieure. sa Elle est, dit-il , si
’ 1393m’. 3o min. de longit. et 3; kg. ;6
min. de tarit. - -
9‘ Cc Giagrapêc divise la Barbarie m «vitrerie»
v 7€
72 MERCURE m: FRANCE
h tuée entre deux Mers , Pocean et la Médireg:
mranée, c’est Pabord de deux grands Pays .
o: la Barbarie et FESpagne , Ville de passage e:
n de commerce. Elle est baignée de la Mer de
‘ puis son Entrée du côte’ de Terre. Le chemin
Vaoqui conduit à cette Entrée est du côté du
v Couchant: il est fort ÿroit et presque tout
h entouré de la Mer, de sorte qu’il ne tiendroit
” qu’au’x Habitans de faire passer la Mer autour
°= de la Ville , et n’cn faire une Isle. Elle a de
'° hautes muuilles de pierre. Le Port est a 1'0
=> rient de la Ville , et la Mer est très-étroite en
a cct endroit ; de sorte que quand le tems es:
o: serain on découvre de Seâta la Ville dflâlgezi
u rat-Alkozra , ou Algezire , sur les Terres .1’Es
"pagne- L’Eau y est en abondance, et il y a.
a d’ailleurs des Citernes dans lesquelles on con-g
v serve l'eau de pluye. ’
Tel émit Pétat-cie Ceuta au temps dvlbulfeda
qui acheva son ouvrage vers Pannée r32. r. Il clé
clare que cc qu’il dit de cette Ville est tire’ prin
cipalement dflothman EBnsaid,surnorume'./1l ma.
3726i, ou FAlTricain , qui étoit de ce même Païs.
Abnlfcda, pour le dire en passant , que j'ai qua
lifié de Géographe Arabe , n’avoit rien d'Arabe
que la Langue et la Religion , c'est» â-dire , celle
de Mahomct. Il éroit de Syrie et d’une Race dis
tinguée , la même qui a donné naissance au
n ou Orientale . qui commence aux Frontieres
dOEgypte , et finit à telle: du Royaume de Tzmis ,'
devers Cuzmvan ; en moyenne , qui comprend le
‘Roy vume de Tunis , et les Provinces Orientales de
celui nlîalger ,- et en uloerieuré , qui commente aux
Frontieres Occidentales dÏ/Ilgêr , et comprend tout
l; reste de la Barbarie du tête’ du Couohnnt:
grand
r JANVTER.‘ 173;: '73»
‘grand Saladin , comme je‘ l'ai remarqué ailleurs.
Lorsque les premiers Califes , successeurs de
Mahomqt , eurent conquis PAIÏriquc . cc qui aré
riva vers" Pan 4;. de l’Hégire’66 s. de j. C.) ils
chasserent les Goths de plusieurs Contrées Mari
times , dont ces Barbares s’e'toient emparcz, dans
la décadence de PEmpire Romain, et en PSHÎCÜH,
lier de la Ville de Ceuta. Cette Ville devint ce
lebre sous la Domination des Arabes , cfiest-âs
dire, sous les Califes et sous divers Rois ou Prin
' ces leurs successeurs , lesquels y firent fleurir le
commerce et les Arts. Les Artisans de Ceuta sur-Ï
passaient en habileté ceux de Damas pour toute
sorte d’Ouvrage d’Orfévrerie , de Coutellerie , et
pour la fabrique des plus belles Îztotïes, et sur
tout de riches Tapis ,dont on venoit se pour-i
voir de toutes les Parties de l'intrigue et de
PEurope. ' ‘
Les Lettres fleurirent aussi dans Ceuta , pen
dant sa. prosperité . ce qui paroît par les noms e:
par les ouvrages de quelques Sçavans , originai.
res de cette Vrle {qui sont rapporte: par les Bi
bliographes Mahométaxis; lesquels par cette rai
son , portent tous le surnom J'AI Seétbi , ou de
Ceuta. Eqtflaurres Aboulfadhl Abbns, plus connu
sous le nom de Cadhi-Aïadh , qui mourut Pan
544.. de PHégire ( r r49. de]. C. ) Il est parlé
de lui avec de grands Eloges , par Ben Schunah ,
qui a donné un Cazalogue de ses Ouvrages. [o
seph Ben jahia , fameux Medecin juif, 8c grand
Philosophe , q-ii fut" premier Medccin du Sultan
d’Alcp Aldhacr. Il mourut l’an 513. de PHégi-ä
re n26. de j.C. et Mohammes. Ben-Omar , mort
l’an 7m. de la même Époque r tu. de j. C. Son
principal Ouvrage est’ intitulé : Erlaircissemem
mr le: dxfertnzt: 8cm: du Mahamémmc ; Ou
yrage
74MERCUREDEFRANCL
vrage dont la traduction seroit necessaire pouf
empêcher les hcrivains de l’Europe de coneinuer
leurs méprises sur ce sujet.
La prosperité de cette Ville fut altérée dans
la suite par de grandes disgraces ; la plus fatale
lui vint de la part d’Abdulmumen , Roy de Ma
xoc , qui l'ayant prise,après un Siège opiniâtre ,
la fit démolir et en transporta les Habitans. Al.
mansor , l’un de ses successeurs, la fie rebâtir, et
la repeupla â cause de sa situation; ensortc qu’el.
le devint encore une Place cousidérablumais un
Roy Mahométan de Grenade s’en étant emparé
dans des tems de troublc,il la désola une seconde
fois. Il est vrai qu’elle se rétablit encore par les
avantages du commerce et de la situation _. mais
on remarque que Ceuta n’est jamais revenue dans
cette grande splendeur , où elle s’étoit vuë sous
PEmpire des Califes ,et sous quelques Princes
leurs successeurs.
Il me reste, Monsieur ,’ à vous apprendre com.‘
ment cette Ville a passé pour la premiere foil
de la domination des Mahométans au pouvoir
d'un Monarque Chrétien ; ce qui est un point
(Pflistoire des plus singuliers , et i conduire le
morceau Historique que j’ai entrepris sur Ceuta,
jusquäu temps present; ce qui fera le sujet d’une
autre Lettre , moins longue que eelle-cy , et que
vous nïattendrez pas long-temps. j’ai Fhonneu
d’être , Monsieur . 8re
_ A Pari: , ce 24 Decembrt 173 2..
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Résumé : SEPTIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
La lettre traite des événements récents à Oran et Gema, et commence par féliciter le destinataire pour son retour à Paris. L'auteur mentionne la mort du Marquis de Santa Cruz lors d'une action militaire le 1er novembre précédent. Malgré ce deuil, il rapporte des nouvelles positives, notamment la levée du siège d'Oran, la démolition des travaux des Maures et leur retraite. La lettre détaille une expédition espagnole à Oran, soulignant que les Espagnols ont réussi à vaincre les Maures grâce à une intervention divine, malgré les défenses maures et les conditions météorologiques défavorables. Après cette victoire, les Espagnols ont continué leurs progrès, menaçant même Alger. Cependant, les Maures ont repris courage et ont formé un siège autour d'Oran avec une armée terrestre et une escadre navale. L'auteur mentionne également la ville de Tlemcen, autrefois siège des Deys, et sa situation géographique par rapport à Oran et Alger. Il parle des recherches difficiles dans ces circonstances et des mauvais traitements subis par les Chrétiens à Alger. La lettre se termine par des informations sur les cloches d'Oran, encore visibles à la porte du port, et sur les intentions des Mahometans de se servir des cloches comme trophées. L'auteur mentionne également des changements récents, comme la disparition de l'escadre turque et les renforts reçus par Oran. Il promet de parler de la ville de Ceuta dans une prochaine lettre. Ceuta, sous la domination arabe, connut une période de prospérité marquée par le développement du commerce et des arts. Les artisans de Ceuta étaient renommés pour leur habileté en orfèvrerie, coutellerie, et fabrication de tapisseries, attirant des clients de toute la Méditerranée et de l'Europe. La ville fut également un centre de savoir, avec des savants comme Aboulfadhl Abns, connu sous le nom de Cadhi-Aïadh, et Joseph Ben Jahia, un médecin et philosophe juif. La prospérité de Ceuta fut perturbée par des événements tragiques, notamment la destruction ordonnée par Abdulmumen, roi de Maroc, et la désolation causée par un roi mahométan de Grenade. Bien que la ville se soit rétablie par la suite, elle n'atteignit jamais plus la splendeur qu'elle avait connue sous l'Empire des Califes. Le texte mentionne également la transition de Ceuta sous la domination d'un monarque chrétien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
343
p. 85-91
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Début :
Recueil des Piéces d'Histoire et de Litterature, Tome 2 de 234 pages, [...]
Mots clefs :
Religion, Papes, Collection, Dieu, Dieux, Empire, Église, Messie, Roi, Nations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
E cu si L de Piéces d’Histoire et de
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
Fermer
Résumé : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil intitulé 'Pièces d’Histoire et de Littérature', composé de 234 pages et dépourvu de table des matières. Ce volume rassemble des documents curieux et intéressants, bien que certains soient déjà connus. Il se distingue par son approche concise, solide et claire, évitant les dissertations longues et ennuyeuses. La première pièce est une traduction en français de la vie de Plutarque par M. Dryden. Le recueil inclut également un discours sur l’état des nations à la naissance de l’Église, où l’auteur explique comment divers éléments ont contribué à l’établissement de l’Église et de la religion chrétienne. Ce discours est comparé à celui de Bossuet sur l’histoire universelle. Le texte décrit ensuite l’Empire Romain à son apogée et l’arrivée du Messie, soulignant comment la puissance romaine a facilité la propagation des prophéties et la réunion des tribus pour le sacrifice expiatoire. Le recueil aborde également les donations de Pépin et de Charlemagne à l’Église de Rome, discutant de la souveraineté temporelle des Papes. Une autre dissertation traite des faux prophètes et des moyens de les discerner. Une autre encore examine les collections de décrets avant le neuvième siècle et les Décretales attribuées aux premiers Papes. Le volume se termine par une critique de la nouvelle 'Don Carlos' et une réponse de M. B... à une lettre de M. Dugrand concernant les discours de M. de la Motte sur la poésie dramatique. L’auteur diversifie les matières, alternant entre histoire, critique et styles sérieux ou badins, promettant ainsi un recueil curieux et recherché.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
344
p. 95-100
Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Début :
ABREGÉ de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise. HISTOIRE abregée des Empereurs [...]
Mots clefs :
Style, Empereurs romains, Beau, Poètes, Règne, Auteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Anneau’ dePHistoire de 24. Peres de
PEglise} Hrsrome abregée des Empereurs
Romains , depuis JulesÎCesar jusqu?
Constantin le Grand. CARACTERES de 58 A
des meilleurs Historiens , Orareurs , et
Poëtes Grecs , Latins et François. Brochu
re in-u, Le prix est 1g sols. A Pari; f
' - chez‘,
9?,‘ ME RCU RE DE FRANC Ë
1
cheg. ‘Tintin , rua? Judas , Montagne sainte
Genwiéw , 173 z. -
Cet Ouvrage est propre à orner l’es-‘
prit des jeunes gens des deux sexes, qui
pourront acquérir en très-peu de tems une_
connaissance generale des matieres qui y
sont traitées. Il est coznposé de trois par
ties. Dans la premier-e , l’Auteur rapporte
en peu de mots la vie de chacun des 2.4.
Petes de l’E lise. Dans la seconde , il dé-L
crit d’un stiFe vif et animé la vie des an
ciens Empereurs Romains , avec les traits
les plus frapans et les mieux marquez qui
ont signalé leur Empire. On n’a qu’à_lire,
entr’auttes,l’article de Neton et de Dio-À
cletien. Dans la troisième , il marque d’u
ne manière nette et concise, quel a été.
le caractere des Auteurs dont il traite _,’
les bonnes et les mauvaises qualirez de
leur stile. Il n’a dit que deux mots de nos
Poëtes François , Corneille , Racine, Boi
leau, Moliete , 8C0. parce qu'ils sont assez -
con nus.
Cet Ouvrage en general est bien écrit.‘
Le stile des Caracteres est fleuri et bril-j
lant. O'n en pourra juger si on lit l’arti—‘
cle de Tire-Live , page 12,4. Les Çarac-Ï
reres de Fenelon , page 145. et les suivans
jusqu’à la page r55. La beauté du papier:
ctdes caradtcres répondent à la maniete
- ’ ' ‘ dont
u
a
JANVIE R. 1733. 97
dont il est écrit , mais pour mettre sous
les yeux du Lecteur quelque chose qui
_ lui donne une idée de ces Portraits, choi
sissons celui-ci parmi les Empereurs Ro
mains. '
. v
Au meilleur de tous les Peres succeda a
le plus méchant derous les fils. Commo
de ayant pris les Rênes de l’Empire dans
un âge encore tendre , se iaissa entiere
ment corrompre par les flateurs ; de sorte
que sans avoir aucune des qualitez de
Marc-Aurele , il eut presque tous les via
ces de Neron ', quoique son extrême
cruauté cr ses infames débauches eussent
fait revivre le tems malheureux de Domi
tien et de Caligula , il voulut cependant
que son Règne fut appellé le siècle d’or.
"Les Palmes fréquentes qu’il remporta
dans les Combats des Gladiateurs , étoient
quelque chose pour lui de plus grand que
les Triomphes les plus honorables et les
plus glorieux. Il étoit si adroit à lancer le
Javelot et à tirer de l’A rc,qu’il tuoit quel-a
‘quefois en un seul jour cent bêtes sauva
ges. Il lançoit ensuite les Javelots et les
Flèches sur le peuple pour couronner un‘
si beau spectacle. Fier de semblables Ex
ploits , il ajoûta au grand nombre des tia
tres magnifiques qu'il s’étoit déja donnés ,
çeluî dflnvincible et d’Hercule Romaicn.
e
98-M'ERCURE DE FRANCE.‘
Ce monstre plus féroce que toutes les
bêtes qu’il avoir fait périr , fut empoison
né par sa Maîtresse Marcia , e: ensuite
étranglé par un Athlète nommé Narcis
'se ,.la r56 année de son Règne , et la 32.5
“de son âge.
MALHERBE est un des Auteurs à qui la
. Poésie Françoise a le plus dbbligarion.
C’est lui quile premier fit sentir une jus
te cadence dans nos Vers , et qui nous
apprit le choix et Parrangement des mots.
La Nature ne l’avoit pas faitgrand Poëte t,
mais il cortigea cedéfaut par son esprit
et par son travail. (Qelques-unes de ses,
Odes ne vieilliront jamais , parce que le
bon goût est de tous les siécles. Il y mon;
tre d’un stile plein et uniforme tout ce
que la Nature a de plus sublime et de
plus beau , de plus naïf et de plus sim
ple. Ses pensées sont justes , ses expresà
rions sont nobles , son vers aisé , sesifign
tes variées , mais il ne s’en permet jamais
de trop hardies , et sage jusques dans ses
cmportemens , il a presque toujours fait
voit qu’en peut être raisonnable sans être
froid.
-“ Rousseau s’est rendu très-celébre par‘
ses Poésies. C’est un des Auteurs de notre
siecle qu’on lit et qu’en estime le plus.
Le Poëte , mais leaPoëtc admirable {par
J. a roi:
Ï JANVIER)‘ 1733.
‘toit dans plusieurs de ses Odes. On
toit , en lisant sa Traduction des Pseaue
mes de David , qu’il étoit animé du mê- u
‘ me feu dont ce Prophete étoit embrasé.‘
Son Ode contre la Fortune , vaut seule
un long Poëme , et surpasse tout ce que
les Anciens ont jamais fait de meilleur en
ce genre , 86C. * ,.
. LA M o -r r s. La Politesse de lîexpresa
sion , et la justesse du raisonnement," forà
ment le caractere propre de cet Illustre
Académicien , 8m. .
LA FONTAINE , qu’on peut appeller le
Phedre François , est dans toutes ses fa.
‘blcs ingénieux , naïf et charmant a on ne
peut le lire sans être agréablement ÏDSÂ
truie , et on n’en peut quitter la lecture,
tans souhaiter de la reprendre. .
t CLsMaNr MARDI‘ vivoit sous le Regne
de François I. c’est le plus ancien de nos
bons Poëtes; mais il semble renaître tous
les ans; sa vivacité naturelle er son agré
ment lui donnentun air de jeunesse qui’
brille jusques dans son vieux langage. Il
afait en qznelque- sorte la fortune de beau
coup d’anciens motsnqubn emprunte
volontiers de lui , et qu on employe mê
me à titre d'ornement. Jamais il ne fiat
plus à la mode qu'à ptesent ',.il est du hel
esprit de le copier t, et on est presque sûr
d’être
t
äooMEiRCURiîeDEFRANCËg
d’êtte applaudi de certaines gcns,avcc
une piece Marotique. .
Du CsaceAu a mieux imité que per.‘
sonne, l'élégant badinage de Marot. La
charmante naïveté qui se trouve dans ses
pensées, ses tours ingénieux, sa diction
pure et enjoüée ne sont pas ses seuls ta
ens , il sçait aussi répandre une noblesse
et une dignité merveilleuse sur les cho
ses qui en patoissent le moins suscepti
bles. Cc qu’il dit,est ordinairement assez
commun pour le Fond , mais il le presen
te sous des jours qui lui donnent un
air de nouveauté et quelque chose de pi-q
quant. Le naturel et le vrai sont , pour
ainsi dire, le fond et la matiere de ses
Ouvrages. Rien de plus simple pour l’ot
dinairc que ses sujets ; mais il a soin de
les relever par une ‘versification aisée et
coulante; par une fécondité, une délicaé
tesse 5 une netteté d'expression , et , si
j'ose le dire , par une qui plaisent infinimentl.égSèareMtéusdee Pesitncgeaayu;‘ l
ct badine , mais elle ne s’écarte jamais des
regles de la bienséance et du devoir.
PEglise} Hrsrome abregée des Empereurs
Romains , depuis JulesÎCesar jusqu?
Constantin le Grand. CARACTERES de 58 A
des meilleurs Historiens , Orareurs , et
Poëtes Grecs , Latins et François. Brochu
re in-u, Le prix est 1g sols. A Pari; f
' - chez‘,
9?,‘ ME RCU RE DE FRANC Ë
1
cheg. ‘Tintin , rua? Judas , Montagne sainte
Genwiéw , 173 z. -
Cet Ouvrage est propre à orner l’es-‘
prit des jeunes gens des deux sexes, qui
pourront acquérir en très-peu de tems une_
connaissance generale des matieres qui y
sont traitées. Il est coznposé de trois par
ties. Dans la premier-e , l’Auteur rapporte
en peu de mots la vie de chacun des 2.4.
Petes de l’E lise. Dans la seconde , il dé-L
crit d’un stiFe vif et animé la vie des an
ciens Empereurs Romains , avec les traits
les plus frapans et les mieux marquez qui
ont signalé leur Empire. On n’a qu’à_lire,
entr’auttes,l’article de Neton et de Dio-À
cletien. Dans la troisième , il marque d’u
ne manière nette et concise, quel a été.
le caractere des Auteurs dont il traite _,’
les bonnes et les mauvaises qualirez de
leur stile. Il n’a dit que deux mots de nos
Poëtes François , Corneille , Racine, Boi
leau, Moliete , 8C0. parce qu'ils sont assez -
con nus.
Cet Ouvrage en general est bien écrit.‘
Le stile des Caracteres est fleuri et bril-j
lant. O'n en pourra juger si on lit l’arti—‘
cle de Tire-Live , page 12,4. Les Çarac-Ï
reres de Fenelon , page 145. et les suivans
jusqu’à la page r55. La beauté du papier:
ctdes caradtcres répondent à la maniete
- ’ ' ‘ dont
u
a
JANVIE R. 1733. 97
dont il est écrit , mais pour mettre sous
les yeux du Lecteur quelque chose qui
_ lui donne une idée de ces Portraits, choi
sissons celui-ci parmi les Empereurs Ro
mains. '
. v
Au meilleur de tous les Peres succeda a
le plus méchant derous les fils. Commo
de ayant pris les Rênes de l’Empire dans
un âge encore tendre , se iaissa entiere
ment corrompre par les flateurs ; de sorte
que sans avoir aucune des qualitez de
Marc-Aurele , il eut presque tous les via
ces de Neron ', quoique son extrême
cruauté cr ses infames débauches eussent
fait revivre le tems malheureux de Domi
tien et de Caligula , il voulut cependant
que son Règne fut appellé le siècle d’or.
"Les Palmes fréquentes qu’il remporta
dans les Combats des Gladiateurs , étoient
quelque chose pour lui de plus grand que
les Triomphes les plus honorables et les
plus glorieux. Il étoit si adroit à lancer le
Javelot et à tirer de l’A rc,qu’il tuoit quel-a
‘quefois en un seul jour cent bêtes sauva
ges. Il lançoit ensuite les Javelots et les
Flèches sur le peuple pour couronner un‘
si beau spectacle. Fier de semblables Ex
ploits , il ajoûta au grand nombre des tia
tres magnifiques qu'il s’étoit déja donnés ,
çeluî dflnvincible et d’Hercule Romaicn.
e
98-M'ERCURE DE FRANCE.‘
Ce monstre plus féroce que toutes les
bêtes qu’il avoir fait périr , fut empoison
né par sa Maîtresse Marcia , e: ensuite
étranglé par un Athlète nommé Narcis
'se ,.la r56 année de son Règne , et la 32.5
“de son âge.
MALHERBE est un des Auteurs à qui la
. Poésie Françoise a le plus dbbligarion.
C’est lui quile premier fit sentir une jus
te cadence dans nos Vers , et qui nous
apprit le choix et Parrangement des mots.
La Nature ne l’avoit pas faitgrand Poëte t,
mais il cortigea cedéfaut par son esprit
et par son travail. (Qelques-unes de ses,
Odes ne vieilliront jamais , parce que le
bon goût est de tous les siécles. Il y mon;
tre d’un stile plein et uniforme tout ce
que la Nature a de plus sublime et de
plus beau , de plus naïf et de plus sim
ple. Ses pensées sont justes , ses expresà
rions sont nobles , son vers aisé , sesifign
tes variées , mais il ne s’en permet jamais
de trop hardies , et sage jusques dans ses
cmportemens , il a presque toujours fait
voit qu’en peut être raisonnable sans être
froid.
-“ Rousseau s’est rendu très-celébre par‘
ses Poésies. C’est un des Auteurs de notre
siecle qu’on lit et qu’en estime le plus.
Le Poëte , mais leaPoëtc admirable {par
J. a roi:
Ï JANVIER)‘ 1733.
‘toit dans plusieurs de ses Odes. On
toit , en lisant sa Traduction des Pseaue
mes de David , qu’il étoit animé du mê- u
‘ me feu dont ce Prophete étoit embrasé.‘
Son Ode contre la Fortune , vaut seule
un long Poëme , et surpasse tout ce que
les Anciens ont jamais fait de meilleur en
ce genre , 86C. * ,.
. LA M o -r r s. La Politesse de lîexpresa
sion , et la justesse du raisonnement," forà
ment le caractere propre de cet Illustre
Académicien , 8m. .
LA FONTAINE , qu’on peut appeller le
Phedre François , est dans toutes ses fa.
‘blcs ingénieux , naïf et charmant a on ne
peut le lire sans être agréablement ÏDSÂ
truie , et on n’en peut quitter la lecture,
tans souhaiter de la reprendre. .
t CLsMaNr MARDI‘ vivoit sous le Regne
de François I. c’est le plus ancien de nos
bons Poëtes; mais il semble renaître tous
les ans; sa vivacité naturelle er son agré
ment lui donnentun air de jeunesse qui’
brille jusques dans son vieux langage. Il
afait en qznelque- sorte la fortune de beau
coup d’anciens motsnqubn emprunte
volontiers de lui , et qu on employe mê
me à titre d'ornement. Jamais il ne fiat
plus à la mode qu'à ptesent ',.il est du hel
esprit de le copier t, et on est presque sûr
d’être
t
äooMEiRCURiîeDEFRANCËg
d’êtte applaudi de certaines gcns,avcc
une piece Marotique. .
Du CsaceAu a mieux imité que per.‘
sonne, l'élégant badinage de Marot. La
charmante naïveté qui se trouve dans ses
pensées, ses tours ingénieux, sa diction
pure et enjoüée ne sont pas ses seuls ta
ens , il sçait aussi répandre une noblesse
et une dignité merveilleuse sur les cho
ses qui en patoissent le moins suscepti
bles. Cc qu’il dit,est ordinairement assez
commun pour le Fond , mais il le presen
te sous des jours qui lui donnent un
air de nouveauté et quelque chose de pi-q
quant. Le naturel et le vrai sont , pour
ainsi dire, le fond et la matiere de ses
Ouvrages. Rien de plus simple pour l’ot
dinairc que ses sujets ; mais il a soin de
les relever par une ‘versification aisée et
coulante; par une fécondité, une délicaé
tesse 5 une netteté d'expression , et , si
j'ose le dire , par une qui plaisent infinimentl.égSèareMtéusdee Pesitncgeaayu;‘ l
ct badine , mais elle ne s’écarte jamais des
regles de la bienséance et du devoir.
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Résumé : Abregé de l'Histoire des 24. Peres de l'Eglise, &c. [titre d'après la table]
Le document présente un ouvrage intitulé 'Anneau de l'Histoire de 24 Pères de l'Église et des Empereurs Romains, depuis Jules César jusqu'à Constantin le Grand'. Cet ouvrage est structuré en trois parties. La première partie expose brièvement la vie de 24 Pères de l'Église. La seconde partie décrit de manière vivante la vie des anciens empereurs romains, en mettant en avant leurs traits les plus marquants. La troisième partie évalue de façon concise les caractéristiques des auteurs grecs, latins et français, en mentionnant brièvement des poètes français tels que Corneille, Racine, Boileau et Molière. L'ouvrage est bien écrit, avec un style fleuri et brillant, et est destiné à enrichir l'esprit des jeunes gens des deux sexes en leur offrant une connaissance générale des matières traitées. Parmi les empereurs romains, le texte mentionne Commode, fils de Marc-Aurèle, qui se laissa corrompre par les flatteurs. Son règne fut marqué par la cruauté et les débauches. Commode fut empoisonné par sa maîtresse Marcia et ensuite étranglé par un athlète nommé Narcisse. Le document mentionne également des poètes français tels que Malherbe, connu pour avoir introduit une juste cadence dans la poésie française, et Rousseau, célèbre pour ses poésies et sa traduction des Psaumes de David. La Fontaine est décrit comme le Phèdre français, ingénieux et charmant. Marot, vivant sous le règne de François I, est loué pour sa vivacité et son agrément, tandis que Du Bellay est apprécié pour son élégant badinage et sa diction pure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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345
p. 106-108
Traité des dissentions entre les Nobles et le Peuple, &c. [titre d'après la table]
Début :
TRAITÉ DES DISSENSIONS entre les Nobles et le Peuple, dans les Républiques [...]
Mots clefs :
Nobles, Peuple, Républiques, Mensonges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité des dissentions entre les Nobles et le Peuple, &c. [titre d'après la table]
TRAITE‘ DES DISSENSIQNS entre les
Nobles et le Peuple, dans les Républi
ques d‘Athénes et de Rome , 8re. L’Art
de ramper en" Poësie,et l’Art du MCfl-z
songe Politique , traduits de ’ nglois cle
M. Suvift; in 12.. de 564. pa , ‘sans les
Tables ct lüäverrissement. A Aletbobaé
thapseudopolis , et se vend à, Paris , chez.
Îean-Frnnpois fosse , me‘ S, Jacques, à I4
Flenr de Lys d'or. 1733; i a ' '
._ Le nom seul de M. Son/ifs, Auteur des
Voyages de Gnlliwr , traduits en Fran-L
coi; depuis quelques années, suffit pour
rendre ce Recueil recommandable; les
trois Traitez dont il est composé, sont
‘légalement interessans‘ chacun dans son
genre. On voir par le premier ,qui est
_
A
l JANVIER.‘ 17.33." ‘m7
1'111 Ouvrage sérieux; combien l-es Dissen<
Jsions sont dangeripuses dans quelque Etat
ue ce soit; u’e äue jamais (qu'auesdénseasveantteargmeinednhttiirdeess
deux partis , ou même au désavantage de
tous les deux , et que souvent la Tyran
“nie d'un seul en est le fruit. L’Auteur y
ta principalement en vûë les troubles
ecPAngleterresmais ce qu’il dit de cet Etar‘,
peut servir (Plnstructlon à plusieurs au
tres Ro aumes. ‘ -
Le secyond ', est une Critique badine et
ironique des Poëtes modernes, qui au lieu
de suivre les anciens, et de tendre au vé
ritable sublime , ont suivi une nouvelle
‘routgen se livrant à une façon de penser,
bizarre etanti-naturelle ,et enséloignanc
des routes du sens commlun , pour courir
a rês le faux bel Es rir,i est intitulé:Tra'i
"ri; du Barn: ou du gtofond. L’Auteur fait
sentir que certains Ecrivains croïant s'é
lever jus’ u’au sublime , tombent plutôt
dans Pabime , ce qu’il appelle le profond
ou autrement le 1ms. '
Le troisiéme est un Extrait burlesque
d’un Traité imaginaire du Mensonge Po
litique, qu’on feint être actuellement sous
fjäessecpt qu’on proposp par slousäqption.
A n y istin ue et ex l ue es l eren
tés sortes degMensongpesîlet on donne’ un
"3 F Prof
4108 M ËRCURE DE îFRANCE
, Paroîtra allégorique en bien des endroits.
Nobles et le Peuple, dans les Républi
ques d‘Athénes et de Rome , 8re. L’Art
de ramper en" Poësie,et l’Art du MCfl-z
songe Politique , traduits de ’ nglois cle
M. Suvift; in 12.. de 564. pa , ‘sans les
Tables ct lüäverrissement. A Aletbobaé
thapseudopolis , et se vend à, Paris , chez.
Îean-Frnnpois fosse , me‘ S, Jacques, à I4
Flenr de Lys d'or. 1733; i a ' '
._ Le nom seul de M. Son/ifs, Auteur des
Voyages de Gnlliwr , traduits en Fran-L
coi; depuis quelques années, suffit pour
rendre ce Recueil recommandable; les
trois Traitez dont il est composé, sont
‘légalement interessans‘ chacun dans son
genre. On voir par le premier ,qui est
_
A
l JANVIER.‘ 17.33." ‘m7
1'111 Ouvrage sérieux; combien l-es Dissen<
Jsions sont dangeripuses dans quelque Etat
ue ce soit; u’e äue jamais (qu'auesdénseasveantteargmeinednhttiirdeess
deux partis , ou même au désavantage de
tous les deux , et que souvent la Tyran
“nie d'un seul en est le fruit. L’Auteur y
ta principalement en vûë les troubles
ecPAngleterresmais ce qu’il dit de cet Etar‘,
peut servir (Plnstructlon à plusieurs au
tres Ro aumes. ‘ -
Le secyond ', est une Critique badine et
ironique des Poëtes modernes, qui au lieu
de suivre les anciens, et de tendre au vé
ritable sublime , ont suivi une nouvelle
‘routgen se livrant à une façon de penser,
bizarre etanti-naturelle ,et enséloignanc
des routes du sens commlun , pour courir
a rês le faux bel Es rir,i est intitulé:Tra'i
"ri; du Barn: ou du gtofond. L’Auteur fait
sentir que certains Ecrivains croïant s'é
lever jus’ u’au sublime , tombent plutôt
dans Pabime , ce qu’il appelle le profond
ou autrement le 1ms. '
Le troisiéme est un Extrait burlesque
d’un Traité imaginaire du Mensonge Po
litique, qu’on feint être actuellement sous
fjäessecpt qu’on proposp par slousäqption.
A n y istin ue et ex l ue es l eren
tés sortes degMensongpesîlet on donne’ un
"3 F Prof
4108 M ËRCURE DE îFRANCE
, Paroîtra allégorique en bien des endroits.
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Résumé : Traité des dissentions entre les Nobles et le Peuple, &c. [titre d'après la table]
Le document présente trois traités traduits de l'anglais par M. Swift, auteur des 'Voyages de Gulliver'. Le premier traité, 'Traité des Dissensions', met en garde contre les dangers des dissensions dans les États, illustrés par les troubles en Angleterre mais applicables à d'autres royaumes. Le second traité, 'L'Art de ramper en Poésie', est une critique ironique des poètes modernes qui, en cherchant le sublime, tombent souvent dans l'abîme ou le 'profond'. Le troisième traité est un extrait burlesque d'un traité imaginaire sur le 'Mensonge Politique', présenté sous forme allégorique et satirique. L'ouvrage est publié à Paris en 1733 par Jean-François Fosset et Jacques à l'Enseigne de Lys d'or.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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346
p. 116-120
Recueil de toutes les Inscriptions Grecques et Latines, &c. [titre d'après la table]
Début :
Nous avons reçu en même temps un autre Plan d'Ouvrage, qui s'imprimera [...]
Mots clefs :
Inscriptions grecques, Vérone, Maffei, Inscriptions latines
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil de toutes les Inscriptions Grecques et Latines, &c. [titre d'après la table]
Nous avons reçu en même temps un‘
Û i. \
“m9
J A‘ N ‘V I ’E'R_.‘. 173;. 1x7
autre Plan dbuvtage, qui sïmprimerz
aussi à Veronne, auquel toute la Répu
blique des Lettres doit prendre interêc.
Le Plan imprimé en Latin et en Italien
de 8. pages in 4. porte ce titre: Pnos
PECTUS Uniwrmlis CollectionisLatinamm,
Veterum, m: G mcarum, Ezbnimmm et Chris
iiamzrum Inscriptianum, que”; 720w: Vara
mnsis Sociaux totim Europe dam} ,.reiqne
antiquariz studjosi: homimbus exhibe; a0
prapanit.
M. le Marquîsfllatîci a entrepris ,ose-‘
Ion ce Programme, le Recueil le plus
étendu et le plus complet , qui air encore
paru de toutes les Inscriptions Grecques
et Latines qui ont été publiés.’ deuils.
plus de deux cent ‘ans dans differenees
collections , ausquelles il doit joindre un.
três- tend nombte däutres Inscriptions
dan-fics mêmes Langues , qui n'ont point:
encore été rendues publiques et qu’il a.
recueillies auec beaucoup de soin et de:
dépense depuis plus de vingt années.
Les Inscriptions déia publiées, seront
rangées dans ce nouveau Recueil _dan9
un meilleur ordre ue dans ceux de Grut
cer , de Fabteti ,et s autres Antiquaires;
et ce qui est plus iunportant, on fera un
choix de‘ ces Inscriptions, en teiettant
celles qui paraîtront fausses à Pillusrre
. ‘ " Éditeur
118 MERCURE DE FRANCE.’
Éditeur, et en rétablissant celles qui _,
après une exacte Critique , lui semblcq
ronr avoir été alterées.
Tous les Sçavans , les Antiquaires
sur tout , sont invitez à- concourir-à l'ac
complissement dâun si grand dessein, en
envoyant à M. le Marquis MalÏei des co
pies fideles des Inscriptions qu’ils possedent,
en indiquant les endroits d’où elles»
sont tirées , si mieux ils daiment les faire
imprimer eux-mêmes incessamment. On,
recel/ra aussi avec plaisir les conseils ce
les lumieres des Sçavans sur le même sujet.
Les Paquetsseront adressez par la Poste à‘
M. François Mnselli , Chanoine et Archi
prêgre de la Cathédrale, à Veronne. r‘
' Comme l'impression de cet Ouvrage,
ne sera commencée que dans dix-huit
mois, M. Mafliei pour Penrichir et pour
le perfectionner encore davantage ,.doit
employer ce iemps à parcourir difierenss
Pays pour faire des recherches , de nou
Vcllcs découvertes , Sec. e
Tout POuVrage contiendra 6. ou 7.
Volumes in-fblio, ersera enrichi de No
fcs , d’e'claircissemens , de Traductions et‘.
des autres accompagnemens qu’une telle
maticre peut exiger. Enfin , le sçavant Au.
1'681‘ publiera un Trait’: intitulé : Art!‘
Érztica Linemrin ,' dans lequel il rendra
- * - compte;
- JANVIER. 173;.‘ .119
compte des raisons qui Font déterminé â.
faire certains rerranchemens à Pêgard de
plusieurs Inscriptions qui vsc tnouvent"
dans les précedentes collections.
Nous avons parlé plus d’une fois de
M. le Marquis Maflci , et en dernier lier;
au suie: de son Histoire DiplarzmziqueN ou; .
sommes ravis d'illustrer. de nouveau no:
nte Journal de son nom par Fannona‘
ce d’un Ouvrage aussi importantque C51
' lui dont nous venons de parler. -
Un surcroît de satisfaction pour nous
est diapprendre que M. Maffei est actueL
lcment en France our la perfection de
son dessein. Un il ustre Magistrat nous
fait l'honneur de nous marquer qu’il {toit
à Aix au commencement de ce mois de
Janvier. Il trouvera sans doute à Paris
quelque Exemplaire d’un Ouvrage i-rn,
portant dans ce même genre, que-nous
devons ‘recevoir tous les’ jours dîAngle
terre. C’est le Recueil que M. Chisull ‘a '
fait imprimer , des Inscriptions Grecques
les plus anciennes et qui ont toutes pré
cedé le Christianisme sa connoissance , sous, lqeuiTitsroentdvecAnuNërsL
Qgrnïrs ASIATICÆ Chrirtianam Aeazm
antrcedentes , ex pcimaräitManumentir Gmp
ci: dirscripoe, , [mixé vars: , Nazisque et
Cammenmrii: iflpmmAræditMonumcn-g
‘ . t. “S
izo MERCURE ‘DE F RANC E.‘
‘tigmfldntyrannm. Par EDMUNDUM CHXSÜ LE
S. T. B. Londini , Typis Gul. Bawyer ,'
172.8. x. Vol. Inc-fil. pp. 207.. ‘ v
Û i. \
“m9
J A‘ N ‘V I ’E'R_.‘. 173;. 1x7
autre Plan dbuvtage, qui sïmprimerz
aussi à Veronne, auquel toute la Répu
blique des Lettres doit prendre interêc.
Le Plan imprimé en Latin et en Italien
de 8. pages in 4. porte ce titre: Pnos
PECTUS Uniwrmlis CollectionisLatinamm,
Veterum, m: G mcarum, Ezbnimmm et Chris
iiamzrum Inscriptianum, que”; 720w: Vara
mnsis Sociaux totim Europe dam} ,.reiqne
antiquariz studjosi: homimbus exhibe; a0
prapanit.
M. le Marquîsfllatîci a entrepris ,ose-‘
Ion ce Programme, le Recueil le plus
étendu et le plus complet , qui air encore
paru de toutes les Inscriptions Grecques
et Latines qui ont été publiés.’ deuils.
plus de deux cent ‘ans dans differenees
collections , ausquelles il doit joindre un.
três- tend nombte däutres Inscriptions
dan-fics mêmes Langues , qui n'ont point:
encore été rendues publiques et qu’il a.
recueillies auec beaucoup de soin et de:
dépense depuis plus de vingt années.
Les Inscriptions déia publiées, seront
rangées dans ce nouveau Recueil _dan9
un meilleur ordre ue dans ceux de Grut
cer , de Fabteti ,et s autres Antiquaires;
et ce qui est plus iunportant, on fera un
choix de‘ ces Inscriptions, en teiettant
celles qui paraîtront fausses à Pillusrre
. ‘ " Éditeur
118 MERCURE DE FRANCE.’
Éditeur, et en rétablissant celles qui _,
après une exacte Critique , lui semblcq
ronr avoir été alterées.
Tous les Sçavans , les Antiquaires
sur tout , sont invitez à- concourir-à l'ac
complissement dâun si grand dessein, en
envoyant à M. le Marquis MalÏei des co
pies fideles des Inscriptions qu’ils possedent,
en indiquant les endroits d’où elles»
sont tirées , si mieux ils daiment les faire
imprimer eux-mêmes incessamment. On,
recel/ra aussi avec plaisir les conseils ce
les lumieres des Sçavans sur le même sujet.
Les Paquetsseront adressez par la Poste à‘
M. François Mnselli , Chanoine et Archi
prêgre de la Cathédrale, à Veronne. r‘
' Comme l'impression de cet Ouvrage,
ne sera commencée que dans dix-huit
mois, M. Mafliei pour Penrichir et pour
le perfectionner encore davantage ,.doit
employer ce iemps à parcourir difierenss
Pays pour faire des recherches , de nou
Vcllcs découvertes , Sec. e
Tout POuVrage contiendra 6. ou 7.
Volumes in-fblio, ersera enrichi de No
fcs , d’e'claircissemens , de Traductions et‘.
des autres accompagnemens qu’une telle
maticre peut exiger. Enfin , le sçavant Au.
1'681‘ publiera un Trait’: intitulé : Art!‘
Érztica Linemrin ,' dans lequel il rendra
- * - compte;
- JANVIER. 173;.‘ .119
compte des raisons qui Font déterminé â.
faire certains rerranchemens à Pêgard de
plusieurs Inscriptions qui vsc tnouvent"
dans les précedentes collections.
Nous avons parlé plus d’une fois de
M. le Marquis Maflci , et en dernier lier;
au suie: de son Histoire DiplarzmziqueN ou; .
sommes ravis d'illustrer. de nouveau no:
nte Journal de son nom par Fannona‘
ce d’un Ouvrage aussi importantque C51
' lui dont nous venons de parler. -
Un surcroît de satisfaction pour nous
est diapprendre que M. Maffei est actueL
lcment en France our la perfection de
son dessein. Un il ustre Magistrat nous
fait l'honneur de nous marquer qu’il {toit
à Aix au commencement de ce mois de
Janvier. Il trouvera sans doute à Paris
quelque Exemplaire d’un Ouvrage i-rn,
portant dans ce même genre, que-nous
devons ‘recevoir tous les’ jours dîAngle
terre. C’est le Recueil que M. Chisull ‘a '
fait imprimer , des Inscriptions Grecques
les plus anciennes et qui ont toutes pré
cedé le Christianisme sa connoissance , sous, lqeuiTitsroentdvecAnuNërsL
Qgrnïrs ASIATICÆ Chrirtianam Aeazm
antrcedentes , ex pcimaräitManumentir Gmp
ci: dirscripoe, , [mixé vars: , Nazisque et
Cammenmrii: iflpmmAræditMonumcn-g
‘ . t. “S
izo MERCURE ‘DE F RANC E.‘
‘tigmfldntyrannm. Par EDMUNDUM CHXSÜ LE
S. T. B. Londini , Typis Gul. Bawyer ,'
172.8. x. Vol. Inc-fil. pp. 207.. ‘ v
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Résumé : Recueil de toutes les Inscriptions Grecques et Latines, &c. [titre d'après la table]
Le texte annonce la publication d'un plan d'ouvrage à Vérone, destiné à la communauté des lettres. Ce plan, imprimé en latin et en italien, propose une collection d'inscriptions latines, grecques, égyptiennes et chrétiennes, visant à rassembler des contributions de toute l'Europe. Le Marquis Scipion Maffei entreprend un recueil des inscriptions grecques et latines publiées au cours des deux derniers siècles, ainsi que de nombreuses inscriptions inédites qu'il a collectées. Ce recueil sera organisé de manière rigoureuse, avec une sélection des inscriptions authentiques et la correction des erreurs. Les savants et antiquaires sont invités à contribuer en envoyant des copies d'inscriptions ou en les faisant imprimer eux-mêmes. Les paquets doivent être adressés à M. François Maffei à Vérone. L'impression débutera dans dix-huit mois, permettant à Maffei de poursuivre ses recherches. Chaque volume sera enrichi de notes, traductions et autres éléments nécessaires. Maffei publiera également un traité sur les critères de sélection des inscriptions. Le texte mentionne également la présence de Maffei en France pour perfectionner son ouvrage et signale la publication d'un recueil similaire par Edmund Chiswell à Londres, contenant des inscriptions grecques antérieures au christianisme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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347
p. 120
Histoire de Verone, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le sçavant Magistrat nous marque encore que M. le Marquis Maffei vient de publier [...]
Mots clefs :
Vérone, Maffei
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de Verone, &c. [titre d'après la table]
Le sçavant Magistrat nous marque encore
que M. le Marquis Mafiei vient depublie:
son Histoire de Veronne , t. Vol. infblia,
‘sous le Titre de Veromz illnrtmtægen Italien;
ajoûrant qu’il a refondu dans cette His
toire sonTraité des Amphiteatres ‘des Ro
mains , qui contient tant de nouvelles
Découvertes , ce qui a rendu un Ouvrage
particulier três-interessant pour le Public,
‘Par un grand nombre de Recherches eu.’
rieuses sur différents spjets , par beaucoup
de Bas-reliefs, dînscriptions de Médailles
"singulieres ,_8<c.
que M. le Marquis Mafiei vient depublie:
son Histoire de Veronne , t. Vol. infblia,
‘sous le Titre de Veromz illnrtmtægen Italien;
ajoûrant qu’il a refondu dans cette His
toire sonTraité des Amphiteatres ‘des Ro
mains , qui contient tant de nouvelles
Découvertes , ce qui a rendu un Ouvrage
particulier três-interessant pour le Public,
‘Par un grand nombre de Recherches eu.’
rieuses sur différents spjets , par beaucoup
de Bas-reliefs, dînscriptions de Médailles
"singulieres ,_8<c.
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Résumé : Histoire de Verone, &c. [titre d'après la table]
Le Marquis Mafiei publie 'Veromz illnrtmtægen Italien', une histoire de Vérone incluant un traité révisé sur les amphithéâtres romains. L'ouvrage présente de nouvelles découvertes, des recherches approfondies et des bas-reliefs et inscriptions de médailles. Il est enrichi de nombreux éléments intéressants pour le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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348
p. 176-177
« Nous avons déja parlé assez au long de la Carte generale du Sr Lemau de Lajasse, [...] »
Début :
Nous avons déja parlé assez au long de la Carte generale du Sr Lemau de Lajasse, [...]
Mots clefs :
Roi, Troupes, Militaire, Carte, Lemau de La Jaisse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Nous avons déja parlé assez au long de la Carte generale du Sr Lemau de Lajasse, [...] »
Nous avons déja parlé assez au long de
la Carte generale du S Lemau de Lajasse
, de 7 pieds en quarré , montée sur
Gorge et Rouleau , enrichie de Taillesdouces
des meilleurs Maîtres , conte
nant l'Histoire Militaire de France , depuis
son origine. On y voit 11c Plans ,
représentant les principales Places de
Guerre et Villes Maritimes ; la Maison
Militaire du Roy , l'Infanterie , la Cavalerie
, les Dragons , et les Troupes for
mées en Compagnies , avec les différentes
Figures armées , tant à pied qu'à che
val , et leurs Trophées d'armes , ancien
nes et modernes . On y voit aussi au mi
lieu de chaque Corps de Troupes, la forme
et la couleur de leurs Etendarts, Gui
dons et Drapeaux , Colonels et d'Ordonnance
, qui y sont représentez en Blazon
ainsi que les Uniformes et Armures de
toutes les Troupes du Roy , avec les ad-)
ditions , pour la difference de chaque
Habillement et Equipage.
Les premiers Exemplaires de cet Ouvrage
JANVIER. 1733. 177
3
rage , tant en grande Carte montée ,
qu'en Livre , relié en Maroquin doré
ont été présentez par l'Auteur , le second
jour de cette année , au Roy , à la Reine ,
et à toute la Cour.
la Carte generale du S Lemau de Lajasse
, de 7 pieds en quarré , montée sur
Gorge et Rouleau , enrichie de Taillesdouces
des meilleurs Maîtres , conte
nant l'Histoire Militaire de France , depuis
son origine. On y voit 11c Plans ,
représentant les principales Places de
Guerre et Villes Maritimes ; la Maison
Militaire du Roy , l'Infanterie , la Cavalerie
, les Dragons , et les Troupes for
mées en Compagnies , avec les différentes
Figures armées , tant à pied qu'à che
val , et leurs Trophées d'armes , ancien
nes et modernes . On y voit aussi au mi
lieu de chaque Corps de Troupes, la forme
et la couleur de leurs Etendarts, Gui
dons et Drapeaux , Colonels et d'Ordonnance
, qui y sont représentez en Blazon
ainsi que les Uniformes et Armures de
toutes les Troupes du Roy , avec les ad-)
ditions , pour la difference de chaque
Habillement et Equipage.
Les premiers Exemplaires de cet Ouvrage
JANVIER. 1733. 177
3
rage , tant en grande Carte montée ,
qu'en Livre , relié en Maroquin doré
ont été présentez par l'Auteur , le second
jour de cette année , au Roy , à la Reine ,
et à toute la Cour.
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Résumé : « Nous avons déja parlé assez au long de la Carte generale du Sr Lemau de Lajasse, [...] »
Le texte présente une carte générale intitulée 'S Lemau de Lajasse', mesurant 7 pieds carrés, montée sur gorge et rouleau, et ornée de tailles-douces par des maîtres renommés. Cette carte retrace l'histoire militaire de la France depuis ses origines et inclut 11 plans des principales places de guerre et villes maritimes. Elle décrit la Maison Militaire du Roi, l'infanterie, la cavalerie, les dragons et les troupes en compagnies, avec des figures armées à pied et à cheval, ainsi que leurs trophées d'armes anciens et modernes. La carte montre également la forme et la couleur des étendards, guidons et drapeaux des différents corps de troupes, représentés en blason, ainsi que les uniformes et armures de toutes les troupes du Roi, avec des détails pour différencier chaque habillement et équipement. Les premiers exemplaires de cet ouvrage, en grande carte montée ou en livre relié en maroquin doré, ont été offerts par l'auteur au Roi, à la Reine et à la Cour le 2 janvier 1733.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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349
p. 177-184
RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
Début :
Je viens de voir dans le Mercure du mois d'Octobre dernier, deux Articles [...]
Mots clefs :
Orléans, Inscription, Lettres, Serfs, Roi, Gaules, Voyage, Manumission, Guespin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
RE'PONSE à deux Articles du Mercure
du mois d'Octobre dernier.
J
E viens de voir dans le Mercure du
mois d'Octobre dernier , deux Articles
qui me concernent ; le premier, contient
des Remarques sur ce que j'ai dit au
'sujet de la Manumission d'Orleans , dans
le Mercure de Juin , et dans le second on
nous donne une nouvelle Etimologie du
mot de Guespin , contre celle qui est imprimée
dans le Mercure de May. Voicy
ce que j'ai à répondre à l'un et à l'autre.
L'Auteur des Remarques les commence
par m'avertir que l'Inscription d'Orleans,
que je croyois jusques icy , n'avoir point
été donnée figurée, se trouve neanmoins
gravée dans les Annales Benedictines, du
P. Mabillon. En effet , elle s'y rencontre
à la page 533 du 5 vol . Je remercie
l'Observateur de me l'avoir indiquée ,
mais quand j'aurois sçû cette particularité,
je n'aurois pas moins donné l'Inscription
au Mercure , qui étant un Livre en-
I tre
178 MERCURE DE FRANCE
tre les mains de tout le monde , est beaucoup
plus propre qu'aucun autre à la répandre
et à la faire connoître par tout.
On sçaura du moins ce qu'est devenu ce
Monument après la destruction desTours,
où il se trouvoit attaché , et cela pourra
engager ceux qui passeront par Orleans ,
à demander à le voir. Les Curieux doivent
tout attendre en cette occasion de la
politesse des Chanoines qui en ont la
garde.
L'Observateur se plaint ensuite , que
dans la Liste de ceux qui ont rapporté
l'Inscription , j'aie oublié l'Auteur du
Voyage Liturgique , dans l'Ouvrage duquel
elle se trouve fidelement décrite . A cela
je réponds que je n'ai jamais pensé à faire
un dénombrement complet de tous ceux
qui ont fait mention de ce Monument. Je
n'ai cité que ceux que j'avois sous la
main ; car il y en a bien un plus grand
nombre ; et je me contenterai icy d'ajouter
Guillaume Fournier ; d'autant plus
qu'en rapportant l'Inscription , ch. 4. du
liv. 1. de ses Selectiones , il s'est trompé sur
le nom de l'Affranchi , LETBERTUS , qu'il
appelle mal LEMTBERTUS . Au reste , ce
n'est point le titre de Voyage Liturgique
qui m'a empêché de penser à cet Ouvrage
, comme semble le croire l'Auteur des
Re-
,
JANVIE R. 1733 179
Remarques ; je sçavois qu'il y avoit dans
ce Livre bien des choses plus éloignées de
la Liturgie , qu'une Manumission ad altare.
Mais comme je n'avois fait que par--
courir legerement ce Voyage , lorsqu'il
parut , je ne me souvenois pas d'y avoir
vû la nôtre .
La Remarque qui suit , regarde l'Ins--
cription même: On demande pourquoi
l'affranchissement de Letbert est le seul
qui se trouve gravé sur la Pierre ; et on
ajoute que j'en devois rendre raison . J'avoue
que si je l'avois fait , j'aurois donné
un grand jour à l'Inscription . Mais com
ment en venir à bout ? Les termes simples
et concis qui la composent, ne donnent
aucun lieu à des conjectures , et les Archives
de l'Eglise d'Orleans , où ce Letbert
est entierement inconnu , ne nous
en apprennent pas davantage . Il faut
donc , sans chercher à deviner , dans un
fait entierement obscur , se contenter de
dire , avec M de Lasaussaie * , que la gravûre
de cet affrancissement n'a été que
pour suppléer à un autre Acte , selon la
disposition de la Loy de Constantin sur
ce sujet , qui permet que dans cette occasion
: Vice Actorum , interponatur qualiscunque
scriptura.
✯ Annal. Eccl. Aurel. L. 9. n. 6.
I ij Com
180 MERCURE DE FRANCE
les
Comme tout ce que j'ai dit sur les Serfs
et leurs affranchissemens , n'a été que pour
en donner une teinture legere qui pût
servir à entendre l'Inscription , j'ai pû
avancer d'une maniere generale que
Serfs avoient subsisté en France jusqu'au
milieu du treizième siècle, quoiqu'il n'en
soit fait mention que bien long- tems après,
puisque ce fut vers ce tems - là , qu'au
rapport d un des Historiens d'Orleans, *
S. Louis affranchit tous ceux qui se trouvoient
en France , moyennant quelques
sommes qu'ils payeroient à leurs Scigneurs.
Il est vrai que cette Ordonnance
que Le Maire date de l'an 1255. ne se
trouve point dans le nouveau Recueil de
celles de nos Rois de la troisiéme Race .
Mais comme dans les Lettres du Roi
Louis Hutin , du troisième Juillet 1315 ,
sur le même sujet , il est fait mention d'une
Ordonnance plus ancienne qu'on n'a
pas , il y a apparence que c'est de celle
de S. Louis qu'il est parlé. Les Seigneurs
ne se presserent pas beaucoup d'obéir à
ces ordres , qu'on avoit réïterez sous les
Régnes suivans, et il est parlé de Serfs jusques
dans le quinziéme siècle , quoiqu'a
bolis dès le treizième.
* Le Maire , p . 327. dų I. Tome,
J¢
JANVIER 1733 181
9
Je viens à la derniere Observation de
l'Auteur du Mémoire. J'ai dit que les Lettres
que le Chapitre d'Orleans avoit obtenuës
en 1204. du Roi Philippe Auguste
, pour l'affranchissement de ses Serfs
servirent vingt ans après en 1224 pour
ceux de Mesnil - Giraut , et qu'elles furent
confirmées par le Roi Louis VIII. L'Au
teur m'oppose que dans les Lettres de ce
Roi qui sont rapportées par Ducange et
par le Pere Martenne , et qui , pour le dire
en passant , ne se trouvent point dans le
Trésor de l'Eglise d'Orleans , il n'est parlé
en aucune maniere de cette confirmation
. Cela est vrai . Mais une autre Charte
de Louis VIII. du même Trésor , donnée
à Paris au mois de Septembre de la même
année 1224. en fait expresse mention .
Noveritis quod nos dilectis nostris Domino
et Cto Aurelianensi ad exemplum progenitoris
nostri Philippi recordationis inclite
Regis quondam F.illustris concessimus ut ipsi
servos suos et ancillas suas... autoritate nostra
et sua manumittant. Comme cette Charte
ne parle point de Mesnil Giraut , et
que ce sont des Lettres distinctes de celles
que
de Ducange et du Pere Martenne , c'est
une faute de les avoir confondues , mais
je ne l'ai fait qu'après les Auteurs de
I iij
l'His182
MERCURE DE FRANCE
1
l'Histoire d'Orleans , dont j'avois co-
*
pié les termes sur cet article : cela peut
me servir d'excuse .
Voilà ce que j'avois à dire sur le premier
Mémoire. L'Auteur m'en paroît aussi
poli que sçavant , et je lui ai bien de
l'obligation de l'idée avantageuse qu'il
s'est formée de moi ; j'aurois cependant
souhaité qu'il ne m'eut point désigné par
mon nom , et que me trouvant couvert
sous des Lettres initiales , il m'eut laissé
garder l'incognito.
Il s'agit à présent de la nouvelle étimologie
du mot de Guespin . L'Auteur la
tire de Guespos , mot Grec selon lui , qui
signifie une pierre brillante qui se trouve
aux environs de l'Epire , et voici l'histoire
qu'il fait de cette dénomination . Les
peuples de ces Pays étant passés dans les
Gaules environ 250 ans après la destruction
de Troye , y fonderent la Ville d'Orleans
et remarquant dans ses habitans
une finesse d'esprit qu'on ne voyoit point
dans les autres Gaulois , ils les appellerent
Guespos , par rapport à la pierre brillante
de même nom .
La Pierre dont veut parler notre Etimologiste
est le Gyp , pierre transparen
Le Maire , p. 327. T. 1. Guion. pag.
te *
JANVIER. 1732. 183
te qui se trouve avec le plastre , et qu'il
auroit dû nommer Gupsos futes , car
son Guespos ne signifie rien . Que cette
pierre se rencontre en Epire , ou non
cela ne fait rien au sujet dont il s'agit ,
puisqu'il n'est point vrai que les Epirotes
se soient jamais venus établir dans les
Gaules. L'Etimologiste a confondu les
habitans de la Phocide , Province voisine
de l'Epire , avec les Phocéens , peuples
d'Ionie en Asie , qu'on sçait avoir descendus
dans les Gaules du tems de Cyrus ,
dont ils fuyoient la domination ; mais
la fondation d'Orleans n'est pas moins
étrangere à ces derniers qu'aux Epirotes.
Les Phocéens se contenterent d'occuper les
>
côtes maritimes où ils avoient abordé
sans avancer dans les terres , bien loin de
pénétrer dans des Provinces aussi éloignées
que les nôtres. Marseille leur dût
sa naissance , mais celle d'Orleans appartient
trop aux Chartrains , sous la domi
nation desquels nous trouvons cette Ville
aussi-tôt qu'elle nous est connue , pour
vouloir la rapporter à d'autres. Tout ce
que l'Etimologiste dit là- dessus est avancé
gratuitement et sans aucune preuve.
Herodote , L. I. Justin , Liv. XLIII. Solin ,
C8. &c.
I iiij Je
184 MERCURE DE FRANCE
Je pourrois à mon tour lui reprocher sa
négligence pour la recherche de la Verité , si
je ne craignois de m'être déja trop arrêté
sur un Sujet qui peut- être ne méritoit pas
d'être refuté sérieusement.
D. P.
A Orleans , ce 7 Decembre 1732.
du mois d'Octobre dernier.
J
E viens de voir dans le Mercure du
mois d'Octobre dernier , deux Articles
qui me concernent ; le premier, contient
des Remarques sur ce que j'ai dit au
'sujet de la Manumission d'Orleans , dans
le Mercure de Juin , et dans le second on
nous donne une nouvelle Etimologie du
mot de Guespin , contre celle qui est imprimée
dans le Mercure de May. Voicy
ce que j'ai à répondre à l'un et à l'autre.
L'Auteur des Remarques les commence
par m'avertir que l'Inscription d'Orleans,
que je croyois jusques icy , n'avoir point
été donnée figurée, se trouve neanmoins
gravée dans les Annales Benedictines, du
P. Mabillon. En effet , elle s'y rencontre
à la page 533 du 5 vol . Je remercie
l'Observateur de me l'avoir indiquée ,
mais quand j'aurois sçû cette particularité,
je n'aurois pas moins donné l'Inscription
au Mercure , qui étant un Livre en-
I tre
178 MERCURE DE FRANCE
tre les mains de tout le monde , est beaucoup
plus propre qu'aucun autre à la répandre
et à la faire connoître par tout.
On sçaura du moins ce qu'est devenu ce
Monument après la destruction desTours,
où il se trouvoit attaché , et cela pourra
engager ceux qui passeront par Orleans ,
à demander à le voir. Les Curieux doivent
tout attendre en cette occasion de la
politesse des Chanoines qui en ont la
garde.
L'Observateur se plaint ensuite , que
dans la Liste de ceux qui ont rapporté
l'Inscription , j'aie oublié l'Auteur du
Voyage Liturgique , dans l'Ouvrage duquel
elle se trouve fidelement décrite . A cela
je réponds que je n'ai jamais pensé à faire
un dénombrement complet de tous ceux
qui ont fait mention de ce Monument. Je
n'ai cité que ceux que j'avois sous la
main ; car il y en a bien un plus grand
nombre ; et je me contenterai icy d'ajouter
Guillaume Fournier ; d'autant plus
qu'en rapportant l'Inscription , ch. 4. du
liv. 1. de ses Selectiones , il s'est trompé sur
le nom de l'Affranchi , LETBERTUS , qu'il
appelle mal LEMTBERTUS . Au reste , ce
n'est point le titre de Voyage Liturgique
qui m'a empêché de penser à cet Ouvrage
, comme semble le croire l'Auteur des
Re-
,
JANVIE R. 1733 179
Remarques ; je sçavois qu'il y avoit dans
ce Livre bien des choses plus éloignées de
la Liturgie , qu'une Manumission ad altare.
Mais comme je n'avois fait que par--
courir legerement ce Voyage , lorsqu'il
parut , je ne me souvenois pas d'y avoir
vû la nôtre .
La Remarque qui suit , regarde l'Ins--
cription même: On demande pourquoi
l'affranchissement de Letbert est le seul
qui se trouve gravé sur la Pierre ; et on
ajoute que j'en devois rendre raison . J'avoue
que si je l'avois fait , j'aurois donné
un grand jour à l'Inscription . Mais com
ment en venir à bout ? Les termes simples
et concis qui la composent, ne donnent
aucun lieu à des conjectures , et les Archives
de l'Eglise d'Orleans , où ce Letbert
est entierement inconnu , ne nous
en apprennent pas davantage . Il faut
donc , sans chercher à deviner , dans un
fait entierement obscur , se contenter de
dire , avec M de Lasaussaie * , que la gravûre
de cet affrancissement n'a été que
pour suppléer à un autre Acte , selon la
disposition de la Loy de Constantin sur
ce sujet , qui permet que dans cette occasion
: Vice Actorum , interponatur qualiscunque
scriptura.
✯ Annal. Eccl. Aurel. L. 9. n. 6.
I ij Com
180 MERCURE DE FRANCE
les
Comme tout ce que j'ai dit sur les Serfs
et leurs affranchissemens , n'a été que pour
en donner une teinture legere qui pût
servir à entendre l'Inscription , j'ai pû
avancer d'une maniere generale que
Serfs avoient subsisté en France jusqu'au
milieu du treizième siècle, quoiqu'il n'en
soit fait mention que bien long- tems après,
puisque ce fut vers ce tems - là , qu'au
rapport d un des Historiens d'Orleans, *
S. Louis affranchit tous ceux qui se trouvoient
en France , moyennant quelques
sommes qu'ils payeroient à leurs Scigneurs.
Il est vrai que cette Ordonnance
que Le Maire date de l'an 1255. ne se
trouve point dans le nouveau Recueil de
celles de nos Rois de la troisiéme Race .
Mais comme dans les Lettres du Roi
Louis Hutin , du troisième Juillet 1315 ,
sur le même sujet , il est fait mention d'une
Ordonnance plus ancienne qu'on n'a
pas , il y a apparence que c'est de celle
de S. Louis qu'il est parlé. Les Seigneurs
ne se presserent pas beaucoup d'obéir à
ces ordres , qu'on avoit réïterez sous les
Régnes suivans, et il est parlé de Serfs jusques
dans le quinziéme siècle , quoiqu'a
bolis dès le treizième.
* Le Maire , p . 327. dų I. Tome,
J¢
JANVIER 1733 181
9
Je viens à la derniere Observation de
l'Auteur du Mémoire. J'ai dit que les Lettres
que le Chapitre d'Orleans avoit obtenuës
en 1204. du Roi Philippe Auguste
, pour l'affranchissement de ses Serfs
servirent vingt ans après en 1224 pour
ceux de Mesnil - Giraut , et qu'elles furent
confirmées par le Roi Louis VIII. L'Au
teur m'oppose que dans les Lettres de ce
Roi qui sont rapportées par Ducange et
par le Pere Martenne , et qui , pour le dire
en passant , ne se trouvent point dans le
Trésor de l'Eglise d'Orleans , il n'est parlé
en aucune maniere de cette confirmation
. Cela est vrai . Mais une autre Charte
de Louis VIII. du même Trésor , donnée
à Paris au mois de Septembre de la même
année 1224. en fait expresse mention .
Noveritis quod nos dilectis nostris Domino
et Cto Aurelianensi ad exemplum progenitoris
nostri Philippi recordationis inclite
Regis quondam F.illustris concessimus ut ipsi
servos suos et ancillas suas... autoritate nostra
et sua manumittant. Comme cette Charte
ne parle point de Mesnil Giraut , et
que ce sont des Lettres distinctes de celles
que
de Ducange et du Pere Martenne , c'est
une faute de les avoir confondues , mais
je ne l'ai fait qu'après les Auteurs de
I iij
l'His182
MERCURE DE FRANCE
1
l'Histoire d'Orleans , dont j'avois co-
*
pié les termes sur cet article : cela peut
me servir d'excuse .
Voilà ce que j'avois à dire sur le premier
Mémoire. L'Auteur m'en paroît aussi
poli que sçavant , et je lui ai bien de
l'obligation de l'idée avantageuse qu'il
s'est formée de moi ; j'aurois cependant
souhaité qu'il ne m'eut point désigné par
mon nom , et que me trouvant couvert
sous des Lettres initiales , il m'eut laissé
garder l'incognito.
Il s'agit à présent de la nouvelle étimologie
du mot de Guespin . L'Auteur la
tire de Guespos , mot Grec selon lui , qui
signifie une pierre brillante qui se trouve
aux environs de l'Epire , et voici l'histoire
qu'il fait de cette dénomination . Les
peuples de ces Pays étant passés dans les
Gaules environ 250 ans après la destruction
de Troye , y fonderent la Ville d'Orleans
et remarquant dans ses habitans
une finesse d'esprit qu'on ne voyoit point
dans les autres Gaulois , ils les appellerent
Guespos , par rapport à la pierre brillante
de même nom .
La Pierre dont veut parler notre Etimologiste
est le Gyp , pierre transparen
Le Maire , p. 327. T. 1. Guion. pag.
te *
JANVIER. 1732. 183
te qui se trouve avec le plastre , et qu'il
auroit dû nommer Gupsos futes , car
son Guespos ne signifie rien . Que cette
pierre se rencontre en Epire , ou non
cela ne fait rien au sujet dont il s'agit ,
puisqu'il n'est point vrai que les Epirotes
se soient jamais venus établir dans les
Gaules. L'Etimologiste a confondu les
habitans de la Phocide , Province voisine
de l'Epire , avec les Phocéens , peuples
d'Ionie en Asie , qu'on sçait avoir descendus
dans les Gaules du tems de Cyrus ,
dont ils fuyoient la domination ; mais
la fondation d'Orleans n'est pas moins
étrangere à ces derniers qu'aux Epirotes.
Les Phocéens se contenterent d'occuper les
>
côtes maritimes où ils avoient abordé
sans avancer dans les terres , bien loin de
pénétrer dans des Provinces aussi éloignées
que les nôtres. Marseille leur dût
sa naissance , mais celle d'Orleans appartient
trop aux Chartrains , sous la domi
nation desquels nous trouvons cette Ville
aussi-tôt qu'elle nous est connue , pour
vouloir la rapporter à d'autres. Tout ce
que l'Etimologiste dit là- dessus est avancé
gratuitement et sans aucune preuve.
Herodote , L. I. Justin , Liv. XLIII. Solin ,
C8. &c.
I iiij Je
184 MERCURE DE FRANCE
Je pourrois à mon tour lui reprocher sa
négligence pour la recherche de la Verité , si
je ne craignois de m'être déja trop arrêté
sur un Sujet qui peut- être ne méritoit pas
d'être refuté sérieusement.
D. P.
A Orleans , ce 7 Decembre 1732.
Fermer
Résumé : RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
L'auteur réagit à deux articles du Mercure d'octobre précédent. Le premier article discute de la manumission d'Orléans, mentionnée dans le Mercure de juin. L'auteur découvre que l'inscription d'Orléans, qu'il croyait non figurée, est en réalité gravée dans les Annales Benedictines du Père Mabillon. Il remercie l'observateur pour cette information mais justifie la publication de l'inscription dans le Mercure, car ce dernier est plus accessible au public. Il reconnaît avoir omis de citer l'auteur du Voyage Liturgique, qui décrit fidèlement l'inscription, mais précise qu'il n'avait pas l'intention de faire un dénombrement complet des sources. L'auteur aborde également la question de l'unicité de l'affranchissement de Letbert gravé sur la pierre, un fait qu'il ne peut expliquer faute de preuves suffisantes. Il mentionne que les serfs ont subsisté en France jusqu'au milieu du treizième siècle, bien que des ordonnances comme celle de Saint Louis aient visé à les affranchir. Le second article propose une nouvelle étymologie du mot 'Guespin', que l'auteur réfute. Selon lui, cette étymologie est incorrecte et repose sur des confusions historiques. L'auteur critique la méthode de l'étymologiste, qui aurait confondu les habitants de la Phocide avec les Phocéens. Il souligne que la fondation d'Orléans est attribuée aux Chartrains, non aux Épirotes ou aux Phocéens. Il conclut en regrettant la négligence de l'étymologiste dans la recherche de la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
350
p. 230-246
REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
Début :
Je ne m'attendois à rien moins qu'à rentrer en dispute avec M. L. B. au [...]
Mots clefs :
Alexandre, Ovinius, Lampride, Prince, Guerre, Association, Sévère, Allemands, Sarmates, Médailles, Auguste, Soldats, Empereur, Circonstances, Particule vel, Inscription
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
REPLIQUE à la Lettre de M. L. B.
d'Auxerre , inserée dans le Mercure du
mois d'Août dernier , au sujet d'une Inscription
.
J
E ne m'attendois à rien moins qu'à
rentrer en dispute avec M. L. B. au
sujet de l'Inscription d'Auxerre , et je
croïois notre différend enticrement terminé,
quand la Lettre qu'il vient de don-
-ner dans le Mercure du mois d'Août , m'a
fait connoître que son silence n'étoit que
pour mieux préparer ses armes , et pour
me combattre avec plus d'avantage . En
effet cette Lettre est bien differente des
deux autres ; la premiere n'étoit qu'un
impromptu du lendemain , même de la découverte
du Monument, et M. L.B.avoit
écrit la seconde , avant que d'avoir eu le
loisir de feuilleter les immenses Recueils
d'Inscriptions ; c'est - à - dire , qu'il avoit
alors négligé les autoritez , qui sur une
pareille matiere , peuvent servir à mettre la
vérité
FEVRIER. * 1733 . 231
*
vérité dans un plus grand jour ; mais aujourd'hui
c'est après un intervale considerable
, et depuis une lecture attentive de
Lampride , que mon adversaire reparoit
sur les rangs , et comment y paroît - il encore
; appuyé d'un suffrage glorieux et
puissant. Pour le coup , peu s'en est fallu
que M.L.B.n'ait réussi. Pénétré , comme
je le suis , d'un respect infini et
infini et légitime
pour l'Illustre Magistrat à qui il addresse
sa Lettre et dont il emprunte du
secours , j'ai craint long - temps de combattre
des sentimens que je dois respecter
, et j'aurois toujours gardé le silence , si
je n'avois fait réfléxion depuis, que la part
que ce grand homme semble prendre dans
notre dispute , n'est qu'un jeu de sa part,
pour la faire durer plus long temps et s'en
divertir. C'est donc à M. L. B. seul que je
réponds icy, et tout ce que je dirai ne regarde
que lui uniquement.
Pour entrer en matiere , je commence
par examiner l'autorité de Lampride. J'ai
dit dans mes deux Mémoires , en rapportant
les sentimens de Casaubon , de
Saumaise et de M. de Tillemont , sur les
Auteurs de l'Histoire Auguste dont Lampride
est du nombre. J'ai écrit , dis- je , et
* Monsieur Boubier , Président au Parlement
de Dijon.
B vj
M.
232 MERCURE DE FRANCE
.
J
>
M.L. B. en convient en partie , que ce
Recueil étoit l'Ouvrage d'un Compilateur
demi Sçavant , qui avoit écrit sans choix ,
sans ordre , et mêlé ensemble les Narrations
des Autcurs , dont son Receuil porte le nom.
Est-il extraordinaire que j'en aye conclu
qu'on étoit toujours en droit de révoquer en
doute ce que ces Auteurs avancent quand il
ne se trouve pas confirmé d'ailleurs, du moins
pour le fonds. Il a plu à ML. B. en rappertant
ces paroles, de supprimer les derniers
mots : Du moins pour le fonds ; et ce
retranchement a donné à ma pensée une
étenduë que je n'ai jamais songé à lui
donner, et qui la rend vicieuse . M² L. B.
en a profité , et il a fait valoir cet avantage
autant qu'il a pû , mais en rétablissant
la proposition dans les termes où je
l'ai exprimée , a-t il tant de sujet de s'écrier
et de la trouver si extraordinaire ?
N'est -elle pas plutôt une conséquence
juste et mesurée qui naît d'elle- même de
l'opinion désavantageuse qu'ont eu de
l'Histoire Auguste les grands Hommes
sur lesquels je me suis réglé . Je n'ai pas
prétendu dire , au reste , qu'il fut nécessaire
que les faits alléguez dans cette Histoire
se trouvassent nommément exprimez
ailleurs;c'est assez pour y ajouter foy,
qu'on les y trouve d'une maniere implicite
FEVRIER. 1733. 233
plicite et générale , et ce sentiment n'a
rien que de naturel . Pour développer ceci
davantage , je lis dans Lampride que
Martianus conspira contre Alexandre , et
qu'Ovinius voulut se faire Empereur ; (car
pour le dire en passant , et comme je le
montrerai plus bas , il s'en faut beaucoup
que je croye Ovinius un personnage.fabuleux:
c'est son association seule que j'attaque.
) Ces faits , dis - je , n'ont rien qui
m'empêche de les croire , après avoir lû
dans les Auteurs contemporains que pendant
le Regne d'Alexandre il y eut plusieurs
séditions contre ce Prince. Multa
seditionesfacte sunt à multis . Dion. J'ai même
en quelque maniere obligation à Lampride
de m'apprendre le nom de ces
Chefs de Revolte , et de me les faire
Gonnoître. Mais aussi quand je lis dans le
même Lampride qu'Alexandre , loin de
punir Ovinius , associe ce Sénateur à son
pouvoir , et que les autres Auteurs , au
contraire , m'assurent que ce Prince scut
punir ceux qui oserent s'élever contre
lui. Supplicioque affecti funt. Herod. J'ai
alors raison de douter de l'autorité de
Lampride.
Pour faire connoître plus particulierement
cet Auteur , il est necessaire de remarquer
quelques - uns de ses deffauts ; et
sans
234 MERCURE DE FRANCE
-
sans le suivre dans toutes les Vies des Em
pereurs qui portent son nom , je ne m'attacherai
qu'à celle d'Alexandre . A peine
Lampride sçait il le nom de la Mere de
ce Prince , et ce n'est qu'en doutant
qu'il l'appelle Mammée . Alexander igitur
cui Mammea mater fuit , nam et ita dicitur
à plerisque. Peut - on dire qu'Encolpius et
les autres Courtisans d'Alexandre , dont
Lampride avoit les Memoires devant les
yeux ignorassent le nom de cette Princesse
ou pourquoi Lampride ne suit - il
plus icy ses originaux ? c'est à Mr L. B. à
nous l'apprendre . Selon le même Auteur
, Alexandre fut le seul qui cassa des
Légions entieres : Si quidem solus inventus
sit , qui tumultuan er legiones exautoraverit.
Qui voudroit l'en croire sur sa pa
role; se trouveroit bien embarassé en isant
Suerone. Cet Auteur nous marque
expressément que Jules Cesar dans la
Guerre contre Pompée , cassa auprès de
Plaisance , la neuviéme Légion qui s'étoit
révoltée. Et nonam quidem Legionem apud
Placentiam cum ignominia missam fecit 69 .
Qu'Auguste en fit autant à la dixiéme.
Decimam Legion.m contumacius parentem
cum ignominia dimisit. 24. Enfin , que
Galba ôta non- seulement les Aigles aux
Classiaires , dont Néron avoit composé
•
แล
FEVRIER. 1733. 235
un Corps de Troupes réglées , et les obligea
de rentrer dans leurs premieres fonctions
, mais même sur ce qu'ils se plaignoient
avec trop de hauteur , qu'il les
décima , fed decimavit etiam. 12. Lampride
nous dit encore qu'Alexandre , à l'imitation
d'Adrien , eut la pensée de faire
adorer J. C. dans l'Empire . Christo Templum
voluit eumque inter Divos recipere
quod et Adrianus ; et cependant Tertullien
qui vivoit sous Sévere , et qui par
conséquent étoit beaucoup moins éloigné
d'Adrien , que Lampride , nous dit au
contraire , que ce fut Tibere qui conçut
ce dessein : Tiberius ergo annunciatum sibi
ex Syria Palestina , que illius ( J. C. ) Divinitatis
revelara , detulit ad Senatum cum
prerogativa suffragii sui. Mais que dire de
la maniere dont Aléxandre parle de Caracalle
dans son Remerciment au Sénat ?
Ce Prince , comme on le verra plus bas,
se disoit fils de ce dernier Empereur ; et
cependant il le blame publiquement d'avoir
affecté , en prenant le nom d'Antonin
, un titre qui ne lui convenoit pas :
Affecratum in Bassiano . Est-ce là ce fils si
respectueux pour ceux qui lui avoient
donné le jour ? Enfin rien n'est plus plaisant
que de voir parmi les Conseillers
que Lampride donne à ce Prince , des
Per
236 MERCURE DE FRANCE
•
Personnes mortes long - temps auparavant
, tels que Pomponius , Alphenus et
d'autres , ce qui a été remarqué par Cujas
, lib. 7.Observ .
Je pourrois remarquer une infinité de
traits pareils , mais en voilà assez sur ce
sujet , et pour autoriser ce que j'ai dit . Je
viens à l'association d'Ovinius pour en faire
connoître la supposition ; j'ai dit , après
Mr de Tillemont , qu'il s'y trouvoit des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable.
L'objection a paruë pressante à M' L.
B. il étoit naturel de s'en débarasser ; mais
je ne sçais s'il y a bien réussi , en disant
que ces circonstances tiennent seulement
du Comique, et que des circonstances pour être
Comiques , n'empêchent point le fonds de l'évenement
d'être réel. C'est ce que je nie dans
un fait de l'importance de celui que nous
examinons. En voici la preuve : Selon M²
L. B. Ovinius avoit été choisi par les
Prétoriens , et il en étoit aimé , puisque
ce fut cet amour qu'ils lui portoient qui
causa sa mort dans la suite . Aléxandre
qui redoutoit leur Puissance , entre dans
leurs vûës , associe Ovinius à l'Empire ,
mais seulement en apparence et pour
montrer à ces Troupes que le sujet qu'ils
avoient choisi pour lui opposer , n'étoit
pas digne du où ils le vouloient fai- rang
re
FEVRIER. 1733 . 237
rc monter . Mais , dira-t- on à Mr L. B. la
politique d'Alexandre se dément bien- tôts
car enfin cet air Comique dans les circonstances
de cette association auroit bientôt
ouvert les yeux aux Soldats , ils auroient
pénétré le dessein d'Alexandre , et
ce Prince par là se seroit trouvé dans le
danger qu'il vouloit éviter. L'exemple de
Septime Sévére qu'il allégue , est bien different.
Lorsque ce Prince , pour mieux combattre
Pescennius , amusa Albin , en le
déclarant César. Albin étoit alors à la tête
des armées d'Angletere, et prêt à prendre
la Pourpre. Il falloit prendre le parti de
la dissimulation , ou se résoudre à avoir
deux Concurrens sur les bras. Il n'y a rien
outre cela de Comique dans sa conduite
dont il trouvoit un modele dans Auguste
par la maniere dont il en avoit agi avec
Lépide. Selon le récit de Lamptide Ovinius
est sans Soldats , sans Troupes reglées
; à peine commence- t- il à se former
un parti pour s'élever au Trône . Quoiqu'en
veuille dire M L.B.rien ne pouvoit
forcer Alexandre d'avoir pour ce Sénateur
et ses Complices , un ménagement si rafiné
et si dangereux. Je ne sçai si je njaimerois
pas presqu'autant l'explication qu'Erasme
a donnée à cette action d'Aléxandre
238 MERCURE DE FRANCE.
dre dans ses Apothegmes , lib. 6. Selon
lui, Alexandre tout plein de bonté et tout
Philosophe , voulut corriger l'ambition
d'Ovinius ; il ne l'engagea à venir à l'Armée
avec lui que pour lui faire connoître
que la condition qu'il ambitionnoit tant ,
étoit plus remplie de peines et de travaux
qu'il ne se l'étoit imaginé. Sic illi commostravit
quod essetgerere imperium. Ce qu'il
y a de plaisant dans cette explication d'Erasme
, c'est qu'elle se trouve authorisée
par Lampride , qui nous dit qu'Aléxandre
remercia Ovinius de vouloir bien se
charger volontairement d'un fardeau aussi
pesant que celui de gouverner la République.
Eiqué gratias egit quod curam
Reip. sponte reciperet.
Pour seconde preuve contre l'association
d'Ovinius ; j'ai dit , qu'il n'y avoit
aucune apparence qu'Alexandre eut voulu
se livrer entierement entre ses mains ,
en lui offrant le commandement des
Troupes qu'il envoyoit contre les Barba
res , et M² L. B. avouë que ç'auroit été le
comble de l'imprudence. Aussi pour parer
cette objection , qui peut passer comme
le centre de toutes les autres , Mr L. B. a
pris le parti d'expliquer le Texte de Lampride
, autrement que tous ceux qui l'ont
traduit jusques icy . Voicy le Passage Latin:
Et
FEVRIER. 1732 . 239
Et cum expeditio Barbarica esset nuntiata ,
vel ipsum , si vellet , ire , vel ut secum proficisceretur
, hortatus est.
Mr L. B. prétend que dans ce Passage
la particule vel est mise pour et , et que
par conséquent ,au lieu d'entendre qu'Aléxandre
offrit à Ovinius de le mener à la
Guerre , s'il n'aimoit mieux y aller seul . Il
faut traduire qu'Alexandre invita Ovinius
à aller à la Guerre contre les Barbares , et
même à faire le voyage avec lui. Je sçais
que la particule vel n'est pas toujours disjonctive
, qu'elle est copulative quelquefois
; mais je sçais bien aussi que c'est
quand la Phrase le détermine, et que sans
cela on ne peut l'expliquer raisonnablement.
Quel est donc le sens le plus naturel
, et qui se présente le premier à l'esprit
dans ce Passage de Lampride. Est - ce
celui qu'y trouve Mr L. B. ou celui dans
lequel l'ont entendu tous les autres Traducteurs?
Je laisse cela à décider au Lecteur
, mais j'ose assurer que l'explication
de M' L. B. est forcée , et que la particule
vel , comme il l'entend , devient dans
la phrase un véritable Pleonasme , et n'est
plus qu'une répétition vicieuse. C'est un
grand principe et que Mr L B. doit encore
mieux sçavoir que moi , de ne point
cher126
MERCURE DE FRANCE
chercher un sens éloigné et difficile , quand
il s'en offre un simple et naturel .
Pour affermir davantage l'association,
d'Ovinius ,Mr L.B s'étend fort au long sur
le temps de cette association . Mais tout ce
qu'il dit icy ne me regarde nullement.
Je nie le fait , il ne m'importe pas en
quel temps il aa pu arriver. J'ai dit seulement
que ce n'avoit pû être dans une
Guerre contre les Allemans , comme M²
L. B. l'avoit avancé ; il a été obligé d'en
convenir, et de dire qu'il n'avoit erré que
pour avoir voulu isuivre M de Tillemont
; mais comme il donne une autre
Epoque à cette association ,
il me permettra
de l'examiner.
Lampride écrit qu'Alexandre étant à
Antioche , trouva ses Troupes dans un
grand relâchement , qu'ayant fait arrêter
les Auteurs de ce désordre , les Soldats se
mutinerent et s'éleverent tumultueusement
contre lui ; que là- dessus ce Prince
leur dit que ce n'étoit point contre leur
Souverain que leurs Chefs leur avoient enseigné
à faire usage de leurs voix ; mais
contre les Sarmates , les Allemans , les
Perses. M' L. B. saisit le Passage et met
l'association d'Ovinius dans une Guerre
qu'il prétend qu'Alexandre eut contre les
SarFEVRIER.
1733. 241
Sarmates , et qu'il place dans l'ordre où
ces Peuples sont nommez , et dans les six
premieres années du Regne d'Alexandre.
J'avoue mon peu de pénétration , je no
vois rien- icy qui prouve qu'Aléxandre ait
eu Guerre contre les Sarmates , et voicy
sur quoi je me fonde.
Si dans la derniere Guerre d'Espagne
l'âge du Roy avoit permis à ce Prince de
se trouver à la tête de ses Troupes, et que
sur le point de quelque Action , il les eut
fait souvenir de la valeur qu'elles avoient
fait paroître contre les Allemans, les Anglois
, les Hollandois ; en concluroit - on
que ce Prince auroit cu alors quelques
Guerres contre ces Peuples ? Non , sans
doute , et l'on doit raisonner de la même
maniere , sur la Harangue d'Alexandre .
Cet Empereur alors marchoit en Perse ,
comme Lampride le dit lui- même ; et
jusqu'à cette Guerre, son Regne avoit été
paisible du côté des Etrangers. Igitur cum
ad hunc modum * septem annos quod quidem
ad se attineret, sine querela cùjusquam Imperium
gubernasset, ecce tibi octavo anno , & c.
Car il paroît par toutes les Médailles.
d'Alexandre , qui portent la
temps où elles ont été frappées, et sur les
marque
du
* Suivant la correction du P. Pagi : Dissert.
Hypat. pag. 177 .
quelles
242 MERCURE DE FRANCE
>
quelles il est fait mention de Victoires
soit dans le Type , soit dans la Légende ,
que ce ne fut qu'après la Déclaration de la
Guerre de Perse , arrivée sur la fin de l'an
227 ou au commencement de 228 , comme
l'a démontré le P. Pagi , que les Généraux
de ce Prince eurent quelques avantages
en Mauritanie , en Illyrie et en Arménie
, puisque toutes ces Médailles ne
paroissent point avant la viiⓇ année de la
Puissance Tribunicienne d'Alexandre , et
que par conséquent elles ont été frappées
au plutôt en 288. c'est - à - dire , à peu
près dans le même temps qu'Alexandre
étoit à Antioche . Alexandre donc ne fait
icy que ce qu'auroit fait le Roy ; l'un et
l'autre représentent à leurs Soldats les
Guerres où ils se sont trouvez , sous les
Rois leurs Prédecesseurs ; et une marque
qu'Alexandre n'entend point parler de
celles qui le regardent , c'est qu'il cite les
Perses contre lesquels , comme je l'ai dit,
il marchoit alors , dans la seule Expedition
qu'il ait faite contr'eux.
Si cependant ML. B. soutient que les
Sarmates ont quelque rapport avec Aléxandre
, je lui répondrai que cette Guerre
n'est pas distincte de la premiere contre
les Allemans , dont il ne veut plus faire
usage ; et qu'au contraire , c'est la même.
Les
FEVRIER. 1733. 243
;
Les Sarmates occupoient tout le Païs qui
compose la Pologne et la Prusse d'à- d'à- present
ils étoient par - là trop voisins de
I'Illyrie , pour ne pas croire que ce furent
ces Peuples qui apparemment s'étoient
joints aux Allemans , que Varius
Macrinus chassa de cette Province. Les
interêts des uns et des autres étoient les
mêmes , et ils voulurent profiter de l'absence
d'Alexandre, pour ravager les Terres
de l'Empire , ce qui obligea l'Empereur
en marchant contre Artaxercés d'envoïer
des Troupes contr'eux. Comparante
jam se ut fluvios transgrederetur... Quosdam
etiam exercitus in regiones alias transtulit
, ut inde Barbarorum incursiones facilius
arcerentur. Herodien .
J'ai promis à M' L. B. de lui montrer
que les Ovinius me sont connus ; je tiens
ma parole. Outre l'Ovinius Camillus de
Lampride , et Ovinius Tertullus de la
Loy 1. ad S. C. Tertull. qu'il cite : Il y a
un Ovinius Paternus qui fut Consul sous
Alexandre même en 233. un Lucius Ovinius
Rusticus , qui le fut sous Maximin ,
l'an 237.ct l'on trouve en 317. sous Constantin
, un autre Ovinius , surnommé
Gallicanus, Consul avec Septimius Bassus,
long- temps devant ceux- cy , une Inscription
de Gruter ( CCLXI 4.)nous fait mention
244 MERCURE DE FRANCE
tion d'un Titus Ovinius Thermus , fils
d'un autre de même nom, qui vivoit sous
les Antonins. Je ne parle pas d'un M.
Ovinius M. F. Ter.Rufus, et d'un L.Ovinius
Amandus , dont les noms se trouvent
dans le même Gruter ( DLXVII. 3. )
et dans Reinesius ( XII. 110, ) Ovinius est
un nom ancien chez les Romains , puisqueVarron
qui fleurissoit dans les dernieres
années de la République , en parlant
dans son Ouvrage de Re Rustica , des
noms qui tirent leur origine des Troupeaux
, fait mention de celui d'Ovinius.
Nomina multa habemus ab utroque pecore , à
majore et à minore , à minore Porcius , Ovinius
, Caprilius. En voilà suffisamment
pour dresser une longue Généalogie , à
qui voudroit en prendre la peine , mais
n'en voilà que trop pour montrer que M²
L. B. n'a pas eu raison de dire , que ce nom
ne se rencontre gueres ailleurs qu'en ces deux
endroits qu'il a cités.
Je finirois icy , sans une réfléxion qu'on
me permettra d'ajouter , quoiqu'elle ne
regarde pas mon adversaire seul. Mª L.B.
en parlant d'Alexandre , l'appelle' toujours
Alexandre Severe , et il suit en cela un
sage , qui ,pour être autorisé, n'en est pas
moins vicicux. Le nom de Sévere que
portoit Alexandre , n'étoit pas, quoiqu'en
veuille
FEVRIER. 1733 245
euille dire Lampride , une Epithete qui
lui fut donnée à cause de son exactitude
à faire observer la Discipline Militaire.
Nam et Severus est appellatus à Militibus
ob Austeritatem . C'étoit chez lui un nom
de famille , qu'il tenoit de Septime Sévere
et d'Antonin Caracalle , appellé de
même Severe , comme on le voit sur ses
Médailles Grecques , où il est nommé
AYT, K. M. ATP. CEYHPOC. ANTONEINос.
П. П. Аléxandre se disoit fils de ce
dernier. Admonete quamprimum illum , dit
ce Prince en parlant d'Artaxercés : Trophæorum
qua plurima adversus Barbaros Severo
atque Antonino parente meo ducibus.
excitastis. Herodien . Ce qui est confirmé
par les Inscriptions.
•
IMP. CAES DIVI
SEVERI. PII, NEPOTI. DIVI
ANTONINI. MAG. PII. FILIO
M. AUREL. SEVERO ALEXANDRO
PIO , &c.
Gruter MLXXVIII , 7. et 8,
C'est donc Severe - Alexandre qu'il faut
dire , selon l'usage de placer les noms de
famille , et conformément à toutes les
C Més
246 MERCURE DE FRANCE
Médailles Latines et Grecques , où l'on
lit : IMP. SEV ALEXANDER AUG.
AY.K. CEOYHPOC . AAEZANA. aussi-bien
que dans les Inscriptions que je viens de
rapporter.
D. P.
A Orleans , le 10 Octobre 1732.
d'Auxerre , inserée dans le Mercure du
mois d'Août dernier , au sujet d'une Inscription
.
J
E ne m'attendois à rien moins qu'à
rentrer en dispute avec M. L. B. au
sujet de l'Inscription d'Auxerre , et je
croïois notre différend enticrement terminé,
quand la Lettre qu'il vient de don-
-ner dans le Mercure du mois d'Août , m'a
fait connoître que son silence n'étoit que
pour mieux préparer ses armes , et pour
me combattre avec plus d'avantage . En
effet cette Lettre est bien differente des
deux autres ; la premiere n'étoit qu'un
impromptu du lendemain , même de la découverte
du Monument, et M. L.B.avoit
écrit la seconde , avant que d'avoir eu le
loisir de feuilleter les immenses Recueils
d'Inscriptions ; c'est - à - dire , qu'il avoit
alors négligé les autoritez , qui sur une
pareille matiere , peuvent servir à mettre la
vérité
FEVRIER. * 1733 . 231
*
vérité dans un plus grand jour ; mais aujourd'hui
c'est après un intervale considerable
, et depuis une lecture attentive de
Lampride , que mon adversaire reparoit
sur les rangs , et comment y paroît - il encore
; appuyé d'un suffrage glorieux et
puissant. Pour le coup , peu s'en est fallu
que M.L.B.n'ait réussi. Pénétré , comme
je le suis , d'un respect infini et
infini et légitime
pour l'Illustre Magistrat à qui il addresse
sa Lettre et dont il emprunte du
secours , j'ai craint long - temps de combattre
des sentimens que je dois respecter
, et j'aurois toujours gardé le silence , si
je n'avois fait réfléxion depuis, que la part
que ce grand homme semble prendre dans
notre dispute , n'est qu'un jeu de sa part,
pour la faire durer plus long temps et s'en
divertir. C'est donc à M. L. B. seul que je
réponds icy, et tout ce que je dirai ne regarde
que lui uniquement.
Pour entrer en matiere , je commence
par examiner l'autorité de Lampride. J'ai
dit dans mes deux Mémoires , en rapportant
les sentimens de Casaubon , de
Saumaise et de M. de Tillemont , sur les
Auteurs de l'Histoire Auguste dont Lampride
est du nombre. J'ai écrit , dis- je , et
* Monsieur Boubier , Président au Parlement
de Dijon.
B vj
M.
232 MERCURE DE FRANCE
.
J
>
M.L. B. en convient en partie , que ce
Recueil étoit l'Ouvrage d'un Compilateur
demi Sçavant , qui avoit écrit sans choix ,
sans ordre , et mêlé ensemble les Narrations
des Autcurs , dont son Receuil porte le nom.
Est-il extraordinaire que j'en aye conclu
qu'on étoit toujours en droit de révoquer en
doute ce que ces Auteurs avancent quand il
ne se trouve pas confirmé d'ailleurs, du moins
pour le fonds. Il a plu à ML. B. en rappertant
ces paroles, de supprimer les derniers
mots : Du moins pour le fonds ; et ce
retranchement a donné à ma pensée une
étenduë que je n'ai jamais songé à lui
donner, et qui la rend vicieuse . M² L. B.
en a profité , et il a fait valoir cet avantage
autant qu'il a pû , mais en rétablissant
la proposition dans les termes où je
l'ai exprimée , a-t il tant de sujet de s'écrier
et de la trouver si extraordinaire ?
N'est -elle pas plutôt une conséquence
juste et mesurée qui naît d'elle- même de
l'opinion désavantageuse qu'ont eu de
l'Histoire Auguste les grands Hommes
sur lesquels je me suis réglé . Je n'ai pas
prétendu dire , au reste , qu'il fut nécessaire
que les faits alléguez dans cette Histoire
se trouvassent nommément exprimez
ailleurs;c'est assez pour y ajouter foy,
qu'on les y trouve d'une maniere implicite
FEVRIER. 1733. 233
plicite et générale , et ce sentiment n'a
rien que de naturel . Pour développer ceci
davantage , je lis dans Lampride que
Martianus conspira contre Alexandre , et
qu'Ovinius voulut se faire Empereur ; (car
pour le dire en passant , et comme je le
montrerai plus bas , il s'en faut beaucoup
que je croye Ovinius un personnage.fabuleux:
c'est son association seule que j'attaque.
) Ces faits , dis - je , n'ont rien qui
m'empêche de les croire , après avoir lû
dans les Auteurs contemporains que pendant
le Regne d'Alexandre il y eut plusieurs
séditions contre ce Prince. Multa
seditionesfacte sunt à multis . Dion. J'ai même
en quelque maniere obligation à Lampride
de m'apprendre le nom de ces
Chefs de Revolte , et de me les faire
Gonnoître. Mais aussi quand je lis dans le
même Lampride qu'Alexandre , loin de
punir Ovinius , associe ce Sénateur à son
pouvoir , et que les autres Auteurs , au
contraire , m'assurent que ce Prince scut
punir ceux qui oserent s'élever contre
lui. Supplicioque affecti funt. Herod. J'ai
alors raison de douter de l'autorité de
Lampride.
Pour faire connoître plus particulierement
cet Auteur , il est necessaire de remarquer
quelques - uns de ses deffauts ; et
sans
234 MERCURE DE FRANCE
-
sans le suivre dans toutes les Vies des Em
pereurs qui portent son nom , je ne m'attacherai
qu'à celle d'Alexandre . A peine
Lampride sçait il le nom de la Mere de
ce Prince , et ce n'est qu'en doutant
qu'il l'appelle Mammée . Alexander igitur
cui Mammea mater fuit , nam et ita dicitur
à plerisque. Peut - on dire qu'Encolpius et
les autres Courtisans d'Alexandre , dont
Lampride avoit les Memoires devant les
yeux ignorassent le nom de cette Princesse
ou pourquoi Lampride ne suit - il
plus icy ses originaux ? c'est à Mr L. B. à
nous l'apprendre . Selon le même Auteur
, Alexandre fut le seul qui cassa des
Légions entieres : Si quidem solus inventus
sit , qui tumultuan er legiones exautoraverit.
Qui voudroit l'en croire sur sa pa
role; se trouveroit bien embarassé en isant
Suerone. Cet Auteur nous marque
expressément que Jules Cesar dans la
Guerre contre Pompée , cassa auprès de
Plaisance , la neuviéme Légion qui s'étoit
révoltée. Et nonam quidem Legionem apud
Placentiam cum ignominia missam fecit 69 .
Qu'Auguste en fit autant à la dixiéme.
Decimam Legion.m contumacius parentem
cum ignominia dimisit. 24. Enfin , que
Galba ôta non- seulement les Aigles aux
Classiaires , dont Néron avoit composé
•
แล
FEVRIER. 1733. 235
un Corps de Troupes réglées , et les obligea
de rentrer dans leurs premieres fonctions
, mais même sur ce qu'ils se plaignoient
avec trop de hauteur , qu'il les
décima , fed decimavit etiam. 12. Lampride
nous dit encore qu'Alexandre , à l'imitation
d'Adrien , eut la pensée de faire
adorer J. C. dans l'Empire . Christo Templum
voluit eumque inter Divos recipere
quod et Adrianus ; et cependant Tertullien
qui vivoit sous Sévere , et qui par
conséquent étoit beaucoup moins éloigné
d'Adrien , que Lampride , nous dit au
contraire , que ce fut Tibere qui conçut
ce dessein : Tiberius ergo annunciatum sibi
ex Syria Palestina , que illius ( J. C. ) Divinitatis
revelara , detulit ad Senatum cum
prerogativa suffragii sui. Mais que dire de
la maniere dont Aléxandre parle de Caracalle
dans son Remerciment au Sénat ?
Ce Prince , comme on le verra plus bas,
se disoit fils de ce dernier Empereur ; et
cependant il le blame publiquement d'avoir
affecté , en prenant le nom d'Antonin
, un titre qui ne lui convenoit pas :
Affecratum in Bassiano . Est-ce là ce fils si
respectueux pour ceux qui lui avoient
donné le jour ? Enfin rien n'est plus plaisant
que de voir parmi les Conseillers
que Lampride donne à ce Prince , des
Per
236 MERCURE DE FRANCE
•
Personnes mortes long - temps auparavant
, tels que Pomponius , Alphenus et
d'autres , ce qui a été remarqué par Cujas
, lib. 7.Observ .
Je pourrois remarquer une infinité de
traits pareils , mais en voilà assez sur ce
sujet , et pour autoriser ce que j'ai dit . Je
viens à l'association d'Ovinius pour en faire
connoître la supposition ; j'ai dit , après
Mr de Tillemont , qu'il s'y trouvoit des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable.
L'objection a paruë pressante à M' L.
B. il étoit naturel de s'en débarasser ; mais
je ne sçais s'il y a bien réussi , en disant
que ces circonstances tiennent seulement
du Comique, et que des circonstances pour être
Comiques , n'empêchent point le fonds de l'évenement
d'être réel. C'est ce que je nie dans
un fait de l'importance de celui que nous
examinons. En voici la preuve : Selon M²
L. B. Ovinius avoit été choisi par les
Prétoriens , et il en étoit aimé , puisque
ce fut cet amour qu'ils lui portoient qui
causa sa mort dans la suite . Aléxandre
qui redoutoit leur Puissance , entre dans
leurs vûës , associe Ovinius à l'Empire ,
mais seulement en apparence et pour
montrer à ces Troupes que le sujet qu'ils
avoient choisi pour lui opposer , n'étoit
pas digne du où ils le vouloient fai- rang
re
FEVRIER. 1733 . 237
rc monter . Mais , dira-t- on à Mr L. B. la
politique d'Alexandre se dément bien- tôts
car enfin cet air Comique dans les circonstances
de cette association auroit bientôt
ouvert les yeux aux Soldats , ils auroient
pénétré le dessein d'Alexandre , et
ce Prince par là se seroit trouvé dans le
danger qu'il vouloit éviter. L'exemple de
Septime Sévére qu'il allégue , est bien different.
Lorsque ce Prince , pour mieux combattre
Pescennius , amusa Albin , en le
déclarant César. Albin étoit alors à la tête
des armées d'Angletere, et prêt à prendre
la Pourpre. Il falloit prendre le parti de
la dissimulation , ou se résoudre à avoir
deux Concurrens sur les bras. Il n'y a rien
outre cela de Comique dans sa conduite
dont il trouvoit un modele dans Auguste
par la maniere dont il en avoit agi avec
Lépide. Selon le récit de Lamptide Ovinius
est sans Soldats , sans Troupes reglées
; à peine commence- t- il à se former
un parti pour s'élever au Trône . Quoiqu'en
veuille dire M L.B.rien ne pouvoit
forcer Alexandre d'avoir pour ce Sénateur
et ses Complices , un ménagement si rafiné
et si dangereux. Je ne sçai si je njaimerois
pas presqu'autant l'explication qu'Erasme
a donnée à cette action d'Aléxandre
238 MERCURE DE FRANCE.
dre dans ses Apothegmes , lib. 6. Selon
lui, Alexandre tout plein de bonté et tout
Philosophe , voulut corriger l'ambition
d'Ovinius ; il ne l'engagea à venir à l'Armée
avec lui que pour lui faire connoître
que la condition qu'il ambitionnoit tant ,
étoit plus remplie de peines et de travaux
qu'il ne se l'étoit imaginé. Sic illi commostravit
quod essetgerere imperium. Ce qu'il
y a de plaisant dans cette explication d'Erasme
, c'est qu'elle se trouve authorisée
par Lampride , qui nous dit qu'Aléxandre
remercia Ovinius de vouloir bien se
charger volontairement d'un fardeau aussi
pesant que celui de gouverner la République.
Eiqué gratias egit quod curam
Reip. sponte reciperet.
Pour seconde preuve contre l'association
d'Ovinius ; j'ai dit , qu'il n'y avoit
aucune apparence qu'Alexandre eut voulu
se livrer entierement entre ses mains ,
en lui offrant le commandement des
Troupes qu'il envoyoit contre les Barba
res , et M² L. B. avouë que ç'auroit été le
comble de l'imprudence. Aussi pour parer
cette objection , qui peut passer comme
le centre de toutes les autres , Mr L. B. a
pris le parti d'expliquer le Texte de Lampride
, autrement que tous ceux qui l'ont
traduit jusques icy . Voicy le Passage Latin:
Et
FEVRIER. 1732 . 239
Et cum expeditio Barbarica esset nuntiata ,
vel ipsum , si vellet , ire , vel ut secum proficisceretur
, hortatus est.
Mr L. B. prétend que dans ce Passage
la particule vel est mise pour et , et que
par conséquent ,au lieu d'entendre qu'Aléxandre
offrit à Ovinius de le mener à la
Guerre , s'il n'aimoit mieux y aller seul . Il
faut traduire qu'Alexandre invita Ovinius
à aller à la Guerre contre les Barbares , et
même à faire le voyage avec lui. Je sçais
que la particule vel n'est pas toujours disjonctive
, qu'elle est copulative quelquefois
; mais je sçais bien aussi que c'est
quand la Phrase le détermine, et que sans
cela on ne peut l'expliquer raisonnablement.
Quel est donc le sens le plus naturel
, et qui se présente le premier à l'esprit
dans ce Passage de Lampride. Est - ce
celui qu'y trouve Mr L. B. ou celui dans
lequel l'ont entendu tous les autres Traducteurs?
Je laisse cela à décider au Lecteur
, mais j'ose assurer que l'explication
de M' L. B. est forcée , et que la particule
vel , comme il l'entend , devient dans
la phrase un véritable Pleonasme , et n'est
plus qu'une répétition vicieuse. C'est un
grand principe et que Mr L B. doit encore
mieux sçavoir que moi , de ne point
cher126
MERCURE DE FRANCE
chercher un sens éloigné et difficile , quand
il s'en offre un simple et naturel .
Pour affermir davantage l'association,
d'Ovinius ,Mr L.B s'étend fort au long sur
le temps de cette association . Mais tout ce
qu'il dit icy ne me regarde nullement.
Je nie le fait , il ne m'importe pas en
quel temps il aa pu arriver. J'ai dit seulement
que ce n'avoit pû être dans une
Guerre contre les Allemans , comme M²
L. B. l'avoit avancé ; il a été obligé d'en
convenir, et de dire qu'il n'avoit erré que
pour avoir voulu isuivre M de Tillemont
; mais comme il donne une autre
Epoque à cette association ,
il me permettra
de l'examiner.
Lampride écrit qu'Alexandre étant à
Antioche , trouva ses Troupes dans un
grand relâchement , qu'ayant fait arrêter
les Auteurs de ce désordre , les Soldats se
mutinerent et s'éleverent tumultueusement
contre lui ; que là- dessus ce Prince
leur dit que ce n'étoit point contre leur
Souverain que leurs Chefs leur avoient enseigné
à faire usage de leurs voix ; mais
contre les Sarmates , les Allemans , les
Perses. M' L. B. saisit le Passage et met
l'association d'Ovinius dans une Guerre
qu'il prétend qu'Alexandre eut contre les
SarFEVRIER.
1733. 241
Sarmates , et qu'il place dans l'ordre où
ces Peuples sont nommez , et dans les six
premieres années du Regne d'Alexandre.
J'avoue mon peu de pénétration , je no
vois rien- icy qui prouve qu'Aléxandre ait
eu Guerre contre les Sarmates , et voicy
sur quoi je me fonde.
Si dans la derniere Guerre d'Espagne
l'âge du Roy avoit permis à ce Prince de
se trouver à la tête de ses Troupes, et que
sur le point de quelque Action , il les eut
fait souvenir de la valeur qu'elles avoient
fait paroître contre les Allemans, les Anglois
, les Hollandois ; en concluroit - on
que ce Prince auroit cu alors quelques
Guerres contre ces Peuples ? Non , sans
doute , et l'on doit raisonner de la même
maniere , sur la Harangue d'Alexandre .
Cet Empereur alors marchoit en Perse ,
comme Lampride le dit lui- même ; et
jusqu'à cette Guerre, son Regne avoit été
paisible du côté des Etrangers. Igitur cum
ad hunc modum * septem annos quod quidem
ad se attineret, sine querela cùjusquam Imperium
gubernasset, ecce tibi octavo anno , & c.
Car il paroît par toutes les Médailles.
d'Alexandre , qui portent la
temps où elles ont été frappées, et sur les
marque
du
* Suivant la correction du P. Pagi : Dissert.
Hypat. pag. 177 .
quelles
242 MERCURE DE FRANCE
>
quelles il est fait mention de Victoires
soit dans le Type , soit dans la Légende ,
que ce ne fut qu'après la Déclaration de la
Guerre de Perse , arrivée sur la fin de l'an
227 ou au commencement de 228 , comme
l'a démontré le P. Pagi , que les Généraux
de ce Prince eurent quelques avantages
en Mauritanie , en Illyrie et en Arménie
, puisque toutes ces Médailles ne
paroissent point avant la viiⓇ année de la
Puissance Tribunicienne d'Alexandre , et
que par conséquent elles ont été frappées
au plutôt en 288. c'est - à - dire , à peu
près dans le même temps qu'Alexandre
étoit à Antioche . Alexandre donc ne fait
icy que ce qu'auroit fait le Roy ; l'un et
l'autre représentent à leurs Soldats les
Guerres où ils se sont trouvez , sous les
Rois leurs Prédecesseurs ; et une marque
qu'Alexandre n'entend point parler de
celles qui le regardent , c'est qu'il cite les
Perses contre lesquels , comme je l'ai dit,
il marchoit alors , dans la seule Expedition
qu'il ait faite contr'eux.
Si cependant ML. B. soutient que les
Sarmates ont quelque rapport avec Aléxandre
, je lui répondrai que cette Guerre
n'est pas distincte de la premiere contre
les Allemans , dont il ne veut plus faire
usage ; et qu'au contraire , c'est la même.
Les
FEVRIER. 1733. 243
;
Les Sarmates occupoient tout le Païs qui
compose la Pologne et la Prusse d'à- d'à- present
ils étoient par - là trop voisins de
I'Illyrie , pour ne pas croire que ce furent
ces Peuples qui apparemment s'étoient
joints aux Allemans , que Varius
Macrinus chassa de cette Province. Les
interêts des uns et des autres étoient les
mêmes , et ils voulurent profiter de l'absence
d'Alexandre, pour ravager les Terres
de l'Empire , ce qui obligea l'Empereur
en marchant contre Artaxercés d'envoïer
des Troupes contr'eux. Comparante
jam se ut fluvios transgrederetur... Quosdam
etiam exercitus in regiones alias transtulit
, ut inde Barbarorum incursiones facilius
arcerentur. Herodien .
J'ai promis à M' L. B. de lui montrer
que les Ovinius me sont connus ; je tiens
ma parole. Outre l'Ovinius Camillus de
Lampride , et Ovinius Tertullus de la
Loy 1. ad S. C. Tertull. qu'il cite : Il y a
un Ovinius Paternus qui fut Consul sous
Alexandre même en 233. un Lucius Ovinius
Rusticus , qui le fut sous Maximin ,
l'an 237.ct l'on trouve en 317. sous Constantin
, un autre Ovinius , surnommé
Gallicanus, Consul avec Septimius Bassus,
long- temps devant ceux- cy , une Inscription
de Gruter ( CCLXI 4.)nous fait mention
244 MERCURE DE FRANCE
tion d'un Titus Ovinius Thermus , fils
d'un autre de même nom, qui vivoit sous
les Antonins. Je ne parle pas d'un M.
Ovinius M. F. Ter.Rufus, et d'un L.Ovinius
Amandus , dont les noms se trouvent
dans le même Gruter ( DLXVII. 3. )
et dans Reinesius ( XII. 110, ) Ovinius est
un nom ancien chez les Romains , puisqueVarron
qui fleurissoit dans les dernieres
années de la République , en parlant
dans son Ouvrage de Re Rustica , des
noms qui tirent leur origine des Troupeaux
, fait mention de celui d'Ovinius.
Nomina multa habemus ab utroque pecore , à
majore et à minore , à minore Porcius , Ovinius
, Caprilius. En voilà suffisamment
pour dresser une longue Généalogie , à
qui voudroit en prendre la peine , mais
n'en voilà que trop pour montrer que M²
L. B. n'a pas eu raison de dire , que ce nom
ne se rencontre gueres ailleurs qu'en ces deux
endroits qu'il a cités.
Je finirois icy , sans une réfléxion qu'on
me permettra d'ajouter , quoiqu'elle ne
regarde pas mon adversaire seul. Mª L.B.
en parlant d'Alexandre , l'appelle' toujours
Alexandre Severe , et il suit en cela un
sage , qui ,pour être autorisé, n'en est pas
moins vicicux. Le nom de Sévere que
portoit Alexandre , n'étoit pas, quoiqu'en
veuille
FEVRIER. 1733 245
euille dire Lampride , une Epithete qui
lui fut donnée à cause de son exactitude
à faire observer la Discipline Militaire.
Nam et Severus est appellatus à Militibus
ob Austeritatem . C'étoit chez lui un nom
de famille , qu'il tenoit de Septime Sévere
et d'Antonin Caracalle , appellé de
même Severe , comme on le voit sur ses
Médailles Grecques , où il est nommé
AYT, K. M. ATP. CEYHPOC. ANTONEINос.
П. П. Аléxandre se disoit fils de ce
dernier. Admonete quamprimum illum , dit
ce Prince en parlant d'Artaxercés : Trophæorum
qua plurima adversus Barbaros Severo
atque Antonino parente meo ducibus.
excitastis. Herodien . Ce qui est confirmé
par les Inscriptions.
•
IMP. CAES DIVI
SEVERI. PII, NEPOTI. DIVI
ANTONINI. MAG. PII. FILIO
M. AUREL. SEVERO ALEXANDRO
PIO , &c.
Gruter MLXXVIII , 7. et 8,
C'est donc Severe - Alexandre qu'il faut
dire , selon l'usage de placer les noms de
famille , et conformément à toutes les
C Més
246 MERCURE DE FRANCE
Médailles Latines et Grecques , où l'on
lit : IMP. SEV ALEXANDER AUG.
AY.K. CEOYHPOC . AAEZANA. aussi-bien
que dans les Inscriptions que je viens de
rapporter.
D. P.
A Orleans , le 10 Octobre 1732.
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Résumé : REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
L'auteur répond à une lettre de M. L. B. d'Auxerre, publiée dans le Mercure d'août précédent, concernant une inscription. Il exprime sa surprise de devoir réagir, pensant leur différend résolu. La dernière lettre de M. L. B. est plus élaborée, basée sur une lecture de Lampride et soutenue par un magistrat illustre. L'auteur examine l'autorité de Lampride, considéré comme un compilateur demi-savant par Casaubon, Saumaise et M. de Tillemont. Il souligne que les récits de Lampride doivent être vérifiés par d'autres sources. M. L. B. a omis une partie de la pensée de l'auteur, conduisant à une mauvaise interprétation. L'auteur discute des faits historiques mentionnés par Lampride, comme les conspirations contre Alexandre Sévère et les erreurs de Lampride concernant des événements et des personnages. Il critique Lampride pour ses inexactitudes et ses contradictions avec d'autres auteurs contemporains. L'auteur conteste l'association d'Ovinius avec Alexandre Sévère, arguant que les circonstances décrites par Lampride sont improbables et tiennent plus de la fable que de la réalité historique. Il réfute les explications de M. L. B. sur cette association, les trouvant peu convaincantes et contraires à la logique historique. Le texte discute également d'une controverse historique concernant Alexandre Sévère et une harangue attribuée à cet empereur. Alexandre Sévère aurait rappelé à ses troupes leurs victoires passées contre les Sarmates, les Allemans et les Perses, mais l'auteur conteste l'idée qu'Alexandre ait mené une guerre contre les Sarmates. Il compare cette situation à une hypothétique guerre en Espagne, où un roi rappelant des victoires passées ne prouverait pas qu'il a mené des guerres contre ces peuples. L'auteur affirme qu'Alexandre marchait alors en Perse et que son règne avait été paisible jusqu'à cette guerre. Il soutient que les médailles d'Alexandre mentionnent des victoires uniquement après la déclaration de la guerre contre la Perse, vers la fin de l'an 227 ou le début de 228. Les Sarmates, voisins de l'Illyrie, auraient profité de l'absence d'Alexandre pour ravager les terres de l'Empire, l'obligeant à envoyer des troupes contre eux. Enfin, l'auteur mentionne plusieurs personnes portant le nom d'Ovinius, démontrant que ce nom est ancien et courant chez les Romains. Il corrige également l'usage du nom 'Alexandre Sévère', expliquant que 'Sévère' est un nom de famille et non une épithète donnée pour sa discipline militaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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