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1
p. 224-253
Ce qui s'est passé en Allemagne entre l'Armée du Roy & celle de l'Empereur. [titre d'après la table]
Début :
Pendant que plus de vingt Puissances Souveraines liguées contre nous [...]
Mots clefs :
Prince Charles, Prince d'Orange, Troupes, Ennemis, Bataille, Maréchal de Créquy, Armée, Ministres, Désertion, Canon, Soldats, Cavalier, Chevaux, Allemands
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texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé en Allemagne entre l'Armée du Roy & celle de l'Empereur. [titre d'après la table]
Pendant que plus de vingt Puiſſances Souveraines liguées contre nous,amaſſoient de toutes parts un nombre infiny de Troupes , celles de France qui avoient déja pris trois des plus fortes Places de l'Europe, &
O iij
162 LE MERCVRE
gagné un Bataille, eſtoient das des Quartiers de rafraîchiſſement. On les croyoit fort di- minuées par les fatigues de tant de Sieges entrepris dans une ſaiſon rigoureuſe,&toutes les Gazettes ne parloient que de Levées & de Jonctions de
Troupes ennemies qui ſe fai- foient de tous coſtez. On ne
diſoit rien des noſtres ; il n'y avoit pas mefme d'apparence que nous puſſions eſtre affez forts pour nous oppoſer au Prince Charles. Cependant on a veu tout d'un coup par enchantement , Monfieur leMaréchal deCréquy en état de luy tenir teſte , tandis que
Mõſieurde Luxembourg avoit en Flandre une Armée auſſi
nombreuſe que celle que nous avons en Allemagne. Ces Ar
comme
GALANT. 163 mées ne manquent de rien , &
l'admirable prévoyace duRoy eſt ſi bien fecondée par le zele desMiniſtres qui executentſes ordres , que tout ce qui eſt ne- ceſſaire pour les faire ſubſiſter s'y trouve toûjours en abon- dance. Voila ce qui nous facilite tantdeglorieuſes conque- ſtes , & qui nous fait arreſter ſans peine le torrent oppoſé de tant de Troupes. Voyons les mouvemens de l'Armée de
l'Empereur depuis trois mois que le Prince Charles qui la commande a fait l'ouverture
de la Campagne. Elle estoit à
trois lieuësdeMetsdésle commencement de Juin , &dés ce temps-là Monfieur le Maref- chal de Créquy commença à
la combattre & à la ruiner par ſes Partis &par ſes divers mou-
164 LE MERCVRE
vemens.Le Prince Charles qui avoit réſolu de tenter quelque choſe de grand, paſſa la Seille la nuit du dix au onze de ce
-meſme mois , & vint camper du coſté de noſtre General ,
mais ce ne fut que pour y voir fon Armée dans l'extréme neceffité de toutes choſes pendat le long ſejour qu'elle y fit , &
pour donner lieu à un nombre infiny de Partis de la détruire plus commodément.Apres que cePrince eutachevéde paffer,
Mª de la Fite arriva dés le foir
meſme aupres de Monfieur le Mareſchal de Créquy avec un Détachement des Gardes du
Corps , de Gensd'armes , & de Chevaux-Legers de la Garde.
Le Prince Charles quine ſe ſe- roit pas hazardé à paſſer la Ri- viere, s'il euſt eſté avertyde ce
GALANT. 165
ra
Pul
ect
es
&
Fant
fel
Ja R
Secours, n'en reçeut la nouvel- le qu'avec un chagrin mortel.
Il vit bien qu'il luyſeroit diffi
cile de rien entreprendre , M
de Créquy eſtant preſque auffi fort que luy; mais comme il luy auroit eſté honteuxde fai- re voir qu'il avoit de méchans Eſpions, ou plutoſt qu'il n'en avoit point , il aima mieux fai- re bonne contenance dans fon
Poſte , que de s'en retourner furſes pas. C'eſt oùſon Armée apenſé périr, c'eſt où elle a tant manqué de Fourages , & tant mangédePain poury &de mé- chans Gâteaux. La neceffité y
eſtoit fi grande,qu'on endiſtri- buoit qu'un pour quatre Sol- dats. Ileſt mefme ſouvent arrivé que le Pain manquanten- tierement , elle n'a mangé que
de la Vache. Il eſt vray que
166 LE MERCVRE
l'on y a quelquefois donné quelques Eſcalins au lieu de Pain; mais ſi cet argent a em- peſché les plus ſeditieux de crier , il n'a pas empeſché de mourir de faim ceux à qui un fi foible ſecours ne pouvoit faire trouver dequoy manger.
Tant que le Prince Charles a
demeuré dans ce Poſte,quatre choſes ont ruiné ſon Armée;
laDeſertion, nos Partis,le man- que de Pain , & les Païfans qui prenoient tous ceux qui s'e- cartoient pour en chercher.
Les Marchez &les Places pu- bliques de Mets eſtoient rem- plis de leurs Chevaux qui ſe donnoient à fort grand mar- ché. Cefutdans ce temps que M. le Marefchal de Créquy fit faire à fon Armée ce beau
mouvement qui embaraſſa tat
GALANT. 167
les Ennemis.Il fit ſi bien placer fon Canon , qu'il leur tua plus de huit ou neuf cens Hommes , avant qu'on puſt enten-- dre le leur , qui ne fut en état de tirer que plus de trois heu- res apres le noſtre. Ils firent connoiſtre qu'ils n'avoient aucun deſſein de ſe battre , puis qu'ils repaſſerent la Seille. On trouva dans leur Camp quan- tité de Soldats qu'ils avoient enterrez,afin qu'on ne s'apper- çût pas de leur perte, & ils l'a- voient fait fi fort à la haſte ,
qu'ils leur avoient laiſſé leurs
habits & leur argent , dont on trouva méme une fomme conſidérable dans les Bottes d'un
Cavalier. On les pourſuivit dans leur Retraite,où ils perdi- rent encor beaucoup de mon- de. Cette pourfuite , & leur
168 LE MERCVRE
Canon , qu'ils tirerent à noſtre
exemplequelque temps aupa- ravant , nous coûterent auffi
quelques Gens. Nous perdî- mes M de Préfonval Lieutenant Colonel de la Couronne.
Quelques Gardesdu Corps fu- rent tuez , & deux Exempts bleſſez , qui fontM² de la Fou- chardiere & Mr Darmandaris.
Depuis ce temps les Ennemis ontſouvent changé de Pofte,
&Mr le Marefchal deCréquy a toûjours profité de leurs mouvemens. Ils eſtoient vis- àvis le Village d'Arancy , lors que ce vigilant Mareſchal ap- pritqu'ils attendoientungrand Convoy.Ilfit unDétachement
commandé par Mº de la Haye Lieutenant General , pour le furprendre. On leur tua plus dequatre cens Hommes, &on
leur
GALANT. 169
leurpritdumoins cent Charettes. Ceux qui ſe ſignalerent en cette occafion , furent Meffieurs les Marquis de Genlis &
de Renty,M le Comte deMo- reüil,M de la Fite, Mt le Comte d'Aubijoux , & M Marin.
M de la Haye y fut tué d'un coup deMouſquet. NosPartis ayant continue toûjours à les inquiéter , quatre Pieces de noſtre Canon chargées à cartouches, les incommoderent
fort aupres deMaleroy. Quelques jours apres comme onfui- voitleur marche avec l'ardeur
qui eſt ordinaire aux François,
M' le Chevalierd Eſtrades qui eſtoit Chefd'unParty de deux césChevaux, apperçeût quel- ques Troupesde leur Arriere- garde; il en fit avertir M. le
Comte de Maulevrier - ColTome V. P
170 LE MERCVRE bert, qui commandoit l'Aifle gauche. Ils'avança pour exa- minerla contenance des Ennemis, &les fit attaquer. Les Re- gimensdePortia &de Souches furent défaits. On découvrit
la queuë des Bagages, on ytua plus de deux cens Perſonnes,
onyfit centPrifonniers, & l'on pilla quantité deChariots. La Femme du Tréſorier del'Armée, quipar malheur ſe trou- va là dans fon Carroffe avec
d'autres Femmes, fut tuéedans
T'ardeur du Combat,fansqu'on ſceût meſme fi elle y eftoit.
Deux de nos Efcadrons , &
&quelquesDragons,plus avides de gloire que de bittin,
poufferentplus avant,&paf- ferent un Défilé. Ils furent
chargez par unCorps d'Enne- mis beaucoup plus conſidéra-
GALANT. 171
الاس
01
ble qu'ils n'eſtoient. Ils ſe retirerent enbon ordre, &ne perdirent pas trente Hommes.Les Ennemis n'oferent les pourſui- vre, &ils aimerent mieux laiffer emporteraux François tout ce qu'ils avoient pillé, qued'a- vancer pour les combattre, &
les empeſcher de profiter de | leur butin, Depuis cetemps-là le Prince Charles ſe promene,
&il ſemble qu'il ait enviede venir voir le Prince d'Orange,
qui n'eſt pas plus avancé que luy , quoy que l'un & l'autre foit en campagne depuis pres de trois mois. Je nedoute point qu'ils n'ayent entrepris quel- que choſe quand vous rece vrez ma Lettre , puis que je la finis dans le temps où ils doi- ventdu moins faire voirqu'ils
ell
20
n'ont 1 pas aſſemblé tant de
Pij
172 LE MERCVRE Troupes dans le ſeul deſſein
de nous obſerver. Le Prince
Charles n'auroit pas attendu fi long-temps à ſe déclarer , ſi M
le Mareſchal de Créquy l'euft laiſſé plus en repos mais ſa vi- gilance a toûjours détruit ce que ce Prince s'eſtoit propoſe de faire. Quand ils ont eſte ſé- parez, ila tenudes Ponts prefts pourfaire paſſer ſes Partis ; &
dans quelque Camp que les Ennemis ayent eſté , ils en ont toûjours eſté fatiguez . Ses Or- dres s'executoient avec tant de
ponctualité ; qu'on les a veu quelquefois inquiétez enmef- me temps par les Partis de Na- cy , par ceux des Lieux les plus proches , par les Détachemens de l'Armée , & par les Païfans.
C'eſt ainſi qu'on fait périr les Troupes les plus nombreuſes,
GALANT. 173
1
G
&que ſans rien perdre on ga- gne ſouventplus que fi ondo- noit une Bataille. M² de Beaufort Mareſchal de Camp,pouf- ſa une fois leur grande Garde - juſques à leurs Tentes. Quar torze Cuiraſſiers furent pris une autre fois par un Party de
vingt-cinq contre vingt-cinq.
Un LieutenantdeFufiliers,fortifiédesPaïſansduPaïs Meſſin,
attaqua &batit quelque temps apres un Convoy de Vin &
d'Eau de vie , dont il enfonça tous les Tonneaux ; & le MajorduRegimentdeCominges,
avec tres-peu de Gens , avoit défait quelques jours aupara- vant quatre-vingt Cuiraffiers,
dont la plupart furent faits pri- fonniers.; Je pourrois vous raconter encor unnombre infiny d'actions de vigueur qui ont
Piij
174 LE MERCVRE
८
eſté faites par nosPartis ; mais je vous veux ſeulement parler dedeuxdont les circonstances
font affez curieuſes. Le Prince
Charles s'ennuyant de ne rien faire , & ne voulant pas que l'on s'aperçeut de ſon chagrin,
refolut de donner le Bal aux
principales Dames de fon Ar- mée. Cela ne doit pas vous étonner, les Allemans ne mar- chent guéres qu'en Famille.
Comme il n'eſt point de Nation qui n'imite les François en quelque choſe , les Allemans pour pour paroiſtre avec plus de galanterie, voulurent avoir de nos Habits les plus à la mo- de,&le Prince Charles en envoya demander par unTrom- pete au Lieutenant de Royde Mets , lequel par une honne- ſteté toute Françoiſe luy en-
GALANT. 175
هللا
que
A
10.1
N
DIS
arc
ne
ronoyd
nne
yen
:
voya auſſi-toſt des Tailleurs ,
avec les Etofes les plus nou- velles qu'on puſt trouver. Les Habits ſe firent, &on commeça le Bal. M de Créqui prit ce temps pour leur donner un au- tre BLIOTHEQUR
divertiſſement. Il envoya Iron quelques Troupes qui donne rent l'alarme dans l'un de leurs
Quartiers, & qui eurent ordre
de ſe retirer d'une maniere qui pût engager les Ennemis à les pour ſuivre. Ses Ordres furent ponctuellement executez ; &
comme il avoit fait placer plu- fieurs Canons chargez à car- touches dans un endroitoù les
Ennemis ne croyoient pas qu'il y en euſt , la plupart de ceux qui pourſuivirentnos Gens fu- rent tuez ou bleffez ; & l'alarmes s'eſtant répaduëdans tout le Gamp , le Bal fut tellement
LYON
176 LE MERCVRE
troublé , que les Allemans oublierent leurs Dances , &
ne ſceurent plus faire de pas que pour décamper quel- ques jours apres. Le Canon ne leur fut pas moins fatal le jour que leurs Fourageurs fu- rent enlevez. La plupart des Officiers qui avoient des Va- lets au fourage, s'attrouperent pour les venir défendre ; mais ils n'oferent avancer , & l'on
euſtditqu'ils n'eſtoient venus que pour eſtre témoins de la perte de leurs Chevaux. Ils ne
s'en retournerent pourtantpas tous , &pluſieurs furent tuez par noſtre Canon. Vous direz peut- eſtre que c'eſt n'avoir rien fait, que de n'avoir ni pris de Places, ni gagné deBatail- les ; mais apres les premiers
avantages que nous avons
GALANT. 177
1
remportez , n'est-il pas bien glorieux d'empefcher tant de Puiſſances unies d'executer
aucune dn leurs entrepriſes ?
De pareils emplois demandent le Capitaine le plus confom- mé ; ils ont dequoy exercer toute fon experience , & de- quoy le rendre vigilant, eſtant obligé de faire des mouve- mens continuels , & de pren- dre garde en meſme temps de n'en faire aucun de faux.C'eſt
par là qu'on ruine infenfible- ment les Armées ennemies
mais il ne ſuffit pas pour cela d'avoir du cœur, il faut avoir
de l'eſprit & de l'adreſſe , &
que la tefte agiffe plus que le bras. Mr de Créquy a montré depuis trois mois que toutes
ces choſes ne luy eſtoient pas inconnuës , & qu'il ſçavoit
178 LE MERCVRE joindre la conduite & la pru- dence à la haute valeur dont
il a donné des marques dans un nombre infini d'occaſions,
&dans la diverſité des mouvemens qu'il a faits. Comme il ne s'en eſt pas trouvé unde faux, on ne peut marcher plus glorieuſement qu'il fait ſur les traces de M'de Turenne. Il l'a
imité en toutes chofes,&toutes les Lettres nous affurent
qu'il ne s'eſt pas fait moins ai- mer dans toutes les Troupes qu'il commande,qu'il s'est fait craindre parmi celles qui lui font oppoſées.
'La feconde Armée d'Allemagne , compoſée des Trou- pes des Cercles , n'a pas fait plus de progrez que celle du Prince Charles. M de Monclar l'obſerve de prés, &M' le
GALANT. 179
Marquis de Bligny l'eſt allé joindre avec unDétachement de dix Eſcadrons. Il y a prés de trois mois que le Prince
dOrange aſſemble la fienne,
■ & qu'il attend celle de dix ou
douze Alliez qui marche de- puis long-temps. Ila parujuf- ques icyque toutes cesTrou- pes n'estoient en campagne que pour arrefterles courſesde delaGarnifon de Maftric ; ce
qu'elles n'ont toutefois pû fai- re. Mr de la Motte avec un
Détachement, a eſté prendre force Beſtiaux du coſtede Namur; &M le Duc de Luxembourg a fouragé long-temps juſques aux Portes de Bruxel- les.Il aenvoyéquelques Troupes aux environs d'Oudenarde ſous le commandement de
Mellieurs dela Motte &d'Au
ZB
180 LE MERCVRE
ger. Le Prince d'Orange com- mença à décamper le 15.&M²
de Luxembourg le 16. Je ne
vous en diray rien davantage dans cette Lettre, quand mef- me on entreprendroit quelque choſe avantqu'elle fut fermée,
afin de vous en parler au long dans la premiere que je vous écriray,&de ne vous enpoint faire le détailàdeux fois
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gagné un Bataille, eſtoient das des Quartiers de rafraîchiſſement. On les croyoit fort di- minuées par les fatigues de tant de Sieges entrepris dans une ſaiſon rigoureuſe,&toutes les Gazettes ne parloient que de Levées & de Jonctions de
Troupes ennemies qui ſe fai- foient de tous coſtez. On ne
diſoit rien des noſtres ; il n'y avoit pas mefme d'apparence que nous puſſions eſtre affez forts pour nous oppoſer au Prince Charles. Cependant on a veu tout d'un coup par enchantement , Monfieur leMaréchal deCréquy en état de luy tenir teſte , tandis que
Mõſieurde Luxembourg avoit en Flandre une Armée auſſi
nombreuſe que celle que nous avons en Allemagne. Ces Ar
comme
GALANT. 163 mées ne manquent de rien , &
l'admirable prévoyace duRoy eſt ſi bien fecondée par le zele desMiniſtres qui executentſes ordres , que tout ce qui eſt ne- ceſſaire pour les faire ſubſiſter s'y trouve toûjours en abon- dance. Voila ce qui nous facilite tantdeglorieuſes conque- ſtes , & qui nous fait arreſter ſans peine le torrent oppoſé de tant de Troupes. Voyons les mouvemens de l'Armée de
l'Empereur depuis trois mois que le Prince Charles qui la commande a fait l'ouverture
de la Campagne. Elle estoit à
trois lieuësdeMetsdésle commencement de Juin , &dés ce temps-là Monfieur le Maref- chal de Créquy commença à
la combattre & à la ruiner par ſes Partis &par ſes divers mou-
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vemens.Le Prince Charles qui avoit réſolu de tenter quelque choſe de grand, paſſa la Seille la nuit du dix au onze de ce
-meſme mois , & vint camper du coſté de noſtre General ,
mais ce ne fut que pour y voir fon Armée dans l'extréme neceffité de toutes choſes pendat le long ſejour qu'elle y fit , &
pour donner lieu à un nombre infiny de Partis de la détruire plus commodément.Apres que cePrince eutachevéde paffer,
Mª de la Fite arriva dés le foir
meſme aupres de Monfieur le Mareſchal de Créquy avec un Détachement des Gardes du
Corps , de Gensd'armes , & de Chevaux-Legers de la Garde.
Le Prince Charles quine ſe ſe- roit pas hazardé à paſſer la Ri- viere, s'il euſt eſté avertyde ce
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Secours, n'en reçeut la nouvel- le qu'avec un chagrin mortel.
Il vit bien qu'il luyſeroit diffi
cile de rien entreprendre , M
de Créquy eſtant preſque auffi fort que luy; mais comme il luy auroit eſté honteuxde fai- re voir qu'il avoit de méchans Eſpions, ou plutoſt qu'il n'en avoit point , il aima mieux fai- re bonne contenance dans fon
Poſte , que de s'en retourner furſes pas. C'eſt oùſon Armée apenſé périr, c'eſt où elle a tant manqué de Fourages , & tant mangédePain poury &de mé- chans Gâteaux. La neceffité y
eſtoit fi grande,qu'on endiſtri- buoit qu'un pour quatre Sol- dats. Ileſt mefme ſouvent arrivé que le Pain manquanten- tierement , elle n'a mangé que
de la Vache. Il eſt vray que
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l'on y a quelquefois donné quelques Eſcalins au lieu de Pain; mais ſi cet argent a em- peſché les plus ſeditieux de crier , il n'a pas empeſché de mourir de faim ceux à qui un fi foible ſecours ne pouvoit faire trouver dequoy manger.
Tant que le Prince Charles a
demeuré dans ce Poſte,quatre choſes ont ruiné ſon Armée;
laDeſertion, nos Partis,le man- que de Pain , & les Païfans qui prenoient tous ceux qui s'e- cartoient pour en chercher.
Les Marchez &les Places pu- bliques de Mets eſtoient rem- plis de leurs Chevaux qui ſe donnoient à fort grand mar- ché. Cefutdans ce temps que M. le Marefchal de Créquy fit faire à fon Armée ce beau
mouvement qui embaraſſa tat
GALANT. 167
les Ennemis.Il fit ſi bien placer fon Canon , qu'il leur tua plus de huit ou neuf cens Hommes , avant qu'on puſt enten-- dre le leur , qui ne fut en état de tirer que plus de trois heu- res apres le noſtre. Ils firent connoiſtre qu'ils n'avoient aucun deſſein de ſe battre , puis qu'ils repaſſerent la Seille. On trouva dans leur Camp quan- tité de Soldats qu'ils avoient enterrez,afin qu'on ne s'apper- çût pas de leur perte, & ils l'a- voient fait fi fort à la haſte ,
qu'ils leur avoient laiſſé leurs
habits & leur argent , dont on trouva méme une fomme conſidérable dans les Bottes d'un
Cavalier. On les pourſuivit dans leur Retraite,où ils perdi- rent encor beaucoup de mon- de. Cette pourfuite , & leur
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Canon , qu'ils tirerent à noſtre
exemplequelque temps aupa- ravant , nous coûterent auffi
quelques Gens. Nous perdî- mes M de Préfonval Lieutenant Colonel de la Couronne.
Quelques Gardesdu Corps fu- rent tuez , & deux Exempts bleſſez , qui fontM² de la Fou- chardiere & Mr Darmandaris.
Depuis ce temps les Ennemis ontſouvent changé de Pofte,
&Mr le Marefchal deCréquy a toûjours profité de leurs mouvemens. Ils eſtoient vis- àvis le Village d'Arancy , lors que ce vigilant Mareſchal ap- pritqu'ils attendoientungrand Convoy.Ilfit unDétachement
commandé par Mº de la Haye Lieutenant General , pour le furprendre. On leur tua plus dequatre cens Hommes, &on
leur
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leurpritdumoins cent Charettes. Ceux qui ſe ſignalerent en cette occafion , furent Meffieurs les Marquis de Genlis &
de Renty,M le Comte deMo- reüil,M de la Fite, Mt le Comte d'Aubijoux , & M Marin.
M de la Haye y fut tué d'un coup deMouſquet. NosPartis ayant continue toûjours à les inquiéter , quatre Pieces de noſtre Canon chargées à cartouches, les incommoderent
fort aupres deMaleroy. Quelques jours apres comme onfui- voitleur marche avec l'ardeur
qui eſt ordinaire aux François,
M' le Chevalierd Eſtrades qui eſtoit Chefd'unParty de deux césChevaux, apperçeût quel- ques Troupesde leur Arriere- garde; il en fit avertir M. le
Comte de Maulevrier - ColTome V. P
170 LE MERCVRE bert, qui commandoit l'Aifle gauche. Ils'avança pour exa- minerla contenance des Ennemis, &les fit attaquer. Les Re- gimensdePortia &de Souches furent défaits. On découvrit
la queuë des Bagages, on ytua plus de deux cens Perſonnes,
onyfit centPrifonniers, & l'on pilla quantité deChariots. La Femme du Tréſorier del'Armée, quipar malheur ſe trou- va là dans fon Carroffe avec
d'autres Femmes, fut tuéedans
T'ardeur du Combat,fansqu'on ſceût meſme fi elle y eftoit.
Deux de nos Efcadrons , &
&quelquesDragons,plus avides de gloire que de bittin,
poufferentplus avant,&paf- ferent un Défilé. Ils furent
chargez par unCorps d'Enne- mis beaucoup plus conſidéra-
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ble qu'ils n'eſtoient. Ils ſe retirerent enbon ordre, &ne perdirent pas trente Hommes.Les Ennemis n'oferent les pourſui- vre, &ils aimerent mieux laiffer emporteraux François tout ce qu'ils avoient pillé, qued'a- vancer pour les combattre, &
les empeſcher de profiter de | leur butin, Depuis cetemps-là le Prince Charles ſe promene,
&il ſemble qu'il ait enviede venir voir le Prince d'Orange,
qui n'eſt pas plus avancé que luy , quoy que l'un & l'autre foit en campagne depuis pres de trois mois. Je nedoute point qu'ils n'ayent entrepris quel- que choſe quand vous rece vrez ma Lettre , puis que je la finis dans le temps où ils doi- ventdu moins faire voirqu'ils
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n'ont 1 pas aſſemblé tant de
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172 LE MERCVRE Troupes dans le ſeul deſſein
de nous obſerver. Le Prince
Charles n'auroit pas attendu fi long-temps à ſe déclarer , ſi M
le Mareſchal de Créquy l'euft laiſſé plus en repos mais ſa vi- gilance a toûjours détruit ce que ce Prince s'eſtoit propoſe de faire. Quand ils ont eſte ſé- parez, ila tenudes Ponts prefts pourfaire paſſer ſes Partis ; &
dans quelque Camp que les Ennemis ayent eſté , ils en ont toûjours eſté fatiguez . Ses Or- dres s'executoient avec tant de
ponctualité ; qu'on les a veu quelquefois inquiétez enmef- me temps par les Partis de Na- cy , par ceux des Lieux les plus proches , par les Détachemens de l'Armée , & par les Païfans.
C'eſt ainſi qu'on fait périr les Troupes les plus nombreuſes,
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&que ſans rien perdre on ga- gne ſouventplus que fi ondo- noit une Bataille. M² de Beaufort Mareſchal de Camp,pouf- ſa une fois leur grande Garde - juſques à leurs Tentes. Quar torze Cuiraſſiers furent pris une autre fois par un Party de
vingt-cinq contre vingt-cinq.
Un LieutenantdeFufiliers,fortifiédesPaïſansduPaïs Meſſin,
attaqua &batit quelque temps apres un Convoy de Vin &
d'Eau de vie , dont il enfonça tous les Tonneaux ; & le MajorduRegimentdeCominges,
avec tres-peu de Gens , avoit défait quelques jours aupara- vant quatre-vingt Cuiraffiers,
dont la plupart furent faits pri- fonniers.; Je pourrois vous raconter encor unnombre infiny d'actions de vigueur qui ont
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eſté faites par nosPartis ; mais je vous veux ſeulement parler dedeuxdont les circonstances
font affez curieuſes. Le Prince
Charles s'ennuyant de ne rien faire , & ne voulant pas que l'on s'aperçeut de ſon chagrin,
refolut de donner le Bal aux
principales Dames de fon Ar- mée. Cela ne doit pas vous étonner, les Allemans ne mar- chent guéres qu'en Famille.
Comme il n'eſt point de Nation qui n'imite les François en quelque choſe , les Allemans pour pour paroiſtre avec plus de galanterie, voulurent avoir de nos Habits les plus à la mo- de,&le Prince Charles en envoya demander par unTrom- pete au Lieutenant de Royde Mets , lequel par une honne- ſteté toute Françoiſe luy en-
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voya auſſi-toſt des Tailleurs ,
avec les Etofes les plus nou- velles qu'on puſt trouver. Les Habits ſe firent, &on commeça le Bal. M de Créqui prit ce temps pour leur donner un au- tre BLIOTHEQUR
divertiſſement. Il envoya Iron quelques Troupes qui donne rent l'alarme dans l'un de leurs
Quartiers, & qui eurent ordre
de ſe retirer d'une maniere qui pût engager les Ennemis à les pour ſuivre. Ses Ordres furent ponctuellement executez ; &
comme il avoit fait placer plu- fieurs Canons chargez à car- touches dans un endroitoù les
Ennemis ne croyoient pas qu'il y en euſt , la plupart de ceux qui pourſuivirentnos Gens fu- rent tuez ou bleffez ; & l'alarmes s'eſtant répaduëdans tout le Gamp , le Bal fut tellement
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troublé , que les Allemans oublierent leurs Dances , &
ne ſceurent plus faire de pas que pour décamper quel- ques jours apres. Le Canon ne leur fut pas moins fatal le jour que leurs Fourageurs fu- rent enlevez. La plupart des Officiers qui avoient des Va- lets au fourage, s'attrouperent pour les venir défendre ; mais ils n'oferent avancer , & l'on
euſtditqu'ils n'eſtoient venus que pour eſtre témoins de la perte de leurs Chevaux. Ils ne
s'en retournerent pourtantpas tous , &pluſieurs furent tuez par noſtre Canon. Vous direz peut- eſtre que c'eſt n'avoir rien fait, que de n'avoir ni pris de Places, ni gagné deBatail- les ; mais apres les premiers
avantages que nous avons
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remportez , n'est-il pas bien glorieux d'empefcher tant de Puiſſances unies d'executer
aucune dn leurs entrepriſes ?
De pareils emplois demandent le Capitaine le plus confom- mé ; ils ont dequoy exercer toute fon experience , & de- quoy le rendre vigilant, eſtant obligé de faire des mouve- mens continuels , & de pren- dre garde en meſme temps de n'en faire aucun de faux.C'eſt
par là qu'on ruine infenfible- ment les Armées ennemies
mais il ne ſuffit pas pour cela d'avoir du cœur, il faut avoir
de l'eſprit & de l'adreſſe , &
que la tefte agiffe plus que le bras. Mr de Créquy a montré depuis trois mois que toutes
ces choſes ne luy eſtoient pas inconnuës , & qu'il ſçavoit
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il a donné des marques dans un nombre infini d'occaſions,
&dans la diverſité des mouvemens qu'il a faits. Comme il ne s'en eſt pas trouvé unde faux, on ne peut marcher plus glorieuſement qu'il fait ſur les traces de M'de Turenne. Il l'a
imité en toutes chofes,&toutes les Lettres nous affurent
qu'il ne s'eſt pas fait moins ai- mer dans toutes les Troupes qu'il commande,qu'il s'est fait craindre parmi celles qui lui font oppoſées.
'La feconde Armée d'Allemagne , compoſée des Trou- pes des Cercles , n'a pas fait plus de progrez que celle du Prince Charles. M de Monclar l'obſerve de prés, &M' le
GALANT. 179
Marquis de Bligny l'eſt allé joindre avec unDétachement de dix Eſcadrons. Il y a prés de trois mois que le Prince
dOrange aſſemble la fienne,
■ & qu'il attend celle de dix ou
douze Alliez qui marche de- puis long-temps. Ila parujuf- ques icyque toutes cesTrou- pes n'estoient en campagne que pour arrefterles courſesde delaGarnifon de Maftric ; ce
qu'elles n'ont toutefois pû fai- re. Mr de la Motte avec un
Détachement, a eſté prendre force Beſtiaux du coſtede Namur; &M le Duc de Luxembourg a fouragé long-temps juſques aux Portes de Bruxel- les.Il aenvoyéquelques Troupes aux environs d'Oudenarde ſous le commandement de
Mellieurs dela Motte &d'Au
ZB
180 LE MERCVRE
ger. Le Prince d'Orange com- mença à décamper le 15.&M²
de Luxembourg le 16. Je ne
vous en diray rien davantage dans cette Lettre, quand mef- me on entreprendroit quelque choſe avantqu'elle fut fermée,
afin de vous en parler au long dans la premiere que je vous écriray,&de ne vous enpoint faire le détailàdeux fois
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Résumé : Ce qui s'est passé en Allemagne entre l'Armée du Roy & celle de l'Empereur. [titre d'après la table]
Le texte relate les opérations militaires entre les forces françaises et une coalition de plus de vingt puissances souveraines. Malgré les difficultés et les fatigues des sièges, les armées françaises, dirigées par le maréchal de Créquy et le duc de Luxembourg, ont réussi à résister aux assauts ennemis. Les armées françaises bénéficient d'un approvisionnement efficace grâce à la prévoyance du roi et au zèle des ministres. Le prince Charles, commandant l'armée de l'Empereur, a tenté plusieurs actions, mais a été contré par les mouvements stratégiques et les partis de Créquy. Les troupes du prince Charles ont souffert de désertions, de manque de ravitaillement et de harcèlement constant par les forces françaises. Plusieurs actions notables, comme l'attaque d'un convoi et la perturbation d'un bal organisé par le prince Charles, illustrent la vigilance et l'efficacité des troupes françaises. Le maréchal de Créquy a démontré une grande expérience et une vigilance constante, affaiblissant progressivement les armées ennemies sans livrer de batailles décisives. La deuxième armée d'Allemagne, composée des troupes des Cercles, n'a pas non plus fait de progrès significatifs, étant étroitement surveillée par les forces françaises. Le prince d'Orange et ses alliés sont également en campagne, mais sans succès notable. Par ailleurs, l'auteur mentionne qu'il ne fournira pas davantage de détails dans la lettre actuelle, préférant en discuter plus en profondeur dans la prochaine lettre afin d'éviter un double récit et de traiter le sujet de manière exhaustive.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 230-246
REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
Début :
Je ne m'attendois à rien moins qu'à rentrer en dispute avec M. L. B. au [...]
Mots clefs :
Alexandre, Ovinius, Lampride, Prince, Guerre, Association, Sévère, Allemands, Sarmates, Médailles, Auguste, Soldats, Empereur, Circonstances, Particule vel, Inscription
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
REPLIQUE à la Lettre de M. L. B.
d'Auxerre , inserée dans le Mercure du
mois d'Août dernier , au sujet d'une Inscription
.
J
E ne m'attendois à rien moins qu'à
rentrer en dispute avec M. L. B. au
sujet de l'Inscription d'Auxerre , et je
croïois notre différend enticrement terminé,
quand la Lettre qu'il vient de don-
-ner dans le Mercure du mois d'Août , m'a
fait connoître que son silence n'étoit que
pour mieux préparer ses armes , et pour
me combattre avec plus d'avantage . En
effet cette Lettre est bien differente des
deux autres ; la premiere n'étoit qu'un
impromptu du lendemain , même de la découverte
du Monument, et M. L.B.avoit
écrit la seconde , avant que d'avoir eu le
loisir de feuilleter les immenses Recueils
d'Inscriptions ; c'est - à - dire , qu'il avoit
alors négligé les autoritez , qui sur une
pareille matiere , peuvent servir à mettre la
vérité
FEVRIER. * 1733 . 231
*
vérité dans un plus grand jour ; mais aujourd'hui
c'est après un intervale considerable
, et depuis une lecture attentive de
Lampride , que mon adversaire reparoit
sur les rangs , et comment y paroît - il encore
; appuyé d'un suffrage glorieux et
puissant. Pour le coup , peu s'en est fallu
que M.L.B.n'ait réussi. Pénétré , comme
je le suis , d'un respect infini et
infini et légitime
pour l'Illustre Magistrat à qui il addresse
sa Lettre et dont il emprunte du
secours , j'ai craint long - temps de combattre
des sentimens que je dois respecter
, et j'aurois toujours gardé le silence , si
je n'avois fait réfléxion depuis, que la part
que ce grand homme semble prendre dans
notre dispute , n'est qu'un jeu de sa part,
pour la faire durer plus long temps et s'en
divertir. C'est donc à M. L. B. seul que je
réponds icy, et tout ce que je dirai ne regarde
que lui uniquement.
Pour entrer en matiere , je commence
par examiner l'autorité de Lampride. J'ai
dit dans mes deux Mémoires , en rapportant
les sentimens de Casaubon , de
Saumaise et de M. de Tillemont , sur les
Auteurs de l'Histoire Auguste dont Lampride
est du nombre. J'ai écrit , dis- je , et
* Monsieur Boubier , Président au Parlement
de Dijon.
B vj
M.
232 MERCURE DE FRANCE
.
J
>
M.L. B. en convient en partie , que ce
Recueil étoit l'Ouvrage d'un Compilateur
demi Sçavant , qui avoit écrit sans choix ,
sans ordre , et mêlé ensemble les Narrations
des Autcurs , dont son Receuil porte le nom.
Est-il extraordinaire que j'en aye conclu
qu'on étoit toujours en droit de révoquer en
doute ce que ces Auteurs avancent quand il
ne se trouve pas confirmé d'ailleurs, du moins
pour le fonds. Il a plu à ML. B. en rappertant
ces paroles, de supprimer les derniers
mots : Du moins pour le fonds ; et ce
retranchement a donné à ma pensée une
étenduë que je n'ai jamais songé à lui
donner, et qui la rend vicieuse . M² L. B.
en a profité , et il a fait valoir cet avantage
autant qu'il a pû , mais en rétablissant
la proposition dans les termes où je
l'ai exprimée , a-t il tant de sujet de s'écrier
et de la trouver si extraordinaire ?
N'est -elle pas plutôt une conséquence
juste et mesurée qui naît d'elle- même de
l'opinion désavantageuse qu'ont eu de
l'Histoire Auguste les grands Hommes
sur lesquels je me suis réglé . Je n'ai pas
prétendu dire , au reste , qu'il fut nécessaire
que les faits alléguez dans cette Histoire
se trouvassent nommément exprimez
ailleurs;c'est assez pour y ajouter foy,
qu'on les y trouve d'une maniere implicite
FEVRIER. 1733. 233
plicite et générale , et ce sentiment n'a
rien que de naturel . Pour développer ceci
davantage , je lis dans Lampride que
Martianus conspira contre Alexandre , et
qu'Ovinius voulut se faire Empereur ; (car
pour le dire en passant , et comme je le
montrerai plus bas , il s'en faut beaucoup
que je croye Ovinius un personnage.fabuleux:
c'est son association seule que j'attaque.
) Ces faits , dis - je , n'ont rien qui
m'empêche de les croire , après avoir lû
dans les Auteurs contemporains que pendant
le Regne d'Alexandre il y eut plusieurs
séditions contre ce Prince. Multa
seditionesfacte sunt à multis . Dion. J'ai même
en quelque maniere obligation à Lampride
de m'apprendre le nom de ces
Chefs de Revolte , et de me les faire
Gonnoître. Mais aussi quand je lis dans le
même Lampride qu'Alexandre , loin de
punir Ovinius , associe ce Sénateur à son
pouvoir , et que les autres Auteurs , au
contraire , m'assurent que ce Prince scut
punir ceux qui oserent s'élever contre
lui. Supplicioque affecti funt. Herod. J'ai
alors raison de douter de l'autorité de
Lampride.
Pour faire connoître plus particulierement
cet Auteur , il est necessaire de remarquer
quelques - uns de ses deffauts ; et
sans
234 MERCURE DE FRANCE
-
sans le suivre dans toutes les Vies des Em
pereurs qui portent son nom , je ne m'attacherai
qu'à celle d'Alexandre . A peine
Lampride sçait il le nom de la Mere de
ce Prince , et ce n'est qu'en doutant
qu'il l'appelle Mammée . Alexander igitur
cui Mammea mater fuit , nam et ita dicitur
à plerisque. Peut - on dire qu'Encolpius et
les autres Courtisans d'Alexandre , dont
Lampride avoit les Memoires devant les
yeux ignorassent le nom de cette Princesse
ou pourquoi Lampride ne suit - il
plus icy ses originaux ? c'est à Mr L. B. à
nous l'apprendre . Selon le même Auteur
, Alexandre fut le seul qui cassa des
Légions entieres : Si quidem solus inventus
sit , qui tumultuan er legiones exautoraverit.
Qui voudroit l'en croire sur sa pa
role; se trouveroit bien embarassé en isant
Suerone. Cet Auteur nous marque
expressément que Jules Cesar dans la
Guerre contre Pompée , cassa auprès de
Plaisance , la neuviéme Légion qui s'étoit
révoltée. Et nonam quidem Legionem apud
Placentiam cum ignominia missam fecit 69 .
Qu'Auguste en fit autant à la dixiéme.
Decimam Legion.m contumacius parentem
cum ignominia dimisit. 24. Enfin , que
Galba ôta non- seulement les Aigles aux
Classiaires , dont Néron avoit composé
•
แล
FEVRIER. 1733. 235
un Corps de Troupes réglées , et les obligea
de rentrer dans leurs premieres fonctions
, mais même sur ce qu'ils se plaignoient
avec trop de hauteur , qu'il les
décima , fed decimavit etiam. 12. Lampride
nous dit encore qu'Alexandre , à l'imitation
d'Adrien , eut la pensée de faire
adorer J. C. dans l'Empire . Christo Templum
voluit eumque inter Divos recipere
quod et Adrianus ; et cependant Tertullien
qui vivoit sous Sévere , et qui par
conséquent étoit beaucoup moins éloigné
d'Adrien , que Lampride , nous dit au
contraire , que ce fut Tibere qui conçut
ce dessein : Tiberius ergo annunciatum sibi
ex Syria Palestina , que illius ( J. C. ) Divinitatis
revelara , detulit ad Senatum cum
prerogativa suffragii sui. Mais que dire de
la maniere dont Aléxandre parle de Caracalle
dans son Remerciment au Sénat ?
Ce Prince , comme on le verra plus bas,
se disoit fils de ce dernier Empereur ; et
cependant il le blame publiquement d'avoir
affecté , en prenant le nom d'Antonin
, un titre qui ne lui convenoit pas :
Affecratum in Bassiano . Est-ce là ce fils si
respectueux pour ceux qui lui avoient
donné le jour ? Enfin rien n'est plus plaisant
que de voir parmi les Conseillers
que Lampride donne à ce Prince , des
Per
236 MERCURE DE FRANCE
•
Personnes mortes long - temps auparavant
, tels que Pomponius , Alphenus et
d'autres , ce qui a été remarqué par Cujas
, lib. 7.Observ .
Je pourrois remarquer une infinité de
traits pareils , mais en voilà assez sur ce
sujet , et pour autoriser ce que j'ai dit . Je
viens à l'association d'Ovinius pour en faire
connoître la supposition ; j'ai dit , après
Mr de Tillemont , qu'il s'y trouvoit des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable.
L'objection a paruë pressante à M' L.
B. il étoit naturel de s'en débarasser ; mais
je ne sçais s'il y a bien réussi , en disant
que ces circonstances tiennent seulement
du Comique, et que des circonstances pour être
Comiques , n'empêchent point le fonds de l'évenement
d'être réel. C'est ce que je nie dans
un fait de l'importance de celui que nous
examinons. En voici la preuve : Selon M²
L. B. Ovinius avoit été choisi par les
Prétoriens , et il en étoit aimé , puisque
ce fut cet amour qu'ils lui portoient qui
causa sa mort dans la suite . Aléxandre
qui redoutoit leur Puissance , entre dans
leurs vûës , associe Ovinius à l'Empire ,
mais seulement en apparence et pour
montrer à ces Troupes que le sujet qu'ils
avoient choisi pour lui opposer , n'étoit
pas digne du où ils le vouloient fai- rang
re
FEVRIER. 1733 . 237
rc monter . Mais , dira-t- on à Mr L. B. la
politique d'Alexandre se dément bien- tôts
car enfin cet air Comique dans les circonstances
de cette association auroit bientôt
ouvert les yeux aux Soldats , ils auroient
pénétré le dessein d'Alexandre , et
ce Prince par là se seroit trouvé dans le
danger qu'il vouloit éviter. L'exemple de
Septime Sévére qu'il allégue , est bien different.
Lorsque ce Prince , pour mieux combattre
Pescennius , amusa Albin , en le
déclarant César. Albin étoit alors à la tête
des armées d'Angletere, et prêt à prendre
la Pourpre. Il falloit prendre le parti de
la dissimulation , ou se résoudre à avoir
deux Concurrens sur les bras. Il n'y a rien
outre cela de Comique dans sa conduite
dont il trouvoit un modele dans Auguste
par la maniere dont il en avoit agi avec
Lépide. Selon le récit de Lamptide Ovinius
est sans Soldats , sans Troupes reglées
; à peine commence- t- il à se former
un parti pour s'élever au Trône . Quoiqu'en
veuille dire M L.B.rien ne pouvoit
forcer Alexandre d'avoir pour ce Sénateur
et ses Complices , un ménagement si rafiné
et si dangereux. Je ne sçai si je njaimerois
pas presqu'autant l'explication qu'Erasme
a donnée à cette action d'Aléxandre
238 MERCURE DE FRANCE.
dre dans ses Apothegmes , lib. 6. Selon
lui, Alexandre tout plein de bonté et tout
Philosophe , voulut corriger l'ambition
d'Ovinius ; il ne l'engagea à venir à l'Armée
avec lui que pour lui faire connoître
que la condition qu'il ambitionnoit tant ,
étoit plus remplie de peines et de travaux
qu'il ne se l'étoit imaginé. Sic illi commostravit
quod essetgerere imperium. Ce qu'il
y a de plaisant dans cette explication d'Erasme
, c'est qu'elle se trouve authorisée
par Lampride , qui nous dit qu'Aléxandre
remercia Ovinius de vouloir bien se
charger volontairement d'un fardeau aussi
pesant que celui de gouverner la République.
Eiqué gratias egit quod curam
Reip. sponte reciperet.
Pour seconde preuve contre l'association
d'Ovinius ; j'ai dit , qu'il n'y avoit
aucune apparence qu'Alexandre eut voulu
se livrer entierement entre ses mains ,
en lui offrant le commandement des
Troupes qu'il envoyoit contre les Barba
res , et M² L. B. avouë que ç'auroit été le
comble de l'imprudence. Aussi pour parer
cette objection , qui peut passer comme
le centre de toutes les autres , Mr L. B. a
pris le parti d'expliquer le Texte de Lampride
, autrement que tous ceux qui l'ont
traduit jusques icy . Voicy le Passage Latin:
Et
FEVRIER. 1732 . 239
Et cum expeditio Barbarica esset nuntiata ,
vel ipsum , si vellet , ire , vel ut secum proficisceretur
, hortatus est.
Mr L. B. prétend que dans ce Passage
la particule vel est mise pour et , et que
par conséquent ,au lieu d'entendre qu'Aléxandre
offrit à Ovinius de le mener à la
Guerre , s'il n'aimoit mieux y aller seul . Il
faut traduire qu'Alexandre invita Ovinius
à aller à la Guerre contre les Barbares , et
même à faire le voyage avec lui. Je sçais
que la particule vel n'est pas toujours disjonctive
, qu'elle est copulative quelquefois
; mais je sçais bien aussi que c'est
quand la Phrase le détermine, et que sans
cela on ne peut l'expliquer raisonnablement.
Quel est donc le sens le plus naturel
, et qui se présente le premier à l'esprit
dans ce Passage de Lampride. Est - ce
celui qu'y trouve Mr L. B. ou celui dans
lequel l'ont entendu tous les autres Traducteurs?
Je laisse cela à décider au Lecteur
, mais j'ose assurer que l'explication
de M' L. B. est forcée , et que la particule
vel , comme il l'entend , devient dans
la phrase un véritable Pleonasme , et n'est
plus qu'une répétition vicieuse. C'est un
grand principe et que Mr L B. doit encore
mieux sçavoir que moi , de ne point
cher126
MERCURE DE FRANCE
chercher un sens éloigné et difficile , quand
il s'en offre un simple et naturel .
Pour affermir davantage l'association,
d'Ovinius ,Mr L.B s'étend fort au long sur
le temps de cette association . Mais tout ce
qu'il dit icy ne me regarde nullement.
Je nie le fait , il ne m'importe pas en
quel temps il aa pu arriver. J'ai dit seulement
que ce n'avoit pû être dans une
Guerre contre les Allemans , comme M²
L. B. l'avoit avancé ; il a été obligé d'en
convenir, et de dire qu'il n'avoit erré que
pour avoir voulu isuivre M de Tillemont
; mais comme il donne une autre
Epoque à cette association ,
il me permettra
de l'examiner.
Lampride écrit qu'Alexandre étant à
Antioche , trouva ses Troupes dans un
grand relâchement , qu'ayant fait arrêter
les Auteurs de ce désordre , les Soldats se
mutinerent et s'éleverent tumultueusement
contre lui ; que là- dessus ce Prince
leur dit que ce n'étoit point contre leur
Souverain que leurs Chefs leur avoient enseigné
à faire usage de leurs voix ; mais
contre les Sarmates , les Allemans , les
Perses. M' L. B. saisit le Passage et met
l'association d'Ovinius dans une Guerre
qu'il prétend qu'Alexandre eut contre les
SarFEVRIER.
1733. 241
Sarmates , et qu'il place dans l'ordre où
ces Peuples sont nommez , et dans les six
premieres années du Regne d'Alexandre.
J'avoue mon peu de pénétration , je no
vois rien- icy qui prouve qu'Aléxandre ait
eu Guerre contre les Sarmates , et voicy
sur quoi je me fonde.
Si dans la derniere Guerre d'Espagne
l'âge du Roy avoit permis à ce Prince de
se trouver à la tête de ses Troupes, et que
sur le point de quelque Action , il les eut
fait souvenir de la valeur qu'elles avoient
fait paroître contre les Allemans, les Anglois
, les Hollandois ; en concluroit - on
que ce Prince auroit cu alors quelques
Guerres contre ces Peuples ? Non , sans
doute , et l'on doit raisonner de la même
maniere , sur la Harangue d'Alexandre .
Cet Empereur alors marchoit en Perse ,
comme Lampride le dit lui- même ; et
jusqu'à cette Guerre, son Regne avoit été
paisible du côté des Etrangers. Igitur cum
ad hunc modum * septem annos quod quidem
ad se attineret, sine querela cùjusquam Imperium
gubernasset, ecce tibi octavo anno , & c.
Car il paroît par toutes les Médailles.
d'Alexandre , qui portent la
temps où elles ont été frappées, et sur les
marque
du
* Suivant la correction du P. Pagi : Dissert.
Hypat. pag. 177 .
quelles
242 MERCURE DE FRANCE
>
quelles il est fait mention de Victoires
soit dans le Type , soit dans la Légende ,
que ce ne fut qu'après la Déclaration de la
Guerre de Perse , arrivée sur la fin de l'an
227 ou au commencement de 228 , comme
l'a démontré le P. Pagi , que les Généraux
de ce Prince eurent quelques avantages
en Mauritanie , en Illyrie et en Arménie
, puisque toutes ces Médailles ne
paroissent point avant la viiⓇ année de la
Puissance Tribunicienne d'Alexandre , et
que par conséquent elles ont été frappées
au plutôt en 288. c'est - à - dire , à peu
près dans le même temps qu'Alexandre
étoit à Antioche . Alexandre donc ne fait
icy que ce qu'auroit fait le Roy ; l'un et
l'autre représentent à leurs Soldats les
Guerres où ils se sont trouvez , sous les
Rois leurs Prédecesseurs ; et une marque
qu'Alexandre n'entend point parler de
celles qui le regardent , c'est qu'il cite les
Perses contre lesquels , comme je l'ai dit,
il marchoit alors , dans la seule Expedition
qu'il ait faite contr'eux.
Si cependant ML. B. soutient que les
Sarmates ont quelque rapport avec Aléxandre
, je lui répondrai que cette Guerre
n'est pas distincte de la premiere contre
les Allemans , dont il ne veut plus faire
usage ; et qu'au contraire , c'est la même.
Les
FEVRIER. 1733. 243
;
Les Sarmates occupoient tout le Païs qui
compose la Pologne et la Prusse d'à- d'à- present
ils étoient par - là trop voisins de
I'Illyrie , pour ne pas croire que ce furent
ces Peuples qui apparemment s'étoient
joints aux Allemans , que Varius
Macrinus chassa de cette Province. Les
interêts des uns et des autres étoient les
mêmes , et ils voulurent profiter de l'absence
d'Alexandre, pour ravager les Terres
de l'Empire , ce qui obligea l'Empereur
en marchant contre Artaxercés d'envoïer
des Troupes contr'eux. Comparante
jam se ut fluvios transgrederetur... Quosdam
etiam exercitus in regiones alias transtulit
, ut inde Barbarorum incursiones facilius
arcerentur. Herodien .
J'ai promis à M' L. B. de lui montrer
que les Ovinius me sont connus ; je tiens
ma parole. Outre l'Ovinius Camillus de
Lampride , et Ovinius Tertullus de la
Loy 1. ad S. C. Tertull. qu'il cite : Il y a
un Ovinius Paternus qui fut Consul sous
Alexandre même en 233. un Lucius Ovinius
Rusticus , qui le fut sous Maximin ,
l'an 237.ct l'on trouve en 317. sous Constantin
, un autre Ovinius , surnommé
Gallicanus, Consul avec Septimius Bassus,
long- temps devant ceux- cy , une Inscription
de Gruter ( CCLXI 4.)nous fait mention
244 MERCURE DE FRANCE
tion d'un Titus Ovinius Thermus , fils
d'un autre de même nom, qui vivoit sous
les Antonins. Je ne parle pas d'un M.
Ovinius M. F. Ter.Rufus, et d'un L.Ovinius
Amandus , dont les noms se trouvent
dans le même Gruter ( DLXVII. 3. )
et dans Reinesius ( XII. 110, ) Ovinius est
un nom ancien chez les Romains , puisqueVarron
qui fleurissoit dans les dernieres
années de la République , en parlant
dans son Ouvrage de Re Rustica , des
noms qui tirent leur origine des Troupeaux
, fait mention de celui d'Ovinius.
Nomina multa habemus ab utroque pecore , à
majore et à minore , à minore Porcius , Ovinius
, Caprilius. En voilà suffisamment
pour dresser une longue Généalogie , à
qui voudroit en prendre la peine , mais
n'en voilà que trop pour montrer que M²
L. B. n'a pas eu raison de dire , que ce nom
ne se rencontre gueres ailleurs qu'en ces deux
endroits qu'il a cités.
Je finirois icy , sans une réfléxion qu'on
me permettra d'ajouter , quoiqu'elle ne
regarde pas mon adversaire seul. Mª L.B.
en parlant d'Alexandre , l'appelle' toujours
Alexandre Severe , et il suit en cela un
sage , qui ,pour être autorisé, n'en est pas
moins vicicux. Le nom de Sévere que
portoit Alexandre , n'étoit pas, quoiqu'en
veuille
FEVRIER. 1733 245
euille dire Lampride , une Epithete qui
lui fut donnée à cause de son exactitude
à faire observer la Discipline Militaire.
Nam et Severus est appellatus à Militibus
ob Austeritatem . C'étoit chez lui un nom
de famille , qu'il tenoit de Septime Sévere
et d'Antonin Caracalle , appellé de
même Severe , comme on le voit sur ses
Médailles Grecques , où il est nommé
AYT, K. M. ATP. CEYHPOC. ANTONEINос.
П. П. Аléxandre se disoit fils de ce
dernier. Admonete quamprimum illum , dit
ce Prince en parlant d'Artaxercés : Trophæorum
qua plurima adversus Barbaros Severo
atque Antonino parente meo ducibus.
excitastis. Herodien . Ce qui est confirmé
par les Inscriptions.
•
IMP. CAES DIVI
SEVERI. PII, NEPOTI. DIVI
ANTONINI. MAG. PII. FILIO
M. AUREL. SEVERO ALEXANDRO
PIO , &c.
Gruter MLXXVIII , 7. et 8,
C'est donc Severe - Alexandre qu'il faut
dire , selon l'usage de placer les noms de
famille , et conformément à toutes les
C Més
246 MERCURE DE FRANCE
Médailles Latines et Grecques , où l'on
lit : IMP. SEV ALEXANDER AUG.
AY.K. CEOYHPOC . AAEZANA. aussi-bien
que dans les Inscriptions que je viens de
rapporter.
D. P.
A Orleans , le 10 Octobre 1732.
d'Auxerre , inserée dans le Mercure du
mois d'Août dernier , au sujet d'une Inscription
.
J
E ne m'attendois à rien moins qu'à
rentrer en dispute avec M. L. B. au
sujet de l'Inscription d'Auxerre , et je
croïois notre différend enticrement terminé,
quand la Lettre qu'il vient de don-
-ner dans le Mercure du mois d'Août , m'a
fait connoître que son silence n'étoit que
pour mieux préparer ses armes , et pour
me combattre avec plus d'avantage . En
effet cette Lettre est bien differente des
deux autres ; la premiere n'étoit qu'un
impromptu du lendemain , même de la découverte
du Monument, et M. L.B.avoit
écrit la seconde , avant que d'avoir eu le
loisir de feuilleter les immenses Recueils
d'Inscriptions ; c'est - à - dire , qu'il avoit
alors négligé les autoritez , qui sur une
pareille matiere , peuvent servir à mettre la
vérité
FEVRIER. * 1733 . 231
*
vérité dans un plus grand jour ; mais aujourd'hui
c'est après un intervale considerable
, et depuis une lecture attentive de
Lampride , que mon adversaire reparoit
sur les rangs , et comment y paroît - il encore
; appuyé d'un suffrage glorieux et
puissant. Pour le coup , peu s'en est fallu
que M.L.B.n'ait réussi. Pénétré , comme
je le suis , d'un respect infini et
infini et légitime
pour l'Illustre Magistrat à qui il addresse
sa Lettre et dont il emprunte du
secours , j'ai craint long - temps de combattre
des sentimens que je dois respecter
, et j'aurois toujours gardé le silence , si
je n'avois fait réfléxion depuis, que la part
que ce grand homme semble prendre dans
notre dispute , n'est qu'un jeu de sa part,
pour la faire durer plus long temps et s'en
divertir. C'est donc à M. L. B. seul que je
réponds icy, et tout ce que je dirai ne regarde
que lui uniquement.
Pour entrer en matiere , je commence
par examiner l'autorité de Lampride. J'ai
dit dans mes deux Mémoires , en rapportant
les sentimens de Casaubon , de
Saumaise et de M. de Tillemont , sur les
Auteurs de l'Histoire Auguste dont Lampride
est du nombre. J'ai écrit , dis- je , et
* Monsieur Boubier , Président au Parlement
de Dijon.
B vj
M.
232 MERCURE DE FRANCE
.
J
>
M.L. B. en convient en partie , que ce
Recueil étoit l'Ouvrage d'un Compilateur
demi Sçavant , qui avoit écrit sans choix ,
sans ordre , et mêlé ensemble les Narrations
des Autcurs , dont son Receuil porte le nom.
Est-il extraordinaire que j'en aye conclu
qu'on étoit toujours en droit de révoquer en
doute ce que ces Auteurs avancent quand il
ne se trouve pas confirmé d'ailleurs, du moins
pour le fonds. Il a plu à ML. B. en rappertant
ces paroles, de supprimer les derniers
mots : Du moins pour le fonds ; et ce
retranchement a donné à ma pensée une
étenduë que je n'ai jamais songé à lui
donner, et qui la rend vicieuse . M² L. B.
en a profité , et il a fait valoir cet avantage
autant qu'il a pû , mais en rétablissant
la proposition dans les termes où je
l'ai exprimée , a-t il tant de sujet de s'écrier
et de la trouver si extraordinaire ?
N'est -elle pas plutôt une conséquence
juste et mesurée qui naît d'elle- même de
l'opinion désavantageuse qu'ont eu de
l'Histoire Auguste les grands Hommes
sur lesquels je me suis réglé . Je n'ai pas
prétendu dire , au reste , qu'il fut nécessaire
que les faits alléguez dans cette Histoire
se trouvassent nommément exprimez
ailleurs;c'est assez pour y ajouter foy,
qu'on les y trouve d'une maniere implicite
FEVRIER. 1733. 233
plicite et générale , et ce sentiment n'a
rien que de naturel . Pour développer ceci
davantage , je lis dans Lampride que
Martianus conspira contre Alexandre , et
qu'Ovinius voulut se faire Empereur ; (car
pour le dire en passant , et comme je le
montrerai plus bas , il s'en faut beaucoup
que je croye Ovinius un personnage.fabuleux:
c'est son association seule que j'attaque.
) Ces faits , dis - je , n'ont rien qui
m'empêche de les croire , après avoir lû
dans les Auteurs contemporains que pendant
le Regne d'Alexandre il y eut plusieurs
séditions contre ce Prince. Multa
seditionesfacte sunt à multis . Dion. J'ai même
en quelque maniere obligation à Lampride
de m'apprendre le nom de ces
Chefs de Revolte , et de me les faire
Gonnoître. Mais aussi quand je lis dans le
même Lampride qu'Alexandre , loin de
punir Ovinius , associe ce Sénateur à son
pouvoir , et que les autres Auteurs , au
contraire , m'assurent que ce Prince scut
punir ceux qui oserent s'élever contre
lui. Supplicioque affecti funt. Herod. J'ai
alors raison de douter de l'autorité de
Lampride.
Pour faire connoître plus particulierement
cet Auteur , il est necessaire de remarquer
quelques - uns de ses deffauts ; et
sans
234 MERCURE DE FRANCE
-
sans le suivre dans toutes les Vies des Em
pereurs qui portent son nom , je ne m'attacherai
qu'à celle d'Alexandre . A peine
Lampride sçait il le nom de la Mere de
ce Prince , et ce n'est qu'en doutant
qu'il l'appelle Mammée . Alexander igitur
cui Mammea mater fuit , nam et ita dicitur
à plerisque. Peut - on dire qu'Encolpius et
les autres Courtisans d'Alexandre , dont
Lampride avoit les Memoires devant les
yeux ignorassent le nom de cette Princesse
ou pourquoi Lampride ne suit - il
plus icy ses originaux ? c'est à Mr L. B. à
nous l'apprendre . Selon le même Auteur
, Alexandre fut le seul qui cassa des
Légions entieres : Si quidem solus inventus
sit , qui tumultuan er legiones exautoraverit.
Qui voudroit l'en croire sur sa pa
role; se trouveroit bien embarassé en isant
Suerone. Cet Auteur nous marque
expressément que Jules Cesar dans la
Guerre contre Pompée , cassa auprès de
Plaisance , la neuviéme Légion qui s'étoit
révoltée. Et nonam quidem Legionem apud
Placentiam cum ignominia missam fecit 69 .
Qu'Auguste en fit autant à la dixiéme.
Decimam Legion.m contumacius parentem
cum ignominia dimisit. 24. Enfin , que
Galba ôta non- seulement les Aigles aux
Classiaires , dont Néron avoit composé
•
แล
FEVRIER. 1733. 235
un Corps de Troupes réglées , et les obligea
de rentrer dans leurs premieres fonctions
, mais même sur ce qu'ils se plaignoient
avec trop de hauteur , qu'il les
décima , fed decimavit etiam. 12. Lampride
nous dit encore qu'Alexandre , à l'imitation
d'Adrien , eut la pensée de faire
adorer J. C. dans l'Empire . Christo Templum
voluit eumque inter Divos recipere
quod et Adrianus ; et cependant Tertullien
qui vivoit sous Sévere , et qui par
conséquent étoit beaucoup moins éloigné
d'Adrien , que Lampride , nous dit au
contraire , que ce fut Tibere qui conçut
ce dessein : Tiberius ergo annunciatum sibi
ex Syria Palestina , que illius ( J. C. ) Divinitatis
revelara , detulit ad Senatum cum
prerogativa suffragii sui. Mais que dire de
la maniere dont Aléxandre parle de Caracalle
dans son Remerciment au Sénat ?
Ce Prince , comme on le verra plus bas,
se disoit fils de ce dernier Empereur ; et
cependant il le blame publiquement d'avoir
affecté , en prenant le nom d'Antonin
, un titre qui ne lui convenoit pas :
Affecratum in Bassiano . Est-ce là ce fils si
respectueux pour ceux qui lui avoient
donné le jour ? Enfin rien n'est plus plaisant
que de voir parmi les Conseillers
que Lampride donne à ce Prince , des
Per
236 MERCURE DE FRANCE
•
Personnes mortes long - temps auparavant
, tels que Pomponius , Alphenus et
d'autres , ce qui a été remarqué par Cujas
, lib. 7.Observ .
Je pourrois remarquer une infinité de
traits pareils , mais en voilà assez sur ce
sujet , et pour autoriser ce que j'ai dit . Je
viens à l'association d'Ovinius pour en faire
connoître la supposition ; j'ai dit , après
Mr de Tillemont , qu'il s'y trouvoit des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable.
L'objection a paruë pressante à M' L.
B. il étoit naturel de s'en débarasser ; mais
je ne sçais s'il y a bien réussi , en disant
que ces circonstances tiennent seulement
du Comique, et que des circonstances pour être
Comiques , n'empêchent point le fonds de l'évenement
d'être réel. C'est ce que je nie dans
un fait de l'importance de celui que nous
examinons. En voici la preuve : Selon M²
L. B. Ovinius avoit été choisi par les
Prétoriens , et il en étoit aimé , puisque
ce fut cet amour qu'ils lui portoient qui
causa sa mort dans la suite . Aléxandre
qui redoutoit leur Puissance , entre dans
leurs vûës , associe Ovinius à l'Empire ,
mais seulement en apparence et pour
montrer à ces Troupes que le sujet qu'ils
avoient choisi pour lui opposer , n'étoit
pas digne du où ils le vouloient fai- rang
re
FEVRIER. 1733 . 237
rc monter . Mais , dira-t- on à Mr L. B. la
politique d'Alexandre se dément bien- tôts
car enfin cet air Comique dans les circonstances
de cette association auroit bientôt
ouvert les yeux aux Soldats , ils auroient
pénétré le dessein d'Alexandre , et
ce Prince par là se seroit trouvé dans le
danger qu'il vouloit éviter. L'exemple de
Septime Sévére qu'il allégue , est bien different.
Lorsque ce Prince , pour mieux combattre
Pescennius , amusa Albin , en le
déclarant César. Albin étoit alors à la tête
des armées d'Angletere, et prêt à prendre
la Pourpre. Il falloit prendre le parti de
la dissimulation , ou se résoudre à avoir
deux Concurrens sur les bras. Il n'y a rien
outre cela de Comique dans sa conduite
dont il trouvoit un modele dans Auguste
par la maniere dont il en avoit agi avec
Lépide. Selon le récit de Lamptide Ovinius
est sans Soldats , sans Troupes reglées
; à peine commence- t- il à se former
un parti pour s'élever au Trône . Quoiqu'en
veuille dire M L.B.rien ne pouvoit
forcer Alexandre d'avoir pour ce Sénateur
et ses Complices , un ménagement si rafiné
et si dangereux. Je ne sçai si je njaimerois
pas presqu'autant l'explication qu'Erasme
a donnée à cette action d'Aléxandre
238 MERCURE DE FRANCE.
dre dans ses Apothegmes , lib. 6. Selon
lui, Alexandre tout plein de bonté et tout
Philosophe , voulut corriger l'ambition
d'Ovinius ; il ne l'engagea à venir à l'Armée
avec lui que pour lui faire connoître
que la condition qu'il ambitionnoit tant ,
étoit plus remplie de peines et de travaux
qu'il ne se l'étoit imaginé. Sic illi commostravit
quod essetgerere imperium. Ce qu'il
y a de plaisant dans cette explication d'Erasme
, c'est qu'elle se trouve authorisée
par Lampride , qui nous dit qu'Aléxandre
remercia Ovinius de vouloir bien se
charger volontairement d'un fardeau aussi
pesant que celui de gouverner la République.
Eiqué gratias egit quod curam
Reip. sponte reciperet.
Pour seconde preuve contre l'association
d'Ovinius ; j'ai dit , qu'il n'y avoit
aucune apparence qu'Alexandre eut voulu
se livrer entierement entre ses mains ,
en lui offrant le commandement des
Troupes qu'il envoyoit contre les Barba
res , et M² L. B. avouë que ç'auroit été le
comble de l'imprudence. Aussi pour parer
cette objection , qui peut passer comme
le centre de toutes les autres , Mr L. B. a
pris le parti d'expliquer le Texte de Lampride
, autrement que tous ceux qui l'ont
traduit jusques icy . Voicy le Passage Latin:
Et
FEVRIER. 1732 . 239
Et cum expeditio Barbarica esset nuntiata ,
vel ipsum , si vellet , ire , vel ut secum proficisceretur
, hortatus est.
Mr L. B. prétend que dans ce Passage
la particule vel est mise pour et , et que
par conséquent ,au lieu d'entendre qu'Aléxandre
offrit à Ovinius de le mener à la
Guerre , s'il n'aimoit mieux y aller seul . Il
faut traduire qu'Alexandre invita Ovinius
à aller à la Guerre contre les Barbares , et
même à faire le voyage avec lui. Je sçais
que la particule vel n'est pas toujours disjonctive
, qu'elle est copulative quelquefois
; mais je sçais bien aussi que c'est
quand la Phrase le détermine, et que sans
cela on ne peut l'expliquer raisonnablement.
Quel est donc le sens le plus naturel
, et qui se présente le premier à l'esprit
dans ce Passage de Lampride. Est - ce
celui qu'y trouve Mr L. B. ou celui dans
lequel l'ont entendu tous les autres Traducteurs?
Je laisse cela à décider au Lecteur
, mais j'ose assurer que l'explication
de M' L. B. est forcée , et que la particule
vel , comme il l'entend , devient dans
la phrase un véritable Pleonasme , et n'est
plus qu'une répétition vicieuse. C'est un
grand principe et que Mr L B. doit encore
mieux sçavoir que moi , de ne point
cher126
MERCURE DE FRANCE
chercher un sens éloigné et difficile , quand
il s'en offre un simple et naturel .
Pour affermir davantage l'association,
d'Ovinius ,Mr L.B s'étend fort au long sur
le temps de cette association . Mais tout ce
qu'il dit icy ne me regarde nullement.
Je nie le fait , il ne m'importe pas en
quel temps il aa pu arriver. J'ai dit seulement
que ce n'avoit pû être dans une
Guerre contre les Allemans , comme M²
L. B. l'avoit avancé ; il a été obligé d'en
convenir, et de dire qu'il n'avoit erré que
pour avoir voulu isuivre M de Tillemont
; mais comme il donne une autre
Epoque à cette association ,
il me permettra
de l'examiner.
Lampride écrit qu'Alexandre étant à
Antioche , trouva ses Troupes dans un
grand relâchement , qu'ayant fait arrêter
les Auteurs de ce désordre , les Soldats se
mutinerent et s'éleverent tumultueusement
contre lui ; que là- dessus ce Prince
leur dit que ce n'étoit point contre leur
Souverain que leurs Chefs leur avoient enseigné
à faire usage de leurs voix ; mais
contre les Sarmates , les Allemans , les
Perses. M' L. B. saisit le Passage et met
l'association d'Ovinius dans une Guerre
qu'il prétend qu'Alexandre eut contre les
SarFEVRIER.
1733. 241
Sarmates , et qu'il place dans l'ordre où
ces Peuples sont nommez , et dans les six
premieres années du Regne d'Alexandre.
J'avoue mon peu de pénétration , je no
vois rien- icy qui prouve qu'Aléxandre ait
eu Guerre contre les Sarmates , et voicy
sur quoi je me fonde.
Si dans la derniere Guerre d'Espagne
l'âge du Roy avoit permis à ce Prince de
se trouver à la tête de ses Troupes, et que
sur le point de quelque Action , il les eut
fait souvenir de la valeur qu'elles avoient
fait paroître contre les Allemans, les Anglois
, les Hollandois ; en concluroit - on
que ce Prince auroit cu alors quelques
Guerres contre ces Peuples ? Non , sans
doute , et l'on doit raisonner de la même
maniere , sur la Harangue d'Alexandre .
Cet Empereur alors marchoit en Perse ,
comme Lampride le dit lui- même ; et
jusqu'à cette Guerre, son Regne avoit été
paisible du côté des Etrangers. Igitur cum
ad hunc modum * septem annos quod quidem
ad se attineret, sine querela cùjusquam Imperium
gubernasset, ecce tibi octavo anno , & c.
Car il paroît par toutes les Médailles.
d'Alexandre , qui portent la
temps où elles ont été frappées, et sur les
marque
du
* Suivant la correction du P. Pagi : Dissert.
Hypat. pag. 177 .
quelles
242 MERCURE DE FRANCE
>
quelles il est fait mention de Victoires
soit dans le Type , soit dans la Légende ,
que ce ne fut qu'après la Déclaration de la
Guerre de Perse , arrivée sur la fin de l'an
227 ou au commencement de 228 , comme
l'a démontré le P. Pagi , que les Généraux
de ce Prince eurent quelques avantages
en Mauritanie , en Illyrie et en Arménie
, puisque toutes ces Médailles ne
paroissent point avant la viiⓇ année de la
Puissance Tribunicienne d'Alexandre , et
que par conséquent elles ont été frappées
au plutôt en 288. c'est - à - dire , à peu
près dans le même temps qu'Alexandre
étoit à Antioche . Alexandre donc ne fait
icy que ce qu'auroit fait le Roy ; l'un et
l'autre représentent à leurs Soldats les
Guerres où ils se sont trouvez , sous les
Rois leurs Prédecesseurs ; et une marque
qu'Alexandre n'entend point parler de
celles qui le regardent , c'est qu'il cite les
Perses contre lesquels , comme je l'ai dit,
il marchoit alors , dans la seule Expedition
qu'il ait faite contr'eux.
Si cependant ML. B. soutient que les
Sarmates ont quelque rapport avec Aléxandre
, je lui répondrai que cette Guerre
n'est pas distincte de la premiere contre
les Allemans , dont il ne veut plus faire
usage ; et qu'au contraire , c'est la même.
Les
FEVRIER. 1733. 243
;
Les Sarmates occupoient tout le Païs qui
compose la Pologne et la Prusse d'à- d'à- present
ils étoient par - là trop voisins de
I'Illyrie , pour ne pas croire que ce furent
ces Peuples qui apparemment s'étoient
joints aux Allemans , que Varius
Macrinus chassa de cette Province. Les
interêts des uns et des autres étoient les
mêmes , et ils voulurent profiter de l'absence
d'Alexandre, pour ravager les Terres
de l'Empire , ce qui obligea l'Empereur
en marchant contre Artaxercés d'envoïer
des Troupes contr'eux. Comparante
jam se ut fluvios transgrederetur... Quosdam
etiam exercitus in regiones alias transtulit
, ut inde Barbarorum incursiones facilius
arcerentur. Herodien .
J'ai promis à M' L. B. de lui montrer
que les Ovinius me sont connus ; je tiens
ma parole. Outre l'Ovinius Camillus de
Lampride , et Ovinius Tertullus de la
Loy 1. ad S. C. Tertull. qu'il cite : Il y a
un Ovinius Paternus qui fut Consul sous
Alexandre même en 233. un Lucius Ovinius
Rusticus , qui le fut sous Maximin ,
l'an 237.ct l'on trouve en 317. sous Constantin
, un autre Ovinius , surnommé
Gallicanus, Consul avec Septimius Bassus,
long- temps devant ceux- cy , une Inscription
de Gruter ( CCLXI 4.)nous fait mention
244 MERCURE DE FRANCE
tion d'un Titus Ovinius Thermus , fils
d'un autre de même nom, qui vivoit sous
les Antonins. Je ne parle pas d'un M.
Ovinius M. F. Ter.Rufus, et d'un L.Ovinius
Amandus , dont les noms se trouvent
dans le même Gruter ( DLXVII. 3. )
et dans Reinesius ( XII. 110, ) Ovinius est
un nom ancien chez les Romains , puisqueVarron
qui fleurissoit dans les dernieres
années de la République , en parlant
dans son Ouvrage de Re Rustica , des
noms qui tirent leur origine des Troupeaux
, fait mention de celui d'Ovinius.
Nomina multa habemus ab utroque pecore , à
majore et à minore , à minore Porcius , Ovinius
, Caprilius. En voilà suffisamment
pour dresser une longue Généalogie , à
qui voudroit en prendre la peine , mais
n'en voilà que trop pour montrer que M²
L. B. n'a pas eu raison de dire , que ce nom
ne se rencontre gueres ailleurs qu'en ces deux
endroits qu'il a cités.
Je finirois icy , sans une réfléxion qu'on
me permettra d'ajouter , quoiqu'elle ne
regarde pas mon adversaire seul. Mª L.B.
en parlant d'Alexandre , l'appelle' toujours
Alexandre Severe , et il suit en cela un
sage , qui ,pour être autorisé, n'en est pas
moins vicicux. Le nom de Sévere que
portoit Alexandre , n'étoit pas, quoiqu'en
veuille
FEVRIER. 1733 245
euille dire Lampride , une Epithete qui
lui fut donnée à cause de son exactitude
à faire observer la Discipline Militaire.
Nam et Severus est appellatus à Militibus
ob Austeritatem . C'étoit chez lui un nom
de famille , qu'il tenoit de Septime Sévere
et d'Antonin Caracalle , appellé de
même Severe , comme on le voit sur ses
Médailles Grecques , où il est nommé
AYT, K. M. ATP. CEYHPOC. ANTONEINос.
П. П. Аléxandre se disoit fils de ce
dernier. Admonete quamprimum illum , dit
ce Prince en parlant d'Artaxercés : Trophæorum
qua plurima adversus Barbaros Severo
atque Antonino parente meo ducibus.
excitastis. Herodien . Ce qui est confirmé
par les Inscriptions.
•
IMP. CAES DIVI
SEVERI. PII, NEPOTI. DIVI
ANTONINI. MAG. PII. FILIO
M. AUREL. SEVERO ALEXANDRO
PIO , &c.
Gruter MLXXVIII , 7. et 8,
C'est donc Severe - Alexandre qu'il faut
dire , selon l'usage de placer les noms de
famille , et conformément à toutes les
C Més
246 MERCURE DE FRANCE
Médailles Latines et Grecques , où l'on
lit : IMP. SEV ALEXANDER AUG.
AY.K. CEOYHPOC . AAEZANA. aussi-bien
que dans les Inscriptions que je viens de
rapporter.
D. P.
A Orleans , le 10 Octobre 1732.
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Résumé : REPLIQUE à la Lettre de M. L. B. d'Auxerre, inserée dans le Mercure du mois d'Août dernier, au sujet d'une Inscription.
L'auteur répond à une lettre de M. L. B. d'Auxerre, publiée dans le Mercure d'août précédent, concernant une inscription. Il exprime sa surprise de devoir réagir, pensant leur différend résolu. La dernière lettre de M. L. B. est plus élaborée, basée sur une lecture de Lampride et soutenue par un magistrat illustre. L'auteur examine l'autorité de Lampride, considéré comme un compilateur demi-savant par Casaubon, Saumaise et M. de Tillemont. Il souligne que les récits de Lampride doivent être vérifiés par d'autres sources. M. L. B. a omis une partie de la pensée de l'auteur, conduisant à une mauvaise interprétation. L'auteur discute des faits historiques mentionnés par Lampride, comme les conspirations contre Alexandre Sévère et les erreurs de Lampride concernant des événements et des personnages. Il critique Lampride pour ses inexactitudes et ses contradictions avec d'autres auteurs contemporains. L'auteur conteste l'association d'Ovinius avec Alexandre Sévère, arguant que les circonstances décrites par Lampride sont improbables et tiennent plus de la fable que de la réalité historique. Il réfute les explications de M. L. B. sur cette association, les trouvant peu convaincantes et contraires à la logique historique. Le texte discute également d'une controverse historique concernant Alexandre Sévère et une harangue attribuée à cet empereur. Alexandre Sévère aurait rappelé à ses troupes leurs victoires passées contre les Sarmates, les Allemans et les Perses, mais l'auteur conteste l'idée qu'Alexandre ait mené une guerre contre les Sarmates. Il compare cette situation à une hypothétique guerre en Espagne, où un roi rappelant des victoires passées ne prouverait pas qu'il a mené des guerres contre ces peuples. L'auteur affirme qu'Alexandre marchait alors en Perse et que son règne avait été paisible jusqu'à cette guerre. Il soutient que les médailles d'Alexandre mentionnent des victoires uniquement après la déclaration de la guerre contre la Perse, vers la fin de l'an 227 ou le début de 228. Les Sarmates, voisins de l'Illyrie, auraient profité de l'absence d'Alexandre pour ravager les terres de l'Empire, l'obligeant à envoyer des troupes contre eux. Enfin, l'auteur mentionne plusieurs personnes portant le nom d'Ovinius, démontrant que ce nom est ancien et courant chez les Romains. Il corrige également l'usage du nom 'Alexandre Sévère', expliquant que 'Sévère' est un nom de famille et non une épithète donnée pour sa discipline militaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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