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1
p. 1560-1565
ÉTABLISSEMENT d'une Compagnie de cent Arqubusiers dans la Ville d'Auxerre, par Lettres Patentes du mois de Decembre 1729.
Début :
La permission que la Ville d'Auxerre vient d'obtenir du Roi pour l'établissement [...]
Mots clefs :
Arquebusiers, Auxerre, Roi
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texteReconnaissance textuelle : ÉTABLISSEMENT d'une Compagnie de cent Arqubusiers dans la Ville d'Auxerre, par Lettres Patentes du mois de Decembre 1729.
ETABLISSEMENT d'une Com-
-pagnie de cent Arquebufiers dans la Ville
d'Auxerre , par Lettres Patentes du mois
de Decembre 1729..
L
A permiffion que la Ville d'Auxerre
vient d'obtenir du Roi- pour l'établiſſement
d'une Compagnie de cent Arquebufiers
, la fait rentrer dans l'ancien
ufage où elle étoit autrefois de s'exercer
au fait des armes , ufage qu'on fait re-..-
monter jufqu'au commencement du se
fiecle , & dont on voit encore des traces :
près les murs de la Ville dans un lieu
nommé les Butes, anciennement deſtiné à
l'exercice de l'Arbalête. C'étoit là que les
habitans d'Auxerre faifoient montre de
leur adreffe , & où celui qui avoit furpaffé
tous les autres en cet exercice étoit
honoré du nom de Roi de l'Arbalête
& de chef de la Compagnie.
A
LeJeu de l'Arbalête étant enfuite déchû
de fon premier luftre , & la poudre ayant
été inventée , on lui fubftitua le noble:
Jeu de l'Arquebufe. Nos Rois voulurent :
bien l'honorer de leur agrément & accor--
derrà la Compagnie naiffante des privile--
ges confiderables . Mais l'inobfervance de
JUILLET. 1730. 156r
la Difcipline autant que le mélange des
conditions , lequel fit difparoître l'égalité
qui devoit regner dans ce Corps hâta fa
ruine , & enfin tous les exercices cefferent
dès l'année 1626 .
Après un fiecle entier d'interruption ,
on fe reveilla , & on parla de rétablir ce
qui avoit fait honneur aux Auxerrois ;
on dreffa des projets , & une heureuſe .
conjoncture permit d'en eſperer l'execu--
tion.
Aux Etats Generaux de la Province de
Bourgogne , tenus en 1727. M. Baudeſſon ,
Maire de la Ville d'Auxerre , fut nommé
Elû du Tiers- Etat , la Jeuneffe de cette
Ville ranima alors fes efperances ; M. l'Elû
fe chargea de conduire à ſa perfection
l'établiſſement projetté , & il ne negligea
rien pour cela, pendant les trois années
de fon élection..
S. A. S. M. le Duc de Bourbon , Gou- .
verneur de cette Province , ayant donné
fon agrément au projet , eut la bonté de
porter aux pieds du Trône du Roi la très
humble Requête de la Ville d'Auxerre ,.
& Sa Majefté a bien voulu au mois de
Decembre 1729. accorder des Lettres Patentes
par lesquelles elle permet à la Ville
d'Auxerre ( à laquelle le Roi rend le glorieux
témoignage de s'être toujours maintenuë
ſous ſon obéïſſance ) d'établir une =
Compa--
1562 MERCURE DE FRANCE
Compagnie de cent Arquebufiers , dans laquelle
feront reçus les Officiers de guerre &
de Justice , les Bourgeois , les Marchands
& non autres . Cette derniere claufe contribuëra
fans doute à conferver l'honneur
de la Compagnie, en éloignant les conditions
méchaniques dont l'efprit & les
manieres font peu propres à maintenir
l'égalité neceffaire."
Sa Majefté par les mêmes Lettrés daigne
accorder à celui qui le premier & le
plus habilement d'un coup d'Arquebuſe
abat a l'oifeau , l'exemption pendant un
an de toutes tailles , logement de Gens
de Guerre , fubfiftances & autres charges
quelconques , d'Aides & Gabelles qui fe
perçoivent fur les vins qui fe levert en
cette Ville. Les Lettres portent auſſi ce
qui fuit en ontre celui qui abatra ledit
eifeau , on mettra le plus proche dans le noir
de la cible pendant trois années confecutives
jouira des mêmes exemptions pendant fa vie,
fa Veuve durant fa viduité. Les Lettres
Patentes ont été enregistrées par tout où
befoin étoit , & dès cette année on a commencé
à en recueillir les fruits.
Il ne manquoit plus à cette Compagnie
qu'un Chef, qui fous les ordres de S. A.S.
pût par fa naiffance , fon exemple & .fon
experience entretenir & accroître dans
cetteCompagnie les fentimens d'honneurt
&
7
JUILLET. 1730. 1963
& de vertu , aufquels fuivant fon inftitution
elle doit fe porter. Elle a trouvé ce
digne Chef en la perfonne de M. le Comte
de Latournelle , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & ancien Capitaine
dans le Regiment Royal Etranger .
Les Arquebufiers honorés de fon accep
tation ſe diſpenſerent du foin de choir
un Lieutenant ; M. le Capitaine leur indiqua
avec politeffe celui qui devoit remplir
cette place en nommant le fils de
M. Baudeffon actuellement Maire , &
petit-fils de M. Baudeffon , l'Elû , auquel
ils font redevables de leur établiſſement.
و
Les choſes ainfi difpofées , & le jour
de S. Jean Baptifte fixé par les Lettres
Patentes pour l'expofition du prix étant
arrivé la Compagnie fit chanter dans
l'Eglife des Cordeliers une Meffe folemnelle
à laquelle M M. les Arquebufiers
affifterent tous en habit d'écarlate , avec
la coquarde blanche. Après là Meffe , ils
fe rendirent à l'Hôtel de M. le Comte de
Latournelle , leur Capitaine , au fon des
Tambours , des Violons & des Hautbois
pour l'inviter à honorer de la préfence le
nouveau fpectacle.
A deux heures après midi , les Arque-
Bufiers s'étant encore rendus à l'Hôtel de
leur Capitaine , partirent au fon des mêmes
Inftrumens pour aller au lieu où l'on
devoir
1564 MERCURE DE FRANCE
devoit tirer l'oifeau. M. le Comte de
Guerchy , fils de M. le Marquis de Guerchy
, Lieutenant General des Armées du
Roi , marchoit avec M. le Comte de Latournelle
à la tête de la Compagnie. Le
premier coup , appellé le coup du Roi ,
fut déferé à ce jeune Seigneur qui le tira
avec toute la grace & l'adreffe poffible ;
après lui M. le Comte de Latournelle qui
étoit en droit de tirer défera cet honneur
à M. le Maire dont la modeftie fouffrit
beaucoup ; mais il falut ceder, M. le Comte
tira fon coup enfuite . Aprês ce prélude
de politeffe , les Arquebufiers ayant pris
chacun le rang que le fort leur avoit don--
né tirerent à l'oifeau . Après trente trois
coups hazardés , un jeune Arquebufier
tira fi heureuſement que fon® coup jetta
par terre l'oifeau qui étoit élèvé à centcinquante
pas de lui.
Auffi -tôt que l'oifeau fut abatu , les
acclamations & les cris de joye redoublés
& mêlés aux fuffrages de tous les fpectareurs
, celebrerent cette victoire ; M. les
Comte de Latournelle qui pour la premiere
fois paroiffoit à la tête de la Compagnie
, careffa fort le victorieux , & le
proclama Roi de l'Arquebuſe , lui rendant:
enfuite les honneurs accoutumés.
Le nouveau Roi de l'Arquebuſe far reconduit
au fon des Inftrumens on fa maifon
JUILLET . 1730. 1565
fon , où il donna un régal qui étoit neceffaire
après un tel exercice , & auquel
rien ne manquoit. Le lendernain , la Compagnie
des Arquebufiers donna dans une
Maifon de Campagne près de la Ville
un fomptueux repas qui fut fuivi d'un
Bal. Rien ne fut épargné pour le plaifir
dans cette journée , & tous ceux qui s'y
trouverent charmés des manieres galantes
& polies des nouveaux Arquebufiers ,
s'en retournerent chantant les louanges
& la noble magnificence de cette lefte
Compagnie.
-pagnie de cent Arquebufiers dans la Ville
d'Auxerre , par Lettres Patentes du mois
de Decembre 1729..
L
A permiffion que la Ville d'Auxerre
vient d'obtenir du Roi- pour l'établiſſement
d'une Compagnie de cent Arquebufiers
, la fait rentrer dans l'ancien
ufage où elle étoit autrefois de s'exercer
au fait des armes , ufage qu'on fait re-..-
monter jufqu'au commencement du se
fiecle , & dont on voit encore des traces :
près les murs de la Ville dans un lieu
nommé les Butes, anciennement deſtiné à
l'exercice de l'Arbalête. C'étoit là que les
habitans d'Auxerre faifoient montre de
leur adreffe , & où celui qui avoit furpaffé
tous les autres en cet exercice étoit
honoré du nom de Roi de l'Arbalête
& de chef de la Compagnie.
A
LeJeu de l'Arbalête étant enfuite déchû
de fon premier luftre , & la poudre ayant
été inventée , on lui fubftitua le noble:
Jeu de l'Arquebufe. Nos Rois voulurent :
bien l'honorer de leur agrément & accor--
derrà la Compagnie naiffante des privile--
ges confiderables . Mais l'inobfervance de
JUILLET. 1730. 156r
la Difcipline autant que le mélange des
conditions , lequel fit difparoître l'égalité
qui devoit regner dans ce Corps hâta fa
ruine , & enfin tous les exercices cefferent
dès l'année 1626 .
Après un fiecle entier d'interruption ,
on fe reveilla , & on parla de rétablir ce
qui avoit fait honneur aux Auxerrois ;
on dreffa des projets , & une heureuſe .
conjoncture permit d'en eſperer l'execu--
tion.
Aux Etats Generaux de la Province de
Bourgogne , tenus en 1727. M. Baudeſſon ,
Maire de la Ville d'Auxerre , fut nommé
Elû du Tiers- Etat , la Jeuneffe de cette
Ville ranima alors fes efperances ; M. l'Elû
fe chargea de conduire à ſa perfection
l'établiſſement projetté , & il ne negligea
rien pour cela, pendant les trois années
de fon élection..
S. A. S. M. le Duc de Bourbon , Gou- .
verneur de cette Province , ayant donné
fon agrément au projet , eut la bonté de
porter aux pieds du Trône du Roi la très
humble Requête de la Ville d'Auxerre ,.
& Sa Majefté a bien voulu au mois de
Decembre 1729. accorder des Lettres Patentes
par lesquelles elle permet à la Ville
d'Auxerre ( à laquelle le Roi rend le glorieux
témoignage de s'être toujours maintenuë
ſous ſon obéïſſance ) d'établir une =
Compa--
1562 MERCURE DE FRANCE
Compagnie de cent Arquebufiers , dans laquelle
feront reçus les Officiers de guerre &
de Justice , les Bourgeois , les Marchands
& non autres . Cette derniere claufe contribuëra
fans doute à conferver l'honneur
de la Compagnie, en éloignant les conditions
méchaniques dont l'efprit & les
manieres font peu propres à maintenir
l'égalité neceffaire."
Sa Majefté par les mêmes Lettrés daigne
accorder à celui qui le premier & le
plus habilement d'un coup d'Arquebuſe
abat a l'oifeau , l'exemption pendant un
an de toutes tailles , logement de Gens
de Guerre , fubfiftances & autres charges
quelconques , d'Aides & Gabelles qui fe
perçoivent fur les vins qui fe levert en
cette Ville. Les Lettres portent auſſi ce
qui fuit en ontre celui qui abatra ledit
eifeau , on mettra le plus proche dans le noir
de la cible pendant trois années confecutives
jouira des mêmes exemptions pendant fa vie,
fa Veuve durant fa viduité. Les Lettres
Patentes ont été enregistrées par tout où
befoin étoit , & dès cette année on a commencé
à en recueillir les fruits.
Il ne manquoit plus à cette Compagnie
qu'un Chef, qui fous les ordres de S. A.S.
pût par fa naiffance , fon exemple & .fon
experience entretenir & accroître dans
cetteCompagnie les fentimens d'honneurt
&
7
JUILLET. 1730. 1963
& de vertu , aufquels fuivant fon inftitution
elle doit fe porter. Elle a trouvé ce
digne Chef en la perfonne de M. le Comte
de Latournelle , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & ancien Capitaine
dans le Regiment Royal Etranger .
Les Arquebufiers honorés de fon accep
tation ſe diſpenſerent du foin de choir
un Lieutenant ; M. le Capitaine leur indiqua
avec politeffe celui qui devoit remplir
cette place en nommant le fils de
M. Baudeffon actuellement Maire , &
petit-fils de M. Baudeffon , l'Elû , auquel
ils font redevables de leur établiſſement.
و
Les choſes ainfi difpofées , & le jour
de S. Jean Baptifte fixé par les Lettres
Patentes pour l'expofition du prix étant
arrivé la Compagnie fit chanter dans
l'Eglife des Cordeliers une Meffe folemnelle
à laquelle M M. les Arquebufiers
affifterent tous en habit d'écarlate , avec
la coquarde blanche. Après là Meffe , ils
fe rendirent à l'Hôtel de M. le Comte de
Latournelle , leur Capitaine , au fon des
Tambours , des Violons & des Hautbois
pour l'inviter à honorer de la préfence le
nouveau fpectacle.
A deux heures après midi , les Arque-
Bufiers s'étant encore rendus à l'Hôtel de
leur Capitaine , partirent au fon des mêmes
Inftrumens pour aller au lieu où l'on
devoir
1564 MERCURE DE FRANCE
devoit tirer l'oifeau. M. le Comte de
Guerchy , fils de M. le Marquis de Guerchy
, Lieutenant General des Armées du
Roi , marchoit avec M. le Comte de Latournelle
à la tête de la Compagnie. Le
premier coup , appellé le coup du Roi ,
fut déferé à ce jeune Seigneur qui le tira
avec toute la grace & l'adreffe poffible ;
après lui M. le Comte de Latournelle qui
étoit en droit de tirer défera cet honneur
à M. le Maire dont la modeftie fouffrit
beaucoup ; mais il falut ceder, M. le Comte
tira fon coup enfuite . Aprês ce prélude
de politeffe , les Arquebufiers ayant pris
chacun le rang que le fort leur avoit don--
né tirerent à l'oifeau . Après trente trois
coups hazardés , un jeune Arquebufier
tira fi heureuſement que fon® coup jetta
par terre l'oifeau qui étoit élèvé à centcinquante
pas de lui.
Auffi -tôt que l'oifeau fut abatu , les
acclamations & les cris de joye redoublés
& mêlés aux fuffrages de tous les fpectareurs
, celebrerent cette victoire ; M. les
Comte de Latournelle qui pour la premiere
fois paroiffoit à la tête de la Compagnie
, careffa fort le victorieux , & le
proclama Roi de l'Arquebuſe , lui rendant:
enfuite les honneurs accoutumés.
Le nouveau Roi de l'Arquebuſe far reconduit
au fon des Inftrumens on fa maifon
JUILLET . 1730. 1565
fon , où il donna un régal qui étoit neceffaire
après un tel exercice , & auquel
rien ne manquoit. Le lendernain , la Compagnie
des Arquebufiers donna dans une
Maifon de Campagne près de la Ville
un fomptueux repas qui fut fuivi d'un
Bal. Rien ne fut épargné pour le plaifir
dans cette journée , & tous ceux qui s'y
trouverent charmés des manieres galantes
& polies des nouveaux Arquebufiers ,
s'en retournerent chantant les louanges
& la noble magnificence de cette lefte
Compagnie.
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Résumé : ÉTABLISSEMENT d'une Compagnie de cent Arqubusiers dans la Ville d'Auxerre, par Lettres Patentes du mois de Decembre 1729.
En décembre 1729, le roi accorde à la ville d'Auxerre des lettres patentes pour créer une compagnie de cent arquebusiers. Cette décision vise à restaurer une ancienne tradition d'exercice des armes, remontant au début du siècle, où les habitants s'entraînaient près des murs de la ville, notamment aux Buttes. À l'origine, les habitants s'exerçaient à l'arbalète, et le meilleur tireur était honoré du titre de 'Roi de l'Arbalète'. Avec l'invention de la poudre, l'arbalète fut remplacée par l'arquebuse, mais les exercices cessèrent en 1626 en raison de l'inobservance de la discipline et du mélange des conditions sociales. En 1727, lors des États Généraux de la province de Bourgogne, M. Baudesson, maire d'Auxerre, fut nommé élu du Tiers-État et se chargea de rétablir la compagnie. Avec l'accord du Duc de Bourbon, gouverneur de la province, et du roi, les lettres patentes autorisent la création de cette compagnie, composée d'officiers de guerre et de justice, de bourgeois et de marchands. Le roi accorde également des exemptions fiscales et autres charges à celui qui abattra un oiseau d'un coup d'arquebuse. La compagnie choisit M. le Comte de Latournelle comme chef, et le fils de M. Baudesson comme lieutenant. Le jour de la Saint-Jean-Baptiste, la compagnie célèbre une messe solennelle et participe à une compétition de tir à l'arquebuse. Un jeune arquebusier abat l'oiseau à cent cinquante pas, et est proclamé 'Roi de l'Arquebuse'. Des festivités suivent cette victoire, incluant un repas somptueux et un bal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1207-1213
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
Début :
J'ay toûjours differé à vous parler d'une découverte qui fut faite près de cette [...]
Mots clefs :
Découverte, Vaux, Rivière d'Yonne, Fourche de fer, Urne, Médailles, Auxerre, Histoire ecclésiastique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
EXTRAITF d'une Lettre écrite d'Au
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
En juin 1730, près de la ville d'Auxerre, un laboureur découvrit une fourche de fer et des fragments d'une urne contenant des ossements humains et des médailles de bronze. Cette découverte eut lieu à Vaux, un village situé à une lieue d'Auxerre, sur le bord de la rivière d'Yonne. L'urne, de couleur grise cendrée, contenait également des cendres et du charbon. Parmi les médailles, certaines datent des premier, deuxième et troisième siècles, avec une majorité du troisième siècle. Notamment, plusieurs médailles de l'empereur Posthume furent trouvées, certaines portant la légende 'LAETITIA AUG.' avec un vaisseau prétorien. L'auteur de la lettre, M. L. B. C. S., examina les fragments de l'urne et identifia des morceaux de crâne humain ayant conservé la couleur du feu. Il mentionne également une controverse entre l'abbé des Thuilleries et M. Capperon concernant la cessation de l'usage de brûler les corps humains, préférant l'opinion de l'abbé selon laquelle cette pratique persistait au troisième siècle. L'auteur évoque aussi l'origine du nom du village d'Augy, situé au-dessus d'Auxerre, et son lien avec le langage teutonique. Il conclut en soulignant la publicité de la découverte à Vaux, confirmée par le curé de la paroisse et plusieurs paysans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1930-1932
LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
Début :
Quoique nous soyons, Messieurs, dans un Pays qui fait profession [...]
Mots clefs :
Neutralité, Auxerre, Sens, Joigny, Guerre
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
LETTRE écrite des confins du Diocèse
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
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Résumé : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
La lettre, datée du 8 juillet 1731, est adressée aux auteurs du Mercure depuis les confins des diocèses de Sens et d'Auxerre. Les rédacteurs déclarent leur neutralité entre les villes d'Auxerre et de Joigny, mais s'interrogent sur la réaction des Auxerrois à un écrit paru en mars précédent. Ils rappellent le soutien du Mercure aux Auxerrois en 1723 et 1724 et espèrent une continuité en 1731. La lettre cite l'Histoire Latine des Évêques d'Auxerre, décrivant les habitants de Joigny comme des ennemis perpétuels de l'Église et d'Auxerre. Les auteurs soulignent leur fréquentation des deux villes pour des raisons commerciales, sans prendre parti. Ils notent des différences dans les régimes de communauté et les langues parlées : à Joigny, le peuple modifie les sons 'on' et 'an', contrairement à Auxerre. La lettre relate une anecdote d'un étranger amusé par une conversation locale à Joigny. Les rédacteurs observent également des divergences dans les comportements face à la sécurité : Joigny renforce ses défenses, tandis qu'Auxerre abaisse ses murailles et démolit ses tours. Ils concluent en affirmant leur neutralité et saluent la santé des destinataires.
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4
p. 2106-2123
VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
Début :
J'ay fait depuis peu, Messieurs, un voyage assez subit et singulier. J'ay visité [...]
Mots clefs :
Voyage, Ordonnance, Registres, Recueil des déclarations du dieu Bacchus, Empire, Vin, Rivage de l'Yonne, Auxerre, Joigny, Vignes
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texteReconnaissance textuelle : VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
VOYAGE dans les Etats de Bacchus..
Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
J4y fait depuis peu , Messieurs
, un
voyage assezsubit et singulier.Fay visité
sans le secours d'aucun guide ni d'aucune
voiture, les Châteaux et les Palais des Dieuxdu
Paganisme. A ce langage , vous vous·
imaginez que mon voyage a dû être de longue
durée , et vous ne vous tromperiez pas,
SZ
SEPTEMBRE. 1731. 2107
si je l'eusse fait physiquement ; mais la verité
est que je n'ay voyagé qu'en esprit. Fe
n'ai point marqué sur mes Tablettes le jour
de mon départ ; je sçai seulement que je
commençai à parcourir tous ces Palais et
ces Châteaux un certain soir du mois de
Fevrier dernier, auquel les fumées du repas
ne m'incommodoient pas beaucoup , et j'ai
idée que le Soleil étoit déja pour lors dans
le Signe des Poissons . Quel qu'ait été mon
voyage , et qu'elle qu'en ait été la cause , me
voila heureusement de retour ; j'ai rapporté
avec moi certaines Ordonnancės assez curieuses
, que les Bibliothequaires de ces Palais,
plus complaisans et moins formalistes
que certains d'Italie , m'ont permis de transcrire
de dessus les Registres dont ils ont la
garde.
En parcourant le Recueil des Déclarations
du Dieu Bacchus , qui est écrit en belles
lettres d'or sur un Velin couleur de Pourpre,
grand in folio , j'en ai apperçû une qui m'a
frappé plus que toutes les autres. Je pense que
c'est l'avant derniere du volume. Sur le champ
j'en ai tiré une copie , avec la résolution de
m'en servir dans l'occasion. Cette occasion
s'est presentée , Messieurs , plutôt que je ne
Faurois crû ; car à peine étois-je un pew
remis de mon vryage spirituel vers le milieu
du mois de Mars , quun de mes amis m'en..
Cvj tendant
1108 MERCURE DE FRANCE
tendant plaindre à table d'un certain vin
clairet et leger que l'on m'avoit servi , tira
de sa poche le Mercure de Fevrier 1731-
et my fit voir à la page 271. un Ecrit que
j'ai reconnu à l'instant être celui que le Dieu
Bacchus a eù en vue de faire supprimer par
son Ordonnanoe. Je vous laisse à juger du
rapport que ces deux Pieces ont l'une avec
l'autre. J'en retranche une partie du préambule
qui est dans le style ordinaire des Sonverains
, et qui ne vous apprendroit autre
chose que les Provinces et les Seigneuries qui
composent le vaste Empire de cette Divinité.
ORDONNANCE du Dieu Bacchus,
donnée dans le Printemps dernier.
fils de Jupiter dit ......
Biber , Lycus , Lenæus , Osyris ,
Dionysus , &c. Jadis la Déesse de la Paix
accorda les differends qui s'étoient élevez
entre la Bourgogne et la Champagne , sur
la primauté du Fruit qui nous est consacré
dans l'étendue de ces deux Provinces
des Gaules ; il y avoit eû force procedures
écrites , mainte Poësie signifiée de part
et d'autre , Pourchot et Grenan , plaidans
pour la Bourgogne , et Coffin pour la
Champagne. (4) Cette bonne Déesse en-
(a) Voyez le Procès Poëtique , imprimé à Paris
an 1712. chez la veuve de Claude Thiboust .
fin
SEPTEMBRE 1731. 2109
in trouva le secret de les mettre tous
d'accord ; elle fit verser dans une grande
Couppe une quantité égale de vin de
Bourgogne et de Champagne , et soudain
ayant fait gouter de ce mêlange aux deux
Partis , ils mirent les armes bas , la Champagne
cedant l'honneur à la Bourgogne ,
dont le vin avoit dominé dans la Couppe
, en gout , en couleur et en force.
Aujourd'hui un Ecrivain récemment
formé sur le Rivage de l'Yonne , réveille
en quelque sorte ce Procès , qui avoit
été jugé définitivement. Il semble avoir
pour but dans son raisonnement de donner
gain de cause à la Champagne , essayant
de faire comprendre que des vins
tendres , peu colorez , de peu de durée ,
et qui de plus ont un goût de terroir ,
doivent aller de pair avec des vins qui
ent du corps , une couleur bien rosée ,
qui sont francs , bien - faisans , amis de
l'estomach , et dont la séve est fine en
même-temps qu'elle est mâle et vigoureuse.
Et ce qu'il y a encore de plus sur
prenant dans son procedé, c'est qu'il prétend
être bon Bourguignon , en écrivant,
comme il fait , en faveur de ces vins tendres
et délicats .
Ce trop zelé Partisan fait paroître sur
les rangs Joigny , petite Ville , qu'il lui
plaît
110 MERCURE DE FRANCE
plaît de placer dans notre Province de
Bourgogne , quoiqu'elle n'y soit point
comprise , suivant l'exacte Géographie de
notre Empire ; et après avoir égalé ses
vins à ceux de notre bonne et ancienne
Ville d'Auxerre , de tout temps renfermée
dans notre Cercle de Bourgogne ,
il pousse la prévention et l'audace jusqu'à
leur donner le dessus. Oubliant lui - même
d'où il est natif , et faisant semblant
de ne pas appercevoir que c'est l'amour
aveugle de sa Patrie qui le rend Auteur,
il va jusqu'à reprocher à notre zelé Analiste
d'Auxerre , duquel Mercure nous
a fait voir les Ecrits , de s'être trop étendu
par l'effet du même amour , à rapporter
les avantages de son Pays. Nous DECLARONS
que nous aimons tous nos fideles
Sujets ; mais nous devons aussi rendre.
justice à qui elle appartient , et réfuter
ce qui mérite de l'être. Sans nous arrê
ter à remarquer que l'Avocat des vins
de joigny pourroit avoir besoin de passer
quelques mois , tant sur le Parnasse
que
dans l'une de nos Universitez , pour
y apprendre à discerner les vins par la fréquentation
des personnages versez en cette
Scienće , et à ne pas prodiguer , comme
il fait , les Citations des Poëtes Latins
dont il abuse quelquefois. Nous disons.
>
qu'il
SEPTEMBRE. 1731. 21FT
qu'il paroît par son langage qu'il n'a jamais
vû de ses yeux ces Vignobles qui
sont si renommez dans nos Etats , qu'à
l'entendre raisonner il semble que jamais:
il n'est sorti des limites de son petit Ter--
ritoire , si ce n'est peut-être pour venir à
Auxerre considerer superficiellement la
situation des Côteaux .
Si ce jeune Ecrivain avoit voulu se détromper
serieusement et de bonne foi ,
ainsi que font tous ceux qui sont étroitement
attachez à notre service , il auroit
pû recourir à nos Papiers - Terriers de
Coulanges - les - Vineuses , à ceux de nos:
Vignobles d'autour de Beaune et des environs,
de Nuys , Volnay , Pomar , Chase
sagne , à ceux des climats du clos de Vougeot
, ( a ) Champbertin , Savigny , la
Romance les Serrieres proche Dijon
et les côtes de Chenove auprès de la
même Ville. Il y auroit appris par les
Declarations circonstanciées de nos féaux
et amez sujets qui peuplent ces cantons ,
que les Vignes qu'ils appellent des meilleurs
endroits et du produit le plus ex-
,
3-
( a ) Vougeot est un Village entre Dijon &
Nuys , où M. l'Abbé de Citeaux a un. Clos de
Vignes très- vaste et presque tout plat , lequel
cependant produit un Vin très- excellent , contre
la Maxime de l'Avocat des Vins de Joigny.
cellent
2111 MERCURE DE FRANCE
cellent , ne sont pas situées dans un territoire
dont l'extension soit comme perpendiculaire
du Ciel vers la Terre , ainsi
qu'il se figure par une idée bizarre , que
doivent être plantées les Vignes d'une
qualité superieure. Pour peu qu'il eût
jetté la vue sur les Cartes Topographiques
qui décorent les murs de nos sallons ,
il y eût appris que dans les côteaux de
Vignes , il y a la Region suprême , la
moyenne et l'inferieure ; que comme ce
n'est pas dans la region la plus basse , la
plus applanie ou la plus inondée que croît
le meilleur vin , ce n'est pas non plus
dans la Region la plus échauffée ou la
plus chauve , et pour parler humainement
, que ce n'est pas dans le plus roide
de la côte qu'on recueille ce Vin supe ♣
rieur et transcendant , mais que c'est dans
la naissance du plis des côteaux , parce
que c'est comme le lieu de concentration ,
tant des sucs choisis de la Terre , que de
la refléxion des rayons solaires . De- là
vient que dans la Capitale de Bourgogne ,
on appelle cet endroit Le Rognon de la Côte.
L'un de nos Geographes qui connoît jusqu'aux
moindres cantons de nos Etats ,
se donna autrefois la peine d'enluminer
de couleur rouge les endroits de ces Cartes
Topographiques , dont les Vignes
sont
SEPTEMBRE. 1731. 2113
•
sont dans la situation la plus heureuse
et dont le grain de terre est en même
temps le plus favorable.
Après l'exhibition qui nous a été faite
de ces Cartes , nous déclarons n'avoir apperçû
que quelques legers coups de pinceau
sur les côtes de Joigny , au lieu que
les climats des environs d'Auxerre sont
presque tous chargez de riches et nombreux
traits de ce pinceau décisif , qui
marquent que ce qui constituë radicalement
le bon vin , y est commun et ordinaire
, c'est-à - dire › que generalement
parlant , les Vignes d'autour notre bienaimée
Ville d'Auxerre sont dans une
و
bonne exposition et qu'elles naissent
dans un grain de terre qui n'est vitié ni
par des veines nitreuses ni par une superficie
sulfureuse. Ces coups de pinceau se
trouvent abondamment
marquez entre
autres Climats , sur ceux de la Chainette,
Migraine , Boivin , Clerion , qui sont au
Septentrion
et à l'Occident de la Ville ,
et sur plus de vingt autres qui sont au
levant et au midi de la même Ville , à
une demi - lieue , ou un peu plus de distance
, dont les productions
par une
licence que jusqu'ici nous avons tolerée ,
quoique contraire à la sincerité de notre
caractere , ne sont point distribuées dans
,
>
la
2114 MERCURE DE FRANCE
la Capitale des Gaules et plus loin , sous
d'autre nom que sous celui de Vin de
Coulanges .
En vain le zelateur des Vins de Joigny,
mal instruit du prix des Vins de notre
illustre Ville d'Auxerre , voudroit - il les
abaisser jusqu'à les mettre de Niveau avec
ceux de sa Patrie. Les Historiens de nos
Etats marquent dans leurs Annales Latines
, qu'en tout temps les Vins d'Autricum
Senonum se sont vendus le double ou
environ des Vins de Joviniacum : Et même
notre Controlleur General nous ayant
representé le Registre de l'Année courante
, nous y avons vû que le Vin de la
derniere récolte , que le Partisan vante
tant , a été débité à Auxerre , à un prix
une fois plus haut que celui du cru de
Joigny. ( a ) Nous ne croyons point qu'il
y ait mortel assez téméraire pour oser
s'inscrire en faux contre un témoignage
si authentique. On sçait que nous sommes
disposez à punir de peines très- séveres
les faussaires ou les faux témoins s'il
( a ) Les Vins du plus haut prix à Joigny
n'ont pas êté à 80. livres le Muid , au lieu qu'à
Auxerre ils ont été vendus 130. et 140. livres
quoique les Tonneaux ne soient pas plus grands ,
et qu'il y ait un plus grand éloignement de la
Ville de Paris.
s'en
SEPTEMBRE. 1731. 2215
s'en trouvoit sur nos Terres , et que nous
les condamnerions à user le reste de leurs
jours d'une boisson , qui n'est ni rare ni
délicieuse.
Si après le temps de l'Hyver il reste
peu de Vins dans notre Vignoble de Joigny
, il n'est pas besoin que nous en rapportions
ici la cause ; elle est connuë du
Bourgeois comme du Vigneron ; ils
avouent franchement l'un et l'autre que
leur liqueur est de peu de garde. Qui
pourroit après cela les blâmer de ce qu'ils
s'en défont promptement ? Deplus , leur
territoire n'est point de l'étenduë dont
est celui de notre bonne Ville d'Auxerre
ni fertile au même point. Il est notoire
par la simple confrontation des Inventaires
dressez par nos Inquisiteurs modernes
, ( a ) que les reservoirs soûterrains de
Joigny n'ont jamais eû l'honneur de contenir
dans leur capacité une quantité égale
à celle de nos reservoirs d'Auxerre.
Cette Ville qui est la clef de notre incomparable
Province de Bourgogne ,
jouit d'un Territoire si avantagé des bénignes
influences des autres Divinitez qui
nous sont amies , qu'avec la qualité du
( a ) On entend sous ce nom les Tabeliers qui
wont depuis peu dans les Caves , pour prendre
le nombre des Tonneaux pleins.
Raisin J
2118 MERCURE DE FRANCE
Raisin , il y en a toujours une quantité
qui excede celle du produit de Joigny.
Phoebus et Cybele semblent s'être accordez
à le combler de leurs bienfaits . Auxerre
a mille et mille côteaux renfermez
dans des sinuositez tortueuses qui regnent
en differens vallons ; et le Vignoble de
Joigny n'est, pour ainsi dire, qu'un simple
revers d'une ou de deux Montagnes , sur
lequel est arboré celui des Domaines du
Dieu Sylvain , que l'antiquité appelle
La Forêt d'Othe. Outre cela , par une justice
qui étoit dûë au Territoire d'Auxerre,
ancienne Cité Romaine , nous l'avons
aggrandi de diverses Colonies celebres
qui lui sont soumises à trois et quatre
lieuës vers la Region Australe , et qui le
regardent comme le chef- lieu .
د
Telles sont ces Colonies , dites Vineufes
par excellence ; tel est Irancy , Jussy
Ecouleves , la Palote &c. Joigny au contraire
, au rapport des Enquêteurs nos
Commissaires en cette Partie , n'est qu'un
simple Château qui sert de Rempart au
Territoire du Dieu Sylvain ci - dessus
nommé , autour duquel Château , l'on a
fait disparoître depuis fort peu de siécles ,
l'Arbre Favori des Druides Gaulois , pour
y planter de notre Bois tortu . Mais pour
çe faire , il a bien fallu de nécessité prendre
SEPTEMBRE . 1731 . 2117
dre le terrain tel qu'il s'est presenté , terrain
caustique , rempli de craye , de cailloux
enflâmez et petillans , terrain que
nous regardons comme une écume recuite
de la Bourbe qu'engendra sur plusieurs
Côtes de l'Univers le mêlange des Fleuves
et des Mers au siécle de Deucalion. C'est
ce qui fait que dans les années les plus favorisées
par Phoebus notre frere pour les
bons Vins , ceux de Joigny ont un goût
que les Mortels appellent fort à propos
goût de Terroir ; ne sont point francs ,
sentent le Tufou le Crayon ; et plus les
rayons de Phoebus ont été violemment
lancés , plus il est besoin de faire sur les
Cuves une salutaire injection d'une lymphe
benigne et temperative.
et
Le Vin de Joigny au rapport des mêmes
Enquêteurs , est non - seulement de
peu de durée
de durée , mais encore de difficile
transport dans les Pays éloignez ; ainsi
qu'il nous a paru par certaines Querimonies
inserées dans des Placets que les Députez
de ces Pays lointains nous ont presentez.
Ce Vin est tel , presque universellement
parlant , qu'il a de la peine à se
bien comporter jusqu'au signe de la Vierge
et de la Balance dans les années qu'il
est bon. Il a si peu de corps , au dire des
mêmes Commissaires , que la moindre
cau
2118 MERCURE DE FRANCE
eau suffit pour l'éteindre et l'amortir ; et
c'est mal à propos qu'on lui donneroit
l'épitette de Generofum. Quiconque veut
le garder chaste et sans alteration doit
>
و
mettre en pratique une espece de Paradoxe
, c'est-à- dire , qu'il faut nécessairement
qu'il le marie avec d'autre Vin ,
sinon sa propre vertu fait voir combien
d'elle-même elle est fragile et caduque.
Il est Capiteux , ajoutent- ils , à raison du
terrain brûlant qui le produit. C'est ce
qui fait que les Seps en sont si courts et
si petits qu'un simple fétu les soutient.
Deplus la Déesse Cybele et le Dieu Sylvain
ont certifié à nos Secretaires par plusieurs
de leurs Vassaux , qu'il est faux que
les habitans de la Colline Jovinienne ne
mettent rien dans leurs Vignes . Ils tirent
adroitement du Domaine voisin
appartenant au dieu Sylvain , une certaine
terre jaune qu'ils appellent du Lateux
dont ils sçavent imprégner leur
terrain blanchâtre pour en corriger le défaut,
si faire se pouvoit ; au lieu qu'Auxerre
n'a besoin ni de Lateux ni de Fumier :
Aussi n'avons nous permis d'y mettre du
Fumier dans certaines Vignes basses , qu'à
ceux de nos Vassaux , qui ont déclaré à
notre Chancelier,que ces héritages étoient
destinés à abreuver abondamment le Pay-
›
san
SEPTEMBRE 1731. 2119
-san apporteur de provisions , et à humecter
journellement le gosier du Laboureur
Artisan et de l'infatigable Vigneron : em
ploi qui est conforme à nos anciennes
Ordonnances , Registre premier.
Quant à la proposition par laquelle le
Panegyriste attribue à la vente du jus dont
nous daignons favoriser la côte de Joigny,
le nombre de mâles qu'il dit y surpasser
considerablement celui des femeles ; supposant
pour un moment la verité de son
calcul , nous disons que sa conclusion est
fausse , comme se trouvant absolument
détruite par l'experience dont les disciples
d'Hippocrate nous sont garants. Et
en nous servant de leur langage clair et
précis , nous ajoûtons qu'il prend pour
cause ce qui ne l'est pas. Ces habiles Scrutateurs
de l'origine du genre humain
admis dans notre Conseil , nous assurent
que communément, c'est en tous pays que
le nombre des mâles excede d'un peu celui
des femmes ; en quoi ils font remarquer la
sagesse du Conseil des Dieux , qui a prohibé
la Polygamie. Mais ce qu'ils observent
de plus , c'est que ce n'est pas
dans
quelques Villes de pays de Vignobles seulement
qu'on trouve le nombre de mâles
excéder notablement celui de l'autre sexe ;
ils ajoûtent que cela se rencontre aussi
dans
2120 MERCURE DE FRANCE
›
dans des Villes où le mauvais usage est
resté de ne dissoudre les Alimens et de
n'éteindre la soif qu'avec dujus de pomme,
ou avec une certaine eau bouillie , et même
dans des Pays , où par un effet de notre
colere , les Animaux raisonnables et
les irraisonnables usent d'une seule et même
boisson. Les Habitans des Ifles Britanniques
, bons connoisseurs, de notre Vin
de Bourgogne se sont donné la peine
de faire là - dessus des supputations qui
sont restées sans replique. ( a )
و
Toutes ces raisons pesées et murement
examinées , dans notre Conseil , les Hippocrates
et les Galiens de toutes les Nations,
duement appellez , et entendus, ensemble
les Echansons de tous les Dieux
nos Freres ; NOUS DECLARONS les Vins
de notre bonne Ville d'Auxerre à perpetuité
superieurs en qualité à ceux de
Joigny , ainsi qu'ils l'étoient par le passé
et qu'ils le sont actuellement . Voulons
en outre que l'on mette dans le même
rang de superiorité tous Vignobles dont
les Vins supportent la limphe , ct qui au
lieu de se laisser vaincre par ce foible
Element , le parfument du goût de la
celeste ambrosie , que les Mortels appel-
( a ) Lifez les Transactions Philosophiques ,
Du Journaux de l'Académie des Sciences de`
Londres.
lent
SEPTEMBRE . 1731. 272T
lent du nom de Pinot , (i) et donnent
réellement à ceux qui en usent , des forces
perseverantes et fermement inhérentes
. Accordons de grace speciale aux Vins
de Joigny d'être d'usage aux déj ûnez de
nos Courtisans, qui les ont reconnus suffisamment
apéritifs et proportionnez à
l'exercice qu'ils prennent. Permettons pareillement
à notre Grand Bouteillier de
nous en servir au même repas , avec deffenses
, sous peine de leze- Majesté , de
nous en présenter en d'autres temps , et
sur tout à l'heure du coucher de Phébus,
et lorsque Morphée vient nous inviter
au repos. Deffendons d'usurper le titre
de superiorité , à tous Vignobles dont les
Vins ne donnent que de ces forces passageres
, qu'on ne voit briller que durant
quelques jours , lesquels n'étant point éta-
Blis sur celui de notre Jus qui a le plus
de solidité , disparoissent aisément , s'évanoüissent
à la longueur du travail , et
font succomber les Champions qui en
usoient habituellement , par un aveu forcé
de leur foiblesse et de leur insuffisance.
(a) Le Pinot est une espece de Raisin noir,
qui fait le meilleur Vin. Les Comptes de la
Ville d'Auxerre pariant des Présens de Vin ,
faits aux Princes , specifient ordinairement
qu'ils sont de Vin de Pinet,
D Faisons
2122 MERCURE DE FRANCE
Faisons les mêmes deffenses et prohibitions
à tous Vignobles quelconques , dont
les Vins contiennent trop de ce Nitre fatal
aux intestins des Buveurs , comme
étant sujets à y causer une relaxation qui
devient sensible et deshonnorante , lorsqu'elle
concourt avec certains exercices du
corps au milieu des chaleurs de la Canicule.
(a)
Er sera notre presente Déclaration affichée
ès Carrefours de la Ville de Joigny
, à ce que nul n'en ignore , et publiée
chaque année esdits lieux aux jours
suivans , par Nous spécialement choisis ,
pour raisons à Nous connues ; sçavoir
en. Août le jour de la Consecration, des,
Autels de la Déesse Ops et de Cérès . (b)
Item. En Septembre , le jour de la Dé-
(a) Il est clair que Bacchus veut parler ici
de l'antiperistase qui éclatta à Auxerre les premiersjours
d'Août de l'an 1723. lorsque le Vin
de cette Ville commença à combattre la bile
formée delongue main dans le corps des Joueurs
de Paulme de Joigny..
(b) Bacchus parle ici suivant le Calendrier
des anciens Romains ; Les quatre jours qu'il
indique répondent au 10. Août , 14. Septembre
1. Octobre et 1. janvier , jours des quatre For-
RES deJoigny et par consequent de grand concours.
C'est celle du 10. Août qui est la cause
du choix qu'a fait Bacchus.
dicace
SEPTEMBRE. 1731. 2823
dicace du Temple de Jupiter Capitolin.
De plus , aux Calendes d'Octobre et de
Janvier. SI MANDONS à nos Baillifs.
et Sénechaux , &c.
Il n'est
pas
nécessaire , Messieurs , de
vous prier de rendre publique une Ordonnance
si juste et si équitable , et à laquelle
#outes les Langues les plus fines de Paris et
des Pays- Bas ne manqueront pas d'applandir.
J'aurois souhaité d'en trouver un plus
grand nombre de pareille nature dans ce
précieux in Folio , qui me fût communiqué
fort poliment par l' Archiviste du Dieu Bac
chus. Mais je me souviens que cette Ordonnance
étoit la seule dans son genre , et qu'après
elle le Volume n'en contenoit qu'une à
baquelle le Sceau venoit d'être mis tout recem
ment après la tenue des Etats Generaux. C'est
celle qui défend de planter de la Vigne dans
des endroits qui ne conviennent point à ce
Bois. Cette derniere Ordonnance vient d'être
heureusement notifiée dans le Royaume de
France par les Publications et Placards ordinaires
; et il faut esperer que l'on tiendra la
main à son observation.
Je suis & c. ce 12. Juillet 1731.
Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
J4y fait depuis peu , Messieurs
, un
voyage assezsubit et singulier.Fay visité
sans le secours d'aucun guide ni d'aucune
voiture, les Châteaux et les Palais des Dieuxdu
Paganisme. A ce langage , vous vous·
imaginez que mon voyage a dû être de longue
durée , et vous ne vous tromperiez pas,
SZ
SEPTEMBRE. 1731. 2107
si je l'eusse fait physiquement ; mais la verité
est que je n'ay voyagé qu'en esprit. Fe
n'ai point marqué sur mes Tablettes le jour
de mon départ ; je sçai seulement que je
commençai à parcourir tous ces Palais et
ces Châteaux un certain soir du mois de
Fevrier dernier, auquel les fumées du repas
ne m'incommodoient pas beaucoup , et j'ai
idée que le Soleil étoit déja pour lors dans
le Signe des Poissons . Quel qu'ait été mon
voyage , et qu'elle qu'en ait été la cause , me
voila heureusement de retour ; j'ai rapporté
avec moi certaines Ordonnancės assez curieuses
, que les Bibliothequaires de ces Palais,
plus complaisans et moins formalistes
que certains d'Italie , m'ont permis de transcrire
de dessus les Registres dont ils ont la
garde.
En parcourant le Recueil des Déclarations
du Dieu Bacchus , qui est écrit en belles
lettres d'or sur un Velin couleur de Pourpre,
grand in folio , j'en ai apperçû une qui m'a
frappé plus que toutes les autres. Je pense que
c'est l'avant derniere du volume. Sur le champ
j'en ai tiré une copie , avec la résolution de
m'en servir dans l'occasion. Cette occasion
s'est presentée , Messieurs , plutôt que je ne
Faurois crû ; car à peine étois-je un pew
remis de mon vryage spirituel vers le milieu
du mois de Mars , quun de mes amis m'en..
Cvj tendant
1108 MERCURE DE FRANCE
tendant plaindre à table d'un certain vin
clairet et leger que l'on m'avoit servi , tira
de sa poche le Mercure de Fevrier 1731-
et my fit voir à la page 271. un Ecrit que
j'ai reconnu à l'instant être celui que le Dieu
Bacchus a eù en vue de faire supprimer par
son Ordonnanoe. Je vous laisse à juger du
rapport que ces deux Pieces ont l'une avec
l'autre. J'en retranche une partie du préambule
qui est dans le style ordinaire des Sonverains
, et qui ne vous apprendroit autre
chose que les Provinces et les Seigneuries qui
composent le vaste Empire de cette Divinité.
ORDONNANCE du Dieu Bacchus,
donnée dans le Printemps dernier.
fils de Jupiter dit ......
Biber , Lycus , Lenæus , Osyris ,
Dionysus , &c. Jadis la Déesse de la Paix
accorda les differends qui s'étoient élevez
entre la Bourgogne et la Champagne , sur
la primauté du Fruit qui nous est consacré
dans l'étendue de ces deux Provinces
des Gaules ; il y avoit eû force procedures
écrites , mainte Poësie signifiée de part
et d'autre , Pourchot et Grenan , plaidans
pour la Bourgogne , et Coffin pour la
Champagne. (4) Cette bonne Déesse en-
(a) Voyez le Procès Poëtique , imprimé à Paris
an 1712. chez la veuve de Claude Thiboust .
fin
SEPTEMBRE 1731. 2109
in trouva le secret de les mettre tous
d'accord ; elle fit verser dans une grande
Couppe une quantité égale de vin de
Bourgogne et de Champagne , et soudain
ayant fait gouter de ce mêlange aux deux
Partis , ils mirent les armes bas , la Champagne
cedant l'honneur à la Bourgogne ,
dont le vin avoit dominé dans la Couppe
, en gout , en couleur et en force.
Aujourd'hui un Ecrivain récemment
formé sur le Rivage de l'Yonne , réveille
en quelque sorte ce Procès , qui avoit
été jugé définitivement. Il semble avoir
pour but dans son raisonnement de donner
gain de cause à la Champagne , essayant
de faire comprendre que des vins
tendres , peu colorez , de peu de durée ,
et qui de plus ont un goût de terroir ,
doivent aller de pair avec des vins qui
ent du corps , une couleur bien rosée ,
qui sont francs , bien - faisans , amis de
l'estomach , et dont la séve est fine en
même-temps qu'elle est mâle et vigoureuse.
Et ce qu'il y a encore de plus sur
prenant dans son procedé, c'est qu'il prétend
être bon Bourguignon , en écrivant,
comme il fait , en faveur de ces vins tendres
et délicats .
Ce trop zelé Partisan fait paroître sur
les rangs Joigny , petite Ville , qu'il lui
plaît
110 MERCURE DE FRANCE
plaît de placer dans notre Province de
Bourgogne , quoiqu'elle n'y soit point
comprise , suivant l'exacte Géographie de
notre Empire ; et après avoir égalé ses
vins à ceux de notre bonne et ancienne
Ville d'Auxerre , de tout temps renfermée
dans notre Cercle de Bourgogne ,
il pousse la prévention et l'audace jusqu'à
leur donner le dessus. Oubliant lui - même
d'où il est natif , et faisant semblant
de ne pas appercevoir que c'est l'amour
aveugle de sa Patrie qui le rend Auteur,
il va jusqu'à reprocher à notre zelé Analiste
d'Auxerre , duquel Mercure nous
a fait voir les Ecrits , de s'être trop étendu
par l'effet du même amour , à rapporter
les avantages de son Pays. Nous DECLARONS
que nous aimons tous nos fideles
Sujets ; mais nous devons aussi rendre.
justice à qui elle appartient , et réfuter
ce qui mérite de l'être. Sans nous arrê
ter à remarquer que l'Avocat des vins
de joigny pourroit avoir besoin de passer
quelques mois , tant sur le Parnasse
que
dans l'une de nos Universitez , pour
y apprendre à discerner les vins par la fréquentation
des personnages versez en cette
Scienće , et à ne pas prodiguer , comme
il fait , les Citations des Poëtes Latins
dont il abuse quelquefois. Nous disons.
>
qu'il
SEPTEMBRE. 1731. 21FT
qu'il paroît par son langage qu'il n'a jamais
vû de ses yeux ces Vignobles qui
sont si renommez dans nos Etats , qu'à
l'entendre raisonner il semble que jamais:
il n'est sorti des limites de son petit Ter--
ritoire , si ce n'est peut-être pour venir à
Auxerre considerer superficiellement la
situation des Côteaux .
Si ce jeune Ecrivain avoit voulu se détromper
serieusement et de bonne foi ,
ainsi que font tous ceux qui sont étroitement
attachez à notre service , il auroit
pû recourir à nos Papiers - Terriers de
Coulanges - les - Vineuses , à ceux de nos:
Vignobles d'autour de Beaune et des environs,
de Nuys , Volnay , Pomar , Chase
sagne , à ceux des climats du clos de Vougeot
, ( a ) Champbertin , Savigny , la
Romance les Serrieres proche Dijon
et les côtes de Chenove auprès de la
même Ville. Il y auroit appris par les
Declarations circonstanciées de nos féaux
et amez sujets qui peuplent ces cantons ,
que les Vignes qu'ils appellent des meilleurs
endroits et du produit le plus ex-
,
3-
( a ) Vougeot est un Village entre Dijon &
Nuys , où M. l'Abbé de Citeaux a un. Clos de
Vignes très- vaste et presque tout plat , lequel
cependant produit un Vin très- excellent , contre
la Maxime de l'Avocat des Vins de Joigny.
cellent
2111 MERCURE DE FRANCE
cellent , ne sont pas situées dans un territoire
dont l'extension soit comme perpendiculaire
du Ciel vers la Terre , ainsi
qu'il se figure par une idée bizarre , que
doivent être plantées les Vignes d'une
qualité superieure. Pour peu qu'il eût
jetté la vue sur les Cartes Topographiques
qui décorent les murs de nos sallons ,
il y eût appris que dans les côteaux de
Vignes , il y a la Region suprême , la
moyenne et l'inferieure ; que comme ce
n'est pas dans la region la plus basse , la
plus applanie ou la plus inondée que croît
le meilleur vin , ce n'est pas non plus
dans la Region la plus échauffée ou la
plus chauve , et pour parler humainement
, que ce n'est pas dans le plus roide
de la côte qu'on recueille ce Vin supe ♣
rieur et transcendant , mais que c'est dans
la naissance du plis des côteaux , parce
que c'est comme le lieu de concentration ,
tant des sucs choisis de la Terre , que de
la refléxion des rayons solaires . De- là
vient que dans la Capitale de Bourgogne ,
on appelle cet endroit Le Rognon de la Côte.
L'un de nos Geographes qui connoît jusqu'aux
moindres cantons de nos Etats ,
se donna autrefois la peine d'enluminer
de couleur rouge les endroits de ces Cartes
Topographiques , dont les Vignes
sont
SEPTEMBRE. 1731. 2113
•
sont dans la situation la plus heureuse
et dont le grain de terre est en même
temps le plus favorable.
Après l'exhibition qui nous a été faite
de ces Cartes , nous déclarons n'avoir apperçû
que quelques legers coups de pinceau
sur les côtes de Joigny , au lieu que
les climats des environs d'Auxerre sont
presque tous chargez de riches et nombreux
traits de ce pinceau décisif , qui
marquent que ce qui constituë radicalement
le bon vin , y est commun et ordinaire
, c'est-à - dire › que generalement
parlant , les Vignes d'autour notre bienaimée
Ville d'Auxerre sont dans une
و
bonne exposition et qu'elles naissent
dans un grain de terre qui n'est vitié ni
par des veines nitreuses ni par une superficie
sulfureuse. Ces coups de pinceau se
trouvent abondamment
marquez entre
autres Climats , sur ceux de la Chainette,
Migraine , Boivin , Clerion , qui sont au
Septentrion
et à l'Occident de la Ville ,
et sur plus de vingt autres qui sont au
levant et au midi de la même Ville , à
une demi - lieue , ou un peu plus de distance
, dont les productions
par une
licence que jusqu'ici nous avons tolerée ,
quoique contraire à la sincerité de notre
caractere , ne sont point distribuées dans
,
>
la
2114 MERCURE DE FRANCE
la Capitale des Gaules et plus loin , sous
d'autre nom que sous celui de Vin de
Coulanges .
En vain le zelateur des Vins de Joigny,
mal instruit du prix des Vins de notre
illustre Ville d'Auxerre , voudroit - il les
abaisser jusqu'à les mettre de Niveau avec
ceux de sa Patrie. Les Historiens de nos
Etats marquent dans leurs Annales Latines
, qu'en tout temps les Vins d'Autricum
Senonum se sont vendus le double ou
environ des Vins de Joviniacum : Et même
notre Controlleur General nous ayant
representé le Registre de l'Année courante
, nous y avons vû que le Vin de la
derniere récolte , que le Partisan vante
tant , a été débité à Auxerre , à un prix
une fois plus haut que celui du cru de
Joigny. ( a ) Nous ne croyons point qu'il
y ait mortel assez téméraire pour oser
s'inscrire en faux contre un témoignage
si authentique. On sçait que nous sommes
disposez à punir de peines très- séveres
les faussaires ou les faux témoins s'il
( a ) Les Vins du plus haut prix à Joigny
n'ont pas êté à 80. livres le Muid , au lieu qu'à
Auxerre ils ont été vendus 130. et 140. livres
quoique les Tonneaux ne soient pas plus grands ,
et qu'il y ait un plus grand éloignement de la
Ville de Paris.
s'en
SEPTEMBRE. 1731. 2215
s'en trouvoit sur nos Terres , et que nous
les condamnerions à user le reste de leurs
jours d'une boisson , qui n'est ni rare ni
délicieuse.
Si après le temps de l'Hyver il reste
peu de Vins dans notre Vignoble de Joigny
, il n'est pas besoin que nous en rapportions
ici la cause ; elle est connuë du
Bourgeois comme du Vigneron ; ils
avouent franchement l'un et l'autre que
leur liqueur est de peu de garde. Qui
pourroit après cela les blâmer de ce qu'ils
s'en défont promptement ? Deplus , leur
territoire n'est point de l'étenduë dont
est celui de notre bonne Ville d'Auxerre
ni fertile au même point. Il est notoire
par la simple confrontation des Inventaires
dressez par nos Inquisiteurs modernes
, ( a ) que les reservoirs soûterrains de
Joigny n'ont jamais eû l'honneur de contenir
dans leur capacité une quantité égale
à celle de nos reservoirs d'Auxerre.
Cette Ville qui est la clef de notre incomparable
Province de Bourgogne ,
jouit d'un Territoire si avantagé des bénignes
influences des autres Divinitez qui
nous sont amies , qu'avec la qualité du
( a ) On entend sous ce nom les Tabeliers qui
wont depuis peu dans les Caves , pour prendre
le nombre des Tonneaux pleins.
Raisin J
2118 MERCURE DE FRANCE
Raisin , il y en a toujours une quantité
qui excede celle du produit de Joigny.
Phoebus et Cybele semblent s'être accordez
à le combler de leurs bienfaits . Auxerre
a mille et mille côteaux renfermez
dans des sinuositez tortueuses qui regnent
en differens vallons ; et le Vignoble de
Joigny n'est, pour ainsi dire, qu'un simple
revers d'une ou de deux Montagnes , sur
lequel est arboré celui des Domaines du
Dieu Sylvain , que l'antiquité appelle
La Forêt d'Othe. Outre cela , par une justice
qui étoit dûë au Territoire d'Auxerre,
ancienne Cité Romaine , nous l'avons
aggrandi de diverses Colonies celebres
qui lui sont soumises à trois et quatre
lieuës vers la Region Australe , et qui le
regardent comme le chef- lieu .
د
Telles sont ces Colonies , dites Vineufes
par excellence ; tel est Irancy , Jussy
Ecouleves , la Palote &c. Joigny au contraire
, au rapport des Enquêteurs nos
Commissaires en cette Partie , n'est qu'un
simple Château qui sert de Rempart au
Territoire du Dieu Sylvain ci - dessus
nommé , autour duquel Château , l'on a
fait disparoître depuis fort peu de siécles ,
l'Arbre Favori des Druides Gaulois , pour
y planter de notre Bois tortu . Mais pour
çe faire , il a bien fallu de nécessité prendre
SEPTEMBRE . 1731 . 2117
dre le terrain tel qu'il s'est presenté , terrain
caustique , rempli de craye , de cailloux
enflâmez et petillans , terrain que
nous regardons comme une écume recuite
de la Bourbe qu'engendra sur plusieurs
Côtes de l'Univers le mêlange des Fleuves
et des Mers au siécle de Deucalion. C'est
ce qui fait que dans les années les plus favorisées
par Phoebus notre frere pour les
bons Vins , ceux de Joigny ont un goût
que les Mortels appellent fort à propos
goût de Terroir ; ne sont point francs ,
sentent le Tufou le Crayon ; et plus les
rayons de Phoebus ont été violemment
lancés , plus il est besoin de faire sur les
Cuves une salutaire injection d'une lymphe
benigne et temperative.
et
Le Vin de Joigny au rapport des mêmes
Enquêteurs , est non - seulement de
peu de durée
de durée , mais encore de difficile
transport dans les Pays éloignez ; ainsi
qu'il nous a paru par certaines Querimonies
inserées dans des Placets que les Députez
de ces Pays lointains nous ont presentez.
Ce Vin est tel , presque universellement
parlant , qu'il a de la peine à se
bien comporter jusqu'au signe de la Vierge
et de la Balance dans les années qu'il
est bon. Il a si peu de corps , au dire des
mêmes Commissaires , que la moindre
cau
2118 MERCURE DE FRANCE
eau suffit pour l'éteindre et l'amortir ; et
c'est mal à propos qu'on lui donneroit
l'épitette de Generofum. Quiconque veut
le garder chaste et sans alteration doit
>
و
mettre en pratique une espece de Paradoxe
, c'est-à- dire , qu'il faut nécessairement
qu'il le marie avec d'autre Vin ,
sinon sa propre vertu fait voir combien
d'elle-même elle est fragile et caduque.
Il est Capiteux , ajoutent- ils , à raison du
terrain brûlant qui le produit. C'est ce
qui fait que les Seps en sont si courts et
si petits qu'un simple fétu les soutient.
Deplus la Déesse Cybele et le Dieu Sylvain
ont certifié à nos Secretaires par plusieurs
de leurs Vassaux , qu'il est faux que
les habitans de la Colline Jovinienne ne
mettent rien dans leurs Vignes . Ils tirent
adroitement du Domaine voisin
appartenant au dieu Sylvain , une certaine
terre jaune qu'ils appellent du Lateux
dont ils sçavent imprégner leur
terrain blanchâtre pour en corriger le défaut,
si faire se pouvoit ; au lieu qu'Auxerre
n'a besoin ni de Lateux ni de Fumier :
Aussi n'avons nous permis d'y mettre du
Fumier dans certaines Vignes basses , qu'à
ceux de nos Vassaux , qui ont déclaré à
notre Chancelier,que ces héritages étoient
destinés à abreuver abondamment le Pay-
›
san
SEPTEMBRE 1731. 2119
-san apporteur de provisions , et à humecter
journellement le gosier du Laboureur
Artisan et de l'infatigable Vigneron : em
ploi qui est conforme à nos anciennes
Ordonnances , Registre premier.
Quant à la proposition par laquelle le
Panegyriste attribue à la vente du jus dont
nous daignons favoriser la côte de Joigny,
le nombre de mâles qu'il dit y surpasser
considerablement celui des femeles ; supposant
pour un moment la verité de son
calcul , nous disons que sa conclusion est
fausse , comme se trouvant absolument
détruite par l'experience dont les disciples
d'Hippocrate nous sont garants. Et
en nous servant de leur langage clair et
précis , nous ajoûtons qu'il prend pour
cause ce qui ne l'est pas. Ces habiles Scrutateurs
de l'origine du genre humain
admis dans notre Conseil , nous assurent
que communément, c'est en tous pays que
le nombre des mâles excede d'un peu celui
des femmes ; en quoi ils font remarquer la
sagesse du Conseil des Dieux , qui a prohibé
la Polygamie. Mais ce qu'ils observent
de plus , c'est que ce n'est pas
dans
quelques Villes de pays de Vignobles seulement
qu'on trouve le nombre de mâles
excéder notablement celui de l'autre sexe ;
ils ajoûtent que cela se rencontre aussi
dans
2120 MERCURE DE FRANCE
›
dans des Villes où le mauvais usage est
resté de ne dissoudre les Alimens et de
n'éteindre la soif qu'avec dujus de pomme,
ou avec une certaine eau bouillie , et même
dans des Pays , où par un effet de notre
colere , les Animaux raisonnables et
les irraisonnables usent d'une seule et même
boisson. Les Habitans des Ifles Britanniques
, bons connoisseurs, de notre Vin
de Bourgogne se sont donné la peine
de faire là - dessus des supputations qui
sont restées sans replique. ( a )
و
Toutes ces raisons pesées et murement
examinées , dans notre Conseil , les Hippocrates
et les Galiens de toutes les Nations,
duement appellez , et entendus, ensemble
les Echansons de tous les Dieux
nos Freres ; NOUS DECLARONS les Vins
de notre bonne Ville d'Auxerre à perpetuité
superieurs en qualité à ceux de
Joigny , ainsi qu'ils l'étoient par le passé
et qu'ils le sont actuellement . Voulons
en outre que l'on mette dans le même
rang de superiorité tous Vignobles dont
les Vins supportent la limphe , ct qui au
lieu de se laisser vaincre par ce foible
Element , le parfument du goût de la
celeste ambrosie , que les Mortels appel-
( a ) Lifez les Transactions Philosophiques ,
Du Journaux de l'Académie des Sciences de`
Londres.
lent
SEPTEMBRE . 1731. 272T
lent du nom de Pinot , (i) et donnent
réellement à ceux qui en usent , des forces
perseverantes et fermement inhérentes
. Accordons de grace speciale aux Vins
de Joigny d'être d'usage aux déj ûnez de
nos Courtisans, qui les ont reconnus suffisamment
apéritifs et proportionnez à
l'exercice qu'ils prennent. Permettons pareillement
à notre Grand Bouteillier de
nous en servir au même repas , avec deffenses
, sous peine de leze- Majesté , de
nous en présenter en d'autres temps , et
sur tout à l'heure du coucher de Phébus,
et lorsque Morphée vient nous inviter
au repos. Deffendons d'usurper le titre
de superiorité , à tous Vignobles dont les
Vins ne donnent que de ces forces passageres
, qu'on ne voit briller que durant
quelques jours , lesquels n'étant point éta-
Blis sur celui de notre Jus qui a le plus
de solidité , disparoissent aisément , s'évanoüissent
à la longueur du travail , et
font succomber les Champions qui en
usoient habituellement , par un aveu forcé
de leur foiblesse et de leur insuffisance.
(a) Le Pinot est une espece de Raisin noir,
qui fait le meilleur Vin. Les Comptes de la
Ville d'Auxerre pariant des Présens de Vin ,
faits aux Princes , specifient ordinairement
qu'ils sont de Vin de Pinet,
D Faisons
2122 MERCURE DE FRANCE
Faisons les mêmes deffenses et prohibitions
à tous Vignobles quelconques , dont
les Vins contiennent trop de ce Nitre fatal
aux intestins des Buveurs , comme
étant sujets à y causer une relaxation qui
devient sensible et deshonnorante , lorsqu'elle
concourt avec certains exercices du
corps au milieu des chaleurs de la Canicule.
(a)
Er sera notre presente Déclaration affichée
ès Carrefours de la Ville de Joigny
, à ce que nul n'en ignore , et publiée
chaque année esdits lieux aux jours
suivans , par Nous spécialement choisis ,
pour raisons à Nous connues ; sçavoir
en. Août le jour de la Consecration, des,
Autels de la Déesse Ops et de Cérès . (b)
Item. En Septembre , le jour de la Dé-
(a) Il est clair que Bacchus veut parler ici
de l'antiperistase qui éclatta à Auxerre les premiersjours
d'Août de l'an 1723. lorsque le Vin
de cette Ville commença à combattre la bile
formée delongue main dans le corps des Joueurs
de Paulme de Joigny..
(b) Bacchus parle ici suivant le Calendrier
des anciens Romains ; Les quatre jours qu'il
indique répondent au 10. Août , 14. Septembre
1. Octobre et 1. janvier , jours des quatre For-
RES deJoigny et par consequent de grand concours.
C'est celle du 10. Août qui est la cause
du choix qu'a fait Bacchus.
dicace
SEPTEMBRE. 1731. 2823
dicace du Temple de Jupiter Capitolin.
De plus , aux Calendes d'Octobre et de
Janvier. SI MANDONS à nos Baillifs.
et Sénechaux , &c.
Il n'est
pas
nécessaire , Messieurs , de
vous prier de rendre publique une Ordonnance
si juste et si équitable , et à laquelle
#outes les Langues les plus fines de Paris et
des Pays- Bas ne manqueront pas d'applandir.
J'aurois souhaité d'en trouver un plus
grand nombre de pareille nature dans ce
précieux in Folio , qui me fût communiqué
fort poliment par l' Archiviste du Dieu Bac
chus. Mais je me souviens que cette Ordonnance
étoit la seule dans son genre , et qu'après
elle le Volume n'en contenoit qu'une à
baquelle le Sceau venoit d'être mis tout recem
ment après la tenue des Etats Generaux. C'est
celle qui défend de planter de la Vigne dans
des endroits qui ne conviennent point à ce
Bois. Cette derniere Ordonnance vient d'être
heureusement notifiée dans le Royaume de
France par les Publications et Placards ordinaires
; et il faut esperer que l'on tiendra la
main à son observation.
Je suis & c. ce 12. Juillet 1731.
Fermer
Résumé : VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
La lettre adressée aux auteurs du Mercure relate un voyage spirituel effectué par l'auteur dans les États de Bacchus en février 1731. Ce périple a permis à l'auteur de visiter les châteaux et palais des dieux du paganisme et de transcrire des ordonnances trouvées dans leurs bibliothèques. L'une de ces ordonnances, datée du printemps précédent, traite d'un ancien différend entre la Bourgogne et la Champagne concernant la primauté du vin. La déesse de la Paix avait tranché en faveur de la Bourgogne, dont le vin avait dominé dans un mélange testé par les deux parties. Un écrivain récent de l'Yonne a relancé ce débat en faveur des vins de Champagne, qualifiés de tendres et délicats, contrairement aux vins bourguignons, décrits comme ayant du corps et une couleur bien rosée. L'ordonnance de Bacchus réfute ces arguments, soulignant que les vins de Bourgogne proviennent de terroirs exceptionnels et sont reconnus pour leur qualité supérieure. Elle critique l'écrivain pour son manque de connaissance des vignobles bourguignons et son utilisation abusive des citations poétiques. L'ordonnance met en avant la supériorité des vins d'Auxerre et des environs, soutenue par des documents historiques et des inventaires modernes. Les vins de Joigny sont décrits comme de faible garde et produits dans des terroirs moins favorables. Ils ont un goût de terroir, sentent le tuf et le crayon, et sont de courte durée, s'altérant facilement même avant la fin de l'été. Leur faible corps les rend sensibles à l'eau, nécessitant souvent d'être mélangés avec d'autres vins pour éviter l'altération. Les vignerons de Joigny utilisent du 'lateux', une terre jaune tirée du domaine voisin, pour améliorer leur terroir. En revanche, les vins d'Auxerre n'ont pas besoin de tels amendements et sont jugés supérieurs en qualité. Ils sont reconnus pour leur solidité et leur capacité à résister à l'eau. Les vins de Joigny sont autorisés pour les déjeuners des courtisans mais interdits à d'autres moments. Le texte se conclut par des instructions pour afficher et publier ces déclarations à Joigny à des dates spécifiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1248-1251
CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Début :
MR le Comte de Chastellux, Brigadier des Armées du Roy, [...]
Mots clefs :
Cérémonie, Auxerre, Chastellux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
CEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usageCEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usage
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usageCEREMONIE singuliere , faite
dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Ma
R le Comte de Chastellux , Brigadier des Armées du Roy, Capitaine.
des Gens d'armes de Flandres , a pris possession le 2 de ce mois de Juin, de la Dignité de premier Chanoine héréditaire de
l'Eglise d'Auxerre , attachée à ceux de sa
Maison, qui sont Seigneurs Haut-Justiciers
de la Terre et Seigneurie de . Chastellux.
Cette Cérémonie fut faite avec beaucoup
d'éclat , et attira une foule prodigieuse
de monde dans la Cathedrale.
Il y avoit 84ans que M.son pere CesarPhilippe de Chastellux avoit été reçu .
On a commencé, suivant l'usage, par lä
faire prêter en Chapitre le serment en ces
termes: Nous,Guillaume - Antoine. Seigneur
Haut-Justicier de la Terre, Justice & Seigneurie de Chastellux , promettons vivre et
continuer en l'exercice de la Religion Catho-..
lique , Apostolique et Romaine , et que se...
rons bons et loyaux à l'Eglise et aux Duyen,
Changings , et Chapitre de l'Eglife Cathé 1. Vol.
drale
JUIN. 1732. 1249
drale de S. Etienne d'Auxerre , et aiderons
de tout notre pouvoir à garder et deffendre les
Droits, Terres , et Possessions et autres revenus appartenans à l'Eglise et ausdits
Doyen , Chanoines, et Chapitre , pourchasserons le bien , honneur et profit d'icelle Eglise, et desdits Doyen, Chanoines, et Chapitre,
et éviterons leur dommage de tout notre loyal
pouvoir. Ensuite il s'est présenté à la grande porte du Choeur, sous le Jubé,pendant
L'Office de Tierce , en habit Militaire
botté , éperonné , revétu d'un Surplis , le
Baudrier , avec l'Epée par dessus , Gánté
des deux mains , ayane sur le bras gauche
une Aumusse,et sur le Poing un Faucon,
tenant de la main droite un Chapeau bordé, couvert d'une plume blanche.Il a été
ainsi conduit en sa place , qui est dans les
hautes - Chaires , du côté droit , entre
celle du Pénitencier et celle du Sou- Chantre.
Cette ceremonie s'est trouvée convenir
avec l'Office des Fêtes de la Pentecôte.On
avoit depuis quelques temps destiné la 3ª
Fête pour la solemnité d'une Translation i
de Reliques de S. Prix et de ses Compagnons ; elle se fit après que M. l'Evêque
d'Auxerre eut prêché sur ce sujet. La
Grande Messe fut suivie de la Procession,
où M. l'Evêque officia . M. le Comte de
1. Vol. I vj Chas
1250 MERCURE DE FRANCE
Chastellux y assista à son rang de premier Chanoine, avec les mêmes véremens
que la veille d'après midi ; il parut à Vêpres en sa place , sans autre distinction du
reste des Laïques que son Aumusse Canoniale sur le bras , parce que selon le titre
il lui est loisible d'assister à l'Office sans
Surplis , ou avec un Surplis ; mais il doit
toûjours avoir une Aumusse , se confor
mer au surplus pour se découvrir et recouvrir , se lever et s'asseoir &c. au
reste du Clergé.
L'origine de ce droit est de l'année 1423.
pendant laquelle Claude de Beauvoir
Seigneur de Chastellux , à l'aide de ses
parens , alliez et amis , ainsi qu'il est rapporté dans les Chartes , ayant chassé des
Brigans qui occupoient la Ville de Cravan,
appartenante au Chapitre d'Auxerre ; il
y fut ensuite assiegé par des Troupes reglées ; il soutint le Siege pendant cinq
semaines , après lesquelles ayant été secouru il fit une sortie , aida à défaire les
Assiegeans, et fit prisonnier le Connétable
d'Ecosse , leur General. La Ville étant délivrée , il la remit sans aucun dédommagement entre les mains du Chapitre d'Auxerre , lequel , en reconnoissance , lui ac
corda et à ceux de sa posterité , posses
seurs de la Terre , Justice et Seigneuri
་
I. Vol. d
JUIN. 1732. 1251
de Chastellux, le droit dont il a été parlé,
et celui d'assister au Choeur avec ses habits de guerre et ceux d'Eglise.
Claude de Beauvoir est le même qui
avoit été fait Maréchal de France en 1418.
et qui prêta serment en cette qualité le
6 Juin de cette année. Il est enterré dans
l'Eglise d'Auxerre avec Georges de Beauvoir, son frere , Amiral de France. Ses
descendans, en droite ligne, ont joïi jusqu'à present de ce droit. En 1683. le Roy
Louis XIV. passant par Auxerre , y fut
reçû par M. l'Evêque et le Chapitre en
Corps. M.le Comte de Chastellux , pere,
étoit parmi les Chanoines avec l'habillement qui a été décrit. Sa Majesté fut trèsattentive à cette distinction. Elle témoigna qu'elle la trouvoit très-honorable.
Tout ce qui est ici rapporté est tiré des
Chartes du Chapitre de l'Eglise d'Auxerre,.
des Registres du Parlement de Paris , et de
Monstrelet , Historien.
On prie la Personne qui a envoyé ce Memoire, d'apprendre au Public s'il y a Jans
I'Histoire quelque vestiged'un pareil usage
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Résumé : CEREMONIE singuliere, faite dans l'Eglise Cathedrale d'Auxerre.
Le 2 juin 1732, le Comte de Chastellux, Brigadier des Armées du Roy et Capitaine des Gens d'armes de Flandres, a pris possession de la dignité de premier Chanoine héréditaire de l'Église d'Auxerre. Cette cérémonie, qui a eu lieu 84 ans après celle de son père, César-Philippe de Chastellux, a été marquée par un grand éclat et une affluence considérable. Le Comte a prêté serment en Chapitre, promettant de vivre selon la Religion Catholique, Apostolique et Romaine, et de défendre les droits et possessions de l'Église d'Auxerre. Vêtu d'un habit militaire et d'un surplis, il a été conduit à sa place dans les hautes-chaires du chœur. Cette cérémonie coïncidait avec les fêtes de la Pentecôte et la translation des reliques de Saint Prix et de ses compagnons. Le Comte a assisté à la Grande Messe, à la procession et aux vêpres, conformément à ses privilèges héréditaires. Ces privilèges remontent à 1423, lorsque Claude de Beauvoir, Seigneur de Chastellux, avait libéré la ville de Cravan des brigands et avait été récompensé par le Chapitre d'Auxerre. Claude de Beauvoir, Maréchal de France en 1418, est enterré dans l'Église d'Auxerre avec son frère Georges, Amiral de France. En 1683, Louis XIV avait remarqué cette distinction lors de son passage à Auxerre. Les informations rapportées proviennent des chartes du Chapitre de l'Église d'Auxerre, des registres du Parlement de Paris et de l'historien Monstrelet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1471-1481
LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
Début :
Comme je me suis apperçû depuis que j'ai l'honneur [...]
Mots clefs :
Nouveau Saint, Église, Auxerre, Père, Autel, Culte, Évêque, Recueils de Bollandus
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
LETTRE de M. le B. Sous Chantre
de la Cathédrale d'Auxerre , au R. P.
Du Sollier , Jesuite d'Anvers , Continuateur des Recueils de Bollandus , touchant
un nouveau Saint , Chanoine du Diocèse
de Nevers.
Omme je me suis apperçû depuis
Cque j'ai l'honneur d'être connu de
vous , Mon Reverend Pere , que vous
n'excluez de votre immense Recueil
d'Acta Sanctorum , aucun des Personnages
qui sont honorez comme Saints ou com
me Bienheureux , dans quelque Eglise
que ce soit , pourvû que les marques de
culte soient exterieures ; jay crû que je
devois vous faire part de la connoissance
qui m'est venuë depuis peu d'un saint
Personnage ,.qui a fini ses jours dans une
Eglise voisine de la nôtre. Ce Saint est
du Diocèse de Nevers , qui , comme vous
sçavcz, confine à celui d'Auxerre , et qui
A vj borne
1472 MERCURE DE FRANCE
borne du côté de Midy la Province Ecclesiastique de Sens.
C'est une opinion assez communément
reçûë , que les Cloîtres et les Deserts ont
formé plus de Saints que les Villes. Depuis que les persécutions cesserent de faire des Martyrs , on ne vit plus que des
saints Anachorettes, quelques saintes Vierges ; on vit encore des Evêques, se sanctifier de temps en temps par leurs travaux Apostoliques ; mais le nombre dominant ne parut point être dans le Clergé
Séculier du second Ordre , quoique les
Martyrologes & les Calendriers ne laissent.pas de fournir un certain nombre
de S. Prêtres , plusieurs Diacres , Soudiacres et même des Clercs , à qui leur sainteté attestée par les Miracles , a fait décerner un culte public.
Mon but n'est point d'examiner ici
pourquoi depuis l'introduction des formes solemnelles de la Canonization , il
y a un si grand nombre de Religieux
canonisez , et si peu de ceux qui se sont
consacrez au Seigneur dans le Clergé Séculier. J'ai dessein seulement , Mon R.P.
de vous faire connoître aujourd'hui un
S. Chanoine d'une Eglise Collegiale , située presque au cœur du Royaume , et
cependant dans un Pays fort solitaire ,
je.
JUILLET. 1732. 1473
je veux dire dans le milieu du Nivernois.
Ce sont deux raisons pressantes qui
m'engagent à vous en écrire dès-à- présent,
la premiere est que vous avancez actuel
lément dans le mois d'Août , mois auquel
il est décedé ; la seconde est parce que
l'on vient de réïterer tout nouvellement
à son égard des marques de culte qui nesont dûës qu'aux Saints.
Ce Bienheureux personnage s'appelle
Nicolas Appleine. Je n'ai pû encore ap--
prendre quelles furent ses actions ; mais
les Miracles qu'il a operez depuis sa mort
prouvent suffisamment sa sainteté. Com
me il ne mourut que sous Louis XI. ces
Miracles ont presque été connus des
Ayeuls de nos Peres. Premery est la petite Ville où il fut Chanoine- Prêtre dans
l'Eglise de S. Marcel. (a) C'est un endroit
fort écarté du tumulte du siecle , et dans
lequel un Chanoine qui ne se propose
que le culte de Dieu , dégagé de toute
affection terrestre , et le soulagement du
Prochain , principalement des Pauvres ,
peut , en menant une vie simple et mortifiée , mériter la Couronne due aux fideles Serviteurs.
On présume que c'est la pratique de ces
( a ) C'est S. Marcel , Martyr de Châllon , du
4. Septembre.
vertus
1474 MERCURE DE FRANCE
vertus qui a fait regarder Nicolas Appleine comme un Saint. Je ne puis vous
en dire rien davantage , jusqu'à- ce que
j'aye reçû des Memoires de sa vie , qu'on
craint fort de ne pas retrouver , parce
qu'ils peuvent avoir été perdus dans le
temps des guerres.
”
gauMais au défaut de ces preuves efficientes de sainteté , je vous marquerai ici
celles qui les supposent comme arrivées et reconnuës. Ce bienheureux Chanoine
mourut l'onzième jour d'Août de l'année
1466. qui étoit le sixième de l'Episcopat
de Pierre de Fontenay , Evêque de Nevers, et du regne de Louis XI.il fut inhumé dans l'Eglise de Premery , à côté
che du grand Autel. Le Prélat et le Prince étant informez de sa sainteté et des
Miracles qui s'opéroient à son Tombeau concoururent à l'établissement de son
culte. Un titre du 14. May 1483. porte- entre autres articles : 1 ° L'érection d'un
Autel à la tête du Tombeau du Bienheureux, par Messire Pierre de Fontenay ,.
Evêque de Nevers , à la priere du Roy
Louis XI. 2°. L'établissement d'une Confrerie en son honneur. 3 ° .L'établissement
d'une Fête aussi en son honneur,fixée au 12.
Août , lendemain de sa mort , le tout à la
requête des Doyen et Chanoines de cette
Eglise,
JUILLET. 17325 147
Eglise , en conséquence des miracles fré
quens qui continuoient au même tom
beau, et desquels l'Evêque même assura
avoir été témoin. L'Autel , dont ce titre
fait mention , étoit orné d'un Tableau ,
qui contenoit les armes de ce Prélat¸et où
le Bienheureux Chanoine étoit representé
guérissant un homme affligé de la vuë ; et
ce Tableau est encore existant dans la même Eglise , avec les mêmes Armoiries..
Jean Boyer , qui succeda à Pierre de
Fontenai , confirma par acte du 25 Septembre 1508. tout ce que son prédecesseur avoit fait en faveur du culte du B.
Nicolas. On voit par d'autres titres , des
années 1484 et 1486. que la Confrerie, érigée en l'honneur du Saint , fut publiée
par les Députez du Chapitre de Prémery
dans les Diocèses voisins , et que les Evêques y donnoient les mains. Mais le titre
le plus remarquable après ceux - là , est une
Lettre de Louis XI.à Pierre de Fontenay,
par laquelle il le remercie de ce qu'il lui
a fait apporter la Robbe du B. Nicolas ,
par la sœur de ce saint homme , et l'assure qu'il envoyeau Chapitre de Prémery ,
un Coffre pour la conserver , ajoutant
qu'on lui fera un singulier plaisir d'en avoir
toujours mémoire , et de publier la dévotion
qu'il a euë envers ce Bienheureux Prêtre.
Сесу
1476 MERCURE DE FRANCE
Cecy ressent assez le style des Lettres
de ce Prince , et vous n'en pouvez douter,
parce que je tiens toutes les choses que je
vous ai rapportées jusqu'icy , d'une personne grave qui a vû les originaux. Le
Corps de ce Saint Personnage , continuë
cette personne , resta au tombeau dans ça
situation naturelle , jusqu'au temps d'Eustache de Chery , Evêque de Nevers. Ce
Prélat crut devoir y apporter quelque
changement. Il fit démolir ce qui étoit
élevé à l'exterieur de la sépulture , et en
place,il lui fit rédiger une Epitaphe qu'on
grava sur la Tombe qu'il fit apposer. En
voicy les termes : Facet hic bone memoria
vir et sancta vita Nicolaus Appleine, Presbyter Canonicus Premeriaci , qui ob crebra
ejus miracula creditur Beatus. Obiit XI. Augusti anno 1466. In memoria æterna erit
justus. Monumentum hoc positum fuit curâ
Eustachii de Chery, Episcopi Nivernensis
anno 1646. On juge par la situation où
l'on a trouvé dernierement les ossemens
du B. Nicolas , de ce que l'Evêque Eustache avoit fait à leur égard. La Tombe
ayant été levée , il a paru une Maçonnerie , au dedans de laquelle étoit une Caisse de plomb , longue de deux pieds et
demi , qui contient tous les ossemens ; et
l'ancien Autel élevé sous l'invocation du
Saint
JUILLET. 1732. 1477
Saint , ayant été détruit en cette presen
te année 1731. comme nuisant aux céré
monies , la Caisse des saints ossemens a
été portée solemnellement dans l'inté
rieur d'un autre Autel , érigé expressément sous le même titre , au fond de l'Eglise , derriere le grand Autel. Cette cé
rémonie a été faite par les ordres de Messire Charles Fontaine des Montées , Evêque de Nevers , le Mardy 3 jour de Juillet dernier , depuis lequel temps. il y a
une affluence bien plus grande qu'aupa
ravantà ces saintes Reliques , et un grand
nombre de Malades se trouvent guéris ou
soulagez par son intercession.
✓
Si la vie de ce S. Prêtre ne se trouve
pas avant que vous soyez parvenu au onziéme jour d'Aoust, ceci servira toujours,
mon R. P. pour fournir à vos Lecteurs
une notice de son culte ; lequel suppose
certainement une sainteté de vie , confirmée par des miracles arrivez peu après sa
mort. C'est , ce me semble, ce qui suffic
pour meriter d'être inséré dans votre Recueil ; au moins je suis certain que si M.
l'Abbé Chastelain , notre ami commun ,
avoit eu connoissance de ce Saint Chanoi
ne ,il l'eut mis dans son Martyrologe uni
versel , au nombre des Bienheureux .Vous
avez , sans doute , remarqué combien il
y
1478 MERCURE DE FRANCE
y a mis de Saints Prêtres du dernier siécle , en qualité de Venerables , lesquels
nesont canonisez que dans l'esprit des
peuples , et qui attendent la voix des
Prélats , pour avoir un culte plus solemnel , quoiqu'on dise ordinairement , vox
populi , vox Dei.
Permettez, mon Reverend Pere , qu'à
cette occasion je vous fasse mes remercimens particuliers , au sujet de la maniere
dont vous et le R. P. Pierre Vandenbosch , venez de traitter au 31. de Juillet
Particle de S. Germain , Evêque d'Auxerre. Vous rendez à ce saint Prélat toute
La gloire qui lui est due ; et votre exemple ne peut que causer de vifs remords
dans l'esprit de certains Reviseurs de Breviaire , qui depuis quelques années ont
fait semblant de méconnoître ce grand
Thaumaturge des Gaules , et en particulier de leur propre Païs , et qui n'ont pas
craint de le biffer entierement du Calendrier. Qui ne doit être content dans notre Diocèse, de la maniere dont vous vous
réunissez à faire son éloge ? En mêmetemps que le Pere de Longueval , votre
confrere , écrit à Paris , que S. Germain
Evêque d'Auxerre , a été l'un des parfaits
modeles de Sainteté , un des plus ardens deffenseurs de la Foy, l'honneur et la consola-
•
tion
JUILLET. 1732. 1479
tion de l'Eglise Gallicane , le Fléau de l'hé
résie , le Pere des peuples , be refuge de tous
les malheureux ( a). Vous confirmez par
votre suffrage , que ce Saint est le seul
que l'ancienne Eglise Gallicane ait comparé au grand S.Martin de Tours, et vous
ajoutez qu'on trouve indifferemment par
tout le Royaume , des Eglises sous l'invocation de l'un comme de l'autre ; en
sorte même qu'on en voit trois , sans sortir de Paris. Et cette multitude étonnante
d'Eglises qui se trouve sous son nom
dans la France , est sans exclure celles.
qui sont ou qui ont existé dans les Royaumes étrangers , et sur tout dans la Grande Bretagne.
Cette étendue et solemnité de culte est
conforme , selon vous , au témoignage de
S. Sidoine Apollinaire , Evêque de Clermont, excellent connoisseur, lequel voulant faire un parallele de S. Agnan , Evêque d'Orleans , avec les plus grands Prélats de son siecle , ne trouvoit point sur
qui il put mieux établir sa comparaison ,
que sur les excellentes vertus de S. Germain d'Auxerre, et de S.Loup de Troyes.
Germano Autissiodorensi, dites - vous , si
quid in Galliis majus atate suâ novisset S.
Apollinaris Sidonius , non satis opinor cx
(a ) Hist. de l'Eglise Gallicane , tom. 1. p-457- arte
1480 MERCURE DE FRANCE
arte laudasset , lib. 8. Epist. 15. S. Ania
num Maximum consummatissimumque
Pontificem , cùm illum diceret, Lupo parem,
Germanoque non imparem. Sedprivata",
ajoutez-vous , que justò longius ablucerent,
mittamus elogia ; quando idem de illo sensus
fuit universa pridem Ecclesia Gallicana ,
qua Sanctis cum indigenis omnibus prætulisse
cultu videatur ac soli Martino Turonensi
ut
exaquasse; cum hujus haudfortè plures quàm
illius nomine dicatas toto passim regno exci
tavit Ecclesias , et in una quidem urbe Pa- risiensi Germano Autissiodorensi , , teste
Bailleto , tres. Prætereà gentes alias atque
imprimis Britannicam , qua ut liquet et Alfordi nostri Annalibus ad annum Christi
441. num. 2. vix ipsis Gallis concedere in
bacparte voluit, structis ejus nominis templis,oppidis , Monasteriis et altaribus (a) ,
Je mets icy ce Texte en entier, non pour
vous rappeller ce que vous sçavez mieux
que moi , mais parce qu'en envoyant ma
lettre à Paris , à l'un de mes amis, qui doit
vous la faire tenir, je suis bien- aise de lui
épargner la peine de recourir à votre dernier Tome de Juillet , qui est peut être
encore assez rare dans cette grande Ville ,
puisqu'il ne fait que commencer à
roître.
pa-
( a ) Acta Sanctorum, Julii. T^m. 7. pag.184.
J'ai
JUILLET. 1732 1481
J'ai lû avec attention tout ce que vous
y dites , contre l'opinion de ceux qui
croïent que les os de S. Germain ne furent pas brulez par les Calvinistes en
1566 ; mais je ne suis point encore per22
suadé
que ce soit
la voie
du feu , que
par
ces saints ossemens se trouvent aujourd'hui soustraits à la veneration des Fideles , et j'espere m'étendre un jour là-dessus,dans mon Histoire des Evêques d'Auxerre. Je suis fâché que vous n'ayez pas
connu deux Manuscrits du Prêtre Constance , qui sont à la Bibliotheque du Roy;
l'un copié au neuviéme siécle sur celui
que les Moines de Saint Germain avoient
présenté à Dagobert I. et l'autre écrit au
commencement du même siecle , par les
soins ou de la plume même d'un nommé
Gundoin , connu par ce qu'en dit le Pere
Martenne dans son premier voyage litteraire , à l'article d'Autun. Ces Manuscrits
m'ont paru être aussi dignes de votre attention que celui de la Cathédrale d'Autan , qui roule presque tout entier sur
notre Saint , et dont vous avez donné
quelques lambeaux qu'en avoit extrait le
P. Chifflet , votre Confrere. Je suis, &c.
AAuxerre, ce 24 Octobre 1731 ,
de la Cathédrale d'Auxerre , au R. P.
Du Sollier , Jesuite d'Anvers , Continuateur des Recueils de Bollandus , touchant
un nouveau Saint , Chanoine du Diocèse
de Nevers.
Omme je me suis apperçû depuis
Cque j'ai l'honneur d'être connu de
vous , Mon Reverend Pere , que vous
n'excluez de votre immense Recueil
d'Acta Sanctorum , aucun des Personnages
qui sont honorez comme Saints ou com
me Bienheureux , dans quelque Eglise
que ce soit , pourvû que les marques de
culte soient exterieures ; jay crû que je
devois vous faire part de la connoissance
qui m'est venuë depuis peu d'un saint
Personnage ,.qui a fini ses jours dans une
Eglise voisine de la nôtre. Ce Saint est
du Diocèse de Nevers , qui , comme vous
sçavcz, confine à celui d'Auxerre , et qui
A vj borne
1472 MERCURE DE FRANCE
borne du côté de Midy la Province Ecclesiastique de Sens.
C'est une opinion assez communément
reçûë , que les Cloîtres et les Deserts ont
formé plus de Saints que les Villes. Depuis que les persécutions cesserent de faire des Martyrs , on ne vit plus que des
saints Anachorettes, quelques saintes Vierges ; on vit encore des Evêques, se sanctifier de temps en temps par leurs travaux Apostoliques ; mais le nombre dominant ne parut point être dans le Clergé
Séculier du second Ordre , quoique les
Martyrologes & les Calendriers ne laissent.pas de fournir un certain nombre
de S. Prêtres , plusieurs Diacres , Soudiacres et même des Clercs , à qui leur sainteté attestée par les Miracles , a fait décerner un culte public.
Mon but n'est point d'examiner ici
pourquoi depuis l'introduction des formes solemnelles de la Canonization , il
y a un si grand nombre de Religieux
canonisez , et si peu de ceux qui se sont
consacrez au Seigneur dans le Clergé Séculier. J'ai dessein seulement , Mon R.P.
de vous faire connoître aujourd'hui un
S. Chanoine d'une Eglise Collegiale , située presque au cœur du Royaume , et
cependant dans un Pays fort solitaire ,
je.
JUILLET. 1732. 1473
je veux dire dans le milieu du Nivernois.
Ce sont deux raisons pressantes qui
m'engagent à vous en écrire dès-à- présent,
la premiere est que vous avancez actuel
lément dans le mois d'Août , mois auquel
il est décedé ; la seconde est parce que
l'on vient de réïterer tout nouvellement
à son égard des marques de culte qui nesont dûës qu'aux Saints.
Ce Bienheureux personnage s'appelle
Nicolas Appleine. Je n'ai pû encore ap--
prendre quelles furent ses actions ; mais
les Miracles qu'il a operez depuis sa mort
prouvent suffisamment sa sainteté. Com
me il ne mourut que sous Louis XI. ces
Miracles ont presque été connus des
Ayeuls de nos Peres. Premery est la petite Ville où il fut Chanoine- Prêtre dans
l'Eglise de S. Marcel. (a) C'est un endroit
fort écarté du tumulte du siecle , et dans
lequel un Chanoine qui ne se propose
que le culte de Dieu , dégagé de toute
affection terrestre , et le soulagement du
Prochain , principalement des Pauvres ,
peut , en menant une vie simple et mortifiée , mériter la Couronne due aux fideles Serviteurs.
On présume que c'est la pratique de ces
( a ) C'est S. Marcel , Martyr de Châllon , du
4. Septembre.
vertus
1474 MERCURE DE FRANCE
vertus qui a fait regarder Nicolas Appleine comme un Saint. Je ne puis vous
en dire rien davantage , jusqu'à- ce que
j'aye reçû des Memoires de sa vie , qu'on
craint fort de ne pas retrouver , parce
qu'ils peuvent avoir été perdus dans le
temps des guerres.
”
gauMais au défaut de ces preuves efficientes de sainteté , je vous marquerai ici
celles qui les supposent comme arrivées et reconnuës. Ce bienheureux Chanoine
mourut l'onzième jour d'Août de l'année
1466. qui étoit le sixième de l'Episcopat
de Pierre de Fontenay , Evêque de Nevers, et du regne de Louis XI.il fut inhumé dans l'Eglise de Premery , à côté
che du grand Autel. Le Prélat et le Prince étant informez de sa sainteté et des
Miracles qui s'opéroient à son Tombeau concoururent à l'établissement de son
culte. Un titre du 14. May 1483. porte- entre autres articles : 1 ° L'érection d'un
Autel à la tête du Tombeau du Bienheureux, par Messire Pierre de Fontenay ,.
Evêque de Nevers , à la priere du Roy
Louis XI. 2°. L'établissement d'une Confrerie en son honneur. 3 ° .L'établissement
d'une Fête aussi en son honneur,fixée au 12.
Août , lendemain de sa mort , le tout à la
requête des Doyen et Chanoines de cette
Eglise,
JUILLET. 17325 147
Eglise , en conséquence des miracles fré
quens qui continuoient au même tom
beau, et desquels l'Evêque même assura
avoir été témoin. L'Autel , dont ce titre
fait mention , étoit orné d'un Tableau ,
qui contenoit les armes de ce Prélat¸et où
le Bienheureux Chanoine étoit representé
guérissant un homme affligé de la vuë ; et
ce Tableau est encore existant dans la même Eglise , avec les mêmes Armoiries..
Jean Boyer , qui succeda à Pierre de
Fontenai , confirma par acte du 25 Septembre 1508. tout ce que son prédecesseur avoit fait en faveur du culte du B.
Nicolas. On voit par d'autres titres , des
années 1484 et 1486. que la Confrerie, érigée en l'honneur du Saint , fut publiée
par les Députez du Chapitre de Prémery
dans les Diocèses voisins , et que les Evêques y donnoient les mains. Mais le titre
le plus remarquable après ceux - là , est une
Lettre de Louis XI.à Pierre de Fontenay,
par laquelle il le remercie de ce qu'il lui
a fait apporter la Robbe du B. Nicolas ,
par la sœur de ce saint homme , et l'assure qu'il envoyeau Chapitre de Prémery ,
un Coffre pour la conserver , ajoutant
qu'on lui fera un singulier plaisir d'en avoir
toujours mémoire , et de publier la dévotion
qu'il a euë envers ce Bienheureux Prêtre.
Сесу
1476 MERCURE DE FRANCE
Cecy ressent assez le style des Lettres
de ce Prince , et vous n'en pouvez douter,
parce que je tiens toutes les choses que je
vous ai rapportées jusqu'icy , d'une personne grave qui a vû les originaux. Le
Corps de ce Saint Personnage , continuë
cette personne , resta au tombeau dans ça
situation naturelle , jusqu'au temps d'Eustache de Chery , Evêque de Nevers. Ce
Prélat crut devoir y apporter quelque
changement. Il fit démolir ce qui étoit
élevé à l'exterieur de la sépulture , et en
place,il lui fit rédiger une Epitaphe qu'on
grava sur la Tombe qu'il fit apposer. En
voicy les termes : Facet hic bone memoria
vir et sancta vita Nicolaus Appleine, Presbyter Canonicus Premeriaci , qui ob crebra
ejus miracula creditur Beatus. Obiit XI. Augusti anno 1466. In memoria æterna erit
justus. Monumentum hoc positum fuit curâ
Eustachii de Chery, Episcopi Nivernensis
anno 1646. On juge par la situation où
l'on a trouvé dernierement les ossemens
du B. Nicolas , de ce que l'Evêque Eustache avoit fait à leur égard. La Tombe
ayant été levée , il a paru une Maçonnerie , au dedans de laquelle étoit une Caisse de plomb , longue de deux pieds et
demi , qui contient tous les ossemens ; et
l'ancien Autel élevé sous l'invocation du
Saint
JUILLET. 1732. 1477
Saint , ayant été détruit en cette presen
te année 1731. comme nuisant aux céré
monies , la Caisse des saints ossemens a
été portée solemnellement dans l'inté
rieur d'un autre Autel , érigé expressément sous le même titre , au fond de l'Eglise , derriere le grand Autel. Cette cé
rémonie a été faite par les ordres de Messire Charles Fontaine des Montées , Evêque de Nevers , le Mardy 3 jour de Juillet dernier , depuis lequel temps. il y a
une affluence bien plus grande qu'aupa
ravantà ces saintes Reliques , et un grand
nombre de Malades se trouvent guéris ou
soulagez par son intercession.
✓
Si la vie de ce S. Prêtre ne se trouve
pas avant que vous soyez parvenu au onziéme jour d'Aoust, ceci servira toujours,
mon R. P. pour fournir à vos Lecteurs
une notice de son culte ; lequel suppose
certainement une sainteté de vie , confirmée par des miracles arrivez peu après sa
mort. C'est , ce me semble, ce qui suffic
pour meriter d'être inséré dans votre Recueil ; au moins je suis certain que si M.
l'Abbé Chastelain , notre ami commun ,
avoit eu connoissance de ce Saint Chanoi
ne ,il l'eut mis dans son Martyrologe uni
versel , au nombre des Bienheureux .Vous
avez , sans doute , remarqué combien il
y
1478 MERCURE DE FRANCE
y a mis de Saints Prêtres du dernier siécle , en qualité de Venerables , lesquels
nesont canonisez que dans l'esprit des
peuples , et qui attendent la voix des
Prélats , pour avoir un culte plus solemnel , quoiqu'on dise ordinairement , vox
populi , vox Dei.
Permettez, mon Reverend Pere , qu'à
cette occasion je vous fasse mes remercimens particuliers , au sujet de la maniere
dont vous et le R. P. Pierre Vandenbosch , venez de traitter au 31. de Juillet
Particle de S. Germain , Evêque d'Auxerre. Vous rendez à ce saint Prélat toute
La gloire qui lui est due ; et votre exemple ne peut que causer de vifs remords
dans l'esprit de certains Reviseurs de Breviaire , qui depuis quelques années ont
fait semblant de méconnoître ce grand
Thaumaturge des Gaules , et en particulier de leur propre Païs , et qui n'ont pas
craint de le biffer entierement du Calendrier. Qui ne doit être content dans notre Diocèse, de la maniere dont vous vous
réunissez à faire son éloge ? En mêmetemps que le Pere de Longueval , votre
confrere , écrit à Paris , que S. Germain
Evêque d'Auxerre , a été l'un des parfaits
modeles de Sainteté , un des plus ardens deffenseurs de la Foy, l'honneur et la consola-
•
tion
JUILLET. 1732. 1479
tion de l'Eglise Gallicane , le Fléau de l'hé
résie , le Pere des peuples , be refuge de tous
les malheureux ( a). Vous confirmez par
votre suffrage , que ce Saint est le seul
que l'ancienne Eglise Gallicane ait comparé au grand S.Martin de Tours, et vous
ajoutez qu'on trouve indifferemment par
tout le Royaume , des Eglises sous l'invocation de l'un comme de l'autre ; en
sorte même qu'on en voit trois , sans sortir de Paris. Et cette multitude étonnante
d'Eglises qui se trouve sous son nom
dans la France , est sans exclure celles.
qui sont ou qui ont existé dans les Royaumes étrangers , et sur tout dans la Grande Bretagne.
Cette étendue et solemnité de culte est
conforme , selon vous , au témoignage de
S. Sidoine Apollinaire , Evêque de Clermont, excellent connoisseur, lequel voulant faire un parallele de S. Agnan , Evêque d'Orleans , avec les plus grands Prélats de son siecle , ne trouvoit point sur
qui il put mieux établir sa comparaison ,
que sur les excellentes vertus de S. Germain d'Auxerre, et de S.Loup de Troyes.
Germano Autissiodorensi, dites - vous , si
quid in Galliis majus atate suâ novisset S.
Apollinaris Sidonius , non satis opinor cx
(a ) Hist. de l'Eglise Gallicane , tom. 1. p-457- arte
1480 MERCURE DE FRANCE
arte laudasset , lib. 8. Epist. 15. S. Ania
num Maximum consummatissimumque
Pontificem , cùm illum diceret, Lupo parem,
Germanoque non imparem. Sedprivata",
ajoutez-vous , que justò longius ablucerent,
mittamus elogia ; quando idem de illo sensus
fuit universa pridem Ecclesia Gallicana ,
qua Sanctis cum indigenis omnibus prætulisse
cultu videatur ac soli Martino Turonensi
ut
exaquasse; cum hujus haudfortè plures quàm
illius nomine dicatas toto passim regno exci
tavit Ecclesias , et in una quidem urbe Pa- risiensi Germano Autissiodorensi , , teste
Bailleto , tres. Prætereà gentes alias atque
imprimis Britannicam , qua ut liquet et Alfordi nostri Annalibus ad annum Christi
441. num. 2. vix ipsis Gallis concedere in
bacparte voluit, structis ejus nominis templis,oppidis , Monasteriis et altaribus (a) ,
Je mets icy ce Texte en entier, non pour
vous rappeller ce que vous sçavez mieux
que moi , mais parce qu'en envoyant ma
lettre à Paris , à l'un de mes amis, qui doit
vous la faire tenir, je suis bien- aise de lui
épargner la peine de recourir à votre dernier Tome de Juillet , qui est peut être
encore assez rare dans cette grande Ville ,
puisqu'il ne fait que commencer à
roître.
pa-
( a ) Acta Sanctorum, Julii. T^m. 7. pag.184.
J'ai
JUILLET. 1732 1481
J'ai lû avec attention tout ce que vous
y dites , contre l'opinion de ceux qui
croïent que les os de S. Germain ne furent pas brulez par les Calvinistes en
1566 ; mais je ne suis point encore per22
suadé
que ce soit
la voie
du feu , que
par
ces saints ossemens se trouvent aujourd'hui soustraits à la veneration des Fideles , et j'espere m'étendre un jour là-dessus,dans mon Histoire des Evêques d'Auxerre. Je suis fâché que vous n'ayez pas
connu deux Manuscrits du Prêtre Constance , qui sont à la Bibliotheque du Roy;
l'un copié au neuviéme siécle sur celui
que les Moines de Saint Germain avoient
présenté à Dagobert I. et l'autre écrit au
commencement du même siecle , par les
soins ou de la plume même d'un nommé
Gundoin , connu par ce qu'en dit le Pere
Martenne dans son premier voyage litteraire , à l'article d'Autun. Ces Manuscrits
m'ont paru être aussi dignes de votre attention que celui de la Cathédrale d'Autan , qui roule presque tout entier sur
notre Saint , et dont vous avez donné
quelques lambeaux qu'en avoit extrait le
P. Chifflet , votre Confrere. Je suis, &c.
AAuxerre, ce 24 Octobre 1731 ,
Fermer
Résumé : LETTRE de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, au R. P. Du Sollier, Jesuite d'Anvers, Continuateur des Recueils de Bollandus, touchant un nouveau Saint, Chanoine du Diocèse de Nevers.
La lettre de M. le B. Sous Chantre de la Cathédrale d'Auxerre, adressée au R. P. Du Sollier, Jésuite d'Anvers, traite de Nicolas Appleine, un chanoine du diocèse de Nevers. L'auteur note que le R. P. Du Sollier inclut dans ses 'Acta Sanctorum' tous les personnages honorés comme saints ou bienheureux, à condition que les marques de culte soient extérieures. Il observe que les cloîtres et les déserts ont produit plus de saints que les villes et que, depuis la fin des persécutions, les saints sont principalement des anachorètes, des vierges et quelques évêques. Nicolas Appleine, chanoine de l'église de Saint-Marcel à Premery, est décédé le 11 août 1466 sous le règne de Louis XI. Plusieurs miracles lui ont été attribués, et des marques de culte lui ont été rendues. Pierre de Fontenay, évêque de Nevers, et Louis XI ont contribué à l'établissement de son culte, notamment par l'érection d'un autel et la création d'une confrérie en son honneur. Des documents et des témoignages, tels qu'une lettre de Louis XI et des actes épiscopaux, attestent de la sainteté de Nicolas Appleine. L'auteur espère que cette notice permettra d'inclure Nicolas Appleine dans le recueil des saints, même en l'absence de détails sur sa vie, en raison des miracles posthumes qui confirment sa sainteté. Il conclut en exprimant son admiration pour la manière dont le R. P. Du Sollier et le R. P. Pierre Vandenbosch ont honoré saint Germain, évêque d'Auxerre, dans leur dernier tome de juillet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 442-452
REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
Début :
J'ai lû, Monsieur, avec bien du plaisir, la Relation que vous avez donnée jusqu'icy [...]
Mots clefs :
Auxerre, Bayeux, Normandie, Renobert, Saints, Église, Églises, Confraternité, Mémoires, Diocèse, Reliques, Chasuble, Exupère, Dom Mabillon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
REMARQUES sur quelques endroits
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
Fermer
Résumé : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
En mars 1733, l'auteur écrit à M. D. L. R. pour exprimer son plaisir d'avoir lu neuf lettres relatant un voyage en Normandie, notamment la dernière parue dans le Mercure d'octobre précédent, qui traite de Bayeux. L'auteur, ayant visité Bayeux avant l'âge de vingt ans, mentionne que cette lettre évoque l'évêque Saint Renobert, sa chasuble et le coffre d'ivoire qui la contient, des éléments qu'il a observés en octobre 1707. L'auteur a mené des recherches sur Saint Renobert sept ans avant la publication de M. D. L. R. et a apprécié les informations des Mémoires de Trévoux d'octobre 1714. Il note une controverse sur le siècle auquel appartenait Saint Renobert, avec des débats en 1709. La version victorieuse le place au VIIe siècle, conformément aux Bollandistes, Dom Mabillon et d'autres érudits. L'auteur félicite M. D. L. R. pour son alignement avec cette chronologie, rejetant celle de l'Histoire moderne de l'Église de Bayeux. La lettre aborde également des légendes locales, comme celle de la consécration de Saint Renobert à Brive-la-Gaillarde par Saint Saturnin, une légende peu répandue. L'auteur mentionne une dissertation qu'il a écrite pour épurer les traditions du pays Bessin concernant Saint Renobert et discute de la chasuble du saint, vue par Dom Mabillon et décrite comme plus authentique que d'autres reliques. Enfin, la lettre traite des confraternités entre les églises de Bayeux et d'Auxerre, remettant en question la raison officielle de cette liaison et suggérant qu'elle pourrait être due au transfert des reliques de Saint Renobert et de Saint Zénon. L'auteur exprime également son souhait de voir des recherches supplémentaires sur un ancien palais royal mentionné dans les sources historiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 472-480
LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
Début :
J'aurois bien souhaité, Monsieur, que le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant [...]
Mots clefs :
Église, Auxerre, Chanoine, Chapitre, Ecclesia, Cathédrale, Comte de Chastellux, Chanoines, Tournon, Utrecht, Habits canoniaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
LETTRE écrite à M. D. L. R. par
M. L. B. Chanoine et Sous -Chantre
d'Auxerre , sur l'usage des Habits Canoniaux
et Militaires , à l'occasion de
ce qui est rapporté dans le Mercure du
mois deJuin dernier , de la Réception de
M. le Comte de Chastellux.
J
' Aurois bien souhaité , Monsieur ,
que
le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant
la Réception de M. le Comte de
Chastellux , en qualité de premier Chanoine
Hereditaire de notre Eglise , eût
été plus érendu , pour la satisfaction du
Public , qui goûte assez ces sortes de détails
de Ceremonies rares ; mais cela n'a
pas dépendu de moi , et il a fallu déferer
au sentiment de quelques personnes que
je respecte , qui avoient recommandé la
brieveté .
Je suis bien aise qu'au moins on y ait
inseré l'origine du droit de la Maison de
Chastellux , et qu'on y ait parié de la
Ville de Cravan ou Crevan , conformé
ment aux Titres du XV . Siecle. Le peu
qu'on en dit me confirme dans l'idée que
j'ai eue depuis que j'ai pris connoissance
de
MARS. 1733 .
473
de nos Antiquitez , qu'on a voulu l'honorer
dans l'Eglise d'Aux erre à perpetuité
, par ce droit de Restituteur de la
principale Terre du Chapitre , de même
qu'on y honote le Donateur par des marques
d'une veneration particuliere presque
tous les jours de l'année , depuis le
temps de sa mort , arrivée au X. Siecle.
Ce seroit en effet s'exposer à être taxé
d'ingratitude , que d'en agir autrement :
Alias de ingratitudinis vitio , quod abominabile
meritò judicatur , et à quibusvis
fidelibus , præsertim viris Ecclesiasticis debet
effectualiter abhorreri , possemus non immeritò
reprehendi , disoient nos
Predecesseurs.
Les mêmes personnes qui s'exprimoient
ainsi il y a trois cent ans , te
noient par tradition de ceux qui les
avoient précedez , les marques de gratitude
qu'ils nous ont transmises envers
l'Evêque Guy le Sénonois , le premier de
tous ceux qui ont eu l'Eglise Cathédrale
pour sépulture ; et sa mémoire ne pourra
jamais tomber dans l'oubli , quoique
quelques personnes ayent contribué de
nos jours par inadvertance et peutêtre
sans le vouloir , à faire perdre de
vûë les vestiges qui restent de la reconnoissance
de ce bienfait. Je ne dis rien
sur l'origine de cette donation , qui ne
soit
474 MERCURE DE FRANCE
soit déja tout publié , et dont l'on n'ait
la preuve dans l'Histoire imprimée des
Evêques d'Auxerre aux pages 445. et
446. du premier Volume de la Bibliotheque
des Manuscrits du P. Labbe ,
Jesuite ; et les Etrangers qui examinent
soigneusement les Peintures de l'Eglise
Cathédrale d'Auxerre , ne manquent pas
d'y lire sous la figure de ce Guy, Beatus
Guydo , et d'en conclure quelque chose.
Mais ceci M. n'est pas le sujet de l'apostille
que vous avez faite au Memoire
qui vous fut envoyé au mois de Juin.
Il paroit que vous souhaiteriez sçavoir
si l'usage de voir des habits Militaires ou
Seculiers réunis avec les habits Canoniaux
sur une même personne est ancien , et s'il
est à present singulier à l'Eglise d' Auxerre.
Je ne sçaurois vous parler de l'Antiquité
de cet usage qu'en vous apprenant
en même temps qu'autrefois il n'étoit
pas si rarequil l'est de nos jours . Il étoit
assez commun de voir de gros Seigneurs
Bienfacteurs d'une Eglise avoir rang parmi
les Chanoines et se placer au Choeur
en habit Militaire , même avec des Eperons
et des Armes. Les Statuts du Chapitre
de Toul , compilez l'an 1491. s'expliquent
ainsi au Chapitre IV . Nobiles
Scutiferi et Milites specialiter hujus Ecclesia
M.A R 6. 1733. 479
sia Vassalli , cùm intrant Chorum , admitts
debent portare calcaria et arma ; et collo
cantur inter Archidiaconos et Canonicos ,
quia Defensores sunt Ecclesia pro debito
sue Nobilitatis. Ce petit Monument rédigé
en Latin , n'est point encore si curieux
à lire que celui que M. Baluse a
publié dans ses Preuves de l'Histoire de
la Maison d'Auvergne , à la page 471 .
Pour vous épargner la peine de le consulter
dans le Livre même , je transcrirai
ici en entier la Notice qu'en a donnée
ce celebre Antiquaire .
Extrait des Memoires d'André Duchesne
» Acte en datte du xxvij. Noyembre
1405. en présence de Jean Guineau ,
» Clerc Notaire , par lequel il appert
» comme Noble et Puissant Messire Gui-
» chard Dauphin , Chevalier Baron de
» la Ferté- Chauderon , Seigneur de Jali-
" gny , se transportą à la Porte de l'E-
>> glise Cathédrale de Nevers , les Epe
>> rons dorez chaussez , l'Epée ceinte et
>> le Faucon sur le poing : où étant vin-
>> rent au-devant de lui le College de la
dite Eglise , Chanoines et Chapelains ,
revétus de Chappes , avec la Croix
» l'Eau - Benite et les Cierges allumez . Et
» Messire Pierre le Clerc , Archidiacre de
» Desise
476 MERCURE DE FRANCE
"
» Desise en ladite Eglise , le prenant par
» la main , le mena en l'état cy - dessus
en l'Eglise jusques devant le Grand-
» Autel. Puis la Grand'Messe étant dite ,
>>
le menerent dans le Chapitre , où ils
>> le reçurent pour leur Confrere et Cha-
» noine , ainsi qu'il avoit été fait à ses
» Prédecesseurs , après qu'il eut donné
» son Serment sur les saints Evangiles , et
protesté qu'il ne réveleroit jamais les se-
>> crets du Chapitre en choses qui lui
» pourroient préjudicier. Puis baisa à la
» bouche ledit Archidiacre , Messire Jacques
de Besson , Jean de Maurigny et
» autres Chanoines d'icelle Eglise. Puis
>> remenerent ledit Baron en l'Eglise , et
» le firent asseoir au quatriéme Siege du
» côté de l'Archidiacte de Nevers , présens
Nobles hommes Messire Pierre de
» Veaulce , Jean de Montagu le Belin
Joseph de Citin , et Claudin Bastard
» de Jaligny , Chevaliers , Philippes de
» Villaines , Guichard de Villiers , Etien-
>> ne de Poisson, Guillaume de Chevenon,
Jean Chauderon , Jean d'Aligny le jeu
» ne , et Antoine d'Armes , Ecuyers.
Etant tombé sur un Livre intitulé ,
Le Chanoine , composé par Vital Bernard,
Chanoine du Puy en Vellay , et imprimé
en 1645. j'y ai lû aux pages 8o. et 81 .
ce
MARS. 1733
477
ce qui suit. » Le Duc de Brabant est Cha-
» noine né de l'Eglise Archiepiscopale
» d'Utrecht. Charles V. Empereur et Roy
» d'Espagne ; en cette qualité de Duc ,
» ( comme il alloit recevoir la Couronne
Imperiale en la Ville d'Aix -la - Chapelle)
» passant à Utrecht , y prit le Surplis et
>> assista au Service , comme les autres
» Chanoines, le 13. Octobre 15 20. Même
» Privilege est acquis au Seigneur de Tour-
» non , en l'Eglise de S. Just de Lyon .
"
Ici l'Auteur déclare son sentiment sur
l'origine de ce droit du Seigneur de Tournon
qu'il fait venir d'une Fondation du
quatriéme Siecle ; mais je ne veux pas
en être garant. Puis il ajoûte ce trait , qui
test plus curieux . » Paradin , en son His-
» toire de Lyon , dit qu'il assista en 1542 .
à la Prise de Possession de ce Droit
» honorifique d'un Seigneur de Tournon ,
et que Jacques de Tournon , Evêque
de Valence , son frere , le voyant re
» vétu d'une courte Robbe de Damas
» avec un Surplis dessus , l'Aumusse au
» bras et l'Epée au côté. Voilà , mon frere ,
❤ ( dit- il en le raillant ) qui représente bien
les trois Etats.
Je ne m'étends point sur un droit assez
semblable, dont jouissent 4 ou 5 Seigneurs
dans l'Eglise Cathedrale d'Auch , si on en
croit
478 MERCURE DE FRANCE
croît le même Chanoine , parce que je
n'en connois point assez les circonstances
, non plus que sur les droits de certains
Seigneurs dans l'Eglise de S. Martin
de Tours , où l'on dit que le Comte d'Anjou
est Chanoine ; de consuetudine et habet
Prebendam in blado et vino et nummis ; en
mémoire du Comte d'Anjou Ingelger ,
qui fit rapporter d'Auxerre à Tours , le
Corps de S. Martin , au neuvième siècle.
Voyez encore Héméré , en son Histoire
de S. Quentin , à la page 201.
Au reste , plus ces Auteurs sont succincts
sur ces sortes de matieres , plus ils
laissent d'obscurité
après eux ; et c'est
pour cela que je croi que le Cérémonial
observé en ces occasions , ne sçauroit être
trop expliqué. Pouvez - vous , en off.t ,
comprendre
ce que veut dire Platina ,
quand il écrit que le jour que Charles-
Quint assista au Service , dans la Cathedrale
d'Utrecht , il étoit talari indutus
linteo et sacra amictus vesie ? Vital Bernard
a tort de traduire , talare linteum , par le
mot de Surplis ; ce doit être une Aube
traînanté jusqu'aux
talons . Il laisse aussi
à deviner ce qu'étoit ce Sacra vestis qui le
couvroit ; c'étoit apparemment
une Chape
ou une Dalmatique
.
Je vous ai fait remarquer , Monsieur ,
en
MAR S. 1733- 479
en.1726. que les Empereurs lisoient encore
à Rome au xiy siécle , une Leçon à
P'Office des Grandes Fêtes , la Chape sur
le Corps , et l'Epée nuë à la main a . J'y
ajoutai une remarque touchant les Trésoriers
de quelques Cathédrales , qui anciennement
pouvoient assister à l'Office
avec des marques de distinction , sembla
bles à celles de M. de Chastellux . C'est
tout ce qui est de ma connoissance dans
la matiere dont il s'agit ; cat il ne me
reste aucune preuve qu'un semblable usag
existe dans l'Eglise de Chartres , ainsį
qu'on l'avoit divulgué , et il ne faut pas
confondre avec notre usage , celui de
Chartres, de faire présenter à l'Offrande ,
le 15 jour d'Août , par un Officier de la
Terre de Maintenon , un Epervier , pre
nant Proye ; lequel Oyseau doit être porté
par le Diacre au Régent de la Prébende
, duquel les Officiers de Maintenon
le rachetent, Ce que vous avez lû ci-dessus
, tiré des Statuts du Chapitre de Toul ,
avec ce que nous voyons dans le Nécrologe
de l'Eglise d'Auxerre , écrit au xr et
XIe siècles , et publié en partie par Dom
Martene b , où quantité de Seigneur sont
ainsi désignez ; Obiit N... Miles Sancti
a Mercure , Janvier 1726. pag. 31 et 32,
b Ampliss, Colleic, Tom. 6
Stephani
48 MERCURE DE FRANCE
Stephani , ou bien , Miles hujus Ecclesia.
Tout cela , dis- je , peut appuyer la pensée
qui vient naturellement , que le Chanoine
revêtu du Canonicat héréditaire
d'Auxerre , est à peu près dans l'état
où se trouvoient- ces anciens Deffenseurs
et Protecteurs des biens de l'Eglise .
M. Ducange , qui avoit vû cet Ouvrage
en manuscrit , n'a pas oublié dans
son Glossaire , celui qui est qualifié au
4 jour d'Avril dans ce Nécrologe : Hujus
Ecclesia Vexillarius ; et il paroît que
ce Titre de Vexillarius n'étoit pas fort
commun , puisqu'il ne rapporte que cet
exemple de Léoteric , Vicomte d'Auxer
re , qu'il joint à celui de Jacques , Roy
d'Arragon , qualifié en 1309. S. Romana
Ecclesia Vexillarius.
A Auxerre , le 10 Decembre 1732.
M. L. B. Chanoine et Sous -Chantre
d'Auxerre , sur l'usage des Habits Canoniaux
et Militaires , à l'occasion de
ce qui est rapporté dans le Mercure du
mois deJuin dernier , de la Réception de
M. le Comte de Chastellux.
J
' Aurois bien souhaité , Monsieur ,
que
le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant
la Réception de M. le Comte de
Chastellux , en qualité de premier Chanoine
Hereditaire de notre Eglise , eût
été plus érendu , pour la satisfaction du
Public , qui goûte assez ces sortes de détails
de Ceremonies rares ; mais cela n'a
pas dépendu de moi , et il a fallu déferer
au sentiment de quelques personnes que
je respecte , qui avoient recommandé la
brieveté .
Je suis bien aise qu'au moins on y ait
inseré l'origine du droit de la Maison de
Chastellux , et qu'on y ait parié de la
Ville de Cravan ou Crevan , conformé
ment aux Titres du XV . Siecle. Le peu
qu'on en dit me confirme dans l'idée que
j'ai eue depuis que j'ai pris connoissance
de
MARS. 1733 .
473
de nos Antiquitez , qu'on a voulu l'honorer
dans l'Eglise d'Aux erre à perpetuité
, par ce droit de Restituteur de la
principale Terre du Chapitre , de même
qu'on y honote le Donateur par des marques
d'une veneration particuliere presque
tous les jours de l'année , depuis le
temps de sa mort , arrivée au X. Siecle.
Ce seroit en effet s'exposer à être taxé
d'ingratitude , que d'en agir autrement :
Alias de ingratitudinis vitio , quod abominabile
meritò judicatur , et à quibusvis
fidelibus , præsertim viris Ecclesiasticis debet
effectualiter abhorreri , possemus non immeritò
reprehendi , disoient nos
Predecesseurs.
Les mêmes personnes qui s'exprimoient
ainsi il y a trois cent ans , te
noient par tradition de ceux qui les
avoient précedez , les marques de gratitude
qu'ils nous ont transmises envers
l'Evêque Guy le Sénonois , le premier de
tous ceux qui ont eu l'Eglise Cathédrale
pour sépulture ; et sa mémoire ne pourra
jamais tomber dans l'oubli , quoique
quelques personnes ayent contribué de
nos jours par inadvertance et peutêtre
sans le vouloir , à faire perdre de
vûë les vestiges qui restent de la reconnoissance
de ce bienfait. Je ne dis rien
sur l'origine de cette donation , qui ne
soit
474 MERCURE DE FRANCE
soit déja tout publié , et dont l'on n'ait
la preuve dans l'Histoire imprimée des
Evêques d'Auxerre aux pages 445. et
446. du premier Volume de la Bibliotheque
des Manuscrits du P. Labbe ,
Jesuite ; et les Etrangers qui examinent
soigneusement les Peintures de l'Eglise
Cathédrale d'Auxerre , ne manquent pas
d'y lire sous la figure de ce Guy, Beatus
Guydo , et d'en conclure quelque chose.
Mais ceci M. n'est pas le sujet de l'apostille
que vous avez faite au Memoire
qui vous fut envoyé au mois de Juin.
Il paroit que vous souhaiteriez sçavoir
si l'usage de voir des habits Militaires ou
Seculiers réunis avec les habits Canoniaux
sur une même personne est ancien , et s'il
est à present singulier à l'Eglise d' Auxerre.
Je ne sçaurois vous parler de l'Antiquité
de cet usage qu'en vous apprenant
en même temps qu'autrefois il n'étoit
pas si rarequil l'est de nos jours . Il étoit
assez commun de voir de gros Seigneurs
Bienfacteurs d'une Eglise avoir rang parmi
les Chanoines et se placer au Choeur
en habit Militaire , même avec des Eperons
et des Armes. Les Statuts du Chapitre
de Toul , compilez l'an 1491. s'expliquent
ainsi au Chapitre IV . Nobiles
Scutiferi et Milites specialiter hujus Ecclesia
M.A R 6. 1733. 479
sia Vassalli , cùm intrant Chorum , admitts
debent portare calcaria et arma ; et collo
cantur inter Archidiaconos et Canonicos ,
quia Defensores sunt Ecclesia pro debito
sue Nobilitatis. Ce petit Monument rédigé
en Latin , n'est point encore si curieux
à lire que celui que M. Baluse a
publié dans ses Preuves de l'Histoire de
la Maison d'Auvergne , à la page 471 .
Pour vous épargner la peine de le consulter
dans le Livre même , je transcrirai
ici en entier la Notice qu'en a donnée
ce celebre Antiquaire .
Extrait des Memoires d'André Duchesne
» Acte en datte du xxvij. Noyembre
1405. en présence de Jean Guineau ,
» Clerc Notaire , par lequel il appert
» comme Noble et Puissant Messire Gui-
» chard Dauphin , Chevalier Baron de
» la Ferté- Chauderon , Seigneur de Jali-
" gny , se transportą à la Porte de l'E-
>> glise Cathédrale de Nevers , les Epe
>> rons dorez chaussez , l'Epée ceinte et
>> le Faucon sur le poing : où étant vin-
>> rent au-devant de lui le College de la
dite Eglise , Chanoines et Chapelains ,
revétus de Chappes , avec la Croix
» l'Eau - Benite et les Cierges allumez . Et
» Messire Pierre le Clerc , Archidiacre de
» Desise
476 MERCURE DE FRANCE
"
» Desise en ladite Eglise , le prenant par
» la main , le mena en l'état cy - dessus
en l'Eglise jusques devant le Grand-
» Autel. Puis la Grand'Messe étant dite ,
>>
le menerent dans le Chapitre , où ils
>> le reçurent pour leur Confrere et Cha-
» noine , ainsi qu'il avoit été fait à ses
» Prédecesseurs , après qu'il eut donné
» son Serment sur les saints Evangiles , et
protesté qu'il ne réveleroit jamais les se-
>> crets du Chapitre en choses qui lui
» pourroient préjudicier. Puis baisa à la
» bouche ledit Archidiacre , Messire Jacques
de Besson , Jean de Maurigny et
» autres Chanoines d'icelle Eglise. Puis
>> remenerent ledit Baron en l'Eglise , et
» le firent asseoir au quatriéme Siege du
» côté de l'Archidiacte de Nevers , présens
Nobles hommes Messire Pierre de
» Veaulce , Jean de Montagu le Belin
Joseph de Citin , et Claudin Bastard
» de Jaligny , Chevaliers , Philippes de
» Villaines , Guichard de Villiers , Etien-
>> ne de Poisson, Guillaume de Chevenon,
Jean Chauderon , Jean d'Aligny le jeu
» ne , et Antoine d'Armes , Ecuyers.
Etant tombé sur un Livre intitulé ,
Le Chanoine , composé par Vital Bernard,
Chanoine du Puy en Vellay , et imprimé
en 1645. j'y ai lû aux pages 8o. et 81 .
ce
MARS. 1733
477
ce qui suit. » Le Duc de Brabant est Cha-
» noine né de l'Eglise Archiepiscopale
» d'Utrecht. Charles V. Empereur et Roy
» d'Espagne ; en cette qualité de Duc ,
» ( comme il alloit recevoir la Couronne
Imperiale en la Ville d'Aix -la - Chapelle)
» passant à Utrecht , y prit le Surplis et
>> assista au Service , comme les autres
» Chanoines, le 13. Octobre 15 20. Même
» Privilege est acquis au Seigneur de Tour-
» non , en l'Eglise de S. Just de Lyon .
"
Ici l'Auteur déclare son sentiment sur
l'origine de ce droit du Seigneur de Tournon
qu'il fait venir d'une Fondation du
quatriéme Siecle ; mais je ne veux pas
en être garant. Puis il ajoûte ce trait , qui
test plus curieux . » Paradin , en son His-
» toire de Lyon , dit qu'il assista en 1542 .
à la Prise de Possession de ce Droit
» honorifique d'un Seigneur de Tournon ,
et que Jacques de Tournon , Evêque
de Valence , son frere , le voyant re
» vétu d'une courte Robbe de Damas
» avec un Surplis dessus , l'Aumusse au
» bras et l'Epée au côté. Voilà , mon frere ,
❤ ( dit- il en le raillant ) qui représente bien
les trois Etats.
Je ne m'étends point sur un droit assez
semblable, dont jouissent 4 ou 5 Seigneurs
dans l'Eglise Cathedrale d'Auch , si on en
croit
478 MERCURE DE FRANCE
croît le même Chanoine , parce que je
n'en connois point assez les circonstances
, non plus que sur les droits de certains
Seigneurs dans l'Eglise de S. Martin
de Tours , où l'on dit que le Comte d'Anjou
est Chanoine ; de consuetudine et habet
Prebendam in blado et vino et nummis ; en
mémoire du Comte d'Anjou Ingelger ,
qui fit rapporter d'Auxerre à Tours , le
Corps de S. Martin , au neuvième siècle.
Voyez encore Héméré , en son Histoire
de S. Quentin , à la page 201.
Au reste , plus ces Auteurs sont succincts
sur ces sortes de matieres , plus ils
laissent d'obscurité
après eux ; et c'est
pour cela que je croi que le Cérémonial
observé en ces occasions , ne sçauroit être
trop expliqué. Pouvez - vous , en off.t ,
comprendre
ce que veut dire Platina ,
quand il écrit que le jour que Charles-
Quint assista au Service , dans la Cathedrale
d'Utrecht , il étoit talari indutus
linteo et sacra amictus vesie ? Vital Bernard
a tort de traduire , talare linteum , par le
mot de Surplis ; ce doit être une Aube
traînanté jusqu'aux
talons . Il laisse aussi
à deviner ce qu'étoit ce Sacra vestis qui le
couvroit ; c'étoit apparemment
une Chape
ou une Dalmatique
.
Je vous ai fait remarquer , Monsieur ,
en
MAR S. 1733- 479
en.1726. que les Empereurs lisoient encore
à Rome au xiy siécle , une Leçon à
P'Office des Grandes Fêtes , la Chape sur
le Corps , et l'Epée nuë à la main a . J'y
ajoutai une remarque touchant les Trésoriers
de quelques Cathédrales , qui anciennement
pouvoient assister à l'Office
avec des marques de distinction , sembla
bles à celles de M. de Chastellux . C'est
tout ce qui est de ma connoissance dans
la matiere dont il s'agit ; cat il ne me
reste aucune preuve qu'un semblable usag
existe dans l'Eglise de Chartres , ainsį
qu'on l'avoit divulgué , et il ne faut pas
confondre avec notre usage , celui de
Chartres, de faire présenter à l'Offrande ,
le 15 jour d'Août , par un Officier de la
Terre de Maintenon , un Epervier , pre
nant Proye ; lequel Oyseau doit être porté
par le Diacre au Régent de la Prébende
, duquel les Officiers de Maintenon
le rachetent, Ce que vous avez lû ci-dessus
, tiré des Statuts du Chapitre de Toul ,
avec ce que nous voyons dans le Nécrologe
de l'Eglise d'Auxerre , écrit au xr et
XIe siècles , et publié en partie par Dom
Martene b , où quantité de Seigneur sont
ainsi désignez ; Obiit N... Miles Sancti
a Mercure , Janvier 1726. pag. 31 et 32,
b Ampliss, Colleic, Tom. 6
Stephani
48 MERCURE DE FRANCE
Stephani , ou bien , Miles hujus Ecclesia.
Tout cela , dis- je , peut appuyer la pensée
qui vient naturellement , que le Chanoine
revêtu du Canonicat héréditaire
d'Auxerre , est à peu près dans l'état
où se trouvoient- ces anciens Deffenseurs
et Protecteurs des biens de l'Eglise .
M. Ducange , qui avoit vû cet Ouvrage
en manuscrit , n'a pas oublié dans
son Glossaire , celui qui est qualifié au
4 jour d'Avril dans ce Nécrologe : Hujus
Ecclesia Vexillarius ; et il paroît que
ce Titre de Vexillarius n'étoit pas fort
commun , puisqu'il ne rapporte que cet
exemple de Léoteric , Vicomte d'Auxer
re , qu'il joint à celui de Jacques , Roy
d'Arragon , qualifié en 1309. S. Romana
Ecclesia Vexillarius.
A Auxerre , le 10 Decembre 1732.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. D. L. R. par M. L. B. Chanoine et Sous-Chantre d'Auxerre, sur l'usage des Habits Canoniaux et Militaires, à l'occasion de ce qui est rapporté dans le Mercure du mois de Juin dernier, de la Réception de M. le Comte de Chastellux.
La lettre de M. L. B., chanoine et sous-chantre d'Auxerre, aborde l'usage des habits canoniaux et militaires lors de la réception de M. le Comte de Chastellux en tant que premier chanoine héréditaire de l'Église d'Auxerre. L'auteur exprime des regrets quant à la brièveté du mémoire sur cette réception mais s'y conforme. Il rappelle l'origine du droit de la Maison de Chastellux, lié à la ville de Cravan ou Crevan, conformément aux titres du XVe siècle. L'auteur exprime sa gratitude envers l'évêque Guy le Sénonois, premier à être inhumé dans la cathédrale d'Auxerre au Xe siècle, et insiste sur l'importance de ne pas oublier cette reconnaissance malgré les tentatives de certaines personnes d'effacer ces souvenirs. Concernant l'usage des habits militaires ou séculiers avec les habits canoniaux, l'auteur note que cette pratique n'était pas rare autrefois. Il cite des exemples historiques, comme les statuts du Chapitre de Toul en 1491 et des actes du XVe siècle où des seigneurs bienfaiteurs portaient des habits militaires au chœur. Des cas similaires sont également mentionnés dans d'autres églises, telles que celles de Nevers, Utrecht et Lyon. L'auteur conclut en affirmant que le chanoine héréditaire d'Auxerre se trouve dans une situation comparable à celle des anciens défenseurs et protecteurs des biens de l'Église. Il appuie cette idée en citant des exemples tirés du nécrologe de l'Église d'Auxerre et des travaux de M. Ducange.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 2835-2843
LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
Début :
Vous m'avez demandé, M. si dans les Statuts du Chapitre d'une [...]
Mots clefs :
Bains de Toul, Valentines de Metz, Cathédrale, Statuts, Diocèse, Auxerre, Metz, Toul, Ville, Église
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
LETTRE sur les Bains de Toul et les
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
donna l'an 1729, une inrerprétation,que
revient assez à ce qui précédé immédiat
tement dans l'acide à éclaircir
t
sinon
qu'il faudroic substituer le terme de Pri.
vutisï celui de Publicis;et par ce moyen
on comprendroit assez le rapport que
peuvent avoir les mauvaises coutumes
que ces Statuts combattent, avec lesifolations
, contre lesquelles les Saints Evêques
,
les Capitulaires de nos Rois,ettant
de Synodes se sont élevez. On remarque
même que dans la vie de S. Eloy
,
écrite:
par S. Ouen, elles sont appelléesValLutiones.
Maisd'autres voudront peutêtre:
qu il y ait eu à Merz
, comme à Turin il
line Maison de plaisance, appellée III
Vtzlntin et que c'est de là que soient
t venus les Valentins et les Valentines. *
M. l'Abbé Chatelin, Chanoine dei
Paris
,
qui se faisoit expliquer toutes leSt
curiositez d'Italie dans les Voyages qu'il
y a faits, marque dans son Bimestre de:
Janvier et Février
,
à la page £45, que
le Valentin.. situé aux Portes de Turin,a
été ainsi nommé,de ce que les Promo
nades y recommencent vers la S.Valentin,
au 14 Février; auquel temps le plus
souvent les beaux jours recommencent i
paraître en Iralie.La différence du climat
empêcIhe d.e cVroireoquleplaumêimse rsaiseon
avoir donné lieu auxValentinesde
letz, et quand même on envisageroit la
Valentin au 14Février, telle qu'elle
trouvoit réellement avant la suppresen
de dix jours faite au Calendrier l'an
82. La température de la Lorraine est
core trop peu échauffée en ce temps-là
,ur admettre les promenades. Peut être
faut-il considérer en tout cela la Fête
S.Valentin,que comme concourante le
Ut; souvent avec le temps que précéde le
arême, auquel
,
si les promenades ne
ne pas communes, les divertissemens
doublent dans l'intérieur des maisons.
vous laisse le maître de choisir laquelil
vous plaira de ces conjectures, et je
s, &c.
A Auxerre, ce ro Mars 1735.
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
donna l'an 1729, une inrerprétation,que
revient assez à ce qui précédé immédiat
tement dans l'acide à éclaircir
t
sinon
qu'il faudroic substituer le terme de Pri.
vutisï celui de Publicis;et par ce moyen
on comprendroit assez le rapport que
peuvent avoir les mauvaises coutumes
que ces Statuts combattent, avec lesifolations
, contre lesquelles les Saints Evêques
,
les Capitulaires de nos Rois,ettant
de Synodes se sont élevez. On remarque
même que dans la vie de S. Eloy
,
écrite:
par S. Ouen, elles sont appelléesValLutiones.
Maisd'autres voudront peutêtre:
qu il y ait eu à Merz
, comme à Turin il
line Maison de plaisance, appellée III
Vtzlntin et que c'est de là que soient
t venus les Valentins et les Valentines. *
M. l'Abbé Chatelin, Chanoine dei
Paris
,
qui se faisoit expliquer toutes leSt
curiositez d'Italie dans les Voyages qu'il
y a faits, marque dans son Bimestre de:
Janvier et Février
,
à la page £45, que
le Valentin.. situé aux Portes de Turin,a
été ainsi nommé,de ce que les Promo
nades y recommencent vers la S.Valentin,
au 14 Février; auquel temps le plus
souvent les beaux jours recommencent i
paraître en Iralie.La différence du climat
empêcIhe d.e cVroireoquleplaumêimse rsaiseon
avoir donné lieu auxValentinesde
letz, et quand même on envisageroit la
Valentin au 14Février, telle qu'elle
trouvoit réellement avant la suppresen
de dix jours faite au Calendrier l'an
82. La température de la Lorraine est
core trop peu échauffée en ce temps-là
,ur admettre les promenades. Peut être
faut-il considérer en tout cela la Fête
S.Valentin,que comme concourante le
Ut; souvent avec le temps que précéde le
arême, auquel
,
si les promenades ne
ne pas communes, les divertissemens
doublent dans l'intérieur des maisons.
vous laisse le maître de choisir laquelil
vous plaira de ces conjectures, et je
s, &c.
A Auxerre, ce ro Mars 1735.
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Résumé : LETTRE sur les Bains de Toul et les Valantines de Metz.
La lettre aborde les pratiques religieuses et les coutumes anciennes dans les diocèses de Toul et de Metz. À Toul, au quinzième siècle, la fête de Pâques était marquée par un concours général du clergé dans la cathédrale. Tous les membres du clergé, y compris les curés de la ville et les abbés des environs, devaient se réunir à Matines à l'aube. Les abbayes éloignées et les églises collégiales avec des maisons d'hospice dans la ville épiscopale devaient également envoyer des représentants. Cette pratique visait à honorer la résurrection du Christ et à montrer la subordination des églises du diocèse à la cathédrale. Les évêques introduisaient des réguliers dans les églises subordonnées aux cathédrales, les soumettant aux mêmes obligations que celles imposées aux précédents occupants. Au huitième siècle, ce devoir était partagé tout au long de l'année, chaque communauté et paroisse servant l'église cathédrale pendant une semaine. Les paroisses les plus éloignées servaient pendant l'été, tandis que les moins éloignées servaient pendant les saisons où les jours étaient plus courts. Au dixième siècle, les curés de tout le diocèse devaient venir rendre hommage à la cathédrale lors des fêtes de la Pentecôte, accompagnés de leurs paroissiens, sans exception pour les plus éloignés. Les sanctions pour les absents ou les retardataires incluaient la privation de vin pendant quarante jours ou, à Toul, l'immersion dans l'eau de la Moselle. Les personnes de mérite pouvaient se racheter en payant deux sols. La lettre mentionne également les 'Valentines' de Metz, des coutumes publiques de danse et de divertissement interdites par les statuts synodaux du diocèse. L'origine de ces fêtes est incertaine, mais elles pourraient être liées à la Saint-Valentin ou à des maisons de plaisance. La lettre se conclut par une réflexion sur les divertissements à Pâques et les curiosités locales.
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