Ils allerent le jour meſme
coucher à la Fére, forte Place
en Picardie ſur la riviere
d'Oyſe. Elle eſt ſituée dans
un pays fort marécageux , &
96 IV. P. du Voyage
entourée de pluſieurs Baftions
& de bons remparts.
Ils font reveſtus de fortes
murailles de brique, & la riviere
en lave le pied. Elle s'y
diviſe en diverſes branches.
Il y a un Château, & la Ville
eft entre deux grands Fauxbourgs
, qu'on appelle de S.
Firmin & de Noſtre-Dame .
Elle tomba ſous la Domination
des Eſpagnols, fur la fin
du dernier fiecle, par la perfidie
de Colas Vice-Seneſchal
de Montelimar. Le marquis
de maignelay , qui en eſtoit
Gouverneur pour la Ligue,
avoir
des Amb . de Siam. 97
avoit promis au Roy Henry
IV. de rentrer dans ſon devoir
, & lors qu'il eſtoit preſt
de tenir parole , il fut affaffiné
au milieu de la Ville, par
ce Vice-Seneſchal à qui le
Duc deMayenne en donna
le Gouvernement. Ce nouveauGouverneur
s'eſtant mis
enfuite du party des Eſpagnols,
leur livra la Fére, & ils
luy en laiſſerent le Domaine
ſous le titre de Comté. Elle
fut bloquée ſur la fin de 1596.
par l'Armée du Roy. On en
commença le Siege au mois
de Mars de l'année ſuivante,
I
98 IV. P. du Voyage
& elle fut renduë aux Fran
çois dans le mois de May.
Colas qui figna à la Capitulation,
y prit le titre de Com
te de la Fére.
LesAmbaſſadeurs trouve
rent à une lieuë de cette
Ville-là , M de la Fontaine,
Major de la Place , que M
Marcognet qui y commande
, avoit envoyé au devant
d'eux avec cent Chevaux.
La Compagnie de la Jeuneſſe
les attendoit ſous les armes,
hors des Portes de la Ville.
M Marcognet les complimenta
à l'entrée du Fauxdes
Amb. de Siam. 99
bourg de S. Firmin , & leur
dit , qu'il venoit affeurer leurs
Excellences de la joye que luy
donnoit l'honneur qu'il avoit de
les recevoir , & leur dire que
les Peuples de la Fere la partageoient
avec luy. Il ajoûta ,
qu'il avoit ordre du Roy de leur
faire voir la Place, les Fortifi
cations, les Magaſins, l'Arcenal
& tout ce qu'il y a de plus curieux
, enforte qu'ils y
deroient, & qu'il ne feroitqu'obéir.
L'Ambaſſadeur , aprés
avoir répondu à fon compliment
en termes fort obligeans
, le pria particulierecomman
Lij
100 IV. P. du Voyage
ment de leur faire voir les
Fortifications & le Plan de la
Place , & le remercia en baiffant
le corps & les bras hors
de fon Carroffe. Ils trouverent
dans le Fauxbourg les
Troupes de la Garniſon & la
Milice de la Ville , qui bordoit
les rües juſqu'au lieu
préparé pour les loger , &
furent receus au bruit du canon.
M de Saint-Canal, l'un
des Capitaines de la Garnifon
, avoit monté la Garde
avec cinquante Hommes, devant
le logis où ils allerent
deſcendre. Ils furent haran
des Amb . de Siam. 101
guez à la Porte de la Ville
par M le Procureur du Roy,
àla teſte de la Juſtice; &lors
qu'ils furent entrez dans la
Ville , Ms les Magiſtrats les
complimenterent. M l'Evef.
que de Laon, Duc & Pair de
France , ſuivy de tout fon
Chapitre, alla leur rendre vifite
chez eux, en habit de ceremonie.
Les Ambaſſadeurs
de prierent à fouper, ainſi que
M Marcognet. Les Dames
feules les virent manger , &
en receurent beaucoup de civilitez
, de fruits & de confitures.
M² Marcognet ayant
I nj
102 IV . P. du Voyage
demandé l'ordre avant le
Soupé, l'Ambaſſadeur donna
pour mot , Iefuis aux Indes,
diſant qu'il avoit obſervé qu'il
estoit dans une Ville toute environnée
d'eau , & qui avoit
du rapport à celle de Siam. Le
Plan de la Place luy ayant
paru forr beau, il le demanda
avec des manieres fi obligeantes
qu'il euſt eſté difficile
de refuſer de le ſatisfaire.
Le lendemain aumatin
M Marcognet eſtant allé
à fon lever, l'Ambaſſadeur
luy montra le Plan qu'il avoit
fait mettre à la ruelle de fon
des Amb. de Siam:
103
lit avec ſon ſabre, & luy dit
qu'ilfaisoit tant de cas du prefent
qu'il avoit bien voulu luy
en faire , qu'il le mettoit avec
ce qu'il avoit de plus pretieux.
Ils partirent à huit heures du
matin , au bruit du canon,
ainſi qu'ils eſtoient entrez .
La Garnifon & les Bourgeois
eftoient encore ſous les armes
. Ils allerent dîner à
Croucy-le-Chaſteau , où M²
de Launay, qui a eſté Exemt
des Gardes du Corps du Roy,
les falüa . Comme ils avoient
ſceu que c'eſtoit un Homme
qui avoittres-bien ſervi,ils lui
I iiij
104 IV. P. du Voyage
r
firent de grandes honneftetez
, & firent l'honneur à M
de Launay fon Fils, de le retenir
à manger avec eux. Ils
prirent enfuite le chemin de
Soiffons .