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1
p. 276-305
Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
Début :
A peine eut-on apporté la nouvelle de Friboug rendu, [...]
Mots clefs :
Gardes, Attaque, Place, Ennemis, Troupes, Régiment, Canon, Maréchal d'Humières, Allemagne, Siège, Mr de S. Pouange, Tranchée, Navarre, Ville, Bataillon
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texteReconnaissance textuelle : Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
A peine eut-on apporté la nouvelle de Fribourg rendu ,
qu'elle fit méditer une autre Conqueſte. M. de S. Poüange partit en poſte de la Cour pour porter les ordres du Roy , faire préparer toutes chofes , &pref.
ſer l'execution de cequ'on avoit réſolu. Son ardeur pour le fer- vice de Sa Majesté eſt connuë,
& le zele qu'il fit voir pour la gloire de ſes armes à la Bataille de Caffel , fut fi grand , qu'il chargea luy-meſme les Enne- mis l'Epée à la main , quoy que fon Employl'en duſt diſpenſer.
Son départ fit faire de grands raiſonnemens , mais perſonne n'en devina le veritable ſujet,
&pluſieurs meſme crûment qu'il eſtoit envoyé en Allemagne.
Peu de jours apres nosTroupes deFlandre firent quelquesmou
190 LE MERCVRE
vemens. Elles inquiéterent les Ennemis , qui furent bientoft perfuadez qu'on alloit affieger Ypres , & c'eſtoit ce que l'on vouloit qu'ils crûffent. Cepen- dant S. Guilain ſe trouva inveſty , & le Gouverneur ne l'apprit qu'en le voyant. Le nombre des Troupes augmenta
en peude temps, & il y eut de- vant cette Place juſques à cent Eſcadrons , & quarante Bataillons qui ne demandoient qu'à combatre , & qui avoient meſme témoigné ſouhaiter qu'on fiſt un Siege , parce qu'ils commençoient à s'ennuyer dans leurs Garnifſons. Comme ils
avoient eſté tirez des Places des
environs , on nomma pour Of- ficiers Generaux les Gouverneurs de ces meſmes Places , à
cauſe de la facilité que chacun
GALAN T. 191
d'eux pouvoit avoirà faire venir defonGouvernementtoutes les
choſes neceſſaires pendant le Siege ; auſſi n'y manqua-t-on de rien. Toutes les Troupes fu- rent auſſi -bien nourries,& auffi
bien chaufées , qu'elles auroient pû l'eſtre dans leurs Quartiers d'Hyver , & on ne peut trop donner de loüanges aux Gou- verneurs pour les foins qu'ils ont eu de leur faire fournir tout
ce que la mauvaiſe Saifon de- mandoit qu'on leur donnaſt au delà de ce qu'elles avoient ac- coûtumé d'avoir dans le temps ordinaire de la Campagne.
Vous ne devez point vous éton- ner apres cela , Madame , fi on s'eſt rendu Maiſtre de S. Guilain, quoyque ce ſoit une Place qu'on n'euſt jamais crû de voir eſtre aſſiegée dans l'Hyver à
192 LE MERCVRE
cauſe des eaux qui l'environ- nent. C'eſt ce qui ne paroiſſoit pas vray - ſemblable ; mais les François prennent fans mena- cer ,au lieu que les Ennemis
menacent &ne viennent àbout
de rien ; &il eſt ſi vray que nos entrepriſes réüſſiſſent toûjours,
&mefme en fort peu de temps,
que je ne vous écris jamais le Siege d'une Place , que dans la
meſme Lettre je ne vous en marque la priſe ; mais il faut que je vous avoue queje man- que d'expreſſions pour parler,
comme il faudroit de la merveilleuſe conduite de la France.
Tous les termes ſont épuiſez ,
toutes les loüanges ſont uſées,
& cependant les reſſorts qui
font tout mouvoir , ne le font
pas : Au contraire , nous les
voyons tous les jours agir avec plus
GALANT. 193
plus de force , &cette derniere
Conqueſte en eſt une preuve.
Pour vous en informer plus par- ticulierement , il faut vous dire
que S. Guilain eſt une petite Ville du Hainault,à laquelle un Abbéqui vivoitvers leſeptieme Siecle , a donné ſon nom. Elle n'eſt qu'à une bonne lieuë de
Mons , ſur la Riviere de Haine.
Meſſieurs de Turenne & de la
Ferté , la prirent en 1635. en meſme temps que Condé, apres qu'on ſe fut rendu maiſtre de Landrecies. L'année ſuivante,
le Siege de Valenciennes eſtant levé , & Condé repris par les Eſpagnols, elle fut afſiegée pen- dant que M. de Turenne eſtoit devant laCapelle ; mais comme cette derniere Place reſiſta peu,
M. de Turenne eut le temps d'aller traverſer les Ennemis à
Tome X. I
194 LE MERCVRE
S. Guilain. Ils leverent le Siege fans l'attendre , & l'ayant for- médenouveau au mois de Mars
de l'année 1657. ils en vinrent à
bout parla trahiſon de quelques Etrangers qui leur livrerent les Dehors qu'ils gardoient.Quand à ce qui regarde la force de la Place , elle est environnée de
Marais. La Riviere de Haine
qui paſſe au milieu , ſe ſepare en trois bras dans la Ville, & fe
rejoint en deux pour en fortir.
Elle eſt defenduë par trois Fof- ſez pleins d'eau , par un Ou- vrage appellé le Pâté , qui eſt une eſpece de Boulevart , par
un autre Ouvrage à corne, une Demy-Lune , & pluſieurs Re- doutes , dont quelques - unes font entourées d'eau. Il me
reſte à vous apprendre les noms detous les Officiers Generaux
GALANT. 195
qui ont eu la conduite de ce Siege ſous M. le Mareſchal de
Humieres. Les Lieutenans Generaux furent M. de Nancre
Gouverneur d'Ath , & M. le
Comte Bardi - Magaloti , Gou- verneur de Valenciennes. On
choiſit pour Mareſchaux de Camp M. de Pertuis Gouverneur de Courtray , M. du Ran- ché Gouverneur du Queſnoy,
M.de SainfandouxGouverneur
de Tournay, m.le Chevalier de Tilladet , м. le Baron de Quinсу , м. de Cezan Gouverneur deCambray, & M.de Rubantel Capitaine au Regiment des Gardes. Mrs de Vauban & du
mez, qui ont la meſme qualité,
furent commandez pour la con- duite des Travaux &de l'Artillerie , & l'on peut juger par lå que le ſuccésde ces deux choIij
196 LE MERCVRE
ſes eſtoit infaillible. Les Briga- diers qui ont ſervy à ce Siege ;
font M. d'Aubarede Meſtre de
Camp du Regiment des Vaif- ſeaux , M. de S. George Meſtre deCamp du Regiment du Roy,
M. le Chevalier de Souvray
Lieutenant Colonel de Navarre , & M. Chimene. M. de Momont y a fait les fonctions de Major General. Un Siege en- trepris apres de ſi juſtes meſu- res , & qui devoit eſtre pouffé par tant de Braves , ne pouvoit manquer de réüffir. C'eſt ce qui a fait dire à un bel Eſprit de Lile , en s'adreſſant aux Ennemis ,
Espagnols, Hollandois, courez à Saint
Guilain ,
Malgréles Elemensd'Humieres le va
prendre ,
Etl'onne croitpasquedemain
GALANT.: 197 LaPlacepuiſſe ſe défendre.
Dépeſchez, &venez au moins Voirdeplus prés une Victoire Que vous auriez peut - estre peine à
croire ,
:
ON
Si vous n'en eſtiez les Témoins.YOM
Ils ont ſuivy ce confeil , &fem- blent n'eſtre venus fort pres de S. Guilain que pour en appren- dre plûtoſt la priſe. Voicy par ordre ce qui s'eſt paſſé au Siege de cette Place.
J Monfieur le mareſchal de
Humieres partit de Lile le 30.
de Novembre , avec м. lе маг- quis de Humieres ſon Fils , &
M. le Baron de Quincy. Il eſtoit accompagné delept Eſca- drons de Cavalerie , & fuiuy de M. de Sainfandoux , avec les
Troupes qui venoient du coſté de la Lys. Il arriva le premier de Decembre devant S. GuilI iij
198 LE MERCVRE
lain , à la pointedujour. Mude Nancré, deMagaloti , leChe- valier de Tilladet , du Ranché,
&de S. Riche , s'y trouverent enmeſme temps, ſuivant les or- dres qui leur avoient eſté en- voyez le jour précedent. Ils conduiſoient la Cavalerie,& les
Dragons d'Ath , Condé , Va- lenciennes , Doüay , S. Amant,
Orchies , Marchiennes , Bou- chain , &du Queſnoy , le tour au nombre de cinquante Eſca- drons. Deux Pieces de Canon
arriverent le meſme jour , &fu- rent menées à un Moulin pro- che la Redoute de Baudours.
Deux cens Dragons des Regi- mens Dauphin & Fimarcon ,
avec cinquante Mouſquetaires de la Garniſon d'Ath , l'attaquerent à l'entrée de la nuit.
Elle estoit gardée par cinquante
GALANT. 199
Hommes , qui l'abandonnerent apres avoir tiré cinquante ou ſoixante coups. Nos Gens les pourſuivirent,&en prirent dixhuitouvingt.
La Circonvalation fut reglée le lendemain , & l'Infanterie
qui devoit faire le Siege arriva au Camp. On ordonna trois Attaques. La premiere fut celle des Gardes. Elle devoit empor- ter une grande Redoute envi- ronnée de Foffez remplis d'eau,
avant que d'aprocher du Corps de la Place. Il faloit en fuite
arracher des Paliſſades qui de- fendoient le Pâté. Il ne pouvoit eſtre pris qu'en paſſant par def- fus une Digue fort étroite , &
fur laquelle on ne pouvoit aller qu'un àun.
La ſeconde Attaque , appel- lée celle de Navarre, avoit deux
I iiij
200 LE MERCVRE
grandes Redoutes à prendre ,
avec de grands Foffez pleins
d'eau.
L'Attaque de Boſſu eſtoit la troiſieme , & il faloit qu'elle gagnaſt un Ouvrage à corne ,
&une Demy-Lune , avantque d'arriver au Corps de la Place.
Le 4. on ouvrit la Tranchée
à ces trois Attaques. Onavança beaucoup le travail , principale- mentà celles de M du Ranché
& de S. George. M. le Maref- chal deHumieres demeura juf- ques àune heure apres minuit à
les viſiter continuellement depuis la teſte juſques à la queuë.
Les deux premiers Bataillons
des Gardes , de Navarre , & un du Royal , monterent la Garde,
& furent relevez le lendemain
par autant de Bataillons des meſmes Corps. Les Ennemis ne
GALANT.
:
201
tirerent que trois coups de Mouſquet , & un de Canon.
Le noſtre leur répondit le 6. au matin avec une Baterie de fix
Pieces.
une
Le 7. apres midy , on prit à.
l'Attaque de Navarre ,
grande Redoute qui n'eſtoit qu'à quarante pasdu Pâté. Elle eſtoit gardée par trois cens Hommes , qui ſe défendirent avec beaucoup de vigueur,mais ce ne fut que pour augmenter la gloire de Monfieur le Comte de Soiffons , qui s'expoſa tout- à- fait à cette Attaque,où il alla l'Epée à la main. Son Lieute.- nant Colonel eut le bras caffé,
celuy du Regiment du Pleſſis y
fut tué , & M. d'Aubarede dangereuſement bleſſe d'un coup de Mouſquet à la teſte.
Le 8. au foir , M. de SainfanIv
202 LE MERCVRE
doux monta laTranchée àl'Attaque des Gardes , avec le Re- giment de Rouffillon ; Mrs de Cezan & de Villechauve , à
celle de Navarre , avec le Regiment de Humieres ; &M.du Ranché , avec M. de Chimene,
à celle de Boſſu, avec le Regi- ment de Conty. On s'établit pendant la nuit à celle de Na- varre, dans les Logemens qu'on avoit faits. A celle de Boffu,
on paſſa l'Avant-foſſé de l'Ou- vrage à corne , & l'on y fit un Logement ſur le glacis. On dreſſa la meſme nuit une Baterie
de fixPieces,qui tiradésle point du jour ; &l'on augmenta celle de Navarre juſques au nombre de neuf ; de maniere que ces deux Bateries qui voyoient le Pâte à revers , incommoderent
fort chacunedeſon coſté.
GALANT. 203 Le 9. apres midy , fur l'avis que M. le mareſchal de Humieres eut que les Ennemis s'a- vançoient , & qu'ils n'eſtoient qu'à trois petites lieuës de mons,
il alla choiſir un Camp pour al- ler audevantd'eux,&leur donner Bataille , s'ils oſoient combatre. Il refolut en ſuite l'Attaque generale des Dehors ; &
comme lesglaces ne ſe trouve- rent pas affez fortes pour porter lesGardes qui devoient inſulter le Pâté , ils paſſerent un à un avec leur intrepidité ordinaire,
fur la Digue qui conduit à cet Ouvrage ; puis ils ſe raffem- blerent pour donner tous en... femble à l heure de l'Attaque.
Elle commença à une heure apres minuit. Huit coups de Canon enfurent le ſignal.Tou- tes nos Troupes firent égale Ivj
104 LE MERCVRE ment bien ; il eſtoit neceffaire
qu'elles montraſſent de la vi- gueur pour forcer la reſiſtance
desEnnemis qui fut tres-grande dans tous les endroits qu'on at- taqua. On ne peut voir un plus grand feu de Grenades & de Mouſqueterie que celuy qu'ef- ſuyerent nos Gens pendanttrois heures. M. le Chevalier de Tilladet commandoit l'Attaque de
Navarre , & ſe rendit maiſtre
de tous les Ouvrages juſques à
la muraille de la Ville. Les
deux Bataillons de Bourgogne y eſtoientde garde , avec M. le Chevalier de Souvray , qui s'y eſt particulierement diftingué.
On y avoit auffi envoyé les Compagnies des Grenadiers de Humieres , Navarre , & Languedoc. L'Attaque des Gardes eut tout le ſuccès qu'on pou-
GALANT. 205 voit defirer. M. de Rubantel y
ſervoit de mareſchal de Camp,
&M. de S. Germain de la Breteche y commandoit trois cens Hommes détachez du Regiment des Gardes , avec leſquels
il chaſſa les Ennemis des Ouvrages qui regardent le Baſtion de Horn , juſques à l'Attaque
deNavarre, où il joignit le Re- giment de Bourgogne. Les deux Bataillons des Fuziliers ,
&un de Stoup , eſtoient de garde à l'Attaque de Boffu.
м. de Quincy mareſchal de
Camp , y commandoit , ayant ſous luy M. de Chimene Bri- gadier. Les Troupes de cette Attaque , avec les Grenadiers de la Reyne qui avoient à leur
teſte M. Paſſillon 1un de leurs,
Capitaines, ſe mirent dans l'eau glacée juſques à la ceinture ,
206 LE MERCVRE
& ayant paſſe l'Avant - Foffé de l'Ouvrage à corne , empor- terent cet Ouvrage avec une Demy- Lune. C'eſtoit tout ce qu'on leur avoit donné ordre d'attaquer. Trois cens Dra- gons commandez par M. de Fimarcon , firent une fauffe
Attaque à la Digue de Bo- dours. Ils prirent quatre-vingts fix Soldats , & deux Officiers.
M. de Sainfandoux voulut ſe
charger de cette Attaque, quoy
qu'il ne fuſt pas de jour. On auroit entré dans la Ville , ſi on avoit eu les choſes neceſſaires
pour en rompre la Porte , ou des Echelles pour monter.
Apres la priſe du Pâté , les TTroupes des deux autres Atta- ques ſe joignirent , & il en couſta aux Ennemis quatre Pie- ces de Canon qui estoient au
GALANT. 207 bout de leur Pont- Levis , & tiroient par des embraſures. Ces meſmes Troupes apres avoir fait des Retranchemens avec
desGabions , tournerent contre
la Porte de la Ville les quatre Pieces de Canon qu'elles ve- noient de gagner. Il y en avoit encor trois autres en état de
foudroyer les Affiegez; & tout eſtant preparé pour donner un Affaut general la nuit du dix au onze , le Gouverneur qui le ſçeut fit battre la Chamade à
deux heures apres midy. M. le Mareſchal ſe rendit à l'inſtant
meſme à la Thanchée , où il
trouva les Oftages qu'on luy amenoit. Il convint avec eux
qu'ils luy remettroient une des
Portes de la Ville , où il fit entrer auffi-toſt un Bataillon des
Gardes Françoiſes , & un des
208 LE MERCVRE
Gardes Suiſſes. La Garnison
de plus de mille Hommes for- tit le onzième au matin , avec
Armes &Bagages , &une Piece de Canon , pour aller à Bru- xelles , eſcortée par quatre- vingts Maiſtres des Troupesdu Royquidevoient revenir àAth.
Les Ennemis eſtoient arrivez
le 10. au ſoir à Mons , où ils
avoient fait tous les préparatifs.
neceſſaires pour le ſecours de la Place. Ils ne manquoient pas de Troupes , mais l'importance eſtant de choiſir un Chef, tous
ceux qui pouvoient en efperer le Commandement , avoient
long-temps conferé enſemble pour voir fur qui on trouvoit à
propos qu'on le fiſt tomber.
Monfieur le Mareſchal de
Humieres a paru infatigable pendant ce Siege ; on ne ſcau-
GALAN T. 209
roit exprimer ſa vigilance ; a
paffé les nuits entieres ou à la Tranchée, ou à visiter les Poſtes,
ou au Bioüac , & preſque tous les jours à cheval. Il ſembloit auffi que les Troupes fufſent animées par ſon exemple. La rigueur du temps n'a pû les re- froidir un moment , & on a
trouvé la meſme facilité à leur
faire faire toutes choſes qu'on auroit euëdans le Mois de Juin.
M. le Prince d'Iſenghien ayant eſté averty de ce Siege , prit auffi- toft la Poſte pour y aller joindre M. le marefchal deHu- mieres fon Beaupere , &donna des preuves de fon courage avec le marquis de ce nom fon Beau- frere. Comme l'impatience des François eft grande , fur tout quand il faut courir à la gloire,
des que M. le marquis de Na
210 LE MERCVRE
vailles eut appris qu'il y avoit une Place afſiegée , il s'y rendit auſſi-toſt en poſte , &fervit dés le ſoir meſme en qualité de Vo- lontaire. Il monta la Tranchée
avec le ſecond Bataillon des
Gardes ,&il continua à faire la
meſme choſe pendant tout le Siege. Ayant ſçeu que le ſoir qu'on devoit attaquer la Con- treſcarpe , le Regiment deNa- varre auroit le plus àfouffrir , il ſe mit à la teſte de ce Regiment;
où ſon intrépidité &ſa valeur ſe firent admirer. M. le Comte
de Tonnerre alla auſſi Volontaire à la Tranchée , & il y reçeut un coup de Mouſquet. M
leMarquis des Hiſſars quicommande le Regiment de Langue- doc, fit des choſes ſurprenantes
à la teſte de ce Regiment , qui s'eſt acquis beaucoup de repu
GALANT. 211 :
tation. Celuy du Pleffis ne s'eft pas moins fignalé , & s'il avoit eu desHaches pour rompre les Portesde laVille , il feroit entré
dedans comme nos Troupes firent à Valenciennes. M du
Poncer qui en eſtoit Lieute- nant Colonel , a eſté tué. M.
Deshoy Capitaine de ce Regi- ment , & M. Bienfait de Beaulieu,s'y ſont ſignalez. M.Cham- pagne premier Brigadier des Gardes de M. le Marefchal de
Humieres , s'eſt fort diſtingué pendant ce Siege , ainſi que M. Duparc Garde dans le mef- me Corps , & M. de Tangis qui en eſtoit forty pouragir enqua- lité d'Ingénieur. On ne peut douter qu'il n'y ait donné beau- coup de marques de courage ,
puis qu'il y fut bleſſé. M. de S. Germain de la Breteche le
212 LE MERCVRE
fut auffi à l'Attaque des Gar- des, & tomba du hautde la Digue , apres avoir receu deux bleffures. M. de Soify , Fils de M. le Preſident le Bailleul , fut
bleſſé dans la meſme occafion ;
tomba dans le Foffé , & paffa la nuit furla glace, parce qu'on ne le pût trouver que le lendemain. Mª de Seraucour & de
Chéviere Sous-Lieutenans aux
Gardes , & м. de Torcy Enſei- gne, ont eſté bleſſez , &м. Сі- gogne Lieutenant , tué. M. de Pierrebaſſe Ayde- major des Gardes, a eu la teſte emportée d'une voléede Canon.
rs
La nouvelle de la priſe de S. Guilain fut apportée auRoy par M. de la Taulade Ayde de Camp de M. le mareſchal de Humieres. M. le marquis de Louvois qui le preſenta , dit à
4
GALAN T. 213 Sa majeſté que les Ennemis publioient que les Anges Tu- telaires de la France luy fer- voient d'Eſpions dans le Ciel pour l'avertir des changemens du temps qui luy eſtoient pref- que toûjours favorable. Le Duc de Villa - Hermoſa eſtoit
à Haurec fort prés de la Place,
avec douze à treize mille Hommes, faiſant porter des Echelles pour paffer les Marais, & fe vantant qu'il attaqueroit les Lignes. Lors qu'il entendit que le Canontiroit fort peu, &puis qu'il ceſſoit entierement, il crût le Siege levé , & ayant détaché trois cens Chevaux pour pren- dre langue , ils en trouverent cinquante des Noftres envoyez pour le meſme deſſein. Celuy qui les commandoit ayant eſté pris pour avoir eu fon Cheval tué ſous luy , eut peine àdeſa
214 LE MERCVRE
bufer ce Duc, en l'aſſurant qu'il avoit veu entrerles Troupes de Sa majeſté dans la Place ; &
lors que les Affiegez batoient la Chamade , Monfieur le маreſchal de Humieres faifoit
monter ſa Cavalerie à cheval
pour aller vers les Ennemis dont
il venoit d'apprendre des nou- velles.
Le Roy a donné le Gouver- nement de S. Guilain à м. СаtinalCapitaine aux Gardes, qui a fait la Campagne paſſée en qualité de major des Gardes.
M. de Longpré Capitaine au Regimentde Picardie, en a eſté fait Lieutenant de Roy; & M. de l'Apparat Capitaine dans Piémont , en a eu la majorité.
Jamais Campagne ne fut plus glorieuſement finie. Cette der- niere Conqueſte adonné lieu àces Vers.
GALANT. 215 C'est àce coup qu'ilse faut rendre,
OFlandre ,
Puisque contre Loüis
Sontvains.
tous tes efforts
Saint Omer, Saint Guilain t'en donnant des exemples
Tres-amples,
Tunepeuxfaire mieux que d'imiter tes
Saints.
qu'elle fit méditer une autre Conqueſte. M. de S. Poüange partit en poſte de la Cour pour porter les ordres du Roy , faire préparer toutes chofes , &pref.
ſer l'execution de cequ'on avoit réſolu. Son ardeur pour le fer- vice de Sa Majesté eſt connuë,
& le zele qu'il fit voir pour la gloire de ſes armes à la Bataille de Caffel , fut fi grand , qu'il chargea luy-meſme les Enne- mis l'Epée à la main , quoy que fon Employl'en duſt diſpenſer.
Son départ fit faire de grands raiſonnemens , mais perſonne n'en devina le veritable ſujet,
&pluſieurs meſme crûment qu'il eſtoit envoyé en Allemagne.
Peu de jours apres nosTroupes deFlandre firent quelquesmou
190 LE MERCVRE
vemens. Elles inquiéterent les Ennemis , qui furent bientoft perfuadez qu'on alloit affieger Ypres , & c'eſtoit ce que l'on vouloit qu'ils crûffent. Cepen- dant S. Guilain ſe trouva inveſty , & le Gouverneur ne l'apprit qu'en le voyant. Le nombre des Troupes augmenta
en peude temps, & il y eut de- vant cette Place juſques à cent Eſcadrons , & quarante Bataillons qui ne demandoient qu'à combatre , & qui avoient meſme témoigné ſouhaiter qu'on fiſt un Siege , parce qu'ils commençoient à s'ennuyer dans leurs Garnifſons. Comme ils
avoient eſté tirez des Places des
environs , on nomma pour Of- ficiers Generaux les Gouverneurs de ces meſmes Places , à
cauſe de la facilité que chacun
GALAN T. 191
d'eux pouvoit avoirà faire venir defonGouvernementtoutes les
choſes neceſſaires pendant le Siege ; auſſi n'y manqua-t-on de rien. Toutes les Troupes fu- rent auſſi -bien nourries,& auffi
bien chaufées , qu'elles auroient pû l'eſtre dans leurs Quartiers d'Hyver , & on ne peut trop donner de loüanges aux Gou- verneurs pour les foins qu'ils ont eu de leur faire fournir tout
ce que la mauvaiſe Saifon de- mandoit qu'on leur donnaſt au delà de ce qu'elles avoient ac- coûtumé d'avoir dans le temps ordinaire de la Campagne.
Vous ne devez point vous éton- ner apres cela , Madame , fi on s'eſt rendu Maiſtre de S. Guilain, quoyque ce ſoit une Place qu'on n'euſt jamais crû de voir eſtre aſſiegée dans l'Hyver à
192 LE MERCVRE
cauſe des eaux qui l'environ- nent. C'eſt ce qui ne paroiſſoit pas vray - ſemblable ; mais les François prennent fans mena- cer ,au lieu que les Ennemis
menacent &ne viennent àbout
de rien ; &il eſt ſi vray que nos entrepriſes réüſſiſſent toûjours,
&mefme en fort peu de temps,
que je ne vous écris jamais le Siege d'une Place , que dans la
meſme Lettre je ne vous en marque la priſe ; mais il faut que je vous avoue queje man- que d'expreſſions pour parler,
comme il faudroit de la merveilleuſe conduite de la France.
Tous les termes ſont épuiſez ,
toutes les loüanges ſont uſées,
& cependant les reſſorts qui
font tout mouvoir , ne le font
pas : Au contraire , nous les
voyons tous les jours agir avec plus
GALANT. 193
plus de force , &cette derniere
Conqueſte en eſt une preuve.
Pour vous en informer plus par- ticulierement , il faut vous dire
que S. Guilain eſt une petite Ville du Hainault,à laquelle un Abbéqui vivoitvers leſeptieme Siecle , a donné ſon nom. Elle n'eſt qu'à une bonne lieuë de
Mons , ſur la Riviere de Haine.
Meſſieurs de Turenne & de la
Ferté , la prirent en 1635. en meſme temps que Condé, apres qu'on ſe fut rendu maiſtre de Landrecies. L'année ſuivante,
le Siege de Valenciennes eſtant levé , & Condé repris par les Eſpagnols, elle fut afſiegée pen- dant que M. de Turenne eſtoit devant laCapelle ; mais comme cette derniere Place reſiſta peu,
M. de Turenne eut le temps d'aller traverſer les Ennemis à
Tome X. I
194 LE MERCVRE
S. Guilain. Ils leverent le Siege fans l'attendre , & l'ayant for- médenouveau au mois de Mars
de l'année 1657. ils en vinrent à
bout parla trahiſon de quelques Etrangers qui leur livrerent les Dehors qu'ils gardoient.Quand à ce qui regarde la force de la Place , elle est environnée de
Marais. La Riviere de Haine
qui paſſe au milieu , ſe ſepare en trois bras dans la Ville, & fe
rejoint en deux pour en fortir.
Elle eſt defenduë par trois Fof- ſez pleins d'eau , par un Ou- vrage appellé le Pâté , qui eſt une eſpece de Boulevart , par
un autre Ouvrage à corne, une Demy-Lune , & pluſieurs Re- doutes , dont quelques - unes font entourées d'eau. Il me
reſte à vous apprendre les noms detous les Officiers Generaux
GALANT. 195
qui ont eu la conduite de ce Siege ſous M. le Mareſchal de
Humieres. Les Lieutenans Generaux furent M. de Nancre
Gouverneur d'Ath , & M. le
Comte Bardi - Magaloti , Gou- verneur de Valenciennes. On
choiſit pour Mareſchaux de Camp M. de Pertuis Gouverneur de Courtray , M. du Ran- ché Gouverneur du Queſnoy,
M.de SainfandouxGouverneur
de Tournay, m.le Chevalier de Tilladet , м. le Baron de Quinсу , м. de Cezan Gouverneur deCambray, & M.de Rubantel Capitaine au Regiment des Gardes. Mrs de Vauban & du
mez, qui ont la meſme qualité,
furent commandez pour la con- duite des Travaux &de l'Artillerie , & l'on peut juger par lå que le ſuccésde ces deux choIij
196 LE MERCVRE
ſes eſtoit infaillible. Les Briga- diers qui ont ſervy à ce Siege ;
font M. d'Aubarede Meſtre de
Camp du Regiment des Vaif- ſeaux , M. de S. George Meſtre deCamp du Regiment du Roy,
M. le Chevalier de Souvray
Lieutenant Colonel de Navarre , & M. Chimene. M. de Momont y a fait les fonctions de Major General. Un Siege en- trepris apres de ſi juſtes meſu- res , & qui devoit eſtre pouffé par tant de Braves , ne pouvoit manquer de réüffir. C'eſt ce qui a fait dire à un bel Eſprit de Lile , en s'adreſſant aux Ennemis ,
Espagnols, Hollandois, courez à Saint
Guilain ,
Malgréles Elemensd'Humieres le va
prendre ,
Etl'onne croitpasquedemain
GALANT.: 197 LaPlacepuiſſe ſe défendre.
Dépeſchez, &venez au moins Voirdeplus prés une Victoire Que vous auriez peut - estre peine à
croire ,
:
ON
Si vous n'en eſtiez les Témoins.YOM
Ils ont ſuivy ce confeil , &fem- blent n'eſtre venus fort pres de S. Guilain que pour en appren- dre plûtoſt la priſe. Voicy par ordre ce qui s'eſt paſſé au Siege de cette Place.
J Monfieur le mareſchal de
Humieres partit de Lile le 30.
de Novembre , avec м. lе маг- quis de Humieres ſon Fils , &
M. le Baron de Quincy. Il eſtoit accompagné delept Eſca- drons de Cavalerie , & fuiuy de M. de Sainfandoux , avec les
Troupes qui venoient du coſté de la Lys. Il arriva le premier de Decembre devant S. GuilI iij
198 LE MERCVRE
lain , à la pointedujour. Mude Nancré, deMagaloti , leChe- valier de Tilladet , du Ranché,
&de S. Riche , s'y trouverent enmeſme temps, ſuivant les or- dres qui leur avoient eſté en- voyez le jour précedent. Ils conduiſoient la Cavalerie,& les
Dragons d'Ath , Condé , Va- lenciennes , Doüay , S. Amant,
Orchies , Marchiennes , Bou- chain , &du Queſnoy , le tour au nombre de cinquante Eſca- drons. Deux Pieces de Canon
arriverent le meſme jour , &fu- rent menées à un Moulin pro- che la Redoute de Baudours.
Deux cens Dragons des Regi- mens Dauphin & Fimarcon ,
avec cinquante Mouſquetaires de la Garniſon d'Ath , l'attaquerent à l'entrée de la nuit.
Elle estoit gardée par cinquante
GALANT. 199
Hommes , qui l'abandonnerent apres avoir tiré cinquante ou ſoixante coups. Nos Gens les pourſuivirent,&en prirent dixhuitouvingt.
La Circonvalation fut reglée le lendemain , & l'Infanterie
qui devoit faire le Siege arriva au Camp. On ordonna trois Attaques. La premiere fut celle des Gardes. Elle devoit empor- ter une grande Redoute envi- ronnée de Foffez remplis d'eau,
avant que d'aprocher du Corps de la Place. Il faloit en fuite
arracher des Paliſſades qui de- fendoient le Pâté. Il ne pouvoit eſtre pris qu'en paſſant par def- fus une Digue fort étroite , &
fur laquelle on ne pouvoit aller qu'un àun.
La ſeconde Attaque , appel- lée celle de Navarre, avoit deux
I iiij
200 LE MERCVRE
grandes Redoutes à prendre ,
avec de grands Foffez pleins
d'eau.
L'Attaque de Boſſu eſtoit la troiſieme , & il faloit qu'elle gagnaſt un Ouvrage à corne ,
&une Demy-Lune , avantque d'arriver au Corps de la Place.
Le 4. on ouvrit la Tranchée
à ces trois Attaques. Onavança beaucoup le travail , principale- mentà celles de M du Ranché
& de S. George. M. le Maref- chal deHumieres demeura juf- ques àune heure apres minuit à
les viſiter continuellement depuis la teſte juſques à la queuë.
Les deux premiers Bataillons
des Gardes , de Navarre , & un du Royal , monterent la Garde,
& furent relevez le lendemain
par autant de Bataillons des meſmes Corps. Les Ennemis ne
GALANT.
:
201
tirerent que trois coups de Mouſquet , & un de Canon.
Le noſtre leur répondit le 6. au matin avec une Baterie de fix
Pieces.
une
Le 7. apres midy , on prit à.
l'Attaque de Navarre ,
grande Redoute qui n'eſtoit qu'à quarante pasdu Pâté. Elle eſtoit gardée par trois cens Hommes , qui ſe défendirent avec beaucoup de vigueur,mais ce ne fut que pour augmenter la gloire de Monfieur le Comte de Soiffons , qui s'expoſa tout- à- fait à cette Attaque,où il alla l'Epée à la main. Son Lieute.- nant Colonel eut le bras caffé,
celuy du Regiment du Pleſſis y
fut tué , & M. d'Aubarede dangereuſement bleſſe d'un coup de Mouſquet à la teſte.
Le 8. au foir , M. de SainfanIv
202 LE MERCVRE
doux monta laTranchée àl'Attaque des Gardes , avec le Re- giment de Rouffillon ; Mrs de Cezan & de Villechauve , à
celle de Navarre , avec le Regiment de Humieres ; &M.du Ranché , avec M. de Chimene,
à celle de Boſſu, avec le Regi- ment de Conty. On s'établit pendant la nuit à celle de Na- varre, dans les Logemens qu'on avoit faits. A celle de Boffu,
on paſſa l'Avant-foſſé de l'Ou- vrage à corne , & l'on y fit un Logement ſur le glacis. On dreſſa la meſme nuit une Baterie
de fixPieces,qui tiradésle point du jour ; &l'on augmenta celle de Navarre juſques au nombre de neuf ; de maniere que ces deux Bateries qui voyoient le Pâte à revers , incommoderent
fort chacunedeſon coſté.
GALANT. 203 Le 9. apres midy , fur l'avis que M. le mareſchal de Humieres eut que les Ennemis s'a- vançoient , & qu'ils n'eſtoient qu'à trois petites lieuës de mons,
il alla choiſir un Camp pour al- ler audevantd'eux,&leur donner Bataille , s'ils oſoient combatre. Il refolut en ſuite l'Attaque generale des Dehors ; &
comme lesglaces ne ſe trouve- rent pas affez fortes pour porter lesGardes qui devoient inſulter le Pâté , ils paſſerent un à un avec leur intrepidité ordinaire,
fur la Digue qui conduit à cet Ouvrage ; puis ils ſe raffem- blerent pour donner tous en... femble à l heure de l'Attaque.
Elle commença à une heure apres minuit. Huit coups de Canon enfurent le ſignal.Tou- tes nos Troupes firent égale Ivj
104 LE MERCVRE ment bien ; il eſtoit neceffaire
qu'elles montraſſent de la vi- gueur pour forcer la reſiſtance
desEnnemis qui fut tres-grande dans tous les endroits qu'on at- taqua. On ne peut voir un plus grand feu de Grenades & de Mouſqueterie que celuy qu'ef- ſuyerent nos Gens pendanttrois heures. M. le Chevalier de Tilladet commandoit l'Attaque de
Navarre , & ſe rendit maiſtre
de tous les Ouvrages juſques à
la muraille de la Ville. Les
deux Bataillons de Bourgogne y eſtoientde garde , avec M. le Chevalier de Souvray , qui s'y eſt particulierement diftingué.
On y avoit auffi envoyé les Compagnies des Grenadiers de Humieres , Navarre , & Languedoc. L'Attaque des Gardes eut tout le ſuccès qu'on pou-
GALANT. 205 voit defirer. M. de Rubantel y
ſervoit de mareſchal de Camp,
&M. de S. Germain de la Breteche y commandoit trois cens Hommes détachez du Regiment des Gardes , avec leſquels
il chaſſa les Ennemis des Ouvrages qui regardent le Baſtion de Horn , juſques à l'Attaque
deNavarre, où il joignit le Re- giment de Bourgogne. Les deux Bataillons des Fuziliers ,
&un de Stoup , eſtoient de garde à l'Attaque de Boffu.
м. de Quincy mareſchal de
Camp , y commandoit , ayant ſous luy M. de Chimene Bri- gadier. Les Troupes de cette Attaque , avec les Grenadiers de la Reyne qui avoient à leur
teſte M. Paſſillon 1un de leurs,
Capitaines, ſe mirent dans l'eau glacée juſques à la ceinture ,
206 LE MERCVRE
& ayant paſſe l'Avant - Foffé de l'Ouvrage à corne , empor- terent cet Ouvrage avec une Demy- Lune. C'eſtoit tout ce qu'on leur avoit donné ordre d'attaquer. Trois cens Dra- gons commandez par M. de Fimarcon , firent une fauffe
Attaque à la Digue de Bo- dours. Ils prirent quatre-vingts fix Soldats , & deux Officiers.
M. de Sainfandoux voulut ſe
charger de cette Attaque, quoy
qu'il ne fuſt pas de jour. On auroit entré dans la Ville , ſi on avoit eu les choſes neceſſaires
pour en rompre la Porte , ou des Echelles pour monter.
Apres la priſe du Pâté , les TTroupes des deux autres Atta- ques ſe joignirent , & il en couſta aux Ennemis quatre Pie- ces de Canon qui estoient au
GALANT. 207 bout de leur Pont- Levis , & tiroient par des embraſures. Ces meſmes Troupes apres avoir fait des Retranchemens avec
desGabions , tournerent contre
la Porte de la Ville les quatre Pieces de Canon qu'elles ve- noient de gagner. Il y en avoit encor trois autres en état de
foudroyer les Affiegez; & tout eſtant preparé pour donner un Affaut general la nuit du dix au onze , le Gouverneur qui le ſçeut fit battre la Chamade à
deux heures apres midy. M. le Mareſchal ſe rendit à l'inſtant
meſme à la Thanchée , où il
trouva les Oftages qu'on luy amenoit. Il convint avec eux
qu'ils luy remettroient une des
Portes de la Ville , où il fit entrer auffi-toſt un Bataillon des
Gardes Françoiſes , & un des
208 LE MERCVRE
Gardes Suiſſes. La Garnison
de plus de mille Hommes for- tit le onzième au matin , avec
Armes &Bagages , &une Piece de Canon , pour aller à Bru- xelles , eſcortée par quatre- vingts Maiſtres des Troupesdu Royquidevoient revenir àAth.
Les Ennemis eſtoient arrivez
le 10. au ſoir à Mons , où ils
avoient fait tous les préparatifs.
neceſſaires pour le ſecours de la Place. Ils ne manquoient pas de Troupes , mais l'importance eſtant de choiſir un Chef, tous
ceux qui pouvoient en efperer le Commandement , avoient
long-temps conferé enſemble pour voir fur qui on trouvoit à
propos qu'on le fiſt tomber.
Monfieur le Mareſchal de
Humieres a paru infatigable pendant ce Siege ; on ne ſcau-
GALAN T. 209
roit exprimer ſa vigilance ; a
paffé les nuits entieres ou à la Tranchée, ou à visiter les Poſtes,
ou au Bioüac , & preſque tous les jours à cheval. Il ſembloit auffi que les Troupes fufſent animées par ſon exemple. La rigueur du temps n'a pû les re- froidir un moment , & on a
trouvé la meſme facilité à leur
faire faire toutes choſes qu'on auroit euëdans le Mois de Juin.
M. le Prince d'Iſenghien ayant eſté averty de ce Siege , prit auffi- toft la Poſte pour y aller joindre M. le marefchal deHu- mieres fon Beaupere , &donna des preuves de fon courage avec le marquis de ce nom fon Beau- frere. Comme l'impatience des François eft grande , fur tout quand il faut courir à la gloire,
des que M. le marquis de Na
210 LE MERCVRE
vailles eut appris qu'il y avoit une Place afſiegée , il s'y rendit auſſi-toſt en poſte , &fervit dés le ſoir meſme en qualité de Vo- lontaire. Il monta la Tranchée
avec le ſecond Bataillon des
Gardes ,&il continua à faire la
meſme choſe pendant tout le Siege. Ayant ſçeu que le ſoir qu'on devoit attaquer la Con- treſcarpe , le Regiment deNa- varre auroit le plus àfouffrir , il ſe mit à la teſte de ce Regiment;
où ſon intrépidité &ſa valeur ſe firent admirer. M. le Comte
de Tonnerre alla auſſi Volontaire à la Tranchée , & il y reçeut un coup de Mouſquet. M
leMarquis des Hiſſars quicommande le Regiment de Langue- doc, fit des choſes ſurprenantes
à la teſte de ce Regiment , qui s'eſt acquis beaucoup de repu
GALANT. 211 :
tation. Celuy du Pleffis ne s'eft pas moins fignalé , & s'il avoit eu desHaches pour rompre les Portesde laVille , il feroit entré
dedans comme nos Troupes firent à Valenciennes. M du
Poncer qui en eſtoit Lieute- nant Colonel , a eſté tué. M.
Deshoy Capitaine de ce Regi- ment , & M. Bienfait de Beaulieu,s'y ſont ſignalez. M.Cham- pagne premier Brigadier des Gardes de M. le Marefchal de
Humieres , s'eſt fort diſtingué pendant ce Siege , ainſi que M. Duparc Garde dans le mef- me Corps , & M. de Tangis qui en eſtoit forty pouragir enqua- lité d'Ingénieur. On ne peut douter qu'il n'y ait donné beau- coup de marques de courage ,
puis qu'il y fut bleſſé. M. de S. Germain de la Breteche le
212 LE MERCVRE
fut auffi à l'Attaque des Gar- des, & tomba du hautde la Digue , apres avoir receu deux bleffures. M. de Soify , Fils de M. le Preſident le Bailleul , fut
bleſſé dans la meſme occafion ;
tomba dans le Foffé , & paffa la nuit furla glace, parce qu'on ne le pût trouver que le lendemain. Mª de Seraucour & de
Chéviere Sous-Lieutenans aux
Gardes , & м. de Torcy Enſei- gne, ont eſté bleſſez , &м. Сі- gogne Lieutenant , tué. M. de Pierrebaſſe Ayde- major des Gardes, a eu la teſte emportée d'une voléede Canon.
rs
La nouvelle de la priſe de S. Guilain fut apportée auRoy par M. de la Taulade Ayde de Camp de M. le mareſchal de Humieres. M. le marquis de Louvois qui le preſenta , dit à
4
GALAN T. 213 Sa majeſté que les Ennemis publioient que les Anges Tu- telaires de la France luy fer- voient d'Eſpions dans le Ciel pour l'avertir des changemens du temps qui luy eſtoient pref- que toûjours favorable. Le Duc de Villa - Hermoſa eſtoit
à Haurec fort prés de la Place,
avec douze à treize mille Hommes, faiſant porter des Echelles pour paffer les Marais, & fe vantant qu'il attaqueroit les Lignes. Lors qu'il entendit que le Canontiroit fort peu, &puis qu'il ceſſoit entierement, il crût le Siege levé , & ayant détaché trois cens Chevaux pour pren- dre langue , ils en trouverent cinquante des Noftres envoyez pour le meſme deſſein. Celuy qui les commandoit ayant eſté pris pour avoir eu fon Cheval tué ſous luy , eut peine àdeſa
214 LE MERCVRE
bufer ce Duc, en l'aſſurant qu'il avoit veu entrerles Troupes de Sa majeſté dans la Place ; &
lors que les Affiegez batoient la Chamade , Monfieur le маreſchal de Humieres faifoit
monter ſa Cavalerie à cheval
pour aller vers les Ennemis dont
il venoit d'apprendre des nou- velles.
Le Roy a donné le Gouver- nement de S. Guilain à м. СаtinalCapitaine aux Gardes, qui a fait la Campagne paſſée en qualité de major des Gardes.
M. de Longpré Capitaine au Regimentde Picardie, en a eſté fait Lieutenant de Roy; & M. de l'Apparat Capitaine dans Piémont , en a eu la majorité.
Jamais Campagne ne fut plus glorieuſement finie. Cette der- niere Conqueſte adonné lieu àces Vers.
GALANT. 215 C'est àce coup qu'ilse faut rendre,
OFlandre ,
Puisque contre Loüis
Sontvains.
tous tes efforts
Saint Omer, Saint Guilain t'en donnant des exemples
Tres-amples,
Tunepeuxfaire mieux que d'imiter tes
Saints.
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Résumé : Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
Après la reddition de Fribourg, des préparatifs furent entrepris pour une nouvelle conquête. Monsieur de Saint-Poüange fut envoyé exécuter les ordres du roi, suscitant des spéculations sur sa destination. Les troupes en Flandre effectuèrent des mouvements pour inquiéter les ennemis, qui crurent qu'Ypres serait assiégée. Cependant, Saint-Guilain fut investi, et le gouverneur ne l'apprit qu'en voyant les troupes françaises. Le nombre de troupes augmenta rapidement, avec cent escadrons et quarante bataillons prêts à combattre. Les gouverneurs des places environnantes furent nommés officiers généraux pour faciliter l'approvisionnement. Malgré les conditions hivernales défavorables, les Français prirent Saint-Guilain, une petite ville du Hainault près de Mons, sur la rivière de Haine. La place était protégée par des marais et des ouvrages défensifs. Le siège fut dirigé par le maréchal d'Humières, avec plusieurs lieutenants généraux et maréchaux de camp. Les troupes furent bien nourries et chauffées, grâce aux efforts des gouverneurs. Le siège débuta le 30 novembre, avec des attaques sur plusieurs redoutes et ouvrages défensifs. Les Français prirent la redoute de Navarre le 7 décembre, malgré une résistance acharnée. L'attaque générale eut lieu dans la nuit du 9 au 10 décembre, avec un succès complet. Les troupes françaises forcèrent les défenses ennemies, prenant plusieurs ouvrages et entrant dans la ville. Le gouverneur demanda une trêve, et la place se rendit le 11 décembre. Le 11 avril, le maréchal de Humieres se rendit à la tranchée et convint avec des otages de la remise d'une des portes de la ville, permettant l'entrée d'un bataillon des Gardes Françaises et des Gardes Suisses. La garnison, forte de plus de mille hommes, quitta la ville au matin avec armes, bagages et une pièce de canon, escortée par quatre-vingts maîtres des troupes du roi revenant d'Ath. Les ennemis, prêts à secourir la place, hésitaient sur le choix d'un chef. Le maréchal de Humieres montra une vigilance infatigable durant le siège, passant les nuits à la tranchée ou à visiter les postes. Le prince d'Isenghien et le marquis de Navailles rejoignirent le maréchal, démontrant leur courage. Plusieurs officiers se distinguèrent par leur bravoure. Plusieurs blessés furent recensés, dont M. de Tangis, ingénieur, et M. de Pierrebasse, aide-major des Gardes. La nouvelle de la prise de Saint-Guilain fut apportée au roi par M. de la Taulade. Le duc de Villa-Hermosa, près de la place avec douze à treize mille hommes, crut le siège levé lorsqu'il entendit que le canon cessait. Le roi nomma M. Catinal gouverneur de Saint-Guilain, M. de Longpré lieutenant du roi, et M. de l'Apparat major. La campagne se conclut glorieusement.
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