Résultats : 3 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 95-116
REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
Début :
MESSIEURS, J'ay souhaité avec tant d'ardeur l'honneur [...]
Mots clefs :
Homme, Honneur, Donner, Matière, Demander, Place, Compagnie, Mérite, Avantages, Heureux, Perte, Roi, Gloire, Prix, Honneurs, Ministère, Places, Mémoire, Peine, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
REMERCIMENT
A MESSIEURS
DE L'ACADEMIE
FRANCOISE.
MESSIEUE ESSIEURS ,
Fay fouhaité avec tant d'ardeur
l'honneur que je reçois aujourd'huy,
& mes empressemens à le demander
vous l'ont marqué en tant de ren96
MERCURE
1
contres , que vous ne pouviez douter
que je ne le regarde comme une chofe,
qui en rempliffant tous mes de
firs , me met en état de n'en plus
former. En effet, Meſſieurs , jusqu'où
pourroit aller mon ambition , fi elle
n'étoit pas entierement fatisfaite ?
M'accorder une Place parmy vous,
c'eft me la donner dans la plus Illustre
Compagnie où les belles Lettres
ayent jamais ouvert l'entrée.
Pour bien concevoir de quel prix.
elle eft , je n'ay qu'à jetter les yeux
fur tant de grands Hommes , qui
élevez aux premieres Dignitez de
l'Eglife & de la Robe , comblez des
honneurs du Miniftere , distingue
par une naiffance qui leur fait tenir
les plus hauts rangs à la Cour,
Je font empreffez à eftre de vostre
Corps. Ces Dignite éminentes , ces
Honneurs du Miniftere, la fplendeur
de la Naiffance , l'élevation du
Rangi
GALANT. 97
(
1
·Bang; tout cela n'a pú leur perfuader
que rien ne manquoit à leur
merite Ils en ont cherché l'accom-
:
pliffement dans les avantages que
l'esprit peut procurer à ceux en qui
l'on voit les rares Talens , qui font
voftre heureux partage ; & pour
perfectionner ce qui les mettoit au
deffus de vous , ils ont fait gloire de
vous demander des Places qui vous
égalent à eux. Mais , Meffieurs , il
n'y a point lieu d'en estre furpris .
On afpire naturellement à s'acque.
rir l Immortalité ; & où peut- on plus
feurement l'acquerir que dans une
Compagnie où toutes les belles connoiffances
fe trouvent comme ramaffées
pour communiquer à ceux
qui ont l'honneur d'y entrer
qu'elles ont de folide, de delicat, &
digne d'eftre fçeu ; car dans les
Sciences mefmes il y a des chofs
qu'on peut negliger comme inutiles ,
Janvier 1685.
E
,
ce
981 MERCURE
& je ne fçay fi ce n'est point un
défaut dans unfçavant Homme, que
de l'eftre trop. Plufieurs de ceux à
qui l'on donne ce nom , ne doivent
peut - estre qu'au bonheur de leur
memoire, ce qui les met au rang des
Sçavans. Ils ont beaucoup leu ; ils
ont travaillé à s'imprimer fortement
tout ce qu'ils ont leu ; & chargez
de l'indigefte & confus amas de ce
qu'ils ont retenu fur chaque matiere,
ce font des Bibliotheques vivantes
, preftes à fournir diverſes recherches
fur tout ce qui peut tomber
en difpute ; mais ces richellesfemées
dans un fond qui ne produit rien de
Joy , les laiffent fouvent dans l'indigence.
Aucune lumiere qui vienne
d'eux ne débrouille ce Cahos . Ils
difent de grandes chofes, qui ne leur
coûtent que
la peine de les dire , &
avec tout leurfçavoir étranger , on
pourroit avoir fujet de demander
s'ils at de l'efprit.
LYO
*
1832
GALAN T.
bye
'S
pla
Ce n'est point , Meffic
qu'on trouve parmy vous .
profonde érudition s'y rencontre.
mais dépouillée de ce qu'elle a ordinairement
d'épineux , & defanvage.
La Philofophie , la Théologie,
l'Eloquence , la Poëfie, l'Hiftoire, &
les autres Connoiffances qui font
éclater les dons que l'efprit reçoit de.
la Nature , vous les poffedez dans ce
qu'elles ont de plus fublime. Tout
vous en eft familier Vous les manie
comme il vous plaift , mais en grands
Maiftres , toûjours avec agrément ,
toûjours avec politeffe ; & fi dans
les Chef d'oeuvres qui partent de
vous , & qui font les modèles les
plus parfaits qu'onfe puiffe propofer
dans toute forte de genres d'écrire,
vous tire quelque utilité de vos
Lectures , fi vous vous fervez de
quelques penfées des Anciens , pour
mettre les voftres dans un plus bean
DEL
E 2
100 MERCURE
jour ; ces pensées tiennent toûjours
plus de vous , que de ceux qui vous
les prefent. Vous trouvez moyen de
les embellir par le tour heureux que
vous leur devez. Ce font à la verité
des Diamans , mais vous les
taillez ; vous les enchaffe avec
tant d'art , que la maniere de les
mettre en oeuvre , paffe tout le prix
qu'ils ont d'eux mefmes.
Si des excellens Ouvrages dont
chacun de vous choisit la matiere
felon fon Genie particulier , je viens
à ce grand & labourieux Travail
qui fait le fujet de vos Aſſemblées ,
& pour lequel vous uniffez tous les
jours vos foins ; qu'elles louanges ,
Meffieurs,ne doit- on pas vous donner
pour cette conftante application
avec laquelle vous vous attachez à
nous aider à déveloper ce qu'onpeut
dire , qui fait en quelquefaçon l'effence
de l'Homme. L'Homme n'eft
GALAN T.
ΠΟΙ
Homme principalement que parce
qu'il penfe . Ce qu'il conçoit au dedans
, il a befoin de le produire au
dehors , & en travaillant à nous apprendre
à quel ufage chaque mot eft
deftiné, vous cherchez à nous donner
des moyens certains de montrer ce
que nous fommes. Par ce fecours
attendu de tout le monde avec tant
d'impatience , ceux qui font affez
heureuxpour penſer juste , auront la
mefme jufteffe à s'exprimer ; & file
Public doit tirer tant d'avantages
de vos fçavantes & judicieufes décifions
, que n'en doivent point attendre
ceux qui estant reçeus dans
ces Conferences , où vous répande
vos lumiéres fi abondamment ,
peuvent
les puiferjufque dans Irurfource?
Je me vois prefentement de ce
nombre heureux , & dans la poffef
fion de ce bonheur , j'ay peine à m'imaginer
que je ne m'abuſe pas .
E
3
102 MERCURE
4
Fe le répete , Meffieurs , une Place
parmy vous donne tant de gloire,
&je la connois d'un figrand prix ,
quefilefuccés de quelques Ouvrages
que le public a reçeus de moy affez
favorablement m'a fait croire
quelque -fois que vous ne defapprouweriek
pas l'ambitieux fentimens
qui me portoit à la demander , i'ay
defefperéde pouvoir iamais en eftre
digne , quand les obftacles qui m'ont
sufqu'icy empefché de l'obtenir m'ont
fait examiner avec plus d'attention
quelles grandes qualite il faut
avoir pour réüſfir dans une entreprim
fe fi relevée. Les Illuftres Concurrens
qui ont emporté vos fuffrages
toutes les fois que j'ay ofé'y préten
dre , m'ont ouvert les yeuxfur mes
efperances trop présomptueuses. En
me montrant ce merite confommé
qui les a fait recevoir fi toft qu'ils
Se font offerts , ils m'ont fait voir
GALANT. 103
ce que je devois tâcher d'acquérir
pour eftre en état de leur reffembler.
L'ay rendu justice à voftre difcernement
, & me la rendant en même
temps à moy - même , j'ay employé
tous mes foins à ne me pas laiffer
inutiles les fameux exemples que
vous m'avezproposez
faitla
L'avoue , Meffieurs , que quand
aprés tant d'épreuves , vous m'avez
grace de jetter les yeux fur
moy , vous m'auriez mis en péril de
me permettre la vanité la plus condamnable
, fi je ne m'estois affez
fortement étudié pour n'oublier pas
ce que je fuis. Le me feroit peut- eftre
flaté, qu'enfin vous m'auriez trouvé
Les qualitez que vousfouhaitez dans
des Academiciens dignes de ce Nom ,
d'un gouft exquis , d'une penetration
entiére parfaitement éclairez
enun mot tels que vous eftes . Mais
Meffieurs , l'honneur qu'il vous a
•
E 4
104 MERCURE
plu de me faire, quelque grand qu'il
foit , ne m'aveugle point . Plus vôtre
confentement à me l'accorder a
efté prompt , & fi je l'ofe dire, unanime
, plus je voy par quel motif
Vous avez accompagné vostre choix
d'une diftinction fi peu ordinaire. Ce
que mes defauts me défendoient d'efpérer
de vous , vous l'avez donné à
la memoire d'un Homme que vous
regardiezcomme un des principaux.
ornemens de voftre Corps. L'eftime
particuliere que vous avez toujours
euë pour luy, m'attire celle dont vous
me donne des marques fi obligeantes.
Sa perte vous a touche , &
pour le faire revivreparmy vous autant
qu'il vous eft poſſible , vous
avez voulu me faire remplir fa
Place , ne doutant point que qua.
lité de Frere , qui l'a fait plus d'u
ne fois vous folliciter en mafaveur ,
ne l'euft engagé à m'inspirer les
La
GALANT.
105
fentimens d'admiration qu'il avoit
pour toute voftre Illuftre Compagnie.
Ainfi , Meffieurs , vous l'avezcherché
en moy , & n'y pouvant trouver
fon merite, vous vous cftes contentek
d'y trouver fon Nom.
Famais une perte fi confiderable
nepouvoit eftre plus imparfaitement
reparée ; mais pour vous rendre l'inégalité
du changement plus fupportable
, fongez , Meffieurs , que
lors qu'un siècle a produit un Homme
auffi extraordinaire qu'il eftoit , il
arrive rarement que ce mefme Siécle
en produife d'autres capables de
l'égaler. Il est vray que celuy où nous
vivons eft le siècle des Miracles, &
jay fans doute à rougir d'avoir ſi
mal profité de tant de Leçons que
jay reçûës de fa propre bouche , par
cette pratique continuelle qué me
donnoit avec luy la plus parfaite
union qu'on ait jamais venë entre
E S
106 MERCURE
deux Freres , quand d'heureux Gé.
nies , privez de cet avantage , fe
font elevez avec tant de gloire ,
que ce qui a paru d'eux a esté le
charme de la Cour & du Public . Ce
pendant , quand mefme l'on pourroit
dire que quelqu'un l'euft furpaſſe;
luy qu'on a mis tant de fois au deffus
des Anciens , ilferoit toûjours tresvray
que le Théatre François luy
doit tout l'éclat où nous le voyons.
Ie n'ofe , Meffieurs , vous en dire
rien de plus. Sa perte qui vous
eft fenfible à tous , eftfi particuliére
pour moy , que l'ay peine à foutenir
Les triftes idées qu'elle me prefente .
J'ajouteray feulement qu'une des
chofes qui vous doit le plus faire,
cherir fa memoire ; c'est l'attachement
queje luy ay toûjours remarqué
pour tout ce qui regardoit les interests
de l'Academie. Il montroit par
là combien il avoit d'estime pour
GALANT. 107
tous les Illuftres qui la compofent, &
reconnoiffoit en même temps les bienfaits
dont il avoit efté honoré par
Monfieur le Cardinal de Richelieu ,
qui en eft le Fondateur. Ce grand
Miniftre, tout couvert degloire qu'il
étoit par le floriffant état où il avoit
mis la France , fe répondit moins de
l'éternelle durée de fon Nom , pour
avoir executé avec des fuccés prefque
incroyables les Ordres reccus de
Louis le juste, que pour avoir étably
la celebre Compagnie dont vous foû
tenez l'honneur avec tant d'éclat.
Il n'employa ny le Bronze ny.
rain , pour leur confier les differentes
merveilles qui rendent fameux le
temps de fon Miniftere. Il s'en repofa
fur voftre reconnoiffance , & fe
tint plus affuré d'atteindre par vous
jufqu'à la pofterité la plus reculée,
que par les deffeins de l'Herefie renverfe
, & par l'orgueil fi fouvent
l'Ai-
E 6
108 MERCURE
humilié d'une Maifon fière de la
longue fuite d'Empereurs qu'il y a
plus de deux Siecles qu'elle donne à
l'Allemagne. Sa mort vous fut un
coup rude. Elle vous laiffoit dans un
état qui vous donnoit tout à craindre
, mais vous étiezrefervezà des
honneurs éclatans , &en attendant
que le temps en fuft venu , un des
grands Chanceliers que la France
ait eus, prit foin de vous confoler de
cette perte. L'amour qu'il avois pour
les belles Lettres luy infpira le def- ·
fein de vous attirer chez luy. Vous
y receûtes tous les adouciffemens que
vous pouvez efperer dans vostre
douleur , d'un Protecteur Kelé pour
vos avantages. Mais , Meffieurs ,juf
qu'où n'allerent ils point , quand le
Roy luy - mefme vous logeant dans
fon Palais ,& vous approchant defa
Ferfonne Sacrée , vous bonora de fes
graces &de fa protection ?
GALANT. 109
·
Voftre fortune eft bien glorieufe ,
mais n'a t elle rien qui vous étonne?
L'ardeur qui vous porte à reconnoître
les bontez d'un fi grand Prince ,
quelque pressée qu'elle soit par les
Miracles continuels de fa vie , n'eftelle
point arrestée par l'impuiffante
de vous exprimer ? Quoy que nostre
Langue abonde en paroles , & que
toutes les richeffes vous en foient
connues , vous la trouvez fans doute
fterile,quand voulant vous en fervir
pour expliquer ces Miracles , vous
portez vostre imagination au delà
de tout ce qu'elle peut vous fournir.
fur une fi vaste matiere . Si c'eft un
malheur pour vous de ne pouvoir
fatisfaire vostre Zele par des expreffions
qui égalent ce que l'Envie
elle - mefme ne peut fe défendre
d'admirer, au moins vous en pouvez
estre confolé par le plaifir de connoitre
que quelque foibles que puf110
MERCURE
fent estre ces expreffions , la gloire du
Roy n'y fçauroit rien perdre. Ce n'eft .
que pour relever les actions mediocres
qu'on a befoin d'éloquence. Ses
ornemens fi neceffaires à celles qui
ne brillent point par elles mefmes,
font inutiles par ces Exploits fur-.
prenans qui approchent du prodige,
& qui étant crûs, parce qu'on en eft
témoin , ne laiffent pas de nous paroître
incroyables.
Quand vous diriez feulement,
Louis LE GRAND a foûmis
une Province entiere en huit
jours , dans la plus forte rigueur
de l'Hyver.En vingt - quatre heures
il s'est rendu Maître de quatre
Villes affiegées tout à la fois .
Il a pris foixante Places en une
feule Campagne. Il a refifté luy
feul aux Puiffances les plus redoutables
de l'Europe liguées enfemble
pour empeſcher fes ConGALANT.
III
quetes. Il a rétably fes Alliez .
Aprés avoir impofé la Paix , faifapt
marcher la Juftice pour toutes
armes , il s'eft fait ouvrir en un
mefme jour les Portes de Strafbourg
, & de Cafal , qui l'ont reconnu
pour leur Souverain , Cela
eft tout fimple, cela est uny ; mais
cela remplit l'efprit de fi grandes
chofes , qu'il embrasse incontinent
tout ce qu'on n'explique pas , & je
doute que ce grand Panegyrique qui
a coûte tant de foin à Pline le feu-
пе foffe autant pour la gloire de
Trajan, que ce peu de mots , tout dénuez
qu'ils font de ce fard qui embellit
les objets , feroit capable de
faire pour celle de nostre Auguste
Monarque.
"
Il eft vray , Meffieurs , qu'il n'en
feroit pas de mefme ,fi vous vouliez
faire la Peinture des rares vertus
du Roy. Où tromveriez- vous des terII
2 MERCURE
mes pour reprefenter affez digne
ment cette grandeur d'ame , qui l'élevant
au deffus de tout ce qu'il y a
de plus Noble , de plus Heroique , &
de plus Parfait , c'eft à dire de Luymefme,
le fait renoncer à des avantages
que d'autres que luy recherche
roient aux dépens de toutes choſes ?
Aucune entreprise ne luy a manqué.
Pour fe tenir affuré de réuſſir dans
les Conqueftes les plus importantes,
il n'a qu'à vouloir tout ce qu'il peut.
La Victoire qui l'a fuivy en tous
lieux , est toujours prefte à l'accom.
pagner. Elle tâche de toucher fon
coeur par fes plus doux charmes . It
a tout vaincu , il veut la vaincre
elle mefme, & il fe fert pour cela
des armes d'une Moderation qui n'a
point d'exemple. Il s'arrefte au milieu
de fes Triomphes ; il offre la
Paix ; il en preferit les conditions,
& ces conditions fe trouventfijuftes,
GALANT. 113
que fes Ennemis font obligez de les
accepter. La jaloufte où les met la
gloire qu'il ad'eftre feul Arbitre du
Deftin du Monde , leurfait chercher
des difficulte pour troubler le calme
qu'il a rétably. On luy declare de
nouveau la Guerre . Cette Declaraleur
tation ne l'ébranle point. Il offre la
Paix encore une fois ; & comme il
Scait que la Tréve n'a aucunes fuites
qui en puiffent autorifer la rupture
, il laiffe le choix de l'une ou
de l'autre. Ses Ennemis balansent
long- temps fur la refolution qu'ils
doivent prendre. Il voit que
avantage eft de confentir à ce qu'il
leur offre. Pour les y forcer , il attaque
Luxembourg.Cette Place , impre
nable pour tout autre, fe rend en an
mois , & auroit moins refifté , fi pour
épargner le fang de fes Officiers &
de fes Soldats , ce fage Monarque
n'eust ordonné que l'on fift le Siege
114 MERCURE
dans toutes les formes. La Victoire
qui cherche toujours à l'éblouir , luy
fait voir que cette prife luy répond
de celle de toutes les Places du Païs
Efpagnol. Elle parle fans qu'elle fe
puiffe faire écouter. Il perfiste dans
fes propofitions de Tréve, elle eft enfin
acceptée , & voila l'Europe dans
un plein repos.
Que de merveilles renferme cette
grandeur d'ame , dont i'ay oféfaire
une foible ébauche ! C'est à vous ,
Meffieurs , à traiter cette matiére
dans toute fon étenduë. Si noftre
Langue ne vous prefte point dequoy
luy donner affez de poids & de force
, vousfuppléerez à cette fterilité
par le talent merveilleux que vous
avezde faire fentir plus que vous
ne dites . Ilfaut de grands traits pour
les grandes chofes que le Roy a faites
, de ces traits qui montrent tout
d'une feule veuë , & qui offrent à
GALANT. 113
L'imagination ce que les ombres du
Tableau nous cachent. Quand vous
parlerez defa vigilance exacte &
toniour's active , pour ce qui regarde
Le bien de fes Peuples , la gloire de
Jes Etats , & la maicfté du Trône ;
de ce zele ardent & infatigable, qui
luy fait donner fes plus grands foins
à détruire entierement l'Herefte , go
à rétablir le culte de Dieu , dans
toutes fa pureté; & enfin de tant
d'autres qualite auguftes , que le
Ciel a voulu voir en luy , pour le
rendre le plus grand de tous les
Hommes ; fi vous trouvez la matiere
inépuisable, voftre adreſſe à exe
cuter heureufement les plus hauts
deffeins , vous fera choisir des expreffions
fi vives , qu'elles nous feront
entrer tout d'un coup dans tout
ce que vous voudrez nous faire entendre.
Par l'ouverture qu'elles donneront
à noftre esprit , nos reflexions
2
716 MERCURE
nous meneront jufqu'où vous entreprendrez
de les faire aller , & c'eft
ainsi que vous remplire parfaitement
toute la grandeur de votre
Sujet.
Quel bon- heur pour moy , Meffieurs
, de pouvoir m'inftruire fous
de fi grands Maifires ! Mes foins
affidus à me trouver dans vos Af-
Semblées pour y profiter de vos Leçons
, vous feront connoiftre , que fi
l'honneur que vous m'avez fait ,
paffe de beaucoup mon peu de merite
, du moins vous ne pouviez le
repandre fur une perfonae qui le
reçeuft avec des fentimens plus refpectueux
& plus remplis de reconnoiffance.
A MESSIEURS
DE L'ACADEMIE
FRANCOISE.
MESSIEUE ESSIEURS ,
Fay fouhaité avec tant d'ardeur
l'honneur que je reçois aujourd'huy,
& mes empressemens à le demander
vous l'ont marqué en tant de ren96
MERCURE
1
contres , que vous ne pouviez douter
que je ne le regarde comme une chofe,
qui en rempliffant tous mes de
firs , me met en état de n'en plus
former. En effet, Meſſieurs , jusqu'où
pourroit aller mon ambition , fi elle
n'étoit pas entierement fatisfaite ?
M'accorder une Place parmy vous,
c'eft me la donner dans la plus Illustre
Compagnie où les belles Lettres
ayent jamais ouvert l'entrée.
Pour bien concevoir de quel prix.
elle eft , je n'ay qu'à jetter les yeux
fur tant de grands Hommes , qui
élevez aux premieres Dignitez de
l'Eglife & de la Robe , comblez des
honneurs du Miniftere , distingue
par une naiffance qui leur fait tenir
les plus hauts rangs à la Cour,
Je font empreffez à eftre de vostre
Corps. Ces Dignite éminentes , ces
Honneurs du Miniftere, la fplendeur
de la Naiffance , l'élevation du
Rangi
GALANT. 97
(
1
·Bang; tout cela n'a pú leur perfuader
que rien ne manquoit à leur
merite Ils en ont cherché l'accom-
:
pliffement dans les avantages que
l'esprit peut procurer à ceux en qui
l'on voit les rares Talens , qui font
voftre heureux partage ; & pour
perfectionner ce qui les mettoit au
deffus de vous , ils ont fait gloire de
vous demander des Places qui vous
égalent à eux. Mais , Meffieurs , il
n'y a point lieu d'en estre furpris .
On afpire naturellement à s'acque.
rir l Immortalité ; & où peut- on plus
feurement l'acquerir que dans une
Compagnie où toutes les belles connoiffances
fe trouvent comme ramaffées
pour communiquer à ceux
qui ont l'honneur d'y entrer
qu'elles ont de folide, de delicat, &
digne d'eftre fçeu ; car dans les
Sciences mefmes il y a des chofs
qu'on peut negliger comme inutiles ,
Janvier 1685.
E
,
ce
981 MERCURE
& je ne fçay fi ce n'est point un
défaut dans unfçavant Homme, que
de l'eftre trop. Plufieurs de ceux à
qui l'on donne ce nom , ne doivent
peut - estre qu'au bonheur de leur
memoire, ce qui les met au rang des
Sçavans. Ils ont beaucoup leu ; ils
ont travaillé à s'imprimer fortement
tout ce qu'ils ont leu ; & chargez
de l'indigefte & confus amas de ce
qu'ils ont retenu fur chaque matiere,
ce font des Bibliotheques vivantes
, preftes à fournir diverſes recherches
fur tout ce qui peut tomber
en difpute ; mais ces richellesfemées
dans un fond qui ne produit rien de
Joy , les laiffent fouvent dans l'indigence.
Aucune lumiere qui vienne
d'eux ne débrouille ce Cahos . Ils
difent de grandes chofes, qui ne leur
coûtent que
la peine de les dire , &
avec tout leurfçavoir étranger , on
pourroit avoir fujet de demander
s'ils at de l'efprit.
LYO
*
1832
GALAN T.
bye
'S
pla
Ce n'est point , Meffic
qu'on trouve parmy vous .
profonde érudition s'y rencontre.
mais dépouillée de ce qu'elle a ordinairement
d'épineux , & defanvage.
La Philofophie , la Théologie,
l'Eloquence , la Poëfie, l'Hiftoire, &
les autres Connoiffances qui font
éclater les dons que l'efprit reçoit de.
la Nature , vous les poffedez dans ce
qu'elles ont de plus fublime. Tout
vous en eft familier Vous les manie
comme il vous plaift , mais en grands
Maiftres , toûjours avec agrément ,
toûjours avec politeffe ; & fi dans
les Chef d'oeuvres qui partent de
vous , & qui font les modèles les
plus parfaits qu'onfe puiffe propofer
dans toute forte de genres d'écrire,
vous tire quelque utilité de vos
Lectures , fi vous vous fervez de
quelques penfées des Anciens , pour
mettre les voftres dans un plus bean
DEL
E 2
100 MERCURE
jour ; ces pensées tiennent toûjours
plus de vous , que de ceux qui vous
les prefent. Vous trouvez moyen de
les embellir par le tour heureux que
vous leur devez. Ce font à la verité
des Diamans , mais vous les
taillez ; vous les enchaffe avec
tant d'art , que la maniere de les
mettre en oeuvre , paffe tout le prix
qu'ils ont d'eux mefmes.
Si des excellens Ouvrages dont
chacun de vous choisit la matiere
felon fon Genie particulier , je viens
à ce grand & labourieux Travail
qui fait le fujet de vos Aſſemblées ,
& pour lequel vous uniffez tous les
jours vos foins ; qu'elles louanges ,
Meffieurs,ne doit- on pas vous donner
pour cette conftante application
avec laquelle vous vous attachez à
nous aider à déveloper ce qu'onpeut
dire , qui fait en quelquefaçon l'effence
de l'Homme. L'Homme n'eft
GALAN T.
ΠΟΙ
Homme principalement que parce
qu'il penfe . Ce qu'il conçoit au dedans
, il a befoin de le produire au
dehors , & en travaillant à nous apprendre
à quel ufage chaque mot eft
deftiné, vous cherchez à nous donner
des moyens certains de montrer ce
que nous fommes. Par ce fecours
attendu de tout le monde avec tant
d'impatience , ceux qui font affez
heureuxpour penſer juste , auront la
mefme jufteffe à s'exprimer ; & file
Public doit tirer tant d'avantages
de vos fçavantes & judicieufes décifions
, que n'en doivent point attendre
ceux qui estant reçeus dans
ces Conferences , où vous répande
vos lumiéres fi abondamment ,
peuvent
les puiferjufque dans Irurfource?
Je me vois prefentement de ce
nombre heureux , & dans la poffef
fion de ce bonheur , j'ay peine à m'imaginer
que je ne m'abuſe pas .
E
3
102 MERCURE
4
Fe le répete , Meffieurs , une Place
parmy vous donne tant de gloire,
&je la connois d'un figrand prix ,
quefilefuccés de quelques Ouvrages
que le public a reçeus de moy affez
favorablement m'a fait croire
quelque -fois que vous ne defapprouweriek
pas l'ambitieux fentimens
qui me portoit à la demander , i'ay
defefperéde pouvoir iamais en eftre
digne , quand les obftacles qui m'ont
sufqu'icy empefché de l'obtenir m'ont
fait examiner avec plus d'attention
quelles grandes qualite il faut
avoir pour réüſfir dans une entreprim
fe fi relevée. Les Illuftres Concurrens
qui ont emporté vos fuffrages
toutes les fois que j'ay ofé'y préten
dre , m'ont ouvert les yeuxfur mes
efperances trop présomptueuses. En
me montrant ce merite confommé
qui les a fait recevoir fi toft qu'ils
Se font offerts , ils m'ont fait voir
GALANT. 103
ce que je devois tâcher d'acquérir
pour eftre en état de leur reffembler.
L'ay rendu justice à voftre difcernement
, & me la rendant en même
temps à moy - même , j'ay employé
tous mes foins à ne me pas laiffer
inutiles les fameux exemples que
vous m'avezproposez
faitla
L'avoue , Meffieurs , que quand
aprés tant d'épreuves , vous m'avez
grace de jetter les yeux fur
moy , vous m'auriez mis en péril de
me permettre la vanité la plus condamnable
, fi je ne m'estois affez
fortement étudié pour n'oublier pas
ce que je fuis. Le me feroit peut- eftre
flaté, qu'enfin vous m'auriez trouvé
Les qualitez que vousfouhaitez dans
des Academiciens dignes de ce Nom ,
d'un gouft exquis , d'une penetration
entiére parfaitement éclairez
enun mot tels que vous eftes . Mais
Meffieurs , l'honneur qu'il vous a
•
E 4
104 MERCURE
plu de me faire, quelque grand qu'il
foit , ne m'aveugle point . Plus vôtre
confentement à me l'accorder a
efté prompt , & fi je l'ofe dire, unanime
, plus je voy par quel motif
Vous avez accompagné vostre choix
d'une diftinction fi peu ordinaire. Ce
que mes defauts me défendoient d'efpérer
de vous , vous l'avez donné à
la memoire d'un Homme que vous
regardiezcomme un des principaux.
ornemens de voftre Corps. L'eftime
particuliere que vous avez toujours
euë pour luy, m'attire celle dont vous
me donne des marques fi obligeantes.
Sa perte vous a touche , &
pour le faire revivreparmy vous autant
qu'il vous eft poſſible , vous
avez voulu me faire remplir fa
Place , ne doutant point que qua.
lité de Frere , qui l'a fait plus d'u
ne fois vous folliciter en mafaveur ,
ne l'euft engagé à m'inspirer les
La
GALANT.
105
fentimens d'admiration qu'il avoit
pour toute voftre Illuftre Compagnie.
Ainfi , Meffieurs , vous l'avezcherché
en moy , & n'y pouvant trouver
fon merite, vous vous cftes contentek
d'y trouver fon Nom.
Famais une perte fi confiderable
nepouvoit eftre plus imparfaitement
reparée ; mais pour vous rendre l'inégalité
du changement plus fupportable
, fongez , Meffieurs , que
lors qu'un siècle a produit un Homme
auffi extraordinaire qu'il eftoit , il
arrive rarement que ce mefme Siécle
en produife d'autres capables de
l'égaler. Il est vray que celuy où nous
vivons eft le siècle des Miracles, &
jay fans doute à rougir d'avoir ſi
mal profité de tant de Leçons que
jay reçûës de fa propre bouche , par
cette pratique continuelle qué me
donnoit avec luy la plus parfaite
union qu'on ait jamais venë entre
E S
106 MERCURE
deux Freres , quand d'heureux Gé.
nies , privez de cet avantage , fe
font elevez avec tant de gloire ,
que ce qui a paru d'eux a esté le
charme de la Cour & du Public . Ce
pendant , quand mefme l'on pourroit
dire que quelqu'un l'euft furpaſſe;
luy qu'on a mis tant de fois au deffus
des Anciens , ilferoit toûjours tresvray
que le Théatre François luy
doit tout l'éclat où nous le voyons.
Ie n'ofe , Meffieurs , vous en dire
rien de plus. Sa perte qui vous
eft fenfible à tous , eftfi particuliére
pour moy , que l'ay peine à foutenir
Les triftes idées qu'elle me prefente .
J'ajouteray feulement qu'une des
chofes qui vous doit le plus faire,
cherir fa memoire ; c'est l'attachement
queje luy ay toûjours remarqué
pour tout ce qui regardoit les interests
de l'Academie. Il montroit par
là combien il avoit d'estime pour
GALANT. 107
tous les Illuftres qui la compofent, &
reconnoiffoit en même temps les bienfaits
dont il avoit efté honoré par
Monfieur le Cardinal de Richelieu ,
qui en eft le Fondateur. Ce grand
Miniftre, tout couvert degloire qu'il
étoit par le floriffant état où il avoit
mis la France , fe répondit moins de
l'éternelle durée de fon Nom , pour
avoir executé avec des fuccés prefque
incroyables les Ordres reccus de
Louis le juste, que pour avoir étably
la celebre Compagnie dont vous foû
tenez l'honneur avec tant d'éclat.
Il n'employa ny le Bronze ny.
rain , pour leur confier les differentes
merveilles qui rendent fameux le
temps de fon Miniftere. Il s'en repofa
fur voftre reconnoiffance , & fe
tint plus affuré d'atteindre par vous
jufqu'à la pofterité la plus reculée,
que par les deffeins de l'Herefie renverfe
, & par l'orgueil fi fouvent
l'Ai-
E 6
108 MERCURE
humilié d'une Maifon fière de la
longue fuite d'Empereurs qu'il y a
plus de deux Siecles qu'elle donne à
l'Allemagne. Sa mort vous fut un
coup rude. Elle vous laiffoit dans un
état qui vous donnoit tout à craindre
, mais vous étiezrefervezà des
honneurs éclatans , &en attendant
que le temps en fuft venu , un des
grands Chanceliers que la France
ait eus, prit foin de vous confoler de
cette perte. L'amour qu'il avois pour
les belles Lettres luy infpira le def- ·
fein de vous attirer chez luy. Vous
y receûtes tous les adouciffemens que
vous pouvez efperer dans vostre
douleur , d'un Protecteur Kelé pour
vos avantages. Mais , Meffieurs ,juf
qu'où n'allerent ils point , quand le
Roy luy - mefme vous logeant dans
fon Palais ,& vous approchant defa
Ferfonne Sacrée , vous bonora de fes
graces &de fa protection ?
GALANT. 109
·
Voftre fortune eft bien glorieufe ,
mais n'a t elle rien qui vous étonne?
L'ardeur qui vous porte à reconnoître
les bontez d'un fi grand Prince ,
quelque pressée qu'elle soit par les
Miracles continuels de fa vie , n'eftelle
point arrestée par l'impuiffante
de vous exprimer ? Quoy que nostre
Langue abonde en paroles , & que
toutes les richeffes vous en foient
connues , vous la trouvez fans doute
fterile,quand voulant vous en fervir
pour expliquer ces Miracles , vous
portez vostre imagination au delà
de tout ce qu'elle peut vous fournir.
fur une fi vaste matiere . Si c'eft un
malheur pour vous de ne pouvoir
fatisfaire vostre Zele par des expreffions
qui égalent ce que l'Envie
elle - mefme ne peut fe défendre
d'admirer, au moins vous en pouvez
estre confolé par le plaifir de connoitre
que quelque foibles que puf110
MERCURE
fent estre ces expreffions , la gloire du
Roy n'y fçauroit rien perdre. Ce n'eft .
que pour relever les actions mediocres
qu'on a befoin d'éloquence. Ses
ornemens fi neceffaires à celles qui
ne brillent point par elles mefmes,
font inutiles par ces Exploits fur-.
prenans qui approchent du prodige,
& qui étant crûs, parce qu'on en eft
témoin , ne laiffent pas de nous paroître
incroyables.
Quand vous diriez feulement,
Louis LE GRAND a foûmis
une Province entiere en huit
jours , dans la plus forte rigueur
de l'Hyver.En vingt - quatre heures
il s'est rendu Maître de quatre
Villes affiegées tout à la fois .
Il a pris foixante Places en une
feule Campagne. Il a refifté luy
feul aux Puiffances les plus redoutables
de l'Europe liguées enfemble
pour empeſcher fes ConGALANT.
III
quetes. Il a rétably fes Alliez .
Aprés avoir impofé la Paix , faifapt
marcher la Juftice pour toutes
armes , il s'eft fait ouvrir en un
mefme jour les Portes de Strafbourg
, & de Cafal , qui l'ont reconnu
pour leur Souverain , Cela
eft tout fimple, cela est uny ; mais
cela remplit l'efprit de fi grandes
chofes , qu'il embrasse incontinent
tout ce qu'on n'explique pas , & je
doute que ce grand Panegyrique qui
a coûte tant de foin à Pline le feu-
пе foffe autant pour la gloire de
Trajan, que ce peu de mots , tout dénuez
qu'ils font de ce fard qui embellit
les objets , feroit capable de
faire pour celle de nostre Auguste
Monarque.
"
Il eft vray , Meffieurs , qu'il n'en
feroit pas de mefme ,fi vous vouliez
faire la Peinture des rares vertus
du Roy. Où tromveriez- vous des terII
2 MERCURE
mes pour reprefenter affez digne
ment cette grandeur d'ame , qui l'élevant
au deffus de tout ce qu'il y a
de plus Noble , de plus Heroique , &
de plus Parfait , c'eft à dire de Luymefme,
le fait renoncer à des avantages
que d'autres que luy recherche
roient aux dépens de toutes choſes ?
Aucune entreprise ne luy a manqué.
Pour fe tenir affuré de réuſſir dans
les Conqueftes les plus importantes,
il n'a qu'à vouloir tout ce qu'il peut.
La Victoire qui l'a fuivy en tous
lieux , est toujours prefte à l'accom.
pagner. Elle tâche de toucher fon
coeur par fes plus doux charmes . It
a tout vaincu , il veut la vaincre
elle mefme, & il fe fert pour cela
des armes d'une Moderation qui n'a
point d'exemple. Il s'arrefte au milieu
de fes Triomphes ; il offre la
Paix ; il en preferit les conditions,
& ces conditions fe trouventfijuftes,
GALANT. 113
que fes Ennemis font obligez de les
accepter. La jaloufte où les met la
gloire qu'il ad'eftre feul Arbitre du
Deftin du Monde , leurfait chercher
des difficulte pour troubler le calme
qu'il a rétably. On luy declare de
nouveau la Guerre . Cette Declaraleur
tation ne l'ébranle point. Il offre la
Paix encore une fois ; & comme il
Scait que la Tréve n'a aucunes fuites
qui en puiffent autorifer la rupture
, il laiffe le choix de l'une ou
de l'autre. Ses Ennemis balansent
long- temps fur la refolution qu'ils
doivent prendre. Il voit que
avantage eft de confentir à ce qu'il
leur offre. Pour les y forcer , il attaque
Luxembourg.Cette Place , impre
nable pour tout autre, fe rend en an
mois , & auroit moins refifté , fi pour
épargner le fang de fes Officiers &
de fes Soldats , ce fage Monarque
n'eust ordonné que l'on fift le Siege
114 MERCURE
dans toutes les formes. La Victoire
qui cherche toujours à l'éblouir , luy
fait voir que cette prife luy répond
de celle de toutes les Places du Païs
Efpagnol. Elle parle fans qu'elle fe
puiffe faire écouter. Il perfiste dans
fes propofitions de Tréve, elle eft enfin
acceptée , & voila l'Europe dans
un plein repos.
Que de merveilles renferme cette
grandeur d'ame , dont i'ay oféfaire
une foible ébauche ! C'est à vous ,
Meffieurs , à traiter cette matiére
dans toute fon étenduë. Si noftre
Langue ne vous prefte point dequoy
luy donner affez de poids & de force
, vousfuppléerez à cette fterilité
par le talent merveilleux que vous
avezde faire fentir plus que vous
ne dites . Ilfaut de grands traits pour
les grandes chofes que le Roy a faites
, de ces traits qui montrent tout
d'une feule veuë , & qui offrent à
GALANT. 113
L'imagination ce que les ombres du
Tableau nous cachent. Quand vous
parlerez defa vigilance exacte &
toniour's active , pour ce qui regarde
Le bien de fes Peuples , la gloire de
Jes Etats , & la maicfté du Trône ;
de ce zele ardent & infatigable, qui
luy fait donner fes plus grands foins
à détruire entierement l'Herefte , go
à rétablir le culte de Dieu , dans
toutes fa pureté; & enfin de tant
d'autres qualite auguftes , que le
Ciel a voulu voir en luy , pour le
rendre le plus grand de tous les
Hommes ; fi vous trouvez la matiere
inépuisable, voftre adreſſe à exe
cuter heureufement les plus hauts
deffeins , vous fera choisir des expreffions
fi vives , qu'elles nous feront
entrer tout d'un coup dans tout
ce que vous voudrez nous faire entendre.
Par l'ouverture qu'elles donneront
à noftre esprit , nos reflexions
2
716 MERCURE
nous meneront jufqu'où vous entreprendrez
de les faire aller , & c'eft
ainsi que vous remplire parfaitement
toute la grandeur de votre
Sujet.
Quel bon- heur pour moy , Meffieurs
, de pouvoir m'inftruire fous
de fi grands Maifires ! Mes foins
affidus à me trouver dans vos Af-
Semblées pour y profiter de vos Leçons
, vous feront connoiftre , que fi
l'honneur que vous m'avez fait ,
paffe de beaucoup mon peu de merite
, du moins vous ne pouviez le
repandre fur une perfonae qui le
reçeuft avec des fentimens plus refpectueux
& plus remplis de reconnoiffance.
Fermer
Résumé : REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
Le premier texte est un remerciement adressé aux membres de l'Académie française pour l'honneur de l'admission. L'auteur exprime sa gratitude et souligne l'importance de cette distinction, qui le place parmi les plus illustres représentants des belles-lettres. Il admire les grands hommes qui, malgré leurs dignités et honneurs, ont cherché à compléter leur mérite en rejoignant l'Académie. L'auteur reconnaît la valeur des connaissances et des talents partagés au sein de cette institution, où la philosophie, la théologie, l'éloquence, la poésie, et l'histoire sont maîtrisées avec subtilité et agrément. Il loue également le travail constant des académiciens pour développer et clarifier la langue française, aidant ainsi à exprimer les pensées humaines. L'auteur mentionne qu'il a été inspiré par son frère, un membre éminent de l'Académie, et exprime sa peine face à sa perte. Il conclut en soulignant l'attachement de son frère aux intérêts de l'Académie et en rendant hommage au Cardinal de Richelieu, fondateur de l'institution. Le second texte est un panégyrique célébrant les vertus et les exploits d'un monarque. L'auteur commence par souligner que quelques mots simples peuvent suffire à glorifier le roi, plus que de longs discours. Il met en avant la grandeur d'âme du monarque, qui renonce à des avantages pour maintenir la paix et la justice. Le roi est décrit comme un conquérant invincible, toujours victorieux, mais qui préfère la modération et la paix. Il offre la paix à ses ennemis, même lorsqu'ils déclarent la guerre, et ses victoires sont obtenues avec une grande humanité, épargnant le sang de ses soldats. L'auteur évoque ensuite la prise de Luxembourg, une place imprenable, qui se rend en un mois grâce à la sagesse du monarque. Cette victoire conduit à une trêve acceptée par l'Europe, rétablissant la paix. Le texte insiste sur la nécessité de grands traits pour décrire les grandes actions du roi, et encourage les orateurs à utiliser leur talent pour faire sentir plus que ce qu'ils disent. Enfin, l'auteur exprime son bonheur de pouvoir s'instruire auprès de grands maîtres et son respect pour l'honneur qui lui est fait de participer à leurs assemblées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
s. p.
A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
Début :
MONSEIGNEUR, S'il n'y a rien de plus difficile [...]
Mots clefs :
Monseigneur, Roi, Siège, Prince, Ennemis, Place, Vie, Temps, Ordres, Âge, Lieux, Monarque, Places, Guerre, Troupes, Combat, Reine, Admiration, Actions, Attaque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
ASON ALTESSE ROYALE
201
و
MONSEIGNEUR
:
0
LE DUC
D'ORLEANS
FRERE UNIQUE DU ROY
M ONSEIGNEUR,
م
S'il n'y a rien de plus
difficile àfaire que les EpiEPISTRE
.
Stres de la nature de celle
que j'ofe entreprendre ,
c'eſt ſur tout lors qu'onse
propose de donner quelque
idée d'une Vie toute glorieuse
, & qui s'est formée
Sur un Modelle où les
plushautes Vertus se trouvent
dans leur plus brillant
éclat. Quoy que les
bonnes inclinations qu'un
Prince fait voir si - toft
qu'il fort de l'Enfance ,
Semblent devoir faire croire
que la ſuite répondra à de Mon
EPISTRE .
fi beaux commencemens ,
'Histoire ne laiſſe pas de
nous fournir de grands
exemples du contrairs.
Mais , MONSEIGNEUR ,
on n'a pas douté un moment
que le temps ne donnaft
de la force aux vertus
naiſſantes deVoftreAlteffe
Royale , quand on vous a
veu pour la feuë Reyne vostre
Mere un respect 15
une tendreffe qui caufoient
de la joye & de l'admiration
à tous ceux qui avoient
EPISTRE.
P'honneur de vous aprocher.
V. A. R. n'estoit jamais
plus contente , que lors qu'-
Elle estoit avec cette Princeffe.
Vous quittiez fouvent
les plaiſirs qui ont accoutumé
d'attacher les Per-
Sonnes d'un age peu avancé
, pour ſuivre cette vertueuse
Reyne dans les lieux
où sa pieté la conduiſoit..
Vostre chagrin paroiſſoit
fenſible, lors que vous croyiez
luy avoir déplû en quelque
chofe ; & dés queV. A. R.
EPISTRE .
eut remarqué que cettefage
Princeffe fouhaitoit que
vous vous attachaßiez au
Roy, ces voeux furent außitoſt
remplis ; mais , MONSEIGNEUR
, comme vous ne
faites en cela que ſuivre
voſtre penchant naturel , il
a toûjours paru depuis ce
temps-là que rien ne pouvoit
alterer la reſpectueuse
amitié que vous aviez pour
un Monarque quieft devenu
les delices defes Peuples,
& l'admiration de toute la
EPISTRE.
Terre ; le temps n'a fait
qu'augmenter cette union ,
& la tendreſſe vous ayant
joint au Roy ainfi que le
Sang, tout a marqué la
parfaite intelligence dans
laquelle vous vivez. Lors
qu'il s'estagy des divertiffemens
que l'age autorise , &
des Spectacles qu'unSouverain
doit donner pour la
gloire deſon Etat , & pour
occuper la plus vive Feuneſſe
de fa Cour, qui ſans
ces plaisirs neceſſaires auroit
EPISTRE.
pû en chercher d'autres
moins permis on vous a vûs
briller enfemble , &vous
faire reconnoiſtre par voſtre
bonne grace & par vostre
bon air, toutes les fois que
l'usage observé dans ces
fortes de Spectacles demandoit
que vous fußiez caché.
Quandde cesfeux on apaffé
à quelque divertiſſement
Martial , on vous a veus
dans ces Festes guerrieres
dans ces Carrousels commander
l'un l'autre les
EPISTRE .
premieres Quadrilles.Enfin
lors qu'il s'estagy de veritables
fatigues , & de perils
eff ctifs, on peut dire,MONSEIGNEUR
, que vous n'avez
pas feulement accom
pagnéleRoy, mais que vous
avez toujours esté ſonOm
bre,s'ilm' eftpermisdeparler
ainsi, à moins que V.A.R.
n'ait quitté cet Augufte
Frere pour aller vaincre
fes Ennemis en prenant
des Places, ou en gagnant
des Batailles. Le doy parler
EPISTRE.
de cette union , puis que d'e
toutes les merveilles de ce
floriffantEtat, c'est ceque le
Roy deSiam ale plus admiré.
Les Relations conviennent
toutes que lors que ce
Monarque l'eut apprise, il
ditqu'il nes'étonnoitplusdes
prosperitez de la France ,
ny du malheur de quelques
Roisfes voifins, dont la di
viſion de la Famille Royale
avoit cauſe laruine. Enfin
ce Prince en parla d'une
maniere quifit paroiſtre que
EPISTRE.
cestoit la seule chose qui
manquoit au bonheur deSa
Vie , esque s'il euſt eu quelques
Souhaits à former , ils
ne pouvoient estre quesur
une choſe dans laquelle il
faisoit confifter leſouverain
bonheurd'unEtat. LesAmbaffadeurs
de ce Monarque
ne luy diront pas seulement
ce qu'ils ont veu de cetteunion;
mais aprés luy avoir
confirmé tout ce que la Renommée
a prisſoin de luy aprendre
des merveilles de la
i
Vie
EPISTRE.
Viedu Roy , ils parleront de
V. A. R. Ils enfont charmez
, & voicy la troiſiéme
Relation , où l'on peut voir
de quelle maniere ils ont expliqué
ce qu'ils en penſent.
Vostre bonté , MONSEIGNEUR,
leur a paru dans
les choses obligeantes queV.
AR a bien voulu leur dire,
Vostre magnificence a brillé
à leurs yeux dans vos Palais
&&dans vos Festes , &
ils ont paßé pendant leur
Voyage de Flandre dans
EPISTRE.
quelques - uns des lieux où
V. A. R. a fait marcher la
Victoireàses coſtez. Mais
comme ils n'ont vũ qu'une
partie de ce que vous avez
conquis pour le Roy , je ne
Sçaurois m'empescher de
marquer icy tout ce que vous
avez fait lors que vous avez
commandé en Chef les
Armées d'un FrereAuguste
qui vous est plus cher que
vous- même. QuandceMonarque
entreprit la glorieu-
Se Guerre qui vangea tant
EPISTRE.
de Rois , en humiliant une
Puissance inferieure à ces
Souverains , & qui s'en di-
Soit lArbitre. SaMajesté
commença pardesEntrepri-
Ses dont tous les Siecles paf-
Sezne luy fourniffoient aucun
exemple. Elle ouvrit la
Campagne par quatre Sieges
àla fois , &vous euftes
Pavantage , MONSEL
GNEUR, de triompher le
premier en forçant la Ville
d'Orsoy de ſe rendre à dif
cretion ; de forte qu'on ne
Tij
EPISTRE .
1
peut s'entretenir de cette fameuse
Guerre qu'aprés avoir
admiré le Roy dans
tout ce qu'il a fait pour la
Soûtenir außi glorieusement
qu'il l'avoit commencée , on
ne paſſe aux Actions du
Prince à qui est deuë la
conqueste de cette Place.Elle
couta peu de temps & peu
d'hommes ; & cependant ,
MONSEIGNEUR , le Roy ,
&V. A.R toûjours inſepables
, ſur tout dans le
peril , vous courustes risque
EPISTRE .
L
de la Vie. Sa Majestévoulant
tout voir , & donner
par ttoouuttſeess ordres elle-mefme
, alloit tantoft àun Siege
& tantoſt à l'autre. Ainfi
on peut dire qu' Ellé estoiten
meſme temps devant les
quatre Places aßiegées. Ce
Monarque estant un jour
venu dans vostre Camp ,
vous allaſtes enſemble voir
quelques attaques . Vous
bravaſtes le peril , & demeuraſtes
quelque tempsen
un lieu où M. le Chevalier
EPISTRE .
preff aftes
d Arquin,qui vousſuivoit,
fut tué d'un coup de Canon
avant que vous fußiezhors
deſa portée. Ce Siege fut
bien-toft finy, mais la maniere
dont vous preffaftes
cette Place , & voſtre inébranlable
fermetéfirent connoiſtre
que vous eſtiez capable
des plus hautes entreprifes.
Le Roy enfut bien per
Suadé, puis qu'aprés cette
conqueſte il choisit V. A. R.
pour faire le Siege de Zutphen,
Placeforte , & Capi
EPISTRE .
tale d'une Province. L'impatiente
ardeur que vous
fiftes alors paroistre fut une
preuve incontestable es de
voſtre valeur , & du desir
que vous aviez d'acquerir
de la gloire. Vous partiſtes
à trois heures du matin , &
demeurastes quatorze heures
àcheval. Enfin , MONSEIGNEUR,
vous n'arrestates
qu'àla veuë de laPlace,
où vous deviez cueillir des
Lauriers, &fi elle avoit esté
plus éloignée, l'ardeur quié
EPSSTRE .
chaufoit votre courage,vous
auroit empeſché desentirles
fatiques ausquelles l'homme
le plus robuſte auroit dûfuccomber
Vous allastes reconnoiſtre
la Place jusqu'à la
portée du Mousquet. Vous
marquâtes l'endroit où vous
vouliez que la Tranchée
fust ouverte , es les lieux
où l'on devoit drefferles Bateries
; vous poursuiviſtes le
Siege avec vigueur ,
triomphant &des ruſes que
les Ennemis mirent en ufaEPISTRE.
ام
ge, &de toute la valeur
qu'ils firent paroiſtre , vous
réduiistes ſous l'obeiffance
du Roy unePlace forte par
elle-mesme,&par une nombreuse
Garnison , &munie
de tout ce qui pouvoitfervir
àune longue défense;mais
vostre pieté vous empefcha
d'y entrer , avant que d'y
avoir rétably le culte des
Autels , eny faisant celebrer
laMeffe.
L'année ſuivante le Roy
ayant aßiegeMastric, donEPISTRE.
naà V. A. R. l'attaque dis
Fort de Veich. Ce ne devoit
estre qu'unefaufſe Attaque,
mais vous la poufſfaſtes avec
tant de chaleur le jour que
vos Troupes donnerent pour
favorifer la veritable , que
vousfiſtesrompre les Palif-
Sades,&emporterla Demylune
; deforte quefi on eust
préparé des échelles , on se
Seroit rendu Maistre de la
Place par escalade , tant
vous ſcavez inſpirer d'ardeur
aux Troupes qui com-
د.
EPISTRE.
battent ſous vos ordres .
Pendant le cours de cette
Guerre , V. A. R. prit encore
deux Places importantes,
5gagna une Bataille qui
en afſeura beaucoup autres.
Bouchain fut la premiere
qui connut que vous n'attaquezjamais
fans triompher.
Aprés avoir reconnu
vous- mefmes les endroits les
plus avantageux , vous ré-
Solûtes d'ataquer deux Baſtions
. L'un estoit convert
par un Ouvrage à corne,
>
EPISTRE .
LaCourtine qui estoit entre
ces deux Bastions estoitaußi
couverte d'une Demy-lune ,
&pour diviſerle feu desAffiegezpar
une diverſion neceffaire,
&faciliterles Travaux
de cette attaque qui
embrafſoit plusieurs grands
Ouvrages , V. A. R. jugea
àpropos d'en faire commencer
une du costé de la baffe-
Ville.
Vous estiez appliqué à
ce Siege , lors que le Roy
vous envoya avertir, fuivant
EPISTRE.
vant la parole qu'il vous
avoit donnée , Qu'il voyoit
quelque apparence deBataille
,& qu'il croyoit que
le Prince d'Orange expoſeroit
plûtoſt cinquante
mille hommes, que d'eſtre
témoin de la priſe de Bouchain.
Vous marchastes
außi- toft,laiſſant vos ordres
pour la continuation du Siege.
Vous trouvaſtes leRoy
en Bataille en presence des
Ennemis, &vous vousmi
tes àla teſte de l'aifle gauche
ū
EPISTRE .
que vous deviez commander.
Le Prince d'Orange
ayant évitéle Combat, vous
retournaſtes au Camp , 5
tout remply encore de l'ardeur
dont vous eſtiez animé
, vous ordonnaſtes qu'on
emportaft tous les Dehors
de Bouchain l'épée à la
main, ce qui fut executé,
laPlace ſe rendit bien- toft
aprés. Tant que ce Siege
dura, V. A. R. paffa toutes
les nuits à cheval. Elle viſitoit
les Attaques , les BateEPISTRE.
ries , & les Gardes des Lignes.
Elle entroit dans tous
les détails , & envoyoit
fans ceffe des rafraichiffemens
aux Soldats pour les
encourager au travail.
Fedeurois parlericy d'une
Conqueſte bien plus importante
, &dire ce que V. A.
R. fit devant Saint Omer
mais comme on en peut jugerpar
les Sieges des Places
que vous avez prifes ,dont
Je viens d'ébaucher quelques
Actions, je ne parleray
EPISTRE.
plus que de la Bataille de
Caffel ; elle est remplie de
trop de circonstances glorieuses
àV. A. R. pourn'en
marquerpas au moins quelques-
unes . L'Armée ennemie
estoit plus forte que celle
du Roy,elle estoit postée dans
des lieux naturellementfortifiez.
Des hayes vives &
des foſſez pleins d'eau luy
fervoient de rempart, elle
n'estoit point obligée de di
viſerſes forces comme vous,
MONSEIGNEUR , qui de
EPISTRE .
viez laiffer des Troupes
dans la Tranchée de Saint-
Omer,& dans les postes que
que vous aviez gagnez autour
de cette Place. Cependant
voyant la neceßité , ou
de combattre , ou d'eſtre contraint
à lever le Siege que
vous aviez ſi heureuſement
commencé, vous ne balançastes
point,quoy que leConfeildeGuerre
euft de lapeine
àSerefoudre au Combat,
dites, Que vous ne vouliez
pas eſtre obligé à lever le
EPISTRE.
Siege , & que fous voſtre
Commandement les Armes
du Roy receuffent un
affront qui ne leur eſtoit
point encorearrivé depuis
le commencement de la
Guerre. Vous vous avançaftes
enfuitepour reconnoiſtre
les Ennemis , & donnastes
des ordres pour les
aller attaquer. Ce fut - là
que vous remplistes les devoirs
& d'un brave Capitaine
, & d'un General experimenté
Vous exhortaftes
EPISTRE.
les Soldats, vous leur inspiraſtes
de l'ardeur , & vous
les menaſtes à la charge.
Ainsi vostre esprit esvostre
coeur n'agirent pas moins
que vostre bras. Dés que les
Ennemis faisoient quelque
mouvement , vous donniez
de nouveaux ordres , & vous
fuftes toûjours defangfroid
au milieu des dangers ,Sans
paroiſtre un seul moment
embaraßé. Lefeu des Ennemis
ne vous étonna point;
vous vistes pluſieurs de vos
A
EPISTRE.
Officiers bleffez autour de
vous ; vous eustes mesme un
cheval bleßé , & receustes
un coup de Mousquet dans
vos Armes. Tout cela ne
vous empécha point de chargerſouvent
à la teste des
EscadronsedesBataillons,
d'estre toûjours au plus fort
de la mêlée , & de remener
vous-mesme au Combat,des
Troupes qui avoient plié.
Le lendemain la douceur
ayant pris la place du feu
qui brilloit dans vos yeux
EPISTRE..
ود
le jour du Combat ,le foin
que vous fiftes prendre des
Bleſſez,vous rendit l'amour
des Vaincus dont vous
aviez esté la terreur , comme
vous devinſtes l'admiration
des Vainqueurs..
Mais, MONSEIGNEUR, ce
n'est pas affez , qu'aprés a
voir fait voir voſtre ſage
conduite dans un âge où la
prudence eft fi peu ordinatre
àla jeunesse , jaye fait une
legere peinture d'une partie
de vos éclatantes Actions ;
aa
EPISTRE.
Jedois ajoûter icy que nousne
voyons point de Souverains
, meſmeparmy les plus
puiſſans Monarques , qui
ayent porté la magnificence
außi loin que V. A. R. Vos
Superbes Bastimens , vos
Meubles magnifiques, &la
riche abondance de vosPierrerits
, tout marque le Sang
dont vous fortez. Cependant,
MONSEIGNEUR,tant
dechoſes n'empeſchent point
que la Nobleffe infortunée
ne trouve un azile auprés
EPSSTRE.
de vous , es que beaucoup
d'illustres Malheureux ne
foient tous les ans vangez
par vos bienfaits des injuſtices
de la fortune. Si l'on
joint à toutes ces dépenses
les grandes &galantes Feſtes
que vous donnez ſouvent
, on connoistra, MONSEIGNEUR
, que vous fçavezfoûtenir
de toutes manieres
l'éclat de vostre augufterang;
außı perſonne n'en
connoift-il mieux la grandeur
,&les droits queV.A
EPISTRE .
R. Maisquoy que vous les
Coûteniez ſi dignement ,
vous avez une bonté naturelle
, qui ſans vous faire
defcendre de vostre rang
vous attire tous les coeurs.
Iusqu où ne va- t- elle point
pour les auguſtes Perfonnes
qui vous touchent ? Quels
Soins ne prenez - vous pas
de l'éducation d'un Prince,
dont l'efprit a brillé avant
l'âge , &à qui vous donnez
ſi ſouvent d'utiles leçons.?
Quelle tendreffe n'avez-
VOUS
EPISTRE.
C
pas pour la Reyne d'Eſpagne
, & pour Madame la
DucheffeRoyalede Savoye,
vos augustes Filles ! On en
peut juger par l'empreſſo
ment que vous avez à leur
apprendre de vos nouvelles ,
& à recevoir des leurs , &
par les Preſens que vous
leur faites continuellement;
de forte que si elles ne tenoient
point la vie de vous ,
vous paroiftriez peut- estre
trop galant à leur égard.
Mais , MONSEIGNEUR
ee
EPISTRE.
on peut dire quesi l'avan
tage eft grandde vous avoir
pour Pere , il y en a außi
beaucoup à vous avoir pour
Maistre. Ceux qui ont
I'honneur de vous fervir ,
trouvent unProtecteurdans
V. A. R. Vous avez la
bonté d'entrer jusque dans
le détail de leurs affaires.
S'ils ont des proces que vous
trouviez juftes , vous les
faites recommander ; &sit
faut obtenir du Roy quetque
grace en leur faveur .
EPISTR E.
V. A. R. ne dédaigne
point de parler pour eux.
Enfin ,MONSEIGNEUR ,
-Si on vous rend quelque
Service diftingué , vous
accablez de bienfaits ceux
dont vous le recevez .Mais,
MONSEIGNEUR , je
voy qu'il faut que je finiffe
malgré l'abondance de
la matiere qui me reste ,
& que pour ne point pas-
Ser tes bornes d'une Epiſtre
, j'ajoûteſeulement icy
EPISTRE.
que je suis avec le plus profond
respect,
MONSEIGNEUR,
De Voſtre Alteſſe Royale
Le tres -humble & tres
obeïllant Serviteur
DEVIZE .
201
و
MONSEIGNEUR
:
0
LE DUC
D'ORLEANS
FRERE UNIQUE DU ROY
M ONSEIGNEUR,
م
S'il n'y a rien de plus
difficile àfaire que les EpiEPISTRE
.
Stres de la nature de celle
que j'ofe entreprendre ,
c'eſt ſur tout lors qu'onse
propose de donner quelque
idée d'une Vie toute glorieuse
, & qui s'est formée
Sur un Modelle où les
plushautes Vertus se trouvent
dans leur plus brillant
éclat. Quoy que les
bonnes inclinations qu'un
Prince fait voir si - toft
qu'il fort de l'Enfance ,
Semblent devoir faire croire
que la ſuite répondra à de Mon
EPISTRE .
fi beaux commencemens ,
'Histoire ne laiſſe pas de
nous fournir de grands
exemples du contrairs.
Mais , MONSEIGNEUR ,
on n'a pas douté un moment
que le temps ne donnaft
de la force aux vertus
naiſſantes deVoftreAlteffe
Royale , quand on vous a
veu pour la feuë Reyne vostre
Mere un respect 15
une tendreffe qui caufoient
de la joye & de l'admiration
à tous ceux qui avoient
EPISTRE.
P'honneur de vous aprocher.
V. A. R. n'estoit jamais
plus contente , que lors qu'-
Elle estoit avec cette Princeffe.
Vous quittiez fouvent
les plaiſirs qui ont accoutumé
d'attacher les Per-
Sonnes d'un age peu avancé
, pour ſuivre cette vertueuse
Reyne dans les lieux
où sa pieté la conduiſoit..
Vostre chagrin paroiſſoit
fenſible, lors que vous croyiez
luy avoir déplû en quelque
chofe ; & dés queV. A. R.
EPISTRE .
eut remarqué que cettefage
Princeffe fouhaitoit que
vous vous attachaßiez au
Roy, ces voeux furent außitoſt
remplis ; mais , MONSEIGNEUR
, comme vous ne
faites en cela que ſuivre
voſtre penchant naturel , il
a toûjours paru depuis ce
temps-là que rien ne pouvoit
alterer la reſpectueuse
amitié que vous aviez pour
un Monarque quieft devenu
les delices defes Peuples,
& l'admiration de toute la
EPISTRE.
Terre ; le temps n'a fait
qu'augmenter cette union ,
& la tendreſſe vous ayant
joint au Roy ainfi que le
Sang, tout a marqué la
parfaite intelligence dans
laquelle vous vivez. Lors
qu'il s'estagy des divertiffemens
que l'age autorise , &
des Spectacles qu'unSouverain
doit donner pour la
gloire deſon Etat , & pour
occuper la plus vive Feuneſſe
de fa Cour, qui ſans
ces plaisirs neceſſaires auroit
EPISTRE.
pû en chercher d'autres
moins permis on vous a vûs
briller enfemble , &vous
faire reconnoiſtre par voſtre
bonne grace & par vostre
bon air, toutes les fois que
l'usage observé dans ces
fortes de Spectacles demandoit
que vous fußiez caché.
Quandde cesfeux on apaffé
à quelque divertiſſement
Martial , on vous a veus
dans ces Festes guerrieres
dans ces Carrousels commander
l'un l'autre les
EPISTRE .
premieres Quadrilles.Enfin
lors qu'il s'estagy de veritables
fatigues , & de perils
eff ctifs, on peut dire,MONSEIGNEUR
, que vous n'avez
pas feulement accom
pagnéleRoy, mais que vous
avez toujours esté ſonOm
bre,s'ilm' eftpermisdeparler
ainsi, à moins que V.A.R.
n'ait quitté cet Augufte
Frere pour aller vaincre
fes Ennemis en prenant
des Places, ou en gagnant
des Batailles. Le doy parler
EPISTRE.
de cette union , puis que d'e
toutes les merveilles de ce
floriffantEtat, c'est ceque le
Roy deSiam ale plus admiré.
Les Relations conviennent
toutes que lors que ce
Monarque l'eut apprise, il
ditqu'il nes'étonnoitplusdes
prosperitez de la France ,
ny du malheur de quelques
Roisfes voifins, dont la di
viſion de la Famille Royale
avoit cauſe laruine. Enfin
ce Prince en parla d'une
maniere quifit paroiſtre que
EPISTRE.
cestoit la seule chose qui
manquoit au bonheur deSa
Vie , esque s'il euſt eu quelques
Souhaits à former , ils
ne pouvoient estre quesur
une choſe dans laquelle il
faisoit confifter leſouverain
bonheurd'unEtat. LesAmbaffadeurs
de ce Monarque
ne luy diront pas seulement
ce qu'ils ont veu de cetteunion;
mais aprés luy avoir
confirmé tout ce que la Renommée
a prisſoin de luy aprendre
des merveilles de la
i
Vie
EPISTRE.
Viedu Roy , ils parleront de
V. A. R. Ils enfont charmez
, & voicy la troiſiéme
Relation , où l'on peut voir
de quelle maniere ils ont expliqué
ce qu'ils en penſent.
Vostre bonté , MONSEIGNEUR,
leur a paru dans
les choses obligeantes queV.
AR a bien voulu leur dire,
Vostre magnificence a brillé
à leurs yeux dans vos Palais
&&dans vos Festes , &
ils ont paßé pendant leur
Voyage de Flandre dans
EPISTRE.
quelques - uns des lieux où
V. A. R. a fait marcher la
Victoireàses coſtez. Mais
comme ils n'ont vũ qu'une
partie de ce que vous avez
conquis pour le Roy , je ne
Sçaurois m'empescher de
marquer icy tout ce que vous
avez fait lors que vous avez
commandé en Chef les
Armées d'un FrereAuguste
qui vous est plus cher que
vous- même. QuandceMonarque
entreprit la glorieu-
Se Guerre qui vangea tant
EPISTRE.
de Rois , en humiliant une
Puissance inferieure à ces
Souverains , & qui s'en di-
Soit lArbitre. SaMajesté
commença pardesEntrepri-
Ses dont tous les Siecles paf-
Sezne luy fourniffoient aucun
exemple. Elle ouvrit la
Campagne par quatre Sieges
àla fois , &vous euftes
Pavantage , MONSEL
GNEUR, de triompher le
premier en forçant la Ville
d'Orsoy de ſe rendre à dif
cretion ; de forte qu'on ne
Tij
EPISTRE .
1
peut s'entretenir de cette fameuse
Guerre qu'aprés avoir
admiré le Roy dans
tout ce qu'il a fait pour la
Soûtenir außi glorieusement
qu'il l'avoit commencée , on
ne paſſe aux Actions du
Prince à qui est deuë la
conqueste de cette Place.Elle
couta peu de temps & peu
d'hommes ; & cependant ,
MONSEIGNEUR , le Roy ,
&V. A.R toûjours inſepables
, ſur tout dans le
peril , vous courustes risque
EPISTRE .
L
de la Vie. Sa Majestévoulant
tout voir , & donner
par ttoouuttſeess ordres elle-mefme
, alloit tantoft àun Siege
& tantoſt à l'autre. Ainfi
on peut dire qu' Ellé estoiten
meſme temps devant les
quatre Places aßiegées. Ce
Monarque estant un jour
venu dans vostre Camp ,
vous allaſtes enſemble voir
quelques attaques . Vous
bravaſtes le peril , & demeuraſtes
quelque tempsen
un lieu où M. le Chevalier
EPISTRE .
preff aftes
d Arquin,qui vousſuivoit,
fut tué d'un coup de Canon
avant que vous fußiezhors
deſa portée. Ce Siege fut
bien-toft finy, mais la maniere
dont vous preffaftes
cette Place , & voſtre inébranlable
fermetéfirent connoiſtre
que vous eſtiez capable
des plus hautes entreprifes.
Le Roy enfut bien per
Suadé, puis qu'aprés cette
conqueſte il choisit V. A. R.
pour faire le Siege de Zutphen,
Placeforte , & Capi
EPISTRE .
tale d'une Province. L'impatiente
ardeur que vous
fiftes alors paroistre fut une
preuve incontestable es de
voſtre valeur , & du desir
que vous aviez d'acquerir
de la gloire. Vous partiſtes
à trois heures du matin , &
demeurastes quatorze heures
àcheval. Enfin , MONSEIGNEUR,
vous n'arrestates
qu'àla veuë de laPlace,
où vous deviez cueillir des
Lauriers, &fi elle avoit esté
plus éloignée, l'ardeur quié
EPSSTRE .
chaufoit votre courage,vous
auroit empeſché desentirles
fatiques ausquelles l'homme
le plus robuſte auroit dûfuccomber
Vous allastes reconnoiſtre
la Place jusqu'à la
portée du Mousquet. Vous
marquâtes l'endroit où vous
vouliez que la Tranchée
fust ouverte , es les lieux
où l'on devoit drefferles Bateries
; vous poursuiviſtes le
Siege avec vigueur ,
triomphant &des ruſes que
les Ennemis mirent en ufaEPISTRE.
ام
ge, &de toute la valeur
qu'ils firent paroiſtre , vous
réduiistes ſous l'obeiffance
du Roy unePlace forte par
elle-mesme,&par une nombreuse
Garnison , &munie
de tout ce qui pouvoitfervir
àune longue défense;mais
vostre pieté vous empefcha
d'y entrer , avant que d'y
avoir rétably le culte des
Autels , eny faisant celebrer
laMeffe.
L'année ſuivante le Roy
ayant aßiegeMastric, donEPISTRE.
naà V. A. R. l'attaque dis
Fort de Veich. Ce ne devoit
estre qu'unefaufſe Attaque,
mais vous la poufſfaſtes avec
tant de chaleur le jour que
vos Troupes donnerent pour
favorifer la veritable , que
vousfiſtesrompre les Palif-
Sades,&emporterla Demylune
; deforte quefi on eust
préparé des échelles , on se
Seroit rendu Maistre de la
Place par escalade , tant
vous ſcavez inſpirer d'ardeur
aux Troupes qui com-
د.
EPISTRE.
battent ſous vos ordres .
Pendant le cours de cette
Guerre , V. A. R. prit encore
deux Places importantes,
5gagna une Bataille qui
en afſeura beaucoup autres.
Bouchain fut la premiere
qui connut que vous n'attaquezjamais
fans triompher.
Aprés avoir reconnu
vous- mefmes les endroits les
plus avantageux , vous ré-
Solûtes d'ataquer deux Baſtions
. L'un estoit convert
par un Ouvrage à corne,
>
EPISTRE .
LaCourtine qui estoit entre
ces deux Bastions estoitaußi
couverte d'une Demy-lune ,
&pour diviſerle feu desAffiegezpar
une diverſion neceffaire,
&faciliterles Travaux
de cette attaque qui
embrafſoit plusieurs grands
Ouvrages , V. A. R. jugea
àpropos d'en faire commencer
une du costé de la baffe-
Ville.
Vous estiez appliqué à
ce Siege , lors que le Roy
vous envoya avertir, fuivant
EPISTRE.
vant la parole qu'il vous
avoit donnée , Qu'il voyoit
quelque apparence deBataille
,& qu'il croyoit que
le Prince d'Orange expoſeroit
plûtoſt cinquante
mille hommes, que d'eſtre
témoin de la priſe de Bouchain.
Vous marchastes
außi- toft,laiſſant vos ordres
pour la continuation du Siege.
Vous trouvaſtes leRoy
en Bataille en presence des
Ennemis, &vous vousmi
tes àla teſte de l'aifle gauche
ū
EPISTRE .
que vous deviez commander.
Le Prince d'Orange
ayant évitéle Combat, vous
retournaſtes au Camp , 5
tout remply encore de l'ardeur
dont vous eſtiez animé
, vous ordonnaſtes qu'on
emportaft tous les Dehors
de Bouchain l'épée à la
main, ce qui fut executé,
laPlace ſe rendit bien- toft
aprés. Tant que ce Siege
dura, V. A. R. paffa toutes
les nuits à cheval. Elle viſitoit
les Attaques , les BateEPISTRE.
ries , & les Gardes des Lignes.
Elle entroit dans tous
les détails , & envoyoit
fans ceffe des rafraichiffemens
aux Soldats pour les
encourager au travail.
Fedeurois parlericy d'une
Conqueſte bien plus importante
, &dire ce que V. A.
R. fit devant Saint Omer
mais comme on en peut jugerpar
les Sieges des Places
que vous avez prifes ,dont
Je viens d'ébaucher quelques
Actions, je ne parleray
EPISTRE.
plus que de la Bataille de
Caffel ; elle est remplie de
trop de circonstances glorieuses
àV. A. R. pourn'en
marquerpas au moins quelques-
unes . L'Armée ennemie
estoit plus forte que celle
du Roy,elle estoit postée dans
des lieux naturellementfortifiez.
Des hayes vives &
des foſſez pleins d'eau luy
fervoient de rempart, elle
n'estoit point obligée de di
viſerſes forces comme vous,
MONSEIGNEUR , qui de
EPISTRE .
viez laiffer des Troupes
dans la Tranchée de Saint-
Omer,& dans les postes que
que vous aviez gagnez autour
de cette Place. Cependant
voyant la neceßité , ou
de combattre , ou d'eſtre contraint
à lever le Siege que
vous aviez ſi heureuſement
commencé, vous ne balançastes
point,quoy que leConfeildeGuerre
euft de lapeine
àSerefoudre au Combat,
dites, Que vous ne vouliez
pas eſtre obligé à lever le
EPISTRE.
Siege , & que fous voſtre
Commandement les Armes
du Roy receuffent un
affront qui ne leur eſtoit
point encorearrivé depuis
le commencement de la
Guerre. Vous vous avançaftes
enfuitepour reconnoiſtre
les Ennemis , & donnastes
des ordres pour les
aller attaquer. Ce fut - là
que vous remplistes les devoirs
& d'un brave Capitaine
, & d'un General experimenté
Vous exhortaftes
EPISTRE.
les Soldats, vous leur inspiraſtes
de l'ardeur , & vous
les menaſtes à la charge.
Ainsi vostre esprit esvostre
coeur n'agirent pas moins
que vostre bras. Dés que les
Ennemis faisoient quelque
mouvement , vous donniez
de nouveaux ordres , & vous
fuftes toûjours defangfroid
au milieu des dangers ,Sans
paroiſtre un seul moment
embaraßé. Lefeu des Ennemis
ne vous étonna point;
vous vistes pluſieurs de vos
A
EPISTRE.
Officiers bleffez autour de
vous ; vous eustes mesme un
cheval bleßé , & receustes
un coup de Mousquet dans
vos Armes. Tout cela ne
vous empécha point de chargerſouvent
à la teste des
EscadronsedesBataillons,
d'estre toûjours au plus fort
de la mêlée , & de remener
vous-mesme au Combat,des
Troupes qui avoient plié.
Le lendemain la douceur
ayant pris la place du feu
qui brilloit dans vos yeux
EPISTRE..
ود
le jour du Combat ,le foin
que vous fiftes prendre des
Bleſſez,vous rendit l'amour
des Vaincus dont vous
aviez esté la terreur , comme
vous devinſtes l'admiration
des Vainqueurs..
Mais, MONSEIGNEUR, ce
n'est pas affez , qu'aprés a
voir fait voir voſtre ſage
conduite dans un âge où la
prudence eft fi peu ordinatre
àla jeunesse , jaye fait une
legere peinture d'une partie
de vos éclatantes Actions ;
aa
EPISTRE.
Jedois ajoûter icy que nousne
voyons point de Souverains
, meſmeparmy les plus
puiſſans Monarques , qui
ayent porté la magnificence
außi loin que V. A. R. Vos
Superbes Bastimens , vos
Meubles magnifiques, &la
riche abondance de vosPierrerits
, tout marque le Sang
dont vous fortez. Cependant,
MONSEIGNEUR,tant
dechoſes n'empeſchent point
que la Nobleffe infortunée
ne trouve un azile auprés
EPSSTRE.
de vous , es que beaucoup
d'illustres Malheureux ne
foient tous les ans vangez
par vos bienfaits des injuſtices
de la fortune. Si l'on
joint à toutes ces dépenses
les grandes &galantes Feſtes
que vous donnez ſouvent
, on connoistra, MONSEIGNEUR
, que vous fçavezfoûtenir
de toutes manieres
l'éclat de vostre augufterang;
außı perſonne n'en
connoift-il mieux la grandeur
,&les droits queV.A
EPISTRE .
R. Maisquoy que vous les
Coûteniez ſi dignement ,
vous avez une bonté naturelle
, qui ſans vous faire
defcendre de vostre rang
vous attire tous les coeurs.
Iusqu où ne va- t- elle point
pour les auguſtes Perfonnes
qui vous touchent ? Quels
Soins ne prenez - vous pas
de l'éducation d'un Prince,
dont l'efprit a brillé avant
l'âge , &à qui vous donnez
ſi ſouvent d'utiles leçons.?
Quelle tendreffe n'avez-
VOUS
EPISTRE.
C
pas pour la Reyne d'Eſpagne
, & pour Madame la
DucheffeRoyalede Savoye,
vos augustes Filles ! On en
peut juger par l'empreſſo
ment que vous avez à leur
apprendre de vos nouvelles ,
& à recevoir des leurs , &
par les Preſens que vous
leur faites continuellement;
de forte que si elles ne tenoient
point la vie de vous ,
vous paroiftriez peut- estre
trop galant à leur égard.
Mais , MONSEIGNEUR
ee
EPISTRE.
on peut dire quesi l'avan
tage eft grandde vous avoir
pour Pere , il y en a außi
beaucoup à vous avoir pour
Maistre. Ceux qui ont
I'honneur de vous fervir ,
trouvent unProtecteurdans
V. A. R. Vous avez la
bonté d'entrer jusque dans
le détail de leurs affaires.
S'ils ont des proces que vous
trouviez juftes , vous les
faites recommander ; &sit
faut obtenir du Roy quetque
grace en leur faveur .
EPISTR E.
V. A. R. ne dédaigne
point de parler pour eux.
Enfin ,MONSEIGNEUR ,
-Si on vous rend quelque
Service diftingué , vous
accablez de bienfaits ceux
dont vous le recevez .Mais,
MONSEIGNEUR , je
voy qu'il faut que je finiffe
malgré l'abondance de
la matiere qui me reste ,
& que pour ne point pas-
Ser tes bornes d'une Epiſtre
, j'ajoûteſeulement icy
EPISTRE.
que je suis avec le plus profond
respect,
MONSEIGNEUR,
De Voſtre Alteſſe Royale
Le tres -humble & tres
obeïllant Serviteur
DEVIZE .
Fermer
Résumé : A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
L'épître est adressée à Monseigneur le Duc d'Orléans, frère unique du roi, et met en lumière les vertus et les exploits du Duc. L'auteur reconnaît la difficulté de décrire une vie aussi glorieuse et vertueuse, tout en soulignant que les bonnes inclinations d'un prince peuvent se manifester dès l'enfance, bien que l'histoire offre des exemples contraires. Le Duc d'Orléans est loué pour son respect et sa tendresse envers la reine, sa mère, ainsi que pour son attachement au roi. Il a souvent préféré la compagnie de la reine aux plaisirs habituels de son âge, et son chagrin était visible lorsqu'il croyait lui avoir déplu. La reine souhaitait qu'il se rapproche du roi, ce qui fut réalisé. Leur relation est marquée par une respectueuse amitié et une parfaite intelligence, renforcée par des divertissements et des spectacles où ils brillaient ensemble. Lors des divertissements martiaux, le Duc et le roi se distinguaient dans les carrousels et les fêtes guerrières. Leur union a été admirée par le roi de Siam, qui y voyait une clé du bonheur et de la prospérité de l'État français. L'épître détaille également les exploits militaires du Duc, notamment lors de la guerre contre une puissance inférieure. Le Duc a joué un rôle crucial dans la prise de plusieurs places fortes, comme Orsoy, Zutphen, et Bouchain, montrant un courage et une détermination exceptionnels, souvent au péril de sa vie. Il a également participé à la bataille de Cassel, où il a mené les troupes avec ardeur et stratégie. Sa conduite sage et brave a été saluée par tous. Enfin, l'épître souligne la magnificence du Duc, visible dans ses bâtiments superbes, ses meubles magnifiques, et la richesse de ses pierreries, tout en notant que ces richesses n'entravent pas sa noblesse et sa générosité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 215-217
Gravelines. [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir séjourné le 27. à Calais, ils en partirent le [...]
Mots clefs :
Gravelines, Calais, Dîner, Places, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Gravelines. [titre d'après la table]
Aprés avoir féjourné le 27.
à Calais , ils en partirent le
lendemain pour aller dîner à
Gravelines . Cette Ville eſt
ſituée prés de la Mer ſur la
Riviere d'Aa , entre Calais
& Dunkerque. Charles-
Quint y fit bâtir un fort
Château en 1528. C'eſt aujourd'huy
une des plus fortes
& des plus regulieres Places
de l'Europe . Elle a eſté cedée
aux François par la Paix
des Pyrenées. Ils l'avoient
216 III. P. du Voyage
priſe en 1658. Quoy que les
Ambaſſadeurs ne dûfſſent s'y
arrêter que pour dîner ſeulement
, ils ne laifferent pas
d'y eſtre reçûs avec les mêmes
honneurs que dans toutes
les autres Villes où ils avoient
couché. Toutes les
Trcupes qui compoſent la
Garniſon eftoient ſous les Armes
, & ils trouverent une
Garde poſée à la porte de leur
Logis. Ils ne pûrent voir la
Place qu'en entrant , & en
ſortant ; mais ils envoyerent
plufieurs Mandarins pour en
viſiter les endroits qu'ils ne
pûrent
des Amb. de Siam. 217
pûrent voir. Pendant qu'ils
en examinerent le Plan avec
l'Ingenieur de la Place , ils
On
demanderent, s'ils ne verroient
plus d'auffi belles Places.
leur répondit , qu'ils jugeroient
eux-mefmes ſi celles qu'on avoit
encore à leur faire voir, estoient
auffi belles .
à Calais , ils en partirent le
lendemain pour aller dîner à
Gravelines . Cette Ville eſt
ſituée prés de la Mer ſur la
Riviere d'Aa , entre Calais
& Dunkerque. Charles-
Quint y fit bâtir un fort
Château en 1528. C'eſt aujourd'huy
une des plus fortes
& des plus regulieres Places
de l'Europe . Elle a eſté cedée
aux François par la Paix
des Pyrenées. Ils l'avoient
216 III. P. du Voyage
priſe en 1658. Quoy que les
Ambaſſadeurs ne dûfſſent s'y
arrêter que pour dîner ſeulement
, ils ne laifferent pas
d'y eſtre reçûs avec les mêmes
honneurs que dans toutes
les autres Villes où ils avoient
couché. Toutes les
Trcupes qui compoſent la
Garniſon eftoient ſous les Armes
, & ils trouverent une
Garde poſée à la porte de leur
Logis. Ils ne pûrent voir la
Place qu'en entrant , & en
ſortant ; mais ils envoyerent
plufieurs Mandarins pour en
viſiter les endroits qu'ils ne
pûrent
des Amb. de Siam. 217
pûrent voir. Pendant qu'ils
en examinerent le Plan avec
l'Ingenieur de la Place , ils
On
demanderent, s'ils ne verroient
plus d'auffi belles Places.
leur répondit , qu'ils jugeroient
eux-mefmes ſi celles qu'on avoit
encore à leur faire voir, estoient
auffi belles .
Fermer
Résumé : Gravelines. [titre d'après la table]
Le 27, les ambassadeurs séjournèrent à Calais avant de partir pour Gravelines, située près de la mer sur la rivière d'Aa, entre Calais et Dunkerque. Charles Quint y fit construire un fort château en 1528. Gravelines est aujourd'hui l'une des places les plus fortes et régulières d'Europe. Elle fut cédée aux Français par la Paix des Pyrénées après avoir été prise en 1658. Bien que les ambassadeurs ne devaient s'y arrêter que pour dîner, ils furent reçus avec les mêmes honneurs que dans les autres villes. Toutes les troupes de la garnison étaient sous les armes, et une garde était postée à la porte de leur logis. Les ambassadeurs ne purent voir la place qu'en entrant et en sortant, mais ils envoyèrent plusieurs mandarins pour en visiter les endroits qu'ils ne purent voir. Pendant qu'ils examinaient le plan avec l'ingénieur de la place, ils demandèrent s'ils verraient d'autres places aussi belles. On leur répondit qu'ils jugeraient eux-mêmes si les places qu'on leur ferait encore voir étaient aussi belles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer