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p. 209-251
Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Début :
Apres la glorieuse Journée de Cokeberg, les Ennemis demeurerent si [...]
Mots clefs :
Ennemis, Fribourg, Journée de Cokeberg, Maréchal de Créquy, Quartiers d'Hiver, Troupes, Place, Montagne, Tranchée, Armée, Siège, Disposition, Français, Bataillons, Prise, Campagne, Ordres, Conduite
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Reconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Apres la glorieuſe Journée deCokeberg , les Ennemis de- meurerent fi conſternez , qu'ils ſe laifferent battre par diuers
Fvj
132 LE MERCVRE
Partis. Monfieur de Créquy fit donner ordre au Gouverneur
de la Petite - Pierre d'en envoyer par derriere l'Armée en- nemiequi en fut incommodée.
Il fit auſſi brûler les Fourages de tous les lieuxd'oùilsen pou- voient tirer,&les inquieta tel- lement , qu'apres les avoir ba- tus engros , on peutdire ( fi ce n'eſt point abuſer du terme)
qu'il les batit encore en détail.
Depuis ce temps - là , ils ne fçeurent plus ny ce quils fai- ſoient , ny ce qu'ils vouloient faire. Ils manquent de Foura- ges , en vont chercher à huit lieuës,& cesGensquidevoient tout prendre , craignent qu'on ne leur prenne Sarbrük. Ils s'é- loignent peu à peu de noſtre Armée. M' Jacquier tombe ma- lade , tout le monde fait des
GALANT. 133
r
vœuxpour luy ; mais les ordres font fi bien donnez , que les Noftres ne manquant de rien,
ne recoivent aucun préjudice de fa maladie. Monfieur de
Créquy prend le Fourage de quatre Villages des environs de Strasbourg. On luydéputepour luy enfaire des plaintes. Il ré- pond à ceux qui en font char- gez , qu'il faut qu'il ſe ferve de ce qui eſt à portée , qu'ils l'ont bien voulu, &qu'ilempefchera le,deſordre. Il envoye en effet.
ſes Gardes pour l'empefcher.. Les ennemis n'ontque du Bled
de Turquie &de la Paille;&
apres avoir efté chez eux ſe rafraichir &prendre du mon- de,des munitions &de l'argent,
ils viennent ſe ruiner de nouveau. Ils apprennent qu'on a
blâme à Vienne l'imprudence
:
3
134 LE MERCVRE qu'ils ont euë d'engager urr Combat à la Journée de Cокеberg contre la Maiſon du Roy,
celle de l'Empereur ( dont en cette Occafion les Cuiraffiers
faiſoient partie ) n'eſtant pasca- pable de luy refifter. Pendant qu'ils fongent à aller prendre leurs Quartiers d'Hyver , on réſout d'affieger Fribourg. On cache ce deſſein. Les meſures
font priſes àla Cour & à l'Ar- mée. Rien ne ſe découvre du
Secret , rien n'en échape. Les Ennemis croyent qu'on va a
Sarbruk,&on fait tout ce qu'il faut pour les entretenir dans cette penſée. Ils y envoyentdes Troupes. Onenfait avancerde Flandre pour les mieux trom- per. Admirez cette conduite.
Tout agit , tout marche , &
rien ne paroiſt. Avantqued'en-
GALANT. 135
Π
コ
trer dans les particularitez du Siege , il eſt aſſez à propos de vous faire connoiſtre l'impor- tance de la Place. Elle estoit autrefois la Capitale du Canton Catholique appellé le Canton deFribourg. Sa fituation eft en partie fur une Montagne , &
en partie fur le panchant de cette Montagne. La Riviere de Sana l'environne preſque en- tiere,&luy fertd'un large Foffé,
qui fait la ſeparation d'un grand Fauxbourg. Ce Fauxbourg a fes
Portes & ſes Murailles , & fe
joint à la Ville par trois grands Pontsquidonnent communica- tion de l'un à l'autre. C'eſt du
coſtéde la Riviere où Fribourg eſt au Midy ſur le panchant de la Montagne. La Montagne eſt de l'autre coſté avec des Rochers eſcarpez en façon de
136 LE MERCVRE
haute Muraille au bordde cette
meſme Riviere , en forte qu'il n'y a pointàcraindre qu'on les puiſſe eſcalader. La Ville eft
Ipatieuſe.C'eſtun Eveſché , &
la plus conſidérable des trois
Univerfitez des Terresde l'Empereur. On l'a fortifiée d'une
maniere qui f'auroit renduë im- prénable à d'autres qu'à des
François. Elle a deux foſſez où
ily a des retenuës d'eau , deux Murailles avec des Tours , &
une grande Redoute de pierre plus élevée que la Citadelle,
qui eſt de quatre Baſtions ſur la hauteur. Cette Place a eſté
jugée d'une telle conféquence,
que l'ordre eſtoit donné de le
ver le Siege de Philifbourg ,
plutoft que de la laiffer perdre ſi on l'euſt attaquéependant ce Siege. Je ne vous feray point
GALAN T. 137
e
|
un long Détail de ceux à qui
elle a appartenu,je vous diray ſeulement qu'elle est preſente- ment à l'Empereur,& qu'on ne peutl'entendre nommerſans ſe ſouvenir des grands & prodi- gieux Exploits qu'a faits autre- foisMonfieur le Prince en Allemagne , lors qu'il n'eſtoit en- cor que Duc d'Enguien. La priſe de cette place eſtoit d'au- tantplus importante pour nous,
qu'eſtant dans le Pays de l'Em- pereur , il ne sçauroit avancer ſur les Terres qui nous appar- tiennent , qu'on en faſſe auffi- toſt demeſme fur celles quiſont,
à luy. Joignez à cela que Fri- bourg eſtant fort grand , ony
peut mettre ſept ou huit mille hommes enGarniſon , dontune partie ſera toûjours preſte à la defendre , tandis que l'autre
138 LE MERCVRE s'étendra dans le Païs. Depe- tites Places pareilles à Phi- lifbourg ne font pas ſi avanta- geuſes. Ce ne ſont que des For- tereſſes qui ne pouvant conte- mir un fi grand nombre de Troupes , ne peuvent faire de ſi grandes executions. D'ailleurs Fribourg affure Briſac que les Ennemis menacent depuis &
long-temps, &àl'avenir ils par- leront peut-eftre moins del'af- freger , que de reprendre ce qu'ils ont perdu. Cette Place ne nous met pas ſeulement en pouvoir de faire contribuer la Suabe ; mais elle nous donne
moyen d'entrer dans les Païs Hereditaires , & ofte à l'Empe- reurune partie confiderable de fes Revenus , eſtant certain que la pluſpart des Penfions qu'il donnoit à ſes Officiers eſtoient
GALANT. 139
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|-
afſignées ſur ce qu'il retiroit de Fribourg. Le Pays eft fort rem- ply de Nobleffe , & n'a gue- res de Païſans qui ne foient ri- ches. La Place n'eſt commandée par aucune Ville , & elfe commande à toutes celles des
environs. Sa priſe rompt les meſures des Ennemis , leur fait
quiter leurs Quartiers d'Hyver,
&les oblige àen chercher d'au- tres. Adjoûtez à ces avanta- ges , celuy de nous eſtre ren- dus maiſtres d'une Place où
font tous les Magaſins donton
auroit eu beſoin pour le Siege de Briſac. Cependant fi les dif- ficultez augmentent la gloire,
onpeut dire qu'il n'y a rien qui égale celle des François. Ils ne s'attachent jamais à des Entre- priſes faciles, &les Places qu'ils ont attaqué cette année ont
140 LE MERCVRE toûjours paſſe pour impréna- bles. Fribourg l'euſt efté ſans doute pour d'autres Ennemis
que pour eux ; & quoy qu'elle ne ſoit pas auſſi forte que Va- lenciénes, Cambray,& S.Omer,
mille difficultez en devoient
rendre la Priſe impoffible. C'eſt une Ville environnée de Dé- filez qui devoient empefcherde l'affieger, ſi les Impériaux n'euf- ſent pas manquéde prévoyan- ce; & toute Place dont on peut empeſcher le Siege, peut paffer pour imprenable. Sa ſcituation furle panchantde la Montagne,
pouvoit donner lieu de la mieux défendre. Elle avoit des Munitions deguerre &de bouche,
& un Commandant qui a toû- jours paſſé pour avoir de la conduite & du cœur. L'Hyver avoit commencé de puis long2
GALANT. 141 temps en ce Païs-là ; il y avoit plus de trois ſemaines qu'il ef- toit couvert de nége , & cepen- dant on réſout d'inveſtir Fribourg. On ne peut dire qu'on aitprévenules Ennemis , pour ſe mettre en campagne avant la Saiſon ; qu'ils n'avoient point de Troupes fur pied , &qu'on eſtoit éloigné d'eux. Le con- traire eft connude tout le monde , les Armées eſtoient pro- ches l'une de l'autre , & la leur
eſtoit forte quand on a formé ce deſſein. Mais dequoy ne vient-on point à bout , quand ce qu'on entreprend eſt bien digeré, & qu'on execute avec beaucoup devaleur &de conduite des Ordres envoyez avec de prudentes reflections ? M
le Mareſchal de Créquy apres avoir donné aux Ennemis la
142 LE MERCVRE jalouſie dont je vous ay deja parlé,fait courir le bruit dans ſon Camp , qu'il attend pour le quiter , que le Prince Charles aitdécampé. Cependant il part une heure apres , & fe rend à
Briſac avec unediligence incro- yable.Il avoit donné ordre qu'on fiſt un Pont de Bâteaux fur le
Rhin. Il fut achevé en douze
heures par les ordresde M. de Viſſac. Cet illuſtre General ayant veu que toutes les choſes qu'il avoit euſoin de faire pré- parereſtoienten état , ordonna
unDéchementde quinze mai- ſtres par Compagnie , & м. de Lançon LieutenantGeneraleut ordre de demeurer avec le reſte
de la Cavalerie dansdesQuar- tiersdepuis Scheleſtat juſques à
Briſac. Admirez la conduite de
Monfieur de Créquy. Il s'éloi-
GALANT. 143 gne des Ennemis ſans en éloi- gner ſes Troupes. Elles couvrent encorBrifac & Scheleſtat , & il
oſte aux Ennemis le moyen de faire aucune Entrepriſe pen- dant qu'il aſſiegera Fribourg ,
en casqu'ils ne veulent pas ten- ter de le ſecourir. Apres tant d'ordres auſſi judicieuſement que ſecretement donnez , M. le Baron de monclar part à dix heures du ſoir avec uneBrigade de Cavalerie , les Dragons de du Fay ,& cinq Bataillons que commandoit M. d'Aubijoux,
afin d'inveſtir Fribourg. Le reſte de l'Armée défila à la
pointe du jourſur deux Ponts ;
&d'abord queles autres Trou- pesordonnées pour cette Expe- dition eurent paffé , M. deCré- quyſe mità lateſte de la maiſon duRoy. Jevousaydéja marqué
:
144 LE MERCVRE
qu'il y avoitdes Défilez pour ar- river à Fribourg.M. le marefchal de Créquy fit couper beaucoup deBois qui les embaraſſerentde telle forte , que les Ennemis n'auroient pû les paſſer fans beaucoup de peine , & fans grande perte. Le voila devant Fribourg. Si ceux de la Place furent étonnez de voir qu'on les affiegeoit , les Affiegeans ne le furentpasmoins , de connoiſtre ledeſſeinqu'on avoitpris , le ſe- cret ayant eſté ſi bien gardé,
qu'ils n'avoient ſçeu juſques-là enquel lieu onles menoit.Quad cette Nouvelle fut publiée àla Cour , leGeneral major Harang (qui comme vous ſçavez avoit eſtéprisdans la Journée de Cox- berg) dit qu'il eſtoit impoſſible que le Siege fut veritable , à
moins que l'Armée de l'Empereur
GALANT. 145 reur ſon Maiſtre n'euſt eſté entierement défaite. Et quand il apprit qu'on ne s'eſtoit point ba- tu,il admira la merveilleuſe conduite duRoy, laprudence de ſes Miniſtres & l'ardeur infatigable de ſes Generaux. Toutes les
Troupes n'eſtant pas encor arri- vées,m. le mareſchal de Créquy viſita la Place , les Poſtes & les Paſſagesdes environs,avant que defaire la diſpoſition des Quar- tiers. Les Ennemis brûlerent un
deleurs Fauxbourgs ,&tirerent pluſieurs volées de Canon ſur lesTroupes les plus avancées.M.
d'Aubijoux ſe logea avec les cinq Bataillons dans le Faux- bourgbrûlédu coſté de la gorge de la montagne , où l'on reſolut defaire l'Attaque. Il pouſſa mef- meunLogement avec cinquan- teHommes , à quelques pas du Tome IX. G
146 LE MERCVRE Foffé. Les Ennemis firent un
affez grand feu. Il n'y eut que vingt Soldats tuez &bleffez, un Capitaine'd'Orleans tué , &un de Feuquieres bleſſé. Le lende- main le reſtedes Troupes eſtant arrivé , M. le marefchal diſpoſa les Quartiers dans l'ordre fui- vant,afin que les Troupes ne fouffriffent point.
DISPOSITION DES .
Quartiers de'lArmée devant
Fribourg le 10. Novembre.
M. deChoifeuil,
Monfieur de la reüillée,
M. de Hautefeüille ,
Eſtoient à Vendeling , avec les Brigades Dela Maiſon du Roy ,
- DeBulonde
Et dela Ferté
GALANT. 147 M. le marquisdeGenlis,
M. deRenty.
M. le Comte deRoye,
Et M. de Boquemar ,
Eſtoient à Lehen,avec les Brigades DeBeaupré,
DeVivans,
De Boiſdavid ,
Et de Vendofme.
M. le Baron de Monclar,
EtMile Marquisde Lambert,
Eſtoient à Betzenhuls , avec les
Brigades DeMoreüil ,
DeDugas,
• Et deJoſſau
८
M. le Comtede Maulevrier
Colbert,
EtM. le Comtede Broglio,
Gij
148 LE MERCVRE Eſtoient à Zering , avec les
Brigades
De S. Loup ,
De Bertillac ,
Et les Dragonsde Liſtenay Et de Teffé.
M. le Comtede Schomberg
eſtoit à Herdem
Brigades DeNovion ,
Etde Nefle.
T
avec les
La Brigade de M. d'Aubijoux eſtoit à Viter , Fauxbourg brûlé.
Les Dragons du Roy & de duFay , eſtoient à Neter ; Et la Brigade de la Valete , à Gun- terſtal & à Delhuts..
Apres cette diſpoſition , il
GALANT. 149
د
changea l'ordre qui avoit eſté donné pour l'ouverture de la Tranchée & voulut qu'on
l'ouvriſt de l'autre coſté de la
Ville , laiffant la Montagne à
gauche. Il fit conſerver le pre- mier Logement pour ſervir de fauffe Attaque. Le meſme jour M. le Comte de Schomberg emporta l'Epée à la main , deux Redoutes avancées fur la hauteur du Chaſteau. Il eſtoit à la
teſtede trois cens Hommes,foutenusdes Brigadesde Norman- die&de Nefle..
La Tranchée fut ouverte à
l'entréede la nuit. Les Officiers
Generaux estoient M'le Comte
de Maulevrier- Colbert , & M"
de laFeüillée &deBoiſdavid.M.
le Marquis de Harcour-Bévron commandoit deuxBataillons de
Picardie.Deux autres de ChamGiij
150 LE MERCVRE pagne prenoient les ordres d'un des principaux Officiers de ce Corps. Comme les François ſont intrepides & accoûtumez à
vaincre ,& qu'on vouloitvenir promptement à bout de cette Entrepriſe ,on ne ſuivit point la pratique ordinaire,qui eſt d'ou- vrir la Tranchée fort loin de la
Place.Elle futcommencée affez
prés ,&ontira une grande Li- gne paralelle à la portée duPi- ſtolet. Les Bateries qu'on avoit dreffées la nuit , tirerent à la pointe du jour. Elles ruinerent des Flancs & des Embraſures
par où les Ennemis pouvoient tirer. La Garde de la Cavalerie
eſtoit commandée par M. de Neuchelles LieutenantdesGardes du Corps. On perdit quel- ques Officiers fubalternes. M. Je ComtedeBuffay undesLieu-
GALANT.
151I
.
tenansGeneraux de l'Artillerie,
&M. deCulan Colonel de Picardie, furenttuez.
LesBataillonsde Normandie ,
Feuquieres , la Marine, &Vau- becour, releverent la Tranchée
la nuit du onze au douze. M.le
Marquis de Choiſeüil , M's les Comte de Broglio & d'Aubi- joux, eſtoient de jour. On pré- para toutes choſes pour ladef- cente du Foffe , & on ſe contenta de ſe loger ſur le bord,
parce qu'on le trouva large &
difficile à combler. On mit encor quelques Pieces enbaterie par les ſoins de M. le marquis de la Freſeliere. Elles furent
tres--bien ſervies, &Monfieur le
Mareſchal de Créquy paſſa la nuit àſon ordinaire , c'eſt àdire
dans la Tranchée. Comme le
clair de Lune eſtoitgrand, nous Gj
152 LE MERCVRE perdîmes quelques Gens cette nuit-là . M. de la Tillaye Lieute- nant Colonel du Regiment de
Normandie , Officier d'un merite fingulier , fut tue. M. d'Af- fonville Aydede CampdeM.de Créquy ,& M. de Roquefeüille Enſeigne de ſes Gardes, furent bleſſez. On fit une Bréche de
quarantepas par le haut , apres laquelle on ſomma le Gouver- neur , qui fier d'avoir appris fon Meſtier parmy les Troupes de France , répondit qu'un Hom.
me comme luy ne ſe rendoit pas au premier Affaut.
La Tranchée fut relevée la
nuitdu douzeau treize , par M. le Comte de Roye , M. de Boquemar , & м. le Chevalier de Novion , avec les Bataillons
d'Auvergne , de Bretagne , &
de Dampierre. On travailla à
GALANT 153
une nouvelte Sape &àune au- tre Baterie qui voyoit la Bréche àrevers ,&on élargit les Travaux.
د
Le treize au foir , les Officiers Generaux qui releverent la Tranchée , furent M" les maгquis deGenlis , de Renty , &de la Ferté avec les Bataillons
d'Orleans , de la Couronne , &
de la Freſeliere. Onavança fort par les Sapes , & l'on travailla à
une mine. Monfieurle Mareſchal
deCréquy alla luy-meſme re- connoiſtre la Breche , & refolut de tenter unLogementdef- fus , ayant reconnuque les En- nemis netravailloientpointder- riere. Des Gens détachez avec
des Travailleurs , deſcendirent
dans le foffé avecdes Echelles,
&monterent àla Brêche àqua- tre heures. Elle ne futdefenduë
G V
154 LE MERCVRE que parun grand feuque firent
les Affiegez des Maiſons qu'ils avoient percées. On la paffa malgré cet obſtacle. Ceux qui fe rencontrerent dans les Ruës
furent tuez. Onapprocha de la
Porte de la ſeconde Envelope..
Les Bataillons d'Orleans &dela
Freſeliere eurent ordre de M. de
Créquy d'entrer par la Bréche:
pour ſoûtenir les Gens déta- chez. M. le marquis de la Ferté &M. de Tracy ſe ſaiſirent des Poſtes avancez avec beaucoup d'intrépidité , & y mirent des Soldats. м. lе mаrquis de la Fer- té fut bleſſé en cette occafion..
M. le marquis de la Freſeliere le
fut auſſi le meſme jour , en don- nant ſes ordres avec ſon activité
ordinaire,pour faire avacer une Piece deCanon contre laPorte
qui ſe trouva bouchéede fumier..
Y
GALAN T. 135 La Tranchée fut relevée par les Regimens de Vendoſme ,la Ferté, Condé , & la Fére. Les
Officiers Generaux estoient M.
le Comte de Maulevrier , M.le
Marquis de Bouflairs , & M. le
Duc de Vendofme. M. de Cré-
-quy voulut preffer l'Attaque de laVille;&pour cet effet , pen- dant que le Canon batoit en
Brêche , il ordonna au Regi- mentde la Ferté qui avoit late-- ſte de ladroite,de faire un Logement fur le borddu Foffe , &
mefme la defcente; &à celuy deVendoſme , de faire la mer
mechoſeſurlagauche. Comme le terrain eftoit tout pavé , on ne pût aisémentremuer la ter re,&il falut porter avec ſoy-de-- quoy ſe loger. Il ne ſuffit pasd'e- ftre François pour oſer tenter unepareille Entrepriſe , il faut
Gvj
296 LE MERCVRE eſtre neſous le Regnede Loüis XIV. dont l'exemple n'inſpire que des prodiges. M. de Laubanie Major du Regiment de la Ferté,y futbleſſé d'unautre cofté . M. le Comte de Schomberg:
s'empara d'un Ouvragede terre
qui couvrait la Redoute depier- re dont le Chaſteau eft commandé,&un peu apres il ſe ren dit maiſtre de cette Redoute par le moyendedeux Pieces de Ca- non que les Anglois avoient guindées , dont ils furent bien récompenfez par M. le maref- chal de Créquy. Le premier coup de Canonemporta la teſte deceluy qui commandoit dans cette Redoute , dont la priſe avança fort celle de la Ville. On tenta deux Logemens pourfot- tenir celuy qu'on avoit fait au- pres du reveſtiſſement du Foffé,
GALANT. 157 Noftre General nevoulut pas les faire achever, parce qu'il fa loit alleràdécouvert, &effuyer le feu du Canon chargé àcar touches. C'eſtoit en plein jour ,
&cependant l'ardeurdesTrou- pes eſtoit fi grande, qu'on eut toutes les peines du monde à les
faire retirer. Le Bataillon de
Vendoſme firmerveille en cette
occafion. M. Limbaut, qui erreſt Lieutenant Colonel, yfut blef- fé. Il eſt impoſſible de faire voir plusd'intrépidité &plus de con- duite qu'en fit paroiſtre M. le Ducde Vendoſme ; le péril ne l'étonnoit point,il eſtoitpartout,
il animoit les Soldats , & l'on
peut direque ſon exemplefervit beaucoup. m.de Créquy fit tout diſpoſer pourl'Affaut.resEnne- mis l'appréhendérent , & bati- rent la Chamade, Ils envoyerent
158 LE MERCVRE un Oftage , & reçeurent en fa place M. de Courvaillon Lieute- nantColonel deCondé. LaNégotiation dura quelque temps.
On permit auxOfficiers d'aller voir laBréche. Le Gouverneur
demanda deux Pieces de Canon, on luy en accorda une , &
la ſeconde fut donnée en confidération duMarquis de Baden.
LesArticles ordinaires ayateſté dreſſez , les Ennemis livrerent
une Portede la Ville , &une du
Chaſteau.. Il n'eſtoit pas neuf heures du matin: La Garnifon
qui estoit encorde quatre cens Chevaux , & de dix-fept cens Hommesde pied , fortit àmidy,
&fut conduite àReinsfeldt. M. d'Oſſonville partit auſſitoſt par l'ordre de M. le Mareſchalde
Créquy, pour aller rendrecom-- pteauRoydu prompt ſuccésde
6
GALANT. 159 cetteſurprenante Entrepriſe.
Cette nouvelle Conqueſte vafourniraux beaux Eſpritsune ample matiere d'écrire.. Voicy ce qui me vientd'eſtre envoyé.
Lifez , Madame. Ces Vers ſont
dignes de celuy qui les a faits.
Vous avez déja veu de belles choſesde luy, & vous en con- viendrez , quand ilmefera per- misdevous le nommer..
SUR LA PRISE
DE FRIBOVRG
Ndit que tous les Rois font les
vives Images
De l'Estre indépendant qui reçoit nos hommages,
Etqu'un écoulement de la Divinité Eaitfur lefront des Rois briller saMa jesté..
rbo LE MERCVRE
Maissi jamais un Roy dans sa toute puissance Apûtflater ſon cœur de cette reſſem- blance,
C'est le Roy des François , ce premier des Mortels
Qui de nos vieux.Héros renverſe les
Antels,
Qui tientfousfes Lauriers leursPat mes étouffée ,
Decesfaux Demy Dieux détruit tous les trophées,
Etprépare une Histoire à la Posteri té
Qui nepeut espérer que l'incrédulité.. Lorsque LOVISparoiſtdans une paix.
profonde,
Son ame eft occupée à gouverner le Monde, ৮
Etlesſoinsaffidus de ſon plus doux re--
pos Guident les mouvemens de cent mille
Héros.
Ceuxqui vont ſousſon Nomde Victorreen Victoire ,
>
Brillansdeses rayons , &convertsdefar gloire,
GALANT. 161
Sonttoujours agiſſansfur la Terre &les Mers ..
Etcraignent le reposplus que tous les dangers.
Créquy , c'estoit affezd'avoir dans ta
Campagne Arrêtéles efforsdecesRoisd'allemagne,
Et d'avoirfait connoistre , à tant de Souverains ,
Celuy quevent leCielpourMaistre des Humains.
Chaque instant , chaque pas valoitune Conqueste;
Maisdetant de Lauriers tu veuxchargertaTeste ,
Que le Sortde laGuerre avec tous fes bazars
N'aitplus pourtoy de foudre ,&te gale aux Césars.
LeSiegede Fribourg , cette haute Entrepriſe Apeineestoit connu , quand on a ſçen
Sapriſe;
:১
Et ceux qui chez le Prince avoient quelques accés,
S'informent du deſſein ,ont appris le Succés.
162 LE MERCVRE
Vy,gloire des François , vy Héros magnanime ,
Seurde tout nostre amour ,de toutenoStre estime ;
Mais en vivantpour nous, connois ce
que tu vaux ,
Etmenagetes jours parmy tant detravaux ;
Nenous force jamais à regretter un Homme
Que Fabrice enviroit , s'il renaiſſoir dansRome
Et laiſſe profiterles Peuplesfans effroy Dessoins d'un grand Sujet ſousles Loix d'unGrandRoy
CeMadrigald'une Perſonne dequalité ſur le meſme fujer ,
merite bienque vous le voyiez.
Ovelques datsd'Allemagne braves que foient ,
lesSolEtceux quifont nourrisſous les armes d'Espagne ,
On nevoitqu'enEsté leurs plus vail lansGuerriers..
:
GALANT. 163 Danslabelle Saiſon tout lemonde mois- Sonne;
Loüisſeul en Hyver , au Printemps,
dans l'Automne ,
Surl' Empire,en tous lieux ,fçait cüeillir desLauriers.
C'eſt aſſurément quelque choſe de ſurprenant , que d'a- voir ajoûté Fribourg dans le commencementde l'Hyver, aux Conqueſtes qui avoient eſté fai- tes avant le Printemps. Si-toſt qu'il fut pris , M le Mareſchal deCréquy y fit tracer de nou- velles Fortifications. M. leMarquis de Lambert Mareſchal de
Camp y doit commander , &
M. de S.Juſt ſous luy. Il eſtoit Lieutenant de Roydans Philif- bourg. Il ade la conduite , &
fçait faire valoir les avantages quedonnent les Placesde cette importance.. M. de Créquy ne
164 LE MERCVRE
F
demeura pas longtemps dans celle- cy.La Victoire l'appellant ailleurs , ily mena la Maiſon du
Roy. M.le Marquis de Genlis ,
& M le Comte de Broglio eſtantdejour , ſe mirent à la te- ſte de l'Armée. M. le Marquis deVillars qui commandoit trois censHommes avancez, rencontra plufieurs Regimés deCava- lerie, if en batit l'Arrieregarde,
qu'il poursuivit longtemps avec la meſme vigueur &la meſme conduite qu'il adéja fait paroi ſtre plufieurs fois pendant cette Campagne , quoy qu'il foit dans une grande jeuneffe. Il fit plus de ſoixante Priſonniers , entre
leſquels eſtoient deux Capitai- nes , &ily eurenviron quaran te Dragons tuez. Nous euffions pouffé nos avantages plus loin-,
fanousn'eufſſions pointeſtédans
GALANT. 165 unegorge de Montagne où les Troupes avoient beaucoup de peine àpaſſer. Les Ennemis en eurent plus de temps pour fuir.
On prit en ſuite la Ville &le Chaſteau de Vvalkvik , qui ſe rendirent apres avoir eſté ſom- mez. Ony trouva unegrande quantité de toute forte de Pro- viſions. Cette Place eſt à deux
lieuës de Fribourg dans uneVal- léequi conduit en Suabe.
Je ne puis quiter l'Armée d'Allemagne , ſans vous dire que les demeflez du Prince Charles &de Monfieur le Duc
de Vendoſme dont je vous ay parlé , ne regardent que les in- tereſts du Roy & de l'Empe- reur. Ils conſervent une par- faite eſtime &une fort grande honneſteté l'un pour l'autre.
Monfieur de Vendoſme, com
166 LE MERCVRE
me un des plus proches &des plus illuftres Parens de la Ducheſſe de Lorraine , luy a toû- jours rendu ſes devoirs , & l'a viſitée ſouvent à Strasbourg. Si ces Princes s'y rencontroient ,
ils feroient comme nos Braves,
de l'une&de l'autre Armée qui apres s'eſtre régalez malgré la diverſitédu Party , ſe batent au fortir des Lieux où l'on obſerve
la Neutralité comme s'ils ne
s'eſtoient point connus auparavant. ر
Fvj
132 LE MERCVRE
Partis. Monfieur de Créquy fit donner ordre au Gouverneur
de la Petite - Pierre d'en envoyer par derriere l'Armée en- nemiequi en fut incommodée.
Il fit auſſi brûler les Fourages de tous les lieuxd'oùilsen pou- voient tirer,&les inquieta tel- lement , qu'apres les avoir ba- tus engros , on peutdire ( fi ce n'eſt point abuſer du terme)
qu'il les batit encore en détail.
Depuis ce temps - là , ils ne fçeurent plus ny ce quils fai- ſoient , ny ce qu'ils vouloient faire. Ils manquent de Foura- ges , en vont chercher à huit lieuës,& cesGensquidevoient tout prendre , craignent qu'on ne leur prenne Sarbrük. Ils s'é- loignent peu à peu de noſtre Armée. M' Jacquier tombe ma- lade , tout le monde fait des
GALANT. 133
r
vœuxpour luy ; mais les ordres font fi bien donnez , que les Noftres ne manquant de rien,
ne recoivent aucun préjudice de fa maladie. Monfieur de
Créquy prend le Fourage de quatre Villages des environs de Strasbourg. On luydéputepour luy enfaire des plaintes. Il ré- pond à ceux qui en font char- gez , qu'il faut qu'il ſe ferve de ce qui eſt à portée , qu'ils l'ont bien voulu, &qu'ilempefchera le,deſordre. Il envoye en effet.
ſes Gardes pour l'empefcher.. Les ennemis n'ontque du Bled
de Turquie &de la Paille;&
apres avoir efté chez eux ſe rafraichir &prendre du mon- de,des munitions &de l'argent,
ils viennent ſe ruiner de nouveau. Ils apprennent qu'on a
blâme à Vienne l'imprudence
:
3
134 LE MERCVRE qu'ils ont euë d'engager urr Combat à la Journée de Cокеberg contre la Maiſon du Roy,
celle de l'Empereur ( dont en cette Occafion les Cuiraffiers
faiſoient partie ) n'eſtant pasca- pable de luy refifter. Pendant qu'ils fongent à aller prendre leurs Quartiers d'Hyver , on réſout d'affieger Fribourg. On cache ce deſſein. Les meſures
font priſes àla Cour & à l'Ar- mée. Rien ne ſe découvre du
Secret , rien n'en échape. Les Ennemis croyent qu'on va a
Sarbruk,&on fait tout ce qu'il faut pour les entretenir dans cette penſée. Ils y envoyentdes Troupes. Onenfait avancerde Flandre pour les mieux trom- per. Admirez cette conduite.
Tout agit , tout marche , &
rien ne paroiſt. Avantqued'en-
GALANT. 135
Π
コ
trer dans les particularitez du Siege , il eſt aſſez à propos de vous faire connoiſtre l'impor- tance de la Place. Elle estoit autrefois la Capitale du Canton Catholique appellé le Canton deFribourg. Sa fituation eft en partie fur une Montagne , &
en partie fur le panchant de cette Montagne. La Riviere de Sana l'environne preſque en- tiere,&luy fertd'un large Foffé,
qui fait la ſeparation d'un grand Fauxbourg. Ce Fauxbourg a fes
Portes & ſes Murailles , & fe
joint à la Ville par trois grands Pontsquidonnent communica- tion de l'un à l'autre. C'eſt du
coſtéde la Riviere où Fribourg eſt au Midy ſur le panchant de la Montagne. La Montagne eſt de l'autre coſté avec des Rochers eſcarpez en façon de
136 LE MERCVRE
haute Muraille au bordde cette
meſme Riviere , en forte qu'il n'y a pointàcraindre qu'on les puiſſe eſcalader. La Ville eft
Ipatieuſe.C'eſtun Eveſché , &
la plus conſidérable des trois
Univerfitez des Terresde l'Empereur. On l'a fortifiée d'une
maniere qui f'auroit renduë im- prénable à d'autres qu'à des
François. Elle a deux foſſez où
ily a des retenuës d'eau , deux Murailles avec des Tours , &
une grande Redoute de pierre plus élevée que la Citadelle,
qui eſt de quatre Baſtions ſur la hauteur. Cette Place a eſté
jugée d'une telle conféquence,
que l'ordre eſtoit donné de le
ver le Siege de Philifbourg ,
plutoft que de la laiffer perdre ſi on l'euſt attaquéependant ce Siege. Je ne vous feray point
GALAN T. 137
e
|
un long Détail de ceux à qui
elle a appartenu,je vous diray ſeulement qu'elle est preſente- ment à l'Empereur,& qu'on ne peutl'entendre nommerſans ſe ſouvenir des grands & prodi- gieux Exploits qu'a faits autre- foisMonfieur le Prince en Allemagne , lors qu'il n'eſtoit en- cor que Duc d'Enguien. La priſe de cette place eſtoit d'au- tantplus importante pour nous,
qu'eſtant dans le Pays de l'Em- pereur , il ne sçauroit avancer ſur les Terres qui nous appar- tiennent , qu'on en faſſe auffi- toſt demeſme fur celles quiſont,
à luy. Joignez à cela que Fri- bourg eſtant fort grand , ony
peut mettre ſept ou huit mille hommes enGarniſon , dontune partie ſera toûjours preſte à la defendre , tandis que l'autre
138 LE MERCVRE s'étendra dans le Païs. Depe- tites Places pareilles à Phi- lifbourg ne font pas ſi avanta- geuſes. Ce ne ſont que des For- tereſſes qui ne pouvant conte- mir un fi grand nombre de Troupes , ne peuvent faire de ſi grandes executions. D'ailleurs Fribourg affure Briſac que les Ennemis menacent depuis &
long-temps, &àl'avenir ils par- leront peut-eftre moins del'af- freger , que de reprendre ce qu'ils ont perdu. Cette Place ne nous met pas ſeulement en pouvoir de faire contribuer la Suabe ; mais elle nous donne
moyen d'entrer dans les Païs Hereditaires , & ofte à l'Empe- reurune partie confiderable de fes Revenus , eſtant certain que la pluſpart des Penfions qu'il donnoit à ſes Officiers eſtoient
GALANT. 139
|-
|-
afſignées ſur ce qu'il retiroit de Fribourg. Le Pays eft fort rem- ply de Nobleffe , & n'a gue- res de Païſans qui ne foient ri- ches. La Place n'eſt commandée par aucune Ville , & elfe commande à toutes celles des
environs. Sa priſe rompt les meſures des Ennemis , leur fait
quiter leurs Quartiers d'Hyver,
&les oblige àen chercher d'au- tres. Adjoûtez à ces avanta- ges , celuy de nous eſtre ren- dus maiſtres d'une Place où
font tous les Magaſins donton
auroit eu beſoin pour le Siege de Briſac. Cependant fi les dif- ficultez augmentent la gloire,
onpeut dire qu'il n'y a rien qui égale celle des François. Ils ne s'attachent jamais à des Entre- priſes faciles, &les Places qu'ils ont attaqué cette année ont
140 LE MERCVRE toûjours paſſe pour impréna- bles. Fribourg l'euſt efté ſans doute pour d'autres Ennemis
que pour eux ; & quoy qu'elle ne ſoit pas auſſi forte que Va- lenciénes, Cambray,& S.Omer,
mille difficultez en devoient
rendre la Priſe impoffible. C'eſt une Ville environnée de Dé- filez qui devoient empefcherde l'affieger, ſi les Impériaux n'euf- ſent pas manquéde prévoyan- ce; & toute Place dont on peut empeſcher le Siege, peut paffer pour imprenable. Sa ſcituation furle panchantde la Montagne,
pouvoit donner lieu de la mieux défendre. Elle avoit des Munitions deguerre &de bouche,
& un Commandant qui a toû- jours paſſé pour avoir de la conduite & du cœur. L'Hyver avoit commencé de puis long2
GALANT. 141 temps en ce Païs-là ; il y avoit plus de trois ſemaines qu'il ef- toit couvert de nége , & cepen- dant on réſout d'inveſtir Fribourg. On ne peut dire qu'on aitprévenules Ennemis , pour ſe mettre en campagne avant la Saiſon ; qu'ils n'avoient point de Troupes fur pied , &qu'on eſtoit éloigné d'eux. Le con- traire eft connude tout le monde , les Armées eſtoient pro- ches l'une de l'autre , & la leur
eſtoit forte quand on a formé ce deſſein. Mais dequoy ne vient-on point à bout , quand ce qu'on entreprend eſt bien digeré, & qu'on execute avec beaucoup devaleur &de conduite des Ordres envoyez avec de prudentes reflections ? M
le Mareſchal de Créquy apres avoir donné aux Ennemis la
142 LE MERCVRE jalouſie dont je vous ay deja parlé,fait courir le bruit dans ſon Camp , qu'il attend pour le quiter , que le Prince Charles aitdécampé. Cependant il part une heure apres , & fe rend à
Briſac avec unediligence incro- yable.Il avoit donné ordre qu'on fiſt un Pont de Bâteaux fur le
Rhin. Il fut achevé en douze
heures par les ordresde M. de Viſſac. Cet illuſtre General ayant veu que toutes les choſes qu'il avoit euſoin de faire pré- parereſtoienten état , ordonna
unDéchementde quinze mai- ſtres par Compagnie , & м. de Lançon LieutenantGeneraleut ordre de demeurer avec le reſte
de la Cavalerie dansdesQuar- tiersdepuis Scheleſtat juſques à
Briſac. Admirez la conduite de
Monfieur de Créquy. Il s'éloi-
GALANT. 143 gne des Ennemis ſans en éloi- gner ſes Troupes. Elles couvrent encorBrifac & Scheleſtat , & il
oſte aux Ennemis le moyen de faire aucune Entrepriſe pen- dant qu'il aſſiegera Fribourg ,
en casqu'ils ne veulent pas ten- ter de le ſecourir. Apres tant d'ordres auſſi judicieuſement que ſecretement donnez , M. le Baron de monclar part à dix heures du ſoir avec uneBrigade de Cavalerie , les Dragons de du Fay ,& cinq Bataillons que commandoit M. d'Aubijoux,
afin d'inveſtir Fribourg. Le reſte de l'Armée défila à la
pointe du jourſur deux Ponts ;
&d'abord queles autres Trou- pesordonnées pour cette Expe- dition eurent paffé , M. deCré- quyſe mità lateſte de la maiſon duRoy. Jevousaydéja marqué
:
144 LE MERCVRE
qu'il y avoitdes Défilez pour ar- river à Fribourg.M. le marefchal de Créquy fit couper beaucoup deBois qui les embaraſſerentde telle forte , que les Ennemis n'auroient pû les paſſer fans beaucoup de peine , & fans grande perte. Le voila devant Fribourg. Si ceux de la Place furent étonnez de voir qu'on les affiegeoit , les Affiegeans ne le furentpasmoins , de connoiſtre ledeſſeinqu'on avoitpris , le ſe- cret ayant eſté ſi bien gardé,
qu'ils n'avoient ſçeu juſques-là enquel lieu onles menoit.Quad cette Nouvelle fut publiée àla Cour , leGeneral major Harang (qui comme vous ſçavez avoit eſtéprisdans la Journée de Cox- berg) dit qu'il eſtoit impoſſible que le Siege fut veritable , à
moins que l'Armée de l'Empereur
GALANT. 145 reur ſon Maiſtre n'euſt eſté entierement défaite. Et quand il apprit qu'on ne s'eſtoit point ba- tu,il admira la merveilleuſe conduite duRoy, laprudence de ſes Miniſtres & l'ardeur infatigable de ſes Generaux. Toutes les
Troupes n'eſtant pas encor arri- vées,m. le mareſchal de Créquy viſita la Place , les Poſtes & les Paſſagesdes environs,avant que defaire la diſpoſition des Quar- tiers. Les Ennemis brûlerent un
deleurs Fauxbourgs ,&tirerent pluſieurs volées de Canon ſur lesTroupes les plus avancées.M.
d'Aubijoux ſe logea avec les cinq Bataillons dans le Faux- bourgbrûlédu coſté de la gorge de la montagne , où l'on reſolut defaire l'Attaque. Il pouſſa mef- meunLogement avec cinquan- teHommes , à quelques pas du Tome IX. G
146 LE MERCVRE Foffé. Les Ennemis firent un
affez grand feu. Il n'y eut que vingt Soldats tuez &bleffez, un Capitaine'd'Orleans tué , &un de Feuquieres bleſſé. Le lende- main le reſtedes Troupes eſtant arrivé , M. le marefchal diſpoſa les Quartiers dans l'ordre fui- vant,afin que les Troupes ne fouffriffent point.
DISPOSITION DES .
Quartiers de'lArmée devant
Fribourg le 10. Novembre.
M. deChoifeuil,
Monfieur de la reüillée,
M. de Hautefeüille ,
Eſtoient à Vendeling , avec les Brigades Dela Maiſon du Roy ,
- DeBulonde
Et dela Ferté
GALANT. 147 M. le marquisdeGenlis,
M. deRenty.
M. le Comte deRoye,
Et M. de Boquemar ,
Eſtoient à Lehen,avec les Brigades DeBeaupré,
DeVivans,
De Boiſdavid ,
Et de Vendofme.
M. le Baron de Monclar,
EtMile Marquisde Lambert,
Eſtoient à Betzenhuls , avec les
Brigades DeMoreüil ,
DeDugas,
• Et deJoſſau
८
M. le Comtede Maulevrier
Colbert,
EtM. le Comtede Broglio,
Gij
148 LE MERCVRE Eſtoient à Zering , avec les
Brigades
De S. Loup ,
De Bertillac ,
Et les Dragonsde Liſtenay Et de Teffé.
M. le Comtede Schomberg
eſtoit à Herdem
Brigades DeNovion ,
Etde Nefle.
T
avec les
La Brigade de M. d'Aubijoux eſtoit à Viter , Fauxbourg brûlé.
Les Dragons du Roy & de duFay , eſtoient à Neter ; Et la Brigade de la Valete , à Gun- terſtal & à Delhuts..
Apres cette diſpoſition , il
GALANT. 149
د
changea l'ordre qui avoit eſté donné pour l'ouverture de la Tranchée & voulut qu'on
l'ouvriſt de l'autre coſté de la
Ville , laiffant la Montagne à
gauche. Il fit conſerver le pre- mier Logement pour ſervir de fauffe Attaque. Le meſme jour M. le Comte de Schomberg emporta l'Epée à la main , deux Redoutes avancées fur la hauteur du Chaſteau. Il eſtoit à la
teſtede trois cens Hommes,foutenusdes Brigadesde Norman- die&de Nefle..
La Tranchée fut ouverte à
l'entréede la nuit. Les Officiers
Generaux estoient M'le Comte
de Maulevrier- Colbert , & M"
de laFeüillée &deBoiſdavid.M.
le Marquis de Harcour-Bévron commandoit deuxBataillons de
Picardie.Deux autres de ChamGiij
150 LE MERCVRE pagne prenoient les ordres d'un des principaux Officiers de ce Corps. Comme les François ſont intrepides & accoûtumez à
vaincre ,& qu'on vouloitvenir promptement à bout de cette Entrepriſe ,on ne ſuivit point la pratique ordinaire,qui eſt d'ou- vrir la Tranchée fort loin de la
Place.Elle futcommencée affez
prés ,&ontira une grande Li- gne paralelle à la portée duPi- ſtolet. Les Bateries qu'on avoit dreffées la nuit , tirerent à la pointe du jour. Elles ruinerent des Flancs & des Embraſures
par où les Ennemis pouvoient tirer. La Garde de la Cavalerie
eſtoit commandée par M. de Neuchelles LieutenantdesGardes du Corps. On perdit quel- ques Officiers fubalternes. M. Je ComtedeBuffay undesLieu-
GALANT.
151I
.
tenansGeneraux de l'Artillerie,
&M. deCulan Colonel de Picardie, furenttuez.
LesBataillonsde Normandie ,
Feuquieres , la Marine, &Vau- becour, releverent la Tranchée
la nuit du onze au douze. M.le
Marquis de Choiſeüil , M's les Comte de Broglio & d'Aubi- joux, eſtoient de jour. On pré- para toutes choſes pour ladef- cente du Foffe , & on ſe contenta de ſe loger ſur le bord,
parce qu'on le trouva large &
difficile à combler. On mit encor quelques Pieces enbaterie par les ſoins de M. le marquis de la Freſeliere. Elles furent
tres--bien ſervies, &Monfieur le
Mareſchal de Créquy paſſa la nuit àſon ordinaire , c'eſt àdire
dans la Tranchée. Comme le
clair de Lune eſtoitgrand, nous Gj
152 LE MERCVRE perdîmes quelques Gens cette nuit-là . M. de la Tillaye Lieute- nant Colonel du Regiment de
Normandie , Officier d'un merite fingulier , fut tue. M. d'Af- fonville Aydede CampdeM.de Créquy ,& M. de Roquefeüille Enſeigne de ſes Gardes, furent bleſſez. On fit une Bréche de
quarantepas par le haut , apres laquelle on ſomma le Gouver- neur , qui fier d'avoir appris fon Meſtier parmy les Troupes de France , répondit qu'un Hom.
me comme luy ne ſe rendoit pas au premier Affaut.
La Tranchée fut relevée la
nuitdu douzeau treize , par M. le Comte de Roye , M. de Boquemar , & м. le Chevalier de Novion , avec les Bataillons
d'Auvergne , de Bretagne , &
de Dampierre. On travailla à
GALANT 153
une nouvelte Sape &àune au- tre Baterie qui voyoit la Bréche àrevers ,&on élargit les Travaux.
د
Le treize au foir , les Officiers Generaux qui releverent la Tranchée , furent M" les maгquis deGenlis , de Renty , &de la Ferté avec les Bataillons
d'Orleans , de la Couronne , &
de la Freſeliere. Onavança fort par les Sapes , & l'on travailla à
une mine. Monfieurle Mareſchal
deCréquy alla luy-meſme re- connoiſtre la Breche , & refolut de tenter unLogementdef- fus , ayant reconnuque les En- nemis netravailloientpointder- riere. Des Gens détachez avec
des Travailleurs , deſcendirent
dans le foffé avecdes Echelles,
&monterent àla Brêche àqua- tre heures. Elle ne futdefenduë
G V
154 LE MERCVRE que parun grand feuque firent
les Affiegez des Maiſons qu'ils avoient percées. On la paffa malgré cet obſtacle. Ceux qui fe rencontrerent dans les Ruës
furent tuez. Onapprocha de la
Porte de la ſeconde Envelope..
Les Bataillons d'Orleans &dela
Freſeliere eurent ordre de M. de
Créquy d'entrer par la Bréche:
pour ſoûtenir les Gens déta- chez. M. le marquis de la Ferté &M. de Tracy ſe ſaiſirent des Poſtes avancez avec beaucoup d'intrépidité , & y mirent des Soldats. м. lе mаrquis de la Fer- té fut bleſſé en cette occafion..
M. le marquis de la Freſeliere le
fut auſſi le meſme jour , en don- nant ſes ordres avec ſon activité
ordinaire,pour faire avacer une Piece deCanon contre laPorte
qui ſe trouva bouchéede fumier..
Y
GALAN T. 135 La Tranchée fut relevée par les Regimens de Vendoſme ,la Ferté, Condé , & la Fére. Les
Officiers Generaux estoient M.
le Comte de Maulevrier , M.le
Marquis de Bouflairs , & M. le
Duc de Vendofme. M. de Cré-
-quy voulut preffer l'Attaque de laVille;&pour cet effet , pen- dant que le Canon batoit en
Brêche , il ordonna au Regi- mentde la Ferté qui avoit late-- ſte de ladroite,de faire un Logement fur le borddu Foffe , &
mefme la defcente; &à celuy deVendoſme , de faire la mer
mechoſeſurlagauche. Comme le terrain eftoit tout pavé , on ne pût aisémentremuer la ter re,&il falut porter avec ſoy-de-- quoy ſe loger. Il ne ſuffit pasd'e- ftre François pour oſer tenter unepareille Entrepriſe , il faut
Gvj
296 LE MERCVRE eſtre neſous le Regnede Loüis XIV. dont l'exemple n'inſpire que des prodiges. M. de Laubanie Major du Regiment de la Ferté,y futbleſſé d'unautre cofté . M. le Comte de Schomberg:
s'empara d'un Ouvragede terre
qui couvrait la Redoute depier- re dont le Chaſteau eft commandé,&un peu apres il ſe ren dit maiſtre de cette Redoute par le moyendedeux Pieces de Ca- non que les Anglois avoient guindées , dont ils furent bien récompenfez par M. le maref- chal de Créquy. Le premier coup de Canonemporta la teſte deceluy qui commandoit dans cette Redoute , dont la priſe avança fort celle de la Ville. On tenta deux Logemens pourfot- tenir celuy qu'on avoit fait au- pres du reveſtiſſement du Foffé,
GALANT. 157 Noftre General nevoulut pas les faire achever, parce qu'il fa loit alleràdécouvert, &effuyer le feu du Canon chargé àcar touches. C'eſtoit en plein jour ,
&cependant l'ardeurdesTrou- pes eſtoit fi grande, qu'on eut toutes les peines du monde à les
faire retirer. Le Bataillon de
Vendoſme firmerveille en cette
occafion. M. Limbaut, qui erreſt Lieutenant Colonel, yfut blef- fé. Il eſt impoſſible de faire voir plusd'intrépidité &plus de con- duite qu'en fit paroiſtre M. le Ducde Vendoſme ; le péril ne l'étonnoit point,il eſtoitpartout,
il animoit les Soldats , & l'on
peut direque ſon exemplefervit beaucoup. m.de Créquy fit tout diſpoſer pourl'Affaut.resEnne- mis l'appréhendérent , & bati- rent la Chamade, Ils envoyerent
158 LE MERCVRE un Oftage , & reçeurent en fa place M. de Courvaillon Lieute- nantColonel deCondé. LaNégotiation dura quelque temps.
On permit auxOfficiers d'aller voir laBréche. Le Gouverneur
demanda deux Pieces de Canon, on luy en accorda une , &
la ſeconde fut donnée en confidération duMarquis de Baden.
LesArticles ordinaires ayateſté dreſſez , les Ennemis livrerent
une Portede la Ville , &une du
Chaſteau.. Il n'eſtoit pas neuf heures du matin: La Garnifon
qui estoit encorde quatre cens Chevaux , & de dix-fept cens Hommesde pied , fortit àmidy,
&fut conduite àReinsfeldt. M. d'Oſſonville partit auſſitoſt par l'ordre de M. le Mareſchalde
Créquy, pour aller rendrecom-- pteauRoydu prompt ſuccésde
6
GALANT. 159 cetteſurprenante Entrepriſe.
Cette nouvelle Conqueſte vafourniraux beaux Eſpritsune ample matiere d'écrire.. Voicy ce qui me vientd'eſtre envoyé.
Lifez , Madame. Ces Vers ſont
dignes de celuy qui les a faits.
Vous avez déja veu de belles choſesde luy, & vous en con- viendrez , quand ilmefera per- misdevous le nommer..
SUR LA PRISE
DE FRIBOVRG
Ndit que tous les Rois font les
vives Images
De l'Estre indépendant qui reçoit nos hommages,
Etqu'un écoulement de la Divinité Eaitfur lefront des Rois briller saMa jesté..
rbo LE MERCVRE
Maissi jamais un Roy dans sa toute puissance Apûtflater ſon cœur de cette reſſem- blance,
C'est le Roy des François , ce premier des Mortels
Qui de nos vieux.Héros renverſe les
Antels,
Qui tientfousfes Lauriers leursPat mes étouffée ,
Decesfaux Demy Dieux détruit tous les trophées,
Etprépare une Histoire à la Posteri té
Qui nepeut espérer que l'incrédulité.. Lorsque LOVISparoiſtdans une paix.
profonde,
Son ame eft occupée à gouverner le Monde, ৮
Etlesſoinsaffidus de ſon plus doux re--
pos Guident les mouvemens de cent mille
Héros.
Ceuxqui vont ſousſon Nomde Victorreen Victoire ,
>
Brillansdeses rayons , &convertsdefar gloire,
GALANT. 161
Sonttoujours agiſſansfur la Terre &les Mers ..
Etcraignent le reposplus que tous les dangers.
Créquy , c'estoit affezd'avoir dans ta
Campagne Arrêtéles efforsdecesRoisd'allemagne,
Et d'avoirfait connoistre , à tant de Souverains ,
Celuy quevent leCielpourMaistre des Humains.
Chaque instant , chaque pas valoitune Conqueste;
Maisdetant de Lauriers tu veuxchargertaTeste ,
Que le Sortde laGuerre avec tous fes bazars
N'aitplus pourtoy de foudre ,&te gale aux Césars.
LeSiegede Fribourg , cette haute Entrepriſe Apeineestoit connu , quand on a ſçen
Sapriſe;
:১
Et ceux qui chez le Prince avoient quelques accés,
S'informent du deſſein ,ont appris le Succés.
162 LE MERCVRE
Vy,gloire des François , vy Héros magnanime ,
Seurde tout nostre amour ,de toutenoStre estime ;
Mais en vivantpour nous, connois ce
que tu vaux ,
Etmenagetes jours parmy tant detravaux ;
Nenous force jamais à regretter un Homme
Que Fabrice enviroit , s'il renaiſſoir dansRome
Et laiſſe profiterles Peuplesfans effroy Dessoins d'un grand Sujet ſousles Loix d'unGrandRoy
CeMadrigald'une Perſonne dequalité ſur le meſme fujer ,
merite bienque vous le voyiez.
Ovelques datsd'Allemagne braves que foient ,
lesSolEtceux quifont nourrisſous les armes d'Espagne ,
On nevoitqu'enEsté leurs plus vail lansGuerriers..
:
GALANT. 163 Danslabelle Saiſon tout lemonde mois- Sonne;
Loüisſeul en Hyver , au Printemps,
dans l'Automne ,
Surl' Empire,en tous lieux ,fçait cüeillir desLauriers.
C'eſt aſſurément quelque choſe de ſurprenant , que d'a- voir ajoûté Fribourg dans le commencementde l'Hyver, aux Conqueſtes qui avoient eſté fai- tes avant le Printemps. Si-toſt qu'il fut pris , M le Mareſchal deCréquy y fit tracer de nou- velles Fortifications. M. leMarquis de Lambert Mareſchal de
Camp y doit commander , &
M. de S.Juſt ſous luy. Il eſtoit Lieutenant de Roydans Philif- bourg. Il ade la conduite , &
fçait faire valoir les avantages quedonnent les Placesde cette importance.. M. de Créquy ne
164 LE MERCVRE
F
demeura pas longtemps dans celle- cy.La Victoire l'appellant ailleurs , ily mena la Maiſon du
Roy. M.le Marquis de Genlis ,
& M le Comte de Broglio eſtantdejour , ſe mirent à la te- ſte de l'Armée. M. le Marquis deVillars qui commandoit trois censHommes avancez, rencontra plufieurs Regimés deCava- lerie, if en batit l'Arrieregarde,
qu'il poursuivit longtemps avec la meſme vigueur &la meſme conduite qu'il adéja fait paroi ſtre plufieurs fois pendant cette Campagne , quoy qu'il foit dans une grande jeuneffe. Il fit plus de ſoixante Priſonniers , entre
leſquels eſtoient deux Capitai- nes , &ily eurenviron quaran te Dragons tuez. Nous euffions pouffé nos avantages plus loin-,
fanousn'eufſſions pointeſtédans
GALANT. 165 unegorge de Montagne où les Troupes avoient beaucoup de peine àpaſſer. Les Ennemis en eurent plus de temps pour fuir.
On prit en ſuite la Ville &le Chaſteau de Vvalkvik , qui ſe rendirent apres avoir eſté ſom- mez. Ony trouva unegrande quantité de toute forte de Pro- viſions. Cette Place eſt à deux
lieuës de Fribourg dans uneVal- léequi conduit en Suabe.
Je ne puis quiter l'Armée d'Allemagne , ſans vous dire que les demeflez du Prince Charles &de Monfieur le Duc
de Vendoſme dont je vous ay parlé , ne regardent que les in- tereſts du Roy & de l'Empe- reur. Ils conſervent une par- faite eſtime &une fort grande honneſteté l'un pour l'autre.
Monfieur de Vendoſme, com
166 LE MERCVRE
me un des plus proches &des plus illuftres Parens de la Ducheſſe de Lorraine , luy a toû- jours rendu ſes devoirs , & l'a viſitée ſouvent à Strasbourg. Si ces Princes s'y rencontroient ,
ils feroient comme nos Braves,
de l'une&de l'autre Armée qui apres s'eſtre régalez malgré la diverſitédu Party , ſe batent au fortir des Lieux où l'on obſerve
la Neutralité comme s'ils ne
s'eſtoient point connus auparavant. ر
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Résumé : Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Après la victoire de la Journée de Cokeburg, les ennemis furent désorganisés et harcelés par divers partis. Monsieur de Créquy ordonna au gouverneur de la Petite-Pierre d'envoyer des troupes derrière l'armée ennemie, perturbant ainsi leurs mouvements. Il fit également brûler les fourrages des lieux d'où les ennemis pouvaient se ravitailler, les forçant à chercher des ressources à huit lieues de distance. Les ennemis craignaient la prise de Sarbrük et s'éloignèrent progressivement de l'armée française. Malgré la maladie de Monsieur Jacquier, les ordres furent bien exécutés, assurant que les troupes françaises ne manquèrent de rien. Monsieur de Créquy prit le fourrage de quatre villages près de Strasbourg, justifiant cette action par la nécessité de se servir de ce qui était à portée. Les ennemis, après s'être ravitaillés, furent de nouveau en difficulté. Ils apprirent que leur imprudence à engager un combat à Cokeburg avait été blâmée à Vienne. Pendant qu'ils songeaient à prendre leurs quartiers d'hiver, il fut décidé d'assiéger Fribourg, une place importante située en partie sur une montagne et entourée par la rivière de Sana. Fribourg était la capitale du canton catholique de Fribourg, un évêché et l'une des universités les plus considérables des terres de l'Empereur. Sa prise était cruciale pour empêcher l'Empereur d'avancer sur les terres françaises et pour assurer la défense de Brisac. Les Français, connus pour leurs entreprises difficiles, résolurent d'investir Fribourg malgré les défenses et les munitions de la place. Monsieur de Créquy, après avoir perturbé les ennemis, partit pour Brisac avec diligence, ordonnant la préparation d'un pont de bateaux sur le Rhin. Il investit Fribourg avec une brigade de cavalerie et des dragons, malgré les défiles qui entravaient l'accès. Les ennemis, surpris, brûlèrent un de leurs faubourgs et tirèrent plusieurs volées de canon. Monsieur de Créquy disposa les quartiers des troupes pour éviter les souffrances et ouvrit la tranchée malgré les difficultés. Les Français, intrepides et accoutumés à vaincre, commencèrent la tranchée près de la place pour agir promptement.
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2
p. 349-350
AUTRE ENIGME.
Début :
ROSELINDE, écoutez, je suis une Geane [...]
Mots clefs :
Montagne
3
p. 2866
« On apprend par des Lettres de Prague, que le 23. Novembre dernier, il étoit sorti de la Montagne [...] »
Début :
On apprend par des Lettres de Prague, que le 23. Novembre dernier, il étoit sorti de la Montagne [...]
Mots clefs :
Prague, Fumée, Flammes, Montagne
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texte
Reconnaissance textuelle : « On apprend par des Lettres de Prague, que le 23. Novembre dernier, il étoit sorti de la Montagne [...] »
On apprend par des Lettres de Prague , que le
23. Novembre dernier , il étoit sorti de la Montagne de Salpêtre qui est derriere la Maison de
Correction , une fumée à laquelle on ne fit pas
d'abord grande attention ; que le z ,. il s'en étoit
élevé de grandes flâmes , qui avoient causé beaucoup d'effroy dans toute la Ville , qu'on y avoit
envoyé des Troupes pour les éteindre ; que le
4. et le r . de Décembre la Montagne s'étoit enflammé de nouveau ; que malgré les tranchées
qu'on y avoit faites , le feu s'étoit communiqué
aux Terres voisines du Muldau , Rivierè qui tra
verse la Ville , et que la chaleur brulante de ces
Terres qui sont très sulphureuses , faisoit crain- dre que le feu ne se communiquât aux maisons
et que la Ville ne fût embrasée.
23. Novembre dernier , il étoit sorti de la Montagne de Salpêtre qui est derriere la Maison de
Correction , une fumée à laquelle on ne fit pas
d'abord grande attention ; que le z ,. il s'en étoit
élevé de grandes flâmes , qui avoient causé beaucoup d'effroy dans toute la Ville , qu'on y avoit
envoyé des Troupes pour les éteindre ; que le
4. et le r . de Décembre la Montagne s'étoit enflammé de nouveau ; que malgré les tranchées
qu'on y avoit faites , le feu s'étoit communiqué
aux Terres voisines du Muldau , Rivierè qui tra
verse la Ville , et que la chaleur brulante de ces
Terres qui sont très sulphureuses , faisoit crain- dre que le feu ne se communiquât aux maisons
et que la Ville ne fût embrasée.
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Résumé : « On apprend par des Lettres de Prague, que le 23. Novembre dernier, il étoit sorti de la Montagne [...] »
Le 23 novembre, une fumée est sortie de la Montagne de Salpêtre à Prague. Le lendemain, des flammes importantes ont provoqué une grande frayeur. Les 4 et 5 décembre, l'incendie s'est ravivé, se propageant aux terres voisines du fleuve Moldau. La chaleur intense et la nature sulfureuse des terres menaçaient les maisons et la ville.
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4
p. 1262-1276
SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
Début :
Les Eglises dédiées à des Saints, du rang des Confesseurs, avoient leurs [...]
Mots clefs :
Enseignes militaires, Oriflamme, Abbaye de Saint-Denis, Montjoye, Rois, Tombeau, Armée, Saints, Montagne, Coutume, Martyrs, Trésor, Gardiens
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texte
Reconnaissance textuelle : SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
SUITE de la Dissertation sur les
Enseignes Militaires des François.
La
Es Eglises dédiées à des Saints , du
rang des Confesseurs , avoient leurs
Bannieres de couleur Bleue ou Violette :
celle de S.Martin devoit être de cette cou-
* L'Auteur ne prétend point condamner le jugement
de l'Académie , et quiconque l'interpréteroit
ainsi , n'entendroit point le sens de la Strophe.
II. Vol. leus
JUIN. 1733. 1263
leur , et c'est peut - être ce qui fit que lorsque
nos Rois prirent des Fleurs de Lys
pour armoiries , ils les mirent sur un
fond de gros bleu , en l'honneur de saint
Martin , dont la dévotion n'étoit pas
tout-à- fait tombée dans ces temps - là.
On prit la coutume de faire les Bannieres
de couleurs qui montrassent la
classe des Saints à qui elles étoient dédiées
, conformement à l'usage des Ecclesiastiques
, qui ont toujours observé ,
en faisant l'Office Divin , d'avoir des ornemens
qui désignassent la qualité du
Saint dont on fait la fête , prenant des
Chappes blanches pour les fêtes des
Vierges , des rouges pour les Martyrs ,
des vertes et des bleues pour les Confesseurs
, et des noires pour l'Office des
Morts.
Toutes ces Bannieres se terminoient en
trois pointes , désignant la Trinité. Celle
de Saint Denys prit le nom d'Oriflamme;
à cause de sa forme qui étoit une Lance
dorée , à laquelle pendoit un morééau
d'Etoffe de soye rouge , taillé en ma→
niere de flamme à trois pointes , terminées
chacune par une Houpe verte.M.du
Cange a fait une Dissertation qui renferme
tout ce que les Auteurs François ont
II. Vol. A v ' écrit
1264 MERCURE DE FRANCE
écrit de cette mystérieuse Enseigne , on
peut y avoir recours.
L'emploi de celui qui la portoit pour
le Roy , n'étoit qu'une commission ; le
Gentilhomme qui en avoit été chargé
pendant une Guerre , la reportoit à saint
Denis aussi- tôt que la Guerre étoit finie ;
et si on avoit besoin de la reprendre pour
une autre expédition , la commission en
étoit donnée souvent à un autre Gentilhomme.
Mais comme le temps change les usages,
les derniers Porte Oriflammes se succedoient
quelquefois de pere en fils dans
cette fonction ; et de plus ils négligeoient
de rapporter ce pieux dépôt qu'on leur
avoit confié dans le lieu où il devoit être
et le gardoient chez eux , sur tout quand
l'expedition pour laquelle ont l'avoit
prise , n'étoit point terminée , et qu'il
falloit retourner à la Guerre la Campagne
suivante .
On voit par l'Histoire de l'Abbaye de
S. Denys , de Dom Félibien , ( pag. 313. )
que le Roy Charles VI.après avoir nommé
Hurin , Sire d'Aumont , pour garder
l'Oriflamme , lui ordonna d'aller prendre
cetre Enseigne que Guillaume des
Bordes ( qui la gardoit auparavant ) avoit
11. Vol.
reJUIN.
1733 .
1265
retenue chez lui , n'ayant point eu occasion
de la déployer pour le service du
Roy , et ordonna en même temps au Sire
d'Aumont de la reporter dans l'Abbaye
de S. Denys .
L'ignorance et la crédulité où l'on étoit
dans lessiéc les où l'Oriflamme fut en réputation
, faisoit débiter bien des contes
sur son origine , on prétendoit qu'elle
avoit été apportée du Ciel , par un Ange ,
avec l'Ecu flourdelisé , dans le temps de
la conversion de Clovis , et long - temps
après que cette Enseigne eut cessé de paroître
dans les Armées,on croïoit qu'elle s'en
étoit retournée au Ciel , on se persuadoit
core qu'elle ne s'usoit point ; mais présentement
qu'on est revenu de toutes ces
pieuses fables , il est raisonnable de penser
que quand l'Oriflamme étoit vieille
et déchirée, on en substituoit une autre à
sa place , et les Religieux faisoient de la
vieille ce qu'ils vouloient , et quelquefois
elle restoit au Porte - Oriflamme , qui
en disposoit à sa volonté; comme les Colonels
font aujourd'hui des Drapeaux et des
Etendarts qui ont servi à leurs Regimens
qu'ils gardent souvent chez eux comme
des marques honorables pour leurs Descendans
, quand ils n'en veulent pas disposer
en faveur de quelque Eglise où
II. Vol.
·A vj
il
1266 MERCURE DE FRANCE
ils ont dévotion , ou en faire quelqu'au
tre usage.
La coutume d'offrir à la Divinité les
Enseignes prises sur l'Ennemi est tresancienne
; les Payens mettoient dans les
Temples de leurs Dieux les Trophées
qu'ils rapportoient de la Guerre. Les Philistins
après avoir vaincu Saül , appendirent
les armes de ce Roy aux voutes du
Temple de leur Dieu Astaroth, ( Les Rois,
liv. 1. ) et dans l'histoire de Sablé , par
M. Ménage , on voit dans la Généalogie
des Seigneurs de Mayenne , qu'un de ces
Seigneurs étant revenu d'une Croisade
offrit à une Eglise de sa Terre les Enseignes
qu'il avoit rapportées de son voïage.
On expose dans l'Eglise de Notre - Dame
de Paris toutes les Enseignes de Terre
et de Mer qui se gagnent sur l'Ennemi
pendant une Guerre , et on ne les ôte que
quand la paix est faite.
Le Poëte Malherbe dans une Lettre
qu'il écrit à son Cousin , le 22 Decembre
1627. lui dit : Les Drapeaux pris sur les
Anglois , à l'attaque de l'Isle de Rhé ,
furent hier apportez au Louvre , on leur
fit faire un tour dans la Cour , selon la
coutume , et on les porta ensuite à N. D.
Il y en a 44. qui ont tous au bout d'enhaut
et au coin , qui est vers le bois , un
II. Vol mor
JUIN. 1733. 1267
morceau de Tafetas blanc , d'environ 3
pieds en quarré , et en ce Tafetas , il yуэa
une Croix rouge qui touche à toutes les
4 faces de ce quarré. De maniere qu'en
admettant ( comme on le doit ) le renouvellement
de l'Oriflamme, quand elle étoit
usée , on accordera deux opinions diffé
rentes d'Auteurs sur le sort que cette Enseigne
a eu depuis que nos Rois ne l'ont
plus fait porter dans leurs Armées ; ce
qui arriva sous Charles VII . pendant que
les Anglois étoient Maîtres de Paris. Les
uns soutenant qu'elle étoit toujours restée
dans le trésor de S. Denys , où on la
voyoit encore en 1534 et 1594. suivant
les Inventaires du même trésor, faits dans
ces années- là ; et les autres ont pensé
qu'elle a pû rester en la possession des
Gentilhommes qui en avoient la garde ,
et que par conséquent on peut trouver
des Oriflammes dans les Archives des
descendans de ces Gentilhommes. Messieurs
d'Harcourt en conservent un , qui
leur vient par succession de Pierre de
Villiers l'Isle - Adam , Grand - Maître de
France et Porte Oriflamme , dont la fille
épousa Jean de Garenciere , et fut Ayeul
d'une Tugdal de Karmoisien , mariée à
Jean de Gaillon , grand- pere de ' Françoise
de Gaillon femme de François.
II. Vol. d'Har
1268 MERCURE DE FRANCE
d'Harcourt , Seigneur de Beuvron , à la
posterité duquel appartient ( selon M. de
la Roque, dans son Histoire de la Maison
d'Harcourt , ) le droit de garder l'Oriflamme
, en supposant que cette dignité
étoit devenue sur sa fin héréditaire dans
les familles de ceux qui l'ont possedée .
Quant à la difference que le P. Daniel
( dans sa Milice Françoise ) trouve ,
entre l'Oriflamme, qui est chez Messieurs
d'Harcourt , et celle qui étoit dans le
Trésor de S.Denys , ce qui lui fait dire que
la premiere n'est pas la véritable , c'est
une minutie où il ne faut point s'arrêter ,
car quoique l'Etendart de S. Denys ait
été pendant long temps d'une seule couleur
pleine , la mode y'a pû faire ajouter
dans les derniers temps des ornemens ,
comme des Flammes et des Couronnes
en Broderies d'or. Il suffit que la couleur
de l'Oriflamme, conservée chez Messieurs
d'Harcourt, soit rouge, pour croire qu'el
le peut être aussi véritable que celle qui
se trouvoit dans le Trésor de S. Denys au
16 siécle, quoique celle - cy fut plus grande
et d'une étoffe unie .
Il n'est pas même certain qu'il n'y eut
qu'une Oriflamme d'usage en mêmetemps
, et que quand il y en avoit une à
l'Armée , il n'y en cut pas encore une
II. Vol.
autre
JUIN. 1733. 1269
autre qui restoit à S. Denys , pour les
besoins extraordinaires de l'Abbaye , ou
pour envoyer à une seconde Armée
Royale ; car l'Oriflamme étoit un Etendart
, attaché à l'Armée , et non à la personne
des Rois , comme je le ferai voir
en parlant de l'Etendart Royal , autre
Enseigne qui ne quittoit point le Corps
du Roy , au lieu que l'Oriflamme alloit
toute seule à la tête de l'armée , gardée
seulement par une Troupe de Cavaliers
d'Elite Vexillum sancti Dionisii quod
omnes præcedere in bella solebat.
Voicy ce que dit Rigord , Historien
de Philippe Auguste , en parlant de ce
qui se fit à S. Denis , lorsque ce Prince y
alla prendre l'Oriflamme pour son voyage
d'Outremer , après que le Roy , à genoux
devant le Sépulchre des Saints Martyrs
, eut imploré par ses prieres et ses larmes
, l'assistance du Ciel , il reçut la Pannetiere
et le Bourdon des mains de Guillaume
, Archevêque de Rheims , son oncle
maternel , et il y prit ensuite de sa propre
main deux Etendarts qui étoient sur la
Châsse des Saints Martyrs .
Voilà certainement une occasion où il
paroît deux Oriflammes à la fois , peutêtre
qu'on les doubloit pour n'en pas
manquer en cas qu'il s'en perdît une ;
II. Vol. en
270 MERCURE DE FRANCE
en supposant cela on accordera ce qui
se trouve dans deux Historiens , Jacques
Meyer et Guillaume Guyard , le premier
soutenant que la véritable Oriflamme
fut perdue au combat de Mons en
Puelle, et qu'elle ne se retrouva plus, pendant
que le second assure que l'Oriflamme
qui se perdit dans ce Combat , n'étoit
qu'une Enseigne contrefaite que le
Roy avoit fait paroître ce jour - là pour
encourager ses Soldats ; cecy sent bien
le conte fait à plaisir ; quelle raison le
Roy auroit-il eû de tromper ses Soldats.
dans la supposition de cette fausse Enseigne
? Ne vaut-il pas mieux convenir
que dans les occasions que l'on jugeoit
devoir être périlieuses , on se munissoit
de deux de ces Enseignes , pour pouvoir
les substituer l'une à l'autre , en cas qu'il
s'en perdit une , et que c'est ce qui fut
fait à la bataille de Mons en Puelle , où
l'une ayant été perduë la veille , il en
reparut une autre le lendemain .
Ce que je dis n'est point pour diminuer
l'estime que nous croyons que nos
Ancêtres faisoient de cet Etendart . Ils le
regardoient comme un Symbole de Religion
; et dans cette idée ils lui donnoient
le premier rang sur toutes leurs autres:
Enseignes .
4
II. Vol Qmaibus
JUIN . 1733: 1271
Omnibus in bellis habet omnia signa
preire , dans l'esperance que leur Saint
Patron , à qui appartenoit cette Enseigne,
obtiendroit du Ciel par ses prieres la direction
des guerres qu'ils entreprenoient
et les feroient réussir à leur avantage.
Le nom du Saint devint aussi leur cri
de guerre ; ce fut sous Louis le Gros
qu'on commença à invoquer S. Denis ,
Patron du Royaume , dans tous les besoins
Militaires par ces mots , MONTJOYE
SAINT DENIS , qui sont devenus la Devise
génerale de nos Rois. Dans tous les
temps et chez toutes les Nations , la
coûtume des Soldats étoit de faire de
grands cris avant que de combattre et
après avoir combattu ; les premiers de
ces cris pour exciter le courage et jetter
l'effroy dans le coeur de l'Ennemi , et les
seconds pour remercier les Dieux qu'on
adoroit du gain d'une bataille , et en célebrer
la premiere réjouissance .
Clovis dans le Champ de Colbrac ;
implore le secours du Dieu que sa femme
adore. Les François devenus Chrétiens ,
adressent leurs cris à S. Martin , ensuite
à S. Denis , esperant attirer sur eux les
faveurs du Ciel par l'intercession de leurs
Saints Protecteurs.
De tous les Auteurs qui ont voulu
II. Vol.
expliquer
1272 MERCURE DE FRANCE
expliquer le mot de Montjoye , qui précedoit
celui de S. Denis dans l'acclamation
Militaire des François , Mrs Ducange
et de Caseneuve , sont ceux qui ont
le mieux pensé sur la véritable signifisation
de ce mot , en disant que c'est
un vieux terme François qui exprime
une Colline ,
diminutif de Montagne 3
toute l'erreur du premier de ces deux
Sçavans , est de dire que par le mot de
Montjoye , il faut entendre seulement la
Montagne de Montmartre où S. Denis
fut martyrisé ; le Pere Daniel , dans sa
Milice Françoise , qui a voulu le relever
sur cette méprise , a plus mal fait que
lui en disant que Montmartre est une
veritable Montagne , qu'elle est trop
haute pour qu'on lui puisse donner ce
nom de Montjoye , et qu'elle se trouve
appellée par tout Montagne de Mars , et
non pas Montjoye , est- ce là une raison assez
solide pour que Montjoye ne puisse pas
signifier un petit Mont ? Si ce Pere avoit
poussé ses Recherches jusques dans les
usages que les Gaulois et les Germains
observoient en enterrant leurs Morts ,
il auroit trouvé la preuve que Montjoye
a signifié une petite Montagne artificielle
qui se formoit de la maniere que voicy :
Quand un Chef de Guerre de ces Na-
II. Vol. tions
JUIN. 1733. 1273
tions mouroit au milieu de son armée ,
après que le corps avoit été mis dans
une fosse avec toutes les ceremonies qui
s'observoient en pareil cas , chaque Soldat
portoit une pelletée de terre pour
recouvrir la fosse de son General , ca
qui formoit dessus une petite éminence
qui devenoit haute à proportion que
l'armée
qui faisoit l'enterrement , étoit nombreuse.
La Flandre et les Provinces qui l'avoisinent
, sont encore pleines de ces monticules
qu'on appelloit dans le Pays des
Tombes , pour mieux conserver le souvenir
du sujet qui les a produites ; avant
que de prendre ce nom de Tombes , elles
avoint celui de Montjoye , terme qui a
toujours signifié en vieux François une
élevation , qui sert à marquer un lieu
que l'on veut reconnoître , et où l'on
veut parvenir quand on en est éloigné.
›
Les Phares qui sont sur les Ports de
Mer , les Balises , faites de tonneaux ou
de pieces de bois flotantes sur l'eau pour
servir à guider les Vaisseaux entre des
Rochers cachez sous l'eau , et enfin toutes
sortes de marques propres à faire éviter
les dangers et à montrer les lieux éloignez
, ou ceux qui renferment des choses
dignes de memoire , étoient nommez
II. Vel. des
1274 MERCURE DE FRANCE
des Montjoyes , parcequ'elles apprenoient
avec plaisir à ceux qui les voyoient , des
Endroits que l'on auroit eu peine à re
trouver sans leurs secours.
On élevoit des Montjoyes sur les Tombeaux
des personnes de considération ,
plus ou moins magnifiques et remarqua
bles , selon la dignité de ces personnes ;
les premiers Chrétiens persécutez , mirent
des marques moins sensibles sur les Tombeaux
des Martyrs qui se trouvoient en
pleine campagne ; ces marques , qui n'étoient
souvent que de simples pierres ,
eurent le même nom . On n'oublia pas
sans doute de mettre une Montjoye sur
le Tombeau de S. Denis et de ses Compagnons
, jusqu'à-ce qu'on fût en liberté
de renfermer ce Tombeau dans une Eglise
; dans la suite l'Eglise où il étoit renfermé
étant devenue célebre par la dévotion
les Fidelles eurent à ce Tomque
beau , les Rois qui s'en rendirent les Protecteurs
, se regarderent en même-temps
comine les Gardiens de ce S. Tombeau ; et
pour montrer publiquement l'honneus
qu'ils se faisoient de cette qualité , ils
l'exprimoient par le nom ancien de Montjoye
, et prirent delà occasion de crier
à la guerre Montjoye S. Denis , comme
s'ils eussent voulu dire nous sommes les
II. Vel.
garN.
1733. 1275
"
gardiens du Tombeau de S. Denis , la
Banniere dont nous nous servons en est
la marque , et nous la portons pour deffendre
les biens qui appartiennent à ce
Saint , et qui ont été offerts à son Tombeau.
Dans toutes les Religions du Monde
les Princes qui ont eu de la pieté , se
sont toujours fait honneur d'être dépositaires
de quelques Monumens respectables
de ces Religions. Il semble même
que la destinée des Empires soit , pour
ainsi dire , attachée à la conservation de
ces Monumens. Les Payens enchaînoient
leurs Dieux . Une Ville croyoit ne jamais
succomber aux efforts de ses Ennemis
tant qu'elle étoit en possession de ses
Lares et de ses Pénates. La ruine de Troye
ne fut attribuée qu'à l'enlevement du
Palladium.
Les Empereurs Ottomans gardent avec
soin dans leur Serrail l'Etendart de guerre
et la Robbe de Mahomet. Tous les
Princes de cette Religion qui ont possedé
la Ville de Jérusalem , ont tous pris
la qualité de Maîtres ou de Possesseurs
du S. Tombeau.
Pourquoi nos Rois Très- Chrétiens ne
se seroient-ils pas fait le même honneur
de se dire les Gardiens du Tombeau d'un
II. Vol.
Martys
16/0 VIL
ע ע
Martyr de qui leurs Peuples tiennent la
Foy , et de montrer l'estime qu'ils faisoient
de ce Titre par ce cri d'allegresse
Montjoye S. Denis.
Enseignes Militaires des François.
La
Es Eglises dédiées à des Saints , du
rang des Confesseurs , avoient leurs
Bannieres de couleur Bleue ou Violette :
celle de S.Martin devoit être de cette cou-
* L'Auteur ne prétend point condamner le jugement
de l'Académie , et quiconque l'interpréteroit
ainsi , n'entendroit point le sens de la Strophe.
II. Vol. leus
JUIN. 1733. 1263
leur , et c'est peut - être ce qui fit que lorsque
nos Rois prirent des Fleurs de Lys
pour armoiries , ils les mirent sur un
fond de gros bleu , en l'honneur de saint
Martin , dont la dévotion n'étoit pas
tout-à- fait tombée dans ces temps - là.
On prit la coutume de faire les Bannieres
de couleurs qui montrassent la
classe des Saints à qui elles étoient dédiées
, conformement à l'usage des Ecclesiastiques
, qui ont toujours observé ,
en faisant l'Office Divin , d'avoir des ornemens
qui désignassent la qualité du
Saint dont on fait la fête , prenant des
Chappes blanches pour les fêtes des
Vierges , des rouges pour les Martyrs ,
des vertes et des bleues pour les Confesseurs
, et des noires pour l'Office des
Morts.
Toutes ces Bannieres se terminoient en
trois pointes , désignant la Trinité. Celle
de Saint Denys prit le nom d'Oriflamme;
à cause de sa forme qui étoit une Lance
dorée , à laquelle pendoit un morééau
d'Etoffe de soye rouge , taillé en ma→
niere de flamme à trois pointes , terminées
chacune par une Houpe verte.M.du
Cange a fait une Dissertation qui renferme
tout ce que les Auteurs François ont
II. Vol. A v ' écrit
1264 MERCURE DE FRANCE
écrit de cette mystérieuse Enseigne , on
peut y avoir recours.
L'emploi de celui qui la portoit pour
le Roy , n'étoit qu'une commission ; le
Gentilhomme qui en avoit été chargé
pendant une Guerre , la reportoit à saint
Denis aussi- tôt que la Guerre étoit finie ;
et si on avoit besoin de la reprendre pour
une autre expédition , la commission en
étoit donnée souvent à un autre Gentilhomme.
Mais comme le temps change les usages,
les derniers Porte Oriflammes se succedoient
quelquefois de pere en fils dans
cette fonction ; et de plus ils négligeoient
de rapporter ce pieux dépôt qu'on leur
avoit confié dans le lieu où il devoit être
et le gardoient chez eux , sur tout quand
l'expedition pour laquelle ont l'avoit
prise , n'étoit point terminée , et qu'il
falloit retourner à la Guerre la Campagne
suivante .
On voit par l'Histoire de l'Abbaye de
S. Denys , de Dom Félibien , ( pag. 313. )
que le Roy Charles VI.après avoir nommé
Hurin , Sire d'Aumont , pour garder
l'Oriflamme , lui ordonna d'aller prendre
cetre Enseigne que Guillaume des
Bordes ( qui la gardoit auparavant ) avoit
11. Vol.
reJUIN.
1733 .
1265
retenue chez lui , n'ayant point eu occasion
de la déployer pour le service du
Roy , et ordonna en même temps au Sire
d'Aumont de la reporter dans l'Abbaye
de S. Denys .
L'ignorance et la crédulité où l'on étoit
dans lessiéc les où l'Oriflamme fut en réputation
, faisoit débiter bien des contes
sur son origine , on prétendoit qu'elle
avoit été apportée du Ciel , par un Ange ,
avec l'Ecu flourdelisé , dans le temps de
la conversion de Clovis , et long - temps
après que cette Enseigne eut cessé de paroître
dans les Armées,on croïoit qu'elle s'en
étoit retournée au Ciel , on se persuadoit
core qu'elle ne s'usoit point ; mais présentement
qu'on est revenu de toutes ces
pieuses fables , il est raisonnable de penser
que quand l'Oriflamme étoit vieille
et déchirée, on en substituoit une autre à
sa place , et les Religieux faisoient de la
vieille ce qu'ils vouloient , et quelquefois
elle restoit au Porte - Oriflamme , qui
en disposoit à sa volonté; comme les Colonels
font aujourd'hui des Drapeaux et des
Etendarts qui ont servi à leurs Regimens
qu'ils gardent souvent chez eux comme
des marques honorables pour leurs Descendans
, quand ils n'en veulent pas disposer
en faveur de quelque Eglise où
II. Vol.
·A vj
il
1266 MERCURE DE FRANCE
ils ont dévotion , ou en faire quelqu'au
tre usage.
La coutume d'offrir à la Divinité les
Enseignes prises sur l'Ennemi est tresancienne
; les Payens mettoient dans les
Temples de leurs Dieux les Trophées
qu'ils rapportoient de la Guerre. Les Philistins
après avoir vaincu Saül , appendirent
les armes de ce Roy aux voutes du
Temple de leur Dieu Astaroth, ( Les Rois,
liv. 1. ) et dans l'histoire de Sablé , par
M. Ménage , on voit dans la Généalogie
des Seigneurs de Mayenne , qu'un de ces
Seigneurs étant revenu d'une Croisade
offrit à une Eglise de sa Terre les Enseignes
qu'il avoit rapportées de son voïage.
On expose dans l'Eglise de Notre - Dame
de Paris toutes les Enseignes de Terre
et de Mer qui se gagnent sur l'Ennemi
pendant une Guerre , et on ne les ôte que
quand la paix est faite.
Le Poëte Malherbe dans une Lettre
qu'il écrit à son Cousin , le 22 Decembre
1627. lui dit : Les Drapeaux pris sur les
Anglois , à l'attaque de l'Isle de Rhé ,
furent hier apportez au Louvre , on leur
fit faire un tour dans la Cour , selon la
coutume , et on les porta ensuite à N. D.
Il y en a 44. qui ont tous au bout d'enhaut
et au coin , qui est vers le bois , un
II. Vol mor
JUIN. 1733. 1267
morceau de Tafetas blanc , d'environ 3
pieds en quarré , et en ce Tafetas , il yуэa
une Croix rouge qui touche à toutes les
4 faces de ce quarré. De maniere qu'en
admettant ( comme on le doit ) le renouvellement
de l'Oriflamme, quand elle étoit
usée , on accordera deux opinions diffé
rentes d'Auteurs sur le sort que cette Enseigne
a eu depuis que nos Rois ne l'ont
plus fait porter dans leurs Armées ; ce
qui arriva sous Charles VII . pendant que
les Anglois étoient Maîtres de Paris. Les
uns soutenant qu'elle étoit toujours restée
dans le trésor de S. Denys , où on la
voyoit encore en 1534 et 1594. suivant
les Inventaires du même trésor, faits dans
ces années- là ; et les autres ont pensé
qu'elle a pû rester en la possession des
Gentilhommes qui en avoient la garde ,
et que par conséquent on peut trouver
des Oriflammes dans les Archives des
descendans de ces Gentilhommes. Messieurs
d'Harcourt en conservent un , qui
leur vient par succession de Pierre de
Villiers l'Isle - Adam , Grand - Maître de
France et Porte Oriflamme , dont la fille
épousa Jean de Garenciere , et fut Ayeul
d'une Tugdal de Karmoisien , mariée à
Jean de Gaillon , grand- pere de ' Françoise
de Gaillon femme de François.
II. Vol. d'Har
1268 MERCURE DE FRANCE
d'Harcourt , Seigneur de Beuvron , à la
posterité duquel appartient ( selon M. de
la Roque, dans son Histoire de la Maison
d'Harcourt , ) le droit de garder l'Oriflamme
, en supposant que cette dignité
étoit devenue sur sa fin héréditaire dans
les familles de ceux qui l'ont possedée .
Quant à la difference que le P. Daniel
( dans sa Milice Françoise ) trouve ,
entre l'Oriflamme, qui est chez Messieurs
d'Harcourt , et celle qui étoit dans le
Trésor de S.Denys , ce qui lui fait dire que
la premiere n'est pas la véritable , c'est
une minutie où il ne faut point s'arrêter ,
car quoique l'Etendart de S. Denys ait
été pendant long temps d'une seule couleur
pleine , la mode y'a pû faire ajouter
dans les derniers temps des ornemens ,
comme des Flammes et des Couronnes
en Broderies d'or. Il suffit que la couleur
de l'Oriflamme, conservée chez Messieurs
d'Harcourt, soit rouge, pour croire qu'el
le peut être aussi véritable que celle qui
se trouvoit dans le Trésor de S. Denys au
16 siécle, quoique celle - cy fut plus grande
et d'une étoffe unie .
Il n'est pas même certain qu'il n'y eut
qu'une Oriflamme d'usage en mêmetemps
, et que quand il y en avoit une à
l'Armée , il n'y en cut pas encore une
II. Vol.
autre
JUIN. 1733. 1269
autre qui restoit à S. Denys , pour les
besoins extraordinaires de l'Abbaye , ou
pour envoyer à une seconde Armée
Royale ; car l'Oriflamme étoit un Etendart
, attaché à l'Armée , et non à la personne
des Rois , comme je le ferai voir
en parlant de l'Etendart Royal , autre
Enseigne qui ne quittoit point le Corps
du Roy , au lieu que l'Oriflamme alloit
toute seule à la tête de l'armée , gardée
seulement par une Troupe de Cavaliers
d'Elite Vexillum sancti Dionisii quod
omnes præcedere in bella solebat.
Voicy ce que dit Rigord , Historien
de Philippe Auguste , en parlant de ce
qui se fit à S. Denis , lorsque ce Prince y
alla prendre l'Oriflamme pour son voyage
d'Outremer , après que le Roy , à genoux
devant le Sépulchre des Saints Martyrs
, eut imploré par ses prieres et ses larmes
, l'assistance du Ciel , il reçut la Pannetiere
et le Bourdon des mains de Guillaume
, Archevêque de Rheims , son oncle
maternel , et il y prit ensuite de sa propre
main deux Etendarts qui étoient sur la
Châsse des Saints Martyrs .
Voilà certainement une occasion où il
paroît deux Oriflammes à la fois , peutêtre
qu'on les doubloit pour n'en pas
manquer en cas qu'il s'en perdît une ;
II. Vol. en
270 MERCURE DE FRANCE
en supposant cela on accordera ce qui
se trouve dans deux Historiens , Jacques
Meyer et Guillaume Guyard , le premier
soutenant que la véritable Oriflamme
fut perdue au combat de Mons en
Puelle, et qu'elle ne se retrouva plus, pendant
que le second assure que l'Oriflamme
qui se perdit dans ce Combat , n'étoit
qu'une Enseigne contrefaite que le
Roy avoit fait paroître ce jour - là pour
encourager ses Soldats ; cecy sent bien
le conte fait à plaisir ; quelle raison le
Roy auroit-il eû de tromper ses Soldats.
dans la supposition de cette fausse Enseigne
? Ne vaut-il pas mieux convenir
que dans les occasions que l'on jugeoit
devoir être périlieuses , on se munissoit
de deux de ces Enseignes , pour pouvoir
les substituer l'une à l'autre , en cas qu'il
s'en perdit une , et que c'est ce qui fut
fait à la bataille de Mons en Puelle , où
l'une ayant été perduë la veille , il en
reparut une autre le lendemain .
Ce que je dis n'est point pour diminuer
l'estime que nous croyons que nos
Ancêtres faisoient de cet Etendart . Ils le
regardoient comme un Symbole de Religion
; et dans cette idée ils lui donnoient
le premier rang sur toutes leurs autres:
Enseignes .
4
II. Vol Qmaibus
JUIN . 1733: 1271
Omnibus in bellis habet omnia signa
preire , dans l'esperance que leur Saint
Patron , à qui appartenoit cette Enseigne,
obtiendroit du Ciel par ses prieres la direction
des guerres qu'ils entreprenoient
et les feroient réussir à leur avantage.
Le nom du Saint devint aussi leur cri
de guerre ; ce fut sous Louis le Gros
qu'on commença à invoquer S. Denis ,
Patron du Royaume , dans tous les besoins
Militaires par ces mots , MONTJOYE
SAINT DENIS , qui sont devenus la Devise
génerale de nos Rois. Dans tous les
temps et chez toutes les Nations , la
coûtume des Soldats étoit de faire de
grands cris avant que de combattre et
après avoir combattu ; les premiers de
ces cris pour exciter le courage et jetter
l'effroy dans le coeur de l'Ennemi , et les
seconds pour remercier les Dieux qu'on
adoroit du gain d'une bataille , et en célebrer
la premiere réjouissance .
Clovis dans le Champ de Colbrac ;
implore le secours du Dieu que sa femme
adore. Les François devenus Chrétiens ,
adressent leurs cris à S. Martin , ensuite
à S. Denis , esperant attirer sur eux les
faveurs du Ciel par l'intercession de leurs
Saints Protecteurs.
De tous les Auteurs qui ont voulu
II. Vol.
expliquer
1272 MERCURE DE FRANCE
expliquer le mot de Montjoye , qui précedoit
celui de S. Denis dans l'acclamation
Militaire des François , Mrs Ducange
et de Caseneuve , sont ceux qui ont
le mieux pensé sur la véritable signifisation
de ce mot , en disant que c'est
un vieux terme François qui exprime
une Colline ,
diminutif de Montagne 3
toute l'erreur du premier de ces deux
Sçavans , est de dire que par le mot de
Montjoye , il faut entendre seulement la
Montagne de Montmartre où S. Denis
fut martyrisé ; le Pere Daniel , dans sa
Milice Françoise , qui a voulu le relever
sur cette méprise , a plus mal fait que
lui en disant que Montmartre est une
veritable Montagne , qu'elle est trop
haute pour qu'on lui puisse donner ce
nom de Montjoye , et qu'elle se trouve
appellée par tout Montagne de Mars , et
non pas Montjoye , est- ce là une raison assez
solide pour que Montjoye ne puisse pas
signifier un petit Mont ? Si ce Pere avoit
poussé ses Recherches jusques dans les
usages que les Gaulois et les Germains
observoient en enterrant leurs Morts ,
il auroit trouvé la preuve que Montjoye
a signifié une petite Montagne artificielle
qui se formoit de la maniere que voicy :
Quand un Chef de Guerre de ces Na-
II. Vol. tions
JUIN. 1733. 1273
tions mouroit au milieu de son armée ,
après que le corps avoit été mis dans
une fosse avec toutes les ceremonies qui
s'observoient en pareil cas , chaque Soldat
portoit une pelletée de terre pour
recouvrir la fosse de son General , ca
qui formoit dessus une petite éminence
qui devenoit haute à proportion que
l'armée
qui faisoit l'enterrement , étoit nombreuse.
La Flandre et les Provinces qui l'avoisinent
, sont encore pleines de ces monticules
qu'on appelloit dans le Pays des
Tombes , pour mieux conserver le souvenir
du sujet qui les a produites ; avant
que de prendre ce nom de Tombes , elles
avoint celui de Montjoye , terme qui a
toujours signifié en vieux François une
élevation , qui sert à marquer un lieu
que l'on veut reconnoître , et où l'on
veut parvenir quand on en est éloigné.
›
Les Phares qui sont sur les Ports de
Mer , les Balises , faites de tonneaux ou
de pieces de bois flotantes sur l'eau pour
servir à guider les Vaisseaux entre des
Rochers cachez sous l'eau , et enfin toutes
sortes de marques propres à faire éviter
les dangers et à montrer les lieux éloignez
, ou ceux qui renferment des choses
dignes de memoire , étoient nommez
II. Vel. des
1274 MERCURE DE FRANCE
des Montjoyes , parcequ'elles apprenoient
avec plaisir à ceux qui les voyoient , des
Endroits que l'on auroit eu peine à re
trouver sans leurs secours.
On élevoit des Montjoyes sur les Tombeaux
des personnes de considération ,
plus ou moins magnifiques et remarqua
bles , selon la dignité de ces personnes ;
les premiers Chrétiens persécutez , mirent
des marques moins sensibles sur les Tombeaux
des Martyrs qui se trouvoient en
pleine campagne ; ces marques , qui n'étoient
souvent que de simples pierres ,
eurent le même nom . On n'oublia pas
sans doute de mettre une Montjoye sur
le Tombeau de S. Denis et de ses Compagnons
, jusqu'à-ce qu'on fût en liberté
de renfermer ce Tombeau dans une Eglise
; dans la suite l'Eglise où il étoit renfermé
étant devenue célebre par la dévotion
les Fidelles eurent à ce Tomque
beau , les Rois qui s'en rendirent les Protecteurs
, se regarderent en même-temps
comine les Gardiens de ce S. Tombeau ; et
pour montrer publiquement l'honneus
qu'ils se faisoient de cette qualité , ils
l'exprimoient par le nom ancien de Montjoye
, et prirent delà occasion de crier
à la guerre Montjoye S. Denis , comme
s'ils eussent voulu dire nous sommes les
II. Vel.
garN.
1733. 1275
"
gardiens du Tombeau de S. Denis , la
Banniere dont nous nous servons en est
la marque , et nous la portons pour deffendre
les biens qui appartiennent à ce
Saint , et qui ont été offerts à son Tombeau.
Dans toutes les Religions du Monde
les Princes qui ont eu de la pieté , se
sont toujours fait honneur d'être dépositaires
de quelques Monumens respectables
de ces Religions. Il semble même
que la destinée des Empires soit , pour
ainsi dire , attachée à la conservation de
ces Monumens. Les Payens enchaînoient
leurs Dieux . Une Ville croyoit ne jamais
succomber aux efforts de ses Ennemis
tant qu'elle étoit en possession de ses
Lares et de ses Pénates. La ruine de Troye
ne fut attribuée qu'à l'enlevement du
Palladium.
Les Empereurs Ottomans gardent avec
soin dans leur Serrail l'Etendart de guerre
et la Robbe de Mahomet. Tous les
Princes de cette Religion qui ont possedé
la Ville de Jérusalem , ont tous pris
la qualité de Maîtres ou de Possesseurs
du S. Tombeau.
Pourquoi nos Rois Très- Chrétiens ne
se seroient-ils pas fait le même honneur
de se dire les Gardiens du Tombeau d'un
II. Vol.
Martys
16/0 VIL
ע ע
Martyr de qui leurs Peuples tiennent la
Foy , et de montrer l'estime qu'ils faisoient
de ce Titre par ce cri d'allegresse
Montjoye S. Denis.
Fermer
Résumé : SUITE de la Dissertation sur les Enseignes Militaires des François.
Le texte aborde les enseignes militaires françaises, notamment les bannières dédiées à des saints confesseurs, qui étaient généralement de couleur bleue ou violette. La bannière de Saint Martin, par exemple, était bleue, influençant ainsi le choix du fond bleu des armoiries royales ornées de fleurs de lys. Les bannières ecclésiastiques étaient codifiées par couleur selon la classe des saints célébrés : blanches pour les vierges, rouges pour les martyrs, vertes et bleues pour les confesseurs, et noires pour les offices des morts. L'Oriflamme, bannière de Saint Denis, se distinguait par sa forme de lance dorée avec un morceau d'étoffe rouge en forme de flamme à trois pointes, chacune terminée par une houpe verte. Cette enseigne était portée par un gentilhomme lors des guerres et rapportée à l'abbaye de Saint Denis après chaque conflit. Avec le temps, cette fonction est devenue héréditaire, et les porteurs négligeaient parfois de rapporter l'Oriflamme. L'Oriflamme était considérée comme un symbole religieux et était utilisée pour encourager les troupes. Le cri de guerre 'Montjoie Saint Denis' est devenu la devise générale des rois de France. Le mot 'Montjoie' signifie une petite colline ou monticule artificiel formé par les soldats lors des enterrements de leurs chefs. Le texte traite également de l'origine et de la signification de l'Oriflamme, certains croyant qu'elle était apportée du ciel par un ange, tandis que d'autres pensent qu'elle était remplacée lorsqu'elle était usée. Les Montjoyes étaient des élévations servant à marquer des lieux importants ou à éviter des dangers, comme les phares et balises. Elles étaient également érigées sur les tombeaux de personnes de considération, et les premiers chrétiens utilisaient des marques simples sur les tombeaux des martyrs. Le tombeau de Saint Denis et de ses compagnons fut marqué par une Montjoye jusqu'à ce qu'il soit transféré dans une église. Cette église devint célèbre, et les rois, en tant que protecteurs, se considéraient comme les gardiens du tombeau. Ils criaient 'Montjoye Saint Denis' en guerre pour affirmer leur rôle de défenseurs des biens du saint. Dans diverses religions, les princes pieux se faisaient honneur de protéger des monuments religieux, croyant que la conservation de ces monuments était liée à la destinée de leurs empires. Par exemple, les Ottomans gardaient l'étendard de Mahomet, et les princes possédant Jérusalem se proclamaient maîtres du Saint Tombeau. De même, les rois très chrétiens se voyaient comme les gardiens du tombeau de Saint Denis, un martyr dont les peuples tenaient la foi.
Fermer
5
p. 134-159
REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
Début :
Il n'est pas étonnant que le plus grand nombre des relations des Voyageurs [...]
Mots clefs :
Cap de Bonne-Espérance, Hottentots, Europe, Montagne, Européens, Jardin, Europe, Mémoires, Pierre Kolbe, Voyageurs, Relations de Voyageurs, Habitants, Histoire, Relations
Afficher :
texte
Reconnaissance textuelle : REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
HISTOIRE.
REMARQUES fur la defcription du
Cap de Bonne- Efperante , dreffée fur les
Mémoires de Pierre Kolbe.
I nombre des relations des Voyageurs
L n'eft pas étonnant que le plus grand
foient remplies de defcriptions imparfaites
& de faits apocryphes. La plupart de
ceux qui les ont faites n'ont eu ni le
tems fuffifant , ni les facilités néceffaires
ni même affez de critique & de connoiffances
philofophiques pour faire quelque
chofe de complet & d'exact : mais il
eft bien fâcheux de voir mettre au nombre
des relations les plus fufpectes la defcrip
tion du Cap de Bonne- Efpérance qui a été
faite par un homme de Lettres , envoyé
exprès fur les lieux , & qui y a féjourné
pendant fept années enrietes. C'eft cependant
ce que l'intérêt de la vérité m'oblige
de faire aujourd'hui.
Feu M. le Baron de Krofick , Seigneur
fort zélé pour les fciences , avoit conçu le
deffein de procurer au public. un grand
nombre d'obſervations aftronomiques fort
intéreffantes , avec une hiftoire du Cap de
1
JUIN. 1755 138'
Bonne - Efpérance auffi parfaite qu'il eft
poffible. Pour cet effet il y fit paffer à fes
frais Pierre Kolbe , l'un de fes Secrétaires ,
qui s'étoit chargé d'y faire toutes les obfer
vations poffibles d'aftronomie , de phyſi❤
que & d'histoire naturelle. Il n'eft pas né
ceffaire de dire ici ce qui empêcha Kolbe
de travailler férieufement à remplir fes
engagemens. C'est un fait conftant parmi
tous ceux qui l'ont connu dans cette colo
nie , qu'il n'a fait aucune des démarches
néceffaires , ni amaffé des matériaux pour
faire la defcription qu'il a publiée après
fon retour en Europe. Un examen médiocrement
critique de cette defcription fuf
firoit pour en convaincre un lecteur attentif
& inftruit je n'aurois donc pas entre
pris de relever ici quelques- unes des fautes
groffieres dont elle eſt remplie , fi la plûpart
de ceux qui l'ont lue n'avoient été
féduits par un air d'ingénuité , qui faiſant
prendre pour de petites négligences les
endroits évidemment faux , infpire une
certaine confiance fur la certitude des chofes
fingulieres qu'on y trouve comme rapportées
par un témoin oculaire , & qui
d'ailleurs ne peuvent être vérifiées que fur
Weidler , dans fon hiftoire de l'Aftronomie
l'appelle Jean-Michel
+
136 MERCURE DE FRANCE.
les lieux. C'eft ainfi que plufieurs perfont
nes fenfées fe font laiffé furprendre , &
entr'autres les Auteurs de la Collection des
Voyages , quoiqu'ils fe foient facilement
apperçus que les cartes inférées dans le
livre de Kolbe ne s'accordoient pas avec
la defcription du pays , qu'on trouve dans
la même livre.
Bien loin d'avoir été étudier les Hottentots
chez eux , Kolbe n'a pas même voyagé
fuffifamment dans l'intérieur de la colonie
pour en faire une . defcription paffable.
Sans avoir recours au témoignage unanime
des anciens habitans , qui affurent que
tous les voyages de Kolbe fe font réduits
à aller quelquefois de la ville du Cap aux
Paroiffes de Stellenbosch & de Drakeſtein,
& une feule fois de la ville aux eaux minérales
, qui en font à 25 lieues du côté du
canton appellé Hottentot Holland ; il fuffic
de comparer les cartes topographiques
qu'il a données , avec celles que j'ai fait
graver pour les Mémoires dé l'Académie
des Sciences de 175i , & dont les principaux
points ont été affujettis à des opérations
géométriques faites pour la meſure
d'un dégré du méridien , & l'on verra qu'il
n'eft pas poflible qu'un homme éclairé ait
parcouru un pays & l'ait fi mal repréfenté.
JUIN. 1755
"
Voici donc fur quoi Kolbe a fondé fa
defcription. Kolbe n'ayant plus de relation
avec fon protecteur , étoit hors d'état de
fubfifter au Cap , & même de retourner en
fon pays. Toute la colonie avoit alors de
grandes plaintes à porter en Europe contre
le gouvernement. Par les précautions que
les Gouverneurs avoient prifes , il étoit
prefque impoffible que ces plaintes parvinflent
en Hollande , ou qu'elles y produififfent
quelque effet. Les principaux
habitans s'adrefferent à Kolbe : ils lui of
frirent abondamment de quoi faire fon
-voyage , à condition d'en faire une relation
, dans laquelle il inféréroit , par forme
d'hiftoire , des griefs des habitans & les
principales pieces qu'ils avoient intérêt de
faire connoître au public . Pour fuppléer aúx
matériaux que Kolbe avoit négligé d'amaſfer
, ils lui remirent la lifte des plantes que
Oldenlanden , habile Botanifte , avoit obfervées
au Cap , & dont la plupart avoient
été cultivées dans un des jardins de la
Compagnie , par un nommé Hertog. ( Cette
même lifte eft rapportée dans le Thefaurus
Zeylanicus , fous le nom de fon véritable
auteur ) . Ils lui donnerent auffi des mémoires
qu'un Greffier de la Chambre de
Juftice au Cap , nommé Grevenbroeck ,
avoit écrits avec affez peu de critique für
738 MERCURE DE FRANCE.
l'hiftoire des Hottentots ; ils ne contenoient
, pour la plupart , que des réponſes
aux queftions que ce curieux avoit faites à
ceux de cette nation qu'il avoit rencontrés
dans l'intérieur de la Colonie, Cés
Hottentots avoient appris à leurs dépens à
fe défier de leurs hôtes.
C'eft fur ces pieces , & fur ce que Kolbe
a pû tirer de fa mémoire fur ce qu'il avoit
vu ou entendu dire pendant fon féjour au
Cap , que la defcription dont il s'agit ici a
été faite. Dans l'extrait que nous en avons
en françois en 3 vol. in- 12 , on a retranché
-le procès des habitans du Cap , & on a rédigé
en affez bon ordre tout le refte du
livre de Kolbe , qui eft fort confus.piti
Je n'entrerai point ici dans un grand
détail : je mettrai feulement quelques notes
-fur les principales chofes que j'ai vérifiées
par moi-même , n'approuvant ni ne defapprouvant
le refte dont je n'ai pas eu de
connoiffance certaine. Je fuis ici l'édition
de 1742 , à Amfterdam, chez Jean Catuffe.
Remarques fur le Tome I.
Préface , p. v. Kolbe n'a pas appris le
langage Hottentot ; il avoue lui - même
p. 51. ) qu'il n'a pu faire de grands progrès
dans la prononciation de cette langue.
Or une bonne partie de la connoiffance de
JUIN. 1755 . 139
3
&
6
ce langage confifte dans la prononciation ,
comme on le va voir bientôt.
Chap. III . n° . 4. Les Hollandois ne firent,
ni ne purentfaire un traité en forme avec
les Hottentots , peuples errans , & qui n'avoient
aucune idée de traités. Van Riebeck
les voyant affemblés autour de fon camp ,
leur donnoit quelques grains de verre , quelques
morceaux de fer & de cuivre rouges
il leur donnoit de l'eau de vie & de l'arack,
en les amufant ainfi jufqu'à ce qu'il eût
conftruit un fort. Mais en rendant compte
à fa Compagnie de ce qu'il avoit fait
s'affurer de la poffeffion du pays , il lui dit
qu'il avoit acheté l'amitié des habitans &
le droit de demeurer au Cap pour 40000
florins. Les Hollandois ont bien vû depuis
que les Hottentots n'avoient pas prétendu
faire de traité , & ils peuvent bien dire que
le pays ne leur appartient qu'à titre de
conquête.
pour
Chap. IV. Ce que Kolbe dit ici fur la
longitude & fur la latitude du Cap , ne
mérite pas d'être réfuté : pour ôter toute
équivoque, la longitude de la ville du Cap,
& en même tems celle de la pointe des
terres qui a donné ce nom à la ville , eſt de
35 dégrés 2 min . à l'eft du méridien de
Tenerif: la latitude de la ville eft de 33
dég. 59 min. & celle de la pointe des terres
140 MERCURE DE FRANCE.
qui forme le vrai Cap , eft de 34 dég. 24
min. En comparant ces déterminations ,
qui font fûres , avec celles de Kolbe , on
pourra juger de fa fuffifance ou de fon
exactitude fur ces matieres.
Chap. V. Ce que l'Auteur dit nomb. 2.
de l'origine des Hottentots , de leur tradition
fur Noh & fur le déluge , doit paroître
plus que fufpect après ce que j'ai dit cideffus
de l'autenticité des mémoires fur
lefquels Kolbe a fait l'hiſtoire de ces peuples.
N. 3. La langue Hottentote eft affez
douce dans la prononciation , elle n'a pas
d'afpiration forte , de fifflement , ni de fons
gutturaux : ce qu'elle a d'extraordinaire ,
ce font deux voyelles de plus que n'en
ont les langues d'Europe. Ces deux
voyelles font deux fons fort nets , exprimés
d'un par un froiffement de l'air entre le
bout de la langue & la partie fupérieure
du palais , tel que l'on a coutume de le
faire pour exciter les chevaux à marcher ;
l'autre fon eft un claquement de la langue
appliquée fortement à la partie fupérieure
du palais , puis détachée preftement. Par
différentes queftions que j'ai faites à un
Hottentot de bon fens , je me fuis affuré
que ces fons étoient des voyelles , parce
qu'étant prononcés tous feuls, ils Oonntt.uunnee
JUN. 17551 141
Ignification à peu près comme en françois
a, o , y, & en latin a , e , o , & forment feuls
des mots ; le fecond de ces fons eft ordinairement
fuivi d'une m ou de mm. Et
comme ces fons , en qualité de voyelles ,
reviennent néceffairement prefque à cha
que mot , cette langue paroît fort fingulie
re , mais ce n'eft rien moins qu'un bégaye
ment , quoiqu'en dife Kolbe.
Chap. VI. n. 3. Comment les Hotten
tots peuvent - ils entendre l'agriculture
mieux que les Européens , puifque c'eſt un
art dont ils n'ont jamais eu d'idée , &
qu'on ne peut les engager à pratiquer ,
quoique l'expérience leur air appris mille
fois qu'ils font réduits à la derniere difette
pendant les mois de Février & Mars , faute
de cultiver quelques- unes des plantes , dont
les bulbes font leur nourriture ordinaire ?
* N. 4. Les Hottentots qui font répandus
dans la colonie ne font pas plus fages que
les Efclaves négres des habitans. Les filles
des Hottentots qui font hors des limites
des habitations hollandoifes , s'échappent
en grand nombre de leurs maiſons paternelles
pour venir au fervice des Européens
, qui les retiennent pour aider à la
cuifine , & pour fervir d'amufements aux
Noirs. Ces filles ne font pas naturellement
voleuſes ; cependant il faut bien tenir fous
C
142 MERCURE DE FRANCE.
la clef le vin & l'eau de vie , dont elles
font extrêmement friandes .
Chap. VII. n. 5. Il eft certain qu'il y a›
à 150 lieues à l'Eft-nord-eft du Cap une
nation blanche. Ces peuples ont les cheveux
longs , & font de la même couleur & à
peu près de la même figure que les Chinois
de Batavia , qui font bannis au Cap. C'eft
ce qui fait qu'on les appelle au Cap les
petits Chinois.e
Chap. VIII . Les Hottentots qui font aut
fervice des Européens ne gardent leurs
peaux de mouton que lorfque l'on ne leur
donne pas d'habits ; ils font fort glorieux
d'être couverts de haillons bleus de toile
ou de gros drap noir ; les femmes fe cou+
vrent plus volontiers la tête d'un mouchoir
, à la mode des Negreffes , que de
leur bonnet de peau de chat.
No. 2. Les plus belles franges font des
grains de verre coloré , enfilés à un brin de
jonc attaché par un bout. Il n'y a pas longtems
que nous avions adopté cette mode
Hottentote. ·
Les ornemens des Hottentots , par exemple
, leurs bracelets , leurs colliers , les
courrois des jambes des femmes font groffierement
faits & fans goût : il faut rayer
bien des hiperboles dans ce chapitre de
Kolbe.
JUIN . 1755. 143
• N°. 3. L'auteur fe contredit au fujet des
pendans d'oreille ; j'en ai vû de réels , non
pas de nacre de perle véritables , car il
n'y en a pas au Cap , mais compofés de
petits cauris.
*
Chap. IX. Les noms des diverfes nations
Hottentores qui font rapportées ici ,
ont pu exifter du tems de Grevenbroek ,
qui écrivoit fur la fin du fiécle dernier
aujourd'hui on n'en connoît plus que deux
ou trois. La multiplication des colons eu
ropéens en a fait retirer un grand nombre.
Une furicufe maladie , qui étoit une efpéce
de petite vérole , enleva en 1713
profque tous les Hottentots reftés parmi
les Européens ; elle fit périr un très- grand
nombre d'efclaves noirs , & même beau
coup de blancs. Depuis ce tems- là aucune
nation Hottentote n'a fait corps , ou n'a eus
de gouvernement régulier dans toute l'étendue
de la colonie. Ceux qu'on y trouve
font , ou au fervice des Européens pour
faire paître les troupeaux , ou pour cou❤
rir devant les charriots ; ou ce font quelques
'familles raffemblées à qui ces Eu
ropéens permettent de refter fur le terrein
dont ils font en poffeffion.
Il paroît au refte qu'il y a beaucoup d'e
xagération dans ce chapitre. Tout le pays
depuis le Cap en allant au nord , jufques
144 MERCURE DE FRANCE.
bien loin au-delà de la Baye de Sainte
Heleine , eft fec , fablonneux , couvert de
brouffailles , très-peu propre aux pâturages
, & prefque inhabitables. Comment
donc neuf ou dix nations Hottentores y
pouvoient - elles fubfifter ? vû la connoiffance
que j'ai de ces lieux , que j'ai parcourus
plufieurs fois pour y mefurer un
dégré cela me paroît impoffible , à moins
que chacune de ces nations ne confiftât
qu'en un feul kraal , ou village.
No. 17. Les Bufchiefmans font , pour la
plupart , ceux des Hottentots à qui les Européens
ont enlevé, des beftiaux ; ils s'entendent
quelquefois avec les Hottentots
qui font au fervice des Européens , pour
ufer de repréſailles
Je n'ai pas eu d'éclairciffemens fur les
chapitres X & XI .
Chap. XII. Il paroît conſtant par le rap
port unanime de tous ceux du Cap . qui
connoiffent les Hottentots , que ces peu
ples n'ont aucune idée de culte à rendre à
un être fuprême ; ils ne craignent que
quelques puiffances malfaifantes , aufquel
les ils attribuent les maladies & les malheurs
qui leur arrivent ; ils croyent qu'il
y a des forciers d'intelligence avec elles.
Il y a grande apparence que leur extrême
indolence leur a fait oublier les traditions
*de
JUIN. 1755-
145
de leurs ancêtres fur cet article. Un Hottentot
met fon fouverain bien à ne rien
faire , même à ne penfer à rien.
黎
N°. 3. Les danfes des Hottentots à la
pleine Lune ne font pas un culte . C'eft
an ufage commun à la plus grande partie
des nations méridionales de l'Afrique , à
celles de Madagaſcar , & même à plufieurs
nations indiennes , foit idolâtres , foit ma-
-hometanes .
que
x
N". 4. Ce que Kolbe dit ici fur l'infecte
que les Hottentots adorent , n'eft fondé
que fur un bruit populaire , & fur le nom
les premiers habitans du Cap ont donné
à cet infecte , que les Hottentots regardent
feulement comme un animal de
mauvais augure. Il eft affez rare dans lès
campagnes , & plus commun dans les jardins
des Européens : c'eft une espèce de demoifelle
, que j'ai retrouvée dans l'Ile de
France , où elle n'eft pas rare.
No. 6. Kolbe s'attribue ici un artifice
dont fe fervit Adrien Vanderftel , Gouverneur
du Cap , pour fe faire reſpecter &
craindre des Hottentots affemblés autour
de lui. 1
Je n'ai point eu d'éclairciffement fur les
chap. XIII. XIV. & XV.
*
Chap . XVI . N°. 1. Les Babouins ne
1. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
quittent pas les montagnes qui leur fervent
de retraite. Je ne fçais pas ce qui a
fait dire à Kolbe que les Hottentots
diftinguoient d'après eux les plantes & les
fruits qu'on peut manger fans danger.
N°. 2. Le Kanna eft totalement différent
du Gin-feng ; ils n'ont aucun rapport
enfemble.
No. 7. Pendant les mois de Novembre
& de Décembre , les Hottentots font infufer
, puis fermenter avec du miel , une
tertaine racine , ce qui leur fait une liqueur
fi forte qu'ils font dans une ivreffe
continuelle tant que la provifion dure , ils
en restent long-tems malades lorfqu'elle
eft épuifée , & qu'ils ne peuvent plus s'étourdir
par une nouvelle ivreffe .
Chap. XXII . Il n'y a aucun métier par
ticulier parmi les Hottentots , chacun y
fait ce qu'il juge néceffaire pour foi : aufſi
quoiqu'en dife Kolbe , les chef- d'oeuvres
qui fortent de leurs mains ne font-ils rien
moins qu'admirables. Leurs nattes , par
exemple , ne font qu'une enfilade d'une
efpéce de jonc , dont chaque brin eft placé
parallelement à côté d'un autre ; ils font
Lous traversés dans leur épaiffeur , & de
diſtance en diſtance , par cinq ou fix fils du
même jonc.
J
JUIN. 1755 147
Il n'eft pas vrat que les Hottentots fondent
du fer : le procédé rapporté par Kolbe
eft en ufage à Madagaſcar.
Chap . XXIV. n°. 4. Ce font les eſcla
ves Indiens qui s'appliquent les ventoufes
, comme Kolbe le dit ici des Hottenqui
n'y avoient jamais fongé.
tots ,
Remarques fur le tome II.
Chap. I. n° . 4. Les maifons de la ville
du Cap font bâties en briques , les fondemens
font de groffes roches brutes , les
toîts font d'un jonc long & menu , ou
bien ils font algamacés de deux couches de
brique & de chaux ; très-peu ont des jardins
, ce ne font gueres que celles qui font
hors de la ville ou fur les limites.
N. 6º. La maiſon de Conftantia eſt au
fud de la ville , à trois grandes lieues françoiſes
; elle eft dans un fond & fans aucune
vûe. Il n'eft peut- être pas inutile de dire
ici que le vin qui croît près de cette maifon
, & qui eft fi connu fous le nom de
vin du Cap , y eft en affez petite quantité.
Dans les meilleures années tout le terroir
de Conftance , qui confifte en deux habitations
contiguës , ne peut produire plus de
so à 60 lecres de vin rouge , qui y eft beaucoup
plus eftimé que le blanc , ni plus de
80 à 90 lecres de vin blanc ; la lecre
peut
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
contenir 550 pintes de Paris. La Compagnie
des Indes de Hollande oblige les propriétaires
de ces vignes de lui livrer tout le
vin qu'ils en recueillent .
ཛཱན
No. 7. Ce que Kolbe dit du nuage qui
couvre les montagnes du Tygre eft abfolument
faux . Ces montagnes font fort
baffes , & comme celles des environs de
Paris ; les nuages ne s'y arrêtent gueres.
La montagne bleue eft à quatre petites
lieues du Cap ; il y en a une autre de cè
nom à fix lieues du Cap : ces deux montagnes
font fort baffes , ifolées & petites ;
elles font trop peu fpacieufes pour avoir
pû fervir de retraites aux éléphans.
N° . 10. La fauffe baye eft bornée au
nord , dans une étendue de plus de fix
lieues , d'une plage de fable marécageufe
& fans montagne, quoiqu'en dife l'Auteur.
Les montagnes de pierres ne font qu'à la
partie occidentale.
N°. 12. La hauteur de la montagne de
la Table eft de plus de 3350 pieds du
Rhin , prefque double de ce que l'Auteur
dit avoir mefuré avec foin . Dans l'ouverture
qui eft au milieu de la face feptentrionale
de cette montagne, il n'y a que
quelques chétifs arbriffeaux. Ce creux né
fe forme pas par la chute des eaux , puifqu'il
eft couvert de plantes & d'arbustes .
JUIN. 1755 149
?
il n'y a qu'un ruiffeau qui s'y précipite.
No. 15. Ce qu'on appelle le Paradis &
' Enfer ne font pas deux grottes , mais
deux vallons affez profonds au midi de la
montagne ; ils font remplis de bois réſervé
pour la Compagnie : la difficulté d'aller
chercher ce bois dans l'un de ces vallons ,
l'a fait appeller l'Enfer ; l'autre s'eft appellé
Paradis par une raifon contraire. A l'entrée
de celui- ci , la Compagnie a une mai
fon & un beau jardin.
No. 16. Voyez fur le vent de Sud- eft
& fur le nuage de la Table ce que j'en ai
dit dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences , année 1751 .
No. 17, Le monument dont parle Kolbe
n'a été élevé que fur la croupe du Lion ,
où la montagne eft baffe & fort facile à
monter ; la tête du Lion eft comme inaccef
fible. Ce monument eft abattu , & la pierre
de l'infcription enlevée.
No. 22. La montagne du Diable n'eft
féparée de celle de la Table que par une
gorge peu profonde : fon pied eft à près
d'un quart de lieue de la mer , & fon fommet
n'eft plus bas que le fommet voiſin de
la Table que de 31.toifes.
Chap. II. n°. 15. Ce que l'auteur dit
du nuage & des vents par rapport aux
montagnes de Stellenbosch, eft imaginaire :
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
tout s'y paffe comme fur les montagnes
voifines de la ville du Cap .
Chap. II. n° . 6. Tout cet article fur la
riviere appellée Bergrivier , eft abfolument
faux. Il y a quelques bonnes habitations
vers le commencement de fon cours , &
aux environs de l'Eglife de Drakeſtein ;
mais elle traverſe enfuite une vaſte pleine
de fable prefque inhabitable , & va fe décharger
dans la partie méridionale de la
baye de Sainte- Heleine , & non pas en un
point de la côte au nord de la baye , comme
l'auteur l'a mis fur fa carte : fon cours
eft tout au plus de 40 lieues , & non de
100 , comme Kolbe le dit n° . 12.
N° . 10. La tour de Babylone eſt le nom
'd'une habitation contigue à un affez bas
monticule. Kolbe en fait une haute montagne.
N°: 13 . Riebeckſcaftel eft une montagne
ainfi appellée parce qu'elle a été le
terme des découvertes de Van Riebeck ,
premier Gouverneur du Cap. On n'y a jamais
bâti de fort , ni placé de canon : il y
a quelques habitations au pied de cette
montagné , qui a 480 toifes de hauteur.
No. 16. La montagne du Piquet n'eft
qu'à trois petites journées du Cap , on y
peut aller à pied très- facilement en deux
jours. Kolbe la met à huit journées du Cap
JU. IN. 1755 IST
No. 20. Les deux aventures de Kolbe
racontées dans cet article me paroiffent
fort fufpectes , fur- tout celle des lions qui
vont rarement en troupe.
Chap. V. n°. 1. Les Hottentots n'ont
jamais eu des troupeaux fort nombreux en
comparaifon de ceux des Européens : ce
qu'un Européen un peu aifé en poffede ,
fuffiroit pour un kraal Hottentot de plus
de trente familles.
No. 5. Les queues de mouton du Cap
font de figure triangulaire , c'eft- à - dire
qu'elles font fort larges par le haut , & vont
en diminuant vers le bout ; elles ne font
pas plus longues que celles des moutons
d'Europe à proportion de leur groffeur. Le
poids ordinaire d'une de ces queues de
mouton du Cap , eft de 3 à 4 livres , au
plus 5 ou 6. On en voit par extraordinaire.
de 10 à 12 livres ; mais alors la chair du
mouton n'eft plus eftimée . Kolbe fait les
communes de 15 livres , & les moins come
munes de 30 livres au moins.
Chap. VIII. n°. 1. Il y a peu de graines
d'Europe qui dégénerent au Cap : au contraire
celles du Cap font plus eftimées à
nos lles que celles qui viennent d'Europe.
N°. 3. Il n'y a au Cap que très-peu de
fruits des Indes. Le plus commun eft la
G iiij
132. MERCURE DE FRANCE.
gouyave ; les bananes n'y valent rien , ni
les ananas. Des fruits d'Europe , il n'y a
que la pêche , l'abricot , la figue , le coing
& le raifin , qui foient auffi bons qu'on en
puiffe trouver en Europe .Les autres, comme
les pommes , les poires , les prunes , les
noix , les cerifes , les oranges , &c. ne valent
pas grand'chofe.
pas
No. 4. Je ne m'amuferai pas à réfuter
en détail ce que Kolbe dit ici du jardin de
la Compagnie qui eft au Cap : tout y eft
exageré à outrance. Il paroît cependant
qu'il a été autrefois plus rempli de productions
curieufes qu'il ne l'eft à préfent , parce
que dans les commencemens de l'établiffement
de la colonie , on a eſſayé d'y
faire venir le plus grand nombre poffible.
des fruits de l'Europe & des deux Indes .
Cependant Kolbe ne doit l'avoir vû
dans ce premier état , puifque vers Fan
1706 , c'est- à- dire pendant la premiere ou
la feconde année du féjour de Kolbe au
Cap , M. Maxwell qui l'y a vû , & qui a
fait une defcription de cette colonie ( voyez
les Tranfactions philofophiques , année
1707 , n° . 310 . ) ,, dit expreffément que ce
jardin n'étoit plus dans un fi bel ordre
mais bien plus négligé que du tems du
pere du Gouverneur d'alors , & qu'il n'y
avoit plus rien d'extraordinaire. Il paroît
.
JUIN.
153 1755.
donc que Kolbe a fait fa defcription d'imagination
, fur ce qu'il avoit entendu dire
que ce jardin étoit autrefois. C'eft aujourd'hui
un affez beau potager. de mille pas
communs de long fur 260 de large , partagé
en 44 quarrés , entourés d'une haute
charmille de chêne ou de laurier. Deux de
ces quarrés font deſtinés à fervir de
parterre
à un pavillon fitué vers le milieu de
la face orientale de ce jardin , & un autre
quarré attenant eft rempli par trois berceaux
d'ombre : le refte contient des légumes
& affez peu d'arbres fruitiers. Ce jardin
eft prefque entouré d'un large foffe
d'eau vive , & arrofé par quelques rigoles
pratiquées le long des quarrés : ces quarrés
font formés par cinq avenues paralleles &
dans toute la longueur du jardin , & par
onze avenues perpendiculaires.
Chap. IX. no. 1o. Je n'ai pas entendu
parler de maux d'yeux pendant mon ſéjour
au Cap.
No. 18. J'ai vu au Cap beaucoup de
goutteux ; la pierre & la gravelle y font fort
communes.
N° . 19. Les habitans de la ville du Cap
ne fe donnent prefque jamais de repas :
leur ufage eft de s'affembler tous les foits
depuis cinq heures jufqu'à neuf ,
pour fu
mer , jouer, & boire du vin & de la
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
bierre fans manger quoi que ce foit.
Chap . XI. On n'a pas encore reconnut
au Cap de mine riche en quelque métal.
Chap. XIV . Kolbe raifonne ridiculement
fur la couleur de la mer. Tous les marins
fçavent que par-tout où la mer eft profonde
, ou fans fond comme ils difent , elle
a une couleur bleue- noire : fur les bancs &
près des côtes où l'eau eft peu profonde ,
elle a une couleur verd- fale ; celle- ci eft
même une marque sûre que l'on a fond ..
N°. 5. Le phénomene rapporté ici paroît
fort fufpect , & les circonftances des tems
y font mifes avec une préciſion ridicule.
A peine s'apperçoit- on au Cap de la différence
des marées hautes & baffes ; elle
ne va jamais à trois pieds , quand elle eft
la plus grande.
Chap. XV. Tout ce chapitre eft fi plein
de bévûes , qu'il eft impoffible de les détailler
je fuis obligé de renvoyer le lecteur
aux obfervations météorologiques ,
que j'ai inferées dans les Mémoires de l'Académie
royale des Sciences , année 175.1 .
Remarquesfur le tome .III.
L'hiftoire des animaux du Cap n'a été
faite par Kolbe fur aucun mémoire particulier
; il s'en eft rapporté à ce qu'il avoit
entendu dire , & a mis quelques defcrip
JUIN. 17536 155
tions tirées de quelques naturaliftes modernes
& de Pline . Je ne fuis pas affez
fçavant fur cette matiere pour relever les
bévûes de notre auteur : je me contenterai
d'indiquer quelques faits dont je me fuis.
affuré par moi-même .
Chap. III . n° . 17. J'ai vu la dent d'un
des plus gros hippopotames du Cap : elle
avoit fept à huit pouces de long fur près.
de deux pouces d'épaiffeur , elle m'a
pefer moins que quatre livres.
paru
Chap. IV. n . 3. Les élans du Cap pefent
jufques à huit cens livres , & il n'y a
prefque pas d'arbres dans la colonie : de
là on peut juger s'il eft poffible de prendre
les élans , comme l'auteur le dit. A la
vérité cette rufe fe pratique pour prendre
une efpece de daim affez petite , qu'on.
appelle Steinbock , mais une branche d'arbres
ou un arbriffeau fuffit pour cela..
Chap. VI . n ° . 3. On voit ici un conte
puéril fur les vols des babouins ; il eſt
d'autant moins vraisemblable que ces animaux
ne s'écartent jamais des montagnes
où ils ont leur retraite. J'ai bien oui dire
qu'ils pilloient quelquefois les jardins en
troupe , mais je n'ai vû perfonne qui aiɛ
dit avoir été témoin des circonftances qu'on
en raconte ici .
No. 13. Le blaireau puant reffemble fore
G. vj
156 MERCURE DE FRANCE.
à un baffet , & point du tout à un furet ;
il ne put pas quand il eſt mort ,
qu'il ne fe corrompe.
à moins
N°. 19. On ne mange pas les tortues de
térre du Cap , qui font fort petites ; elles
pefent rarement trois livres. Quelques
Noirs en mangent , quelquefois auffi des
voyageurs qui fe trouvent dans la néceflité.
Les tortues de terre de l'ifle Rodrigue font
excellentes , & pefent trente , quarante ou
cinquante livres : j'en ai vû une qui ne
pefoit gueres moins que cent cinquante
livres.
Chap. XV. n°. 3. Ce qu'on dit des
fquelettes nettoyés par les aigles eft fort
exagéré. J'ai vu des carcaffes rongées par
des aigles , où ils avoient laiffé feulement
une partie de la peau qui recouvroit les os
décharnés .
Nº. 20. Je n'ai vû aucune espece d'hirondelle
au Cap pendant les deux hivers
que j'y ai paffés. Elles y arrivent en Septembre
, & partent en Avril ,
Chap. XIX . n° . 3. Les alouettes du
Cap font d'une efpece différente des nôtres
. L'alouette s'éleve perpendiculairement
à dix ou douze pieds de hauteur feulement,
en faifant beaucoup de bruit par le battement
de fes aîles , puis elle retombe fubitement
comme une maffe , en jettant un peJUIN.
1755
$5.7
tit cri : elle ne refte jamais en l'air.
No. 14. Le corrhan eft une espece de
gelinotte qui a coutume de crier pendant
le tems de fon vol , qui eft affez pefant.
Son cri n'eſt pas tel qu'on le dit ici , il reffemble
à ce mot repeté cococahia : il ne
fait pas fuir le gibier , parce qu'il ne fe leve
prefque jamais qu'on ne foit fort près
de lui. Sa chair eft affez bonne , fur- tout
faire de la foupe. pour
No. 20. L'endroit du Cap où l'auteur
prétend que les grues s'affemblent ordinairement
, eft fi peu pierreux , qu'il faut
faire plufieurs lieues , & s'approcher des
montagnes pour trouver une pierre groffe
comme une noiſette.
Chap. XXII . N ° . 1. Le fapin n'a pu
encore réuffir au Cap .
>
N°. 29. L'afperge eft chetive toute
blanche , fans goût , & pareille à celles
qu'on fait venir à Paris dans les caves pendant
l'hiver.
No. 13. Il y a peu de chanvre au Cap ;
fa tige y devient ligneufe : le peu qu'il y
en a fert de tabac aux Noirs .
Nº. 19. Le noiſetier eft tout en bois ;
fa coque eft toujours vuide ou fans fruit
No. 35. 11 eft rare de manger un bon
melon au Cap ; la graine y a dégéneré dès
la troifieme année qu'elle eft arrivée d'Europe.
15 MERCURE DE FRANCE.
No. 40. Les citrouilles ou giromons da
Cap font plas ppeettiitteess qquuee les citrouilles
communes en France .
No. 52. Quoique le climat du Cap foit
affez propre en général pour la production..
des végétaux d'un grand nombre d'efpeces
communes en Europe & dans les Indes ,
cependant il s'en faut de beaucoup que ce
ne foit un auffi bon pays que Kolbe le dit
ici d'après Meifter . Par exemple , le grand
jardin de la Compagnie au Cap ne produit
prefque rien pendant les mois de Decembre
., Janvier , Fevrier & Mars . On
doit l'abondance des vivres qu'on trouve
au Cap , 1 ° . au choix qu'on a fait des
meilleurs terreins dans la vafte étendue de
cette colonie . 2º. A la température du climat
, où il n'y a rien à craindre de la pars
de la gelée & de la grêle . 3 ° . A l'engrais
des terres , facilité par le nombre confidérable
des beftiaux . 4º, A la nouveauté de
ces terres , qui ne font pas encore épuifées
& qu'on laiffe repofer comme en Europe.
Le pays par lui-même ne produifoit aucun
fruit avant l'arrivée des Européens , & ceux
que l'on y a portés ne réuffiffent que dans
le voifinage des montagnes , où l'on trou
ve de la terre franche ; les plaines font
recouvertes d'un fable ſterile , remplies de
brouffailles , prefque impratiquables : la
JUIN. 1755. 159
plupart des habitations font fans eau &
fans bois , du moins dans prefque toute la
partie de la colonie que j'ai vûe. J'ai cependant
entendu dire que la partie de la
colonie qui s'étend fort au loin à l'eft des
montagnes du Stellenbosch eft beaucoup
mieux arrofée , de bonne terre & bien boifée.
*
REMARQUES fur la defcription du
Cap de Bonne- Efperante , dreffée fur les
Mémoires de Pierre Kolbe.
I nombre des relations des Voyageurs
L n'eft pas étonnant que le plus grand
foient remplies de defcriptions imparfaites
& de faits apocryphes. La plupart de
ceux qui les ont faites n'ont eu ni le
tems fuffifant , ni les facilités néceffaires
ni même affez de critique & de connoiffances
philofophiques pour faire quelque
chofe de complet & d'exact : mais il
eft bien fâcheux de voir mettre au nombre
des relations les plus fufpectes la defcrip
tion du Cap de Bonne- Efpérance qui a été
faite par un homme de Lettres , envoyé
exprès fur les lieux , & qui y a féjourné
pendant fept années enrietes. C'eft cependant
ce que l'intérêt de la vérité m'oblige
de faire aujourd'hui.
Feu M. le Baron de Krofick , Seigneur
fort zélé pour les fciences , avoit conçu le
deffein de procurer au public. un grand
nombre d'obſervations aftronomiques fort
intéreffantes , avec une hiftoire du Cap de
1
JUIN. 1755 138'
Bonne - Efpérance auffi parfaite qu'il eft
poffible. Pour cet effet il y fit paffer à fes
frais Pierre Kolbe , l'un de fes Secrétaires ,
qui s'étoit chargé d'y faire toutes les obfer
vations poffibles d'aftronomie , de phyſi❤
que & d'histoire naturelle. Il n'eft pas né
ceffaire de dire ici ce qui empêcha Kolbe
de travailler férieufement à remplir fes
engagemens. C'est un fait conftant parmi
tous ceux qui l'ont connu dans cette colo
nie , qu'il n'a fait aucune des démarches
néceffaires , ni amaffé des matériaux pour
faire la defcription qu'il a publiée après
fon retour en Europe. Un examen médiocrement
critique de cette defcription fuf
firoit pour en convaincre un lecteur attentif
& inftruit je n'aurois donc pas entre
pris de relever ici quelques- unes des fautes
groffieres dont elle eſt remplie , fi la plûpart
de ceux qui l'ont lue n'avoient été
féduits par un air d'ingénuité , qui faiſant
prendre pour de petites négligences les
endroits évidemment faux , infpire une
certaine confiance fur la certitude des chofes
fingulieres qu'on y trouve comme rapportées
par un témoin oculaire , & qui
d'ailleurs ne peuvent être vérifiées que fur
Weidler , dans fon hiftoire de l'Aftronomie
l'appelle Jean-Michel
+
136 MERCURE DE FRANCE.
les lieux. C'eft ainfi que plufieurs perfont
nes fenfées fe font laiffé furprendre , &
entr'autres les Auteurs de la Collection des
Voyages , quoiqu'ils fe foient facilement
apperçus que les cartes inférées dans le
livre de Kolbe ne s'accordoient pas avec
la defcription du pays , qu'on trouve dans
la même livre.
Bien loin d'avoir été étudier les Hottentots
chez eux , Kolbe n'a pas même voyagé
fuffifamment dans l'intérieur de la colonie
pour en faire une . defcription paffable.
Sans avoir recours au témoignage unanime
des anciens habitans , qui affurent que
tous les voyages de Kolbe fe font réduits
à aller quelquefois de la ville du Cap aux
Paroiffes de Stellenbosch & de Drakeſtein,
& une feule fois de la ville aux eaux minérales
, qui en font à 25 lieues du côté du
canton appellé Hottentot Holland ; il fuffic
de comparer les cartes topographiques
qu'il a données , avec celles que j'ai fait
graver pour les Mémoires dé l'Académie
des Sciences de 175i , & dont les principaux
points ont été affujettis à des opérations
géométriques faites pour la meſure
d'un dégré du méridien , & l'on verra qu'il
n'eft pas poflible qu'un homme éclairé ait
parcouru un pays & l'ait fi mal repréfenté.
JUIN. 1755
"
Voici donc fur quoi Kolbe a fondé fa
defcription. Kolbe n'ayant plus de relation
avec fon protecteur , étoit hors d'état de
fubfifter au Cap , & même de retourner en
fon pays. Toute la colonie avoit alors de
grandes plaintes à porter en Europe contre
le gouvernement. Par les précautions que
les Gouverneurs avoient prifes , il étoit
prefque impoffible que ces plaintes parvinflent
en Hollande , ou qu'elles y produififfent
quelque effet. Les principaux
habitans s'adrefferent à Kolbe : ils lui of
frirent abondamment de quoi faire fon
-voyage , à condition d'en faire une relation
, dans laquelle il inféréroit , par forme
d'hiftoire , des griefs des habitans & les
principales pieces qu'ils avoient intérêt de
faire connoître au public . Pour fuppléer aúx
matériaux que Kolbe avoit négligé d'amaſfer
, ils lui remirent la lifte des plantes que
Oldenlanden , habile Botanifte , avoit obfervées
au Cap , & dont la plupart avoient
été cultivées dans un des jardins de la
Compagnie , par un nommé Hertog. ( Cette
même lifte eft rapportée dans le Thefaurus
Zeylanicus , fous le nom de fon véritable
auteur ) . Ils lui donnerent auffi des mémoires
qu'un Greffier de la Chambre de
Juftice au Cap , nommé Grevenbroeck ,
avoit écrits avec affez peu de critique für
738 MERCURE DE FRANCE.
l'hiftoire des Hottentots ; ils ne contenoient
, pour la plupart , que des réponſes
aux queftions que ce curieux avoit faites à
ceux de cette nation qu'il avoit rencontrés
dans l'intérieur de la Colonie, Cés
Hottentots avoient appris à leurs dépens à
fe défier de leurs hôtes.
C'eft fur ces pieces , & fur ce que Kolbe
a pû tirer de fa mémoire fur ce qu'il avoit
vu ou entendu dire pendant fon féjour au
Cap , que la defcription dont il s'agit ici a
été faite. Dans l'extrait que nous en avons
en françois en 3 vol. in- 12 , on a retranché
-le procès des habitans du Cap , & on a rédigé
en affez bon ordre tout le refte du
livre de Kolbe , qui eft fort confus.piti
Je n'entrerai point ici dans un grand
détail : je mettrai feulement quelques notes
-fur les principales chofes que j'ai vérifiées
par moi-même , n'approuvant ni ne defapprouvant
le refte dont je n'ai pas eu de
connoiffance certaine. Je fuis ici l'édition
de 1742 , à Amfterdam, chez Jean Catuffe.
Remarques fur le Tome I.
Préface , p. v. Kolbe n'a pas appris le
langage Hottentot ; il avoue lui - même
p. 51. ) qu'il n'a pu faire de grands progrès
dans la prononciation de cette langue.
Or une bonne partie de la connoiffance de
JUIN. 1755 . 139
3
&
6
ce langage confifte dans la prononciation ,
comme on le va voir bientôt.
Chap. III . n° . 4. Les Hollandois ne firent,
ni ne purentfaire un traité en forme avec
les Hottentots , peuples errans , & qui n'avoient
aucune idée de traités. Van Riebeck
les voyant affemblés autour de fon camp ,
leur donnoit quelques grains de verre , quelques
morceaux de fer & de cuivre rouges
il leur donnoit de l'eau de vie & de l'arack,
en les amufant ainfi jufqu'à ce qu'il eût
conftruit un fort. Mais en rendant compte
à fa Compagnie de ce qu'il avoit fait
s'affurer de la poffeffion du pays , il lui dit
qu'il avoit acheté l'amitié des habitans &
le droit de demeurer au Cap pour 40000
florins. Les Hollandois ont bien vû depuis
que les Hottentots n'avoient pas prétendu
faire de traité , & ils peuvent bien dire que
le pays ne leur appartient qu'à titre de
conquête.
pour
Chap. IV. Ce que Kolbe dit ici fur la
longitude & fur la latitude du Cap , ne
mérite pas d'être réfuté : pour ôter toute
équivoque, la longitude de la ville du Cap,
& en même tems celle de la pointe des
terres qui a donné ce nom à la ville , eſt de
35 dégrés 2 min . à l'eft du méridien de
Tenerif: la latitude de la ville eft de 33
dég. 59 min. & celle de la pointe des terres
140 MERCURE DE FRANCE.
qui forme le vrai Cap , eft de 34 dég. 24
min. En comparant ces déterminations ,
qui font fûres , avec celles de Kolbe , on
pourra juger de fa fuffifance ou de fon
exactitude fur ces matieres.
Chap. V. Ce que l'Auteur dit nomb. 2.
de l'origine des Hottentots , de leur tradition
fur Noh & fur le déluge , doit paroître
plus que fufpect après ce que j'ai dit cideffus
de l'autenticité des mémoires fur
lefquels Kolbe a fait l'hiſtoire de ces peuples.
N. 3. La langue Hottentote eft affez
douce dans la prononciation , elle n'a pas
d'afpiration forte , de fifflement , ni de fons
gutturaux : ce qu'elle a d'extraordinaire ,
ce font deux voyelles de plus que n'en
ont les langues d'Europe. Ces deux
voyelles font deux fons fort nets , exprimés
d'un par un froiffement de l'air entre le
bout de la langue & la partie fupérieure
du palais , tel que l'on a coutume de le
faire pour exciter les chevaux à marcher ;
l'autre fon eft un claquement de la langue
appliquée fortement à la partie fupérieure
du palais , puis détachée preftement. Par
différentes queftions que j'ai faites à un
Hottentot de bon fens , je me fuis affuré
que ces fons étoient des voyelles , parce
qu'étant prononcés tous feuls, ils Oonntt.uunnee
JUN. 17551 141
Ignification à peu près comme en françois
a, o , y, & en latin a , e , o , & forment feuls
des mots ; le fecond de ces fons eft ordinairement
fuivi d'une m ou de mm. Et
comme ces fons , en qualité de voyelles ,
reviennent néceffairement prefque à cha
que mot , cette langue paroît fort fingulie
re , mais ce n'eft rien moins qu'un bégaye
ment , quoiqu'en dife Kolbe.
Chap. VI. n. 3. Comment les Hotten
tots peuvent - ils entendre l'agriculture
mieux que les Européens , puifque c'eſt un
art dont ils n'ont jamais eu d'idée , &
qu'on ne peut les engager à pratiquer ,
quoique l'expérience leur air appris mille
fois qu'ils font réduits à la derniere difette
pendant les mois de Février & Mars , faute
de cultiver quelques- unes des plantes , dont
les bulbes font leur nourriture ordinaire ?
* N. 4. Les Hottentots qui font répandus
dans la colonie ne font pas plus fages que
les Efclaves négres des habitans. Les filles
des Hottentots qui font hors des limites
des habitations hollandoifes , s'échappent
en grand nombre de leurs maiſons paternelles
pour venir au fervice des Européens
, qui les retiennent pour aider à la
cuifine , & pour fervir d'amufements aux
Noirs. Ces filles ne font pas naturellement
voleuſes ; cependant il faut bien tenir fous
C
142 MERCURE DE FRANCE.
la clef le vin & l'eau de vie , dont elles
font extrêmement friandes .
Chap. VII. n. 5. Il eft certain qu'il y a›
à 150 lieues à l'Eft-nord-eft du Cap une
nation blanche. Ces peuples ont les cheveux
longs , & font de la même couleur & à
peu près de la même figure que les Chinois
de Batavia , qui font bannis au Cap. C'eft
ce qui fait qu'on les appelle au Cap les
petits Chinois.e
Chap. VIII . Les Hottentots qui font aut
fervice des Européens ne gardent leurs
peaux de mouton que lorfque l'on ne leur
donne pas d'habits ; ils font fort glorieux
d'être couverts de haillons bleus de toile
ou de gros drap noir ; les femmes fe cou+
vrent plus volontiers la tête d'un mouchoir
, à la mode des Negreffes , que de
leur bonnet de peau de chat.
No. 2. Les plus belles franges font des
grains de verre coloré , enfilés à un brin de
jonc attaché par un bout. Il n'y a pas longtems
que nous avions adopté cette mode
Hottentote. ·
Les ornemens des Hottentots , par exemple
, leurs bracelets , leurs colliers , les
courrois des jambes des femmes font groffierement
faits & fans goût : il faut rayer
bien des hiperboles dans ce chapitre de
Kolbe.
JUIN . 1755. 143
• N°. 3. L'auteur fe contredit au fujet des
pendans d'oreille ; j'en ai vû de réels , non
pas de nacre de perle véritables , car il
n'y en a pas au Cap , mais compofés de
petits cauris.
*
Chap. IX. Les noms des diverfes nations
Hottentores qui font rapportées ici ,
ont pu exifter du tems de Grevenbroek ,
qui écrivoit fur la fin du fiécle dernier
aujourd'hui on n'en connoît plus que deux
ou trois. La multiplication des colons eu
ropéens en a fait retirer un grand nombre.
Une furicufe maladie , qui étoit une efpéce
de petite vérole , enleva en 1713
profque tous les Hottentots reftés parmi
les Européens ; elle fit périr un très- grand
nombre d'efclaves noirs , & même beau
coup de blancs. Depuis ce tems- là aucune
nation Hottentote n'a fait corps , ou n'a eus
de gouvernement régulier dans toute l'étendue
de la colonie. Ceux qu'on y trouve
font , ou au fervice des Européens pour
faire paître les troupeaux , ou pour cou❤
rir devant les charriots ; ou ce font quelques
'familles raffemblées à qui ces Eu
ropéens permettent de refter fur le terrein
dont ils font en poffeffion.
Il paroît au refte qu'il y a beaucoup d'e
xagération dans ce chapitre. Tout le pays
depuis le Cap en allant au nord , jufques
144 MERCURE DE FRANCE.
bien loin au-delà de la Baye de Sainte
Heleine , eft fec , fablonneux , couvert de
brouffailles , très-peu propre aux pâturages
, & prefque inhabitables. Comment
donc neuf ou dix nations Hottentores y
pouvoient - elles fubfifter ? vû la connoiffance
que j'ai de ces lieux , que j'ai parcourus
plufieurs fois pour y mefurer un
dégré cela me paroît impoffible , à moins
que chacune de ces nations ne confiftât
qu'en un feul kraal , ou village.
No. 17. Les Bufchiefmans font , pour la
plupart , ceux des Hottentots à qui les Européens
ont enlevé, des beftiaux ; ils s'entendent
quelquefois avec les Hottentots
qui font au fervice des Européens , pour
ufer de repréſailles
Je n'ai pas eu d'éclairciffemens fur les
chapitres X & XI .
Chap. XII. Il paroît conſtant par le rap
port unanime de tous ceux du Cap . qui
connoiffent les Hottentots , que ces peu
ples n'ont aucune idée de culte à rendre à
un être fuprême ; ils ne craignent que
quelques puiffances malfaifantes , aufquel
les ils attribuent les maladies & les malheurs
qui leur arrivent ; ils croyent qu'il
y a des forciers d'intelligence avec elles.
Il y a grande apparence que leur extrême
indolence leur a fait oublier les traditions
*de
JUIN. 1755-
145
de leurs ancêtres fur cet article. Un Hottentot
met fon fouverain bien à ne rien
faire , même à ne penfer à rien.
黎
N°. 3. Les danfes des Hottentots à la
pleine Lune ne font pas un culte . C'eft
an ufage commun à la plus grande partie
des nations méridionales de l'Afrique , à
celles de Madagaſcar , & même à plufieurs
nations indiennes , foit idolâtres , foit ma-
-hometanes .
que
x
N". 4. Ce que Kolbe dit ici fur l'infecte
que les Hottentots adorent , n'eft fondé
que fur un bruit populaire , & fur le nom
les premiers habitans du Cap ont donné
à cet infecte , que les Hottentots regardent
feulement comme un animal de
mauvais augure. Il eft affez rare dans lès
campagnes , & plus commun dans les jardins
des Européens : c'eft une espèce de demoifelle
, que j'ai retrouvée dans l'Ile de
France , où elle n'eft pas rare.
No. 6. Kolbe s'attribue ici un artifice
dont fe fervit Adrien Vanderftel , Gouverneur
du Cap , pour fe faire reſpecter &
craindre des Hottentots affemblés autour
de lui. 1
Je n'ai point eu d'éclairciffement fur les
chap. XIII. XIV. & XV.
*
Chap . XVI . N°. 1. Les Babouins ne
1. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
quittent pas les montagnes qui leur fervent
de retraite. Je ne fçais pas ce qui a
fait dire à Kolbe que les Hottentots
diftinguoient d'après eux les plantes & les
fruits qu'on peut manger fans danger.
N°. 2. Le Kanna eft totalement différent
du Gin-feng ; ils n'ont aucun rapport
enfemble.
No. 7. Pendant les mois de Novembre
& de Décembre , les Hottentots font infufer
, puis fermenter avec du miel , une
tertaine racine , ce qui leur fait une liqueur
fi forte qu'ils font dans une ivreffe
continuelle tant que la provifion dure , ils
en restent long-tems malades lorfqu'elle
eft épuifée , & qu'ils ne peuvent plus s'étourdir
par une nouvelle ivreffe .
Chap. XXII . Il n'y a aucun métier par
ticulier parmi les Hottentots , chacun y
fait ce qu'il juge néceffaire pour foi : aufſi
quoiqu'en dife Kolbe , les chef- d'oeuvres
qui fortent de leurs mains ne font-ils rien
moins qu'admirables. Leurs nattes , par
exemple , ne font qu'une enfilade d'une
efpéce de jonc , dont chaque brin eft placé
parallelement à côté d'un autre ; ils font
Lous traversés dans leur épaiffeur , & de
diſtance en diſtance , par cinq ou fix fils du
même jonc.
J
JUIN. 1755 147
Il n'eft pas vrat que les Hottentots fondent
du fer : le procédé rapporté par Kolbe
eft en ufage à Madagaſcar.
Chap . XXIV. n°. 4. Ce font les eſcla
ves Indiens qui s'appliquent les ventoufes
, comme Kolbe le dit ici des Hottenqui
n'y avoient jamais fongé.
tots ,
Remarques fur le tome II.
Chap. I. n° . 4. Les maifons de la ville
du Cap font bâties en briques , les fondemens
font de groffes roches brutes , les
toîts font d'un jonc long & menu , ou
bien ils font algamacés de deux couches de
brique & de chaux ; très-peu ont des jardins
, ce ne font gueres que celles qui font
hors de la ville ou fur les limites.
N. 6º. La maiſon de Conftantia eſt au
fud de la ville , à trois grandes lieues françoiſes
; elle eft dans un fond & fans aucune
vûe. Il n'eft peut- être pas inutile de dire
ici que le vin qui croît près de cette maifon
, & qui eft fi connu fous le nom de
vin du Cap , y eft en affez petite quantité.
Dans les meilleures années tout le terroir
de Conftance , qui confifte en deux habitations
contiguës , ne peut produire plus de
so à 60 lecres de vin rouge , qui y eft beaucoup
plus eftimé que le blanc , ni plus de
80 à 90 lecres de vin blanc ; la lecre
peut
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
contenir 550 pintes de Paris. La Compagnie
des Indes de Hollande oblige les propriétaires
de ces vignes de lui livrer tout le
vin qu'ils en recueillent .
ཛཱན
No. 7. Ce que Kolbe dit du nuage qui
couvre les montagnes du Tygre eft abfolument
faux . Ces montagnes font fort
baffes , & comme celles des environs de
Paris ; les nuages ne s'y arrêtent gueres.
La montagne bleue eft à quatre petites
lieues du Cap ; il y en a une autre de cè
nom à fix lieues du Cap : ces deux montagnes
font fort baffes , ifolées & petites ;
elles font trop peu fpacieufes pour avoir
pû fervir de retraites aux éléphans.
N° . 10. La fauffe baye eft bornée au
nord , dans une étendue de plus de fix
lieues , d'une plage de fable marécageufe
& fans montagne, quoiqu'en dife l'Auteur.
Les montagnes de pierres ne font qu'à la
partie occidentale.
N°. 12. La hauteur de la montagne de
la Table eft de plus de 3350 pieds du
Rhin , prefque double de ce que l'Auteur
dit avoir mefuré avec foin . Dans l'ouverture
qui eft au milieu de la face feptentrionale
de cette montagne, il n'y a que
quelques chétifs arbriffeaux. Ce creux né
fe forme pas par la chute des eaux , puifqu'il
eft couvert de plantes & d'arbustes .
JUIN. 1755 149
?
il n'y a qu'un ruiffeau qui s'y précipite.
No. 15. Ce qu'on appelle le Paradis &
' Enfer ne font pas deux grottes , mais
deux vallons affez profonds au midi de la
montagne ; ils font remplis de bois réſervé
pour la Compagnie : la difficulté d'aller
chercher ce bois dans l'un de ces vallons ,
l'a fait appeller l'Enfer ; l'autre s'eft appellé
Paradis par une raifon contraire. A l'entrée
de celui- ci , la Compagnie a une mai
fon & un beau jardin.
No. 16. Voyez fur le vent de Sud- eft
& fur le nuage de la Table ce que j'en ai
dit dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences , année 1751 .
No. 17, Le monument dont parle Kolbe
n'a été élevé que fur la croupe du Lion ,
où la montagne eft baffe & fort facile à
monter ; la tête du Lion eft comme inaccef
fible. Ce monument eft abattu , & la pierre
de l'infcription enlevée.
No. 22. La montagne du Diable n'eft
féparée de celle de la Table que par une
gorge peu profonde : fon pied eft à près
d'un quart de lieue de la mer , & fon fommet
n'eft plus bas que le fommet voiſin de
la Table que de 31.toifes.
Chap. II. n°. 15. Ce que l'auteur dit
du nuage & des vents par rapport aux
montagnes de Stellenbosch, eft imaginaire :
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
tout s'y paffe comme fur les montagnes
voifines de la ville du Cap .
Chap. II. n° . 6. Tout cet article fur la
riviere appellée Bergrivier , eft abfolument
faux. Il y a quelques bonnes habitations
vers le commencement de fon cours , &
aux environs de l'Eglife de Drakeſtein ;
mais elle traverſe enfuite une vaſte pleine
de fable prefque inhabitable , & va fe décharger
dans la partie méridionale de la
baye de Sainte- Heleine , & non pas en un
point de la côte au nord de la baye , comme
l'auteur l'a mis fur fa carte : fon cours
eft tout au plus de 40 lieues , & non de
100 , comme Kolbe le dit n° . 12.
N° . 10. La tour de Babylone eſt le nom
'd'une habitation contigue à un affez bas
monticule. Kolbe en fait une haute montagne.
N°: 13 . Riebeckſcaftel eft une montagne
ainfi appellée parce qu'elle a été le
terme des découvertes de Van Riebeck ,
premier Gouverneur du Cap. On n'y a jamais
bâti de fort , ni placé de canon : il y
a quelques habitations au pied de cette
montagné , qui a 480 toifes de hauteur.
No. 16. La montagne du Piquet n'eft
qu'à trois petites journées du Cap , on y
peut aller à pied très- facilement en deux
jours. Kolbe la met à huit journées du Cap
JU. IN. 1755 IST
No. 20. Les deux aventures de Kolbe
racontées dans cet article me paroiffent
fort fufpectes , fur- tout celle des lions qui
vont rarement en troupe.
Chap. V. n°. 1. Les Hottentots n'ont
jamais eu des troupeaux fort nombreux en
comparaifon de ceux des Européens : ce
qu'un Européen un peu aifé en poffede ,
fuffiroit pour un kraal Hottentot de plus
de trente familles.
No. 5. Les queues de mouton du Cap
font de figure triangulaire , c'eft- à - dire
qu'elles font fort larges par le haut , & vont
en diminuant vers le bout ; elles ne font
pas plus longues que celles des moutons
d'Europe à proportion de leur groffeur. Le
poids ordinaire d'une de ces queues de
mouton du Cap , eft de 3 à 4 livres , au
plus 5 ou 6. On en voit par extraordinaire.
de 10 à 12 livres ; mais alors la chair du
mouton n'eft plus eftimée . Kolbe fait les
communes de 15 livres , & les moins come
munes de 30 livres au moins.
Chap. VIII. n°. 1. Il y a peu de graines
d'Europe qui dégénerent au Cap : au contraire
celles du Cap font plus eftimées à
nos lles que celles qui viennent d'Europe.
N°. 3. Il n'y a au Cap que très-peu de
fruits des Indes. Le plus commun eft la
G iiij
132. MERCURE DE FRANCE.
gouyave ; les bananes n'y valent rien , ni
les ananas. Des fruits d'Europe , il n'y a
que la pêche , l'abricot , la figue , le coing
& le raifin , qui foient auffi bons qu'on en
puiffe trouver en Europe .Les autres, comme
les pommes , les poires , les prunes , les
noix , les cerifes , les oranges , &c. ne valent
pas grand'chofe.
pas
No. 4. Je ne m'amuferai pas à réfuter
en détail ce que Kolbe dit ici du jardin de
la Compagnie qui eft au Cap : tout y eft
exageré à outrance. Il paroît cependant
qu'il a été autrefois plus rempli de productions
curieufes qu'il ne l'eft à préfent , parce
que dans les commencemens de l'établiffement
de la colonie , on a eſſayé d'y
faire venir le plus grand nombre poffible.
des fruits de l'Europe & des deux Indes .
Cependant Kolbe ne doit l'avoir vû
dans ce premier état , puifque vers Fan
1706 , c'est- à- dire pendant la premiere ou
la feconde année du féjour de Kolbe au
Cap , M. Maxwell qui l'y a vû , & qui a
fait une defcription de cette colonie ( voyez
les Tranfactions philofophiques , année
1707 , n° . 310 . ) ,, dit expreffément que ce
jardin n'étoit plus dans un fi bel ordre
mais bien plus négligé que du tems du
pere du Gouverneur d'alors , & qu'il n'y
avoit plus rien d'extraordinaire. Il paroît
.
JUIN.
153 1755.
donc que Kolbe a fait fa defcription d'imagination
, fur ce qu'il avoit entendu dire
que ce jardin étoit autrefois. C'eft aujourd'hui
un affez beau potager. de mille pas
communs de long fur 260 de large , partagé
en 44 quarrés , entourés d'une haute
charmille de chêne ou de laurier. Deux de
ces quarrés font deſtinés à fervir de
parterre
à un pavillon fitué vers le milieu de
la face orientale de ce jardin , & un autre
quarré attenant eft rempli par trois berceaux
d'ombre : le refte contient des légumes
& affez peu d'arbres fruitiers. Ce jardin
eft prefque entouré d'un large foffe
d'eau vive , & arrofé par quelques rigoles
pratiquées le long des quarrés : ces quarrés
font formés par cinq avenues paralleles &
dans toute la longueur du jardin , & par
onze avenues perpendiculaires.
Chap. IX. no. 1o. Je n'ai pas entendu
parler de maux d'yeux pendant mon ſéjour
au Cap.
No. 18. J'ai vu au Cap beaucoup de
goutteux ; la pierre & la gravelle y font fort
communes.
N° . 19. Les habitans de la ville du Cap
ne fe donnent prefque jamais de repas :
leur ufage eft de s'affembler tous les foits
depuis cinq heures jufqu'à neuf ,
pour fu
mer , jouer, & boire du vin & de la
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
bierre fans manger quoi que ce foit.
Chap . XI. On n'a pas encore reconnut
au Cap de mine riche en quelque métal.
Chap. XIV . Kolbe raifonne ridiculement
fur la couleur de la mer. Tous les marins
fçavent que par-tout où la mer eft profonde
, ou fans fond comme ils difent , elle
a une couleur bleue- noire : fur les bancs &
près des côtes où l'eau eft peu profonde ,
elle a une couleur verd- fale ; celle- ci eft
même une marque sûre que l'on a fond ..
N°. 5. Le phénomene rapporté ici paroît
fort fufpect , & les circonftances des tems
y font mifes avec une préciſion ridicule.
A peine s'apperçoit- on au Cap de la différence
des marées hautes & baffes ; elle
ne va jamais à trois pieds , quand elle eft
la plus grande.
Chap. XV. Tout ce chapitre eft fi plein
de bévûes , qu'il eft impoffible de les détailler
je fuis obligé de renvoyer le lecteur
aux obfervations météorologiques ,
que j'ai inferées dans les Mémoires de l'Académie
royale des Sciences , année 175.1 .
Remarquesfur le tome .III.
L'hiftoire des animaux du Cap n'a été
faite par Kolbe fur aucun mémoire particulier
; il s'en eft rapporté à ce qu'il avoit
entendu dire , & a mis quelques defcrip
JUIN. 17536 155
tions tirées de quelques naturaliftes modernes
& de Pline . Je ne fuis pas affez
fçavant fur cette matiere pour relever les
bévûes de notre auteur : je me contenterai
d'indiquer quelques faits dont je me fuis.
affuré par moi-même .
Chap. III . n° . 17. J'ai vu la dent d'un
des plus gros hippopotames du Cap : elle
avoit fept à huit pouces de long fur près.
de deux pouces d'épaiffeur , elle m'a
pefer moins que quatre livres.
paru
Chap. IV. n . 3. Les élans du Cap pefent
jufques à huit cens livres , & il n'y a
prefque pas d'arbres dans la colonie : de
là on peut juger s'il eft poffible de prendre
les élans , comme l'auteur le dit. A la
vérité cette rufe fe pratique pour prendre
une efpece de daim affez petite , qu'on.
appelle Steinbock , mais une branche d'arbres
ou un arbriffeau fuffit pour cela..
Chap. VI . n ° . 3. On voit ici un conte
puéril fur les vols des babouins ; il eſt
d'autant moins vraisemblable que ces animaux
ne s'écartent jamais des montagnes
où ils ont leur retraite. J'ai bien oui dire
qu'ils pilloient quelquefois les jardins en
troupe , mais je n'ai vû perfonne qui aiɛ
dit avoir été témoin des circonftances qu'on
en raconte ici .
No. 13. Le blaireau puant reffemble fore
G. vj
156 MERCURE DE FRANCE.
à un baffet , & point du tout à un furet ;
il ne put pas quand il eſt mort ,
qu'il ne fe corrompe.
à moins
N°. 19. On ne mange pas les tortues de
térre du Cap , qui font fort petites ; elles
pefent rarement trois livres. Quelques
Noirs en mangent , quelquefois auffi des
voyageurs qui fe trouvent dans la néceflité.
Les tortues de terre de l'ifle Rodrigue font
excellentes , & pefent trente , quarante ou
cinquante livres : j'en ai vû une qui ne
pefoit gueres moins que cent cinquante
livres.
Chap. XV. n°. 3. Ce qu'on dit des
fquelettes nettoyés par les aigles eft fort
exagéré. J'ai vu des carcaffes rongées par
des aigles , où ils avoient laiffé feulement
une partie de la peau qui recouvroit les os
décharnés .
Nº. 20. Je n'ai vû aucune espece d'hirondelle
au Cap pendant les deux hivers
que j'y ai paffés. Elles y arrivent en Septembre
, & partent en Avril ,
Chap. XIX . n° . 3. Les alouettes du
Cap font d'une efpece différente des nôtres
. L'alouette s'éleve perpendiculairement
à dix ou douze pieds de hauteur feulement,
en faifant beaucoup de bruit par le battement
de fes aîles , puis elle retombe fubitement
comme une maffe , en jettant un peJUIN.
1755
$5.7
tit cri : elle ne refte jamais en l'air.
No. 14. Le corrhan eft une espece de
gelinotte qui a coutume de crier pendant
le tems de fon vol , qui eft affez pefant.
Son cri n'eſt pas tel qu'on le dit ici , il reffemble
à ce mot repeté cococahia : il ne
fait pas fuir le gibier , parce qu'il ne fe leve
prefque jamais qu'on ne foit fort près
de lui. Sa chair eft affez bonne , fur- tout
faire de la foupe. pour
No. 20. L'endroit du Cap où l'auteur
prétend que les grues s'affemblent ordinairement
, eft fi peu pierreux , qu'il faut
faire plufieurs lieues , & s'approcher des
montagnes pour trouver une pierre groffe
comme une noiſette.
Chap. XXII . N ° . 1. Le fapin n'a pu
encore réuffir au Cap .
>
N°. 29. L'afperge eft chetive toute
blanche , fans goût , & pareille à celles
qu'on fait venir à Paris dans les caves pendant
l'hiver.
No. 13. Il y a peu de chanvre au Cap ;
fa tige y devient ligneufe : le peu qu'il y
en a fert de tabac aux Noirs .
Nº. 19. Le noiſetier eft tout en bois ;
fa coque eft toujours vuide ou fans fruit
No. 35. 11 eft rare de manger un bon
melon au Cap ; la graine y a dégéneré dès
la troifieme année qu'elle eft arrivée d'Europe.
15 MERCURE DE FRANCE.
No. 40. Les citrouilles ou giromons da
Cap font plas ppeettiitteess qquuee les citrouilles
communes en France .
No. 52. Quoique le climat du Cap foit
affez propre en général pour la production..
des végétaux d'un grand nombre d'efpeces
communes en Europe & dans les Indes ,
cependant il s'en faut de beaucoup que ce
ne foit un auffi bon pays que Kolbe le dit
ici d'après Meifter . Par exemple , le grand
jardin de la Compagnie au Cap ne produit
prefque rien pendant les mois de Decembre
., Janvier , Fevrier & Mars . On
doit l'abondance des vivres qu'on trouve
au Cap , 1 ° . au choix qu'on a fait des
meilleurs terreins dans la vafte étendue de
cette colonie . 2º. A la température du climat
, où il n'y a rien à craindre de la pars
de la gelée & de la grêle . 3 ° . A l'engrais
des terres , facilité par le nombre confidérable
des beftiaux . 4º, A la nouveauté de
ces terres , qui ne font pas encore épuifées
& qu'on laiffe repofer comme en Europe.
Le pays par lui-même ne produifoit aucun
fruit avant l'arrivée des Européens , & ceux
que l'on y a portés ne réuffiffent que dans
le voifinage des montagnes , où l'on trou
ve de la terre franche ; les plaines font
recouvertes d'un fable ſterile , remplies de
brouffailles , prefque impratiquables : la
JUIN. 1755. 159
plupart des habitations font fans eau &
fans bois , du moins dans prefque toute la
partie de la colonie que j'ai vûe. J'ai cependant
entendu dire que la partie de la
colonie qui s'étend fort au loin à l'eft des
montagnes du Stellenbosch eft beaucoup
mieux arrofée , de bonne terre & bien boifée.
*
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Résumé : REMARQUES sur la description du Cap de Bonne-Espérante, dressée sur les Mémoires de Pierre Kolbe.
Le texte critique la description du Cap de Bonne-Espérance rédigée par Pierre Kolbe, envoyé par le Baron de Krosigk pour recueillir des observations astronomiques, physiques et d'histoire naturelle. Malgré un séjour de sept ans au Cap, Kolbe n'a pas accompli sa mission de manière sérieuse et a publié une œuvre remplie de fautes et d'informations apocryphes. Les habitants du Cap, mécontents du gouvernement, ont financé son retour en Europe en échange de la rédaction d'une relation incluant leurs plaintes. Kolbe a utilisé des documents fournis par les habitants pour compléter son ouvrage, mais son travail est marqué par des incohérences et des exagérations. Le texte contredit plusieurs affirmations de Kolbe, notamment sur la langue hottentote, les relations entre les Hollandais et les Hottentots, et la géographie du Cap. Les Hottentots ne possèdent pas de culte dédié à un être suprême et craignent seulement des puissances malfaisantes. Leurs danses à la pleine lune ne constituent pas un culte et sont partagées par plusieurs nations africaines et indiennes. Kolbe a également commis des erreurs sur les pratiques des Hottentots, comme la fabrication d'une liqueur forte à partir d'une racine fermentée avec du miel. Le texte décrit divers aspects de la vie quotidienne des Hottentots, comme l'absence de métiers spécifiques et la fabrication de nattes simples. Il corrige plusieurs erreurs de Kolbe sur la géographie et les ressources naturelles du Cap, comme la hauteur de la montagne de la Table et la description des vallons appelés Paradis et Enfer. Les habitudes alimentaires des habitants du Cap sont également mentionnées, ainsi que la présence de certaines maladies comme la goutte et la pierre. Concernant la faune et la flore, le texte mentionne des animaux comme le Steinbock, les babouins, le blaireau puant, les tortues de terre, les alouettes, le corrhane, et les grues. Les observations sur les babouins sont jugées peu crédibles. Les tortues de terre du Cap sont petites et rarement consommées. Les aigles nettoient les squelettes mais laissent souvent des parties de peau. Les hirondelles arrivent au Cap en septembre et partent en avril. Le corrhane est une espèce de gelinotte avec un cri spécifique. En ce qui concerne la flore, le texte note que le sapin n'a pas réussi à s'implanter au Cap. L'asperge y est blanche et sans goût. Le chanvre est rare et utilisé pour le tabac. Le noisetier est stérile. Les melons ont dégénéré après quelques années. Les citrouilles sont plus petites que celles en France. Le climat du Cap est généralement propice à la production végétale, mais certaines périodes de l'année sont moins productives. L'abondance des vivres est due au choix des terrains, à la température, à l'engrais des terres, et à la nouveauté des sols. Avant l'arrivée des Européens, le pays ne produisait aucun fruit. Les terres fertiles se trouvent principalement près des montagnes, tandis que les plaines sont stériles et couvertes de broussailles. Certaines parties de la colonie, comme celles à l'est des montagnes de Stellenbosch, sont mieux arrosées et ont une meilleure terre.
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6
p. 193-203
ALLEMAGNE.
Début :
Une Relation qu'on a reçue de l'armée Russienne, au sujet de la bataille qui [...]
Mots clefs :
Dantzig, Hambourg, Camp de Schona, Vienne, Dresde, Comte, Empire, Armées, Ennemis, Lieutenant, Feld-maréchal, Prusse, Détachement, Impératrice Reine, Comte d'Apraxin, Montagne
Afficher :
texte
Reconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE DANTZICK , le 16 Septembre.
UNE Relation qu'on a reçue de l'armée Ruffienne
, au fujet de la bataille qui s'eft donnée le
30 du mois d'Août entre cette armée & celle du
Roi de Pruffe commandée par le Feld - Maréchal
de Lehwald , contient les particularités fuivantes.
« Les Pruffiens ne pouvant être attaqués que
» très-difficilement dans leur pofition près de Veh-
» lau , le Feld -Maréchal Comte d'Apraxin quitta
» la rive du Prégel , & feignit de marcher à Ko-
» nifberg , pour engager les ennemis à fortir des
» bois qu'ils occupoient . Vers les cinq heures du
» matin , on eut avis qu'ils s'avançoient au nom-
» bre de trente- fix mille hommes de troupes réglées.
Lorfqu'ils furent près de Jagerfdorff , ils
» fe déployerent fur deux lignes , qu'ils reunirent
» bientôt en une feule , afin de nous préfenter un
>> front égal au nôtre. Leurs flancs , furtout le
>> gauche , étoient couverts par leur Cavalerie.
» L'action commença par un feu très-vif d'artil-
» lerie , & l'on s'apperçut que l'objet des Pruf-
» fiens étoit de s'emparer du bois de Narfitten , &
» de nous refferrer dans les défilés qui font der-
» riere ce bois. Pour prévenir le deffein du Feld-
» Maréchal de Lehwald , le Comte d'Apraxin ren
11.Vol. I
1
194 MERCURE
DE FRANCE.
força de plufieurs Régimens les troupes char-
» gées de la défenſe du bois , & établit des deux
» côtés plufieurs fortes batteries . Cependant les
» ennemis s'étoient approchés , & ils n'étoient
» plus qu'à fix cens pas de notre armée. Ils fon-
» dirent fur nous avec une impétuofité extraordi-
»> naire , & ils pénétrerent dans le bois ; mais notre
Infanterie leur oppofa une réſiſtance fi vi-
» goureuſe , qu'ils furent obligés de fe retirer.
» Pendant cette attaque , une partie de leur Ca-
» valerie eſſaya de tourner notre aîle droite. Le Gé-
» néral Comte de Browne chargea ces Eſcadrons ,
» & les mit dans la néceffité de rejoindre leur corps
de bataille. Jufqu'à neuf heures , les ennemis
» combattirent avec la plus grande valeur . Voyant
ils prirent
» qu'ils ne pouvoient nous entamer ,
» le parti de la retraite. On les pourfuivit jul-
» qu'à une licue & demie du champ de la bataille ,
& le foir notre armée alla camper près des bois
de Wehlau. La bataille a duré quatre heures ,
» & le feu,tant de l'artillerie, que de la moufquete
» rie , a été terrible de part & d'autre . Nous devons
principalement la victoire aux fages melu.
&i res prifes par le Feld -Maréchal d'Apraxin ,
l'activité avec laquelle il s'eft porté partout. Ha eu deux chevaux bleffés fous lui. Les Pruffiens
» ont laiffé fur le champ de bataille plus de deux
mille morts , Dans leur retraite , on leur a tué » fix ceas hommes. Le nombre de leurs bleffés eft
très-confidérable , & l'on prétend qu'il montei
plus de cinq mille. Le jour de la bataille , on fit
>>> mille ou onze cens prifonniers. On en a fairun
grand nombre d'autres les deux jours fuivans
Parmi les Officiers Pruffiens tués le trouvent le
» Comte de Dohna , Lieutenant - Feld- Maréchal ,
≫ & le Major Général Wellau. Nous avons enlevé
OCTOBRE. 1757.
195
» à l'ennemi vingt- cinq pieces de canon , dont il
» y en a trois de 24 livres de balle , & cinq de
» 12. De notre côté , il y a eu onze cens vingt-
>> quatre hommes tués , quatre mille fix cens cinv.
quante- neuf bleffés, & quatre cens foixante-
» fix égarés. Le Général Lapuchin , le Lieute-
» nant-Feld- Maréchal Sibin , le fieur Capinifta ,
» Brigadier , le Colonel Patkul , le Lieutenant-
» Colonel Centrowitz , le Major Gerſtorff , &
trente autres Officiers , font parmi les morts.
» Le Général Comte de Lieven , le Lieutenant-
» Feld-Maréchal Mathias de Lieven fon frere , le
» Lieutenant- Feld -Maréchal Tolstoy , les Majors
Généraux Villebois ; Manteuffel , Weymarhr
» & du Boufquet le Brigadier Plemenikow ; le
» Knés Profozosky , & les fieurs Jafikoff & Bof-
» fuet , Colonels ; quatorze Lieutenans - Colonels
ou Majors ; cent quatre-vingts , tant Capitai-
» nes , que Lieutenans , Sous- Lieutenans & Enfeignes
, ont été bleffés. L'armée Pruffienne
n rentra le foir dans fon camp retranché de Wehlau.
Elle décampa le lendemain , pourfe reti-
» rer à Tapiau. Le 7 de Septembre , nous mar-
» châmes à Wehlau , & nons occupâmes le camp,
» que l'eapemi avoit abandonné » .
Sur diverfes lettres venues depuis cette Relation
, on s'attendoit qu'il y auroit inceffamment
une feconde action entre les deux armées ; mais
on vient d'apprendre que les Ruffiens fe font retirés
de la Pruffe Ducale. On n'eft point encore informé
des cauſes de cette retraite imprévue.
DE HAMBOURG , le 16 Septembre.
1. V ..
>>Plufieurs lettres de Saxe annoncent qu'il y
déja vinge mille Autrichiens devant Drefde. On
Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
mande de Poméranie , que les troupes Suédoifes
fe font emparées d'Anclam & de Demmin , Villes
qui étoient fous la puiffance du Roi de Pruffe.
; 1124
DU CAMP DE SCHONA , le 8 Septembre.·
3
On remarqua le 31 du mois d'août beaucoup
de mouvement parmi les troupes Pruffiennes. Elles
marcheren : jufqu'à Schonau , & Fon' crut
qu'elles avoient deflein de s'y arrêter ;; mais elles
fe retirerent dans les environs de Gorlitz , où elles
établirent leur camp fur deux lignes de l'autre
côté de la Neiff . Leur droite étoit couverte par
Landferon - Gifnitz , & une partie de leur gauche
par le village de Folge . Une forte artillerie défendoit
la montagne de Lands- Cronberg , qui
étoit devant leur front. Sur l'avis qu'elles avoient
abandonné le camp de Bornftadt , le Général Beck
envoya des détachemens prendre pofteà Javernick
, à Tauritz , à Neckeren & à Bernstorfft
& le fieur de Morocz occupa Schonau . Le Comte
de Colloredo , Général d'infanterie s'avança
avec fa réferve près de Nide , & le Comte de Na
dafty , après avoir pouffé un détachement à Lauban
, fe porta à Schonberg avecle corps de troupes
, qui eft fous fes ordres.
Le premier de feptembre, vingt compagnies de
Grenadiers , trente piquets & Gx cens chevaux ,
entrerent dans le camp que l'on avoit tracé entre
Bornftadt & Leube . Toute l'armée s'y rendit le 2
fur fix colonnes , & le Prince Charles de Lorraine
établit fon quartier à Oftritz. Quelques troupes
ennemies s'approcherent de Schonberg , dans le
deffein d'attaquer les poftes avancés du Comte de
Nadafty , mais ayant reconnu que ces poftes
avoient été renforcés , elles n'oferent rien entre
prendre .
OCTOBRE. 1757. 197
Le Prince Charles de Lorraine & le Feld-Maréchal
Comte de Daun firent le 3 diverfes difpofitions
, tendantes à former un cordon depuis la
rive droite de la Neiff jufqu'à Lauban , & depuis
la rive gauche de la même riviere jufqu'à Drefde.
Le lendemain , un détachement de notre
droite fe porta à Lauban. Les troupes légeres de
la gauche firent auffi un mouvement en avant.
Sept cens charriots chargés de farine étoient ar
rivés le 4 de Drefde à Baudiffin pour l'armée du
Roi de Pruffe. Ayant été joints à Baudiffin par
fept cens autres , ils pourfuivirent le s leur route
vers Gorlitz. Le Lieutenant-Feld- Maréchal Had.
dick , inftruit de la marche de ce convoi , fit
mettre feize cens , tant Huffards que Croates , en
embuſcade fur le chemin qui conduit à Wurfchen,
par lequel les convois des ennemis paffoient or
dinairement. Selon les apparences , les Pruffiens
en furent avertis . Ils pafferent par Baruth & par
Weigersdorff , afin d'éviter la rencontre des troupes
du Comte de Haddick.
Le cinq , les ennemis commencerent à fe
retrancher fur la montagne de Lands- Cronberg.
Larmée de l'Impératrice Reine s'approcha le même
jour de Bornftadt , & vint camper ici , plufieurs
Compagnies de Grenadiers s'étendant depuis
Tauchriz jufqu'à la Neiff , & occupant les hauteurs
de Javernick . Pour couvrir notre marche ,
le fieur de Morocz s'étoit avancé la veille à
Teutfch Pauls-dorff , & le Général Beck s'étoit
porté fur Javernick & fur Teutfch- Offig . Ce der
nier apprit le 6 , que trois à quatre mille Pruffiens
, qui couvroient la ville de Baudiffin , avoient
joint le gros de leur armée , & que cette Place
n'étoit plus gardée que par fept ou huit cens hommes.
Auffitôt il marcha de ce côté , pour empê-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
cher la Garnifon de fe retirer , ou pour lui rendre
du moins la retraite plus difficile .
Un corps de dix- huit à vingt mille Pruffiens ,
commandé par le Général Winterfeld , étoit retranché
de l'autre côté de la Neiff fur une montagne
de très -difficile accès. Nonobftant cette potion
avantageuse , le Prince Charles de Lorraine
fit attaquer hier ce Général. Le Comte de Nadafty
& le Duc d'Aremberg furent chargés de cette
expédition. On ne pouvoit déloger les ennemis de
a montagne, fans fe rendre maître d'une redoute.
Le Général Wurben , qui étoit à la tête des grenadiers
, & le Comte de Montazet , Brigadier dé
Dragons au fervice du Roi Très - Chrétien , fe
jetterent les premiers dans cette Redoute l'épée à
la main. Ils ne tarderent pas à être fuivis de tous
les Grenadiers qui , la bayonnette au bout du fufil
, chafferent les ennemis. Pendant affez longtemps
, les Pruffiens tinrent ferme fur le haut de
la montagne. Mais le Général Winterfeld ayant
été tué d'un coup de canon , fa mort les découragea
, & ils furent mis en déroute , après avoir perdu
quatre canons & fept drapeaux . Il y a eu du
côté des Autrichiens trois cens hommes tués ou
bleffés . Parmi les premiers, on compte le Marquis
d'Afque , Capitaine au régiment d'Arberg , & le
Comte de Groefberg , Capitaine dans le Régiment
de Ligne. Le Comte de Nadafty a reçu un
coup de feu à l'épaule . Le Marquis de Clerici ,
Lieutenant- Feld- Maréchal ; le fieur Elrichaufen ,
Colonel-Commandant du Régiment de Sprecheri
le Comte d'Arberg , Lieutenant- Colonel du même
Régiment, & le fieur de Kinflog, Lieutenant Colo .
nel du Régiment de Mercy, font auffi bleffés ; & le
dernier l'eft très - dangereufement. On eftime la pere
des ennemis à 1500 hommes , en y compre-
G
OCTOBRE. 1757. 159
nant les prifonniers & les déferteurs.Nous avons fait
prifonniers le Baron de Kamecke , Major Général
; le Comte d'Anholt , Colonel , & plufieurs
autres Officiers .
Peu après l'action , le prince Charles de Lorraine
fut informé qu'à midi le Lieutenant- Feld-
Maréchal Haddick s'étoit emparé de la ville de
Baudiffin ; que la Garnifon s'étoit rendue prifonniere
de guerre , & qu'on avoit trouvé dans la
Place un magafin confidérable de toute forte de
provifions , & quelques pieces de campagne. Les
ennemis , privés de ce pofte , auront beaucoup
de peine à foutenir leur communication avec la
Saxe.
On vient de détacher de notre armée un Corps
confidérable d'Infanterie & de Cavalerie , pour
marcher en avant par la droite de l'Elbe , & le
porter fur Drefde , Meiffen & Torgau , tandis que
les troupes légeres poufferont de leur côté vers la
lifere du Brandebourg.
Quelques efpions viennent de rapporter que le
Prince de Brunfwic- Beverne faifoit défiler des
troupes de fa gauche vers Buntzlau . Son objet eft
fans doute de renforcer le corps que commande le
Général Grumbkow , & de couvrir les Districts
de Lignitz & de Glogaw. Il deftinoit le corps
du Général Winterfeld à couvrir Schweidnitz & la
partie de la Silée , qui s'étend depuis cette Ville
jufqu'à la gauche de l'Oder.
Le Duc Wirtemberg , étant arrivé hier au matin
à notre camp , a voulu fe trouver à l'expédition
du Comte de Nadafty & du Duc d'Aremberg.
Pendant tout le combat , il s'eft exposé au plus
grand feu , ainfi que le Prince Louis fon frere , le
Prince de Deux-Ponts , & le Prince Camille de
Lorraine.
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
DE VIENNE, le 4 Septembre .
L'Impératrice Reine , en confidération des fervices
importans que les Colonels Janhus & Laudon
ont rendus pendant cette campagne , a fait
expédier à ces Officiers des brevets de Majors
Généraux.
A l'occafion de la guerre qui agite l'Empire,
Sa Majesté Impériale a donné de nouveaux Avocatoires
, dont voici la teneur.
>> FRANÇOIS , & c. Sçavoir faifons à tous les
Electeurs , Princes , Etats , Vaffaux & Sujets
du Saint Empire , de même qu'à tous les Of-
» ficiers & Soldats , qui fe trouvent au ſervice du
Roi de Pruffe Electeur de Brandebourg , & à
ceux qui voudroient en quelque maniere que ce
» foit lui prêter ſecours & affiftance , que le Roi
de Prufie Electeur de Brandebourg , fans avoir
égard aux Mandemens ni aux Exhortatoires du
Juge Suprême de l'Empire , ayant continué fes
excès & fes violences en Saxe & en Boheme ,
» les Electeurs , Princes & Etats , auroient réfola
» le 17 Janvier dernier , que tous les Cercles de
» l'Empire devoient fournir les fecours néceffai-
» res , & nous auroient requis très - humblement
» de procéder , en vertu de notre autorité de
Chef Suprême de l'Empire , & fuivant le Traité
» de Weftphalie , l'Ordonnance d'Exécution , &
notre Capitulation : en conféquence de quoi
Nous aurions pris les mefures convenables pour
» réunir les fecours de l'Empire , & fait citer
» l'Electeur Frédéric de Brandebourg , pour le
» punir du Ban de l'Empire , & le priver des Fiefs,
» Priviléges , Dignités , Graces , Expectatives ,
» Immunités , Prérogatives , & de toutes les poffeflions
qu'il tient de Nous & du Saint - Empire.
1
1
1
OCTOBRE . 1757. 201
» Les Loix de l'Empire défendant donc que per-
» fonne , de quelque état & condition qu'il foit ,
» adhere à un pareil perturbateur du repos géné-
» ral de l'Empire , & lui accorde la moindre af-
» fiftance & retraite ; & Nous ayant déja fait pu-
» blier le 13 Septembre de l'année derniere un
» Mandement inhibitoire & avocatoire , lequel
» n'a cependant pas été exécuté en tous les points
» & étant néceffaire actuellement de les renou-
» veller , d'autant plus que l'Electeur Frédéric de
» Brandebourg a été cité judiciairement pour être
» mis au Ban de l'Empire : Nous ordonnons , en
» vertu de la plénitude de notre autorité Impériale
, à tous les Vaffaux & Sujets des Electeurs ,
>> Princes & Etats de l'Empire , & à tous les hauts
» & bas Officiers , Soldats , tant Cavaliers que
» Fantaffins , & Nous leur enjoignons très -fé-
» rieuſement , fous les peines portées par le Traité
de Weftphalie & par d'autres conftitutions de
» l'Empire portées contré les infracteurs de la paix
» publique , comme auffi fous des punitions cor-
» porel es , & fous la perte de tous leurs biens ,
» droits , priviléges , &c. , non- feulement de fe
» conformer à notredit Mandement Avocatoire ,
» & de quitter inceffamment le fervice militaire
» de l'Electeur de Brandebourg , mais auffi de ne
» point fe laiffer employer en aucune maniere ,
» foit pour le préfent , foit pour l'avenir , contre
» l'armée d'Exécution de l'Empire , contre les
» Electorats de Sare & de Boheme , contre nos
» autres Alliés & Auxiliaires , & encore moins
>> contre tous les autres Etats de l'Empire ; de ne
» prêter aucune affiftance aux partifans dudit Elec-
>> teur de Brandebourg ; de ne leur point fournir
» de munitions de guerre ni de bouche , & de ne
» point accorder de retraite , ni permettre de fé
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
>> jour à fes Confeillers , Agens & Serviteurs ; le
>> tout fous peine de notre indignation & de celle
» du Saint-Empire Romain , & fous les punitions
» fufmentionnées. A quel effet , nous avons déja
» ordonné à nos Fiſcaux & à notre Chambre Im-
» périale , de procéder après l'écoulement de deux
>> mois fuivant la rigueur des Loix contre les Con-
» trevenans , & contre ceux qui , étant fous la
» la domination de l'Empire , n'auront pas abandonné
après ledit terme le fervice dudit Elec-
» teur de Brandebourg . En foi de quoi Nous avons
» figné de notre main le préfent Mandement ; &
» afin que perfonne n'en prétende caufe d'igno-
» rance , Nous avons ordonné qu'il fût publié &
affiché fur les frontieres de l'Electorat de Bran-
"debourg , & généralement dans tout l'Empire .
A Vienne, le 22 Août 1757.
D
DE DRESDE , le 7 Septembre.
If paroît deux nouvelles Ordonnances du Commiffariat
de Guerre Pruffien. Par la premiere , il
eft enjoint aux cercles de l'Electorat , de fournir
fept cens cinquante-quatre mille huit cens quarante-
huit boiffeaux d'avoine , deux cens vingthuit
mille fix cens quatre- vingt-feize boiffeaux
d'orge , quatre cens mille quintaux de foin , &
trois millions de bottes de paille , dont le Roi de
Pruffe promet de bonnifier la valeur. La feconde
Ordonnance regarde l'établiffement de deux magafins
à Kohren & à Wilsdruff.
Sa Majesté Pruffienne , en partant de cette Ville
, lui a demandé un fubfide de cent vingt mille
écus.
Vingt mille Autrichiens , fous les ordres du
Lieutenant- Feld- Maréchal Comte de Haddick , &
OCTOBRE. 1757. 203
du Major Général Mitrowski , coupent la communication
entre cette Ville & la droite de l'Elbe.
Plufieurs partis des troupes de l'Impératrice Reine
fe font voir auffi de temps en temps à la gauche
du fleuve.
Malgré les nouvelles affurances que le Roi de
Pruffe a données pour la fûreté de la prochaine
foire de Léipfick , on craint qu'il ne s'y rende
aucun Marchand étranger.
DE DANTZICK , le 16 Septembre.
UNE Relation qu'on a reçue de l'armée Ruffienne
, au fujet de la bataille qui s'eft donnée le
30 du mois d'Août entre cette armée & celle du
Roi de Pruffe commandée par le Feld - Maréchal
de Lehwald , contient les particularités fuivantes.
« Les Pruffiens ne pouvant être attaqués que
» très-difficilement dans leur pofition près de Veh-
» lau , le Feld -Maréchal Comte d'Apraxin quitta
» la rive du Prégel , & feignit de marcher à Ko-
» nifberg , pour engager les ennemis à fortir des
» bois qu'ils occupoient . Vers les cinq heures du
» matin , on eut avis qu'ils s'avançoient au nom-
» bre de trente- fix mille hommes de troupes réglées.
Lorfqu'ils furent près de Jagerfdorff , ils
» fe déployerent fur deux lignes , qu'ils reunirent
» bientôt en une feule , afin de nous préfenter un
>> front égal au nôtre. Leurs flancs , furtout le
>> gauche , étoient couverts par leur Cavalerie.
» L'action commença par un feu très-vif d'artil-
» lerie , & l'on s'apperçut que l'objet des Pruf-
» fiens étoit de s'emparer du bois de Narfitten , &
» de nous refferrer dans les défilés qui font der-
» riere ce bois. Pour prévenir le deffein du Feld-
» Maréchal de Lehwald , le Comte d'Apraxin ren
11.Vol. I
1
194 MERCURE
DE FRANCE.
força de plufieurs Régimens les troupes char-
» gées de la défenſe du bois , & établit des deux
» côtés plufieurs fortes batteries . Cependant les
» ennemis s'étoient approchés , & ils n'étoient
» plus qu'à fix cens pas de notre armée. Ils fon-
» dirent fur nous avec une impétuofité extraordi-
»> naire , & ils pénétrerent dans le bois ; mais notre
Infanterie leur oppofa une réſiſtance fi vi-
» goureuſe , qu'ils furent obligés de fe retirer.
» Pendant cette attaque , une partie de leur Ca-
» valerie eſſaya de tourner notre aîle droite. Le Gé-
» néral Comte de Browne chargea ces Eſcadrons ,
» & les mit dans la néceffité de rejoindre leur corps
de bataille. Jufqu'à neuf heures , les ennemis
» combattirent avec la plus grande valeur . Voyant
ils prirent
» qu'ils ne pouvoient nous entamer ,
» le parti de la retraite. On les pourfuivit jul-
» qu'à une licue & demie du champ de la bataille ,
& le foir notre armée alla camper près des bois
de Wehlau. La bataille a duré quatre heures ,
» & le feu,tant de l'artillerie, que de la moufquete
» rie , a été terrible de part & d'autre . Nous devons
principalement la victoire aux fages melu.
&i res prifes par le Feld -Maréchal d'Apraxin ,
l'activité avec laquelle il s'eft porté partout. Ha eu deux chevaux bleffés fous lui. Les Pruffiens
» ont laiffé fur le champ de bataille plus de deux
mille morts , Dans leur retraite , on leur a tué » fix ceas hommes. Le nombre de leurs bleffés eft
très-confidérable , & l'on prétend qu'il montei
plus de cinq mille. Le jour de la bataille , on fit
>>> mille ou onze cens prifonniers. On en a fairun
grand nombre d'autres les deux jours fuivans
Parmi les Officiers Pruffiens tués le trouvent le
» Comte de Dohna , Lieutenant - Feld- Maréchal ,
≫ & le Major Général Wellau. Nous avons enlevé
OCTOBRE. 1757.
195
» à l'ennemi vingt- cinq pieces de canon , dont il
» y en a trois de 24 livres de balle , & cinq de
» 12. De notre côté , il y a eu onze cens vingt-
>> quatre hommes tués , quatre mille fix cens cinv.
quante- neuf bleffés, & quatre cens foixante-
» fix égarés. Le Général Lapuchin , le Lieute-
» nant-Feld- Maréchal Sibin , le fieur Capinifta ,
» Brigadier , le Colonel Patkul , le Lieutenant-
» Colonel Centrowitz , le Major Gerſtorff , &
trente autres Officiers , font parmi les morts.
» Le Général Comte de Lieven , le Lieutenant-
» Feld-Maréchal Mathias de Lieven fon frere , le
» Lieutenant- Feld -Maréchal Tolstoy , les Majors
Généraux Villebois ; Manteuffel , Weymarhr
» & du Boufquet le Brigadier Plemenikow ; le
» Knés Profozosky , & les fieurs Jafikoff & Bof-
» fuet , Colonels ; quatorze Lieutenans - Colonels
ou Majors ; cent quatre-vingts , tant Capitai-
» nes , que Lieutenans , Sous- Lieutenans & Enfeignes
, ont été bleffés. L'armée Pruffienne
n rentra le foir dans fon camp retranché de Wehlau.
Elle décampa le lendemain , pourfe reti-
» rer à Tapiau. Le 7 de Septembre , nous mar-
» châmes à Wehlau , & nons occupâmes le camp,
» que l'eapemi avoit abandonné » .
Sur diverfes lettres venues depuis cette Relation
, on s'attendoit qu'il y auroit inceffamment
une feconde action entre les deux armées ; mais
on vient d'apprendre que les Ruffiens fe font retirés
de la Pruffe Ducale. On n'eft point encore informé
des cauſes de cette retraite imprévue.
DE HAMBOURG , le 16 Septembre.
1. V ..
>>Plufieurs lettres de Saxe annoncent qu'il y
déja vinge mille Autrichiens devant Drefde. On
Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
mande de Poméranie , que les troupes Suédoifes
fe font emparées d'Anclam & de Demmin , Villes
qui étoient fous la puiffance du Roi de Pruffe.
; 1124
DU CAMP DE SCHONA , le 8 Septembre.·
3
On remarqua le 31 du mois d'août beaucoup
de mouvement parmi les troupes Pruffiennes. Elles
marcheren : jufqu'à Schonau , & Fon' crut
qu'elles avoient deflein de s'y arrêter ;; mais elles
fe retirerent dans les environs de Gorlitz , où elles
établirent leur camp fur deux lignes de l'autre
côté de la Neiff . Leur droite étoit couverte par
Landferon - Gifnitz , & une partie de leur gauche
par le village de Folge . Une forte artillerie défendoit
la montagne de Lands- Cronberg , qui
étoit devant leur front. Sur l'avis qu'elles avoient
abandonné le camp de Bornftadt , le Général Beck
envoya des détachemens prendre pofteà Javernick
, à Tauritz , à Neckeren & à Bernstorfft
& le fieur de Morocz occupa Schonau . Le Comte
de Colloredo , Général d'infanterie s'avança
avec fa réferve près de Nide , & le Comte de Na
dafty , après avoir pouffé un détachement à Lauban
, fe porta à Schonberg avecle corps de troupes
, qui eft fous fes ordres.
Le premier de feptembre, vingt compagnies de
Grenadiers , trente piquets & Gx cens chevaux ,
entrerent dans le camp que l'on avoit tracé entre
Bornftadt & Leube . Toute l'armée s'y rendit le 2
fur fix colonnes , & le Prince Charles de Lorraine
établit fon quartier à Oftritz. Quelques troupes
ennemies s'approcherent de Schonberg , dans le
deffein d'attaquer les poftes avancés du Comte de
Nadafty , mais ayant reconnu que ces poftes
avoient été renforcés , elles n'oferent rien entre
prendre .
OCTOBRE. 1757. 197
Le Prince Charles de Lorraine & le Feld-Maréchal
Comte de Daun firent le 3 diverfes difpofitions
, tendantes à former un cordon depuis la
rive droite de la Neiff jufqu'à Lauban , & depuis
la rive gauche de la même riviere jufqu'à Drefde.
Le lendemain , un détachement de notre
droite fe porta à Lauban. Les troupes légeres de
la gauche firent auffi un mouvement en avant.
Sept cens charriots chargés de farine étoient ar
rivés le 4 de Drefde à Baudiffin pour l'armée du
Roi de Pruffe. Ayant été joints à Baudiffin par
fept cens autres , ils pourfuivirent le s leur route
vers Gorlitz. Le Lieutenant-Feld- Maréchal Had.
dick , inftruit de la marche de ce convoi , fit
mettre feize cens , tant Huffards que Croates , en
embuſcade fur le chemin qui conduit à Wurfchen,
par lequel les convois des ennemis paffoient or
dinairement. Selon les apparences , les Pruffiens
en furent avertis . Ils pafferent par Baruth & par
Weigersdorff , afin d'éviter la rencontre des troupes
du Comte de Haddick.
Le cinq , les ennemis commencerent à fe
retrancher fur la montagne de Lands- Cronberg.
Larmée de l'Impératrice Reine s'approcha le même
jour de Bornftadt , & vint camper ici , plufieurs
Compagnies de Grenadiers s'étendant depuis
Tauchriz jufqu'à la Neiff , & occupant les hauteurs
de Javernick . Pour couvrir notre marche ,
le fieur de Morocz s'étoit avancé la veille à
Teutfch Pauls-dorff , & le Général Beck s'étoit
porté fur Javernick & fur Teutfch- Offig . Ce der
nier apprit le 6 , que trois à quatre mille Pruffiens
, qui couvroient la ville de Baudiffin , avoient
joint le gros de leur armée , & que cette Place
n'étoit plus gardée que par fept ou huit cens hommes.
Auffitôt il marcha de ce côté , pour empê-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
cher la Garnifon de fe retirer , ou pour lui rendre
du moins la retraite plus difficile .
Un corps de dix- huit à vingt mille Pruffiens ,
commandé par le Général Winterfeld , étoit retranché
de l'autre côté de la Neiff fur une montagne
de très -difficile accès. Nonobftant cette potion
avantageuse , le Prince Charles de Lorraine
fit attaquer hier ce Général. Le Comte de Nadafty
& le Duc d'Aremberg furent chargés de cette
expédition. On ne pouvoit déloger les ennemis de
a montagne, fans fe rendre maître d'une redoute.
Le Général Wurben , qui étoit à la tête des grenadiers
, & le Comte de Montazet , Brigadier dé
Dragons au fervice du Roi Très - Chrétien , fe
jetterent les premiers dans cette Redoute l'épée à
la main. Ils ne tarderent pas à être fuivis de tous
les Grenadiers qui , la bayonnette au bout du fufil
, chafferent les ennemis. Pendant affez longtemps
, les Pruffiens tinrent ferme fur le haut de
la montagne. Mais le Général Winterfeld ayant
été tué d'un coup de canon , fa mort les découragea
, & ils furent mis en déroute , après avoir perdu
quatre canons & fept drapeaux . Il y a eu du
côté des Autrichiens trois cens hommes tués ou
bleffés . Parmi les premiers, on compte le Marquis
d'Afque , Capitaine au régiment d'Arberg , & le
Comte de Groefberg , Capitaine dans le Régiment
de Ligne. Le Comte de Nadafty a reçu un
coup de feu à l'épaule . Le Marquis de Clerici ,
Lieutenant- Feld- Maréchal ; le fieur Elrichaufen ,
Colonel-Commandant du Régiment de Sprecheri
le Comte d'Arberg , Lieutenant- Colonel du même
Régiment, & le fieur de Kinflog, Lieutenant Colo .
nel du Régiment de Mercy, font auffi bleffés ; & le
dernier l'eft très - dangereufement. On eftime la pere
des ennemis à 1500 hommes , en y compre-
G
OCTOBRE. 1757. 159
nant les prifonniers & les déferteurs.Nous avons fait
prifonniers le Baron de Kamecke , Major Général
; le Comte d'Anholt , Colonel , & plufieurs
autres Officiers .
Peu après l'action , le prince Charles de Lorraine
fut informé qu'à midi le Lieutenant- Feld-
Maréchal Haddick s'étoit emparé de la ville de
Baudiffin ; que la Garnifon s'étoit rendue prifonniere
de guerre , & qu'on avoit trouvé dans la
Place un magafin confidérable de toute forte de
provifions , & quelques pieces de campagne. Les
ennemis , privés de ce pofte , auront beaucoup
de peine à foutenir leur communication avec la
Saxe.
On vient de détacher de notre armée un Corps
confidérable d'Infanterie & de Cavalerie , pour
marcher en avant par la droite de l'Elbe , & le
porter fur Drefde , Meiffen & Torgau , tandis que
les troupes légeres poufferont de leur côté vers la
lifere du Brandebourg.
Quelques efpions viennent de rapporter que le
Prince de Brunfwic- Beverne faifoit défiler des
troupes de fa gauche vers Buntzlau . Son objet eft
fans doute de renforcer le corps que commande le
Général Grumbkow , & de couvrir les Districts
de Lignitz & de Glogaw. Il deftinoit le corps
du Général Winterfeld à couvrir Schweidnitz & la
partie de la Silée , qui s'étend depuis cette Ville
jufqu'à la gauche de l'Oder.
Le Duc Wirtemberg , étant arrivé hier au matin
à notre camp , a voulu fe trouver à l'expédition
du Comte de Nadafty & du Duc d'Aremberg.
Pendant tout le combat , il s'eft exposé au plus
grand feu , ainfi que le Prince Louis fon frere , le
Prince de Deux-Ponts , & le Prince Camille de
Lorraine.
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
DE VIENNE, le 4 Septembre .
L'Impératrice Reine , en confidération des fervices
importans que les Colonels Janhus & Laudon
ont rendus pendant cette campagne , a fait
expédier à ces Officiers des brevets de Majors
Généraux.
A l'occafion de la guerre qui agite l'Empire,
Sa Majesté Impériale a donné de nouveaux Avocatoires
, dont voici la teneur.
>> FRANÇOIS , & c. Sçavoir faifons à tous les
Electeurs , Princes , Etats , Vaffaux & Sujets
du Saint Empire , de même qu'à tous les Of-
» ficiers & Soldats , qui fe trouvent au ſervice du
Roi de Pruffe Electeur de Brandebourg , & à
ceux qui voudroient en quelque maniere que ce
» foit lui prêter ſecours & affiftance , que le Roi
de Prufie Electeur de Brandebourg , fans avoir
égard aux Mandemens ni aux Exhortatoires du
Juge Suprême de l'Empire , ayant continué fes
excès & fes violences en Saxe & en Boheme ,
» les Electeurs , Princes & Etats , auroient réfola
» le 17 Janvier dernier , que tous les Cercles de
» l'Empire devoient fournir les fecours néceffai-
» res , & nous auroient requis très - humblement
» de procéder , en vertu de notre autorité de
Chef Suprême de l'Empire , & fuivant le Traité
» de Weftphalie , l'Ordonnance d'Exécution , &
notre Capitulation : en conféquence de quoi
Nous aurions pris les mefures convenables pour
» réunir les fecours de l'Empire , & fait citer
» l'Electeur Frédéric de Brandebourg , pour le
» punir du Ban de l'Empire , & le priver des Fiefs,
» Priviléges , Dignités , Graces , Expectatives ,
» Immunités , Prérogatives , & de toutes les poffeflions
qu'il tient de Nous & du Saint - Empire.
1
1
1
OCTOBRE . 1757. 201
» Les Loix de l'Empire défendant donc que per-
» fonne , de quelque état & condition qu'il foit ,
» adhere à un pareil perturbateur du repos géné-
» ral de l'Empire , & lui accorde la moindre af-
» fiftance & retraite ; & Nous ayant déja fait pu-
» blier le 13 Septembre de l'année derniere un
» Mandement inhibitoire & avocatoire , lequel
» n'a cependant pas été exécuté en tous les points
» & étant néceffaire actuellement de les renou-
» veller , d'autant plus que l'Electeur Frédéric de
» Brandebourg a été cité judiciairement pour être
» mis au Ban de l'Empire : Nous ordonnons , en
» vertu de la plénitude de notre autorité Impériale
, à tous les Vaffaux & Sujets des Electeurs ,
>> Princes & Etats de l'Empire , & à tous les hauts
» & bas Officiers , Soldats , tant Cavaliers que
» Fantaffins , & Nous leur enjoignons très -fé-
» rieuſement , fous les peines portées par le Traité
de Weftphalie & par d'autres conftitutions de
» l'Empire portées contré les infracteurs de la paix
» publique , comme auffi fous des punitions cor-
» porel es , & fous la perte de tous leurs biens ,
» droits , priviléges , &c. , non- feulement de fe
» conformer à notredit Mandement Avocatoire ,
» & de quitter inceffamment le fervice militaire
» de l'Electeur de Brandebourg , mais auffi de ne
» point fe laiffer employer en aucune maniere ,
» foit pour le préfent , foit pour l'avenir , contre
» l'armée d'Exécution de l'Empire , contre les
» Electorats de Sare & de Boheme , contre nos
» autres Alliés & Auxiliaires , & encore moins
>> contre tous les autres Etats de l'Empire ; de ne
» prêter aucune affiftance aux partifans dudit Elec-
>> teur de Brandebourg ; de ne leur point fournir
» de munitions de guerre ni de bouche , & de ne
» point accorder de retraite , ni permettre de fé
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
>> jour à fes Confeillers , Agens & Serviteurs ; le
>> tout fous peine de notre indignation & de celle
» du Saint-Empire Romain , & fous les punitions
» fufmentionnées. A quel effet , nous avons déja
» ordonné à nos Fiſcaux & à notre Chambre Im-
» périale , de procéder après l'écoulement de deux
>> mois fuivant la rigueur des Loix contre les Con-
» trevenans , & contre ceux qui , étant fous la
» la domination de l'Empire , n'auront pas abandonné
après ledit terme le fervice dudit Elec-
» teur de Brandebourg . En foi de quoi Nous avons
» figné de notre main le préfent Mandement ; &
» afin que perfonne n'en prétende caufe d'igno-
» rance , Nous avons ordonné qu'il fût publié &
affiché fur les frontieres de l'Electorat de Bran-
"debourg , & généralement dans tout l'Empire .
A Vienne, le 22 Août 1757.
D
DE DRESDE , le 7 Septembre.
If paroît deux nouvelles Ordonnances du Commiffariat
de Guerre Pruffien. Par la premiere , il
eft enjoint aux cercles de l'Electorat , de fournir
fept cens cinquante-quatre mille huit cens quarante-
huit boiffeaux d'avoine , deux cens vingthuit
mille fix cens quatre- vingt-feize boiffeaux
d'orge , quatre cens mille quintaux de foin , &
trois millions de bottes de paille , dont le Roi de
Pruffe promet de bonnifier la valeur. La feconde
Ordonnance regarde l'établiffement de deux magafins
à Kohren & à Wilsdruff.
Sa Majesté Pruffienne , en partant de cette Ville
, lui a demandé un fubfide de cent vingt mille
écus.
Vingt mille Autrichiens , fous les ordres du
Lieutenant- Feld- Maréchal Comte de Haddick , &
OCTOBRE. 1757. 203
du Major Général Mitrowski , coupent la communication
entre cette Ville & la droite de l'Elbe.
Plufieurs partis des troupes de l'Impératrice Reine
fe font voir auffi de temps en temps à la gauche
du fleuve.
Malgré les nouvelles affurances que le Roi de
Pruffe a données pour la fûreté de la prochaine
foire de Léipfick , on craint qu'il ne s'y rende
aucun Marchand étranger.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le 30 août 1757, une bataille opposa l'armée russe, dirigée par le Feld-Maréchal Comte d'Apraxin, à l'armée prussienne commandée par le Feld-Maréchal de Lehwald près de Vehlau. Les Prussiens, initialement bien positionnés, furent contraints de quitter les bois qu'ils occupaient. Les Russes, après avoir renforcé la défense du bois de Narfitten, résistèrent à une attaque prussienne. La cavalerie prussienne tenta de tourner l'aile droite russe mais fut repoussée par le Général Comte de Browne. Après neuf heures de combat, les Prussiens se retirèrent, laissant plus de deux mille morts et cinq mille blessés. Les Russes capturèrent vingt-cinq pièces de canon et mille prisonniers, subissant eux-mêmes mille cent vingt-quatre tués, quatre mille six cent cinquante-neuf blessés et quatre cent soixante-six égarés, incluant plusieurs officiers de haut rang. Suite à cette bataille, les Russes occupèrent le camp de Wehlau abandonné par les Prussiens. Des mouvements de troupes furent observés en Saxe et en Poméranie, avec des troupes suédoises s'emparant de villes prussiennes. En Saxe, les Autrichiens se préparaient à attaquer Dresde. Le Prince Charles de Lorraine et le Feld-Maréchal Comte de Daun organisèrent des dispositions défensives autour de la Neisse. Une attaque contre les Prussiens retranchés près de Bornftadt fut couronnée de succès, avec la capture de quatre canons et sept drapeaux. Les Prussiens subirent des pertes significatives, incluant le Général Winterfeld. Les Autrichiens capturèrent également plusieurs officiers prussiens. Le Duc de Wurtemberg et d'autres princes participèrent activement aux combats. L'Impératrice Reine promit les Colonels Janhus et Laudon au rang de Majors Généraux pour leurs services. Des avocatoires impériaux furent émis contre le Roi de Prusse pour ses actions en Saxe et en Bohême. Par ailleurs, un mandement impérial daté du 22 août 1757 ordonna aux vassaux et sujets des électeurs, princes et États de l'Empire de quitter immédiatement le service militaire de l'Électeur Frédéric de Brandebourg. Cette décision est motivée par les lois de l'Empire interdisant de soutenir un perturbateur du repos général. Le mandement rappelle un précédent ordre du 13 septembre de l'année précédente, non entièrement exécuté, et cite l'Électeur Frédéric de Brandebourg pour être mis au Ban de l'Empire. Les sujets sont menacés de sévères punitions, y compris la perte de leurs biens et privilèges, s'ils continuent à servir l'Électeur de Brandebourg ou lui fournissent une quelconque assistance. Le mandement doit être publié et affiché aux frontières de l'Électorat de Brandebourg et dans tout l'Empire. Deux ordonnances du Commissariat de Guerre prussien demandèrent aux cercles de l'Électorat de fournir des provisions et établirent des magasins à Kohren et à Wilsdruff. Le roi de Prusse demanda également un subside de cent vingt mille écus à Dresde. Des troupes autrichiennes, sous les ordres du lieutenant-feld-maréchal Comte de Haddick et du major général Mitrowski, coupèrent la communication entre Dresde et la droite de l'Elbe, tandis que d'autres troupes impériales se montrèrent à gauche du fleuve. Malgré les assurances du roi de Prusse, la sécurité de la prochaine foire de Leipzig fut mise en doute.
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7
p. 213
AUTRE.
Début :
Le sieur Sybille, Maître-ès-Arts en la Faculté de Paris, donne avis [...]
Mots clefs :
Sieur Sybille, Montagne, Minéralogie, Cabinet, Vente, Collection
Afficher :
texte
Reconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Le feur Sybille , Maître- ès-Arts en la Faculté
de Paris , donne avis au Public qu'il s'eft retiré à
Chaumont en Vexin depuis quelques années ; que
pendant le féjour qu'il y a fait , il a trouvé à
Pespace de plus de dix lieues de circonférence
dans les montagnes voisines , une nombreuſe
collection dans la minéralogie ( objet d'histoire
naturelle ) , & que les recherches continuelles , &
Paffortiment auffi précieux que curieux dont fon
cabinet eft compofé , ont fait l'attention & mérité
les voyages de plufieurs Sçavans Naturaliftes
tant du royaume qu'étrangers ; qu'en conféquence
de cet affortiment double & triple en répéti
tion , il l'annonce en vente ou en entier , ou par
diftribution , étant à portée de le remonter fuc
ceffivement. Les Amateurs qui voudront faire les
frais du voyage & l'honorer d'une viſite , ſeront
fatisfaits & dédommagés par l'emplette des ma¬
tieres qu'il diftribue à bon compte.
Nota. Ceux qui ne voudront point faire le voya
ge fans auparavant être inftruits par un détail exact
de ce qui compofe a collection , s'adrefferont à
Paris à M. Bomare- de Valmont , Apothicaire-
Droguifte , rue de la Verrerie , à la Role blanche.
Cette perfonne verfée dans cette partie d'hiftoire
naturelle , & dont l'étude continuelle ( rela
tive à fa profeffion ) fait fon capital des autres
fciences , donnera une idée jufte par divifion &
fubdivifion de cette collection . Il aura même par
correfpondance chez lui un affortiment à l'ordre
& compte du fieur Sybille.
Le feur Sybille , Maître- ès-Arts en la Faculté
de Paris , donne avis au Public qu'il s'eft retiré à
Chaumont en Vexin depuis quelques années ; que
pendant le féjour qu'il y a fait , il a trouvé à
Pespace de plus de dix lieues de circonférence
dans les montagnes voisines , une nombreuſe
collection dans la minéralogie ( objet d'histoire
naturelle ) , & que les recherches continuelles , &
Paffortiment auffi précieux que curieux dont fon
cabinet eft compofé , ont fait l'attention & mérité
les voyages de plufieurs Sçavans Naturaliftes
tant du royaume qu'étrangers ; qu'en conféquence
de cet affortiment double & triple en répéti
tion , il l'annonce en vente ou en entier , ou par
diftribution , étant à portée de le remonter fuc
ceffivement. Les Amateurs qui voudront faire les
frais du voyage & l'honorer d'une viſite , ſeront
fatisfaits & dédommagés par l'emplette des ma¬
tieres qu'il diftribue à bon compte.
Nota. Ceux qui ne voudront point faire le voya
ge fans auparavant être inftruits par un détail exact
de ce qui compofe a collection , s'adrefferont à
Paris à M. Bomare- de Valmont , Apothicaire-
Droguifte , rue de la Verrerie , à la Role blanche.
Cette perfonne verfée dans cette partie d'hiftoire
naturelle , & dont l'étude continuelle ( rela
tive à fa profeffion ) fait fon capital des autres
fciences , donnera une idée jufte par divifion &
fubdivifion de cette collection . Il aura même par
correfpondance chez lui un affortiment à l'ordre
& compte du fieur Sybille.
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Résumé : AUTRE.
Le Maître-ès-Arts Sybille, de la Faculté de Paris, s'est retiré à Chaumont en Vexin. Lors de son séjour, il a découvert une vaste collection de minéraux dans les montagnes environnantes, couvrant une zone de plus de dix lieues. Cette collection, composée de spécimens précieux et curieux, a attiré de nombreux savants naturalistes, tant français qu'étrangers. Sybille propose de vendre cette collection, soit en entier, soit par distribution. Les amateurs intéressés peuvent se rendre à Chaumont pour acheter les matériaux à bon prix. Pour ceux qui souhaitent plus d'informations avant de voyager, ils peuvent contacter M. Bomare de Valmont, apothicaire-drogiste à Paris, rue de la Verrerie, à la Role blanche. M. Bomare, bien versé en histoire naturelle, peut fournir un détail exact de la collection et même organiser l'achat par correspondance.
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8
p. 193-201
ALLEMAGNE.
Début :
Le Maréchal Daun, après avoir occupé quelque temps le camp de Stolpen, [...]
Mots clefs :
Bataille, Maréchal Daun, Victoire, Prusse, Camps militaires, Armée impériale, Mouvements des troupes, Général, Montagne, Ennemis, Colonnes milliaires, Attaques, Maréchal Keith, Comte, Duc, Canons, Officiers, Perte, Blessés et morts, États d'Autriche
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texte
Reconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE. ·
RELATION de la Bataille donnée le 14 Octoi
bre 1758 à Hoch- Kirchen en Luface , par l'armée
Impériale Royale , fous les ordres du Fold-
Maréchal Comte de Daun , de la victoire
complette qu'elle a remportée fur celle du Roi de
Pruffe , commandée par ce Prince en personne.
Cette Relation a été rédigée par le Comte de
Marainville , témoin oculaire de tout ce qui s'eft
paffé dans cette importante affaire , & qui a été
dépêché à l'Impératrice Reine de Hongrie par le
Maréchal Daun , & par Sa Majesté Impériale ,
au Roi.
Le Maréchal Daun , après avoir occupé quelque
temps le camp de Stolpen , voyant que les forces
réunies du Roi de Pruffe & du Prince Henri , fon
frere , lui ôtoient l'efpérance de prendre Drefde
avant la fin de la campagne , réfo ut de quitter
ce camp. La Cour de Vienne avoit formé le projet
d'affiéger Neiff Le Maréchal Daun voulut
affurer le fuccès de cette entrepriſe , en prenant
une pofition qui empêchât le Roi de Puffe de ſe
porter en Siléfie , ou d'envoyer au Général Fouquet
un renfort qui le mît en état de s'opposer à
cette opération . En conféquence , il fe mit
marche les , & arriva le 7 au camp de Kitl
près de Loëbau en Haute Luface.
Ι
194 MERCURE DE FRANCE.
Le même jour 7 , on eut avis que le Roi de
Pruffe avoit auffi marché pour Le porter à Bautzen.
Son armée campa le 8 en avant de cette Ville ; &
elle y féjourna le 9. Le Maréchal Daun avoit
formé le projet d'attaquer le 1o un corps Pruffien
qui occupoit Weiflemberg ; mais ayant appris
que l'armée du Roi de Pruffe étoit en mouvement
pour s'approcher de lui , il changea fes difpofi-
⚫tions.
L'armée Pruffienne étant arrivée à la vue des
Impériaux , les poftes avancés de ceux- ci aban
donnerent la hauteur de Hoch- Kirchen dont elle
s'empara ; elle y appuya fa droite , & fa gauche.
fut portée vers Radewitz . Elle avoit devant fon
front un petit ruiffeau qui coule dans un vallon
fort ferré. Dans cette pofition , les deux armées
ennemies fe trouverent à une portée & demie de
canon l'une de l'autre , ce qui obligea le Maréchal
Daun à faire quelques changemens dans la
fienne . Ce Général avança fa droite , pour l'appuyer
à la montagne de Stromberg qui commande
toute cette partie. Il y plaça des batteries
de gros canon , avec quatre bataillons de Grenadiers
, qui étoient foutenus par douze bataillons
d'Infanterie de la réferve & par la Cavalerie de
cette aîle. Il porta en avant quelques bataillons
de la deuxieme ligne de fon aîle gauche , pour
foutenir des batteries placées fur le flanc d'une
des montagnes où étoit appuyée cette gauche , &
dont la chaîne s'étend jufqu'à Bautzen . Ces batteries
étoient deftinées à foudroyer la plaine , &
à prendre en flanc les troupes qui feroient venues
pour attaquer fon aile gauche. Il fit faire des abbatis
dans les bois qui couvrent ces montagnes
& les garnit de Croates pour affurer fa communication
avec le Général Laudon , qui étoit à
DECEMBRE . 1758. 195
Mefchwitz fur les derrieres de Hoch-Kirchen
du côté de Bautzen. Il eut foin auffi de faire bien
fortifier le village de Gloffen , pofte important
qui affuroit encore plus fa droite , & qui lui formoit
une tête au delà du ruiffeau nommé Lobauwaffer
, en cas que le Roi de Prufle , à la faveur
du corps qu'il avoit à Weiffemberg , eût tenté de
lui dérober une marche , pour tomber fur celui
que commandoit le Prince de Dourlach à Reichenbach
, & de s'emparer par ce moyen de Gorlitz.
Le Roi de Pruffe avoit fait placer plufieurs batteries
avec des redoutes fur le flanc de la montagne
d'Hoch- Kirchen , & il y avoit mis huit bataillons
pour les foutenir. Il avoit avancé un
corps de l'autre côté du ruiffeau qui couvroit fon
front vers Lauffig , où il avoit fait des retranchemens
garnis de quantité de groffe artillerie .
Le Maréchal Daun étoit tous les jours à cheval
dès la pointe du jour , foit pour reconnoître la
pofition des ennemis , foit pour examiner foigneufement
la fienne. Il remarqua que la droite
du Roi de Pruffe donnoit quelque prife fur elle ,
& réfolut de l'attaquer. Pour donner le change à
l'ennemi , & l'accoutumer à des mouvemens dont
il pût prendre ombrage , tous les jours il faifoit
changer de pofition à quelques corps ; il ordonna
plufieurs jours de fuite que tous les équipages
le tinffent prêts à marcher au premier ordre
, il feignit de vouloir attaquer le corps qui
étoit à Weiflemberg ; il fit pour cela des difpofitions
, & diftribua pendant deux jours des ordres
qu'il révoquoit dans la nuit. Enfin la veille de la
véritable attaque , il fit tracer des redoutes au
devant du front de fon armée , à la vue des ennemis
, & fi près de leur camp , qu'ils tirerent du
canon fur les travailleurs.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
>
Le 13 , dans l'après -dînée , le Maréchal Daun
fit marcher la plus grande partie de la feconde
ligne & de fa réſerve , tant Infanterie que Cavalerie.
Elle fe porta en deux colonnes par la vallée
de Cunewalda , fur le fommet des montagnes qui
font du côté de Bautzen . Ces montagnes , beaucoup
plus hautes que celles de Hoch- Kirchen , &
couvertes de bois de fapin , étoient fort propres à
cacher toutes les manoeuvres qu'on devoit faire ,
& l'on y avoit préparé des paffages pour l'artillerie.
Le Général Laudon , qui étoit encore plus
loin avec un corps de cinq à fix mille hommes ,
fut renforcé de trois à quatre mille pour attaquer
par les derrieres la droite des Pruffiens. Les troupes
de la premiere ligne qui devoient attaquer le
village de Hoch Kirchen , étoient reftées dans le
camp ; elles prirent les armes pendant la nuit , &
fe porterent vers le village de Plotzen , où elles
fe formerent en colonne pour attaquer de concert
avec les autres. Le Duc d'Aremberg étoit chargé
de tomber fur la gauche des ennemis , & de l'attaquer
par deux colonnes , & il étoit foutenu par
le Prince de Dourlach. Ce Prince avoit pour cet
effet marché toute la nuit avec une partie du
corps qu'il avoit fous fes ordres à Reichenbach ,
& il avoit détaché le Prince de Lowenftein avec
cinq ou fix mille hommes , pour aller attaquer le
corps ennemi qui occupoit Weiffemberg. On
avoit diftribué de petites troupes d'Infanterie &
de Cavalerie fur tout le front de l'armée Pruffienne
, pour lui donner de l'inquiétude partout.
?
Toutes ces difpofitions faites , le Maréchal
Daun fe porta le foir à la gauche de fon armée ,
& paffa la nuit dans une maifon du village de
Favernick , pour être plus à portée de fe rendre à
La tête des colonnes qui devoient attaquer le flanc
DECEMBRE . 1758. 197
de la montagne de Hoch - Kirchen . Il y arriva deux
heures avant qu'elles s'ébranlaffent. Tout ce qui
l'accompagnoit , ainfi les que troupes , obfervoit
le plus grand filence , à caufe de la proximité des
ennemis qu'on pouvoit entendre parler. A cinq
heures du matin , il envoya ordre aux trois colonnes
qui étoient à portée de lui , de marcher.
Après un quart-d'heure de marche , on entendit.
un coup de fufil qui fut bientôt fuivi de deux autres
, & de tout le feu d'un petit pofte , qui , ayant
apperçu diftinctement la tête des colonnes , donna
l'alarme par des cris qu'on entendit fe répéter
fur tout le front de l'armée Pruffienne .
Les Grenadiers Impériaux , qui étoient à la tête
des colonnes , gagnerent précipitamment le flanc
de la montagne de Hoch-Kirchen , pour en forcer
les retranchemens ; mais ils y trouverent toute
P'Infanterie Pruffienne en bataille , & ils effuyerent
un feu de moufqueterie très - vif. Celui de l'artillerie
qui ne l'étoit pas moins , avoit commencé
peu de minutes après la premiere alerte ; de forte
que , par l'activité des Pruffiens , tout l'avantage
qu'on pût tirer de cette furpriſe fut de le trouver
en force fur le flanc d'une armée diftribuée , dans
une grande étendue de terrein.
Les redoutes & les batteries de Hoch - Kirchen
furent difputées avec beaucoup de valeur , mais
enlevées en fort peu de temps par l'intrépidité des
Impériaux. Ils trouverent plus de réſiſtance au
village de Hoch- Kirchen , où le combat dura
plus de deux heures & demie , parce que l'Infanterie
de la premiere ligne des Pruffiens qui étoit
appuyée à ce village s'y étoit portée fur le champ,
& s'opiniâtroit à défendre ce point important ,
pour donner le temps au refte de l'armée de rétablir
l'affaire , au de faire des difpofitions pour en
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
rendre les fuites moins fâcheufes. On affure que Te
Maréchal Keith avoit ordre du Roi de Pruffe de
foutenir ce village jufqu'à l'extrêmité ; aufli a - t'il
payé de fa vie la belle défenfe qu'il y a faite. Ce
pofte étoit couvert d'ouvrages & garni de nombreufes
batteries ; un cimetiere fermé de murs ,
l'Eglife qui eft grande , & jufqu'au clocher, étoient
remplis d'Infanterie ; il fortoit ainfi de toutes parts
un feu de moufqueterie prodigieux , & il y avoit
fur toutes les avenues , du canon qui tiroit à cartouche.
Pendant l'attaque de ce village , le Maréchal
Daun fe repofant du fuccès fur l'intelligence &
fur la bravoure du Baron de Sincere , Général
d'Infanterie , qui commandoit cette attaque , faifoit
toujours avancer la gauche de fes troupes
pour pouffer de fon côté l'ennemi . Les Pruffiens
qui fe rallioient à mefure & qui fe renforçoient
dans cette partie , vinrent en force à trois repriſes
pour tenter de reprendre le terrein qu'ils avoient
furent perdu fucceffivement. Ces trois attaques
très-vives , mais elles furent reçues avec la plus
grande fermeté par les troupes Impériales , & les
Pruffiens refouffés perdirent encore chaque fois
du terrein.
D'un autre côté , le Comte Odonel , Général de
Cavalerie , qui commandoit celle de la gauche ,
manoeuvroit avec beaucoup de bravoure , foit en
chargeant avec la plus grande vigueur tout ce qui
fe préfentoit de Cavalerie Pruffienne , foit en refferrant
de plus en plus l'ennemi.
Quand le village de Hoch- Kirchen eut été forcé
, on emporta le cimetiere l'épée à la main , &
tout ce qui s'y trouva fut fait prifonnier. L'Infanterie
qui foutenoit ce village s'étant jointe aux
débris de celle que le Maréchal Daun avoit touDECEMBRE.
1758. 199
jours combattue en perfonne , vint faire avec elle
la troifieme attaque , où les Pruffiens firent les
plus grands efforts . La victoire fut décidée en faveur
des Autrichiens par une vigoureuſe charge
que le Comte de Lafcy fit fur le flanc de l'Infan
terie Pruffienne , avec quelques troupes de Cara
biniers & de Grenadiers à cheval qui étoient en
réferve , & qu'il alla prendre par ordre du Maréchal
Daun . Il étoit alors environ dix heures &
demie ; enforte que l'affaire à duré plus de cinq
heures , fans que le feu de l'artillerie & celui de
la moufqueterie ayent difcontinué un inftant . On
laiffe imaginer quelle a été la chaleur d'une bataille
, oùil y avoit , tant de part que d'autre , au
moins cinq cens pieces de canon .
Le Duc d'Aremberg avant que de commencer
fon attaque , devoit attendre que celle de Hoch-
Kirchen fût bien engagée , parce que le Maréchal
Daun avoit deffein de couper le corps de huit
mille hommes qui étoit à Weiffemberg ; mais
l'attaque de Hoch-Kirchen ayant donné l'alarme
à ce corps , il avoit forgé de bonne heure à fa
retraite , & il avoit joint le gros de l'armée Pruffienne.
Ainfi le Duc d'Aremberg chargé d'atta
quer la gauche , la trouva très - bien garnie ; elle
étoit de plus fortifiée par des retranchemens &
par des batteries de gros canon qu'il emporta
l'épée à la main fans tirer . Cependant toute l'Infanterie
Pruffienne de cette partie s'étant raffemblée
, le combat y fut très- vif. Le Baron de Buccow
, Général de Cavalerie , qui commandoit celle
de la droite , avoit formé avec ce corps , ainfi que
le Comte Odonel avoit fait de fon côté , une efpece
de croiffant pour envelopper l'ennemi , &
rendre fa retraite difficile. Mais les Pruffiens ayant
yu dès le commencement de cette journée qu'elle
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
à
ne pouvoit être heureufe pour eux , avoient fûres
ment pourvu de bonne heure à leur retraite , &
elle fe fit à propos par l'efpace libre qui leur reftoit.
L'attaque du Maréchal Daun s'étant réunie à
celle du Duc d'Aremberg , toute l'armée campa
une lieue & demie environ plus loin que le champ
de bataille de Hoch- Kirchen , & le Général Laudon
fut chargé de fuivre l'ennemi dans fa retraite,
qu'il dirigeoit vers Klein- Bautzen.
Au départ du Comte de Marainville , la perte
des Pruffiens en morts & bleſſés étoit évaluée à
fept ou huit mille hommes , & on leur avoit fait
deux mille prifonniers , parmi lefquels on comptoit
foixante fix Officiers de tout grade. On leur a
pris cent quatorze pieces de canon , vingt-neuf
drapeaux & feulement trois étendards , parce que
le terrein où l'on a combattu , fort inégal & plein
de broffailles , étoit peu propre pour faire maneuvrer
la Cavalerie .
Les Officiers de marque tués du côté des Pruffiens
, font le Maréchal Keith , tué d'un coup de
feu au travers de la poitrine , le Prince Frederic
de Brunswick , dont la mort d'abord incertaine ,
s'eft confirmée depuis la bataille , & le Général de
Kleift. Le Prince Maurice d'Anhalt-Deffau a été
bleffé dangereufement , fait prifonnier fur fa pa
role , & conduit pendant la bataille à Bautzen.
La perte des Impériaux eft de trois à quatre
mille hommes. Les Officiers de marque qu'ils
ont parmi leurs bleffés font , le Marquis d'Einfe
Lieutenant- Feld -Maréchal qui a reçu un coup de
feu dans le côté , mais non dangereux ; le fieur de
Siskowitz , Major Général , auffi bleffé d'un coup
de feu ; le Comte de Brown , Major Général , &
le Comte de Brown , fon frere , Colonel du Régiment
de fon nom , tous deux fils du feu Maréchal
DECEMBRE . 17 ; S.
201
de Brown , le premier bleffé d'un coup de feu
derriere la tête ; l'autre ayant la jambe caffée
d'un coup de feu , près de la cheville du pied . Les
principaux Officiers tués font , un Major Général ,
qu'on croit être le fieur Hardeneck , le Baron de
Buttler , Colonel attaché aux Grenadiers , & le
Comte d'Eftienne , Colonel du Régiment de Dragons
de Lowenftein . Le Comte de Montazet
Maréchal de Camp au fervice de France , employé
à l'armée Impériale , a reçu plufieurs coups de
fabre fur la tête dans une mêlée de Cavalerie , où
il s'eft extrêmement diftingué .
Le Maréchal Daun qui veut tout voir par luimême
, s'eft expofé comme il a coutume de faire
dans toutes les occafions , & il a eu un cheval
bleffé fous lui d'un coup de feu . Cette mémorable
journée à la fin d'une fi belle campagne , couvre
de gloire ce Maréchal , & le met au rang des plus
grands Capitaines.
"
Les Etats d'Autriche pour reconnoître les
grands fervices rendus à la patrie par le Feld-
Maréchal Comte de Daun , ont arrêté de lui faire
préfent de trois cens mille florins d'Allemagne
pour racheter la Seigneurie de Ladendorff , que le
pere de ce grand Capitaine avoit vendue au Comte
de Kevenhuller. Le 18 Octobre au foir , toute la
mufique de la Cour donna une belle fymphonie
devant l'hôtel de la Comteffe de Daun , en témoi
gnage de la fatisfaction que Leurs Majeftés Impériales
reffentent des exploits fignalés du Comte,
fon époux.
Le 19 , Hatfchi-Demetrius- Macarchi , Envoyé
d'Alger , eut fa premiere audience du Comte de
Colloredo , Vice - Chancelier de l'Empire. Le len
demain , il fut admis à celle du Comte de Kaunitz
Chancelier Intime de l'Etat.
RELATION de la Bataille donnée le 14 Octoi
bre 1758 à Hoch- Kirchen en Luface , par l'armée
Impériale Royale , fous les ordres du Fold-
Maréchal Comte de Daun , de la victoire
complette qu'elle a remportée fur celle du Roi de
Pruffe , commandée par ce Prince en personne.
Cette Relation a été rédigée par le Comte de
Marainville , témoin oculaire de tout ce qui s'eft
paffé dans cette importante affaire , & qui a été
dépêché à l'Impératrice Reine de Hongrie par le
Maréchal Daun , & par Sa Majesté Impériale ,
au Roi.
Le Maréchal Daun , après avoir occupé quelque
temps le camp de Stolpen , voyant que les forces
réunies du Roi de Pruffe & du Prince Henri , fon
frere , lui ôtoient l'efpérance de prendre Drefde
avant la fin de la campagne , réfo ut de quitter
ce camp. La Cour de Vienne avoit formé le projet
d'affiéger Neiff Le Maréchal Daun voulut
affurer le fuccès de cette entrepriſe , en prenant
une pofition qui empêchât le Roi de Puffe de ſe
porter en Siléfie , ou d'envoyer au Général Fouquet
un renfort qui le mît en état de s'opposer à
cette opération . En conféquence , il fe mit
marche les , & arriva le 7 au camp de Kitl
près de Loëbau en Haute Luface.
Ι
194 MERCURE DE FRANCE.
Le même jour 7 , on eut avis que le Roi de
Pruffe avoit auffi marché pour Le porter à Bautzen.
Son armée campa le 8 en avant de cette Ville ; &
elle y féjourna le 9. Le Maréchal Daun avoit
formé le projet d'attaquer le 1o un corps Pruffien
qui occupoit Weiflemberg ; mais ayant appris
que l'armée du Roi de Pruffe étoit en mouvement
pour s'approcher de lui , il changea fes difpofi-
⚫tions.
L'armée Pruffienne étant arrivée à la vue des
Impériaux , les poftes avancés de ceux- ci aban
donnerent la hauteur de Hoch- Kirchen dont elle
s'empara ; elle y appuya fa droite , & fa gauche.
fut portée vers Radewitz . Elle avoit devant fon
front un petit ruiffeau qui coule dans un vallon
fort ferré. Dans cette pofition , les deux armées
ennemies fe trouverent à une portée & demie de
canon l'une de l'autre , ce qui obligea le Maréchal
Daun à faire quelques changemens dans la
fienne . Ce Général avança fa droite , pour l'appuyer
à la montagne de Stromberg qui commande
toute cette partie. Il y plaça des batteries
de gros canon , avec quatre bataillons de Grenadiers
, qui étoient foutenus par douze bataillons
d'Infanterie de la réferve & par la Cavalerie de
cette aîle. Il porta en avant quelques bataillons
de la deuxieme ligne de fon aîle gauche , pour
foutenir des batteries placées fur le flanc d'une
des montagnes où étoit appuyée cette gauche , &
dont la chaîne s'étend jufqu'à Bautzen . Ces batteries
étoient deftinées à foudroyer la plaine , &
à prendre en flanc les troupes qui feroient venues
pour attaquer fon aile gauche. Il fit faire des abbatis
dans les bois qui couvrent ces montagnes
& les garnit de Croates pour affurer fa communication
avec le Général Laudon , qui étoit à
DECEMBRE . 1758. 195
Mefchwitz fur les derrieres de Hoch-Kirchen
du côté de Bautzen. Il eut foin auffi de faire bien
fortifier le village de Gloffen , pofte important
qui affuroit encore plus fa droite , & qui lui formoit
une tête au delà du ruiffeau nommé Lobauwaffer
, en cas que le Roi de Prufle , à la faveur
du corps qu'il avoit à Weiffemberg , eût tenté de
lui dérober une marche , pour tomber fur celui
que commandoit le Prince de Dourlach à Reichenbach
, & de s'emparer par ce moyen de Gorlitz.
Le Roi de Pruffe avoit fait placer plufieurs batteries
avec des redoutes fur le flanc de la montagne
d'Hoch- Kirchen , & il y avoit mis huit bataillons
pour les foutenir. Il avoit avancé un
corps de l'autre côté du ruiffeau qui couvroit fon
front vers Lauffig , où il avoit fait des retranchemens
garnis de quantité de groffe artillerie .
Le Maréchal Daun étoit tous les jours à cheval
dès la pointe du jour , foit pour reconnoître la
pofition des ennemis , foit pour examiner foigneufement
la fienne. Il remarqua que la droite
du Roi de Pruffe donnoit quelque prife fur elle ,
& réfolut de l'attaquer. Pour donner le change à
l'ennemi , & l'accoutumer à des mouvemens dont
il pût prendre ombrage , tous les jours il faifoit
changer de pofition à quelques corps ; il ordonna
plufieurs jours de fuite que tous les équipages
le tinffent prêts à marcher au premier ordre
, il feignit de vouloir attaquer le corps qui
étoit à Weiflemberg ; il fit pour cela des difpofitions
, & diftribua pendant deux jours des ordres
qu'il révoquoit dans la nuit. Enfin la veille de la
véritable attaque , il fit tracer des redoutes au
devant du front de fon armée , à la vue des ennemis
, & fi près de leur camp , qu'ils tirerent du
canon fur les travailleurs.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
>
Le 13 , dans l'après -dînée , le Maréchal Daun
fit marcher la plus grande partie de la feconde
ligne & de fa réſerve , tant Infanterie que Cavalerie.
Elle fe porta en deux colonnes par la vallée
de Cunewalda , fur le fommet des montagnes qui
font du côté de Bautzen . Ces montagnes , beaucoup
plus hautes que celles de Hoch- Kirchen , &
couvertes de bois de fapin , étoient fort propres à
cacher toutes les manoeuvres qu'on devoit faire ,
& l'on y avoit préparé des paffages pour l'artillerie.
Le Général Laudon , qui étoit encore plus
loin avec un corps de cinq à fix mille hommes ,
fut renforcé de trois à quatre mille pour attaquer
par les derrieres la droite des Pruffiens. Les troupes
de la premiere ligne qui devoient attaquer le
village de Hoch Kirchen , étoient reftées dans le
camp ; elles prirent les armes pendant la nuit , &
fe porterent vers le village de Plotzen , où elles
fe formerent en colonne pour attaquer de concert
avec les autres. Le Duc d'Aremberg étoit chargé
de tomber fur la gauche des ennemis , & de l'attaquer
par deux colonnes , & il étoit foutenu par
le Prince de Dourlach. Ce Prince avoit pour cet
effet marché toute la nuit avec une partie du
corps qu'il avoit fous fes ordres à Reichenbach ,
& il avoit détaché le Prince de Lowenftein avec
cinq ou fix mille hommes , pour aller attaquer le
corps ennemi qui occupoit Weiffemberg. On
avoit diftribué de petites troupes d'Infanterie &
de Cavalerie fur tout le front de l'armée Pruffienne
, pour lui donner de l'inquiétude partout.
?
Toutes ces difpofitions faites , le Maréchal
Daun fe porta le foir à la gauche de fon armée ,
& paffa la nuit dans une maifon du village de
Favernick , pour être plus à portée de fe rendre à
La tête des colonnes qui devoient attaquer le flanc
DECEMBRE . 1758. 197
de la montagne de Hoch - Kirchen . Il y arriva deux
heures avant qu'elles s'ébranlaffent. Tout ce qui
l'accompagnoit , ainfi les que troupes , obfervoit
le plus grand filence , à caufe de la proximité des
ennemis qu'on pouvoit entendre parler. A cinq
heures du matin , il envoya ordre aux trois colonnes
qui étoient à portée de lui , de marcher.
Après un quart-d'heure de marche , on entendit.
un coup de fufil qui fut bientôt fuivi de deux autres
, & de tout le feu d'un petit pofte , qui , ayant
apperçu diftinctement la tête des colonnes , donna
l'alarme par des cris qu'on entendit fe répéter
fur tout le front de l'armée Pruffienne .
Les Grenadiers Impériaux , qui étoient à la tête
des colonnes , gagnerent précipitamment le flanc
de la montagne de Hoch-Kirchen , pour en forcer
les retranchemens ; mais ils y trouverent toute
P'Infanterie Pruffienne en bataille , & ils effuyerent
un feu de moufqueterie très - vif. Celui de l'artillerie
qui ne l'étoit pas moins , avoit commencé
peu de minutes après la premiere alerte ; de forte
que , par l'activité des Pruffiens , tout l'avantage
qu'on pût tirer de cette furpriſe fut de le trouver
en force fur le flanc d'une armée diftribuée , dans
une grande étendue de terrein.
Les redoutes & les batteries de Hoch - Kirchen
furent difputées avec beaucoup de valeur , mais
enlevées en fort peu de temps par l'intrépidité des
Impériaux. Ils trouverent plus de réſiſtance au
village de Hoch- Kirchen , où le combat dura
plus de deux heures & demie , parce que l'Infanterie
de la premiere ligne des Pruffiens qui étoit
appuyée à ce village s'y étoit portée fur le champ,
& s'opiniâtroit à défendre ce point important ,
pour donner le temps au refte de l'armée de rétablir
l'affaire , au de faire des difpofitions pour en
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
rendre les fuites moins fâcheufes. On affure que Te
Maréchal Keith avoit ordre du Roi de Pruffe de
foutenir ce village jufqu'à l'extrêmité ; aufli a - t'il
payé de fa vie la belle défenfe qu'il y a faite. Ce
pofte étoit couvert d'ouvrages & garni de nombreufes
batteries ; un cimetiere fermé de murs ,
l'Eglife qui eft grande , & jufqu'au clocher, étoient
remplis d'Infanterie ; il fortoit ainfi de toutes parts
un feu de moufqueterie prodigieux , & il y avoit
fur toutes les avenues , du canon qui tiroit à cartouche.
Pendant l'attaque de ce village , le Maréchal
Daun fe repofant du fuccès fur l'intelligence &
fur la bravoure du Baron de Sincere , Général
d'Infanterie , qui commandoit cette attaque , faifoit
toujours avancer la gauche de fes troupes
pour pouffer de fon côté l'ennemi . Les Pruffiens
qui fe rallioient à mefure & qui fe renforçoient
dans cette partie , vinrent en force à trois repriſes
pour tenter de reprendre le terrein qu'ils avoient
furent perdu fucceffivement. Ces trois attaques
très-vives , mais elles furent reçues avec la plus
grande fermeté par les troupes Impériales , & les
Pruffiens refouffés perdirent encore chaque fois
du terrein.
D'un autre côté , le Comte Odonel , Général de
Cavalerie , qui commandoit celle de la gauche ,
manoeuvroit avec beaucoup de bravoure , foit en
chargeant avec la plus grande vigueur tout ce qui
fe préfentoit de Cavalerie Pruffienne , foit en refferrant
de plus en plus l'ennemi.
Quand le village de Hoch- Kirchen eut été forcé
, on emporta le cimetiere l'épée à la main , &
tout ce qui s'y trouva fut fait prifonnier. L'Infanterie
qui foutenoit ce village s'étant jointe aux
débris de celle que le Maréchal Daun avoit touDECEMBRE.
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jours combattue en perfonne , vint faire avec elle
la troifieme attaque , où les Pruffiens firent les
plus grands efforts . La victoire fut décidée en faveur
des Autrichiens par une vigoureuſe charge
que le Comte de Lafcy fit fur le flanc de l'Infan
terie Pruffienne , avec quelques troupes de Cara
biniers & de Grenadiers à cheval qui étoient en
réferve , & qu'il alla prendre par ordre du Maréchal
Daun . Il étoit alors environ dix heures &
demie ; enforte que l'affaire à duré plus de cinq
heures , fans que le feu de l'artillerie & celui de
la moufqueterie ayent difcontinué un inftant . On
laiffe imaginer quelle a été la chaleur d'une bataille
, oùil y avoit , tant de part que d'autre , au
moins cinq cens pieces de canon .
Le Duc d'Aremberg avant que de commencer
fon attaque , devoit attendre que celle de Hoch-
Kirchen fût bien engagée , parce que le Maréchal
Daun avoit deffein de couper le corps de huit
mille hommes qui étoit à Weiffemberg ; mais
l'attaque de Hoch-Kirchen ayant donné l'alarme
à ce corps , il avoit forgé de bonne heure à fa
retraite , & il avoit joint le gros de l'armée Pruffienne.
Ainfi le Duc d'Aremberg chargé d'atta
quer la gauche , la trouva très - bien garnie ; elle
étoit de plus fortifiée par des retranchemens &
par des batteries de gros canon qu'il emporta
l'épée à la main fans tirer . Cependant toute l'Infanterie
Pruffienne de cette partie s'étant raffemblée
, le combat y fut très- vif. Le Baron de Buccow
, Général de Cavalerie , qui commandoit celle
de la droite , avoit formé avec ce corps , ainfi que
le Comte Odonel avoit fait de fon côté , une efpece
de croiffant pour envelopper l'ennemi , &
rendre fa retraite difficile. Mais les Pruffiens ayant
yu dès le commencement de cette journée qu'elle
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
à
ne pouvoit être heureufe pour eux , avoient fûres
ment pourvu de bonne heure à leur retraite , &
elle fe fit à propos par l'efpace libre qui leur reftoit.
L'attaque du Maréchal Daun s'étant réunie à
celle du Duc d'Aremberg , toute l'armée campa
une lieue & demie environ plus loin que le champ
de bataille de Hoch- Kirchen , & le Général Laudon
fut chargé de fuivre l'ennemi dans fa retraite,
qu'il dirigeoit vers Klein- Bautzen.
Au départ du Comte de Marainville , la perte
des Pruffiens en morts & bleſſés étoit évaluée à
fept ou huit mille hommes , & on leur avoit fait
deux mille prifonniers , parmi lefquels on comptoit
foixante fix Officiers de tout grade. On leur a
pris cent quatorze pieces de canon , vingt-neuf
drapeaux & feulement trois étendards , parce que
le terrein où l'on a combattu , fort inégal & plein
de broffailles , étoit peu propre pour faire maneuvrer
la Cavalerie .
Les Officiers de marque tués du côté des Pruffiens
, font le Maréchal Keith , tué d'un coup de
feu au travers de la poitrine , le Prince Frederic
de Brunswick , dont la mort d'abord incertaine ,
s'eft confirmée depuis la bataille , & le Général de
Kleift. Le Prince Maurice d'Anhalt-Deffau a été
bleffé dangereufement , fait prifonnier fur fa pa
role , & conduit pendant la bataille à Bautzen.
La perte des Impériaux eft de trois à quatre
mille hommes. Les Officiers de marque qu'ils
ont parmi leurs bleffés font , le Marquis d'Einfe
Lieutenant- Feld -Maréchal qui a reçu un coup de
feu dans le côté , mais non dangereux ; le fieur de
Siskowitz , Major Général , auffi bleffé d'un coup
de feu ; le Comte de Brown , Major Général , &
le Comte de Brown , fon frere , Colonel du Régiment
de fon nom , tous deux fils du feu Maréchal
DECEMBRE . 17 ; S.
201
de Brown , le premier bleffé d'un coup de feu
derriere la tête ; l'autre ayant la jambe caffée
d'un coup de feu , près de la cheville du pied . Les
principaux Officiers tués font , un Major Général ,
qu'on croit être le fieur Hardeneck , le Baron de
Buttler , Colonel attaché aux Grenadiers , & le
Comte d'Eftienne , Colonel du Régiment de Dragons
de Lowenftein . Le Comte de Montazet
Maréchal de Camp au fervice de France , employé
à l'armée Impériale , a reçu plufieurs coups de
fabre fur la tête dans une mêlée de Cavalerie , où
il s'eft extrêmement diftingué .
Le Maréchal Daun qui veut tout voir par luimême
, s'eft expofé comme il a coutume de faire
dans toutes les occafions , & il a eu un cheval
bleffé fous lui d'un coup de feu . Cette mémorable
journée à la fin d'une fi belle campagne , couvre
de gloire ce Maréchal , & le met au rang des plus
grands Capitaines.
"
Les Etats d'Autriche pour reconnoître les
grands fervices rendus à la patrie par le Feld-
Maréchal Comte de Daun , ont arrêté de lui faire
préfent de trois cens mille florins d'Allemagne
pour racheter la Seigneurie de Ladendorff , que le
pere de ce grand Capitaine avoit vendue au Comte
de Kevenhuller. Le 18 Octobre au foir , toute la
mufique de la Cour donna une belle fymphonie
devant l'hôtel de la Comteffe de Daun , en témoi
gnage de la fatisfaction que Leurs Majeftés Impériales
reffentent des exploits fignalés du Comte,
fon époux.
Le 19 , Hatfchi-Demetrius- Macarchi , Envoyé
d'Alger , eut fa premiere audience du Comte de
Colloredo , Vice - Chancelier de l'Empire. Le len
demain , il fut admis à celle du Comte de Kaunitz
Chancelier Intime de l'Etat.
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Résumé : ALLEMAGNE.
La bataille de Hoch-Kirchen, qui eut lieu le 14 octobre 1758, opposa l'armée impériale royale, dirigée par le maréchal Comte de Daun, aux forces prussiennes commandées par le roi de Prusse. Le comte de Marainville, témoin oculaire, rédigea un rapport détaillé de cette victoire impériale. Avant la bataille, le maréchal Daun se déplaça de Stolpen vers Kitl près de Loëbau en Haute Lusace pour empêcher le roi de Prusse de se porter en Silésie ou d'envoyer des renforts au général Fouquet. Les deux armées se trouvèrent à portée de canon, obligeant Daun à ajuster ses dispositions. Il renforça sa droite sur la montagne de Stromberg avec des batteries de gros canon et soutint sa gauche avec des batteries sur les flancs des montagnes. Le roi de Prusse, de son côté, avait placé des batteries et des redoutes sur le flanc de la montagne d'Hoch-Kirchen. Le 13 octobre, Daun déplaça une grande partie de sa seconde ligne et de sa réserve vers les montagnes de Bautzen. Le général Laudon attaqua la droite des Prussiens, tandis que les troupes de la première ligne se préparèrent à attaquer le village de Hoch-Kirchen. Le duc d'Aremberg et le prince de Dourlach furent chargés d'attaquer la gauche ennemie. Le 14 octobre, à l'aube, les colonnes impériales avancèrent. Les Grenadiers impériaux forcèrent les retranchemens sur le flanc de la montagne d'Hoch-Kirchen malgré une résistance acharnée. Le village de Hoch-Kirchen fut pris après un combat intense, et la victoire fut consolidée par une charge du comte de Lacy. Les Prussiens subirent de lourdes pertes, évaluées à sept ou huit mille hommes tués ou blessés, et deux mille prisonniers, dont soixante-six officiers. Cent quatorze pièces de canon et vingt-neuf drapeaux furent capturés. Parmi les officiers prussiens tués figuraient le maréchal Keith et le prince Frédéric de Brunswick. Le prince Maurice d'Anhalt-Dessau fut blessé et fait prisonnier. Les Impériaux subirent également des pertes, estimées entre trois et quatre mille hommes. Parmi les officiers blessés, on compte le Marquis d'Einfe, Lieutenant-Feld-Maréchal, le sieur de Siskowitz, Major Général, et les frères Comte de Brown, l'un Major Général blessé à la tête, l'autre Colonel avec une jambe cassée. Les officiers tués incluent un Major Général, probablement le sieur Hardeneck, le Baron de Buttler, et le Comte d'Etienne. Le Comte de Montazet, Maréchal de Camp au service de France, fut blessé à la tête mais se distingua dans une mêlée de cavalerie. Le Maréchal Daun eut son cheval blessé. Cette journée marque la fin d'une belle campagne et renforce la réputation du Maréchal Daun, le plaçant parmi les plus grands capitaines. En reconnaissance de ses services, les Etats d'Autriche offrirent au Comte de Daun trois cent mille florins pour racheter la Seigneurie de Ladendorff. Le 18 octobre, une symphonie fut jouée en hommage à ses exploits.
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