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401
p. 1719-1721
LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
Début :
Je n'ay jamais jusqu'à present repondu, Monsieur, à aucune des brochure [...]
Mots clefs :
Lettre, Critiques, Justice, Brochure satirique
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
LETTRE de M. de Voltaire , écrite à M.
de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner ,
prés de Londres.
J
E n'ay jamais jusqu'à present repondu
, Monsieur, à aucune des brochures
que l'on a imprimées contre moy , ou qui
ont été inserées dans les Journaux. J'ay
toujours cru que si les Critiques étoient
mauvaises , le Public en ferait justice
sans moy , et que si elles étoient bonnés,
je ne devois y répondre qu'en corrigean t
mes fautes.
D'ailleurs je n'ay jamais pû prendre
sur moy , de déffendre des ouvrages que
je n'ay jamais donnés qu'avec beaucoup
de défiance , et que je voudrois n'avoir
jamais hazardés dans le Public. Je suis
forcé aujourd'hui contre mon inclination
de vous prier de vouloir bien faire inserer
dans le Mercure cette réponse à Mr
les Auteurs du Nouveliste du Parnasse
et que j'ai l'honneur de vous envoyer.
"
Je
1720 MERCURE DE FRANCE
Je sçai combien peu il importe au Public
de sçavoir si j'ay fait ou non une.
brochure Satirique contre M. Capistron.
Mais j'ay cru devoir détromper ceux qui
lisent les Nouvelles Litteraires , j'ay cru
devoir à mon honneur , et à la verité ,
d'imposer du moins une fois en ma vie ,
un silence forcé à la calomnie. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que la seule recompen-.
se de ceux qui cultivent les beaux Arts .
est d'être accusés d'ouvrages indignes
d'eux . On m'a souvent attribué des Pieces
soit mediocres , soit absolument mauvaises
, telles , que je ne sçai quelle Satire
intitulée Jay vu , une miserable Ode ou
l'on attaquoit indignement un Ministre
respectable. Je connois les Auteurs de
ces lâches ouvrages . Je ne leur fais point
la confusion de les nommer , il me suffit
de défier la calomnie d'oser avancer que
j'aye jamais ou fait , ou montré , ou approuvé
un seul ouvrage Satirique. C'est
une déclaration authentique que je fais
dans cette Lettre aux Auteurs du Nouveliste
, et j'espere fermer la bouche pour
jamais à ceux qui m'imputent ces sottises ,
de même que j'invite les sages et vrais
Critiques à continuer d'éclairer les beaux
Arts par leurs reflexions. Je m'éleve contre
le Calomniateur , mais j'encourage
tous
JUILLET. 1731. 1721
tous mes Censeurs , et je me flate d'avoir
donné moy-même dans ce petit Ecrit
l'exemple d'une Critique pleine au moins
de bienséance , si elle ne l'est pas de raison.
Je me flatte , Monsieur , que vous la
ferez paroître dans le Mercure , d'autant
plus volontiers que vous n'y avez jamais
inseré aucune Satire , et que vous
avés trouvé le secret de plaire à tout le
monde , sans offenser personne. Le Mercure
, regardé autrefois comme un ou.
vrage frivole et méprisable , est devenu
entre vos mains un livre choisi , plein de
monuments curieux et necessaires à quiconque
veut sçavoir dans son Siecle l'Histoire
de l'Esprit humain . La Lettre que
je vous envoye ne merite d'y avoir place
qu'autant qu'elle est pleine de cet esprit
de verité que vous aimez . Je suis &c.
de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner ,
prés de Londres.
J
E n'ay jamais jusqu'à present repondu
, Monsieur, à aucune des brochures
que l'on a imprimées contre moy , ou qui
ont été inserées dans les Journaux. J'ay
toujours cru que si les Critiques étoient
mauvaises , le Public en ferait justice
sans moy , et que si elles étoient bonnés,
je ne devois y répondre qu'en corrigean t
mes fautes.
D'ailleurs je n'ay jamais pû prendre
sur moy , de déffendre des ouvrages que
je n'ay jamais donnés qu'avec beaucoup
de défiance , et que je voudrois n'avoir
jamais hazardés dans le Public. Je suis
forcé aujourd'hui contre mon inclination
de vous prier de vouloir bien faire inserer
dans le Mercure cette réponse à Mr
les Auteurs du Nouveliste du Parnasse
et que j'ai l'honneur de vous envoyer.
"
Je
1720 MERCURE DE FRANCE
Je sçai combien peu il importe au Public
de sçavoir si j'ay fait ou non une.
brochure Satirique contre M. Capistron.
Mais j'ay cru devoir détromper ceux qui
lisent les Nouvelles Litteraires , j'ay cru
devoir à mon honneur , et à la verité ,
d'imposer du moins une fois en ma vie ,
un silence forcé à la calomnie. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que la seule recompen-.
se de ceux qui cultivent les beaux Arts .
est d'être accusés d'ouvrages indignes
d'eux . On m'a souvent attribué des Pieces
soit mediocres , soit absolument mauvaises
, telles , que je ne sçai quelle Satire
intitulée Jay vu , une miserable Ode ou
l'on attaquoit indignement un Ministre
respectable. Je connois les Auteurs de
ces lâches ouvrages . Je ne leur fais point
la confusion de les nommer , il me suffit
de défier la calomnie d'oser avancer que
j'aye jamais ou fait , ou montré , ou approuvé
un seul ouvrage Satirique. C'est
une déclaration authentique que je fais
dans cette Lettre aux Auteurs du Nouveliste
, et j'espere fermer la bouche pour
jamais à ceux qui m'imputent ces sottises ,
de même que j'invite les sages et vrais
Critiques à continuer d'éclairer les beaux
Arts par leurs reflexions. Je m'éleve contre
le Calomniateur , mais j'encourage
tous
JUILLET. 1731. 1721
tous mes Censeurs , et je me flate d'avoir
donné moy-même dans ce petit Ecrit
l'exemple d'une Critique pleine au moins
de bienséance , si elle ne l'est pas de raison.
Je me flatte , Monsieur , que vous la
ferez paroître dans le Mercure , d'autant
plus volontiers que vous n'y avez jamais
inseré aucune Satire , et que vous
avés trouvé le secret de plaire à tout le
monde , sans offenser personne. Le Mercure
, regardé autrefois comme un ou.
vrage frivole et méprisable , est devenu
entre vos mains un livre choisi , plein de
monuments curieux et necessaires à quiconque
veut sçavoir dans son Siecle l'Histoire
de l'Esprit humain . La Lettre que
je vous envoye ne merite d'y avoir place
qu'autant qu'elle est pleine de cet esprit
de verité que vous aimez . Je suis &c.
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Résumé : LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
Dans une lettre du 30 juin 1731, Voltaire explique qu'il n'a jamais répondu aux critiques contre lui, préférant laisser le public juger. Il exprime sa réticence à défendre ses œuvres publiées avec prudence. Cependant, il se sent obligé de répondre aux auteurs du 'Nouveliste du Parnasse' pour démentir des accusations de brochures satiriques, notamment contre M. Capistron. Voltaire nie avoir écrit des œuvres médiocres ou mauvaises, comme une satire intitulée 'Jay vu' ou une ode attaquant un ministre respectable. Il défie ses détracteurs de prouver le contraire et invite les critiques sincères à continuer leur travail. Il espère que sa réponse, pleine de bienséance, sera publiée dans le 'Mercure de France', qu'il considère comme un ouvrage respecté et utile pour l'histoire de l'esprit humain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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402
p. 1721-1736
LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
Début :
MESSIEURS, On m'a fait tenir à la Campagne où je suis près de Canterbury, depuis quatre [...]
Mots clefs :
Nouvelliste, Canterbury, Lettres, Jalousie, Politesse française, Vérité, Ouvrages, Mémoire, Scène française
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
LETTRE de M. de Voltaire , à Messieurs
les Auteurs du Nouvellifte.
.
MESSIEURS
t
On m'a fait tenir à la Campagne où
E
je
1722 MERCURE
DE FRANCE
je suis près de Canterbury , depuis quatre
mois , les Lettres que vous publiez
avec succès en France depuis environ ce
tems.
J'ai vu dans votre dix - huitiéme Lettre
, des plaintes injurieuses que l'on vous
addresse contre moi , sur lesquelles il
est juste que j'aye l'honneur de vous écrire
, moins pour ma propre justification ,
que pour l'intérêt de la vérité.
Un ami , ou peut-être un parent de feu
M. de Campistron , me fait des reproches
pleins d'amertume et de dureté , de
ce que j'ai , dit il , insulté à la mémoire
de cet illustre Ecrivain dans une brochure
de ma façon , et que je me suis servi
de ces termes indécens de pauvre Campistron.
Il auroit, sans doute, raison de me
faire ce reproche , et vous Messieurs , de
l'imprimer, si j'avois , en effet , été coupa
ble d'une groffiereté si éloignée de mes
mours. C'a été pour moi une surprise
également vive et douloureuse , de voir
que l'on m'impute de pareilles sottises.
Je ne sçai ce que c'est que cette brochure
, je n'en ai jamais entendu parler.
Je n'ai fait aucune brochure en ma vie ;
et si jamais homme devoit être à l'abri
d'une pareille accusation , j'ose dire que
c'étoit moi , Messieurs.
DeJUILLET.
1731. 1723
Depuis l'âge de seize ans , où quel
ques Vers un peu satyriques , et par conséquent
très -condamnables avoient échapé
à l'imprudence de mon âge , et au
ressentiment d'une injuftice , je me suis
imposé la loi de ne jamais tomber dans
ce déteftable genre d'écrire. Je passe mes
jours dans les souffrances continuelles de
corps qui m'accablent , et dans l'étude
des bons Livres qui me console : j'apprens
quelquefois dans mon lit que l'on m'impute
à Paris des Pieces fugitives que je n'ai
jamais vûës , et que je ne verrai jamais ;
je ne puis attribuer ces accusations frivoles
à aucune jalousie d'Auteur ; car
qui pourroit être jaloux de moy ! mais
quelque motif qu'on ait pû avoir pour
me charger de pareils Ecrits , je déclare ici
une bonne fois pour toutes , qu'il n'y a
personne en France qui puisse dire que je
lui aye jamais fait voir , depuis que j'suis
hors de l'enfance , aucun Ecrit satyrique
en vers ou en prose. Et celui- là se
montre qui puisse seulement avancer que
j'aye jamais applaudi un seul de ces Ecrits ,
dont le mérite consiste à flater la malignité
humaine.
que
Non- seulement je ne me suis jamais
servi de termes injurieux , soit de bouche,
soit par écrit , en citant feu M. de Campistron
E ij
1724 MEAU
FRANCE DE
pistron , dont la mémoire ne doit pas être
indifferente aux Gens de Lettres , mais je,
me suis toûjours revolté contre cette coutume
impolie qu'ont prise plusieurs jeunes
Gens , d'appeller par leur simple
pom des Auteurs illuftres qui méritent
des égards.
›
J'ai trouvé toûjours indigne de la politesse
Françoise , et du respect que les
Hommes se doivent les uns aux autres ,
de dire Fontenelles , Chaulieu , Crebillon,
la Motte , Raimond , &c. et j'ose dire que
j'ai corrigé quelques personnes de ces manieres
indécentes de parler , qui sont toûjours
insultantes pour les vivans , et dont
on ne doit se servir envers les morts que
quand ils commencent à devenir anciens
pour nous. Le peu de Curieux qui pourront
jetter les yeux sur les Préfaces de
quelques Pieces de Théatre que j'ai hazardées
, verront que je dis toûjours le Grand
Corneille , qui a pour nous le mérite de
l'antiquité ; et je dis M. Racine et M. Despreaux
, parce qu'ils sont presque mes
contemporains .
Il est vrai que dans la Préface d'une
Tragédie addressée à Mylord Bullingbrooke
rendant compte à cet illustre
Anglois des défauts et des beautez de
notre Théatre , je me suis plaint avec justice
JUILLET. 1731. 1725
tice que la galanterie dégrade parmi nous
la dignité de la Scene ; j'ai dit , et je le
dis encore , que l'on avoit applaudi ces
Vers de l'Alcibiade indignes de la Tragédie.
Hélas ! qu'eſt - il besoin de m'en entretenir ?
Mon penchant à l'amour, je l'avouerai fans peine,
Fut de tous mes malheurs la cause trop certainé:
Mais bien qu'il m'ait causé des chagrins , des
soupirs ,
Je n'ai pu refuser mon ame à ses plaisirs :
Car enfin , Amintas , quoi qu'on en puisse dire ,'
Il n'eft rien de semblable à ce qu'il nous inspire
Où trouve-t- on ailleurs cette vive douceur
Capable d'enlever et de calmer un coeur ?
Ah! lorsque penetré d'un amour véritable ,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable ,
J'ai connu dans ses yeux timides ou distraits
Que mes soins de son coeur avoient troublé la
·
paix ;
Que par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle ;
Dans ces tendres instans j'ai toujours éprouvé
Qu'un mortel peut sentir un honheur achevé .
J'aurois pû dire avec la même vérité ,
que les derniers Ouvrages du Grand Cor
'neille sont indignes de lui et fort infé-
E iij rieurs
1726 MERCURE DE FRANCE
rieurs à cet Alcibiade , et que la Berenice
de M. Racine n'eft qu'une Elegie bien
écrite , sans offenser la mémoire de ces
grands Hommes. Ce sont les fautes des
Ecrivains illustres qui nous instruisent ;
j'ai crû même faire honneur à M. de Campistron
en le citant à des Etrangers à qui
je parlois de la Scéne Françoise , de même
que je croirois rendre hommage à la mémoire
de l'inimitable Moliere , si pour
faire sentir les défauts de notre Scéne comique
, je disois que d'ordinaire les intrigues
de nos Comédies ne sont ménagées
que par des Valets , que les plaisanteries
ne sont presque jamais dans la bouche des
Maîtres , et que j'apportasse en preuve la
plupart des Pieces de ce charmant génie ,
qui malgré ce défaut et celui de ses dénouëmens
, est si au- dessus de Plaute et
de Terence .
J'ai ajoûté qu'Alcibiade est une Piece
suivie , mais foiblement écrite ; le défenseur
de M. de Campistron m'en fait un
crime ; mais qu'il me soit permis de me
servir de la réponse d'Horace.
Nempe incomposito dixi pede currere versus
Lucili quis tam lucili fautor inepte eft
Ut non hoc fateatur ?
JUILLET. 1731 1727
·
On me demande ce que j'entends par
un stile foible , je pourrois répondre , le
mien. Mais je vais tâcher de débrouiller
cette idée , afin que cet Ecrit ne soit pas
absolument inutile , et que ne pouvant
- par mon exemple prouver ce que c'est
qu'un stile noble et fort , j'essaye au moins
d'expliquer mes conjectures , et de justifier
ce que je pense en général d'un ftile de
la Tragedie d'Alcibiade.
Le stile fort et vigoureux , tel qu'il
convient à la Tragedie , est celui qui ne
dit ni trop ni trop peu , et qui fait toujours
des Tableaux à l'esprit , sans s'écarter
un moment de la passion.
Ainsi Cléopâtre dans la Rodogune
s'écrie :
> Trône , à t'abandonner je ne puis consentir
Par un coup de tonnere il en vaut mieux fortir
Tombe sur moi le Ciel pourvû que je me vange.
.. Voilà du stile très- fort , et peut être
trop.
Le Vers qui suit
Il vaut mieux meriter le sort le plus étrange ,
est du stile le plus foible.
> Le stile foible , non- seulement en Tra
gédie , mais en toute Poësie , consiste en-
E. iiij
core
1728
MERCURE DE FRANCE
core à laisser tomber ses Vers deux à deux;
sans entremêler de longues périodes et de
courtes , et sans varier la mesure , à rimer
trop en épithetes , à prodiguer des
expressions trop communes , à répéter
souvent les mêmes mots , à ne pas se servir
à propos des
conjonctions qui paroissent
inutiles aux esprits peu instruits , et
qui
contribuent cependant beaucoup à l'élegance
du Discours.
Tantumferiesjuncturaque pollent.
Ce sont toutes ces finesses
imperceptibles
qui font en même tems la difficulté
et la perfection de l'Art. In tenui labor
at tenuis non gloria.
J'ouvre dans ce moment le Volume
des Tragedies de M. de
Campistron , et
je vois à la premiere Scéne de l'Alcibiade .
Quelle que soit pour nous la tendresse des Rois ,
Un moment leur suffit pour faire un autre choix .
Je dis que ces Vers sans être absolument
mauvais , sont foibles et sans beauté.
Pierre Corneille ayant la même chose à
dire ,
s'exprime ainsi :
Et malgré ce pouvoir dont l'éclat nous séduir,
Si-tôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous
détruit ,
Ce
JUILLET. 1731. 1729
Ce quelle que soit de l'Alcibiade fait languir
le Vers ; de plus , Un moment leur
suffit pourfaire un autre choix , ne fait pas à
beaucoup près une peinture si vive que ce
Vers ; Si-tôt qu'il nous veut perdre , un coup
d'oeil nous détruit.
Je vois dans ces premieres Scénes d'Alcibiade
:
Mille exemples connus de ces fameux revers.
Affoiblit notre empire ; et dans mille combats,
Nous cache mille soins dont il est agité.
El a mille vertus dignes du diadême.
Le sort le plus cruel , mille tourmens affreux.
Je dis que ce mot mille si souvent rế-
peté , et sur tout dans des Vers assez läches
, affoiblit le stile au point de le gâter;
que la Piece est pleine de ces termes oisifs
, qui remplissent languissamment l'Emistiche
des Vers : je m'offre de prouver
à qui voudra , que presque tous les Vers
de cet Ouvrage sont énervez par ces pe
tits défauts de détail , qui répandent leur
langueur sur toute la diction. Si j'avois
vécu du tems de M. de Campistron , et
que j'eusse eû l'honneur d'être son ami , je
lui aurois dit à lui-même ce que je dis ici
au Public , et j'aurois fait tous mes efforts.
pour obtenir de lui qu'il retouchât le stile
E v de
1730 MERCURE DE FRANCE
de cette Piece , qui seroit devenue avec
plus de soin un très - bon Ouvrage. En
un mor , je lui aurois parlé , comme je
fais ici , pour la perfection d'un Art qu'il
cultivoit d'ailleurs avec succès.
Le fameux Acteur qui représenta si
long- tems Alcibiade , cachoit toutes les
foiblesses de la diction par les charmes:
de son recit : en effet , l'on peut dire d'une
Tragedie comme d'une Histoire : Historia
quoque modo scripta benè legitur,et Tragedia
quoque modo scripta benè representatur,
mais les yeux duLecteur sont des juges plus.
difficiles que les oreilles du Spectateur.
Celui qui lit ces Vers d'Alcibiade.
Je répondrai , Seigneur , avec la liberté ,
D'un Grec qui ne sçait pas cacher la verité.
se ressouvient à l'instant de ces deux beaux
Vers de Britannicus ..
e répondrai , Madame , avec la liberté ,.
D'un Soldat qui sçait mal farder la vérité..
Il voit d'abord que les Vers de M. Ra-.
cine sont pleins d'une harmonie singu
liere , qui caractérise en quelque façon
par cette cesure coupée , d'un Soldat
, au lieu que les Vers d'Alcibiade sont
rampans et sans force. En second lieu , il
Burrus
cft
JUILLET. 1731. 1731
est choqué d'une imitation si marquée.
En troisiéme lieu , il ne peut
souffrir que
le citoyen d'un pays renommé par l'Eloquence
et par l'artifice , donne à ces
mêmes Grecs un caractére qu'ils n'avoient
pas.
Vous allez attaquer des peubles indomptables , "
Sur leurs propres foyers plus qu'ailleurs redou
tables..
On voit par tout la même langeur de
stile. Ces rimes d'Epithetes indomptables
redoutables , choquent l'oreille délicate du
connoisseur qui veut des choses , et qui
ne trouve que des sons. Sur leurs propres
foyers plus qu'ailleurs , est trop simple même
pour de la Prose..
Je n'ai trouvé aucun homme de Lettres
qui n'ait été de mon avis , et qui ne soit
convenu avec moi que le stile de cette
Piece est en général très-languissant. J'ajoûterai
même que c'eft la diction seule
qui abbaisse M. de Campistron au des
sous de Monsieur Racine . J'ai toûjours
soutenu que les Pieces de M. de
Campistron étoient pour le moins aussi
régulierement conduites , que toutes celles
de l'illustre Racine ; mais il n'y a que
la Poësie de stile qui fasse la perfection :
des Ouvrages en vers. M. de Campistrom
E vj.
l'ai
#732 MERCURE DE FRANCE
l'a toûjours trop negligée , il n'a imité ſe
coloris de M. Racine que d'un pinceau timide
; il manque à cet Auteur , d'ailleurs
judicieux et tendre , ces beautés de détail
, et ces expressions heureuses qui sont
l'ame de la Poësie , et qui font le mérite
des Homere , des Virgile , des Tasse , des
Milton , des Pope , des Corneille , des Racine
, des Boileau..
Je n'ai donc avancé qu'une verité , et
même une verité utile pour les Belles- Lettres
, et c'est parce qu'elle est vérité qu'elle
m'attire des injures.
vante que
L'Anonime ( quel qu'il soit ) me dit à
la suite de plusieurs personnalitez , que je
suis un trés- mauvais modéle . Mais au
moins il ne le dit qu'après moi , je ne me
de connoître mon art et mon
impuissance. Il dit d'ailleurs ( ce qui n'est
point une injure , mais une Critique
permise , que ma Tragedie de Brutus est
très-défectueuse. Qui le sçait mieux que
moi ? C'est parce que j'étois très- convaincu
des défauts de cette Piece , que je la
refusai constamment un an entier aux
Comédiens. Depuis même je l'ai fort retouchée
, j'ai retourné ce terrain ingrat où
j'avois travaillé si long- tems avec tant de
peine et si peu de fruit. Il n'y a aucun de
mes foibles Ouvrages , que je ne corrige
tous
JUILLET. 1731. 1733
-
tous les jours dans les intervalles de mes
maladies. Non seulement je vois mes
fautes , mais j'ai obligation à ceux qui
m'en reprennent , et je n'ai jamais répondu
à une Critique , qu'en tâchant de me
corriger.
Cette verité que j'aime dans les autres,.
j'ai droit d'exiger que les autres la souffrent
en moi . M. de la Motte sçait avec
quelle franchise je lui ai parlé , et que je
l'estime assez pour lui dire , quand j'ai
l'honneur de le voir , quelques défauts
que je crois appercevoir dans ses ingénieux
Ouvrages. Il seroit honteux que la flaterie
infectât le petit nombre d'hommes qui
pensent. Mais plus j'aime la verité
plus je haïs et dédaigne la Satire , qui n'est
jamais que le langage de l'envie. Les Auteurs
qui veulent apprendre à penser aux
autres hommes , doivent leur donner des
exemples de politesse comme d'éloquence
, et joindre les bienséances de la société
à celles du stile. Faut- il que ceux qui cherchent
la gloire , courent à la honte par
leurs querelles litteraires , et que les Gens
d'esprit deviennent souvent la risée des
sots !
On m'a souvent envoyé en Angleterre
des Epigrammes et des petites Satyres contre
M. de Fontenelle ; j'ai eu soin de dire
pous
1734 MERCURE DE FRANCE
pour l'honneur de mes compatriotes , que
ces petits traits qu'on lui décoche , ressemblent
aux injures que l'esclave disoit autrefois
aux triomphateurs. Je crois que c'est
être bon François de détourner autant qu'il
est en moi, le soupçon qu'on a dans les Païs
étrangers , que les François ne rendent jamais
justice à leurs contemporains. Soyons:
justes , Messieurs , ne craignons ni de blâmer
, ni surtout de louer , ce qui le mérite.
Ne lisons point Pertharite , mais
pleurons à Polieucte . Oublions avec M. de
Fontenelle des Lettres composées dans sa
jeunesse , mais apprenons par coeur , s'il
est possible , les Mondes , la Préface de
l'Académie des Sciences , & c. Disons si
vous voulez , à M. de la Motte , qu'il n'a
pas assez bien traduit l'Iliade , mais n'oublions
pas un mot des belles Odes et des
autres Pieces heureuses qu'il a faites. C'est
ne pas payer ses dettes , que de refuser de
justes louanges . Elles sont l'unique récompense
des Gens de Lettres , et qui
Leur payera ce tribut : si- non nous , qui
courant à peu près la même carriere , de
vons connoître mieux que d'autres la difficulté
et le prix d'un bon Ouvrage ?
J'ai entendu dire souvent en France que
tout est dégénéré , et qu'il y a en tout
genre une disette d'hommes étonnante..
Les
JUILLET. 1737 1735
Les Etrangers n'entendent à Paris que
ces discours ; et ils nous croient aisément
sur notre parole cependant quel est le
siécle où l'esprit humain ait fait plus de
progrès que parmi nous ? Voici un jeune
homme de seize ans qui exécute en effet
ce qu'on a dit autrefois de M. Pascal , et
qui donne un Traité sur les Courbes qui
feroit honneuraux plus grands Géometres ..
L'esprit de raison pénetre si bien dans les
Ecoles , qu'elles commencent à rejetter
également , et les absurditez inintelligi
bles d'Aristote , et les chiméres ingénieuses
de Descartes. Combien d'excellentes
Hisroires n'avons nous pas depuis trente
ans ? Il y en a telle qui se lit avec plus de:
plaisir que Philippes de Comines ; il est
vrai qu'on n'ose l'avouer tout haut , parce
que l'Aureur est encore vivant , et le
moyen d'estimer un contemporain autant
qu'un homme mort il y a plus de deux
cens ans !
Ploravêre suis non respondere favorem
Speratum meritis .
Personne n'ose convenir franchement
des richesses de son siècle . Nous sommes.
comme les avares qui disent toûjours que
le tems est dur. J'abuse de votre patience ,,
Messieurs
JJ
1736 MERCURE DE FRANCE
Messieurs , pardonnez cette longue Lettre
et toutes ces réflexions , au devoir d'un
honnête homme qui a dû se justifier, et à
mon amour extrême pour les Lettres
pour ma Patrie et pour la vérité. Je suis ,
Messieurs , &c. VOLTAIRE.
A Fakener , près de Canterbury , ce 20.
Fuin. 1. Juillet.
les Auteurs du Nouvellifte.
.
MESSIEURS
t
On m'a fait tenir à la Campagne où
E
je
1722 MERCURE
DE FRANCE
je suis près de Canterbury , depuis quatre
mois , les Lettres que vous publiez
avec succès en France depuis environ ce
tems.
J'ai vu dans votre dix - huitiéme Lettre
, des plaintes injurieuses que l'on vous
addresse contre moi , sur lesquelles il
est juste que j'aye l'honneur de vous écrire
, moins pour ma propre justification ,
que pour l'intérêt de la vérité.
Un ami , ou peut-être un parent de feu
M. de Campistron , me fait des reproches
pleins d'amertume et de dureté , de
ce que j'ai , dit il , insulté à la mémoire
de cet illustre Ecrivain dans une brochure
de ma façon , et que je me suis servi
de ces termes indécens de pauvre Campistron.
Il auroit, sans doute, raison de me
faire ce reproche , et vous Messieurs , de
l'imprimer, si j'avois , en effet , été coupa
ble d'une groffiereté si éloignée de mes
mours. C'a été pour moi une surprise
également vive et douloureuse , de voir
que l'on m'impute de pareilles sottises.
Je ne sçai ce que c'est que cette brochure
, je n'en ai jamais entendu parler.
Je n'ai fait aucune brochure en ma vie ;
et si jamais homme devoit être à l'abri
d'une pareille accusation , j'ose dire que
c'étoit moi , Messieurs.
DeJUILLET.
1731. 1723
Depuis l'âge de seize ans , où quel
ques Vers un peu satyriques , et par conséquent
très -condamnables avoient échapé
à l'imprudence de mon âge , et au
ressentiment d'une injuftice , je me suis
imposé la loi de ne jamais tomber dans
ce déteftable genre d'écrire. Je passe mes
jours dans les souffrances continuelles de
corps qui m'accablent , et dans l'étude
des bons Livres qui me console : j'apprens
quelquefois dans mon lit que l'on m'impute
à Paris des Pieces fugitives que je n'ai
jamais vûës , et que je ne verrai jamais ;
je ne puis attribuer ces accusations frivoles
à aucune jalousie d'Auteur ; car
qui pourroit être jaloux de moy ! mais
quelque motif qu'on ait pû avoir pour
me charger de pareils Ecrits , je déclare ici
une bonne fois pour toutes , qu'il n'y a
personne en France qui puisse dire que je
lui aye jamais fait voir , depuis que j'suis
hors de l'enfance , aucun Ecrit satyrique
en vers ou en prose. Et celui- là se
montre qui puisse seulement avancer que
j'aye jamais applaudi un seul de ces Ecrits ,
dont le mérite consiste à flater la malignité
humaine.
que
Non- seulement je ne me suis jamais
servi de termes injurieux , soit de bouche,
soit par écrit , en citant feu M. de Campistron
E ij
1724 MEAU
FRANCE DE
pistron , dont la mémoire ne doit pas être
indifferente aux Gens de Lettres , mais je,
me suis toûjours revolté contre cette coutume
impolie qu'ont prise plusieurs jeunes
Gens , d'appeller par leur simple
pom des Auteurs illuftres qui méritent
des égards.
›
J'ai trouvé toûjours indigne de la politesse
Françoise , et du respect que les
Hommes se doivent les uns aux autres ,
de dire Fontenelles , Chaulieu , Crebillon,
la Motte , Raimond , &c. et j'ose dire que
j'ai corrigé quelques personnes de ces manieres
indécentes de parler , qui sont toûjours
insultantes pour les vivans , et dont
on ne doit se servir envers les morts que
quand ils commencent à devenir anciens
pour nous. Le peu de Curieux qui pourront
jetter les yeux sur les Préfaces de
quelques Pieces de Théatre que j'ai hazardées
, verront que je dis toûjours le Grand
Corneille , qui a pour nous le mérite de
l'antiquité ; et je dis M. Racine et M. Despreaux
, parce qu'ils sont presque mes
contemporains .
Il est vrai que dans la Préface d'une
Tragédie addressée à Mylord Bullingbrooke
rendant compte à cet illustre
Anglois des défauts et des beautez de
notre Théatre , je me suis plaint avec justice
JUILLET. 1731. 1725
tice que la galanterie dégrade parmi nous
la dignité de la Scene ; j'ai dit , et je le
dis encore , que l'on avoit applaudi ces
Vers de l'Alcibiade indignes de la Tragédie.
Hélas ! qu'eſt - il besoin de m'en entretenir ?
Mon penchant à l'amour, je l'avouerai fans peine,
Fut de tous mes malheurs la cause trop certainé:
Mais bien qu'il m'ait causé des chagrins , des
soupirs ,
Je n'ai pu refuser mon ame à ses plaisirs :
Car enfin , Amintas , quoi qu'on en puisse dire ,'
Il n'eft rien de semblable à ce qu'il nous inspire
Où trouve-t- on ailleurs cette vive douceur
Capable d'enlever et de calmer un coeur ?
Ah! lorsque penetré d'un amour véritable ,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable ,
J'ai connu dans ses yeux timides ou distraits
Que mes soins de son coeur avoient troublé la
·
paix ;
Que par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle ;
Dans ces tendres instans j'ai toujours éprouvé
Qu'un mortel peut sentir un honheur achevé .
J'aurois pû dire avec la même vérité ,
que les derniers Ouvrages du Grand Cor
'neille sont indignes de lui et fort infé-
E iij rieurs
1726 MERCURE DE FRANCE
rieurs à cet Alcibiade , et que la Berenice
de M. Racine n'eft qu'une Elegie bien
écrite , sans offenser la mémoire de ces
grands Hommes. Ce sont les fautes des
Ecrivains illustres qui nous instruisent ;
j'ai crû même faire honneur à M. de Campistron
en le citant à des Etrangers à qui
je parlois de la Scéne Françoise , de même
que je croirois rendre hommage à la mémoire
de l'inimitable Moliere , si pour
faire sentir les défauts de notre Scéne comique
, je disois que d'ordinaire les intrigues
de nos Comédies ne sont ménagées
que par des Valets , que les plaisanteries
ne sont presque jamais dans la bouche des
Maîtres , et que j'apportasse en preuve la
plupart des Pieces de ce charmant génie ,
qui malgré ce défaut et celui de ses dénouëmens
, est si au- dessus de Plaute et
de Terence .
J'ai ajoûté qu'Alcibiade est une Piece
suivie , mais foiblement écrite ; le défenseur
de M. de Campistron m'en fait un
crime ; mais qu'il me soit permis de me
servir de la réponse d'Horace.
Nempe incomposito dixi pede currere versus
Lucili quis tam lucili fautor inepte eft
Ut non hoc fateatur ?
JUILLET. 1731 1727
·
On me demande ce que j'entends par
un stile foible , je pourrois répondre , le
mien. Mais je vais tâcher de débrouiller
cette idée , afin que cet Ecrit ne soit pas
absolument inutile , et que ne pouvant
- par mon exemple prouver ce que c'est
qu'un stile noble et fort , j'essaye au moins
d'expliquer mes conjectures , et de justifier
ce que je pense en général d'un ftile de
la Tragedie d'Alcibiade.
Le stile fort et vigoureux , tel qu'il
convient à la Tragedie , est celui qui ne
dit ni trop ni trop peu , et qui fait toujours
des Tableaux à l'esprit , sans s'écarter
un moment de la passion.
Ainsi Cléopâtre dans la Rodogune
s'écrie :
> Trône , à t'abandonner je ne puis consentir
Par un coup de tonnere il en vaut mieux fortir
Tombe sur moi le Ciel pourvû que je me vange.
.. Voilà du stile très- fort , et peut être
trop.
Le Vers qui suit
Il vaut mieux meriter le sort le plus étrange ,
est du stile le plus foible.
> Le stile foible , non- seulement en Tra
gédie , mais en toute Poësie , consiste en-
E. iiij
core
1728
MERCURE DE FRANCE
core à laisser tomber ses Vers deux à deux;
sans entremêler de longues périodes et de
courtes , et sans varier la mesure , à rimer
trop en épithetes , à prodiguer des
expressions trop communes , à répéter
souvent les mêmes mots , à ne pas se servir
à propos des
conjonctions qui paroissent
inutiles aux esprits peu instruits , et
qui
contribuent cependant beaucoup à l'élegance
du Discours.
Tantumferiesjuncturaque pollent.
Ce sont toutes ces finesses
imperceptibles
qui font en même tems la difficulté
et la perfection de l'Art. In tenui labor
at tenuis non gloria.
J'ouvre dans ce moment le Volume
des Tragedies de M. de
Campistron , et
je vois à la premiere Scéne de l'Alcibiade .
Quelle que soit pour nous la tendresse des Rois ,
Un moment leur suffit pour faire un autre choix .
Je dis que ces Vers sans être absolument
mauvais , sont foibles et sans beauté.
Pierre Corneille ayant la même chose à
dire ,
s'exprime ainsi :
Et malgré ce pouvoir dont l'éclat nous séduir,
Si-tôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous
détruit ,
Ce
JUILLET. 1731. 1729
Ce quelle que soit de l'Alcibiade fait languir
le Vers ; de plus , Un moment leur
suffit pourfaire un autre choix , ne fait pas à
beaucoup près une peinture si vive que ce
Vers ; Si-tôt qu'il nous veut perdre , un coup
d'oeil nous détruit.
Je vois dans ces premieres Scénes d'Alcibiade
:
Mille exemples connus de ces fameux revers.
Affoiblit notre empire ; et dans mille combats,
Nous cache mille soins dont il est agité.
El a mille vertus dignes du diadême.
Le sort le plus cruel , mille tourmens affreux.
Je dis que ce mot mille si souvent rế-
peté , et sur tout dans des Vers assez läches
, affoiblit le stile au point de le gâter;
que la Piece est pleine de ces termes oisifs
, qui remplissent languissamment l'Emistiche
des Vers : je m'offre de prouver
à qui voudra , que presque tous les Vers
de cet Ouvrage sont énervez par ces pe
tits défauts de détail , qui répandent leur
langueur sur toute la diction. Si j'avois
vécu du tems de M. de Campistron , et
que j'eusse eû l'honneur d'être son ami , je
lui aurois dit à lui-même ce que je dis ici
au Public , et j'aurois fait tous mes efforts.
pour obtenir de lui qu'il retouchât le stile
E v de
1730 MERCURE DE FRANCE
de cette Piece , qui seroit devenue avec
plus de soin un très - bon Ouvrage. En
un mor , je lui aurois parlé , comme je
fais ici , pour la perfection d'un Art qu'il
cultivoit d'ailleurs avec succès.
Le fameux Acteur qui représenta si
long- tems Alcibiade , cachoit toutes les
foiblesses de la diction par les charmes:
de son recit : en effet , l'on peut dire d'une
Tragedie comme d'une Histoire : Historia
quoque modo scripta benè legitur,et Tragedia
quoque modo scripta benè representatur,
mais les yeux duLecteur sont des juges plus.
difficiles que les oreilles du Spectateur.
Celui qui lit ces Vers d'Alcibiade.
Je répondrai , Seigneur , avec la liberté ,
D'un Grec qui ne sçait pas cacher la verité.
se ressouvient à l'instant de ces deux beaux
Vers de Britannicus ..
e répondrai , Madame , avec la liberté ,.
D'un Soldat qui sçait mal farder la vérité..
Il voit d'abord que les Vers de M. Ra-.
cine sont pleins d'une harmonie singu
liere , qui caractérise en quelque façon
par cette cesure coupée , d'un Soldat
, au lieu que les Vers d'Alcibiade sont
rampans et sans force. En second lieu , il
Burrus
cft
JUILLET. 1731. 1731
est choqué d'une imitation si marquée.
En troisiéme lieu , il ne peut
souffrir que
le citoyen d'un pays renommé par l'Eloquence
et par l'artifice , donne à ces
mêmes Grecs un caractére qu'ils n'avoient
pas.
Vous allez attaquer des peubles indomptables , "
Sur leurs propres foyers plus qu'ailleurs redou
tables..
On voit par tout la même langeur de
stile. Ces rimes d'Epithetes indomptables
redoutables , choquent l'oreille délicate du
connoisseur qui veut des choses , et qui
ne trouve que des sons. Sur leurs propres
foyers plus qu'ailleurs , est trop simple même
pour de la Prose..
Je n'ai trouvé aucun homme de Lettres
qui n'ait été de mon avis , et qui ne soit
convenu avec moi que le stile de cette
Piece est en général très-languissant. J'ajoûterai
même que c'eft la diction seule
qui abbaisse M. de Campistron au des
sous de Monsieur Racine . J'ai toûjours
soutenu que les Pieces de M. de
Campistron étoient pour le moins aussi
régulierement conduites , que toutes celles
de l'illustre Racine ; mais il n'y a que
la Poësie de stile qui fasse la perfection :
des Ouvrages en vers. M. de Campistrom
E vj.
l'ai
#732 MERCURE DE FRANCE
l'a toûjours trop negligée , il n'a imité ſe
coloris de M. Racine que d'un pinceau timide
; il manque à cet Auteur , d'ailleurs
judicieux et tendre , ces beautés de détail
, et ces expressions heureuses qui sont
l'ame de la Poësie , et qui font le mérite
des Homere , des Virgile , des Tasse , des
Milton , des Pope , des Corneille , des Racine
, des Boileau..
Je n'ai donc avancé qu'une verité , et
même une verité utile pour les Belles- Lettres
, et c'est parce qu'elle est vérité qu'elle
m'attire des injures.
vante que
L'Anonime ( quel qu'il soit ) me dit à
la suite de plusieurs personnalitez , que je
suis un trés- mauvais modéle . Mais au
moins il ne le dit qu'après moi , je ne me
de connoître mon art et mon
impuissance. Il dit d'ailleurs ( ce qui n'est
point une injure , mais une Critique
permise , que ma Tragedie de Brutus est
très-défectueuse. Qui le sçait mieux que
moi ? C'est parce que j'étois très- convaincu
des défauts de cette Piece , que je la
refusai constamment un an entier aux
Comédiens. Depuis même je l'ai fort retouchée
, j'ai retourné ce terrain ingrat où
j'avois travaillé si long- tems avec tant de
peine et si peu de fruit. Il n'y a aucun de
mes foibles Ouvrages , que je ne corrige
tous
JUILLET. 1731. 1733
-
tous les jours dans les intervalles de mes
maladies. Non seulement je vois mes
fautes , mais j'ai obligation à ceux qui
m'en reprennent , et je n'ai jamais répondu
à une Critique , qu'en tâchant de me
corriger.
Cette verité que j'aime dans les autres,.
j'ai droit d'exiger que les autres la souffrent
en moi . M. de la Motte sçait avec
quelle franchise je lui ai parlé , et que je
l'estime assez pour lui dire , quand j'ai
l'honneur de le voir , quelques défauts
que je crois appercevoir dans ses ingénieux
Ouvrages. Il seroit honteux que la flaterie
infectât le petit nombre d'hommes qui
pensent. Mais plus j'aime la verité
plus je haïs et dédaigne la Satire , qui n'est
jamais que le langage de l'envie. Les Auteurs
qui veulent apprendre à penser aux
autres hommes , doivent leur donner des
exemples de politesse comme d'éloquence
, et joindre les bienséances de la société
à celles du stile. Faut- il que ceux qui cherchent
la gloire , courent à la honte par
leurs querelles litteraires , et que les Gens
d'esprit deviennent souvent la risée des
sots !
On m'a souvent envoyé en Angleterre
des Epigrammes et des petites Satyres contre
M. de Fontenelle ; j'ai eu soin de dire
pous
1734 MERCURE DE FRANCE
pour l'honneur de mes compatriotes , que
ces petits traits qu'on lui décoche , ressemblent
aux injures que l'esclave disoit autrefois
aux triomphateurs. Je crois que c'est
être bon François de détourner autant qu'il
est en moi, le soupçon qu'on a dans les Païs
étrangers , que les François ne rendent jamais
justice à leurs contemporains. Soyons:
justes , Messieurs , ne craignons ni de blâmer
, ni surtout de louer , ce qui le mérite.
Ne lisons point Pertharite , mais
pleurons à Polieucte . Oublions avec M. de
Fontenelle des Lettres composées dans sa
jeunesse , mais apprenons par coeur , s'il
est possible , les Mondes , la Préface de
l'Académie des Sciences , & c. Disons si
vous voulez , à M. de la Motte , qu'il n'a
pas assez bien traduit l'Iliade , mais n'oublions
pas un mot des belles Odes et des
autres Pieces heureuses qu'il a faites. C'est
ne pas payer ses dettes , que de refuser de
justes louanges . Elles sont l'unique récompense
des Gens de Lettres , et qui
Leur payera ce tribut : si- non nous , qui
courant à peu près la même carriere , de
vons connoître mieux que d'autres la difficulté
et le prix d'un bon Ouvrage ?
J'ai entendu dire souvent en France que
tout est dégénéré , et qu'il y a en tout
genre une disette d'hommes étonnante..
Les
JUILLET. 1737 1735
Les Etrangers n'entendent à Paris que
ces discours ; et ils nous croient aisément
sur notre parole cependant quel est le
siécle où l'esprit humain ait fait plus de
progrès que parmi nous ? Voici un jeune
homme de seize ans qui exécute en effet
ce qu'on a dit autrefois de M. Pascal , et
qui donne un Traité sur les Courbes qui
feroit honneuraux plus grands Géometres ..
L'esprit de raison pénetre si bien dans les
Ecoles , qu'elles commencent à rejetter
également , et les absurditez inintelligi
bles d'Aristote , et les chiméres ingénieuses
de Descartes. Combien d'excellentes
Hisroires n'avons nous pas depuis trente
ans ? Il y en a telle qui se lit avec plus de:
plaisir que Philippes de Comines ; il est
vrai qu'on n'ose l'avouer tout haut , parce
que l'Aureur est encore vivant , et le
moyen d'estimer un contemporain autant
qu'un homme mort il y a plus de deux
cens ans !
Ploravêre suis non respondere favorem
Speratum meritis .
Personne n'ose convenir franchement
des richesses de son siècle . Nous sommes.
comme les avares qui disent toûjours que
le tems est dur. J'abuse de votre patience ,,
Messieurs
JJ
1736 MERCURE DE FRANCE
Messieurs , pardonnez cette longue Lettre
et toutes ces réflexions , au devoir d'un
honnête homme qui a dû se justifier, et à
mon amour extrême pour les Lettres
pour ma Patrie et pour la vérité. Je suis ,
Messieurs , &c. VOLTAIRE.
A Fakener , près de Canterbury , ce 20.
Fuin. 1. Juillet.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
Voltaire, depuis Canterbury, répond aux accusations publiées dans le Mercure de France. Un ami ou parent de feu M. de Campistron l'accuse d'avoir insulté la mémoire de cet écrivain dans une brochure. Voltaire nie catégoriquement avoir écrit cette brochure et affirme n'avoir jamais produit d'écrits satiriques depuis l'âge de seize ans. Il souligne qu'il passe ses jours dans les souffrances physiques et l'étude des bons livres, et qu'il n'a jamais été impliqué dans des écrits injurieux. Voltaire explique qu'il respecte la mémoire des auteurs illustres et qu'il a toujours évité d'utiliser des termes impolis pour parler des écrivains. Il mentionne avoir critiqué la pièce 'Alcibiade' de Campistron pour son style faible, mais sans intention d'insulter l'auteur. Il compare des vers de Campistron à ceux de Corneille et Racine pour illustrer ses points sur la qualité du style. Voltaire conclut en affirmant qu'il n'a fait que dire la vérité sur les défauts de la pièce, ce qui lui a attiré des injures. Il reconnaît les défauts de ses propres œuvres et les corrige constamment. Dans une autre lettre, Voltaire exprime son attachement à la vérité et son aversion pour la satire, qu'il considère comme le langage de l'envie. Il souligne l'importance de la politesse et des bienséances dans les écrits littéraires. Voltaire mentionne avoir reçu des épigrammes contre M. de Fontenelle et affirme que ces attaques ressemblent aux insultes d'un esclave envers un triomphateur. Il encourage à rendre justice aux contemporains et à louer les œuvres méritantes, citant des exemples comme les 'Mondes' de Fontenelle et les traductions de M. de la Motte. Voltaire conteste l'idée que la France manque d'hommes de talent, citant des progrès récents en mathématiques et en histoire. Il critique ceux qui se plaignent de la dégénérescence de leur époque et affirme que le siècle actuel a vu des avancées significatives. Il conclut en se justifiant pour la longueur de sa lettre, motivée par son amour pour les lettres, la patrie et la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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403
p. 1736
ENIGME.
Début :
Je vais ; où ? d'où je viens ; actif ou paresseux, [...]
Mots clefs :
Fleuve
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E vais ; ou d'où je viens ; actif ou paresseux,
Dans ma course , rien ne m'arrête ;
Je n'ai jamais ni pied , ni tête ,
J'ay des bras , point de mains ; devine si tu peux
E vais ; ou d'où je viens ; actif ou paresseux,
Dans ma course , rien ne m'arrête ;
Je n'ai jamais ni pied , ni tête ,
J'ay des bras , point de mains ; devine si tu peux
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404
p. 1736-1737
LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis quelquefois de Métal, [...]
Mots clefs :
Flambeau
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
E suis quelquefois de Métal ,
Et quelquefois aussi je suis d'autre matiere ;
Mais l'on peut dire en géneral ,
Qu'ingenument je sers à la lumiere ,
Voulez- vous de mon corps sçavoir l'arangement.
De huit membres on le compose ,
Coupez ma tête seulement ,
Il vous restera peu de chose ,
Renversez
JUILLET 1737 1731.
Renversez à present ma premiere moitié ;
Autant que l'on peut on l'évite ;
L'autre dans son integrité ,
Fait de certains objets la gloire et le mérite ,
Otez la tête encor , je suis un Element ;
Un , six et huit , je fus pris dans le Firmament ;
Un , deux , trois , quatre et six , désigne ma com
pagne;
Cinq , trois , deux , cercle de plaisir ;
Plus souvent à la Ville encor qu'en la Campagne ,
Je suis le charme du loisir.
E suis quelquefois de Métal ,
Et quelquefois aussi je suis d'autre matiere ;
Mais l'on peut dire en géneral ,
Qu'ingenument je sers à la lumiere ,
Voulez- vous de mon corps sçavoir l'arangement.
De huit membres on le compose ,
Coupez ma tête seulement ,
Il vous restera peu de chose ,
Renversez
JUILLET 1737 1731.
Renversez à present ma premiere moitié ;
Autant que l'on peut on l'évite ;
L'autre dans son integrité ,
Fait de certains objets la gloire et le mérite ,
Otez la tête encor , je suis un Element ;
Un , six et huit , je fus pris dans le Firmament ;
Un , deux , trois , quatre et six , désigne ma com
pagne;
Cinq , trois , deux , cercle de plaisir ;
Plus souvent à la Ville encor qu'en la Campagne ,
Je suis le charme du loisir.
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405
p. 1737-1738
AUTRE.
Début :
Communément je suis d'une humeur vagabonde ; [...]
Mots clefs :
Polisson
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
Ommunément je suis d'une humeur vaga+
C
bonde ;
Je porte un nom décrédité ,
Et fort méprisé dans le monde.
Lorsque je suis joli ( c'est une rareté. )
Je fais pourtant plaisir dans la societé .
Or pour me deviner il faut que l'on arrange ,
Huit lettres; écoutez, voici comme on les change.
Otez-en la troisiéme et je suis à l'instant ,
Tout-à-fait d'une autre figure ,
Toujours maigre de ma nature ;
Plus , ôtez la cinquième et je puis aisément
Vous enlever la vie ,
Si l'on ne m'arrête soudain ;
Un , quatre , cinq, sept , huit , je vous nomme
un Romain ,
Du
1738 MERCURE DE FRANCE
Du tems de l'Epoux de Livie.
Retranchez de mon tout ma seconde partie ,
Je suis dans tous les lieux aimé ,
Puis dans ce mot vous trouverez nommé ,
Par une nouvelle structure ,
Un vêtement que la Naturë ,
elle - même formé ;
A
par
Six , sept , huit , pour nourrir un animal immonde
,
Je prens ma naissance aux Moulins ;
Trois , quatre et six , je crois aux Champs comme
aux Jardins ,
Et j'orne l'Ecusson du plus grand Roi du monde.
Cinq , deux , trois , sept et huit , je suis le nom
fameux ,
D'un Legislateur de la Grece ,
En Latin, six, deux , trois, je donne idée expresse
De l'Astre le plus lumineux .
Huit et quatre , avec trois , d'une Terre lointaine,
J'entretiens la fécondité.
Alors renversez-moi je deviendrai la graine ,
Dne herbe qu'on ourdit avec dexterité.
Trois , quatre , sept et huit , sans être épouvanté,
Qui pourra soutenir ma rage meurtriere ,
Et le bruit affreux de ma voix ?
Trois , sept , deux , avec huit , près de l'Orleannois
,
Je suis le nom d'une Riviere.
Ommunément je suis d'une humeur vaga+
C
bonde ;
Je porte un nom décrédité ,
Et fort méprisé dans le monde.
Lorsque je suis joli ( c'est une rareté. )
Je fais pourtant plaisir dans la societé .
Or pour me deviner il faut que l'on arrange ,
Huit lettres; écoutez, voici comme on les change.
Otez-en la troisiéme et je suis à l'instant ,
Tout-à-fait d'une autre figure ,
Toujours maigre de ma nature ;
Plus , ôtez la cinquième et je puis aisément
Vous enlever la vie ,
Si l'on ne m'arrête soudain ;
Un , quatre , cinq, sept , huit , je vous nomme
un Romain ,
Du
1738 MERCURE DE FRANCE
Du tems de l'Epoux de Livie.
Retranchez de mon tout ma seconde partie ,
Je suis dans tous les lieux aimé ,
Puis dans ce mot vous trouverez nommé ,
Par une nouvelle structure ,
Un vêtement que la Naturë ,
elle - même formé ;
A
par
Six , sept , huit , pour nourrir un animal immonde
,
Je prens ma naissance aux Moulins ;
Trois , quatre et six , je crois aux Champs comme
aux Jardins ,
Et j'orne l'Ecusson du plus grand Roi du monde.
Cinq , deux , trois , sept et huit , je suis le nom
fameux ,
D'un Legislateur de la Grece ,
En Latin, six, deux , trois, je donne idée expresse
De l'Astre le plus lumineux .
Huit et quatre , avec trois , d'une Terre lointaine,
J'entretiens la fécondité.
Alors renversez-moi je deviendrai la graine ,
Dne herbe qu'on ourdit avec dexterité.
Trois , quatre , sept et huit , sans être épouvanté,
Qui pourra soutenir ma rage meurtriere ,
Et le bruit affreux de ma voix ?
Trois , sept , deux , avec huit , près de l'Orleannois
,
Je suis le nom d'une Riviere.
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406
p. [1839]-1841
ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Début :
Heureux le Mortel qui redoute, [...]
Mots clefs :
Psaume, Lois, Gloire, Ardeur , Vaisseau, Adversité, Bienfaiteur, Port de l'Éternité, Abondance, Juge suprême
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
ODE SA CREE,
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
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Résumé : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Le poème 'ODE SA CREE' du Psaume 'Beatus vir' célèbre les vertus et les bénédictions de l'homme juste et pieux. Cet homme est heureux car il respecte les lois divines et suit le droit chemin avec ardeur. Sa sagesse et sa richesse sont éternelles, et sa descendance est puissante, honorée et féconde. En période de difficulté, Dieu protège l'homme équitable, qui parle avec prudence et aide les indigents. Son bonheur reste inébranlable malgré l'envie et la calomnie. Il place son espérance en Dieu, qui le défend contre les méchants et renforce son courage jusqu'à l'éternité. Ses actions justes et généreuses perdurent à travers les temps, tandis que le pécheur, dans sa rage, maudit en vain le Juge suprême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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407
p. 1841-1854
EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
Début :
Le Sçavant qui a écrit la Lettre dont l'Extrait est inseré dans le Mercure [...]
Mots clefs :
Explication physique, Diocèse de Beauvais, Paroisse d'Ansacq, Sons, Bruits, Tonnerre, Vibrations, Ondulations, Fermentation, Parties salines
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
EXPLICATION Physique des bruits
entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq,
Diocèse de Beauvais , dont il est
parlé dans le second Volume du Mercure
de France du mois de Décembre 1730.
par M. Capperon , Ancien Doyen de
Saint Maxent.
LF savit quiseterdans le Mercure
E Sçavant qui a écrit la Lettre dont
du mois de , Février dernier m'invite
d'une maniere trop gracieuse à donner
une explication Physique des bruits entendus
à Ansacq , pour queje ne fasse pas
quelque effort pour le satisfaire . Je le fais
d'autant plus volontiers ,que je suis persua
dé que ce qu'il y a d'obligeant dans sa
A iij
Let1842
MERCURE DE FRANCE
›
Lettre vient de la seule bienveillance
qu'il a pour moi , et non de ce que j'ai
pû faire qui ait mérité son attention .
Il s'agit donc de donner une explication
physique de ces bruits qui ont été entendus
en l'air, dans la Paroisse d'Ansacq , proche
de Clermont en Beauvoisis , dont la Relation
a été écrite par le Curé du Lieu avec
beaucoup d'exactitude et d'esprit .
Pour entrer tout d'un coup ´en matiere
, je dis, que, quoique ces bruits qu'on
entend dans l'air ne soient pas bien frequens
, ils ne laissent pas d'arriver quelque
fois. L'Auteur de la Lettre écrite de Bourgogne
cite deux Particuliers qui lui ont
assuré avoir entendus des bruits à peu
près semblables ; sçavoir , l'un en Suisse
et l'autre dans la Bourgogne.
Voici même qu'on nous apprend par
une Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May , que de pareils bruits se
sont fait entendre pendant le mois d'Octobre
de l'année derniere , dans un Lieu
que l'on ne nomme pas .
Si nous voulons aller plus loin , l'Auteur
de la Lettre écrite de Bourgogne dit ,
qu'il croit avoir lû dans laChronique d'Helinand
, Moine de Froidmont , qui vivoit
sur la fin du XII . siécle, un fait semblable.
La même chose arriva du tems de saint
Mamert
OKAATO US T. 1731 1843 .
"
Mamert , Evêque de Vienne , c'est-à- dire ,
vers l'an 469. car au rapport de saint
Avit de Vienne et de saint Cesaire d'Arles,
citez par M. Baillet ( a ) on 'entendit plusieurs
fois dans l'air de ces sortes de bruits
pendant la nuit , dont non - seulement
les hommes furent extrémement effrayez ,
mais les animaux mêmes , puisqu'il est
dit , que les Loups et les Cerfs , sortoient
des Forêts , et fuyoient jusques dans les
Villes , ce qui avoit été précédé de frequens
Tremblemens de Terre dans le
Dauphiné où cela se passoit ; et c'est à la
frayeur que causerent ces évenemens rares
et toujours formidables , que les Prieres
des Rogations doivent leur origine.g
Long- tems avant tout cela, (b) Pline avoit
rapporté que lorsque les Romains firent
la Guerre aux Danois , on entendit plusieurs
fois dans l'air unbruit tel que celui
qui se fait dans le tems d'un combat par
le cliquetis des armes , et un autre qui
ressembloit au son des trompettes :
ce qui revient assez au bruit entendu à
Ansacq , puisqu'outre le bruit tumul-
(a) Histoire des Rogations.
(b) Armorum crepitus , et tuba sonitus auditos
è cælo cimbricis bellis accepimus et postea. &c.
Plin. Natur. Hist. lib. 2. cap . 57.
A iiij tueux,
1844 MERCURE DE FRANCE
tueux , on y entendoit aussi comme un
son de Trompette.
Quoiqu'il ne soit donc pas nouveau
d'ertendre dans l'air ces sortes de bruits
et de sons , on peut dire cependant
qu'ils sont toûjours assez rares et ce
n'est que parce qu'ils arrivent si peu souvent
, qu'on en est plus surpris lorsqu'on
les entend , et qu'on ne sçait à quoi en
attribuer la véritable cause ; ce fait n'étant
pas jusqu'à present venu à la connoissance
de Gens délivrez des préjugez
populaires , et qui fussent disposez
à en chercher la cause dans une bonne
Physique. Voyons maintenant si nous
pourrons découvrir comment ces sortes
de sons et de bruits peuvent naturellement
se former dans l'air.
J'avoue qu'il est difficile de comprendre
que cela puisse arriver dans un air
très-pur : car cet air peut bien , à la vérité,
par son mouvement et son agitation , rencontrant
des corps solides diversement figurez
, former diverses sortes de sons ;
mais que des bruits tels des bruits tels que ceux d'Ansacq
, puissent être causés par un agitation
intérieure qui se formeroit dans un
air aussi pur qu'on le suppose , c'est ce
qu'on ne peut raisonnablement penser. <
Il n'en est pas de même de l'air grossier
rempil
AOUST. 1731. 1845
rempli d'exhalaisons et de vapeurs , dans
lequel il est constant qu'il se peut former
des sons et des bruits . Nous en
avons une preuve sensible dans le bruit
formidable du Tonnerre , qui se fait si
souvent entendre dans l'air , lequel est
causé par une sorte de fermentation chaude
, produite dans un nuage , par le mélange
des parties sulphureuses , salines et
terrestres , qui y sont contenuës . Comme
dans cette fermentation le soufre
par consequent le feu , sont de la partie
, il ne faut pas être surpris si la détonation
étant violente , les vibrations
et les ondulations de l'air en sont plus
fortes et plus grandes , d'où il en résulte
des sons plus éclatans et plus terribles.
,
Une fermentation chaude et enflammée
qui se fait dans l'air , étant donc capable
de former des sons et des bruits trèsviolens
, il y a tout lieu de présumer, que
s'il s'y fait des fermentations froides plus
moderées , par un simple mélange des
parties salines avec des parties terrestres
Il s'y formera aussi des sons et des bruits ,
moins grands,à la vérité,que ceux du tonnerre
, mais toujours très -sensibles et frapans.
D'ailleurs ces fermentations doivent
être rares ; parce que la chaleur faisant
élever facilement dans l'air , les parties
AY
sulphu
>
1846 MERCURE DE FRANCE
que
sulphureuses de la terre , il s'ensuit
rarement les parties salines et terrestres
doivent s'y trouver absolument destituées
de quelque mélange de soufre : et
c'est justement parce que ces fermentations
froides se font rarement dans l'air ,
qu'on entend peu souvent les bruits et les
sons qu'elles y forment ; et que quand ,
cela est arrivé , ça été dans des temps et
des lieux , où personne ne s'est avisé d'en
rechercher la cause naturelle : c'est ce
qui a fait que jusqu'à present cette matiere
n'a pas été approfondie.
>
par-
Il me paroît néanmoins , qu'il n'est pas
si difficile de le faire : puisqu'il n'y a qu'à
transporter à l'air grossier, rempli de
ties salines et terrestres ce qu'on voit
tous les jours arriver dans d'autres liquides
, où se font ces sortes de fermentations
froides , tels , par exemple , que le
Vin, le Cidre, et la Bierre , qui fermentent
dans un muid , ou ce qui se fait souvent
dans la mer , lorsqu'elle fait un bruit assez
grand, pour qu'il soit quelquefois entendu
à cinq ou six lieuës loin de son rivage.
Je crois qu'on ne peut pas douter que
ce ne soit une fermentation froide qui se
fait dans le Vin ou dans le Cidre nouveaux
qui soit la cause du bruit er du
murmure assez sensible qui s'entend dan
>
e lc
AOUST. 1731. 1847
.
les muids , où ces liquides et ces sucs sont
contenus ; ce qui n'arrive , que parce que
la matiere subtile , répandue dans tout
'Univers , et qui fait seule la liquidité des
fluides,'agitant continuellement leurs parties
grossieres , poreuses et tartareuses et
d'autres plus fines et plus déliées , par
ses tourbillonnemens , elle les pousse si
vivement les unes contre les autres , que
Les petites s'introduisent par ce moyen
dans les pores des plus grossieres ; et
voilà ce qui fait la fermentation , qui
cause le gouflement , le bouillonnement
de ces liquides , et le bruit qui en résulte .
Car ces parties fines et déliées , entrant
dans les pores parties grossieres , elles
en chassent nécessairement l'air qui y étoit
renfermé ; ce qui lui donne lieu de s'élancer
assez violemment hors de ces liquides
, en les faisant , non seulement gonfler
et bouillonner , mais causant encore
le bruit et le murmure qu'on entend pendant
tout le tems que la fermentation
dure 3 parce que cet air ne peut pas s'échaper
avec quelque impetuosité hors de
la superficie de ces liquides par differens
endroits , qu'il ne frappe avec force l'air
extérieur , et qu'il n'y cause des secousses
et des vibrations assez fortes , pour
ébran ler le sens de l'oüie ; et former par
A vi con
des
1848 MERCURE DE FRANCE
consequent , en même- tems , ce bruit et
ce murmure qu'on entend.
Ce terrible mugissement, pour ainsi dire,
que fait quelquefois la mer , vient d'une
fermentation à peu près pareille ; car
comme nous en sommes ici fort proches,
j'ai été curieux de voir de quelle maniere
la chose se passoit , dans le tems que ce
bruit se faisoit fortement entendre ; et je
vis étant sur le rivage , que c'étoit dans
l'interieur des eaux , que se faisoit tout le
mouvement qui causoit ce bruit , la mer
' en étant pas pour cela plus agitée audehors
d'où j'ai conclu , qu'il est à croire,
que les Rivieres et les pluyes font continuellement
entrer dans la mer une infinité
de parties terrestres , dans lesquelles
beaucoup de particules d'air se trouvent
aussi renfermées et emprisonnées.
Mais parce que l'eau de la mer à cause
de sa grossiereté , ne peut pas seule faire
une dissolution assez parfaite de ces molécules
terrestres , pour chasser l'air qui
y est envelope ; s'il arrive que dans certain
espace de mer , il s'éleve de son fond
une vapeur remplie d'un Sel acide , fin
et délicat , c'est alors , que la matiere subtile
qui cause la fluidité de ses eaux , s'emparant
des éguilles fines et pointues de ce
Sel , elle les pousse violemment contre
ces
AOUST. 1731. 1849
ces molécules ; et les faisant entrer violemment
comme autant de petits coins
dans leurs pores , elle en brise et en
écarte les parties avec plus de facilité.
Les particules de Pair ont au même
instant la liberté de s'échaper de leur pri
son ; et leurs petits ressorts se débondant
, elles font alors dans l'eau de mer,
les mêmes effets qu'elles operent lorsqu'el
les échapent dans le Vin ou dans le Ĉidre
qui fermentent, c'est-à - dire , qui si elles ne
le font pas gonfler , à cause de la trop
grande étendue de ses eaux , ni trop
visiblement bouillonner , à cause du moument
extérieur de ses vagues , au moins
en s'échapant par une infinité d'endroits
de sa superficie , elles frappent l'air extérieur
avec d'autant plus de force , qu'el
les se trouvent réunies en plus grand nombre
, d'où il en résulte un bruit d'autang
plus éclatant.
Il ne reste maintenant qu'à appliquer
tout ce que je viens de dire,aux Akousmates
en général , et en particulier aux bruits.
entendus à Ansacq. Car si des fermentations
froides , qui se font dans les liquides
tels que le Vin , le Cidre , l'eau de mer ,
forment et causent naturellement des
sons; de pareilles fermentations pouvant
se faire également dans l'air , il est clair
qu'elles
1850 MERCURE DE FRANCE
qu'elles y peuvent aussi former des bruits
et des sons. Or il est hors de doute , que
dans les vapeurs qui s'élevent en l'air , il
y en a qui emportent avec elles quan
tité de parties simplement terrestres
qui contiennent aussi de l'air , et quantité
d'aurres parties purement salines. Mes
Observations sur les Sels , contenus dans
l'air , me l'ont fait assez connoître.
Personne ne peut donc disconvenir ,
que ces parties terrestres et salines , se
trouvant ramassées ensemble dans un
nuage , elles ne puissent y fermenter
comme elles font dans la Mer , et par
conséquent y former des sons plus ou
moins grands , selon que le nuage au
ra plus ou moins d'étendue et d'épais
seur , et qui paroîtront plus ou moins éloignés
, suivant que le nuage se trouvera
plus ou moins loin.
D'ailleurs cela peut arriver dans certains
Cantons , plutôt que dans d'autres,
soit parce qu'il s'y trouve beaucoup plus
de cette espece de Sel , ou qu'il s'y en
fait dans de certains temps une éva
poration plus grande ; ou enfin parce
qu'il y arrive quelque remüement ou
Tremblement de Terre , qui contribue
à cette évaporation , propre à former
dans l'air la fermentation convenable
pour
A O UST . 1731. 1851
,
pour y causer ces sortes de bruits .
Pendant cette fermentation , si l'air
renfermé dans le Nuage en échape tout
à la fois , comme dans la mer , par quantité
d'endroits , il se formera alors un
bruit confus de sons differens , soit tel
que le cliquetis des armes ,
armes , ainsi que le
rapporte Pline , soit tel qu'un bruit confus
de differentes sortes de voix , comme
on l'a entendu à Ansacq , si l'air s'en
échappe assez violemment par une longue
traînée alors il formera des sons
semblables à ceux des trompettes , ou
tels que ceux de divers Instrumens
lon le plus ou le moins de force
de continuité , avec laquelle il s'échaperą.
>
>
seon
Car si l'air s'échape du nuage avec une
impétuosité considerable , qui approche
de plus près de ce qui se fait pendant
le Tonnerre , les bruits seront plus éclatans
et causeront beaucoup plus de
frayeur , non seulement aux hommes ,
mais même aux animaux , par la singularité
de ces sortes de bruits , auxquels
les Bêtes ne sont pas accoutumées , ce qui
a pû donner lieu aux Loups et aux Cerfs
de fuir hors des Bois et des Forêts , ainsi
qu'il est arrivé au temps de saint Mamert
; et aux Moutons , ou autres Animaux
,
1852 MERCURE DE FRANCE
maux , de forcer leurs parcs , et fuir de
tous côtez comme cela est arrivé en
Suisse et à Ansacq .
>
Enfin si cet échapement de l'air hors
du nuage se fait plus lentement , mais
néanmoins avec quelque durée ; alors on
entendra comme des gémissemens : et c'est
ce qu'on observe tous les jours , lorsqu'on
met sur le feu une Marmite remplie
d'eau ; car chacun sçait , qu'au mo
ment que l'eau vient a s'échauffer , on
est souvent surpris d'entendre tout à coup
comme une voix plaintive , qui sort de
la Marmite ; ce qui ne vient pareillement
, que par une traînée d'air , poussée
hors de l'eau par le feu , qui s'en
échape et en sort avec quelque lenteur
par un seul endroit.
Je dirai en passant , que des Particuliers
de cette Ville , ayant mis dans une
marmite pleine d'eau un coeur de Mouton
et d'autres visceres , pour connoître
par des observations superstisieuses , l'Auteur
d'un prétendu maléfice , jetté à ce
qu'ils croyoient sur leurs chevaux un
bruit plaintif qui sortit de l'eau , leur
fit imaginer que c'étoit le Diable qui étoit
descendu par la cheminée , et qui hurloit
dans la marmite , ils s'enfuirent tous à
l'instant , et abandonnercnt leur opération
superstitieuse.
,
Сон
A O UST. 1731. 1853
Concluons donc de tout ce que je
viens de dire , que les Akousmates , et
les bruits entendus à Ansacq et ailleurs
, se sont naturellement formés dans
un nuage , qui étoit posé sur les lieux où
on les entendoit,ou au moins qui en étoit
peu éloigné ; ajoutons que cela est plus
vrai - semblable , que de croire , comme
le dit l'Auteur du Mémoire , inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier , que
la chose s'est faite par l'addresse de quelque
Particulier , qui a sçû causer ces sortes
de bruits , pour avoir le plaisir de
donner l'épouvante à ceux qui les ont
entendus : parce qu'on ne peut pas raisonnablement
présumer qu'un particulier
qui auroit voulu se donner ce
plaisir , eût pû tenir la chose si secrete,
que personne n'en eût eû la moindre connoissance
, et qu'on lui en eût gardé un
parfait secret, qu'il en cût été de même dans
tous les temps et tous les lieux , ou de
semblables bruits se sont fait entendre.
Peut-on croire que tous ceux qui au- “
roient eu une telle addresse , auroient toujours
voulu la tenir cachée? c'est ce que leur
amour propre ne leur auroit jamais permis.
Les nommez Philibert et Loillet,
dont parle l'Auteur du Mémoire n'ont
eû garde de tenir leur talent caché et se-
>
cret.
1854 MERCURE DE FRANCE
cret. On vient même de faire connoître
par la Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May dernier , et dont j'ai parlé
cy-dessus , que la chose n'a jamais pû se
faire par un semblable moyen.
A la Ville d'Eu , le 20. de Juin 1731 .
entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq,
Diocèse de Beauvais , dont il est
parlé dans le second Volume du Mercure
de France du mois de Décembre 1730.
par M. Capperon , Ancien Doyen de
Saint Maxent.
LF savit quiseterdans le Mercure
E Sçavant qui a écrit la Lettre dont
du mois de , Février dernier m'invite
d'une maniere trop gracieuse à donner
une explication Physique des bruits entendus
à Ansacq , pour queje ne fasse pas
quelque effort pour le satisfaire . Je le fais
d'autant plus volontiers ,que je suis persua
dé que ce qu'il y a d'obligeant dans sa
A iij
Let1842
MERCURE DE FRANCE
›
Lettre vient de la seule bienveillance
qu'il a pour moi , et non de ce que j'ai
pû faire qui ait mérité son attention .
Il s'agit donc de donner une explication
physique de ces bruits qui ont été entendus
en l'air, dans la Paroisse d'Ansacq , proche
de Clermont en Beauvoisis , dont la Relation
a été écrite par le Curé du Lieu avec
beaucoup d'exactitude et d'esprit .
Pour entrer tout d'un coup ´en matiere
, je dis, que, quoique ces bruits qu'on
entend dans l'air ne soient pas bien frequens
, ils ne laissent pas d'arriver quelque
fois. L'Auteur de la Lettre écrite de Bourgogne
cite deux Particuliers qui lui ont
assuré avoir entendus des bruits à peu
près semblables ; sçavoir , l'un en Suisse
et l'autre dans la Bourgogne.
Voici même qu'on nous apprend par
une Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May , que de pareils bruits se
sont fait entendre pendant le mois d'Octobre
de l'année derniere , dans un Lieu
que l'on ne nomme pas .
Si nous voulons aller plus loin , l'Auteur
de la Lettre écrite de Bourgogne dit ,
qu'il croit avoir lû dans laChronique d'Helinand
, Moine de Froidmont , qui vivoit
sur la fin du XII . siécle, un fait semblable.
La même chose arriva du tems de saint
Mamert
OKAATO US T. 1731 1843 .
"
Mamert , Evêque de Vienne , c'est-à- dire ,
vers l'an 469. car au rapport de saint
Avit de Vienne et de saint Cesaire d'Arles,
citez par M. Baillet ( a ) on 'entendit plusieurs
fois dans l'air de ces sortes de bruits
pendant la nuit , dont non - seulement
les hommes furent extrémement effrayez ,
mais les animaux mêmes , puisqu'il est
dit , que les Loups et les Cerfs , sortoient
des Forêts , et fuyoient jusques dans les
Villes , ce qui avoit été précédé de frequens
Tremblemens de Terre dans le
Dauphiné où cela se passoit ; et c'est à la
frayeur que causerent ces évenemens rares
et toujours formidables , que les Prieres
des Rogations doivent leur origine.g
Long- tems avant tout cela, (b) Pline avoit
rapporté que lorsque les Romains firent
la Guerre aux Danois , on entendit plusieurs
fois dans l'air unbruit tel que celui
qui se fait dans le tems d'un combat par
le cliquetis des armes , et un autre qui
ressembloit au son des trompettes :
ce qui revient assez au bruit entendu à
Ansacq , puisqu'outre le bruit tumul-
(a) Histoire des Rogations.
(b) Armorum crepitus , et tuba sonitus auditos
è cælo cimbricis bellis accepimus et postea. &c.
Plin. Natur. Hist. lib. 2. cap . 57.
A iiij tueux,
1844 MERCURE DE FRANCE
tueux , on y entendoit aussi comme un
son de Trompette.
Quoiqu'il ne soit donc pas nouveau
d'ertendre dans l'air ces sortes de bruits
et de sons , on peut dire cependant
qu'ils sont toûjours assez rares et ce
n'est que parce qu'ils arrivent si peu souvent
, qu'on en est plus surpris lorsqu'on
les entend , et qu'on ne sçait à quoi en
attribuer la véritable cause ; ce fait n'étant
pas jusqu'à present venu à la connoissance
de Gens délivrez des préjugez
populaires , et qui fussent disposez
à en chercher la cause dans une bonne
Physique. Voyons maintenant si nous
pourrons découvrir comment ces sortes
de sons et de bruits peuvent naturellement
se former dans l'air.
J'avoue qu'il est difficile de comprendre
que cela puisse arriver dans un air
très-pur : car cet air peut bien , à la vérité,
par son mouvement et son agitation , rencontrant
des corps solides diversement figurez
, former diverses sortes de sons ;
mais que des bruits tels des bruits tels que ceux d'Ansacq
, puissent être causés par un agitation
intérieure qui se formeroit dans un
air aussi pur qu'on le suppose , c'est ce
qu'on ne peut raisonnablement penser. <
Il n'en est pas de même de l'air grossier
rempil
AOUST. 1731. 1845
rempli d'exhalaisons et de vapeurs , dans
lequel il est constant qu'il se peut former
des sons et des bruits . Nous en
avons une preuve sensible dans le bruit
formidable du Tonnerre , qui se fait si
souvent entendre dans l'air , lequel est
causé par une sorte de fermentation chaude
, produite dans un nuage , par le mélange
des parties sulphureuses , salines et
terrestres , qui y sont contenuës . Comme
dans cette fermentation le soufre
par consequent le feu , sont de la partie
, il ne faut pas être surpris si la détonation
étant violente , les vibrations
et les ondulations de l'air en sont plus
fortes et plus grandes , d'où il en résulte
des sons plus éclatans et plus terribles.
,
Une fermentation chaude et enflammée
qui se fait dans l'air , étant donc capable
de former des sons et des bruits trèsviolens
, il y a tout lieu de présumer, que
s'il s'y fait des fermentations froides plus
moderées , par un simple mélange des
parties salines avec des parties terrestres
Il s'y formera aussi des sons et des bruits ,
moins grands,à la vérité,que ceux du tonnerre
, mais toujours très -sensibles et frapans.
D'ailleurs ces fermentations doivent
être rares ; parce que la chaleur faisant
élever facilement dans l'air , les parties
AY
sulphu
>
1846 MERCURE DE FRANCE
que
sulphureuses de la terre , il s'ensuit
rarement les parties salines et terrestres
doivent s'y trouver absolument destituées
de quelque mélange de soufre : et
c'est justement parce que ces fermentations
froides se font rarement dans l'air ,
qu'on entend peu souvent les bruits et les
sons qu'elles y forment ; et que quand ,
cela est arrivé , ça été dans des temps et
des lieux , où personne ne s'est avisé d'en
rechercher la cause naturelle : c'est ce
qui a fait que jusqu'à present cette matiere
n'a pas été approfondie.
>
par-
Il me paroît néanmoins , qu'il n'est pas
si difficile de le faire : puisqu'il n'y a qu'à
transporter à l'air grossier, rempli de
ties salines et terrestres ce qu'on voit
tous les jours arriver dans d'autres liquides
, où se font ces sortes de fermentations
froides , tels , par exemple , que le
Vin, le Cidre, et la Bierre , qui fermentent
dans un muid , ou ce qui se fait souvent
dans la mer , lorsqu'elle fait un bruit assez
grand, pour qu'il soit quelquefois entendu
à cinq ou six lieuës loin de son rivage.
Je crois qu'on ne peut pas douter que
ce ne soit une fermentation froide qui se
fait dans le Vin ou dans le Cidre nouveaux
qui soit la cause du bruit er du
murmure assez sensible qui s'entend dan
>
e lc
AOUST. 1731. 1847
.
les muids , où ces liquides et ces sucs sont
contenus ; ce qui n'arrive , que parce que
la matiere subtile , répandue dans tout
'Univers , et qui fait seule la liquidité des
fluides,'agitant continuellement leurs parties
grossieres , poreuses et tartareuses et
d'autres plus fines et plus déliées , par
ses tourbillonnemens , elle les pousse si
vivement les unes contre les autres , que
Les petites s'introduisent par ce moyen
dans les pores des plus grossieres ; et
voilà ce qui fait la fermentation , qui
cause le gouflement , le bouillonnement
de ces liquides , et le bruit qui en résulte .
Car ces parties fines et déliées , entrant
dans les pores parties grossieres , elles
en chassent nécessairement l'air qui y étoit
renfermé ; ce qui lui donne lieu de s'élancer
assez violemment hors de ces liquides
, en les faisant , non seulement gonfler
et bouillonner , mais causant encore
le bruit et le murmure qu'on entend pendant
tout le tems que la fermentation
dure 3 parce que cet air ne peut pas s'échaper
avec quelque impetuosité hors de
la superficie de ces liquides par differens
endroits , qu'il ne frappe avec force l'air
extérieur , et qu'il n'y cause des secousses
et des vibrations assez fortes , pour
ébran ler le sens de l'oüie ; et former par
A vi con
des
1848 MERCURE DE FRANCE
consequent , en même- tems , ce bruit et
ce murmure qu'on entend.
Ce terrible mugissement, pour ainsi dire,
que fait quelquefois la mer , vient d'une
fermentation à peu près pareille ; car
comme nous en sommes ici fort proches,
j'ai été curieux de voir de quelle maniere
la chose se passoit , dans le tems que ce
bruit se faisoit fortement entendre ; et je
vis étant sur le rivage , que c'étoit dans
l'interieur des eaux , que se faisoit tout le
mouvement qui causoit ce bruit , la mer
' en étant pas pour cela plus agitée audehors
d'où j'ai conclu , qu'il est à croire,
que les Rivieres et les pluyes font continuellement
entrer dans la mer une infinité
de parties terrestres , dans lesquelles
beaucoup de particules d'air se trouvent
aussi renfermées et emprisonnées.
Mais parce que l'eau de la mer à cause
de sa grossiereté , ne peut pas seule faire
une dissolution assez parfaite de ces molécules
terrestres , pour chasser l'air qui
y est envelope ; s'il arrive que dans certain
espace de mer , il s'éleve de son fond
une vapeur remplie d'un Sel acide , fin
et délicat , c'est alors , que la matiere subtile
qui cause la fluidité de ses eaux , s'emparant
des éguilles fines et pointues de ce
Sel , elle les pousse violemment contre
ces
AOUST. 1731. 1849
ces molécules ; et les faisant entrer violemment
comme autant de petits coins
dans leurs pores , elle en brise et en
écarte les parties avec plus de facilité.
Les particules de Pair ont au même
instant la liberté de s'échaper de leur pri
son ; et leurs petits ressorts se débondant
, elles font alors dans l'eau de mer,
les mêmes effets qu'elles operent lorsqu'el
les échapent dans le Vin ou dans le Ĉidre
qui fermentent, c'est-à - dire , qui si elles ne
le font pas gonfler , à cause de la trop
grande étendue de ses eaux , ni trop
visiblement bouillonner , à cause du moument
extérieur de ses vagues , au moins
en s'échapant par une infinité d'endroits
de sa superficie , elles frappent l'air extérieur
avec d'autant plus de force , qu'el
les se trouvent réunies en plus grand nombre
, d'où il en résulte un bruit d'autang
plus éclatant.
Il ne reste maintenant qu'à appliquer
tout ce que je viens de dire,aux Akousmates
en général , et en particulier aux bruits.
entendus à Ansacq. Car si des fermentations
froides , qui se font dans les liquides
tels que le Vin , le Cidre , l'eau de mer ,
forment et causent naturellement des
sons; de pareilles fermentations pouvant
se faire également dans l'air , il est clair
qu'elles
1850 MERCURE DE FRANCE
qu'elles y peuvent aussi former des bruits
et des sons. Or il est hors de doute , que
dans les vapeurs qui s'élevent en l'air , il
y en a qui emportent avec elles quan
tité de parties simplement terrestres
qui contiennent aussi de l'air , et quantité
d'aurres parties purement salines. Mes
Observations sur les Sels , contenus dans
l'air , me l'ont fait assez connoître.
Personne ne peut donc disconvenir ,
que ces parties terrestres et salines , se
trouvant ramassées ensemble dans un
nuage , elles ne puissent y fermenter
comme elles font dans la Mer , et par
conséquent y former des sons plus ou
moins grands , selon que le nuage au
ra plus ou moins d'étendue et d'épais
seur , et qui paroîtront plus ou moins éloignés
, suivant que le nuage se trouvera
plus ou moins loin.
D'ailleurs cela peut arriver dans certains
Cantons , plutôt que dans d'autres,
soit parce qu'il s'y trouve beaucoup plus
de cette espece de Sel , ou qu'il s'y en
fait dans de certains temps une éva
poration plus grande ; ou enfin parce
qu'il y arrive quelque remüement ou
Tremblement de Terre , qui contribue
à cette évaporation , propre à former
dans l'air la fermentation convenable
pour
A O UST . 1731. 1851
,
pour y causer ces sortes de bruits .
Pendant cette fermentation , si l'air
renfermé dans le Nuage en échape tout
à la fois , comme dans la mer , par quantité
d'endroits , il se formera alors un
bruit confus de sons differens , soit tel
que le cliquetis des armes ,
armes , ainsi que le
rapporte Pline , soit tel qu'un bruit confus
de differentes sortes de voix , comme
on l'a entendu à Ansacq , si l'air s'en
échappe assez violemment par une longue
traînée alors il formera des sons
semblables à ceux des trompettes , ou
tels que ceux de divers Instrumens
lon le plus ou le moins de force
de continuité , avec laquelle il s'échaperą.
>
>
seon
Car si l'air s'échape du nuage avec une
impétuosité considerable , qui approche
de plus près de ce qui se fait pendant
le Tonnerre , les bruits seront plus éclatans
et causeront beaucoup plus de
frayeur , non seulement aux hommes ,
mais même aux animaux , par la singularité
de ces sortes de bruits , auxquels
les Bêtes ne sont pas accoutumées , ce qui
a pû donner lieu aux Loups et aux Cerfs
de fuir hors des Bois et des Forêts , ainsi
qu'il est arrivé au temps de saint Mamert
; et aux Moutons , ou autres Animaux
,
1852 MERCURE DE FRANCE
maux , de forcer leurs parcs , et fuir de
tous côtez comme cela est arrivé en
Suisse et à Ansacq .
>
Enfin si cet échapement de l'air hors
du nuage se fait plus lentement , mais
néanmoins avec quelque durée ; alors on
entendra comme des gémissemens : et c'est
ce qu'on observe tous les jours , lorsqu'on
met sur le feu une Marmite remplie
d'eau ; car chacun sçait , qu'au mo
ment que l'eau vient a s'échauffer , on
est souvent surpris d'entendre tout à coup
comme une voix plaintive , qui sort de
la Marmite ; ce qui ne vient pareillement
, que par une traînée d'air , poussée
hors de l'eau par le feu , qui s'en
échape et en sort avec quelque lenteur
par un seul endroit.
Je dirai en passant , que des Particuliers
de cette Ville , ayant mis dans une
marmite pleine d'eau un coeur de Mouton
et d'autres visceres , pour connoître
par des observations superstisieuses , l'Auteur
d'un prétendu maléfice , jetté à ce
qu'ils croyoient sur leurs chevaux un
bruit plaintif qui sortit de l'eau , leur
fit imaginer que c'étoit le Diable qui étoit
descendu par la cheminée , et qui hurloit
dans la marmite , ils s'enfuirent tous à
l'instant , et abandonnercnt leur opération
superstitieuse.
,
Сон
A O UST. 1731. 1853
Concluons donc de tout ce que je
viens de dire , que les Akousmates , et
les bruits entendus à Ansacq et ailleurs
, se sont naturellement formés dans
un nuage , qui étoit posé sur les lieux où
on les entendoit,ou au moins qui en étoit
peu éloigné ; ajoutons que cela est plus
vrai - semblable , que de croire , comme
le dit l'Auteur du Mémoire , inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier , que
la chose s'est faite par l'addresse de quelque
Particulier , qui a sçû causer ces sortes
de bruits , pour avoir le plaisir de
donner l'épouvante à ceux qui les ont
entendus : parce qu'on ne peut pas raisonnablement
présumer qu'un particulier
qui auroit voulu se donner ce
plaisir , eût pû tenir la chose si secrete,
que personne n'en eût eû la moindre connoissance
, et qu'on lui en eût gardé un
parfait secret, qu'il en cût été de même dans
tous les temps et tous les lieux , ou de
semblables bruits se sont fait entendre.
Peut-on croire que tous ceux qui au- “
roient eu une telle addresse , auroient toujours
voulu la tenir cachée? c'est ce que leur
amour propre ne leur auroit jamais permis.
Les nommez Philibert et Loillet,
dont parle l'Auteur du Mémoire n'ont
eû garde de tenir leur talent caché et se-
>
cret.
1854 MERCURE DE FRANCE
cret. On vient même de faire connoître
par la Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May dernier , et dont j'ai parlé
cy-dessus , que la chose n'a jamais pû se
faire par un semblable moyen.
A la Ville d'Eu , le 20. de Juin 1731 .
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Résumé : EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
En décembre 1730, le Mercure de France rapporte des bruits mystérieux entendus dans l'air à Ansacq, une paroisse du diocèse de Beauvais. M. Capperon, ancien doyen de Saint Maxent, propose une explication physique à ces phénomènes. Ces bruits, décrits comme tumultueux et similaires à des sons de trompette, ont été observés dans diverses régions et époques, y compris en Suisse, en Bourgogne, et durant l'Antiquité. Capperon cite des exemples historiques similaires, comme ceux rapportés par Pline et lors des prières des Rogations initiées par saint Mamert. Il explique que ces bruits ne peuvent se produire dans un air pur mais sont possibles dans un air grossier rempli d'exhalaisons et de vapeurs. Il compare ces phénomènes à des fermentations observées dans des liquides comme le vin, le cidre, et la bière, ainsi qu'à des bruits marins. L'auteur suggère que des fermentations froides dans l'air, causées par le mélange de parties salines et terrestres, peuvent produire des sons et des bruits. Ces fermentations sont rares, ce qui explique la surprise et l'incertitude quant à leur origine. Il conclut que les bruits entendus à Ansacq peuvent être expliqués par des fermentations dans les nuages, similaires à celles observées dans d'autres liquides. Le texte du Mercure de France de 1852 et 1853 discute également des phénomènes acoustiques observés à Ansacq et dans d'autres régions. Il explique que les bruits entendus, tels que des gémissements ou des voix plaintives, sont causés par l'échappement de l'air hors des nuages ou de l'eau chauffée. Un exemple est donné avec une marmite d'eau chauffée, où l'air s'échappe lentement, produisant des sons similaires à des plaintes. Le texte mentionne une anecdote où des habitants de la ville, ayant placé des viscères de mouton dans une marmite d'eau, ont interprété un bruit plaintif comme étant le Diable, ce qui les a effrayés et les a fait fuir. L'auteur conclut que les bruits entendus à Ansacq et ailleurs sont dus à des phénomènes naturels se produisant dans les nuages. Il rejette l'idée que ces bruits soient causés par des individus cherchant à effrayer les autres, arguant que cela serait difficile à garder secret. Une lettre insérée dans le Mercure de mai 1731 confirme que les bruits ne peuvent pas être produits par des moyens artificiels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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408
p. 1854-1859
PARAPHRASE. Du Pseaume XXXIV. Judica, Domine, nocentes me, &c. P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
Début :
Dieu d'Israël, sois mon réfuge ; [...]
Mots clefs :
Refuge, Juge, Israël, Tonnerre, Glaive, Ignominie, Pièges, Trahisons, Miracles
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texteReconnaissance textuelle : PARAPHRASE. Du Pseaume XXXIV. Judica, Domine, nocentes me, &c. P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
PARAPHRASE.
Du Pseaume XXXIV.
Fulica , Domine , nocentes me , &c.
P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
Dieu d Ieu d'Israël , sois mon réfuge ;
Combats
pour moi , deviens le Juge
De mes lâches Pérsécuteurs ;
Fais gronder, fais partir ta foudre, ton Tonnerre,
Er que ton bras vengeur montre à toute la Terre
Que tu ne délaissas jamais tes serviteurs.
Je vois ton glaive redoutable ,
Levé sur la tête coupable ;
Cachez - vous , foibles ennemis :
Le Seigneur en ce jour va prendre ma défense ,
Vous , dont les coeurs pervers oppriment l'innocence
,
Traîtres , où fuirez - vous ? l'Enfer même est soumis.
SP
AOUST
1855 1731 .
Que la fuite et l'ignominic ,
Soient le prix de la calomnie ,
Et de ses suppôts renommez !
Que, tels qu'un vain amas de sable et de poussiere ,
Que dissipe des vents une haleine legere ,
Leurs complots soient détruits aussi - tôt que
formez !
Vous , les
M
organes de Dieu-même ,
Vous , de sa Justice suprême ,
Ministres sages , éclairez ,
Par vos décisions , par vos Arrêts celebres ,
Punissez ces esprits d'erreur et de tenebres ;
Ils sont contre le Ciel hautement déclarez.
En vain ils me tendent des pieges ,
En vain leurs fureurs sacrileges ,
Soufflent un dangereux poison :
De leur rage impuissante exemplaires victimes ;
Ils sont ensevelis dans ces mêmes abymes ,
Que m'avoit préparés leur noire trahison .
讚
Cependant mon ame contente ,
De la verité triomphante ,
Connoît les salutaires droits :
Ma langue toujours prête à chanter la puissance ,
D'un
1856 MERCURE DE FRANCE
D'un Juge qui punit , d'un Dieu qui récompense,
Dans ses Temples sacrez fait connoître ses Loix.
潞
Interprete de ses oracles ,
De sa main féconde en Miracles ,
Elle vantera le pouvoir :
Le Seigneur se souvient du pauvre en sa soka
france ;
Ses coups sont étonnans , et l'humaine prudence ,
Ne sçauroit les comprendre et ne peut les prévoir.
Des témoins trompeurs et perfides ,
Par leurs mensonges homicides ,
M'imputent un crime odieux :
Touché de leurs erreurs , mon coeur est moins
sensible ,
'Aux aprêts éclatans d'un Jugement terrible ,
Qu'aux genereux desirs de désiller leurs yeux.
粥
Pour les conduire à la lumiere ,
La patience et la priere ,
Ont fait des efforts superflus :
Toujours plus endurcis , ils ont forcé leurs ames ,
Par un nouveau tissu d'intrigues et de trames ,
A braver des remords qu'ils n'éprouveront plus.
Mais
A O UST. , 1731 1857
Mais tous leurs desseins que j'ignore ,
Et que leur haine forme encore ,
Voat être bien- tôt dissipez :
Leurs bouches au silence enfin vont se réduire ,
Sans que jamais leurs coeurs toûjours ardens à
nuire
Soient réduits à l'aveu d'avoir été trompez.
Seigneur , d'un regard favorable ,
Du mortel ennui qui m'accable ,
Daigne dissiper les horreurs ;
Aompt de mes Meurtriers les troupes conjurées ,
Ma voix en s'élevant dans tes Voutes sacrées,
Aux Peuples attentifs apprendra tes grandeurs.
諾
Ne verray-je point de l'envie ,
Qui poursuit ma gloire et ma vie ,
Avorter le honteux dessein ?
Sous un dehors trompeur , dans une humble posture
,
Mes superbes Rivaux méditent l'imposture ,
Pour lancer surement tous leurs traits dans mon
sein.
Hypocrites , le masque tombe ;
Qu'ilmeure , ont-ils dit , qu'il succombe ,
Sous l'effort de nos bras unis !
Soutiens
1858 MERCURE DE FRANCE
Soutiens- moi , Dieu puissant , fais parler ta Justice
,
Confond mes ennemis , toi qui vois leur malice ,
Et qui sondes des coeurs les plus secrets replis.
Fais cesser ma douleur profonde ;
Il est temps d'annoncer au Monde ,
Qu'on m'a jugé selon tes Loix :
Arbitre des Humains, l'esprit de Dieu vous guide,
A vos justes decrets cet Esprit Saint préside ;
Vous êtes seulement les Echos de sa voix.
Tremblez , vous , dont les fourberies ,
Et les cruelles railleries ,
Se nourissoient d'un faux espoir :
Les barbares Auteurs d'un projet fanatique ,
Pour salaire n'auront qu'un regret tyranique ;
Sous le poids de leur crime ils seront sans pouvoir.
Mais vous que mon sort înteresse
Remerciez le Ciel sans cesse 1.3
Par des Cantiques immortels :
Puissent-ils, ces grands Choeurs , chanter ma délivrance
,
Et celebrer , grand Dieu , de ta magnificence ,
L'éclatante splendeur aux pieds des Autels.
AOUST. 1859
1
1731.
Ma voix d'une force nouvelle ,
Valde ta Justice éternelle ,
Seigneur , publier les bienfaits :
1.1
Tandis que nuit et jour méditant ta Loi sainte ,
Mon esprit rassuré pourra gouter sans crainte
faveurs et les dons de la Paix.
Le prix de tes fa
Ad majorem Dei gloriam.
Du Pseaume XXXIV.
Fulica , Domine , nocentes me , &c.
P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
Dieu d Ieu d'Israël , sois mon réfuge ;
Combats
pour moi , deviens le Juge
De mes lâches Pérsécuteurs ;
Fais gronder, fais partir ta foudre, ton Tonnerre,
Er que ton bras vengeur montre à toute la Terre
Que tu ne délaissas jamais tes serviteurs.
Je vois ton glaive redoutable ,
Levé sur la tête coupable ;
Cachez - vous , foibles ennemis :
Le Seigneur en ce jour va prendre ma défense ,
Vous , dont les coeurs pervers oppriment l'innocence
,
Traîtres , où fuirez - vous ? l'Enfer même est soumis.
SP
AOUST
1855 1731 .
Que la fuite et l'ignominic ,
Soient le prix de la calomnie ,
Et de ses suppôts renommez !
Que, tels qu'un vain amas de sable et de poussiere ,
Que dissipe des vents une haleine legere ,
Leurs complots soient détruits aussi - tôt que
formez !
Vous , les
M
organes de Dieu-même ,
Vous , de sa Justice suprême ,
Ministres sages , éclairez ,
Par vos décisions , par vos Arrêts celebres ,
Punissez ces esprits d'erreur et de tenebres ;
Ils sont contre le Ciel hautement déclarez.
En vain ils me tendent des pieges ,
En vain leurs fureurs sacrileges ,
Soufflent un dangereux poison :
De leur rage impuissante exemplaires victimes ;
Ils sont ensevelis dans ces mêmes abymes ,
Que m'avoit préparés leur noire trahison .
讚
Cependant mon ame contente ,
De la verité triomphante ,
Connoît les salutaires droits :
Ma langue toujours prête à chanter la puissance ,
D'un
1856 MERCURE DE FRANCE
D'un Juge qui punit , d'un Dieu qui récompense,
Dans ses Temples sacrez fait connoître ses Loix.
潞
Interprete de ses oracles ,
De sa main féconde en Miracles ,
Elle vantera le pouvoir :
Le Seigneur se souvient du pauvre en sa soka
france ;
Ses coups sont étonnans , et l'humaine prudence ,
Ne sçauroit les comprendre et ne peut les prévoir.
Des témoins trompeurs et perfides ,
Par leurs mensonges homicides ,
M'imputent un crime odieux :
Touché de leurs erreurs , mon coeur est moins
sensible ,
'Aux aprêts éclatans d'un Jugement terrible ,
Qu'aux genereux desirs de désiller leurs yeux.
粥
Pour les conduire à la lumiere ,
La patience et la priere ,
Ont fait des efforts superflus :
Toujours plus endurcis , ils ont forcé leurs ames ,
Par un nouveau tissu d'intrigues et de trames ,
A braver des remords qu'ils n'éprouveront plus.
Mais
A O UST. , 1731 1857
Mais tous leurs desseins que j'ignore ,
Et que leur haine forme encore ,
Voat être bien- tôt dissipez :
Leurs bouches au silence enfin vont se réduire ,
Sans que jamais leurs coeurs toûjours ardens à
nuire
Soient réduits à l'aveu d'avoir été trompez.
Seigneur , d'un regard favorable ,
Du mortel ennui qui m'accable ,
Daigne dissiper les horreurs ;
Aompt de mes Meurtriers les troupes conjurées ,
Ma voix en s'élevant dans tes Voutes sacrées,
Aux Peuples attentifs apprendra tes grandeurs.
諾
Ne verray-je point de l'envie ,
Qui poursuit ma gloire et ma vie ,
Avorter le honteux dessein ?
Sous un dehors trompeur , dans une humble posture
,
Mes superbes Rivaux méditent l'imposture ,
Pour lancer surement tous leurs traits dans mon
sein.
Hypocrites , le masque tombe ;
Qu'ilmeure , ont-ils dit , qu'il succombe ,
Sous l'effort de nos bras unis !
Soutiens
1858 MERCURE DE FRANCE
Soutiens- moi , Dieu puissant , fais parler ta Justice
,
Confond mes ennemis , toi qui vois leur malice ,
Et qui sondes des coeurs les plus secrets replis.
Fais cesser ma douleur profonde ;
Il est temps d'annoncer au Monde ,
Qu'on m'a jugé selon tes Loix :
Arbitre des Humains, l'esprit de Dieu vous guide,
A vos justes decrets cet Esprit Saint préside ;
Vous êtes seulement les Echos de sa voix.
Tremblez , vous , dont les fourberies ,
Et les cruelles railleries ,
Se nourissoient d'un faux espoir :
Les barbares Auteurs d'un projet fanatique ,
Pour salaire n'auront qu'un regret tyranique ;
Sous le poids de leur crime ils seront sans pouvoir.
Mais vous que mon sort înteresse
Remerciez le Ciel sans cesse 1.3
Par des Cantiques immortels :
Puissent-ils, ces grands Choeurs , chanter ma délivrance
,
Et celebrer , grand Dieu , de ta magnificence ,
L'éclatante splendeur aux pieds des Autels.
AOUST. 1859
1
1731.
Ma voix d'une force nouvelle ,
Valde ta Justice éternelle ,
Seigneur , publier les bienfaits :
1.1
Tandis que nuit et jour méditant ta Loi sainte ,
Mon esprit rassuré pourra gouter sans crainte
faveurs et les dons de la Paix.
Le prix de tes fa
Ad majorem Dei gloriam.
Fermer
Résumé : PARAPHRASE. Du Pseaume XXXIV. Judica, Domine, nocentes me, &c. P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
Le texte est une paraphrase du Psaume XXXIV, adressée à Dieu pour solliciter protection et justice contre les persécuteurs. Le narrateur prie Dieu de se manifester comme un refuge et un juge contre les ennemis lâches et pervers qui oppriment l'innocence. Il exprime sa confiance en la justice divine, qui punit les calomniateurs et les traîtres. Le narrateur évoque les complots de ses ennemis, comparés à un amas de sable dispersé par le vent, et demande aux ministres de Dieu de punir les esprits d'erreur. Il se réjouit de la victoire de la vérité et de la puissance divine, qui récompense et punit selon ses lois. Le texte mentionne également les efforts de patience et de prière pour convertir les ennemis, sans succès. Le narrateur demande à Dieu de dissiper son ennui et de confondre ses ennemis, révélant leur malice. Il exprime l'espoir que son sort intéressera ceux qui le soutiennent et qu'ils chanteront sa délivrance. Enfin, il loue la justice éternelle de Dieu et aspire à goûter les faveurs et les dons de la paix.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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409
p. 1859-1862
LETTRE de M ... sur la Médisance.
Début :
Que pensez-vous, Monsieur, de mon Projet ? j'entreprens de critiquer le [...]
Mots clefs :
Médisance, Beau sexe, Belle conversation, Esprit satirique, Calomnie, Cabale, Faux zèle, Hypocrites
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M ... sur la Médisance.
LETTRE de M... sur la Médisance.
QProjet ?
Ue pensez- vous , Monsieur, de mon
Projet ? j'entreprens de critiquer le
pernicieux usage de la Médisance qui s'est
introduit dans les Conversations , et qui
se fortifie chaque jour par le plaisir que
certaines personnes semblent y trouver.
Je n'examinerai point lequel des deux !
Sexes a le plus contribué au mal , mais i
je n'oserois me persuader que le nôtre y
ait beaucoup de part : quoiqu'il en soit ,
j'avois souvent formé le dessein de vous
en porter mes plaintes comme à un Spectateur
chargé en quelque maniere , du
soin de corriger les deffauts- des hommes,
en faisant sentir leur ridicule ; mais , je
Craignois que le beau Sexe ne prît ma
démarche
5
1860 MERCURE DE FRANCE
démarche pour une entreprise sur ses droits :
vous n'ignorez pas que ce Corps est aussi
dangereux que respectable , ainsi je n'osois
m'opposer ouvertement à ses maximes
et à ses usages ; mais la Conversation
dont j'ai été témoin dans une de ces Societez
médisantes , me fait aujourd'hui
braver tous les dangers .
Je me trouvai dernierement chez Celimene
, auprès de laquelle se rassemblent
certaines Dames douées de cet esprit satirique
, qu'elles nomment Esprit fait
pour la belle Conversation , je ne fus point
scandalisé de les entendre débuter par des
traits de raillerie , sur leurs voisines et sur
leurs amies , par une critique des Ajustemens
, et par l'éloge des profusions en
habits , dentelles , &c. servant à la parure;
ce qui excita mon étonnement , c'est le
déchaînement de cette aimable Societé sur
l'origine , les moeurs et la fortune de trois
honnêtes Familles , qu'à peine elles connoissoient
et que je connois parfaitement.
Je m'élevai contre la calomnie , je fus repoussé
par les cris tumultueux et emportez
de cette Cabales j'étois sur le point
de me deffendre par la retraite , lorsqu'une
de ces belles Babillardes se chargea
de me prouver qu'il étoit permis à
son Sexe de déchirer impunément tous
les
A O UST . 1731 1861
les Objets que son imagination lui présentoit
, elle se servit pour cela de deux
propositions qui vous paroîtront aussi -
nouvelles qu'à moi ; la premiere , que le
beau Sexe peut se livrer indifferemment
à la câlomnie & à la médisance , parce
que les traits qu'il lance ne font aucune
impression ; sans doute , suivant le proverbe
vulgaire ( c'est une femme qui
parle. )
La seconde proposition étoit fondée sur
un faux zele pour la verité. La Dame
soutint que la calomnie et la médisance
n'étoient autre chose que le langage du
yrai et du , naturel , et que ceux qui n'en
faisoient point usage étoient ennemis jurez
de la verité , et des hypocrites qui ne
devoient trouver accès ni place dans les
societez ; je vous avoüerai que ce raisonnement
m'avoit échauffé au point de vouloir
répondre avec plus de vivacité que
je n'avois été attaqué , lorsqu'une de ces
Dames se jetta sur sa propre famille et
sur le principe , qu'il ne falloit pas
épargner son sang ; une troisième enfin
ne cherchant qu'à maintenir les prétendus
privileges de son Sexe , me dit
la médisance et la calomnie étoient un
de ses plus beaux appanages , et que par
consequent ma surprise étoit une espece
d'at B
même
que
7862 MERCURE DE FRANCE
d'attentat qu'on ne devoit point me pardonner
,je fus forcé par cette déclaration
de battre en retraite , et de laisser cette .
charmante Assemblée déliberer sur le
choix de mon supplice.
Je vous fais part de cette avanture ;
Monsieur , parce que le mal augmente
tous les jours , et que ce poison paroît si
subtil , qu'à peine les personnes raisonnables
des deux Sexes , peuvent- ils s'en
garantir j'espere que sur ma dénonciation
quelque plume charitable et éloquente
fera sentir toute l'horreur de ce genre
d'amusement et de plaisir , et travaillera
à détourner le beau Sexe d'un penchant
si funeste.
QProjet ?
Ue pensez- vous , Monsieur, de mon
Projet ? j'entreprens de critiquer le
pernicieux usage de la Médisance qui s'est
introduit dans les Conversations , et qui
se fortifie chaque jour par le plaisir que
certaines personnes semblent y trouver.
Je n'examinerai point lequel des deux !
Sexes a le plus contribué au mal , mais i
je n'oserois me persuader que le nôtre y
ait beaucoup de part : quoiqu'il en soit ,
j'avois souvent formé le dessein de vous
en porter mes plaintes comme à un Spectateur
chargé en quelque maniere , du
soin de corriger les deffauts- des hommes,
en faisant sentir leur ridicule ; mais , je
Craignois que le beau Sexe ne prît ma
démarche
5
1860 MERCURE DE FRANCE
démarche pour une entreprise sur ses droits :
vous n'ignorez pas que ce Corps est aussi
dangereux que respectable , ainsi je n'osois
m'opposer ouvertement à ses maximes
et à ses usages ; mais la Conversation
dont j'ai été témoin dans une de ces Societez
médisantes , me fait aujourd'hui
braver tous les dangers .
Je me trouvai dernierement chez Celimene
, auprès de laquelle se rassemblent
certaines Dames douées de cet esprit satirique
, qu'elles nomment Esprit fait
pour la belle Conversation , je ne fus point
scandalisé de les entendre débuter par des
traits de raillerie , sur leurs voisines et sur
leurs amies , par une critique des Ajustemens
, et par l'éloge des profusions en
habits , dentelles , &c. servant à la parure;
ce qui excita mon étonnement , c'est le
déchaînement de cette aimable Societé sur
l'origine , les moeurs et la fortune de trois
honnêtes Familles , qu'à peine elles connoissoient
et que je connois parfaitement.
Je m'élevai contre la calomnie , je fus repoussé
par les cris tumultueux et emportez
de cette Cabales j'étois sur le point
de me deffendre par la retraite , lorsqu'une
de ces belles Babillardes se chargea
de me prouver qu'il étoit permis à
son Sexe de déchirer impunément tous
les
A O UST . 1731 1861
les Objets que son imagination lui présentoit
, elle se servit pour cela de deux
propositions qui vous paroîtront aussi -
nouvelles qu'à moi ; la premiere , que le
beau Sexe peut se livrer indifferemment
à la câlomnie & à la médisance , parce
que les traits qu'il lance ne font aucune
impression ; sans doute , suivant le proverbe
vulgaire ( c'est une femme qui
parle. )
La seconde proposition étoit fondée sur
un faux zele pour la verité. La Dame
soutint que la calomnie et la médisance
n'étoient autre chose que le langage du
yrai et du , naturel , et que ceux qui n'en
faisoient point usage étoient ennemis jurez
de la verité , et des hypocrites qui ne
devoient trouver accès ni place dans les
societez ; je vous avoüerai que ce raisonnement
m'avoit échauffé au point de vouloir
répondre avec plus de vivacité que
je n'avois été attaqué , lorsqu'une de ces
Dames se jetta sur sa propre famille et
sur le principe , qu'il ne falloit pas
épargner son sang ; une troisième enfin
ne cherchant qu'à maintenir les prétendus
privileges de son Sexe , me dit
la médisance et la calomnie étoient un
de ses plus beaux appanages , et que par
consequent ma surprise étoit une espece
d'at B
même
que
7862 MERCURE DE FRANCE
d'attentat qu'on ne devoit point me pardonner
,je fus forcé par cette déclaration
de battre en retraite , et de laisser cette .
charmante Assemblée déliberer sur le
choix de mon supplice.
Je vous fais part de cette avanture ;
Monsieur , parce que le mal augmente
tous les jours , et que ce poison paroît si
subtil , qu'à peine les personnes raisonnables
des deux Sexes , peuvent- ils s'en
garantir j'espere que sur ma dénonciation
quelque plume charitable et éloquente
fera sentir toute l'horreur de ce genre
d'amusement et de plaisir , et travaillera
à détourner le beau Sexe d'un penchant
si funeste.
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Résumé : LETTRE de M ... sur la Médisance.
La lettre aborde le projet de son auteur de critiquer la médisance, un vice croissant dans les conversations. L'auteur ne cherche pas à désigner quel sexe contribue le plus à ce mal, mais souhaite révéler le ridicule de ce comportement à un spectateur chargé de corriger les défauts humains. Lors d'une visite chez Célimène, l'auteur observe des dames se moquant de leurs voisines et amies, critiquant leurs tenues et louant les profusions en habits et dentelles. Elles se permettent également de juger l'origine, les mœurs et la fortune de trois familles qu'elles connaissent à peine. L'auteur condamne la calomnie, mais est repoussé par les cris tumultueux des dames. L'une d'elles affirme que le beau sexe peut se livrer à la médisance impunément et que cela constitue le langage du vrai et du naturel. L'auteur, forcé de battre en retraite, partage cette aventure pour sensibiliser à l'horreur de ce penchant funeste et espère qu'une plume charitable et éloquente saura détourner le beau sexe de ce vice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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410
p. 1862-1864
ADIEUX AUX MUSES.
Début :
Double Mont où ma Lyre enfanta quelques sons, [...]
Mots clefs :
Lyre, Muses, Filles savantes, Rimeurs, Jeunesse, Fontaine, Asile champêtre
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texteReconnaissance textuelle : ADIEUX AUX MUSES.
ADIEUX AUX MUSES .
Ouble Mont où ma Lyre enfanta quelque
Double sons >
Je te quitte , Phébus , et vous filles sçavantes ,
Je ne puis suivre vos leçons ;
Il me faut un métier qui me fasse des rentes,
Un Cadet de famille , être au rang des Rimeurs
C'est d'un esprit leger la preuve non legere ;
SurA
O
UST. 1863 1731.
Sur tout quant au pauvret il ne manque qu'un
frere ,
Pour en avoir autant que vous êtes de soeurs,
Je vous ai consacrẻ ma premiere jeunesse ;
Le beau fruit que j'en tire est d'avoir fait des Versy
Que m'importe qu'ils soient au bout de l'Univers
Cette frivole gloire , est une sotte yvresse.
Rimer est un métier qui ne convient qu'à ceux
Dont l'esprit est né pour la rime.
Autrement on nous mésestime .
l'on parle de nous comme d'un cerveau creux)
On dit qu'il est une Fontaine ,
Dont l'eau miraculeuse a le vrai
gout
du vin i
S'il en étoit ainsi de l'eau de l'Hypocrêne ;
Si la gloire appaisoit la faim ;
M
Si sur ce Mont que j'abandonne ,
Une herbe salutaire et des arbres fruitiers ;
Croissoient comme les fleurs à l'ombre des Lat
riers ;
Enfin s'il y regnoit et Cerés et Pomone
Je
Bij
1864 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois , doctes Soeurs , aucune passion ,
Que celle de vous plaire , afin d'y toujours être.
Je cours à la fortune , et mon ambition ,
N'a pourtant d'autre objet qu'un azile champêtre.
D'Hautefeuille.
Ouble Mont où ma Lyre enfanta quelque
Double sons >
Je te quitte , Phébus , et vous filles sçavantes ,
Je ne puis suivre vos leçons ;
Il me faut un métier qui me fasse des rentes,
Un Cadet de famille , être au rang des Rimeurs
C'est d'un esprit leger la preuve non legere ;
SurA
O
UST. 1863 1731.
Sur tout quant au pauvret il ne manque qu'un
frere ,
Pour en avoir autant que vous êtes de soeurs,
Je vous ai consacrẻ ma premiere jeunesse ;
Le beau fruit que j'en tire est d'avoir fait des Versy
Que m'importe qu'ils soient au bout de l'Univers
Cette frivole gloire , est une sotte yvresse.
Rimer est un métier qui ne convient qu'à ceux
Dont l'esprit est né pour la rime.
Autrement on nous mésestime .
l'on parle de nous comme d'un cerveau creux)
On dit qu'il est une Fontaine ,
Dont l'eau miraculeuse a le vrai
gout
du vin i
S'il en étoit ainsi de l'eau de l'Hypocrêne ;
Si la gloire appaisoit la faim ;
M
Si sur ce Mont que j'abandonne ,
Une herbe salutaire et des arbres fruitiers ;
Croissoient comme les fleurs à l'ombre des Lat
riers ;
Enfin s'il y regnoit et Cerés et Pomone
Je
Bij
1864 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois , doctes Soeurs , aucune passion ,
Que celle de vous plaire , afin d'y toujours être.
Je cours à la fortune , et mon ambition ,
N'a pourtant d'autre objet qu'un azile champêtre.
D'Hautefeuille.
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Résumé : ADIEUX AUX MUSES.
Dans 'Adieux aux Muses', l'auteur exprime son intention de renoncer à la poésie pour des raisons pratiques. Il considère cette activité comme frivole et non rentable, inappropriée pour un cadet de famille devant subvenir à ses besoins. L'absence de frère pour partager les charges familiales le pousse à chercher un métier plus lucratif. Il critique la vanité de la gloire poétique, la comparant à une ivresse sotte. L'auteur mentionne la Fontaine de l'Hypocrène, dont l'eau inspire la poésie mais ne nourrit pas. Il souhaite plaire aux muses tout en aspirant à une vie champêtre et à la fortune, révélant ainsi son dilemme entre ambition poétique et nécessité économique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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411
p. 1864-1870
ECLAIRCISSEMENT sur le nouveau Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires, par le P. C. J. dans le Mercure de Juin 1731. page 1280.
Début :
Il est vrai, que comme le dit le P. C. le quarré des unitez 1. 1. 1. &c, en nombre [...]
Mots clefs :
Géomètres infinitaires, Paradoxe, Nombres impaires, Quarré des unités, Manière complexe
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texteReconnaissance textuelle : ECLAIRCISSEMENT sur le nouveau Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires, par le P. C. J. dans le Mercure de Juin 1731. page 1280.
ECLAIRCISSEMENT sur le nouveau
Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires
, par le P. C. J. dans le Mercure
de Juin 1731. page 1280.
L est vrai, que comme le dit le P. C. le
quarré des unitez 1. 1. 1. &c. en nombre
infini , est 1. 3. 5. &c. en nombre
infini , c'est- à - dire, tous les nombres impairs.
Il est vrai aussi , ce que dit M. Cheyne,
que les mêmes nombres impairs , 1. 3. 5 .
&c. sont les quarrez , non des unitez
mais des demi unitez ,,,, &c. en
nombre infini .
D'où il suit que le quarré des unitez
qui selon le P. C. et M. Cheyne , est la
même suite des impairs , est égal en mê~
me temps au quarré des démi unitez,
Et je puis encore augmenter la merveille,
çar la suite infinie des impairs , 1. 3. S .,.
A OU S T. 1731. 1865
étant très - certainement , et par
consequent égale au quarré des unitez ,
ce quarré ne laisse pas d'être aussi co .
Le P. C. dit qu'il differe en un point
d'avec M. Cheyne , et que sur ce point
il faut que l'un des deux ait tort. C'est
que selon le P. C. le quarré des unitez
est toûjours 1. 3. 5. &c . et qu'il est , selon
M. Cheyne , égal à la somme des nombres
naturels , 1. 2. 3. 4. & c . ce qui est
effectivement très- different , puisque la
somme des impairs 1. 3. 5. &c . n'est que
la moitié de celle des nombres naturels.
Pour moi je trouve qu'ils n'auront tort
ni l'un ni l'autre , mais à une étrange condition
, c'est qu'ils differeront encore davantage,
et qu'on supposera que M.Cheyne
, au lieu de dire que le quarré des unitez
est égal à la somme des nombres naturels
, aura dit ou oublié de dire qu'il est
égal au double de cette somme. Comme
je n'ai point lû , et queje ne puis lire le
Livre de M. Cheyne , qui est en Anglois,
je ne puis sçavoir ce que porte son Texte,
ou s'il ne manque point un mot dans la
Traduction.
Voici le dénouement de toutes ces contradictions
apparentes , et il est presque
honteux qu'il ne consiste qu'à démêler
des équivoques de mots.
Bij Une
1866 MERCURE DE FRANCE
Une suite quelconque , finie ou infinic,
a , b , c , d , &c. étant proposée , prendre
le quarré de ces termes , c'est dans le sens
naturel et ordinaire , poser a², b², c², &c.
si cette suite est la suite des unitez , 1 .
I. 1. &c. en nombre , auquel cas
a=1 , b1 , &c. les quarrez sont 12
= 1 , 1²=1 , &c. d'où il suit que
leur somme est co la même pour les
,
quarrez
quarrez que pour les racines.
On peut dire que prendre les
de a et de b , ce n'est pas seulement poser
a² et b² , mais poser aba²+ 2 a b
➜b² , ce qui outre a² et b² pose 2 a b . il
est visible qu'en ce sens- là ce n'est pas
quarrer a et b comme détachez l'un de
l'autre , mais comme liez , et faisant une
somme , et c'est proprement quarrer leur
somme. J'appelle incomplexes la premiere
maniere de quarrer a et b , et complexes
la seconde. Ši a et b étant 1 , je les.
quarre de la maniere incomplexe
, j'aurai
I et I ou 1 + 12 , Mais si je les quarre
de la maniere complexe , j'aurai 1+1
1 +2 +14. Si je quarre de la premiere
maniere 1. 1. et 1. leur somme sera 3 .
mais de la seconde maniere 14+1+ 1² , on
aura une somme 9 , et comme cela se
soûtiendra toûjours , si l'on compare I. I.
>
2
A O UST. 1731. * 1867
2
I. et 1. quarrez de la premiere maniere
a I +I+ I+ I , &c. c'est- à- dire que l'on
trouvera toûjours d'un côté une somme
égale au nombre des unitez, et de l'autre
une somme égale au quarré de ce même
nombre , il s'ensuit que la proposition
est generale , et que la somme des quarrez
des unitez prises en nombre 6
est de la premiere maniere ∞ et de
la seconde . Puisque dans l'infini
la somme des quarrez faits de la maniere
complexe , est infiniment plus grande que
la somme des quarrez faits de la maniere
incomplexe , ce rapport des deux sommes
dans le fini a toûjours dû être croissant à
mesure qu'on a pris un plus grand nom
bre d'unitez.
&
c.∞o s
La somme des nombres naturels 1. 2. 3 .
étant , celle de la somme
des quarrez complexes des unitez en est
double , puisqu'elle est∞ , c'est
ce que je croi que M. Cheyne a dit , ou
Yvoouulu dire.
Si l'on quarre de la maniere incomplexe
la suite infinie ,
le nombre des termes est
la que somme sera
00
1
,
&c . dont
00 il est
›
Mais si on la quarre de la maniere complexe
, il faut observer que
B. iiij
2
➤
est
868 MERCURE DE FRANCE
4 4
2
c'est
anb #—1 + 1 + 1 +
, c'est-à- dire que si l'on quarre
de la maniere complexe deux de ces
on aura un nombre de qui sera 4 .
quarré du nombre des , que si on quarre
trois , on aura neuf , et toujours
ainsi de suite d'où il suit que si on
quarre des en nombre
4
,
7
on aura
un nombre de , qui sera² , ou une
somme de , qui sera 2,ce qui est
parfaitement analogue , comme il doit
l'être , à ce qu'on vient de trouver pour
les unitcz . Or on sçait que la somme des
pairs ou des impairs , pris jusqu'au dernier
terme de la suite naturelle , qui est
donc , & c .
∞
4
2
C 2
CO 2
Delà il suit que si l'on quarre de la
maniere incomplexe des , pris en nombre
, leur somme est . et
que si on les quarre de la maniere complexe
, leur somme est 1. L'analogie
se soutient toûjours , et ce seroit encore
un Paradoxe , si l'explication n'avoit
précedé que des quarrez , quoiqu'en
nombre infini , pussent faire une
somme finie , et — I.
On peut encore quarrer une suite d'une
A OUS T. 1731. 1869
prene
maniere qui ne sera ni absolument incomplexe
, ni absolument complexe ; mais
mixte. On prendra , 1 ° . le quarré du
mier terme , 2. le quarré des deux premiers
, et on en retranchera le quarré du
premier, 30. le quarré des trois premiers et
on en retranchera le quarré des deux premiers
, et toûjours ainsi de suite. Ce seront
des quarrez complexes , mais mis en
une somme d'une maniere incomplexe ,
puisqu'on les sépare les uns des autres à
mesure qu'on les forme.
1.
Si l'on quarre de cette maniere mixte
la suite infinie , F. 1. 1. &c . on aura pour
premier quarré 1. pour second 4-1
3 , pour troisiéme 9
,
5 , pour
quatrième , 16- I 3 S=7 , &c.
c'est-à -dire , la suite des impairs , dont la
somme est , et c'est ce que le P. C. a dit.
Si l'on quarre de la maniere complexe
la moitié de ia suite infinie des unitcz ,
dont le nombre sera par consequent
2 9 on trouvera , selon ce qui a été dit ,
la somme , la même que celle des
unitez en nombre quarrez de la
maniere mixte , d'où il suit que par
rapport à la grandeur de la somme ,
maniere, complexe a un grand avantage
sur la mixte , puisque la moitié de la suite
B v infinie
la
1870 MERCURE DE FRANCE
infinie des unitez quarrées par la maniere
complexe a la même somme que la suite:
entiere quarrée par la maniere mixte.
On pourra comparer les trois manietes
ensemble , en considerant que les som→
mes de la suite infinie des unitez quar
rées sont par la maniere incomplexe ∞ ,
la mixte , par la complexe∞ 2.
Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires
, par le P. C. J. dans le Mercure
de Juin 1731. page 1280.
L est vrai, que comme le dit le P. C. le
quarré des unitez 1. 1. 1. &c. en nombre
infini , est 1. 3. 5. &c. en nombre
infini , c'est- à - dire, tous les nombres impairs.
Il est vrai aussi , ce que dit M. Cheyne,
que les mêmes nombres impairs , 1. 3. 5 .
&c. sont les quarrez , non des unitez
mais des demi unitez ,,,, &c. en
nombre infini .
D'où il suit que le quarré des unitez
qui selon le P. C. et M. Cheyne , est la
même suite des impairs , est égal en mê~
me temps au quarré des démi unitez,
Et je puis encore augmenter la merveille,
çar la suite infinie des impairs , 1. 3. S .,.
A OU S T. 1731. 1865
étant très - certainement , et par
consequent égale au quarré des unitez ,
ce quarré ne laisse pas d'être aussi co .
Le P. C. dit qu'il differe en un point
d'avec M. Cheyne , et que sur ce point
il faut que l'un des deux ait tort. C'est
que selon le P. C. le quarré des unitez
est toûjours 1. 3. 5. &c . et qu'il est , selon
M. Cheyne , égal à la somme des nombres
naturels , 1. 2. 3. 4. & c . ce qui est
effectivement très- different , puisque la
somme des impairs 1. 3. 5. &c . n'est que
la moitié de celle des nombres naturels.
Pour moi je trouve qu'ils n'auront tort
ni l'un ni l'autre , mais à une étrange condition
, c'est qu'ils differeront encore davantage,
et qu'on supposera que M.Cheyne
, au lieu de dire que le quarré des unitez
est égal à la somme des nombres naturels
, aura dit ou oublié de dire qu'il est
égal au double de cette somme. Comme
je n'ai point lû , et queje ne puis lire le
Livre de M. Cheyne , qui est en Anglois,
je ne puis sçavoir ce que porte son Texte,
ou s'il ne manque point un mot dans la
Traduction.
Voici le dénouement de toutes ces contradictions
apparentes , et il est presque
honteux qu'il ne consiste qu'à démêler
des équivoques de mots.
Bij Une
1866 MERCURE DE FRANCE
Une suite quelconque , finie ou infinic,
a , b , c , d , &c. étant proposée , prendre
le quarré de ces termes , c'est dans le sens
naturel et ordinaire , poser a², b², c², &c.
si cette suite est la suite des unitez , 1 .
I. 1. &c. en nombre , auquel cas
a=1 , b1 , &c. les quarrez sont 12
= 1 , 1²=1 , &c. d'où il suit que
leur somme est co la même pour les
,
quarrez
quarrez que pour les racines.
On peut dire que prendre les
de a et de b , ce n'est pas seulement poser
a² et b² , mais poser aba²+ 2 a b
➜b² , ce qui outre a² et b² pose 2 a b . il
est visible qu'en ce sens- là ce n'est pas
quarrer a et b comme détachez l'un de
l'autre , mais comme liez , et faisant une
somme , et c'est proprement quarrer leur
somme. J'appelle incomplexes la premiere
maniere de quarrer a et b , et complexes
la seconde. Ši a et b étant 1 , je les.
quarre de la maniere incomplexe
, j'aurai
I et I ou 1 + 12 , Mais si je les quarre
de la maniere complexe , j'aurai 1+1
1 +2 +14. Si je quarre de la premiere
maniere 1. 1. et 1. leur somme sera 3 .
mais de la seconde maniere 14+1+ 1² , on
aura une somme 9 , et comme cela se
soûtiendra toûjours , si l'on compare I. I.
>
2
A O UST. 1731. * 1867
2
I. et 1. quarrez de la premiere maniere
a I +I+ I+ I , &c. c'est- à- dire que l'on
trouvera toûjours d'un côté une somme
égale au nombre des unitez, et de l'autre
une somme égale au quarré de ce même
nombre , il s'ensuit que la proposition
est generale , et que la somme des quarrez
des unitez prises en nombre 6
est de la premiere maniere ∞ et de
la seconde . Puisque dans l'infini
la somme des quarrez faits de la maniere
complexe , est infiniment plus grande que
la somme des quarrez faits de la maniere
incomplexe , ce rapport des deux sommes
dans le fini a toûjours dû être croissant à
mesure qu'on a pris un plus grand nom
bre d'unitez.
&
c.∞o s
La somme des nombres naturels 1. 2. 3 .
étant , celle de la somme
des quarrez complexes des unitez en est
double , puisqu'elle est∞ , c'est
ce que je croi que M. Cheyne a dit , ou
Yvoouulu dire.
Si l'on quarre de la maniere incomplexe
la suite infinie ,
le nombre des termes est
la que somme sera
00
1
,
&c . dont
00 il est
›
Mais si on la quarre de la maniere complexe
, il faut observer que
B. iiij
2
➤
est
868 MERCURE DE FRANCE
4 4
2
c'est
anb #—1 + 1 + 1 +
, c'est-à- dire que si l'on quarre
de la maniere complexe deux de ces
on aura un nombre de qui sera 4 .
quarré du nombre des , que si on quarre
trois , on aura neuf , et toujours
ainsi de suite d'où il suit que si on
quarre des en nombre
4
,
7
on aura
un nombre de , qui sera² , ou une
somme de , qui sera 2,ce qui est
parfaitement analogue , comme il doit
l'être , à ce qu'on vient de trouver pour
les unitcz . Or on sçait que la somme des
pairs ou des impairs , pris jusqu'au dernier
terme de la suite naturelle , qui est
donc , & c .
∞
4
2
C 2
CO 2
Delà il suit que si l'on quarre de la
maniere incomplexe des , pris en nombre
, leur somme est . et
que si on les quarre de la maniere complexe
, leur somme est 1. L'analogie
se soutient toûjours , et ce seroit encore
un Paradoxe , si l'explication n'avoit
précedé que des quarrez , quoiqu'en
nombre infini , pussent faire une
somme finie , et — I.
On peut encore quarrer une suite d'une
A OUS T. 1731. 1869
prene
maniere qui ne sera ni absolument incomplexe
, ni absolument complexe ; mais
mixte. On prendra , 1 ° . le quarré du
mier terme , 2. le quarré des deux premiers
, et on en retranchera le quarré du
premier, 30. le quarré des trois premiers et
on en retranchera le quarré des deux premiers
, et toûjours ainsi de suite. Ce seront
des quarrez complexes , mais mis en
une somme d'une maniere incomplexe ,
puisqu'on les sépare les uns des autres à
mesure qu'on les forme.
1.
Si l'on quarre de cette maniere mixte
la suite infinie , F. 1. 1. &c . on aura pour
premier quarré 1. pour second 4-1
3 , pour troisiéme 9
,
5 , pour
quatrième , 16- I 3 S=7 , &c.
c'est-à -dire , la suite des impairs , dont la
somme est , et c'est ce que le P. C. a dit.
Si l'on quarre de la maniere complexe
la moitié de ia suite infinie des unitcz ,
dont le nombre sera par consequent
2 9 on trouvera , selon ce qui a été dit ,
la somme , la même que celle des
unitez en nombre quarrez de la
maniere mixte , d'où il suit que par
rapport à la grandeur de la somme ,
maniere, complexe a un grand avantage
sur la mixte , puisque la moitié de la suite
B v infinie
la
1870 MERCURE DE FRANCE
infinie des unitez quarrées par la maniere
complexe a la même somme que la suite:
entiere quarrée par la maniere mixte.
On pourra comparer les trois manietes
ensemble , en considerant que les som→
mes de la suite infinie des unitez quar
rées sont par la maniere incomplexe ∞ ,
la mixte , par la complexe∞ 2.
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Résumé : ECLAIRCISSEMENT sur le nouveau Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires, par le P. C. J. dans le Mercure de Juin 1731. page 1280.
Le texte traite d'un paradoxe mathématique présenté par le P. C. et contesté par M. Cheyne dans le Mercure de Juin 1731. Ce paradoxe concerne la somme des carrés des unités et des demi-unités dans une suite infinie. Le P. C. affirme que le carré des unités (1, 1, 1, etc.) est égal à la suite des nombres impairs (1, 3, 5, etc.). En revanche, M. Cheyne soutient que ces mêmes nombres impairs représentent les carrés des demi-unités. L'apparente contradiction entre les deux points de vue résulte d'une équivoque dans l'interprétation des termes. Le texte distingue deux méthodes pour calculer les carrés d'une suite : la manière incomplexe, où chaque terme est carré individuellement, et la manière complexe, où les termes sont carrés en tant que somme. Le P. C. et M. Cheyne divergent sur la somme des carrés des unités. Le premier la voit comme la suite des impairs, tandis que le second la considère comme le double de la somme des nombres naturels. Le texte conclut que ni le P. C. ni M. Cheyne n'ont tort, mais qu'ils utilisent des méthodes différentes pour calculer les carrés. Selon la manière complexe, la somme des carrés des unités est double de celle des nombres naturels, ce qui résout le paradoxe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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412
p. 1870-1873
L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
Début :
L'Amour joignoit Medor à l'aimable Amarille ; [...]
Mots clefs :
Amour, Amant fugitif, Jaloux, Tendresse, Navire, Foudre, Monstres maritimes
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texteReconnaissance textuelle : L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
L'AMANT FUGITIF
CANTAT E.
L'Amour joignoitMedor à l'aimableAmarille j
Jaloux de leur état tranquille ,
Le rigoureux Destin les voulut séparer ,
L'Amant surpris à sa sombre tristesse ,
Redoutant d'affliger l'objet de sa tendresse ,
Lui cache sa douleur et tâche à l'éviter ,
In differens desseins il se laisse égarer ,
Dans le trouble affreux qui l'agite
Un Navire s'offre à sa fuite.
Aprenez, sensible coeur,
Que si l'Amour vous anime ,
Toute l'Onde Maritime ,
· N'éteindra point votre ardeur¿
Em
A O UST. 1731 . 1871
d'Alcide ,
En vain sur les pas
Jusques au Rivage humide ,
Vous traversez les deux Mers §
C'est traîner par tout les fers ,
Du Dieu malin qui vous guide ,
Et l'apprendre à l'Univers.
r
Quel bruit inopiné nous annonce l'orage
Dieux ! que vois- je ? l'humide plage
Flance en bouillonnant ses flots tumultueux ;
Le bruyant Aquilon , frissonne dans nos voiles
L'air d'une fausse nuit ne cache les Etoilles ,
Que pour nous éblouir par de sinistres feux ;
Le Tonnerre en grondant fend le cercle des Cieus
La Foudre va bien- tôt éclater sur nos têtes , os
Medor que ses malheurs ont rendu furieux ,
Invoque par ces mots de nouvelles tempêtes -
Superbe Eleinent ,
Ouvre tes abîmes ,
Monstres Maritimes ;
Sortez promtement ,
Vagues mutinées ,
Cachez-nous les Airs ,
Et dans les Nuées ,
Joignez les Eclairs
La seule Amarille »
Bvj Pout
1872 MERCURE DE FRANCE
Peut troubler mon coeur ,
Votre Onde en fureur
Me laisse tranquille..
>
Le Dieu dont l'Ocean fait respecter la Loy
Sort à ces mots du sein des Ondes ,
D'un souffle il fait rentrer dans leurs prisons
profondes ,
Les vents qui causoient notre effroy ;
La nuit n'ose laisser tomber d'épaisses voiles ,
Sur la Voute Atherée où brillent les Etoilles ,
Favorables aux Matelots ;
Le terrible Trident calme l'humide Plaine
Je vois sillonner l'Onde au gré de la Baleine ,
Le nid de l'Alcion est porté sur les flots.
De l'un à l'autre Hemisphere ,
L'on peut braver le danger,
Mais vers l'lfle de Cythere ,
Redoutons de voyager.
Une Planette chérie
Du Nocher épouvanté
Souvent calme la furie
De l'Ocean irrité.
Mais dans l'amoureux voyage ;
A O UST. 17310 1873
Si le coeur est agité ,
Il est rare que l'orage .
Cede à la tranquillité.
L. C. D. N. D. M
CANTAT E.
L'Amour joignoitMedor à l'aimableAmarille j
Jaloux de leur état tranquille ,
Le rigoureux Destin les voulut séparer ,
L'Amant surpris à sa sombre tristesse ,
Redoutant d'affliger l'objet de sa tendresse ,
Lui cache sa douleur et tâche à l'éviter ,
In differens desseins il se laisse égarer ,
Dans le trouble affreux qui l'agite
Un Navire s'offre à sa fuite.
Aprenez, sensible coeur,
Que si l'Amour vous anime ,
Toute l'Onde Maritime ,
· N'éteindra point votre ardeur¿
Em
A O UST. 1731 . 1871
d'Alcide ,
En vain sur les pas
Jusques au Rivage humide ,
Vous traversez les deux Mers §
C'est traîner par tout les fers ,
Du Dieu malin qui vous guide ,
Et l'apprendre à l'Univers.
r
Quel bruit inopiné nous annonce l'orage
Dieux ! que vois- je ? l'humide plage
Flance en bouillonnant ses flots tumultueux ;
Le bruyant Aquilon , frissonne dans nos voiles
L'air d'une fausse nuit ne cache les Etoilles ,
Que pour nous éblouir par de sinistres feux ;
Le Tonnerre en grondant fend le cercle des Cieus
La Foudre va bien- tôt éclater sur nos têtes , os
Medor que ses malheurs ont rendu furieux ,
Invoque par ces mots de nouvelles tempêtes -
Superbe Eleinent ,
Ouvre tes abîmes ,
Monstres Maritimes ;
Sortez promtement ,
Vagues mutinées ,
Cachez-nous les Airs ,
Et dans les Nuées ,
Joignez les Eclairs
La seule Amarille »
Bvj Pout
1872 MERCURE DE FRANCE
Peut troubler mon coeur ,
Votre Onde en fureur
Me laisse tranquille..
>
Le Dieu dont l'Ocean fait respecter la Loy
Sort à ces mots du sein des Ondes ,
D'un souffle il fait rentrer dans leurs prisons
profondes ,
Les vents qui causoient notre effroy ;
La nuit n'ose laisser tomber d'épaisses voiles ,
Sur la Voute Atherée où brillent les Etoilles ,
Favorables aux Matelots ;
Le terrible Trident calme l'humide Plaine
Je vois sillonner l'Onde au gré de la Baleine ,
Le nid de l'Alcion est porté sur les flots.
De l'un à l'autre Hemisphere ,
L'on peut braver le danger,
Mais vers l'lfle de Cythere ,
Redoutons de voyager.
Une Planette chérie
Du Nocher épouvanté
Souvent calme la furie
De l'Ocean irrité.
Mais dans l'amoureux voyage ;
A O UST. 17310 1873
Si le coeur est agité ,
Il est rare que l'orage .
Cede à la tranquillité.
L. C. D. N. D. M
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Résumé : L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
'L'Amant Fugitif' narre l'histoire de Medor et Amarille, deux amants séparés par le destin. Medor, jaloux de leur bonheur, cache sa tristesse à Amarille et décide de fuir en mer, espérant que la distance éteindra son amour. Cependant, il découvre que l'amour persiste malgré les obstacles. Durant sa fuite, Medor affronte une tempête en mer et invoque de nouvelles tempêtes pour apaiser son cœur tourmenté. Le dieu de l'océan apparaît alors et calme la tempête, soulignant la puissance de l'amour. Le texte met en garde contre les dangers de voyager vers l'île de Cythère, associée à l'amour, et souligne la difficulté d'apaiser les tempêtes intérieures liées à l'amour agité.
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413
p. 1873-1882
LETTRE écrite de Marseille, le 1. Juillet 1731. A M. de la R. au sujet des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
Début :
Je n'ay pû lire sans étonnement, Monsieur, les Eloges avec lesquels [...]
Mots clefs :
Comédie, Éloges, Molière, Nourriture des passions, Assemblage des ruses, Obscènes, Profanes, Anathèmes, Tolérance, Conciles
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Marseille, le 1. Juillet 1731. A M. de la R. au sujet des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
LETTRE écrite de Marseille , le 1.
Juillet 1731. A M. de la R. au sujet
des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
E n'ay pû lire sans étonnement ,
Monsieur , les Eloges avec lesquels
vous annoncés dans votre Mercure du
mois de May dernier les Discours du P.
le Brun sur la Comédie. Si le P.. le Brun
a refuté si solidement la Lettre du P.
Caffaro, qui a justifié les Comédies telles
qu'on les représente depuis Moliere , si
le P. le Brun a raison de dépeindre nôtre
>> Théatre comme l'Ecole de l'impureté
» la nourriture des passions , l'assem
» blage des ruses du Demon pour les re-
» veiller , ou les yeux sont environnés
» d'objets seducteurs , les oreilles ouvertes
à des Discours souvent obscénes .
et toujours prophanes , qui infectent »
9
» le
1874 MERCURE DE FRANCE
» le coeur , et l'esprit , pourquoy , homme
pieux et rigoriste , comme vous le
paroissés dans cet Extrait , nous donnezvous
dans tous vos Mercures des Analises
de toutes les pieces de Théatre , si vives
, et si expressives , que vous engagez
la plupart de vos Lecteurs à aller partieiper
à ces Spectacles que le P. le Brun
soutient si pernicieux et si criminels ?
une personne d'esprit doit toujours parler
, et agir par principes. La Comédie
telle qu'on la représente depuis plus de
30. ans sur nôtre Théatre est un mal en
elle-même , ou elle n'en est pas un . Si elleest
encore un mal en elle-même , comme
elle étoit lorsque les Peres de l'Eglise et
les Conciles Pont condamnée avec tant
sagesse , non seulement les Comédiens
meritent toujours les Anathémes que
PEglise a autrefois prononcés contre eux ,
mais la conduite de quelques Rigoristes
qui refusent d'absoudre tous ceux qui assistent
à la Comédie est reguliere , et doit
absolument être suivie par tous les Directeurs.
La tolerance du P. le Brun qui n'ose:
condamner ceux qui y assistent , est donc
contraire aux principes , puisqu'il n'a
pu ignorer qu'une chose qui est crimi
nelle en elle - même , ne doit jamais être
tolerée et l'on seroit mieux fondé à lu
de
demander
A O UST. 1731. 1.877
demander une retractation , s'il vivoit
encore , qu'on ne l'a été à en exiger
une du P. Caffaro , qui après avoir éta
bli et démontré , par des principes , et
par des faits incontestables , que nôtre
Comédie n'est pas un mal en elle - même
a conclu qu'on y pouvoit assister très - innocemment.
Si la Comédie épurée et châtiée , comme
elle est sur nôtre Théatre , n'est plus
un mal en elle -même , ceux qui la représentent
ne meritent plus les foudres de
PEglise , et ils sont en droit depuis longtems
de faire à ce sujet de très-humbles
remontrances à ceux de nos Evêques qui
continuent à faire prononcer contre eux
des Anathémes dans les Eglises Paroissia
les de leurs Diocèses.
Le P. Caffaro n'a entrepris de justifier
nos Comédies qu'en faisant un juste pa
rallele entre les anciennes et celles de notre
tems. Il a mis en fait que les Peres et
les Conciles n'ont prononcé des Anathémes
contre les Comédies , que parce
que ce n'étoient de leur tems que des
assemblées d'impudicité , où l'on n'approuvoit
que ce qui étoit vicieux , où
Les Acteurs jouoient avec les gestes les
plus honteux , où les hommes et les femes
méprisoient toutes les regles de la
pudeus,
1876 MERCURE DE FRANCE
pudeur, et où l'on prononçoit souvent des
blasphemes contre le saint Nom de Dieu :
ce qu'il a prouvé par les témoignages
de Tertulien , de Salvien , de Lactance
de S. Cyprien , et de S. Chrisostome. It a
remarqué qu'à mesure que le Théatre
s'est purgé de ses ordures , et de ses impietés
, les Peres de l'Eglise l'ont traité
avec plus d'indulgence que S. Thomas
dans la 2. partie de sa Somme , art. 2 .
quest. 168. soutient que dans les jeux
et les divertissemens , lorsqu'ils sont modérez
, non seulement il n'y croît point
de mal , mais même qu'il y trouve quelque
bien , parcequ'il est necessaire
l'homme relâche quelquefois son esprit
trop attaché aux affaires : que ce Pere
ajoute que ce délassement de l'esprit ne
se fait que par des paroles ou des actions
divertissantes ou ingenieuses. Ce que j'ai
trouvé en effet dans sa conclusion , où il
dit précisement : Sed ista remissio anime à
rebus agendis fit per ludicra verba et facta ;
'd'où ce Docteur de l'Eglise , qui dans un
autre endroit justifie l'emploi des Comédiens
, conclut que la Comédie , qui ne
consiste qu'en de pareils divertissemens
ne sçauroit passer pour criminelle , pourvû
qu ' lle soit renferniée dans les bornes
de la pudeur , et de la moderation : que
que
A O UST . 1731. 1877
S.Bonaventure , Dist. 16. Dub . 13. dit
formellement que les Spectacles sons
bons , et permis , s'ils s'ont accompagnés
des précautions nécessaires : Doctrine
qu'il avoit apprise de son Maître Albert
le Grand , qui l'a publié hautement
dans ses ouvrages : que S. Antonin decide
la même chose que S. François de
Sales , ce grand Directeur des ames devotes
ne deffendoit point les Comédies , quofqu'elles
fussent très - communes de son
tems : et que l'illustre S. Charles Borromée
les permit dans son Diocèse par une
Ordonnance de 1583. à condition qu'elles
seroient examinées et approuvées par
son grand Vicaire , afin qu'il ne s'y glissat
rien de deshonnête. A quoy il auroit
pû ajouter que la plupart des Casuistes
modernes les plus éclairés ont soutenu
que la Comédie étoit permise , entre
autres les Cardinaux de Turrecremata ,
et Cajetan , Jean Viguier , Medina , Silvester
, Comitolius , Henriques , Bonacina
, Tabiena : et que les Censeurs Rcmains
ont condamné dans l'Histoire Ecelesiastique
du P. Alexandre cette proposition
Comedia sunt illicita.
Le P. Caffaro a mis aussi en fait que
la Comédie étoit à present si châtiée et
si épurée sur le Théatre François , qu'il
n'y
1878 MERCURE DE FRANCE
n'y avoit rien que les oreilles les plus
chastes ne pussent entendre , et qu'elle
étoit même capable de corriger beaucoup
de vices et d'abus dans la conduite des
hommes.
*
Le P. le Brun ne pouvoit refuter solidement
la Lettre du P. Caffaro qu'en démontrant
la fausseté de tous ces faits .
et en prouvant que nos Comédies sont
encore aussi dissolues , et aussi impies ,
que celles qu'on représentoit dans les
tems que les Peres de l'Eglise les ont anathematisées.
L'a- t- il fait ? l'a- t-il pû faire?
je vous en laisse juge vous - même , et
toutes les personnes éclairées qui se trou
vent dans le Public.
Le P. le Brun , que j'ai connu particu
fierement , avoit beaucoup de zele , et de
pieté. Il a professé avec succès la Théologie
positive à S. Magloire , où il parloit
facilement et avec beaucoup de netteté ;
mais il ne s'étoit pas accoutumé à raisonner
par principes : et il n'avoit jamais étudié
la bonne Phisique , comme il n'a que
trop paru dans le Traité qu'il composa
sur la baguette divinatoire , au sujet de
l'Avanture du fameux Jacques Aimard ,
arrivée à Lyon en 1692. qu'il ne put
expliquer qu'en l'attribuant au pouvoir
duDemon . C'est cet ouvrage dont on nous
promer
A O UST. 1731. 1879
promet une seconde Edition sous le titre
de Traité du Discernement des effets naturels
d'avec ceux qui ne le sont pas.
Pour en juger sçavamment il faut lire la
Phisique occulte de l'Abbé de Vallemont,
qui raisonne sur des Principes bien diffe
rens , et qui connoissant les ressorts se
crets de la nature , et ses agens invisibles
, n'a pas eu besoin du secours du
Prince des ténebres pour expliquer cet
évenement , non plus qu'une infinité
d'autres des plus extraordinaires.
Mais pour vous convaincre entierement
du peu de justesse des invectives
du P. le Brun contre notre Théatre
qu'il me soit permis , Monsieur , d'ajoûter
encore quelques Reflexions sur ce su→
jet , qui est d'autant plus important , que
ce Traité sur la Comédie , qui vous a
paru si solide , pourroit causer du scrupule
, et de l'embarras à plusieurs de nos
Directeurs , qui croyant comme l'auteur ,
que notre Comédie est une des plus pernicieuses
inventions du Demon , pourroient
ne pas croire comme lui qu'on la
puisse tolerer , et permettre aux Chré
tiens d'y assister .
Quoy de plus grand ! quoy de plus noble
que tous les sentimens qui regnent
dans les Tragedies de Corneille , et ide
Racine
1880 MERCURE DE FRANCE
›
Racine , où l'on voit toujours la vertu
applaudie , et triomphante ? toutes les
Pieces de Moliere , et des autres Auteurs
modernes , ont- elles d'autre but que de
combattre les vices , en les représentant
aux yeux des Spectateurs avec tous les
traits capables de les rendre ridicules , et
odieux ; mais , disent le P.le Brun et quelques
autres Rigoristes , il n'y a point de
Tragedie , ni de Comédie où il n'y ait
quelque intrigue d'Amour , et où l'ambition
, la jalousie , la vangeance , ou la harne
ne paroissent dans tout leur jour. Cette
objection se détruit en remarquant
que toutes ces passions ne sont étalées sur
notre Théatre que pour les rendre odieuses
: et que quand elles seroient capables
de faire impression dans quelque coeur
foible , il faut bien distinguer les choses
qui peuvent par hazard exciter les passions
, d'avec celles qui naturellement
les excitent en effet. Les dernieres sont
criminelles , et déffendues : mais pour
les premieres , il faudroit fuir dans les
deserts pour les éviter. On ne sçauroit
faire un pas , entrer dans les lieux les
plus saints , lire un Livre d'Histoire ,
enfin vivre dans le monde , sans rencontrer
mille objets capables d'exciter les
passions. Faut- il qu'une belle femme
'aille
A O UST. 1731. 1881
n'aille jamais aux promenades , ni même
à l'Eglise que les personnes de la Cour
les Prelats , et les personnes constituées
en dignité quittent un éclat qui leur est
à présent de bienséance , et même de necessité
? et que personne ne porte d'épée,
à cause des mauvais effets que tout cela
peut produire ? cette pensée seroit ridicnle.
Faut-il , disoit le sage Licurgus ,
arracher les vignes , parcequ'il se trouve
des personnes qui boivent trop de leur
jus ? faut- il aussi deffendre la Comédie
qui sert aux hommes d'un honnête divertissement
, parce qu'il y a quelques
personnes qui ne la peuvent voir sans
ressentir interieurement les passions qu'on
y représente ?
On doit donc conclure que la Comédie
, avec les conditions marquées par
S. Charles , et par les autres Docteurs
que nous avons citez , est de sa nature
indifferente , et même a son utilité : que
les personnes trop susceptibles , à qui
elle est dangereuse , la doivent éviter :
et que les autres ne se la doivent permettre
que comme un plaisir innocent pour
se délasser de leurs occupations.
Enfin une derniere raison sans replique
contre les invectives du P. le Brun
c'est que dans un Royaume aussi Chrétien
que
882 MERCURE DE FRANCE
que la France , dans une Ville aussi bien
policée que Paris , sous les yeux de differens
Evêques recommandables
par leurs
lumieres et par leur zele , de tant de Magistrats
si graves et si vertueux , et
en particulier
de celui qui préside à la
Police , dont la pieté est aussi connue
que
l'étendue
de ses lumieres , la Comédie
établie par Lettres Patentes dès l'an 1402 .
et autorisée par Arrêts du Parlement
, ne seroit pas entretenue
aux dépens du Roy ,
et soutenue comme un établissement
necessaire
au bien public , et que leurs Majestés
si récommandables
par leur religion
, et
par leur vertu exemplaire
, ne la feroient
pas représenter
devant elles fi elle
étoit regardée
comme une pernicieuse
invention
du demon . Je suis toujours
Monsieur
, avec toute l'estime possible ,
Votre très humble & c. P. D. L. Ì.
Juillet 1731. A M. de la R. au sujet
des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
E n'ay pû lire sans étonnement ,
Monsieur , les Eloges avec lesquels
vous annoncés dans votre Mercure du
mois de May dernier les Discours du P.
le Brun sur la Comédie. Si le P.. le Brun
a refuté si solidement la Lettre du P.
Caffaro, qui a justifié les Comédies telles
qu'on les représente depuis Moliere , si
le P. le Brun a raison de dépeindre nôtre
>> Théatre comme l'Ecole de l'impureté
» la nourriture des passions , l'assem
» blage des ruses du Demon pour les re-
» veiller , ou les yeux sont environnés
» d'objets seducteurs , les oreilles ouvertes
à des Discours souvent obscénes .
et toujours prophanes , qui infectent »
9
» le
1874 MERCURE DE FRANCE
» le coeur , et l'esprit , pourquoy , homme
pieux et rigoriste , comme vous le
paroissés dans cet Extrait , nous donnezvous
dans tous vos Mercures des Analises
de toutes les pieces de Théatre , si vives
, et si expressives , que vous engagez
la plupart de vos Lecteurs à aller partieiper
à ces Spectacles que le P. le Brun
soutient si pernicieux et si criminels ?
une personne d'esprit doit toujours parler
, et agir par principes. La Comédie
telle qu'on la représente depuis plus de
30. ans sur nôtre Théatre est un mal en
elle-même , ou elle n'en est pas un . Si elleest
encore un mal en elle-même , comme
elle étoit lorsque les Peres de l'Eglise et
les Conciles Pont condamnée avec tant
sagesse , non seulement les Comédiens
meritent toujours les Anathémes que
PEglise a autrefois prononcés contre eux ,
mais la conduite de quelques Rigoristes
qui refusent d'absoudre tous ceux qui assistent
à la Comédie est reguliere , et doit
absolument être suivie par tous les Directeurs.
La tolerance du P. le Brun qui n'ose:
condamner ceux qui y assistent , est donc
contraire aux principes , puisqu'il n'a
pu ignorer qu'une chose qui est crimi
nelle en elle - même , ne doit jamais être
tolerée et l'on seroit mieux fondé à lu
de
demander
A O UST. 1731. 1.877
demander une retractation , s'il vivoit
encore , qu'on ne l'a été à en exiger
une du P. Caffaro , qui après avoir éta
bli et démontré , par des principes , et
par des faits incontestables , que nôtre
Comédie n'est pas un mal en elle - même
a conclu qu'on y pouvoit assister très - innocemment.
Si la Comédie épurée et châtiée , comme
elle est sur nôtre Théatre , n'est plus
un mal en elle -même , ceux qui la représentent
ne meritent plus les foudres de
PEglise , et ils sont en droit depuis longtems
de faire à ce sujet de très-humbles
remontrances à ceux de nos Evêques qui
continuent à faire prononcer contre eux
des Anathémes dans les Eglises Paroissia
les de leurs Diocèses.
Le P. Caffaro n'a entrepris de justifier
nos Comédies qu'en faisant un juste pa
rallele entre les anciennes et celles de notre
tems. Il a mis en fait que les Peres et
les Conciles n'ont prononcé des Anathémes
contre les Comédies , que parce
que ce n'étoient de leur tems que des
assemblées d'impudicité , où l'on n'approuvoit
que ce qui étoit vicieux , où
Les Acteurs jouoient avec les gestes les
plus honteux , où les hommes et les femes
méprisoient toutes les regles de la
pudeus,
1876 MERCURE DE FRANCE
pudeur, et où l'on prononçoit souvent des
blasphemes contre le saint Nom de Dieu :
ce qu'il a prouvé par les témoignages
de Tertulien , de Salvien , de Lactance
de S. Cyprien , et de S. Chrisostome. It a
remarqué qu'à mesure que le Théatre
s'est purgé de ses ordures , et de ses impietés
, les Peres de l'Eglise l'ont traité
avec plus d'indulgence que S. Thomas
dans la 2. partie de sa Somme , art. 2 .
quest. 168. soutient que dans les jeux
et les divertissemens , lorsqu'ils sont modérez
, non seulement il n'y croît point
de mal , mais même qu'il y trouve quelque
bien , parcequ'il est necessaire
l'homme relâche quelquefois son esprit
trop attaché aux affaires : que ce Pere
ajoute que ce délassement de l'esprit ne
se fait que par des paroles ou des actions
divertissantes ou ingenieuses. Ce que j'ai
trouvé en effet dans sa conclusion , où il
dit précisement : Sed ista remissio anime à
rebus agendis fit per ludicra verba et facta ;
'd'où ce Docteur de l'Eglise , qui dans un
autre endroit justifie l'emploi des Comédiens
, conclut que la Comédie , qui ne
consiste qu'en de pareils divertissemens
ne sçauroit passer pour criminelle , pourvû
qu ' lle soit renferniée dans les bornes
de la pudeur , et de la moderation : que
que
A O UST . 1731. 1877
S.Bonaventure , Dist. 16. Dub . 13. dit
formellement que les Spectacles sons
bons , et permis , s'ils s'ont accompagnés
des précautions nécessaires : Doctrine
qu'il avoit apprise de son Maître Albert
le Grand , qui l'a publié hautement
dans ses ouvrages : que S. Antonin decide
la même chose que S. François de
Sales , ce grand Directeur des ames devotes
ne deffendoit point les Comédies , quofqu'elles
fussent très - communes de son
tems : et que l'illustre S. Charles Borromée
les permit dans son Diocèse par une
Ordonnance de 1583. à condition qu'elles
seroient examinées et approuvées par
son grand Vicaire , afin qu'il ne s'y glissat
rien de deshonnête. A quoy il auroit
pû ajouter que la plupart des Casuistes
modernes les plus éclairés ont soutenu
que la Comédie étoit permise , entre
autres les Cardinaux de Turrecremata ,
et Cajetan , Jean Viguier , Medina , Silvester
, Comitolius , Henriques , Bonacina
, Tabiena : et que les Censeurs Rcmains
ont condamné dans l'Histoire Ecelesiastique
du P. Alexandre cette proposition
Comedia sunt illicita.
Le P. Caffaro a mis aussi en fait que
la Comédie étoit à present si châtiée et
si épurée sur le Théatre François , qu'il
n'y
1878 MERCURE DE FRANCE
n'y avoit rien que les oreilles les plus
chastes ne pussent entendre , et qu'elle
étoit même capable de corriger beaucoup
de vices et d'abus dans la conduite des
hommes.
*
Le P. le Brun ne pouvoit refuter solidement
la Lettre du P. Caffaro qu'en démontrant
la fausseté de tous ces faits .
et en prouvant que nos Comédies sont
encore aussi dissolues , et aussi impies ,
que celles qu'on représentoit dans les
tems que les Peres de l'Eglise les ont anathematisées.
L'a- t- il fait ? l'a- t-il pû faire?
je vous en laisse juge vous - même , et
toutes les personnes éclairées qui se trou
vent dans le Public.
Le P. le Brun , que j'ai connu particu
fierement , avoit beaucoup de zele , et de
pieté. Il a professé avec succès la Théologie
positive à S. Magloire , où il parloit
facilement et avec beaucoup de netteté ;
mais il ne s'étoit pas accoutumé à raisonner
par principes : et il n'avoit jamais étudié
la bonne Phisique , comme il n'a que
trop paru dans le Traité qu'il composa
sur la baguette divinatoire , au sujet de
l'Avanture du fameux Jacques Aimard ,
arrivée à Lyon en 1692. qu'il ne put
expliquer qu'en l'attribuant au pouvoir
duDemon . C'est cet ouvrage dont on nous
promer
A O UST. 1731. 1879
promet une seconde Edition sous le titre
de Traité du Discernement des effets naturels
d'avec ceux qui ne le sont pas.
Pour en juger sçavamment il faut lire la
Phisique occulte de l'Abbé de Vallemont,
qui raisonne sur des Principes bien diffe
rens , et qui connoissant les ressorts se
crets de la nature , et ses agens invisibles
, n'a pas eu besoin du secours du
Prince des ténebres pour expliquer cet
évenement , non plus qu'une infinité
d'autres des plus extraordinaires.
Mais pour vous convaincre entierement
du peu de justesse des invectives
du P. le Brun contre notre Théatre
qu'il me soit permis , Monsieur , d'ajoûter
encore quelques Reflexions sur ce su→
jet , qui est d'autant plus important , que
ce Traité sur la Comédie , qui vous a
paru si solide , pourroit causer du scrupule
, et de l'embarras à plusieurs de nos
Directeurs , qui croyant comme l'auteur ,
que notre Comédie est une des plus pernicieuses
inventions du Demon , pourroient
ne pas croire comme lui qu'on la
puisse tolerer , et permettre aux Chré
tiens d'y assister .
Quoy de plus grand ! quoy de plus noble
que tous les sentimens qui regnent
dans les Tragedies de Corneille , et ide
Racine
1880 MERCURE DE FRANCE
›
Racine , où l'on voit toujours la vertu
applaudie , et triomphante ? toutes les
Pieces de Moliere , et des autres Auteurs
modernes , ont- elles d'autre but que de
combattre les vices , en les représentant
aux yeux des Spectateurs avec tous les
traits capables de les rendre ridicules , et
odieux ; mais , disent le P.le Brun et quelques
autres Rigoristes , il n'y a point de
Tragedie , ni de Comédie où il n'y ait
quelque intrigue d'Amour , et où l'ambition
, la jalousie , la vangeance , ou la harne
ne paroissent dans tout leur jour. Cette
objection se détruit en remarquant
que toutes ces passions ne sont étalées sur
notre Théatre que pour les rendre odieuses
: et que quand elles seroient capables
de faire impression dans quelque coeur
foible , il faut bien distinguer les choses
qui peuvent par hazard exciter les passions
, d'avec celles qui naturellement
les excitent en effet. Les dernieres sont
criminelles , et déffendues : mais pour
les premieres , il faudroit fuir dans les
deserts pour les éviter. On ne sçauroit
faire un pas , entrer dans les lieux les
plus saints , lire un Livre d'Histoire ,
enfin vivre dans le monde , sans rencontrer
mille objets capables d'exciter les
passions. Faut- il qu'une belle femme
'aille
A O UST. 1731. 1881
n'aille jamais aux promenades , ni même
à l'Eglise que les personnes de la Cour
les Prelats , et les personnes constituées
en dignité quittent un éclat qui leur est
à présent de bienséance , et même de necessité
? et que personne ne porte d'épée,
à cause des mauvais effets que tout cela
peut produire ? cette pensée seroit ridicnle.
Faut-il , disoit le sage Licurgus ,
arracher les vignes , parcequ'il se trouve
des personnes qui boivent trop de leur
jus ? faut- il aussi deffendre la Comédie
qui sert aux hommes d'un honnête divertissement
, parce qu'il y a quelques
personnes qui ne la peuvent voir sans
ressentir interieurement les passions qu'on
y représente ?
On doit donc conclure que la Comédie
, avec les conditions marquées par
S. Charles , et par les autres Docteurs
que nous avons citez , est de sa nature
indifferente , et même a son utilité : que
les personnes trop susceptibles , à qui
elle est dangereuse , la doivent éviter :
et que les autres ne se la doivent permettre
que comme un plaisir innocent pour
se délasser de leurs occupations.
Enfin une derniere raison sans replique
contre les invectives du P. le Brun
c'est que dans un Royaume aussi Chrétien
que
882 MERCURE DE FRANCE
que la France , dans une Ville aussi bien
policée que Paris , sous les yeux de differens
Evêques recommandables
par leurs
lumieres et par leur zele , de tant de Magistrats
si graves et si vertueux , et
en particulier
de celui qui préside à la
Police , dont la pieté est aussi connue
que
l'étendue
de ses lumieres , la Comédie
établie par Lettres Patentes dès l'an 1402 .
et autorisée par Arrêts du Parlement
, ne seroit pas entretenue
aux dépens du Roy ,
et soutenue comme un établissement
necessaire
au bien public , et que leurs Majestés
si récommandables
par leur religion
, et
par leur vertu exemplaire
, ne la feroient
pas représenter
devant elles fi elle
étoit regardée
comme une pernicieuse
invention
du demon . Je suis toujours
Monsieur
, avec toute l'estime possible ,
Votre très humble & c. P. D. L. Ì.
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Résumé : LETTRE écrite de Marseille, le 1. Juillet 1731. A M. de la R. au sujet des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
La lettre datée du 1er juillet 1731 critique les éloges du Père le Brun sur la comédie, publiés dans le Mercure de mai précédent. L'auteur exprime son étonnement face à la contradiction entre les discours rigoristes du Père le Brun et les analyses détaillées des pièces de théâtre dans le Mercure, qui encouragent les lecteurs à assister à des spectacles que le Père le Brun considère comme pernicieux. L'auteur soutient que la comédie, telle qu'elle est représentée depuis Molière, n'est pas intrinsèquement mauvaise. Il argue que les Pères de l'Église et les Conciles ont condamné les comédies en raison de leur impudicité et de leur immoralité, mais que les comédies modernes sont épurées et peuvent même corriger des vices. Le Père Caffaro, qui a justifié les comédies, a comparé les anciennes comédies aux modernes, notant que les premières étaient des assemblées d'impudicité, tandis que les secondes sont modérées et divertissantes. Le Père le Brun, connu pour son zèle et sa piété, n'a pas réussi à réfuter solidement les arguments du Père Caffaro. L'auteur critique également le Père le Brun pour son manque de raisonnement par principes et son recours au démon pour expliquer des phénomènes naturels. La lettre conclut en affirmant que la comédie, sous certaines conditions, est indifférente et même utile. Elle souligne que les autorités religieuses et civiles en France tolèrent et soutiennent la comédie, ce qui montre qu'elle n'est pas considérée comme une invention pernicieuse du démon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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414
p. 1883-1884
ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
Début :
Critou vouloit à la mémoire [...]
Mots clefs :
Gloire, Écusson, Galants, Cour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
EPIGRAMMES
Imitées de Buchanam.
Crito sue cupidus.
CRiton vouloit à la mémoire
Laisser des marques de sa gloire ;
Il fit peindre son Ecusson
Et plus bas son illustre nom
Sur les vîtres de sa Chapelle.
Certes , l'invention est belle ;
Mais sur un si beau Monument ;
Si le vent remporte victoire ,
Adieu son nom , adieu sa gloire ,
Autant en emporte le vent.
AUTRE.
Philli omnes.
Mille Galans vous font la Cour ¿
A tous vous marqués de l'amour ;
Cependant pas un ne vous aime.
Vôtre surprise en est extréme,
Pourquoi cela demandés -vous ;
Ccs
1884 MERCURE DE FRANCE
C'est qu'Iris , vous les aimés tous ;
11 faut donc que je les haïsse?
Non vraiment, ce seroit un vice.
Iris n'en haïssés aucun ,
Mais entre tous n'en aimés qu'un.
AUTR E.
Carmina quod Senon.
Vos vers n'ont point de sens zozeme,
Pourquoy tant vous en étonner ?
Vous ne pouvés pas leur donner ;
Ce que vous n'avés pas vous- même.
Imitées de Buchanam.
Crito sue cupidus.
CRiton vouloit à la mémoire
Laisser des marques de sa gloire ;
Il fit peindre son Ecusson
Et plus bas son illustre nom
Sur les vîtres de sa Chapelle.
Certes , l'invention est belle ;
Mais sur un si beau Monument ;
Si le vent remporte victoire ,
Adieu son nom , adieu sa gloire ,
Autant en emporte le vent.
AUTRE.
Philli omnes.
Mille Galans vous font la Cour ¿
A tous vous marqués de l'amour ;
Cependant pas un ne vous aime.
Vôtre surprise en est extréme,
Pourquoi cela demandés -vous ;
Ccs
1884 MERCURE DE FRANCE
C'est qu'Iris , vous les aimés tous ;
11 faut donc que je les haïsse?
Non vraiment, ce seroit un vice.
Iris n'en haïssés aucun ,
Mais entre tous n'en aimés qu'un.
AUTR E.
Carmina quod Senon.
Vos vers n'ont point de sens zozeme,
Pourquoy tant vous en étonner ?
Vous ne pouvés pas leur donner ;
Ce que vous n'avés pas vous- même.
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Résumé : ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
Le texte présente trois épigrammes inspirées de Buchanan. La première, 'Crito sue cupidus', relate la vaine tentative de Crito de perpétuer sa gloire par des marques éphémères. La deuxième, 'Philli omnes', décrit Iris, aimée par plusieurs mais en aimant un seul. La troisième, 'Carmina quod Senon', critique des vers dénués de sens. Le texte mentionne une publication dans le Mercure de France en 1884.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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415
p. 1884-1892
EXTRAIT d'une Lettre contenant une Relation de la défaite des Renards, Nation Sauvage, située au haut du Fleuve Mississipy , par les François de la Loüisiane et du Canada, au mois de Septembre 1730.
Début :
Les Renards, unis avec les Maskoutins et les Quikapons, faisoient depuis [...]
Mots clefs :
Renards, Défaite, Guerre, Sauvages Illinois, Détachements, Armes, Officiers français, Prisonniers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre contenant une Relation de la défaite des Renards, Nation Sauvage, située au haut du Fleuve Mississipy , par les François de la Loüisiane et du Canada, au mois de Septembre 1730.
EXTRAIT d'une Lettre contenant une
Relation de la défaite des Renards , Nation
Sauvage , située au baut du Fleuve
Mississipy , parles François de la Loüisiane
et du Canada , au mois de Septembre
1730 .
L
Es Renards , unis avec les Maskoutins
et les Quikapons, faisoient depuis
environ dix ans une Guerre ouverte aux
François et aux Sauvages Illinois . Ils
surprenoient et attaquoient nos détachements
A O UST. 1731.
1885
ments , ils enlevoient nos Voyageurs qui
se trouvoient en petit nombre , et ils
venoient même nous inquiéter jusques
dans nos habitations où nous ne pouvions
cultiver nos Terres que les Armes à la
main. On avoit tenté plusieurs fois de
les détruire ; mais le défaut de concert
entre les Officiers François qui commandoient
dans les postes avancés , se trouvant
joint à l'interest , et à la mauvaise
volonté de quelques-uns , avoient toujours
fait échouer les entreprises qui
avoient été formées en éxecution des Ordres
de la Cour. Un Evenement a enfin
causé la désunion de ces Sauvages et la
perte des Renards.
Au mois d'Octobre de l'année 1728.
un parti de Quikapons et de Maskoutins
arrêta sur le Mississipy dix - sept François
qui descendoient des Sioux aux Illinois.
Ces Sauvages délibererent. d'abord s'ils
brûleroient leurs Prisonniers ou s'ils
les remettroient entre les mains des Renards
; mais le Pere Guignas , Missionnaire
Jesuite , qui étoit du nombre de
çes François , leur fit comprendre qu'ils
avoient interêt de bien conserver leurs
Prisonniers , et il gagna tellement leur
confiance qu'il parvint ensuite à les déta
C cher
18 MERCURE DE FRANCE
cher des Renards, et à les porter à nous
demander la Paix.
Au bout de cinq mois de captivité ;
il vint lui même avec leurs députés auFort
de Chartres , Poste François , au Pays
des Illinois , où cette Paix fut concluë à
la satisfaction de ces Nations.
Les Renards déconcertés et fort affoi
blis par cette division , resolurent de se
refugier chez les Iroquois , alliez des Anglois
; en passant par le Pays des Onya
tanous , les Quikapons et Maskoutins qui
penétrerent leur dessein , en donnerent
avis dans tous les Postes François de la
Louisianne et du Canada ; mais on douta
de leur bonne foy , et M. de S. Ange
Officier commandant au Fort de Chartres
, ne put jamais déterminer les habitans
François à se mettre en Campagne!
Cependant les Illinois du Village des
Cahokias , vinrent au mois de Juillet
130. nous apprendre que les Renards
avoient fait des Prisonniers sur eux , ea
brûlé le fils de leur grand Chef auprès
du Rocher , sur la Riviere des Illinois
Ces nouvelles jointes à des avis que nous
avions reçus d'ailleurs , engagerent à
aller chercher l'ennemi, Nos Sauvages
animez à vanger leur sang, furent bientôt
en Campagne; M. de S. Ange se mit en
marche à la tête de tout ce qu'il put
rassembler de François , er le 10. d'Aoust
ceux-ci ayant joint 3 : à 400. Sauvages qui
les avoient devancés de quelques jours ,
notre petite Armée se trouva forte de 500.
hommes. Les Quikapons , Maskoutins et
Illinois du Rocher , s'étoient rendus maitres
des passages du côté du Nord Est
ce qui détermina ces Renards à construire
un Fort à une lieüe au dessous d'eux ,
pour se mettre à couvert de leurs insultes.
>
Le 12. nous eûmes des nouvelles des
Ennemis par un de nos Coureurs . Il
nous apprit où étoit leur Fort , et nous
dit qu'il y avoit compté cent onze Cabanes.
Nous n'en étions éloignés que
de deux ou trois journées ; nous conti
nuâmes notre marche par des Pays
couverts , et le 17. à la pointe du jour
nous vîmes la Retraite de l'Ennemi :
nous tombâmes sur un party de 40. hommes
qui sortoit pour la chasse et nous le
contraignîmes de regagner le Fort , qui
étoit un petit bouquet de bois , renfermé
de pieux , situé sur une ponte douce
qui s'elevoit du côté de l'Ouest et du
Nord- Ouest , le long d'une petite Riviere:
ensorte que du côté du Sud et du
Cij Sud
Sud- Est , on les voyoit à découvert .
Leurs Cabannes étoient fort petites et
pratiquées dans la Terre comme les Tanieres
des Renards dont ils portent le
nom .
Au bruit des premiers coups de Fusil
les Quikapons Maskoutins et Illinois
qui étoient souvent aux mains avec les
partis ennemis , et qui depuis un mois
attendoient du secours , vinrent nous
joindre au nombre de 200. hommes. On
se partagea suivant les ordres de M. de
S. Ange pour bloquer les Renards qui
ce jour- là firent deux sorties inutiles. Ôn
ouvrit la tranchée la nuit suivante , et
chacun travailla à se fortifier dans le
poste qui lui avoit été assigné.
Le 19. les Ennemis demanderent à
parler ils offrirent de rendre les Esclaves
qu'ils avoient fait autrefois sur les
Illinois , et en effet ils en renvoyerent
quelques uns '; mais comme on s'apperçut
qu'ils ne cherchoient qu'à nous amuser
dès le lendemain on recommença à tirer
sur eux .
Nous fumes joints les jours suivants
par so . à 60. François et soo . Sauvages
Poutouatamis et Sakis qui étoient sous la
conduite de M. Devilliers , Commandant
de la Riviere S, Joseph , du Gouver
nement
A O UST. 1731. 1889
nement de Canada . Il fut suivi de quel
ques Sauvages Ouyatanous et Peanguichias.
A son arrivée il y eut de nouvelles Confe
rences avec les Renards qui demanderent
la vie , les presens à la main . M. de Villiers
paroissoit tenté de la leur accorder ;
mais ses gens n'étoient pas les plus forts ,
et il ne pouvoit rien conclure sans le
consentement des François , et des Sauvages
Illinois , qui ne vouloient se prêter
à aucun accommodement.
Cependant on decouvrit que les Sakis ,
parents et alliez des Renards , traitoient
sous mains avec eux , leur fournissant
des munitions , et prenant des mesures
pour favoriser leur évasion : nos Sauva
ges qui s'en apperçurent s'ameuterent
le premier Septembre , et ils étoient sur
le point de donner sur les Sakis , lorsque
M. de S. Ange , à la tête de 100. François
, s'avança pour fermer toutes les
avenues du Fort du côté des Sakis , ce
qui y retablit le bon ordre.
Notre dessein étoit de dissimuler cette
perfidie jusqu'à l'arrivée de M. de Noyelle
, Commandant des Miamis , que nous
attendions ; mais il arriva le même jour
au Camp avec 1. François et 200. Sauvages.
Il apportoit des défenses de M. le
Ciij Gouverneur
1890 MERCURE DE FRANCE
Gouverneur du Canada de faire aucun
Traité avec les Renards.
Sur cela on tint un Conseil general ,
où les Sakis furent humiliés ; car toutes
les voix se réunirent pour la perte de
l'ennemi .
Cependant il y avoit déja plusieurs
jours que nous souffrions de la faim aussi
bien que les Renards ; nos Sauvages se
rebutoient et marquoient leur impatience.
Le 7. Septembre 200. Illinois deserterent
, et il y avoit tout à craindre de
ce mauvais exemple , qui n'eut pourtant
pas de suites ; car les Troupes de M. de
S. Ange construisoient à deux portées de
Pistolet des Renards un petit Fort qui
alloit leur couper la communication de
la Riviere , et qui paroissoit nous annoncer
une victoire complette et prochainc.
Le &. Septembre , des Tonneres terribles
et une pluye effroyable interrompirent
ros travaux , la nuit suivante fut
également pluvieuse , et outre cela trèsnoire
et très-froide ; les Renards profitant
de l'occasion sortirent de leur Fort ,
on s'en apperçut aussitôt par les cris des
enfants ; mais que faire par le tems qu'il
faisoit , il étoit impossible de se reconnoître
dans une si grande obscurité où l'on
SC
A O UST. 1731. 1898
se seroit exposé à tirer sur nos gens comme
sur l'ennemi : on ne sçavoit donc
quel party prendre ; cependant tout le
monde étoit sous les armes et les Sauvages
s'avançoient sur les deux aîles des
fuyards pour donner dessus dès que le
jour paroîtroit. Il parut enfin et chacun
se mit à les suivre ; nos Sauvages plus
frais et plus vigoureux qu'eux , les joi
gnirent bientôt.
Les Femmes , les Enfans et les Vicillards
marchoient à la tête , et les Guerriers
fermoient la marche pour les couvrir
; ils furent d'abord rempus et défaits ;
le nombre des morts et des prisonniers ,
s'est trouvé d'environ 300. Guerriers ;
Il n'est point question du nombre des.
Vieillards , des Femmes et des Enfans
qui tous ont été pris. Il ne s'est échapé
au plus que so. ou 6o, hommes qui se
sont sauvés sans Fusils er sans aucuns ustanciles
pour se procurer de quoy vivre.
Les Illinois du Rocher , les Maskoutins
et Quikapons , sont actuellement après
ce petit reste de Fuyards , et les premieres
nouvelles nous apprendront la destruction
totale de cette malheureuse Nation .
M. Perrier , Commandant General de
la Louisianne a beaucoup contribué à
sette Expédition par les bons ordres qu'il
C iiij avoit
1892 MERCURE DE FRANCE
avoit donnés à M. de S. Ange , et par le
soin qu'il avoit eu de lui envoyer environ
100. hommes , quoyqu'il eut alors un extrême
besoin de Troupes dans le bas de
la Colonie pour l'entreprise qu'il projettoit
contre les Matchez.
On donnera la Relation de la défaite de
cette derniere Nation dans le prochain Mer
cure.
Relation de la défaite des Renards , Nation
Sauvage , située au baut du Fleuve
Mississipy , parles François de la Loüisiane
et du Canada , au mois de Septembre
1730 .
L
Es Renards , unis avec les Maskoutins
et les Quikapons, faisoient depuis
environ dix ans une Guerre ouverte aux
François et aux Sauvages Illinois . Ils
surprenoient et attaquoient nos détachements
A O UST. 1731.
1885
ments , ils enlevoient nos Voyageurs qui
se trouvoient en petit nombre , et ils
venoient même nous inquiéter jusques
dans nos habitations où nous ne pouvions
cultiver nos Terres que les Armes à la
main. On avoit tenté plusieurs fois de
les détruire ; mais le défaut de concert
entre les Officiers François qui commandoient
dans les postes avancés , se trouvant
joint à l'interest , et à la mauvaise
volonté de quelques-uns , avoient toujours
fait échouer les entreprises qui
avoient été formées en éxecution des Ordres
de la Cour. Un Evenement a enfin
causé la désunion de ces Sauvages et la
perte des Renards.
Au mois d'Octobre de l'année 1728.
un parti de Quikapons et de Maskoutins
arrêta sur le Mississipy dix - sept François
qui descendoient des Sioux aux Illinois.
Ces Sauvages délibererent. d'abord s'ils
brûleroient leurs Prisonniers ou s'ils
les remettroient entre les mains des Renards
; mais le Pere Guignas , Missionnaire
Jesuite , qui étoit du nombre de
çes François , leur fit comprendre qu'ils
avoient interêt de bien conserver leurs
Prisonniers , et il gagna tellement leur
confiance qu'il parvint ensuite à les déta
C cher
18 MERCURE DE FRANCE
cher des Renards, et à les porter à nous
demander la Paix.
Au bout de cinq mois de captivité ;
il vint lui même avec leurs députés auFort
de Chartres , Poste François , au Pays
des Illinois , où cette Paix fut concluë à
la satisfaction de ces Nations.
Les Renards déconcertés et fort affoi
blis par cette division , resolurent de se
refugier chez les Iroquois , alliez des Anglois
; en passant par le Pays des Onya
tanous , les Quikapons et Maskoutins qui
penétrerent leur dessein , en donnerent
avis dans tous les Postes François de la
Louisianne et du Canada ; mais on douta
de leur bonne foy , et M. de S. Ange
Officier commandant au Fort de Chartres
, ne put jamais déterminer les habitans
François à se mettre en Campagne!
Cependant les Illinois du Village des
Cahokias , vinrent au mois de Juillet
130. nous apprendre que les Renards
avoient fait des Prisonniers sur eux , ea
brûlé le fils de leur grand Chef auprès
du Rocher , sur la Riviere des Illinois
Ces nouvelles jointes à des avis que nous
avions reçus d'ailleurs , engagerent à
aller chercher l'ennemi, Nos Sauvages
animez à vanger leur sang, furent bientôt
en Campagne; M. de S. Ange se mit en
marche à la tête de tout ce qu'il put
rassembler de François , er le 10. d'Aoust
ceux-ci ayant joint 3 : à 400. Sauvages qui
les avoient devancés de quelques jours ,
notre petite Armée se trouva forte de 500.
hommes. Les Quikapons , Maskoutins et
Illinois du Rocher , s'étoient rendus maitres
des passages du côté du Nord Est
ce qui détermina ces Renards à construire
un Fort à une lieüe au dessous d'eux ,
pour se mettre à couvert de leurs insultes.
>
Le 12. nous eûmes des nouvelles des
Ennemis par un de nos Coureurs . Il
nous apprit où étoit leur Fort , et nous
dit qu'il y avoit compté cent onze Cabanes.
Nous n'en étions éloignés que
de deux ou trois journées ; nous conti
nuâmes notre marche par des Pays
couverts , et le 17. à la pointe du jour
nous vîmes la Retraite de l'Ennemi :
nous tombâmes sur un party de 40. hommes
qui sortoit pour la chasse et nous le
contraignîmes de regagner le Fort , qui
étoit un petit bouquet de bois , renfermé
de pieux , situé sur une ponte douce
qui s'elevoit du côté de l'Ouest et du
Nord- Ouest , le long d'une petite Riviere:
ensorte que du côté du Sud et du
Cij Sud
Sud- Est , on les voyoit à découvert .
Leurs Cabannes étoient fort petites et
pratiquées dans la Terre comme les Tanieres
des Renards dont ils portent le
nom .
Au bruit des premiers coups de Fusil
les Quikapons Maskoutins et Illinois
qui étoient souvent aux mains avec les
partis ennemis , et qui depuis un mois
attendoient du secours , vinrent nous
joindre au nombre de 200. hommes. On
se partagea suivant les ordres de M. de
S. Ange pour bloquer les Renards qui
ce jour- là firent deux sorties inutiles. Ôn
ouvrit la tranchée la nuit suivante , et
chacun travailla à se fortifier dans le
poste qui lui avoit été assigné.
Le 19. les Ennemis demanderent à
parler ils offrirent de rendre les Esclaves
qu'ils avoient fait autrefois sur les
Illinois , et en effet ils en renvoyerent
quelques uns '; mais comme on s'apperçut
qu'ils ne cherchoient qu'à nous amuser
dès le lendemain on recommença à tirer
sur eux .
Nous fumes joints les jours suivants
par so . à 60. François et soo . Sauvages
Poutouatamis et Sakis qui étoient sous la
conduite de M. Devilliers , Commandant
de la Riviere S, Joseph , du Gouver
nement
A O UST. 1731. 1889
nement de Canada . Il fut suivi de quel
ques Sauvages Ouyatanous et Peanguichias.
A son arrivée il y eut de nouvelles Confe
rences avec les Renards qui demanderent
la vie , les presens à la main . M. de Villiers
paroissoit tenté de la leur accorder ;
mais ses gens n'étoient pas les plus forts ,
et il ne pouvoit rien conclure sans le
consentement des François , et des Sauvages
Illinois , qui ne vouloient se prêter
à aucun accommodement.
Cependant on decouvrit que les Sakis ,
parents et alliez des Renards , traitoient
sous mains avec eux , leur fournissant
des munitions , et prenant des mesures
pour favoriser leur évasion : nos Sauva
ges qui s'en apperçurent s'ameuterent
le premier Septembre , et ils étoient sur
le point de donner sur les Sakis , lorsque
M. de S. Ange , à la tête de 100. François
, s'avança pour fermer toutes les
avenues du Fort du côté des Sakis , ce
qui y retablit le bon ordre.
Notre dessein étoit de dissimuler cette
perfidie jusqu'à l'arrivée de M. de Noyelle
, Commandant des Miamis , que nous
attendions ; mais il arriva le même jour
au Camp avec 1. François et 200. Sauvages.
Il apportoit des défenses de M. le
Ciij Gouverneur
1890 MERCURE DE FRANCE
Gouverneur du Canada de faire aucun
Traité avec les Renards.
Sur cela on tint un Conseil general ,
où les Sakis furent humiliés ; car toutes
les voix se réunirent pour la perte de
l'ennemi .
Cependant il y avoit déja plusieurs
jours que nous souffrions de la faim aussi
bien que les Renards ; nos Sauvages se
rebutoient et marquoient leur impatience.
Le 7. Septembre 200. Illinois deserterent
, et il y avoit tout à craindre de
ce mauvais exemple , qui n'eut pourtant
pas de suites ; car les Troupes de M. de
S. Ange construisoient à deux portées de
Pistolet des Renards un petit Fort qui
alloit leur couper la communication de
la Riviere , et qui paroissoit nous annoncer
une victoire complette et prochainc.
Le &. Septembre , des Tonneres terribles
et une pluye effroyable interrompirent
ros travaux , la nuit suivante fut
également pluvieuse , et outre cela trèsnoire
et très-froide ; les Renards profitant
de l'occasion sortirent de leur Fort ,
on s'en apperçut aussitôt par les cris des
enfants ; mais que faire par le tems qu'il
faisoit , il étoit impossible de se reconnoître
dans une si grande obscurité où l'on
SC
A O UST. 1731. 1898
se seroit exposé à tirer sur nos gens comme
sur l'ennemi : on ne sçavoit donc
quel party prendre ; cependant tout le
monde étoit sous les armes et les Sauvages
s'avançoient sur les deux aîles des
fuyards pour donner dessus dès que le
jour paroîtroit. Il parut enfin et chacun
se mit à les suivre ; nos Sauvages plus
frais et plus vigoureux qu'eux , les joi
gnirent bientôt.
Les Femmes , les Enfans et les Vicillards
marchoient à la tête , et les Guerriers
fermoient la marche pour les couvrir
; ils furent d'abord rempus et défaits ;
le nombre des morts et des prisonniers ,
s'est trouvé d'environ 300. Guerriers ;
Il n'est point question du nombre des.
Vieillards , des Femmes et des Enfans
qui tous ont été pris. Il ne s'est échapé
au plus que so. ou 6o, hommes qui se
sont sauvés sans Fusils er sans aucuns ustanciles
pour se procurer de quoy vivre.
Les Illinois du Rocher , les Maskoutins
et Quikapons , sont actuellement après
ce petit reste de Fuyards , et les premieres
nouvelles nous apprendront la destruction
totale de cette malheureuse Nation .
M. Perrier , Commandant General de
la Louisianne a beaucoup contribué à
sette Expédition par les bons ordres qu'il
C iiij avoit
1892 MERCURE DE FRANCE
avoit donnés à M. de S. Ange , et par le
soin qu'il avoit eu de lui envoyer environ
100. hommes , quoyqu'il eut alors un extrême
besoin de Troupes dans le bas de
la Colonie pour l'entreprise qu'il projettoit
contre les Matchez.
On donnera la Relation de la défaite de
cette derniere Nation dans le prochain Mer
cure.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre contenant une Relation de la défaite des Renards, Nation Sauvage, située au haut du Fleuve Mississipy , par les François de la Loüisiane et du Canada, au mois de Septembre 1730.
En septembre 1730, les Renards, alliés des Maskoutins et des Quikapons, menaient une guerre contre les Français de la Louisiane et du Canada depuis environ dix ans. Ils attaquaient les détachements français, enlevaient les voyageurs et inquiétaient les habitations françaises. Plusieurs tentatives de destruction des Renards avaient échoué en raison du manque de concertation entre les officiers français et des intérêts divergents. En octobre 1728, un groupe de Quikapons et de Maskoutins captura dix-sept Français sur le Mississippi. Le Père Guignas, missionnaire jésuite, convainquit ces Sauvages de libérer les prisonniers et de demander la paix. Cette paix fut conclue au Fort de Chartres en mars 1729. Les Renards, déconcertés par cette division, décidèrent de se réfugier chez les Iroquois, alliés des Anglais. Les Quikapons et Maskoutins informèrent les postes français, mais leur bonne foi fut mise en doute. En juillet 1730, les Illinois signalèrent que les Renards avaient fait des prisonniers et brûlé le fils de leur grand chef. Les Français, soutenus par les Sauvages, se mirent en campagne. Le 10 août, une armée de 500 hommes, composée de Français et de Sauvages alliés, se forma. Les Quikapons, Maskoutins et Illinois bloquèrent les Renards dans un fort. Le 19 août, les Renards demandèrent à parler et offrirent de rendre des esclaves, mais les négociations échouèrent. Les jours suivants, des renforts français et sauvages arrivèrent. Les Sakis, alliés des Renards, furent découverts en train de les aider, ce qui provoqua une tension. Le 7 septembre, 200 Illinois désertèrent, mais les travaux de fortification continuèrent. Dans la nuit du 8 septembre, les Renards profitèrent d'une tempête pour s'échapper. Ils furent poursuivis et défaits le lendemain. Environ 300 guerriers furent tués ou capturés, et seuls 50 à 60 hommes réussirent à s'échapper sans armes. Les Illinois, Maskoutins et Quikapons poursuivirent les fuyards, annonçant la destruction totale de la nation Renard. Le commandant général de la Louisiane, M. Perrier, contribua à cette expédition en envoyant des renforts à M. de Saint-Ange.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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416
p. 1892-1894
ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
Début :
Bacchus est ma gloire, [...]
Mots clefs :
Bacchus, Gloire, Vin, Boire, Amour, Pampre, Vacarmes, Jus divin, Ivre
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texteReconnaissance textuelle : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
ODE ANACREONTIQUE,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
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Résumé : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
L'ode anacréontique, imitée d'un poème grec, est attribuée à M. D. F……… et datée de 1731. Le texte exprime la dévotion du poète à Bacchus, source de sa gloire et de son épanouissement. En buvant, il trouve l'oubli de ses chagrins et la liberté. Le poète évoque également l'amour, qu'il décrit comme une chaîne douloureuse. Il raconte comment Silène, le vieux compagnon de Bacchus, l'a sauvé d'une passion malheureuse. Il célèbre un jour dédié à Bacchus, marqué par un nectar fumant, et exprime son désir de tromper les feux de l'amour. Le poète se compare à un frelon bourdonnant et se moque de ceux qui se guindent. Il admire le vainqueur de l'Inde, qu'il compare à Apollon, et préfère la couronne de pampre, symbole de la joie du vin, à celle obtenue par les armes. Il conclut en préférant les plaisirs du vin aux dangers de la guerre, affirmant qu'il vaut mieux être ivre que manquer de vin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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417
p. 1894-1907
MEMOIRE de M. Vergile de la Bastide, Gentil- homme de Languedoc, sur la découverte d'un Grand Chemin des Romains, nouvellement faite dans cette Province.
Début :
De tous les grands Chemins que les Romains ont construits dans la vaste [...]
Mots clefs :
Chemins, Romains, Pierres milliaires, Languedoc, Antiquité, Modernes, Description, Empereur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE de M. Vergile de la Bastide, Gentil- homme de Languedoc, sur la découverte d'un Grand Chemin des Romains, nouvellement faite dans cette Province.
MEMOIRE de M. Vergile de la Bastide,
Gentil- homme de Languedoc , sur la
découverte d'un Grand Chemin des Romains
, nouvellement faite dans cette Province.
E
DRtous lesgrands Chemins que les Romains ont consruits dans la vaste
étendue de leur Empire , celui dn t il
s'agit dans ce Mémoire , est sans contredit
le moins dégradé. On y voit encore
dans
AOUST. 1731. 1895
dans l'espace de quatre lieues de Languedoc
douze Pierres , ou Colomnes Milliaires
, six desquelles , ou peut- être sept ,
n'ont point été déplacées. Il y a même
apparence qu'aucune ne l'auroit été , si
Constantius , General , et ensuite beau frere
de l'Empereur Honorius , n'en avoit
pris quelques - unes pour marquer les
Tombeaux des personnes de distinction
qui furent tuées dans une sanglante Bataille
, que gagna ce Géneral en ce même
Lieu l'an 411. comme on le lit dans la
nouvelle Histoire de Languedoc,T. 1. L.
4. N. 10.
On lit sur ces Colonnes des Inscriptions
gravées sous trois Empereurs , une
d'Auguste , qui est la seule qui se trouve
dans la Province , et les autres de Tibere
et de Claude, On peut remarquer dans
tout cet Ouvrage l'attention des Romains.
à construire , autant qu'il étoit possible ,
feurs grands Chemins sur un même alignement
, la solidité qu'ils leur donmoient
par leurs Empierremens , leur forme
et leur largeur qui est précisement
La même que N. Bergier a marquée dans
son Histoire des grands Chemins . On y
trouve aussi la mesure précise du Mille
Romain nettement déterminée par deux
pierres non déplacées , qui marquent un
C vj espace
1896 MERCURE DE FRANCE
ospace
de 752. Toi es ; ce qui prouve que
M. Cassini s'est trompé en donnant 763, Toises au Mille Romain .
La construction d'un beau Quay que
le Roy , conjointement avec la Province
de Languedoc , fait fire actuellement
à Beaucaire , et qui forme déja un Port
très commode sur le Rhône , a donné
lieu à la découverte que j'ai faite l'année
derniere 1730. de ce chemin dont
la Mémoire étoit entierement perduë ,
découverte d'autant plus heureuse , que
le nouveau Post deviendroit pre que inutile
dès qu'il n'y auroit pas un grand
Chemin propre pour le transport des
Marchandises dans le coeur de la Province
.
Il y auroit un moyen sûr et facile de
réparer ce chemin Romain , sans qu'il en
coutât rien au Roy ni à la Province
mais ce n'est pas ici le lieu de proposer- ce
moyen , il suffira de dire que , quand il
s'agira d'executer le Projet , il conviendra
de remettre en leur place les Pierres
Milliaires qui en ont été tirées et d'en
ajoûter deux qui manquent aux deux extrémitez
pour avoir le nombre compler
de ces Pierres qui se trouvoient du tems
des Romains . Les deux Pierres suppléées
serviroient à marquer dans le goût de
l'antiquité,
+
A O UST. 1731. 1897
l'antiquité le Regne d'aujourd'huy : ce
qui seroit à sa place , et laisseroit à la poste-.
rité un Monument à la gloire du Roy,
Monument dont les plus grands Empereurs
se sont fait honneur.;
Il est même certain qu'on peut faire
dans ce chemin quelque chose de mieux
que ce que les Romains y avoient fait ;
ce qui seroit une nouvelle preuve que les
Modernes peuvent , au moins en quelque
occasion , égaler , même surpasser les
Anciens ; et outre la commodité publique
, le nom Auguste de LOUIS XV.
placé parmi ceux de ces Maîtres du Monde
, feroit connoître aux Siecles les plus
récutez que la gloire de son Regne est
au dessus de celle qu'ils s'étoient acquise
en ce point dans les leurs , comme elle
doit la surpasser en tout le reste .
DESCRIPTION du Chemin Romain
depuis Beaucaire jusqu'à Nismes .
Du temps des Romains ce chemin
étoit une partie de la
grandede voye Aurelienne
, qui s'étendoit dep is la Ville
de Rome jusqu'aux extrémitez de l'Espagne.
Il commençoir au bord du Rhô
ne , à la tête d'un Pont de Pierre- appellé
Pons ararius , ou le Pont du Trésor , dont
il
1898 MERCURE DE FRANCE
il reste encore des vestiges sur le bord du
Rhône. Aujourd'hui on ne peut appercevoir
ce chemin qu'à 3. ou 400. pas de
Beaucaire,à l'endroit appellé les cing coins,
derriere le Chateau de Gaujac. On découvre
très-distinctement à cet endroit
son alignement et sa largeur qui étoit de
20. pieds. Ce chemin passoit sur la Montagne
à quelques pas sur la gauche du
lieu nommé Roquepartide.
On trouve à 200. pas au delà , sur le
même chemin , dans la Plaine de S. Roman,
deux Pierres Milliaires : la premiere
de figure quarrée , et. de 25 pouces et
demi de largeur sur 18. d'épaisseur , porte
cette Inscription de l'Empereur Tibere
; elle est environ à six pieds hors de
Berre.
TI. CAESAR
DIVI AUG. F. AUG
PONTIF. MAX.
TRIB. POT. XXI .
REFECIT ET
RESTITVIT
XIIL
La seconde est de l'Empereur Augus
te , de figure ronde , dont le diamétre
est d'environ 24. pouces. Elle est placée
à trois pieds de distance de la précedente
sur
A O UST. 1731. 1899
sur le bord du chemin à droite en allant
à Nismes , et un peu moins élevée , avec
l'Inscription suivante en partie détruite.
IMP.. • •
DIVI. F. AUG.
IM IMP. XIII.
On trouve dans la Montagne , tou
jours sur le même alignement , des vestiges
bien marqués du même chemin
Romain ; on en voit la forme qui étoit
cintrée , ou en dos d'Asne , la largeur et
les Fossez. En descendant dans la Plaine
on découvre l'Empierrement , l'assembla .
ge des Materiaux que les Romains employoient
dans la construction de leurs
chemins , à peu près comme on le
tique aujourd'hui.
pra-
La Montagne dont on vient de parler ,
a quinze Toises d'élevation du côté de
Beaucaire , et dix seulement du côté de
Nismes. C'étoit au moyen de deux grandes
Levées de terre que les Romains
avoient rendu le chemin pratiquable sur
cette Montagne , suivant leur usage or
dinaire décrit par Bergier dans son Histoire
1900 MERCURE DE FRANCE
toire , Liv. 2. Chap 17. Depuis la Montagne
jusqu'à une lieüe de Nismes , l'alignement
s'est conservé en entier , et le
chemin subsiste encore à present.
En avançant dans ce chemin , on trouve
vis - à- vis le Village de S. Vincent
deux Pierres milliaires . La premiere qui
est quarrée , a été coupée un peu au dessus
de la terre. La seconde est ronde
élevée de 3. ou 4. piés hors de terre , un
peu panchée et sans Inscription .
En suivant le même chemin , on trouve
une autre pierre quarrée , qui est
du temps de Tibere , comme l'indiquent
sa forme et le commencement d'une Inscription
dont le reste est entierement
ruiné.
TI. CAE.. ·
La valeur du Mille romain , qu'on ne
sçavoit pas au juste , est determinée par
ces pierres , qui n'ont point été dépla~
cées. Ce Mille est de 752. Toises , 4-
pieds , et dans cet espace le chemin a conservé
toute sa premiere forme dans la longueur
de plus de 400. Toises ; c'est dans
le lieu nommé la Garrigue . Tout ce chemin
que je viens de décrire , et dont j'ai
levé le plan , jusqu'aux Barraques de
Curboussot , qui partage le chemin de
Beaucaire
A O UST. 1731. 1901
Beaucaire à Nismes , est encore appellé
le chemin vieux , et se joint au grand chemin
d'aujourd'hui, à la premiereBarraque.
A une lieue de- là , en allant à Nismes ,
on trouve encore sur la droite et toujours
au bord du chemin , une autre Pierre
Milliaire avec cette Inscription .
TI CAESAR
DIVI AVG. F. A VG .
PONTIF. MAX.
TRIB . POT . XXI.
REFECIT ET
RESTITVIT.
XIIII.
Environ à trente pas de distance de cette
pierre , on voit dans un Champ quatre
Colomnes élevées , et une cinquiéme abbatue
et renversée sur la terre au milieu
des quatre les Sçavans Auteurs de la
nouvelle Histoire de Languedoc , Tom . I.
Liv. 4. Num. 10. croyent qu'elles avoient
été placées là pour marquer le Tombeau
d'un Prince tué dans une sanglanteBataille
, qui se donna dans cette Plaine , l'an
411. entre les Romains , qui assiegeoient
la Ville d'Arles , et les François joints
aux Allemans , pour faire lever le Siege.
On ne sçauroit assurer que ces cinq ·
Colomnes fussent toutes des Pierres Mil
liaires
"
1902 MERCURE DE FRANCE
liaires ; mais il y en a trois qui l'étoient
certainement. Voici l'Inscription de celle
qui est couchée , laquelle a 9. pieds de
fongueur et 24. pouces de diametre , de
même que tous les Milliaires qui sont de
figure ronde.
TI. CLAVDIVS
DRVSI F. CAESAR.
AVG. GERMANICVS
PONTIF. MAX. TRIB.
POT. COS. DESIG . IT
IMP. II. REFECIT.
Environ à deux cens pas de ce chemin
de Beaucaire, derriere le Village de Manduel
, il y a deux Pierres Milliaires , l'une
ronde et l'autre quarrée , qui sont encore
✓debout . Il seroit assés difficile de détermi
ner à quel usage elles ont été élevées en
cet endroit. Il y a quelque apparence que
c'est pour un même sujet que les 4.
précedentes. Les Inscriptions en sont
parfaitement bien conservées : celle de la
pierre ronde est la même que celle de
l'Empereur Claude qui vient d'être rapportée
et celle de la pierre quarrée
est encore la même que celles de Tibere
ci- devant rapportées. Il n'y a que la difference
A
OUST 1731. 1903
ference du nombre des pierres qui est V.
pour celle- cy.
Il y avoit un autre chemin Romain ;
qui se joignoit à celui- ci dans l'espace qui
est entre les Barraques et le Pont de Car.
Outre des vestiges qui en restent dans la
Garigue , ce chemin est encore marqué
par une Colomne non déplacée , qui est
à l'Orient de l'Eté du Village de S. Vincent.
Il est évident que depuis Beaucaire
jusqu'aux Pierres , qui sont prés le Pont
de Car , le chemin des Romains a conservé
le même alignement , et il n'est pas
moins certain que dans la lieue qui reste
depuis ces pierres jusqu'à Nisrnes , le che
min étoit construit sur la même ligne .
Pour en être persuadé , il faut considerer
1 ° . que le chemin d'aujourd'hui ne
s'en écarte jamais de beaucoup . 2 ° . que
lorsqu'il s'en écarte , ce n'est qu'à l'occasion
des eaux qui l'ayant rompu , et les
Ponts n'étant pas entretenus , ont obligé
les passans de se frayer eux mêmes un
chemin qui étant au côté d'en bas , rendoit
le passage plus aisé . 3 ° . que hors ces
endroits , le chemin rentre dans son droit
alignement , sur tout à un quart de lieüe
de Nismes où il n'y a point de sources
mi d'autres eaux. 4. qu'à la droite des
lieux
1904 MERCURE DE FRANCE
lieux où le chemin se tire de cet alignement
, on voit encore , en creusant un
pied et demi dans la terre , des restes de
l'Empierrement de l'ancien chemin des
Romains ; cet Empierrement paroît même
en plusieurs endroits au bord du chemin ,
sans qu'il soit necessaire de creuser pour
le découvrirr
Addition au Mémoire.
Les deux premieres Pierres énoncées
dans ce Mémoire , dont la premiere qui
est de Tibere , est quarrée , et la deuxiéme
d'Auguste , est ronde , sont à un
grand quart de lieüe de la Ville de Beaucaire
au dessus de la Montagne. En descendant
de cette Montagne , sur le même
alignement, il y a une très grande pierre
quarrée dont il n'est point parlé dans
le Mémoire , parcequ'elle n'est pas de la
même nature de pierre que les Milliaires ,
et que d'ailleurs elle n'a jamais eu d'Inscription.
Il y a pourtant lieu de croire
qu'elle a été mise là , et substituée en la
place d'une pierre Milliaire.
A cinq quarts de lieue de Beaucaire ,
on trouve encore deux pierres Milliaires.
La premiere est quarrée , coupée un
peu au dessus de la terre . La deuxième
est ronde , un peu panchée , et sans Inscription:
וכ
སུ པ 》)
cription : à un mille de là il y a une pierre
quarrée qui est placée comme toutes
les autres , à la droite et au bord du chemin.
L'espace qui est entre cette pierre et
les deux précedentes , est celui du Mille ,
dont il est dit dans le Mémoire que ce
chemin a conservé sa premiere forme
dans la plus grande partie de cet espace.'
On trouve ensuite les trois Barraques de
Cureboussot , qui , comme on l'a dit dans
le Mémoire , partagent également le chemin
de Beaucaire à Nismes .
Enfin à une lieue des Barraques , on
trouve la derniere pierre Milliaire qui est
debout et à sa place ; elle est quarrée avec
l'Inscription de Tibere . A côté de celle - ci
sont les 4. et même 5. pierres dont il est
parlé dans le Mémoire. Les trois autres
pierres du Mémoire sont encore hors du
chemin il y en a deux entre le Village
de Manduel et le chemin Romain ; elles
sont debout. La troisième est aussi debout
à l'Orient d'Eté du Village de S. Vincent.
cette derniere pierre étoit sur un autre
chemin Romain , dont il reste encore
plusieurs vestiges.
Depuis que ce Mémoire nous a été communiqué
, M. Vergile de la Bastide qui '
en est l'Auteur , et qui a fait la découverte
1906 MERCURE DE FRANCE
verte du chemin en question , ne voulant
rien oublier pour éclaircir ce sujet ,
et pour le rendre plus utile à la Litterature
qui concerne l'antiquariat et le bien
public , nous a encore fait part dans une
Lettre de quelques remarques que nous
ajouterons ici.
Pay fait, dit-il , uné Réflexion à l'oc
casion des differentes pierres Milliaires
qui se trouvent depuis Beaucaire jusqu'à
Montpellier ( je n'en ay point vû ailleurs)
c'est qu'on a eu soin de marquer la difference
des Empereurs qui ont réparé ces
chemins , nnoonn sseeuulleemmeenntt par les Inscriptions
gravées sur les Pierres Milliaires ,
mais on a marqué encore cette difference
par la forme des Pierres. Celle d'Auguste
est ronde et de 24. pouces de diamètre
avec une Inscription gravée simplement
et sans aucune sorte d'ornement. Celles
de Tibere sont toutes quarrées , comme
des Piedestaux , et peu polies. Celles de
Claude sont rondes , leurs Inscriptions
sont contenues dans un Cadre , creusé
dans la pierre environ 7. ou 8. lignes
avec une espece de moulure autour.
Celles d'Antonin ressemblent à celles
de Claude avec cette seule difference que
les Colomnes d'Antonin sont moins hautes
, et que la partie qui est dans la terre
est
AOUST. 1738. 1907
est quarrée comme un pied d'estal , beaucoup
plus large que le corps de la Colomne.
A l'occasion de cette Remarque ,
sur la difference qui se trouve dans la for
me des pierres Milliaires des differents
Empereurs qui ont reparé ce chemîn ,
je rapporterai ici l'Inscription d'une Colomne
Milliaire de l'Empereur Antonin
qui est à Nismes , dans la Muraille de la
Porte de la Couronne , du côté de l'Es
planade .
IMP. CAESAR
DIVI HADRIANI F.
T. AELIVS HADRIAN,
ANTONINVS AVG. PIVS.
PONT. MAX . TRIB. POT.
VIII IMP. IT. COS II.
P. P.
temps
Dans tout le chemin Romain de Beau
saire à Nismes , qui subsistoit du
de la République , et qui a été réparé
par differents Empereurs , il n'y a aucu
ne Colomne d'Antonin ; mais il
plusieurs de Nismes à Montpellier.
Gentil- homme de Languedoc , sur la
découverte d'un Grand Chemin des Romains
, nouvellement faite dans cette Province.
E
DRtous lesgrands Chemins que les Romains ont consruits dans la vaste
étendue de leur Empire , celui dn t il
s'agit dans ce Mémoire , est sans contredit
le moins dégradé. On y voit encore
dans
AOUST. 1731. 1895
dans l'espace de quatre lieues de Languedoc
douze Pierres , ou Colomnes Milliaires
, six desquelles , ou peut- être sept ,
n'ont point été déplacées. Il y a même
apparence qu'aucune ne l'auroit été , si
Constantius , General , et ensuite beau frere
de l'Empereur Honorius , n'en avoit
pris quelques - unes pour marquer les
Tombeaux des personnes de distinction
qui furent tuées dans une sanglante Bataille
, que gagna ce Géneral en ce même
Lieu l'an 411. comme on le lit dans la
nouvelle Histoire de Languedoc,T. 1. L.
4. N. 10.
On lit sur ces Colonnes des Inscriptions
gravées sous trois Empereurs , une
d'Auguste , qui est la seule qui se trouve
dans la Province , et les autres de Tibere
et de Claude, On peut remarquer dans
tout cet Ouvrage l'attention des Romains.
à construire , autant qu'il étoit possible ,
feurs grands Chemins sur un même alignement
, la solidité qu'ils leur donmoient
par leurs Empierremens , leur forme
et leur largeur qui est précisement
La même que N. Bergier a marquée dans
son Histoire des grands Chemins . On y
trouve aussi la mesure précise du Mille
Romain nettement déterminée par deux
pierres non déplacées , qui marquent un
C vj espace
1896 MERCURE DE FRANCE
ospace
de 752. Toi es ; ce qui prouve que
M. Cassini s'est trompé en donnant 763, Toises au Mille Romain .
La construction d'un beau Quay que
le Roy , conjointement avec la Province
de Languedoc , fait fire actuellement
à Beaucaire , et qui forme déja un Port
très commode sur le Rhône , a donné
lieu à la découverte que j'ai faite l'année
derniere 1730. de ce chemin dont
la Mémoire étoit entierement perduë ,
découverte d'autant plus heureuse , que
le nouveau Post deviendroit pre que inutile
dès qu'il n'y auroit pas un grand
Chemin propre pour le transport des
Marchandises dans le coeur de la Province
.
Il y auroit un moyen sûr et facile de
réparer ce chemin Romain , sans qu'il en
coutât rien au Roy ni à la Province
mais ce n'est pas ici le lieu de proposer- ce
moyen , il suffira de dire que , quand il
s'agira d'executer le Projet , il conviendra
de remettre en leur place les Pierres
Milliaires qui en ont été tirées et d'en
ajoûter deux qui manquent aux deux extrémitez
pour avoir le nombre compler
de ces Pierres qui se trouvoient du tems
des Romains . Les deux Pierres suppléées
serviroient à marquer dans le goût de
l'antiquité,
+
A O UST. 1731. 1897
l'antiquité le Regne d'aujourd'huy : ce
qui seroit à sa place , et laisseroit à la poste-.
rité un Monument à la gloire du Roy,
Monument dont les plus grands Empereurs
se sont fait honneur.;
Il est même certain qu'on peut faire
dans ce chemin quelque chose de mieux
que ce que les Romains y avoient fait ;
ce qui seroit une nouvelle preuve que les
Modernes peuvent , au moins en quelque
occasion , égaler , même surpasser les
Anciens ; et outre la commodité publique
, le nom Auguste de LOUIS XV.
placé parmi ceux de ces Maîtres du Monde
, feroit connoître aux Siecles les plus
récutez que la gloire de son Regne est
au dessus de celle qu'ils s'étoient acquise
en ce point dans les leurs , comme elle
doit la surpasser en tout le reste .
DESCRIPTION du Chemin Romain
depuis Beaucaire jusqu'à Nismes .
Du temps des Romains ce chemin
étoit une partie de la
grandede voye Aurelienne
, qui s'étendoit dep is la Ville
de Rome jusqu'aux extrémitez de l'Espagne.
Il commençoir au bord du Rhô
ne , à la tête d'un Pont de Pierre- appellé
Pons ararius , ou le Pont du Trésor , dont
il
1898 MERCURE DE FRANCE
il reste encore des vestiges sur le bord du
Rhône. Aujourd'hui on ne peut appercevoir
ce chemin qu'à 3. ou 400. pas de
Beaucaire,à l'endroit appellé les cing coins,
derriere le Chateau de Gaujac. On découvre
très-distinctement à cet endroit
son alignement et sa largeur qui étoit de
20. pieds. Ce chemin passoit sur la Montagne
à quelques pas sur la gauche du
lieu nommé Roquepartide.
On trouve à 200. pas au delà , sur le
même chemin , dans la Plaine de S. Roman,
deux Pierres Milliaires : la premiere
de figure quarrée , et. de 25 pouces et
demi de largeur sur 18. d'épaisseur , porte
cette Inscription de l'Empereur Tibere
; elle est environ à six pieds hors de
Berre.
TI. CAESAR
DIVI AUG. F. AUG
PONTIF. MAX.
TRIB. POT. XXI .
REFECIT ET
RESTITVIT
XIIL
La seconde est de l'Empereur Augus
te , de figure ronde , dont le diamétre
est d'environ 24. pouces. Elle est placée
à trois pieds de distance de la précedente
sur
A O UST. 1731. 1899
sur le bord du chemin à droite en allant
à Nismes , et un peu moins élevée , avec
l'Inscription suivante en partie détruite.
IMP.. • •
DIVI. F. AUG.
IM IMP. XIII.
On trouve dans la Montagne , tou
jours sur le même alignement , des vestiges
bien marqués du même chemin
Romain ; on en voit la forme qui étoit
cintrée , ou en dos d'Asne , la largeur et
les Fossez. En descendant dans la Plaine
on découvre l'Empierrement , l'assembla .
ge des Materiaux que les Romains employoient
dans la construction de leurs
chemins , à peu près comme on le
tique aujourd'hui.
pra-
La Montagne dont on vient de parler ,
a quinze Toises d'élevation du côté de
Beaucaire , et dix seulement du côté de
Nismes. C'étoit au moyen de deux grandes
Levées de terre que les Romains
avoient rendu le chemin pratiquable sur
cette Montagne , suivant leur usage or
dinaire décrit par Bergier dans son Histoire
1900 MERCURE DE FRANCE
toire , Liv. 2. Chap 17. Depuis la Montagne
jusqu'à une lieüe de Nismes , l'alignement
s'est conservé en entier , et le
chemin subsiste encore à present.
En avançant dans ce chemin , on trouve
vis - à- vis le Village de S. Vincent
deux Pierres milliaires . La premiere qui
est quarrée , a été coupée un peu au dessus
de la terre. La seconde est ronde
élevée de 3. ou 4. piés hors de terre , un
peu panchée et sans Inscription .
En suivant le même chemin , on trouve
une autre pierre quarrée , qui est
du temps de Tibere , comme l'indiquent
sa forme et le commencement d'une Inscription
dont le reste est entierement
ruiné.
TI. CAE.. ·
La valeur du Mille romain , qu'on ne
sçavoit pas au juste , est determinée par
ces pierres , qui n'ont point été dépla~
cées. Ce Mille est de 752. Toises , 4-
pieds , et dans cet espace le chemin a conservé
toute sa premiere forme dans la longueur
de plus de 400. Toises ; c'est dans
le lieu nommé la Garrigue . Tout ce chemin
que je viens de décrire , et dont j'ai
levé le plan , jusqu'aux Barraques de
Curboussot , qui partage le chemin de
Beaucaire
A O UST. 1731. 1901
Beaucaire à Nismes , est encore appellé
le chemin vieux , et se joint au grand chemin
d'aujourd'hui, à la premiereBarraque.
A une lieue de- là , en allant à Nismes ,
on trouve encore sur la droite et toujours
au bord du chemin , une autre Pierre
Milliaire avec cette Inscription .
TI CAESAR
DIVI AVG. F. A VG .
PONTIF. MAX.
TRIB . POT . XXI.
REFECIT ET
RESTITVIT.
XIIII.
Environ à trente pas de distance de cette
pierre , on voit dans un Champ quatre
Colomnes élevées , et une cinquiéme abbatue
et renversée sur la terre au milieu
des quatre les Sçavans Auteurs de la
nouvelle Histoire de Languedoc , Tom . I.
Liv. 4. Num. 10. croyent qu'elles avoient
été placées là pour marquer le Tombeau
d'un Prince tué dans une sanglanteBataille
, qui se donna dans cette Plaine , l'an
411. entre les Romains , qui assiegeoient
la Ville d'Arles , et les François joints
aux Allemans , pour faire lever le Siege.
On ne sçauroit assurer que ces cinq ·
Colomnes fussent toutes des Pierres Mil
liaires
"
1902 MERCURE DE FRANCE
liaires ; mais il y en a trois qui l'étoient
certainement. Voici l'Inscription de celle
qui est couchée , laquelle a 9. pieds de
fongueur et 24. pouces de diametre , de
même que tous les Milliaires qui sont de
figure ronde.
TI. CLAVDIVS
DRVSI F. CAESAR.
AVG. GERMANICVS
PONTIF. MAX. TRIB.
POT. COS. DESIG . IT
IMP. II. REFECIT.
Environ à deux cens pas de ce chemin
de Beaucaire, derriere le Village de Manduel
, il y a deux Pierres Milliaires , l'une
ronde et l'autre quarrée , qui sont encore
✓debout . Il seroit assés difficile de détermi
ner à quel usage elles ont été élevées en
cet endroit. Il y a quelque apparence que
c'est pour un même sujet que les 4.
précedentes. Les Inscriptions en sont
parfaitement bien conservées : celle de la
pierre ronde est la même que celle de
l'Empereur Claude qui vient d'être rapportée
et celle de la pierre quarrée
est encore la même que celles de Tibere
ci- devant rapportées. Il n'y a que la difference
A
OUST 1731. 1903
ference du nombre des pierres qui est V.
pour celle- cy.
Il y avoit un autre chemin Romain ;
qui se joignoit à celui- ci dans l'espace qui
est entre les Barraques et le Pont de Car.
Outre des vestiges qui en restent dans la
Garigue , ce chemin est encore marqué
par une Colomne non déplacée , qui est
à l'Orient de l'Eté du Village de S. Vincent.
Il est évident que depuis Beaucaire
jusqu'aux Pierres , qui sont prés le Pont
de Car , le chemin des Romains a conservé
le même alignement , et il n'est pas
moins certain que dans la lieue qui reste
depuis ces pierres jusqu'à Nisrnes , le che
min étoit construit sur la même ligne .
Pour en être persuadé , il faut considerer
1 ° . que le chemin d'aujourd'hui ne
s'en écarte jamais de beaucoup . 2 ° . que
lorsqu'il s'en écarte , ce n'est qu'à l'occasion
des eaux qui l'ayant rompu , et les
Ponts n'étant pas entretenus , ont obligé
les passans de se frayer eux mêmes un
chemin qui étant au côté d'en bas , rendoit
le passage plus aisé . 3 ° . que hors ces
endroits , le chemin rentre dans son droit
alignement , sur tout à un quart de lieüe
de Nismes où il n'y a point de sources
mi d'autres eaux. 4. qu'à la droite des
lieux
1904 MERCURE DE FRANCE
lieux où le chemin se tire de cet alignement
, on voit encore , en creusant un
pied et demi dans la terre , des restes de
l'Empierrement de l'ancien chemin des
Romains ; cet Empierrement paroît même
en plusieurs endroits au bord du chemin ,
sans qu'il soit necessaire de creuser pour
le découvrirr
Addition au Mémoire.
Les deux premieres Pierres énoncées
dans ce Mémoire , dont la premiere qui
est de Tibere , est quarrée , et la deuxiéme
d'Auguste , est ronde , sont à un
grand quart de lieüe de la Ville de Beaucaire
au dessus de la Montagne. En descendant
de cette Montagne , sur le même
alignement, il y a une très grande pierre
quarrée dont il n'est point parlé dans
le Mémoire , parcequ'elle n'est pas de la
même nature de pierre que les Milliaires ,
et que d'ailleurs elle n'a jamais eu d'Inscription.
Il y a pourtant lieu de croire
qu'elle a été mise là , et substituée en la
place d'une pierre Milliaire.
A cinq quarts de lieue de Beaucaire ,
on trouve encore deux pierres Milliaires.
La premiere est quarrée , coupée un
peu au dessus de la terre . La deuxième
est ronde , un peu panchée , et sans Inscription:
וכ
སུ པ 》)
cription : à un mille de là il y a une pierre
quarrée qui est placée comme toutes
les autres , à la droite et au bord du chemin.
L'espace qui est entre cette pierre et
les deux précedentes , est celui du Mille ,
dont il est dit dans le Mémoire que ce
chemin a conservé sa premiere forme
dans la plus grande partie de cet espace.'
On trouve ensuite les trois Barraques de
Cureboussot , qui , comme on l'a dit dans
le Mémoire , partagent également le chemin
de Beaucaire à Nismes .
Enfin à une lieue des Barraques , on
trouve la derniere pierre Milliaire qui est
debout et à sa place ; elle est quarrée avec
l'Inscription de Tibere . A côté de celle - ci
sont les 4. et même 5. pierres dont il est
parlé dans le Mémoire. Les trois autres
pierres du Mémoire sont encore hors du
chemin il y en a deux entre le Village
de Manduel et le chemin Romain ; elles
sont debout. La troisième est aussi debout
à l'Orient d'Eté du Village de S. Vincent.
cette derniere pierre étoit sur un autre
chemin Romain , dont il reste encore
plusieurs vestiges.
Depuis que ce Mémoire nous a été communiqué
, M. Vergile de la Bastide qui '
en est l'Auteur , et qui a fait la découverte
1906 MERCURE DE FRANCE
verte du chemin en question , ne voulant
rien oublier pour éclaircir ce sujet ,
et pour le rendre plus utile à la Litterature
qui concerne l'antiquariat et le bien
public , nous a encore fait part dans une
Lettre de quelques remarques que nous
ajouterons ici.
Pay fait, dit-il , uné Réflexion à l'oc
casion des differentes pierres Milliaires
qui se trouvent depuis Beaucaire jusqu'à
Montpellier ( je n'en ay point vû ailleurs)
c'est qu'on a eu soin de marquer la difference
des Empereurs qui ont réparé ces
chemins , nnoonn sseeuulleemmeenntt par les Inscriptions
gravées sur les Pierres Milliaires ,
mais on a marqué encore cette difference
par la forme des Pierres. Celle d'Auguste
est ronde et de 24. pouces de diamètre
avec une Inscription gravée simplement
et sans aucune sorte d'ornement. Celles
de Tibere sont toutes quarrées , comme
des Piedestaux , et peu polies. Celles de
Claude sont rondes , leurs Inscriptions
sont contenues dans un Cadre , creusé
dans la pierre environ 7. ou 8. lignes
avec une espece de moulure autour.
Celles d'Antonin ressemblent à celles
de Claude avec cette seule difference que
les Colomnes d'Antonin sont moins hautes
, et que la partie qui est dans la terre
est
AOUST. 1738. 1907
est quarrée comme un pied d'estal , beaucoup
plus large que le corps de la Colomne.
A l'occasion de cette Remarque ,
sur la difference qui se trouve dans la for
me des pierres Milliaires des differents
Empereurs qui ont reparé ce chemîn ,
je rapporterai ici l'Inscription d'une Colomne
Milliaire de l'Empereur Antonin
qui est à Nismes , dans la Muraille de la
Porte de la Couronne , du côté de l'Es
planade .
IMP. CAESAR
DIVI HADRIANI F.
T. AELIVS HADRIAN,
ANTONINVS AVG. PIVS.
PONT. MAX . TRIB. POT.
VIII IMP. IT. COS II.
P. P.
temps
Dans tout le chemin Romain de Beau
saire à Nismes , qui subsistoit du
de la République , et qui a été réparé
par differents Empereurs , il n'y a aucu
ne Colomne d'Antonin ; mais il
plusieurs de Nismes à Montpellier.
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Résumé : MEMOIRE de M. Vergile de la Bastide, Gentil- homme de Languedoc, sur la découverte d'un Grand Chemin des Romains, nouvellement faite dans cette Province.
En août 1731, M. Vergile de la Bastide, gentilhomme de Languedoc, a découvert un chemin romain en Languedoc, faisant partie de la voie Aurélienne qui relie Rome aux extrémités de l'Espagne. Ce chemin est particulièrement bien conservé sur une distance de quatre lieues, avec douze pierres milliaires visibles, dont six ou sept n'ont pas été déplacées. Ces pierres portent des inscriptions des empereurs Auguste, Tibère et Claude, attestant de l'importance romaine accordée à la construction de chemins alignés et solides. La découverte a été facilitée par la construction d'un quai à Beaucaire. M. de la Bastide propose de réparer ce chemin romain en remettant en place les pierres milliaires déplacées et en ajoutant deux nouvelles pour compléter le nombre initial. Il suggère également de marquer le règne actuel de Louis XV sur une pierre milliaire, afin de laisser un monument à la gloire du roi. Le chemin romain, décrit depuis Beaucaire jusqu'à Nîmes, montre des vestiges bien marqués, notamment des empierrements et des fossés. La valeur du mille romain est déterminée avec précision par les pierres milliaires non déplacées, soit 752 toises et 4 pieds, corrigeant ainsi une erreur de M. Cassini. Les colonnes milliaires présentent des caractéristiques distinctes selon les empereurs. La colonne d'Auguste est ronde, mesure 24 pouces de diamètre et porte une inscription simple sans ornement. Les colonnes de Tibère sont carrées, semblables à des piédestaux, et peu polies. Les colonnes de Claude sont rondes, avec des inscriptions contenues dans un cadre creusé dans la pierre, entouré d'une moulure. Les colonnes d'Antonin ressemblent à celles de Claude, mais sont moins hautes et ont une base carrée plus large que le corps de la colonne. Une inscription spécifique d'une colonne milliaire de l'empereur Antonin a été trouvée à Nîmes. Il est également noté qu'il n'y a aucune colonne d'Antonin sur le chemin romain de Beaucaire à Nîmes, mais plusieurs existent entre Nîmes et Montpellier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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418
p. 1908-1912
ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Début :
Muse, raconte moi par quels heureux ressorts, [...]
Mots clefs :
Amour trompeur, Muse, Tyran des morts, Alarmes, Destin, Lois, Furie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
ORPHE' E ,
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
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Résumé : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Le texte 'Orphée et l'Amour trompeur' relate l'histoire d'Orphée, un musicien talentueux, et de son épouse Euridice. Après la mort d'Euridice, Orphée, désespéré, décide de descendre aux Enfers pour la récupérer. Il est initialement encouragé par un ami à utiliser sa musique pour apaiser Pluton, le tyran des Morts. Orphée charme Cerbère, le chien des Enfers, et attendrit Pluton avec sa lyre. Pluton accepte de rendre Euridice à condition qu'Orphée ne la regarde pas avant d'avoir quitté les Enfers. Cependant, Orphée, impatient, viole cette condition et perd à nouveau Euridice. Le texte met en évidence la puissance et la dangerosité de l'amour, qui peut à la fois offrir des joies et causer des souffrances. L'Amour avait initialement aidé Orphée, mais sa constance fut trahie, soulignant ainsi la complexité et l'ambiguïté des sentiments amoureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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419
p. 1912-1916
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 28. du mois de Juillet 1731. sur le Couvreur du Village de Baron.
Début :
Vous ne désapprouverez point, Messieurs, qu'on vous avertisse de ce [...]
Mots clefs :
Couvreur, Village de Baron, Narrations, Lieux, Équivoque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 28. du mois de Juillet 1731. sur le Couvreur du Village de Baron.
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure le 28. du mois de Juillet
1731. sur le Couvreurdu Village de Baron.
Ous ne désaprouverez point , Mes-
Vsieurs,quan point,de se sieurs , qu'on vous avertisse de ce
qui paroît de défectueux dans les Narrations
qui sont imprimées dans vôtre
Journal . Comme je fais profession
de dire la verité , je vais vous faire
une observation , qui quoyque bagatelle
A OUST. 1731. 1913
telle ou minutie , peut avoir cependant
son utilité. C'est que souvent lorsque
vous rapportés quelque Evenement extraordinaire
arrivé en certains Lieux ,
d'aprés les Lettres qu'on vous écrit , on
ne met point les Lecteurs au fait de ces
Hieux-là . On ne sçait quelquefois où ils
sont situés , ni où les prendre. Ce seront
des Bourgs ou des Villages d'un nom
fort commun , et en ce cas où les chercher
si la Province ou le Diocèse n'est pas
nommé ?
Ce qui m'a déterminé à vous écrire
là- dessus , est l'équivoque qui se trouve
au commencement de la Relation du fait
singulier arrivé à Senlis dans le 2º. Volume
du Mercure de Juin. Un Couvreur
de Baron est un langage qu'on ne peut
pas entendre dans tout le Royaume ,
comme on feroit aux environs de Senlis :
aussi ne l'avez - vous pas peut-être bien
compris vous mêmes , et c'est pour cela
que vous l'avés imprimé en Italique.
Quand le Senlisien qui vous écrit se seroit
exprimé ainsi un Couvreur du Village
de Baron , proche Senlis ; il n'en auroit
été que plus exact et plus intelligible Pour
moy qui suis éloigné de Senlis de plus de
quarante lieües , jjee nn''yy aaii point été trompé
, parce que je connois un peu le voisi-
D iij nage
1914 MERCURE DE FRANCE
nage de cette Ville , et je sçai que Ba❤
ron est un Village situé vis- à- vis et tout
proche la celebre Abbaye de Chaalis ou
j'ai été quelquefois ; le tout à deux lieües
de Senlis.
pas
ry
Le Couvreur en question est un homme
tel qu'il l'auroit fallu à Bourges il y
a quarante ans , lorsque le feu prit au
Coq du Clocher de la Sainte Chapelle.
De l'humeur dont il se montre , il ne se
seroit pas fait tirer l'oreille , et n'auroit
marchandé pour aller l'éteindre , et
par là il auroit empêché la charpante de
PEglise , et le Chateau des Ducs de Berd'être
brûlés. Si ce Couvreur Senlisien
eût été informé de ce que les anciens
faisoient placer sous les Cocqs des Clothers
, un homme intrépide comme lui
auroit peut- être en la curiosité d'y regarder
, et sans beaucoup de ceremonies ,
il auroit peut être fait une Ttanslation
de Reliques de haut en bas. Je sçai des
gens de sa profession qui ont des Reliques
dans leur famille , lesquelles procedent
de pareilles trouvailles faites au milieu
des airs , et même avec les Procèsverbaux.
Qu'une autre fois donc le Sonneur
de Senlis se garde bien de confier
à un tel grimpeur la clef de ses Clochers.
On lit dans la vie de S. Dunstan
Archevêque
A O UST. 1731. 1915
'Archevêque de Cantorbery, qu'étant jeune
écolier il fut atteint d'une fiévre dont
la chaleur, excessive le porta à grimper
રે peu prés de même sur les couvertures
de l'Eglise , et qu'il en descendit sans se
blesser aucunement,de même qu'il y étoit
monté. Mais le cas semble ici fort different.
Si vous voulez qu'à l'occasion du Cou
vreur de Baron , proche Senlis , je vous
renvoye à un texte qui doit rendre ce
Village fameux , je vous citerai le second
volume de la grande Collection des Peres
Martene et Durand , Benedictins , page
1389. Vous y lirez qu'il y avoit au XV.
Siecle , sous les Regnes de Charles VI . et
Charles VII. tout proche de ce Village ,
un clos de vigne, dont Jean de Montreuil ,
Prevôt de l'Isle , parle dans la Description
qu'il fit alors de l'Abbaye de Chaalis
et de son Voisinage. Il dit qu'à un
trait de ce Monastere étoit une vigne
qui produisoit un vin auquel il n'auroit
pas préferé celui de Beaune : Ad tractum
balista vinea situatur vinum ferens cui non
præferrem merum Sancti - Gengulfi ant Belnense.
Preuve mémorable que ce n'est
pas la roideur d'une côte qui fait d'ellemême
le bon vin , comme le croyent
ceux qui aiment à se tromper , et à trom-
D iiij per
1916 MERCURE DE FRANCE
per les autres. Cette Vigne étoit en Pays
out plat , et si bien Pays plat , qu'on en
a fait un Pré au Siécle dernier , parce que
la Vigne étoit trop souvent afligée du
froid dans les mois d'Avril et de May.
Je suis & c .
du Mercure le 28. du mois de Juillet
1731. sur le Couvreurdu Village de Baron.
Ous ne désaprouverez point , Mes-
Vsieurs,quan point,de se sieurs , qu'on vous avertisse de ce
qui paroît de défectueux dans les Narrations
qui sont imprimées dans vôtre
Journal . Comme je fais profession
de dire la verité , je vais vous faire
une observation , qui quoyque bagatelle
A OUST. 1731. 1913
telle ou minutie , peut avoir cependant
son utilité. C'est que souvent lorsque
vous rapportés quelque Evenement extraordinaire
arrivé en certains Lieux ,
d'aprés les Lettres qu'on vous écrit , on
ne met point les Lecteurs au fait de ces
Hieux-là . On ne sçait quelquefois où ils
sont situés , ni où les prendre. Ce seront
des Bourgs ou des Villages d'un nom
fort commun , et en ce cas où les chercher
si la Province ou le Diocèse n'est pas
nommé ?
Ce qui m'a déterminé à vous écrire
là- dessus , est l'équivoque qui se trouve
au commencement de la Relation du fait
singulier arrivé à Senlis dans le 2º. Volume
du Mercure de Juin. Un Couvreur
de Baron est un langage qu'on ne peut
pas entendre dans tout le Royaume ,
comme on feroit aux environs de Senlis :
aussi ne l'avez - vous pas peut-être bien
compris vous mêmes , et c'est pour cela
que vous l'avés imprimé en Italique.
Quand le Senlisien qui vous écrit se seroit
exprimé ainsi un Couvreur du Village
de Baron , proche Senlis ; il n'en auroit
été que plus exact et plus intelligible Pour
moy qui suis éloigné de Senlis de plus de
quarante lieües , jjee nn''yy aaii point été trompé
, parce que je connois un peu le voisi-
D iij nage
1914 MERCURE DE FRANCE
nage de cette Ville , et je sçai que Ba❤
ron est un Village situé vis- à- vis et tout
proche la celebre Abbaye de Chaalis ou
j'ai été quelquefois ; le tout à deux lieües
de Senlis.
pas
ry
Le Couvreur en question est un homme
tel qu'il l'auroit fallu à Bourges il y
a quarante ans , lorsque le feu prit au
Coq du Clocher de la Sainte Chapelle.
De l'humeur dont il se montre , il ne se
seroit pas fait tirer l'oreille , et n'auroit
marchandé pour aller l'éteindre , et
par là il auroit empêché la charpante de
PEglise , et le Chateau des Ducs de Berd'être
brûlés. Si ce Couvreur Senlisien
eût été informé de ce que les anciens
faisoient placer sous les Cocqs des Clothers
, un homme intrépide comme lui
auroit peut- être en la curiosité d'y regarder
, et sans beaucoup de ceremonies ,
il auroit peut être fait une Ttanslation
de Reliques de haut en bas. Je sçai des
gens de sa profession qui ont des Reliques
dans leur famille , lesquelles procedent
de pareilles trouvailles faites au milieu
des airs , et même avec les Procèsverbaux.
Qu'une autre fois donc le Sonneur
de Senlis se garde bien de confier
à un tel grimpeur la clef de ses Clochers.
On lit dans la vie de S. Dunstan
Archevêque
A O UST. 1731. 1915
'Archevêque de Cantorbery, qu'étant jeune
écolier il fut atteint d'une fiévre dont
la chaleur, excessive le porta à grimper
રે peu prés de même sur les couvertures
de l'Eglise , et qu'il en descendit sans se
blesser aucunement,de même qu'il y étoit
monté. Mais le cas semble ici fort different.
Si vous voulez qu'à l'occasion du Cou
vreur de Baron , proche Senlis , je vous
renvoye à un texte qui doit rendre ce
Village fameux , je vous citerai le second
volume de la grande Collection des Peres
Martene et Durand , Benedictins , page
1389. Vous y lirez qu'il y avoit au XV.
Siecle , sous les Regnes de Charles VI . et
Charles VII. tout proche de ce Village ,
un clos de vigne, dont Jean de Montreuil ,
Prevôt de l'Isle , parle dans la Description
qu'il fit alors de l'Abbaye de Chaalis
et de son Voisinage. Il dit qu'à un
trait de ce Monastere étoit une vigne
qui produisoit un vin auquel il n'auroit
pas préferé celui de Beaune : Ad tractum
balista vinea situatur vinum ferens cui non
præferrem merum Sancti - Gengulfi ant Belnense.
Preuve mémorable que ce n'est
pas la roideur d'une côte qui fait d'ellemême
le bon vin , comme le croyent
ceux qui aiment à se tromper , et à trom-
D iiij per
1916 MERCURE DE FRANCE
per les autres. Cette Vigne étoit en Pays
out plat , et si bien Pays plat , qu'on en
a fait un Pré au Siécle dernier , parce que
la Vigne étoit trop souvent afligée du
froid dans les mois d'Avril et de May.
Je suis & c .
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs du Mercure le 28. du mois de Juillet 1731. sur le Couvreur du Village de Baron.
En juillet 1731, un auteur écrit au Mercure pour signaler une imprécision dans une narration publiée dans le journal. Il insiste sur l'importance d'inclure des informations précises sur les lieux mentionnés, notamment les provinces ou diocèses, afin d'éviter toute confusion. L'auteur prend l'exemple d'un couvreur du village de Baron, près de Senlis, mentionné dans le volume de juin du Mercure. Il explique que cette localisation n'est pas claire pour les lecteurs éloignés de Senlis et propose d'ajouter des précisions géographiques pour plus de clarté. L'auteur compare également le couvreur de Baron à un homme qui aurait pu empêcher un incendie à Bourges quarante ans plus tôt. Il mentionne des anecdotes sur des couvreurs ayant trouvé des reliques et des récits historiques, comme celui de Saint Dunstan. Enfin, il cite une description du XVe siècle d'une vigne près de Baron, mentionnée par Jean de Montreuil, prévôt de l'Isle, pour illustrer la qualité du vin produit dans cette région.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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420
p. 1916-1919
LA JEUNESSE. CANTATE.
Début :
Dans un songe flateur une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Cantate, Déesse, Amours, Cœurs rebelles, Alarmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. CANTATE.
LA JEUNESSE.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
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Résumé : LA JEUNESSE. CANTATE.
Dans un rêve, le narrateur est séduit par la déesse Jeunesse (Hébé), accompagnée de petits Amours, du Temps et du Printemps. Hébé offre ses dons précieux et commande aux enfants de Cythère de triompher de la raison du narrateur. Après un moment de plaisir intense, une indifférence succède à ses désirs ardents. Hébé conseille alors au narrateur de chasser avec Diane pour ranimer son zèle. À la tombée de la nuit, Bacchus est invoqué pour écarter l'ennui et permettre de profiter des plaisirs de la vie. À son réveil, le narrateur réalise que la déesse a disparu et met en garde les jeunes gens sur la fugacité de la jeunesse, comparée à un songe éphémère.
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421
p. 1920-1921
EXTRAIT d'une Lettre de M. Cipiere, au sujet du Saint dont il est parlé dans le Mercure d'Avril dernier.
Début :
J'ay lû dans votre Journal du mois d'Avril, l'embarras où l'on est dans le [...]
Mots clefs :
Saint, Diocèse de Soissons, Gaule chrétienne, Martyrologe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de M. Cipiere, au sujet du Saint dont il est parlé dans le Mercure d'Avril dernier.
EXTRAIT d'une Lettre de M. Ci
piere , au sujet du Saint dont il est parlé
dans le Mercure d'Avril dernier.
JAX
'Ay lû dans votre Journal du mois
d'Avril , l'embarras où l'on est dans le
Diocèse de Soissons , au sujet de S. Front,
y ayant une Paroisse dont l'Eglise est dédiée
à ce Saint , et plusieurs personnes
baptisées sous son nom. Je suis surpris
de cet embarras ; il faut que les Vies des
Saints soient bien rares dans ce canton - là ,
ce Saint étant connu de plusieurs Auteurs,
sur tout de celui de la Gaule Chrétienne .
M. Baillet et le P. Martin en parlent fort
au long , ainsi que l'Histoire de Perigord
par le P. du Puy , enfin on a la Vie de ce
Saint imprimée à Bordeaux l'an 1612 .
S. Front , premier Evêque de Perigueux
et Patron de l'Eglise Cathedrale, &c.M.Cipiere
ajoûte ici un Narré que nous obmettons
de la Vie de ce Saint , tel à peu près qu'on l'a
déja vu dans le Mercure de Juillet dernier , et
rejetté par les meilleurs Critiques . Il vint
dit-il ensuite , à Paris , et il est vrai - semblable
qu'il alla dans le Soissonnois , puisqu'on
y a retenu son nom , &c. Il avoit
bâti
A O UST. 1731. 1921
bâti l'Eglise de S. Etienne , Collegiale dans
la Cité , laquelle a été unie depuis quelques
années à la Cathédrale de Perigueux . Le
nouveau Martyrologe de France met la Fê
te des . Front au 25. Octobre. Enfin on trouve
encore àPérigueux chez un Citoyen curieux
, les Actes de S. Front , en deux volumes
in 12.imprimez il y a deuxcent ans.
piere , au sujet du Saint dont il est parlé
dans le Mercure d'Avril dernier.
JAX
'Ay lû dans votre Journal du mois
d'Avril , l'embarras où l'on est dans le
Diocèse de Soissons , au sujet de S. Front,
y ayant une Paroisse dont l'Eglise est dédiée
à ce Saint , et plusieurs personnes
baptisées sous son nom. Je suis surpris
de cet embarras ; il faut que les Vies des
Saints soient bien rares dans ce canton - là ,
ce Saint étant connu de plusieurs Auteurs,
sur tout de celui de la Gaule Chrétienne .
M. Baillet et le P. Martin en parlent fort
au long , ainsi que l'Histoire de Perigord
par le P. du Puy , enfin on a la Vie de ce
Saint imprimée à Bordeaux l'an 1612 .
S. Front , premier Evêque de Perigueux
et Patron de l'Eglise Cathedrale, &c.M.Cipiere
ajoûte ici un Narré que nous obmettons
de la Vie de ce Saint , tel à peu près qu'on l'a
déja vu dans le Mercure de Juillet dernier , et
rejetté par les meilleurs Critiques . Il vint
dit-il ensuite , à Paris , et il est vrai - semblable
qu'il alla dans le Soissonnois , puisqu'on
y a retenu son nom , &c. Il avoit
bâti
A O UST. 1731. 1921
bâti l'Eglise de S. Etienne , Collegiale dans
la Cité , laquelle a été unie depuis quelques
années à la Cathédrale de Perigueux . Le
nouveau Martyrologe de France met la Fê
te des . Front au 25. Octobre. Enfin on trouve
encore àPérigueux chez un Citoyen curieux
, les Actes de S. Front , en deux volumes
in 12.imprimez il y a deuxcent ans.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de M. Cipiere, au sujet du Saint dont il est parlé dans le Mercure d'Avril dernier.
M. Ci pierre écrit au sujet de Saint Front, mentionné dans le Mercure d'Avril. Il exprime sa surprise face à l'ignorance concernant Saint Front dans le Diocèse de Soissons, malgré la présence d'une paroisse et de personnes portant son nom. Saint Front est bien documenté par plusieurs auteurs, dont M. Baillet, le P. Martin, et l'Histoire de Périgord par le P. du Puy. Une vie de Saint Front a été imprimée à Bordeaux en 1612. Saint Front est identifié comme le premier évêque de Périgueux et le patron de l'église cathédrale de cette ville. Il a construit l'église de Saint-Étienne, collégiale à Périgueux, qui a été unie à la cathédrale. La fête de Saint Front est fixée au 25 octobre dans le nouveau Martyrologe de France. Les actes de Saint Front sont disponibles à Périgueux, imprimés il y a deux cents ans en deux volumes in-12.
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422
p. 1921
SUR M. DE LA FAYE.
Début :
Il a réuni le mérite, [...]
Mots clefs :
Mérite, Talent, Heureux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR M. DE LA FAYE.
SUR M. DE LA FAYE
La réuni le mérite ,
Et d'Horace et de Pollion ,
Tantôt protegeant Apollon ,
Et tantôt chantant à sa suite.
Il reçut deux présens des Dieux ,
Les plus charmans qu'ils puissent faire.
L'un étoit le talent de plaire ;
L'autre, le secret d'être heureux..
M. de Voltaire .
La réuni le mérite ,
Et d'Horace et de Pollion ,
Tantôt protegeant Apollon ,
Et tantôt chantant à sa suite.
Il reçut deux présens des Dieux ,
Les plus charmans qu'ils puissent faire.
L'un étoit le talent de plaire ;
L'autre, le secret d'être heureux..
M. de Voltaire .
Fermer
423
p. 1922-1927
APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
Début :
Les Philosophes, tant anciens que modernes, qui ont voulu travailler au [...]
Mots clefs :
Philosophes hermétiques, Transmutations des métaux., Eau minérale, Eau métallique, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
APOLOGIE des Enfans de Sapience,
pour répondre à la Lettre inserée dans
le Mercure de France du mois de Mars
1729. page 465. au sujet du Mercure
des Philosophes Hermetiques , et de la
Transmutation des Métaux.
L
Es Philosophes , tant anciens que modernes
, qui ont voulu travailler au
grand Oeuvre , ne créent rien de nouveau
; mais ils prennent ce que Dame Nature
a produit ; et l'ayant entre leurs
mains , ils commencent à le dépouiller ,
afin de le purifier et purger de son peché
originel c'est pourquoi les Disciples
d'Hermes , doivent suivre la Méthode de
leur Maître , qui ordonne de commencer
par séparer Fimpur du pur de leur Ma
gnezie.Or cette Magnezie est une substarr
ce ou matiere indéterminée et susceptible
àprendre toutes sortes de formes , et que la
même Nature a pour cet effet laissée im
parfaite , n'ayant travaillé sur elle que
fort peus c'est ce qui fait qu'elle est demeurée
Eau , mais Eau Minerale et Mé
tallique , de laquelle tous les Mineraux et
Métaux prennent leur origine et sont
ઢ
faits.
AOUST. 1731 1928
faits. Par la Magnezie , il faut entendre
l'argent vif commun et venal , que l'Artiste
doit élire pour son premier principe,
et le prendre , autant qu'il se pourra , voisin
des matieres d'or et d'argent : or cet
argent vif venant des Minieres ou extrait
du vermillon naturel ou artificiel ,
est toujours lepreux ou hydropique ,
quoique son origine ou sa racine soit de
celeste vertu ætherée et active , créée dès
le commencement du monde , qui vole
encore continuellement sur nos têtes , laquelle
vient s'humilier et se terrifier en
ce bas monde Elementaire , pour y pro
duire ou restaurer les trois Regnes , sçavoir
, le Vegetal , l'Animal et le Mineral.
Ce dernier regne produit l'argent vif,
pour commencer l'oeuvre des Philosophes
et par cette humiliation la Magnezie minerale
s'en trouve farcie ; mais enveloppée
dans un souffre combustible et dans
une aquosité élementaire très -mauvaise ,
et même de beaucoup d'autres superfluitez
qui s'y sont incorporées par accident
et qui y prédominent voilà pourquoi
l'argent vif est lepreux ; néanmoins cela
n'empêche pas que le contenu pur ne soit
dans le contenant plein de vie et d'esprit,
c'est-à-dire , que cet argent vif mineral
contient son essence spermatique , vege-
*
sative
1924 MERCURE DE FRANCE
tative et multiplicative , et se fait or , par
le moyen du feu central qui le dépure
de degré en degré jusques à ce qu'il soit
venu à son dernier periode qui est d'être
or parfait , et il demeure là sans pouvoir
passer plus outre. Or comme l'argent vif
dans les entrailles de la terre devient or,
( ce qui est incontestable ) parce que la
Nature minerale ne tend qu'à sa perfection
. De la Herme et ses Disciples , ont
conjecturé qu'ils en pourroient faire demême
en peu de tems de leur Magnezie
ou argent vif purifié et purgé centrallement
; mais tandis qu'il seroit lepreux il
demeure sterile c'est pourquoi un bon
Artiste se doit premierement appliquer
à anéantir le continent et à conserver
le contenu pur et net , et ayant réussi , il
se peut vanter d'avoir le premier Mer
cure actif des Philosophes , lequel est l'aɛtif
du grand oeuvre , parce qu'il est la veritable
semence spermatique feminine tant
recherchée . C'est ce Mercure qui a porsé
et ému les Philosophes à tant écrire , et
qui ne le connoît pas ou ne l'a pas en son
pouvoir , se rompt inutilement la tête à
en chercher d'autre ; car ce Mercure n'est
plus vulgaire et prend le nom de celui des
Philosophes , ou Esprit du Mercure , je
veux dire Esprit universel , qui a le pou-
-
voir
A OUST. 1731 1915
voir de se mouvoir , germer et produire
de lui - même l'or philosophique sur terre
par l'Art , lorsque l'Artiste l'a mis dans son
Vaisseau de verre scelé hermetiquement et
qu'il lui donne un bon régime de feu administré
par dehors et de degré en degré , jus
ques à tant qu'il est or vif Philosophique,
que les Philosophes appellent leur Soleil ou
leur or. Mais comme cet Ouvrage est de
longue pratique , les mêmes Philosophes ,
pour abreger , ajoûtent à leur Mercure
pur un ferment solaire pour le fixer et
P'arrêter , et même pour le déterminer
en Médecine du corps humain et des Métaux
imparfaits , afin de les transmuer ,
ou changer leur Mercure en or parfait ;
voilà donc la transmutation des Métaux.
Sur ce qui vient d'être dit , il faut remarquer
que lorsque le ferment Solaire est
adjoûté et dissout dans le Mercure Philosophique,
les Philosophes appellent cel
union (ou mariage ) union spermatique
de mâle et de femelle , autrement reincrudation
de cuit en crud , et leur resbis,
ou deux fois rhose , parce que le ferment
redevient argent vif, crud ou en sa premiere
matiere cruë , telle qu'est le premier
Mercure ; alors l'argent vifPhilosophique
est animé du sperme ou de l'ame de l'or ,
que Trevisan appelle Mercure double et
Zachaire Mercure animé.
1926 MERCURE DE FRANCE
Je reprends mon fil que je ne sçaurois
quitter , et dis que lorsque le Mercure
Philosophique est dégagé de son contenant
, il est un or crud et astral très- pur,
chaud et humide , resplendissant comme
unMiroir et hommogene à l'or et à l'argent
et autres Métaux , puisqu'ils sont faits de
lui , et que même il les blanchit , ramolit
et les reincrude en leur premiere matiere ,
vû qu'ils ne sont , quant à leur illiade
qu'argent vif congelé par nature dans le
Globe de la Terre , et parconsequent ils
sont argent vif, cuits et parfaits en leur
espece et l'esprit du est crud et impar
fait , par rapport qu'il n'est pas meur et
qu'il a été extrait du vulgaire son contenant.
De- là vient Geber dit en sa
Somme de perfection T. 3. p. 319. que
l'argent vif pris tel qu'il est au sortir de
la miniere, n'a pas la vertu de perfectionher
les corps imparfaits , mais que ce qui
peut donner cette perfection , c'est une
chose qui est faite et tirée de lui par artifice
lorsqu'on l'a purifié de ses impuretez
et amené par notre Art au point de
ténuité et de subtilité. De- là je conclus
qu'il faut le purger , sans que pour cela
qu'il
que
perde la forme de Mercure coulant ,
voilà pourquoi il est nommé Esprit du
Mercure, Vaisseau de nature , Diane toute
neuve , § des corps , eau seche , cau
seche
AτοOυUςS T. 1731 1927
seche , à cause qu'elle ne moüille pas les
maux , et enfin eau catholique des Philosophes
, eau catholique , parce que le
vulgaire a été lavé et purgé du peché originel
; tout comme un Infidele devient
Catholique par l'Eau du Baptême , sans
perdre la forme d'homme , de même le
Mercure vulgaire devient l'eau catholique
des Philosophes , quand il est purgé centralement.
Je finis et dis que l'esprit de
la Magnezie bien conditionné , doit dissoudre
radicalement l'or et l'argent ( comme
l'eau tiede dissout la glace sans effervessance
ou fermentation ) tellement que
les ayant dissouts , ils ne se puissent plus
désunir d'avec lui , comme une eau mêlée
avec une autre eau ; trouver cela , c'est
tout le mystere dont les Philosophes parlent
tant et si énigmatiquement. En voilà
assez et plus qu'il n'en faut pour répondre
aux demandes de la Lettre de Montpellier.
A Toulouse , ce 8 Juillet 1731.
pour répondre à la Lettre inserée dans
le Mercure de France du mois de Mars
1729. page 465. au sujet du Mercure
des Philosophes Hermetiques , et de la
Transmutation des Métaux.
L
Es Philosophes , tant anciens que modernes
, qui ont voulu travailler au
grand Oeuvre , ne créent rien de nouveau
; mais ils prennent ce que Dame Nature
a produit ; et l'ayant entre leurs
mains , ils commencent à le dépouiller ,
afin de le purifier et purger de son peché
originel c'est pourquoi les Disciples
d'Hermes , doivent suivre la Méthode de
leur Maître , qui ordonne de commencer
par séparer Fimpur du pur de leur Ma
gnezie.Or cette Magnezie est une substarr
ce ou matiere indéterminée et susceptible
àprendre toutes sortes de formes , et que la
même Nature a pour cet effet laissée im
parfaite , n'ayant travaillé sur elle que
fort peus c'est ce qui fait qu'elle est demeurée
Eau , mais Eau Minerale et Mé
tallique , de laquelle tous les Mineraux et
Métaux prennent leur origine et sont
ઢ
faits.
AOUST. 1731 1928
faits. Par la Magnezie , il faut entendre
l'argent vif commun et venal , que l'Artiste
doit élire pour son premier principe,
et le prendre , autant qu'il se pourra , voisin
des matieres d'or et d'argent : or cet
argent vif venant des Minieres ou extrait
du vermillon naturel ou artificiel ,
est toujours lepreux ou hydropique ,
quoique son origine ou sa racine soit de
celeste vertu ætherée et active , créée dès
le commencement du monde , qui vole
encore continuellement sur nos têtes , laquelle
vient s'humilier et se terrifier en
ce bas monde Elementaire , pour y pro
duire ou restaurer les trois Regnes , sçavoir
, le Vegetal , l'Animal et le Mineral.
Ce dernier regne produit l'argent vif,
pour commencer l'oeuvre des Philosophes
et par cette humiliation la Magnezie minerale
s'en trouve farcie ; mais enveloppée
dans un souffre combustible et dans
une aquosité élementaire très -mauvaise ,
et même de beaucoup d'autres superfluitez
qui s'y sont incorporées par accident
et qui y prédominent voilà pourquoi
l'argent vif est lepreux ; néanmoins cela
n'empêche pas que le contenu pur ne soit
dans le contenant plein de vie et d'esprit,
c'est-à-dire , que cet argent vif mineral
contient son essence spermatique , vege-
*
sative
1924 MERCURE DE FRANCE
tative et multiplicative , et se fait or , par
le moyen du feu central qui le dépure
de degré en degré jusques à ce qu'il soit
venu à son dernier periode qui est d'être
or parfait , et il demeure là sans pouvoir
passer plus outre. Or comme l'argent vif
dans les entrailles de la terre devient or,
( ce qui est incontestable ) parce que la
Nature minerale ne tend qu'à sa perfection
. De la Herme et ses Disciples , ont
conjecturé qu'ils en pourroient faire demême
en peu de tems de leur Magnezie
ou argent vif purifié et purgé centrallement
; mais tandis qu'il seroit lepreux il
demeure sterile c'est pourquoi un bon
Artiste se doit premierement appliquer
à anéantir le continent et à conserver
le contenu pur et net , et ayant réussi , il
se peut vanter d'avoir le premier Mer
cure actif des Philosophes , lequel est l'aɛtif
du grand oeuvre , parce qu'il est la veritable
semence spermatique feminine tant
recherchée . C'est ce Mercure qui a porsé
et ému les Philosophes à tant écrire , et
qui ne le connoît pas ou ne l'a pas en son
pouvoir , se rompt inutilement la tête à
en chercher d'autre ; car ce Mercure n'est
plus vulgaire et prend le nom de celui des
Philosophes , ou Esprit du Mercure , je
veux dire Esprit universel , qui a le pou-
-
voir
A OUST. 1731 1915
voir de se mouvoir , germer et produire
de lui - même l'or philosophique sur terre
par l'Art , lorsque l'Artiste l'a mis dans son
Vaisseau de verre scelé hermetiquement et
qu'il lui donne un bon régime de feu administré
par dehors et de degré en degré , jus
ques à tant qu'il est or vif Philosophique,
que les Philosophes appellent leur Soleil ou
leur or. Mais comme cet Ouvrage est de
longue pratique , les mêmes Philosophes ,
pour abreger , ajoûtent à leur Mercure
pur un ferment solaire pour le fixer et
P'arrêter , et même pour le déterminer
en Médecine du corps humain et des Métaux
imparfaits , afin de les transmuer ,
ou changer leur Mercure en or parfait ;
voilà donc la transmutation des Métaux.
Sur ce qui vient d'être dit , il faut remarquer
que lorsque le ferment Solaire est
adjoûté et dissout dans le Mercure Philosophique,
les Philosophes appellent cel
union (ou mariage ) union spermatique
de mâle et de femelle , autrement reincrudation
de cuit en crud , et leur resbis,
ou deux fois rhose , parce que le ferment
redevient argent vif, crud ou en sa premiere
matiere cruë , telle qu'est le premier
Mercure ; alors l'argent vifPhilosophique
est animé du sperme ou de l'ame de l'or ,
que Trevisan appelle Mercure double et
Zachaire Mercure animé.
1926 MERCURE DE FRANCE
Je reprends mon fil que je ne sçaurois
quitter , et dis que lorsque le Mercure
Philosophique est dégagé de son contenant
, il est un or crud et astral très- pur,
chaud et humide , resplendissant comme
unMiroir et hommogene à l'or et à l'argent
et autres Métaux , puisqu'ils sont faits de
lui , et que même il les blanchit , ramolit
et les reincrude en leur premiere matiere ,
vû qu'ils ne sont , quant à leur illiade
qu'argent vif congelé par nature dans le
Globe de la Terre , et parconsequent ils
sont argent vif, cuits et parfaits en leur
espece et l'esprit du est crud et impar
fait , par rapport qu'il n'est pas meur et
qu'il a été extrait du vulgaire son contenant.
De- là vient Geber dit en sa
Somme de perfection T. 3. p. 319. que
l'argent vif pris tel qu'il est au sortir de
la miniere, n'a pas la vertu de perfectionher
les corps imparfaits , mais que ce qui
peut donner cette perfection , c'est une
chose qui est faite et tirée de lui par artifice
lorsqu'on l'a purifié de ses impuretez
et amené par notre Art au point de
ténuité et de subtilité. De- là je conclus
qu'il faut le purger , sans que pour cela
qu'il
que
perde la forme de Mercure coulant ,
voilà pourquoi il est nommé Esprit du
Mercure, Vaisseau de nature , Diane toute
neuve , § des corps , eau seche , cau
seche
AτοOυUςS T. 1731 1927
seche , à cause qu'elle ne moüille pas les
maux , et enfin eau catholique des Philosophes
, eau catholique , parce que le
vulgaire a été lavé et purgé du peché originel
; tout comme un Infidele devient
Catholique par l'Eau du Baptême , sans
perdre la forme d'homme , de même le
Mercure vulgaire devient l'eau catholique
des Philosophes , quand il est purgé centralement.
Je finis et dis que l'esprit de
la Magnezie bien conditionné , doit dissoudre
radicalement l'or et l'argent ( comme
l'eau tiede dissout la glace sans effervessance
ou fermentation ) tellement que
les ayant dissouts , ils ne se puissent plus
désunir d'avec lui , comme une eau mêlée
avec une autre eau ; trouver cela , c'est
tout le mystere dont les Philosophes parlent
tant et si énigmatiquement. En voilà
assez et plus qu'il n'en faut pour répondre
aux demandes de la Lettre de Montpellier.
A Toulouse , ce 8 Juillet 1731.
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Résumé : APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
Le texte 'Apologie des Enfans de Sapience' répond à une lettre publiée dans le Mercure de France en mars 1729, qui traite du Mercure des Philosophes Hermétiques et de la transmutation des métaux. Les philosophes, qu'ils soient anciens ou modernes, s'efforcent de réaliser le grand œuvre en purifiant la matière produite par la nature. Cette matière, appelée Magnezie, est une substance indéterminée capable de prendre diverses formes. Elle est décrite comme une eau minérale et métallique, à l'origine de tous les minéraux et métaux. La Magnezie est identifiée à l'argent vif, que l'artiste doit purifier pour obtenir le premier principe de son œuvre. Cet argent vif, bien qu'il soit d'origine céleste, est impur et doit être dépuré pour révéler son essence spermatique, végétative et multiplicative. Par un processus de purification par le feu central, l'argent vif se transforme en or parfait. Les philosophes conjecturent qu'ils peuvent accélérer ce processus en purifiant l'argent vif. Le Mercure actif des philosophes, ou Esprit du Mercure, est la semence spermatique féminine recherchée. Il est capable de produire l'or philosophique lorsqu'il est placé dans un vase de verre scellé et soumis à un régime de feu approprié. Pour accélérer davantage le processus, les philosophes ajoutent un ferment solaire au Mercure purifié, créant ainsi une union spermatique ou réincrudation. Cette union permet la transmutation des métaux imparfaits en or parfait. Le texte conclut en expliquant que l'esprit de la Magnezie bien conditionné doit dissoudre radicalement l'or et l'argent, les rendant indissociables, et révélant ainsi le mystère des philosophes.
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424
p. 1928-1929
LE BAUDET ET LA JUMENT. FABLE.
Début :
Certain Baudet ambitieux, [...]
Mots clefs :
Baudet, Jument, Présomption , Conditions, Souche, Quinteux, Repos
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE BAUDET ET LA JUMENT. FABLE.
LE BAUDET ET LA JUMENT.
FABLE .
Certain Baudet ambitieux ,
Voulant établir sa noblesse ,
Vint offrir ses soins et ses voeux ;
'A Matrona , Jument que l'on nommoit Duchesse
( Duchesse par dérision
€
De sa vaine présomption. )
Il prit la résolution ,
De s'unir avec elle
Femme , disoit- il , d'un tel nom ,
Va changer ma condition
Et distinguer ma parentelle ;
Je puis faisant souche nouvelle ,
Avoir Mulets , non des Asnons ,
Casque en visiere et plume en tête .
Ils leveront la crête ,
Et porteront Caparagons ,)
Des Ecussons ,
Feront grand bruit , grands carillons ;
Auront des Charges dans l'Armée ,
Cela dit , à sa bien - aimée ,
Propose la conjonction ;
Martin est bien reçû , lors la conclusion
Se
A OUST. 3929 1731.
Se fait dans le même intervale ;
Baudet épouse la Cavalle ,
Ont ensemble petits Mulets ,
Mulet aîné , Mulets cadets ,
Aussi sots que leur pere ,
Et plus vains que leur mere
D'esprit quinteux ,
Tétus , hargneux ,
En trahison donnant ruades .
Faisant mille incartades ;
Mere et Mulets n'avoient que du mépris ,
Pour le papa Baudet , le meilleur des maris ,
S'il veut décider d'une affaire ,
Duchesse le fait taire ,
Lui disant , taisez - vous , Baudet ,
Laissez parler mon fils Mulet ,
Vous raisonnez comme une bête ;
Pauvre Baudet baisse la tête ,
Et maudit cent fois le moment ,
Qu'au lieu d'Anesse il prit Jument ;
Repos vaut mieux qu'honneur et que fortune ;
Qu'un chacun prenne sa chacune.
Van Rigyben,
FABLE .
Certain Baudet ambitieux ,
Voulant établir sa noblesse ,
Vint offrir ses soins et ses voeux ;
'A Matrona , Jument que l'on nommoit Duchesse
( Duchesse par dérision
€
De sa vaine présomption. )
Il prit la résolution ,
De s'unir avec elle
Femme , disoit- il , d'un tel nom ,
Va changer ma condition
Et distinguer ma parentelle ;
Je puis faisant souche nouvelle ,
Avoir Mulets , non des Asnons ,
Casque en visiere et plume en tête .
Ils leveront la crête ,
Et porteront Caparagons ,)
Des Ecussons ,
Feront grand bruit , grands carillons ;
Auront des Charges dans l'Armée ,
Cela dit , à sa bien - aimée ,
Propose la conjonction ;
Martin est bien reçû , lors la conclusion
Se
A OUST. 3929 1731.
Se fait dans le même intervale ;
Baudet épouse la Cavalle ,
Ont ensemble petits Mulets ,
Mulet aîné , Mulets cadets ,
Aussi sots que leur pere ,
Et plus vains que leur mere
D'esprit quinteux ,
Tétus , hargneux ,
En trahison donnant ruades .
Faisant mille incartades ;
Mere et Mulets n'avoient que du mépris ,
Pour le papa Baudet , le meilleur des maris ,
S'il veut décider d'une affaire ,
Duchesse le fait taire ,
Lui disant , taisez - vous , Baudet ,
Laissez parler mon fils Mulet ,
Vous raisonnez comme une bête ;
Pauvre Baudet baisse la tête ,
Et maudit cent fois le moment ,
Qu'au lieu d'Anesse il prit Jument ;
Repos vaut mieux qu'honneur et que fortune ;
Qu'un chacun prenne sa chacune.
Van Rigyben,
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Résumé : LE BAUDET ET LA JUMENT. FABLE.
La fable 'Le Baudet et la Jument' relate l'histoire d'un baudet ambitieux désirant établir sa noblesse en s'unissant à une jument nommée Duchesse, un titre moqueur soulignant sa vanité. Le baudet espère ainsi engendrer des mulets nobles et honorés, aptes à porter des armes et servir dans l'armée. La jument accepte, et leurs mulets naissent. Cependant, ces mulets se révèlent aussi stupides que leur père et plus vains que leur mère. Ils sont caractériels, têtus et hargneux, manquant de respect envers leur père. La jument et ses fils méprisent le baudet, le faisant taire et le rabaissant. Le baudet regrette alors son choix et maudit le moment où il a préféré la jument à une ânesse. La morale de la fable est que le repos vaut mieux que l'honneur et la fortune, et que chacun devrait choisir son partenaire avec sagesse.
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425
p. 1930-1932
LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
Début :
Quoique nous soyons, Messieurs, dans un Pays qui fait profession [...]
Mots clefs :
Neutralité, Auxerre, Sens, Joigny, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
LETTRE écrite des confins du Diocèse
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
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Résumé : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
La lettre, datée du 8 juillet 1731, est adressée aux auteurs du Mercure depuis les confins des diocèses de Sens et d'Auxerre. Les rédacteurs déclarent leur neutralité entre les villes d'Auxerre et de Joigny, mais s'interrogent sur la réaction des Auxerrois à un écrit paru en mars précédent. Ils rappellent le soutien du Mercure aux Auxerrois en 1723 et 1724 et espèrent une continuité en 1731. La lettre cite l'Histoire Latine des Évêques d'Auxerre, décrivant les habitants de Joigny comme des ennemis perpétuels de l'Église et d'Auxerre. Les auteurs soulignent leur fréquentation des deux villes pour des raisons commerciales, sans prendre parti. Ils notent des différences dans les régimes de communauté et les langues parlées : à Joigny, le peuple modifie les sons 'on' et 'an', contrairement à Auxerre. La lettre relate une anecdote d'un étranger amusé par une conversation locale à Joigny. Les rédacteurs observent également des divergences dans les comportements face à la sécurité : Joigny renforce ses défenses, tandis qu'Auxerre abaisse ses murailles et démolit ses tours. Ils concluent en affirmant leur neutralité et saluent la santé des destinataires.
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426
p. 1933-[1936]
RÉFLEXIONS.
Début :
Desnnt inopia multa, avaritia omnia. Les Avares ne sont que les Fermiers [...]
Mots clefs :
Commerce, Fortune, Intérêt, Amitié, Cupidité, Louanges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS.
REFLEXIONS.
DE
Esant inopia multa , avaritia omnia.
Les Avares ne sont que les Fermiers
de leurs heritiers .
Congesto pauper in auro.
L'interesse , comincia nel sublime concave
lunaro , e penetra anchenelle basse campanne
de gl'humili pastori.
La vie humaine est un commerce perpetuel
; ceux qui n'ont que la naissance
en partage , et les autres qui tiennent la
fortune de leur côté , s'accommodent ensemble
, et on peut dire que les gens de
qualité changent avec des Roturiers de
la noblesse pour du bien.
Où il n'y a point d'interêt il n'y a
point d'amitié ; c'est lui qui la fait naître;
c'est lui qui la nourrit, et c'est lui qui l'anéantit
.
L'interêt commence toutes les Sociétez,
l'interêt les détruit.
L'interêt joue toutes sortes de personnages
, même celui de désinteresse.
E Les
1934 MERCURE DE FRANCE
Les hommes ne parviennent pas plutôt
à quelques emplois , qu'ils ne pensent
qu'aux richesses , soit que cette cupidité
leur naisse alors , ou qu'auparavant elle
n'eut pas eu occasion d'éclater .
Qu'on s'étonne tant qu'on voudra ; les
hommes manqueront de bonne foi tant
que vivra l'interêt , et l'interêt vivra tanţ
que les hommes subsisteront .
Le Public seul sçait donner , mais non
pas vendre les louanges.
Qui loüe les mauvaises actions est sud
jet à les commettre .
Les louanges reçoivent leur prix du
mérite et de la sincerité de ceux qui les
donnent.
On se loüe presque toûjours tacitement,
quand on blâme un vice qu'on n'a point.
Dans les Eloges il n'y a point de fuite
honteuse qui ne passe pour une retraite
honorable ; on nomme Lion , ce qu'on
n'oseroit nommer Loup , et en détournant
ainsi tous les mots de leur vraye si◄
gnification, on déguise toutes choses.
Aux Oraisons Funebres , on dissimule
les
les deffauts , on y étale les vertus , on ne
dit rien de ce qui ne se peut louer , et par
un faux jour , où l'adresse de l'Orateur
sçait placer habilement son Heros , il soutient
les endroits foibles et défectueux.
Les Apôtres expriment les plus grandes
choses avec une noble simplicité : ils
étoient certainement interessez en la cau
se de leur Maître ; cependant ils ne s'ar
rêtent pas à en faire des éloges , ils ne relevent
point par des lieux communs la
Doctrine qu'il enseignoit et les Mircles
qu'il operoit ; ils ne s'emportent point.
contre ses ennemis et ses envieux ; ils se
contentent de raconter simplement ses
paroles , ses actions et ses souffrances.
Il est plus difficile et plus glorieux de
loüer un concurrent , que de le surpasser.
Il y des déplaisirs qui peuvent causer
la mort , mais il n'y en a point qui puisse
la faire souhaiter..
Nous courons avec empressement aux
choses qui flattent nos passions , comme
si nous ne devions pas voir la fin de
la journée , et nous faisons des projets.
comme si nous devions toûjours vivre.
E ij O
O combien la vie seroit courte si
l'esperance ne lui donnoit de l'étenduë.
On
peut dire
que
la vie est une
espece
de sommeil
dont
on ne se réveille
qu'à
la mort.
L'homme ne vit mal que parce qu'il
croit toûjours vivre. Malè vivunt , qui
semper victuros se putant.
Les jeunes gens peuvent mourir ; mais
ils peuvent vivre long- temps. Les vieux
encore plus sujets à la mort , ne sçauroient
vivre long- temps.
Malgré toutes les mines et les dégui
semens des hommes pendant leur vie ,
ils ne sçauroient parer le dernier coup ,
la mort leve le masque , Eripitur persona
manet res.
Il n'y a rien qui exhorte et qui contribue
tant à faire bien mourir , que de
n'avoir pas
de plaisir à vivre.
Ne peut -on pas dire que la vie des
hommes est comme une Lampe exposée
à tous vents et toujours prête à s'éteindre.
DE
Esant inopia multa , avaritia omnia.
Les Avares ne sont que les Fermiers
de leurs heritiers .
Congesto pauper in auro.
L'interesse , comincia nel sublime concave
lunaro , e penetra anchenelle basse campanne
de gl'humili pastori.
La vie humaine est un commerce perpetuel
; ceux qui n'ont que la naissance
en partage , et les autres qui tiennent la
fortune de leur côté , s'accommodent ensemble
, et on peut dire que les gens de
qualité changent avec des Roturiers de
la noblesse pour du bien.
Où il n'y a point d'interêt il n'y a
point d'amitié ; c'est lui qui la fait naître;
c'est lui qui la nourrit, et c'est lui qui l'anéantit
.
L'interêt commence toutes les Sociétez,
l'interêt les détruit.
L'interêt joue toutes sortes de personnages
, même celui de désinteresse.
E Les
1934 MERCURE DE FRANCE
Les hommes ne parviennent pas plutôt
à quelques emplois , qu'ils ne pensent
qu'aux richesses , soit que cette cupidité
leur naisse alors , ou qu'auparavant elle
n'eut pas eu occasion d'éclater .
Qu'on s'étonne tant qu'on voudra ; les
hommes manqueront de bonne foi tant
que vivra l'interêt , et l'interêt vivra tanţ
que les hommes subsisteront .
Le Public seul sçait donner , mais non
pas vendre les louanges.
Qui loüe les mauvaises actions est sud
jet à les commettre .
Les louanges reçoivent leur prix du
mérite et de la sincerité de ceux qui les
donnent.
On se loüe presque toûjours tacitement,
quand on blâme un vice qu'on n'a point.
Dans les Eloges il n'y a point de fuite
honteuse qui ne passe pour une retraite
honorable ; on nomme Lion , ce qu'on
n'oseroit nommer Loup , et en détournant
ainsi tous les mots de leur vraye si◄
gnification, on déguise toutes choses.
Aux Oraisons Funebres , on dissimule
les
les deffauts , on y étale les vertus , on ne
dit rien de ce qui ne se peut louer , et par
un faux jour , où l'adresse de l'Orateur
sçait placer habilement son Heros , il soutient
les endroits foibles et défectueux.
Les Apôtres expriment les plus grandes
choses avec une noble simplicité : ils
étoient certainement interessez en la cau
se de leur Maître ; cependant ils ne s'ar
rêtent pas à en faire des éloges , ils ne relevent
point par des lieux communs la
Doctrine qu'il enseignoit et les Mircles
qu'il operoit ; ils ne s'emportent point.
contre ses ennemis et ses envieux ; ils se
contentent de raconter simplement ses
paroles , ses actions et ses souffrances.
Il est plus difficile et plus glorieux de
loüer un concurrent , que de le surpasser.
Il y des déplaisirs qui peuvent causer
la mort , mais il n'y en a point qui puisse
la faire souhaiter..
Nous courons avec empressement aux
choses qui flattent nos passions , comme
si nous ne devions pas voir la fin de
la journée , et nous faisons des projets.
comme si nous devions toûjours vivre.
E ij O
O combien la vie seroit courte si
l'esperance ne lui donnoit de l'étenduë.
On
peut dire
que
la vie est une
espece
de sommeil
dont
on ne se réveille
qu'à
la mort.
L'homme ne vit mal que parce qu'il
croit toûjours vivre. Malè vivunt , qui
semper victuros se putant.
Les jeunes gens peuvent mourir ; mais
ils peuvent vivre long- temps. Les vieux
encore plus sujets à la mort , ne sçauroient
vivre long- temps.
Malgré toutes les mines et les dégui
semens des hommes pendant leur vie ,
ils ne sçauroient parer le dernier coup ,
la mort leve le masque , Eripitur persona
manet res.
Il n'y a rien qui exhorte et qui contribue
tant à faire bien mourir , que de
n'avoir pas
de plaisir à vivre.
Ne peut -on pas dire que la vie des
hommes est comme une Lampe exposée
à tous vents et toujours prête à s'éteindre.
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Résumé : RÉFLEXIONS.
Le texte examine la nature humaine et les sociétés, soulignant que l'avarice et l'intérêt gouvernent les interactions humaines, comparant la vie à un commerce perpétuel. L'intérêt est décrit comme le moteur des sociétés, capable de créer et de détruire des amitiés. Une fois en poste, les hommes se concentrent sur l'acquisition de richesses, et la bonne foi est rare tant que l'intérêt persiste. Le texte aborde également les louanges et les éloges, notant que les compliments sincères sont rares et que les éloges funèbres dissimulent souvent les défauts. Les Apôtres sont cités pour leur simplicité et leur honnêteté dans la narration des actions de leur maître. Louer un concurrent est plus difficile et glorieux que de le surpasser. Enfin, le texte réfléchit sur la brièveté de la vie et l'importance de l'espoir. La vie est comparée à un sommeil dont on ne se réveille qu'à la mort. Les jeunes peuvent vivre longtemps, tandis que les vieux sont plus sujets à la mort. La mort est inévitable et révèle la véritable nature des hommes. Vivre sans plaisir facilite une bonne mort. La vie humaine est comparée à une lampe exposée aux vents, toujours prête à s'éteindre.
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427
p. 1937-1938
ENIGME.
Début :
De mes Soeurs la nombreuse escorte, [...]
Mots clefs :
Épingle
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
DE mes
*******
E mes Soeurs la nombreuse escorte ,
Chacune dans son rang , s'assemble par milliers
Tels on voit des Soldats courir auxChamps guer
riers ;
Cependant notre armée est plus foible que forte.
Nos Exploits les plus triomphants
Se bornent tout au plus à quelques jeux d'enfans.
En vain pour nous rendre plus fieres , ✰
On nous met sur la tête une Couronne d'or ;
Nous n'en brillons pas mieux , dirai-je plus encor?
Nous sommes si peu meurtrieres ,
Que lorsque dans le sang nous allons nous bai
gner ,
Nous ne faisons qu'égratigner.
1.
Mais quoique nous passions pour des choses trèsviles
,
Nous n'en sommes pas moins utiles.
'A de jeunes tendrons , sans égard à leur fang , A
Nous tirons quelquefois des larmes et du sang ;
C'est-là de toutes nos conquêtes ,
Le lustre le plus éclatant ;
Quelqu'une de mes soeurs naît-elle avec deur
têtes ?
Ce n'est pas un Monstre pourtant ;
Etant fille de l'Art et non de la Nature ,
E iij
Elle
1938 MERCURE DE FRANCE
Elle n'excite point de curiosité ,
Et cela lui sauve l'injure
De la défectuosité .
Quand quelque marché d'importance ;
Avec un plein sucsès est conduit à sa fin ,
Notre nom, quoique bas, marque la récompense,
Qu'on donne au Sexe feminin ;
Toi, Lecteur , qui me vois de ma petite espece
Te faire de sincère aveu ,
Veux- tu me deviner ? mets toute ton adresse
A sçavoir me tirer du jeu.
DE mes
*******
E mes Soeurs la nombreuse escorte ,
Chacune dans son rang , s'assemble par milliers
Tels on voit des Soldats courir auxChamps guer
riers ;
Cependant notre armée est plus foible que forte.
Nos Exploits les plus triomphants
Se bornent tout au plus à quelques jeux d'enfans.
En vain pour nous rendre plus fieres , ✰
On nous met sur la tête une Couronne d'or ;
Nous n'en brillons pas mieux , dirai-je plus encor?
Nous sommes si peu meurtrieres ,
Que lorsque dans le sang nous allons nous bai
gner ,
Nous ne faisons qu'égratigner.
1.
Mais quoique nous passions pour des choses trèsviles
,
Nous n'en sommes pas moins utiles.
'A de jeunes tendrons , sans égard à leur fang , A
Nous tirons quelquefois des larmes et du sang ;
C'est-là de toutes nos conquêtes ,
Le lustre le plus éclatant ;
Quelqu'une de mes soeurs naît-elle avec deur
têtes ?
Ce n'est pas un Monstre pourtant ;
Etant fille de l'Art et non de la Nature ,
E iij
Elle
1938 MERCURE DE FRANCE
Elle n'excite point de curiosité ,
Et cela lui sauve l'injure
De la défectuosité .
Quand quelque marché d'importance ;
Avec un plein sucsès est conduit à sa fin ,
Notre nom, quoique bas, marque la récompense,
Qu'on donne au Sexe feminin ;
Toi, Lecteur , qui me vois de ma petite espece
Te faire de sincère aveu ,
Veux- tu me deviner ? mets toute ton adresse
A sçavoir me tirer du jeu.
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428
p. 1938-1940
LOGOGRYPHE.
Début :
J'habite également la Campagne et la Ville, [...]
Mots clefs :
Cheminée
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
' Habite également la Campagne et la Ville ;
Au Peuple comme au Grand je suis toujours utile,
En tout tems , en toute saison ,
L'on a besoin de moi dedans une maison.
Ma figure au dehors n'a rien que d'agréable ,
Aux Palais les plus beaux j'ajoute un ornement ;
Mais hélas ! au- dedans je suis méconnoissable ,
Je n'ai rien que d'affreux sous ce déguisement.
En vain certaines gens assez connus en France ,
Travaillent tous les ans à me purifier ,
Je les charge d'ordure au lieu de récompense ,
Et je reviens toujours à mon état premier.
Etes - vous curieux de sçavoir ma figure ?
J'ay
A O UST.
1731. 1939
J'ai deux pieds , sans pouvoir marcher ,
Un Manteau qui fait ma parure ,
Un coeur assez facile à se laisser toucher ,
Quoique de sa nature il soit dur , insensible ;
On trouve auprès de lui quelque soulagement ;
Mais n'en usez jamais qu'avec ménagement ,
Car vous pourriez bruler d'une flâme nuisible.
Si mon nom vous est inconnu ,
Sous ce détour énigmatique ,
Servons-nous de l'Arithmétique , ?
Pour voir ce qui dans moi peut être contenu.
Huit lettres forment ma substance ;
Un, deux, trois , quatre, cinq , étant pris à la fois;
Je ne recule ni n'avance ,
Chacun pourtant me suit , Peuples , Princes et
Rois ;
Quatre, cinq, trois , je suis un terme de tendresse,
Dont se sert un Amant qui parle à sa Maitresse .
Un , deux , cinq , trois et six , quelle félicité ,
Si chacun m'imitoit dans ma fidelité!
Quatre avant cinq laissé , je suis d'un grand ser
vice ,
Dans les Airs anciens et nouveaux.
Six avec sept , ma place est entre deux flambeaux
Sur le penchant d'un précipice.
A six , cinq , un , ajoûtez trois ,
Ville et Comté près de Provence ,
Dont on vit riompher un Maréchal de Frances
E iiij
Sous
1940 MERCURE DE FRANCE
Sous le plus grand de tous les Rois.
Quatre , cinq , six et trois , tantôt je suis severe ,
Tantôt de la douceur je tiens le caractere ;
Dans un sens different , l'on voit au Champ de
Mars ,
Quels effets je produits sous les plus hauts Remparts.
Six, cinq , un, sept et huit , Ville ancienne d'Asie.
Qui condamna jadis une horrible heresie..
Un, trois , six, joints à huit , on connoîtra d'abord
Un celeste repas dont parle l'Ecriture
Auquel participa l'Auteur de la Nature ,
Le jour qui préceda sa mort.
Un , cinq, quatre avec trois , sur toutes les Mon
tagnes ,
Sur les lieux élevez je tiens le plus haut rang ,
Moyse étoit sur moi quand il vit les Campagnes
De la Terre de Canaam.
Un, deux, trois, six et huit , je suis très- necessaire
Pour construction de Vaisseaux ,
Et quoique dans les bois j'habite d'ordinaire,
Je me conservé au fond des eaux.
Si l'on me laisse en paix vivre dans ma Patrie ,
Je porte un excellent régal ,
Pour le plus immonde animal.
En bien d'autres façons ma substance varie ;
Mais, ces traits suffisant pour montrer qui je suis ,
Lecteur , je ne veux point augmenter vos ennuis.
Ch. Degoëlles , Chantre et Chanoine de
D. de la Faïere.
' Habite également la Campagne et la Ville ;
Au Peuple comme au Grand je suis toujours utile,
En tout tems , en toute saison ,
L'on a besoin de moi dedans une maison.
Ma figure au dehors n'a rien que d'agréable ,
Aux Palais les plus beaux j'ajoute un ornement ;
Mais hélas ! au- dedans je suis méconnoissable ,
Je n'ai rien que d'affreux sous ce déguisement.
En vain certaines gens assez connus en France ,
Travaillent tous les ans à me purifier ,
Je les charge d'ordure au lieu de récompense ,
Et je reviens toujours à mon état premier.
Etes - vous curieux de sçavoir ma figure ?
J'ay
A O UST.
1731. 1939
J'ai deux pieds , sans pouvoir marcher ,
Un Manteau qui fait ma parure ,
Un coeur assez facile à se laisser toucher ,
Quoique de sa nature il soit dur , insensible ;
On trouve auprès de lui quelque soulagement ;
Mais n'en usez jamais qu'avec ménagement ,
Car vous pourriez bruler d'une flâme nuisible.
Si mon nom vous est inconnu ,
Sous ce détour énigmatique ,
Servons-nous de l'Arithmétique , ?
Pour voir ce qui dans moi peut être contenu.
Huit lettres forment ma substance ;
Un, deux, trois , quatre, cinq , étant pris à la fois;
Je ne recule ni n'avance ,
Chacun pourtant me suit , Peuples , Princes et
Rois ;
Quatre, cinq, trois , je suis un terme de tendresse,
Dont se sert un Amant qui parle à sa Maitresse .
Un , deux , cinq , trois et six , quelle félicité ,
Si chacun m'imitoit dans ma fidelité!
Quatre avant cinq laissé , je suis d'un grand ser
vice ,
Dans les Airs anciens et nouveaux.
Six avec sept , ma place est entre deux flambeaux
Sur le penchant d'un précipice.
A six , cinq , un , ajoûtez trois ,
Ville et Comté près de Provence ,
Dont on vit riompher un Maréchal de Frances
E iiij
Sous
1940 MERCURE DE FRANCE
Sous le plus grand de tous les Rois.
Quatre , cinq , six et trois , tantôt je suis severe ,
Tantôt de la douceur je tiens le caractere ;
Dans un sens different , l'on voit au Champ de
Mars ,
Quels effets je produits sous les plus hauts Remparts.
Six, cinq , un, sept et huit , Ville ancienne d'Asie.
Qui condamna jadis une horrible heresie..
Un, trois , six, joints à huit , on connoîtra d'abord
Un celeste repas dont parle l'Ecriture
Auquel participa l'Auteur de la Nature ,
Le jour qui préceda sa mort.
Un , cinq, quatre avec trois , sur toutes les Mon
tagnes ,
Sur les lieux élevez je tiens le plus haut rang ,
Moyse étoit sur moi quand il vit les Campagnes
De la Terre de Canaam.
Un, deux, trois, six et huit , je suis très- necessaire
Pour construction de Vaisseaux ,
Et quoique dans les bois j'habite d'ordinaire,
Je me conservé au fond des eaux.
Si l'on me laisse en paix vivre dans ma Patrie ,
Je porte un excellent régal ,
Pour le plus immonde animal.
En bien d'autres façons ma substance varie ;
Mais, ces traits suffisant pour montrer qui je suis ,
Lecteur , je ne veux point augmenter vos ennuis.
Ch. Degoëlles , Chantre et Chanoine de
D. de la Faïere.
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429
p. 1941
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Je me fais porter par des filles : [...]
Mots clefs :
Losange
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
SECOND
LOGOGRYPHE.
JeE me fais porter par des filles :
La femme ne me convient pas.
Range ou retranche ainsi que tu voudras ,
Mes Anagrames sont faciles ,
Et sans peine en moi tu verras ,
Ce qui fit perdre maints Codilles ,
Quand l'Ombre faisoit nos ébats.
Item , une vile pécore ,
Un endroit où l'on met les foux ,
Le principe de vie en nous ,
Un esprit bienheureux encore ,
L'action d'un homme endormi ,
Un lieu pour donner Audiance ,
Ce qui tient un bats affermi ,
Le premier Surtout de l'enfance ,
Ce qu'on ôte en faisant le pain ,
Deux Poissons Marins d'ordinaire ,
Dont l'un est parfois de Riviere ;
Le joint de deux lignes enfin ,
Et dequoi faire une Coëffe à Catin .
LOGOGRYPHE.
JeE me fais porter par des filles :
La femme ne me convient pas.
Range ou retranche ainsi que tu voudras ,
Mes Anagrames sont faciles ,
Et sans peine en moi tu verras ,
Ce qui fit perdre maints Codilles ,
Quand l'Ombre faisoit nos ébats.
Item , une vile pécore ,
Un endroit où l'on met les foux ,
Le principe de vie en nous ,
Un esprit bienheureux encore ,
L'action d'un homme endormi ,
Un lieu pour donner Audiance ,
Ce qui tient un bats affermi ,
Le premier Surtout de l'enfance ,
Ce qu'on ôte en faisant le pain ,
Deux Poissons Marins d'ordinaire ,
Dont l'un est parfois de Riviere ;
Le joint de deux lignes enfin ,
Et dequoi faire une Coëffe à Catin .
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430
p. 1941-1942
QUATRAIN ENIGMATIQUE.
Début :
Ung Monstre élapsera de la Rive de Nil, [...]
Mots clefs :
Logogriphe du Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATRAIN ENIGMATIQUE.
QUATRAIN ENIGMATIQUE.
UNg Monstre élapsera de la Rive de Nil ,
Vers l'an trente après mil sept cent qu'on nombrera
;
Ev Neuf
1942 MERCURE DE FRANCE
Neuf pieds , une aîle et grife , et double os il aurr
Ung Dieu l'ostendera sur l'horison de Cil .
Par un Eleve de Nostradamus.
UNg Monstre élapsera de la Rive de Nil ,
Vers l'an trente après mil sept cent qu'on nombrera
;
Ev Neuf
1942 MERCURE DE FRANCE
Neuf pieds , une aîle et grife , et double os il aurr
Ung Dieu l'ostendera sur l'horison de Cil .
Par un Eleve de Nostradamus.
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431
p. [2051]-2053
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume. Laudate Pueri, &c.
Début :
Enfans, publiez les loüanges, [...]
Mots clefs :
Louanges, Souverain, Chants, Créateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume. Laudate Pueri, &c.
ODE SA CREE ,
E
Tirée du Pseaume.
Laudate Pueri , &c.
Nfans , publiez les louanges ;
Du Souverain Maître des Rois,
Et mêlez au Concert des Anges ,
Les tendres accents de vos voix,
Dès que le Soliel fait éclore ,
Les feux de la naissante Aurore ,
Vers le Ciel élevez yos Chants ;
A ij Jus
1052 MERCURE DE FRANCE
Jusqu'à ce qu'il rentre dans l'Onde ,
Louez le Créateur du Monde ;
Qu'on le celebre en tous les temps.
Du haut de la Vout azurée
Il gouverne tout l'Univers ;
C'est lui qui regle la durée ,
De tant de Royaumes divers ,
C'est lui qui lance le Tonnerre
Le Ciel et la Mer et la Terre ,
Sont remplis de sa Majesté ,
Des Rois il borne les conquêtes ;
Et lui seul commande aux Tempêtes}
Dont l'Ocean est agité.
dire ;
Nul autre que fui ne peut
Que son Trône est le Firmament
Et qu'il voit tout ce qui respire ,
Soumis à son commandeinent.
Souvent du sein de l'indigence ,
Il éleve l'humble innocence ,
Pour la placer aux plus hauts rangs
Et quelquefois des Bergers même ,
On a vu son pouvoir suprême ,
Faire d'illustres fuerants .
Tol
SEPTEMBRE . 1731 2053
Toi ,. qui commences d'être Mere ,
Dans l'âge de sterilité ,
C'est au Dieu qu'Israël revére ,
Que tu dois ta fécondité :
Par son ordre dans sa vieillesse ,
L'homme de bien plein d'allegresse
Se voit revivre en ses enfans ,
Pendant que sa juste vengeance ;
Fait périr dans l'adolescence ,
La posterité des méchans:
Par M. de Sainte Palaye , de Montfort
Lamaury.
E
Tirée du Pseaume.
Laudate Pueri , &c.
Nfans , publiez les louanges ;
Du Souverain Maître des Rois,
Et mêlez au Concert des Anges ,
Les tendres accents de vos voix,
Dès que le Soliel fait éclore ,
Les feux de la naissante Aurore ,
Vers le Ciel élevez yos Chants ;
A ij Jus
1052 MERCURE DE FRANCE
Jusqu'à ce qu'il rentre dans l'Onde ,
Louez le Créateur du Monde ;
Qu'on le celebre en tous les temps.
Du haut de la Vout azurée
Il gouverne tout l'Univers ;
C'est lui qui regle la durée ,
De tant de Royaumes divers ,
C'est lui qui lance le Tonnerre
Le Ciel et la Mer et la Terre ,
Sont remplis de sa Majesté ,
Des Rois il borne les conquêtes ;
Et lui seul commande aux Tempêtes}
Dont l'Ocean est agité.
dire ;
Nul autre que fui ne peut
Que son Trône est le Firmament
Et qu'il voit tout ce qui respire ,
Soumis à son commandeinent.
Souvent du sein de l'indigence ,
Il éleve l'humble innocence ,
Pour la placer aux plus hauts rangs
Et quelquefois des Bergers même ,
On a vu son pouvoir suprême ,
Faire d'illustres fuerants .
Tol
SEPTEMBRE . 1731 2053
Toi ,. qui commences d'être Mere ,
Dans l'âge de sterilité ,
C'est au Dieu qu'Israël revére ,
Que tu dois ta fécondité :
Par son ordre dans sa vieillesse ,
L'homme de bien plein d'allegresse
Se voit revivre en ses enfans ,
Pendant que sa juste vengeance ;
Fait périr dans l'adolescence ,
La posterité des méchans:
Par M. de Sainte Palaye , de Montfort
Lamaury.
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume. Laudate Pueri, &c.
Le Psaume 113, intitulé 'Laudate Pueri', invite les enfants à louer le Souverain Maître des Rois. Ce poème religieux décrit Dieu comme le Créateur et gouverneur de l'univers, régissant les royaumes et commandant aux éléments naturels. Il souligne la majesté divine omniprésente dans le ciel, la mer et la terre, et la capacité de Dieu à limiter les conquêtes des rois. Le texte met en avant l'élévation des humbles et la transformation de bergers en personnages illustres. Il mentionne également une femme stérile à qui Dieu accorde la fécondité. Le poème contraste la bénédiction des justes avec la vengeance divine sur les méchants. Signé par M. de Sainte Palaye, de Montfort Lamaury, il est daté de septembre 1731.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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432
p. 2053-2066
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
Début :
Nous sommes, Monsieur, dans une année distinguée par la secheresse extrême [...]
Mots clefs :
Sécheresse , Bétail domestique, Bêtes fauves, Cerfs, Hiver, Prières publiques, Palestine, Chrétiens, Évêque de Lyon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
LETTRE écrite à M. Adam, Medecin,
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
surla secheresse de la presente année 1731 .
et sur la maladie des Bestiaux en certains
Pays.
'Ous sommes , Monsieur , dans une
Narinée distinguée par la secheresse extrême
qui y a regné , et qui y regne encore.
Je ne sçai si nous ne pourrions pas
la comparer à celle dont parle S. Grégoire
de Tours sur la fin de Histoire de
France , et dont il dit : Siccitas immensa
>
fuit que omne pabulum herbarum avertit.
A iij
Cet
2034 MERCURE DE FRANCE
Cet Historien du sixiéme siecle , qui en
fut le témoin, ajoûte que les Quadrupedes
en souffrirent beaucoup , et qu'il en mourut
un si grand nombre , qu'à peine en
resta- t'il pour perpetuer la race , et il
applique à cette occasion ce que dit le
Prophete Habacuc : Abscindetur de ovili
pecus , & c. (a) Il ajoûte que ce ne fut pas
seulement sur le Bétail domestique que
s'étendit le mal , mais encore sur les bêtes
fauves , et qu'on trouvoit dans les Forêts
les Cerfs et autres animaux étendus morts
sur la place .
L'expérience du passé ayant fait craindre
que pareilles choses n'arrivassent de
nos jours , on a sagement prévenu le mal
en plusieurs endroits du Royaume : on
a eu recours aux Intercesseurs qui sont
les Saints , et on s'est mis sous la protection
de ceux qui sont regardez comme les
Tutelaires des Lieux , et il paroît qu'on
s'en est bien trouvé. Une remarque cependant
que quelques- uns ont faite , est
qu'il leur a semblé que les Diocèses dont
S. Etienne est Patron ont été privilegiez
et qu'ils ont eu de la pluye en abondance
(4) Je rapporte ici ce Passage suivant la Vul-
S. Grégoire le cite selon la Version qui
avoit cours dans les Gaules de son temps. Defieient
ab csca oves , Úc.
avánt
SEPTEMBRE . 1731 2055
avant les autres. Il y en a en France au
moins une douzaine ; mais je ne puis cer
tifier le fait qu'à l'égard de deux de ces
Diocèses où je me suis trouvé vers la saint
Jean derniere , dans le temps que ces
pluyes sont venues après la secheresse
commencée au mois de Fevrier . Aussi peutêtre
ne faisoit-on pas des Prieres dans tous,
et peut- être que
dans les lieux où l'on en
faisoit , on n'interroissoit pas également
S. Etienne dans ce qu'on vouloit obtenir .
Ce qu'il y a de certain c'est que depuis la
révelation faite au Prêtre Lucien , dans un
temps de secheresse , que Dieu écouteroit
les Prieres de son Peuple , appuyées de
l'intercession de S. Etienne , et qu'il en
auroit pitié , on a toûjours eu dans l'Eglise
une grande dévotion envers ce saint
Martyr , lorsqu'il a été besoin d'obtenir
la cessation de cette espece de calamité.
Le souvenir de ce qui étoit arrivé au commencement
du V. siecle pendant cette
secheresse d'hyver qui fut si fatale aux
biens de la Terre dans la Palestine , a toûjours
été present à ceux qui lisent l'Histoire
avec attention .
Je prévois dans ce moment que plus
d'une personne seront frappez de ma remarque
; mais je les prie d'observer les
Livres où sont marquées les Prieres pu-
A iiij bliques
056 MERCURE DE FRANCE
bliques de l'Antiquité pour les temps d'af-
Aliction , et ils verront que l'invocation
de S. Etienne y est marquée avec distinc-
´tion . Ce n'est donc pas la faute de nos ancêtres
, si le fait historique d'une pluye
salutaire esperée et obtenue par l'intercession
de S. Etienne , commence à être mise
en oubli . Ils ont toûjours eû soin d'en
inserer quelque chose dans leurs Livres
de l'Office divin , y faisant entrer la Revelation
du Prêtre Lucien , tant en chant
qu'en lecture. Mais depuis que l'on n'en
chante plus rien et qu'on se contente d'en
lire un abregé très- succint , où il n'est
point fait mention de cet évenement , it
est à craindre qu'on n'oublie le fait , ou
du moins qu'on ne l'ait plus si present à
l'esprit .
و
Il en étoit resté quelque vestige dans le
Breviaire de Sens de l'an 1702.à l'Office de
l'Invention deS.Etienne; on s'est fait depuis
ce temps- là un systême qui n'a point permis
que la memoire de ce trait historique
entrât dans l'Office refondu en 1726.Je ne
sçai s'il en sera de même dans toutes les
Eglises. Je tonnois un Chapitre insigne
où il sera difficile d'oublier tout-à-fait
cette ancienne Histoire : l'antiquité des
moyens temps y a pourvû d'une maniere
singuliere ; je ne veux pas la rapporter à
present ,
SETEMBRE. 1731. 2057
present. Au reste Saint Etienne n'est
pas le seul Saint par l'intercession duquel
on ait eu confiance d'obtenir de
la pluye dans les temps de secheresse.
Il paroît seulement qu'il est le premier
dont les Reliques ayent occasionné ce
secours salutaire , et c'est l'époque que.
l'on peut donner à l'antiquité de l'usage
de porter en Procession les Reliques
des Martyrs dans les temps de calamité.
à
Quelques années avant cette désolation
qu'on fixe à l'an 415. la Palestine s'étoit
ressentie d'une semblable affliction. La
secheresse avoit duré dans l'année 394.
ou 395. durant le mois de Die et d'Appellée
, qui sont deux mois de l'hyver
répondant à Novembre et Décembre ,
quelques jours près. Un S. Evêque nouvellement
placé sur le Siege de Gaze , obtint
miraculeusement de la pluye , au
moins pour son Territoire. L'Histoire en
est si curieuse qu'on ne peut la rendre
trop publique en ce temps- cy. Les Idolâtres
de cette Ville étoient allez au Temple
de Marnas , pour y prier et sacrifier ,
croyant que Marnas étoit maître de la
pluye , et qu'il étoit Jupiter même . Ils
continuerent leur chant pendant sept
jours ; mais le voyant sans effet , ils s'en'
retour2058
MERCURE DE FRANCE
retournerent à leurs ouvrages. La vie de
S. Porphyre , Evêque de cette Ville , écrite
par Marc , son Disciple , témoin oculaire ,
rapporte ensuite comment ce saint Prélat
eut le crédit d'obtenir de l'eau du Ciel.
Les Chrétiens , au nombre de 280. étoient
accourus à lui pour le prier de demander
à Dieu la cessation de la secheresse . Il ordonna
d'abord un jeûne , et commanda
qu'on s'assemblat le soir dans la grande
Eglise pour y celebrer les Vigiles , et cette
nuit-là , dit l'Ecrivain qui étoit un des
Diacres , nous y fimes trente Prieres , avec
autant d'agenouillemens , sans compter la
Psalmodie et les Leçons . Le récit de ce
Diacre témoin , appellé Marc , étant trèspropre
à prouver l'antiquité des usages
de l'Eglise Catholique , j'emprunterai ici
ses propres termes . Le matin , continuë- t'il ,
S. Porphyre faisant porter la sainte Croix
devant nous , nous marchames en chantant
des Hymnes vers l'Occident de la Ville , et
allâmes à la vieille Eglise de S. Asclepas
et là nous fimes autant de Prieres que dans
La grande Eglise. Puis nous allâmes à saint
Timothée , où sont les Reliques de sainte
Meure, Martyre, et de sainte Thée, qui a été
mise au nombre des Confesseurs , et y ayant
encore fait autant de Prieres et d'agenowil-
Lemens , nous retournâmes à la Ville ; fil
étoit
SEPTEMBRE. 1731. 2059
étoit trois heures après midi , ) et nous la
trouvâmes fermée; car les Payens vouloient
dissiper la Procession. Nous nous y
tinmes
deux heures sans qu'on voulût nous ouvrir :
et pour lors un vent de midi commença à convrir
le Ciel de nuées , et dès que le Soleilfut
couché, il fit une grosse pluye avec Tonnerre,
et les Payens voyant ce Miracle , nous ouvrirent
et vinrent avec nous à la grande
Eglise , disant : Christ est le seul Dieu. Il
plut donc depuis le buit d'Audynée jusqu'au
dix. (Audynée est le Janvier des Romains ,
hors qu'il commence cinq jours plutôt ,
comme les autres mois. ) L'onze nous celebrâmes
le saint jour de la Théophanie s et
il y eut cent cinq Payens convertis.
Il y a en France une Ville Episcopale
que je connois particulierement , où les
Prieres de cette presente année ont été
reglées à peu près sur le plan de celles
qu'on voit ordonnées par S. Porphire , et .
l'on a eû la consolation d'être exaucé le
lendemain du jeûne qui accompagna la .
ceremonie.
Mais revenons à la mortalité des Bestiaux
. C'est ordinairement la grande secheresse
qui la cause , parce que la secheresse
excessive brûlant l'herbe des Prez , les
animaux se trouvent obligez de brouter
les feuilles des arbres , aux feuilles des-
A vj quels
2060 MERCURE DE FRANCE
quels sont attachez certains Insectes qui
leur sont nuisibles. C'est une expérience
qu'on m'écrit avoir été faite en Bourgogne
au mois de Juin dernier. Elle suffit
ce me semble , pour assurer qu'Agobard,
Evêque de Lyon , avoit grande raison de
se mocquer de ceux qui croyoient de.
son temps que la mortalité qui regna sur
les Bestiaux , venoit d'une certaine poudre
des Maleficiers envoyez par le
Duc de Benevent , répandoient par la
campagne , et que le vent faisoit entrer
dans les narines des Boeufs et des Vaches.
Cette mortalité remarquable arriva en
l'an 810. Il ne faut pas songer à d'autres
causes dans celles qui arrivoient aux temps
de secheresse , qu'aux Insectes attachez
sous les feüillages.
que
Je ne sçai si celle qui arriva sous le
Roi Chilperic I. après la Bataille donnée
à Chateau -Meillan , en Berry , procedoit
d'un pareil principe ; elle fut si grande ,
au rapport de Gregoire de Tours , qu'après
qu'elle eut cessé , on regardoit comme
une chose merveilleuse de trouver une
Vache ou un Cheval sur pied . Sigebert
marque aussi dans sa Chronique à l'an
1137. qu'il y eut une si grande secheresse
en France , que de memoire d'homme
on n'en n'avoit vû de semblable. Il dit
qu'elle
SEPTEMBRE. 1731. 206
qu'elle fit tarir les Fontaines , les Puits ,
et même des Rivieres ; mais il n'ajoûte
pas si elle fut suivie d'aucune mortalité.
Il paroît que les paroles de l'Antiennedu
vieil Office de S. Etienne conviendroient
à merveille en ces ocsasions , et
qu'on peut les adresser à ceux dont il dépendroit
d'obtenir de la pluye par l'intercession
des Saints , mais qui moins diligens.
que S.Porphyre de Gaze , differeroient de
prendre cette voye. Nonne vides quanta
sit siccitas et tribulatio in toto mundo , et tu
negligenter agis ? On connoît à ce langage
alec'est le vieillard Gamaliel qui reprend
Lucien , de la négligence qu'il apportoit à
Gire proceder à la découverte du Corps de
S. Etienne , dont on attendoit le soulageanent
qui étoit si necessaire.J'ai trouvé ces
paroles dans les anciens Breviaires de Langres
et de Toul ; mais il y a une autre Eglise
queje ne veux pas nommer, où l'on chante
Cette Antienne avec une particularité qui
Rous divertira. Comme c'est le soir du
second jour d'Août , veille de l'Invention
de S. Etienne , l'un des Patrons de cette
Eglise, que cette Antienne se présente dans
l'Office , et que c'est au troisiéme Nocturne
,temps auquel la saison permet d'avoir
le gosier desseché après avoir déja chanté
deux grands Nocturnes ; on m'a assuré
qu'aussi-
1
1
2062 MERCURE DE FRANCE
qu'aussi - tôt et à l'instant que cette Antienne
est notifiée ou intimée , arrivent
au Choeur des Bedeaux ou Huissiers d'Eglise
avec des brocs de vin et des tasses .
et qu'ils y font la ronde , en offrant du
vin à tous ceux du Clergé qui en souhaitent
; bien plus , que selon la maxime ne
potus noceat , une ou deux autres personnes
portent sur un bassin des Biscuits ou
des Macarons, et en présentent à ceux qui
veulent redoubler. C'est ainsi que la gran
de secheresse ou chaleur causée au palais
par le chant , se trouve fort à propos hu
mectée et agréablement rafraîchie. Com
me je n'approfondis pas beaucoup les Ru
briques , je ne me suis pas informé si le
Breviaire ou l'Antiphonier marque dupli-,
catur à cette Antienne ; je crois cependant
que non , parce que c'est un Chapitre où
F'on ne suit pas le Breviaire Romain .
Je parierois bien , Monsieur , qu'en lisant
cecy , vous en faites l'application à
quelque Chapitre de l'Allemagne. Si cela
est , je puis vous certifier que vous vous
trompez. Mais je connois une autre pratique
usitée dans les Eglises de la Campagne
du côté de cette Region . Les Sta
Legian 1604*
tuts Synodaux de Metz de l'an 1604
m'ont donné occasion d'en être instruita
Par un article de ces Statuts , il est enjointaux
SEPTEMBRE. 1751. 2063
aux Curez , ut aboleant profana tonitrualia
festa cum paganismum redoleant , cæterasque
vanas observationes pro curandis et conservandis
pecoribus. Remarquez en passant
que les bestiaux sont toûjours en butte à
quelque adversité , que les soins ingénieux
des Paysans sçavent détourner ou faire cesser,
autant qu'il est en eux. Je ne pouvois
deviner ce que c'étoient que ces Fêtes Tonitruales,
qui paroissent influer sur la conservation
des bestiaux, mais j'en ai eu d'expli
cation d'une personne très - versée dans
toute l'Antiquité, et principalement dang
celle du Pays Messin et des environs.
Ce Sçavant m'a écrit que cette cere
monie s'appelle la Fête du Tonnerre: qu'elle
a été abolie presque par tout le Diocèse ,
mais que le voisinage du Diocèse de Tré
ves est cause qu'on n'a pû l'abolir entierement
dans le canton du Diocèse de
Metz , qui confine avec l'Allemagne , et
qu'elle est réservée dans quelques Paroisses
de ces quartiers- là . Cette Fête consiste
à celebrer certains jours de l'année
avec son des Cloches , Messe haute et avec
plusieurs ceremonies superstitieuses dif
ferentes , selon les lieux . On croit que
par ce moyen l'on est préservé du Tonnerre
, et qu'il tomberoit infailliblement
sur le lieu , si l'on n'y celebroit pas cette
Fête.
2064 MERCURE DE FRANCE
Fête .C'est un usage commun dans les Dio
cèses de Tréves , de Spire , de Cologne, de
Mayence , & c L'ancien Calendrier des
Romains , quoique rempli de Fêtes , n'avoit
point celle - la. Il peut se faire qu'elle
ait eu une origine pieuse dans le Christianisme
, et que dans la suite on ait dégeneré.
Le Méteore du Tonnerre étant
inconcevable dans ces effets , est souvent
nuisible , non -seulement aux animaux de
la Campagne , mais encore aux Hommes
et aux Edifices. Il est cependant hors de
toute apparence de croire que jamais il
ne tombe dans les Diocèses que je viens
de nommer , quoiqu'on y soit exact à
celebrer sa Fête ; il est , au contraire, certain
que de tant de milliers de Paroisses
qu'il y a en France où l'on ne la celebre
pas , à peine y en a- t'il vingt ou trente
par an qui ayent le malheur d'en être
frappées.
Je ne vous celerai point, Monsieur, que
quoiqu'on passe pour être plus éclairé en
France qu'on ne l'est en Allemagne , j'ai
trouvé des Villages en Champagne , où
les Paysans ont la même idée de certains
de nos Saints , que les Payens de la Ville
de Gaze avoient de l'Idole Marnas , dont
je vous ai parlé. Il y a de ces Villages où
l'on croit bonnement que S. Abdon
Martyr
SEPTEMBRE. 1731. 206)
Martyr de la Perse , du trente Juillet ,
est Maître du Tonnerre , et qu'il . en
peut disposer comme il lui plaît. C'est
pour cela , me disoit un jour un de ces
Paysans , c'est pour cela que notre Curé ne
manque jamais defaire la Fête de S. Abdon
de bonne heure ; il en fait grande solemnité
dans l'Octave de la Fête - Dieu , avant que
les grandes chaleurs viennent ; et personne ne
se dispense de venir ce jour-la au Service.
Encore si c'étoit de S. Jacques le Majeur
qu'ils eussent cette idée , ou de S. Jean
Evangeliste son frere , on diroit que cela
a quelque fondement dans le langage de
l'Evangile ; mais je vous avoue mon ignorance
touchant le rapport qu'a S. Abdon
avec le Tonnerre. c'est dommage que
S. Ceadde , Evêque de Lindisfarne , dont
parle le venerable Bede , n'ait pas sçû
le secret de nos Diocèses Allemans ; il se
seroit tenu fort tranquille lorsqu'il tonnoit
, lui , qui non - seulement se mettoit
alors en priere , mais y faisoit encore met.
tre les autres.
Au reste , Monsieur , quoique j'aye
attribué cy-dessus aux grandes secheresses
la mortalité des Bestiaux , je ne prétends
pas qu'elle en soit la seule cause .
On en a vû quelquefois artiver en des
années communes ; et même dans les
Pays2066
MERCURE DE FRANCE
Pays-Bas ,où les Canaux empêchent que les
Prez ne deviennent jamais si arides qu'en
France , les Bestiaux y meurent souvent
comme ailleurs ; mais ce qui doit être remarqué,
est que lorsque la maladie se met
sur ces animaux , les Religionnaires accourent
comme les Catholiques aux lieux de
dévotion , et viennent implorer l'intercession
des Saints ; Multiplicate sunt infirmitates
eorum ; postea acceleraverunt . Autour
de Bruxelles , c'est sainte Vivine , premiere
Abbesse du Grand Bigard , qu'on
invoque pour cela , comme étant l'une
des Tutelaires du Pays. Dom Martene
rapporte dans son second Voyage Litteraire
, qu'au mois de Juillet de l'année
1718. un Hollandois à qui il étoit mort
vingt- quatre Bestiaux , et à qui il en restoit
seize malades , étant venu demander
leur guérison à cette Sainte , les trouva
tous parfaitement guéris à son retour . Il
admira la vertu de la Sainte et reconnut
que dans sa Secte on ne trouve point de
si habiles Medecins. Il ne dit point si ce
Hollandois se convertit , comme firent les
Habitans de la Ville de Gaze. C'est peutêtre
ce qu'il n'avoit pas demandé , ou
plutôt ce qu'il auroit fort apprehendê.
Je suis , &c.
Ce dernier Juillet , jour du grand S. Ger
main d'Auxerre 1731 .
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Résumé : LETTRE écrite à M. Adam, Medecin, sur la secheresse de la presente année 1731. et sur la maladie des Bestiaux en certains Pays.
La lettre adressée à M. Adam, médecin, discute de la sécheresse extrême de l'année 1731 et de la maladie des bestiaux dans certains pays. L'auteur compare cette sécheresse à celle décrite par Grégoire de Tours au VIe siècle, qui avait causé une grande mortalité parmi les animaux. Pour prévenir cette catastrophe, des prières ont été adressées aux saints protecteurs des lieux, notamment saint Étienne, dont les intercessions ont été jugées efficaces dans plusieurs diocèses. Des pratiques anciennes, comme les processions avec les reliques des martyrs, étaient également utilisées pour obtenir de la pluie en temps de sécheresse. La lettre mentionne l'exemple de saint Porphyre à Gaza, qui avait obtenu de la pluie par des prières et des jeûnes. La mortalité des bestiaux est souvent causée par la sécheresse excessive, qui les force à manger des feuilles d'arbres infestées d'insectes nuisibles. Le texte évoque également une fête célébrée dans plusieurs diocèses allemands, comme Trèves, Spire, Cologne et Mayence, visant à se protéger du tonnerre. Ce phénomène météorologique, nuisible aux animaux, aux hommes et aux édifices, est perçu différemment selon les régions. En France, malgré la célébration de cette fête dans certains diocèses allemands, le tonnerre frappe rarement ces lieux, contrairement à certaines paroisses françaises où il cause des dommages. L'auteur mentionne des croyances populaires en Champagne, où les paysans attribuent à Saint Abdon, martyr perse, le pouvoir de contrôler le tonnerre. Cette croyance est comparée à celle des païens de Gaza concernant l'idole Marnas. L'auteur exprime son ignorance quant au lien entre Saint Abdon et le tonnerre et regrette que Saint Cuthbert, évêque de Lindisfarne, n'ait pas connu ces croyances pour se protéger du tonnerre. La lettre aborde également la mortalité des bestiaux, attribuée non seulement aux grandes sécheresses mais aussi à d'autres causes. En Belgique, les religionnaires invoquent sainte Vivine pour guérir leurs animaux malades. Un Hollandais, ayant perdu vingt-quatre bestiaux et en ayant seize malades, les retrouva guéris après avoir imploré sainte Vivine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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433
p. 2067-2068
EPIGRAMME IMITÉE DE BUCHANAM,
Début :
De même que l'on voit les Lys, [...]
Mots clefs :
Lys, Merveilles, Esprit, Douce pluie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME IMITÉE DE BUCHANAM,
EPIGRAMME
IMITE'E DE BUCHANAM
DE
Qualiter ad solem.
E même que l'on voit les Lys ,
Qu'une chaste main à cueillis ,
Se flétrir quand on les expose ,
Aux rayons d'un Soleil brulant ,
Ainsi l'on me voit , Leonose ,
Comme consumé d'un feu lent ,
Dès que tes yeux trop redoutables ,
Dardent quelques rayons aimables.
Mais quand je puis heureusement ,
Cueillir sur tes levres vermeilles ,
Quelques baisers. Que de merveilles ,
Je vois dans le même moment !
Tous mes esprits reprennent vie ,
Je sens un feu plein de vigueur.
Ainsi que pendant la chaleur ,
L'herbe , après une douce pluye ,
Devient plus belle que jamais .
Je ne sçai par quels doux attraits ,
Tes baisers me rendent la vie ,
Que tes beaux yeux m'ayoient ravie.
Ainsi
2068 MERCURE DE FRANCE
Puissay-je ainsi mourir souvent ,
Pour ainsi revivre à l'instant !
E. T. R.
IMITE'E DE BUCHANAM
DE
Qualiter ad solem.
E même que l'on voit les Lys ,
Qu'une chaste main à cueillis ,
Se flétrir quand on les expose ,
Aux rayons d'un Soleil brulant ,
Ainsi l'on me voit , Leonose ,
Comme consumé d'un feu lent ,
Dès que tes yeux trop redoutables ,
Dardent quelques rayons aimables.
Mais quand je puis heureusement ,
Cueillir sur tes levres vermeilles ,
Quelques baisers. Que de merveilles ,
Je vois dans le même moment !
Tous mes esprits reprennent vie ,
Je sens un feu plein de vigueur.
Ainsi que pendant la chaleur ,
L'herbe , après une douce pluye ,
Devient plus belle que jamais .
Je ne sçai par quels doux attraits ,
Tes baisers me rendent la vie ,
Que tes beaux yeux m'ayoient ravie.
Ainsi
2068 MERCURE DE FRANCE
Puissay-je ainsi mourir souvent ,
Pour ainsi revivre à l'instant !
E. T. R.
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Résumé : EPIGRAMME IMITÉE DE BUCHANAM,
L'épigramme compare les effets des regards et des baisers de Léonose sur le poète à ceux du soleil sur les lys. Les regards de Léonose le consument, tandis que ses baisers lui redonnent vigueur. Le poète exprime son incompréhension de ces 'doux attraits' et souhaite mourir et revivre sous l'influence de Léonose.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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434
p. 2068-2082
EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Début :
MYLORD, De toutes les Médailles de l'Empereur Carausius, dont je fais depuis longtemps [...]
Mots clefs :
Neptune, Carausius, Médaille, Médailles, Inscription, Mer, Bretons, Temple, Type, Grande-Bretagne, Flotte, Légende, Trident, Vaisseau, Maximien, Lettres, Cheval, Figure, Abondance
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
EXPLICATION d'une Médaille ans
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
Fermer
Résumé : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Le texte présente une médaille antique de l'empereur Carausius, un souverain des anciens Bretons ayant régné à l'époque de Diocletien et de Maximien Hercule. Cette médaille, conservée dans le cabinet de Mylord Comte de Pembrok, est en petit bronze et bien conservée. Elle porte sur une face la tête de Carausius couronnée de rayons, avec l'inscription 'IMP. CARAUSIUS P. F AUG.' Sur l'autre face, on voit Neptune et Carausius se donnant la main, avec Neptune appuyé sur son trident et Carausius sur une pique. La légende indique 'VBERITAS AUG.' et 'R. S. R.' dans l'exergue. Cette médaille se distingue des autres types de médailles impériales, qui représentent généralement une femme tenant une bourse et une corne d'abondance. La représentation de Neptune et Carausius se donnant la main symbolise la maîtrise de la mer et l'abondance apportée par la navigation et le commerce maritime. Cette scène célèbre la victoire navale de Carausius sur la flotte de Maximien Hercule, soulignant son contrôle sur les mers et les richesses océaniques. Le texte mentionne également une inscription antique trouvée à Chichester, en Angleterre, dédiée à Neptune et Minerve. Cette inscription prouve le culte rendu à ces divinités par les anciens Bretons et révèle l'existence d'un temple construit par la communauté des maîtres charpentiers sous l'autorité du roi Cogidubnus. Le culte de Neptune était particulièrement vénéré dans les villes maritimes, et les marins lui adressaient des prières pour une navigation sûre. Les Jeux Isthmiens, célébrés en Grèce en l'honneur de Neptune, étaient couronnés d'ache ou de pin et tiraient leur nom de l'Isthme de Corinthe. À Rome, la fête de Neptune, appelée Neptunales, se déroulait le 21 août et incluait le sacrifice d'un taureau. Homère et Arnobe décrivent Neptune avec des cheveux bleus, tandis que Lucien lui attribue des cheveux noirs. La couleur bleue était également associée à son manteau. Neptune était souvent représenté avec un trident, symbole de son pouvoir sur les mers. Le cheval, sorti de la terre par un coup de trident, était également consacré à Neptune. À Rome, une statue de Neptune était placée dans le Cirque, mais fut retirée après un incident impliquant Auguste. Des médailles, notamment celles de Gallien, montrent Neptune avec un cheval marin ou un capricorne, soulignant son lien avec les mers. Le trident de Neptune, fabriqué par les Cyclopes, symbolisait les trois qualités de l'eau : liquide, féconde et potable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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435
p. 2083-2085
LE TRIOMPHE D' AMPHITRITE, CANTATE.
Mots clefs :
Hymen, Regard languissant, Soupir doux, Vainqueurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE D' AMPHITRITE, CANTATE.
LE
TRIOMPHE
D' AMPHITRITE ,
CANTATE.
Depuis le jour qu'aux yeux d'une brillant
Cour ,
Venus parut et si fiere et si belle ,
Lorsque l'Hymen de concert avec ellt ,
La menoit à Cythere établir son séjour ,
Amphitrite rêveuse , inquiéte et jalouse ,
Des honneurs qu'on rendoit à la nouvelle épouse,
Pressoit le Dieu des Eaux de vouloir à son tour ,
Attacher à son Char l'Hymenée et l'Amour ;
Un regard languissant, un soupir doux et tendre
Qui s'échappoit à tout moment ,
De ses souhaits instruisoit son Amant ,
Et Neptune amoureux , ne pouvant se deffendrej
Contre un si juste empressement,
Ne différa plus de s'y rendre.
Que ne peuvent point sur nos coeurs ,
Les appas riants et flatteurs ,
D'une Nymphe jeune et charmante ?
Ce sont de trop puissans vainqueurs ,
Tout nous séduit , tout nous enchante.
B. vj Hymen
2084 MERCURE DE FRANCE
Hymen , que ton joug est charmant ,
Quand c'est la Maîtresse et l'Amant
Qui s'y sont engagez sans peine ;
Mais il n'est heureux qu'un moment ;
Si l'Amour n'en serre la chaîne .
Que ne peuvent point , &c .
'Amphitrite paroît sur la face des Eaux ,
Là, brille de son Char , la pompe triomphale ;
1
Les Nymphes quittent leurs Roseaux ,
Pour venir de Venus honorer la Rivale ;
Les Tritons , tous les Dieux des Mèrs ,
S'assemblent pour la voir des bouts de l'Univers;
Eblouis , charmez de sa gloire.
Leurs cris de joye éclattent jusqu'aux Cieux,
Tous à l'envi celebrent sa victoire ,
Par ce Concert mélodieux.
Triomphez , aimable Déesse ;
Joüissez des plus grands bienfaits,
Qu'a mérité votre tendresse ,
Et qui sont dus à vos attraits.
De l'Element le plus terrible ;
Les Jeux , les Ris et les Amours >
Ont fait un séjour si paisible ,
Que le calme y regne toûjours.
Triomphez , aimable Déesse , &c.
Cc's
SEPTEMBRE. 1731. 2005
Ces transports , ces chants d'allegresse ,
Qu'on entend redoubler sans cesse
Ce triomphe éclatant , ce superbe appareil ,.
Troublent l'Aurore à son réveil ,-
SEt
les brulants coursiers du Dieu de la lumiere:
Sortant de l'humide Element ,
Apeine ouvrent-ils leur paupiere ;
Qu'ils sont saisis d'étonnement.
Les Aquilons retiennent leur haleine
Ravis de cet enchantement ;
1 disparut , helas ! et la liquide Plaine ,
Ne redonna jamais ce spectable charmant.
L'Amour forcé ne sçauroit plaire ;
Eût-il mille fois plus d'appas ;
Confus , il s'envole à Cythere ,,
L'Amour ne se commande pas
Les plaisirs d'une amour nouvelle
Sont des plaisirs plus ravissants ,
Chaque Printemps les renouvelle ,
Ceux de l'Hymen sont languissants.
L'Amour forcé ne sçauroit plaire , &Co
TRIOMPHE
D' AMPHITRITE ,
CANTATE.
Depuis le jour qu'aux yeux d'une brillant
Cour ,
Venus parut et si fiere et si belle ,
Lorsque l'Hymen de concert avec ellt ,
La menoit à Cythere établir son séjour ,
Amphitrite rêveuse , inquiéte et jalouse ,
Des honneurs qu'on rendoit à la nouvelle épouse,
Pressoit le Dieu des Eaux de vouloir à son tour ,
Attacher à son Char l'Hymenée et l'Amour ;
Un regard languissant, un soupir doux et tendre
Qui s'échappoit à tout moment ,
De ses souhaits instruisoit son Amant ,
Et Neptune amoureux , ne pouvant se deffendrej
Contre un si juste empressement,
Ne différa plus de s'y rendre.
Que ne peuvent point sur nos coeurs ,
Les appas riants et flatteurs ,
D'une Nymphe jeune et charmante ?
Ce sont de trop puissans vainqueurs ,
Tout nous séduit , tout nous enchante.
B. vj Hymen
2084 MERCURE DE FRANCE
Hymen , que ton joug est charmant ,
Quand c'est la Maîtresse et l'Amant
Qui s'y sont engagez sans peine ;
Mais il n'est heureux qu'un moment ;
Si l'Amour n'en serre la chaîne .
Que ne peuvent point , &c .
'Amphitrite paroît sur la face des Eaux ,
Là, brille de son Char , la pompe triomphale ;
1
Les Nymphes quittent leurs Roseaux ,
Pour venir de Venus honorer la Rivale ;
Les Tritons , tous les Dieux des Mèrs ,
S'assemblent pour la voir des bouts de l'Univers;
Eblouis , charmez de sa gloire.
Leurs cris de joye éclattent jusqu'aux Cieux,
Tous à l'envi celebrent sa victoire ,
Par ce Concert mélodieux.
Triomphez , aimable Déesse ;
Joüissez des plus grands bienfaits,
Qu'a mérité votre tendresse ,
Et qui sont dus à vos attraits.
De l'Element le plus terrible ;
Les Jeux , les Ris et les Amours >
Ont fait un séjour si paisible ,
Que le calme y regne toûjours.
Triomphez , aimable Déesse , &c.
Cc's
SEPTEMBRE. 1731. 2005
Ces transports , ces chants d'allegresse ,
Qu'on entend redoubler sans cesse
Ce triomphe éclatant , ce superbe appareil ,.
Troublent l'Aurore à son réveil ,-
SEt
les brulants coursiers du Dieu de la lumiere:
Sortant de l'humide Element ,
Apeine ouvrent-ils leur paupiere ;
Qu'ils sont saisis d'étonnement.
Les Aquilons retiennent leur haleine
Ravis de cet enchantement ;
1 disparut , helas ! et la liquide Plaine ,
Ne redonna jamais ce spectable charmant.
L'Amour forcé ne sçauroit plaire ;
Eût-il mille fois plus d'appas ;
Confus , il s'envole à Cythere ,,
L'Amour ne se commande pas
Les plaisirs d'une amour nouvelle
Sont des plaisirs plus ravissants ,
Chaque Printemps les renouvelle ,
Ceux de l'Hymen sont languissants.
L'Amour forcé ne sçauroit plaire , &Co
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Résumé : LE TRIOMPHE D' AMPHITRITE, CANTATE.
Le texte présente la cantate 'Le Triomphe d'Amphitrite'. Amphitrite, jalouse des honneurs rendus à Vénus lors de son mariage, souhaite que Neptune célèbre leur union. Ému par ses regards et soupirs, Neptune accepte. La cantate célèbre ensuite le triomphe d'Amphitrite, qui apparaît sur les eaux avec une pompe triomphale, accompagnée des nymphes, des tritons et des dieux des mers. Tous célèbrent sa victoire et la paix qu'elle apporte. Cependant, le texte souligne que l'amour forcé ne peut plaire et que les plaisirs d'un nouvel amour sont plus ravissants que ceux de l'Hymen. L'Amour est décrit comme incontrôlable et les plaisirs de l'Hymen comme languissants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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436
p. 2086-2104
EXTRAIT d'une Lettre contenant la Relation de la défaite des Natches (a) par M. Perier, Commandant General à la Loüisianne, au mois de Janvier 1731.
Début :
Notre General jugeant qu'il étoit necessaire avant de rien entreprendre, [...]
Mots clefs :
Défaite, Chactas, Natches, Louisiane, Traités de commerce et d'alliance, Guerre, Détachement des troupes de la Marine, Sauvages, Rivière-Rouge, Embuscades
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre contenant la Relation de la défaite des Natches (a) par M. Perier, Commandant General à la Loüisianne, au mois de Janvier 1731.
EXTRAIT d'une Lettre contenant la
*
Relation de la défaite des Natches (a)
par M. Perier, Commandant General à
la Louisianne , au mois de Janvier 1731 .
No
,
Otre General jugeant qu'il étoit ne
cessaire avant de rien entreprendre ,
de s'éclaircir avec les Chactas , Nation
Sauvage la plus considerable de la Loüisianne
sur les differens bruits qui s'étoient
répandus de leur mauvaise volonté
pour nous , se rendit à la Mobile , Fort
occupé par les Françóis , à la Côte de l'Est
de la Louisianne , où il avoit fait avertir
leurs Chefs de se rendre dans les premiers
jours de Novembre , et les ayant trouvez
bien disposez , il renouvella en la manie◄
re ordinaire , les Traitez de Commerce et
d'Alliance que nous avons depuis longtemps
avec eux , et leur proposa de re
connoître pour Grand- Chef de la partie
du Ouest , qu'on appelle Bas- Chacra , le
Chef des Castacha , Village de la mêmę
( a ) C'est une Nation Sauvage , qui au mois
de Decembre 1729. massacra les François qui
étoient établis auprès d'elle , quoiqu'elle fût en
paix avec eux.
Nation,
SEPTEMBRE. 1731 2087
Nation. Ils l'accepterent avec plaisir et
promirent de nous renvoyer le reste des
Negres qu'ils avoient pris sur les Natches
, et de payer tout ce qu'ils devoient
aux François , avec lesquels ils avoient
négocié. Ils lui demanderent ensuite d'aller
en guerre contre les Natches , mais i'
leur répondit seulement qu'il les feroit
avertir s'il avoit besoin d'eux , étant bien
résolu de ne s'en pas servir pour les tirer
de l'erreur où ils étoient , que nous ne
pouvions nous passer de leur secours , et
que sans leur appui nous serions obligez:
d'abandonner nos établissemens.
Après les avoir renvoyez chez eux
il partit pour la nouvelle Orleans , où il
arriva le 13. Novembre 1730. il y trouva
M. de Salvert son frere , Lieutenant de
Vaisseau , commandant un Détachement
des Troupes de la Marine , très - avancé
dans les préparatifs dont il l'avoit chargé
pour aller attaquer les Natches. L'Equipage
du Vaisseau du Roi , qu'il commandoit
, y avoit travaillé fort utilement , et
on peut assurer que sans lui nous n'eussions
pas été si-tôt prêt à marcher contre
l'Ennemi .
Le 9. Decembre M. de Salvert partit à
la tête du Détachement de la Marine ,
qui formoit un petit Bataillon , il avoit
ordre
2088 MERCURE DE FRANCE
ordre d'attendre au Village de Carlestin
Habitations françoises , situées à environ
15. lieües au-dessus de la nouvelle Orleans
, en montant le Fleuve , le General
qui le joignit le 13. avec les Troupes de
la Colonie et les Munitions de guerre.
Le 14. ils marcherent ensemble jus
qu'aux Bayagoulas , où ils resterent quatre
jours pour attendre le Détachement
des Milices du Pays , commandé par M. de
Benac , Officier retiré du Service , qui
s'est établi dans la Colonie , et les grands
Bateaux chargez de vivres qui ne pou
voient suivre..
Le General avoit divisé ses forces en
trois Corps , pour éviter toute tracasseric
et donner plus d'émulation . Le premier
étoit commandé par M. de Salvert ; il
étoit composé de iso . Soldats de la Marine
et d'environ 40. hommes de son
Equipage . Le second étoit commandé par
le Baron de Crenay , Lieutenant - Colo❤
nel , et étoit composé d'un Détachement
de 150. hommes des Troupes de la Co-
Ionie ; et le troisième étoit commandé par
le sieur de Benac , et étoit composé de
120. habitans qui s'étoient offerts d'aller
à la guerre
.
Le 22. tout étant rassemblé , on se mit
en marche et on fat coucher à Manchac
où
SEPTEMBRE. 1731. 2089
ù le sieur de Laye , Habitant , attendoit
le General , il lui dit que s'il vouloit se
servir des Sauvages Tonnicas , petite Nation
située sur les bords du Fleuve ,
environ 70. lieuës au - dessus de la nouvelle
Orleans , en suivant le Fleuve , il
étoit necessaire qu'il se rendît lui -même
chez eux pour les faire marcher ; ce qu'il
fit en laissant la conduite de la petite
armée à M. son frere , qui malgré la
neige et le verglas , le joignit aux Tonnicas
le 27.
Le 28. il continua sa marche jusqu'à
l'entrée de la Riviere Rouge , (a ) où étoit
le rendez - vous general. Le Vaisseau le
Prince de Conty , sur lequel on avoit fai ■
faire des Fours , y arriva le même jour.
Le General fut obligé de rester jusqu'au .
3. de Janvier aux Tonnicas pour leur
faire achever leurs préparatifs de guerre ,
ils étoient d'autant plus lents , que la
peur les avoit saisis sur la nouvelle qu'ils
venoient d'apprendre que le sieur de Coulange
, ( Canadien , frère d'un Officier des
Troupes de la Colonie , et fils du sieur
de Livilliers , Officier des Troupes de Ca
nada , ) qui avoit été envoyé dans une
grande Pirogue , armée de zo. hommes :
(a) A 9. lieues au- dessus du Village des Tonnicas
, situé à present au portage de la Croix .
grande
2090 MERCURE DE FRANCE
volontaires Sauvages , et Negres libres ,
pour faire porter les ordres du General
aux Arkansas , avoit été attaqué à quelques
journées de chez eux par les Natches , qui
lui avoient tué ou blessé la moitié de ses
gens , parmi lesquels les sieurs de la Touche
,Beaulieu et Cochart, ( le premier, Gen--
tilhomme Breton ; le second , Officier de
Marine de la Compagnie , ) ont eu le
malheur de se trouver au nombre des
morts. Le sieur de Coulange y reçût deux
coups de fusil , dont un au travers du
été mortel. Cette accorps
, qui n'a pas
tion , qui ne décidoit de rien , avoit cependant
si fort abattu le courage de nos
Sauvages , qu'il ne s'en trouva que iso .
des plus braves à l'Armée , les autres s'étant
retirez peu à peu sous differens pré
textes.
Le 4. Janvier , le General joignit l'Ar
mée à la Riviere Rouge , où il trouva les
Détachemens des Garnisons des Natches
et Natchitoches (a) arrivez , et la division
des Habitans , partie pour se montrer à
la hauteur des Natches , (b) afin de faire
(a) Forts François qui portent le nom des Na→
tions Sauvages auprès desquelles ils ont éte cons
truits.
(b) C'est la Nation même qui depuis qu'elle se
vit menacée d'être châtiée par les Frauçois , aban--
croire
SEPTEMBRE . 1731. 209%
croire à leurs découvreurs s'ils nous rencontroient
, que notre intention étoit de
les aller attaquer par le Fleuve , quoique
notre parti fût pris , d'aller par la Riviere
Rouge.
Le 11. l'Armée entra dans cette Riviere
pour chercher l'Ennemi , car nous n'avions
pû sçavoir depuis 9. mois l'endroit
positif où les Natches avoient fait leur
Fort , quoique le General y eût envoyé
zo . Partis differens , tant forts que foi
bles ; ensorte que ce ne fut que sur le
peu de connoissance qu'il avoit tirée d'un
enfant de 12 à 13. ans , qui avoit deserté
de cette Nation , qu'il se hazarda à l'aller
- chercher , contre le sentiment general des
Sauvages , vers la Riviere Rouge , dans ,
des Pays marécageux et coupez , jusques
là inconnus à nos Sauvages du Fleuve .
Cependant l'Armée guidée par l'esperance
et encouragée par son General dans
les peines inexprimables que le mauvais
temps et la difficulté du Pays, lui faisoient
souffrir , se trouva le 19. sans le sçavoir ,
précisement à une lieuë du Fort de Valeur
, c'est le Fort de la Nation Natches.
donna le lieu de sa demeure ordinaire et se transporta
dans un autre endroit qu'elle croyoit inconnu
à tous autres Sauvages et inaccessibles aux
François.
Le
2092 MERCURE DE FRANCE
Le General prenoit toutes sortes de me
sures pour éviter les embuscades qu'il
étoit aisé de nous dresser , y ayant apparence
que les Ennemis sçavoient notre
marche , puisque le 18. quelques - uns de
nos Sauvages qui étoient allez à la découverte
, ( car ils s'étoient un peu rassurez
par l'exemple des François qu'ils voyoient
marcher courageusement par terre ) étant
venus avertir qu'ils avoient appefçû un
. Parti de Natches à deux lieuës au - dessous
de nous , de l'autre côté de la Riviere,
le General y envoya un Détachement de
François et de Sauvages , pour tâcher de
le surprendre , mais on ne put y réussir
par la jalousie de six Sauvages Houmas ;
qui tirerent dessus avant que nos gens
fussent arrivez ; ensorte que ce Parti prie
la fuite et s'éloigna en peu de temps. Si
nous avions pû l'attaquer , on se flattoit
de pouvoir faire quelque prisonnier et
d'apprendre des nouvelles positives du
lieu où la Nation s'étoit retirée .
Nous restâmes le 19. dans la même in
quietude , quoique nos Sauvages vissent
encore plusieurs Natches , dont ils tuerent
un homme et une femme , mais le
20. le General ayant envoyé à la découverte
un Parti d'Habitans et de Sauvages,
soutenus par les Compagnies de Mrs de
la
S
SEPTEMBRE. 1731. 2093
la Giroüardiere et de Lusser ; le premier
Capitaine d'une Compagnie de la Marine,
l'autre Capitaine d'une Compagnie des
Troupes de la Colonie. On vint lui dire
une demie heure après leur départ qu'ils
se trouvoient dans un chemin battu ;
aussi-tôt on ne douta point que ce ne fût
celui du Fort , et on se prépara à marcher.
Le General fit monter les Bateaux vis-àvis
cet endroit , et ayant ordonné au Baron
de Crenay d'y rester avec 100. hommes
, il se tenoit prèt à marcher avec
M. Salvert , pour aller investir le Fort
dès qu'il en auroit quelque nouvelle. A
peine les Bateaux et Pirogues furent- ils
arrivez l'on entendit la Mousqueteque
rie du Fort et celle des Escarmoucheurs
du Détachement qui avoit toûjours suivi
le chemin battu ; dans l'instant on marcha
et on rencontra les sieurs Marin et
Outlas , qui venoient dire que nos gens
avoient trouvé le Fort , nous y arrivâmes
en une heure de marche par un Pays
tout couvert de bois ; dès que nous
l'apperçûmes , le General fit battre aux
champs . A ce bruit les Tonnicas se sentant
soutenus , attaquerent quelques Cases
aux environs du Fort , d'où ils chasserent
les Natches et y mirent le feu."
Pendant ce temps M. de Salvert marcha
pan
094 MERCURE DE FRANCE
1
35.
la droite avec partie des Troupes
par
et le General par la gauche pour rejoindre
Mrs de la Giroüardiere et de Lusser,
Il les trouva qui s'étoient avancez à
toises du Fort , à la faveur de plusieurs
arbres , où ils resterenr jusqu'à ce qu'il
leur dit de venir se mettre derriere une
butte qui étoit à 120. toises du Fort , lieu
qui lui étoit très- favorablement situé pour
mettre une partie de notre Camp à cou
vert. Il fut aussi - tôt joindre M. de Salvert
, et ils passerent ensemble une petite
Riviere ou gros Ruisseau , auprès duquel
les Natches avoient construit leur Fort ;
ils étoient suivis par les Compagnies de
Dartaguette et de Sanzei , la premiere
de la Colonie , l'autre , de la Marine. Ils
rangerent ce Fort de très-près , à la faveur
de quelques Cabanes , et après avoir
reconnu le terrain , ils firent l'un et
l'autre le tour du Fort par les derrieres
jusqu'à la butte dont on vient de parler,
et ils convinrent d'y établir le Quartier
general , par rapport à la facilité qu'il y
avoit de recevoir là nos besoins qui venoient
du bord de la Riviere , sans que
l'on fût obligé de passer le Ruisseau.
Le 21. le General envoya ordre au Baron
de Crenay de venir le joindre pour
commander l'attaque de la gauche , et le.
même
SEPTEMBRE. 1731 2095
même jour il fit arborer un Drapeau blanc
pour demander aux Sauvages qu'ils eussent
à lui remettre des Negres qu'ils
avoient pris ; ils tirerent sur le Drapeau
en disant à l'Interprete qu'ils ne vouloient
pas parler à des chiens comme nous.
Sur les deux heures un de nos Mortiers
de bois arriva. ( a) On jetta sur le champ
quelques Grenades Royales , dont deux
tomberent dans le Fort , sur une de leurs
maisons et y mit le feu. Après qu'elles
eurent crevé , nous entendîmes de grands
cris et des pleurs de femmes et d'enfans,'
ce qui nous fit redoubler notre feu de
Mousqueterie et de double Grenade , mais
malheureusement nos Mortiers furent
trop tôt hors de service par les cercles
qui manquerent.
A 5. heures et demie du soir , les Natches
firent une sortie sur un de nos Postes, oùil
y avoit 15. hommes retranchez derriere un
gros arbre qui n'étoit qu'à 20 toises du
Fort ; ils le prirent à revers et tuerent un
Grenadier de la Marine, Un Sergent des
Troupes de la Colonie y reçut un coup
de fusil qui lui perça les deux épaules.
Dès que nous eûmes connoissance de
(a) C'étoit des Mortiers portatifs , que le sieur
Baron , Ingenieur , avoit inventez , ils étoient
faits d'un bois fort dur , et çerçlez de fer.
cette
20961 MERCURE DE FRANCE
cette sortie , nous crûmes que les Ennemis
alloient tenter de se sauver dans les
Bois par l'intervale du Camp des Habitans
au nôtre , ce qui détermina M. Salvert à
prendre la Compagnie de Lusser , pour
les couper. Mais voyant qu'ils n'en vouloient
qu'à notre Poste , il donna dessus
avec quelques Habitans et les obligea de
rentrer avec précipitation dans leur Fort.
Dans cette Action le sieur Dehaye ,
Capitaine de Milice , reçut deux coups.
de fusil , et un Negre fut tué.
A 8. heures du soir , quoique le tems
fût très- mauvais , le General fit ouvrir de
son côté la Tranchée à 30. toises du Fort,
et nous ne la poussâmes qu'à 15. toises,
faute de Gabions.
Le 22. on fit venir le Canon et le der
nier Mortier ; nous en tirâmes quelques
coups sur la fin du jour en redoublant
le feu de notre Mousqueterie , qui ne discontinua
point toute la nuit.
Avant que de continuer le travail de
la Tranchée , le General fit visiter sur le
soir une maison forte , qui enfiloit nos
travaux ; il envoya un Officier avec 12 .
Grenadiers et autant de Sappeurs armez
pour s'en emparer , mais ils furent repoussez
par le feu des Ennemis , qui étoit
extrémement vif. M. de Salvert y accou
rug
SEPTEMBRE. 1731. 2097
rut ; et se mettant à la tête des Assaillants
, il recommença si vivement l'attaque
, qu'en un quart d'heure il força l'Ennemi
d'abandonner la maison . Il trouva
que c'étoit une espece de redoute à l'épreuve
du coup de fusil , avec des meurtrieres
tout autour ; il la fit garder , jugeant
qu'elle serviroit bien à deffendre la
tête de notre Tranchée.
En effet le 23. nous poussâmes trèsvigoureusement
le travail de la Tranchće,
à la faveur de cette redoute , de façon que
le General comptoit achever le lendemain
la communication de ses Travaux avec
ceux de M. le Baron de Crenay , qui de
son côté travailloit aussi avec beaucoup
de vigueur.
Le 24. les Natches voyant que nous
les serrions de fort près , et se trouvant
fort incommodez par nos doubles Grenades
et par le Canon , ( quoique notre
petite Artillerie ne tirât que de loin en
Loin , ) ( a ) arborerent un Drapeau blanc
7. heures du matin , et nous envoyeà
(a ), Ils avoient bien trouvé le secret de se garantir
du Canon et de la Mousqueterie , en faisant
des trous en terre , dans lesquels te tenoient
leurs femmes et leurs enfans , et où ils se reposoient
eux-mêmes , mais ces trous étant ouverts
par le haut , les Grenades ou leurs éclats qui y
tomboient y causoient beaucoup de desordre.
C rent
2098 MERCURE DE FRANCE
rent un Sauvage qui parloit un peu François.
Le General lui dit qu'il ne les écouteroit
point qu'ils ne lui eussent renvoyé
tous les Negres qui étoient dans le Fort.
Ce Député retourné , on vit arriver avec
lui un moment après 19. Negres et une
Negresse , qui rapporterent que six autres
Negres étoient à la Chasse avec des Natches
, et que le reste avoit été tué. Le General
dit au même Sauvage qu'il ne vou
loit donner sa parole sur rien qu'il n'eût
les Chefs de sa Nation dans son Camp ;
après quoi il le renvoya.
Il vint ensuite un autre Sauvage nommé
S. Côme , (a) mais il le renvoya aussi
sans l'entendre , en lui disant , que si le
Grand - Chef, celui de la Farine et lui (b)
ne venoient pas bien - tôt ensemble , il-fe-
(a ) Quand les Sauvages sont bien avec les
François , ils se font honneur de prendre des
noms que ceux- cy portent.
(b) Avant que cette Nation eût frappé les François
, elle étoit divisée en 5. Villages , le premier
nommé la Valeur ; le 2. la Farine ; le 3 ° . la
Pomme ; le 4. les Gris , et le se . le grand Village
.Chaque Village avoit son Chef, et cependant
tous étoient soumis à un Grand - Chef , et tous
ces Chefs particuliers s'appelloient Soleil par Excellence
; ces Sauvages ayant une dévotion toute
particuliere pour cet Astre , en l'honneur duquel
ils entretenoient un feu perpetuel.
ne
SEPTEMR E. 1731. 2099
-
roit recommencer à tirer sur eux . Malgré
le mauvais temps ils se rendirent à
notre Camp sur les 4. heures du soir ; on
les conduisit au General ; ils l'aborderent
avec toutes les façons qui parmi eux peuvent
marquer le repentiret la soumission,
et ils dirent qu'ils ressentoient la grandeur
du crime qu'ils avoient commis ,
qu'ils n'osoient demander la vie , mais
qu'ils s'estimeroient heureux en mourant,
si on vouloit l'accorder à leurs femmes
et à leurs enfans.
Le General leur répondit qu'il la donneroit
à tous ceux de la Nation , même
aux hommes qui se rendroient à lui le
lendemain , mais que passé ce jour là , il
feroit bruler ceux qui ne profiteroient
pas de la grace qu'il vouloit bien leur
faire ; ils répliquerent que sa résolution
étoit juste. Cependant à minuit le Chef
de la Farine , qui étoit dans une Tente
gardée par 12. hommes , tant François
que Sauvages des plus alertes , doutant
de la parole du General , se sauva à la faveur
de la nuit , qui étoit la plus obscure
que l'on ait jamais vûë , et du temps effroyable
qu'il faisoit , la pluye tombant
si furieusement , qu'il falloit être Sauvage
et craindre le bucher pour tenir dehors ;
on tira sur lui sans l'atteindre.
Cij Le
2100 MERCURE DE FRANCE
Le 25. quoique le temps continuât d'être
mauvais , ( ce qui nous incommodoit
extrémement ) la femme du Grand- Chef
et sa Famille , sortirent le matin du Fort
avec 450. femmes ou enfans , et vinrent
se rendre. A l'égard des hommes , ils ne
venoient que l'un après l'autre , ensorte
que le soir il en restoit encore dans le
Fort environ 20. qui demanderent qu'on
les laissât jusqu'au lendemain , ce qui leur
fut accordé , parce que le temps ne permettoit
pas de les aller prendre. Nous
étions alors entre deux eaux ; car là pluye
ne cessa que vers les 9 , heures du soir. A
8. he es , presque tous ceux qui étoient
restez dans le Fort s'évaderent. Le quartier
des Habitans s'en apperçut ,
fut impossible ni de tirer sur eux un seul
coup de fusil , ni de les faire poursuivre
par nos Sauvages , l'eau du Ciel nous ayant
réduits en tel état que nos gens ne pouvoient
ni marcher , ni faire usage de leurs
armes. Cependant la pluye ayant cessé
nous entrâmes dans le Fort , où nous
trouvâmes seulement deux hommes et
une femme , et nous apprîmes que ceux
qui s'étoient enfuis , étoient au nombre
de 16. hommes et de 4. femmes.
mais il
Le General fit ensuite le recensement
de ses Prisonniers qu'il avoit résolu pour
l'exemple
SEPTEMBRE. 1731. zioł
;
l'exemple d'envoyer dans une autre Colonie
pour y être vendus comme Esclaves
; et voyant qu'il ne se trouvoit que
45. hommes , il demanda ce que les autres
étoient devenus , parce que cette Nation
devoit être forte d'envirom 500. Guerriers
,lorsqu'elle surprit le Poste François .
le principal d'entr'eux dit qu'ils avoient
perdu du monde dans cette malheureuse
Action , qu'ensuite les Partis des Nations
Sauvages qui sont dans notre Alliance ,
les ayant attaquez en differens endroits ,
et nous-mêmes les ayant assiegez dans
leurs anciens Forts , ils y avoient encore
fait de grandes pertes que depuis s'étant
venus établir dans l'endroit où nous venons
de les prendre , la fatigue du chemin
et le mauvais air du lieu , avoient
fait périr par maladie plus de la moitié
de leurs gens. Que tandis qu'ils souffroient
tant de miseres , les Partis de nos Sauvages
leur avoient détruit peu à peu et en
differens Cantons beaucoup de Guerriers,
que nous venions de leur en tuer encore
un grand nombre en les forçant de se rendre
; et qu'enfin il n'en restoit point d'autres
que ceux que l'on voyoit prisonniers ,
que les 16. qui s'étoient sauvez du Fort ,
et qu'un très- petit nombre qui étoit à la
Chasse , lorsque nous les avons assiegez
C iij .
il
2102 MERCURE DE FRANCE
dizil
fut facile de juger que le
compte
Sauvage étoit juste , et le General en parut
content.
Le lendemain 26 , nos Sauvages qui
étoient en course , prirent deux Ñatches
qu'ils brulerent , et enleverent la chevefure
d'un autre qu'ils avoient tué.
Ce jour- là et le suivant furent employez
à démolir le Fort , et à bruler les
bois dont il étoit construit. Le General
envoya M. son frere avec le Bataillon de
la Marine et 25o . Esclaves , au Camp qui
gardoit les Bateaux.
Le 28. tout ce qui appartenoit aux Natches
se trouvant détruit , le General partit
avec le reste de son monde et des Esclaves
pour joindre M. de Salvert , et le
29. tout se mit en mouvement pour se
rendre dans le Fleuve de Mississipy , ou
chacun avoit grand besoin d'arriver en
un lieu commode , pour se remettre des
fatigues qu'il avoit essuyées.
On jugera aisément par cette Relation
que si nous n'avions pas pressé l'Ennemi
aussi vivement que nous avons fait , nous
cussions couru grand risque de ne pas
réüissir et de perdre la plus grande partie
de notre petite Armée par la fatigue et
par le mauvais temps , ce qui infailliblement
auroit causé des maladies , qui toutes
SEPTEMBRE. 1731. 2103
tes auroient été mortelles dans un lieu où
les hommes les plus vigoureux souffriroient
beaucoup.
Jamais Expedition ne fut plus utile ;
elle a vangé la Nation Françoise d'un horrible
massacre fait d'une partie de ses Habitans
à la Louisianne par des Sauvages
qui étoient en pleine Paix avec eux , et
qui pour les surprendre s'étoient répandus
dans leurs maisons , sous l'apparence
de l'amitié et sous le prétexte de leur
rendre service . Elle a servi en même-temps
à faire connoître à tous les Sauvages du
Continent , que les François ne trouvent
rien d'impossible lorsqu'il s'agit de punir
le crime , et qu'ils sçavent trouver et
dompter leurs Ennemis dans les lieux les
plus écartez , les plus difficiles à abor
der et les mieux fortifiez .
Et enfin cette Expedition a dû effacer
de l'esprit des Sauvages Chaetas , Nation
très- nombreuse et la plus redoutable du
Continent , l'opinion qu'elle avoit que
nous ne pouvions châtier nos Ennemis.
sans son secours , ce qui la rendoit le
plus souvent si insolente , que M. Perrier
s'étoit déterminé à ne la point employer
dans l'entreprise qu'il avoit projettée
contre les Natches , ainsi qu'on l'a
dit dans le commencement de cette Re-
Lation C iiij Tous
2104 MERCURE DE FRANCE
Tous ces objets animoient tellement
nos gens dans cette affaire , qu'il n'y a
eû aucun Officier ni Soldat , tant des
Troupes reglées , que des Milices , qui
n'ait fait tout ce qui a dépendu de ses
forces pour avancer le travail , chacun
ayant mis la main à l'oeuvre , et qui n'ait
agi avec toute la valeur imaginable . Il
est vrai que le bon exemple des Chefs
y a beaucoup contribué , et certainement
les deux frères ont bien Fait connoître
qu'ils sçavent former une entreprise difficile
, et qu'ils sont également habiles et
courageux dans l'execution. Ils ont donné
beaucoup de loüanges à M. le Baron
de Crenay , et generalement à tous les
Officiers qui ont eû part à cette Expedition.
*
Relation de la défaite des Natches (a)
par M. Perier, Commandant General à
la Louisianne , au mois de Janvier 1731 .
No
,
Otre General jugeant qu'il étoit ne
cessaire avant de rien entreprendre ,
de s'éclaircir avec les Chactas , Nation
Sauvage la plus considerable de la Loüisianne
sur les differens bruits qui s'étoient
répandus de leur mauvaise volonté
pour nous , se rendit à la Mobile , Fort
occupé par les Françóis , à la Côte de l'Est
de la Louisianne , où il avoit fait avertir
leurs Chefs de se rendre dans les premiers
jours de Novembre , et les ayant trouvez
bien disposez , il renouvella en la manie◄
re ordinaire , les Traitez de Commerce et
d'Alliance que nous avons depuis longtemps
avec eux , et leur proposa de re
connoître pour Grand- Chef de la partie
du Ouest , qu'on appelle Bas- Chacra , le
Chef des Castacha , Village de la mêmę
( a ) C'est une Nation Sauvage , qui au mois
de Decembre 1729. massacra les François qui
étoient établis auprès d'elle , quoiqu'elle fût en
paix avec eux.
Nation,
SEPTEMBRE. 1731 2087
Nation. Ils l'accepterent avec plaisir et
promirent de nous renvoyer le reste des
Negres qu'ils avoient pris sur les Natches
, et de payer tout ce qu'ils devoient
aux François , avec lesquels ils avoient
négocié. Ils lui demanderent ensuite d'aller
en guerre contre les Natches , mais i'
leur répondit seulement qu'il les feroit
avertir s'il avoit besoin d'eux , étant bien
résolu de ne s'en pas servir pour les tirer
de l'erreur où ils étoient , que nous ne
pouvions nous passer de leur secours , et
que sans leur appui nous serions obligez:
d'abandonner nos établissemens.
Après les avoir renvoyez chez eux
il partit pour la nouvelle Orleans , où il
arriva le 13. Novembre 1730. il y trouva
M. de Salvert son frere , Lieutenant de
Vaisseau , commandant un Détachement
des Troupes de la Marine , très - avancé
dans les préparatifs dont il l'avoit chargé
pour aller attaquer les Natches. L'Equipage
du Vaisseau du Roi , qu'il commandoit
, y avoit travaillé fort utilement , et
on peut assurer que sans lui nous n'eussions
pas été si-tôt prêt à marcher contre
l'Ennemi .
Le 9. Decembre M. de Salvert partit à
la tête du Détachement de la Marine ,
qui formoit un petit Bataillon , il avoit
ordre
2088 MERCURE DE FRANCE
ordre d'attendre au Village de Carlestin
Habitations françoises , situées à environ
15. lieües au-dessus de la nouvelle Orleans
, en montant le Fleuve , le General
qui le joignit le 13. avec les Troupes de
la Colonie et les Munitions de guerre.
Le 14. ils marcherent ensemble jus
qu'aux Bayagoulas , où ils resterent quatre
jours pour attendre le Détachement
des Milices du Pays , commandé par M. de
Benac , Officier retiré du Service , qui
s'est établi dans la Colonie , et les grands
Bateaux chargez de vivres qui ne pou
voient suivre..
Le General avoit divisé ses forces en
trois Corps , pour éviter toute tracasseric
et donner plus d'émulation . Le premier
étoit commandé par M. de Salvert ; il
étoit composé de iso . Soldats de la Marine
et d'environ 40. hommes de son
Equipage . Le second étoit commandé par
le Baron de Crenay , Lieutenant - Colo❤
nel , et étoit composé d'un Détachement
de 150. hommes des Troupes de la Co-
Ionie ; et le troisième étoit commandé par
le sieur de Benac , et étoit composé de
120. habitans qui s'étoient offerts d'aller
à la guerre
.
Le 22. tout étant rassemblé , on se mit
en marche et on fat coucher à Manchac
où
SEPTEMBRE. 1731. 2089
ù le sieur de Laye , Habitant , attendoit
le General , il lui dit que s'il vouloit se
servir des Sauvages Tonnicas , petite Nation
située sur les bords du Fleuve ,
environ 70. lieuës au - dessus de la nouvelle
Orleans , en suivant le Fleuve , il
étoit necessaire qu'il se rendît lui -même
chez eux pour les faire marcher ; ce qu'il
fit en laissant la conduite de la petite
armée à M. son frere , qui malgré la
neige et le verglas , le joignit aux Tonnicas
le 27.
Le 28. il continua sa marche jusqu'à
l'entrée de la Riviere Rouge , (a ) où étoit
le rendez - vous general. Le Vaisseau le
Prince de Conty , sur lequel on avoit fai ■
faire des Fours , y arriva le même jour.
Le General fut obligé de rester jusqu'au .
3. de Janvier aux Tonnicas pour leur
faire achever leurs préparatifs de guerre ,
ils étoient d'autant plus lents , que la
peur les avoit saisis sur la nouvelle qu'ils
venoient d'apprendre que le sieur de Coulange
, ( Canadien , frère d'un Officier des
Troupes de la Colonie , et fils du sieur
de Livilliers , Officier des Troupes de Ca
nada , ) qui avoit été envoyé dans une
grande Pirogue , armée de zo. hommes :
(a) A 9. lieues au- dessus du Village des Tonnicas
, situé à present au portage de la Croix .
grande
2090 MERCURE DE FRANCE
volontaires Sauvages , et Negres libres ,
pour faire porter les ordres du General
aux Arkansas , avoit été attaqué à quelques
journées de chez eux par les Natches , qui
lui avoient tué ou blessé la moitié de ses
gens , parmi lesquels les sieurs de la Touche
,Beaulieu et Cochart, ( le premier, Gen--
tilhomme Breton ; le second , Officier de
Marine de la Compagnie , ) ont eu le
malheur de se trouver au nombre des
morts. Le sieur de Coulange y reçût deux
coups de fusil , dont un au travers du
été mortel. Cette accorps
, qui n'a pas
tion , qui ne décidoit de rien , avoit cependant
si fort abattu le courage de nos
Sauvages , qu'il ne s'en trouva que iso .
des plus braves à l'Armée , les autres s'étant
retirez peu à peu sous differens pré
textes.
Le 4. Janvier , le General joignit l'Ar
mée à la Riviere Rouge , où il trouva les
Détachemens des Garnisons des Natches
et Natchitoches (a) arrivez , et la division
des Habitans , partie pour se montrer à
la hauteur des Natches , (b) afin de faire
(a) Forts François qui portent le nom des Na→
tions Sauvages auprès desquelles ils ont éte cons
truits.
(b) C'est la Nation même qui depuis qu'elle se
vit menacée d'être châtiée par les Frauçois , aban--
croire
SEPTEMBRE . 1731. 209%
croire à leurs découvreurs s'ils nous rencontroient
, que notre intention étoit de
les aller attaquer par le Fleuve , quoique
notre parti fût pris , d'aller par la Riviere
Rouge.
Le 11. l'Armée entra dans cette Riviere
pour chercher l'Ennemi , car nous n'avions
pû sçavoir depuis 9. mois l'endroit
positif où les Natches avoient fait leur
Fort , quoique le General y eût envoyé
zo . Partis differens , tant forts que foi
bles ; ensorte que ce ne fut que sur le
peu de connoissance qu'il avoit tirée d'un
enfant de 12 à 13. ans , qui avoit deserté
de cette Nation , qu'il se hazarda à l'aller
- chercher , contre le sentiment general des
Sauvages , vers la Riviere Rouge , dans ,
des Pays marécageux et coupez , jusques
là inconnus à nos Sauvages du Fleuve .
Cependant l'Armée guidée par l'esperance
et encouragée par son General dans
les peines inexprimables que le mauvais
temps et la difficulté du Pays, lui faisoient
souffrir , se trouva le 19. sans le sçavoir ,
précisement à une lieuë du Fort de Valeur
, c'est le Fort de la Nation Natches.
donna le lieu de sa demeure ordinaire et se transporta
dans un autre endroit qu'elle croyoit inconnu
à tous autres Sauvages et inaccessibles aux
François.
Le
2092 MERCURE DE FRANCE
Le General prenoit toutes sortes de me
sures pour éviter les embuscades qu'il
étoit aisé de nous dresser , y ayant apparence
que les Ennemis sçavoient notre
marche , puisque le 18. quelques - uns de
nos Sauvages qui étoient allez à la découverte
, ( car ils s'étoient un peu rassurez
par l'exemple des François qu'ils voyoient
marcher courageusement par terre ) étant
venus avertir qu'ils avoient appefçû un
. Parti de Natches à deux lieuës au - dessous
de nous , de l'autre côté de la Riviere,
le General y envoya un Détachement de
François et de Sauvages , pour tâcher de
le surprendre , mais on ne put y réussir
par la jalousie de six Sauvages Houmas ;
qui tirerent dessus avant que nos gens
fussent arrivez ; ensorte que ce Parti prie
la fuite et s'éloigna en peu de temps. Si
nous avions pû l'attaquer , on se flattoit
de pouvoir faire quelque prisonnier et
d'apprendre des nouvelles positives du
lieu où la Nation s'étoit retirée .
Nous restâmes le 19. dans la même in
quietude , quoique nos Sauvages vissent
encore plusieurs Natches , dont ils tuerent
un homme et une femme , mais le
20. le General ayant envoyé à la découverte
un Parti d'Habitans et de Sauvages,
soutenus par les Compagnies de Mrs de
la
S
SEPTEMBRE. 1731. 2093
la Giroüardiere et de Lusser ; le premier
Capitaine d'une Compagnie de la Marine,
l'autre Capitaine d'une Compagnie des
Troupes de la Colonie. On vint lui dire
une demie heure après leur départ qu'ils
se trouvoient dans un chemin battu ;
aussi-tôt on ne douta point que ce ne fût
celui du Fort , et on se prépara à marcher.
Le General fit monter les Bateaux vis-àvis
cet endroit , et ayant ordonné au Baron
de Crenay d'y rester avec 100. hommes
, il se tenoit prèt à marcher avec
M. Salvert , pour aller investir le Fort
dès qu'il en auroit quelque nouvelle. A
peine les Bateaux et Pirogues furent- ils
arrivez l'on entendit la Mousqueteque
rie du Fort et celle des Escarmoucheurs
du Détachement qui avoit toûjours suivi
le chemin battu ; dans l'instant on marcha
et on rencontra les sieurs Marin et
Outlas , qui venoient dire que nos gens
avoient trouvé le Fort , nous y arrivâmes
en une heure de marche par un Pays
tout couvert de bois ; dès que nous
l'apperçûmes , le General fit battre aux
champs . A ce bruit les Tonnicas se sentant
soutenus , attaquerent quelques Cases
aux environs du Fort , d'où ils chasserent
les Natches et y mirent le feu."
Pendant ce temps M. de Salvert marcha
pan
094 MERCURE DE FRANCE
1
35.
la droite avec partie des Troupes
par
et le General par la gauche pour rejoindre
Mrs de la Giroüardiere et de Lusser,
Il les trouva qui s'étoient avancez à
toises du Fort , à la faveur de plusieurs
arbres , où ils resterenr jusqu'à ce qu'il
leur dit de venir se mettre derriere une
butte qui étoit à 120. toises du Fort , lieu
qui lui étoit très- favorablement situé pour
mettre une partie de notre Camp à cou
vert. Il fut aussi - tôt joindre M. de Salvert
, et ils passerent ensemble une petite
Riviere ou gros Ruisseau , auprès duquel
les Natches avoient construit leur Fort ;
ils étoient suivis par les Compagnies de
Dartaguette et de Sanzei , la premiere
de la Colonie , l'autre , de la Marine. Ils
rangerent ce Fort de très-près , à la faveur
de quelques Cabanes , et après avoir
reconnu le terrain , ils firent l'un et
l'autre le tour du Fort par les derrieres
jusqu'à la butte dont on vient de parler,
et ils convinrent d'y établir le Quartier
general , par rapport à la facilité qu'il y
avoit de recevoir là nos besoins qui venoient
du bord de la Riviere , sans que
l'on fût obligé de passer le Ruisseau.
Le 21. le General envoya ordre au Baron
de Crenay de venir le joindre pour
commander l'attaque de la gauche , et le.
même
SEPTEMBRE. 1731 2095
même jour il fit arborer un Drapeau blanc
pour demander aux Sauvages qu'ils eussent
à lui remettre des Negres qu'ils
avoient pris ; ils tirerent sur le Drapeau
en disant à l'Interprete qu'ils ne vouloient
pas parler à des chiens comme nous.
Sur les deux heures un de nos Mortiers
de bois arriva. ( a) On jetta sur le champ
quelques Grenades Royales , dont deux
tomberent dans le Fort , sur une de leurs
maisons et y mit le feu. Après qu'elles
eurent crevé , nous entendîmes de grands
cris et des pleurs de femmes et d'enfans,'
ce qui nous fit redoubler notre feu de
Mousqueterie et de double Grenade , mais
malheureusement nos Mortiers furent
trop tôt hors de service par les cercles
qui manquerent.
A 5. heures et demie du soir , les Natches
firent une sortie sur un de nos Postes, oùil
y avoit 15. hommes retranchez derriere un
gros arbre qui n'étoit qu'à 20 toises du
Fort ; ils le prirent à revers et tuerent un
Grenadier de la Marine, Un Sergent des
Troupes de la Colonie y reçut un coup
de fusil qui lui perça les deux épaules.
Dès que nous eûmes connoissance de
(a) C'étoit des Mortiers portatifs , que le sieur
Baron , Ingenieur , avoit inventez , ils étoient
faits d'un bois fort dur , et çerçlez de fer.
cette
20961 MERCURE DE FRANCE
cette sortie , nous crûmes que les Ennemis
alloient tenter de se sauver dans les
Bois par l'intervale du Camp des Habitans
au nôtre , ce qui détermina M. Salvert à
prendre la Compagnie de Lusser , pour
les couper. Mais voyant qu'ils n'en vouloient
qu'à notre Poste , il donna dessus
avec quelques Habitans et les obligea de
rentrer avec précipitation dans leur Fort.
Dans cette Action le sieur Dehaye ,
Capitaine de Milice , reçut deux coups.
de fusil , et un Negre fut tué.
A 8. heures du soir , quoique le tems
fût très- mauvais , le General fit ouvrir de
son côté la Tranchée à 30. toises du Fort,
et nous ne la poussâmes qu'à 15. toises,
faute de Gabions.
Le 22. on fit venir le Canon et le der
nier Mortier ; nous en tirâmes quelques
coups sur la fin du jour en redoublant
le feu de notre Mousqueterie , qui ne discontinua
point toute la nuit.
Avant que de continuer le travail de
la Tranchée , le General fit visiter sur le
soir une maison forte , qui enfiloit nos
travaux ; il envoya un Officier avec 12 .
Grenadiers et autant de Sappeurs armez
pour s'en emparer , mais ils furent repoussez
par le feu des Ennemis , qui étoit
extrémement vif. M. de Salvert y accou
rug
SEPTEMBRE. 1731. 2097
rut ; et se mettant à la tête des Assaillants
, il recommença si vivement l'attaque
, qu'en un quart d'heure il força l'Ennemi
d'abandonner la maison . Il trouva
que c'étoit une espece de redoute à l'épreuve
du coup de fusil , avec des meurtrieres
tout autour ; il la fit garder , jugeant
qu'elle serviroit bien à deffendre la
tête de notre Tranchée.
En effet le 23. nous poussâmes trèsvigoureusement
le travail de la Tranchće,
à la faveur de cette redoute , de façon que
le General comptoit achever le lendemain
la communication de ses Travaux avec
ceux de M. le Baron de Crenay , qui de
son côté travailloit aussi avec beaucoup
de vigueur.
Le 24. les Natches voyant que nous
les serrions de fort près , et se trouvant
fort incommodez par nos doubles Grenades
et par le Canon , ( quoique notre
petite Artillerie ne tirât que de loin en
Loin , ) ( a ) arborerent un Drapeau blanc
7. heures du matin , et nous envoyeà
(a ), Ils avoient bien trouvé le secret de se garantir
du Canon et de la Mousqueterie , en faisant
des trous en terre , dans lesquels te tenoient
leurs femmes et leurs enfans , et où ils se reposoient
eux-mêmes , mais ces trous étant ouverts
par le haut , les Grenades ou leurs éclats qui y
tomboient y causoient beaucoup de desordre.
C rent
2098 MERCURE DE FRANCE
rent un Sauvage qui parloit un peu François.
Le General lui dit qu'il ne les écouteroit
point qu'ils ne lui eussent renvoyé
tous les Negres qui étoient dans le Fort.
Ce Député retourné , on vit arriver avec
lui un moment après 19. Negres et une
Negresse , qui rapporterent que six autres
Negres étoient à la Chasse avec des Natches
, et que le reste avoit été tué. Le General
dit au même Sauvage qu'il ne vou
loit donner sa parole sur rien qu'il n'eût
les Chefs de sa Nation dans son Camp ;
après quoi il le renvoya.
Il vint ensuite un autre Sauvage nommé
S. Côme , (a) mais il le renvoya aussi
sans l'entendre , en lui disant , que si le
Grand - Chef, celui de la Farine et lui (b)
ne venoient pas bien - tôt ensemble , il-fe-
(a ) Quand les Sauvages sont bien avec les
François , ils se font honneur de prendre des
noms que ceux- cy portent.
(b) Avant que cette Nation eût frappé les François
, elle étoit divisée en 5. Villages , le premier
nommé la Valeur ; le 2. la Farine ; le 3 ° . la
Pomme ; le 4. les Gris , et le se . le grand Village
.Chaque Village avoit son Chef, et cependant
tous étoient soumis à un Grand - Chef , et tous
ces Chefs particuliers s'appelloient Soleil par Excellence
; ces Sauvages ayant une dévotion toute
particuliere pour cet Astre , en l'honneur duquel
ils entretenoient un feu perpetuel.
ne
SEPTEMR E. 1731. 2099
-
roit recommencer à tirer sur eux . Malgré
le mauvais temps ils se rendirent à
notre Camp sur les 4. heures du soir ; on
les conduisit au General ; ils l'aborderent
avec toutes les façons qui parmi eux peuvent
marquer le repentiret la soumission,
et ils dirent qu'ils ressentoient la grandeur
du crime qu'ils avoient commis ,
qu'ils n'osoient demander la vie , mais
qu'ils s'estimeroient heureux en mourant,
si on vouloit l'accorder à leurs femmes
et à leurs enfans.
Le General leur répondit qu'il la donneroit
à tous ceux de la Nation , même
aux hommes qui se rendroient à lui le
lendemain , mais que passé ce jour là , il
feroit bruler ceux qui ne profiteroient
pas de la grace qu'il vouloit bien leur
faire ; ils répliquerent que sa résolution
étoit juste. Cependant à minuit le Chef
de la Farine , qui étoit dans une Tente
gardée par 12. hommes , tant François
que Sauvages des plus alertes , doutant
de la parole du General , se sauva à la faveur
de la nuit , qui étoit la plus obscure
que l'on ait jamais vûë , et du temps effroyable
qu'il faisoit , la pluye tombant
si furieusement , qu'il falloit être Sauvage
et craindre le bucher pour tenir dehors ;
on tira sur lui sans l'atteindre.
Cij Le
2100 MERCURE DE FRANCE
Le 25. quoique le temps continuât d'être
mauvais , ( ce qui nous incommodoit
extrémement ) la femme du Grand- Chef
et sa Famille , sortirent le matin du Fort
avec 450. femmes ou enfans , et vinrent
se rendre. A l'égard des hommes , ils ne
venoient que l'un après l'autre , ensorte
que le soir il en restoit encore dans le
Fort environ 20. qui demanderent qu'on
les laissât jusqu'au lendemain , ce qui leur
fut accordé , parce que le temps ne permettoit
pas de les aller prendre. Nous
étions alors entre deux eaux ; car là pluye
ne cessa que vers les 9 , heures du soir. A
8. he es , presque tous ceux qui étoient
restez dans le Fort s'évaderent. Le quartier
des Habitans s'en apperçut ,
fut impossible ni de tirer sur eux un seul
coup de fusil , ni de les faire poursuivre
par nos Sauvages , l'eau du Ciel nous ayant
réduits en tel état que nos gens ne pouvoient
ni marcher , ni faire usage de leurs
armes. Cependant la pluye ayant cessé
nous entrâmes dans le Fort , où nous
trouvâmes seulement deux hommes et
une femme , et nous apprîmes que ceux
qui s'étoient enfuis , étoient au nombre
de 16. hommes et de 4. femmes.
mais il
Le General fit ensuite le recensement
de ses Prisonniers qu'il avoit résolu pour
l'exemple
SEPTEMBRE. 1731. zioł
;
l'exemple d'envoyer dans une autre Colonie
pour y être vendus comme Esclaves
; et voyant qu'il ne se trouvoit que
45. hommes , il demanda ce que les autres
étoient devenus , parce que cette Nation
devoit être forte d'envirom 500. Guerriers
,lorsqu'elle surprit le Poste François .
le principal d'entr'eux dit qu'ils avoient
perdu du monde dans cette malheureuse
Action , qu'ensuite les Partis des Nations
Sauvages qui sont dans notre Alliance ,
les ayant attaquez en differens endroits ,
et nous-mêmes les ayant assiegez dans
leurs anciens Forts , ils y avoient encore
fait de grandes pertes que depuis s'étant
venus établir dans l'endroit où nous venons
de les prendre , la fatigue du chemin
et le mauvais air du lieu , avoient
fait périr par maladie plus de la moitié
de leurs gens. Que tandis qu'ils souffroient
tant de miseres , les Partis de nos Sauvages
leur avoient détruit peu à peu et en
differens Cantons beaucoup de Guerriers,
que nous venions de leur en tuer encore
un grand nombre en les forçant de se rendre
; et qu'enfin il n'en restoit point d'autres
que ceux que l'on voyoit prisonniers ,
que les 16. qui s'étoient sauvez du Fort ,
et qu'un très- petit nombre qui étoit à la
Chasse , lorsque nous les avons assiegez
C iij .
il
2102 MERCURE DE FRANCE
dizil
fut facile de juger que le
compte
Sauvage étoit juste , et le General en parut
content.
Le lendemain 26 , nos Sauvages qui
étoient en course , prirent deux Ñatches
qu'ils brulerent , et enleverent la chevefure
d'un autre qu'ils avoient tué.
Ce jour- là et le suivant furent employez
à démolir le Fort , et à bruler les
bois dont il étoit construit. Le General
envoya M. son frere avec le Bataillon de
la Marine et 25o . Esclaves , au Camp qui
gardoit les Bateaux.
Le 28. tout ce qui appartenoit aux Natches
se trouvant détruit , le General partit
avec le reste de son monde et des Esclaves
pour joindre M. de Salvert , et le
29. tout se mit en mouvement pour se
rendre dans le Fleuve de Mississipy , ou
chacun avoit grand besoin d'arriver en
un lieu commode , pour se remettre des
fatigues qu'il avoit essuyées.
On jugera aisément par cette Relation
que si nous n'avions pas pressé l'Ennemi
aussi vivement que nous avons fait , nous
cussions couru grand risque de ne pas
réüissir et de perdre la plus grande partie
de notre petite Armée par la fatigue et
par le mauvais temps , ce qui infailliblement
auroit causé des maladies , qui toutes
SEPTEMBRE. 1731. 2103
tes auroient été mortelles dans un lieu où
les hommes les plus vigoureux souffriroient
beaucoup.
Jamais Expedition ne fut plus utile ;
elle a vangé la Nation Françoise d'un horrible
massacre fait d'une partie de ses Habitans
à la Louisianne par des Sauvages
qui étoient en pleine Paix avec eux , et
qui pour les surprendre s'étoient répandus
dans leurs maisons , sous l'apparence
de l'amitié et sous le prétexte de leur
rendre service . Elle a servi en même-temps
à faire connoître à tous les Sauvages du
Continent , que les François ne trouvent
rien d'impossible lorsqu'il s'agit de punir
le crime , et qu'ils sçavent trouver et
dompter leurs Ennemis dans les lieux les
plus écartez , les plus difficiles à abor
der et les mieux fortifiez .
Et enfin cette Expedition a dû effacer
de l'esprit des Sauvages Chaetas , Nation
très- nombreuse et la plus redoutable du
Continent , l'opinion qu'elle avoit que
nous ne pouvions châtier nos Ennemis.
sans son secours , ce qui la rendoit le
plus souvent si insolente , que M. Perrier
s'étoit déterminé à ne la point employer
dans l'entreprise qu'il avoit projettée
contre les Natches , ainsi qu'on l'a
dit dans le commencement de cette Re-
Lation C iiij Tous
2104 MERCURE DE FRANCE
Tous ces objets animoient tellement
nos gens dans cette affaire , qu'il n'y a
eû aucun Officier ni Soldat , tant des
Troupes reglées , que des Milices , qui
n'ait fait tout ce qui a dépendu de ses
forces pour avancer le travail , chacun
ayant mis la main à l'oeuvre , et qui n'ait
agi avec toute la valeur imaginable . Il
est vrai que le bon exemple des Chefs
y a beaucoup contribué , et certainement
les deux frères ont bien Fait connoître
qu'ils sçavent former une entreprise difficile
, et qu'ils sont également habiles et
courageux dans l'execution. Ils ont donné
beaucoup de loüanges à M. le Baron
de Crenay , et generalement à tous les
Officiers qui ont eû part à cette Expedition.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre contenant la Relation de la défaite des Natches (a) par M. Perier, Commandant General à la Loüisianne, au mois de Janvier 1731.
En janvier 1731, M. Perier, Commandant Général en Louisiane, entreprit de clarifier les relations avec les Chactas, une nation amérindienne influente, après des rumeurs de mauvaise volonté. Il se rendit à la Mobile pour renouveler les traités de commerce et d'alliance avec les Chactas, qui acceptèrent de renvoyer des esclaves capturés sur les Natches et de payer leurs dettes aux Français. Perier se rendit ensuite à la Nouvelle-Orléans, où il retrouva son frère, M. de Salvert, commandant un détachement des troupes de la marine. Le 9 décembre, M. de Salvert partit pour le village de Carlestin, où il rejoignit Perier avec les troupes de la colonie et les munitions. Ils marchèrent ensuite vers les Bayagoulas, où ils attendirent les milices du pays et les bateaux de vivres. Les forces françaises furent divisées en trois corps : le premier commandé par M. de Salvert, le second par le Baron de Crenay, et le troisième par le sieur de Benac. Le 22 décembre, ils se mirent en marche vers les Tonnicas, une petite nation amérindienne. Perier dut rester jusqu'au 3 janvier pour permettre aux Tonnicas de finaliser leurs préparatifs de guerre, retardés par la peur après une attaque des Natches. Le 4 janvier, Perier rejoignit l'armée à la Rivière Rouge, où il trouva des détachements des garnisons des Natches et des Natchitoches. Le 11 janvier, l'armée entra dans la Rivière Rouge pour chercher les Natches, dont le fort était inconnu. Guidés par un jeune déserteur, ils découvrirent le fort des Natches le 19 janvier. Le 20 janvier, après avoir repéré le chemin menant au fort, les Français se préparèrent à l'attaquer. Le 21 janvier, ils trouvèrent le fort et commencèrent à le bombarder avec des mortiers et des grenades. Les Natches firent une sortie, tuant un grenadier et blessant un sergent. Les Français ouvrirent une tranchée à 30 toises du fort. Le 22 janvier, ils continuèrent à bombarder le fort avec du canon et un mortier. En septembre 1731, les troupes françaises engagées dans une expédition contre les Natches ont affronté des conditions difficiles. La nuit précédant une attaque, la mousqueterie française continua sans interruption. M. de Salvert captura une redoute ennemie, utilisée pour défendre la tête de la tranchée française. Le 23 septembre, les travaux de la tranchée furent poussés vigoureusement à l'abri de cette redoute. Le 24 septembre, face à la pression des Français et aux attaques de grenades et de canon, les Natches arborèrent un drapeau blanc à 7 heures du matin. Ils demandèrent la paix en échange de la reddition de leurs esclaves noirs. Le général exigea la présence des chefs de la nation Natché pour négocier. Malgré le mauvais temps, les chefs Natches se rendirent au camp français en fin d'après-midi. Ils exprimèrent leur repentir et leur soumission, demandant la clémence pour leurs femmes et enfants. Le général accorda la vie à tous ceux qui se rendraient le lendemain, mais menaça de brûler ceux qui refuseraient. Le 25 septembre, de nombreux Natches se rendirent, mais environ 20 hommes restèrent dans le fort. La nuit suivante, la plupart des hommes restants s'enfuirent. Les Français démolirent ensuite le fort et brûlèrent les bois. Le 26 septembre, des Sauvages alliés capturèrent et brûlèrent deux Natches, et en tuèrent un autre. Les jours suivants furent consacrés à la démolition du fort et à la préparation du départ. Le 29 septembre, l'expédition quitta les lieux pour rejoindre le fleuve Mississippi. Cette expédition venger un massacre perpétré par les Natches et renforça la réputation des Français auprès des autres nations sauvages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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437
p. 2104-2106
A MLLE SALLÉ, Danseuse de l'Opera, pour celebrer son retour. EPITRE.
Début :
Les Amours pendant votre absence [...]
Mots clefs :
Amours, Vénus, Grâces
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texteReconnaissance textuelle : A MLLE SALLÉ, Danseuse de l'Opera, pour celebrer son retour. EPITRE.
A MLLE SALLE' ,
Danseuse de l'Opera , pour celebrer
son retour.
EPITRE.
LEs Amours pendant votre absence
'Avec vous s'étoient envolez ;
Enfin les voila rappellez
Dan
SEPTEMBRE. 1731. 2105
Dans le séjour de leur naissance.
Je les vis , ces Enfans aîlez ,
Voler en foule sur la Scene ,
Ou , pour voir triompher leur Reine
Leurs Etats furent assemblez ;
Dieux ! quel fut leur plaisir extréme ,
Ce jour , le plus beau de vos jours ,
Où, recevant de Venus même ,
Et sa Ceinture et ses atours
Vous vîtes l'avide concours ,
D'un Peuple entraîné sur vos traces ,
Qui se rappellera toûjours ,
Ces Ras mésurez par les graces >
Et composez par les Amours.
Des Ris l'essain vif et folâtre ,
Pour contempler ces Jeux charmans
Avoient occupé le Théatre ,
Sous la forme de mille Amans ;
Pour vous voir , les Graces parées ,
De modernes habillemens ,
Des Loges s'étoient emparées ;
Pour empoisonner ces douceurs ,
Une Troupe d'Amours censeurs
Osa se glisser au Parterre ,
Amours étrangers , inconnus ,
Qui sans doute n'étoient venus
21
99
Que pour vous déclarer la guerre ;
CY To
2106 MERCURE DE FRANCE
Je vis leur party frémissant ,.
Forcé de changer de langage ,
Vous rendre , en pestant , son homage ,
Et jurer en applaudissant.
Restez , Fille de Terpsicore ,.
L'Amour est las de voyager ;
Laissez soupirer l'Etranger ,
Brulant de vous revoir encore.' ,
Je sçai que pour nous attirer ,
L'Anglois solide récompense
Le mérite errant que la France
Ne fait tout au plus qu'admirer..
Par sa genereuse industrie ,
Laissons l'Anglois se signaler ,
Est-il rien qui puisse égaler
Le suffrage de la Patrie ?.
Danseuse de l'Opera , pour celebrer
son retour.
EPITRE.
LEs Amours pendant votre absence
'Avec vous s'étoient envolez ;
Enfin les voila rappellez
Dan
SEPTEMBRE. 1731. 2105
Dans le séjour de leur naissance.
Je les vis , ces Enfans aîlez ,
Voler en foule sur la Scene ,
Ou , pour voir triompher leur Reine
Leurs Etats furent assemblez ;
Dieux ! quel fut leur plaisir extréme ,
Ce jour , le plus beau de vos jours ,
Où, recevant de Venus même ,
Et sa Ceinture et ses atours
Vous vîtes l'avide concours ,
D'un Peuple entraîné sur vos traces ,
Qui se rappellera toûjours ,
Ces Ras mésurez par les graces >
Et composez par les Amours.
Des Ris l'essain vif et folâtre ,
Pour contempler ces Jeux charmans
Avoient occupé le Théatre ,
Sous la forme de mille Amans ;
Pour vous voir , les Graces parées ,
De modernes habillemens ,
Des Loges s'étoient emparées ;
Pour empoisonner ces douceurs ,
Une Troupe d'Amours censeurs
Osa se glisser au Parterre ,
Amours étrangers , inconnus ,
Qui sans doute n'étoient venus
21
99
Que pour vous déclarer la guerre ;
CY To
2106 MERCURE DE FRANCE
Je vis leur party frémissant ,.
Forcé de changer de langage ,
Vous rendre , en pestant , son homage ,
Et jurer en applaudissant.
Restez , Fille de Terpsicore ,.
L'Amour est las de voyager ;
Laissez soupirer l'Etranger ,
Brulant de vous revoir encore.' ,
Je sçai que pour nous attirer ,
L'Anglois solide récompense
Le mérite errant que la France
Ne fait tout au plus qu'admirer..
Par sa genereuse industrie ,
Laissons l'Anglois se signaler ,
Est-il rien qui puisse égaler
Le suffrage de la Patrie ?.
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Résumé : A MLLE SALLÉ, Danseuse de l'Opera, pour celebrer son retour. EPITRE.
En septembre 1731, une épître célèbre le retour de Mlle Salle, une danseuse de l'Opéra. Les Amours, symbolisant les passions et les admirateurs, l'ont suivie et se sont rassemblés pour la voir triompher sur scène. Le jour de son retour a été marqué par un enthousiasme extrême, avec un public avide et des Grâces vêtues de modernes habits occupant les loges. Cependant, une troupe d'Amours censeurs, étrangers et inconnus, a tenté de perturber cet enthousiasme en déclarant la guerre à Mlle Salle. Malgré cela, ces Amours ont dû changer de langage et rendre hommage à la danseuse en applaudissant. L'auteur exprime le souhait que Mlle Salle reste, car l'Amour est las de voyager. Il mentionne également la générosité des Anglais à récompenser le mérite, mais souligne l'importance du suffrage de la Patrie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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438
p. 2106-2123
VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
Début :
J'ay fait depuis peu, Messieurs, un voyage assez subit et singulier. J'ay visité [...]
Mots clefs :
Voyage, Ordonnance, Registres, Recueil des déclarations du dieu Bacchus, Empire, Vin, Rivage de l'Yonne, Auxerre, Joigny, Vignes
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texteReconnaissance textuelle : VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
VOYAGE dans les Etats de Bacchus..
Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
J4y fait depuis peu , Messieurs
, un
voyage assezsubit et singulier.Fay visité
sans le secours d'aucun guide ni d'aucune
voiture, les Châteaux et les Palais des Dieuxdu
Paganisme. A ce langage , vous vous·
imaginez que mon voyage a dû être de longue
durée , et vous ne vous tromperiez pas,
SZ
SEPTEMBRE. 1731. 2107
si je l'eusse fait physiquement ; mais la verité
est que je n'ay voyagé qu'en esprit. Fe
n'ai point marqué sur mes Tablettes le jour
de mon départ ; je sçai seulement que je
commençai à parcourir tous ces Palais et
ces Châteaux un certain soir du mois de
Fevrier dernier, auquel les fumées du repas
ne m'incommodoient pas beaucoup , et j'ai
idée que le Soleil étoit déja pour lors dans
le Signe des Poissons . Quel qu'ait été mon
voyage , et qu'elle qu'en ait été la cause , me
voila heureusement de retour ; j'ai rapporté
avec moi certaines Ordonnancės assez curieuses
, que les Bibliothequaires de ces Palais,
plus complaisans et moins formalistes
que certains d'Italie , m'ont permis de transcrire
de dessus les Registres dont ils ont la
garde.
En parcourant le Recueil des Déclarations
du Dieu Bacchus , qui est écrit en belles
lettres d'or sur un Velin couleur de Pourpre,
grand in folio , j'en ai apperçû une qui m'a
frappé plus que toutes les autres. Je pense que
c'est l'avant derniere du volume. Sur le champ
j'en ai tiré une copie , avec la résolution de
m'en servir dans l'occasion. Cette occasion
s'est presentée , Messieurs , plutôt que je ne
Faurois crû ; car à peine étois-je un pew
remis de mon vryage spirituel vers le milieu
du mois de Mars , quun de mes amis m'en..
Cvj tendant
1108 MERCURE DE FRANCE
tendant plaindre à table d'un certain vin
clairet et leger que l'on m'avoit servi , tira
de sa poche le Mercure de Fevrier 1731-
et my fit voir à la page 271. un Ecrit que
j'ai reconnu à l'instant être celui que le Dieu
Bacchus a eù en vue de faire supprimer par
son Ordonnanoe. Je vous laisse à juger du
rapport que ces deux Pieces ont l'une avec
l'autre. J'en retranche une partie du préambule
qui est dans le style ordinaire des Sonverains
, et qui ne vous apprendroit autre
chose que les Provinces et les Seigneuries qui
composent le vaste Empire de cette Divinité.
ORDONNANCE du Dieu Bacchus,
donnée dans le Printemps dernier.
fils de Jupiter dit ......
Biber , Lycus , Lenæus , Osyris ,
Dionysus , &c. Jadis la Déesse de la Paix
accorda les differends qui s'étoient élevez
entre la Bourgogne et la Champagne , sur
la primauté du Fruit qui nous est consacré
dans l'étendue de ces deux Provinces
des Gaules ; il y avoit eû force procedures
écrites , mainte Poësie signifiée de part
et d'autre , Pourchot et Grenan , plaidans
pour la Bourgogne , et Coffin pour la
Champagne. (4) Cette bonne Déesse en-
(a) Voyez le Procès Poëtique , imprimé à Paris
an 1712. chez la veuve de Claude Thiboust .
fin
SEPTEMBRE 1731. 2109
in trouva le secret de les mettre tous
d'accord ; elle fit verser dans une grande
Couppe une quantité égale de vin de
Bourgogne et de Champagne , et soudain
ayant fait gouter de ce mêlange aux deux
Partis , ils mirent les armes bas , la Champagne
cedant l'honneur à la Bourgogne ,
dont le vin avoit dominé dans la Couppe
, en gout , en couleur et en force.
Aujourd'hui un Ecrivain récemment
formé sur le Rivage de l'Yonne , réveille
en quelque sorte ce Procès , qui avoit
été jugé définitivement. Il semble avoir
pour but dans son raisonnement de donner
gain de cause à la Champagne , essayant
de faire comprendre que des vins
tendres , peu colorez , de peu de durée ,
et qui de plus ont un goût de terroir ,
doivent aller de pair avec des vins qui
ent du corps , une couleur bien rosée ,
qui sont francs , bien - faisans , amis de
l'estomach , et dont la séve est fine en
même-temps qu'elle est mâle et vigoureuse.
Et ce qu'il y a encore de plus sur
prenant dans son procedé, c'est qu'il prétend
être bon Bourguignon , en écrivant,
comme il fait , en faveur de ces vins tendres
et délicats .
Ce trop zelé Partisan fait paroître sur
les rangs Joigny , petite Ville , qu'il lui
plaît
110 MERCURE DE FRANCE
plaît de placer dans notre Province de
Bourgogne , quoiqu'elle n'y soit point
comprise , suivant l'exacte Géographie de
notre Empire ; et après avoir égalé ses
vins à ceux de notre bonne et ancienne
Ville d'Auxerre , de tout temps renfermée
dans notre Cercle de Bourgogne ,
il pousse la prévention et l'audace jusqu'à
leur donner le dessus. Oubliant lui - même
d'où il est natif , et faisant semblant
de ne pas appercevoir que c'est l'amour
aveugle de sa Patrie qui le rend Auteur,
il va jusqu'à reprocher à notre zelé Analiste
d'Auxerre , duquel Mercure nous
a fait voir les Ecrits , de s'être trop étendu
par l'effet du même amour , à rapporter
les avantages de son Pays. Nous DECLARONS
que nous aimons tous nos fideles
Sujets ; mais nous devons aussi rendre.
justice à qui elle appartient , et réfuter
ce qui mérite de l'être. Sans nous arrê
ter à remarquer que l'Avocat des vins
de joigny pourroit avoir besoin de passer
quelques mois , tant sur le Parnasse
que
dans l'une de nos Universitez , pour
y apprendre à discerner les vins par la fréquentation
des personnages versez en cette
Scienće , et à ne pas prodiguer , comme
il fait , les Citations des Poëtes Latins
dont il abuse quelquefois. Nous disons.
>
qu'il
SEPTEMBRE. 1731. 21FT
qu'il paroît par son langage qu'il n'a jamais
vû de ses yeux ces Vignobles qui
sont si renommez dans nos Etats , qu'à
l'entendre raisonner il semble que jamais:
il n'est sorti des limites de son petit Ter--
ritoire , si ce n'est peut-être pour venir à
Auxerre considerer superficiellement la
situation des Côteaux .
Si ce jeune Ecrivain avoit voulu se détromper
serieusement et de bonne foi ,
ainsi que font tous ceux qui sont étroitement
attachez à notre service , il auroit
pû recourir à nos Papiers - Terriers de
Coulanges - les - Vineuses , à ceux de nos:
Vignobles d'autour de Beaune et des environs,
de Nuys , Volnay , Pomar , Chase
sagne , à ceux des climats du clos de Vougeot
, ( a ) Champbertin , Savigny , la
Romance les Serrieres proche Dijon
et les côtes de Chenove auprès de la
même Ville. Il y auroit appris par les
Declarations circonstanciées de nos féaux
et amez sujets qui peuplent ces cantons ,
que les Vignes qu'ils appellent des meilleurs
endroits et du produit le plus ex-
,
3-
( a ) Vougeot est un Village entre Dijon &
Nuys , où M. l'Abbé de Citeaux a un. Clos de
Vignes très- vaste et presque tout plat , lequel
cependant produit un Vin très- excellent , contre
la Maxime de l'Avocat des Vins de Joigny.
cellent
2111 MERCURE DE FRANCE
cellent , ne sont pas situées dans un territoire
dont l'extension soit comme perpendiculaire
du Ciel vers la Terre , ainsi
qu'il se figure par une idée bizarre , que
doivent être plantées les Vignes d'une
qualité superieure. Pour peu qu'il eût
jetté la vue sur les Cartes Topographiques
qui décorent les murs de nos sallons ,
il y eût appris que dans les côteaux de
Vignes , il y a la Region suprême , la
moyenne et l'inferieure ; que comme ce
n'est pas dans la region la plus basse , la
plus applanie ou la plus inondée que croît
le meilleur vin , ce n'est pas non plus
dans la Region la plus échauffée ou la
plus chauve , et pour parler humainement
, que ce n'est pas dans le plus roide
de la côte qu'on recueille ce Vin supe ♣
rieur et transcendant , mais que c'est dans
la naissance du plis des côteaux , parce
que c'est comme le lieu de concentration ,
tant des sucs choisis de la Terre , que de
la refléxion des rayons solaires . De- là
vient que dans la Capitale de Bourgogne ,
on appelle cet endroit Le Rognon de la Côte.
L'un de nos Geographes qui connoît jusqu'aux
moindres cantons de nos Etats ,
se donna autrefois la peine d'enluminer
de couleur rouge les endroits de ces Cartes
Topographiques , dont les Vignes
sont
SEPTEMBRE. 1731. 2113
•
sont dans la situation la plus heureuse
et dont le grain de terre est en même
temps le plus favorable.
Après l'exhibition qui nous a été faite
de ces Cartes , nous déclarons n'avoir apperçû
que quelques legers coups de pinceau
sur les côtes de Joigny , au lieu que
les climats des environs d'Auxerre sont
presque tous chargez de riches et nombreux
traits de ce pinceau décisif , qui
marquent que ce qui constituë radicalement
le bon vin , y est commun et ordinaire
, c'est-à - dire › que generalement
parlant , les Vignes d'autour notre bienaimée
Ville d'Auxerre sont dans une
و
bonne exposition et qu'elles naissent
dans un grain de terre qui n'est vitié ni
par des veines nitreuses ni par une superficie
sulfureuse. Ces coups de pinceau se
trouvent abondamment
marquez entre
autres Climats , sur ceux de la Chainette,
Migraine , Boivin , Clerion , qui sont au
Septentrion
et à l'Occident de la Ville ,
et sur plus de vingt autres qui sont au
levant et au midi de la même Ville , à
une demi - lieue , ou un peu plus de distance
, dont les productions
par une
licence que jusqu'ici nous avons tolerée ,
quoique contraire à la sincerité de notre
caractere , ne sont point distribuées dans
,
>
la
2114 MERCURE DE FRANCE
la Capitale des Gaules et plus loin , sous
d'autre nom que sous celui de Vin de
Coulanges .
En vain le zelateur des Vins de Joigny,
mal instruit du prix des Vins de notre
illustre Ville d'Auxerre , voudroit - il les
abaisser jusqu'à les mettre de Niveau avec
ceux de sa Patrie. Les Historiens de nos
Etats marquent dans leurs Annales Latines
, qu'en tout temps les Vins d'Autricum
Senonum se sont vendus le double ou
environ des Vins de Joviniacum : Et même
notre Controlleur General nous ayant
representé le Registre de l'Année courante
, nous y avons vû que le Vin de la
derniere récolte , que le Partisan vante
tant , a été débité à Auxerre , à un prix
une fois plus haut que celui du cru de
Joigny. ( a ) Nous ne croyons point qu'il
y ait mortel assez téméraire pour oser
s'inscrire en faux contre un témoignage
si authentique. On sçait que nous sommes
disposez à punir de peines très- séveres
les faussaires ou les faux témoins s'il
( a ) Les Vins du plus haut prix à Joigny
n'ont pas êté à 80. livres le Muid , au lieu qu'à
Auxerre ils ont été vendus 130. et 140. livres
quoique les Tonneaux ne soient pas plus grands ,
et qu'il y ait un plus grand éloignement de la
Ville de Paris.
s'en
SEPTEMBRE. 1731. 2215
s'en trouvoit sur nos Terres , et que nous
les condamnerions à user le reste de leurs
jours d'une boisson , qui n'est ni rare ni
délicieuse.
Si après le temps de l'Hyver il reste
peu de Vins dans notre Vignoble de Joigny
, il n'est pas besoin que nous en rapportions
ici la cause ; elle est connuë du
Bourgeois comme du Vigneron ; ils
avouent franchement l'un et l'autre que
leur liqueur est de peu de garde. Qui
pourroit après cela les blâmer de ce qu'ils
s'en défont promptement ? Deplus , leur
territoire n'est point de l'étenduë dont
est celui de notre bonne Ville d'Auxerre
ni fertile au même point. Il est notoire
par la simple confrontation des Inventaires
dressez par nos Inquisiteurs modernes
, ( a ) que les reservoirs soûterrains de
Joigny n'ont jamais eû l'honneur de contenir
dans leur capacité une quantité égale
à celle de nos reservoirs d'Auxerre.
Cette Ville qui est la clef de notre incomparable
Province de Bourgogne ,
jouit d'un Territoire si avantagé des bénignes
influences des autres Divinitez qui
nous sont amies , qu'avec la qualité du
( a ) On entend sous ce nom les Tabeliers qui
wont depuis peu dans les Caves , pour prendre
le nombre des Tonneaux pleins.
Raisin J
2118 MERCURE DE FRANCE
Raisin , il y en a toujours une quantité
qui excede celle du produit de Joigny.
Phoebus et Cybele semblent s'être accordez
à le combler de leurs bienfaits . Auxerre
a mille et mille côteaux renfermez
dans des sinuositez tortueuses qui regnent
en differens vallons ; et le Vignoble de
Joigny n'est, pour ainsi dire, qu'un simple
revers d'une ou de deux Montagnes , sur
lequel est arboré celui des Domaines du
Dieu Sylvain , que l'antiquité appelle
La Forêt d'Othe. Outre cela , par une justice
qui étoit dûë au Territoire d'Auxerre,
ancienne Cité Romaine , nous l'avons
aggrandi de diverses Colonies celebres
qui lui sont soumises à trois et quatre
lieuës vers la Region Australe , et qui le
regardent comme le chef- lieu .
د
Telles sont ces Colonies , dites Vineufes
par excellence ; tel est Irancy , Jussy
Ecouleves , la Palote &c. Joigny au contraire
, au rapport des Enquêteurs nos
Commissaires en cette Partie , n'est qu'un
simple Château qui sert de Rempart au
Territoire du Dieu Sylvain ci - dessus
nommé , autour duquel Château , l'on a
fait disparoître depuis fort peu de siécles ,
l'Arbre Favori des Druides Gaulois , pour
y planter de notre Bois tortu . Mais pour
çe faire , il a bien fallu de nécessité prendre
SEPTEMBRE . 1731 . 2117
dre le terrain tel qu'il s'est presenté , terrain
caustique , rempli de craye , de cailloux
enflâmez et petillans , terrain que
nous regardons comme une écume recuite
de la Bourbe qu'engendra sur plusieurs
Côtes de l'Univers le mêlange des Fleuves
et des Mers au siécle de Deucalion. C'est
ce qui fait que dans les années les plus favorisées
par Phoebus notre frere pour les
bons Vins , ceux de Joigny ont un goût
que les Mortels appellent fort à propos
goût de Terroir ; ne sont point francs ,
sentent le Tufou le Crayon ; et plus les
rayons de Phoebus ont été violemment
lancés , plus il est besoin de faire sur les
Cuves une salutaire injection d'une lymphe
benigne et temperative.
et
Le Vin de Joigny au rapport des mêmes
Enquêteurs , est non - seulement de
peu de durée
de durée , mais encore de difficile
transport dans les Pays éloignez ; ainsi
qu'il nous a paru par certaines Querimonies
inserées dans des Placets que les Députez
de ces Pays lointains nous ont presentez.
Ce Vin est tel , presque universellement
parlant , qu'il a de la peine à se
bien comporter jusqu'au signe de la Vierge
et de la Balance dans les années qu'il
est bon. Il a si peu de corps , au dire des
mêmes Commissaires , que la moindre
cau
2118 MERCURE DE FRANCE
eau suffit pour l'éteindre et l'amortir ; et
c'est mal à propos qu'on lui donneroit
l'épitette de Generofum. Quiconque veut
le garder chaste et sans alteration doit
>
و
mettre en pratique une espece de Paradoxe
, c'est-à- dire , qu'il faut nécessairement
qu'il le marie avec d'autre Vin ,
sinon sa propre vertu fait voir combien
d'elle-même elle est fragile et caduque.
Il est Capiteux , ajoutent- ils , à raison du
terrain brûlant qui le produit. C'est ce
qui fait que les Seps en sont si courts et
si petits qu'un simple fétu les soutient.
Deplus la Déesse Cybele et le Dieu Sylvain
ont certifié à nos Secretaires par plusieurs
de leurs Vassaux , qu'il est faux que
les habitans de la Colline Jovinienne ne
mettent rien dans leurs Vignes . Ils tirent
adroitement du Domaine voisin
appartenant au dieu Sylvain , une certaine
terre jaune qu'ils appellent du Lateux
dont ils sçavent imprégner leur
terrain blanchâtre pour en corriger le défaut,
si faire se pouvoit ; au lieu qu'Auxerre
n'a besoin ni de Lateux ni de Fumier :
Aussi n'avons nous permis d'y mettre du
Fumier dans certaines Vignes basses , qu'à
ceux de nos Vassaux , qui ont déclaré à
notre Chancelier,que ces héritages étoient
destinés à abreuver abondamment le Pay-
›
san
SEPTEMBRE 1731. 2119
-san apporteur de provisions , et à humecter
journellement le gosier du Laboureur
Artisan et de l'infatigable Vigneron : em
ploi qui est conforme à nos anciennes
Ordonnances , Registre premier.
Quant à la proposition par laquelle le
Panegyriste attribue à la vente du jus dont
nous daignons favoriser la côte de Joigny,
le nombre de mâles qu'il dit y surpasser
considerablement celui des femeles ; supposant
pour un moment la verité de son
calcul , nous disons que sa conclusion est
fausse , comme se trouvant absolument
détruite par l'experience dont les disciples
d'Hippocrate nous sont garants. Et
en nous servant de leur langage clair et
précis , nous ajoûtons qu'il prend pour
cause ce qui ne l'est pas. Ces habiles Scrutateurs
de l'origine du genre humain
admis dans notre Conseil , nous assurent
que communément, c'est en tous pays que
le nombre des mâles excede d'un peu celui
des femmes ; en quoi ils font remarquer la
sagesse du Conseil des Dieux , qui a prohibé
la Polygamie. Mais ce qu'ils observent
de plus , c'est que ce n'est pas
dans
quelques Villes de pays de Vignobles seulement
qu'on trouve le nombre de mâles
excéder notablement celui de l'autre sexe ;
ils ajoûtent que cela se rencontre aussi
dans
2120 MERCURE DE FRANCE
›
dans des Villes où le mauvais usage est
resté de ne dissoudre les Alimens et de
n'éteindre la soif qu'avec dujus de pomme,
ou avec une certaine eau bouillie , et même
dans des Pays , où par un effet de notre
colere , les Animaux raisonnables et
les irraisonnables usent d'une seule et même
boisson. Les Habitans des Ifles Britanniques
, bons connoisseurs, de notre Vin
de Bourgogne se sont donné la peine
de faire là - dessus des supputations qui
sont restées sans replique. ( a )
و
Toutes ces raisons pesées et murement
examinées , dans notre Conseil , les Hippocrates
et les Galiens de toutes les Nations,
duement appellez , et entendus, ensemble
les Echansons de tous les Dieux
nos Freres ; NOUS DECLARONS les Vins
de notre bonne Ville d'Auxerre à perpetuité
superieurs en qualité à ceux de
Joigny , ainsi qu'ils l'étoient par le passé
et qu'ils le sont actuellement . Voulons
en outre que l'on mette dans le même
rang de superiorité tous Vignobles dont
les Vins supportent la limphe , ct qui au
lieu de se laisser vaincre par ce foible
Element , le parfument du goût de la
celeste ambrosie , que les Mortels appel-
( a ) Lifez les Transactions Philosophiques ,
Du Journaux de l'Académie des Sciences de`
Londres.
lent
SEPTEMBRE . 1731. 272T
lent du nom de Pinot , (i) et donnent
réellement à ceux qui en usent , des forces
perseverantes et fermement inhérentes
. Accordons de grace speciale aux Vins
de Joigny d'être d'usage aux déj ûnez de
nos Courtisans, qui les ont reconnus suffisamment
apéritifs et proportionnez à
l'exercice qu'ils prennent. Permettons pareillement
à notre Grand Bouteillier de
nous en servir au même repas , avec deffenses
, sous peine de leze- Majesté , de
nous en présenter en d'autres temps , et
sur tout à l'heure du coucher de Phébus,
et lorsque Morphée vient nous inviter
au repos. Deffendons d'usurper le titre
de superiorité , à tous Vignobles dont les
Vins ne donnent que de ces forces passageres
, qu'on ne voit briller que durant
quelques jours , lesquels n'étant point éta-
Blis sur celui de notre Jus qui a le plus
de solidité , disparoissent aisément , s'évanoüissent
à la longueur du travail , et
font succomber les Champions qui en
usoient habituellement , par un aveu forcé
de leur foiblesse et de leur insuffisance.
(a) Le Pinot est une espece de Raisin noir,
qui fait le meilleur Vin. Les Comptes de la
Ville d'Auxerre pariant des Présens de Vin ,
faits aux Princes , specifient ordinairement
qu'ils sont de Vin de Pinet,
D Faisons
2122 MERCURE DE FRANCE
Faisons les mêmes deffenses et prohibitions
à tous Vignobles quelconques , dont
les Vins contiennent trop de ce Nitre fatal
aux intestins des Buveurs , comme
étant sujets à y causer une relaxation qui
devient sensible et deshonnorante , lorsqu'elle
concourt avec certains exercices du
corps au milieu des chaleurs de la Canicule.
(a)
Er sera notre presente Déclaration affichée
ès Carrefours de la Ville de Joigny
, à ce que nul n'en ignore , et publiée
chaque année esdits lieux aux jours
suivans , par Nous spécialement choisis ,
pour raisons à Nous connues ; sçavoir
en. Août le jour de la Consecration, des,
Autels de la Déesse Ops et de Cérès . (b)
Item. En Septembre , le jour de la Dé-
(a) Il est clair que Bacchus veut parler ici
de l'antiperistase qui éclatta à Auxerre les premiersjours
d'Août de l'an 1723. lorsque le Vin
de cette Ville commença à combattre la bile
formée delongue main dans le corps des Joueurs
de Paulme de Joigny..
(b) Bacchus parle ici suivant le Calendrier
des anciens Romains ; Les quatre jours qu'il
indique répondent au 10. Août , 14. Septembre
1. Octobre et 1. janvier , jours des quatre For-
RES deJoigny et par consequent de grand concours.
C'est celle du 10. Août qui est la cause
du choix qu'a fait Bacchus.
dicace
SEPTEMBRE. 1731. 2823
dicace du Temple de Jupiter Capitolin.
De plus , aux Calendes d'Octobre et de
Janvier. SI MANDONS à nos Baillifs.
et Sénechaux , &c.
Il n'est
pas
nécessaire , Messieurs , de
vous prier de rendre publique une Ordonnance
si juste et si équitable , et à laquelle
#outes les Langues les plus fines de Paris et
des Pays- Bas ne manqueront pas d'applandir.
J'aurois souhaité d'en trouver un plus
grand nombre de pareille nature dans ce
précieux in Folio , qui me fût communiqué
fort poliment par l' Archiviste du Dieu Bac
chus. Mais je me souviens que cette Ordonnance
étoit la seule dans son genre , et qu'après
elle le Volume n'en contenoit qu'une à
baquelle le Sceau venoit d'être mis tout recem
ment après la tenue des Etats Generaux. C'est
celle qui défend de planter de la Vigne dans
des endroits qui ne conviennent point à ce
Bois. Cette derniere Ordonnance vient d'être
heureusement notifiée dans le Royaume de
France par les Publications et Placards ordinaires
; et il faut esperer que l'on tiendra la
main à son observation.
Je suis & c. ce 12. Juillet 1731.
Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
J4y fait depuis peu , Messieurs
, un
voyage assezsubit et singulier.Fay visité
sans le secours d'aucun guide ni d'aucune
voiture, les Châteaux et les Palais des Dieuxdu
Paganisme. A ce langage , vous vous·
imaginez que mon voyage a dû être de longue
durée , et vous ne vous tromperiez pas,
SZ
SEPTEMBRE. 1731. 2107
si je l'eusse fait physiquement ; mais la verité
est que je n'ay voyagé qu'en esprit. Fe
n'ai point marqué sur mes Tablettes le jour
de mon départ ; je sçai seulement que je
commençai à parcourir tous ces Palais et
ces Châteaux un certain soir du mois de
Fevrier dernier, auquel les fumées du repas
ne m'incommodoient pas beaucoup , et j'ai
idée que le Soleil étoit déja pour lors dans
le Signe des Poissons . Quel qu'ait été mon
voyage , et qu'elle qu'en ait été la cause , me
voila heureusement de retour ; j'ai rapporté
avec moi certaines Ordonnancės assez curieuses
, que les Bibliothequaires de ces Palais,
plus complaisans et moins formalistes
que certains d'Italie , m'ont permis de transcrire
de dessus les Registres dont ils ont la
garde.
En parcourant le Recueil des Déclarations
du Dieu Bacchus , qui est écrit en belles
lettres d'or sur un Velin couleur de Pourpre,
grand in folio , j'en ai apperçû une qui m'a
frappé plus que toutes les autres. Je pense que
c'est l'avant derniere du volume. Sur le champ
j'en ai tiré une copie , avec la résolution de
m'en servir dans l'occasion. Cette occasion
s'est presentée , Messieurs , plutôt que je ne
Faurois crû ; car à peine étois-je un pew
remis de mon vryage spirituel vers le milieu
du mois de Mars , quun de mes amis m'en..
Cvj tendant
1108 MERCURE DE FRANCE
tendant plaindre à table d'un certain vin
clairet et leger que l'on m'avoit servi , tira
de sa poche le Mercure de Fevrier 1731-
et my fit voir à la page 271. un Ecrit que
j'ai reconnu à l'instant être celui que le Dieu
Bacchus a eù en vue de faire supprimer par
son Ordonnanoe. Je vous laisse à juger du
rapport que ces deux Pieces ont l'une avec
l'autre. J'en retranche une partie du préambule
qui est dans le style ordinaire des Sonverains
, et qui ne vous apprendroit autre
chose que les Provinces et les Seigneuries qui
composent le vaste Empire de cette Divinité.
ORDONNANCE du Dieu Bacchus,
donnée dans le Printemps dernier.
fils de Jupiter dit ......
Biber , Lycus , Lenæus , Osyris ,
Dionysus , &c. Jadis la Déesse de la Paix
accorda les differends qui s'étoient élevez
entre la Bourgogne et la Champagne , sur
la primauté du Fruit qui nous est consacré
dans l'étendue de ces deux Provinces
des Gaules ; il y avoit eû force procedures
écrites , mainte Poësie signifiée de part
et d'autre , Pourchot et Grenan , plaidans
pour la Bourgogne , et Coffin pour la
Champagne. (4) Cette bonne Déesse en-
(a) Voyez le Procès Poëtique , imprimé à Paris
an 1712. chez la veuve de Claude Thiboust .
fin
SEPTEMBRE 1731. 2109
in trouva le secret de les mettre tous
d'accord ; elle fit verser dans une grande
Couppe une quantité égale de vin de
Bourgogne et de Champagne , et soudain
ayant fait gouter de ce mêlange aux deux
Partis , ils mirent les armes bas , la Champagne
cedant l'honneur à la Bourgogne ,
dont le vin avoit dominé dans la Couppe
, en gout , en couleur et en force.
Aujourd'hui un Ecrivain récemment
formé sur le Rivage de l'Yonne , réveille
en quelque sorte ce Procès , qui avoit
été jugé définitivement. Il semble avoir
pour but dans son raisonnement de donner
gain de cause à la Champagne , essayant
de faire comprendre que des vins
tendres , peu colorez , de peu de durée ,
et qui de plus ont un goût de terroir ,
doivent aller de pair avec des vins qui
ent du corps , une couleur bien rosée ,
qui sont francs , bien - faisans , amis de
l'estomach , et dont la séve est fine en
même-temps qu'elle est mâle et vigoureuse.
Et ce qu'il y a encore de plus sur
prenant dans son procedé, c'est qu'il prétend
être bon Bourguignon , en écrivant,
comme il fait , en faveur de ces vins tendres
et délicats .
Ce trop zelé Partisan fait paroître sur
les rangs Joigny , petite Ville , qu'il lui
plaît
110 MERCURE DE FRANCE
plaît de placer dans notre Province de
Bourgogne , quoiqu'elle n'y soit point
comprise , suivant l'exacte Géographie de
notre Empire ; et après avoir égalé ses
vins à ceux de notre bonne et ancienne
Ville d'Auxerre , de tout temps renfermée
dans notre Cercle de Bourgogne ,
il pousse la prévention et l'audace jusqu'à
leur donner le dessus. Oubliant lui - même
d'où il est natif , et faisant semblant
de ne pas appercevoir que c'est l'amour
aveugle de sa Patrie qui le rend Auteur,
il va jusqu'à reprocher à notre zelé Analiste
d'Auxerre , duquel Mercure nous
a fait voir les Ecrits , de s'être trop étendu
par l'effet du même amour , à rapporter
les avantages de son Pays. Nous DECLARONS
que nous aimons tous nos fideles
Sujets ; mais nous devons aussi rendre.
justice à qui elle appartient , et réfuter
ce qui mérite de l'être. Sans nous arrê
ter à remarquer que l'Avocat des vins
de joigny pourroit avoir besoin de passer
quelques mois , tant sur le Parnasse
que
dans l'une de nos Universitez , pour
y apprendre à discerner les vins par la fréquentation
des personnages versez en cette
Scienće , et à ne pas prodiguer , comme
il fait , les Citations des Poëtes Latins
dont il abuse quelquefois. Nous disons.
>
qu'il
SEPTEMBRE. 1731. 21FT
qu'il paroît par son langage qu'il n'a jamais
vû de ses yeux ces Vignobles qui
sont si renommez dans nos Etats , qu'à
l'entendre raisonner il semble que jamais:
il n'est sorti des limites de son petit Ter--
ritoire , si ce n'est peut-être pour venir à
Auxerre considerer superficiellement la
situation des Côteaux .
Si ce jeune Ecrivain avoit voulu se détromper
serieusement et de bonne foi ,
ainsi que font tous ceux qui sont étroitement
attachez à notre service , il auroit
pû recourir à nos Papiers - Terriers de
Coulanges - les - Vineuses , à ceux de nos:
Vignobles d'autour de Beaune et des environs,
de Nuys , Volnay , Pomar , Chase
sagne , à ceux des climats du clos de Vougeot
, ( a ) Champbertin , Savigny , la
Romance les Serrieres proche Dijon
et les côtes de Chenove auprès de la
même Ville. Il y auroit appris par les
Declarations circonstanciées de nos féaux
et amez sujets qui peuplent ces cantons ,
que les Vignes qu'ils appellent des meilleurs
endroits et du produit le plus ex-
,
3-
( a ) Vougeot est un Village entre Dijon &
Nuys , où M. l'Abbé de Citeaux a un. Clos de
Vignes très- vaste et presque tout plat , lequel
cependant produit un Vin très- excellent , contre
la Maxime de l'Avocat des Vins de Joigny.
cellent
2111 MERCURE DE FRANCE
cellent , ne sont pas situées dans un territoire
dont l'extension soit comme perpendiculaire
du Ciel vers la Terre , ainsi
qu'il se figure par une idée bizarre , que
doivent être plantées les Vignes d'une
qualité superieure. Pour peu qu'il eût
jetté la vue sur les Cartes Topographiques
qui décorent les murs de nos sallons ,
il y eût appris que dans les côteaux de
Vignes , il y a la Region suprême , la
moyenne et l'inferieure ; que comme ce
n'est pas dans la region la plus basse , la
plus applanie ou la plus inondée que croît
le meilleur vin , ce n'est pas non plus
dans la Region la plus échauffée ou la
plus chauve , et pour parler humainement
, que ce n'est pas dans le plus roide
de la côte qu'on recueille ce Vin supe ♣
rieur et transcendant , mais que c'est dans
la naissance du plis des côteaux , parce
que c'est comme le lieu de concentration ,
tant des sucs choisis de la Terre , que de
la refléxion des rayons solaires . De- là
vient que dans la Capitale de Bourgogne ,
on appelle cet endroit Le Rognon de la Côte.
L'un de nos Geographes qui connoît jusqu'aux
moindres cantons de nos Etats ,
se donna autrefois la peine d'enluminer
de couleur rouge les endroits de ces Cartes
Topographiques , dont les Vignes
sont
SEPTEMBRE. 1731. 2113
•
sont dans la situation la plus heureuse
et dont le grain de terre est en même
temps le plus favorable.
Après l'exhibition qui nous a été faite
de ces Cartes , nous déclarons n'avoir apperçû
que quelques legers coups de pinceau
sur les côtes de Joigny , au lieu que
les climats des environs d'Auxerre sont
presque tous chargez de riches et nombreux
traits de ce pinceau décisif , qui
marquent que ce qui constituë radicalement
le bon vin , y est commun et ordinaire
, c'est-à - dire › que generalement
parlant , les Vignes d'autour notre bienaimée
Ville d'Auxerre sont dans une
و
bonne exposition et qu'elles naissent
dans un grain de terre qui n'est vitié ni
par des veines nitreuses ni par une superficie
sulfureuse. Ces coups de pinceau se
trouvent abondamment
marquez entre
autres Climats , sur ceux de la Chainette,
Migraine , Boivin , Clerion , qui sont au
Septentrion
et à l'Occident de la Ville ,
et sur plus de vingt autres qui sont au
levant et au midi de la même Ville , à
une demi - lieue , ou un peu plus de distance
, dont les productions
par une
licence que jusqu'ici nous avons tolerée ,
quoique contraire à la sincerité de notre
caractere , ne sont point distribuées dans
,
>
la
2114 MERCURE DE FRANCE
la Capitale des Gaules et plus loin , sous
d'autre nom que sous celui de Vin de
Coulanges .
En vain le zelateur des Vins de Joigny,
mal instruit du prix des Vins de notre
illustre Ville d'Auxerre , voudroit - il les
abaisser jusqu'à les mettre de Niveau avec
ceux de sa Patrie. Les Historiens de nos
Etats marquent dans leurs Annales Latines
, qu'en tout temps les Vins d'Autricum
Senonum se sont vendus le double ou
environ des Vins de Joviniacum : Et même
notre Controlleur General nous ayant
representé le Registre de l'Année courante
, nous y avons vû que le Vin de la
derniere récolte , que le Partisan vante
tant , a été débité à Auxerre , à un prix
une fois plus haut que celui du cru de
Joigny. ( a ) Nous ne croyons point qu'il
y ait mortel assez téméraire pour oser
s'inscrire en faux contre un témoignage
si authentique. On sçait que nous sommes
disposez à punir de peines très- séveres
les faussaires ou les faux témoins s'il
( a ) Les Vins du plus haut prix à Joigny
n'ont pas êté à 80. livres le Muid , au lieu qu'à
Auxerre ils ont été vendus 130. et 140. livres
quoique les Tonneaux ne soient pas plus grands ,
et qu'il y ait un plus grand éloignement de la
Ville de Paris.
s'en
SEPTEMBRE. 1731. 2215
s'en trouvoit sur nos Terres , et que nous
les condamnerions à user le reste de leurs
jours d'une boisson , qui n'est ni rare ni
délicieuse.
Si après le temps de l'Hyver il reste
peu de Vins dans notre Vignoble de Joigny
, il n'est pas besoin que nous en rapportions
ici la cause ; elle est connuë du
Bourgeois comme du Vigneron ; ils
avouent franchement l'un et l'autre que
leur liqueur est de peu de garde. Qui
pourroit après cela les blâmer de ce qu'ils
s'en défont promptement ? Deplus , leur
territoire n'est point de l'étenduë dont
est celui de notre bonne Ville d'Auxerre
ni fertile au même point. Il est notoire
par la simple confrontation des Inventaires
dressez par nos Inquisiteurs modernes
, ( a ) que les reservoirs soûterrains de
Joigny n'ont jamais eû l'honneur de contenir
dans leur capacité une quantité égale
à celle de nos reservoirs d'Auxerre.
Cette Ville qui est la clef de notre incomparable
Province de Bourgogne ,
jouit d'un Territoire si avantagé des bénignes
influences des autres Divinitez qui
nous sont amies , qu'avec la qualité du
( a ) On entend sous ce nom les Tabeliers qui
wont depuis peu dans les Caves , pour prendre
le nombre des Tonneaux pleins.
Raisin J
2118 MERCURE DE FRANCE
Raisin , il y en a toujours une quantité
qui excede celle du produit de Joigny.
Phoebus et Cybele semblent s'être accordez
à le combler de leurs bienfaits . Auxerre
a mille et mille côteaux renfermez
dans des sinuositez tortueuses qui regnent
en differens vallons ; et le Vignoble de
Joigny n'est, pour ainsi dire, qu'un simple
revers d'une ou de deux Montagnes , sur
lequel est arboré celui des Domaines du
Dieu Sylvain , que l'antiquité appelle
La Forêt d'Othe. Outre cela , par une justice
qui étoit dûë au Territoire d'Auxerre,
ancienne Cité Romaine , nous l'avons
aggrandi de diverses Colonies celebres
qui lui sont soumises à trois et quatre
lieuës vers la Region Australe , et qui le
regardent comme le chef- lieu .
د
Telles sont ces Colonies , dites Vineufes
par excellence ; tel est Irancy , Jussy
Ecouleves , la Palote &c. Joigny au contraire
, au rapport des Enquêteurs nos
Commissaires en cette Partie , n'est qu'un
simple Château qui sert de Rempart au
Territoire du Dieu Sylvain ci - dessus
nommé , autour duquel Château , l'on a
fait disparoître depuis fort peu de siécles ,
l'Arbre Favori des Druides Gaulois , pour
y planter de notre Bois tortu . Mais pour
çe faire , il a bien fallu de nécessité prendre
SEPTEMBRE . 1731 . 2117
dre le terrain tel qu'il s'est presenté , terrain
caustique , rempli de craye , de cailloux
enflâmez et petillans , terrain que
nous regardons comme une écume recuite
de la Bourbe qu'engendra sur plusieurs
Côtes de l'Univers le mêlange des Fleuves
et des Mers au siécle de Deucalion. C'est
ce qui fait que dans les années les plus favorisées
par Phoebus notre frere pour les
bons Vins , ceux de Joigny ont un goût
que les Mortels appellent fort à propos
goût de Terroir ; ne sont point francs ,
sentent le Tufou le Crayon ; et plus les
rayons de Phoebus ont été violemment
lancés , plus il est besoin de faire sur les
Cuves une salutaire injection d'une lymphe
benigne et temperative.
et
Le Vin de Joigny au rapport des mêmes
Enquêteurs , est non - seulement de
peu de durée
de durée , mais encore de difficile
transport dans les Pays éloignez ; ainsi
qu'il nous a paru par certaines Querimonies
inserées dans des Placets que les Députez
de ces Pays lointains nous ont presentez.
Ce Vin est tel , presque universellement
parlant , qu'il a de la peine à se
bien comporter jusqu'au signe de la Vierge
et de la Balance dans les années qu'il
est bon. Il a si peu de corps , au dire des
mêmes Commissaires , que la moindre
cau
2118 MERCURE DE FRANCE
eau suffit pour l'éteindre et l'amortir ; et
c'est mal à propos qu'on lui donneroit
l'épitette de Generofum. Quiconque veut
le garder chaste et sans alteration doit
>
و
mettre en pratique une espece de Paradoxe
, c'est-à- dire , qu'il faut nécessairement
qu'il le marie avec d'autre Vin ,
sinon sa propre vertu fait voir combien
d'elle-même elle est fragile et caduque.
Il est Capiteux , ajoutent- ils , à raison du
terrain brûlant qui le produit. C'est ce
qui fait que les Seps en sont si courts et
si petits qu'un simple fétu les soutient.
Deplus la Déesse Cybele et le Dieu Sylvain
ont certifié à nos Secretaires par plusieurs
de leurs Vassaux , qu'il est faux que
les habitans de la Colline Jovinienne ne
mettent rien dans leurs Vignes . Ils tirent
adroitement du Domaine voisin
appartenant au dieu Sylvain , une certaine
terre jaune qu'ils appellent du Lateux
dont ils sçavent imprégner leur
terrain blanchâtre pour en corriger le défaut,
si faire se pouvoit ; au lieu qu'Auxerre
n'a besoin ni de Lateux ni de Fumier :
Aussi n'avons nous permis d'y mettre du
Fumier dans certaines Vignes basses , qu'à
ceux de nos Vassaux , qui ont déclaré à
notre Chancelier,que ces héritages étoient
destinés à abreuver abondamment le Pay-
›
san
SEPTEMBRE 1731. 2119
-san apporteur de provisions , et à humecter
journellement le gosier du Laboureur
Artisan et de l'infatigable Vigneron : em
ploi qui est conforme à nos anciennes
Ordonnances , Registre premier.
Quant à la proposition par laquelle le
Panegyriste attribue à la vente du jus dont
nous daignons favoriser la côte de Joigny,
le nombre de mâles qu'il dit y surpasser
considerablement celui des femeles ; supposant
pour un moment la verité de son
calcul , nous disons que sa conclusion est
fausse , comme se trouvant absolument
détruite par l'experience dont les disciples
d'Hippocrate nous sont garants. Et
en nous servant de leur langage clair et
précis , nous ajoûtons qu'il prend pour
cause ce qui ne l'est pas. Ces habiles Scrutateurs
de l'origine du genre humain
admis dans notre Conseil , nous assurent
que communément, c'est en tous pays que
le nombre des mâles excede d'un peu celui
des femmes ; en quoi ils font remarquer la
sagesse du Conseil des Dieux , qui a prohibé
la Polygamie. Mais ce qu'ils observent
de plus , c'est que ce n'est pas
dans
quelques Villes de pays de Vignobles seulement
qu'on trouve le nombre de mâles
excéder notablement celui de l'autre sexe ;
ils ajoûtent que cela se rencontre aussi
dans
2120 MERCURE DE FRANCE
›
dans des Villes où le mauvais usage est
resté de ne dissoudre les Alimens et de
n'éteindre la soif qu'avec dujus de pomme,
ou avec une certaine eau bouillie , et même
dans des Pays , où par un effet de notre
colere , les Animaux raisonnables et
les irraisonnables usent d'une seule et même
boisson. Les Habitans des Ifles Britanniques
, bons connoisseurs, de notre Vin
de Bourgogne se sont donné la peine
de faire là - dessus des supputations qui
sont restées sans replique. ( a )
و
Toutes ces raisons pesées et murement
examinées , dans notre Conseil , les Hippocrates
et les Galiens de toutes les Nations,
duement appellez , et entendus, ensemble
les Echansons de tous les Dieux
nos Freres ; NOUS DECLARONS les Vins
de notre bonne Ville d'Auxerre à perpetuité
superieurs en qualité à ceux de
Joigny , ainsi qu'ils l'étoient par le passé
et qu'ils le sont actuellement . Voulons
en outre que l'on mette dans le même
rang de superiorité tous Vignobles dont
les Vins supportent la limphe , ct qui au
lieu de se laisser vaincre par ce foible
Element , le parfument du goût de la
celeste ambrosie , que les Mortels appel-
( a ) Lifez les Transactions Philosophiques ,
Du Journaux de l'Académie des Sciences de`
Londres.
lent
SEPTEMBRE . 1731. 272T
lent du nom de Pinot , (i) et donnent
réellement à ceux qui en usent , des forces
perseverantes et fermement inhérentes
. Accordons de grace speciale aux Vins
de Joigny d'être d'usage aux déj ûnez de
nos Courtisans, qui les ont reconnus suffisamment
apéritifs et proportionnez à
l'exercice qu'ils prennent. Permettons pareillement
à notre Grand Bouteillier de
nous en servir au même repas , avec deffenses
, sous peine de leze- Majesté , de
nous en présenter en d'autres temps , et
sur tout à l'heure du coucher de Phébus,
et lorsque Morphée vient nous inviter
au repos. Deffendons d'usurper le titre
de superiorité , à tous Vignobles dont les
Vins ne donnent que de ces forces passageres
, qu'on ne voit briller que durant
quelques jours , lesquels n'étant point éta-
Blis sur celui de notre Jus qui a le plus
de solidité , disparoissent aisément , s'évanoüissent
à la longueur du travail , et
font succomber les Champions qui en
usoient habituellement , par un aveu forcé
de leur foiblesse et de leur insuffisance.
(a) Le Pinot est une espece de Raisin noir,
qui fait le meilleur Vin. Les Comptes de la
Ville d'Auxerre pariant des Présens de Vin ,
faits aux Princes , specifient ordinairement
qu'ils sont de Vin de Pinet,
D Faisons
2122 MERCURE DE FRANCE
Faisons les mêmes deffenses et prohibitions
à tous Vignobles quelconques , dont
les Vins contiennent trop de ce Nitre fatal
aux intestins des Buveurs , comme
étant sujets à y causer une relaxation qui
devient sensible et deshonnorante , lorsqu'elle
concourt avec certains exercices du
corps au milieu des chaleurs de la Canicule.
(a)
Er sera notre presente Déclaration affichée
ès Carrefours de la Ville de Joigny
, à ce que nul n'en ignore , et publiée
chaque année esdits lieux aux jours
suivans , par Nous spécialement choisis ,
pour raisons à Nous connues ; sçavoir
en. Août le jour de la Consecration, des,
Autels de la Déesse Ops et de Cérès . (b)
Item. En Septembre , le jour de la Dé-
(a) Il est clair que Bacchus veut parler ici
de l'antiperistase qui éclatta à Auxerre les premiersjours
d'Août de l'an 1723. lorsque le Vin
de cette Ville commença à combattre la bile
formée delongue main dans le corps des Joueurs
de Paulme de Joigny..
(b) Bacchus parle ici suivant le Calendrier
des anciens Romains ; Les quatre jours qu'il
indique répondent au 10. Août , 14. Septembre
1. Octobre et 1. janvier , jours des quatre For-
RES deJoigny et par consequent de grand concours.
C'est celle du 10. Août qui est la cause
du choix qu'a fait Bacchus.
dicace
SEPTEMBRE. 1731. 2823
dicace du Temple de Jupiter Capitolin.
De plus , aux Calendes d'Octobre et de
Janvier. SI MANDONS à nos Baillifs.
et Sénechaux , &c.
Il n'est
pas
nécessaire , Messieurs , de
vous prier de rendre publique une Ordonnance
si juste et si équitable , et à laquelle
#outes les Langues les plus fines de Paris et
des Pays- Bas ne manqueront pas d'applandir.
J'aurois souhaité d'en trouver un plus
grand nombre de pareille nature dans ce
précieux in Folio , qui me fût communiqué
fort poliment par l' Archiviste du Dieu Bac
chus. Mais je me souviens que cette Ordonnance
étoit la seule dans son genre , et qu'après
elle le Volume n'en contenoit qu'une à
baquelle le Sceau venoit d'être mis tout recem
ment après la tenue des Etats Generaux. C'est
celle qui défend de planter de la Vigne dans
des endroits qui ne conviennent point à ce
Bois. Cette derniere Ordonnance vient d'être
heureusement notifiée dans le Royaume de
France par les Publications et Placards ordinaires
; et il faut esperer que l'on tiendra la
main à son observation.
Je suis & c. ce 12. Juillet 1731.
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Résumé : VOYAGE dans les Etats de Bacchus. Lettre écrite aux Auteurs du Mercure.
La lettre adressée aux auteurs du Mercure relate un voyage spirituel effectué par l'auteur dans les États de Bacchus en février 1731. Ce périple a permis à l'auteur de visiter les châteaux et palais des dieux du paganisme et de transcrire des ordonnances trouvées dans leurs bibliothèques. L'une de ces ordonnances, datée du printemps précédent, traite d'un ancien différend entre la Bourgogne et la Champagne concernant la primauté du vin. La déesse de la Paix avait tranché en faveur de la Bourgogne, dont le vin avait dominé dans un mélange testé par les deux parties. Un écrivain récent de l'Yonne a relancé ce débat en faveur des vins de Champagne, qualifiés de tendres et délicats, contrairement aux vins bourguignons, décrits comme ayant du corps et une couleur bien rosée. L'ordonnance de Bacchus réfute ces arguments, soulignant que les vins de Bourgogne proviennent de terroirs exceptionnels et sont reconnus pour leur qualité supérieure. Elle critique l'écrivain pour son manque de connaissance des vignobles bourguignons et son utilisation abusive des citations poétiques. L'ordonnance met en avant la supériorité des vins d'Auxerre et des environs, soutenue par des documents historiques et des inventaires modernes. Les vins de Joigny sont décrits comme de faible garde et produits dans des terroirs moins favorables. Ils ont un goût de terroir, sentent le tuf et le crayon, et sont de courte durée, s'altérant facilement même avant la fin de l'été. Leur faible corps les rend sensibles à l'eau, nécessitant souvent d'être mélangés avec d'autres vins pour éviter l'altération. Les vignerons de Joigny utilisent du 'lateux', une terre jaune tirée du domaine voisin, pour améliorer leur terroir. En revanche, les vins d'Auxerre n'ont pas besoin de tels amendements et sont jugés supérieurs en qualité. Ils sont reconnus pour leur solidité et leur capacité à résister à l'eau. Les vins de Joigny sont autorisés pour les déjeuners des courtisans mais interdits à d'autres moments. Le texte se conclut par des instructions pour afficher et publier ces déclarations à Joigny à des dates spécifiques.
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439
p. 2124-2126
A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
Début :
Jeune C *** vous exigés [...]
Mots clefs :
Honneur, Muse, Apollon
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texteReconnaissance textuelle : A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
A Mc C ***
Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit
fon Mari.
J
Eune C *** vous exigés
Qu'à votre honneur ma Muse rime
Hélas ! à quoi vous m'engagez !
Vous avez un droit légitime
Sur l'Encens du sacré Vallon ;
Je le sçai fort bien , les Catules ,
Les Ovides et les Tibules ,
Solliciteroient Apollon
Pour obtenir la préférence
Qu'à ma veine vous accordez ;
J'en ai de la reconnoissance ,
Plus que vous ne m'en demandez ,
Mais réfléchissez-y , ma chere ,
Me sieroit-il à moi de faire
Le Portrait de ces doux appas
Qui sçavent fixer sur vos pas
L'Amour quittant pour vous sa Mere ?
Me sieroit-il pareillement
De craioner votre enjoument,
Cette humeur folichone et vive
Que suit toujours l'Amusement ,
Sans
SEPTEMBRE 1731. 2125
Sans que jamais l'ennui le suive
Si j'avois fait un tel Tableau
D'abord les Plaisans de Cithere
Apostrophans de mon Pinceau
La complaisance débonnaire
D'un Brevet ou d'un Petpouri ,
( Calotinique Récompense )
Auroient pour moi fait la Dépense ;
Sur-tout Amour auroit bien ri,
En s'écriant , ho ! la bonne ame !
Il fait l'Eloge de sa femme !
Est-ce là l'Emploi d'un Mari ›
Ce n'est son fait que la louange ;
Abandonne ce ton étrange ;
L'Hymen n'est pas Complimenteur.
Quand par hazard peu vrai-semblable ,
Un Epoux , rare Adorateur ,,
Ose vanter sa femme aimable ,
Er persuade l'Auditeur ,
C'est lui que
par notre Orateur
De son récit déraisonnable
Est bien-tôt justement puni.
Le Roi ( * ) GANDAULE en a fourni
Un Exemple assez mémorable.
Et nous apprend qu'il faut céler "'
* Candaule , Roi impudent. Ilperdit le Throne
et la vie , pour avoir fait voir dans le Bain la
Reine sa femme à un Seigneur de sa Cour , qui
en devint amoureux,
Diij
Un
2126 MERCURE DE FRANCE
; Un bonheur souvent rédoutable
Oui , plus l'Epouse est adorable
Et moins l'Epoux en doit parler.
Lá Maxime est sage et discrete ,
Si tu la suis exactement ,
Tu vas garder parfaitement
Un silence d'Anacorette.
Renguaine donc ton compliment :
Ta moitié doit être éxaltéc
Par la Plume de quelque Amant
Qui s'en acquite galament ; ..... 2
Que la Belle sera fêtée ,
Si tous les coeurs qu'elle a surpris
De ses Attraits chantent le prix !
Pour elle tu verras éclore
Plus de Vers qu'à Petrarque épris
Je n'en ai dictés pour sa ( * ) Laure.
* Laure , Beauté mille et mille fois célébrés
dans les Sonnets de Petrarque.
Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit
fon Mari.
J
Eune C *** vous exigés
Qu'à votre honneur ma Muse rime
Hélas ! à quoi vous m'engagez !
Vous avez un droit légitime
Sur l'Encens du sacré Vallon ;
Je le sçai fort bien , les Catules ,
Les Ovides et les Tibules ,
Solliciteroient Apollon
Pour obtenir la préférence
Qu'à ma veine vous accordez ;
J'en ai de la reconnoissance ,
Plus que vous ne m'en demandez ,
Mais réfléchissez-y , ma chere ,
Me sieroit-il à moi de faire
Le Portrait de ces doux appas
Qui sçavent fixer sur vos pas
L'Amour quittant pour vous sa Mere ?
Me sieroit-il pareillement
De craioner votre enjoument,
Cette humeur folichone et vive
Que suit toujours l'Amusement ,
Sans
SEPTEMBRE 1731. 2125
Sans que jamais l'ennui le suive
Si j'avois fait un tel Tableau
D'abord les Plaisans de Cithere
Apostrophans de mon Pinceau
La complaisance débonnaire
D'un Brevet ou d'un Petpouri ,
( Calotinique Récompense )
Auroient pour moi fait la Dépense ;
Sur-tout Amour auroit bien ri,
En s'écriant , ho ! la bonne ame !
Il fait l'Eloge de sa femme !
Est-ce là l'Emploi d'un Mari ›
Ce n'est son fait que la louange ;
Abandonne ce ton étrange ;
L'Hymen n'est pas Complimenteur.
Quand par hazard peu vrai-semblable ,
Un Epoux , rare Adorateur ,,
Ose vanter sa femme aimable ,
Er persuade l'Auditeur ,
C'est lui que
par notre Orateur
De son récit déraisonnable
Est bien-tôt justement puni.
Le Roi ( * ) GANDAULE en a fourni
Un Exemple assez mémorable.
Et nous apprend qu'il faut céler "'
* Candaule , Roi impudent. Ilperdit le Throne
et la vie , pour avoir fait voir dans le Bain la
Reine sa femme à un Seigneur de sa Cour , qui
en devint amoureux,
Diij
Un
2126 MERCURE DE FRANCE
; Un bonheur souvent rédoutable
Oui , plus l'Epouse est adorable
Et moins l'Epoux en doit parler.
Lá Maxime est sage et discrete ,
Si tu la suis exactement ,
Tu vas garder parfaitement
Un silence d'Anacorette.
Renguaine donc ton compliment :
Ta moitié doit être éxaltéc
Par la Plume de quelque Amant
Qui s'en acquite galament ; ..... 2
Que la Belle sera fêtée ,
Si tous les coeurs qu'elle a surpris
De ses Attraits chantent le prix !
Pour elle tu verras éclore
Plus de Vers qu'à Petrarque épris
Je n'en ai dictés pour sa ( * ) Laure.
* Laure , Beauté mille et mille fois célébrés
dans les Sonnets de Petrarque.
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Résumé : A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
Dans une lettre poétique adressée à une femme surnommée 'Mc C ***', l'auteur exprime sa gratitude pour la préférence qu'elle lui accorde, la comparant à la reconnaissance que les grands poètes classiques sollicitaient d'Apollon. Il hésite à décrire les charmes de cette femme, craignant que cela ne soit inapproprié pour un mari. Il évoque les risques de moqueries et de réprimandes, notamment celle de l'Amour, qui pourrait trouver étrange qu'un mari loue sa femme. L'auteur cite l'exemple de Candaule, un roi qui perdit son trône et sa vie pour avoir montré sa femme nue à un seigneur de sa cour. Il conclut que plus une épouse est admirable, moins son époux doit en parler. Il conseille à l'époux de laisser à un amant le soin de célébrer les mérites de sa femme, afin qu'elle soit fêtée par tous les cœurs qu'elle a conquis. Il compare cette situation à celle de Pétrarque, qui écrivit de nombreux sonnets pour Laure.
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440
p. 2126-2145
LETTRE de M. à M. sur la Musique.
Début :
Nous avons eu très-souvent occasion, Monsieur, de parler Musique, vous [...]
Mots clefs :
Musique, Basse fondamentale, Dissonances, Ton majeur, Septième superflue, Quinte, Note tonique, Basse continue, Tierce mineure, Dominante
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. à M. sur la Musique.
LETTRE
de M. à M. sur la Musique.
Ous avons eu très- souvent occasion.
Monsieur , de parler Musique , vous
m'avez
SEPTEMBRE 1731. 2127
m'avez fait l'honneur de me demander
raison sur bien des choses ; et comme
vous ne m'avez pas paru satisfait de mes
réponses sur la façon de placer les accords
, de les sauver , et de les préparer ;
je viens de faire une Carte generale de
la Basse fondamentalle , après laquelle
vous trouverez une suite de gès . ét 11es.
une suite de secondes une suite de
, septiémes
en montant et en descendant , et
un éxemple pour les Dissonances ; le tout
me paroît clair et je me flate que vous
le trouverez de même. J'ay l'honneur
d'être &c.
>
Explication de la Carte generale de la
Basse fondamentale et de ses dérivés , di
visée en quatre Articles .
Il n'y a que deux accords dans la mu
sique , d'où dérivent tous les autres , sçavoir
le parfait et la septiéme ; mais il y a
trois sortes de septiéme dans la Basse fondamentale
; sçavoir, dans le ton majeur et
mineur la septième de la seconde note dut
on , et la septième de la dominante ou
cinquiéme note du ton , et dans le ton
mineur seulement la septiéme diminuće
de la note sensible ou septiéme note
du ton.
Diiij Toute
2128 MER CURE DE FRANCE
Toute note qui porte septième ou accord
parfait , est Basse fondamentale
excepté la septiéme superfluë '
comme
vous le verrez dans les articles 3. et 4º .
LaBasse Fondamentale de la seconde , est
la septième de la note au -dessus , comme
par exemple , la Basse fondamentale de
la seconde de l'ut , est le re portant septiéme
, comme vous le verrez dans le car
ticle, excepté qu'elle ne soit accompagnée
de la 11. ou 4º , et de la se. Car alors
c'est la se..en- dessus portant septiéme qui
en est la Basse fondamentale, comme vous
le verrez dans le 3 article..
La Basse fondamentale des neuvièmes
est la tierce en dessus , portante com
me par exemple , la Basse fondamentale
de la neuvième du mi est le sol , portant
7. comme vous le verrez dans le 3e. article.
Il y a une sorte de neuviéme dans le
ton mineur , accompagnée de la quinta
superfluë , qui se met sur la médiante ou
troisiéme note du ton ; elle suit toûjours
la regle de la neuviéme précedente pour
la Basse fondamentale. comme vous le
verrez dans la 3 article , où je la marquerai
par un 5. avec une croix devant pour
la distinguer des autres .
›
La B sse fondamentale des 11es ou 4es.
est la je en -dessus portant 7e , comme
Vous
SEPTEMBRE. 1731. 2129
vous le verrez dans le 2e. article , et dans
la suite des ges et 11es. , excepté qu'elle.
ne soit accompagnée de la se superfluë ,
car alors c'est la se superfluë en -dessus
portant 7. diminuée qui en est la Basse:
fondamentale.
Dans le premier Article où je traite de:
l'accord parfait de la note tonique ou note:
du ton où l'on est , et de ses derivés , vous
trouverez la sixte de la médiante ou troi- .
siéme note du ton et la sixte et quarte
de la dominante ou cinquième note du:
ton . La regle est generale pour. le majeur
et le mineur..
,
و
Dans le second Article où je traite de
la septième , de la seconde note du ton et
de ses derivés , vous trouverez dans la
premiere partie mede majeur , la sixte et .
quinte sur la quatriéme note du ton , ce
la sixte qui se met sur la sixième note du
ton en montant , en retranchant l'oc
tave de la Basse fondamentale ; et sans y
rien retrancher , vous trouverez la petitesixte
mineure , qui se met sur la sixième :
note du ton en descendant , et sur la mê
me note vous trouverez la petite sixte:
majeure en mettant tierce majeure, à la
Basse fondamentale , qui devient alorss
dominante , et la note où l'on a mis la pea
tite sixte majeure , devient seconde note:
Div. dir
2
2130 MERCURE DE FRANCE
› du ton et en remettant
la tierce
au naturel
dans
la Basse
fondamentale
, ce qui
nous
fait
revenir
à nôtre
premier
ton
vous
trouverez
la seconde
de la note
tonique
et l'accord
de petite
onzième
ou quar
te sur la
dominante
ou
cinquiéme
note
du ton en retranchant
la tierce
et la
quinte
de la Basse
fondamentale
, et ajoûtant
l'octave
de la Basse
continuë
, qu'il
faut
regarder
comme
une
note
étrangere
à l'accord
, ainsi
que la Basse
continuë
puisqu'elle
n'en
est que la répetition
.
›
>
Dans la seconde partie mode mineure ,
ou la septième de la seconde note du ton,
est accompagnée de la fausse quinte , vous
trouverez l'accord de sixte et quinte avec
la tierce mineure sur la quatrième note
du ton , et la petite sixte majeure sur la
sixième note du ton et sur la même note
vous trouverez encore la petite sixte .
superfluë , en mettant dans la Basse fondamentale
la tierce majeure , quoi qu'il
y ait une fausse quinte et remettant
la tierce au naturel , vous trouverez la
seconde de la note tonique accompagnée
de la sixte mineure.
"
Dans le troisiéme Article où je traite
de la septième de la dominante , ou cinquiéme
note du ton et de ses derivés ,
premiere partie mode majeur , vous trou
verez
SEPTEMBRE. 1731. 2131
que ,
verez la sixte mineure qui se met sur la
septiéme note du ton en descendant , en
retranchant la septième de la Basse fondamentale
qui devient alors note tonique ,
et la note où l'on a mis la sixte , en devient
la mediante , er remettant la septie
me ce qui la fait revenir dominante , vous
trouverez la fausse quinte sur la note sensible
ou septiéme note du ton en montant,
et la septiéme superfluë de la note toniaccompagnée
de la seconde et de
la onzième ou quarte et de la quinte ;
Vous trouverez encore la petite sixte majeure
sur la seconde note du ton , et la
neuviéme sur la médiante ou troisiéme
note du ton , et le triton sur la quatriéme
note du ton accompagné de la se
conde et de la sixte, en retranchant la septiéme
de la Basse fondamentale , qui feroit
octave contre la Basse continue , er
remettant la septième dans la Basse fondamentale
, et retranchant la tierce , vous
trouverez la seconde accompagnée de la
onzième ou quarte , et de la quinte sur
la note tonique.
,
J Dans la seconde partie mode mineur
vous trouverez la sixte majeure sur la
septiême note du ton en descendant , en
retranchanr la septième de la Basse fondamentale
ce qui la fait devenir note
D vj tonique,
>
2132 MERCURE DE FRANCE
tonique , et la note où est la sixte majeure
, en devient la médiante , et en remettant
la septiéme , et l'accompagnant,
de la tierce majeure , ce qui la fait revenir
do ninante , vous trouverez la quinte
superfluë sur la mediante..
,
>
Dans le quatriéme Article mode mineur,
où je traite de la septiéme diminuée
de la note sensible , ou septiéme note du,
ton et de ses derivés vous trouverez la
septiéme superfluë de la no - e tonique „
accompagnée de la seconde , de la onzié
me ou quarte et de la sixte mineure , et
la sixte majeure sur la seconde note du.
ton accompagnée de la tierce et de la,
fauss quinte , et la onzième complette.
ou quarte accompagnée de la quinte su-.
perfluë de la septième et de la neuvième
sur la médiante ou troisiéme note du ton,
et le triton sur la quatriéme note du ton .
accompagné de la tierce mineure et de
la sixte , et la neuvième min´ure sur la
dominante ou cinquiéme note du ton
et le seconde superfluë sur la sixième note
du ton.
La onzime complette et là petite onziéme
se préparent par la sixte et quinte :
et se sauvent par l'acco d de septiéme
comme vous le verrez dans la suite des
sest lies. mais la 11 accompagnée de
le
SEPTEMBRE . 1731 2133
la
5e. superfluë qui se met sur la médiante
ou troisiéme note du ton , se doit sauver
la 6e. accord ordinaire de la médiante
, parceque la se superflue doit toû
jours remonter.
par
La petite onzième se prépare encore de
plusieurs façons , par la petite e sur la
6e. note du ton ou par la 7e de la se
2..
, conde note du ton ce qui revient au
même par l'accord parfait de la note to .
nique ou par ses derivés .
Quand il y a deux onzièmes de suite
la seconde se trouve preparée par la 7e.
La neuvième se prépare et se sauve parlae.
et se excepté la 9e. accompagnée de
la se superflue , qui se sauve. par l'accord:
de 6e.. pour faire remonter tou ours la se
superflue ; mais quand il y a deux ges. de :
suite et que
la premiere est accompa
gnée de la se superflue , la seconde setrouve
préparée de la 6e. comme vous le
verrez dans la suite des ges. et iles.
Après la suite des ges, et 11es . vous trouverez
une suite dé secondes préparées etsauvées
de la 6 et je . excepté la seconde :
accompagnée de la 11. ou 4 et de las
se qu'il fut préparer par l'accord par
fait , ce qui fera faire le veritable mouvement
à la Basse fondamentale car si on:
la préparoit de la 6. et se la Basse fon-.
damentale
2134 MERCURE DE FRANCE
3
damentale iroit par degrés conjoints em
descendant d'une septième sur l'autre
mouvement qu'elle ne peut pas faire.
Quoique vous trouviez le triton dans la
suite des secondes , il n'est pas toûjours
nécessaire de le préparer , et il ne suit pas.
la regle des secondes pour être sauvé , car
on le sauve ordinairement par la sixte sur
la médiante , ou par l'accord parfait de la
note tonique , ce qui revient au même.
Après cette suite de secondes , vous trouverez
une suite de septiémes en montant ,
préparées et sauvées de 6e et se et en
descendant preparées et sauvées de petite:
6. , mais dans le ton mineur il faut sauver
la 7. de la mediante en montant par
l'accord de 6. et la septiéme de la dominante
en descendant' par la 6e. et 4 .
car si on sauvoit la premiere par la ce et
se et la seconde par la petite 6. , cela
donneroit un accord de 7e. superfluë accompagnée
de la tierce mineure dans la
Basse fondamentale ce qu'on ne doit
jamais faire.
Quoique je n'aye pas mis l'octave dans:
toutes les 7es. de cette suite , cela n'empêche
pas qu'on ne puisse la mettre dans
f'accompagnement ; toute note qui monte
de quatre ou descend de cinq demande
76 ou accord parfait.
程
SEPTEMBRE. 7731. 2135
Il faut remarquer que la seconde superflue
et la septiéme superfluë n'ont pas besoin
d'être preparées , mais qu'on sauve
la seconde superflue par un des derivés
de l'accord parfait de la note tonique , et
la 7. superfluë par l'accord parfait de la
note tonique.
Regle generale pour préparer et sauver les:
Dissonantes du dessus ou d'une partie
à la Basse.
>
Il y a deux sortes de Dissonances qu'on
appelle majeures et mineures ; les majeu
res n'ont pas besoin d'être preparées , et
se sauvent en faisant remonter d'un degré
le dessus ou la partie qui , les a faites ,
comme vous le verrez dans le premier
article de l'exemple des dissonances ; dans
les dissonances mineures , il y en a qui
n'ont pas besoin d'être preparées , et
d'autres qu'il faut preparer ; mais elles se
sauvent toutes en faisant descendre d'un
degré le dessus ou la partie qui les a faites,
excepté la seconde , où c'est la Basse qui
est obligée de descendre d'un degré
comme vous le verrez dans le second
article.
Dans le premier Article , vous trouverez
la septiéme superflue , qui se sauve par
L'octave en faisant remonter le dessus.
d'un
2136 MERCURE DE FRANCE
d'un degré la Basse tenant le même son "
la petite sixte majeure qui se sauve par la
sixte , en faisant remonter le dessus d'ún
degré et la basse d'un autre , ou par
l'oc
tave , en faisant descendre la basse d'un
degré , ce qui revient au même , la quinte
superfluë qui se sauve par la sixte , en faisant
remonter le dessus d'un degré la
Basse tenant le même son , lè triton què
se sauve par là sixte en faisant remonter
le dessus d'un degré et descendre la Bassed'un
autre ou par
l'octave , en faisant
descendre la Basse de quatre ; Enfin vous
y trouverez la seconde superfluë qui se
sauve en faisant monter le dessus d'un
degré et descendre -la Basse d'un autre par
la quarte consonante sur la dominante
c'est à-dire , accompagnée de la sixte et
de l'octave Ou
,
la sixte sur la me
par
diante , en faisant descendre la Basse.da
quatre degrés.
,
La sixte superfluë se sauve par l'octave
en faisant monter le dessus d'un degré ec
descendre la Basse d'un autre , cet accord
se met sur la sixième note du ton dans le
mode mineur pour descendre à l'accord
parfait de la dominante.
Dans le second Article , vous trouverez
la seconde qui se prepare par la sincope
de la Basse , c'est- à-dire , que si l'on veur
faire.
SEPTEMBRE. 1731 2137
3.
2
faire une seconde sur l'ut , il faut que cet
ut ait paru un temps avant que la seconde
frappe dessus , elle se sauve par la tierce,
en faisant descendre la Basse d'un degré
le dessus tenant le même son ou par la
sixte , en faisant monter le dessus de quatre
degrés ; vous trouverez la fausse quinte
qui n'a pas besoin d'être preparée , et qui
se sauve par la tierce , en faisant descendre
le dessus d'un degré et monter la Basse
d'un autre ; vous y trouverez la septième
diminuée , qu'il n'est pas toûjours necessaire
de preparer , et qui se sauve par la
sixte , en faisant descendre le dessus d'un
degré,la Basse tenant le même son , ou par
la quinte , en faisant monter la Basse d'um
degré , ou par la tierce , en faisant monter
la Basse de quatre degrés , ou descendre
de cinq , mais qui se prepare quelquefois
comme vous le verrez ensuite ; vous
y trouverez les septièmes qui se preparent
par la sincope du dessus
conde par la sincope de la Basse , et qui se
sauvent par la sixte , en faisant descendre.
le dessus d'un degré , la Basse tenant le
même son ou par la tierce , en faisant
monter la Basse de quatre degrés ou descendre
de cinq ; vous trouverez la neuviéme
qui se prepare par la sincope du
dessus comme la septième , et qui se
2.
comme la sesauve
138 MERCURE DE FRANCE
sauve par l'octave , en faisant descendre
le dessus d'un degré , la Basse tenant le
même son ; enfin vous trouverez la onziéme
ou quarte qui se prepare par la sincope
du dessus , comme la neuvième , et
qui se sauve par la dixième ou tierce , en
faisant descendre le dessus d'un degré , la
Basse tenant le même son.
La septième de la dominante n'a pas
toûjours besoin d'être préparée , comme
vous le verrez à la fin de ce dernier article.
La septiéme diminuée et la septiéme ,
se sauvent quelquefois par la sixte majeure
, en faisant descendre le dessus d'un
degré et la note de la basse d'un demi
ton , comme vous le verrez par la seconde
septiéme diminuée du même article
, qui est sur le Si naturel , et qui est
sauvée par la sixte majeure sur le Si bmo!,
et par la septiéme qui est après sur le
La naturel , qui est encore sauvée par la
sixte majeure sur le La bmol.
Quoique dans le second article de ma
Carte , j'aye mis la Sixte sur la sixième
note du ton , je ne l'ai fait que pour me
conformer à la regle de l'Octave , et je
croi qu'il seroit mieux d'y mettre la petite
Sixte , tant en montant qu'en descendant
; car puisqu'on l'y met en descendant
SEPTEMBRE. 1731. 2139
tendant sur la dominante , on doit la .
mettre aussi pour monter à la note sensible
, puisque la note sensible représente
la dominante , et la preuve de ce que je
dis se trouve dans la regle de l'Octave
sur la seconde note du ton où l'on met
la petite Sixte , quoique la basse monte à
la mediante ou qu'elle descende à la
note tonique.
Il faut remarquer encore que la basse
fondamentale ne peut pas toûjours servir
de seconde basse , comme par exemple, dessous
les neuvièmes septièmes superfluës ,
seconde accompagnée de onzième ou
quarte et de quinte , et accord de onziéme
ou quarte , dans lesquels endroits elle
ne sert que de preuve , au lieu que dans
tout le reste elle sert de preuve et peut
presque toûjours servir de seconde basse.
Reflexions sur la nature des Onziémes
ou Quartes.
Il y a plusieurs especes de quartes ,
dont les unes ne méritent pas même le
nom d'accord , mais celui de remplissage,
les autres sont celles dont j'ai déja parlé
sous le nom de onzièmes ou quartes.
Celles de la premiere espece ne sont
jamais sauvées , parce qu'elles dérivent
de deux consonances , les unes de l'Octave
2140 MERCURE DE FRANCE
tave et les autres de la tierce de la basse
fondamentale , comme par exemple , si
je fais la petite Sixte sur la seconde note
du ton qui est Ré , la bassefon damentale
en est Sol dominante , et son octave
fait quarte contre le Ré , cette quarte ne
peut pas être sauvée , parce que si je fais
monter le Ré à la médiante de l'Ut¸
qui est Mi , ou que je le fasse descendre
à la note tonique , le Sol est obligé de
tenir pour faire la tierce sur la médiante
ou la quinte sur la note tonique : la regle
est la même pour toutes les petites Sixtess
Si je fais la seconde sur l'Ut , la basse
fondamentale en est le Ré , et la tierce de
la basse fondamentale qui est Fa , fair
quarte contre l'Ut , cette quarte ne peut
pas être sauvée , parce que si je fais descendre
l'Ut au S naturel ou au Si bmol,
le Fa est obligé de tenir pour faire la
fausse quinte du Sï naturel ou la quinte.
du Si bmol.
Il y a encore une raison pour prouver que
la quarte de la petite Sixte ne peut pas être
sauvée et qu'elle est obligée de tenir le
même son après cet accord , parce qu'elle
est accompagnée de la tierce , et que y
ayant seconde entre elles , il faut qu'elle
attende que cette tierce ait descendu d'un
degré , mouvement que fait toûjours la
tierce
SEPTEMBRE. 1731. 2141
tierce de la petite Sixte , parce qu'elle fait
septiéme contre la basse fondamentale et
que la septième est obligé de descendre
d'un degré pour trouver son repos.
La petite Sixte se trouve quelquefois
accompagnée du Triton à la place de la
quarte par la force de la modulation
mais ce Triton ne se sauve pas mieux que
la quarte , car il est obligé de tenir le même
son pour faire la quinte dans l'accord
qui suit.
Celles de la seconde espece dont j'ai
déja parlé sous le nom de onzième ou
quarte , se sauvent toutes en les faisant
descendre d'un degré , parce qu'elles dérivent
de trois dissonances , les unes de
la septième , les autres de la septiéme diminuée
, et les autres de la fausse quinte
de la basse fondamentale.
. Il faut distinguer deux sortes de onziémes,
dons les unes se préparent comme la
neuvième , par la sincope du dessus et les
autres ne se préparent point .
. Il faut encore diviser celles qui se préparent
en trois especes et celles qui ne
se préparent point aussi en trois especes.
La premiere espece d'onzièmes ou
quartes de celles qui se préparent, dérive de
la septième , c'est celle qui se met sur la
seconde note du ton dont j'ai déja parlé
Sous
142 MERCURE DE FRANCE
sous le nom d'onziémé complette ou quarte
accompagnée de la 9 , de la 7e & de
la se ou fausse quinte dans le ton mineur,
comme vous le verrez dans la suite des
ges et 11es , elle se sauve par la dixiéme
ou tierce , en la faisant descendre d'un
degré , la basse tenant le même son .
La seconde dérive de la 7 diminuée
de la note sensible , c'est celle qui se met
sur la médiante dans le ton mineur accompagnée
de la quinte superfluë de la
septième et de la neuvième , comme vous
le verrez dans le quatrième article de la
Carte , elle se sauve aussi par la dixiéme
ou tierce , en la faisant descendre d'un
degré de la basse , tenant le même son.
La troisiéme dérive de la septiéme de
la seconde note du ton , c'est celle dont
j'ai déja parlé sous le nom de petite onziéme
ou quarte , parce qu'elle n'est accompagnée
que de la quinte et de l'octave
, comme vous le verrez dans le second
article de la Carte premiere partie
mode majeur , et quelquefois de la septiéme
, comme vous le verrez dans la suite,
des ges et 11es ; elle se met sur la dominante
pour faire la cadence finale et elle
se sauve par la dixième ou tierce majeure,
la basse tenant le même son .
La premiere espece de celles qui ne se
prépare
SEPTEMBRE . 1731. 2143
réparent point , dérive de la 7 de la doninante
, c'est celle qui accompagne la
superflue sur la note tonique , comme
ous le verrez dans le 3 article de la Carse
premiere partie mode majeure ,
elle se
sauve par la 10 ou 3e , en la faisant descendre
d'un degré , la basse tenant le
:
ême son.
,
La seconde dérive aussi de la 7 de la
Hominante , c'est celle qui accompagne la
et se sur la note tonique ; elle ne se
Ive pas comme les autres mais elle
obligée de tenir le même son pour
aire la fausse quinte sur la note sensible
où la note tonique qui porte cet accord
doit toûjous descendre , mais elle
se sauve par la tierce , en la faisant descendre
d'un dégré quand la basse continuë
est remontée à la note tonique , l
raison qui l'oblige à tenir le même son
pour faire la fausse quinte , c'est que son
fondement , qui est la dominante continuë
aussi , comme vous le verrez à la fin
de la suité des secondes .
La troisiéme dérive de la fausse quinte
de la note sensible , portant septiéme diminuée
, c'est celle qui se met sur la note
ronique dans le mode mineur avec la sepiéme
superflue , accompagnée de la Sixte
nineure et de la seconde , comme vous le
verrez
2144 MERCURE DE FRANCE
verrez dans le quatrième article de la Car
te , elle se sauve par la 10 ou tierce , en
la faisant descendre d'un degré , la basse
tenant le même son .
La raison qui fait que ces trois onzićimes
n'ont pas besoin d'être préparées
c'est qu'elles dérivent de deux dissonar.
ces qui ne le demandent pas .
Il y a encore ue quarte qui dérive d
l'octave de la basse fondamentale no
tonique , portant accord parfait , c'est ce
te qu'on appelle la quarte consonant
c'est- à - dire accompagnée de la Sixte et
l'octave ; elle se met sur la dominante
descend ordinairement sur la tierce n
jeure , mais elle sincope quelquefois po
attendre que la Sixte qui l'accompag
soit descendue à la quinte pour faire l'acord
de petite onzième sur la dominante .
1
Explication des Signes.
I
Par tout où il faudra une petite Sixte
je la marquerai par un 6.
Aux endroits où il faudra retranch
des notes pour la compositio
les marquerai par un r qui
dera la note.
1. Et les notes ou chiffres qu'il faudra
retrancher pour l'accompagnement
et la composition , par un ret
'un point.
C
NEW
YORK
Article premier dissonan
Exemple pour les dissor
22
फ
x7
20
O
94
dissonances mineures.
Second Article
O
9999
PUBLIC
LIBRARY
ondamentale
Partie
neur
be bebe
888
POR,
LENOX, AND
TILDEN F
Article Disreme
1rePartie Modemajeur
о
8 8 8 8
dant .
70
9-0000
7
1000
O
f
7
Хо
ने
7
et
C
191
SEPTEMBRE .
1731. 2845.
J
Ce qu'il faudra ajoûter , par un a
Je
remarquerai la note tonique ou
note du ton où l'on est par un t qui
la
précedera.
La seconde note du ton pár un s.
m La médiante ou troisiéme note du
ton , par un m .
q La quatriéme note du ton , par un q
d La
dominante ou
cinquiéme note du
ton , par un d.
si La sixième note du ton , par si .
se Et la note sensible ou septiéme note
du ton , pår se.
de M. à M. sur la Musique.
Ous avons eu très- souvent occasion.
Monsieur , de parler Musique , vous
m'avez
SEPTEMBRE 1731. 2127
m'avez fait l'honneur de me demander
raison sur bien des choses ; et comme
vous ne m'avez pas paru satisfait de mes
réponses sur la façon de placer les accords
, de les sauver , et de les préparer ;
je viens de faire une Carte generale de
la Basse fondamentalle , après laquelle
vous trouverez une suite de gès . ét 11es.
une suite de secondes une suite de
, septiémes
en montant et en descendant , et
un éxemple pour les Dissonances ; le tout
me paroît clair et je me flate que vous
le trouverez de même. J'ay l'honneur
d'être &c.
>
Explication de la Carte generale de la
Basse fondamentale et de ses dérivés , di
visée en quatre Articles .
Il n'y a que deux accords dans la mu
sique , d'où dérivent tous les autres , sçavoir
le parfait et la septiéme ; mais il y a
trois sortes de septiéme dans la Basse fondamentale
; sçavoir, dans le ton majeur et
mineur la septième de la seconde note dut
on , et la septième de la dominante ou
cinquiéme note du ton , et dans le ton
mineur seulement la septiéme diminuće
de la note sensible ou septiéme note
du ton.
Diiij Toute
2128 MER CURE DE FRANCE
Toute note qui porte septième ou accord
parfait , est Basse fondamentale
excepté la septiéme superfluë '
comme
vous le verrez dans les articles 3. et 4º .
LaBasse Fondamentale de la seconde , est
la septième de la note au -dessus , comme
par exemple , la Basse fondamentale de
la seconde de l'ut , est le re portant septiéme
, comme vous le verrez dans le car
ticle, excepté qu'elle ne soit accompagnée
de la 11. ou 4º , et de la se. Car alors
c'est la se..en- dessus portant septiéme qui
en est la Basse fondamentale, comme vous
le verrez dans le 3 article..
La Basse fondamentale des neuvièmes
est la tierce en dessus , portante com
me par exemple , la Basse fondamentale
de la neuvième du mi est le sol , portant
7. comme vous le verrez dans le 3e. article.
Il y a une sorte de neuviéme dans le
ton mineur , accompagnée de la quinta
superfluë , qui se met sur la médiante ou
troisiéme note du ton ; elle suit toûjours
la regle de la neuviéme précedente pour
la Basse fondamentale. comme vous le
verrez dans la 3 article , où je la marquerai
par un 5. avec une croix devant pour
la distinguer des autres .
›
La B sse fondamentale des 11es ou 4es.
est la je en -dessus portant 7e , comme
Vous
SEPTEMBRE. 1731. 2129
vous le verrez dans le 2e. article , et dans
la suite des ges et 11es. , excepté qu'elle.
ne soit accompagnée de la se superfluë ,
car alors c'est la se superfluë en -dessus
portant 7. diminuée qui en est la Basse:
fondamentale.
Dans le premier Article où je traite de:
l'accord parfait de la note tonique ou note:
du ton où l'on est , et de ses derivés , vous
trouverez la sixte de la médiante ou troi- .
siéme note du ton et la sixte et quarte
de la dominante ou cinquième note du:
ton . La regle est generale pour. le majeur
et le mineur..
,
و
Dans le second Article où je traite de
la septième , de la seconde note du ton et
de ses derivés , vous trouverez dans la
premiere partie mede majeur , la sixte et .
quinte sur la quatriéme note du ton , ce
la sixte qui se met sur la sixième note du
ton en montant , en retranchant l'oc
tave de la Basse fondamentale ; et sans y
rien retrancher , vous trouverez la petitesixte
mineure , qui se met sur la sixième :
note du ton en descendant , et sur la mê
me note vous trouverez la petite sixte:
majeure en mettant tierce majeure, à la
Basse fondamentale , qui devient alorss
dominante , et la note où l'on a mis la pea
tite sixte majeure , devient seconde note:
Div. dir
2
2130 MERCURE DE FRANCE
› du ton et en remettant
la tierce
au naturel
dans
la Basse
fondamentale
, ce qui
nous
fait
revenir
à nôtre
premier
ton
vous
trouverez
la seconde
de la note
tonique
et l'accord
de petite
onzième
ou quar
te sur la
dominante
ou
cinquiéme
note
du ton en retranchant
la tierce
et la
quinte
de la Basse
fondamentale
, et ajoûtant
l'octave
de la Basse
continuë
, qu'il
faut
regarder
comme
une
note
étrangere
à l'accord
, ainsi
que la Basse
continuë
puisqu'elle
n'en
est que la répetition
.
›
>
Dans la seconde partie mode mineure ,
ou la septième de la seconde note du ton,
est accompagnée de la fausse quinte , vous
trouverez l'accord de sixte et quinte avec
la tierce mineure sur la quatrième note
du ton , et la petite sixte majeure sur la
sixième note du ton et sur la même note
vous trouverez encore la petite sixte .
superfluë , en mettant dans la Basse fondamentale
la tierce majeure , quoi qu'il
y ait une fausse quinte et remettant
la tierce au naturel , vous trouverez la
seconde de la note tonique accompagnée
de la sixte mineure.
"
Dans le troisiéme Article où je traite
de la septième de la dominante , ou cinquiéme
note du ton et de ses derivés ,
premiere partie mode majeur , vous trou
verez
SEPTEMBRE. 1731. 2131
que ,
verez la sixte mineure qui se met sur la
septiéme note du ton en descendant , en
retranchant la septième de la Basse fondamentale
qui devient alors note tonique ,
et la note où l'on a mis la sixte , en devient
la mediante , er remettant la septie
me ce qui la fait revenir dominante , vous
trouverez la fausse quinte sur la note sensible
ou septiéme note du ton en montant,
et la septiéme superfluë de la note toniaccompagnée
de la seconde et de
la onzième ou quarte et de la quinte ;
Vous trouverez encore la petite sixte majeure
sur la seconde note du ton , et la
neuviéme sur la médiante ou troisiéme
note du ton , et le triton sur la quatriéme
note du ton accompagné de la se
conde et de la sixte, en retranchant la septiéme
de la Basse fondamentale , qui feroit
octave contre la Basse continue , er
remettant la septième dans la Basse fondamentale
, et retranchant la tierce , vous
trouverez la seconde accompagnée de la
onzième ou quarte , et de la quinte sur
la note tonique.
,
J Dans la seconde partie mode mineur
vous trouverez la sixte majeure sur la
septiême note du ton en descendant , en
retranchanr la septième de la Basse fondamentale
ce qui la fait devenir note
D vj tonique,
>
2132 MERCURE DE FRANCE
tonique , et la note où est la sixte majeure
, en devient la médiante , et en remettant
la septiéme , et l'accompagnant,
de la tierce majeure , ce qui la fait revenir
do ninante , vous trouverez la quinte
superfluë sur la mediante..
,
>
Dans le quatriéme Article mode mineur,
où je traite de la septiéme diminuée
de la note sensible , ou septiéme note du,
ton et de ses derivés vous trouverez la
septiéme superfluë de la no - e tonique „
accompagnée de la seconde , de la onzié
me ou quarte et de la sixte mineure , et
la sixte majeure sur la seconde note du.
ton accompagnée de la tierce et de la,
fauss quinte , et la onzième complette.
ou quarte accompagnée de la quinte su-.
perfluë de la septième et de la neuvième
sur la médiante ou troisiéme note du ton,
et le triton sur la quatriéme note du ton .
accompagné de la tierce mineure et de
la sixte , et la neuvième min´ure sur la
dominante ou cinquiéme note du ton
et le seconde superfluë sur la sixième note
du ton.
La onzime complette et là petite onziéme
se préparent par la sixte et quinte :
et se sauvent par l'acco d de septiéme
comme vous le verrez dans la suite des
sest lies. mais la 11 accompagnée de
le
SEPTEMBRE . 1731 2133
la
5e. superfluë qui se met sur la médiante
ou troisiéme note du ton , se doit sauver
la 6e. accord ordinaire de la médiante
, parceque la se superflue doit toû
jours remonter.
par
La petite onzième se prépare encore de
plusieurs façons , par la petite e sur la
6e. note du ton ou par la 7e de la se
2..
, conde note du ton ce qui revient au
même par l'accord parfait de la note to .
nique ou par ses derivés .
Quand il y a deux onzièmes de suite
la seconde se trouve preparée par la 7e.
La neuvième se prépare et se sauve parlae.
et se excepté la 9e. accompagnée de
la se superflue , qui se sauve. par l'accord:
de 6e.. pour faire remonter tou ours la se
superflue ; mais quand il y a deux ges. de :
suite et que
la premiere est accompa
gnée de la se superflue , la seconde setrouve
préparée de la 6e. comme vous le
verrez dans la suite des ges. et iles.
Après la suite des ges, et 11es . vous trouverez
une suite dé secondes préparées etsauvées
de la 6 et je . excepté la seconde :
accompagnée de la 11. ou 4 et de las
se qu'il fut préparer par l'accord par
fait , ce qui fera faire le veritable mouvement
à la Basse fondamentale car si on:
la préparoit de la 6. et se la Basse fon-.
damentale
2134 MERCURE DE FRANCE
3
damentale iroit par degrés conjoints em
descendant d'une septième sur l'autre
mouvement qu'elle ne peut pas faire.
Quoique vous trouviez le triton dans la
suite des secondes , il n'est pas toûjours
nécessaire de le préparer , et il ne suit pas.
la regle des secondes pour être sauvé , car
on le sauve ordinairement par la sixte sur
la médiante , ou par l'accord parfait de la
note tonique , ce qui revient au même.
Après cette suite de secondes , vous trouverez
une suite de septiémes en montant ,
préparées et sauvées de 6e et se et en
descendant preparées et sauvées de petite:
6. , mais dans le ton mineur il faut sauver
la 7. de la mediante en montant par
l'accord de 6. et la septiéme de la dominante
en descendant' par la 6e. et 4 .
car si on sauvoit la premiere par la ce et
se et la seconde par la petite 6. , cela
donneroit un accord de 7e. superfluë accompagnée
de la tierce mineure dans la
Basse fondamentale ce qu'on ne doit
jamais faire.
Quoique je n'aye pas mis l'octave dans:
toutes les 7es. de cette suite , cela n'empêche
pas qu'on ne puisse la mettre dans
f'accompagnement ; toute note qui monte
de quatre ou descend de cinq demande
76 ou accord parfait.
程
SEPTEMBRE. 7731. 2135
Il faut remarquer que la seconde superflue
et la septiéme superfluë n'ont pas besoin
d'être preparées , mais qu'on sauve
la seconde superflue par un des derivés
de l'accord parfait de la note tonique , et
la 7. superfluë par l'accord parfait de la
note tonique.
Regle generale pour préparer et sauver les:
Dissonantes du dessus ou d'une partie
à la Basse.
>
Il y a deux sortes de Dissonances qu'on
appelle majeures et mineures ; les majeu
res n'ont pas besoin d'être preparées , et
se sauvent en faisant remonter d'un degré
le dessus ou la partie qui , les a faites ,
comme vous le verrez dans le premier
article de l'exemple des dissonances ; dans
les dissonances mineures , il y en a qui
n'ont pas besoin d'être preparées , et
d'autres qu'il faut preparer ; mais elles se
sauvent toutes en faisant descendre d'un
degré le dessus ou la partie qui les a faites,
excepté la seconde , où c'est la Basse qui
est obligée de descendre d'un degré
comme vous le verrez dans le second
article.
Dans le premier Article , vous trouverez
la septiéme superflue , qui se sauve par
L'octave en faisant remonter le dessus.
d'un
2136 MERCURE DE FRANCE
d'un degré la Basse tenant le même son "
la petite sixte majeure qui se sauve par la
sixte , en faisant remonter le dessus d'ún
degré et la basse d'un autre , ou par
l'oc
tave , en faisant descendre la basse d'un
degré , ce qui revient au même , la quinte
superfluë qui se sauve par la sixte , en faisant
remonter le dessus d'un degré la
Basse tenant le même son , lè triton què
se sauve par là sixte en faisant remonter
le dessus d'un degré et descendre la Bassed'un
autre ou par
l'octave , en faisant
descendre la Basse de quatre ; Enfin vous
y trouverez la seconde superfluë qui se
sauve en faisant monter le dessus d'un
degré et descendre -la Basse d'un autre par
la quarte consonante sur la dominante
c'est à-dire , accompagnée de la sixte et
de l'octave Ou
,
la sixte sur la me
par
diante , en faisant descendre la Basse.da
quatre degrés.
,
La sixte superfluë se sauve par l'octave
en faisant monter le dessus d'un degré ec
descendre la Basse d'un autre , cet accord
se met sur la sixième note du ton dans le
mode mineur pour descendre à l'accord
parfait de la dominante.
Dans le second Article , vous trouverez
la seconde qui se prepare par la sincope
de la Basse , c'est- à-dire , que si l'on veur
faire.
SEPTEMBRE. 1731 2137
3.
2
faire une seconde sur l'ut , il faut que cet
ut ait paru un temps avant que la seconde
frappe dessus , elle se sauve par la tierce,
en faisant descendre la Basse d'un degré
le dessus tenant le même son ou par la
sixte , en faisant monter le dessus de quatre
degrés ; vous trouverez la fausse quinte
qui n'a pas besoin d'être preparée , et qui
se sauve par la tierce , en faisant descendre
le dessus d'un degré et monter la Basse
d'un autre ; vous y trouverez la septième
diminuée , qu'il n'est pas toûjours necessaire
de preparer , et qui se sauve par la
sixte , en faisant descendre le dessus d'un
degré,la Basse tenant le même son , ou par
la quinte , en faisant monter la Basse d'um
degré , ou par la tierce , en faisant monter
la Basse de quatre degrés , ou descendre
de cinq , mais qui se prepare quelquefois
comme vous le verrez ensuite ; vous
y trouverez les septièmes qui se preparent
par la sincope du dessus
conde par la sincope de la Basse , et qui se
sauvent par la sixte , en faisant descendre.
le dessus d'un degré , la Basse tenant le
même son ou par la tierce , en faisant
monter la Basse de quatre degrés ou descendre
de cinq ; vous trouverez la neuviéme
qui se prepare par la sincope du
dessus comme la septième , et qui se
2.
comme la sesauve
138 MERCURE DE FRANCE
sauve par l'octave , en faisant descendre
le dessus d'un degré , la Basse tenant le
même son ; enfin vous trouverez la onziéme
ou quarte qui se prepare par la sincope
du dessus , comme la neuvième , et
qui se sauve par la dixième ou tierce , en
faisant descendre le dessus d'un degré , la
Basse tenant le même son.
La septième de la dominante n'a pas
toûjours besoin d'être préparée , comme
vous le verrez à la fin de ce dernier article.
La septiéme diminuée et la septiéme ,
se sauvent quelquefois par la sixte majeure
, en faisant descendre le dessus d'un
degré et la note de la basse d'un demi
ton , comme vous le verrez par la seconde
septiéme diminuée du même article
, qui est sur le Si naturel , et qui est
sauvée par la sixte majeure sur le Si bmo!,
et par la septiéme qui est après sur le
La naturel , qui est encore sauvée par la
sixte majeure sur le La bmol.
Quoique dans le second article de ma
Carte , j'aye mis la Sixte sur la sixième
note du ton , je ne l'ai fait que pour me
conformer à la regle de l'Octave , et je
croi qu'il seroit mieux d'y mettre la petite
Sixte , tant en montant qu'en descendant
; car puisqu'on l'y met en descendant
SEPTEMBRE. 1731. 2139
tendant sur la dominante , on doit la .
mettre aussi pour monter à la note sensible
, puisque la note sensible représente
la dominante , et la preuve de ce que je
dis se trouve dans la regle de l'Octave
sur la seconde note du ton où l'on met
la petite Sixte , quoique la basse monte à
la mediante ou qu'elle descende à la
note tonique.
Il faut remarquer encore que la basse
fondamentale ne peut pas toûjours servir
de seconde basse , comme par exemple, dessous
les neuvièmes septièmes superfluës ,
seconde accompagnée de onzième ou
quarte et de quinte , et accord de onziéme
ou quarte , dans lesquels endroits elle
ne sert que de preuve , au lieu que dans
tout le reste elle sert de preuve et peut
presque toûjours servir de seconde basse.
Reflexions sur la nature des Onziémes
ou Quartes.
Il y a plusieurs especes de quartes ,
dont les unes ne méritent pas même le
nom d'accord , mais celui de remplissage,
les autres sont celles dont j'ai déja parlé
sous le nom de onzièmes ou quartes.
Celles de la premiere espece ne sont
jamais sauvées , parce qu'elles dérivent
de deux consonances , les unes de l'Octave
2140 MERCURE DE FRANCE
tave et les autres de la tierce de la basse
fondamentale , comme par exemple , si
je fais la petite Sixte sur la seconde note
du ton qui est Ré , la bassefon damentale
en est Sol dominante , et son octave
fait quarte contre le Ré , cette quarte ne
peut pas être sauvée , parce que si je fais
monter le Ré à la médiante de l'Ut¸
qui est Mi , ou que je le fasse descendre
à la note tonique , le Sol est obligé de
tenir pour faire la tierce sur la médiante
ou la quinte sur la note tonique : la regle
est la même pour toutes les petites Sixtess
Si je fais la seconde sur l'Ut , la basse
fondamentale en est le Ré , et la tierce de
la basse fondamentale qui est Fa , fair
quarte contre l'Ut , cette quarte ne peut
pas être sauvée , parce que si je fais descendre
l'Ut au S naturel ou au Si bmol,
le Fa est obligé de tenir pour faire la
fausse quinte du Sï naturel ou la quinte.
du Si bmol.
Il y a encore une raison pour prouver que
la quarte de la petite Sixte ne peut pas être
sauvée et qu'elle est obligée de tenir le
même son après cet accord , parce qu'elle
est accompagnée de la tierce , et que y
ayant seconde entre elles , il faut qu'elle
attende que cette tierce ait descendu d'un
degré , mouvement que fait toûjours la
tierce
SEPTEMBRE. 1731. 2141
tierce de la petite Sixte , parce qu'elle fait
septiéme contre la basse fondamentale et
que la septième est obligé de descendre
d'un degré pour trouver son repos.
La petite Sixte se trouve quelquefois
accompagnée du Triton à la place de la
quarte par la force de la modulation
mais ce Triton ne se sauve pas mieux que
la quarte , car il est obligé de tenir le même
son pour faire la quinte dans l'accord
qui suit.
Celles de la seconde espece dont j'ai
déja parlé sous le nom de onzième ou
quarte , se sauvent toutes en les faisant
descendre d'un degré , parce qu'elles dérivent
de trois dissonances , les unes de
la septième , les autres de la septiéme diminuée
, et les autres de la fausse quinte
de la basse fondamentale.
. Il faut distinguer deux sortes de onziémes,
dons les unes se préparent comme la
neuvième , par la sincope du dessus et les
autres ne se préparent point .
. Il faut encore diviser celles qui se préparent
en trois especes et celles qui ne
se préparent point aussi en trois especes.
La premiere espece d'onzièmes ou
quartes de celles qui se préparent, dérive de
la septième , c'est celle qui se met sur la
seconde note du ton dont j'ai déja parlé
Sous
142 MERCURE DE FRANCE
sous le nom d'onziémé complette ou quarte
accompagnée de la 9 , de la 7e & de
la se ou fausse quinte dans le ton mineur,
comme vous le verrez dans la suite des
ges et 11es , elle se sauve par la dixiéme
ou tierce , en la faisant descendre d'un
degré , la basse tenant le même son .
La seconde dérive de la 7 diminuée
de la note sensible , c'est celle qui se met
sur la médiante dans le ton mineur accompagnée
de la quinte superfluë de la
septième et de la neuvième , comme vous
le verrez dans le quatrième article de la
Carte , elle se sauve aussi par la dixiéme
ou tierce , en la faisant descendre d'un
degré de la basse , tenant le même son.
La troisiéme dérive de la septiéme de
la seconde note du ton , c'est celle dont
j'ai déja parlé sous le nom de petite onziéme
ou quarte , parce qu'elle n'est accompagnée
que de la quinte et de l'octave
, comme vous le verrez dans le second
article de la Carte premiere partie
mode majeur , et quelquefois de la septiéme
, comme vous le verrez dans la suite,
des ges et 11es ; elle se met sur la dominante
pour faire la cadence finale et elle
se sauve par la dixième ou tierce majeure,
la basse tenant le même son .
La premiere espece de celles qui ne se
prépare
SEPTEMBRE . 1731. 2143
réparent point , dérive de la 7 de la doninante
, c'est celle qui accompagne la
superflue sur la note tonique , comme
ous le verrez dans le 3 article de la Carse
premiere partie mode majeure ,
elle se
sauve par la 10 ou 3e , en la faisant descendre
d'un degré , la basse tenant le
:
ême son.
,
La seconde dérive aussi de la 7 de la
Hominante , c'est celle qui accompagne la
et se sur la note tonique ; elle ne se
Ive pas comme les autres mais elle
obligée de tenir le même son pour
aire la fausse quinte sur la note sensible
où la note tonique qui porte cet accord
doit toûjous descendre , mais elle
se sauve par la tierce , en la faisant descendre
d'un dégré quand la basse continuë
est remontée à la note tonique , l
raison qui l'oblige à tenir le même son
pour faire la fausse quinte , c'est que son
fondement , qui est la dominante continuë
aussi , comme vous le verrez à la fin
de la suité des secondes .
La troisiéme dérive de la fausse quinte
de la note sensible , portant septiéme diminuée
, c'est celle qui se met sur la note
ronique dans le mode mineur avec la sepiéme
superflue , accompagnée de la Sixte
nineure et de la seconde , comme vous le
verrez
2144 MERCURE DE FRANCE
verrez dans le quatrième article de la Car
te , elle se sauve par la 10 ou tierce , en
la faisant descendre d'un degré , la basse
tenant le même son .
La raison qui fait que ces trois onzićimes
n'ont pas besoin d'être préparées
c'est qu'elles dérivent de deux dissonar.
ces qui ne le demandent pas .
Il y a encore ue quarte qui dérive d
l'octave de la basse fondamentale no
tonique , portant accord parfait , c'est ce
te qu'on appelle la quarte consonant
c'est- à - dire accompagnée de la Sixte et
l'octave ; elle se met sur la dominante
descend ordinairement sur la tierce n
jeure , mais elle sincope quelquefois po
attendre que la Sixte qui l'accompag
soit descendue à la quinte pour faire l'acord
de petite onzième sur la dominante .
1
Explication des Signes.
I
Par tout où il faudra une petite Sixte
je la marquerai par un 6.
Aux endroits où il faudra retranch
des notes pour la compositio
les marquerai par un r qui
dera la note.
1. Et les notes ou chiffres qu'il faudra
retrancher pour l'accompagnement
et la composition , par un ret
'un point.
C
NEW
YORK
Article premier dissonan
Exemple pour les dissor
22
फ
x7
20
O
94
dissonances mineures.
Second Article
O
9999
PUBLIC
LIBRARY
ondamentale
Partie
neur
be bebe
888
POR,
LENOX, AND
TILDEN F
Article Disreme
1rePartie Modemajeur
о
8 8 8 8
dant .
70
9-0000
7
1000
O
f
7
Хо
ने
7
et
C
191
SEPTEMBRE .
1731. 2845.
J
Ce qu'il faudra ajoûter , par un a
Je
remarquerai la note tonique ou
note du ton où l'on est par un t qui
la
précedera.
La seconde note du ton pár un s.
m La médiante ou troisiéme note du
ton , par un m .
q La quatriéme note du ton , par un q
d La
dominante ou
cinquiéme note du
ton , par un d.
si La sixième note du ton , par si .
se Et la note sensible ou septiéme note
du ton , pår se.
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Résumé : LETTRE de M. à M. sur la Musique.
La lettre de septembre 1731 aborde la musique, en se concentrant particulièrement sur la basse fondamentale. L'auteur y répond à une demande d'explications sur la manière de placer, sauvegarder et préparer les accords. Il présente une carte générale de la basse fondamentale, accompagnée d'exemples de secondes, neuvièmes, onzièmes et dissonances. L'auteur distingue deux types d'accords fondamentaux en musique : l'accord parfait et la septième. Il détaille les différentes sortes de septièmes dans les tons majeurs et mineurs, ainsi que les règles pour les préparer et les résoudre. Le texte explique également les accords dérivés, les dissonances majeures et mineures, et les règles générales pour les préparer et les résoudre. Certaines dissonances n'ont pas besoin d'être préparées et se résolvent en faisant monter ou descendre les notes concernées. Par exemple, la septième peut se préparer par la sincope du dessus et se résoudre par la sixte ou la tierce. La neuvième et l'onzième se préparent également par la sincope du dessus et se résolvent respectivement par l'octave et la dixième. La septième de la dominante n'a pas toujours besoin d'être préparée. Le texte distingue entre les quartes qui sont des remplissages et celles qui sont des onzièmes ou quartes. Ces dernières se divisent en plusieurs espèces, certaines nécessitant une préparation par sincope, d'autres non. Des exemples spécifiques de ces espèces et leurs résolutions sont fournis. La petite sixte et le triton sont également abordés, soulignant qu'ils ne se résolvent pas de la même manière que les autres quartes. Enfin, le texte explique les signes utilisés pour marquer les notes à retrancher ou à ajouter dans la composition musicale.
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441
p. 2145-2150
ODE En l'honneur de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge, laquelle a remporté le dernier Prix du PALINOD, à Caën. Le Sujet allegorique est l'Etoile du matin, nommée Lucifer, Phosphore ou Venus. Cicer. L. 2. de la Nature des Dieux.
Début :
Parois, aimable Avant-couriere [...]
Mots clefs :
Carrière, Ténèbres, Nuit, Aurore, Rayons du soleil, Astre, Fantômes, Nature
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texteReconnaissance textuelle : ODE En l'honneur de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge, laquelle a remporté le dernier Prix du PALINOD, à Caën. Le Sujet allegorique est l'Etoile du matin, nommée Lucifer, Phosphore ou Venus. Cicer. L. 2. de la Nature des Dieux.
CODE
l'honneur de
l'Immaculée
Conception de
ia sainte Vierge , laquelle a remporté le
dernier Prix du
PALINOD , à Caen .
Le sujet allegorique est l'Etoile du matin,
nommée Lucifer , Phosphore ou Venus.
Cicer. L. 2. de la Nature des Dieux,
Parois, aimable Avant- couriere
Du Dieu dont juttends la faveur ,
Guide mes pas dans la carriere ,
Où m'appelle aujourd'hui l'honneur
Bannis ces épaises tenebres
E Dont
2146 MERCURE DE FRANCE
Dont me couvrent les temps funebres ,
Et de la nuit et du sommeil ,
Je veux dès les traits de l'Aurore ,
Faire un Tableau qui brille encore
Aux plus beaux rayons du Soleil.
Pour montrer l'heureux assemblage ,
Des biens que cet Astre produit ,
Muse , peins- moi l'affreuse image ,
Des horreurs qu'enfante la Nuit . (a)
Quand une fois ses tristes voiles ,
Nous cachant le front des Etoiles ,
Privent nos yeux du plus grand bien ;
On ne voit plus que vains phantômes ,
Qu'abîmes creux , que noirs atômes
( Parlons plus juste , ) on ne voit rien.
>
Les Citez , les Bourgs , les Campagnes ,
Durant ce temps perdent leurs noms ;
L'orgueilleux sommer des Montagnes ,
S'abaissé au niveau des Vallons;
On voit languir dans la tristesse , (b )
Dans le silence et la paresse ,
L'homme , la Brute et les Oiseaux ,
Et parmi cette erreur profonde ,
(a ) Cette Nuit est la figure de la Loi Judaïque,
(b)L'état du peché.
Од
SEPTEMBRE. 1731 2147,
On croiroit que déja le Monde ,
Rentre dans son premier cahos.
Mais quoi ! Venus brillante et pure ,
Perce la sombre obscurité ;
Son aspect (a) rend à la Nature ,
L'espoir , la joye et la Clarté
Telle qu'un Captif miserable,
Quand il voit la main secourable ;
Qui vient l'affranchir de ses fers ;
La Troupe des Mortels plaintive ,
Se ranime à la splen deur vive ,
Qu'offre cet Astre à l'Univers.
, Sa lumiere active et perçante
Eclaircit les objets confus ,
La Terre obscure et languissante ,
Recouvre ses honneurs perdus.
Avec les brouillards homicides ,
Je vois fuir cent Spectres livides ,
Monstrueux (6) Enfans de la Nuit ;
Venus éclairant ces lieux sombres ,
Fait succeder aux pâles Ombres ,
Les traits du Soleil qui la suit.
(a) Commencement de la Loi de Grate.
(b) Tenebres du peché dissipées par la Naissance
de J. C,
E ij
Grand
2148 MERCURE DE FRANCE
Grand Dieu quel ravissant Spectacle ,
De tous côtez s'offre à mes yeux !
On diroit qu'un second Miracle , (a)
Reproduit la Terre et les Cieux.
Les Forteresses se découvrent ,
Les Champs , les Prez , les Forêts s'ouvrent
Et semblent sortir du Tombeau;
Les Beautez du Monde paroissent :
Les Fleurs et les Plantes renaissent ,
Tout brille d'un éclat nouveau.
C'est cet Astre dont la presence ;
Annonce aux Mortels le réveil
Frappé par les rayons qu'il lance ;
L'Artisan s'arrache au sommeil ,
Le Berger plein d'un nouveau zele ,
Suit ce flambeau qui le rappelle ,
Et conduit ses Troupeaux aux champs į
Son coeur dans la Plaine fleurie ,
A son Etoile (b) si chérie ,
Consacre et ses voeux et ses chants.
Qu'entends-je au fond de ces Bocages a
Le charmant Concert ( e) des Oiseaux ,
.
J.
(a) Effets de la Loi de Grace.
(b) Le culte de Marie.
(c) Pays Etrangers convertis
SEPTEMBRE. 1731. 2149
Qui joignent leurs tendres ramages ,
Au son joyeux des Chalumeaux ;
Sinistres amis des tenebres >
Hibous , (a) portez vos cris funebres ;
Loin de ce fortuné séjour.
Et vous , Tigres , Loups et Panthéres ,
Cherchez dans vos affreux Repaires ,
Un azile contre le jour.
J'abhorre ces dangereux Astres ,
Dont les trop cuisantes chaleurs
Causent de si fréquens desastres ,
9.
Aux Moissons , aux Plantes , aux Fleu
Loin d'ici l'âpre Canicule ,
Qui perd , qui consume , qui brule ,
Du Vigneron les doux souhaits.
Par de plus molles influences ,
Phosphore (b ) échauffe les semences;
Et répand par tout ses bienfaits.
ALLUSION.
L'Auguste Vierge toûjours pure ,
Dans un siecle d'iniquité ,
Vint ainsi rendre à la Nature ,
L'allegresse et la liberté.
(a) Puissances Infernales détruites.
(b) Douceur de la Grace.
E iij
Le
2150 MERCURE DE , FRANCE
Le crime avoit plongé le Monde ,
'Dans l'horreur d'une nuit profonde ,
Le Ciel n'offroit que des éclairs ;
Mais cet Astre aux Mortels propice
Produit un Soleil de justice >
Qui rend l'éclat à l'Univers.
REMERCIEMENT à M. de Luyur ,
Evêque de Bayeux , Juge du Puy.
Prélat , soutien des Arts , ainsi que de la Foy
Mon front brilla jadis sous la même Courome;
Mais ce docte Laurier, qu'aujourd'hui je reçois ,
Tire un éclat nouveau de la main qui la donne,
HEURTAUL D.
l'honneur de
l'Immaculée
Conception de
ia sainte Vierge , laquelle a remporté le
dernier Prix du
PALINOD , à Caen .
Le sujet allegorique est l'Etoile du matin,
nommée Lucifer , Phosphore ou Venus.
Cicer. L. 2. de la Nature des Dieux,
Parois, aimable Avant- couriere
Du Dieu dont juttends la faveur ,
Guide mes pas dans la carriere ,
Où m'appelle aujourd'hui l'honneur
Bannis ces épaises tenebres
E Dont
2146 MERCURE DE FRANCE
Dont me couvrent les temps funebres ,
Et de la nuit et du sommeil ,
Je veux dès les traits de l'Aurore ,
Faire un Tableau qui brille encore
Aux plus beaux rayons du Soleil.
Pour montrer l'heureux assemblage ,
Des biens que cet Astre produit ,
Muse , peins- moi l'affreuse image ,
Des horreurs qu'enfante la Nuit . (a)
Quand une fois ses tristes voiles ,
Nous cachant le front des Etoiles ,
Privent nos yeux du plus grand bien ;
On ne voit plus que vains phantômes ,
Qu'abîmes creux , que noirs atômes
( Parlons plus juste , ) on ne voit rien.
>
Les Citez , les Bourgs , les Campagnes ,
Durant ce temps perdent leurs noms ;
L'orgueilleux sommer des Montagnes ,
S'abaissé au niveau des Vallons;
On voit languir dans la tristesse , (b )
Dans le silence et la paresse ,
L'homme , la Brute et les Oiseaux ,
Et parmi cette erreur profonde ,
(a ) Cette Nuit est la figure de la Loi Judaïque,
(b)L'état du peché.
Од
SEPTEMBRE. 1731 2147,
On croiroit que déja le Monde ,
Rentre dans son premier cahos.
Mais quoi ! Venus brillante et pure ,
Perce la sombre obscurité ;
Son aspect (a) rend à la Nature ,
L'espoir , la joye et la Clarté
Telle qu'un Captif miserable,
Quand il voit la main secourable ;
Qui vient l'affranchir de ses fers ;
La Troupe des Mortels plaintive ,
Se ranime à la splen deur vive ,
Qu'offre cet Astre à l'Univers.
, Sa lumiere active et perçante
Eclaircit les objets confus ,
La Terre obscure et languissante ,
Recouvre ses honneurs perdus.
Avec les brouillards homicides ,
Je vois fuir cent Spectres livides ,
Monstrueux (6) Enfans de la Nuit ;
Venus éclairant ces lieux sombres ,
Fait succeder aux pâles Ombres ,
Les traits du Soleil qui la suit.
(a) Commencement de la Loi de Grate.
(b) Tenebres du peché dissipées par la Naissance
de J. C,
E ij
Grand
2148 MERCURE DE FRANCE
Grand Dieu quel ravissant Spectacle ,
De tous côtez s'offre à mes yeux !
On diroit qu'un second Miracle , (a)
Reproduit la Terre et les Cieux.
Les Forteresses se découvrent ,
Les Champs , les Prez , les Forêts s'ouvrent
Et semblent sortir du Tombeau;
Les Beautez du Monde paroissent :
Les Fleurs et les Plantes renaissent ,
Tout brille d'un éclat nouveau.
C'est cet Astre dont la presence ;
Annonce aux Mortels le réveil
Frappé par les rayons qu'il lance ;
L'Artisan s'arrache au sommeil ,
Le Berger plein d'un nouveau zele ,
Suit ce flambeau qui le rappelle ,
Et conduit ses Troupeaux aux champs į
Son coeur dans la Plaine fleurie ,
A son Etoile (b) si chérie ,
Consacre et ses voeux et ses chants.
Qu'entends-je au fond de ces Bocages a
Le charmant Concert ( e) des Oiseaux ,
.
J.
(a) Effets de la Loi de Grace.
(b) Le culte de Marie.
(c) Pays Etrangers convertis
SEPTEMBRE. 1731. 2149
Qui joignent leurs tendres ramages ,
Au son joyeux des Chalumeaux ;
Sinistres amis des tenebres >
Hibous , (a) portez vos cris funebres ;
Loin de ce fortuné séjour.
Et vous , Tigres , Loups et Panthéres ,
Cherchez dans vos affreux Repaires ,
Un azile contre le jour.
J'abhorre ces dangereux Astres ,
Dont les trop cuisantes chaleurs
Causent de si fréquens desastres ,
9.
Aux Moissons , aux Plantes , aux Fleu
Loin d'ici l'âpre Canicule ,
Qui perd , qui consume , qui brule ,
Du Vigneron les doux souhaits.
Par de plus molles influences ,
Phosphore (b ) échauffe les semences;
Et répand par tout ses bienfaits.
ALLUSION.
L'Auguste Vierge toûjours pure ,
Dans un siecle d'iniquité ,
Vint ainsi rendre à la Nature ,
L'allegresse et la liberté.
(a) Puissances Infernales détruites.
(b) Douceur de la Grace.
E iij
Le
2150 MERCURE DE , FRANCE
Le crime avoit plongé le Monde ,
'Dans l'horreur d'une nuit profonde ,
Le Ciel n'offroit que des éclairs ;
Mais cet Astre aux Mortels propice
Produit un Soleil de justice >
Qui rend l'éclat à l'Univers.
REMERCIEMENT à M. de Luyur ,
Evêque de Bayeux , Juge du Puy.
Prélat , soutien des Arts , ainsi que de la Foy
Mon front brilla jadis sous la même Courome;
Mais ce docte Laurier, qu'aujourd'hui je reçois ,
Tire un éclat nouveau de la main qui la donne,
HEURTAUL D.
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Résumé : ODE En l'honneur de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge, laquelle a remporté le dernier Prix du PALINOD, à Caën. Le Sujet allegorique est l'Etoile du matin, nommée Lucifer, Phosphore ou Venus. Cicer. L. 2. de la Nature des Dieux.
Le poème célébrant l'Immaculée Conception de la sainte Vierge, lauréat du dernier Prix du Palinod à Caen, utilise l'Étoile du matin, nommée Lucifer, Phosphore ou Vénus, comme sujet allégorique. Il oppose la nuit, symbolisant la Loi judaïque et l'état du péché, à l'aube, représentant la Loi de Grâce et la naissance de Jésus-Christ. La nuit est décrite comme une période de ténèbres où les villes, les campagnes et les montagnes perdent leurs noms et leur splendeur, et où les êtres vivants sont plongés dans la tristesse et la paresse. L'arrivée de Vénus, symbole de la grâce divine, dissipe ces ténèbres. Elle redonne espoir, joie et clarté à la nature et aux hommes, qui se raniment à sa lumière. Le poème décrit ensuite la transformation du monde à l'aube, avec les forteresses, les champs et les forêts qui se découvrent et renaissent. Les artisans et les bergers se lèvent, et les oiseaux chantent joyeusement. Le poème se termine par une allusion à la Vierge Marie, qui a rendu à la nature l'allégresse et la liberté dans un siècle d'iniquité. Le crime avait plongé le monde dans une nuit profonde, mais l'Astre propice, symbolisant la justice divine, a produit un soleil de justice qui rend l'éclat à l'univers. Le texte se conclut par un remerciement à M. de Luyur, évêque de Bayeux et juge du Puy, pour son soutien aux arts et à la foi.
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442
p. 2150-2155
RÉPONSE du P. Romuald le Muët, Religieux de la Charité, à M. le Monnier.
Début :
Puisque j'ay osé m'introduire dans la République des Lettres, je dois comme [...]
Mots clefs :
Républiques des Lettres, Tribunal de la critique, Journal de Trévoux, Réfutation, Géométrie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE du P. Romuald le Muët, Religieux de la Charité, à M. le Monnier.
RE'PONSE du P. Romuald le Muët
Religieux de la Charité , à M. le Monnier.
Puisque j'ay osé m'introduire dans la
République des Lettres , je dois comme
bon Citoyen , me soûmettre à la Jurisdiction
qui s'y trouve établie dès son
commencement. C'est le tribunal de la
Critique , dont la puissance est soûtenuë
de l'autorité du Droit Public.
Les
SEPTEMBRE. 1731. 21ST
114
,
Les sentimens d'estime que j'ay pour la
saine Critique , peuvent persuader d'a
bord M. le Monnier , que j'ay vû avec
plaisir dans le Journal de Trevoux du
mois de Mars 1731. la réfutation qu'il a
faite de mon petit ouvrage sur la Quadrature
du Cercle la Duplication da
Cube et la Trisection de l'Angle ; mais
quelque soit mon respect pour sa personne
, et mon estime pour la Critique ,
je ne pense pas qu'il doive en inferer que
je sois disposé à me soûmettre aux loix
qu'il me préscrit , et que je me déporte
de ma methode simple et nouvelle,s'il veut,
mais exacte , mais solide , de diviser les
360. degrez de la circonference du Cercle
en vingt- deux parties , dont vingt et
une étant de seize degrez vingt - deux minutes
chacune , laissent seize degrez dixhuit
minutes pour la vingt - deuxième
qui est une difference de quatre minutes
moins que les autres , laquelle fait connoître
qu'elle est la portion que le Polygone
circonscrit de 360 , côtez , a de plus
que la circonférence du Cercle de 360 .
degrez , et qu'elle donne ainsi le dévelopement
entier de la solution parfaite du
fameux Problême de la Quadrature du
Cercle , en donnant le vrai rapport du
Diametre, 114. degrez 34. m. à la circonference
E iiij
2152 MERCURE DE FRANCE
•
ference du Cercle de 360. degrez , qui est
celui de sept à vingt- deux moins quelque
chose , lequel quelque chose , l'on voit
enfin ici , fixé à quatre minutes , à quoi
se doivent aussi fixer les difficultez que
M. le Monnier essaye inutilement d'y
opposer .
A l'égard de ce que j'ay dit que la Géometrie
simple est la seule réelle , la seule
solide , quoi qu'en puisse dire M. le Monnier
, en faveur des sections coniques , et
même de la Géometrie de l'infini , il ne
peut disconvenir sans se commettre un
peu , que ce qu'il y a de plus utile et de
plus dans l'usage , n'excede point le ressort
de la Géometrie simple , et que ce
qu'on y a imaginé de plus par la nouvelle
Algébre , cet art ingenieux , speculatif
et séduisant , qui parle aux yeux , et fait
taire la bouche , ne sont que des traits ,
que des figures symboliques qui ne servent
gueres plus qu'à irriter la curiosité
et à amuser l'esprit en effet n'est- ce pas
dans la plus haute sublimité de son intelligence
, à laquelle ses éleves puissent par
venir , qu'elle leur apprend à démontrer
que deux et deux , à quelques égards
ne font pas quatre ? Grande preuve
de sa
solidité et de son utilité ! Ce n'est pas que
je méprise ces connoissances , au contraire,
:
>
IG
SEPTEMBRE. 1731. 2153
je reconnois qu'elles ne m'ont amusé que
trop agréablement , et peut-être trop souvent;
mais je voudrois qu'on ne les encherit
point au- dessus de la valeur que le sçavant
P. Castel leur a si judicieusement
assignée dans son excellent livre de Mathématique
universelle.
C'est sincerement avec peine que je me
trouve obligé de dire que M. le Monnier
n'a pû parvenir à connoître , quelque effort
qu'il paroisse avoir fait que cinquante-
sept fois 57. degrez 17. m. valent
3265. degrez9.m. , et que dix-sept fois 17 .
m. valent quatre degrez quarante- neuf minutes
, qui font la somme totale 3269 .
degrez 58. m. J'admire comment il a squ
trouver des secondes où il ne s'agit que
de primes , je veux dire que de minutes .
N'y a-t-il point encore sujet de s'étonner
que M. le Monnier me propose de
comparer des nombres à des nombres
pour la Duplication du Cube , lui qui
doit sçavoir , que comme la Duplication
du quarré est impossible en nombre et
possible en ligne , de même la Duplication
du Cube ne se peut faire en nombre
et peut se faire en ligne , en trouvant deux
lignes moyennes proportionnelles entre
une et deux ? Quoique jusqu'à present
on ait cherché inutilement ces movennes
proportionnelles par la Géometrie
simple , E v
2154 MERCURE DE FRANCE
simple ; je crois cependant les avoir
trouvées par ce proċedé ici . Soit la ligne
A
ر
B
1
,
C D
E
" divisée en B en deux parties égales
pour faire une et deux , comme on le
verra dans la suite et chacune moitié
subdivisée en deux autres qui fassent quatre
parties égales . Alors prenant la seconde
moitié de la ligne AB , pour le côté
d'un quarré , soit sa diagonale , conduite
en C , et que D marque la moitié de la
ligne BE ; car en procedant ainsi , il est
indubitable que AB : AC AD : AE. Et
par conséquent que ces quatre lignes sont
en proportion Géometrique et continuellement
proportionnelles
, desquelles AC
et AD sont les deux moyennes. Et comme
il est démontré depuis long- temps , que
la premiere est la racine cubique du Cube
deux , il s'ensuit que la ligne AC est le
côté du Cube double du Cube de AB ,
d'où l'on doit indubitablement conclure
que la solution du célebre Problême de la
Duplication du Cube est enfin trouvée.
Quant àl'operation de la Trisection de
l'Angle , M. le Monnier peut continuer
à la faire ; les difficultez en sont levées ;
il n'a plus de Paralogisme à craindre
ayant autant de sagacité et de pénetra
tion que je lui en crois .
>
Voici
SEPTEMBRE . 1731. 2155
Voici donc bien démontrées les solutions
tant désirées et presque inesperées
de ces anciens Apores , la Quadrature du
Cercle , la Duplication du Cube et la
Trisection de l'Angle par la Géometrie
simple , sans le secours des sections Coniques
, ni de la Géometrie de l'infini ,
dont les operations ne sont point si lumi
neuses , qu'elles ne laissent quelque doute.
Religieux de la Charité , à M. le Monnier.
Puisque j'ay osé m'introduire dans la
République des Lettres , je dois comme
bon Citoyen , me soûmettre à la Jurisdiction
qui s'y trouve établie dès son
commencement. C'est le tribunal de la
Critique , dont la puissance est soûtenuë
de l'autorité du Droit Public.
Les
SEPTEMBRE. 1731. 21ST
114
,
Les sentimens d'estime que j'ay pour la
saine Critique , peuvent persuader d'a
bord M. le Monnier , que j'ay vû avec
plaisir dans le Journal de Trevoux du
mois de Mars 1731. la réfutation qu'il a
faite de mon petit ouvrage sur la Quadrature
du Cercle la Duplication da
Cube et la Trisection de l'Angle ; mais
quelque soit mon respect pour sa personne
, et mon estime pour la Critique ,
je ne pense pas qu'il doive en inferer que
je sois disposé à me soûmettre aux loix
qu'il me préscrit , et que je me déporte
de ma methode simple et nouvelle,s'il veut,
mais exacte , mais solide , de diviser les
360. degrez de la circonference du Cercle
en vingt- deux parties , dont vingt et
une étant de seize degrez vingt - deux minutes
chacune , laissent seize degrez dixhuit
minutes pour la vingt - deuxième
qui est une difference de quatre minutes
moins que les autres , laquelle fait connoître
qu'elle est la portion que le Polygone
circonscrit de 360 , côtez , a de plus
que la circonférence du Cercle de 360 .
degrez , et qu'elle donne ainsi le dévelopement
entier de la solution parfaite du
fameux Problême de la Quadrature du
Cercle , en donnant le vrai rapport du
Diametre, 114. degrez 34. m. à la circonference
E iiij
2152 MERCURE DE FRANCE
•
ference du Cercle de 360. degrez , qui est
celui de sept à vingt- deux moins quelque
chose , lequel quelque chose , l'on voit
enfin ici , fixé à quatre minutes , à quoi
se doivent aussi fixer les difficultez que
M. le Monnier essaye inutilement d'y
opposer .
A l'égard de ce que j'ay dit que la Géometrie
simple est la seule réelle , la seule
solide , quoi qu'en puisse dire M. le Monnier
, en faveur des sections coniques , et
même de la Géometrie de l'infini , il ne
peut disconvenir sans se commettre un
peu , que ce qu'il y a de plus utile et de
plus dans l'usage , n'excede point le ressort
de la Géometrie simple , et que ce
qu'on y a imaginé de plus par la nouvelle
Algébre , cet art ingenieux , speculatif
et séduisant , qui parle aux yeux , et fait
taire la bouche , ne sont que des traits ,
que des figures symboliques qui ne servent
gueres plus qu'à irriter la curiosité
et à amuser l'esprit en effet n'est- ce pas
dans la plus haute sublimité de son intelligence
, à laquelle ses éleves puissent par
venir , qu'elle leur apprend à démontrer
que deux et deux , à quelques égards
ne font pas quatre ? Grande preuve
de sa
solidité et de son utilité ! Ce n'est pas que
je méprise ces connoissances , au contraire,
:
>
IG
SEPTEMBRE. 1731. 2153
je reconnois qu'elles ne m'ont amusé que
trop agréablement , et peut-être trop souvent;
mais je voudrois qu'on ne les encherit
point au- dessus de la valeur que le sçavant
P. Castel leur a si judicieusement
assignée dans son excellent livre de Mathématique
universelle.
C'est sincerement avec peine que je me
trouve obligé de dire que M. le Monnier
n'a pû parvenir à connoître , quelque effort
qu'il paroisse avoir fait que cinquante-
sept fois 57. degrez 17. m. valent
3265. degrez9.m. , et que dix-sept fois 17 .
m. valent quatre degrez quarante- neuf minutes
, qui font la somme totale 3269 .
degrez 58. m. J'admire comment il a squ
trouver des secondes où il ne s'agit que
de primes , je veux dire que de minutes .
N'y a-t-il point encore sujet de s'étonner
que M. le Monnier me propose de
comparer des nombres à des nombres
pour la Duplication du Cube , lui qui
doit sçavoir , que comme la Duplication
du quarré est impossible en nombre et
possible en ligne , de même la Duplication
du Cube ne se peut faire en nombre
et peut se faire en ligne , en trouvant deux
lignes moyennes proportionnelles entre
une et deux ? Quoique jusqu'à present
on ait cherché inutilement ces movennes
proportionnelles par la Géometrie
simple , E v
2154 MERCURE DE FRANCE
simple ; je crois cependant les avoir
trouvées par ce proċedé ici . Soit la ligne
A
ر
B
1
,
C D
E
" divisée en B en deux parties égales
pour faire une et deux , comme on le
verra dans la suite et chacune moitié
subdivisée en deux autres qui fassent quatre
parties égales . Alors prenant la seconde
moitié de la ligne AB , pour le côté
d'un quarré , soit sa diagonale , conduite
en C , et que D marque la moitié de la
ligne BE ; car en procedant ainsi , il est
indubitable que AB : AC AD : AE. Et
par conséquent que ces quatre lignes sont
en proportion Géometrique et continuellement
proportionnelles
, desquelles AC
et AD sont les deux moyennes. Et comme
il est démontré depuis long- temps , que
la premiere est la racine cubique du Cube
deux , il s'ensuit que la ligne AC est le
côté du Cube double du Cube de AB ,
d'où l'on doit indubitablement conclure
que la solution du célebre Problême de la
Duplication du Cube est enfin trouvée.
Quant àl'operation de la Trisection de
l'Angle , M. le Monnier peut continuer
à la faire ; les difficultez en sont levées ;
il n'a plus de Paralogisme à craindre
ayant autant de sagacité et de pénetra
tion que je lui en crois .
>
Voici
SEPTEMBRE . 1731. 2155
Voici donc bien démontrées les solutions
tant désirées et presque inesperées
de ces anciens Apores , la Quadrature du
Cercle , la Duplication du Cube et la
Trisection de l'Angle par la Géometrie
simple , sans le secours des sections Coniques
, ni de la Géometrie de l'infini ,
dont les operations ne sont point si lumi
neuses , qu'elles ne laissent quelque doute.
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Résumé : RÉPONSE du P. Romuald le Muët, Religieux de la Charité, à M. le Monnier.
Le Père Romuald le Muët, religieux de la Charité, répond à M. le Monnier après que ce dernier ait critiqué son ouvrage sur la quadrature du cercle, la duplication du cube et la trisection de l'angle. Le Père Romuald exprime son respect pour la critique mais refuse de se soumettre aux lois que M. le Monnier lui prescrit. Il défend sa méthode de division des 360 degrés de la circonférence du cercle en vingt-deux parties, affirmant que cette méthode permet de résoudre le problème de la quadrature du cercle en déterminant le rapport entre le diamètre et la circonférence. Le Père Romuald soutient que la géométrie simple est la seule réelle et solide, contrairement aux sections coniques et à la géométrie de l'infini, qu'il considère comme des artifices symboliques. Il reconnaît l'utilité de ces connaissances mais les juge surévaluées. Il critique également M. le Monnier pour ses erreurs de calcul, notamment dans la duplication du cube, et affirme avoir trouvé une solution en utilisant la géométrie simple. Il explique que la duplication du cube peut se faire en ligne en trouvant deux lignes moyennes proportionnelles entre une et deux. Le Père Romuald conclut que les solutions aux problèmes de la quadrature du cercle, de la duplication du cube et de la trisection de l'angle sont démontrées par la géométrie simple, sans recours aux sections coniques ou à la géométrie de l'infini.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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443
p. 2155-2156
ENIGME.
Début :
Nous sommes vingt, tous de même âge, [...]
Mots clefs :
Doigts
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Ous sommes vingt, tous de même âge,
Divisez en quatre Quartiers ,
Aux plantes attachez souvent en esclavage
Moitié de nous sont Prisonniers ,
Et telle est nôtre destinée ;
Que c'est par nôtre autre moitié
Que nous sommes logez en prison sans pitié :
Pendant tous les jours de l'Année ;
E vj
11
2156 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai que pendant les Nuits ,
De nos Cachots étant sortis ,
On nous laisse jouir aux heures ordinaires
Des mêmes libertez dont jouissent nos freres.
AS. Vallery.
Ous sommes vingt, tous de même âge,
Divisez en quatre Quartiers ,
Aux plantes attachez souvent en esclavage
Moitié de nous sont Prisonniers ,
Et telle est nôtre destinée ;
Que c'est par nôtre autre moitié
Que nous sommes logez en prison sans pitié :
Pendant tous les jours de l'Année ;
E vj
11
2156 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai que pendant les Nuits ,
De nos Cachots étant sortis ,
On nous laisse jouir aux heures ordinaires
Des mêmes libertez dont jouissent nos freres.
AS. Vallery.
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444
p. 2156
LOGOGRYPHE.
Début :
Cinq lettres composent mon nom ; [...]
Mots clefs :
Louis
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
Cinq lettres composent mon nom ♪
Qui dans la Franee a grand renom ,
J'y fûs grand , juste , débonnaire
Pieux , et des Peuples le Pere ;
On m'y vit d'Outremer sans avoir de bons yeuxi
Enfin parmi les Saints on me voit dans les Cieux.
Tu trouveras en moi deux Notes de Musique ;
Mes derniers pieds unis , sans moi la Mecanique
Presseroit les corps foiblement ;
Devine, Lecteur, promptement.
M. L. C. L ... d'Arles,
Cinq lettres composent mon nom ♪
Qui dans la Franee a grand renom ,
J'y fûs grand , juste , débonnaire
Pieux , et des Peuples le Pere ;
On m'y vit d'Outremer sans avoir de bons yeuxi
Enfin parmi les Saints on me voit dans les Cieux.
Tu trouveras en moi deux Notes de Musique ;
Mes derniers pieds unis , sans moi la Mecanique
Presseroit les corps foiblement ;
Devine, Lecteur, promptement.
M. L. C. L ... d'Arles,
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445
p. 2156-2157
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis chez toute Nation [...]
Mots clefs :
Médecine
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
SECOND LOGOGRYPHE
JEE suis chez toute Nation
Science et composition
D'un assez perilleux usage ;
Cependant
SEPTEMBRE. 1731. 27
Cependant l'homme le plus sage ,
Malgré ce qu'il voit tous les jours ,
Croit trouver en moi du secours.
Tel je suis tout entier , mais si l'on me partage
Mon dernier membre ôté je deviens un Docteur
Qui decide à tâtons , si tu m'en crois , Lecteur ,
Evite ses Ecrits , son langage barbare ;
Je craindrois moins un Arabe , un Tartare.
L'histoire t'offre un Peuple 2 en me coupant e
deux ,
Qui jadis occupoit un Empire fameux.
Tranche un quart de mon tout , dans un Pays
sterile,
Interdit aux Chrétiens , je presente une Ville.
L. T. Demontrob .
de Vernon.
JEE suis chez toute Nation
Science et composition
D'un assez perilleux usage ;
Cependant
SEPTEMBRE. 1731. 27
Cependant l'homme le plus sage ,
Malgré ce qu'il voit tous les jours ,
Croit trouver en moi du secours.
Tel je suis tout entier , mais si l'on me partage
Mon dernier membre ôté je deviens un Docteur
Qui decide à tâtons , si tu m'en crois , Lecteur ,
Evite ses Ecrits , son langage barbare ;
Je craindrois moins un Arabe , un Tartare.
L'histoire t'offre un Peuple 2 en me coupant e
deux ,
Qui jadis occupoit un Empire fameux.
Tranche un quart de mon tout , dans un Pays
sterile,
Interdit aux Chrétiens , je presente une Ville.
L. T. Demontrob .
de Vernon.
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446
p. 2271-2276
LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
Début :
Heureux Frion, heureux qui, loin du bruit des Villes, [...]
Mots clefs :
Sillons fertiles, Palais, Vigne, Cruches
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
LA VIE
CHAMPÊTRE.
H →
ODE,
A M. Frion.
Eureux Frion , heureux qui, loin du
bruit des Villes ,
Ainsi que les
premiers
Mortels ,
Cultive les sillons fertiles ,
Des
héritages
paternels.
Qu'il entende sonner la trompette éclatante ,
A ij
Son
2272 MERCURE DE FRANCE.
Son esprit n'est point agité ;
Loin des fureurs de la tourmente
Il n'en est point épouvanté.
De mes Concitoyens qu'éleve l'injustice
Je fréquenterois les Palais !
Vainement contre l'Artifice
J'userois ma vie en Procès :
Je me ris de quiconque y consume ses veilles ,
Pendant que je vois se lier
La Vigne qui charge mes Treilles
Au branchage du Peuplier.
Utilement oisif dans un séjour tranquile
J'aperçois mon fruit s'étouffer;
J'en coupe une branche inutile
Qui me sert ensuite à greffer.
Dans une profitable et douce rêveric
Assis sur l'herbe du côteau
Je ne reconnois la prairie
Qu'en voyant mon nombreux Troupeau,
Le chien , en poursuivant la chevre bondissante ;
La ramene au jeune Chevreau ,
Auprès
OCTOBRE. 1731. 2273
Auprès de la Brebis paissante
Le Berger raporte l'Agneau.
Un essain de son miel a - t'il rempli mes Ruches
A l'entour j'allume des feux
L'Abeille sort , et dans mes Cruches
Coule son present doucereux .
Voyez-vous à la Terre une face riante ?
Que de fruits s'offrent à nos sens !
Semence , couche , greffe , plante ,
C'est l'Automne avec ses presens,
Qu'on reconnoisse ici le Dieu des Jardinages ;
Comment le louer dignement ?
Que deviendroient nos héritages
S'il n'y veilloit incessamment.
Seul , il peut éloigner parsa bonté Divine
De nos Vergers , de nos
guerets
Ces hommes nez pour la rapine
Et les hôtes de nos Forêts.
J'ai toûjours sous ce Chêne une retraitte somBre
Contre les plus vives chaleurs ;*
Et sa fraîcheur se joint à l'ombre
A iij
Sur
2274 MERCURE DE FRANCE
Sur ce Gazon mêlé de fleurs.
L'Onde vive , en fuyant d'une source très-pure
S'y forme en differens ruisseaux ;
Je m'endors à son doux murmure
Charmé du concert des Oiseaux.
Hyver, par les Arrêts du Maître du Tonnerre ;
Sêche les fleurs , gele les eaux ;
Approche et dépouille la Terre
De ses ornemens les plus beaux.
L'on me verra braver les Neiges et les Glaces ;
Le Cor anime mes limiers ;
Et je vais courir sur leurs traces ,
Livrer la Guerre aux Sangliers.
Un Pastre industrieux voit un Liévre timide
S'étrangler à ses trébuchets ;
L'autre trouve la grive avide
Embarrassée en ses filets.
Jei mon Laboureur détele sous ma vůť
Les Boeufs lass és par l'aiguillon ,
Trainant sur le col la charüc
Dont ils ont creusé le sillón.
Qui
OCTOBRE 1731. 2273
Qui pourroit nous troubler dans cet aimable
azile
Le travail assidu du jour
Nous répond d'une nuit tranquille
Que n'ose interrompre l'Amour.
Si le Dieu de l'Hymen te présente une Epouse ,
Elle s'applique à soulager
Des travaux dont elle est jalouse
Et qu'elle ne peut partager.
Telle nous la voyons , FRION , dans ton ménage
D'un mot conduire ta maison
Qu'une telle femme , un fils sage
Font bien - honneur à ta raison.
Les Troupeaux mugissans sortent de la prairie
Phebus précipite ses pas ;
Près de sa compagne chérie
L'Epoux vient chercher le répas.
Lassé par la chaleur , on lui verse un breuvage
Que Bacchus a cuit sous ses yeux ;
Il n'aimeroit pas davantage
Le Nectar qu'Hebé sert aux Dieux.
A iiij
N'a2276
MERCURE DE FRANCE
N'aprochez point d'ici , magnifiques avides
Qui dépouillez , pour un festin,
De Gibier les plaines humides ,
Et tout l'Ibere de son Vin.
Si le Loup me surprend une Agnelle bélante ;
Je joins l'Animal carnassier ;
Je reprens la bête sanglante
Et la fais cuire à mon foyer.
Je dois mes autres mets à mes couches utiles
Mes huiles à mes oliviers ;
Mes Vins à mes Treilles fertiles ;
Et mes fruits à mes Espaliers.
C'est à peu près ainsi que dans ses chants lyri
riques ,
Horace , à l'aide d'Apollon
>
Celebroit les plaisirs rustiques
Près de l'onde du saint Vallon.
Mais , plus heureux FRION, que l'ami de Mecéne
Si j'ai reüssi dans mes Vers ;
Je les dois moins à l'hypocréne
Qu'aux agrémens de ton Villers.
L. C. D. N. D. M.
CHAMPÊTRE.
H →
ODE,
A M. Frion.
Eureux Frion , heureux qui, loin du
bruit des Villes ,
Ainsi que les
premiers
Mortels ,
Cultive les sillons fertiles ,
Des
héritages
paternels.
Qu'il entende sonner la trompette éclatante ,
A ij
Son
2272 MERCURE DE FRANCE.
Son esprit n'est point agité ;
Loin des fureurs de la tourmente
Il n'en est point épouvanté.
De mes Concitoyens qu'éleve l'injustice
Je fréquenterois les Palais !
Vainement contre l'Artifice
J'userois ma vie en Procès :
Je me ris de quiconque y consume ses veilles ,
Pendant que je vois se lier
La Vigne qui charge mes Treilles
Au branchage du Peuplier.
Utilement oisif dans un séjour tranquile
J'aperçois mon fruit s'étouffer;
J'en coupe une branche inutile
Qui me sert ensuite à greffer.
Dans une profitable et douce rêveric
Assis sur l'herbe du côteau
Je ne reconnois la prairie
Qu'en voyant mon nombreux Troupeau,
Le chien , en poursuivant la chevre bondissante ;
La ramene au jeune Chevreau ,
Auprès
OCTOBRE. 1731. 2273
Auprès de la Brebis paissante
Le Berger raporte l'Agneau.
Un essain de son miel a - t'il rempli mes Ruches
A l'entour j'allume des feux
L'Abeille sort , et dans mes Cruches
Coule son present doucereux .
Voyez-vous à la Terre une face riante ?
Que de fruits s'offrent à nos sens !
Semence , couche , greffe , plante ,
C'est l'Automne avec ses presens,
Qu'on reconnoisse ici le Dieu des Jardinages ;
Comment le louer dignement ?
Que deviendroient nos héritages
S'il n'y veilloit incessamment.
Seul , il peut éloigner parsa bonté Divine
De nos Vergers , de nos
guerets
Ces hommes nez pour la rapine
Et les hôtes de nos Forêts.
J'ai toûjours sous ce Chêne une retraitte somBre
Contre les plus vives chaleurs ;*
Et sa fraîcheur se joint à l'ombre
A iij
Sur
2274 MERCURE DE FRANCE
Sur ce Gazon mêlé de fleurs.
L'Onde vive , en fuyant d'une source très-pure
S'y forme en differens ruisseaux ;
Je m'endors à son doux murmure
Charmé du concert des Oiseaux.
Hyver, par les Arrêts du Maître du Tonnerre ;
Sêche les fleurs , gele les eaux ;
Approche et dépouille la Terre
De ses ornemens les plus beaux.
L'on me verra braver les Neiges et les Glaces ;
Le Cor anime mes limiers ;
Et je vais courir sur leurs traces ,
Livrer la Guerre aux Sangliers.
Un Pastre industrieux voit un Liévre timide
S'étrangler à ses trébuchets ;
L'autre trouve la grive avide
Embarrassée en ses filets.
Jei mon Laboureur détele sous ma vůť
Les Boeufs lass és par l'aiguillon ,
Trainant sur le col la charüc
Dont ils ont creusé le sillón.
Qui
OCTOBRE 1731. 2273
Qui pourroit nous troubler dans cet aimable
azile
Le travail assidu du jour
Nous répond d'une nuit tranquille
Que n'ose interrompre l'Amour.
Si le Dieu de l'Hymen te présente une Epouse ,
Elle s'applique à soulager
Des travaux dont elle est jalouse
Et qu'elle ne peut partager.
Telle nous la voyons , FRION , dans ton ménage
D'un mot conduire ta maison
Qu'une telle femme , un fils sage
Font bien - honneur à ta raison.
Les Troupeaux mugissans sortent de la prairie
Phebus précipite ses pas ;
Près de sa compagne chérie
L'Epoux vient chercher le répas.
Lassé par la chaleur , on lui verse un breuvage
Que Bacchus a cuit sous ses yeux ;
Il n'aimeroit pas davantage
Le Nectar qu'Hebé sert aux Dieux.
A iiij
N'a2276
MERCURE DE FRANCE
N'aprochez point d'ici , magnifiques avides
Qui dépouillez , pour un festin,
De Gibier les plaines humides ,
Et tout l'Ibere de son Vin.
Si le Loup me surprend une Agnelle bélante ;
Je joins l'Animal carnassier ;
Je reprens la bête sanglante
Et la fais cuire à mon foyer.
Je dois mes autres mets à mes couches utiles
Mes huiles à mes oliviers ;
Mes Vins à mes Treilles fertiles ;
Et mes fruits à mes Espaliers.
C'est à peu près ainsi que dans ses chants lyri
riques ,
Horace , à l'aide d'Apollon
>
Celebroit les plaisirs rustiques
Près de l'onde du saint Vallon.
Mais , plus heureux FRION, que l'ami de Mecéne
Si j'ai reüssi dans mes Vers ;
Je les dois moins à l'hypocréne
Qu'aux agrémens de ton Villers.
L. C. D. N. D. M.
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Résumé : LA VIE CHAMPÊTRE. ODE, A M. Frion.
Le texte est une ode dédiée à M. Frion, mettant en lumière les plaisirs de la vie champêtre. L'auteur exprime sa satisfaction à cultiver les terres héritées de ses ancêtres, loin du tumulte des villes et des conflits. Il décrit les activités agricoles et la tranquillité de la vie rurale, où il observe la nature et les animaux. L'automne est particulièrement souligné pour ses fruits abondants et la protection divine des vergers et des champs. L'auteur apprécie aussi la fraîcheur des chênes et le murmure des ruisseaux en été, ainsi que les activités de chasse en hiver. La vie rurale est présentée comme un refuge paisible, où le travail quotidien assure des nuits tranquilles. L'auteur loue également la contribution de l'épouse et du fils de Frion à la gestion harmonieuse du ménage. Il conclut en comparant sa vie rustique à celle décrite par Horace, tout en soulignant que ses vers doivent plus aux agréments du domaine de Frion qu'à l'inspiration poétique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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447
p. 2277-2295
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
Début :
MONSIEUR, La Médaille Romaine de grand Bronze que vous m'avez envoyée depuis peu, et [...]
Mots clefs :
Abbaye, Médailles, Impératrice Lucille, Argent, Tête de Jupiter, Prêtresse, Phocéens d'Ionie, Traducteurs latins, Marseille, Bronze
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
LETTRE écrite par M. D. L. R. à
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
La lettre de M. D. L. R. à M...... de l'Abbaye Saint-Victor de Marseille discute de deux médailles antiques. La première est une médaille romaine en bronze découverte dans le vignoble de Saint-Just, attribuée à l'impératrice Lucille, fille de Marc-Aurèle et de Faustine la Jeune. Lucille avait épousé Lucius Verus, associé à l'Empire avec son beau-père. La seconde est une pièce grecque en argent trouvée dans le Languedoc par M. Vergile de la Bastide. Elle représente une tête d'homme et un sautoir, avec les lettres 'M A' au revers, probablement en référence à Marseille ou à son fondateur. L'auteur attribue cette médaille à Massalia, le premier fondateur de Marseille selon Plutarque, tout en mentionnant d'autres fondateurs potentiels comme Furius et Peranus, qu'il considère comme secondaires. Le texte aborde également une médaille attribuée à Maximien Hercule, portant les lettres DMKV sur son revers. Le Père Hardouin interprète ces lettres comme indiquant une frappe à Marseille, mais cette hypothèse est contestée car Maximien, poursuivi par Constantin, s'y réfugia durant une période de décadence, rendant improbable la frappe de monnaie en son honneur. La médaille romaine de Lucille présente sur son revers une figure féminine assise tenant une fleur et un enfant emmailloté, avec l'inscription JUNONI LUCINE. Cette représentation symbolise Lucille sous les traits de Junon Lucine, déesse de la fécondité, suggérant soit une fécondité future, soit une maternité déjà réalisée. Cette interprétation est confirmée par d'autres médailles et médaillons similaires décrits par Vaillant. Le texte mentionne aussi une médaille grecque de Lucille, frappée par le roi arabe Mannus, qui se présente comme ami des Romains. Cette médaille est rare et élégante, frappée durant le séjour de Lucius Verus et Lucille à Antioche. L'auteur encourage les savants de Marseille à approfondir ces découvertes et à publier des explications plus exactes et étendues dans la nouvelle histoire de la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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448
p. 2295-[2296]
SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
Début :
Tra quanti mai vestiro umana spoglia, [...]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
SONNET ITALIEN ,
Sur la Mort de M. de la Faye
TRa quanti mai vestiro umana spoglia,
Dallo Scita nevoso all'Indo adusto ,
Uom non vid io di cotai pregi onusta
Calcar di Pindo la superba Soglia !
Questi , che tanto ora la Senna addoglia ,
Giungeva al dette stil lo stil veausto :
Bij Egli
1126 MERCURE
DE FRANCE
Egli unía colle Muse in spatio angusto,
Le Gratie a dir che che ragion ne invoglia,
Eran con Effo in dolce lor soggiorno ,
Senno maturo con sapere accorto ,
Umana
cortesia costume adorno,
Ogni modo gentile era risorto
Solo con Lui , dell' età nostra a scorno
Ahi Muse, ahi Gratic ! il vostro Faya è morto
L'Abbate Antonini.
Sur la Mort de M. de la Faye
TRa quanti mai vestiro umana spoglia,
Dallo Scita nevoso all'Indo adusto ,
Uom non vid io di cotai pregi onusta
Calcar di Pindo la superba Soglia !
Questi , che tanto ora la Senna addoglia ,
Giungeva al dette stil lo stil veausto :
Bij Egli
1126 MERCURE
DE FRANCE
Egli unía colle Muse in spatio angusto,
Le Gratie a dir che che ragion ne invoglia,
Eran con Effo in dolce lor soggiorno ,
Senno maturo con sapere accorto ,
Umana
cortesia costume adorno,
Ogni modo gentile era risorto
Solo con Lui , dell' età nostra a scorno
Ahi Muse, ahi Gratic ! il vostro Faya è morto
L'Abbate Antonini.
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Résumé : SONNET ITALIEN, Sur la Mort de M. de la Faye.
Le sonnet 'Sur la Mort de M. de la Faye' de l'Abbé Antonini loue les vertus exceptionnelles de M. de la Faye. Ce dernier incarnait élégance, dignité, maturité intellectuelle, sagesse et courtoisie. Sa disparition est perçue comme une grande perte pour son époque.
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449
p. [2296]-2297
AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Début :
Sur le bord tenebreux, la Faye est descendu, [...]
Mots clefs :
Goût, Urbanité, Muses, Culte, Tombeau
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
AUTRE SONNET
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
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Résumé : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Le sonnet 'HIJATI' rend hommage à une personne décédée, incarnant le goût, l'urbanité et la raison délicate. Le poète, incapable de célébrer sa mémoire comme il le souhaite, exprime sa douleur et promet de verser des pleurs sur sa tombe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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450
p. 2297-2309
LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été terriblement en colere contre le Public [...]
Mots clefs :
Rire, Satire, Despréaux, Famille royale, Conspiration , Reine, Autorité, Reconnaissance, Défiance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
LETTRE de Madame la Comtesse de....
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
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Résumé : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
La Comtesse de... exprime sa colère envers le Chevalier de... après avoir appris que le public avait ri lors de la représentation de la tragédie 'Astrate' de Jean Racine. Elle critique particulièrement la réaction du Chevalier, qui a également ri, notamment lors du second acte où l'Anneau Royal est mentionné. La Comtesse défend Racine en expliquant que les vers ironiques sur l'Anneau Royal sont prononcés par un personnage campagnard par pudeur. Elle reconnaît cependant que Racine a pu avoir des sentiments similaires dans d'autres œuvres. La Comtesse résume ensuite l'intrigue d''Astrate'. L'action se déroule à Tyr, où la reine Elise a usurpé le trône d'Adraste. Elise aime Astrate, qu'elle croit être le fils de Sichée. Les sujets d'Elise souffrent de voir une femme régner et souhaitent un roi. Elise envisage de choisir Astrate comme époux, mais Sichée, qui est en réalité le père d'Astrate et le véritable roi, tente de l'en dissuader. Il révèle finalement à Astrate qu'il est le fils du roi détrôné et qu'une conspiration est prête à rétablir la famille royale. Astrate obtient une amnistie générale, mais la conspiration éclate malgré tout. Elise, craignant pour la vie d'Astrate, se suicide. La Comtesse critique l'épisode de l'Anneau Royal, qui a suscité des rires, et défend Quinault en expliquant que l'Anneau est un symbole d'autorité légitime. Elle conclut en soulignant que les rires du public sont dus au passage subit du trône à la prison et au bonheur suprême, et non à l'Anneau Royal. Elle critique également le personnage d'Agenor, qui est puni à juste titre pour sa lâcheté et son comportement odieux. Enfin, elle loue la délicatesse de la scène où Elise encourage Astrate à lui parler de son amour. Par ailleurs, le texte relate une conversation entre deux personnages, Astrea et une reine. Astrea est accusé de sentiments excessifs envers la reine. Pour se défendre, Astrea est invité à examiner son cœur et à vérifier s'il ne ressent pas pour la reine une ardeur dépassant celle d'un sujet ordinaire. Encouragé par la douceur de la reine, Astrea avoue son amour coupable et insatiable. Il exprime son désir de rester coupable plutôt que de regretter ses sentiments. Il justifie son audace par l'intensité de son amour, affirmant que seul l'excès peut expliquer un tel sentiment. La suite de la conversation est reportée au prochain Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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