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1
p. [1627]-1637
ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Début :
Quelle douleur obstinée, [...]
Mots clefs :
Tombeau, Chagrin, Funèbres couleurs, Ombre, Douleur extrême, Destin, Mort, Gémir, Ennui, Mânes paisibles
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texteReconnaissance textuelle : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
ODE
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
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Résumé : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
L'ode commémore une jeune religieuse décédée à Amiens en mars 1731. Le texte exprime la douleur intense et persistante de la mère de la défunte, qui pleure sa fille emportée en pleine jeunesse. Les Grâces, habituées à servir le bonheur, sont surprises par ce changement funeste et ne peuvent se plaire dans ce lieu de deuil. La mère reconnaît la légitimité de son chagrin après une telle perte, mais critique la constance excessive dans la douleur. Elle souligne que les larmes maternelles ne peuvent ramener les morts. La Mort est décrite comme un monstre avide, indifférent aux pleurs des parents. Le poème met en garde contre l'imitation de la faiblesse tragique et encourage à surmonter la tristesse par la raison. Il évoque l'exemple de Céphise, une mère stoïque qui, malgré sa douleur, ne se laisse pas submerger par les pleurs. La mère de la jeune religieuse trouve finalement du réconfort dans la foi chrétienne, adore Dieu et accepte la volonté divine. Elle rappelle que la mort n'est prématurée que pour ceux qui meurent sans vertus et que Dieu récompense les âmes pures, indépendamment de leur âge. Elle conclut en souhaitant que les jours perdus par la défunte soient ajoutés à sa propre vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1637-1649
SECONDE LETTRE de M. Lalouat de Soalaines, sur les Akousmates.
Début :
J'ai établi, Monsieur, dans ma premiere Lettre, que les principes des [...]
Mots clefs :
Terre, Airs, Brouillards, Tremblements de terre, Secousses, Vibrations, Canards, Oies, Battement des ailes, Tonnerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE de M. Lalouat de Soalaines, sur les Akousmates.
SECONDE LETTRE de M. Lar
lonat de Soalaines , sur les Akousmates.
J'A
*
'Ay établi , Monsieur , dans ma premiere
Lettre , que les principes des
sons peuvent se rencontrer aussi - bien dans
le sein de la Terre que dans les Airs , et
je l'ai prouvé principalement par l'experience.
Il est vrai que les bruits dont j'ai
parlé , qui sortent des entrailles de la
Terre , sont très rares , et qu'ils sont ,
quand ils arrivent, plus confus et entendus
de moins loin , que ceux qui partent des >
Airs , et ces évenemens sont une suite
de mon principe. La Terre étant très-facile
à se dilater , sur tout dans les endroits .
où peuvent résider les matieres qui les
occasionnent ,, il s'ensuit que ne tro vant
que très- peu ou point du tou
tar
cles dans leur sortie , elles ne doivent aire
aucun bruit , ou du moins un bruit trèspen.
1638 MERCURE DE FRANCE
peu sensible ; de- là ces matieres sulfureuses
qui composent les brouillards et
qui font les tremblemens de Terre , ne
produisent aucun son en sortant. D'ailleurs
notre matiere fluide agitée , trouvant
à sa rencontre des Edifices et des Montagnes
ou d'autres obstacles dans son extension,
se refléchit dans l'espace d'où elle
part , et peu à peu ne recevant plus que
des secousses ou des vibrations sembla
bles à celles d'une Corde de Clavecin
sur laquelle on met legerement le doigt
dans le tems que la touche la frappe , elle
ne peut plus s'entendre bien loin et ne
doit plus exciter qu'un son très -confus
et très-interrompu , qui a pû néanmoins
être très-perçant dans le point central de
son tourbillon. Ainsi , Monsieur , quelque
terrible que fût le bruit causé à Pale
Magazin à Poudre dont je vous
ai parlé , il ne fut entendu qu'aux environs
, les Habitans des autres Quartiers.
ne le scutent que par oui dire.
ris par
Faisons l'application de mes principes
à la diablerie d'Ansacq , ou si vous voulez
à celle de Sezanne . Ce bruit sortoit
du sein de la Terre ou de l'Air ; quant à
celui que j'entendis à Sezanne , il avoir
assurément son principe dans une Nuée ,
qui selon toutes les apparences , avoit été
formée
JUILLET. 1731
1639
formée par des vapeurs exhalées de ces.
Marais et de ces Etangs dont je vous ai
parlé.
de
Il faut dire que dans cette Nuée se trou
voit renfermée une grande quantité ou de
Sels ou d'autres esprits très- actifs qui y
avoient été enveloppez ou par une chute
plusieursNuées les unes sur les autres ,ou
parce que se dégageant de la partie aqueuse
et la plus grossiere de la Nuée , ils s'étoient
creusé une espece de voute, ou pour
mieux dire , un nombre infini de petites
celules ou concavitez , que ces esprits actifs
se multipliant et se raréfiant , ne pouvant
plus se contenir dans ces celules ou
concavitez , les percerent en differens en .
droits , et sortant par ces troux avec impétuosité
, ébranloient par leur choc les
differentes colomnes de notre matiere
Auide celle- cy communiquant son trẻ-
moussement et ses secousses à tous les
objets voisins capables d'être ébranlés , et
frapant les oreilles de ceux qui pouvoient
se rencontrer dans ses tourbillons , leur
faisoit distinguer des sons .
Ces esprits se faisant jour de toutes parts,
et sortant par une infinité d'échancrures
ou de troux de forme differente , donnoient
par leur éruption des secousses infinies
et d'une varieté infinie à la matiere flui-
>
de ,
1640 MERCURE DE FRANCE
de , qui en les reportant à l'oreille , faisoit
par consequent éprouver une infinité
de sons differens. Les efforts. que
faisoient ces Esprits pour sortir , élargissoient
necessairement leurs passages , out
même réduisoient un grand nombre de
troux très- petits en un seul , et grossissoient
parconsequent et confondoient les
sons.
Enfin la plus grande partie de ces Esprits
s'étant échappez , ce qui restoit se
trouvant par là plus au large dans ces
Celules , ou peut être la matiere grossierequi
s'opposoit à leur sortie , se trouvant
assez dilatée pour qu'ils pussent sortir
sans tant de précipitation , ils ne frapperent
plus que foiblement , et leur activité
ébranlant le corps entier de la Nuée
ne produisoit plus qu'une secousse generale
de tout ce Corps , et ne rendoit plus.
qu'un son qui devoit être , à la verité , un
peu violent , et étourdir les oreilles , mais
unique et très-confus , tel à peu près
( toute proportion gardée ) que celui que
fait une bande d'Oyes ou de Canards.
sauvages par le battement des aîles , en
fendant l'Air.
Qu'il y ait plusieurs Nuées ou feüilles
de Nuées, ( si l'on peut parler ainsi ) qui
puissent retomber les unes sur les autres
JUILLET 1731. 1642
il suffit pour s'en convaincre de lever
les yeux en l'air dans un temps de Nuée
on en voit d'infiniment plus élevées les
unes que les autres ; quelques Philosophes
ont même prétendu que cette chûte
de Nuées les unes sur les autres faisoit
tout le bruit du Tonerre. Qu'il se forme
des concavités dans les Nuées , et qu'il
puisse y en avoir plusieurs dans une même
Nuée , le Tonerre nous le démontre ;
nous voyons la matiere ignée sortir , et
le bruit éclatter d'un grand nombre d'endroits
tout à la fois.
Ce Metéore prouve encore ce que je
dis de l'eruption de la Nuée causée par
les efforts des esprits qui en veulent sortir
, puisque dans le Tonerre si- tôt que
la matiere ignée est parvenue à se faire
passage et à sortir de la Nuée , nous
voyons cette Nuée fendue en plusieurs.
pieces , et chaque piece se pousser de differens
côtés. Donc si cette matiere ignée
qui étoit renfermée dans la Nuée, en est
sortie , ce n'a été qu'en brisant par son
choc cette même Nuée..
Voilà M. ce que je pense du bruit que
j'entendis à Sezanne ; et comme je pense
de même de celui qui fut entendu à
Ansacq , je dois y étendre cette explication
, contre laquelle je prévois deux
objections ,
1542 MERCURE DE FRANCE
objections , l'une de la part du Curé
d'Ansacq , et l'autre de vous.
M. le Curé pour déffendre sa Rélation
et toutes ses dépendances , pourra me
dire qu'en suivant mes propres principes
, il n'y a rien d'impossible dans toutes
les circonstances de son Akousmate
et que j'ai tort par consequent d'en retrancher
le plus admirable , parcequ'il
suffit que dans le sein de la Terre , il se
soit trouvé plusieurs concavités remplies
d'une matière active qui ait cherché à
forcer sa Prison , et que ces concavités
se soient trouvées à quelque distance les
unes des autres , pour que dans quelques
unes la matiete ait été plus préparée à sortir
et à s'éloigner , et ait par consequent
rompu la premiere la Prison avec fracas
et qu'enfin dans le milieu toutes les autres
, peut être même ébranlées par les
secousses des premieres crévées , soient
parties presque en même temps ; qu'il
n'y a pas plus de difficulté à supposer un
grand nombre de concavités en la varieté
des sons dans le sein de la Terre que dans
une Nuée , puisque j'admets le principe
des sons dans la Terre comme dans les
·Airs.
+
A cela je réponds qu'il y a une grande
difference entre une Nuée et la Terre.
Unc
JUILLET. 1731. 1643
gner
UneNuée est composée de parties les unes
aqueuses trés -liées , et d'autres trés- actives
, qui par leur propre mouvement ,
et par l'effort, qu'elles font pour s'éloi
de leurs centres , peuvent se détacher
des plus grossieres , et s'élever ; si en
s'élevant elles trouvent des obstacles, elles
seront renfermées de tous côtés , et demeureront
dans le sein de la Nuée , jusqu'à
ce qu'elles ayent pû par leur activiré
et leur quantité forcer les barrieres ; ou
bien , si dans le tems qu'elles s'élevent, un
Nuage superieur vient à tomber sur celui
d'où elles sortent , elles se trouveront
comme englouties entre ces deux Nuages ,
et ne pourront jamais s'en dégager sans
éffort.
Et ce qui peut multiplier le bruit ,
c'est que ces parties spiritueuses que j'appelle
Esprits , peuvent même sortir à plusieurs
fois , parce que , se trouvant trop
comprimées , et s'étant fait jour par la
partie de la Nuée la plus foible , il peutarriver
qu'il n'en sorte qu'une certaine
quantité , que le reste étant au large n'ait
plas la même activité pour s'échapper
et que l'ouverture se referme aussitôt que
les esprits les plus actifs sont sortis
par Pélasticité ou par la grande facilité
à se reunir avec les parties aqueuses.
Donné
1644 MERCURE DE FRANCE
Donné un coup dans un ruisseau ,
vous pourrés voir le fond , mais ces parties
d'eau que vous aurés mises dans un
grand mouvement se réuniront aussi
promptement que vous les aurés separées
, si vous voulez voir une deuxième
fois le fond , il faut donner un deuxième
coup. Telle est la nature de tous les liquides
et fluides, et en particulier des Nuées,
comme nous le prouvent les éclairs qui
fendent la Nuée avec impetuosité,à peine
sont ils sortis qu'elle se referme , et il
faut absolument qu'elle soit brisée en plusieurs
morceaux pour que tous les esprits
ayent le tems de se dissiper entierement.
Il s'en faut beaucoup qu'on en puisse
dire autant de la Terre.C'est un corps solide
et grossier qui n'a ni élasticité ni
mouvement. Etant une fois ouvert , ou le
trou demeure toujours, ou la surface s'abîme
, et remplit la concavité aussitôt que
cette matiere active en est sortie , ensorte
qu'elle n'a besoin que d'un effort
pour fuir, et par consequent elle ne doit
produire qu'un seul son.
>
D'ailleurs il est bien difficile de suposer
dans la Terre tant de petites concavités
differentes dans un si petit espace , du
moins est- il impossible que toutes ces pe
tites concavités eussent crevé sans que la
surface
JUILLET. 1731. 1545
surface en eût été ébranlée . Mais surtout
il faut convenir que ce bruit sortant de
la Terre ne se seroit élevé que de la hauteur
de son tourbillon , et auroit toujours paru
fixé.
Que dix mille hommes rangés dans
une plaine fassent chacun une décharge ,
tout les coups seront entendus fixement
comme
pourra dint de la Plaine , et l'on
dire j'ai entendu tirer dans la
Plaine dix milles coups de fusil
Dira- ton , en effet , que le tintamarre
d'Ansacq soit sorti de la Terre , et qu'il
soit allé se faire entendre le long du
Village pour effrayer les endormis. Il est
donc plus probable que c'est une Nuée
qui a produit ces Sons. 1 ° . Presque tous
les témoins et M. le Curé lui- même conviennent
que ce bruit s'est fait entendre
en l'air. 2. La disposition du Terrain
les Montagnes fecondes en Sources , les
Bois , les Ruisseaux , les Marécages qui
en sont les suites , ont pû facilement
former cette Nuée.
Enfin M. le Curé pourra ajouter qu'en
supposant , si je veux , que ce bruit soit
parti d'une Nuée , il se peut faire qu'à
chaque extrémité de la Nuée , il y ait eu
du bruit avant que le milieu se soit fait
entendre.
A
1646 MERCURE DE FRANCE
A cela on peut répondre que les temoins
qui disent avoir entendu ces deux
premieres voix les font sortir de la Terre.
En deuxieme lieu les extrêmités d'une
Nuée sont infiniment plus rarefiées que
le milieu , dès- là les esprits qui pourroient
s'y rencontrer ont trop de liberté
pour pouvoir faire du ffacas par leur
évasion. C'est toujours à quelque distanée
de ses extrémités qu'une Nuée se contracte
davantage , et qu'elle se condense
de façon qu'elle y forme une espece de
corps opaque. C'est ce qui me fait croire,
que quoyque ces deux voix ne soient pas
phisiquement impossibles , puisqu'on
peut supposer que la Nuée avoit assés
d'étendue pour que ce ne fut pas absolument
à ses extrémités : cependant le fait
est trop suspect pour l'admettre. Il en
faut dire autant des éclats de rire et de la
symphonie.
Quant à vous , M. vous me direz que
mon explication peut bien faire concevoir
quelque bruit à peu prés semblable à ceux
du Tonnerre , mais nullement des voix
humaines , des cris d'Oiseaux et d'Animaux.
Il est aisé de répondre à vôtre objection.
Si l'Art peut bien imiter la nature ,
pourquoy ne voudriés-vous pas que la
nature
JUILLET. 1731. 1647
nature s'imitât elle- même dans ses differenres
operations ? si un Facteur d'Orgues
peut bien dans son jeu faire imiter
la voix humaine et les differens instrumens
; si un Paisan peut bien avec un
petit instrument de terre cuite , qu'on
debite dans vos Foires , imiter un Rossignol
; si l'on peut inventer differentes
machines qui imitent parfaitement la
Perdrix et la Caille , pourquoy ne voudriez
-vous pas qu'il se trouvât dans les
differens conduits , qui poussent les esprits
renfermés dans cetteNuée au dehors,
quelque chose qui ressemble à la voix
humaine , à un cri d'Oiseau ou d'Animal?
La voix humaine , celle d'un Oiseau
ou d'un autre Animal , n'est formée
par un air reçu dans les poumons ( qui
font à peu-prés la même fonction dans
le corps , que les soufflers dans les Orgues)
lequel en étant chassé par la trachée-artere
, se dégorge par le Larinx dans la
bouche , d'où il se répand ensuite au dehors
; la qualité du son ou de la voix dépend
de la construction de ce tuyau et
de la forme de son embouchure ou du
Larinx ; si le Larinx est étroit comme
dans les Enfans et dans les Femmes , le son
sera aigu , perçant et délié , si la trachéeartere
et même le Larinx sont humectés
que
dune
1648 MERCURE DE FRANCE
d'une liqueur douce et onctueuse , le son
sera sonore et agréable. Si au contraire
ils sont secs , arides , échauffés , où remplis
d'une liqueur épaisse et gluante comme
dans le rhume , la voix sera grêle ,
rauque , ou tout à fait étouffée.
Ily
a des hommes dont la voix ressemble
si
peu que
nous
appellons
voix
humaine
, que si nous
ne les voyons
pas ,
nous
ne nous
persuaderions
jamais
que
ce son
que
nous
entendons
fût
la voix
d'un
homme
; il y a au contraire
des Oiseaux
et des
Animaux
qui
imitent
parfaitement
la voix
humaine
.
En un mot , le son et les differentes
modifications que nôtre ame en reçoit
ne venant que des differentes façons dont
nôtre oreille est frappée , et dont ce choc
est raporté à l'ame , rien de plus facile de
concevoir que l'air , ou nôtre matiere
fluide , ne puissent être chassés d'un endroit
qui aura la même forme que dans le
Larinx,par consequent fraper notre oreille
de la même façon que si cela sortoit de
la trachée- artere , et exciter en nôtre ame
la même sensation ,
Je ne ferois pas même tant de difficul
té d'admettre la symphonie chorien e de
M. le Curé d'Ansacq , s'il ne la compo
soit que de flutes , de trompettes et d'au
tre
JUILLET. 1731. 1649
tres instrumens àvent, parce qu'il est trèsfacile
entre cette multitude de passages
et de trous que je suppose qu'ont faits ces
esprits pour s'échaper , d'y en concevoir
plusieurs de la forme d'un trou de flute
ou d'aurres instrumens à vent , par où
les esprits soient sortis de la mê ne façon
que l'air sort par les trous des instrumens,
quand on soufl dedans , et par où
ils auront fait ressentir aux colomne: voisines
de nôtre matiere fluide les mêmes
secouss es , et qui auront produit parconsequent
le même son . Les deux bourdons
que j'entendis , et ( dont je parle )
prouvent cette possibilité. Mais j'avoue
que les Tambours , les Violons & c . sont
des Concerts d'une trop difficile exécules
Musiciens de: Airs.
tion
pour
Voilà , Monsieur , ce que je pense et ce
que j'avois à vous dire , pour vous obéir
sur l'Akousmate d'Ansacq , et sûr une
Avanture presque toute semblable qui
est arrivée , moi present, à Sezanne ; heureux
si mes réflexions vous ont paru avoir
quelque fondement dans une Physique
raisonnable , et surtout si je ne vous ai
point ennuyé. Je suis & c .
A Paris ce 25. Juin. 1731.
lonat de Soalaines , sur les Akousmates.
J'A
*
'Ay établi , Monsieur , dans ma premiere
Lettre , que les principes des
sons peuvent se rencontrer aussi - bien dans
le sein de la Terre que dans les Airs , et
je l'ai prouvé principalement par l'experience.
Il est vrai que les bruits dont j'ai
parlé , qui sortent des entrailles de la
Terre , sont très rares , et qu'ils sont ,
quand ils arrivent, plus confus et entendus
de moins loin , que ceux qui partent des >
Airs , et ces évenemens sont une suite
de mon principe. La Terre étant très-facile
à se dilater , sur tout dans les endroits .
où peuvent résider les matieres qui les
occasionnent ,, il s'ensuit que ne tro vant
que très- peu ou point du tou
tar
cles dans leur sortie , elles ne doivent aire
aucun bruit , ou du moins un bruit trèspen.
1638 MERCURE DE FRANCE
peu sensible ; de- là ces matieres sulfureuses
qui composent les brouillards et
qui font les tremblemens de Terre , ne
produisent aucun son en sortant. D'ailleurs
notre matiere fluide agitée , trouvant
à sa rencontre des Edifices et des Montagnes
ou d'autres obstacles dans son extension,
se refléchit dans l'espace d'où elle
part , et peu à peu ne recevant plus que
des secousses ou des vibrations sembla
bles à celles d'une Corde de Clavecin
sur laquelle on met legerement le doigt
dans le tems que la touche la frappe , elle
ne peut plus s'entendre bien loin et ne
doit plus exciter qu'un son très -confus
et très-interrompu , qui a pû néanmoins
être très-perçant dans le point central de
son tourbillon. Ainsi , Monsieur , quelque
terrible que fût le bruit causé à Pale
Magazin à Poudre dont je vous
ai parlé , il ne fut entendu qu'aux environs
, les Habitans des autres Quartiers.
ne le scutent que par oui dire.
ris par
Faisons l'application de mes principes
à la diablerie d'Ansacq , ou si vous voulez
à celle de Sezanne . Ce bruit sortoit
du sein de la Terre ou de l'Air ; quant à
celui que j'entendis à Sezanne , il avoir
assurément son principe dans une Nuée ,
qui selon toutes les apparences , avoit été
formée
JUILLET. 1731
1639
formée par des vapeurs exhalées de ces.
Marais et de ces Etangs dont je vous ai
parlé.
de
Il faut dire que dans cette Nuée se trou
voit renfermée une grande quantité ou de
Sels ou d'autres esprits très- actifs qui y
avoient été enveloppez ou par une chute
plusieursNuées les unes sur les autres ,ou
parce que se dégageant de la partie aqueuse
et la plus grossiere de la Nuée , ils s'étoient
creusé une espece de voute, ou pour
mieux dire , un nombre infini de petites
celules ou concavitez , que ces esprits actifs
se multipliant et se raréfiant , ne pouvant
plus se contenir dans ces celules ou
concavitez , les percerent en differens en .
droits , et sortant par ces troux avec impétuosité
, ébranloient par leur choc les
differentes colomnes de notre matiere
Auide celle- cy communiquant son trẻ-
moussement et ses secousses à tous les
objets voisins capables d'être ébranlés , et
frapant les oreilles de ceux qui pouvoient
se rencontrer dans ses tourbillons , leur
faisoit distinguer des sons .
Ces esprits se faisant jour de toutes parts,
et sortant par une infinité d'échancrures
ou de troux de forme differente , donnoient
par leur éruption des secousses infinies
et d'une varieté infinie à la matiere flui-
>
de ,
1640 MERCURE DE FRANCE
de , qui en les reportant à l'oreille , faisoit
par consequent éprouver une infinité
de sons differens. Les efforts. que
faisoient ces Esprits pour sortir , élargissoient
necessairement leurs passages , out
même réduisoient un grand nombre de
troux très- petits en un seul , et grossissoient
parconsequent et confondoient les
sons.
Enfin la plus grande partie de ces Esprits
s'étant échappez , ce qui restoit se
trouvant par là plus au large dans ces
Celules , ou peut être la matiere grossierequi
s'opposoit à leur sortie , se trouvant
assez dilatée pour qu'ils pussent sortir
sans tant de précipitation , ils ne frapperent
plus que foiblement , et leur activité
ébranlant le corps entier de la Nuée
ne produisoit plus qu'une secousse generale
de tout ce Corps , et ne rendoit plus.
qu'un son qui devoit être , à la verité , un
peu violent , et étourdir les oreilles , mais
unique et très-confus , tel à peu près
( toute proportion gardée ) que celui que
fait une bande d'Oyes ou de Canards.
sauvages par le battement des aîles , en
fendant l'Air.
Qu'il y ait plusieurs Nuées ou feüilles
de Nuées, ( si l'on peut parler ainsi ) qui
puissent retomber les unes sur les autres
JUILLET 1731. 1642
il suffit pour s'en convaincre de lever
les yeux en l'air dans un temps de Nuée
on en voit d'infiniment plus élevées les
unes que les autres ; quelques Philosophes
ont même prétendu que cette chûte
de Nuées les unes sur les autres faisoit
tout le bruit du Tonerre. Qu'il se forme
des concavités dans les Nuées , et qu'il
puisse y en avoir plusieurs dans une même
Nuée , le Tonerre nous le démontre ;
nous voyons la matiere ignée sortir , et
le bruit éclatter d'un grand nombre d'endroits
tout à la fois.
Ce Metéore prouve encore ce que je
dis de l'eruption de la Nuée causée par
les efforts des esprits qui en veulent sortir
, puisque dans le Tonerre si- tôt que
la matiere ignée est parvenue à se faire
passage et à sortir de la Nuée , nous
voyons cette Nuée fendue en plusieurs.
pieces , et chaque piece se pousser de differens
côtés. Donc si cette matiere ignée
qui étoit renfermée dans la Nuée, en est
sortie , ce n'a été qu'en brisant par son
choc cette même Nuée..
Voilà M. ce que je pense du bruit que
j'entendis à Sezanne ; et comme je pense
de même de celui qui fut entendu à
Ansacq , je dois y étendre cette explication
, contre laquelle je prévois deux
objections ,
1542 MERCURE DE FRANCE
objections , l'une de la part du Curé
d'Ansacq , et l'autre de vous.
M. le Curé pour déffendre sa Rélation
et toutes ses dépendances , pourra me
dire qu'en suivant mes propres principes
, il n'y a rien d'impossible dans toutes
les circonstances de son Akousmate
et que j'ai tort par consequent d'en retrancher
le plus admirable , parcequ'il
suffit que dans le sein de la Terre , il se
soit trouvé plusieurs concavités remplies
d'une matière active qui ait cherché à
forcer sa Prison , et que ces concavités
se soient trouvées à quelque distance les
unes des autres , pour que dans quelques
unes la matiete ait été plus préparée à sortir
et à s'éloigner , et ait par consequent
rompu la premiere la Prison avec fracas
et qu'enfin dans le milieu toutes les autres
, peut être même ébranlées par les
secousses des premieres crévées , soient
parties presque en même temps ; qu'il
n'y a pas plus de difficulté à supposer un
grand nombre de concavités en la varieté
des sons dans le sein de la Terre que dans
une Nuée , puisque j'admets le principe
des sons dans la Terre comme dans les
·Airs.
+
A cela je réponds qu'il y a une grande
difference entre une Nuée et la Terre.
Unc
JUILLET. 1731. 1643
gner
UneNuée est composée de parties les unes
aqueuses trés -liées , et d'autres trés- actives
, qui par leur propre mouvement ,
et par l'effort, qu'elles font pour s'éloi
de leurs centres , peuvent se détacher
des plus grossieres , et s'élever ; si en
s'élevant elles trouvent des obstacles, elles
seront renfermées de tous côtés , et demeureront
dans le sein de la Nuée , jusqu'à
ce qu'elles ayent pû par leur activiré
et leur quantité forcer les barrieres ; ou
bien , si dans le tems qu'elles s'élevent, un
Nuage superieur vient à tomber sur celui
d'où elles sortent , elles se trouveront
comme englouties entre ces deux Nuages ,
et ne pourront jamais s'en dégager sans
éffort.
Et ce qui peut multiplier le bruit ,
c'est que ces parties spiritueuses que j'appelle
Esprits , peuvent même sortir à plusieurs
fois , parce que , se trouvant trop
comprimées , et s'étant fait jour par la
partie de la Nuée la plus foible , il peutarriver
qu'il n'en sorte qu'une certaine
quantité , que le reste étant au large n'ait
plas la même activité pour s'échapper
et que l'ouverture se referme aussitôt que
les esprits les plus actifs sont sortis
par Pélasticité ou par la grande facilité
à se reunir avec les parties aqueuses.
Donné
1644 MERCURE DE FRANCE
Donné un coup dans un ruisseau ,
vous pourrés voir le fond , mais ces parties
d'eau que vous aurés mises dans un
grand mouvement se réuniront aussi
promptement que vous les aurés separées
, si vous voulez voir une deuxième
fois le fond , il faut donner un deuxième
coup. Telle est la nature de tous les liquides
et fluides, et en particulier des Nuées,
comme nous le prouvent les éclairs qui
fendent la Nuée avec impetuosité,à peine
sont ils sortis qu'elle se referme , et il
faut absolument qu'elle soit brisée en plusieurs
morceaux pour que tous les esprits
ayent le tems de se dissiper entierement.
Il s'en faut beaucoup qu'on en puisse
dire autant de la Terre.C'est un corps solide
et grossier qui n'a ni élasticité ni
mouvement. Etant une fois ouvert , ou le
trou demeure toujours, ou la surface s'abîme
, et remplit la concavité aussitôt que
cette matiere active en est sortie , ensorte
qu'elle n'a besoin que d'un effort
pour fuir, et par consequent elle ne doit
produire qu'un seul son.
>
D'ailleurs il est bien difficile de suposer
dans la Terre tant de petites concavités
differentes dans un si petit espace , du
moins est- il impossible que toutes ces pe
tites concavités eussent crevé sans que la
surface
JUILLET. 1731. 1545
surface en eût été ébranlée . Mais surtout
il faut convenir que ce bruit sortant de
la Terre ne se seroit élevé que de la hauteur
de son tourbillon , et auroit toujours paru
fixé.
Que dix mille hommes rangés dans
une plaine fassent chacun une décharge ,
tout les coups seront entendus fixement
comme
pourra dint de la Plaine , et l'on
dire j'ai entendu tirer dans la
Plaine dix milles coups de fusil
Dira- ton , en effet , que le tintamarre
d'Ansacq soit sorti de la Terre , et qu'il
soit allé se faire entendre le long du
Village pour effrayer les endormis. Il est
donc plus probable que c'est une Nuée
qui a produit ces Sons. 1 ° . Presque tous
les témoins et M. le Curé lui- même conviennent
que ce bruit s'est fait entendre
en l'air. 2. La disposition du Terrain
les Montagnes fecondes en Sources , les
Bois , les Ruisseaux , les Marécages qui
en sont les suites , ont pû facilement
former cette Nuée.
Enfin M. le Curé pourra ajouter qu'en
supposant , si je veux , que ce bruit soit
parti d'une Nuée , il se peut faire qu'à
chaque extrémité de la Nuée , il y ait eu
du bruit avant que le milieu se soit fait
entendre.
A
1646 MERCURE DE FRANCE
A cela on peut répondre que les temoins
qui disent avoir entendu ces deux
premieres voix les font sortir de la Terre.
En deuxieme lieu les extrêmités d'une
Nuée sont infiniment plus rarefiées que
le milieu , dès- là les esprits qui pourroient
s'y rencontrer ont trop de liberté
pour pouvoir faire du ffacas par leur
évasion. C'est toujours à quelque distanée
de ses extrémités qu'une Nuée se contracte
davantage , et qu'elle se condense
de façon qu'elle y forme une espece de
corps opaque. C'est ce qui me fait croire,
que quoyque ces deux voix ne soient pas
phisiquement impossibles , puisqu'on
peut supposer que la Nuée avoit assés
d'étendue pour que ce ne fut pas absolument
à ses extrémités : cependant le fait
est trop suspect pour l'admettre. Il en
faut dire autant des éclats de rire et de la
symphonie.
Quant à vous , M. vous me direz que
mon explication peut bien faire concevoir
quelque bruit à peu prés semblable à ceux
du Tonnerre , mais nullement des voix
humaines , des cris d'Oiseaux et d'Animaux.
Il est aisé de répondre à vôtre objection.
Si l'Art peut bien imiter la nature ,
pourquoy ne voudriés-vous pas que la
nature
JUILLET. 1731. 1647
nature s'imitât elle- même dans ses differenres
operations ? si un Facteur d'Orgues
peut bien dans son jeu faire imiter
la voix humaine et les differens instrumens
; si un Paisan peut bien avec un
petit instrument de terre cuite , qu'on
debite dans vos Foires , imiter un Rossignol
; si l'on peut inventer differentes
machines qui imitent parfaitement la
Perdrix et la Caille , pourquoy ne voudriez
-vous pas qu'il se trouvât dans les
differens conduits , qui poussent les esprits
renfermés dans cetteNuée au dehors,
quelque chose qui ressemble à la voix
humaine , à un cri d'Oiseau ou d'Animal?
La voix humaine , celle d'un Oiseau
ou d'un autre Animal , n'est formée
par un air reçu dans les poumons ( qui
font à peu-prés la même fonction dans
le corps , que les soufflers dans les Orgues)
lequel en étant chassé par la trachée-artere
, se dégorge par le Larinx dans la
bouche , d'où il se répand ensuite au dehors
; la qualité du son ou de la voix dépend
de la construction de ce tuyau et
de la forme de son embouchure ou du
Larinx ; si le Larinx est étroit comme
dans les Enfans et dans les Femmes , le son
sera aigu , perçant et délié , si la trachéeartere
et même le Larinx sont humectés
que
dune
1648 MERCURE DE FRANCE
d'une liqueur douce et onctueuse , le son
sera sonore et agréable. Si au contraire
ils sont secs , arides , échauffés , où remplis
d'une liqueur épaisse et gluante comme
dans le rhume , la voix sera grêle ,
rauque , ou tout à fait étouffée.
Ily
a des hommes dont la voix ressemble
si
peu que
nous
appellons
voix
humaine
, que si nous
ne les voyons
pas ,
nous
ne nous
persuaderions
jamais
que
ce son
que
nous
entendons
fût
la voix
d'un
homme
; il y a au contraire
des Oiseaux
et des
Animaux
qui
imitent
parfaitement
la voix
humaine
.
En un mot , le son et les differentes
modifications que nôtre ame en reçoit
ne venant que des differentes façons dont
nôtre oreille est frappée , et dont ce choc
est raporté à l'ame , rien de plus facile de
concevoir que l'air , ou nôtre matiere
fluide , ne puissent être chassés d'un endroit
qui aura la même forme que dans le
Larinx,par consequent fraper notre oreille
de la même façon que si cela sortoit de
la trachée- artere , et exciter en nôtre ame
la même sensation ,
Je ne ferois pas même tant de difficul
té d'admettre la symphonie chorien e de
M. le Curé d'Ansacq , s'il ne la compo
soit que de flutes , de trompettes et d'au
tre
JUILLET. 1731. 1649
tres instrumens àvent, parce qu'il est trèsfacile
entre cette multitude de passages
et de trous que je suppose qu'ont faits ces
esprits pour s'échaper , d'y en concevoir
plusieurs de la forme d'un trou de flute
ou d'aurres instrumens à vent , par où
les esprits soient sortis de la mê ne façon
que l'air sort par les trous des instrumens,
quand on soufl dedans , et par où
ils auront fait ressentir aux colomne: voisines
de nôtre matiere fluide les mêmes
secouss es , et qui auront produit parconsequent
le même son . Les deux bourdons
que j'entendis , et ( dont je parle )
prouvent cette possibilité. Mais j'avoue
que les Tambours , les Violons & c . sont
des Concerts d'une trop difficile exécules
Musiciens de: Airs.
tion
pour
Voilà , Monsieur , ce que je pense et ce
que j'avois à vous dire , pour vous obéir
sur l'Akousmate d'Ansacq , et sûr une
Avanture presque toute semblable qui
est arrivée , moi present, à Sezanne ; heureux
si mes réflexions vous ont paru avoir
quelque fondement dans une Physique
raisonnable , et surtout si je ne vous ai
point ennuyé. Je suis & c .
A Paris ce 25. Juin. 1731.
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE de M. Lalouat de Soalaines, sur les Akousmates.
Dans sa seconde lettre, M. Larionat de Soalaines examine les principes des sons, affirmant qu'ils peuvent se manifester aussi bien dans la Terre que dans les airs. Il note que les bruits provenant des entrailles de la Terre sont rares et confus, contrairement à ceux provenant des airs. La Terre, étant facile à dilater, produit peu de bruit lors de la sortie des matières sulfureuses. Les matières fluides, rencontrant des obstacles comme des édifices ou des montagnes, se réfléchissent et produisent des sons confus et interrompus. L'auteur applique ses principes à des événements spécifiques, tels que la 'diablerie' d'Ansacq et celle de Sezanne. À Sezanne, le bruit provenait d'une nuée formée par des vapeurs exhalées des marais et étangs. Cette nuée contenait des sels ou des esprits actifs qui, en se multipliant et en se raréfiant, perçaient les concavités et produisaient des sons variés. Les esprits actifs, en sortant avec impétuosité, ébranlaient la matière fluide, produisant ainsi des sons divers. Une fois la majorité des esprits échappés, le bruit devenait plus confus et moins perçant. L'auteur discute également de la possibilité de plusieurs nuées se superposant et formant des concavités, comme le démontre le tonnerre. Il réfute les objections du curé d'Ansacq et de son interlocuteur, soulignant les différences entre une nuée et la Terre. Une nuée, composée de parties aqueuses et actives, peut produire des sons variés, tandis que la Terre, étant solide et grossière, ne produit qu'un seul son. Enfin, l'auteur répond à l'objection selon laquelle son explication ne peut pas rendre compte de voix humaines ou de cris d'animaux, affirmant que la nature peut imiter ses propres opérations, comme le font les instruments musicaux. Le texte explore également la possibilité que des sons puissent être produits par des moyens mécaniques, comme des instruments à vent. Il mentionne une symphonie chorale composée uniquement d'instruments à vent, suggérant que les esprits peuvent s'échapper par des trous similaires à ceux des instruments, produisant ainsi des sons. L'auteur admet cependant que des instruments comme les tambours ou les violons sont plus difficiles à expliquer par ce mécanisme. Le texte se conclut par une formule de politesse datée du 25 juin 1731.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 1650-1653
LES CHARMES DU SOMMEIL, CANTATE.
Début :
Cessez, aimables jeux, cessez, charmants plaisirs, [...]
Mots clefs :
Aimable, Bonheur, Sommeil, Repos, Triomphe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES CHARMES DU SOMMEIL, CANTATE.
LES CHARMES DU SOMMEIL ,
CANTAT E.
Essez, aimables jeux , cessez ,charmants plaisirs
,
De vouloir dissiper l'ennui qui me dévore :
Vos soins flatteurs irritent mes soupirs,
Le sort m'a separé de l'objet que j'adore ,
Vos appas ne sçauroient exciter mes desirs :
C'est bien assés que je respire encore.
1
Toi qui sçais , par un songe aimable ,
Du sort adoucir la rigueur >
Et par une erreur agréable ,
Donner l'image du bonheur ,
Sommeil , fais à mon triste coeur
Goûter ce repos désirable.
1
Pour réparer les maux affreux
Dont toujours m'accable l'absence ;
Fais-moi jouir de la présence
De l'Objet de mes tendres voeux :
Viens m'assurer que sa constance
Egale celle de mes feux !
Toi
JUILLET.
1731. 1651
Toi qui sçais , par un songe aimable &c.
Tu m'entens ? tes Pavots se glissent dans mes
veines !
Eh quoy ? j'oublie en cet instant mes
peines !
Quel bonheur imprevu vient calmer mes tourmens
?
Où suis- je ? à mes regards Delphire se présente
Qu'elle a d'attraits , de graces , d'agré
ments ? 靠
Venus sortant des Eaux n'étoit pas si brillante
A tant de charmes ravissants
Si jusqu'ici mon coeur avoit été rebelle
Ah ! qu'il lui seroit doux , en cet heureux moment
,
De voler au devant d'une chaîne si belle
Sur ses pas , les fleurs et les fruits
S'empressent , à l'envi , d'éclore
De même qu'à l'aspect de Flore ,
Ou de Pomone , ils sont produits .
Les graces , les ris , la jeunesse ,
Qui la prennent pour leur Déesse ;
Par leurs danses , et par leurs jeux ,
Célebrent son retour heureux ,
Sur ces pas , les fleurs et les fruits &c .
Bij Elle
1652 MERCURE DE FRANCE
Elle approche , Bergers, du son de vos Musettes,
Ne faites plus retentir ces retraittes ;
Rossignols , cessez vôtre chant ;
Ruisseaux , murmurés doucement ;
Zephirs , n'agitez plus les fleurs de ces prairies !
Que tout respecte mon sommeil :
Qu'on ne m'enleve point , par un triste reveil ,'
Les douceurs infinies ,
Que me procure un précieux moment.
Helas ! mon aimable Sylvandre
Me dit-elle , sur moi , jettant un regard tendre ;
souffres pas seul un rigoureux tourment :
Depuis que le Destin barbare
Tu ne
Si cruellement nous sépare
Mes yeux n'ont pas cessé de répandre des pleurs
Loin d'apprendre tes maux avec indifference ,
Ton prompt retour et ta présence
Pourront seuls finir mes douleurs.
Triomphe, ta gloire est extrême:
Sommeil , que tes plaisirs sont doux?
L'amour doit en être jaloux ,
Il n'est pas plus charmant lui-même ;
Si tes biens durent peu d'instants,
S'ils ne sont qu'un flatteur mensonge;
Ceux d'amour passent comme un songe,
Et ne durent pas plus longtems.
TriomJUILLET.
1853
1731 .
Triomphe , ta gloire est extrême,
Lors même que ses injustices
Nous accablent de maux affreux ;
Malgré lui , malgré ses caprices ,
Tu peux encore nous rendre heureux,
Triomphe, ta gloire est extrême &c,
Par M. de Morand : mise en Musique
par M. la Combe Desroziers , Maître de
Musique de l'Académie d'Arles .
CANTAT E.
Essez, aimables jeux , cessez ,charmants plaisirs
,
De vouloir dissiper l'ennui qui me dévore :
Vos soins flatteurs irritent mes soupirs,
Le sort m'a separé de l'objet que j'adore ,
Vos appas ne sçauroient exciter mes desirs :
C'est bien assés que je respire encore.
1
Toi qui sçais , par un songe aimable ,
Du sort adoucir la rigueur >
Et par une erreur agréable ,
Donner l'image du bonheur ,
Sommeil , fais à mon triste coeur
Goûter ce repos désirable.
1
Pour réparer les maux affreux
Dont toujours m'accable l'absence ;
Fais-moi jouir de la présence
De l'Objet de mes tendres voeux :
Viens m'assurer que sa constance
Egale celle de mes feux !
Toi
JUILLET.
1731. 1651
Toi qui sçais , par un songe aimable &c.
Tu m'entens ? tes Pavots se glissent dans mes
veines !
Eh quoy ? j'oublie en cet instant mes
peines !
Quel bonheur imprevu vient calmer mes tourmens
?
Où suis- je ? à mes regards Delphire se présente
Qu'elle a d'attraits , de graces , d'agré
ments ? 靠
Venus sortant des Eaux n'étoit pas si brillante
A tant de charmes ravissants
Si jusqu'ici mon coeur avoit été rebelle
Ah ! qu'il lui seroit doux , en cet heureux moment
,
De voler au devant d'une chaîne si belle
Sur ses pas , les fleurs et les fruits
S'empressent , à l'envi , d'éclore
De même qu'à l'aspect de Flore ,
Ou de Pomone , ils sont produits .
Les graces , les ris , la jeunesse ,
Qui la prennent pour leur Déesse ;
Par leurs danses , et par leurs jeux ,
Célebrent son retour heureux ,
Sur ces pas , les fleurs et les fruits &c .
Bij Elle
1652 MERCURE DE FRANCE
Elle approche , Bergers, du son de vos Musettes,
Ne faites plus retentir ces retraittes ;
Rossignols , cessez vôtre chant ;
Ruisseaux , murmurés doucement ;
Zephirs , n'agitez plus les fleurs de ces prairies !
Que tout respecte mon sommeil :
Qu'on ne m'enleve point , par un triste reveil ,'
Les douceurs infinies ,
Que me procure un précieux moment.
Helas ! mon aimable Sylvandre
Me dit-elle , sur moi , jettant un regard tendre ;
souffres pas seul un rigoureux tourment :
Depuis que le Destin barbare
Tu ne
Si cruellement nous sépare
Mes yeux n'ont pas cessé de répandre des pleurs
Loin d'apprendre tes maux avec indifference ,
Ton prompt retour et ta présence
Pourront seuls finir mes douleurs.
Triomphe, ta gloire est extrême:
Sommeil , que tes plaisirs sont doux?
L'amour doit en être jaloux ,
Il n'est pas plus charmant lui-même ;
Si tes biens durent peu d'instants,
S'ils ne sont qu'un flatteur mensonge;
Ceux d'amour passent comme un songe,
Et ne durent pas plus longtems.
TriomJUILLET.
1853
1731 .
Triomphe , ta gloire est extrême,
Lors même que ses injustices
Nous accablent de maux affreux ;
Malgré lui , malgré ses caprices ,
Tu peux encore nous rendre heureux,
Triomphe, ta gloire est extrême &c,
Par M. de Morand : mise en Musique
par M. la Combe Desroziers , Maître de
Musique de l'Académie d'Arles .
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Résumé : LES CHARMES DU SOMMEIL, CANTATE.
Le texte 'Les Charmes du Sommeil' est une œuvre poétique exprimant le désir de l'auteur de trouver du repos et du réconfort dans le sommeil. L'auteur rejette les plaisirs et les jeux, car il est séparé de l'être aimé. Il invoque le sommeil pour adoucir sa souffrance et lui offrir un songe agréable où il pourrait jouir de la présence de Delphire, l'être aimé. Dans ce songe, Delphire apparaît resplendissante de charmes et de grâce. L'auteur imagine un monde où les fleurs et les fruits s'épanouissent à son approche, célébrant son retour. Delphire exprime son tourment et son désir de revoir l'auteur, affirmant que seul son retour pourra finir ses douleurs. Le texte oppose les plaisirs éphémères du sommeil à ceux de l'amour, soulignant que les biens du sommeil, bien que doux, ne durent qu'un instant. Cependant, le sommeil est présenté comme une source de triomphe et de bonheur, capable de rendre heureux malgré les injustices et les caprices de l'amour. L'œuvre est mise en musique par M. la Combe Desroziers, Maître de Musique de l'Académie d'Arles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1653-1668
SECONDE LETTRE de M. Capperon sur la Méthode d'observer les Sels qui se trouvent dans les Terres, dans les Plantes, dans les Humeurs, &c.
Début :
MONSIEUR, Vous sçavez mieux que moi, qu'il y a long-tems qu'on cherche un moyen de [...]
Mots clefs :
Sels, Mixtes, Hippocrate, Analyse chimique, Académie royale des sciences de Paris, Sel volatile, Distillation, Terre glaise, Puits, Blanchisseurs
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE de M. Capperon sur la Méthode d'observer les Sels qui se trouvent dans les Terres, dans les Plantes, dans les Humeurs, &c.
SECONDE LETTRE de M. Capperon
sur la Méthode d'observer les Sels qui
se trouvent dans les Terres , dans les
Plantes , dans les Humeurs , &c.
MONSIEUR ,
Vous sçavez mieux que moi , qu'il y a
long- tems qu'on cherche un moyen de
connoître la qualité des Mixtes , pour ju
ger des effets qu'ils doivent naturellement
operer. Comme on étoit d'abord persuadé
que les Mixtes
n'opéroient
que parce
qu'on
appelloit
leurs qualitez
; sçavoir
, le
chaud
, le sec , le froid
, et l'humide
; on
B iij
1574 MERCURE DE FRANCE
crut avoir fait beaucoup , que d'assigner à
chaque Mixte , jusqu'à quel degré il étoit
chaud , sec , froid , ou humide ; ce dont
on jugeoit par les effets qu'on lui voyoit
produire , et par- là on se flatoit d'avoir
un moyen suffisant pour connoître le
bien ou le mal que ces Mixtes pouvoient
faire.
Quoique cette Méthode fut en usage
avant le tems d'Hypocrate , et qu'elle l'ait
été presque jusqu'à nos jours : * cet habile
Homme reconnut néanmoins , qu'on ne
pouvoit pas aller loin avec cette Découverte.
Il crut qu'il pouvoit y mieux réüssir
, en enseignant que les Mixtes n'opéroient
qu'entant qu'ils contenoient quelque
chose de plus ou moins amer , ou salé,
ou doux , ou âpre , ou acerbe , ou adoucissant
, ** &c.En quoi , sans doute , il
pensoit plus juste que ceux qui l'avoient
précedé , mais après tout , ce n'étoit connoître
la nature des Mixtes que par leurs
seuls effets , même par leurs effets senfibles
; par consequent il falloit les avoir
souvent éprouvez , avant que d'en fixer
les qualitez.
Enfin la Chymie étant devenue com-
* On la peut voir bien marquée dans Matthi
Comment. sur Dioscoride.
** Lib. de prisca Medicina.
mune
JUILLET.
1731. 1575
mune , on a crû avoir trouvé le moyen
infaillible pour découvrir primitivement
ce que chaque Mixte devoit naturellement
opérer , parce que ceux qui cultivoient
cet art , prétendant avoir une Méthode
assurée pour décomposer les Mixtes par
le moyen du feu , séparer les Principes
dont ils étoient composez , pour les voir
ensuite à leur aise séparément , et connoître
leurs opérations, ils n'ont nullement
douté , qu'à proportion que quelques- uns
de ces principes se trouveroient dominer
plus ou moins dans les Mixtes , leurs Effets
devoient se diversifier differemment :
c'est ce qui a même donné lieu à l'Académie
Royale des Sciences de Paris , de
faire travailler à l'Analyse Chymique des
Plantes , dans l'esperance qu'on auroit
par là une connoissance assurée des effets
qu'elles doivent naturellement produire.
Mais les personnes éclairées , même les
plus habiles dans cette Profession , sont
tombées d'accord , qu'on ne pouvoit pas
encore sé flatter d'être arrivé par cette
voye au but qu'on se proposoit depuis si
long - tems. M. Lemery , cet habile Chymiste
, avoue lui- même dans le Discours
qu'il a fait sur la Chymie en général , et
qui est à la tête de son cours de Chymie ,
B iiij que
1656 MERCURE DE FRANCE
que, si l'on veut considerer sans préoccupation
, comment le feu agit lorsqu'on
s'en sert pour anatomiser les plantes , ( on
;
doit dire la même chose des autres Mixtes
) : on avouera , dit- il , qu'il détruit et
confond la plupart des choses qu'il disseque
qu'il n'y a pas lieu de croire qu'il
rende les substances en leur état naturel :
aussi n'hésite - t- il pas à dire , parlant des
Sels des Plantes , qu'il n'y a que leur Sel
essentiel qui se tire de leur Suc exprimé ,
et filtré , et christalisé , qui soit le veritable
Sel qui étoit dans la Plante , ce qu'on
ne peut pas dire ( ajoûte t- il ) des deux autres
; sçavoir , le Sel volatile , et le Sel
fixescar eû égard à la violence du feu dont
on s'est servi pour les faire , il y agrande
apparence qu'ils ont été déguisez .
Tous ceux qui ont parlé sans prévention
de cette Analise des Mixtes,faite par
la voye du feu , en ont pensé de même.
Le Medecin de Montpellier qui a fait des
Notes sur l'Anatomie d'Heister , dit . que
ce n'est pas par l'Analyse Chymique qu'on
peut connoître les veritables principes
des
corps ; puisque le feu change les matieres
, et qu'il les décompose ; que ceuxqui
veulent en juger par cette Analyse ,
n'ont pas plus de raison , que ceux qui
voudroient connoître la nature des Caillous
JUILLET. 1731. 1657.
lous par la chaux . En effet , c'est une
chose certaine , dit M. Lemery dans son
Mémoire sur les Analyses des Plantes , inseré
dans l'Histoire de l'Académie
, que
quoique l'Oseille ait un Suç naturellement
aigre dans la Distilation , neanmoins
elle donne beaucoup moins d'acide , que
plusieurs autres Plantes qui n'en manifestent
pas tant.
Il me paroît donc , que voulant connoître
ce que la plupart des Mixtes peuvent
opérer, on peut aller plus surement
au but par la Méthode que j'ai découverte,
que par cette Analyse Chymique à laquelle
on s'est attaché depuis ces derniers
tems ; car dans la plupart des Mixtes ,
quelle est la chose qui opére les plus
grands & les plus sensibles effets ? ne sontce
pas les Sels qui sont contenus dans ces
Mixtes , lorsque venant à se déveloper , et
s'insinuant dans les pores des autres Corps
ils les dilatent , les ouvrent , en remplissent
les vuides , ou rompent & dérangent
la contexture de leurs parties ? Ainsi , on
ne peut disconvenir , que de toutes les
parties , ou , si l'on veut, de tous les principes
qui forment les Mixtes , les particules
salines étant les plus roides
Ait, Des Mamelles,
, et les
plus
1658 MERCURE DE FRANCE
plus figurées , leur opération doit être
la plus sensible et la plus considerable.
Ainsi le moyen incontestablement le
plus sûr pour juger quels effets la plûpart
des Mixtes doivent naturellement produire
, consiste à connoître parfaitement
quels Sels dominent en eux , et quelles
sont les Figures specifiques de chacun de
ces Sels : puisque , comme j'ai déja dit , ils
opérent toûjours conformément à leur Figure
et à leur mouvement : or on ne peut
pas douter , que par ma Méthode , on ne
connoisse parfaitement quels sont les Sels
qui sont contenus dans la plupart des
Mixtes, et quelles en sont les Figures spécifiques
par consequent ma Méthode est
celle qui est la meilleure et la plus
sûre pour juger des effets que ces Mixtes
doivent naturellement produire .
Tout ceci préalablement établi , entrons
maintenant en matiere ; et voyons en particulier
comment il faut s'y prendre pour
connoître quels sont les Sels qui peuvent
être contenus, soit dans les Terres, soit dans
les Eaux , soit dans les Plantes , soit dans les
Humeurs ; car il me paroit que quand on
aura poussé jusques- là ses connoissances ,
on aura trouvé suffisamment de quoi se satisfaire
.
Voulant donc découvrir quel est le Sel
qui
JUILLET. 1731. 1659
qui peut être contenu dans telle Terre que
ce puisse être , voici comme je m'y prends
pour y réüssir. Je mêle avec de l'eau la
Terre en question , observant qu'il n'y ait
pas trop d'eau ; et aprés l'avoir laissée
quelque tems en infusion , je lui donne un
leger bouillon sur le feu ; ensuite ayant
filtré cette eau par le papier gris , pour la
rendre claire , je la fais christaliser sur
mes petits vers ronds , conformément à
ma Méthode. C'est ainsi que je m'y suis
pris pour voir et connoître les Sels difrens
du Terreau de fumier , de la bonne
Terre des champs , et de la Terre glaise ,
desquels je vous envoye les desseins. Mais
avant que je finisse ce qui regarde les Terres,
il est à propos que j'avertisse, que par rap-
•port à celles qui sont exposées à la Pluye,
Jes Sels qu'on y peut trouver , peuvent
souvent varier à raison des pluyes
des rosées , des brouillards , des neiges ,
ou des grêles , qui peuvent y tomber ,
et y déposer les differens Sels qui s'y rencontrent.
, ›
Pour les Eaux des puits , des rivieres et
des fontalnes, je ies christalise telles qu'elles
sont , lorsqu'elles sont pures et claires :
mais je dois aussi faire observer , que celles
des puits et des fontaines ne donnent
pas toûjours les mêmes Sels , ce que j'ai
B vj même
1660 MERCURE DE FRANCE
même remarqué dans les Eaux de Forges.
Certe variation mérite bien d'être plus
exactement observée que je n'ai fait, pour
en tirer toutes les conséquences convenables
à un pareil sujet.
,
et
Il est vrai que la même chose arrive à
l'égard de l'Eau des rivieres : mais la cause
en est évidente , sçavoir les pluyes , les
neiges, les grêles , & c. qui y tombent ,
les differentes Terres qui y sont souvent
entraînées , et qui y portent leurs Sels
avec elles . C'est par cette raison que j'ai
rrouvé des deux sortes de Sels dans l'eau
de la mer l'un est le Sel marin ordinaire
; et l'autre un Sel plus délié , dont
les pointes font plus fines. Ce qui rend
cette eau plus corrosive que celle où le
Sel marin seul est dissout . J'ai de même
trouvé de deux sortes de Sel dans l'eau
de riviere du mois de Mars , prise à dif
rens 'tems , le premier a quelque rapport
au Nitre , et le second au Borax ; mais
parce que je n'ai pas trouvé ce dernier Sel
avant ou après le tems marqué , cela
me fait soupçonner que c'est cette
espece de Sel qui rend les Eaux du mois
de Mars plus fortes et plus âpres que
les autres , qu'elles rendent le Linge plus
blanc , et qu'elles rongent davantage les
mains des Blanchisseuses , & c.
>
A
JUILLET
. 1731. 1661
'A l'égard des Plantes , voulant connoître
leurs veritables Sels , et voir quelles
sont leurs figures specifiques
,tout consiste
à piler la plante dans un mortier , y verser
ensuite ce qu'il convient d'eau , pour
donner plus de fluidité au suc , et donner
au Sel plus de facilité pour se dégager de
la viscosité dans laquelle il est souvent
renfermé : puis ayant laissé le tout poser
pendant quelque peu de tems , le filtrer
par le papier gris , et le faire ensuite christaliser
sur le verre. On peut bien juger
que plus le Suc de la Plante est visqueux , plus on doit y mêler d'eau . Je dirai aussi
que j'ai observé, que prenant les Plantes , dans le tems qu'elles sont dans leur for- ce , leurs Sels se font mieux connoître
.
>
Voilà de quelle maniere on peut voir
et connoitre les Sels des Plantes , quelles
sont leurs figures specifiques : par où l'on
peut juger des effets qu'elles doivent naturellement
produire : puisque comme
j'ai dit , c'est principalement
par les Sels
que tous les Mixtes font leurs plus puissantes
opérations ; et qu'en connoissant
les figures sensibles que prennent
les Sels en se christalisant
sur le verre
on connoît les figures invisibles de leurs
plus petites parties par lesquelles elles
opérent.
C'est
1662 MERCURE DE FRANCE
C'est ce qu'il m'est aisé de justifier par
un grand nombre de Plantes , dont j'ai
découvert et connu les Sels par cette
Méthode on peut en être persuadé , en
voyant seulement les trois desseins que
j'ai tiré de Sels , de l'Oseille , du Marübe
blanc , et de la Christe - Marine ; par - lesquels
il est très-facile de connoître les effets
que ces trois Plantes doivent naturellement
opérer : car trouvant dans l'Oseille
les principaux Sels formez en figures d'épines
, d'autres en petites éguilles , et d'autres
enfin en figure de lozanges pointuës
par les deux bouts , n'a-t- on pas une
marque assurée , que cette Plante doit
piquer par son acidité , et être tant soit
peu corrosive , comme on le reconnoît
par ces effets ; puisque chacun sçait
qu'elle dissipe les taches d'encre , lorsqu'il
en est tombé sur le Linge ? elle
doit aussi être rafraîchissante et pénétrante
, ce qu'on ne peut jamais reconnoître
( ainsi que je l'ai dit par son Analyse
Chymique.
Il en est de même du Marube blanc : les
Sels de cette Plante vûs et découverts par
ma Méthode sont visiblement un Sel ammoniac
très-abondant mêlé d'un peu deNître;
puisqu'ils ont l'un et l'autre des figures
sem
JUILLET. 1731. 1 1663
semblables à celles de ces deux Sels ; par où
il est aisé de juger que cette Plante doit
être volatile et désopilante , conformément
à ces deux Sels. Enfin j'ai trouvé les Sels
provenant de la Christe - Marine , où le Sel
marin se fait voir , accompagné de l'armoniac.
Je pourrois entrer dans un plus
grand détail , si je voulois rapporter comment
sont figurés les differens Sels des
Plantes , que je me suis donné le plaisir
d'examiner : je dis le plaisir , car c'en
est un veritable , que de voir cette differente
Palingénésie des Sels , et cet agréable
arrangement qu'ils prennent d'eux- mêmes
sur le Verre.
Passons maintenant aux humeurs , ou
liquides les plus considerables du Corps
humain,pour connoître les Sels contenus
dans la salive ; il est necessaire d'observer
qu'étant ordinairement trés visqueuses , il
faut pour en dissoudre la viscosité , pour en
détacher les Sels qui sont enfevelis , y mêler
au moins une fois autant d'eau ; et afin
que la dissolution se puisse mieux faire , il
est à propos de laisser poser le tout pendant
quelques heures ; et la laisser christaliser
aprés l'avoir filtrée : c'est alors, que , quoiqu'il
s'y trouve quelquefois des Sels differens
, on a presque toûjours le plaisir de
voir de ses yeux la verité de ce qu'on a dit,
sçavoir ,
1664 MERCURE DE FRANCE
sçavoir, que la Salive est ordinairement
remplie de Sel armoniac , ainsi qu'il est facile
de le voir par le dessein que j'ai tiré
d'après celle que j'ai christalisée.
Pour ce qui est du sang ; comme c'est
dans sa sérosité que les Sels sont dissous ,
ce n'est aussi que dans cette seule sérosité
qu'il les faut chercher. Il faut donc pour
cet effet , prendre celle qui se sépare d'ellemême
après la saignée . Mais comme elle
est extrêmement visqueuse et gluante
elle a besoin pour en débarasser les Sels ,
qu'on y mêle beaucoup plus d'eau que
dans la Salive , ensorte qu'il en faut mettre
environ sept à huit fois plus qu'il n'y a
de sérosite ayant ensuite laissé poser le
tout trois ou quatre heures , filtrer et
christaliser.C'a été en agissant de la sorte,
que
voulant connoître les Sels du sang
d'une personne legerement indisposée ,
j'y ai trouvai , comme on peut voir dans
le dessein , beaucoup de Sel armoniac
très-pen de Nitre , et quelques Globules ,
que je croyois être échapez dans la filtration.
Quant à l'urine , il faut s'y prendre
d'une maniere fort differente de celle
dont on use pour la Salive et pour le Sang
* Ettmuller, sur la Pharm. de Schoder. de la
Salive de l'Homme. liv z.
puisJUILLET.
1731. 1665
puisqu'à celles - là , il fant , si l'on veut en
voirles Sels , y adjoûter de l'eau ; au lieu
quepour voir ceux des urines , it convient
d'en faire évaporer une partře. On peut
voir dans la Planche la figure du Sel , que
j'ai observée dans l'urine d'une personne
saine.
Il me reste maintenant à faire quelques
Observations neceffaires ; et qu'il convient
de sçavoir , pour mieux réussir
en usant de cette Methode , pour ne s'y
pas tromper.
La premiere regarde l'eau dont on
doit se servir , soit pour dissoudre les
Sels , ou pour rendre les sucs des Plantes
, ou la salive et les serosités du sang
plus liquides : car soit qu'elle soit de
Fontaine , de Riviere , ou de Puits ; comme
ces differentes eaux peuvent avoir
leurs Sels propres et particuliers , il est
à propos , toutes les fois qu'on fait christaliser
ces choses mélangées d'eau , de
mettre en même temps de cette même
eau sur un autre verre , afin que si étant
elle - même christalisée , et y remarquant
quelque Sel particulier , on puisse le distinguer
d'avec ceux de la Plante , ou de
telle autre chose dont on veut connoître
le Sel propre.
La seconde Observation consiste à sçavoir
,
1666 MERCURE DE FRANCE
"
voir , que souvent et plus particulierement
à l'égard des sucs des Plantes , de la
salive , et de la serosité du sang , les Selssevoyent
et se distinguent d'autant mieux
qu'on met sur le verre une moindre quan ,
tité de ces liqueurs , la trop grande abondance
des Sels qui s'y rencontrent apportant
souvent de la confusion dans leur
christalisation , et les empêchant de prendre
exactement leut figure specifique..
C'est pourquoy
il est à propos d'en mettre
une plus ou moins grande quantité
sur deux ou trois des petits verres dont
on use à cet effet ; et pour le faire facilement
, on peut se setvir, comme je fais ,
pour prendre et pour poser ces liqueurs ,
d'une espece de petite cueilliere de cuivre
, dont le creux n'a pas plus de largeur
que la moitié de l'écaille d'une noisette
, ayant trés peu de profondeur.
La troisiéme Observation , est par
rapport à la serosité du sang , où l'on
peut aisement se tromper : car quoyqu'on
y mêle beaucoup d'eau , cela n'empêche
pas qu'à cause de sa grande viscosité
venant à se secher sur le verre , il ne s'y
fasse au moins à quelque endroit , une
pellicule , laquelle se sechant fortement , il
s'y fait diverses crevasses , lesquelles se
reünissent le plus souvent en forme de
lozanges :
JUILLET. 1731. 1667
lozanges : on en peut voir quelques-unes
tracées dans le dessein qui représente les
Sels du sang : et lorsqu'on vient â regarder
au jour avec le Microscope , les, Sels
de cette serosité , ces fentes ou crevasses
étant moins opaques , on peut aisement
les prendre pour des Sels plus transparens.
Enfin la quatrième et la derniere Observation
que j'ai à faire , est pour indiquer
le moyen de mieux connoître quels
sont les Sels qui paroissent sur le verre
aprés que la cristalisation est faite : Car
la premiere chose qu'on doit observer
c'est de voir si les cristaux qui paroissent ,
sont semblables à quelqu'un des Sels qui
sont connus , et dont les figures sont dessinées
dans la Planche qui est jointe à
ma Lettre parce qu'au moment qu'on
les verra semblables , on peut s'assurer
que ce sont les mêmes Sels , ce qui peut
arriver souvent ; puisque,comme j'ai dit ,
ces Sels connus de tout le monde , sont
aussi les plus communs dans la nature.
Néanmoins , parcequ'on ne peut pas dire
qu'ils soient les seuls , au cas qu'on en remarque
, soit dans certaines ter es , certaines
eaux , certaines plantes &c. qui
prennent constamment des figures particulieres
, il convient alors de les observer
1668 MERCURE DE FRANCE
ver exactement , pourjuger par leur figu
re des effets particuliers qu'ils doivent
pareillement produire.
Je me crois d'ailleurs obligé d'avertir ,
que je n'ai pas tellement perfectionné
cette découverte , qu'il ne reste plus rien
à faire pour découvrir géneralement tous
les Sels , et plus particulierement ceux
de toutes les Plantes et de toutes les humeurs
. Je ne donne tout ce qui est contenu
dans ces deux Lettres , que comme
un essai , dans lequel je me flatte d'avoir
réûssi ; s'il est poussé aussi loin qu'il le
peut être par des mains plus habiles , il
pourra devenir trés avantageux au public.
Je suis Monsieur & c.
On trouvera les Figures gravées de
ces Sels , dans la premiere Lettre de M.
Capperon , inserée dans le precedent
Mercure.
sur la Méthode d'observer les Sels qui
se trouvent dans les Terres , dans les
Plantes , dans les Humeurs , &c.
MONSIEUR ,
Vous sçavez mieux que moi , qu'il y a
long- tems qu'on cherche un moyen de
connoître la qualité des Mixtes , pour ju
ger des effets qu'ils doivent naturellement
operer. Comme on étoit d'abord persuadé
que les Mixtes
n'opéroient
que parce
qu'on
appelloit
leurs qualitez
; sçavoir
, le
chaud
, le sec , le froid
, et l'humide
; on
B iij
1574 MERCURE DE FRANCE
crut avoir fait beaucoup , que d'assigner à
chaque Mixte , jusqu'à quel degré il étoit
chaud , sec , froid , ou humide ; ce dont
on jugeoit par les effets qu'on lui voyoit
produire , et par- là on se flatoit d'avoir
un moyen suffisant pour connoître le
bien ou le mal que ces Mixtes pouvoient
faire.
Quoique cette Méthode fut en usage
avant le tems d'Hypocrate , et qu'elle l'ait
été presque jusqu'à nos jours : * cet habile
Homme reconnut néanmoins , qu'on ne
pouvoit pas aller loin avec cette Découverte.
Il crut qu'il pouvoit y mieux réüssir
, en enseignant que les Mixtes n'opéroient
qu'entant qu'ils contenoient quelque
chose de plus ou moins amer , ou salé,
ou doux , ou âpre , ou acerbe , ou adoucissant
, ** &c.En quoi , sans doute , il
pensoit plus juste que ceux qui l'avoient
précedé , mais après tout , ce n'étoit connoître
la nature des Mixtes que par leurs
seuls effets , même par leurs effets senfibles
; par consequent il falloit les avoir
souvent éprouvez , avant que d'en fixer
les qualitez.
Enfin la Chymie étant devenue com-
* On la peut voir bien marquée dans Matthi
Comment. sur Dioscoride.
** Lib. de prisca Medicina.
mune
JUILLET.
1731. 1575
mune , on a crû avoir trouvé le moyen
infaillible pour découvrir primitivement
ce que chaque Mixte devoit naturellement
opérer , parce que ceux qui cultivoient
cet art , prétendant avoir une Méthode
assurée pour décomposer les Mixtes par
le moyen du feu , séparer les Principes
dont ils étoient composez , pour les voir
ensuite à leur aise séparément , et connoître
leurs opérations, ils n'ont nullement
douté , qu'à proportion que quelques- uns
de ces principes se trouveroient dominer
plus ou moins dans les Mixtes , leurs Effets
devoient se diversifier differemment :
c'est ce qui a même donné lieu à l'Académie
Royale des Sciences de Paris , de
faire travailler à l'Analyse Chymique des
Plantes , dans l'esperance qu'on auroit
par là une connoissance assurée des effets
qu'elles doivent naturellement produire.
Mais les personnes éclairées , même les
plus habiles dans cette Profession , sont
tombées d'accord , qu'on ne pouvoit pas
encore sé flatter d'être arrivé par cette
voye au but qu'on se proposoit depuis si
long - tems. M. Lemery , cet habile Chymiste
, avoue lui- même dans le Discours
qu'il a fait sur la Chymie en général , et
qui est à la tête de son cours de Chymie ,
B iiij que
1656 MERCURE DE FRANCE
que, si l'on veut considerer sans préoccupation
, comment le feu agit lorsqu'on
s'en sert pour anatomiser les plantes , ( on
;
doit dire la même chose des autres Mixtes
) : on avouera , dit- il , qu'il détruit et
confond la plupart des choses qu'il disseque
qu'il n'y a pas lieu de croire qu'il
rende les substances en leur état naturel :
aussi n'hésite - t- il pas à dire , parlant des
Sels des Plantes , qu'il n'y a que leur Sel
essentiel qui se tire de leur Suc exprimé ,
et filtré , et christalisé , qui soit le veritable
Sel qui étoit dans la Plante , ce qu'on
ne peut pas dire ( ajoûte t- il ) des deux autres
; sçavoir , le Sel volatile , et le Sel
fixescar eû égard à la violence du feu dont
on s'est servi pour les faire , il y agrande
apparence qu'ils ont été déguisez .
Tous ceux qui ont parlé sans prévention
de cette Analise des Mixtes,faite par
la voye du feu , en ont pensé de même.
Le Medecin de Montpellier qui a fait des
Notes sur l'Anatomie d'Heister , dit . que
ce n'est pas par l'Analyse Chymique qu'on
peut connoître les veritables principes
des
corps ; puisque le feu change les matieres
, et qu'il les décompose ; que ceuxqui
veulent en juger par cette Analyse ,
n'ont pas plus de raison , que ceux qui
voudroient connoître la nature des Caillous
JUILLET. 1731. 1657.
lous par la chaux . En effet , c'est une
chose certaine , dit M. Lemery dans son
Mémoire sur les Analyses des Plantes , inseré
dans l'Histoire de l'Académie
, que
quoique l'Oseille ait un Suç naturellement
aigre dans la Distilation , neanmoins
elle donne beaucoup moins d'acide , que
plusieurs autres Plantes qui n'en manifestent
pas tant.
Il me paroît donc , que voulant connoître
ce que la plupart des Mixtes peuvent
opérer, on peut aller plus surement
au but par la Méthode que j'ai découverte,
que par cette Analyse Chymique à laquelle
on s'est attaché depuis ces derniers
tems ; car dans la plupart des Mixtes ,
quelle est la chose qui opére les plus
grands & les plus sensibles effets ? ne sontce
pas les Sels qui sont contenus dans ces
Mixtes , lorsque venant à se déveloper , et
s'insinuant dans les pores des autres Corps
ils les dilatent , les ouvrent , en remplissent
les vuides , ou rompent & dérangent
la contexture de leurs parties ? Ainsi , on
ne peut disconvenir , que de toutes les
parties , ou , si l'on veut, de tous les principes
qui forment les Mixtes , les particules
salines étant les plus roides
Ait, Des Mamelles,
, et les
plus
1658 MERCURE DE FRANCE
plus figurées , leur opération doit être
la plus sensible et la plus considerable.
Ainsi le moyen incontestablement le
plus sûr pour juger quels effets la plûpart
des Mixtes doivent naturellement produire
, consiste à connoître parfaitement
quels Sels dominent en eux , et quelles
sont les Figures specifiques de chacun de
ces Sels : puisque , comme j'ai déja dit , ils
opérent toûjours conformément à leur Figure
et à leur mouvement : or on ne peut
pas douter , que par ma Méthode , on ne
connoisse parfaitement quels sont les Sels
qui sont contenus dans la plupart des
Mixtes, et quelles en sont les Figures spécifiques
par consequent ma Méthode est
celle qui est la meilleure et la plus
sûre pour juger des effets que ces Mixtes
doivent naturellement produire .
Tout ceci préalablement établi , entrons
maintenant en matiere ; et voyons en particulier
comment il faut s'y prendre pour
connoître quels sont les Sels qui peuvent
être contenus, soit dans les Terres, soit dans
les Eaux , soit dans les Plantes , soit dans les
Humeurs ; car il me paroit que quand on
aura poussé jusques- là ses connoissances ,
on aura trouvé suffisamment de quoi se satisfaire
.
Voulant donc découvrir quel est le Sel
qui
JUILLET. 1731. 1659
qui peut être contenu dans telle Terre que
ce puisse être , voici comme je m'y prends
pour y réüssir. Je mêle avec de l'eau la
Terre en question , observant qu'il n'y ait
pas trop d'eau ; et aprés l'avoir laissée
quelque tems en infusion , je lui donne un
leger bouillon sur le feu ; ensuite ayant
filtré cette eau par le papier gris , pour la
rendre claire , je la fais christaliser sur
mes petits vers ronds , conformément à
ma Méthode. C'est ainsi que je m'y suis
pris pour voir et connoître les Sels difrens
du Terreau de fumier , de la bonne
Terre des champs , et de la Terre glaise ,
desquels je vous envoye les desseins. Mais
avant que je finisse ce qui regarde les Terres,
il est à propos que j'avertisse, que par rap-
•port à celles qui sont exposées à la Pluye,
Jes Sels qu'on y peut trouver , peuvent
souvent varier à raison des pluyes
des rosées , des brouillards , des neiges ,
ou des grêles , qui peuvent y tomber ,
et y déposer les differens Sels qui s'y rencontrent.
, ›
Pour les Eaux des puits , des rivieres et
des fontalnes, je ies christalise telles qu'elles
sont , lorsqu'elles sont pures et claires :
mais je dois aussi faire observer , que celles
des puits et des fontaines ne donnent
pas toûjours les mêmes Sels , ce que j'ai
B vj même
1660 MERCURE DE FRANCE
même remarqué dans les Eaux de Forges.
Certe variation mérite bien d'être plus
exactement observée que je n'ai fait, pour
en tirer toutes les conséquences convenables
à un pareil sujet.
,
et
Il est vrai que la même chose arrive à
l'égard de l'Eau des rivieres : mais la cause
en est évidente , sçavoir les pluyes , les
neiges, les grêles , & c. qui y tombent ,
les differentes Terres qui y sont souvent
entraînées , et qui y portent leurs Sels
avec elles . C'est par cette raison que j'ai
rrouvé des deux sortes de Sels dans l'eau
de la mer l'un est le Sel marin ordinaire
; et l'autre un Sel plus délié , dont
les pointes font plus fines. Ce qui rend
cette eau plus corrosive que celle où le
Sel marin seul est dissout . J'ai de même
trouvé de deux sortes de Sel dans l'eau
de riviere du mois de Mars , prise à dif
rens 'tems , le premier a quelque rapport
au Nitre , et le second au Borax ; mais
parce que je n'ai pas trouvé ce dernier Sel
avant ou après le tems marqué , cela
me fait soupçonner que c'est cette
espece de Sel qui rend les Eaux du mois
de Mars plus fortes et plus âpres que
les autres , qu'elles rendent le Linge plus
blanc , et qu'elles rongent davantage les
mains des Blanchisseuses , & c.
>
A
JUILLET
. 1731. 1661
'A l'égard des Plantes , voulant connoître
leurs veritables Sels , et voir quelles
sont leurs figures specifiques
,tout consiste
à piler la plante dans un mortier , y verser
ensuite ce qu'il convient d'eau , pour
donner plus de fluidité au suc , et donner
au Sel plus de facilité pour se dégager de
la viscosité dans laquelle il est souvent
renfermé : puis ayant laissé le tout poser
pendant quelque peu de tems , le filtrer
par le papier gris , et le faire ensuite christaliser
sur le verre. On peut bien juger
que plus le Suc de la Plante est visqueux , plus on doit y mêler d'eau . Je dirai aussi
que j'ai observé, que prenant les Plantes , dans le tems qu'elles sont dans leur for- ce , leurs Sels se font mieux connoître
.
>
Voilà de quelle maniere on peut voir
et connoitre les Sels des Plantes , quelles
sont leurs figures specifiques : par où l'on
peut juger des effets qu'elles doivent naturellement
produire : puisque comme
j'ai dit , c'est principalement
par les Sels
que tous les Mixtes font leurs plus puissantes
opérations ; et qu'en connoissant
les figures sensibles que prennent
les Sels en se christalisant
sur le verre
on connoît les figures invisibles de leurs
plus petites parties par lesquelles elles
opérent.
C'est
1662 MERCURE DE FRANCE
C'est ce qu'il m'est aisé de justifier par
un grand nombre de Plantes , dont j'ai
découvert et connu les Sels par cette
Méthode on peut en être persuadé , en
voyant seulement les trois desseins que
j'ai tiré de Sels , de l'Oseille , du Marübe
blanc , et de la Christe - Marine ; par - lesquels
il est très-facile de connoître les effets
que ces trois Plantes doivent naturellement
opérer : car trouvant dans l'Oseille
les principaux Sels formez en figures d'épines
, d'autres en petites éguilles , et d'autres
enfin en figure de lozanges pointuës
par les deux bouts , n'a-t- on pas une
marque assurée , que cette Plante doit
piquer par son acidité , et être tant soit
peu corrosive , comme on le reconnoît
par ces effets ; puisque chacun sçait
qu'elle dissipe les taches d'encre , lorsqu'il
en est tombé sur le Linge ? elle
doit aussi être rafraîchissante et pénétrante
, ce qu'on ne peut jamais reconnoître
( ainsi que je l'ai dit par son Analyse
Chymique.
Il en est de même du Marube blanc : les
Sels de cette Plante vûs et découverts par
ma Méthode sont visiblement un Sel ammoniac
très-abondant mêlé d'un peu deNître;
puisqu'ils ont l'un et l'autre des figures
sem
JUILLET. 1731. 1 1663
semblables à celles de ces deux Sels ; par où
il est aisé de juger que cette Plante doit
être volatile et désopilante , conformément
à ces deux Sels. Enfin j'ai trouvé les Sels
provenant de la Christe - Marine , où le Sel
marin se fait voir , accompagné de l'armoniac.
Je pourrois entrer dans un plus
grand détail , si je voulois rapporter comment
sont figurés les differens Sels des
Plantes , que je me suis donné le plaisir
d'examiner : je dis le plaisir , car c'en
est un veritable , que de voir cette differente
Palingénésie des Sels , et cet agréable
arrangement qu'ils prennent d'eux- mêmes
sur le Verre.
Passons maintenant aux humeurs , ou
liquides les plus considerables du Corps
humain,pour connoître les Sels contenus
dans la salive ; il est necessaire d'observer
qu'étant ordinairement trés visqueuses , il
faut pour en dissoudre la viscosité , pour en
détacher les Sels qui sont enfevelis , y mêler
au moins une fois autant d'eau ; et afin
que la dissolution se puisse mieux faire , il
est à propos de laisser poser le tout pendant
quelques heures ; et la laisser christaliser
aprés l'avoir filtrée : c'est alors, que , quoiqu'il
s'y trouve quelquefois des Sels differens
, on a presque toûjours le plaisir de
voir de ses yeux la verité de ce qu'on a dit,
sçavoir ,
1664 MERCURE DE FRANCE
sçavoir, que la Salive est ordinairement
remplie de Sel armoniac , ainsi qu'il est facile
de le voir par le dessein que j'ai tiré
d'après celle que j'ai christalisée.
Pour ce qui est du sang ; comme c'est
dans sa sérosité que les Sels sont dissous ,
ce n'est aussi que dans cette seule sérosité
qu'il les faut chercher. Il faut donc pour
cet effet , prendre celle qui se sépare d'ellemême
après la saignée . Mais comme elle
est extrêmement visqueuse et gluante
elle a besoin pour en débarasser les Sels ,
qu'on y mêle beaucoup plus d'eau que
dans la Salive , ensorte qu'il en faut mettre
environ sept à huit fois plus qu'il n'y a
de sérosite ayant ensuite laissé poser le
tout trois ou quatre heures , filtrer et
christaliser.C'a été en agissant de la sorte,
que
voulant connoître les Sels du sang
d'une personne legerement indisposée ,
j'y ai trouvai , comme on peut voir dans
le dessein , beaucoup de Sel armoniac
très-pen de Nitre , et quelques Globules ,
que je croyois être échapez dans la filtration.
Quant à l'urine , il faut s'y prendre
d'une maniere fort differente de celle
dont on use pour la Salive et pour le Sang
* Ettmuller, sur la Pharm. de Schoder. de la
Salive de l'Homme. liv z.
puisJUILLET.
1731. 1665
puisqu'à celles - là , il fant , si l'on veut en
voirles Sels , y adjoûter de l'eau ; au lieu
quepour voir ceux des urines , it convient
d'en faire évaporer une partře. On peut
voir dans la Planche la figure du Sel , que
j'ai observée dans l'urine d'une personne
saine.
Il me reste maintenant à faire quelques
Observations neceffaires ; et qu'il convient
de sçavoir , pour mieux réussir
en usant de cette Methode , pour ne s'y
pas tromper.
La premiere regarde l'eau dont on
doit se servir , soit pour dissoudre les
Sels , ou pour rendre les sucs des Plantes
, ou la salive et les serosités du sang
plus liquides : car soit qu'elle soit de
Fontaine , de Riviere , ou de Puits ; comme
ces differentes eaux peuvent avoir
leurs Sels propres et particuliers , il est
à propos , toutes les fois qu'on fait christaliser
ces choses mélangées d'eau , de
mettre en même temps de cette même
eau sur un autre verre , afin que si étant
elle - même christalisée , et y remarquant
quelque Sel particulier , on puisse le distinguer
d'avec ceux de la Plante , ou de
telle autre chose dont on veut connoître
le Sel propre.
La seconde Observation consiste à sçavoir
,
1666 MERCURE DE FRANCE
"
voir , que souvent et plus particulierement
à l'égard des sucs des Plantes , de la
salive , et de la serosité du sang , les Selssevoyent
et se distinguent d'autant mieux
qu'on met sur le verre une moindre quan ,
tité de ces liqueurs , la trop grande abondance
des Sels qui s'y rencontrent apportant
souvent de la confusion dans leur
christalisation , et les empêchant de prendre
exactement leut figure specifique..
C'est pourquoy
il est à propos d'en mettre
une plus ou moins grande quantité
sur deux ou trois des petits verres dont
on use à cet effet ; et pour le faire facilement
, on peut se setvir, comme je fais ,
pour prendre et pour poser ces liqueurs ,
d'une espece de petite cueilliere de cuivre
, dont le creux n'a pas plus de largeur
que la moitié de l'écaille d'une noisette
, ayant trés peu de profondeur.
La troisiéme Observation , est par
rapport à la serosité du sang , où l'on
peut aisement se tromper : car quoyqu'on
y mêle beaucoup d'eau , cela n'empêche
pas qu'à cause de sa grande viscosité
venant à se secher sur le verre , il ne s'y
fasse au moins à quelque endroit , une
pellicule , laquelle se sechant fortement , il
s'y fait diverses crevasses , lesquelles se
reünissent le plus souvent en forme de
lozanges :
JUILLET. 1731. 1667
lozanges : on en peut voir quelques-unes
tracées dans le dessein qui représente les
Sels du sang : et lorsqu'on vient â regarder
au jour avec le Microscope , les, Sels
de cette serosité , ces fentes ou crevasses
étant moins opaques , on peut aisement
les prendre pour des Sels plus transparens.
Enfin la quatrième et la derniere Observation
que j'ai à faire , est pour indiquer
le moyen de mieux connoître quels
sont les Sels qui paroissent sur le verre
aprés que la cristalisation est faite : Car
la premiere chose qu'on doit observer
c'est de voir si les cristaux qui paroissent ,
sont semblables à quelqu'un des Sels qui
sont connus , et dont les figures sont dessinées
dans la Planche qui est jointe à
ma Lettre parce qu'au moment qu'on
les verra semblables , on peut s'assurer
que ce sont les mêmes Sels , ce qui peut
arriver souvent ; puisque,comme j'ai dit ,
ces Sels connus de tout le monde , sont
aussi les plus communs dans la nature.
Néanmoins , parcequ'on ne peut pas dire
qu'ils soient les seuls , au cas qu'on en remarque
, soit dans certaines ter es , certaines
eaux , certaines plantes &c. qui
prennent constamment des figures particulieres
, il convient alors de les observer
1668 MERCURE DE FRANCE
ver exactement , pourjuger par leur figu
re des effets particuliers qu'ils doivent
pareillement produire.
Je me crois d'ailleurs obligé d'avertir ,
que je n'ai pas tellement perfectionné
cette découverte , qu'il ne reste plus rien
à faire pour découvrir géneralement tous
les Sels , et plus particulierement ceux
de toutes les Plantes et de toutes les humeurs
. Je ne donne tout ce qui est contenu
dans ces deux Lettres , que comme
un essai , dans lequel je me flatte d'avoir
réûssi ; s'il est poussé aussi loin qu'il le
peut être par des mains plus habiles , il
pourra devenir trés avantageux au public.
Je suis Monsieur & c.
On trouvera les Figures gravées de
ces Sels , dans la premiere Lettre de M.
Capperon , inserée dans le precedent
Mercure.
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE de M. Capperon sur la Méthode d'observer les Sels qui se trouvent dans les Terres, dans les Plantes, dans les Humeurs, &c.
La lettre de M. Capperon explore une méthode d'observation des sels présents dans les terres, les plantes et les humeurs. Historiquement, les mixtes étaient classés selon leurs qualités (chaud, sec, froid, humide) ou leurs saveurs (amer, salé, doux). Cependant, ces méthodes étaient limitées aux effets observables. Avec l'avènement de la chimie, on a tenté de décomposer les mixtes par le feu, mais cette approche altérait les substances, rendant l'analyse imparfaite. Capperon propose une méthode alternative basée sur l'observation des sels cristallisés. Il affirme que les sels, en se développant et en s'insinuant dans les pores des corps, produisent des effets sensibles et considérables. Pour observer ces sels, il mélange les substances avec de l'eau, les filtre et les cristallise sur des verres. Cette méthode est appliquée aux terres, eaux, plantes et humeurs, notant que les sels peuvent varier en fonction des conditions environnementales. Pour les plantes, Capperon pile la plante, ajoute de l'eau, filtre le suc et observe la cristallisation. Il illustre cette méthode avec des exemples comme l'oseille, le marube blanc et la christe-marine, montrant comment les formes des cristaux révèlent les propriétés des plantes. Pour la salive, il dissout la viscosité avec de l'eau et observe les cristaux formés. Le texte décrit également une méthode pour analyser les sels présents dans le sang, la salive et l'urine. Pour le sang, il est nécessaire de séparer la sérosité après une saignée, de la mélanger avec une grande quantité d'eau, de laisser reposer le mélange, puis de filtrer et cristalliser. Cette méthode a permis de découvrir du sel armoniac et du nitre dans le sang d'une personne légèrement indisposée. Pour l'urine, il faut évaporer une partie du liquide pour observer les sels. L'auteur souligne l'importance d'utiliser de l'eau de même source pour éviter la confusion des sels et de reconnaître les sels connus. Il mentionne que sa découverte est un essai et espère qu'elle pourra être perfectionnée par d'autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1668-1669
ÉPITAPHE, D'UN AVARE.
Début :
Cy gît un homme peu chrétien [...]
Mots clefs :
Avarice, Gratis, Épitaphe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉPITAPHE, D'UN AVARE.
EPITA PHE ,
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
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6
p. 1669
AUTRE ÉPITAPHE D'UN PRÉTENDU BEL ESPRIT. Par la Même.
Début :
Cy gît qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ; [...]
Mots clefs :
Épitaphe, Bel esprit, Arbitre, Almanachs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ÉPITAPHE D'UN PRÉTENDU BEL ESPRIT. Par la Même.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
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7
p. 1669-1677
ÉCLAIRCISSEMENS demandés par une Lettre écrite de Soissons, insérée dans le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de Saint Front ou Fronton.
Début :
Il paraît un peu singulier qu'on démande des Éclaircissemens sur un Saint [...]
Mots clefs :
Saint Front, Éclaircissements, Martyrologes, Histoire de l'Église gallicane, Idolâtrie, Rivière de Dordogne, Miracles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉCLAIRCISSEMENS demandés par une Lettre écrite de Soissons, insérée dans le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de Saint Front ou Fronton.
EPITA PHE ,
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
***:****XXX :XXXXX
ECLAIRCISSEMENS demandés
>
par
une Lettre écrite de Soissons , inserée dans
le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de
Saint Front on Frontor
L paroît un peu singulier qu'on démande
desEclaircissemens sur un Saint Im
aussi
1670 MERCURE DE FRANCEaussi
connu que S. Fronton, Saint, qu'une
Eglise de ce Royaume reconnoît pour
son Fondateur , et pour son Apôtre ,
sans que la Critique ait encore ose le lui
disputer. Il est parlé de ce Saint dans tous
les Martyrologes au 25. d'Octobre , dans
le Martyrologe Romain , dans ceux de
France et d'Espagne , dans Baronius ,
dans Surius , dans Ribadeneira &c. Cependant
nous exposerons ici avec la briéveté
requise , ce que nous en apprenons
dans les Actes de sa vie, rapportés par M.
Bosquet dans son Histoire de l'Eglise
Gallicane.
Saint Front , ou Fronton , que quelques
uns font naître à Perigueux , d'autres
en Orient , ayant été connu de Saint
Pierre dans un Voyage qu'il fit à Rome ,
et en ayant été jugé digne de porter la
foy parmi les Idolatres , ce Prince des
Apôtres l'envoya dans les Gaules avec un
compagnon , nommé Georges , pour y
publier l'Evangile . Ces deux hommes
Apostoliques aprés beaucoup de Stations
faites dans les lieux de leur passage pour
y semer la parole de Dieu , arriverent à
Perigueux. Ce fut là qu'ils s'arrêterent
davantage , et que le Champ répondant
aux soins du Laboureur , la Moisson devint
bientôt trés-abondante. L'Evangile
JUILLET. 1731. 1871
y fit en peu de tems un progrés considerable.
Il y avoit alors un Gouverneur
en Perigord , nommé Squirius , homme
fort attaché à l'Idolâtrie. Cet homme
politique ou superstitieux s'efforça d'arrêter
le progrès d'une Religion incompatible
avec celle de ses Peres ; il fit arrêter
pour cela un grand nombre de fideles
; il emprisonnà les uns , il exila les
autres , il en fit mourir plusieurs la
persecution augmentant tous les jours
força bientôt le reste des Fideles à chercher
dans la fuite une ressource contre
les vives poursuites du Gouverneur .
Les Fideles allerent donc se cacher dans
un Desert voisin de la Riviere de Dordogne
, avec leur Pasteur qu'ils entraînerent
avec eux : Saint Fronton chassa de
cet endroit un Dragon qui infectoit tout
le Pays.
par
fin
des menaces ,
par
par
Mais Dieu qui vouloit établir son culte
dans cette Province , força le Gouverneur
des fleaux , et endes
avis qu'il lui donna en songe,
de plier sous le joug de la Foy.La paix fût
rendue à cette Eglise naissante . Le Gouverneur
alla lui -même chercher S. Fronton
dans le Desert , il ramena avec lui
le Pasteur et le Troupeau. S. Fronton
bâtit ensuite à Perigueux , du consentement
1672 MERCURE DE FRANCE
ment du Gouverneur une Eglise en l'honncur
de S. Etienne , premier Martyr.
Quand S. Fronton vit cette Eglise suffisamment
affermie , il y laissa un Disciple
nommé Anien pour la gouverner
pendant son absence , et envoya son compagnon
au Puy - en -Velay , où S. George
fonda une nouvelle Eglise dont il fût le
premier Evêque . Pour S. Fronton il alla
prêcher l'Evangile dans la Saintonge et
dans le Poitou ; il passa même par Paris
et pénetra jusques dans le Beauvaisis et
dans le Soissonnois. On voit encore dans
le Diocèse de Soissons unChâteau appellé
Neulli Saint Front , ce qui porteroit à
croire que ce qu'on dit des Voyages de
ce Saint n'est pas sans fondement. Quoyqu'il
en soit , S. Fronton aprés être retourné
dans son Diocèse , passa dans un
autre Voyage par les Villes de Bourdeaux
et de Bayonne , et s'avança jusqu'à Valance
en Espagne. Enfin fatigué , épuisé par
son grand âge et par ses travaux , il rétourna
dans son Siege,où il y mourut en
paix. On rapporte de lui plusieurs Miracles.
En voilà assés sur les Actes de S. Fronton,
premiet Evêque de Perigueux. Il ne
faut pas le confondre avec un aurre Saint
Fronton , Abbé , marqué au 14. Avril
dans
JUILLET. 1731. 1673
'dans le petit ouvrage intitulé * Fasti Mariani
, que l'Auteur Jesuite , dit avoir tiré
de la vie des Peres.
Cependant comme les Actes de Saint
Fronton , Fondateur de l'Eglise de Perigueux
, ont été rejettés par plusieurs critiques
, et en particulier par M. M. de
Tillemont et Baillet , nous rapporterons
ici en peu de mots ce qu'en dit ce dernier,
soit dans les Notes qu'il a mises au commencement
du mois d'Octobre , soit dans
ce qu'il dit de la vie de ce Saint au 25 .
du même mois.
Il commence la vie de S. Front par le
reconnoître pour l'Apôtre de Perigueux :
mais il a soin de mettre à la
marge , 3 .
ou 4. Siecle , ce qui ruine absolument
tout ce qu'on dit de son Voyage à Rome ,
et de sa mission dans les Gaules par Saint
Pierre , & c .
On ne peut , dit- il , entrer dans aucun
détail des actions de ce Saint , ni so
flatter même d'en pouvoir produire dont
on soit assuré , si l'on en excepte la conversion
du Peuple de Perigueux , qu'on
a tout sujet de regarder comme le fruit
de ses travaux et de ses souffrances . Tout
a paru , continue- t-il, tellement insoûtena-
1. Vol 1 Antuerpia 1633-
C
1674 MERCURE DE FRANCE
ble dans les premiers Actes qu'on avoit
publiés de sa vie , qu'on s'est crû obligé
d'en composer d'autres , qui sont cependant
tombés comme les premiers.
M. Baillet regarde aussi comme douteuse
la Tradition qui lui donne pour
compagnon dans ses travaux Apostoliques
un Prêtre , nommé George , aussi - bien
que la fondation de l'Eglise du Puy- en-
Velay,que la même Tradition fait remonter
comme celle de Perigueux au premier
Siecle.
Tous les Actes s'accordent à le faire
mourir en paix. Mais il n'en faut pas conclure
, ajoûte M. Baillet , qu'il ne soit
venu en Perigord qu'aprés la paix donnée
à l'Eglise par Constantin , à moins qu'on
ne voulût raisonner de même de S. Marrial
de Limoges , de S. Julien du Mans ,
de S. Gatien de Tours , et de beaucoup
d'autres Confesseurs , à qui les Payens
n'ont point ôté la vie.
La Fête de S, Fronton est marquée au
25. d'Octobre dans les Martyrologes
d'Adon et d'Usuard , en quoy on les a
suivis dans le Romain moderne. On dit
que le corps de S. Front fût trouvé quelques
années aprés la mort de Clovis I. et
transporté dans une Eglise que fit bâtir
en son honneur Chronope , Evêque de
Perigueux
JUILLET. 1731. 1875
Perigueux , du tems duquel la Ville passa
de la domination des Wisigoths sous
celle des François. On fait Mémoire de
cette Translation le 14. d'Octobre.
M. Baillet dit que les Actes de la vie
de ce Saint furent publiés par M. Bosquet
,dans la deuxième partie de son Histoire
de l'Eglise Gallicane , liv . 5. pag. ș.
ils ont été vûs , ajoûte t-il , par Adon de
Vienne ; ainsi ils ne peuvent être
rieurs au IX. Siecle.
poste
M. de Tillemont, Tom. 4. pag. 502. les
tient tout-à- fait insoutenables, tant pour
le fond que pour la composition. Un
Abbé de Solignac dans le Concile de Lis
moges , tenu l'an 1031. les rejetta devant
toute l'Assemblée , comme une fausse Piece
, et soutint que s'étoit une Fable composée
par un Gausbert Chorévêque de
Limoges , qui l'avoit faite même pour en
tirer de l'argent. Depuis l'onzième Siecle ,
comme on ne voyoit plus d'apparence à
soutenir cette Histoire de S. Front , on
en inventa une autre sous le nom des
Evêques ses Successeurs . Mais cette Piece,
dont M. Bosquet a donné l'Extrait , est
encore plus ridicule que la premiere , au
jugement du même M. de Tillemont.
Voilà ce qu'on peut recueillir de divers
Auteurs sur la vie de S. Front ; mais
Cij
comme
1676 MERCURE DE FRANCE
comme il nous est venu un Mémoire
d'un autre Endroit sur le même sujet ,
posterieur à la Lettre de Soissons , dans
lequel on demande plusieurs autres Eclaircissemens
, nous ajoûterons ici le précis
de ce Mémoire.
On demande d'abord si l'Auteur de
la Lettre inserée dans le Mercure d'Avril
travaille au Breviaire de ce Diocèse. On
prie ensuite de s'informer par la voye du
Mercure , de Messieurs de Perigueux ,
19. Si la Tradition de leur Eglise n'est pas
que le corps entier de S. Front y étoit
conservé lorsque les Calvinistes la pille-`
rent. 29. Si l'on a des preuves que la
Translation de ce corps ait été faite un
peu aprés l'an 1441. comme il paroît
qu'elle a dû être faite par une Bulle du
Pape Eugene IV. qui est dans le Gallia
Christiana.
Nous remarquerons sur ce second article
, qu'il faudroit donc supposer qu'il
eût été fait deux Translations du corps de
ce Saint , puisque M. Baillet parle d'une
Translation qu'on croit avoir été faite
vers la fin du cinquiéme Siecle , ou au
Commencement du sixième.
3º . s'il n'est rien échappé des Reliques
de ce Saint Evêque depuis le pillage des
Calvinistes , et supposé que l'on ait sauvé
quelques
JUILLET. 1731. 1677.
quelques parties de son corps , quelles
sont ces parties ? et en quelles Eglises elles
sont ? 4°. Si l'on a eu le Chef de ce Saint
enchassé en entier avec le refte du corps ,
ou séparement. 5º . En quels jours se celebrent
les Fêtes de la Translation du
corps ou des Reliques de ce même Saint.
Nous avons satisfait en partie à ce dernier
Article, en rapportant aprés M. Baillet
, qu'on fait la Fête de sa Translation
le 14. Octobre . L'Auteur de ce nouveau
Mémoire paroît avoir quelques
Eclaircissemens plus particuliers à donner
au Public sur la vie de S. Fronton.
Il y a lieu d'esperer que M M. de Perigueux
n'oublieront pas de contribuer, de
tout leur pouvoir à ce qui peut faire honneur
à la mémoire de leur Saint Apôtre ,
et qu'ils voudront bien exposer la Tradition
de leur Eglise sur les Articles de
ce dernier Mémoire.
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
***:****XXX :XXXXX
ECLAIRCISSEMENS demandés
>
par
une Lettre écrite de Soissons , inserée dans
le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de
Saint Front on Frontor
L paroît un peu singulier qu'on démande
desEclaircissemens sur un Saint Im
aussi
1670 MERCURE DE FRANCEaussi
connu que S. Fronton, Saint, qu'une
Eglise de ce Royaume reconnoît pour
son Fondateur , et pour son Apôtre ,
sans que la Critique ait encore ose le lui
disputer. Il est parlé de ce Saint dans tous
les Martyrologes au 25. d'Octobre , dans
le Martyrologe Romain , dans ceux de
France et d'Espagne , dans Baronius ,
dans Surius , dans Ribadeneira &c. Cependant
nous exposerons ici avec la briéveté
requise , ce que nous en apprenons
dans les Actes de sa vie, rapportés par M.
Bosquet dans son Histoire de l'Eglise
Gallicane.
Saint Front , ou Fronton , que quelques
uns font naître à Perigueux , d'autres
en Orient , ayant été connu de Saint
Pierre dans un Voyage qu'il fit à Rome ,
et en ayant été jugé digne de porter la
foy parmi les Idolatres , ce Prince des
Apôtres l'envoya dans les Gaules avec un
compagnon , nommé Georges , pour y
publier l'Evangile . Ces deux hommes
Apostoliques aprés beaucoup de Stations
faites dans les lieux de leur passage pour
y semer la parole de Dieu , arriverent à
Perigueux. Ce fut là qu'ils s'arrêterent
davantage , et que le Champ répondant
aux soins du Laboureur , la Moisson devint
bientôt trés-abondante. L'Evangile
JUILLET. 1731. 1871
y fit en peu de tems un progrés considerable.
Il y avoit alors un Gouverneur
en Perigord , nommé Squirius , homme
fort attaché à l'Idolâtrie. Cet homme
politique ou superstitieux s'efforça d'arrêter
le progrès d'une Religion incompatible
avec celle de ses Peres ; il fit arrêter
pour cela un grand nombre de fideles
; il emprisonnà les uns , il exila les
autres , il en fit mourir plusieurs la
persecution augmentant tous les jours
força bientôt le reste des Fideles à chercher
dans la fuite une ressource contre
les vives poursuites du Gouverneur .
Les Fideles allerent donc se cacher dans
un Desert voisin de la Riviere de Dordogne
, avec leur Pasteur qu'ils entraînerent
avec eux : Saint Fronton chassa de
cet endroit un Dragon qui infectoit tout
le Pays.
par
fin
des menaces ,
par
par
Mais Dieu qui vouloit établir son culte
dans cette Province , força le Gouverneur
des fleaux , et endes
avis qu'il lui donna en songe,
de plier sous le joug de la Foy.La paix fût
rendue à cette Eglise naissante . Le Gouverneur
alla lui -même chercher S. Fronton
dans le Desert , il ramena avec lui
le Pasteur et le Troupeau. S. Fronton
bâtit ensuite à Perigueux , du consentement
1672 MERCURE DE FRANCE
ment du Gouverneur une Eglise en l'honncur
de S. Etienne , premier Martyr.
Quand S. Fronton vit cette Eglise suffisamment
affermie , il y laissa un Disciple
nommé Anien pour la gouverner
pendant son absence , et envoya son compagnon
au Puy - en -Velay , où S. George
fonda une nouvelle Eglise dont il fût le
premier Evêque . Pour S. Fronton il alla
prêcher l'Evangile dans la Saintonge et
dans le Poitou ; il passa même par Paris
et pénetra jusques dans le Beauvaisis et
dans le Soissonnois. On voit encore dans
le Diocèse de Soissons unChâteau appellé
Neulli Saint Front , ce qui porteroit à
croire que ce qu'on dit des Voyages de
ce Saint n'est pas sans fondement. Quoyqu'il
en soit , S. Fronton aprés être retourné
dans son Diocèse , passa dans un
autre Voyage par les Villes de Bourdeaux
et de Bayonne , et s'avança jusqu'à Valance
en Espagne. Enfin fatigué , épuisé par
son grand âge et par ses travaux , il rétourna
dans son Siege,où il y mourut en
paix. On rapporte de lui plusieurs Miracles.
En voilà assés sur les Actes de S. Fronton,
premiet Evêque de Perigueux. Il ne
faut pas le confondre avec un aurre Saint
Fronton , Abbé , marqué au 14. Avril
dans
JUILLET. 1731. 1673
'dans le petit ouvrage intitulé * Fasti Mariani
, que l'Auteur Jesuite , dit avoir tiré
de la vie des Peres.
Cependant comme les Actes de Saint
Fronton , Fondateur de l'Eglise de Perigueux
, ont été rejettés par plusieurs critiques
, et en particulier par M. M. de
Tillemont et Baillet , nous rapporterons
ici en peu de mots ce qu'en dit ce dernier,
soit dans les Notes qu'il a mises au commencement
du mois d'Octobre , soit dans
ce qu'il dit de la vie de ce Saint au 25 .
du même mois.
Il commence la vie de S. Front par le
reconnoître pour l'Apôtre de Perigueux :
mais il a soin de mettre à la
marge , 3 .
ou 4. Siecle , ce qui ruine absolument
tout ce qu'on dit de son Voyage à Rome ,
et de sa mission dans les Gaules par Saint
Pierre , & c .
On ne peut , dit- il , entrer dans aucun
détail des actions de ce Saint , ni so
flatter même d'en pouvoir produire dont
on soit assuré , si l'on en excepte la conversion
du Peuple de Perigueux , qu'on
a tout sujet de regarder comme le fruit
de ses travaux et de ses souffrances . Tout
a paru , continue- t-il, tellement insoûtena-
1. Vol 1 Antuerpia 1633-
C
1674 MERCURE DE FRANCE
ble dans les premiers Actes qu'on avoit
publiés de sa vie , qu'on s'est crû obligé
d'en composer d'autres , qui sont cependant
tombés comme les premiers.
M. Baillet regarde aussi comme douteuse
la Tradition qui lui donne pour
compagnon dans ses travaux Apostoliques
un Prêtre , nommé George , aussi - bien
que la fondation de l'Eglise du Puy- en-
Velay,que la même Tradition fait remonter
comme celle de Perigueux au premier
Siecle.
Tous les Actes s'accordent à le faire
mourir en paix. Mais il n'en faut pas conclure
, ajoûte M. Baillet , qu'il ne soit
venu en Perigord qu'aprés la paix donnée
à l'Eglise par Constantin , à moins qu'on
ne voulût raisonner de même de S. Marrial
de Limoges , de S. Julien du Mans ,
de S. Gatien de Tours , et de beaucoup
d'autres Confesseurs , à qui les Payens
n'ont point ôté la vie.
La Fête de S, Fronton est marquée au
25. d'Octobre dans les Martyrologes
d'Adon et d'Usuard , en quoy on les a
suivis dans le Romain moderne. On dit
que le corps de S. Front fût trouvé quelques
années aprés la mort de Clovis I. et
transporté dans une Eglise que fit bâtir
en son honneur Chronope , Evêque de
Perigueux
JUILLET. 1731. 1875
Perigueux , du tems duquel la Ville passa
de la domination des Wisigoths sous
celle des François. On fait Mémoire de
cette Translation le 14. d'Octobre.
M. Baillet dit que les Actes de la vie
de ce Saint furent publiés par M. Bosquet
,dans la deuxième partie de son Histoire
de l'Eglise Gallicane , liv . 5. pag. ș.
ils ont été vûs , ajoûte t-il , par Adon de
Vienne ; ainsi ils ne peuvent être
rieurs au IX. Siecle.
poste
M. de Tillemont, Tom. 4. pag. 502. les
tient tout-à- fait insoutenables, tant pour
le fond que pour la composition. Un
Abbé de Solignac dans le Concile de Lis
moges , tenu l'an 1031. les rejetta devant
toute l'Assemblée , comme une fausse Piece
, et soutint que s'étoit une Fable composée
par un Gausbert Chorévêque de
Limoges , qui l'avoit faite même pour en
tirer de l'argent. Depuis l'onzième Siecle ,
comme on ne voyoit plus d'apparence à
soutenir cette Histoire de S. Front , on
en inventa une autre sous le nom des
Evêques ses Successeurs . Mais cette Piece,
dont M. Bosquet a donné l'Extrait , est
encore plus ridicule que la premiere , au
jugement du même M. de Tillemont.
Voilà ce qu'on peut recueillir de divers
Auteurs sur la vie de S. Front ; mais
Cij
comme
1676 MERCURE DE FRANCE
comme il nous est venu un Mémoire
d'un autre Endroit sur le même sujet ,
posterieur à la Lettre de Soissons , dans
lequel on demande plusieurs autres Eclaircissemens
, nous ajoûterons ici le précis
de ce Mémoire.
On demande d'abord si l'Auteur de
la Lettre inserée dans le Mercure d'Avril
travaille au Breviaire de ce Diocèse. On
prie ensuite de s'informer par la voye du
Mercure , de Messieurs de Perigueux ,
19. Si la Tradition de leur Eglise n'est pas
que le corps entier de S. Front y étoit
conservé lorsque les Calvinistes la pille-`
rent. 29. Si l'on a des preuves que la
Translation de ce corps ait été faite un
peu aprés l'an 1441. comme il paroît
qu'elle a dû être faite par une Bulle du
Pape Eugene IV. qui est dans le Gallia
Christiana.
Nous remarquerons sur ce second article
, qu'il faudroit donc supposer qu'il
eût été fait deux Translations du corps de
ce Saint , puisque M. Baillet parle d'une
Translation qu'on croit avoir été faite
vers la fin du cinquiéme Siecle , ou au
Commencement du sixième.
3º . s'il n'est rien échappé des Reliques
de ce Saint Evêque depuis le pillage des
Calvinistes , et supposé que l'on ait sauvé
quelques
JUILLET. 1731. 1677.
quelques parties de son corps , quelles
sont ces parties ? et en quelles Eglises elles
sont ? 4°. Si l'on a eu le Chef de ce Saint
enchassé en entier avec le refte du corps ,
ou séparement. 5º . En quels jours se celebrent
les Fêtes de la Translation du
corps ou des Reliques de ce même Saint.
Nous avons satisfait en partie à ce dernier
Article, en rapportant aprés M. Baillet
, qu'on fait la Fête de sa Translation
le 14. Octobre . L'Auteur de ce nouveau
Mémoire paroît avoir quelques
Eclaircissemens plus particuliers à donner
au Public sur la vie de S. Fronton.
Il y a lieu d'esperer que M M. de Perigueux
n'oublieront pas de contribuer, de
tout leur pouvoir à ce qui peut faire honneur
à la mémoire de leur Saint Apôtre ,
et qu'ils voudront bien exposer la Tradition
de leur Eglise sur les Articles de
ce dernier Mémoire.
Fermer
Résumé : ÉCLAIRCISSEMENS demandés par une Lettre écrite de Soissons, insérée dans le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de Saint Front ou Fronton.
Le texte présente deux épitaphes et un débat historique sur la vie de Saint Front. La première épitaphe, 'D'un avare', décrit un homme extrêmement avare, qui considérait le bien des autres comme sien et ne prêtait jamais rien. La deuxième épitaphe, 'D'un prétendu bel esprit', critique un individu se prétendant arbitre de la langue et connaissant les titres des livres sans les lire. Le texte principal traite de Saint Front, ou Fronton, dont la vie est controversée. Selon certaines sources, Saint Front, originaire de Périgueux ou d'Orient, fut envoyé par Saint Pierre pour évangéliser les Gaules. Il fonda une église à Périgueux et effectua plusieurs missions dans diverses régions, y compris la Saintonge, le Poitou, Paris, le Beauvaisis, et le Soissonnois. Il est également mentionné qu'il chassa un dragon et effectua plusieurs miracles. Cependant, des critiques comme M. de Tillemont et M. Baillet remettent en question l'authenticité des actes de Saint Front. Ils doutent de son voyage à Rome et de sa mission par Saint Pierre, ainsi que de la fondation de l'église du Puy-en-Velay. Ils considèrent les premiers actes de sa vie comme insoutenables et douteux. Le texte mentionne également des demandes d'éclaircissements sur la vie de Saint Front, notamment sur la conservation de ses reliques après le pillage des Calvinistes et les dates des fêtes de sa translation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1678-1683
SENTIMENS D'UN IROQUOIS À la vûë des diverses Marchandises étalées à une Foire de France. Sur l'Air : Iris, je ne sçais comment, &c. Par le P. P. B. F.
Début :
A La Foire me voici, [...]
Mots clefs :
Iroquois, Marchandises, Foire, Emplette, prévaricateur, Beaux parleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS D'UN IROQUOIS À la vûë des diverses Marchandises étalées à une Foire de France. Sur l'Air : Iris, je ne sçais comment, &c. Par le P. P. B. F.
Mercure.
EPITA PHE ,
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
***:****XXX :XXXXX
ECLAIRCISSEMENS demandés
>
par
une Lettre écrite de Soissons , inserée dans
le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de
Saint Front on Frontor
L paroît un peu singulier qu'on démande
desEclaircissemens sur un Saint Im
aussi
1670 MERCURE DE FRANCEaussi
connu que S. Fronton, Saint, qu'une
Eglise de ce Royaume reconnoît pour
son Fondateur , et pour son Apôtre ,
sans que la Critique ait encore ose le lui
disputer. Il est parlé de ce Saint dans tous
les Martyrologes au 25. d'Octobre , dans
le Martyrologe Romain , dans ceux de
France et d'Espagne , dans Baronius ,
dans Surius , dans Ribadeneira &c. Cependant
nous exposerons ici avec la briéveté
requise , ce que nous en apprenons
dans les Actes de sa vie, rapportés par M.
Bosquet dans son Histoire de l'Eglise
Gallicane.
Saint Front , ou Fronton , que quelques
uns font naître à Perigueux , d'autres
en Orient , ayant été connu de Saint
Pierre dans un Voyage qu'il fit à Rome ,
et en ayant été jugé digne de porter la
foy parmi les Idolatres , ce Prince des
Apôtres l'envoya dans les Gaules avec un
compagnon , nommé Georges , pour y
publier l'Evangile . Ces deux hommes
Apostoliques aprés beaucoup de Stations
faites dans les lieux de leur passage pour
y semer la parole de Dieu , arriverent à
Perigueux. Ce fut là qu'ils s'arrêterent
davantage , et que le Champ répondant
aux soins du Laboureur , la Moisson devint
bientôt trés-abondante. L'Evangile
JUILLET. 1731. 1871
y fit en peu de tems un progrés considerable.
Il y avoit alors un Gouverneur
en Perigord , nommé Squirius , homme
fort attaché à l'Idolâtrie. Cet homme
politique ou superstitieux s'efforça d'arrêter
le progrès d'une Religion incompatible
avec celle de ses Peres ; il fit arrêter
pour cela un grand nombre de fideles
; il emprisonnà les uns , il exila les
autres , il en fit mourir plusieurs la
persecution augmentant tous les jours
força bientôt le reste des Fideles à chercher
dans la fuite une ressource contre
les vives poursuites du Gouverneur .
Les Fideles allerent donc se cacher dans
un Desert voisin de la Riviere de Dordogne
, avec leur Pasteur qu'ils entraînerent
avec eux : Saint Fronton chassa de
cet endroit un Dragon qui infectoit tout
le Pays.
par
fin
des menaces ,
par
par
Mais Dieu qui vouloit établir son culte
dans cette Province , força le Gouverneur
des fleaux , et endes
avis qu'il lui donna en songe,
de plier sous le joug de la Foy.La paix fût
rendue à cette Eglise naissante . Le Gouverneur
alla lui -même chercher S. Fronton
dans le Desert , il ramena avec lui
le Pasteur et le Troupeau. S. Fronton
bâtit ensuite à Perigueux , du consentement
1672 MERCURE DE FRANCE
ment du Gouverneur une Eglise en l'honncur
de S. Etienne , premier Martyr.
Quand S. Fronton vit cette Eglise suffisamment
affermie , il y laissa un Disciple
nommé Anien pour la gouverner
pendant son absence , et envoya son compagnon
au Puy - en -Velay , où S. George
fonda une nouvelle Eglise dont il fût le
premier Evêque . Pour S. Fronton il alla
prêcher l'Evangile dans la Saintonge et
dans le Poitou ; il passa même par Paris
et pénetra jusques dans le Beauvaisis et
dans le Soissonnois. On voit encore dans
le Diocèse de Soissons unChâteau appellé
Neulli Saint Front , ce qui porteroit à
croire que ce qu'on dit des Voyages de
ce Saint n'est pas sans fondement. Quoyqu'il
en soit , S. Fronton aprés être retourné
dans son Diocèse , passa dans un
autre Voyage par les Villes de Bourdeaux
et de Bayonne , et s'avança jusqu'à Valance
en Espagne. Enfin fatigué , épuisé par
son grand âge et par ses travaux , il rétourna
dans son Siege,où il y mourut en
paix. On rapporte de lui plusieurs Miracles.
En voilà assés sur les Actes de S. Fronton,
premiet Evêque de Perigueux. Il ne
faut pas le confondre avec un aurre Saint
Fronton , Abbé , marqué au 14. Avril
dans
JUILLET. 1731. 1673
'dans le petit ouvrage intitulé * Fasti Mariani
, que l'Auteur Jesuite , dit avoir tiré
de la vie des Peres.
Cependant comme les Actes de Saint
Fronton , Fondateur de l'Eglise de Perigueux
, ont été rejettés par plusieurs critiques
, et en particulier par M. M. de
Tillemont et Baillet , nous rapporterons
ici en peu de mots ce qu'en dit ce dernier,
soit dans les Notes qu'il a mises au commencement
du mois d'Octobre , soit dans
ce qu'il dit de la vie de ce Saint au 25 .
du même mois.
Il commence la vie de S. Front par le
reconnoître pour l'Apôtre de Perigueux :
mais il a soin de mettre à la
marge , 3 .
ou 4. Siecle , ce qui ruine absolument
tout ce qu'on dit de son Voyage à Rome ,
et de sa mission dans les Gaules par Saint
Pierre , & c .
On ne peut , dit- il , entrer dans aucun
détail des actions de ce Saint , ni so
flatter même d'en pouvoir produire dont
on soit assuré , si l'on en excepte la conversion
du Peuple de Perigueux , qu'on
a tout sujet de regarder comme le fruit
de ses travaux et de ses souffrances . Tout
a paru , continue- t-il, tellement insoûtena-
1. Vol 1 Antuerpia 1633-
C
1674 MERCURE DE FRANCE
ble dans les premiers Actes qu'on avoit
publiés de sa vie , qu'on s'est crû obligé
d'en composer d'autres , qui sont cependant
tombés comme les premiers.
M. Baillet regarde aussi comme douteuse
la Tradition qui lui donne pour
compagnon dans ses travaux Apostoliques
un Prêtre , nommé George , aussi - bien
que la fondation de l'Eglise du Puy- en-
Velay,que la même Tradition fait remonter
comme celle de Perigueux au premier
Siecle.
Tous les Actes s'accordent à le faire
mourir en paix. Mais il n'en faut pas conclure
, ajoûte M. Baillet , qu'il ne soit
venu en Perigord qu'aprés la paix donnée
à l'Eglise par Constantin , à moins qu'on
ne voulût raisonner de même de S. Marrial
de Limoges , de S. Julien du Mans ,
de S. Gatien de Tours , et de beaucoup
d'autres Confesseurs , à qui les Payens
n'ont point ôté la vie.
La Fête de S, Fronton est marquée au
25. d'Octobre dans les Martyrologes
d'Adon et d'Usuard , en quoy on les a
suivis dans le Romain moderne. On dit
que le corps de S. Front fût trouvé quelques
années aprés la mort de Clovis I. et
transporté dans une Eglise que fit bâtir
en son honneur Chronope , Evêque de
Perigueux
JUILLET. 1731. 1875
Perigueux , du tems duquel la Ville passa
de la domination des Wisigoths sous
celle des François. On fait Mémoire de
cette Translation le 14. d'Octobre.
M. Baillet dit que les Actes de la vie
de ce Saint furent publiés par M. Bosquet
,dans la deuxième partie de son Histoire
de l'Eglise Gallicane , liv . 5. pag. ș.
ils ont été vûs , ajoûte t-il , par Adon de
Vienne ; ainsi ils ne peuvent être
rieurs au IX. Siecle.
poste
M. de Tillemont, Tom. 4. pag. 502. les
tient tout-à- fait insoutenables, tant pour
le fond que pour la composition. Un
Abbé de Solignac dans le Concile de Lis
moges , tenu l'an 1031. les rejetta devant
toute l'Assemblée , comme une fausse Piece
, et soutint que s'étoit une Fable composée
par un Gausbert Chorévêque de
Limoges , qui l'avoit faite même pour en
tirer de l'argent. Depuis l'onzième Siecle ,
comme on ne voyoit plus d'apparence à
soutenir cette Histoire de S. Front , on
en inventa une autre sous le nom des
Evêques ses Successeurs . Mais cette Piece,
dont M. Bosquet a donné l'Extrait , est
encore plus ridicule que la premiere , au
jugement du même M. de Tillemont.
Voilà ce qu'on peut recueillir de divers
Auteurs sur la vie de S. Front ; mais
Cij
comme
1676 MERCURE DE FRANCE
comme il nous est venu un Mémoire
d'un autre Endroit sur le même sujet ,
posterieur à la Lettre de Soissons , dans
lequel on demande plusieurs autres Eclaircissemens
, nous ajoûterons ici le précis
de ce Mémoire.
On demande d'abord si l'Auteur de
la Lettre inserée dans le Mercure d'Avril
travaille au Breviaire de ce Diocèse. On
prie ensuite de s'informer par la voye du
Mercure , de Messieurs de Perigueux ,
19. Si la Tradition de leur Eglise n'est pas
que le corps entier de S. Front y étoit
conservé lorsque les Calvinistes la pille-`
rent. 29. Si l'on a des preuves que la
Translation de ce corps ait été faite un
peu aprés l'an 1441. comme il paroît
qu'elle a dû être faite par une Bulle du
Pape Eugene IV. qui est dans le Gallia
Christiana.
Nous remarquerons sur ce second article
, qu'il faudroit donc supposer qu'il
eût été fait deux Translations du corps de
ce Saint , puisque M. Baillet parle d'une
Translation qu'on croit avoir été faite
vers la fin du cinquiéme Siecle , ou au
Commencement du sixième.
3º . s'il n'est rien échappé des Reliques
de ce Saint Evêque depuis le pillage des
Calvinistes , et supposé que l'on ait sauvé
quelques
JUILLET. 1731. 1677.
quelques parties de son corps , quelles
sont ces parties ? et en quelles Eglises elles
sont ? 4°. Si l'on a eu le Chef de ce Saint
enchassé en entier avec le refte du corps ,
ou séparement. 5º . En quels jours se celebrent
les Fêtes de la Translation du
corps ou des Reliques de ce même Saint.
Nous avons satisfait en partie à ce dernier
Article, en rapportant aprés M. Baillet
, qu'on fait la Fête de sa Translation
le 14. Octobre . L'Auteur de ce nouveau
Mémoire paroît avoir quelques
Eclaircissemens plus particuliers à donner
au Public sur la vie de S. Fronton.
Il y a lieu d'esperer que M M. de Perigueux
n'oublieront pas de contribuer, de
tout leur pouvoir à ce qui peut faire honneur
à la mémoire de leur Saint Apôtre ,
et qu'ils voudront bien exposer la Tradition
de leur Eglise sur les Articles de
ce dernier Mémoire.
Ciliijj . SENTI
1778 MERCURE DE FRANCE
SENTIMENS
D'UN IROQUOIS ,
A la vûë des diverses Marchandises étalées
à une Foire de France.
Sur l'Air : Iris , je ne sçais comment , &
Par le P P. B. 7.
'A La Foire me voici
Dieu ! quel monde est celui- cy !
Je ne vois que gens ,
Allans et vénans ;
Chacun fait son emplette ::2
Je vois qu'on offre tout ceans ,
Mais il faut qu'on l'achette ,
Morbleu ,
Mais il faut qu'on l'achette.
L'on vous dit , Monsieur , prenez ;
Et l'on sous-entend , donnez.
Ici rien pour rien,
Le tien et le mien ,
*
Sont les deux seuls mobiles ..
A ce prix est-ce un si grand bien ,
D'avoir bâti des Villes ?
Morbleu , &c.
Lâches
JOH JUILLET
1731. 1679
Lâches Prévaricateurs &
L'interêt gâte vos moeurs.
Chez vous sur ce pié
Droiture, amitié ,
Ne sont plus en usage ;
It vous nous laissez par pitié ,
L'innocence en partage.
Morbleu , &
Gardez bien, Peuples polis ,
Les vices vos favoris.
Noirceurs , trahisons ,
Maux de cent façons :
Ils sont tous à vos gages.
Ne nous donnez plus de faux noms }}
Yousêtes les Sauvages.
Morbleaux , &e
A consulter votre orgueil ,
On vous verroit d'un autre oeil ;
Ce Peintre flatteur
Vous peint dans le coeur ,
Meilleurs que nous ne sommes.
Moy je ne vous fais pas l'honneur ,
De vous croire des hommes,
Morbleu , &c.
Chez mes Confreres les Ours
C iiij
On
160 MERCURE DE FRANCE
On voit moins de méchans tours,
Moins cruels que vous ,
Moins fiers , moins jaloux ,
Chez les Ours on s'entraime :
Les François plus humains , plus doux
Ont un autre sistême.
Morbleu , &c.
Mais laissons-là ce propos :
Marchands, ouvrez vos Ballots .:
Que de pompeux riens ;
O Ciel , que de biens !
Dont je n'ai point affaire !
De grace , laissez- moi les miens ;
Gardez votre misere.
Morbleu , & c
Votre luxe dangereux ,
Vous a rendus malheureux .
Quoi ! foibles humains ,
De vos propres mains ,
Vous forgez vos entraves.
Nous sommes les vrais Souverains ;
Vous êtes des Esclaves.
Morbleu , &c.
D'où sont nez tant de besoins ?
De yos Arts et de vos soins ,
Votre
JUILLET. 1731 1681
Votre esprit maudit ,
Fomente et nourrit ,
Votre délicatesse.
L'Iroquois libre qui s'en rit ,
Foule aux pieds la richesse.
Morbleu , &c,
Toute votre vanité ,
Naut- elle ma liberté ?
Au fond des Deserts ;
Sans peur des revers
Je vois brûler ma hutte ;
Mon coeur même de l'Univers ,
Ne craindroit pas la chute.
Morbleu , &c.
Dans la Foire , beaux Esprits ,
Vos Livres sont à tout prix,
L'avide Imprimeur
Et le pâle Auteur ,
>
N'ont chez nous gain ni gloire ,
Et l'instrument de ma valeur ,
Ecrit seul mon Histoire.
Morbleu , & c.
Philosophes orgueilleux ,
Vos Ecrits sont merveilleux ;
Mais en verité
CY
Je
1682 MERCURE DE FRANCE
Je suis enchanté ,
De ne les pouvoir lire.
Le bon sens par vous maltraité ,
Dans nos Bois se retire .
Morbleu , &c
Que faites-vous , beaux parleurs
Vous semez partout des fleurs ;
En tours bien tissus ,
En mots ambigus ,
Votre esprit se distile ;
Mon silence seul en dit plus ,
Que votre pompeux stile.
Morbleu , &c.
Mon habit choque vos yeux ;
Mais le vôtre siet-il mieux }
Tout cet attirail ,
Fruit d'un long travail ,
Vous rend la tête folle ,
Quoi ! vous filez jusqu'au Métail ,
Pour parer une Idole !
Morbleu , & c.
Il faut pour flatter vos goûts ,
Mets exquis , sausses , ragouts
Mais votre santé ,
Malgré Caffé , Thế ,
Suse dès la jeunesse ;
I
JUILLET. 1731. 1683
Au prix de la sobrieté ,
J'achette la viellesse.
Morblen , &c.
Jamais on ne vous voit sains ,
Vous avez des Medecins ;
Mourez dans leurs bras,
C'est votre trépas ,
Qui leur sert de parure .
Allez , je ne vous plaindrai pas ,
Ils vengent la Nature.
Morbleu , & c.
Aussi , François délicats ,
Nous vous voyons aux Combats
Prisonniers charmans ,
Vos vrais sentimens ,
Nous dévoilent votre ame.
Et moi je brave les tourmens ,
Je chante dans la flamme.
Morbleu , & c. >
Marchands , fermez vos paquets
Je sçais vivre à peu de frais ;
J'ai tout et n'ai rien :
Laissez- moi pour bien
Mon heureuse indigence.
Vos désirs sont votre lien ,
Et j'ai l'indépendance.
Morbleu ,&C
EPITA PHE ,
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
***:****XXX :XXXXX
ECLAIRCISSEMENS demandés
>
par
une Lettre écrite de Soissons , inserée dans
le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de
Saint Front on Frontor
L paroît un peu singulier qu'on démande
desEclaircissemens sur un Saint Im
aussi
1670 MERCURE DE FRANCEaussi
connu que S. Fronton, Saint, qu'une
Eglise de ce Royaume reconnoît pour
son Fondateur , et pour son Apôtre ,
sans que la Critique ait encore ose le lui
disputer. Il est parlé de ce Saint dans tous
les Martyrologes au 25. d'Octobre , dans
le Martyrologe Romain , dans ceux de
France et d'Espagne , dans Baronius ,
dans Surius , dans Ribadeneira &c. Cependant
nous exposerons ici avec la briéveté
requise , ce que nous en apprenons
dans les Actes de sa vie, rapportés par M.
Bosquet dans son Histoire de l'Eglise
Gallicane.
Saint Front , ou Fronton , que quelques
uns font naître à Perigueux , d'autres
en Orient , ayant été connu de Saint
Pierre dans un Voyage qu'il fit à Rome ,
et en ayant été jugé digne de porter la
foy parmi les Idolatres , ce Prince des
Apôtres l'envoya dans les Gaules avec un
compagnon , nommé Georges , pour y
publier l'Evangile . Ces deux hommes
Apostoliques aprés beaucoup de Stations
faites dans les lieux de leur passage pour
y semer la parole de Dieu , arriverent à
Perigueux. Ce fut là qu'ils s'arrêterent
davantage , et que le Champ répondant
aux soins du Laboureur , la Moisson devint
bientôt trés-abondante. L'Evangile
JUILLET. 1731. 1871
y fit en peu de tems un progrés considerable.
Il y avoit alors un Gouverneur
en Perigord , nommé Squirius , homme
fort attaché à l'Idolâtrie. Cet homme
politique ou superstitieux s'efforça d'arrêter
le progrès d'une Religion incompatible
avec celle de ses Peres ; il fit arrêter
pour cela un grand nombre de fideles
; il emprisonnà les uns , il exila les
autres , il en fit mourir plusieurs la
persecution augmentant tous les jours
força bientôt le reste des Fideles à chercher
dans la fuite une ressource contre
les vives poursuites du Gouverneur .
Les Fideles allerent donc se cacher dans
un Desert voisin de la Riviere de Dordogne
, avec leur Pasteur qu'ils entraînerent
avec eux : Saint Fronton chassa de
cet endroit un Dragon qui infectoit tout
le Pays.
par
fin
des menaces ,
par
par
Mais Dieu qui vouloit établir son culte
dans cette Province , força le Gouverneur
des fleaux , et endes
avis qu'il lui donna en songe,
de plier sous le joug de la Foy.La paix fût
rendue à cette Eglise naissante . Le Gouverneur
alla lui -même chercher S. Fronton
dans le Desert , il ramena avec lui
le Pasteur et le Troupeau. S. Fronton
bâtit ensuite à Perigueux , du consentement
1672 MERCURE DE FRANCE
ment du Gouverneur une Eglise en l'honncur
de S. Etienne , premier Martyr.
Quand S. Fronton vit cette Eglise suffisamment
affermie , il y laissa un Disciple
nommé Anien pour la gouverner
pendant son absence , et envoya son compagnon
au Puy - en -Velay , où S. George
fonda une nouvelle Eglise dont il fût le
premier Evêque . Pour S. Fronton il alla
prêcher l'Evangile dans la Saintonge et
dans le Poitou ; il passa même par Paris
et pénetra jusques dans le Beauvaisis et
dans le Soissonnois. On voit encore dans
le Diocèse de Soissons unChâteau appellé
Neulli Saint Front , ce qui porteroit à
croire que ce qu'on dit des Voyages de
ce Saint n'est pas sans fondement. Quoyqu'il
en soit , S. Fronton aprés être retourné
dans son Diocèse , passa dans un
autre Voyage par les Villes de Bourdeaux
et de Bayonne , et s'avança jusqu'à Valance
en Espagne. Enfin fatigué , épuisé par
son grand âge et par ses travaux , il rétourna
dans son Siege,où il y mourut en
paix. On rapporte de lui plusieurs Miracles.
En voilà assés sur les Actes de S. Fronton,
premiet Evêque de Perigueux. Il ne
faut pas le confondre avec un aurre Saint
Fronton , Abbé , marqué au 14. Avril
dans
JUILLET. 1731. 1673
'dans le petit ouvrage intitulé * Fasti Mariani
, que l'Auteur Jesuite , dit avoir tiré
de la vie des Peres.
Cependant comme les Actes de Saint
Fronton , Fondateur de l'Eglise de Perigueux
, ont été rejettés par plusieurs critiques
, et en particulier par M. M. de
Tillemont et Baillet , nous rapporterons
ici en peu de mots ce qu'en dit ce dernier,
soit dans les Notes qu'il a mises au commencement
du mois d'Octobre , soit dans
ce qu'il dit de la vie de ce Saint au 25 .
du même mois.
Il commence la vie de S. Front par le
reconnoître pour l'Apôtre de Perigueux :
mais il a soin de mettre à la
marge , 3 .
ou 4. Siecle , ce qui ruine absolument
tout ce qu'on dit de son Voyage à Rome ,
et de sa mission dans les Gaules par Saint
Pierre , & c .
On ne peut , dit- il , entrer dans aucun
détail des actions de ce Saint , ni so
flatter même d'en pouvoir produire dont
on soit assuré , si l'on en excepte la conversion
du Peuple de Perigueux , qu'on
a tout sujet de regarder comme le fruit
de ses travaux et de ses souffrances . Tout
a paru , continue- t-il, tellement insoûtena-
1. Vol 1 Antuerpia 1633-
C
1674 MERCURE DE FRANCE
ble dans les premiers Actes qu'on avoit
publiés de sa vie , qu'on s'est crû obligé
d'en composer d'autres , qui sont cependant
tombés comme les premiers.
M. Baillet regarde aussi comme douteuse
la Tradition qui lui donne pour
compagnon dans ses travaux Apostoliques
un Prêtre , nommé George , aussi - bien
que la fondation de l'Eglise du Puy- en-
Velay,que la même Tradition fait remonter
comme celle de Perigueux au premier
Siecle.
Tous les Actes s'accordent à le faire
mourir en paix. Mais il n'en faut pas conclure
, ajoûte M. Baillet , qu'il ne soit
venu en Perigord qu'aprés la paix donnée
à l'Eglise par Constantin , à moins qu'on
ne voulût raisonner de même de S. Marrial
de Limoges , de S. Julien du Mans ,
de S. Gatien de Tours , et de beaucoup
d'autres Confesseurs , à qui les Payens
n'ont point ôté la vie.
La Fête de S, Fronton est marquée au
25. d'Octobre dans les Martyrologes
d'Adon et d'Usuard , en quoy on les a
suivis dans le Romain moderne. On dit
que le corps de S. Front fût trouvé quelques
années aprés la mort de Clovis I. et
transporté dans une Eglise que fit bâtir
en son honneur Chronope , Evêque de
Perigueux
JUILLET. 1731. 1875
Perigueux , du tems duquel la Ville passa
de la domination des Wisigoths sous
celle des François. On fait Mémoire de
cette Translation le 14. d'Octobre.
M. Baillet dit que les Actes de la vie
de ce Saint furent publiés par M. Bosquet
,dans la deuxième partie de son Histoire
de l'Eglise Gallicane , liv . 5. pag. ș.
ils ont été vûs , ajoûte t-il , par Adon de
Vienne ; ainsi ils ne peuvent être
rieurs au IX. Siecle.
poste
M. de Tillemont, Tom. 4. pag. 502. les
tient tout-à- fait insoutenables, tant pour
le fond que pour la composition. Un
Abbé de Solignac dans le Concile de Lis
moges , tenu l'an 1031. les rejetta devant
toute l'Assemblée , comme une fausse Piece
, et soutint que s'étoit une Fable composée
par un Gausbert Chorévêque de
Limoges , qui l'avoit faite même pour en
tirer de l'argent. Depuis l'onzième Siecle ,
comme on ne voyoit plus d'apparence à
soutenir cette Histoire de S. Front , on
en inventa une autre sous le nom des
Evêques ses Successeurs . Mais cette Piece,
dont M. Bosquet a donné l'Extrait , est
encore plus ridicule que la premiere , au
jugement du même M. de Tillemont.
Voilà ce qu'on peut recueillir de divers
Auteurs sur la vie de S. Front ; mais
Cij
comme
1676 MERCURE DE FRANCE
comme il nous est venu un Mémoire
d'un autre Endroit sur le même sujet ,
posterieur à la Lettre de Soissons , dans
lequel on demande plusieurs autres Eclaircissemens
, nous ajoûterons ici le précis
de ce Mémoire.
On demande d'abord si l'Auteur de
la Lettre inserée dans le Mercure d'Avril
travaille au Breviaire de ce Diocèse. On
prie ensuite de s'informer par la voye du
Mercure , de Messieurs de Perigueux ,
19. Si la Tradition de leur Eglise n'est pas
que le corps entier de S. Front y étoit
conservé lorsque les Calvinistes la pille-`
rent. 29. Si l'on a des preuves que la
Translation de ce corps ait été faite un
peu aprés l'an 1441. comme il paroît
qu'elle a dû être faite par une Bulle du
Pape Eugene IV. qui est dans le Gallia
Christiana.
Nous remarquerons sur ce second article
, qu'il faudroit donc supposer qu'il
eût été fait deux Translations du corps de
ce Saint , puisque M. Baillet parle d'une
Translation qu'on croit avoir été faite
vers la fin du cinquiéme Siecle , ou au
Commencement du sixième.
3º . s'il n'est rien échappé des Reliques
de ce Saint Evêque depuis le pillage des
Calvinistes , et supposé que l'on ait sauvé
quelques
JUILLET. 1731. 1677.
quelques parties de son corps , quelles
sont ces parties ? et en quelles Eglises elles
sont ? 4°. Si l'on a eu le Chef de ce Saint
enchassé en entier avec le refte du corps ,
ou séparement. 5º . En quels jours se celebrent
les Fêtes de la Translation du
corps ou des Reliques de ce même Saint.
Nous avons satisfait en partie à ce dernier
Article, en rapportant aprés M. Baillet
, qu'on fait la Fête de sa Translation
le 14. Octobre . L'Auteur de ce nouveau
Mémoire paroît avoir quelques
Eclaircissemens plus particuliers à donner
au Public sur la vie de S. Fronton.
Il y a lieu d'esperer que M M. de Perigueux
n'oublieront pas de contribuer, de
tout leur pouvoir à ce qui peut faire honneur
à la mémoire de leur Saint Apôtre ,
et qu'ils voudront bien exposer la Tradition
de leur Eglise sur les Articles de
ce dernier Mémoire.
Ciliijj . SENTI
1778 MERCURE DE FRANCE
SENTIMENS
D'UN IROQUOIS ,
A la vûë des diverses Marchandises étalées
à une Foire de France.
Sur l'Air : Iris , je ne sçais comment , &
Par le P P. B. 7.
'A La Foire me voici
Dieu ! quel monde est celui- cy !
Je ne vois que gens ,
Allans et vénans ;
Chacun fait son emplette ::2
Je vois qu'on offre tout ceans ,
Mais il faut qu'on l'achette ,
Morbleu ,
Mais il faut qu'on l'achette.
L'on vous dit , Monsieur , prenez ;
Et l'on sous-entend , donnez.
Ici rien pour rien,
Le tien et le mien ,
*
Sont les deux seuls mobiles ..
A ce prix est-ce un si grand bien ,
D'avoir bâti des Villes ?
Morbleu , &c.
Lâches
JOH JUILLET
1731. 1679
Lâches Prévaricateurs &
L'interêt gâte vos moeurs.
Chez vous sur ce pié
Droiture, amitié ,
Ne sont plus en usage ;
It vous nous laissez par pitié ,
L'innocence en partage.
Morbleu , &
Gardez bien, Peuples polis ,
Les vices vos favoris.
Noirceurs , trahisons ,
Maux de cent façons :
Ils sont tous à vos gages.
Ne nous donnez plus de faux noms }}
Yousêtes les Sauvages.
Morbleaux , &e
A consulter votre orgueil ,
On vous verroit d'un autre oeil ;
Ce Peintre flatteur
Vous peint dans le coeur ,
Meilleurs que nous ne sommes.
Moy je ne vous fais pas l'honneur ,
De vous croire des hommes,
Morbleu , &c.
Chez mes Confreres les Ours
C iiij
On
160 MERCURE DE FRANCE
On voit moins de méchans tours,
Moins cruels que vous ,
Moins fiers , moins jaloux ,
Chez les Ours on s'entraime :
Les François plus humains , plus doux
Ont un autre sistême.
Morbleu , &c.
Mais laissons-là ce propos :
Marchands, ouvrez vos Ballots .:
Que de pompeux riens ;
O Ciel , que de biens !
Dont je n'ai point affaire !
De grace , laissez- moi les miens ;
Gardez votre misere.
Morbleu , & c
Votre luxe dangereux ,
Vous a rendus malheureux .
Quoi ! foibles humains ,
De vos propres mains ,
Vous forgez vos entraves.
Nous sommes les vrais Souverains ;
Vous êtes des Esclaves.
Morbleu , &c.
D'où sont nez tant de besoins ?
De yos Arts et de vos soins ,
Votre
JUILLET. 1731 1681
Votre esprit maudit ,
Fomente et nourrit ,
Votre délicatesse.
L'Iroquois libre qui s'en rit ,
Foule aux pieds la richesse.
Morbleu , &c,
Toute votre vanité ,
Naut- elle ma liberté ?
Au fond des Deserts ;
Sans peur des revers
Je vois brûler ma hutte ;
Mon coeur même de l'Univers ,
Ne craindroit pas la chute.
Morbleu , &c.
Dans la Foire , beaux Esprits ,
Vos Livres sont à tout prix,
L'avide Imprimeur
Et le pâle Auteur ,
>
N'ont chez nous gain ni gloire ,
Et l'instrument de ma valeur ,
Ecrit seul mon Histoire.
Morbleu , & c.
Philosophes orgueilleux ,
Vos Ecrits sont merveilleux ;
Mais en verité
CY
Je
1682 MERCURE DE FRANCE
Je suis enchanté ,
De ne les pouvoir lire.
Le bon sens par vous maltraité ,
Dans nos Bois se retire .
Morbleu , &c
Que faites-vous , beaux parleurs
Vous semez partout des fleurs ;
En tours bien tissus ,
En mots ambigus ,
Votre esprit se distile ;
Mon silence seul en dit plus ,
Que votre pompeux stile.
Morbleu , &c.
Mon habit choque vos yeux ;
Mais le vôtre siet-il mieux }
Tout cet attirail ,
Fruit d'un long travail ,
Vous rend la tête folle ,
Quoi ! vous filez jusqu'au Métail ,
Pour parer une Idole !
Morbleu , & c.
Il faut pour flatter vos goûts ,
Mets exquis , sausses , ragouts
Mais votre santé ,
Malgré Caffé , Thế ,
Suse dès la jeunesse ;
I
JUILLET. 1731. 1683
Au prix de la sobrieté ,
J'achette la viellesse.
Morblen , &c.
Jamais on ne vous voit sains ,
Vous avez des Medecins ;
Mourez dans leurs bras,
C'est votre trépas ,
Qui leur sert de parure .
Allez , je ne vous plaindrai pas ,
Ils vengent la Nature.
Morbleu , & c.
Aussi , François délicats ,
Nous vous voyons aux Combats
Prisonniers charmans ,
Vos vrais sentimens ,
Nous dévoilent votre ame.
Et moi je brave les tourmens ,
Je chante dans la flamme.
Morbleu , & c. >
Marchands , fermez vos paquets
Je sçais vivre à peu de frais ;
J'ai tout et n'ai rien :
Laissez- moi pour bien
Mon heureuse indigence.
Vos désirs sont votre lien ,
Et j'ai l'indépendance.
Morbleu ,&C
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Résumé : SENTIMENS D'UN IROQUOIS À la vûë des diverses Marchandises étalées à une Foire de France. Sur l'Air : Iris, je ne sçais comment, &c. Par le P. P. B. F.
Le texte présente plusieurs épitaphes et des éclaircissements sur la vie de Saint Front, également connu sous le nom de Fronton. Une épitaphe décrit un homme avare, tandis qu'une autre critique un prétendu bel esprit. Le texte principal se concentre sur Saint Front, premier évêque de Périgueux. Selon les Actes de sa vie, rapportés par M. Bosquet, Saint Front, originaire de Périgueux ou d'Orient, fut envoyé par Saint Pierre pour prêcher l'Évangile en Gaule. Il arriva à Périgueux accompagné de son compagnon Georges et y fit de nombreux convertis malgré la persécution du gouverneur Squirius. Saint Front chassa un dragon et bâtit une église en l'honneur de Saint Étienne. Il fonda également des églises dans d'autres régions, telles que le Puy-en-Velay, la Saintonge et le Poitou. Saint Front mourut en paix à Périgueux après avoir accompli de nombreux miracles. Cependant, les Actes de Saint Front ont été rejetés par plusieurs critiques, notamment M. de Tillemont et M. Baillet, qui les jugent insoutenables et douteux. M. Baillet reconnaît la conversion du peuple de Périgueux comme le principal fruit des travaux de Saint Front, mais remet en question les détails de sa vie et ses voyages. La fête de Saint Front est célébrée le 25 octobre, et son corps fut retrouvé après la mort de Clovis Ier. Le texte mentionne également des demandes d'éclaircissements sur les reliques de Saint Front et les traditions de l'Église de Périgueux. Enfin, un poème d'un Iroquois critique la société française, mettant en avant la liberté et l'innocence des peuples sauvages par rapport aux vices et aux besoins artificiels des Français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1684-1685
REMARQUES au sujet d'une Inscription antique, rapportée dans une Lettre adressée à M. de la Roque, dans le Mercure de France du mois de May dernier, page 1045.
Début :
Cette Inscription, qui n'est qu'un fragment, seroit plus insctrutctive si [...]
Mots clefs :
Inscription, Consultat de Modestus et de Probus, Lettres, Médailles, Autel votif, Magistrats, Sculpteurs
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES au sujet d'une Inscription antique, rapportée dans une Lettre adressée à M. de la Roque, dans le Mercure de France du mois de May dernier, page 1045.
REMARQUES au sujet d'une Inscription
antique , rapportée dans une
Lettre adressée à M. de la Roque , dans
le Mercure de France du mois de May
dernier , page 10+ 5 .
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COSS.
Ette Inscription , qui n'est qu'un
Cfragment, seroit plus instructive si
>
elle étoit entiere. L'on ne peut , à la verité
, douter qu'elle ne soit de l'année
228. qui est celle du Consulat de Modestus
et de Probus , et par consequent sous
l'Empire d'Alexandre Severe , qui regnoit
pour lors ; mais par le mot Dominornm
on ne peut inferer qu'il ait rapport à cet
Empereur et à Camillus , son prétendu
Associé à l'Empire , suivant l'exposition
et le Systême de l'Auteur de la Lettre ,
parce qu'il est certain que les titres Dominus
, Domini , Dominorum , ou en entier,
ou en Lettres initiales , n'ont été employez
que pour les Empereurs du bas
Empire , et dans le siecle de Constantin ,
rant sur leurs Médailles que dans les Inscriptions
JUILLET. 1731. ∙1685
criptions et autres Monumens. A l'égard
des Lettres V. S. L. M. rien n'est plus
commun que la Formule ordinaire usitée
dans tous les Monumens et Tombeaux
antiques pour signifier , Votum Solvit Libenter
Merito. Ainsi sans recourir à des
recherches étrangeres au sujet , cette Inscription
désigne un Autel votif, érigé ,
ou un vou fait par un Particulier pour
la conservation des Magistrats du lieu ou
de ceux qui en étoient les possesseurs et
les maîtres ; car c'est dans ce sens le plus
simple et le plus naturel que l'on doit
entendre Dominorum. La tête de Belier ne
donne aucun lieu de croire que cet Autel
ait rapport au Sacrifice nommé Criabolium
, ce qui demanderoit d'autres circonstances.
L'on trouve communément
aux Ornemens des Autels , ainsi que des
Tombeaux antiques de semblables têtes
de Beliers , comme aussi des Têtes de Satyres
, des Aigles , des Griphons , des
Sphinx et d'au choses qui ne sont souvent
que des caprices et des inventions
de Sculpteurs avec d'autres accompagnemens
; voilà ce qu'on a crû pouvoir dire
de cette Inscription , toute imparfaite et
toute mutilée qu'elle est.
M. D. M.
A Paris le 13. Juin 173¹s
antique , rapportée dans une
Lettre adressée à M. de la Roque , dans
le Mercure de France du mois de May
dernier , page 10+ 5 .
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COSS.
Ette Inscription , qui n'est qu'un
Cfragment, seroit plus instructive si
>
elle étoit entiere. L'on ne peut , à la verité
, douter qu'elle ne soit de l'année
228. qui est celle du Consulat de Modestus
et de Probus , et par consequent sous
l'Empire d'Alexandre Severe , qui regnoit
pour lors ; mais par le mot Dominornm
on ne peut inferer qu'il ait rapport à cet
Empereur et à Camillus , son prétendu
Associé à l'Empire , suivant l'exposition
et le Systême de l'Auteur de la Lettre ,
parce qu'il est certain que les titres Dominus
, Domini , Dominorum , ou en entier,
ou en Lettres initiales , n'ont été employez
que pour les Empereurs du bas
Empire , et dans le siecle de Constantin ,
rant sur leurs Médailles que dans les Inscriptions
JUILLET. 1731. ∙1685
criptions et autres Monumens. A l'égard
des Lettres V. S. L. M. rien n'est plus
commun que la Formule ordinaire usitée
dans tous les Monumens et Tombeaux
antiques pour signifier , Votum Solvit Libenter
Merito. Ainsi sans recourir à des
recherches étrangeres au sujet , cette Inscription
désigne un Autel votif, érigé ,
ou un vou fait par un Particulier pour
la conservation des Magistrats du lieu ou
de ceux qui en étoient les possesseurs et
les maîtres ; car c'est dans ce sens le plus
simple et le plus naturel que l'on doit
entendre Dominorum. La tête de Belier ne
donne aucun lieu de croire que cet Autel
ait rapport au Sacrifice nommé Criabolium
, ce qui demanderoit d'autres circonstances.
L'on trouve communément
aux Ornemens des Autels , ainsi que des
Tombeaux antiques de semblables têtes
de Beliers , comme aussi des Têtes de Satyres
, des Aigles , des Griphons , des
Sphinx et d'au choses qui ne sont souvent
que des caprices et des inventions
de Sculpteurs avec d'autres accompagnemens
; voilà ce qu'on a crû pouvoir dire
de cette Inscription , toute imparfaite et
toute mutilée qu'elle est.
M. D. M.
A Paris le 13. Juin 173¹s
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Résumé : REMARQUES au sujet d'une Inscription antique, rapportée dans une Lettre adressée à M. de la Roque, dans le Mercure de France du mois de May dernier, page 1045.
Le texte analyse une inscription antique datée de l'année 228, sous le consulat de Modestus et Probus, durant le règne d'Alexandre Sévère. L'inscription, fragmentaire, utilise le terme 'Dominorum', mais cela ne permet pas de l'attribuer spécifiquement à Alexandre Sévère et à Camillus. Les titres 'Dominus' et ses variantes étaient courants pour les empereurs du bas Empire et au siècle de Constantin. Les lettres 'V. S. L. M.' signifient 'Votum Solvit Libenter Merito', une formule courante dans les monuments et tombeaux antiques. L'inscription désigne probablement un autel votif érigé par un particulier pour la conservation des magistrats locaux ou des possesseurs du lieu. La tête de bélier présente sur l'autel est un ornement commun et ne suggère pas un lien avec le sacrifice nommé Criabolium. Les ornements des autels et des tombeaux antiques incluent souvent des têtes de béliers, de satyres, d'aigles, de griffons, de sphinx et autres figures, souvent des caprices de sculpteurs.
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10
p. 1686-1687
ÉGLOGUE.
Début :
Qu'avez-vous fait, belle Silvie, [...]
Mots clefs :
Appas, Perfidie, Inconstance, Eau fugitive, Fidèle , Reconnaissance
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texteReconnaissance textuelle : ÉGLOGUE.
EGLOGUE.
QU'APEZ- VOL
Tyrcis.
U'avez-vous fait , belle Silvie,
Depuis que j'ai cessé d'adorer vos appas ?
Sylvie.
Hélas ! cruel Tyrcis , hélas !
J'ai pleuré votre perfidie.
J'ai souvent aux Echos annoncé mon malheur ;
Ma constance et votre inconstance ;
Mais de ma trop juste douleur ,
Rien ne calmoit la violence.
Tyrcis.
Poursuivez ; achevez de confondre mon coeur,
Sylvie.
Souvent au bord d'une Onde pure ,
doux murmure
Qui couroit sur le sable avec
Je disois consumée en regava superflus ;
Voilà de nos plaisirs une image naïve ,
Ils imitent le cours de cette eau fugitive ,
Qui passe et qui ne revient plus .
Quelquefois j'écrivois nos deux noms sur l'écorce
Des Arbres dont l'ombrage frais ,
Avoit souvent aidé nos entretiens secrets ;
Pour y graver le mien il falloit peu de force,
Mais
JUILLET.
1637 1731.
Mais pour le vôtre il s'effaçoit ,
Si-tôt que ma main le traçoit.
Tyrcis.
Je ne puis retenir mes larmes.
Quoi ! vous étiez fidelle à qui sçur vous trahir !
Autant que vous m'aimiez vous deviez me haïr.
Mais si je rendois à vos charmes ,
Ce coeur que vous croyez perdu ,
Le reprendriez -vous, trop fidelle Sylvie
Sylvie.
Ce coeur qui me seroit rendu ,
Feroit le bonheur de ma vie ;
Tyrcis.
Eh bien ! je vous le rends , mais si rempli d'
mour ,
Si charmé de votre constance
Que pour vous sa tendresse et sa reconnoissance
Iront jusqu'à mon dernier jour.
QU'APEZ- VOL
Tyrcis.
U'avez-vous fait , belle Silvie,
Depuis que j'ai cessé d'adorer vos appas ?
Sylvie.
Hélas ! cruel Tyrcis , hélas !
J'ai pleuré votre perfidie.
J'ai souvent aux Echos annoncé mon malheur ;
Ma constance et votre inconstance ;
Mais de ma trop juste douleur ,
Rien ne calmoit la violence.
Tyrcis.
Poursuivez ; achevez de confondre mon coeur,
Sylvie.
Souvent au bord d'une Onde pure ,
doux murmure
Qui couroit sur le sable avec
Je disois consumée en regava superflus ;
Voilà de nos plaisirs une image naïve ,
Ils imitent le cours de cette eau fugitive ,
Qui passe et qui ne revient plus .
Quelquefois j'écrivois nos deux noms sur l'écorce
Des Arbres dont l'ombrage frais ,
Avoit souvent aidé nos entretiens secrets ;
Pour y graver le mien il falloit peu de force,
Mais
JUILLET.
1637 1731.
Mais pour le vôtre il s'effaçoit ,
Si-tôt que ma main le traçoit.
Tyrcis.
Je ne puis retenir mes larmes.
Quoi ! vous étiez fidelle à qui sçur vous trahir !
Autant que vous m'aimiez vous deviez me haïr.
Mais si je rendois à vos charmes ,
Ce coeur que vous croyez perdu ,
Le reprendriez -vous, trop fidelle Sylvie
Sylvie.
Ce coeur qui me seroit rendu ,
Feroit le bonheur de ma vie ;
Tyrcis.
Eh bien ! je vous le rends , mais si rempli d'
mour ,
Si charmé de votre constance
Que pour vous sa tendresse et sa reconnoissance
Iront jusqu'à mon dernier jour.
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Résumé : ÉGLOGUE.
L'églogue relate un dialogue entre Tyrcis et Sylvie, qui évoquent leur relation passée et leurs sentiments. Tyrcis interroge Sylvie sur ses activités depuis qu'il a cessé de l'adorer. Sylvie révèle qu'elle a pleuré sa perfidie et exprimé sa douleur aux échos. Elle compare leurs plaisirs passés à une onde pure qui passe et ne revient plus, symbolisant l'inconstance de Tyrcis. Sylvie mentionne également qu'elle gravait leurs noms sur les arbres, mais que le nom de Tyrcis s'effaçait rapidement. Ému, Tyrcis exprime son regret et demande si Sylvie le reprendrait s'il lui rendait son cœur. Sylvie confirme que ce cœur serait son bonheur. Tyrcis déclare alors qu'il lui rend son cœur, rempli de remords et de reconnaissance, et promet que sa tendresse et sa reconnaissance dureront jusqu'à son dernier jour.
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11
p. 1687-1691
LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
Début :
Vous me demandez mon sentiment, Monsieur, sur l'explication que vient [...]
Mots clefs :
Inscription, Chanoine, Empereur, Sacrifice, Lettres
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
LETTRE écrite d'Orleans , par
M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet
d'une Inscription trouvée à Auxerre.
D Ous me demandez mon sentiment
Monsieur , sur l'explication que vient
de donner dans le Mercure de May , un
Cha
1688 MERCURE DE FRANCE
Chanoine d'Auxerre , d'une Inscription
trouvée depuis peu dans sa Ville. Je vais
vous satisfaire. Voici l'Inscription.
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS.
Le Consulat de Modeste, de Probus, qui
tombe à l'an de Rome 981. et de J. C.
228. fait assez connoître , comme le remarque
l'Auteur de l'Explication , que
c'est à l'Empereur Severe Alexandre que
doit se rapporter cette Inscription. Ce
Prince étoit alors dans la septième année
de son regne. Ce qui embarrasse , c'est
que l'Inscription fait mention de deux
personnes , DOMINORUM , et qu'il ne paroît
pas d'abord aisé de déterminer qui a pû
partager avec Alexandre les honneurs du
Sacrifice et de l'Inscription , qui en
un Monument.
L'Auteur de l'Explication prétend que
c'est un certain Ovinius Camillus ( a ) que
Lampride dit avoir été associé à l'Empire
par Alexandre . Cette Découverte est heureuse
; mais par malheur elle n'a que l'apparence
, le récit que fait Lampride
de cet Ovinius paroît si fabuleux , qu'il
(a ) Lampride in Alexand, cum quidam Ovis
mius , &e.
n'%
JUILLET. 1731. 1689
les
uns
n'y a pas moyen de tabler dessus , il n'est
appuyé quesur des discours populaires , ( a)
encore qul different entre eux ,
rapportant cette prétendue Histoire d'O
vinius au temps de l'Empereur Trajan ,
les autres à celui d'Alexandre. Le silence.
unanime de tous les autres Historiens
sur un évenement aussi considerable ,
n'est que trop capable de nous faire re
jetter cette Histoire.
Mais quand elle seroit vraie , l'Auteur
de l'Explication se seroit toûjours trompé
, en disant que ce fût dans la guerre
d'Allemagne qu'Ovinius fut associé à
l'Empire , ce qui ne peut être . Lampride
dit que ce Sénateur , après quelques journées
de chemin qu'il fit avec l'Empereur
qui marchoit en personne contre quel
ques Barbares qui avoient fait une irruption
, fut contraint à cause de son peu
de santé , de quitter co Prince , qu'il se
retira ensuite dans ses Terres où il vécut
long-temps , (b) et où enfin il fut tué par
le commandement d'Alexandre . Or il est
certain que ce dernier fut tué dans l'ex-
(a) Le même , Ibid. Scio vulgum hanc rem
quam contexui Trajan. putare , &c.
(b) Lamprid. Ibid.Ad villas suas ire pracepit
in quibus diù vixit. Sed post jussu Imperatoris
occisus est.
pedition
160 MERCURE DE FRANCE
pedition contre les Allemans , ( a ) ainsi la
mort d'Ovinius, arrivée long- temps après
cette Expedition , et commandée par Alexandre
, est une chose qui détruit absolument
le sentiment de l'Auteur de l'Ex
plication.
Pour revenir à celle du mot de Do
MINORUM , il s'en présente une naturelle
ment à l'esprit , à laquelle je ne sçais pas
comment l'Auteur de l'Explication n'a
pas fait attention ; la voici :
On ne peut disconvenir que DOMINO
RUM ne soit mis ici pour AUGUSTORUM , et
ne signifie la même chose . Or selon tous
les Antiquaires , ( b ) quand ce dernier
mot se trouve dans les Médailles , il ne
suppose pas toûjours qu'il soit fait men
tion de deux Princes , et il s'entend bien
souvent de l'Empereur
et de l'Imperatrice.
Comme on le peut voir par la Mé.
daille de Gallien , qui porte pour Legende
CONCORDIA
AUGG . où la tête de ce
Prince se voit en regard avec celle de
Salonine , son Epouse. Cela supposé , le
Sacrifice dont l'Inscription fait mention ,
offert , Pro salute Dominorum , l'a été pour
(a) Id Ibid.
(b) v. le P. Banduri , dans son Ouvrage des
Médailles Imperiales depuis Trajan Dece jus
qu'aux Paleologues , en differens endroire.
la
JUILLET. 1731. 1691
la prosperité de l'Empereur et de l'Im
peratrice , ou plutôt de l'Empereur et de
Mammée sa Mere , qui , comme chacun
sçait , le gouvernoit entierement , et dont
le nom se trouve quelquefois joint à celui
de son fils dans les Inscriptions. DOMNORUM
en cet endroit ne voulant dire
que ce que les Marbres ont exprimé d'une
autre maniere par DOMUS DIVINA , la
Famille " Imperiale. Au reste le titre de
DOMINUS , donné à Alexandre , n'a rien
d'extraordinaire , quoique Lampride re
marque que ce Prince deffendit qu'on le
lui donnât. Dominum se appellari vetuit ,
cette même qualité lui est attribuée dans
une Inscription qu'on voit dans Gruter ,
page 121. GENIO D. N. SEVERI ALEXANDÀI.
ANG .
Il reste les quatre Lettres V. S. L. M:
dont M. le Chanoine d'Auxerre demande
l'explication , il paroît que c'est en riant
qu'il fait cette demande , aussi instruit
qu'il le paroît sur ce qui regarde les Sacrifices
, lui qui cire ceux qu'on appelloit
Tauroboles et Crioboles , n'est pas à sçavoir
que conformément aux autres Inscriptions
où elles se trouvent, elles doivent
ici s'expliquer par VOTUM SOLVIT LUBENS
MERITO. relativement à celui qui avoit fait
la dépense du Sacrifice pour la prosperité
de la Maison Imperiale . Je suis , &c.
M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet
d'une Inscription trouvée à Auxerre.
D Ous me demandez mon sentiment
Monsieur , sur l'explication que vient
de donner dans le Mercure de May , un
Cha
1688 MERCURE DE FRANCE
Chanoine d'Auxerre , d'une Inscription
trouvée depuis peu dans sa Ville. Je vais
vous satisfaire. Voici l'Inscription.
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS.
Le Consulat de Modeste, de Probus, qui
tombe à l'an de Rome 981. et de J. C.
228. fait assez connoître , comme le remarque
l'Auteur de l'Explication , que
c'est à l'Empereur Severe Alexandre que
doit se rapporter cette Inscription. Ce
Prince étoit alors dans la septième année
de son regne. Ce qui embarrasse , c'est
que l'Inscription fait mention de deux
personnes , DOMINORUM , et qu'il ne paroît
pas d'abord aisé de déterminer qui a pû
partager avec Alexandre les honneurs du
Sacrifice et de l'Inscription , qui en
un Monument.
L'Auteur de l'Explication prétend que
c'est un certain Ovinius Camillus ( a ) que
Lampride dit avoir été associé à l'Empire
par Alexandre . Cette Découverte est heureuse
; mais par malheur elle n'a que l'apparence
, le récit que fait Lampride
de cet Ovinius paroît si fabuleux , qu'il
(a ) Lampride in Alexand, cum quidam Ovis
mius , &e.
n'%
JUILLET. 1731. 1689
les
uns
n'y a pas moyen de tabler dessus , il n'est
appuyé quesur des discours populaires , ( a)
encore qul different entre eux ,
rapportant cette prétendue Histoire d'O
vinius au temps de l'Empereur Trajan ,
les autres à celui d'Alexandre. Le silence.
unanime de tous les autres Historiens
sur un évenement aussi considerable ,
n'est que trop capable de nous faire re
jetter cette Histoire.
Mais quand elle seroit vraie , l'Auteur
de l'Explication se seroit toûjours trompé
, en disant que ce fût dans la guerre
d'Allemagne qu'Ovinius fut associé à
l'Empire , ce qui ne peut être . Lampride
dit que ce Sénateur , après quelques journées
de chemin qu'il fit avec l'Empereur
qui marchoit en personne contre quel
ques Barbares qui avoient fait une irruption
, fut contraint à cause de son peu
de santé , de quitter co Prince , qu'il se
retira ensuite dans ses Terres où il vécut
long-temps , (b) et où enfin il fut tué par
le commandement d'Alexandre . Or il est
certain que ce dernier fut tué dans l'ex-
(a) Le même , Ibid. Scio vulgum hanc rem
quam contexui Trajan. putare , &c.
(b) Lamprid. Ibid.Ad villas suas ire pracepit
in quibus diù vixit. Sed post jussu Imperatoris
occisus est.
pedition
160 MERCURE DE FRANCE
pedition contre les Allemans , ( a ) ainsi la
mort d'Ovinius, arrivée long- temps après
cette Expedition , et commandée par Alexandre
, est une chose qui détruit absolument
le sentiment de l'Auteur de l'Ex
plication.
Pour revenir à celle du mot de Do
MINORUM , il s'en présente une naturelle
ment à l'esprit , à laquelle je ne sçais pas
comment l'Auteur de l'Explication n'a
pas fait attention ; la voici :
On ne peut disconvenir que DOMINO
RUM ne soit mis ici pour AUGUSTORUM , et
ne signifie la même chose . Or selon tous
les Antiquaires , ( b ) quand ce dernier
mot se trouve dans les Médailles , il ne
suppose pas toûjours qu'il soit fait men
tion de deux Princes , et il s'entend bien
souvent de l'Empereur
et de l'Imperatrice.
Comme on le peut voir par la Mé.
daille de Gallien , qui porte pour Legende
CONCORDIA
AUGG . où la tête de ce
Prince se voit en regard avec celle de
Salonine , son Epouse. Cela supposé , le
Sacrifice dont l'Inscription fait mention ,
offert , Pro salute Dominorum , l'a été pour
(a) Id Ibid.
(b) v. le P. Banduri , dans son Ouvrage des
Médailles Imperiales depuis Trajan Dece jus
qu'aux Paleologues , en differens endroire.
la
JUILLET. 1731. 1691
la prosperité de l'Empereur et de l'Im
peratrice , ou plutôt de l'Empereur et de
Mammée sa Mere , qui , comme chacun
sçait , le gouvernoit entierement , et dont
le nom se trouve quelquefois joint à celui
de son fils dans les Inscriptions. DOMNORUM
en cet endroit ne voulant dire
que ce que les Marbres ont exprimé d'une
autre maniere par DOMUS DIVINA , la
Famille " Imperiale. Au reste le titre de
DOMINUS , donné à Alexandre , n'a rien
d'extraordinaire , quoique Lampride re
marque que ce Prince deffendit qu'on le
lui donnât. Dominum se appellari vetuit ,
cette même qualité lui est attribuée dans
une Inscription qu'on voit dans Gruter ,
page 121. GENIO D. N. SEVERI ALEXANDÀI.
ANG .
Il reste les quatre Lettres V. S. L. M:
dont M. le Chanoine d'Auxerre demande
l'explication , il paroît que c'est en riant
qu'il fait cette demande , aussi instruit
qu'il le paroît sur ce qui regarde les Sacrifices
, lui qui cire ceux qu'on appelloit
Tauroboles et Crioboles , n'est pas à sçavoir
que conformément aux autres Inscriptions
où elles se trouvent, elles doivent
ici s'expliquer par VOTUM SOLVIT LUBENS
MERITO. relativement à celui qui avoit fait
la dépense du Sacrifice pour la prosperité
de la Maison Imperiale . Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
La lettre datée du 27 juin 1731 discute d'une inscription découverte à Auxerre et publiée dans le Mercure de mai 1731. Cette inscription, PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M. DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS., remonte au consulat de Modeste et Probus en 228 après J.-C., sous le règne de l'empereur Sévère Alexandre. L'auteur de l'explication propose qu'Ovinius Camillus, mentionné par Lampride, aurait pu être associé à l'Empire par Alexandre. Cependant, cette hypothèse est contestée en raison des divergences historiques et du manque de preuves solides. L'auteur de la lettre propose une autre interprétation pour le terme DOMINORUM, qui pourrait signifier AUGUSTORUM, désignant l'empereur et l'impératrice ou la mère de l'empereur, Mammée. Cette interprétation est soutenue par des exemples de médailles antiques. Les lettres V. S. L. M. sont expliquées par VOTUM SOLVIT LUBENS MERITO, indiquant que le sacrifice a été offert de manière méritoire pour la prospérité de la famille impériale.
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12
p. 1692
MADRIGAL
Début :
Les Étoiles alloient se cacher dans les Cieux, [...]
Mots clefs :
Madrigal, Étoiles, Cœur, Maux, Expirer
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL
MADRIGAL ,
A Made M ... D ...
Les Etoiles alloient se cacher dans les Cieux ;
Et le Jour , de la Nuit , plioit le voile sombre
Lorsque je m'approchai des lieux ,
Od tu t'assis hier à l'ombre :
2
Puissant Dieu , dis- jealors à l'Enfant de Paphos Į
Daigne ici renvoyer au lever de l'Aurore ,
Celle qui de mon coeur fait les biens et les maux.
D .... par qui je t'adore ,
Que veux- tu , me dit-il ? si tu l'y vois encore
On t'y verra mourir d'amour.
Ah ! dusse-je expirer avant la fin du jour ,
Si tu peux égaler sa tendresse à la mienne ,
Divin Enfant , qu'elle y revienne.
Le Chevalier de Montador.
A Made M ... D ...
Les Etoiles alloient se cacher dans les Cieux ;
Et le Jour , de la Nuit , plioit le voile sombre
Lorsque je m'approchai des lieux ,
Od tu t'assis hier à l'ombre :
2
Puissant Dieu , dis- jealors à l'Enfant de Paphos Į
Daigne ici renvoyer au lever de l'Aurore ,
Celle qui de mon coeur fait les biens et les maux.
D .... par qui je t'adore ,
Que veux- tu , me dit-il ? si tu l'y vois encore
On t'y verra mourir d'amour.
Ah ! dusse-je expirer avant la fin du jour ,
Si tu peux égaler sa tendresse à la mienne ,
Divin Enfant , qu'elle y revienne.
Le Chevalier de Montador.
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Résumé : MADRIGAL
Le madrigal du Chevalier de Montador décrit une nuit où le narrateur, amoureux d'une femme identifiée par les initiales 'M...', prie l'Enfant de Paphos pour son retour. Le dieu répond que le voir la causera sa mort. Le narrateur souhaite mourir d'amour si elle partage sa tendresse et supplie le dieu de la faire revenir.
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13
p. 1693-1704
CEREMONIE faite à Metz , au sujet des nouvelles Cazernes, et de la Place de Coislin. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 25. Juin 1731.
Début :
Le 6. Juin les Magistrats à cette Ville invitez par M. l'Evêque, à se rendre [...]
Mots clefs :
Metz, Cérémonie, Casernes, Architecture symétrisée, Bataillons, Officiers, Symphonie, Capitaines, Procureur-Syndic de la Ville
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texteReconnaissance textuelle : CEREMONIE faite à Metz , au sujet des nouvelles Cazernes, et de la Place de Coislin. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 25. Juin 1731.
CEREMONIE faite à Metz , an
sujet des nouvelles Cazernes , et de la
Place de Coiflin . Extrait d'une Lettre
écrite de cette Ville , le 25. Juin 1731 .
L
E 6. Juin les Magistrats à cette Ville
invitez par M. l'Evêque , à se rendre
aux nouvelles Cazernes , que ce Prélat
a fait construire,et dont il vouloit faire
don à la Ville , s'y transporterent pour
en reconnoître l'état , et accepter cette
donation au nom de la Ville. Ce somptueux
Edifice élevé dans la Place du
Champ-à- Seille , consiste en deux grands
Corps de Cazernes et en un pareil nombre
de Pavillons couverts d'Ardoises , ornez
d'Architecture simétrisée , et propres à y
loger commodément trois Bataillons complets
avec tous leurs Officiers.
Là,en presence de M.de Creil, Intendant
de la Province et d'un grand nombre
d'Officiers et de personnes de consideration
, ce Prélat fit entre les mains des Magistrats
la donation de cet Edifice , et
augmenta le mérite de Présent par les
termes gracieux dont il les accompagna.
On dressa du tout un Procès verbal autentique
,
24 MERCURE DE FRANCE
16
tentique , signé des Parties interressées et
déposé dans les Archives de la Ville pour
éterniser la memoire de la liberalité de ce
Prélat. Les Officiers de Ville . persuadez
qu'il étoit de leur devoir et de leur reconnoissance
d'en informer la Cour , envoyerent
aux Ministres des copies du Procès
verbal , et eurent la satisfaction de
trouver dans la Réponse dont Son Eminence
les à honorez , des Eloges conformes
à leurs idées , et qui donnent un`nouveau
lustre et à la dignité du bienfait ,
et à la magnificence du Bienfaicteur ,
Le Projet de la Dédicace de la Place que
forment les quatre Corps de l'Edifice
ayant été proposé à M. l'Evêque , et les
Magistrats ayant obtenu de lui la permission
de le suivre et de l'executer , ils en
désignerent la Ceremonie au 20. du même
mois de Juin ; ce jour- là elle fut annoncée
au Peuple dès six heures du ma
tin par le son de la grosse Cloche , qui
fut réïteré à midy. A trois heures et demie
du soir M. le Comte de Bellille .
Commandant pour le Roi dans la Province
, ayant ordonné à la Compagnie
des Archers des Bandes et à celles des Gardes
et des Suisses du Gouvernement , de
se rendre à l'Hôtel de Ville , pour grossir
et honorer le Cortege ; l'on se mit en
marche dans l'ordre suivant :
JUILLE T. 1731 . 1695
Tous les Tambours de la Ville , au nombre
de 24. précedez du Tambour Major,
commencerent la marche; ils étoient suivis
de la Compagnie des Archers des Bandes
avec leurs Armes et leurs Hoquetons ,
ayant leurs Officiers à leur tête. Les Suisses
du Gouvernement , la Hallebarde sur
l'épaule , marchoient ensuite : les Trompettes
et les Timbales de la Garnison ,
précedoient la Compagnie des Gardes du
Gouvernement.
Les Messagers , deux à deux , avec leurs'
Casaques aux Livrées de la Ville , les suivoient
immédiatement. Après eux les 16.
Bannerots en Habits et Manteaux noirs et
l'épée au côté. Ensuite les Sergens de Ville
avec leurs Casaques de Livrée et l'épéc
au côté.
La Symphonie marchoit après , composée
de plusieurs Violons , Hautbois et
autres Instrumens,
A quelque distance marchoit le Héraut
d'Armes , superbement vétu à la Romaine
, tenant en main la Verge Magistrale,
monté sur un cheval richement harnaché,
et précedé par deux Estafiers. Le Secretaire
de la Ville seul en Toque de Velours
et en Robbe de ceremonie , précedoit
Mrsles Maîtres Echevins, aussi en Toques
de Velours avec les Cordons d'or
couverts
1696 MERCURE DE FRANCE
couverts de leurs Manteaux de Parade
accompagnez du Major et Ayde -Major
de la Milice Bourgeoise , ayant de part et
d'autre les six Hallebardiers de la Ville ,
en Casaque , la Pertuisanne sur l'épaule .
Après eux marchoient les Echevins, deux
à deux , aussi en habit de ceremonie ; ils
étoient suivis immédiatement
par M. le
Procureur -Syndic de la Ville , seul en
Robbe my-partie , le Chaperon bordé
d'Hermine sur l'épaule et leBonnet quarré.
Tous les Capitaines marchoient ensuite
et derriere eux deux Sergens et deux
Messagers de Ville fermoient la Marche.
Les Sergens Bourgeois avec leurs Hallebarde
formoient des hayes pour empêcher
le desordre et la confusion .
On se rendit dans cet ordre au Palais
Episcopal , et M " d'Augny et d'Aubustin
de Bionville , Maîtres Echevins à la tête
des Magistrats , ayant trouvé M. de Metz
dans sa grand'Salle , où il étoit accompagné
d'une Cour très - nombreuse , M. de
Bionville lui adressa la parole en ces
termes :
MONSEIGNEUR ,
Après vous avoir rendu nos très - humbles
actions de graces du Présent magnifique dont
la
JUILLET. 1731. 1.697
la Ville vient encore d'être redevable à
votre zèle et à votre liberalité, nous allons au
pied des Autels joindre nos voeux à ceux
de tous nos Habitans , et les coeurs les plus
penetrez de la plus vive reconnoissance
prier le Seigneur de verser sur les jours de
son premier Ministre , les benedictions les
plus précieuses sfasse le Ciel, MONSEIGNEUR,
et pour notre avantage et pour sa gloire , que
ces mêmes jours soient une suite de prospe
ritez et durent autant que nos desirs. C'est
le bienfait le plus flateur et le plus signalé
que nos prieres puissent obtenir de sa bonté
et de sa misericorde.
M. l'Evêque ayant répondu à ce Discours
dans les termes les plus obligeans ,
les Magistrats , precedez de leur Cortége
se rendirent à la Cathédrale , dont les
Chanoines qui y occupoient leurs Places
ordinaires , avoient agréé que le Service
se fit dans le Choeur et au grand Autel ,
M. de Pagny , Grand - Chantre , entonna
le Te Deum , qui fut chanté par une excellente
Musique , et suivi d'un Motet
dont voici les paroles tirées de l'Ecriture
Sainte . Elles expriment parfaitement le
bien et l'avantage que ce nouvel Etablis
sement procure au Peuple de Metz.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
D Dedit.
1698 MERCURE DE FRANCE
Dedit requiem populo suo .
Pauper et inops laudabunt nomen ejus :
Quoniam magnificè fecit.
Pupillus et vidua exultabunt in domibus
suis Quoniam, &c.
Juvenes et Virgines senes cum junioribus lau»
dabunt nomen Domini. Quoniam , &c.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
• La Musique de ce Motet , composée i
par M. Maillard , Maître de Musique de
la Cathédrale , fut très bien exécutée.
+
Après le Te Deum , les Officiers de Ville
se mirent en marche ; ils traverserent la
Place d'Armes, au son de la grosse Cloche
et de toutes celles des Paroisses de la
Ville et au bruit des Fanfares ; ils passerent
ensuite par la Place S. Louis , où ils
trouverent un Détachement de Cavalerie
de la Garnison à cheval , l'épée haute
d'où ils se rendirent enfin à la principale
Entrée des Cazernes , dont les Pilastres à
la face exterieure , servoient de soutien à
un Portique élevé en Arc de Triomphe ,
orné au Frontispice des Armes du Roi ,
de celles du Maréchal d'Alégre , Gouver
de celles de la Ville , placées de
l'un et de l'autre côté , et de celles de
M l'Evêque de Metz , peintes en grand ,
au dessous d'un Cartouche pratiqué dans
neur ,
le
JUILLET. 1731. 1699
le centre de la Décoration , et dans lequel
on lisoit cette Inscription .
ILLUSTRISSIMO
ECCLESIE PRINCIPI
HEN,CAR . DUCAMBOUT, DUCI DE COISLIN,
PRESULI MUNIFICENTISSIMO ,
IMMORTALES AGIT GRATIAS
SENATUS POPULUSQUE
METENSI S.
Les Pilastres étoient ornez de Guirlan
des de fleurs et de verdure , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels étoient
des Emblêmes avec leurs Devises , qui exprimoient
d'une maniere sensible que
M. l'Evêque n'accumule ses revenus que
pour les distribuer en faveur des Pauvres
et des Aurels , que la vûë du Ciel est le
premier mobile de toutes ses actions , et
que ses charitez sont d'autant plus méritoires
,qu'il tâche de les rendre secretes.
La premiere Emblême répré entoit un
Soleil attirant des vapeurs , avec cette
Devise :
Colligit ut spargat.
La seconde , une Mouche à miel sur des
feurs , avec ces mots:
Quod sugit , serviet aris.
880168
Dij La
1700 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme , un Tournesol qui suit
toûjours le mouvement du Soleil , avec
cette Devise :
Colestes sequitur motus.
La quatrième , réprésentoit un Ver à
Soye , avec cette Inscription :
Operitur dum operatur.
La face interieure de cette Entrée et
de cet Arc de Triomphe , étoit pareillement
ornée , quoique dans un ordre
different , des mêmes Armes et des mêmes
Décorations. Dans le Cartouche du Frontispice
étoient écrits ces deux Vers d'Ovide
, qui s'appliquoient naturellement à
la reconnoissance de la Ville , et à la Place
dont elle celebroit la Dédicace.
Semper inoblità repetam tua munera mente ,
Et mea me tellus audiet esse tuum.
Les Pilastres de cette Face interieure
étoient aussi décorez de Guirlandes et de
Festons de feuillages et de fleurs , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels
étoient copiez ces Passages tirez de l'Ecriture
Sainte.
Desiderium Pauperum exaudivit Dominus.
Ps. 9.
Dispersit dedit Pauperibus . Ps. 111 .
Jucundus
JUILLET. 1731 . 1701
す
Jucundus homo qui miseretur. Ibid .
Non est inventus similis illi. Ecclesiast.
Les Balustres des deux côtez de l'Arc
de Triomphe , étoient encore chargez de
Caisses d'Orangers , garnies de Festons
et de Guirlandes , de même que les autres
Pieces de la Décoration .
La Comtesse de Bellifle voulut bien
être présente à cette Ceremonie. Elle
fut placée avec les Dames qui l'accompagnoient
, dans l'une des Chambres les
plus apparentes des Cazernes , dont les
fenêtres étoient ornées de Tapis.Toutes les
autres Chambres des quatre Faces qui regardent
la Place, et qui sont en très- grand
nombre , furent entierement occupées par
les Dames de la Ville , ce qui faisoit un beau
coup d'oeil , et formoit le Spectacle le plus
brillant et le plus magnifique qui ait encore
paru dans la Province.
Les Troupes étant sous les Armes et
en haye , aux quatre Faces de la Place ,
le Comte de Bellifle , Commandant
dans la Province , et le Comte de Baviere
, Commandant des Camps , s'y étant
rendus , de même que M. de Creil , Intendant
, et tous les Officiers de la Garnison
, et des deux Camps , et une infinité
de personnes de consideration , Ms de
Diij Ville ,
1702 MERCURE DE FRANCE
Ville , précedez de leur Cortege , en fi
rent le tour ; et étant parvenus au centre
de la Place , le bruit des Tambours , des
Timbales et des Trompettes cessant , ils:
ordonnerent au Herault d'Armes de publier
à haute voix l'Ordonnance de la
Ville , dont voici la teneur :
DE PAR LE ROY
Et Messieurs les Maître-Echevin , Conseillers-
Echevins et Magistrats de la
Ville et Cité de Metz.
La construction des Cazernes et des Pavillons
, que le zele , la pieté et la munifi-
Bence de Monseigneur Du CAMBOUT, DUC
DE COISLIN , EVESQUE DE METZ ,
ont fait éleverpar augmentation dans la Place
du Camp- à- Seille , pour le soulagement des
Peuples , la tranquillité desFamilles etla gloire
de la Religion , en devant être un Monument
éternel; et la Ville qui dans ce somptueux
Edifice, outre l'avantage et l'utilité publique,
trouve encore son plus bel ornement , ne pouvantdonner
des marques plus éclatantes de sa
reconnoissance, qu'en faisant passer à la posterité
la plus reculée , le souvenir de cegrand
Evenement ; il a été arrêté que la Place
formée actuellement par la construction des
Cazernes dans celle du Camp - à- Seille
portera
JUILLET. 1731. 1703
1
portera dorénavant le nom de Place DB
COISLIN ; que dans les Actes , tant publics
que particuliers , elle sera désignée sous
cette denomination; que les quatre Faces desdites
Cazernes formant un pareil nombre de
ruës differentes, celle qui conduit du Cartean
aux Celestins , sera pareillement nommée
rue de SAINT HENRY; celle qui conduit
de l'Hôpital S. Nicolas à la Haute- Seille ,
rue DU CAMBOUT ; celle qui conduit
de la Haute- Seille au Cheval Rouge , ruë
de S. CHARLES ; et celle qui conduit du
Cheval Rouge au Carteau , rue DE COISLINS
lesquels noms seront gravez en Lettres d'or
sur des Marbres incrustez dans chacune des
Faces desdites Ruës; et afin que personne n'en
prétende cause d'ignorance , sera la présente
Ordonnance solemnellement publiée dans ladite
Place , et affichée aux Carrefours et autres
lieux ordinaires et accoutumez . Fait à
PHôtel de Ville de Metz le 8. Juin 1731.
Aussi-tôt après la Publication , on entendit
un grand bruit de Tambours
Trompettes , Timbales , de Canons et de
cris de VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
I Les Comtes de Bellifle et de Baviere
assisterent à la Céremonie , accompagnez
de 7 à 800. Officiers , tant de la Garnison
que des deux Camps. Diiij Tous
1704 MERCURE DE FRANCE
Tous les Marchands et Corps de Mé
tiers tinrent leurs Boutiques fermées , de
leur plein gré toute la journée ; et le soir
il y eut de grandes Illuminations et des
Feux sur les Places et dans les ruës , où l'on
entendit de tous côtez les mêmes cris de
VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
sujet des nouvelles Cazernes , et de la
Place de Coiflin . Extrait d'une Lettre
écrite de cette Ville , le 25. Juin 1731 .
L
E 6. Juin les Magistrats à cette Ville
invitez par M. l'Evêque , à se rendre
aux nouvelles Cazernes , que ce Prélat
a fait construire,et dont il vouloit faire
don à la Ville , s'y transporterent pour
en reconnoître l'état , et accepter cette
donation au nom de la Ville. Ce somptueux
Edifice élevé dans la Place du
Champ-à- Seille , consiste en deux grands
Corps de Cazernes et en un pareil nombre
de Pavillons couverts d'Ardoises , ornez
d'Architecture simétrisée , et propres à y
loger commodément trois Bataillons complets
avec tous leurs Officiers.
Là,en presence de M.de Creil, Intendant
de la Province et d'un grand nombre
d'Officiers et de personnes de consideration
, ce Prélat fit entre les mains des Magistrats
la donation de cet Edifice , et
augmenta le mérite de Présent par les
termes gracieux dont il les accompagna.
On dressa du tout un Procès verbal autentique
,
24 MERCURE DE FRANCE
16
tentique , signé des Parties interressées et
déposé dans les Archives de la Ville pour
éterniser la memoire de la liberalité de ce
Prélat. Les Officiers de Ville . persuadez
qu'il étoit de leur devoir et de leur reconnoissance
d'en informer la Cour , envoyerent
aux Ministres des copies du Procès
verbal , et eurent la satisfaction de
trouver dans la Réponse dont Son Eminence
les à honorez , des Eloges conformes
à leurs idées , et qui donnent un`nouveau
lustre et à la dignité du bienfait ,
et à la magnificence du Bienfaicteur ,
Le Projet de la Dédicace de la Place que
forment les quatre Corps de l'Edifice
ayant été proposé à M. l'Evêque , et les
Magistrats ayant obtenu de lui la permission
de le suivre et de l'executer , ils en
désignerent la Ceremonie au 20. du même
mois de Juin ; ce jour- là elle fut annoncée
au Peuple dès six heures du ma
tin par le son de la grosse Cloche , qui
fut réïteré à midy. A trois heures et demie
du soir M. le Comte de Bellille .
Commandant pour le Roi dans la Province
, ayant ordonné à la Compagnie
des Archers des Bandes et à celles des Gardes
et des Suisses du Gouvernement , de
se rendre à l'Hôtel de Ville , pour grossir
et honorer le Cortege ; l'on se mit en
marche dans l'ordre suivant :
JUILLE T. 1731 . 1695
Tous les Tambours de la Ville , au nombre
de 24. précedez du Tambour Major,
commencerent la marche; ils étoient suivis
de la Compagnie des Archers des Bandes
avec leurs Armes et leurs Hoquetons ,
ayant leurs Officiers à leur tête. Les Suisses
du Gouvernement , la Hallebarde sur
l'épaule , marchoient ensuite : les Trompettes
et les Timbales de la Garnison ,
précedoient la Compagnie des Gardes du
Gouvernement.
Les Messagers , deux à deux , avec leurs'
Casaques aux Livrées de la Ville , les suivoient
immédiatement. Après eux les 16.
Bannerots en Habits et Manteaux noirs et
l'épée au côté. Ensuite les Sergens de Ville
avec leurs Casaques de Livrée et l'épéc
au côté.
La Symphonie marchoit après , composée
de plusieurs Violons , Hautbois et
autres Instrumens,
A quelque distance marchoit le Héraut
d'Armes , superbement vétu à la Romaine
, tenant en main la Verge Magistrale,
monté sur un cheval richement harnaché,
et précedé par deux Estafiers. Le Secretaire
de la Ville seul en Toque de Velours
et en Robbe de ceremonie , précedoit
Mrsles Maîtres Echevins, aussi en Toques
de Velours avec les Cordons d'or
couverts
1696 MERCURE DE FRANCE
couverts de leurs Manteaux de Parade
accompagnez du Major et Ayde -Major
de la Milice Bourgeoise , ayant de part et
d'autre les six Hallebardiers de la Ville ,
en Casaque , la Pertuisanne sur l'épaule .
Après eux marchoient les Echevins, deux
à deux , aussi en habit de ceremonie ; ils
étoient suivis immédiatement
par M. le
Procureur -Syndic de la Ville , seul en
Robbe my-partie , le Chaperon bordé
d'Hermine sur l'épaule et leBonnet quarré.
Tous les Capitaines marchoient ensuite
et derriere eux deux Sergens et deux
Messagers de Ville fermoient la Marche.
Les Sergens Bourgeois avec leurs Hallebarde
formoient des hayes pour empêcher
le desordre et la confusion .
On se rendit dans cet ordre au Palais
Episcopal , et M " d'Augny et d'Aubustin
de Bionville , Maîtres Echevins à la tête
des Magistrats , ayant trouvé M. de Metz
dans sa grand'Salle , où il étoit accompagné
d'une Cour très - nombreuse , M. de
Bionville lui adressa la parole en ces
termes :
MONSEIGNEUR ,
Après vous avoir rendu nos très - humbles
actions de graces du Présent magnifique dont
la
JUILLET. 1731. 1.697
la Ville vient encore d'être redevable à
votre zèle et à votre liberalité, nous allons au
pied des Autels joindre nos voeux à ceux
de tous nos Habitans , et les coeurs les plus
penetrez de la plus vive reconnoissance
prier le Seigneur de verser sur les jours de
son premier Ministre , les benedictions les
plus précieuses sfasse le Ciel, MONSEIGNEUR,
et pour notre avantage et pour sa gloire , que
ces mêmes jours soient une suite de prospe
ritez et durent autant que nos desirs. C'est
le bienfait le plus flateur et le plus signalé
que nos prieres puissent obtenir de sa bonté
et de sa misericorde.
M. l'Evêque ayant répondu à ce Discours
dans les termes les plus obligeans ,
les Magistrats , precedez de leur Cortége
se rendirent à la Cathédrale , dont les
Chanoines qui y occupoient leurs Places
ordinaires , avoient agréé que le Service
se fit dans le Choeur et au grand Autel ,
M. de Pagny , Grand - Chantre , entonna
le Te Deum , qui fut chanté par une excellente
Musique , et suivi d'un Motet
dont voici les paroles tirées de l'Ecriture
Sainte . Elles expriment parfaitement le
bien et l'avantage que ce nouvel Etablis
sement procure au Peuple de Metz.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
D Dedit.
1698 MERCURE DE FRANCE
Dedit requiem populo suo .
Pauper et inops laudabunt nomen ejus :
Quoniam magnificè fecit.
Pupillus et vidua exultabunt in domibus
suis Quoniam, &c.
Juvenes et Virgines senes cum junioribus lau»
dabunt nomen Domini. Quoniam , &c.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
• La Musique de ce Motet , composée i
par M. Maillard , Maître de Musique de
la Cathédrale , fut très bien exécutée.
+
Après le Te Deum , les Officiers de Ville
se mirent en marche ; ils traverserent la
Place d'Armes, au son de la grosse Cloche
et de toutes celles des Paroisses de la
Ville et au bruit des Fanfares ; ils passerent
ensuite par la Place S. Louis , où ils
trouverent un Détachement de Cavalerie
de la Garnison à cheval , l'épée haute
d'où ils se rendirent enfin à la principale
Entrée des Cazernes , dont les Pilastres à
la face exterieure , servoient de soutien à
un Portique élevé en Arc de Triomphe ,
orné au Frontispice des Armes du Roi ,
de celles du Maréchal d'Alégre , Gouver
de celles de la Ville , placées de
l'un et de l'autre côté , et de celles de
M l'Evêque de Metz , peintes en grand ,
au dessous d'un Cartouche pratiqué dans
neur ,
le
JUILLET. 1731. 1699
le centre de la Décoration , et dans lequel
on lisoit cette Inscription .
ILLUSTRISSIMO
ECCLESIE PRINCIPI
HEN,CAR . DUCAMBOUT, DUCI DE COISLIN,
PRESULI MUNIFICENTISSIMO ,
IMMORTALES AGIT GRATIAS
SENATUS POPULUSQUE
METENSI S.
Les Pilastres étoient ornez de Guirlan
des de fleurs et de verdure , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels étoient
des Emblêmes avec leurs Devises , qui exprimoient
d'une maniere sensible que
M. l'Evêque n'accumule ses revenus que
pour les distribuer en faveur des Pauvres
et des Aurels , que la vûë du Ciel est le
premier mobile de toutes ses actions , et
que ses charitez sont d'autant plus méritoires
,qu'il tâche de les rendre secretes.
La premiere Emblême répré entoit un
Soleil attirant des vapeurs , avec cette
Devise :
Colligit ut spargat.
La seconde , une Mouche à miel sur des
feurs , avec ces mots:
Quod sugit , serviet aris.
880168
Dij La
1700 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme , un Tournesol qui suit
toûjours le mouvement du Soleil , avec
cette Devise :
Colestes sequitur motus.
La quatrième , réprésentoit un Ver à
Soye , avec cette Inscription :
Operitur dum operatur.
La face interieure de cette Entrée et
de cet Arc de Triomphe , étoit pareillement
ornée , quoique dans un ordre
different , des mêmes Armes et des mêmes
Décorations. Dans le Cartouche du Frontispice
étoient écrits ces deux Vers d'Ovide
, qui s'appliquoient naturellement à
la reconnoissance de la Ville , et à la Place
dont elle celebroit la Dédicace.
Semper inoblità repetam tua munera mente ,
Et mea me tellus audiet esse tuum.
Les Pilastres de cette Face interieure
étoient aussi décorez de Guirlandes et de
Festons de feuillages et de fleurs , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels
étoient copiez ces Passages tirez de l'Ecriture
Sainte.
Desiderium Pauperum exaudivit Dominus.
Ps. 9.
Dispersit dedit Pauperibus . Ps. 111 .
Jucundus
JUILLET. 1731 . 1701
す
Jucundus homo qui miseretur. Ibid .
Non est inventus similis illi. Ecclesiast.
Les Balustres des deux côtez de l'Arc
de Triomphe , étoient encore chargez de
Caisses d'Orangers , garnies de Festons
et de Guirlandes , de même que les autres
Pieces de la Décoration .
La Comtesse de Bellifle voulut bien
être présente à cette Ceremonie. Elle
fut placée avec les Dames qui l'accompagnoient
, dans l'une des Chambres les
plus apparentes des Cazernes , dont les
fenêtres étoient ornées de Tapis.Toutes les
autres Chambres des quatre Faces qui regardent
la Place, et qui sont en très- grand
nombre , furent entierement occupées par
les Dames de la Ville , ce qui faisoit un beau
coup d'oeil , et formoit le Spectacle le plus
brillant et le plus magnifique qui ait encore
paru dans la Province.
Les Troupes étant sous les Armes et
en haye , aux quatre Faces de la Place ,
le Comte de Bellifle , Commandant
dans la Province , et le Comte de Baviere
, Commandant des Camps , s'y étant
rendus , de même que M. de Creil , Intendant
, et tous les Officiers de la Garnison
, et des deux Camps , et une infinité
de personnes de consideration , Ms de
Diij Ville ,
1702 MERCURE DE FRANCE
Ville , précedez de leur Cortege , en fi
rent le tour ; et étant parvenus au centre
de la Place , le bruit des Tambours , des
Timbales et des Trompettes cessant , ils:
ordonnerent au Herault d'Armes de publier
à haute voix l'Ordonnance de la
Ville , dont voici la teneur :
DE PAR LE ROY
Et Messieurs les Maître-Echevin , Conseillers-
Echevins et Magistrats de la
Ville et Cité de Metz.
La construction des Cazernes et des Pavillons
, que le zele , la pieté et la munifi-
Bence de Monseigneur Du CAMBOUT, DUC
DE COISLIN , EVESQUE DE METZ ,
ont fait éleverpar augmentation dans la Place
du Camp- à- Seille , pour le soulagement des
Peuples , la tranquillité desFamilles etla gloire
de la Religion , en devant être un Monument
éternel; et la Ville qui dans ce somptueux
Edifice, outre l'avantage et l'utilité publique,
trouve encore son plus bel ornement , ne pouvantdonner
des marques plus éclatantes de sa
reconnoissance, qu'en faisant passer à la posterité
la plus reculée , le souvenir de cegrand
Evenement ; il a été arrêté que la Place
formée actuellement par la construction des
Cazernes dans celle du Camp - à- Seille
portera
JUILLET. 1731. 1703
1
portera dorénavant le nom de Place DB
COISLIN ; que dans les Actes , tant publics
que particuliers , elle sera désignée sous
cette denomination; que les quatre Faces desdites
Cazernes formant un pareil nombre de
ruës differentes, celle qui conduit du Cartean
aux Celestins , sera pareillement nommée
rue de SAINT HENRY; celle qui conduit
de l'Hôpital S. Nicolas à la Haute- Seille ,
rue DU CAMBOUT ; celle qui conduit
de la Haute- Seille au Cheval Rouge , ruë
de S. CHARLES ; et celle qui conduit du
Cheval Rouge au Carteau , rue DE COISLINS
lesquels noms seront gravez en Lettres d'or
sur des Marbres incrustez dans chacune des
Faces desdites Ruës; et afin que personne n'en
prétende cause d'ignorance , sera la présente
Ordonnance solemnellement publiée dans ladite
Place , et affichée aux Carrefours et autres
lieux ordinaires et accoutumez . Fait à
PHôtel de Ville de Metz le 8. Juin 1731.
Aussi-tôt après la Publication , on entendit
un grand bruit de Tambours
Trompettes , Timbales , de Canons et de
cris de VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
I Les Comtes de Bellifle et de Baviere
assisterent à la Céremonie , accompagnez
de 7 à 800. Officiers , tant de la Garnison
que des deux Camps. Diiij Tous
1704 MERCURE DE FRANCE
Tous les Marchands et Corps de Mé
tiers tinrent leurs Boutiques fermées , de
leur plein gré toute la journée ; et le soir
il y eut de grandes Illuminations et des
Feux sur les Places et dans les ruës , où l'on
entendit de tous côtez les mêmes cris de
VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
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Résumé : CEREMONIE faite à Metz , au sujet des nouvelles Cazernes, et de la Place de Coislin. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 25. Juin 1731.
Le 6 juin 1731, les magistrats de Metz, invités par l'évêque, se rendirent aux nouvelles casernes construites par ce dernier pour en prendre possession au nom de la ville. Cet édifice, situé sur la place du Champ-à-Seille, comprend deux grands corps de casernes et quatre pavillons, pouvant loger trois bataillons complets avec leurs officiers. En présence de l'intendant de la province et de nombreuses personnalités, l'évêque fit don de cet édifice à la ville, augmentant ce geste par des paroles gracieuses. Un procès-verbal authentique fut dressé et déposé dans les archives de la ville. Les magistrats informèrent la cour de ce don et reçurent des éloges conformes à leurs attentes. La cérémonie de dédicace de la place, nommée place de Coislin, eut lieu le 20 juin. Elle débuta par l'annonce au peuple par le son de la grosse cloche, suivie d'un cortège ordonné incluant tambours, archers, Suisses, gardes, messagers, bannerots, sergents, et musiciens. Le cortège se rendit au palais épiscopal où les magistrats adressèrent des remerciements à l'évêque, qui répondit de manière obligeante. Ensuite, ils se dirigèrent à la cathédrale pour un Te Deum et un motet composés par le maître de musique de la cathédrale. La principale entrée des casernes était ornée d'un arc de triomphe avec les armes du roi, du maréchal d'Alègre, de la ville, et de l'évêque. Des emblèmes et devises soulignaient la générosité et la charité de l'évêque. La comtesse de Bellifle et de nombreuses dames assistèrent à la cérémonie depuis les fenêtres des casernes. Les troupes sous les armes et les personnalités présentes firent le tour de la place. L'ordonnance de la ville fut publiée, nommant la place place de Coislin et les rues adjacentes en l'honneur de l'évêque et de saints. La journée se termina par des illuminations et des feux de joie, accompagnés de cris de vive le roi et vive Monseigneur le duc de Coislin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 1704
ÉPIGRAMME.
Début :
D'où vient que le Démon cherchant à nous détruire, [...]
Mots clefs :
Démon, Serpent, Ève, Esprit, Souplesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉPIGRAMME.
EPIGRA M M E.
D'Od vient que le détruire , Démon cherchant à nous
Prit la figure d'un Serpent ?
Et voulut se montrer devant Eve rampant ,
Pour la tenter et la séduire
Certes , ce fut un tour subtil , ingenieux
Cet Esprit rempli de finesse ,
Jugea que pour gagner un Sexe impérieux ,
Il falloit user de souplesse.
Bouchet , Chanoine de Sens .
D'Od vient que le détruire , Démon cherchant à nous
Prit la figure d'un Serpent ?
Et voulut se montrer devant Eve rampant ,
Pour la tenter et la séduire
Certes , ce fut un tour subtil , ingenieux
Cet Esprit rempli de finesse ,
Jugea que pour gagner un Sexe impérieux ,
Il falloit user de souplesse.
Bouchet , Chanoine de Sens .
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15
p. 1705-1713
COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
Début :
Le lundi 2. de ce mois M. Lemery, Médecin de la Faculté de Paris, [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Cours de Chimie , Premier médecin du roi, Intendant du jardin royal, Réflexions, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
COURS DE CHYMIE ,
DISCOURS.
E lundi 2. de ce mois M. Lemery ,
LMédecin de la Faculté de Paris ,
Conseiller Médecin ordinaire du Roy ,
de l'Académie Royale des Sciences , nouvellement
reçû Professeur de Chymie au
Jardin Royal , à la place de feu M. Geoffroy
, y fit l'ouverture du Cours de Chymie.
Il avoit annoncé publiquement ,
qu'avant que d'entrer dans ce qu'il appelle
la Pratique de cette Science , c'està
- dire , les differentes préparations Chymiques
, il feroit plusieurs Discours sur
sa Théorie ; ce qu'il a executé en cinq
Discours differents , dont on n'avoit
point coutume avant lui de faire préceder
les démonstrations Chymiques : Mais
avant que d'entrer en matiere , il débuta
par un Discours oratoire , où M. Chirac ,
premier Médecin du Roy , et Intendant
du Jardin Royal , entre naturellement
pour beaucoup. Et ce qu'il y a d'heureux
pour l'Orateur , et de glorieux pour celui
dont on fait l'Eloge , c'est qu'il n'y
Dv entre
1706 MERCURE DE FRANCE
entre point aux dépens de la verité. Le
Public pourra en juger par la lecture du
Discours même, le voici :
Que ne puis-je oublier , Messieurs , que
ne pouvez- vous oublier vous -mêmes , quels
hommes ont rempli avant moi la place que·
j'occupe ! je paroîtrois ici avec moins de confusion
; et peut-être appercevriez- vous moins
ce qui me manque , si d'autres ne vous
avoient fait voir dans cette place toutes les
grandes qualités qu'elle demande. Vous avez
eu le plaisir d'y admirer plus d'une fois
te Collegue illustre à qui j'ai l'honneur de
succeder; il vous a appris , M". , à quoy.
vous deviés vos applaudissemens ; it
n'est plus possible de les surprendre , et
la difficulté de les meriter, ne me fait que
trop sentir le besoin que j'ai de vôtre indulgence..
C'est un usage établi de prouver
d'abord
l'utilité
d'une Science
dont on doit trai
ter. Je pourrois , M" vous faire voir que·
ce qu'on sçait sur la composition naturelle
des liqueurs differentes qui font partie de
nos corps , sur les alterations dont elles sont
susceptibles , sur la maniere dont elles se
dérangent , sur la nature des Remedes vége
Baux , animaux , et mineraux , n'est veriablement
dû qu'à la Chymie ; mais ce détail
, dont la preuve et l'éclaircissement nous
meneroient
JUILLET. 1731. 1707
meneroient un peu loin , se manifestera assés
par les Réflexions que nous aurons occasion
de faire sur les Operations Chymiques , qui
se feront en vôtre présence dans la suite de
ce Cours. D'ailleurs , qu'est-il nécessaire de
prouver l'utilité de la Chymie quel est
Phomme de bon sens qui en doute ? la Médecine
désavoitera- t- elle les secours qu'elle en
tire ? la Physique niera -t- elle qu'elle ne doive
une partie de ses progrés aux experiences
et aux raisonnemens qu'elle lui fournit ? et
n'est-ce pas en consequence de cette utilité
reconnue , que notre Auguste Monarque
qui ne se méprend point dans la protection
qu'il donne aux Sciences , accorde à celleci
une retraite honorable en ces lieux , et luž
prodigue des secours dignes de sa magnificen
ce , et de son discernement.
C'est à bajustesse de ce discernement qu'est
dû le choix du Chef illustre sous les auspices
et la direction duquel se font les Exercices
du Jardin Royal : Sa Majesté ne pouvoit
mieux faire sentir le cas qu'elle fair
de ces exercices , et son attention particuliere
2
lesfaire fleurir , par une administration
sage et éclairée , qu'en chargeant de cette
administration un anffi grand Maître que
Fest M. Chirac dans chacune des parties
de Médecine qui s'y enseignent , etpar là
aussi capable qu'il l'est de s'acquitter di-
D vj gnement
1708 MERCURE DE FRANCE
gnement d'un emploi de cette nature .
Cet employ , Messieurs , qui avant que
M. Chirac en eût été pourvû , avoit toujours
été une espece d'apanage des premiers
Médecins , est devenu entre ses mains le
gage du merite qu'on lui récennoissoit d'avance
, pourremplir unjour la premiere plaee
, et ce gage l'y désignoit dès-lors en quelque
maniere
Cette désignation , M" , se trouve aus
jourd'huy heureusement accomplie , et nous
voyons avec d'autant plus de joye , l'Intendance
du Jardin Royal réunie à la place de
premier Medecin , que cette intendance en
est naturellement une dépendance ou une attribution
, et qu'elle n'en avoit été dans la
personne de M. Chirac qu'une distraction
pour quelques années.
Arrêtons-nous un moment , M" , sur ce
dernier évênement , qui fait à la fois l'Elo
ge de la justice du Roy, la gloire de celui qui
en a receu les effets , et la satisfaction de
Doute la France , qui n'a plus d'allarmes sur
la plus précieuse santé de l'Univers , depuis
qu'elle la voit entre les mains du plus par
fait , et du plus digne de tous les Médecins
Les Places éminentes de la Médecine
s'obtiennent rarement sans beaucoup de sollicitations
et de brigues ; si le merite se joins
aux efforts qu'on fait pour réussir , ce merite
fait
JUILLET. 1731. 1709
fait quelquefois pencher la Balance de son
côté , d'autrefois et le plus souvent il dessert,
L'envie qui le regarde comme son plus grand
ennemi , ne manque guére à lui susciter les
obstacles les plus puissants, et par là vient
ordinairement à bout d'en triompher.
Delà le découragement de ceux qui moins
occupés de se procurer des protections brillantes
et utiles , que de multiplier le nombre de
leurs connoissances , et de se perfetionner de
plus en plus dans la Médecine , se voyent
frustrés injustement des récompenses qui der
voient naturellement les regarder , et qui pas
sent souvent entre les mains de gens aussi peu
versés dans la Théorie et la Pratique de leur
Art , que ceux qui en ont été exclus l'y font
beaucoup.
Delà vient encore que ceux en qui l'envie
de s'élever l'emporte de beaucoup sur
Le goût de leur profession , seul capable de
former degrands sujets , quand on s'y livre
tout entier , donnent tous leurs soins à se mênager
les secours que les veues de leur ambition
leur suggerent , et négligent d'autant
l'Etude d'une Science dont la vaste étendue
plusque suffisante pour occuper uniquement,
et sans partage , permet à peine quelques
moments de relache et de délassement.
Ces exemples pernicieux dont le frequent
succès
$710 MERCURE DE FRANCE
succès tout contraire qu'il est au bon ordre ,
et à la droite raison , produit tant d'imitateurs
, ne perdront- ils point de leur credit ?
et ne changera-t-on point de conduite en
considerant celle que l'illustre M. Chirac
a toujouts tenuë , et qui lui a si beureusement
et si glorieusement réussi.
Ennemi déclaré de ces souplesses , et de ces
sollicitations indignes qui ne deshonorent pas
moins ceux qui s'en laissent séduire , que
ceux qui ont la bassesse de les faire , on l'a
toujours vû le même dans tous les tems de sa
vie , il n'a point été audevant de la fortune
par des routes illegitimes , il l'a laissé agir
en sa faveur, ou s'il a cherché à se la rendrefavorable
, ce n'a été qu'à force d'étude
et de travail. $
+
C'est dans une Célèbre Faculté , où il a
professé avec éclat pendant plusieurs an
nées , qu'il a commencé àfaire ses preuves.
On l'y a vu uniquement occupe de guerir
on d'enseigner à le faire , travailler continuellement
et sans relâche , aux progrès et
à la perfection de la Médecine , et communiquer
liberalement , et sans reserve tout ce
qu'il sçavoit , à une foule d'Auditeurs , qui
venoient de toutes parts puiser dans cette
Sourceféconde , les lumieres dont ils avoient
Besoin.
C'est ainsi que M. Chirac a scû se faire
un
JUILLET. 1731. 1751
un si grand nombre de Partisans dans le Public
;C'est là la maniere dont il a crû pouvoir
briguer leurs suffrages , eh ! comment
ne seroit-il pas venu à bout de les obtenir?
les Eloges que la multitude de ses Disciples:
faisoient de leur Maître dans les differents
endroits de leur résidence , ne pouvoient être
suspects ils étoient unanimes ; la réconnoissance
et la verité les dictoient. D'ailleurs on
en trouvoit en quelque maniere la garantie
dans plusieurs de ces Disciples , le merite
qui les distinguoit , et qu'ils ne tenoient que
de lui , annonçoit la superiorité du sien ..
Il étoit bien difficile qu'une réputation
aussi brillante , aussi solide , et aussi justement
acquise que l'étoit celle de M.Chirac, ne
travaillat pas , même à son insçu,en sa faveur.
Quoique ceux qui dispensent lesgraces , Souvent
peu capables de le faire avec connoissance
de cause ou trop susceptibles de préventions
, n'accordent que trop ordinairement
aux importunitez et à la cabale , ce que la
justice réclame d'un autre côté ; il en est d'au
tres plus rares , à la verité , et plus judicieux ,
que le goût des Sciences,et l'étude qu'ils en ont
faite , a rendus plus clair- voyants, plus diffim
ciles à tromper , plus attachés au vray merite
et qui se trouvent par là plus à portée de
ne pas confondre les faux ou les demi Sçavants
avec ceux du premier ordre..
Tel
1712 MERCURE DE FRANCE
*
Tel étoit le grand Prince ami des Scien
ces , et Protecteur des Sçavants , qui jugeant
M. Chirac digne du dépost précieux de sa
santé , l'appella auprès de S. A. R. l'hon
nora de son estime et de toute sa confiance
et le recompensa par là des services que jus➡
qu'alors il avoit rendus au Public.
Cette nouvelle Dignité ne fut point changer
de conduite à M. Chirac ; il auroit pû
Pombre de ses Lauriers jouird'un repos merité
par ses travaux passés ; il auroit même pŵ
profiterhabilement de ce repos pour cultiver à
Loisir et plus sûrement un certain nombre d'a
mis , utiles dans l'occasion; mais il s'étoit livré
de trop bon coeur au Public, et à sa Profession
pour succomber à des vies de cette nature ;
d'ailleurs il sçavoit mieux qu'un autre , que
•quelque progrès qu'on aitfait dans la Médecine
, ce qu'on sçait est toujours fort au
dessous de ce qui reste à sçavoir, et que
quand on s'arrête au milieu de sa carriere ,
et qu'on n'est plus dans l'exercice actuel
non- seulement on n'avance plus , mais que
trace de ce qu'on sçavoit le mieux s'affoiblit
insensiblement faute d'être renouvellée ou enpar
la répetition des mêmes objets,
On chancelle quand il s'agit de se déterminer,
On s'enrouille petit àpetit , et le plus grand·
Praticien devient souvent par là un Méder
cin assés médiocre.
tretenuë
·la
C'est
JUILLET . 1731. 1713
C'estpour éviter une chute semblable
que
M. Chirac arrivé à Paris , où sa grande
réputation l'avoit déja de beaucoup devancé ,
s'y est prêté aussi-tôt à tous ceux qui ont eu
recours à ses lumieres ; on l'y a vû justifier
pleinement par ses discours , et par le succès
de sa pratique , tout ce que la rénommée
avoit publié en sa faveur. Loin de se rébuter
des fatigues inséparables d'un aufſt grand
employ que celui où il s'y est trouvé , fon ardeurpour
le travail s'est toujours accrue par
la multitude de ses affaires , et il s'y est donné
tout entier et sans partage , pendant une
longue suite d'années ; c'eft en primant aux
yeux du Public , et de l'aveu même de ses
Confreres , dans l'exercice de sa profession ,
qu'il est arrivé à ce baut degré de gloire ,
où Sa Majesté lui a fait l'honneur de l'appeller.
La brigue qu'il a toujours détestée ,
et qui n'avoit en aucune part à sa place
de premier Médecin de feu M. le Duc
d'Orleans , n'en a pas a pas eû davantage à selle
de premier Médecin du Roy. Quel bonheur !
si un si bel exemple pouvoit engager à ne
suivre dorénavant en pareil cas d'autre route
que celle qui a été tenue et tracée par M.
Chirac; le merite rentreroit bien- tôt par
dans tous les droits qui lui appartiennent
et dont il se voit presque toujours déchû
La cabale et par l'injustice.
DISCOURS.
E lundi 2. de ce mois M. Lemery ,
LMédecin de la Faculté de Paris ,
Conseiller Médecin ordinaire du Roy ,
de l'Académie Royale des Sciences , nouvellement
reçû Professeur de Chymie au
Jardin Royal , à la place de feu M. Geoffroy
, y fit l'ouverture du Cours de Chymie.
Il avoit annoncé publiquement ,
qu'avant que d'entrer dans ce qu'il appelle
la Pratique de cette Science , c'està
- dire , les differentes préparations Chymiques
, il feroit plusieurs Discours sur
sa Théorie ; ce qu'il a executé en cinq
Discours differents , dont on n'avoit
point coutume avant lui de faire préceder
les démonstrations Chymiques : Mais
avant que d'entrer en matiere , il débuta
par un Discours oratoire , où M. Chirac ,
premier Médecin du Roy , et Intendant
du Jardin Royal , entre naturellement
pour beaucoup. Et ce qu'il y a d'heureux
pour l'Orateur , et de glorieux pour celui
dont on fait l'Eloge , c'est qu'il n'y
Dv entre
1706 MERCURE DE FRANCE
entre point aux dépens de la verité. Le
Public pourra en juger par la lecture du
Discours même, le voici :
Que ne puis-je oublier , Messieurs , que
ne pouvez- vous oublier vous -mêmes , quels
hommes ont rempli avant moi la place que·
j'occupe ! je paroîtrois ici avec moins de confusion
; et peut-être appercevriez- vous moins
ce qui me manque , si d'autres ne vous
avoient fait voir dans cette place toutes les
grandes qualités qu'elle demande. Vous avez
eu le plaisir d'y admirer plus d'une fois
te Collegue illustre à qui j'ai l'honneur de
succeder; il vous a appris , M". , à quoy.
vous deviés vos applaudissemens ; it
n'est plus possible de les surprendre , et
la difficulté de les meriter, ne me fait que
trop sentir le besoin que j'ai de vôtre indulgence..
C'est un usage établi de prouver
d'abord
l'utilité
d'une Science
dont on doit trai
ter. Je pourrois , M" vous faire voir que·
ce qu'on sçait sur la composition naturelle
des liqueurs differentes qui font partie de
nos corps , sur les alterations dont elles sont
susceptibles , sur la maniere dont elles se
dérangent , sur la nature des Remedes vége
Baux , animaux , et mineraux , n'est veriablement
dû qu'à la Chymie ; mais ce détail
, dont la preuve et l'éclaircissement nous
meneroient
JUILLET. 1731. 1707
meneroient un peu loin , se manifestera assés
par les Réflexions que nous aurons occasion
de faire sur les Operations Chymiques , qui
se feront en vôtre présence dans la suite de
ce Cours. D'ailleurs , qu'est-il nécessaire de
prouver l'utilité de la Chymie quel est
Phomme de bon sens qui en doute ? la Médecine
désavoitera- t- elle les secours qu'elle en
tire ? la Physique niera -t- elle qu'elle ne doive
une partie de ses progrés aux experiences
et aux raisonnemens qu'elle lui fournit ? et
n'est-ce pas en consequence de cette utilité
reconnue , que notre Auguste Monarque
qui ne se méprend point dans la protection
qu'il donne aux Sciences , accorde à celleci
une retraite honorable en ces lieux , et luž
prodigue des secours dignes de sa magnificen
ce , et de son discernement.
C'est à bajustesse de ce discernement qu'est
dû le choix du Chef illustre sous les auspices
et la direction duquel se font les Exercices
du Jardin Royal : Sa Majesté ne pouvoit
mieux faire sentir le cas qu'elle fair
de ces exercices , et son attention particuliere
2
lesfaire fleurir , par une administration
sage et éclairée , qu'en chargeant de cette
administration un anffi grand Maître que
Fest M. Chirac dans chacune des parties
de Médecine qui s'y enseignent , etpar là
aussi capable qu'il l'est de s'acquitter di-
D vj gnement
1708 MERCURE DE FRANCE
gnement d'un emploi de cette nature .
Cet employ , Messieurs , qui avant que
M. Chirac en eût été pourvû , avoit toujours
été une espece d'apanage des premiers
Médecins , est devenu entre ses mains le
gage du merite qu'on lui récennoissoit d'avance
, pourremplir unjour la premiere plaee
, et ce gage l'y désignoit dès-lors en quelque
maniere
Cette désignation , M" , se trouve aus
jourd'huy heureusement accomplie , et nous
voyons avec d'autant plus de joye , l'Intendance
du Jardin Royal réunie à la place de
premier Medecin , que cette intendance en
est naturellement une dépendance ou une attribution
, et qu'elle n'en avoit été dans la
personne de M. Chirac qu'une distraction
pour quelques années.
Arrêtons-nous un moment , M" , sur ce
dernier évênement , qui fait à la fois l'Elo
ge de la justice du Roy, la gloire de celui qui
en a receu les effets , et la satisfaction de
Doute la France , qui n'a plus d'allarmes sur
la plus précieuse santé de l'Univers , depuis
qu'elle la voit entre les mains du plus par
fait , et du plus digne de tous les Médecins
Les Places éminentes de la Médecine
s'obtiennent rarement sans beaucoup de sollicitations
et de brigues ; si le merite se joins
aux efforts qu'on fait pour réussir , ce merite
fait
JUILLET. 1731. 1709
fait quelquefois pencher la Balance de son
côté , d'autrefois et le plus souvent il dessert,
L'envie qui le regarde comme son plus grand
ennemi , ne manque guére à lui susciter les
obstacles les plus puissants, et par là vient
ordinairement à bout d'en triompher.
Delà le découragement de ceux qui moins
occupés de se procurer des protections brillantes
et utiles , que de multiplier le nombre de
leurs connoissances , et de se perfetionner de
plus en plus dans la Médecine , se voyent
frustrés injustement des récompenses qui der
voient naturellement les regarder , et qui pas
sent souvent entre les mains de gens aussi peu
versés dans la Théorie et la Pratique de leur
Art , que ceux qui en ont été exclus l'y font
beaucoup.
Delà vient encore que ceux en qui l'envie
de s'élever l'emporte de beaucoup sur
Le goût de leur profession , seul capable de
former degrands sujets , quand on s'y livre
tout entier , donnent tous leurs soins à se mênager
les secours que les veues de leur ambition
leur suggerent , et négligent d'autant
l'Etude d'une Science dont la vaste étendue
plusque suffisante pour occuper uniquement,
et sans partage , permet à peine quelques
moments de relache et de délassement.
Ces exemples pernicieux dont le frequent
succès
$710 MERCURE DE FRANCE
succès tout contraire qu'il est au bon ordre ,
et à la droite raison , produit tant d'imitateurs
, ne perdront- ils point de leur credit ?
et ne changera-t-on point de conduite en
considerant celle que l'illustre M. Chirac
a toujouts tenuë , et qui lui a si beureusement
et si glorieusement réussi.
Ennemi déclaré de ces souplesses , et de ces
sollicitations indignes qui ne deshonorent pas
moins ceux qui s'en laissent séduire , que
ceux qui ont la bassesse de les faire , on l'a
toujours vû le même dans tous les tems de sa
vie , il n'a point été audevant de la fortune
par des routes illegitimes , il l'a laissé agir
en sa faveur, ou s'il a cherché à se la rendrefavorable
, ce n'a été qu'à force d'étude
et de travail. $
+
C'est dans une Célèbre Faculté , où il a
professé avec éclat pendant plusieurs an
nées , qu'il a commencé àfaire ses preuves.
On l'y a vu uniquement occupe de guerir
on d'enseigner à le faire , travailler continuellement
et sans relâche , aux progrès et
à la perfection de la Médecine , et communiquer
liberalement , et sans reserve tout ce
qu'il sçavoit , à une foule d'Auditeurs , qui
venoient de toutes parts puiser dans cette
Sourceféconde , les lumieres dont ils avoient
Besoin.
C'est ainsi que M. Chirac a scû se faire
un
JUILLET. 1731. 1751
un si grand nombre de Partisans dans le Public
;C'est là la maniere dont il a crû pouvoir
briguer leurs suffrages , eh ! comment
ne seroit-il pas venu à bout de les obtenir?
les Eloges que la multitude de ses Disciples:
faisoient de leur Maître dans les differents
endroits de leur résidence , ne pouvoient être
suspects ils étoient unanimes ; la réconnoissance
et la verité les dictoient. D'ailleurs on
en trouvoit en quelque maniere la garantie
dans plusieurs de ces Disciples , le merite
qui les distinguoit , et qu'ils ne tenoient que
de lui , annonçoit la superiorité du sien ..
Il étoit bien difficile qu'une réputation
aussi brillante , aussi solide , et aussi justement
acquise que l'étoit celle de M.Chirac, ne
travaillat pas , même à son insçu,en sa faveur.
Quoique ceux qui dispensent lesgraces , Souvent
peu capables de le faire avec connoissance
de cause ou trop susceptibles de préventions
, n'accordent que trop ordinairement
aux importunitez et à la cabale , ce que la
justice réclame d'un autre côté ; il en est d'au
tres plus rares , à la verité , et plus judicieux ,
que le goût des Sciences,et l'étude qu'ils en ont
faite , a rendus plus clair- voyants, plus diffim
ciles à tromper , plus attachés au vray merite
et qui se trouvent par là plus à portée de
ne pas confondre les faux ou les demi Sçavants
avec ceux du premier ordre..
Tel
1712 MERCURE DE FRANCE
*
Tel étoit le grand Prince ami des Scien
ces , et Protecteur des Sçavants , qui jugeant
M. Chirac digne du dépost précieux de sa
santé , l'appella auprès de S. A. R. l'hon
nora de son estime et de toute sa confiance
et le recompensa par là des services que jus➡
qu'alors il avoit rendus au Public.
Cette nouvelle Dignité ne fut point changer
de conduite à M. Chirac ; il auroit pû
Pombre de ses Lauriers jouird'un repos merité
par ses travaux passés ; il auroit même pŵ
profiterhabilement de ce repos pour cultiver à
Loisir et plus sûrement un certain nombre d'a
mis , utiles dans l'occasion; mais il s'étoit livré
de trop bon coeur au Public, et à sa Profession
pour succomber à des vies de cette nature ;
d'ailleurs il sçavoit mieux qu'un autre , que
•quelque progrès qu'on aitfait dans la Médecine
, ce qu'on sçait est toujours fort au
dessous de ce qui reste à sçavoir, et que
quand on s'arrête au milieu de sa carriere ,
et qu'on n'est plus dans l'exercice actuel
non- seulement on n'avance plus , mais que
trace de ce qu'on sçavoit le mieux s'affoiblit
insensiblement faute d'être renouvellée ou enpar
la répetition des mêmes objets,
On chancelle quand il s'agit de se déterminer,
On s'enrouille petit àpetit , et le plus grand·
Praticien devient souvent par là un Méder
cin assés médiocre.
tretenuë
·la
C'est
JUILLET . 1731. 1713
C'estpour éviter une chute semblable
que
M. Chirac arrivé à Paris , où sa grande
réputation l'avoit déja de beaucoup devancé ,
s'y est prêté aussi-tôt à tous ceux qui ont eu
recours à ses lumieres ; on l'y a vû justifier
pleinement par ses discours , et par le succès
de sa pratique , tout ce que la rénommée
avoit publié en sa faveur. Loin de se rébuter
des fatigues inséparables d'un aufſt grand
employ que celui où il s'y est trouvé , fon ardeurpour
le travail s'est toujours accrue par
la multitude de ses affaires , et il s'y est donné
tout entier et sans partage , pendant une
longue suite d'années ; c'eft en primant aux
yeux du Public , et de l'aveu même de ses
Confreres , dans l'exercice de sa profession ,
qu'il est arrivé à ce baut degré de gloire ,
où Sa Majesté lui a fait l'honneur de l'appeller.
La brigue qu'il a toujours détestée ,
et qui n'avoit en aucune part à sa place
de premier Médecin de feu M. le Duc
d'Orleans , n'en a pas a pas eû davantage à selle
de premier Médecin du Roy. Quel bonheur !
si un si bel exemple pouvoit engager à ne
suivre dorénavant en pareil cas d'autre route
que celle qui a été tenue et tracée par M.
Chirac; le merite rentreroit bien- tôt par
dans tous les droits qui lui appartiennent
et dont il se voit presque toujours déchû
La cabale et par l'injustice.
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Résumé : COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
Le 2 juillet, Louis Lemery, médecin de la Faculté de Paris, conseiller du roi et professeur de chimie au Jardin Royal, a inauguré son cours de chimie en remplacement de M. Geoffroy. Avant d'aborder la pratique, Lemery a prononcé cinq discours théoriques, une méthode nouvelle. Il a débuté par un hommage à M. Chirac, premier médecin du roi et intendant du Jardin Royal, tout en restant fidèle à la vérité. Lemery a mis en avant l'importance de la chimie pour la médecine et la physique, soulignant que cette science est soutenue par le roi. Il a également loué la sagesse et la gestion éclairée de M. Chirac au Jardin Royal, notant que cette fonction est naturellement liée à celle de premier médecin. Le texte évoque la difficulté d'accéder à des postes éminents en médecine en raison des sollicitations et des intrigues. Lemery critique ceux qui recherchent des protections plutôt que de se consacrer à l'étude et à la perfection dans la médecine. Il admire M. Chirac pour son dévouement, son travail acharné et sa générosité dans le partage de ses connaissances, ce qui lui a valu une grande réputation et la confiance du roi. Malgré sa nouvelle dignité, Chirac a continué à se consacrer à sa profession, évitant la complaisance et les sollicitations indignes. Il a été reconnu pour ses compétences et son mérite, et non pour des faveurs ou des cabales. Lemery espère que l'exemple de Chirac encouragera d'autres à suivre une voie similaire, basée sur le mérite et le travail.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 1714-174
MADRIGAL.
Début :
Un jour Venus sur l'heure du midi [...]
Mots clefs :
Vénus, Amour, Étourdi, Iris, Cœur
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
MADRIGAL.
UN jour Venus sur l'heure du midi
Se promenoit dans les bois de Cythere ;
L'Amour survient , ce petit étourdi
Bande son Arc et tire sur sa Mere.
Elle remplit l'air de ces tristes cris ,
On m'a blessée , helas ! et c'est mon fils !
A cette voix l'Amour s'allarme, il tremble ;
Et par ces mots lui fait voir son erreur ;
Pardon , dit- il , mais Iris vous ressemble ;
J'ay crû la voir et tirer sur son coeur.
UN jour Venus sur l'heure du midi
Se promenoit dans les bois de Cythere ;
L'Amour survient , ce petit étourdi
Bande son Arc et tire sur sa Mere.
Elle remplit l'air de ces tristes cris ,
On m'a blessée , helas ! et c'est mon fils !
A cette voix l'Amour s'allarme, il tremble ;
Et par ces mots lui fait voir son erreur ;
Pardon , dit- il , mais Iris vous ressemble ;
J'ay crû la voir et tirer sur son coeur.
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17
p. 1714-1718
REPONSE à la Lettre sur la Pierre : Remede pour la dissoudre &c.
Début :
J'ay lû, Monsieur, dans le premier volume de vôtre Mercure du mois de [...]
Mots clefs :
Pierre, Remède, Dissolution, Prévention, Couteau, Vessie, Urines, Estomac, Arboriste, Opération de la taille
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE à la Lettre sur la Pierre : Remede pour la dissoudre &c.
REPONSE à la Lettre sur la Pierre :
Remede pour la dissoudre &c.
là ,
,
dans le premier volume de vôtre Mercure du mois de
Juin dernier une Lettre , sur la Pierre qui
s'engendre dans le Corps humain , l'Auteur
s'y récrie sur la prévention qu'on a en
faveur des Anciens qui ont prétendu que
le seul rémede de la Pierre , est le Couteau's
de
JUILLET. 1731. 1715
de sorte que jusqu'à present on s'est tellement
laissé persuader de l'impossibil.té
de guerir ce mal sans le secours de l'Art ,
qu'on a négligé de chercher dans la natur
quelquesfondans qui puissent dissoudre
la Pierre sans s'exposer à des Operations
cruelles et très perilleuses ; ce même
Auteur a prevû et suppo é les objections
qui pouvoient se faire contre ces
fondants ; il a refuté et détruit les
objections par des raisons solides , et par
des comparaisons d'autant plus simples ,
qu'elles sont naturelles. Il finit en vous
priant , Monsieur , d'inviter ceux qui
ont été delivrés de la Pierre par ce dernier
moyen , d'en faire part au Public
pour convaincre les incrédules.
Pour appuyer le sentiment de l'Auteur
de cette Lettre , je me suis déterminé à
vous assurer par celle-cy , que je suis convaincu
par moi - même et par les experiences
fréquentes que j'en ai vûës , qu'il
y a des remedes si puissants et si infaillibles
pour amollir et dissoudre la Pierre
dans la vessie , qu'ils la font entierement
couler par l'uretre avec les urines , de
maniere qu'il n'en reste pas le moindre
vestige , et bien loin que ce fondant
agisse sur les autres parties , par où il se
porte sur le corps dur et solide de la pier71
MERCURE DE FRANCE
re, et qu'il y fasse la moindre impression ,
( ce qui se feroit sentir par quelques douleurs
de reins et par des chaleurs internes
) , tout au contraire , le Malade sent
un rafraîchissement intérieur qui le soulage
d'abord et calme les douleurs , tant
il est certain que ce fondant n'a de vertu
ni de force que sur la Pierre de cette especc.
Ce n'est pas là la seule vertu de ce
remede , qui est en trés - petit volume
sans dégoût , et trés facile à prendre ;
il purifie en même tems la masse du sang
dégage l'estomach , le fortifie , empêche
la fièvre , et pendant toute l'Operation
le Malade se porte bien , dort d'un sommeil
tranquille , se trouve de l'appetit ,
et peut le satisfaire , puisqu'il n'est obligé
à aucun régime ni genre de vie particuliere
; ce n'est pas ici le cas de dire que
qui prouve trop ne prouve rien , parce
que l'experience fait cesser tous les raisonnements
; on pourroit citer une infinité
de ces expériences , mais on se contentera
des deux plus récentes , parcequ'elles
sont actuellement sous les yeux
du Public .
La premiere de ces deux dernieres est
celle de Me . Hebert , Arboriste , ruë des
Arcis , chez Madame Picard , Lingere.
Elle souffroit depuis dix ans , elle avoit
été
JUILLET. 1731 1717
été sondée deux fois même par les Chirurgiens
de l'Hôtel - Dieu , et l'on jugea la
Pierre extrêmement grosse ; la situation
de cette femme étoit si cruelle , qu'elle ne
pouvoit rester de bout , assise , ni couchée
, elle étoit obligé de se tenir continuellement
sur les genoux et sur les coudes
, elle ne rendoit que quelques gouttes
d'urine de temps à autre avec des douleurs
insupportables qu'elle étoit enfin
résoluë de risquer l'Operation de laTaille ,
lorsqu'elle fit la découverte du remede
dont il s'agit ; la personne qui en a le se
cret ne pût le refuser aux instances et aux
empressements de ceux qu'elle envoya
pour en demander. Dès le moment que
Îa Malade en eût pris , elle sentit du soulagement
, elle dormit , ce qu'elle n'avoit
pas fait depuis très long-temps , elle mangea
, et enfin pour éviter un long détail
qu'on peut apprendre d'elle et de ses
voisins , elle a rendu toute sa Pierre avec
ses urines , elle est àpresent dans une santé
parfaite.
La derniere expérience est celle de
M. Tardieu , Graveur , rue S. Jacques ,
à S. Bernard , proche S. Yves.
Il étoit dans un état à peu prés aussi
miserable que la Dame Hebert. Il a également
rendu la Pierre dont il étoit incom1718
MERCURE DE FRANCE
commodé , il en a gardé de même les sables
, et les graviers : ce ne sont pas des personnes
supposées , elles sont connues de
tout Paris , et ne pourront se réfuser à la
verité.
Voilà des exemples assés authentiques
pour authoriser l'opinion , et prouver la
justesse du raisonnement de l'Auteur de
la précedente Lettre ; j'ay crû ne pouvoir
me dispenser d'en faire part au Public
de par la voye vôtre Mercure , où j'espere
que vous aurés la bonté d'inserer ce
que j'ay l'honneur de vous écrire. Je
suis & c .
Remede pour la dissoudre &c.
là ,
,
dans le premier volume de vôtre Mercure du mois de
Juin dernier une Lettre , sur la Pierre qui
s'engendre dans le Corps humain , l'Auteur
s'y récrie sur la prévention qu'on a en
faveur des Anciens qui ont prétendu que
le seul rémede de la Pierre , est le Couteau's
de
JUILLET. 1731. 1715
de sorte que jusqu'à present on s'est tellement
laissé persuader de l'impossibil.té
de guerir ce mal sans le secours de l'Art ,
qu'on a négligé de chercher dans la natur
quelquesfondans qui puissent dissoudre
la Pierre sans s'exposer à des Operations
cruelles et très perilleuses ; ce même
Auteur a prevû et suppo é les objections
qui pouvoient se faire contre ces
fondants ; il a refuté et détruit les
objections par des raisons solides , et par
des comparaisons d'autant plus simples ,
qu'elles sont naturelles. Il finit en vous
priant , Monsieur , d'inviter ceux qui
ont été delivrés de la Pierre par ce dernier
moyen , d'en faire part au Public
pour convaincre les incrédules.
Pour appuyer le sentiment de l'Auteur
de cette Lettre , je me suis déterminé à
vous assurer par celle-cy , que je suis convaincu
par moi - même et par les experiences
fréquentes que j'en ai vûës , qu'il
y a des remedes si puissants et si infaillibles
pour amollir et dissoudre la Pierre
dans la vessie , qu'ils la font entierement
couler par l'uretre avec les urines , de
maniere qu'il n'en reste pas le moindre
vestige , et bien loin que ce fondant
agisse sur les autres parties , par où il se
porte sur le corps dur et solide de la pier71
MERCURE DE FRANCE
re, et qu'il y fasse la moindre impression ,
( ce qui se feroit sentir par quelques douleurs
de reins et par des chaleurs internes
) , tout au contraire , le Malade sent
un rafraîchissement intérieur qui le soulage
d'abord et calme les douleurs , tant
il est certain que ce fondant n'a de vertu
ni de force que sur la Pierre de cette especc.
Ce n'est pas là la seule vertu de ce
remede , qui est en trés - petit volume
sans dégoût , et trés facile à prendre ;
il purifie en même tems la masse du sang
dégage l'estomach , le fortifie , empêche
la fièvre , et pendant toute l'Operation
le Malade se porte bien , dort d'un sommeil
tranquille , se trouve de l'appetit ,
et peut le satisfaire , puisqu'il n'est obligé
à aucun régime ni genre de vie particuliere
; ce n'est pas ici le cas de dire que
qui prouve trop ne prouve rien , parce
que l'experience fait cesser tous les raisonnements
; on pourroit citer une infinité
de ces expériences , mais on se contentera
des deux plus récentes , parcequ'elles
sont actuellement sous les yeux
du Public .
La premiere de ces deux dernieres est
celle de Me . Hebert , Arboriste , ruë des
Arcis , chez Madame Picard , Lingere.
Elle souffroit depuis dix ans , elle avoit
été
JUILLET. 1731 1717
été sondée deux fois même par les Chirurgiens
de l'Hôtel - Dieu , et l'on jugea la
Pierre extrêmement grosse ; la situation
de cette femme étoit si cruelle , qu'elle ne
pouvoit rester de bout , assise , ni couchée
, elle étoit obligé de se tenir continuellement
sur les genoux et sur les coudes
, elle ne rendoit que quelques gouttes
d'urine de temps à autre avec des douleurs
insupportables qu'elle étoit enfin
résoluë de risquer l'Operation de laTaille ,
lorsqu'elle fit la découverte du remede
dont il s'agit ; la personne qui en a le se
cret ne pût le refuser aux instances et aux
empressements de ceux qu'elle envoya
pour en demander. Dès le moment que
Îa Malade en eût pris , elle sentit du soulagement
, elle dormit , ce qu'elle n'avoit
pas fait depuis très long-temps , elle mangea
, et enfin pour éviter un long détail
qu'on peut apprendre d'elle et de ses
voisins , elle a rendu toute sa Pierre avec
ses urines , elle est àpresent dans une santé
parfaite.
La derniere expérience est celle de
M. Tardieu , Graveur , rue S. Jacques ,
à S. Bernard , proche S. Yves.
Il étoit dans un état à peu prés aussi
miserable que la Dame Hebert. Il a également
rendu la Pierre dont il étoit incom1718
MERCURE DE FRANCE
commodé , il en a gardé de même les sables
, et les graviers : ce ne sont pas des personnes
supposées , elles sont connues de
tout Paris , et ne pourront se réfuser à la
verité.
Voilà des exemples assés authentiques
pour authoriser l'opinion , et prouver la
justesse du raisonnement de l'Auteur de
la précedente Lettre ; j'ay crû ne pouvoir
me dispenser d'en faire part au Public
de par la voye vôtre Mercure , où j'espere
que vous aurés la bonté d'inserer ce
que j'ay l'honneur de vous écrire. Je
suis & c .
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Résumé : REPONSE à la Lettre sur la Pierre : Remede pour la dissoudre &c.
Le texte est une réponse à une lettre précédente publiée dans le Mercure de France, traitant du traitement de la pierre (calcul) dans le corps humain. L'auteur conteste l'idée que la chirurgie est la seule solution pour dissoudre la pierre, comme le prétendaient les Anciens. Il affirme qu'il existe des remèdes capables de dissoudre la pierre sans recourir à des opérations cruelles. Ces remèdes agissent spécifiquement sur la pierre sans affecter les autres parties du corps, apportant un soulagement immédiat et calmant les douleurs. L'auteur mentionne deux expériences récentes et authentiques pour appuyer ses propos. La première concerne Madame Hebert, une arboriste souffrant depuis dix ans, qui a trouvé un soulagement après avoir pris le remède. La seconde expérience concerne Monsieur Tardieu, un graveur, qui a également été guéri. Ces deux cas sont bien connus à Paris et peuvent être vérifiés par le public. L'auteur conclut en espérant que le Mercure de France publiera cette lettre pour informer le public de l'efficacité de ce remède.
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18
p. 1718-1719
Vers de Feu M. Boudier, sur la mort de sa Femme. DIZAIN.
Début :
Quand la Mort nous déparia. [...]
Mots clefs :
Mort, Manoir, Femmes fortes, Honneur du Sexe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Vers de Feu M. Boudier, sur la mort de sa Femme. DIZAIN.
VERS de Feu M. Boudier , sur la mort
de sa Femme.
Qu
DIZAIN.
Uand la Mort nous déparia :
Ma moitié dans le manoir sombre
Rencontrant Porcie , Arria ,
Et leur suite en trés - petit nombre ,
Leur dit: je viens me joindre à vous
Moitiés , dignes de vos Epoux ,
Honneur du Sexe , Femmes fortes ;
Eux
JUILLET. 1731. $719
Eux seuls firent tout vôtre bien ,
C'est pour eux que vous êtes`mortes ,
que pour le mien.
de sa Femme.
Qu
DIZAIN.
Uand la Mort nous déparia :
Ma moitié dans le manoir sombre
Rencontrant Porcie , Arria ,
Et leur suite en trés - petit nombre ,
Leur dit: je viens me joindre à vous
Moitiés , dignes de vos Epoux ,
Honneur du Sexe , Femmes fortes ;
Eux
JUILLET. 1731. $719
Eux seuls firent tout vôtre bien ,
C'est pour eux que vous êtes`mortes ,
que pour le mien.
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19
p. 1719-1721
LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
Début :
Je n'ay jamais jusqu'à present repondu, Monsieur, à aucune des brochure [...]
Mots clefs :
Lettre, Critiques, Justice, Brochure satirique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
LETTRE de M. de Voltaire , écrite à M.
de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner ,
prés de Londres.
J
E n'ay jamais jusqu'à present repondu
, Monsieur, à aucune des brochures
que l'on a imprimées contre moy , ou qui
ont été inserées dans les Journaux. J'ay
toujours cru que si les Critiques étoient
mauvaises , le Public en ferait justice
sans moy , et que si elles étoient bonnés,
je ne devois y répondre qu'en corrigean t
mes fautes.
D'ailleurs je n'ay jamais pû prendre
sur moy , de déffendre des ouvrages que
je n'ay jamais donnés qu'avec beaucoup
de défiance , et que je voudrois n'avoir
jamais hazardés dans le Public. Je suis
forcé aujourd'hui contre mon inclination
de vous prier de vouloir bien faire inserer
dans le Mercure cette réponse à Mr
les Auteurs du Nouveliste du Parnasse
et que j'ai l'honneur de vous envoyer.
"
Je
1720 MERCURE DE FRANCE
Je sçai combien peu il importe au Public
de sçavoir si j'ay fait ou non une.
brochure Satirique contre M. Capistron.
Mais j'ay cru devoir détromper ceux qui
lisent les Nouvelles Litteraires , j'ay cru
devoir à mon honneur , et à la verité ,
d'imposer du moins une fois en ma vie ,
un silence forcé à la calomnie. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que la seule recompen-.
se de ceux qui cultivent les beaux Arts .
est d'être accusés d'ouvrages indignes
d'eux . On m'a souvent attribué des Pieces
soit mediocres , soit absolument mauvaises
, telles , que je ne sçai quelle Satire
intitulée Jay vu , une miserable Ode ou
l'on attaquoit indignement un Ministre
respectable. Je connois les Auteurs de
ces lâches ouvrages . Je ne leur fais point
la confusion de les nommer , il me suffit
de défier la calomnie d'oser avancer que
j'aye jamais ou fait , ou montré , ou approuvé
un seul ouvrage Satirique. C'est
une déclaration authentique que je fais
dans cette Lettre aux Auteurs du Nouveliste
, et j'espere fermer la bouche pour
jamais à ceux qui m'imputent ces sottises ,
de même que j'invite les sages et vrais
Critiques à continuer d'éclairer les beaux
Arts par leurs reflexions. Je m'éleve contre
le Calomniateur , mais j'encourage
tous
JUILLET. 1731. 1721
tous mes Censeurs , et je me flate d'avoir
donné moy-même dans ce petit Ecrit
l'exemple d'une Critique pleine au moins
de bienséance , si elle ne l'est pas de raison.
Je me flatte , Monsieur , que vous la
ferez paroître dans le Mercure , d'autant
plus volontiers que vous n'y avez jamais
inseré aucune Satire , et que vous
avés trouvé le secret de plaire à tout le
monde , sans offenser personne. Le Mercure
, regardé autrefois comme un ou.
vrage frivole et méprisable , est devenu
entre vos mains un livre choisi , plein de
monuments curieux et necessaires à quiconque
veut sçavoir dans son Siecle l'Histoire
de l'Esprit humain . La Lettre que
je vous envoye ne merite d'y avoir place
qu'autant qu'elle est pleine de cet esprit
de verité que vous aimez . Je suis &c.
de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner ,
prés de Londres.
J
E n'ay jamais jusqu'à present repondu
, Monsieur, à aucune des brochures
que l'on a imprimées contre moy , ou qui
ont été inserées dans les Journaux. J'ay
toujours cru que si les Critiques étoient
mauvaises , le Public en ferait justice
sans moy , et que si elles étoient bonnés,
je ne devois y répondre qu'en corrigean t
mes fautes.
D'ailleurs je n'ay jamais pû prendre
sur moy , de déffendre des ouvrages que
je n'ay jamais donnés qu'avec beaucoup
de défiance , et que je voudrois n'avoir
jamais hazardés dans le Public. Je suis
forcé aujourd'hui contre mon inclination
de vous prier de vouloir bien faire inserer
dans le Mercure cette réponse à Mr
les Auteurs du Nouveliste du Parnasse
et que j'ai l'honneur de vous envoyer.
"
Je
1720 MERCURE DE FRANCE
Je sçai combien peu il importe au Public
de sçavoir si j'ay fait ou non une.
brochure Satirique contre M. Capistron.
Mais j'ay cru devoir détromper ceux qui
lisent les Nouvelles Litteraires , j'ay cru
devoir à mon honneur , et à la verité ,
d'imposer du moins une fois en ma vie ,
un silence forcé à la calomnie. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que la seule recompen-.
se de ceux qui cultivent les beaux Arts .
est d'être accusés d'ouvrages indignes
d'eux . On m'a souvent attribué des Pieces
soit mediocres , soit absolument mauvaises
, telles , que je ne sçai quelle Satire
intitulée Jay vu , une miserable Ode ou
l'on attaquoit indignement un Ministre
respectable. Je connois les Auteurs de
ces lâches ouvrages . Je ne leur fais point
la confusion de les nommer , il me suffit
de défier la calomnie d'oser avancer que
j'aye jamais ou fait , ou montré , ou approuvé
un seul ouvrage Satirique. C'est
une déclaration authentique que je fais
dans cette Lettre aux Auteurs du Nouveliste
, et j'espere fermer la bouche pour
jamais à ceux qui m'imputent ces sottises ,
de même que j'invite les sages et vrais
Critiques à continuer d'éclairer les beaux
Arts par leurs reflexions. Je m'éleve contre
le Calomniateur , mais j'encourage
tous
JUILLET. 1731. 1721
tous mes Censeurs , et je me flate d'avoir
donné moy-même dans ce petit Ecrit
l'exemple d'une Critique pleine au moins
de bienséance , si elle ne l'est pas de raison.
Je me flatte , Monsieur , que vous la
ferez paroître dans le Mercure , d'autant
plus volontiers que vous n'y avez jamais
inseré aucune Satire , et que vous
avés trouvé le secret de plaire à tout le
monde , sans offenser personne. Le Mercure
, regardé autrefois comme un ou.
vrage frivole et méprisable , est devenu
entre vos mains un livre choisi , plein de
monuments curieux et necessaires à quiconque
veut sçavoir dans son Siecle l'Histoire
de l'Esprit humain . La Lettre que
je vous envoye ne merite d'y avoir place
qu'autant qu'elle est pleine de cet esprit
de verité que vous aimez . Je suis &c.
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Résumé : LETTRE de M. de Voltaire, écrite à M. de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner, prés de Londres.
Dans une lettre du 30 juin 1731, Voltaire explique qu'il n'a jamais répondu aux critiques contre lui, préférant laisser le public juger. Il exprime sa réticence à défendre ses œuvres publiées avec prudence. Cependant, il se sent obligé de répondre aux auteurs du 'Nouveliste du Parnasse' pour démentir des accusations de brochures satiriques, notamment contre M. Capistron. Voltaire nie avoir écrit des œuvres médiocres ou mauvaises, comme une satire intitulée 'Jay vu' ou une ode attaquant un ministre respectable. Il défie ses détracteurs de prouver le contraire et invite les critiques sincères à continuer leur travail. Il espère que sa réponse, pleine de bienséance, sera publiée dans le 'Mercure de France', qu'il considère comme un ouvrage respecté et utile pour l'histoire de l'esprit humain.
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20
p. 1721-1736
LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
Début :
MESSIEURS, On m'a fait tenir à la Campagne où je suis près de Canterbury, depuis quatre [...]
Mots clefs :
Nouvelliste, Canterbury, Lettres, Jalousie, Politesse française, Vérité, Ouvrages, Mémoire, Scène française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
LETTRE de M. de Voltaire , à Messieurs
les Auteurs du Nouvellifte.
.
MESSIEURS
t
On m'a fait tenir à la Campagne où
E
je
1722 MERCURE
DE FRANCE
je suis près de Canterbury , depuis quatre
mois , les Lettres que vous publiez
avec succès en France depuis environ ce
tems.
J'ai vu dans votre dix - huitiéme Lettre
, des plaintes injurieuses que l'on vous
addresse contre moi , sur lesquelles il
est juste que j'aye l'honneur de vous écrire
, moins pour ma propre justification ,
que pour l'intérêt de la vérité.
Un ami , ou peut-être un parent de feu
M. de Campistron , me fait des reproches
pleins d'amertume et de dureté , de
ce que j'ai , dit il , insulté à la mémoire
de cet illustre Ecrivain dans une brochure
de ma façon , et que je me suis servi
de ces termes indécens de pauvre Campistron.
Il auroit, sans doute, raison de me
faire ce reproche , et vous Messieurs , de
l'imprimer, si j'avois , en effet , été coupa
ble d'une groffiereté si éloignée de mes
mours. C'a été pour moi une surprise
également vive et douloureuse , de voir
que l'on m'impute de pareilles sottises.
Je ne sçai ce que c'est que cette brochure
, je n'en ai jamais entendu parler.
Je n'ai fait aucune brochure en ma vie ;
et si jamais homme devoit être à l'abri
d'une pareille accusation , j'ose dire que
c'étoit moi , Messieurs.
DeJUILLET.
1731. 1723
Depuis l'âge de seize ans , où quel
ques Vers un peu satyriques , et par conséquent
très -condamnables avoient échapé
à l'imprudence de mon âge , et au
ressentiment d'une injuftice , je me suis
imposé la loi de ne jamais tomber dans
ce déteftable genre d'écrire. Je passe mes
jours dans les souffrances continuelles de
corps qui m'accablent , et dans l'étude
des bons Livres qui me console : j'apprens
quelquefois dans mon lit que l'on m'impute
à Paris des Pieces fugitives que je n'ai
jamais vûës , et que je ne verrai jamais ;
je ne puis attribuer ces accusations frivoles
à aucune jalousie d'Auteur ; car
qui pourroit être jaloux de moy ! mais
quelque motif qu'on ait pû avoir pour
me charger de pareils Ecrits , je déclare ici
une bonne fois pour toutes , qu'il n'y a
personne en France qui puisse dire que je
lui aye jamais fait voir , depuis que j'suis
hors de l'enfance , aucun Ecrit satyrique
en vers ou en prose. Et celui- là se
montre qui puisse seulement avancer que
j'aye jamais applaudi un seul de ces Ecrits ,
dont le mérite consiste à flater la malignité
humaine.
que
Non- seulement je ne me suis jamais
servi de termes injurieux , soit de bouche,
soit par écrit , en citant feu M. de Campistron
E ij
1724 MEAU
FRANCE DE
pistron , dont la mémoire ne doit pas être
indifferente aux Gens de Lettres , mais je,
me suis toûjours revolté contre cette coutume
impolie qu'ont prise plusieurs jeunes
Gens , d'appeller par leur simple
pom des Auteurs illuftres qui méritent
des égards.
›
J'ai trouvé toûjours indigne de la politesse
Françoise , et du respect que les
Hommes se doivent les uns aux autres ,
de dire Fontenelles , Chaulieu , Crebillon,
la Motte , Raimond , &c. et j'ose dire que
j'ai corrigé quelques personnes de ces manieres
indécentes de parler , qui sont toûjours
insultantes pour les vivans , et dont
on ne doit se servir envers les morts que
quand ils commencent à devenir anciens
pour nous. Le peu de Curieux qui pourront
jetter les yeux sur les Préfaces de
quelques Pieces de Théatre que j'ai hazardées
, verront que je dis toûjours le Grand
Corneille , qui a pour nous le mérite de
l'antiquité ; et je dis M. Racine et M. Despreaux
, parce qu'ils sont presque mes
contemporains .
Il est vrai que dans la Préface d'une
Tragédie addressée à Mylord Bullingbrooke
rendant compte à cet illustre
Anglois des défauts et des beautez de
notre Théatre , je me suis plaint avec justice
JUILLET. 1731. 1725
tice que la galanterie dégrade parmi nous
la dignité de la Scene ; j'ai dit , et je le
dis encore , que l'on avoit applaudi ces
Vers de l'Alcibiade indignes de la Tragédie.
Hélas ! qu'eſt - il besoin de m'en entretenir ?
Mon penchant à l'amour, je l'avouerai fans peine,
Fut de tous mes malheurs la cause trop certainé:
Mais bien qu'il m'ait causé des chagrins , des
soupirs ,
Je n'ai pu refuser mon ame à ses plaisirs :
Car enfin , Amintas , quoi qu'on en puisse dire ,'
Il n'eft rien de semblable à ce qu'il nous inspire
Où trouve-t- on ailleurs cette vive douceur
Capable d'enlever et de calmer un coeur ?
Ah! lorsque penetré d'un amour véritable ,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable ,
J'ai connu dans ses yeux timides ou distraits
Que mes soins de son coeur avoient troublé la
·
paix ;
Que par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle ;
Dans ces tendres instans j'ai toujours éprouvé
Qu'un mortel peut sentir un honheur achevé .
J'aurois pû dire avec la même vérité ,
que les derniers Ouvrages du Grand Cor
'neille sont indignes de lui et fort infé-
E iij rieurs
1726 MERCURE DE FRANCE
rieurs à cet Alcibiade , et que la Berenice
de M. Racine n'eft qu'une Elegie bien
écrite , sans offenser la mémoire de ces
grands Hommes. Ce sont les fautes des
Ecrivains illustres qui nous instruisent ;
j'ai crû même faire honneur à M. de Campistron
en le citant à des Etrangers à qui
je parlois de la Scéne Françoise , de même
que je croirois rendre hommage à la mémoire
de l'inimitable Moliere , si pour
faire sentir les défauts de notre Scéne comique
, je disois que d'ordinaire les intrigues
de nos Comédies ne sont ménagées
que par des Valets , que les plaisanteries
ne sont presque jamais dans la bouche des
Maîtres , et que j'apportasse en preuve la
plupart des Pieces de ce charmant génie ,
qui malgré ce défaut et celui de ses dénouëmens
, est si au- dessus de Plaute et
de Terence .
J'ai ajoûté qu'Alcibiade est une Piece
suivie , mais foiblement écrite ; le défenseur
de M. de Campistron m'en fait un
crime ; mais qu'il me soit permis de me
servir de la réponse d'Horace.
Nempe incomposito dixi pede currere versus
Lucili quis tam lucili fautor inepte eft
Ut non hoc fateatur ?
JUILLET. 1731 1727
·
On me demande ce que j'entends par
un stile foible , je pourrois répondre , le
mien. Mais je vais tâcher de débrouiller
cette idée , afin que cet Ecrit ne soit pas
absolument inutile , et que ne pouvant
- par mon exemple prouver ce que c'est
qu'un stile noble et fort , j'essaye au moins
d'expliquer mes conjectures , et de justifier
ce que je pense en général d'un ftile de
la Tragedie d'Alcibiade.
Le stile fort et vigoureux , tel qu'il
convient à la Tragedie , est celui qui ne
dit ni trop ni trop peu , et qui fait toujours
des Tableaux à l'esprit , sans s'écarter
un moment de la passion.
Ainsi Cléopâtre dans la Rodogune
s'écrie :
> Trône , à t'abandonner je ne puis consentir
Par un coup de tonnere il en vaut mieux fortir
Tombe sur moi le Ciel pourvû que je me vange.
.. Voilà du stile très- fort , et peut être
trop.
Le Vers qui suit
Il vaut mieux meriter le sort le plus étrange ,
est du stile le plus foible.
> Le stile foible , non- seulement en Tra
gédie , mais en toute Poësie , consiste en-
E. iiij
core
1728
MERCURE DE FRANCE
core à laisser tomber ses Vers deux à deux;
sans entremêler de longues périodes et de
courtes , et sans varier la mesure , à rimer
trop en épithetes , à prodiguer des
expressions trop communes , à répéter
souvent les mêmes mots , à ne pas se servir
à propos des
conjonctions qui paroissent
inutiles aux esprits peu instruits , et
qui
contribuent cependant beaucoup à l'élegance
du Discours.
Tantumferiesjuncturaque pollent.
Ce sont toutes ces finesses
imperceptibles
qui font en même tems la difficulté
et la perfection de l'Art. In tenui labor
at tenuis non gloria.
J'ouvre dans ce moment le Volume
des Tragedies de M. de
Campistron , et
je vois à la premiere Scéne de l'Alcibiade .
Quelle que soit pour nous la tendresse des Rois ,
Un moment leur suffit pour faire un autre choix .
Je dis que ces Vers sans être absolument
mauvais , sont foibles et sans beauté.
Pierre Corneille ayant la même chose à
dire ,
s'exprime ainsi :
Et malgré ce pouvoir dont l'éclat nous séduir,
Si-tôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous
détruit ,
Ce
JUILLET. 1731. 1729
Ce quelle que soit de l'Alcibiade fait languir
le Vers ; de plus , Un moment leur
suffit pourfaire un autre choix , ne fait pas à
beaucoup près une peinture si vive que ce
Vers ; Si-tôt qu'il nous veut perdre , un coup
d'oeil nous détruit.
Je vois dans ces premieres Scénes d'Alcibiade
:
Mille exemples connus de ces fameux revers.
Affoiblit notre empire ; et dans mille combats,
Nous cache mille soins dont il est agité.
El a mille vertus dignes du diadême.
Le sort le plus cruel , mille tourmens affreux.
Je dis que ce mot mille si souvent rế-
peté , et sur tout dans des Vers assez läches
, affoiblit le stile au point de le gâter;
que la Piece est pleine de ces termes oisifs
, qui remplissent languissamment l'Emistiche
des Vers : je m'offre de prouver
à qui voudra , que presque tous les Vers
de cet Ouvrage sont énervez par ces pe
tits défauts de détail , qui répandent leur
langueur sur toute la diction. Si j'avois
vécu du tems de M. de Campistron , et
que j'eusse eû l'honneur d'être son ami , je
lui aurois dit à lui-même ce que je dis ici
au Public , et j'aurois fait tous mes efforts.
pour obtenir de lui qu'il retouchât le stile
E v de
1730 MERCURE DE FRANCE
de cette Piece , qui seroit devenue avec
plus de soin un très - bon Ouvrage. En
un mor , je lui aurois parlé , comme je
fais ici , pour la perfection d'un Art qu'il
cultivoit d'ailleurs avec succès.
Le fameux Acteur qui représenta si
long- tems Alcibiade , cachoit toutes les
foiblesses de la diction par les charmes:
de son recit : en effet , l'on peut dire d'une
Tragedie comme d'une Histoire : Historia
quoque modo scripta benè legitur,et Tragedia
quoque modo scripta benè representatur,
mais les yeux duLecteur sont des juges plus.
difficiles que les oreilles du Spectateur.
Celui qui lit ces Vers d'Alcibiade.
Je répondrai , Seigneur , avec la liberté ,
D'un Grec qui ne sçait pas cacher la verité.
se ressouvient à l'instant de ces deux beaux
Vers de Britannicus ..
e répondrai , Madame , avec la liberté ,.
D'un Soldat qui sçait mal farder la vérité..
Il voit d'abord que les Vers de M. Ra-.
cine sont pleins d'une harmonie singu
liere , qui caractérise en quelque façon
par cette cesure coupée , d'un Soldat
, au lieu que les Vers d'Alcibiade sont
rampans et sans force. En second lieu , il
Burrus
cft
JUILLET. 1731. 1731
est choqué d'une imitation si marquée.
En troisiéme lieu , il ne peut
souffrir que
le citoyen d'un pays renommé par l'Eloquence
et par l'artifice , donne à ces
mêmes Grecs un caractére qu'ils n'avoient
pas.
Vous allez attaquer des peubles indomptables , "
Sur leurs propres foyers plus qu'ailleurs redou
tables..
On voit par tout la même langeur de
stile. Ces rimes d'Epithetes indomptables
redoutables , choquent l'oreille délicate du
connoisseur qui veut des choses , et qui
ne trouve que des sons. Sur leurs propres
foyers plus qu'ailleurs , est trop simple même
pour de la Prose..
Je n'ai trouvé aucun homme de Lettres
qui n'ait été de mon avis , et qui ne soit
convenu avec moi que le stile de cette
Piece est en général très-languissant. J'ajoûterai
même que c'eft la diction seule
qui abbaisse M. de Campistron au des
sous de Monsieur Racine . J'ai toûjours
soutenu que les Pieces de M. de
Campistron étoient pour le moins aussi
régulierement conduites , que toutes celles
de l'illustre Racine ; mais il n'y a que
la Poësie de stile qui fasse la perfection :
des Ouvrages en vers. M. de Campistrom
E vj.
l'ai
#732 MERCURE DE FRANCE
l'a toûjours trop negligée , il n'a imité ſe
coloris de M. Racine que d'un pinceau timide
; il manque à cet Auteur , d'ailleurs
judicieux et tendre , ces beautés de détail
, et ces expressions heureuses qui sont
l'ame de la Poësie , et qui font le mérite
des Homere , des Virgile , des Tasse , des
Milton , des Pope , des Corneille , des Racine
, des Boileau..
Je n'ai donc avancé qu'une verité , et
même une verité utile pour les Belles- Lettres
, et c'est parce qu'elle est vérité qu'elle
m'attire des injures.
vante que
L'Anonime ( quel qu'il soit ) me dit à
la suite de plusieurs personnalitez , que je
suis un trés- mauvais modéle . Mais au
moins il ne le dit qu'après moi , je ne me
de connoître mon art et mon
impuissance. Il dit d'ailleurs ( ce qui n'est
point une injure , mais une Critique
permise , que ma Tragedie de Brutus est
très-défectueuse. Qui le sçait mieux que
moi ? C'est parce que j'étois très- convaincu
des défauts de cette Piece , que je la
refusai constamment un an entier aux
Comédiens. Depuis même je l'ai fort retouchée
, j'ai retourné ce terrain ingrat où
j'avois travaillé si long- tems avec tant de
peine et si peu de fruit. Il n'y a aucun de
mes foibles Ouvrages , que je ne corrige
tous
JUILLET. 1731. 1733
-
tous les jours dans les intervalles de mes
maladies. Non seulement je vois mes
fautes , mais j'ai obligation à ceux qui
m'en reprennent , et je n'ai jamais répondu
à une Critique , qu'en tâchant de me
corriger.
Cette verité que j'aime dans les autres,.
j'ai droit d'exiger que les autres la souffrent
en moi . M. de la Motte sçait avec
quelle franchise je lui ai parlé , et que je
l'estime assez pour lui dire , quand j'ai
l'honneur de le voir , quelques défauts
que je crois appercevoir dans ses ingénieux
Ouvrages. Il seroit honteux que la flaterie
infectât le petit nombre d'hommes qui
pensent. Mais plus j'aime la verité
plus je haïs et dédaigne la Satire , qui n'est
jamais que le langage de l'envie. Les Auteurs
qui veulent apprendre à penser aux
autres hommes , doivent leur donner des
exemples de politesse comme d'éloquence
, et joindre les bienséances de la société
à celles du stile. Faut- il que ceux qui cherchent
la gloire , courent à la honte par
leurs querelles litteraires , et que les Gens
d'esprit deviennent souvent la risée des
sots !
On m'a souvent envoyé en Angleterre
des Epigrammes et des petites Satyres contre
M. de Fontenelle ; j'ai eu soin de dire
pous
1734 MERCURE DE FRANCE
pour l'honneur de mes compatriotes , que
ces petits traits qu'on lui décoche , ressemblent
aux injures que l'esclave disoit autrefois
aux triomphateurs. Je crois que c'est
être bon François de détourner autant qu'il
est en moi, le soupçon qu'on a dans les Païs
étrangers , que les François ne rendent jamais
justice à leurs contemporains. Soyons:
justes , Messieurs , ne craignons ni de blâmer
, ni surtout de louer , ce qui le mérite.
Ne lisons point Pertharite , mais
pleurons à Polieucte . Oublions avec M. de
Fontenelle des Lettres composées dans sa
jeunesse , mais apprenons par coeur , s'il
est possible , les Mondes , la Préface de
l'Académie des Sciences , & c. Disons si
vous voulez , à M. de la Motte , qu'il n'a
pas assez bien traduit l'Iliade , mais n'oublions
pas un mot des belles Odes et des
autres Pieces heureuses qu'il a faites. C'est
ne pas payer ses dettes , que de refuser de
justes louanges . Elles sont l'unique récompense
des Gens de Lettres , et qui
Leur payera ce tribut : si- non nous , qui
courant à peu près la même carriere , de
vons connoître mieux que d'autres la difficulté
et le prix d'un bon Ouvrage ?
J'ai entendu dire souvent en France que
tout est dégénéré , et qu'il y a en tout
genre une disette d'hommes étonnante..
Les
JUILLET. 1737 1735
Les Etrangers n'entendent à Paris que
ces discours ; et ils nous croient aisément
sur notre parole cependant quel est le
siécle où l'esprit humain ait fait plus de
progrès que parmi nous ? Voici un jeune
homme de seize ans qui exécute en effet
ce qu'on a dit autrefois de M. Pascal , et
qui donne un Traité sur les Courbes qui
feroit honneuraux plus grands Géometres ..
L'esprit de raison pénetre si bien dans les
Ecoles , qu'elles commencent à rejetter
également , et les absurditez inintelligi
bles d'Aristote , et les chiméres ingénieuses
de Descartes. Combien d'excellentes
Hisroires n'avons nous pas depuis trente
ans ? Il y en a telle qui se lit avec plus de:
plaisir que Philippes de Comines ; il est
vrai qu'on n'ose l'avouer tout haut , parce
que l'Aureur est encore vivant , et le
moyen d'estimer un contemporain autant
qu'un homme mort il y a plus de deux
cens ans !
Ploravêre suis non respondere favorem
Speratum meritis .
Personne n'ose convenir franchement
des richesses de son siècle . Nous sommes.
comme les avares qui disent toûjours que
le tems est dur. J'abuse de votre patience ,,
Messieurs
JJ
1736 MERCURE DE FRANCE
Messieurs , pardonnez cette longue Lettre
et toutes ces réflexions , au devoir d'un
honnête homme qui a dû se justifier, et à
mon amour extrême pour les Lettres
pour ma Patrie et pour la vérité. Je suis ,
Messieurs , &c. VOLTAIRE.
A Fakener , près de Canterbury , ce 20.
Fuin. 1. Juillet.
les Auteurs du Nouvellifte.
.
MESSIEURS
t
On m'a fait tenir à la Campagne où
E
je
1722 MERCURE
DE FRANCE
je suis près de Canterbury , depuis quatre
mois , les Lettres que vous publiez
avec succès en France depuis environ ce
tems.
J'ai vu dans votre dix - huitiéme Lettre
, des plaintes injurieuses que l'on vous
addresse contre moi , sur lesquelles il
est juste que j'aye l'honneur de vous écrire
, moins pour ma propre justification ,
que pour l'intérêt de la vérité.
Un ami , ou peut-être un parent de feu
M. de Campistron , me fait des reproches
pleins d'amertume et de dureté , de
ce que j'ai , dit il , insulté à la mémoire
de cet illustre Ecrivain dans une brochure
de ma façon , et que je me suis servi
de ces termes indécens de pauvre Campistron.
Il auroit, sans doute, raison de me
faire ce reproche , et vous Messieurs , de
l'imprimer, si j'avois , en effet , été coupa
ble d'une groffiereté si éloignée de mes
mours. C'a été pour moi une surprise
également vive et douloureuse , de voir
que l'on m'impute de pareilles sottises.
Je ne sçai ce que c'est que cette brochure
, je n'en ai jamais entendu parler.
Je n'ai fait aucune brochure en ma vie ;
et si jamais homme devoit être à l'abri
d'une pareille accusation , j'ose dire que
c'étoit moi , Messieurs.
DeJUILLET.
1731. 1723
Depuis l'âge de seize ans , où quel
ques Vers un peu satyriques , et par conséquent
très -condamnables avoient échapé
à l'imprudence de mon âge , et au
ressentiment d'une injuftice , je me suis
imposé la loi de ne jamais tomber dans
ce déteftable genre d'écrire. Je passe mes
jours dans les souffrances continuelles de
corps qui m'accablent , et dans l'étude
des bons Livres qui me console : j'apprens
quelquefois dans mon lit que l'on m'impute
à Paris des Pieces fugitives que je n'ai
jamais vûës , et que je ne verrai jamais ;
je ne puis attribuer ces accusations frivoles
à aucune jalousie d'Auteur ; car
qui pourroit être jaloux de moy ! mais
quelque motif qu'on ait pû avoir pour
me charger de pareils Ecrits , je déclare ici
une bonne fois pour toutes , qu'il n'y a
personne en France qui puisse dire que je
lui aye jamais fait voir , depuis que j'suis
hors de l'enfance , aucun Ecrit satyrique
en vers ou en prose. Et celui- là se
montre qui puisse seulement avancer que
j'aye jamais applaudi un seul de ces Ecrits ,
dont le mérite consiste à flater la malignité
humaine.
que
Non- seulement je ne me suis jamais
servi de termes injurieux , soit de bouche,
soit par écrit , en citant feu M. de Campistron
E ij
1724 MEAU
FRANCE DE
pistron , dont la mémoire ne doit pas être
indifferente aux Gens de Lettres , mais je,
me suis toûjours revolté contre cette coutume
impolie qu'ont prise plusieurs jeunes
Gens , d'appeller par leur simple
pom des Auteurs illuftres qui méritent
des égards.
›
J'ai trouvé toûjours indigne de la politesse
Françoise , et du respect que les
Hommes se doivent les uns aux autres ,
de dire Fontenelles , Chaulieu , Crebillon,
la Motte , Raimond , &c. et j'ose dire que
j'ai corrigé quelques personnes de ces manieres
indécentes de parler , qui sont toûjours
insultantes pour les vivans , et dont
on ne doit se servir envers les morts que
quand ils commencent à devenir anciens
pour nous. Le peu de Curieux qui pourront
jetter les yeux sur les Préfaces de
quelques Pieces de Théatre que j'ai hazardées
, verront que je dis toûjours le Grand
Corneille , qui a pour nous le mérite de
l'antiquité ; et je dis M. Racine et M. Despreaux
, parce qu'ils sont presque mes
contemporains .
Il est vrai que dans la Préface d'une
Tragédie addressée à Mylord Bullingbrooke
rendant compte à cet illustre
Anglois des défauts et des beautez de
notre Théatre , je me suis plaint avec justice
JUILLET. 1731. 1725
tice que la galanterie dégrade parmi nous
la dignité de la Scene ; j'ai dit , et je le
dis encore , que l'on avoit applaudi ces
Vers de l'Alcibiade indignes de la Tragédie.
Hélas ! qu'eſt - il besoin de m'en entretenir ?
Mon penchant à l'amour, je l'avouerai fans peine,
Fut de tous mes malheurs la cause trop certainé:
Mais bien qu'il m'ait causé des chagrins , des
soupirs ,
Je n'ai pu refuser mon ame à ses plaisirs :
Car enfin , Amintas , quoi qu'on en puisse dire ,'
Il n'eft rien de semblable à ce qu'il nous inspire
Où trouve-t- on ailleurs cette vive douceur
Capable d'enlever et de calmer un coeur ?
Ah! lorsque penetré d'un amour véritable ,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable ,
J'ai connu dans ses yeux timides ou distraits
Que mes soins de son coeur avoient troublé la
·
paix ;
Que par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle ;
Dans ces tendres instans j'ai toujours éprouvé
Qu'un mortel peut sentir un honheur achevé .
J'aurois pû dire avec la même vérité ,
que les derniers Ouvrages du Grand Cor
'neille sont indignes de lui et fort infé-
E iij rieurs
1726 MERCURE DE FRANCE
rieurs à cet Alcibiade , et que la Berenice
de M. Racine n'eft qu'une Elegie bien
écrite , sans offenser la mémoire de ces
grands Hommes. Ce sont les fautes des
Ecrivains illustres qui nous instruisent ;
j'ai crû même faire honneur à M. de Campistron
en le citant à des Etrangers à qui
je parlois de la Scéne Françoise , de même
que je croirois rendre hommage à la mémoire
de l'inimitable Moliere , si pour
faire sentir les défauts de notre Scéne comique
, je disois que d'ordinaire les intrigues
de nos Comédies ne sont ménagées
que par des Valets , que les plaisanteries
ne sont presque jamais dans la bouche des
Maîtres , et que j'apportasse en preuve la
plupart des Pieces de ce charmant génie ,
qui malgré ce défaut et celui de ses dénouëmens
, est si au- dessus de Plaute et
de Terence .
J'ai ajoûté qu'Alcibiade est une Piece
suivie , mais foiblement écrite ; le défenseur
de M. de Campistron m'en fait un
crime ; mais qu'il me soit permis de me
servir de la réponse d'Horace.
Nempe incomposito dixi pede currere versus
Lucili quis tam lucili fautor inepte eft
Ut non hoc fateatur ?
JUILLET. 1731 1727
·
On me demande ce que j'entends par
un stile foible , je pourrois répondre , le
mien. Mais je vais tâcher de débrouiller
cette idée , afin que cet Ecrit ne soit pas
absolument inutile , et que ne pouvant
- par mon exemple prouver ce que c'est
qu'un stile noble et fort , j'essaye au moins
d'expliquer mes conjectures , et de justifier
ce que je pense en général d'un ftile de
la Tragedie d'Alcibiade.
Le stile fort et vigoureux , tel qu'il
convient à la Tragedie , est celui qui ne
dit ni trop ni trop peu , et qui fait toujours
des Tableaux à l'esprit , sans s'écarter
un moment de la passion.
Ainsi Cléopâtre dans la Rodogune
s'écrie :
> Trône , à t'abandonner je ne puis consentir
Par un coup de tonnere il en vaut mieux fortir
Tombe sur moi le Ciel pourvû que je me vange.
.. Voilà du stile très- fort , et peut être
trop.
Le Vers qui suit
Il vaut mieux meriter le sort le plus étrange ,
est du stile le plus foible.
> Le stile foible , non- seulement en Tra
gédie , mais en toute Poësie , consiste en-
E. iiij
core
1728
MERCURE DE FRANCE
core à laisser tomber ses Vers deux à deux;
sans entremêler de longues périodes et de
courtes , et sans varier la mesure , à rimer
trop en épithetes , à prodiguer des
expressions trop communes , à répéter
souvent les mêmes mots , à ne pas se servir
à propos des
conjonctions qui paroissent
inutiles aux esprits peu instruits , et
qui
contribuent cependant beaucoup à l'élegance
du Discours.
Tantumferiesjuncturaque pollent.
Ce sont toutes ces finesses
imperceptibles
qui font en même tems la difficulté
et la perfection de l'Art. In tenui labor
at tenuis non gloria.
J'ouvre dans ce moment le Volume
des Tragedies de M. de
Campistron , et
je vois à la premiere Scéne de l'Alcibiade .
Quelle que soit pour nous la tendresse des Rois ,
Un moment leur suffit pour faire un autre choix .
Je dis que ces Vers sans être absolument
mauvais , sont foibles et sans beauté.
Pierre Corneille ayant la même chose à
dire ,
s'exprime ainsi :
Et malgré ce pouvoir dont l'éclat nous séduir,
Si-tôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous
détruit ,
Ce
JUILLET. 1731. 1729
Ce quelle que soit de l'Alcibiade fait languir
le Vers ; de plus , Un moment leur
suffit pourfaire un autre choix , ne fait pas à
beaucoup près une peinture si vive que ce
Vers ; Si-tôt qu'il nous veut perdre , un coup
d'oeil nous détruit.
Je vois dans ces premieres Scénes d'Alcibiade
:
Mille exemples connus de ces fameux revers.
Affoiblit notre empire ; et dans mille combats,
Nous cache mille soins dont il est agité.
El a mille vertus dignes du diadême.
Le sort le plus cruel , mille tourmens affreux.
Je dis que ce mot mille si souvent rế-
peté , et sur tout dans des Vers assez läches
, affoiblit le stile au point de le gâter;
que la Piece est pleine de ces termes oisifs
, qui remplissent languissamment l'Emistiche
des Vers : je m'offre de prouver
à qui voudra , que presque tous les Vers
de cet Ouvrage sont énervez par ces pe
tits défauts de détail , qui répandent leur
langueur sur toute la diction. Si j'avois
vécu du tems de M. de Campistron , et
que j'eusse eû l'honneur d'être son ami , je
lui aurois dit à lui-même ce que je dis ici
au Public , et j'aurois fait tous mes efforts.
pour obtenir de lui qu'il retouchât le stile
E v de
1730 MERCURE DE FRANCE
de cette Piece , qui seroit devenue avec
plus de soin un très - bon Ouvrage. En
un mor , je lui aurois parlé , comme je
fais ici , pour la perfection d'un Art qu'il
cultivoit d'ailleurs avec succès.
Le fameux Acteur qui représenta si
long- tems Alcibiade , cachoit toutes les
foiblesses de la diction par les charmes:
de son recit : en effet , l'on peut dire d'une
Tragedie comme d'une Histoire : Historia
quoque modo scripta benè legitur,et Tragedia
quoque modo scripta benè representatur,
mais les yeux duLecteur sont des juges plus.
difficiles que les oreilles du Spectateur.
Celui qui lit ces Vers d'Alcibiade.
Je répondrai , Seigneur , avec la liberté ,
D'un Grec qui ne sçait pas cacher la verité.
se ressouvient à l'instant de ces deux beaux
Vers de Britannicus ..
e répondrai , Madame , avec la liberté ,.
D'un Soldat qui sçait mal farder la vérité..
Il voit d'abord que les Vers de M. Ra-.
cine sont pleins d'une harmonie singu
liere , qui caractérise en quelque façon
par cette cesure coupée , d'un Soldat
, au lieu que les Vers d'Alcibiade sont
rampans et sans force. En second lieu , il
Burrus
cft
JUILLET. 1731. 1731
est choqué d'une imitation si marquée.
En troisiéme lieu , il ne peut
souffrir que
le citoyen d'un pays renommé par l'Eloquence
et par l'artifice , donne à ces
mêmes Grecs un caractére qu'ils n'avoient
pas.
Vous allez attaquer des peubles indomptables , "
Sur leurs propres foyers plus qu'ailleurs redou
tables..
On voit par tout la même langeur de
stile. Ces rimes d'Epithetes indomptables
redoutables , choquent l'oreille délicate du
connoisseur qui veut des choses , et qui
ne trouve que des sons. Sur leurs propres
foyers plus qu'ailleurs , est trop simple même
pour de la Prose..
Je n'ai trouvé aucun homme de Lettres
qui n'ait été de mon avis , et qui ne soit
convenu avec moi que le stile de cette
Piece est en général très-languissant. J'ajoûterai
même que c'eft la diction seule
qui abbaisse M. de Campistron au des
sous de Monsieur Racine . J'ai toûjours
soutenu que les Pieces de M. de
Campistron étoient pour le moins aussi
régulierement conduites , que toutes celles
de l'illustre Racine ; mais il n'y a que
la Poësie de stile qui fasse la perfection :
des Ouvrages en vers. M. de Campistrom
E vj.
l'ai
#732 MERCURE DE FRANCE
l'a toûjours trop negligée , il n'a imité ſe
coloris de M. Racine que d'un pinceau timide
; il manque à cet Auteur , d'ailleurs
judicieux et tendre , ces beautés de détail
, et ces expressions heureuses qui sont
l'ame de la Poësie , et qui font le mérite
des Homere , des Virgile , des Tasse , des
Milton , des Pope , des Corneille , des Racine
, des Boileau..
Je n'ai donc avancé qu'une verité , et
même une verité utile pour les Belles- Lettres
, et c'est parce qu'elle est vérité qu'elle
m'attire des injures.
vante que
L'Anonime ( quel qu'il soit ) me dit à
la suite de plusieurs personnalitez , que je
suis un trés- mauvais modéle . Mais au
moins il ne le dit qu'après moi , je ne me
de connoître mon art et mon
impuissance. Il dit d'ailleurs ( ce qui n'est
point une injure , mais une Critique
permise , que ma Tragedie de Brutus est
très-défectueuse. Qui le sçait mieux que
moi ? C'est parce que j'étois très- convaincu
des défauts de cette Piece , que je la
refusai constamment un an entier aux
Comédiens. Depuis même je l'ai fort retouchée
, j'ai retourné ce terrain ingrat où
j'avois travaillé si long- tems avec tant de
peine et si peu de fruit. Il n'y a aucun de
mes foibles Ouvrages , que je ne corrige
tous
JUILLET. 1731. 1733
-
tous les jours dans les intervalles de mes
maladies. Non seulement je vois mes
fautes , mais j'ai obligation à ceux qui
m'en reprennent , et je n'ai jamais répondu
à une Critique , qu'en tâchant de me
corriger.
Cette verité que j'aime dans les autres,.
j'ai droit d'exiger que les autres la souffrent
en moi . M. de la Motte sçait avec
quelle franchise je lui ai parlé , et que je
l'estime assez pour lui dire , quand j'ai
l'honneur de le voir , quelques défauts
que je crois appercevoir dans ses ingénieux
Ouvrages. Il seroit honteux que la flaterie
infectât le petit nombre d'hommes qui
pensent. Mais plus j'aime la verité
plus je haïs et dédaigne la Satire , qui n'est
jamais que le langage de l'envie. Les Auteurs
qui veulent apprendre à penser aux
autres hommes , doivent leur donner des
exemples de politesse comme d'éloquence
, et joindre les bienséances de la société
à celles du stile. Faut- il que ceux qui cherchent
la gloire , courent à la honte par
leurs querelles litteraires , et que les Gens
d'esprit deviennent souvent la risée des
sots !
On m'a souvent envoyé en Angleterre
des Epigrammes et des petites Satyres contre
M. de Fontenelle ; j'ai eu soin de dire
pous
1734 MERCURE DE FRANCE
pour l'honneur de mes compatriotes , que
ces petits traits qu'on lui décoche , ressemblent
aux injures que l'esclave disoit autrefois
aux triomphateurs. Je crois que c'est
être bon François de détourner autant qu'il
est en moi, le soupçon qu'on a dans les Païs
étrangers , que les François ne rendent jamais
justice à leurs contemporains. Soyons:
justes , Messieurs , ne craignons ni de blâmer
, ni surtout de louer , ce qui le mérite.
Ne lisons point Pertharite , mais
pleurons à Polieucte . Oublions avec M. de
Fontenelle des Lettres composées dans sa
jeunesse , mais apprenons par coeur , s'il
est possible , les Mondes , la Préface de
l'Académie des Sciences , & c. Disons si
vous voulez , à M. de la Motte , qu'il n'a
pas assez bien traduit l'Iliade , mais n'oublions
pas un mot des belles Odes et des
autres Pieces heureuses qu'il a faites. C'est
ne pas payer ses dettes , que de refuser de
justes louanges . Elles sont l'unique récompense
des Gens de Lettres , et qui
Leur payera ce tribut : si- non nous , qui
courant à peu près la même carriere , de
vons connoître mieux que d'autres la difficulté
et le prix d'un bon Ouvrage ?
J'ai entendu dire souvent en France que
tout est dégénéré , et qu'il y a en tout
genre une disette d'hommes étonnante..
Les
JUILLET. 1737 1735
Les Etrangers n'entendent à Paris que
ces discours ; et ils nous croient aisément
sur notre parole cependant quel est le
siécle où l'esprit humain ait fait plus de
progrès que parmi nous ? Voici un jeune
homme de seize ans qui exécute en effet
ce qu'on a dit autrefois de M. Pascal , et
qui donne un Traité sur les Courbes qui
feroit honneuraux plus grands Géometres ..
L'esprit de raison pénetre si bien dans les
Ecoles , qu'elles commencent à rejetter
également , et les absurditez inintelligi
bles d'Aristote , et les chiméres ingénieuses
de Descartes. Combien d'excellentes
Hisroires n'avons nous pas depuis trente
ans ? Il y en a telle qui se lit avec plus de:
plaisir que Philippes de Comines ; il est
vrai qu'on n'ose l'avouer tout haut , parce
que l'Aureur est encore vivant , et le
moyen d'estimer un contemporain autant
qu'un homme mort il y a plus de deux
cens ans !
Ploravêre suis non respondere favorem
Speratum meritis .
Personne n'ose convenir franchement
des richesses de son siècle . Nous sommes.
comme les avares qui disent toûjours que
le tems est dur. J'abuse de votre patience ,,
Messieurs
JJ
1736 MERCURE DE FRANCE
Messieurs , pardonnez cette longue Lettre
et toutes ces réflexions , au devoir d'un
honnête homme qui a dû se justifier, et à
mon amour extrême pour les Lettres
pour ma Patrie et pour la vérité. Je suis ,
Messieurs , &c. VOLTAIRE.
A Fakener , près de Canterbury , ce 20.
Fuin. 1. Juillet.
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Résumé : LETTRE de M. de Voltaire, à Messieurs les Auteurs du Nouvelliste.
Voltaire, depuis Canterbury, répond aux accusations publiées dans le Mercure de France. Un ami ou parent de feu M. de Campistron l'accuse d'avoir insulté la mémoire de cet écrivain dans une brochure. Voltaire nie catégoriquement avoir écrit cette brochure et affirme n'avoir jamais produit d'écrits satiriques depuis l'âge de seize ans. Il souligne qu'il passe ses jours dans les souffrances physiques et l'étude des bons livres, et qu'il n'a jamais été impliqué dans des écrits injurieux. Voltaire explique qu'il respecte la mémoire des auteurs illustres et qu'il a toujours évité d'utiliser des termes impolis pour parler des écrivains. Il mentionne avoir critiqué la pièce 'Alcibiade' de Campistron pour son style faible, mais sans intention d'insulter l'auteur. Il compare des vers de Campistron à ceux de Corneille et Racine pour illustrer ses points sur la qualité du style. Voltaire conclut en affirmant qu'il n'a fait que dire la vérité sur les défauts de la pièce, ce qui lui a attiré des injures. Il reconnaît les défauts de ses propres œuvres et les corrige constamment. Dans une autre lettre, Voltaire exprime son attachement à la vérité et son aversion pour la satire, qu'il considère comme le langage de l'envie. Il souligne l'importance de la politesse et des bienséances dans les écrits littéraires. Voltaire mentionne avoir reçu des épigrammes contre M. de Fontenelle et affirme que ces attaques ressemblent aux insultes d'un esclave envers un triomphateur. Il encourage à rendre justice aux contemporains et à louer les œuvres méritantes, citant des exemples comme les 'Mondes' de Fontenelle et les traductions de M. de la Motte. Voltaire conteste l'idée que la France manque d'hommes de talent, citant des progrès récents en mathématiques et en histoire. Il critique ceux qui se plaignent de la dégénérescence de leur époque et affirme que le siècle actuel a vu des avancées significatives. Il conclut en se justifiant pour la longueur de sa lettre, motivée par son amour pour les lettres, la patrie et la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 1736
ENIGME.
Début :
Je vais ; où ? d'où je viens ; actif ou paresseux, [...]
Mots clefs :
Fleuve
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E vais ; ou d'où je viens ; actif ou paresseux,
Dans ma course , rien ne m'arrête ;
Je n'ai jamais ni pied , ni tête ,
J'ay des bras , point de mains ; devine si tu peux
E vais ; ou d'où je viens ; actif ou paresseux,
Dans ma course , rien ne m'arrête ;
Je n'ai jamais ni pied , ni tête ,
J'ay des bras , point de mains ; devine si tu peux
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22
p. 1736-1737
LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis quelquefois de Métal, [...]
Mots clefs :
Flambeau
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
E suis quelquefois de Métal ,
Et quelquefois aussi je suis d'autre matiere ;
Mais l'on peut dire en géneral ,
Qu'ingenument je sers à la lumiere ,
Voulez- vous de mon corps sçavoir l'arangement.
De huit membres on le compose ,
Coupez ma tête seulement ,
Il vous restera peu de chose ,
Renversez
JUILLET 1737 1731.
Renversez à present ma premiere moitié ;
Autant que l'on peut on l'évite ;
L'autre dans son integrité ,
Fait de certains objets la gloire et le mérite ,
Otez la tête encor , je suis un Element ;
Un , six et huit , je fus pris dans le Firmament ;
Un , deux , trois , quatre et six , désigne ma com
pagne;
Cinq , trois , deux , cercle de plaisir ;
Plus souvent à la Ville encor qu'en la Campagne ,
Je suis le charme du loisir.
E suis quelquefois de Métal ,
Et quelquefois aussi je suis d'autre matiere ;
Mais l'on peut dire en géneral ,
Qu'ingenument je sers à la lumiere ,
Voulez- vous de mon corps sçavoir l'arangement.
De huit membres on le compose ,
Coupez ma tête seulement ,
Il vous restera peu de chose ,
Renversez
JUILLET 1737 1731.
Renversez à present ma premiere moitié ;
Autant que l'on peut on l'évite ;
L'autre dans son integrité ,
Fait de certains objets la gloire et le mérite ,
Otez la tête encor , je suis un Element ;
Un , six et huit , je fus pris dans le Firmament ;
Un , deux , trois , quatre et six , désigne ma com
pagne;
Cinq , trois , deux , cercle de plaisir ;
Plus souvent à la Ville encor qu'en la Campagne ,
Je suis le charme du loisir.
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23
p. 1737-1738
AUTRE.
Début :
Communément je suis d'une humeur vagabonde ; [...]
Mots clefs :
Polisson
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
Ommunément je suis d'une humeur vaga+
C
bonde ;
Je porte un nom décrédité ,
Et fort méprisé dans le monde.
Lorsque je suis joli ( c'est une rareté. )
Je fais pourtant plaisir dans la societé .
Or pour me deviner il faut que l'on arrange ,
Huit lettres; écoutez, voici comme on les change.
Otez-en la troisiéme et je suis à l'instant ,
Tout-à-fait d'une autre figure ,
Toujours maigre de ma nature ;
Plus , ôtez la cinquième et je puis aisément
Vous enlever la vie ,
Si l'on ne m'arrête soudain ;
Un , quatre , cinq, sept , huit , je vous nomme
un Romain ,
Du
1738 MERCURE DE FRANCE
Du tems de l'Epoux de Livie.
Retranchez de mon tout ma seconde partie ,
Je suis dans tous les lieux aimé ,
Puis dans ce mot vous trouverez nommé ,
Par une nouvelle structure ,
Un vêtement que la Naturë ,
elle - même formé ;
A
par
Six , sept , huit , pour nourrir un animal immonde
,
Je prens ma naissance aux Moulins ;
Trois , quatre et six , je crois aux Champs comme
aux Jardins ,
Et j'orne l'Ecusson du plus grand Roi du monde.
Cinq , deux , trois , sept et huit , je suis le nom
fameux ,
D'un Legislateur de la Grece ,
En Latin, six, deux , trois, je donne idée expresse
De l'Astre le plus lumineux .
Huit et quatre , avec trois , d'une Terre lointaine,
J'entretiens la fécondité.
Alors renversez-moi je deviendrai la graine ,
Dne herbe qu'on ourdit avec dexterité.
Trois , quatre , sept et huit , sans être épouvanté,
Qui pourra soutenir ma rage meurtriere ,
Et le bruit affreux de ma voix ?
Trois , sept , deux , avec huit , près de l'Orleannois
,
Je suis le nom d'une Riviere.
Ommunément je suis d'une humeur vaga+
C
bonde ;
Je porte un nom décrédité ,
Et fort méprisé dans le monde.
Lorsque je suis joli ( c'est une rareté. )
Je fais pourtant plaisir dans la societé .
Or pour me deviner il faut que l'on arrange ,
Huit lettres; écoutez, voici comme on les change.
Otez-en la troisiéme et je suis à l'instant ,
Tout-à-fait d'une autre figure ,
Toujours maigre de ma nature ;
Plus , ôtez la cinquième et je puis aisément
Vous enlever la vie ,
Si l'on ne m'arrête soudain ;
Un , quatre , cinq, sept , huit , je vous nomme
un Romain ,
Du
1738 MERCURE DE FRANCE
Du tems de l'Epoux de Livie.
Retranchez de mon tout ma seconde partie ,
Je suis dans tous les lieux aimé ,
Puis dans ce mot vous trouverez nommé ,
Par une nouvelle structure ,
Un vêtement que la Naturë ,
elle - même formé ;
A
par
Six , sept , huit , pour nourrir un animal immonde
,
Je prens ma naissance aux Moulins ;
Trois , quatre et six , je crois aux Champs comme
aux Jardins ,
Et j'orne l'Ecusson du plus grand Roi du monde.
Cinq , deux , trois , sept et huit , je suis le nom
fameux ,
D'un Legislateur de la Grece ,
En Latin, six, deux , trois, je donne idée expresse
De l'Astre le plus lumineux .
Huit et quatre , avec trois , d'une Terre lointaine,
J'entretiens la fécondité.
Alors renversez-moi je deviendrai la graine ,
Dne herbe qu'on ourdit avec dexterité.
Trois , quatre , sept et huit , sans être épouvanté,
Qui pourra soutenir ma rage meurtriere ,
Et le bruit affreux de ma voix ?
Trois , sept , deux , avec huit , près de l'Orleannois
,
Je suis le nom d'une Riviere.
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