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1
p. 153-182
STANCES Sur la vie champêtre.
Début :
Celebrons les destins prosperes [...]
Mots clefs :
Stances, Champêtre, Fruits, Trompette, Conscience, Alarmes, Mépris, Envie, Courtisans, Blé
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texteReconnaissance textuelle : STANCES Sur la vie champêtre.
STANCES
Sur U/vie chtmpétreb CElebrons les destin
• •
prosperes
D'un homme exempt de
soins fâcheux,
Qui content des champs
de ses peres,
Les laboure avecque -
fe*
boeufs,
Et qui loin des mpllç^dc.
lices,
Ignorant jusquau;$ojpi4ei
vices
Qui tiennent. nos sens en.
^chantez,j Vit encore au siecle ou
nous sommes,
j A l'exemple des pjemierj
hommes,
Des fruits qu'il n'a pas achej
tez.
-' ,.,',
Jamais le {on, de la trom-,
Ne,. ic fait
pette Nh Nelefait monter a-c
val
Ilne craint pointd'une dé-*
faite
Le succés funeste &fatal;
Il n'entend point le bruit
des armes,
JSa c;onscience est sans alar- mes. -Y
Sans peine il obeïtaux loix,
Et couvert de son inno.
cence,
Prend le repos en affurance,
Qu'on ne trouve point chez
les Rois.
La mer, quand un funeste
orage
--0-'
Ouvre sesabîmes affreux,
Nelui pouvant porterdommage,-
Ne l'oblige point à,del
voeux ;
Il ne voit point couler sa vic
Parmi le mépris ou l'envie
De ceux qui fonda cour
,
aux Grands;
Mai-s auiE d'uneaudace folle ;-
Il n'insulte point à l'idole -
Qu'adorent lesvainscour
tisans..
Il n'a point desperance
..,Yaia.e»
Ni de crainte sansfondefIhleast
siannms1eeennvtjie & fan», A l'égard du Gouvernemet
tIl rneèconssulte,point les as- Afin de prévoir les desastres
Dont l'Etat peut être acca.
blé:
Mais seulementafin d'ap-
, prendre
-- Le temps qu'il est besoin
d'attendre
Pour femer oucouper fou
blé.
Ne s'arrêtant à rien d'indi
gne
DD''ooccccuuppeerrlelepepnenlseerr hhuu-.
main, *
Il a foin de cailler savi
gne --.f
Par un tefmepsrpauir;ncl;air Et si quelque fepdegenc|
Soudain sur letronc il
m
, fere
La greffe qu'il a prise ail
t>-° leurs, >. ",>i
Et coupant le bois inutile4
Il rend son vignoble fer
tile,
Et des vins il a les meiU
leurs.
Il contemple la terreornée
Derémail éclatant des
fleurs,
Que les plus beaux jours
de l'année
Ont peintes de mille cou*
leurs ;
Sur les côteaux & dans la
plaine,
Sans tenir de route certaine
Ses boeufs errant confufément,
Il prend plaisir à leur voir
paître
L'herbage que la nuit fais naître !
JEc renouvelle incessam-
1 - ment. ut. De la ruche chassant l'a-
; beille,
Dans ses magasins precieux
ïï trouve une manne pareille
Au doux mets que; l'on fer
aux Dieux. 4
Quandl'impctueux ven
,.t deThrace
Au zephire cede la place,
Il tond ses-paisibles brebis, i
E
>
Etméprisant l'or& ht
foye, '1. Leurs simples toisons il employe
:.:- A faire ses plus beaux habics.
t
j
Quand le démon de la lu-,
miere
Commence en faveur de
la nuit
D'accourcir sa vaste ca*rr
riere,
Etqu'aux fleurs succede le
,
fruit
Pour nourrir sa, chere £a»
mille
Il fait tomberfous lafaudfl
Les moissons qui dorei
leschamps, Sans quoy nôtre ennuyeu
.c, , vie -'
Se verroit encore aflgrvie
Au grossier ufagedesglari
Les jours qu'onintçrrotnj
': , ';
la peine ( Que le travail donne au
mortels,
Il prend un livre,ou se pfe
? mene, Quand il a servi les autels
Et lorsquela cigalechai^u
Qu'avecle jour le cKâtis'augmente
,
:$ous
-
un orme au feuillage
,
t, épais
Etendu doucement (àr
l'herbe,
Qui lui tient lieu d'un lie
superbe,
Lorsquetoutbrûle il pren!Jd
--, le frais.
Là nul repentir ne 1âigitfc,
Il joüit d'un profondre-
., j,..1 ¡.' 1
,
pos, : Comme un lac qu'aucun
ventn'irrite, ' Et dont rien n'alerte les
, n: ¡ i, .) lfots- £csi lemurmure agréable
De l'eau qui roule surle là*
ble
Le provoque enfinau
meilj
ilne fait point de mauvais
,:
songes,
Etjamaisleurs tristesmensonges
Ne le fâchent à son réveil.
Quand l'humide & fertile
autonne,
Qui du jour tempere les
feux,
De ses riches fruits se coifc
ronne,
Achevant de remplir ilq$
teeux,
Soigneuxillescüeille &les
serre,
Pour en user lorsque la terct
Met fin àses productions,
A lasage fourmis semblable,
Pui durant l'esté favorable
Amasse ses provisions.
jCeft alors que la vigne ploye '(
Sous ce fruit doux & précieux
,
iDont la liqueur donn^te
,
Joye"
Et bannit, les soins eiv
nuyeux; Et qu'attentifà son mén-â.,
Nuôtresheauregguxe meettant et;. Cuves,&panier?&co& teaux, c
On coupe, on presse la
dange,
LLreevaviinInJ cçoozuulleeetandisqu'o?n- Et quel'onremplitleston
neaux.
L'hyver,qui toujoursfroi
,.&pae
Effacetantde doux appas aux beaux jours la nature
étalé,
:-
L'occuppe,&ne
& ne ll'aattttrriisfstee , pas:
"JTil a des terres inutiles,
Couvertes debuissons Viles,
Illès fait alors défricher-
Oncoupe d'unehache forte
Unhêtredont la cime
Sert morte aux oiseaux à se percher.
D'un soin diligent iltravaille
:
Àla clôture deieschamps
Ouredresse un pap. demu
raille
Tombé par l'injure de
temps: Parfois d:unemainvigou
:
reuse,
-
Sans s'épargnerlui-même
il creuse
Un fasïe deterrecomblé
Et parune voyeinsensible
Tire l'humidité nuisible
Qui croupit & gâte son blé - Ainsi son esprit fuit les vi- cies En évitant i'ojfïveté-f JLinfi
ifcinn par divers exercices
Son corps se maintient en
santé:
Tantôt il dissipe à la chasse
La pesanteur qui le menace,
Et marque un desordre aux
Il humeurs;
Tantôt en repos il contemple
Leeesxxveeretumsmqup'ilpplreln,depour
En lacôduite de ses moeurs.
L'ame qu'occupent de la
forte
Ces soins frequens ,
hbo-
: rieux,
Na-t-elle pas fermé la porce
A mille pensers ennuyeux?
Ces tristesfleaux de la vie,
Le soupçon, la crainte
l'envie,
Les querelles & les procès
Les vains desirs, les amour; soles, Enfin cent passions frivole
Nc'yépeuvsentsplus avoir ac
Que si sa compagne pudi
que
Comme lui suivant la rai son,
Avec diligence s'applique
A bien gouverner la mai.
son,
Chaque jour il experimente
Que la sage concorde augmente,
Et fait croître les moindres
," -: biens,
Commela discorde au con- - traire,
Encor que d'ailleurs tout
prospere,
Piffipe les plus grands
* moyens.
Par cette union qui les lie
11 voit plus avec plufieurr
yeux, R ij
Il semble qu'il se multi*
plie,
Il ell: à la fois en deux lieur,
Ce couple au-dessus detout
blâme,
.1 N'a qu'une volonté, qu'une:
.: ame
Qui regit deux coeurs à la
fois,
Contre l'ordre de la nature
Une amour conjugale(&
w", pure
Estant plus forte que fë
,
ioix;.
Quandparsa bonté pater*
v* nelle
Le Ciel, auteur des chastes
noeuds,
Benissat leur couche fidelle,
Donne des enfans à leurs
voeux,
Leur mere est aussi leur
1
nourrice,
Et sans que rien l'en divertisse
Elle les éleve avec soin,
Sedéfiant d'une étrangere
Dont l'affection passagere
Leur pourroit manquer au
besoin.
Queceux qui éprouvent
avouent
Qu'il est charmé, qu'il est ravi
Lorsque ses chers enfans se
-' joüent,
Et le caressent à l'envi:
L'un d'une façon tendreet
molle
Avec ses petits bras fac-:
cole, -
L'autre s'en plaint, en est jaloux: :.
Chacun doucement letourmente
Tantqu'à , la fin il les contente,
Les embrasse & les cherit
tous.
Les troupeauxmugissent ôc
bêlent.
Cependant sur la fin du jour
Les longs abois des chiens
se mêlent
Au bruit qu'ils font à leur
retour: Aussitôt chaque domefti-»
que
A faire son devoir s'appli-
, que,
Les valets découplent les
boeufs,
Les femmes promptes ôc
fidelles
Des vaches pressent les
mammelles,
Et tirent le lait Savoureux.
Que c'est un fpeaaclo
agreable
De voir au soir les gens bien
las \,
Se presserl'un l'autre à la
table,
Et prendre gaiment leur
repas,
Dont la viande est aflaifcnnée
Dnu seéul treavail de la jour- :
Mais qui lui donne un goût
't
-
sibon, ,-
Que ces mets que la friandise
En cent & cent façons déguise
Sont fades encomparaison.
Ces gens à la mine funeste,
Qui pour des intérêts legers
Font pis que le fer & U
peste,
Et font courre mille dangers,
Ne viennent: point en sa
contrée,
D'un long espace separée
Des grandets &enozbles;ci- Ces noirs ennemis de la
&: joye:
Faf isans d'ordinaire leur
proye
Aux lieux riches &frequeoî
tez. I
Comme aucun violentora.
ge (
Ne bat la fleur de son printemps,
- Il ne sent nul cruel ravage
Dans le froid hyver de ses
ans;
-
Des maux qu'apporte la
vieillesse
il ne sent qu'un peudefoi-
'- blesse, A
Il n'est ni gouteux, ni perclus
,
Etprêt de passer l'onde
noire,
Il possede par la memoire
Les biens qu'il ne poffcdCt
plus.
Ses jours passez dans l'in-
,
nocence
Lui reviennent devant les
yeux,
L'avenir n'a rien qui lof.
sense,
Il ne craint point l'ire des
Dieux,
Par orgueil ni par avarice
Il n'a jamais fait d'injus-
;
tice,
Et ne laisse à ses [uccetreuri
Que les héritages champêtres
Qu'il a reçus de leurs ancetres,
Avec l'exemple de ses0
moeurs.
Quand il vient à perdre le
reste,
Par un progrès facile & lent'
De cette humeur douce &
celeste :.J
Que la chaleur va confîimant
j
Il voit, sans se troubler
ni
craindre,
JDe ses jours la clarté sç*
teindre,
Comme on voit coucher le
Soleil,
Et passe au repos de la tonu
be
Àussi doucement que l'on
tombe
Aux bras languissans ckl
sommeil.
Ainsi Tyrsis fit la peinture1
D'un homme retiré chez
lui, 1 Qui vivant selon la nature,
Voit couler ses jours sans
ennui»
Cette douce &, paisible
vie
Sur l'heure fit venir l'envie.
A plusieurs de se retirer
De la Cour pleine d'amer.
- tume:
,
Mais la force de la coûtu-
— me - - "i
1
Les obligea d'y demeurer.
Sur U/vie chtmpétreb CElebrons les destin
• •
prosperes
D'un homme exempt de
soins fâcheux,
Qui content des champs
de ses peres,
Les laboure avecque -
fe*
boeufs,
Et qui loin des mpllç^dc.
lices,
Ignorant jusquau;$ojpi4ei
vices
Qui tiennent. nos sens en.
^chantez,j Vit encore au siecle ou
nous sommes,
j A l'exemple des pjemierj
hommes,
Des fruits qu'il n'a pas achej
tez.
-' ,.,',
Jamais le {on, de la trom-,
Ne,. ic fait
pette Nh Nelefait monter a-c
val
Ilne craint pointd'une dé-*
faite
Le succés funeste &fatal;
Il n'entend point le bruit
des armes,
JSa c;onscience est sans alar- mes. -Y
Sans peine il obeïtaux loix,
Et couvert de son inno.
cence,
Prend le repos en affurance,
Qu'on ne trouve point chez
les Rois.
La mer, quand un funeste
orage
--0-'
Ouvre sesabîmes affreux,
Nelui pouvant porterdommage,-
Ne l'oblige point à,del
voeux ;
Il ne voit point couler sa vic
Parmi le mépris ou l'envie
De ceux qui fonda cour
,
aux Grands;
Mai-s auiE d'uneaudace folle ;-
Il n'insulte point à l'idole -
Qu'adorent lesvainscour
tisans..
Il n'a point desperance
..,Yaia.e»
Ni de crainte sansfondefIhleast
siannms1eeennvtjie & fan», A l'égard du Gouvernemet
tIl rneèconssulte,point les as- Afin de prévoir les desastres
Dont l'Etat peut être acca.
blé:
Mais seulementafin d'ap-
, prendre
-- Le temps qu'il est besoin
d'attendre
Pour femer oucouper fou
blé.
Ne s'arrêtant à rien d'indi
gne
DD''ooccccuuppeerrlelepepnenlseerr hhuu-.
main, *
Il a foin de cailler savi
gne --.f
Par un tefmepsrpauir;ncl;air Et si quelque fepdegenc|
Soudain sur letronc il
m
, fere
La greffe qu'il a prise ail
t>-° leurs, >. ",>i
Et coupant le bois inutile4
Il rend son vignoble fer
tile,
Et des vins il a les meiU
leurs.
Il contemple la terreornée
Derémail éclatant des
fleurs,
Que les plus beaux jours
de l'année
Ont peintes de mille cou*
leurs ;
Sur les côteaux & dans la
plaine,
Sans tenir de route certaine
Ses boeufs errant confufément,
Il prend plaisir à leur voir
paître
L'herbage que la nuit fais naître !
JEc renouvelle incessam-
1 - ment. ut. De la ruche chassant l'a-
; beille,
Dans ses magasins precieux
ïï trouve une manne pareille
Au doux mets que; l'on fer
aux Dieux. 4
Quandl'impctueux ven
,.t deThrace
Au zephire cede la place,
Il tond ses-paisibles brebis, i
E
>
Etméprisant l'or& ht
foye, '1. Leurs simples toisons il employe
:.:- A faire ses plus beaux habics.
t
j
Quand le démon de la lu-,
miere
Commence en faveur de
la nuit
D'accourcir sa vaste ca*rr
riere,
Etqu'aux fleurs succede le
,
fruit
Pour nourrir sa, chere £a»
mille
Il fait tomberfous lafaudfl
Les moissons qui dorei
leschamps, Sans quoy nôtre ennuyeu
.c, , vie -'
Se verroit encore aflgrvie
Au grossier ufagedesglari
Les jours qu'onintçrrotnj
': , ';
la peine ( Que le travail donne au
mortels,
Il prend un livre,ou se pfe
? mene, Quand il a servi les autels
Et lorsquela cigalechai^u
Qu'avecle jour le cKâtis'augmente
,
:$ous
-
un orme au feuillage
,
t, épais
Etendu doucement (àr
l'herbe,
Qui lui tient lieu d'un lie
superbe,
Lorsquetoutbrûle il pren!Jd
--, le frais.
Là nul repentir ne 1âigitfc,
Il joüit d'un profondre-
., j,..1 ¡.' 1
,
pos, : Comme un lac qu'aucun
ventn'irrite, ' Et dont rien n'alerte les
, n: ¡ i, .) lfots- £csi lemurmure agréable
De l'eau qui roule surle là*
ble
Le provoque enfinau
meilj
ilne fait point de mauvais
,:
songes,
Etjamaisleurs tristesmensonges
Ne le fâchent à son réveil.
Quand l'humide & fertile
autonne,
Qui du jour tempere les
feux,
De ses riches fruits se coifc
ronne,
Achevant de remplir ilq$
teeux,
Soigneuxillescüeille &les
serre,
Pour en user lorsque la terct
Met fin àses productions,
A lasage fourmis semblable,
Pui durant l'esté favorable
Amasse ses provisions.
jCeft alors que la vigne ploye '(
Sous ce fruit doux & précieux
,
iDont la liqueur donn^te
,
Joye"
Et bannit, les soins eiv
nuyeux; Et qu'attentifà son mén-â.,
Nuôtresheauregguxe meettant et;. Cuves,&panier?&co& teaux, c
On coupe, on presse la
dange,
LLreevaviinInJ cçoozuulleeetandisqu'o?n- Et quel'onremplitleston
neaux.
L'hyver,qui toujoursfroi
,.&pae
Effacetantde doux appas aux beaux jours la nature
étalé,
:-
L'occuppe,&ne
& ne ll'aattttrriisfstee , pas:
"JTil a des terres inutiles,
Couvertes debuissons Viles,
Illès fait alors défricher-
Oncoupe d'unehache forte
Unhêtredont la cime
Sert morte aux oiseaux à se percher.
D'un soin diligent iltravaille
:
Àla clôture deieschamps
Ouredresse un pap. demu
raille
Tombé par l'injure de
temps: Parfois d:unemainvigou
:
reuse,
-
Sans s'épargnerlui-même
il creuse
Un fasïe deterrecomblé
Et parune voyeinsensible
Tire l'humidité nuisible
Qui croupit & gâte son blé - Ainsi son esprit fuit les vi- cies En évitant i'ojfïveté-f JLinfi
ifcinn par divers exercices
Son corps se maintient en
santé:
Tantôt il dissipe à la chasse
La pesanteur qui le menace,
Et marque un desordre aux
Il humeurs;
Tantôt en repos il contemple
Leeesxxveeretumsmqup'ilpplreln,depour
En lacôduite de ses moeurs.
L'ame qu'occupent de la
forte
Ces soins frequens ,
hbo-
: rieux,
Na-t-elle pas fermé la porce
A mille pensers ennuyeux?
Ces tristesfleaux de la vie,
Le soupçon, la crainte
l'envie,
Les querelles & les procès
Les vains desirs, les amour; soles, Enfin cent passions frivole
Nc'yépeuvsentsplus avoir ac
Que si sa compagne pudi
que
Comme lui suivant la rai son,
Avec diligence s'applique
A bien gouverner la mai.
son,
Chaque jour il experimente
Que la sage concorde augmente,
Et fait croître les moindres
," -: biens,
Commela discorde au con- - traire,
Encor que d'ailleurs tout
prospere,
Piffipe les plus grands
* moyens.
Par cette union qui les lie
11 voit plus avec plufieurr
yeux, R ij
Il semble qu'il se multi*
plie,
Il ell: à la fois en deux lieur,
Ce couple au-dessus detout
blâme,
.1 N'a qu'une volonté, qu'une:
.: ame
Qui regit deux coeurs à la
fois,
Contre l'ordre de la nature
Une amour conjugale(&
w", pure
Estant plus forte que fë
,
ioix;.
Quandparsa bonté pater*
v* nelle
Le Ciel, auteur des chastes
noeuds,
Benissat leur couche fidelle,
Donne des enfans à leurs
voeux,
Leur mere est aussi leur
1
nourrice,
Et sans que rien l'en divertisse
Elle les éleve avec soin,
Sedéfiant d'une étrangere
Dont l'affection passagere
Leur pourroit manquer au
besoin.
Queceux qui éprouvent
avouent
Qu'il est charmé, qu'il est ravi
Lorsque ses chers enfans se
-' joüent,
Et le caressent à l'envi:
L'un d'une façon tendreet
molle
Avec ses petits bras fac-:
cole, -
L'autre s'en plaint, en est jaloux: :.
Chacun doucement letourmente
Tantqu'à , la fin il les contente,
Les embrasse & les cherit
tous.
Les troupeauxmugissent ôc
bêlent.
Cependant sur la fin du jour
Les longs abois des chiens
se mêlent
Au bruit qu'ils font à leur
retour: Aussitôt chaque domefti-»
que
A faire son devoir s'appli-
, que,
Les valets découplent les
boeufs,
Les femmes promptes ôc
fidelles
Des vaches pressent les
mammelles,
Et tirent le lait Savoureux.
Que c'est un fpeaaclo
agreable
De voir au soir les gens bien
las \,
Se presserl'un l'autre à la
table,
Et prendre gaiment leur
repas,
Dont la viande est aflaifcnnée
Dnu seéul treavail de la jour- :
Mais qui lui donne un goût
't
-
sibon, ,-
Que ces mets que la friandise
En cent & cent façons déguise
Sont fades encomparaison.
Ces gens à la mine funeste,
Qui pour des intérêts legers
Font pis que le fer & U
peste,
Et font courre mille dangers,
Ne viennent: point en sa
contrée,
D'un long espace separée
Des grandets &enozbles;ci- Ces noirs ennemis de la
&: joye:
Faf isans d'ordinaire leur
proye
Aux lieux riches &frequeoî
tez. I
Comme aucun violentora.
ge (
Ne bat la fleur de son printemps,
- Il ne sent nul cruel ravage
Dans le froid hyver de ses
ans;
-
Des maux qu'apporte la
vieillesse
il ne sent qu'un peudefoi-
'- blesse, A
Il n'est ni gouteux, ni perclus
,
Etprêt de passer l'onde
noire,
Il possede par la memoire
Les biens qu'il ne poffcdCt
plus.
Ses jours passez dans l'in-
,
nocence
Lui reviennent devant les
yeux,
L'avenir n'a rien qui lof.
sense,
Il ne craint point l'ire des
Dieux,
Par orgueil ni par avarice
Il n'a jamais fait d'injus-
;
tice,
Et ne laisse à ses [uccetreuri
Que les héritages champêtres
Qu'il a reçus de leurs ancetres,
Avec l'exemple de ses0
moeurs.
Quand il vient à perdre le
reste,
Par un progrès facile & lent'
De cette humeur douce &
celeste :.J
Que la chaleur va confîimant
j
Il voit, sans se troubler
ni
craindre,
JDe ses jours la clarté sç*
teindre,
Comme on voit coucher le
Soleil,
Et passe au repos de la tonu
be
Àussi doucement que l'on
tombe
Aux bras languissans ckl
sommeil.
Ainsi Tyrsis fit la peinture1
D'un homme retiré chez
lui, 1 Qui vivant selon la nature,
Voit couler ses jours sans
ennui»
Cette douce &, paisible
vie
Sur l'heure fit venir l'envie.
A plusieurs de se retirer
De la Cour pleine d'amer.
- tume:
,
Mais la force de la coûtu-
— me - - "i
1
Les obligea d'y demeurer.
Fermer
Résumé : STANCES Sur la vie champêtre.
Le texte décrit la vie paisible et prospère d'un homme vivant à la campagne, exempt de soucis et de vices. Cet homme cultive les champs hérités de ses pères avec des bœufs, ignorant les plaisirs et les vices des villes. Il ne connaît ni la tromperie ni la défaite, et sa conscience est tranquille. Il obéit aux lois sans peine et trouve repos et sécurité dans son innocence, un luxe que même les rois n'ont pas. Il ne craint ni la mer en tempête ni les dangers de la vie urbaine. Il consulte le gouvernement uniquement pour des questions pratiques, comme savoir quand semer ou récolter. Il travaille avec diligence, greffant les arbres et rendant son vignoble fertile. Il contemple la nature, profite des saisons et des fruits de la terre. Lorsqu'il se repose, il lit ou se promène sous un arbre. Il ne fait pas de mauvais rêves et jouit d'un profond repos. En automne, il récolte et stocke les fruits pour l'hiver. Il défriche les terres inutiles et entretient ses champs avec soin. Il chasse pour dissiper la pesanteur et maintient sa santé par divers exercices. Sa compagne, tout aussi diligente, l'aide à gouverner la maison. Leur union augmente leurs biens et leur bonheur. Ils élèvent eux-mêmes leurs enfants avec soin et amour. Leur vie est remplie de tranquillité et de joie simple, loin des dangers et des passions frivoles. À la fin de sa vie, il passe doucement de la lumière à l'obscurité, sans crainte ni regret. Il laisse à ses héritiers des terres champêtres et l'exemple de ses mœurs. Plusieurs, après avoir entendu cette description, souhaitèrent se retirer de la cour, mais la force de l'habitude les retint.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1908-1912
ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Début :
Muse, raconte moi par quels heureux ressorts, [...]
Mots clefs :
Amour trompeur, Muse, Tyran des morts, Alarmes, Destin, Lois, Furie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
ORPHE' E ,
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
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Résumé : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Le texte 'Orphée et l'Amour trompeur' relate l'histoire d'Orphée, un musicien talentueux, et de son épouse Euridice. Après la mort d'Euridice, Orphée, désespéré, décide de descendre aux Enfers pour la récupérer. Il est initialement encouragé par un ami à utiliser sa musique pour apaiser Pluton, le tyran des Morts. Orphée charme Cerbère, le chien des Enfers, et attendrit Pluton avec sa lyre. Pluton accepte de rendre Euridice à condition qu'Orphée ne la regarde pas avant d'avoir quitté les Enfers. Cependant, Orphée, impatient, viole cette condition et perd à nouveau Euridice. Le texte met en évidence la puissance et la dangerosité de l'amour, qui peut à la fois offrir des joies et causer des souffrances. L'Amour avait initialement aidé Orphée, mais sa constance fut trahie, soulignant ainsi la complexité et l'ambiguïté des sentiments amoureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1916-1919
LA JEUNESSE. CANTATE.
Début :
Dans un songe flateur une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Cantate, Déesse, Amours, Cœurs rebelles, Alarmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. CANTATE.
LA JEUNESSE.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
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Résumé : LA JEUNESSE. CANTATE.
Dans un rêve, le narrateur est séduit par la déesse Jeunesse (Hébé), accompagnée de petits Amours, du Temps et du Printemps. Hébé offre ses dons précieux et commande aux enfants de Cythère de triompher de la raison du narrateur. Après un moment de plaisir intense, une indifférence succède à ses désirs ardents. Hébé conseille alors au narrateur de chasser avec Diane pour ranimer son zèle. À la tombée de la nuit, Bacchus est invoqué pour écarter l'ennui et permettre de profiter des plaisirs de la vie. À son réveil, le narrateur réalise que la déesse a disparu et met en garde les jeunes gens sur la fugacité de la jeunesse, comparée à un songe éphémère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1529-1552
LE PRINCE JALOUX.
Début :
De toutes les passions de l'ame, il n'y en [...]
Mots clefs :
Prince jaloux, Jalousie, Passions de l'âme, Dom Rodrigue, Princesse d'Aragon, Delmire, Amour, Alarmes, Dom Pedre, Conquérir, Infidélité, Maîtresse, Lettre, Amant, Plaisir secret
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PRINCE JALOUX.
LE PRINCE JALOUX.
E toutes les passions de l'ame , il
Da'yenapoint qui se fassent sentir
a
L
avec plus de violence que la jalousie.
Je parle ici de cette jalousie que l'amour
extrême produit ; il s'en faut beaucoup
que celle qui naît de l'ambition se porte
à des excès aussi grands. On a vû des
Rois jaloux de la puissance de leurs Voisins , mettre sur pied des Armées formidables pour envahir leurs Etats , et faire couler des fleuves de sang pour satisfaire leur ambition ; mais ce désir de
s'aggrandir n'alloit que rarement jusqu'à
la haine personnelle ; Alexandre donna
des farmes à la mort de Darius , et Darius lui toucha dans la main en signe d'amitié , sur le point de rendre le dernier
soupir. Il n'en est pas de même de la jadousie des Amans , c'est un mélange d'amour et de haine ; elle peut être définie
differemment selon les differens objets
qu'elle se propose : sçavoir , une crainte
de préférence , ou de partage du cœur de
la personne aimée ; ou une crainte de
préférence ou de partage des faveurs de
la
1530 MERCURE DE FRANCE
la personne aimée ; cette derniere est la
plus injurieuse à l'objet aimé , comme
nous l'allons voir dans l'histoire de Rodrigue , Roi de Valence.
ne furent
$
Les Royaumes d'Arragon et de Valence , qui ne sont aujourd'hui que comme des Provinces de la vaste Monarchie
d'Espagne , avoient jour d'une longue et
profonde paix , sous Dom Alphonse et
sous Dom Fernand , leurs Rois ; mais les
peuples de l'un et de l'autre Royaume
pas si heureux sous le Régne
des Enfans de ces Rois justes et pacifiques. Dom Pedro succeda à Dom Alphonse , et Dom Rodrigue hérita de la
Couronne de Dom Fernand. Dom Rodrigue plus impétueux que Dom Pedro ,
fut le premier à lever l'Etendart de la
guerre , fondé sur des prétextes que l'ambition ne manque jamais de trouver
quand elle veut exercer son empire , si
funeste aux peuples , qui en sont les innocentes victimes. La Fortune , Divinité
aveugle , se déclara d'abord pour la ..use
la plus injuste ; Dom Rodrigue qui fit
les premieres infractions aux traitez de
Paix , long-tems maintenus entre son
pere et celui de Dom Alphonse , porta
ses Conquêtes jusques dans la Capitale
d'Arragon ; Dom Pedro ne pouvant s'opposer
JUILLET. 1732 1537 ་
poser à ce torrent , fut obligé d'aller de mander du secours aux Princes ses Voisins , et le fit avec tant de précipitation
qu'il abandonna sa sœur au pouvoir du
ainqueur ; mais l'Amour entreprit de
réunir deux Rois que l'ambition avoit
divisez.
,
A peine Dom Rodrigue fut entré dans
l'Appartement de Delmire c'étoit le
nom de la Sœur de Dom Pedro , qu'il ne
découvrit que des objets capables de l'attendrir. La Princesse d'Arragon étoit évanouie entre les bras de sa Gouvernante , qui arrosoit son visage d'un torrent
de larmes , ses autres filles poussoient des
gémissemens à percer le cœur le plus insensible ; Rodrigue ne peut soutenir ce
spectacle sans émotion ; mais que devint
il quand il eut jetté les yeux sur l'objet
de ces tristes gémissemens. Il sentit dans
le fond de son cœur un frisson , avantcoureur de sa défaite ; Delmire n'entr'ouvoit un œil mourant que pour allumer
dang, on sein un feu qui ne devoit jamais s'éteindre. Elle ne pût regarder sans
indignation le cruel ennemi de son frere ,
le destructeur de sa Nation , et l'Auteur
de son esclavage ; mais l'air soumis et respectueux avec lequel son vainqueur l'aborda , ne tarda guére à la désarmer.
→Que
32 MERCURE DE FRANCE
Que je suis criminel , s'écria Rodrigue,
» en tombant à ses pieds ! j'ai pû réduire
à cet état pitoyable une Princesse digne
n de l'adoration de tous les Mortels ! Fa-
» tale ambition , à quoi m'as tu porté ?
» et comment pourrai-je expier mon crime ? Delmire ne répondit à ces mots
que par des pleurs ; elle détourna les
yeux , et ayant témoigné qu'elle avoit
besoin de repos , elle obligea Rodrigue
à se retirer , sans sçavoir si son repentir
lui avoit obtenu sa grace. Elle n'étoit pas
loin d'être accordée , cette grace que l'Amour demandoit ; les momens de repos
que Dom Rodrigue venoit de laisser à
son aimable Delmire , lui servirent plutôt à éxaminer le trouble que son ennemi avoit excité dans son cœur , qu'à goûter les douceurs d'un sommeil , que l'agitation de ce jour. fatal sembloit lui rendre nécessaire. Elle sentit des mouvemens
qui lui avoient été inconnus jusqu'alors.
Rodrigue désarmé , Rodrigue prosterné
à ses genoux , Rodrigue repentant cessa
de lui paroître criminel. En vain sa fierté
voulut s'opposer à des sentimens si favorables , elle ne lui parla que foiblement
contre lui , et l'Amour lui imposa bien-
-tôt silence.
Il s'accrut de part et d'autre cet Amour
qui
JUILLET. 1732 1533
"
venoit de naître au milieu des allarmes; la
dissension qui regnoit entre le frere et l'Amant ne diminua rien de la force qu'il acqueroit tous les jours; mais Rodrigue n'en
regla pas les mouvemens comme Delmire. La crainte de perdre ce qu'il aimoit lui
inspira des sentimens de jalousie qui allerent jusqu'à la fureur. Voicy ce qui donna lieu à la naissance de cette passion tyrannique.
Don Pedre , trahi par la fortune , et
ne trouvant pas dans ses Etats des forces
suffisantes à opposer à un ennemi aussi
redoutable que Rodrigue, avoit été réduit
à appeller ses voisins à son secours. Il s'étoit marié , à l'insçu même de sa sœur , et
ce mystere étoit une raison d'Etat ; l'éloignement qu'il témoignoit pour le mariage, laissoit esperer à tous les Princes, dont
le secours lui étoit necessaire , la succession du Royaume d'Arragon qui devoit
appartenir à Delmire , supposé que son
Frere persistât dans le dessein de garder
le célibat. Il n'avoit pas besoin de cette
feinte. Delmire seule , et sans emprunter
l'éclat d'une Couronne , étoit capable de
mettre toute l'Europe dans ses interêts; le
bruit de sa beauté lui avoitfait desAmans,
qui n'attendoient qu'une occasion de se
déclarer pour elle , et de la mettre en liberté de se choisir un Epoux.
D Les
7534 MERCURE DE FRANCE
Les Rois de Castille et de Leon furent
les premiers qui armerent pour elle ; d'autres Princes Souverains suivirent leur
exemple, et le Roy d'Arragon se vit bientôt à la tête d'une armée capable de faire
trembler l'Usurpateur de sa Couronne. Il
ne voulut pourtant en venir aux dernieres extrêmitez qu'après avoir tenté les
voïes de la douceur. Il écrivit à sa sœur ,
et lui fit entendre qu'il ne tiendroit qu'au
Roy de Valence de rendre la paix à toutes les Espagnes , en la renvoïant auprès
de lui , et en lui restituant toutes les Places qu'il avoit conquises dans une guerre
injuste.Delmire ne consultant que son devoir , fit sçavoir les prétentions de son
frere à son Amant, et le pressa de lui rendre la liberté. Que me demandez- vous,
» lui dit Rodrigue? Moi, je pourrois consentir à vous livrer à quelque heureux
» Rival ! Ah ! vous ne connoissez pas
»l'Amour , puisque vous croyez qu'un
cœur véritablement épris , peut ceder
»ce qu'il aime ; mais je m'abuse , pour-
» suivit-il , avec des yeux , que la jalousie
» enflamma d'un courroux dont il ne fut
» pas le maître. Vous ne le connoissez que
>> trop , cet amour qui m'attache à vous,
»et qui vous lie à quelqu'un de mes Ri-
» vaux ; vous brûlez , ingrate , de vous
» éloi-
JUILLET. 1732. 1535
éloigner de moi , pour vous rapprocher
» de celui qui veut vous arracher à mon
» amour , mais ne l'esperez qu'après ma
»mort. Non , je ne vous verrai pas entre
» les bras d'un autre ; et quelques formi-
» dables que soient les apprêts qu'on fait
» pour vous conquerir ; j'en ferai de plus
» grands pour vous conserver. Delmire
fut si surprise de ce premier transport de
jalousie , qu'elle resta quelque temps sans
repartie ; mais voïant son impétueux
Amant prêt à lui faire des reproches encore plus sanglans. » Arrêtez, lui dit elle,
» et n'attribuez mon silence qu'à l'éton-
» nement où votre injustice vient de me
jetter. Quoi ? poursuivit elle, c'est Don
» Rodrigue qui me soupçonne de l'avoir
trompé jusqu'aujourd'hui , qui me croit
capable d'en aimer un autre que lui ; Je
» le devrois , ingrat , continua-t-elle ; et
» vous meriteriez l'infidelité dont vous
» m'accusez. Ces paroles , suivies de quelques larmes qu'elle ne put retenir , rendirent un calme soudain au cœur du Roy
de Valence. » Pardonnez-moi , lui dit-il ,
>> Adorable Delmire , des sentimens que
» je désavouë , et n'en imputez le crime.
» qu'à l'excès de mon amour. C'est cet
» amour, aussi ardent qu'il en fut jamais ,
» qui m'ôtant tout à coup l'usage de la Dij >> rai-
1536 MERCURE DE FRANCE
» raison , ne m'a pas permis de vous ca-
» cher l'affreux désespoir où votre perte
» me réduiroit. Vous me la rendez cette
» raison ; elle m'éclaire sur l'injustice de
» mes prétentions ; si la guerre vous à fai29
te ma prisonniere , l'amour m'a fait vo-
»tre esclave ; oüi , ma raison me fait voir
que j'aurois dû vous laisser maîtresse
» de votre destin , dès le moment que je
» vous ai adorée. Vous pouvez partir, je ne
» vous retiens plus ; vous pouvez vous
> donner à l'heureux mortel à qui le Roy
>> votre Frere vous réserve; et quand vous
» vous seriez destinée vous- même à ce
»Rival , que j'abhorre sans le connoître
» ce ne seroit pas à moi à m'opposer au
penchant de votre cœur ; mais quelque
» soit celui qui doit posseder tant de
»charmes, qu'il ne se flatte pas que je
» le laisse tranquillement jouir d'une fé-
» licité où il ne m'est plus permis d'as-
»pirer votre frere a résolu ma mort
» mais je la rendrai fatale à votre Epoux ;
>> ma haine est aussi forte pour lui , que
» mon amour pour vous ; je ne respire
»que vengeance ; et je confonds dans ma
fureur tous les Princes du monde ; je les
regarde tous comme les Usurpateurs de
mon Trésor ; ces transports qui redoubloient à chaque instant , et dans le tems
>>
même
JUILLET. 1732 1537
même qu'il sembloit se repentir de les
avoir fait éclater , jetterent une douleur
mortelle dans le cœur de la tendre Delmire. » Ah! Seigneur , lui dit- elle , pour-
» quoi faut- il que vous m'aimiez ? que je
vais vous rendre malheureux ! je vois
» trop que le poison de la jalousie se ré-
» pandra sur tous les jours de votre vie, et
qu'il troublera votre tranquillité et la
»mienne ; cependant que dois- je faire
» dans la triste situation où je me trouve?
» dites-moi la réponse que je dois faire au
»Roy d'Arragon : Eh ! puis-je balancer
» un moment à la faire moi- même , lui
» dit l'impetueux Rodrigue ; qu'il vous
>> donne à moi , et qu'il reprenne tout ce
» que la victoire m'a fait conquerir sur
» lui ; je lui abandonne tout , et ce sa-
»crifice iroit jusqu'au don de ma Cou
ronne, si je ne la regardois comme vo-
» tre bien ; mais qu'il ne m'oblige pas
Ȉ reprendre les armes , par la honte
» d'un refus , que j'irois expier dans son ور «sang.
Cet amour , qui tenoit de la fureur , fit
trembler Delmire ; elle comprit bien que
Ja jalousie de son Amant ne finiroit qu'avec sa vie. Pour en calmer les transports ,
elle lui promit de ne rien oublier pour
porter le Roy d'Arragon à un Hymen
D iij qui
1538 MERCURE DE FRANCE
qui les rendroit tous deux infortunez.
Élle fit réponse à son frere avec les plus.
vives expressions que l'amour pût lui.
suggérer. Elle communiqua sa Lettre au
jaloux Rodrigue; il y en ajouta une de sa
main, qui n'étoit pas moins forte, et dont
Delmire auroit été charmée, si elle eût pû
se cacher que ce même amour qui s'exprimoit si tendrement , dégénéroit en implacable couroux , dès qu'il craignoit de
perdre l'objet aimé.
Les engagemens que Don Pedre avoit
pris avec ses Alliez, ne lui permettant pas
de faire assez- tôt une réponse positive aux
propositions de Don Rodrigue , réveil
lerent la jalousie de ce dernier ; il ne dou
ta point que sa perre ne fut résoluë ; il fit
de nouveaux préparatifs de guerre il écla❤
ta en reproches contre la malheureuse
Delmire ; il la soupçonna d'avoir part à
des retardemens qui lui annonçoient un
refus ;elle en soupira , elle en gémit, mais
le mal étoit sans remede ; elle aimoit
trop cet ingrat , qui l'accusoit d'en aimer
un autre. Elle redoubla ses empressemens
auprès de son Frere , et le fit avec tant de
succès , que la paix fut concluë entre les
deux Rois ennemis , et l'hymen arrêté
entre les deux Amans.Cette agréable nouvelle répandit une joie universelle dans
les
JUILLET. 1732. 1539
les Royaumes de Valence et d'Arragon ;
Rodrigue se livra tout entier à la douce
esperance de posseder bien-tôt sa chere
Princesse ; la seule Delmire s'abandonnoit à la douleur , tandis que tout ne res
piroit que bonheur ; elle n'ouvroit son
cœur qu'à deux de ses confidentes , dont
l'une avoit pris soin de son enfance , et l'autre vivoit dans une très-étroite familiarité avec elle. La premiere s'appelloit
Théodore , et l'autre Délie ; je les nomme
toutes deux , parce qu'elles doivent avoir
part à la suite de cette histoire ; Théodore lui conseilloit de fermer les yeux sur
tous les malheurs dont la jalousie de Rodrigue sembloient la menacer ; Délie au
contraire n'oublioit rien pour la détourner d'un hymen que cette affreuse jalou
sie lui rendroit funeste. L'un et l'autre
conseil partoient d'un cœur bien intentionné , mais la triste Delmire ne sçavoit lequel elle devoit suivre pour être
heureuse , l'amour avoit déja décidé de
son sort ; elle ne laissa pas de se précau
tionner autant qu'il dépendoit d'elle
contre les suites que pourroit avoir un
engagement qui devoit durer autant que
sa vie. Elle fit promettre à Don Rodrigue de se guérir de sa jalousie , et ne lui
promit de l'épouser qu'à cette condition.
D iiij Don
1540 MERCURE DE FRANCE
Don Rodrigue lui jura de n'être plus
jaloux. » Je ne l'étois, lui dit-il , que parce
» que je craignois de vous perdre ; vous
» serez bien-tôt à moi ; qu'ai-je à crain-
» dre ? Non , ajouta t- il, plus de défiance,
» Delmire se donne à moy , rien ne peut
» me la ravir , sa foy me rassure contre
toutes les prétentions de mes Rivaux;
» je suis le plus heureux de tous les hom-
» mes , et ma félicité me rend à jamais
❤ tranquille.
Ces belles protestations , qu'il croyoit
aussi constantes que l'amour qui les lui
dictoit , ne tinrent pas contre le premier
sujet qu'il crut avoir de se défier de son
Amante: Voicy ce qui y donna occasion .
La Duchesse du Tirol , tendre amie de
la Princesse d'Arragon , dont elle avoit
vivement ressenti l'absence depuis que le
Roy de Valence l'avoit faite prisonniere ;
n'eût pas plutôt appris que la paix étoit conclue entre les deux Couronnes , et que
sa chere Delmire en alloit porter une ,
qu'elle lui écrivit pour lui témoigner la
part qu'elle prenoit à son bonheur , et
pour la prier de lui accorder la permission de venir à Valence, pour être témoin
d'un hymen qui faisoit la félicité de deux
Peuples. Delmire s'enferma dans son cabinet pour lui faire réponse ; elle avoit
pris
JUILLET. 1732. 1541
pris la précaution de deffendre que personne la vint troubler. L'amoureux Rodrigue se presenta à la porte de son appartement , dans le temps qu'elle achevoit sa Lettre ; quoique les ordres qu'elle
ávoit donnez qu'on la laissât seule , ne
fussent pas pour lui , Délie , celle de ses
Dames qu'elle affectionnoit le plus , et
qui n'approuvoit pas son hymen , à cause des suites fâcheuses qu'il pouvoit
avoir pour sa chere Maîtresse , eut la malice de vouloir mettre sa jalousie à l'épreuve , et lui dit que la Princesse ayant
des dépêches secretes à faire , avoit deffendu , sans excepter personne , qu'on
laissât entrer dans son appartement, »> Ces
» deffenses ne sont pas apparemment pour
»un Royqui doit bientôt être son Epoux,.
répondit D. Rodrigue , avec un souris.
» forcé , et je crois pouvoir prétendre à
>> l'honneur de sa confidence. Délie affecta
encore plus d'empressement. à l'empêcher d'entrer pour lui donner de plus:
grands soupçons; elle n'y réussit que trop
bien. D. Rodrigue avala à longs traits le
poison que cette artificieuse fille lui avoit
préparé ; il entra tout transporté , mais à.
peine eut-il apperçu Delmire que le res--
pect, que sa presence lui inspiroit, suspendit les mouvemens tumultueux qui ve
D v noient
1542 MERCURE DE FRANCE
1
noient de s'élever dans son ame; il se rapella la promesse qu'il lui avoit faite , de
n'être plus jaloux ; et la voïant attentive à
la Lettre qu'elle écrivoit , il s'avança sans
bruit et sans crainte d'être vû , attendu
qu'elle lui tournoit le dos; mais une glace
sur laquelle Delmire jetta les yeux et à
laquelle ce Prince jaloux ne fit nulle attention , tant il étoit occupé de ses soupçons , trahit le dessein qu'il avoit de lire
ce que la Princesse écrivoit. Delmire ne
l'eût pas plutôt apperçu qu'elle serra brusquement sa Lettre; et se tournant vers lui,
elle se plaignit du dessein qu'il avoit de la
surprendre. D. Rodrigue ne sçut d'abord
répondre à ce reproche; il craignoit
de faire entrevoir sa jalousie ; il lui demanda pardon de la liberté qu'il avoit
prise decontrevenir à des ordres qui peutêtre n'étoient pas moins pour lui que
pour tous les autres, quoique le nœud qui
devoit les unir à jamais le mit en droit
de se croire excepté. »Ce droit n'est pas
»encore si sûr que vous le
que
lui pensez ,
répondit Delmire, avec une petite émo-
»tion de colere, puisqu'il n'est fondé que
sur un hymen , auquelje n'ai consenti
»que conditionnellement; avez vous oubiié quelles sont nos conventions ? Vous
>m'avez promis de n'être plus jaloux ;
moi
JUILLET. 1732. 1543
moi,jaloux, s'écria D. Rodrigue;voulez-
» vous me faire un crime d'un mouvement
» de curiosité qui ne tire nullement à con-
» séquence. Eh bien , je vous en croi , lui
» répondit Delmire ; mais comme cette
»curiosité m'a induite à vous soupçonner d'infraction de traité , c'est par
» même que je veux vous punir ; pér-
» mettez donc que je ne la satisfasse pas ;
» vous ne sçauriez mieux me prouvervo
là
tre innocence ; le sacrifice que je vous
» demande n'est pas grand , et si vous
» sçavicz à qui s'addresse cette Lette que
» vous avez voulu lire à mon insçu , vous
» ne balanceriez pas un moment à m'ac-
» corder ce quej'exige de vous ; j'y sous-
» cris sans repugnance , lui répondit Ro
>> drigue , malgré l'envie secrette qu'il
» avoit d'apprendre ce que contenoit cette
» Lettre mysterieuse , que Delie lui avoit
» renduë suspecte ; vous me comblez de
» plaisir , lui dit Delmire, et je commen
ce à bien augurer de votre amende
» ment.
Elle demeura ferme dans sa résolution ,
quoique Rodrigue ne laissât pas de lui
faire entrevoir le desir qu'il avoit de sça--
voir ce qu'elle venoit d'écrire ; ils se sé→
parerent assez satisfaits l'un de l'autre en
apparence ; mais Rodrigue nourrissoit
Dvj dans
1544 MERCURE DE FRANCE
"
4
dans le cœur une inquiétude qu'il lui
falloit dévorer aux yeux de sa Princesse;
elle ne l'eut pas plutôt quitté , qu'il ne
songea qu'aux moyens de s'éclaircir d'un
doute qui troubloit son repos.
Il avoit , pour son malheur , un Confident qui flatoit sa jalousie , parce qu'il
n'étoit jamais plus en faveur auprès de
son Maître , que lors qu'il faisoit quelque
découverte qui l'entretenoit dans son
amoureuse défiance. Cette peste de Cour
s'appelloit Octave. Dom Rodrigue ne lui
eut pas plutôt communiqué ce qui venoit de se passer entre Delmire et lui ,
que ce dangereux Courtisan lui avoüa
qu'il croyoit que cette Lettre que la Princesse avoit écrite à son insçu , s'adressoit
à quelque Rival caché ; il s'offrit à l'intercepter ; Dom Rodrigue lui promit une
récompense proportionnée à ce service ;
mais comme il craignoit d'offenser sa Princesse , il lui ordonna d'éviter l'éclat dans
la commission dont il se chargeoit. Octave lui dit qu'il pouvoit s'en reposer sur
sa dexterité , et le quitta pour aller se
préparer à cette expedition.
Delmire , contente du petit sacrifice
que son Amant venoit de lui faire , chargea Délie de remettre le Billet qu'elle venoit d'écrire entre les mains de celui qui
lul
JUILLET.- 17328 1545
lui avoit apporté la Lettre de la Duchesse
de Tirol ; c'étoit un Amant de Delie ,
qui s'appelloit Florent. Elle executa les ordres de sa Maîtresse ; mais comme les
Amans ont toûjours quelque petit reproche à se faire , Florent ne voulut point
s'éloigner de Délie , sans se plaindre de
son indifference : Est-il possible , lui
dit - il que l'amitié soit plus empres-
»sée que l'Amour ? La Duchesse de Tirol
» n'a pas plutôt appris que le commerce
» n'est plus interrompu entre les Peuples
d'Arragon et ceux de Valence , qu'elle
»s'empresse d'écrire à la Princesse Delmire ; cette tendre amie n'est pas moins
» prompte à lui faire réponse , et Délies
>> pendint deux mois d'absence , ne peut :
>> trouver un seul moment pour donner:
»de ses nouvelles au plus passionné de
>> tous les Amans ! voici de quoi vous convaincre , lui répondit- elle , en tirant
>>de sa poche une Lettre qu'elle n'avoit
>> pû lui envoyer ; ce n'est point- là ton
» caractere , lui dit Florent , il est vrai ,
» répliqua Délie , c'est la Princesse même
» qui a eu la bonté de me préter sa main,
parce ce que je ne pouvois pas me servir
de la mienne , à cause d'une indisposi-
» tion.
Florent étoit si persuadé des bontez de
Del-
16 MERCURE DE FRANCE
Delmire pour Délie , qu'il ne douta point
qu'elle ne lui dît vrai , il la pria de lui
laisser cette chere Lettre , puisque c'étoit
à lui- même qu'elle s'adressoit , Délie n'en
fit aucune difficulté , et retourná auprès
de sa Maîtresse.
Florent ne fut pas plutôr seul qu'il ne
put résister à l'envie de lire ce que Délie
lui écrivoit ; il étoit si occupé de cette
lecture qu'il ne s'apperçut pas de l'arrivée
d'une personne masquée , soutenuë de
plusieurs autres qui devoient venir à son
secours en cas de besoin. C'étoit Octave
qui s'avançant par derriere , lui saisit la
Lettre de Délie. Florent se deffendit autant qu'il put , mais tous les efforts qu'il fie
n'empêcherent pas qu'Octave ne lui ravît
la moitié d'une Lettre qui lui étoit si
chere. Fatale moitié , dont nous verrons
bien-tôt les fun stes suites.
Florent ne pouvant tirer raison de
l'insulte qu'on venoit de lui faire , et ne
scachant qui il devoit en accuser , se con- sola de la perte de cette moitié de Lettre ,
et partir pour aller porter à la Duchesse du
Tirol , le Billet dont D'lie venoit de le
charger de la part de Delmire. Octave
content de son larcin , aila sur le champ
trouver D. Rodrigue , pour lui rendre
compte de l'heureux succès de son zele ;
voici
JUILLET. 1732. 1547
voici ce que contenoit cette moitié de
Lettre, qu'il remit entre les mains de son:
Maître.
L'Amour que vous m'avez autrefois jurée
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée .
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse ;
y serez-vous aussi sensible que vous le devez ?
vous êtes dans Saragosse et moi ,
cruelle et rigoureuse absence •
souvenez- vous que je n'aime que vous
que puisque je ne puis vivre sans mon cher ...
vous ne devez vivre que pour la tendre Del ·
Quels furent les transports du Roy de
Valence à cette fatale lecture. Ah! je
»ne m'étonne plus , s'écria-t'il¸ que Pina fidelle Delmire ait pris tant de précau
tion pour n'être point surprise quand
» elle traçoit ces tendres témoignages de
on coupable amour ; avec quelle adresse la peifide s'est prévalue du funeste
>> ascendant qu'elle a sur mon cœur , pour
»me dérober un secret dont la connoissance l'auroit perdue , mais elle ne m'aura pas trompé impunément ; elle ne
»dira plus que ma jalousie est injuste , et
»je n'ai que trop , pour mon malheur
de quoi la confondre.
Il ne s'arrêta pas long- temps à s'exhaler en vains reproches , il courut à l'Appartement de Delmire , pour la convaincre de son manque de foy.
1548 MERCURE DE FRANCE
La Princesse d'Arragon ne s'apperçût pas d'adord du trouble de son cœur ;
elle lui témoigna même combien elle
étoit satisfaite du petit sacrifice qu'il ve
noit de lui faire ; » vous osez encore in→
»sulter à ma crédulité , lui répondit le
» Roy jaloux , d'un ton à la faire trem-
»bler , il n'est que trop grand ce sacrifi-
>> ce dont vous voulez diminuer le prix';
» mais le Ciel , le juste Ciel , n'a pas permis que vous ayez recueilli le fruit de
»votre crime. De mon crime , répondit
» Delmire avec ce noblé courroux qu'ins-
» pire l'innocence accusée ; quoi ? c'est
»par Rodrigue que je suis si mortelle
"
ment outragée. Moi criminelle ! ache-
»vez , cruel persecuteur d'une Princesse
"que vous condamnez à des malheurs
Ȏternels ; apprenez- moi par quelle ac-
» tion j'ai pû meriter l'injure que vous
»faites à ma gloire.Ne croyez pas , poursuivit cet injuste Amant , m'imposer
» encore par ces trompeuses apparences de
»vertudont vous m'avez ébloui jusqu'au-
´» jourd'hui , mes yeux se sont ouverts , et
» plût au Ciel qu'ils fussent encore fer-
>> mez ; et que le hazard ne m'ût pas mis
>> entre les mains des témoins irrécusables
» de votre infidelité. Lisez, poursuivit- il,
» et démentez votre main , si vous l'osez.
»Je
JUILLET. 1732. 1549
» Je ne scaurois disconvenir , lui dit Del-
>> mire , après avoir jetté un regard d'in-
>> dignation sur l'Amant et sur la Lettre
qu'il lui présentoit , je ne sçaurois nier
»que ces mots ne soient tracez de ma
»main; mais avez- vous lieu d'en être ja-
>> loux ? oserez-vous me persuader , in-
»terrompit Rodrigue , que ces tendres
>>> sentimens s'adressent à moi ? L'Amant
»à qui vous écrivez est à Sarragoce ; quel
>> qu'il soit , lui répondit Delmire avec un
>> fier dédain , il est plus digne d'être aimé
»que vous , ces mots acheverent de
»rendre Rodrigue furieux. Quoi ? je
>>ne suis donc plus pour vous , lui dit-il,
» qu'un objet de mépris ! que dis- je ? je
»l'ai toûjours été. Cette absence que vous
» appellez cruelle et rigoureuse , n'a pas
» paré un moment votre perfide cœur de
>> cet heureux Rival , que vous mettez si
fort au- dessus de moi , et vous l'adoriez en secret dans le temps que vous
»me juriez une foi inviolable et un amour
» éternel. Ne poussons pas plus loin une
» erreur qui vous autorise à de nouveaux
»emportemens , lui dit enfin Delmire ; ils
seroient justes s'ils étoient fondez sur
la verité , il est temps de vous détrom-
» per ; mais c'est plutôt pour ma gloire ,
»ajouta- t'elle , que pour votre satisfac
sé-
»tion;
1550 MERCURE DE FRANCE
›
»tion. A ces mots elle ordonna qu'on
>> fit venir Délie ; elle fut obéïe sur le
champ ; Délie , qui se doutoit de ce
qui se passoit entre le Roy et la Princesse entra dans son Appartement
munie d'armes deffensives ; Florent, qui
ne faisoit que de venir de Sarragoce , l'avoit instruite de la violence qu'on lui avoit
faite. Elle tenoit dans sa main, la moitié
de Lettre qui étoit restée dans celle de
Florentin ; » j'ai pressenti , dit elle , en
»s'adressant à Delmire que vous pourriez avoir besoin de cette piece justificative échappée au larcin qu'on a fair
»à Florent. Donnez , répondit Delmire ,
»et vous , injuste Amant , joignez ces ca-
»racteres à ceux qui m'ont rendue si cou-
་
pable à vos yeux , et rougissez seul du
>> crime que vous avez voulu m'imputer.
»Que je crains d'avoir trop mérité votre
»colere ! s'écrie D. Rodrigue , en rece-
»vant d'une main tremblante le fatal
» papier que Delmire lui présentoit.com
»me l'Arrêt de sa condamnation. Je vous.
→crois innocente , continua- t'il , sans rien
>examiner de plus ; il ne suffit pas que
»vous me croyez innocente, lui répon-
»dit Delmire, avec beaucoup d'alteration ,
»il faut que vous soyez convaincu de
»votre crime, je vous laisse , ajoûta- t'elle,
» pour
JUILLET. 1732. 1351
» pour aller refléchir à loisir sur la peine
»qui vous est duë.
A ces mots Delmire le quitta sans
daigner le regarder , et ce qui le fit trembler davantage , c'est de voir qu'elle étoit
suivie de Délie, qu'il sçavoit n'être pas
trop bien intentionnée pour lui.
Sitôt qu'il fut seul , il rejoignit les deux
moitiez de Lettre , et y trouva ces mots.
L'amour que vous m'avez autrefois jurée , mon
ther Florent, et que je vous ai jurée à mon tour,
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée
malgré la distance des lieux qui nous séparent ;
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse , qui partent moins d'une plume empruntée que de mon cœur ; y serez vous aussi sensible que
vous le devez je n'ose presque l'esperer ; que sçai-jez
Vous êtes à Sarragosse et moi à Valence ; je ne
veis personne ; puis -je me flatter que vous fassiez de
même. Cruelle et rigoureuse absence ! que tu me
causes d'allarmes ! cependant , souvenez- vous que
je n'aime que vous ; n'aimez aussi que moi , et
songez sans cesse que puisque je ne puis vivre
sans mon cher Florent ; pour prix de tant de
fidelité , vous ne devez vivre que pour la tendre Delie.
Dans quel accablement la lecture de cette
Lettre ne laissa point le jaloux Rodrigue ?
Le plaisir secret qu'il sentit d'abord à se
voir convaincu de la fidelité de Delmire ,
ne put balancer le mortel regret de l'avoir offensée. La froideur avec laquelle'
sa
1552 MERCURE DE FRANCE
sa chere Princesse lui avoit dit en le quittant , qu'elle alloit refléchir à loisir sur
la peine qui lui étoit duë , lui donnoię
tout à craindre pour son amour ; il s'étoit soumis lui- même à cette peine par
la promesse qu'il lui avoit faite de n'être
plus jaloux , mais ce qui l'avoit induit à
l'être , étoit si vrai-semblable , qu'il ne
desespera pas de la fléchir.
E toutes les passions de l'ame , il
Da'yenapoint qui se fassent sentir
a
L
avec plus de violence que la jalousie.
Je parle ici de cette jalousie que l'amour
extrême produit ; il s'en faut beaucoup
que celle qui naît de l'ambition se porte
à des excès aussi grands. On a vû des
Rois jaloux de la puissance de leurs Voisins , mettre sur pied des Armées formidables pour envahir leurs Etats , et faire couler des fleuves de sang pour satisfaire leur ambition ; mais ce désir de
s'aggrandir n'alloit que rarement jusqu'à
la haine personnelle ; Alexandre donna
des farmes à la mort de Darius , et Darius lui toucha dans la main en signe d'amitié , sur le point de rendre le dernier
soupir. Il n'en est pas de même de la jadousie des Amans , c'est un mélange d'amour et de haine ; elle peut être définie
differemment selon les differens objets
qu'elle se propose : sçavoir , une crainte
de préférence , ou de partage du cœur de
la personne aimée ; ou une crainte de
préférence ou de partage des faveurs de
la
1530 MERCURE DE FRANCE
la personne aimée ; cette derniere est la
plus injurieuse à l'objet aimé , comme
nous l'allons voir dans l'histoire de Rodrigue , Roi de Valence.
ne furent
$
Les Royaumes d'Arragon et de Valence , qui ne sont aujourd'hui que comme des Provinces de la vaste Monarchie
d'Espagne , avoient jour d'une longue et
profonde paix , sous Dom Alphonse et
sous Dom Fernand , leurs Rois ; mais les
peuples de l'un et de l'autre Royaume
pas si heureux sous le Régne
des Enfans de ces Rois justes et pacifiques. Dom Pedro succeda à Dom Alphonse , et Dom Rodrigue hérita de la
Couronne de Dom Fernand. Dom Rodrigue plus impétueux que Dom Pedro ,
fut le premier à lever l'Etendart de la
guerre , fondé sur des prétextes que l'ambition ne manque jamais de trouver
quand elle veut exercer son empire , si
funeste aux peuples , qui en sont les innocentes victimes. La Fortune , Divinité
aveugle , se déclara d'abord pour la ..use
la plus injuste ; Dom Rodrigue qui fit
les premieres infractions aux traitez de
Paix , long-tems maintenus entre son
pere et celui de Dom Alphonse , porta
ses Conquêtes jusques dans la Capitale
d'Arragon ; Dom Pedro ne pouvant s'opposer
JUILLET. 1732 1537 ་
poser à ce torrent , fut obligé d'aller de mander du secours aux Princes ses Voisins , et le fit avec tant de précipitation
qu'il abandonna sa sœur au pouvoir du
ainqueur ; mais l'Amour entreprit de
réunir deux Rois que l'ambition avoit
divisez.
,
A peine Dom Rodrigue fut entré dans
l'Appartement de Delmire c'étoit le
nom de la Sœur de Dom Pedro , qu'il ne
découvrit que des objets capables de l'attendrir. La Princesse d'Arragon étoit évanouie entre les bras de sa Gouvernante , qui arrosoit son visage d'un torrent
de larmes , ses autres filles poussoient des
gémissemens à percer le cœur le plus insensible ; Rodrigue ne peut soutenir ce
spectacle sans émotion ; mais que devint
il quand il eut jetté les yeux sur l'objet
de ces tristes gémissemens. Il sentit dans
le fond de son cœur un frisson , avantcoureur de sa défaite ; Delmire n'entr'ouvoit un œil mourant que pour allumer
dang, on sein un feu qui ne devoit jamais s'éteindre. Elle ne pût regarder sans
indignation le cruel ennemi de son frere ,
le destructeur de sa Nation , et l'Auteur
de son esclavage ; mais l'air soumis et respectueux avec lequel son vainqueur l'aborda , ne tarda guére à la désarmer.
→Que
32 MERCURE DE FRANCE
Que je suis criminel , s'écria Rodrigue,
» en tombant à ses pieds ! j'ai pû réduire
à cet état pitoyable une Princesse digne
n de l'adoration de tous les Mortels ! Fa-
» tale ambition , à quoi m'as tu porté ?
» et comment pourrai-je expier mon crime ? Delmire ne répondit à ces mots
que par des pleurs ; elle détourna les
yeux , et ayant témoigné qu'elle avoit
besoin de repos , elle obligea Rodrigue
à se retirer , sans sçavoir si son repentir
lui avoit obtenu sa grace. Elle n'étoit pas
loin d'être accordée , cette grace que l'Amour demandoit ; les momens de repos
que Dom Rodrigue venoit de laisser à
son aimable Delmire , lui servirent plutôt à éxaminer le trouble que son ennemi avoit excité dans son cœur , qu'à goûter les douceurs d'un sommeil , que l'agitation de ce jour. fatal sembloit lui rendre nécessaire. Elle sentit des mouvemens
qui lui avoient été inconnus jusqu'alors.
Rodrigue désarmé , Rodrigue prosterné
à ses genoux , Rodrigue repentant cessa
de lui paroître criminel. En vain sa fierté
voulut s'opposer à des sentimens si favorables , elle ne lui parla que foiblement
contre lui , et l'Amour lui imposa bien-
-tôt silence.
Il s'accrut de part et d'autre cet Amour
qui
JUILLET. 1732 1533
"
venoit de naître au milieu des allarmes; la
dissension qui regnoit entre le frere et l'Amant ne diminua rien de la force qu'il acqueroit tous les jours; mais Rodrigue n'en
regla pas les mouvemens comme Delmire. La crainte de perdre ce qu'il aimoit lui
inspira des sentimens de jalousie qui allerent jusqu'à la fureur. Voicy ce qui donna lieu à la naissance de cette passion tyrannique.
Don Pedre , trahi par la fortune , et
ne trouvant pas dans ses Etats des forces
suffisantes à opposer à un ennemi aussi
redoutable que Rodrigue, avoit été réduit
à appeller ses voisins à son secours. Il s'étoit marié , à l'insçu même de sa sœur , et
ce mystere étoit une raison d'Etat ; l'éloignement qu'il témoignoit pour le mariage, laissoit esperer à tous les Princes, dont
le secours lui étoit necessaire , la succession du Royaume d'Arragon qui devoit
appartenir à Delmire , supposé que son
Frere persistât dans le dessein de garder
le célibat. Il n'avoit pas besoin de cette
feinte. Delmire seule , et sans emprunter
l'éclat d'une Couronne , étoit capable de
mettre toute l'Europe dans ses interêts; le
bruit de sa beauté lui avoitfait desAmans,
qui n'attendoient qu'une occasion de se
déclarer pour elle , et de la mettre en liberté de se choisir un Epoux.
D Les
7534 MERCURE DE FRANCE
Les Rois de Castille et de Leon furent
les premiers qui armerent pour elle ; d'autres Princes Souverains suivirent leur
exemple, et le Roy d'Arragon se vit bientôt à la tête d'une armée capable de faire
trembler l'Usurpateur de sa Couronne. Il
ne voulut pourtant en venir aux dernieres extrêmitez qu'après avoir tenté les
voïes de la douceur. Il écrivit à sa sœur ,
et lui fit entendre qu'il ne tiendroit qu'au
Roy de Valence de rendre la paix à toutes les Espagnes , en la renvoïant auprès
de lui , et en lui restituant toutes les Places qu'il avoit conquises dans une guerre
injuste.Delmire ne consultant que son devoir , fit sçavoir les prétentions de son
frere à son Amant, et le pressa de lui rendre la liberté. Que me demandez- vous,
» lui dit Rodrigue? Moi, je pourrois consentir à vous livrer à quelque heureux
» Rival ! Ah ! vous ne connoissez pas
»l'Amour , puisque vous croyez qu'un
cœur véritablement épris , peut ceder
»ce qu'il aime ; mais je m'abuse , pour-
» suivit-il , avec des yeux , que la jalousie
» enflamma d'un courroux dont il ne fut
» pas le maître. Vous ne le connoissez que
>> trop , cet amour qui m'attache à vous,
»et qui vous lie à quelqu'un de mes Ri-
» vaux ; vous brûlez , ingrate , de vous
» éloi-
JUILLET. 1732. 1535
éloigner de moi , pour vous rapprocher
» de celui qui veut vous arracher à mon
» amour , mais ne l'esperez qu'après ma
»mort. Non , je ne vous verrai pas entre
» les bras d'un autre ; et quelques formi-
» dables que soient les apprêts qu'on fait
» pour vous conquerir ; j'en ferai de plus
» grands pour vous conserver. Delmire
fut si surprise de ce premier transport de
jalousie , qu'elle resta quelque temps sans
repartie ; mais voïant son impétueux
Amant prêt à lui faire des reproches encore plus sanglans. » Arrêtez, lui dit elle,
» et n'attribuez mon silence qu'à l'éton-
» nement où votre injustice vient de me
jetter. Quoi ? poursuivit elle, c'est Don
» Rodrigue qui me soupçonne de l'avoir
trompé jusqu'aujourd'hui , qui me croit
capable d'en aimer un autre que lui ; Je
» le devrois , ingrat , continua-t-elle ; et
» vous meriteriez l'infidelité dont vous
» m'accusez. Ces paroles , suivies de quelques larmes qu'elle ne put retenir , rendirent un calme soudain au cœur du Roy
de Valence. » Pardonnez-moi , lui dit-il ,
>> Adorable Delmire , des sentimens que
» je désavouë , et n'en imputez le crime.
» qu'à l'excès de mon amour. C'est cet
» amour, aussi ardent qu'il en fut jamais ,
» qui m'ôtant tout à coup l'usage de la Dij >> rai-
1536 MERCURE DE FRANCE
» raison , ne m'a pas permis de vous ca-
» cher l'affreux désespoir où votre perte
» me réduiroit. Vous me la rendez cette
» raison ; elle m'éclaire sur l'injustice de
» mes prétentions ; si la guerre vous à fai29
te ma prisonniere , l'amour m'a fait vo-
»tre esclave ; oüi , ma raison me fait voir
que j'aurois dû vous laisser maîtresse
» de votre destin , dès le moment que je
» vous ai adorée. Vous pouvez partir, je ne
» vous retiens plus ; vous pouvez vous
> donner à l'heureux mortel à qui le Roy
>> votre Frere vous réserve; et quand vous
» vous seriez destinée vous- même à ce
»Rival , que j'abhorre sans le connoître
» ce ne seroit pas à moi à m'opposer au
penchant de votre cœur ; mais quelque
» soit celui qui doit posseder tant de
»charmes, qu'il ne se flatte pas que je
» le laisse tranquillement jouir d'une fé-
» licité où il ne m'est plus permis d'as-
»pirer votre frere a résolu ma mort
» mais je la rendrai fatale à votre Epoux ;
>> ma haine est aussi forte pour lui , que
» mon amour pour vous ; je ne respire
»que vengeance ; et je confonds dans ma
fureur tous les Princes du monde ; je les
regarde tous comme les Usurpateurs de
mon Trésor ; ces transports qui redoubloient à chaque instant , et dans le tems
>>
même
JUILLET. 1732 1537
même qu'il sembloit se repentir de les
avoir fait éclater , jetterent une douleur
mortelle dans le cœur de la tendre Delmire. » Ah! Seigneur , lui dit- elle , pour-
» quoi faut- il que vous m'aimiez ? que je
vais vous rendre malheureux ! je vois
» trop que le poison de la jalousie se ré-
» pandra sur tous les jours de votre vie, et
qu'il troublera votre tranquillité et la
»mienne ; cependant que dois- je faire
» dans la triste situation où je me trouve?
» dites-moi la réponse que je dois faire au
»Roy d'Arragon : Eh ! puis-je balancer
» un moment à la faire moi- même , lui
» dit l'impetueux Rodrigue ; qu'il vous
>> donne à moi , et qu'il reprenne tout ce
» que la victoire m'a fait conquerir sur
» lui ; je lui abandonne tout , et ce sa-
»crifice iroit jusqu'au don de ma Cou
ronne, si je ne la regardois comme vo-
» tre bien ; mais qu'il ne m'oblige pas
Ȉ reprendre les armes , par la honte
» d'un refus , que j'irois expier dans son ور «sang.
Cet amour , qui tenoit de la fureur , fit
trembler Delmire ; elle comprit bien que
Ja jalousie de son Amant ne finiroit qu'avec sa vie. Pour en calmer les transports ,
elle lui promit de ne rien oublier pour
porter le Roy d'Arragon à un Hymen
D iij qui
1538 MERCURE DE FRANCE
qui les rendroit tous deux infortunez.
Élle fit réponse à son frere avec les plus.
vives expressions que l'amour pût lui.
suggérer. Elle communiqua sa Lettre au
jaloux Rodrigue; il y en ajouta une de sa
main, qui n'étoit pas moins forte, et dont
Delmire auroit été charmée, si elle eût pû
se cacher que ce même amour qui s'exprimoit si tendrement , dégénéroit en implacable couroux , dès qu'il craignoit de
perdre l'objet aimé.
Les engagemens que Don Pedre avoit
pris avec ses Alliez, ne lui permettant pas
de faire assez- tôt une réponse positive aux
propositions de Don Rodrigue , réveil
lerent la jalousie de ce dernier ; il ne dou
ta point que sa perre ne fut résoluë ; il fit
de nouveaux préparatifs de guerre il écla❤
ta en reproches contre la malheureuse
Delmire ; il la soupçonna d'avoir part à
des retardemens qui lui annonçoient un
refus ;elle en soupira , elle en gémit, mais
le mal étoit sans remede ; elle aimoit
trop cet ingrat , qui l'accusoit d'en aimer
un autre. Elle redoubla ses empressemens
auprès de son Frere , et le fit avec tant de
succès , que la paix fut concluë entre les
deux Rois ennemis , et l'hymen arrêté
entre les deux Amans.Cette agréable nouvelle répandit une joie universelle dans
les
JUILLET. 1732. 1539
les Royaumes de Valence et d'Arragon ;
Rodrigue se livra tout entier à la douce
esperance de posseder bien-tôt sa chere
Princesse ; la seule Delmire s'abandonnoit à la douleur , tandis que tout ne res
piroit que bonheur ; elle n'ouvroit son
cœur qu'à deux de ses confidentes , dont
l'une avoit pris soin de son enfance , et l'autre vivoit dans une très-étroite familiarité avec elle. La premiere s'appelloit
Théodore , et l'autre Délie ; je les nomme
toutes deux , parce qu'elles doivent avoir
part à la suite de cette histoire ; Théodore lui conseilloit de fermer les yeux sur
tous les malheurs dont la jalousie de Rodrigue sembloient la menacer ; Délie au
contraire n'oublioit rien pour la détourner d'un hymen que cette affreuse jalou
sie lui rendroit funeste. L'un et l'autre
conseil partoient d'un cœur bien intentionné , mais la triste Delmire ne sçavoit lequel elle devoit suivre pour être
heureuse , l'amour avoit déja décidé de
son sort ; elle ne laissa pas de se précau
tionner autant qu'il dépendoit d'elle
contre les suites que pourroit avoir un
engagement qui devoit durer autant que
sa vie. Elle fit promettre à Don Rodrigue de se guérir de sa jalousie , et ne lui
promit de l'épouser qu'à cette condition.
D iiij Don
1540 MERCURE DE FRANCE
Don Rodrigue lui jura de n'être plus
jaloux. » Je ne l'étois, lui dit-il , que parce
» que je craignois de vous perdre ; vous
» serez bien-tôt à moi ; qu'ai-je à crain-
» dre ? Non , ajouta t- il, plus de défiance,
» Delmire se donne à moy , rien ne peut
» me la ravir , sa foy me rassure contre
toutes les prétentions de mes Rivaux;
» je suis le plus heureux de tous les hom-
» mes , et ma félicité me rend à jamais
❤ tranquille.
Ces belles protestations , qu'il croyoit
aussi constantes que l'amour qui les lui
dictoit , ne tinrent pas contre le premier
sujet qu'il crut avoir de se défier de son
Amante: Voicy ce qui y donna occasion .
La Duchesse du Tirol , tendre amie de
la Princesse d'Arragon , dont elle avoit
vivement ressenti l'absence depuis que le
Roy de Valence l'avoit faite prisonniere ;
n'eût pas plutôt appris que la paix étoit conclue entre les deux Couronnes , et que
sa chere Delmire en alloit porter une ,
qu'elle lui écrivit pour lui témoigner la
part qu'elle prenoit à son bonheur , et
pour la prier de lui accorder la permission de venir à Valence, pour être témoin
d'un hymen qui faisoit la félicité de deux
Peuples. Delmire s'enferma dans son cabinet pour lui faire réponse ; elle avoit
pris
JUILLET. 1732. 1541
pris la précaution de deffendre que personne la vint troubler. L'amoureux Rodrigue se presenta à la porte de son appartement , dans le temps qu'elle achevoit sa Lettre ; quoique les ordres qu'elle
ávoit donnez qu'on la laissât seule , ne
fussent pas pour lui , Délie , celle de ses
Dames qu'elle affectionnoit le plus , et
qui n'approuvoit pas son hymen , à cause des suites fâcheuses qu'il pouvoit
avoir pour sa chere Maîtresse , eut la malice de vouloir mettre sa jalousie à l'épreuve , et lui dit que la Princesse ayant
des dépêches secretes à faire , avoit deffendu , sans excepter personne , qu'on
laissât entrer dans son appartement, »> Ces
» deffenses ne sont pas apparemment pour
»un Royqui doit bientôt être son Epoux,.
répondit D. Rodrigue , avec un souris.
» forcé , et je crois pouvoir prétendre à
>> l'honneur de sa confidence. Délie affecta
encore plus d'empressement. à l'empêcher d'entrer pour lui donner de plus:
grands soupçons; elle n'y réussit que trop
bien. D. Rodrigue avala à longs traits le
poison que cette artificieuse fille lui avoit
préparé ; il entra tout transporté , mais à.
peine eut-il apperçu Delmire que le res--
pect, que sa presence lui inspiroit, suspendit les mouvemens tumultueux qui ve
D v noient
1542 MERCURE DE FRANCE
1
noient de s'élever dans son ame; il se rapella la promesse qu'il lui avoit faite , de
n'être plus jaloux ; et la voïant attentive à
la Lettre qu'elle écrivoit , il s'avança sans
bruit et sans crainte d'être vû , attendu
qu'elle lui tournoit le dos; mais une glace
sur laquelle Delmire jetta les yeux et à
laquelle ce Prince jaloux ne fit nulle attention , tant il étoit occupé de ses soupçons , trahit le dessein qu'il avoit de lire
ce que la Princesse écrivoit. Delmire ne
l'eût pas plutôt apperçu qu'elle serra brusquement sa Lettre; et se tournant vers lui,
elle se plaignit du dessein qu'il avoit de la
surprendre. D. Rodrigue ne sçut d'abord
répondre à ce reproche; il craignoit
de faire entrevoir sa jalousie ; il lui demanda pardon de la liberté qu'il avoit
prise decontrevenir à des ordres qui peutêtre n'étoient pas moins pour lui que
pour tous les autres, quoique le nœud qui
devoit les unir à jamais le mit en droit
de se croire excepté. »Ce droit n'est pas
»encore si sûr que vous le
que
lui pensez ,
répondit Delmire, avec une petite émo-
»tion de colere, puisqu'il n'est fondé que
sur un hymen , auquelje n'ai consenti
»que conditionnellement; avez vous oubiié quelles sont nos conventions ? Vous
>m'avez promis de n'être plus jaloux ;
moi
JUILLET. 1732. 1543
moi,jaloux, s'écria D. Rodrigue;voulez-
» vous me faire un crime d'un mouvement
» de curiosité qui ne tire nullement à con-
» séquence. Eh bien , je vous en croi , lui
» répondit Delmire ; mais comme cette
»curiosité m'a induite à vous soupçonner d'infraction de traité , c'est par
» même que je veux vous punir ; pér-
» mettez donc que je ne la satisfasse pas ;
» vous ne sçauriez mieux me prouvervo
là
tre innocence ; le sacrifice que je vous
» demande n'est pas grand , et si vous
» sçavicz à qui s'addresse cette Lette que
» vous avez voulu lire à mon insçu , vous
» ne balanceriez pas un moment à m'ac-
» corder ce quej'exige de vous ; j'y sous-
» cris sans repugnance , lui répondit Ro
>> drigue , malgré l'envie secrette qu'il
» avoit d'apprendre ce que contenoit cette
» Lettre mysterieuse , que Delie lui avoit
» renduë suspecte ; vous me comblez de
» plaisir , lui dit Delmire, et je commen
ce à bien augurer de votre amende
» ment.
Elle demeura ferme dans sa résolution ,
quoique Rodrigue ne laissât pas de lui
faire entrevoir le desir qu'il avoit de sça--
voir ce qu'elle venoit d'écrire ; ils se sé→
parerent assez satisfaits l'un de l'autre en
apparence ; mais Rodrigue nourrissoit
Dvj dans
1544 MERCURE DE FRANCE
"
4
dans le cœur une inquiétude qu'il lui
falloit dévorer aux yeux de sa Princesse;
elle ne l'eut pas plutôt quitté , qu'il ne
songea qu'aux moyens de s'éclaircir d'un
doute qui troubloit son repos.
Il avoit , pour son malheur , un Confident qui flatoit sa jalousie , parce qu'il
n'étoit jamais plus en faveur auprès de
son Maître , que lors qu'il faisoit quelque
découverte qui l'entretenoit dans son
amoureuse défiance. Cette peste de Cour
s'appelloit Octave. Dom Rodrigue ne lui
eut pas plutôt communiqué ce qui venoit de se passer entre Delmire et lui ,
que ce dangereux Courtisan lui avoüa
qu'il croyoit que cette Lettre que la Princesse avoit écrite à son insçu , s'adressoit
à quelque Rival caché ; il s'offrit à l'intercepter ; Dom Rodrigue lui promit une
récompense proportionnée à ce service ;
mais comme il craignoit d'offenser sa Princesse , il lui ordonna d'éviter l'éclat dans
la commission dont il se chargeoit. Octave lui dit qu'il pouvoit s'en reposer sur
sa dexterité , et le quitta pour aller se
préparer à cette expedition.
Delmire , contente du petit sacrifice
que son Amant venoit de lui faire , chargea Délie de remettre le Billet qu'elle venoit d'écrire entre les mains de celui qui
lul
JUILLET.- 17328 1545
lui avoit apporté la Lettre de la Duchesse
de Tirol ; c'étoit un Amant de Delie ,
qui s'appelloit Florent. Elle executa les ordres de sa Maîtresse ; mais comme les
Amans ont toûjours quelque petit reproche à se faire , Florent ne voulut point
s'éloigner de Délie , sans se plaindre de
son indifference : Est-il possible , lui
dit - il que l'amitié soit plus empres-
»sée que l'Amour ? La Duchesse de Tirol
» n'a pas plutôt appris que le commerce
» n'est plus interrompu entre les Peuples
d'Arragon et ceux de Valence , qu'elle
»s'empresse d'écrire à la Princesse Delmire ; cette tendre amie n'est pas moins
» prompte à lui faire réponse , et Délies
>> pendint deux mois d'absence , ne peut :
>> trouver un seul moment pour donner:
»de ses nouvelles au plus passionné de
>> tous les Amans ! voici de quoi vous convaincre , lui répondit- elle , en tirant
>>de sa poche une Lettre qu'elle n'avoit
>> pû lui envoyer ; ce n'est point- là ton
» caractere , lui dit Florent , il est vrai ,
» répliqua Délie , c'est la Princesse même
» qui a eu la bonté de me préter sa main,
parce ce que je ne pouvois pas me servir
de la mienne , à cause d'une indisposi-
» tion.
Florent étoit si persuadé des bontez de
Del-
16 MERCURE DE FRANCE
Delmire pour Délie , qu'il ne douta point
qu'elle ne lui dît vrai , il la pria de lui
laisser cette chere Lettre , puisque c'étoit
à lui- même qu'elle s'adressoit , Délie n'en
fit aucune difficulté , et retourná auprès
de sa Maîtresse.
Florent ne fut pas plutôr seul qu'il ne
put résister à l'envie de lire ce que Délie
lui écrivoit ; il étoit si occupé de cette
lecture qu'il ne s'apperçut pas de l'arrivée
d'une personne masquée , soutenuë de
plusieurs autres qui devoient venir à son
secours en cas de besoin. C'étoit Octave
qui s'avançant par derriere , lui saisit la
Lettre de Délie. Florent se deffendit autant qu'il put , mais tous les efforts qu'il fie
n'empêcherent pas qu'Octave ne lui ravît
la moitié d'une Lettre qui lui étoit si
chere. Fatale moitié , dont nous verrons
bien-tôt les fun stes suites.
Florent ne pouvant tirer raison de
l'insulte qu'on venoit de lui faire , et ne
scachant qui il devoit en accuser , se con- sola de la perte de cette moitié de Lettre ,
et partir pour aller porter à la Duchesse du
Tirol , le Billet dont D'lie venoit de le
charger de la part de Delmire. Octave
content de son larcin , aila sur le champ
trouver D. Rodrigue , pour lui rendre
compte de l'heureux succès de son zele ;
voici
JUILLET. 1732. 1547
voici ce que contenoit cette moitié de
Lettre, qu'il remit entre les mains de son:
Maître.
L'Amour que vous m'avez autrefois jurée
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée .
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse ;
y serez-vous aussi sensible que vous le devez ?
vous êtes dans Saragosse et moi ,
cruelle et rigoureuse absence •
souvenez- vous que je n'aime que vous
que puisque je ne puis vivre sans mon cher ...
vous ne devez vivre que pour la tendre Del ·
Quels furent les transports du Roy de
Valence à cette fatale lecture. Ah! je
»ne m'étonne plus , s'écria-t'il¸ que Pina fidelle Delmire ait pris tant de précau
tion pour n'être point surprise quand
» elle traçoit ces tendres témoignages de
on coupable amour ; avec quelle adresse la peifide s'est prévalue du funeste
>> ascendant qu'elle a sur mon cœur , pour
»me dérober un secret dont la connoissance l'auroit perdue , mais elle ne m'aura pas trompé impunément ; elle ne
»dira plus que ma jalousie est injuste , et
»je n'ai que trop , pour mon malheur
de quoi la confondre.
Il ne s'arrêta pas long- temps à s'exhaler en vains reproches , il courut à l'Appartement de Delmire , pour la convaincre de son manque de foy.
1548 MERCURE DE FRANCE
La Princesse d'Arragon ne s'apperçût pas d'adord du trouble de son cœur ;
elle lui témoigna même combien elle
étoit satisfaite du petit sacrifice qu'il ve
noit de lui faire ; » vous osez encore in→
»sulter à ma crédulité , lui répondit le
» Roy jaloux , d'un ton à la faire trem-
»bler , il n'est que trop grand ce sacrifi-
>> ce dont vous voulez diminuer le prix';
» mais le Ciel , le juste Ciel , n'a pas permis que vous ayez recueilli le fruit de
»votre crime. De mon crime , répondit
» Delmire avec ce noblé courroux qu'ins-
» pire l'innocence accusée ; quoi ? c'est
»par Rodrigue que je suis si mortelle
"
ment outragée. Moi criminelle ! ache-
»vez , cruel persecuteur d'une Princesse
"que vous condamnez à des malheurs
Ȏternels ; apprenez- moi par quelle ac-
» tion j'ai pû meriter l'injure que vous
»faites à ma gloire.Ne croyez pas , poursuivit cet injuste Amant , m'imposer
» encore par ces trompeuses apparences de
»vertudont vous m'avez ébloui jusqu'au-
´» jourd'hui , mes yeux se sont ouverts , et
» plût au Ciel qu'ils fussent encore fer-
>> mez ; et que le hazard ne m'ût pas mis
>> entre les mains des témoins irrécusables
» de votre infidelité. Lisez, poursuivit- il,
» et démentez votre main , si vous l'osez.
»Je
JUILLET. 1732. 1549
» Je ne scaurois disconvenir , lui dit Del-
>> mire , après avoir jetté un regard d'in-
>> dignation sur l'Amant et sur la Lettre
qu'il lui présentoit , je ne sçaurois nier
»que ces mots ne soient tracez de ma
»main; mais avez- vous lieu d'en être ja-
>> loux ? oserez-vous me persuader , in-
»terrompit Rodrigue , que ces tendres
>>> sentimens s'adressent à moi ? L'Amant
»à qui vous écrivez est à Sarragoce ; quel
>> qu'il soit , lui répondit Delmire avec un
>> fier dédain , il est plus digne d'être aimé
»que vous , ces mots acheverent de
»rendre Rodrigue furieux. Quoi ? je
>>ne suis donc plus pour vous , lui dit-il,
» qu'un objet de mépris ! que dis- je ? je
»l'ai toûjours été. Cette absence que vous
» appellez cruelle et rigoureuse , n'a pas
» paré un moment votre perfide cœur de
>> cet heureux Rival , que vous mettez si
fort au- dessus de moi , et vous l'adoriez en secret dans le temps que vous
»me juriez une foi inviolable et un amour
» éternel. Ne poussons pas plus loin une
» erreur qui vous autorise à de nouveaux
»emportemens , lui dit enfin Delmire ; ils
seroient justes s'ils étoient fondez sur
la verité , il est temps de vous détrom-
» per ; mais c'est plutôt pour ma gloire ,
»ajouta- t'elle , que pour votre satisfac
sé-
»tion;
1550 MERCURE DE FRANCE
›
»tion. A ces mots elle ordonna qu'on
>> fit venir Délie ; elle fut obéïe sur le
champ ; Délie , qui se doutoit de ce
qui se passoit entre le Roy et la Princesse entra dans son Appartement
munie d'armes deffensives ; Florent, qui
ne faisoit que de venir de Sarragoce , l'avoit instruite de la violence qu'on lui avoit
faite. Elle tenoit dans sa main, la moitié
de Lettre qui étoit restée dans celle de
Florentin ; » j'ai pressenti , dit elle , en
»s'adressant à Delmire que vous pourriez avoir besoin de cette piece justificative échappée au larcin qu'on a fair
»à Florent. Donnez , répondit Delmire ,
»et vous , injuste Amant , joignez ces ca-
»racteres à ceux qui m'ont rendue si cou-
་
pable à vos yeux , et rougissez seul du
>> crime que vous avez voulu m'imputer.
»Que je crains d'avoir trop mérité votre
»colere ! s'écrie D. Rodrigue , en rece-
»vant d'une main tremblante le fatal
» papier que Delmire lui présentoit.com
»me l'Arrêt de sa condamnation. Je vous.
→crois innocente , continua- t'il , sans rien
>examiner de plus ; il ne suffit pas que
»vous me croyez innocente, lui répon-
»dit Delmire, avec beaucoup d'alteration ,
»il faut que vous soyez convaincu de
»votre crime, je vous laisse , ajoûta- t'elle,
» pour
JUILLET. 1732. 1351
» pour aller refléchir à loisir sur la peine
»qui vous est duë.
A ces mots Delmire le quitta sans
daigner le regarder , et ce qui le fit trembler davantage , c'est de voir qu'elle étoit
suivie de Délie, qu'il sçavoit n'être pas
trop bien intentionnée pour lui.
Sitôt qu'il fut seul , il rejoignit les deux
moitiez de Lettre , et y trouva ces mots.
L'amour que vous m'avez autrefois jurée , mon
ther Florent, et que je vous ai jurée à mon tour,
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée
malgré la distance des lieux qui nous séparent ;
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse , qui partent moins d'une plume empruntée que de mon cœur ; y serez vous aussi sensible que
vous le devez je n'ose presque l'esperer ; que sçai-jez
Vous êtes à Sarragosse et moi à Valence ; je ne
veis personne ; puis -je me flatter que vous fassiez de
même. Cruelle et rigoureuse absence ! que tu me
causes d'allarmes ! cependant , souvenez- vous que
je n'aime que vous ; n'aimez aussi que moi , et
songez sans cesse que puisque je ne puis vivre
sans mon cher Florent ; pour prix de tant de
fidelité , vous ne devez vivre que pour la tendre Delie.
Dans quel accablement la lecture de cette
Lettre ne laissa point le jaloux Rodrigue ?
Le plaisir secret qu'il sentit d'abord à se
voir convaincu de la fidelité de Delmire ,
ne put balancer le mortel regret de l'avoir offensée. La froideur avec laquelle'
sa
1552 MERCURE DE FRANCE
sa chere Princesse lui avoit dit en le quittant , qu'elle alloit refléchir à loisir sur
la peine qui lui étoit duë , lui donnoię
tout à craindre pour son amour ; il s'étoit soumis lui- même à cette peine par
la promesse qu'il lui avoit faite de n'être
plus jaloux , mais ce qui l'avoit induit à
l'être , étoit si vrai-semblable , qu'il ne
desespera pas de la fléchir.
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Résumé : LE PRINCE JALOUX.
Le texte 'Le Prince jaloux' explore la passion destructrice de la jalousie, notamment dans le contexte amoureux. La jalousie amoureuse est décrite comme un mélange complexe d'amour et de haine, motivée par la crainte de perdre l'affection de l'être aimé. L'histoire se déroule dans les royaumes d'Arragon et de Valence, initialement en paix sous les règnes de Dom Alphonse et Dom Fernand. Leurs successeurs, Dom Pedro et Dom Rodrigue, mettent fin à cette paix. Dom Rodrigue, plus impulsif, déclenche une guerre fondée sur des prétextes ambitieux. Rodrigue conquiert la capitale d'Arragon et Dom Pedro abandonne sa sœur Delmire aux mains de Rodrigue. Rodrigue, ému par la détresse de Delmire, exprime son repentir. Delmire, initialement indignée, est désarmée par son attitude respectueuse et finit par céder à l'amour. Cependant, Rodrigue, consumé par la jalousie, craint de perdre Delmire. Dom Pedro, trahi par la fortune, cherche des alliés pour récupérer sa sœur et son royaume. Delmire transmet les demandes de son frère à Rodrigue, qui réagit avec fureur jalouse. Delmire parvient à calmer Rodrigue en lui rappelant son amour. Rodrigue accepte de libérer Delmire, mais menace de vengeance contre son rival. Delmire, consciente de la dangerosité de la jalousie de Rodrigue, promet de convaincre son frère d'accepter leur union. Les préparatifs de guerre reprennent, mais Delmire négocie la paix et leur mariage. Cependant, elle reste préoccupée par la jalousie de Rodrigue. Delmire partage ses inquiétudes avec ses confidentes, Théodore et Délie, qui la conseillent différemment sur son avenir avec Rodrigue. Delmire demande à Rodrigue de surmonter sa jalousie avant de l'épouser. Rodrigue jure de ne plus être jaloux, mais ses promesses sont rapidement mises à l'épreuve. Rodrigue tente de lire une lettre destinée à Florent, l'amant de Délie, une dame de Delmire. Cette lettre, partiellement lue par Rodrigue, semble prouver l'infidélité de Delmire. Rodrigue confronte Delmire, qui nie toute infidélité et accuse Rodrigue de mépriser sa gloire. Delmire convoque Délie pour prouver son innocence. Délie présente la moitié d'une lettre que Delmire complète avec celle en sa possession. Cette lettre prouve la fidélité de Delmire et l'amour de Florent. Rodrigue, convaincu de son erreur, regrette d'avoir offensé Delmire et craint pour leur relation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1645-1648
STANCES.
Début :
Prélat dont le mérite égale la naissance, [...]
Mots clefs :
Prélat, Alarmes, Seigneur généreux, Athée, Siècle, Honneur
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texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES..
Prélat dont le mérite égale la naissance ;
Que ton retour tardif à notre impatience !
Que n'avons-nous pû le hâter !
Le Ciel a dissipé nos mortelles allarmes ,
Tu reviens ; ta présence a pour nous tant de
charmes ,
Qu'on ne pouvoit trop l'acheter.
Dès long tems protegé frere ,
* par ton illustre
Dont tout adore ici l'aimable caractere ,
* M. leVicomte de Polignac.
Et
1646 MERCURE DE FRANCE
Et par un Seigneur généreux *
Qu'unissent avec toi le sang & le mérite ,
Je puis te voir enfin dans les murs que j'ha◄ *bite !
Rien ne manque plus à mes vœux.
Dans tes regards perçans quelle divine flamme,
Que de rares trésors je découvre en ton ame
Que d'avantages excellens ,
>
Esprit fin , goût du vrai , connoissance prati
que ,
Des plus fameux Auteurs de Rome et de l'Atti
que ,
Dont tu possedes les talens.
Mais que n'embrasse point ton sublime génie a
Il aime nos Concerts ; il en sent l'harmonie ;
Nos Lyres parlent fous tes doigts ,
On croit oùir encor le célébre Virgile , *
Quand tes Vers confondans l'impieté subtile ,
Réduisent Lucrece aux abois.
Tel que l'heureux vainqueur du redoutable
Antée ,
Tu fais mordre la poudre à ce superbe Athée ,
* M. le Comte du Roure , le fils.
* l'Anti-Lucrece , Poëme Latin que s.E. L. C.
de Polignac afait dans sajeunesse.
Tu
JUILLET. 1732. 1647
Malgré ses dangereux détours ,
Pourquoi nous refuser ce précieux Ouvrage ,
Digne de son sujet et de la main d'un
Surtout nécessaire en nos jours?
sage,
Quel siécle... tu m'entens... ce n'est que dans
la Chaire
Oùje dois faire au vice une implacable guerre.
Qu'à loisir ma voix peut tonner ;
Qu'elle éclate pour lors , que l'erreur en fré misse ,
Profitons des momens que ta bonté propice ,
Ama muse veut bien donner.
J'en fais un libre aveu , je brigue ton suf- frage ,
Ce sentiment m'éleve au- dessus du naufrage
Où le sort m'a précipité :
Je sens naître en mon cœur un désir magna- nime ,
Les Dicux m'ont tous ravi , mais si j'ai ton es
rime ,
Prélat , ils ne m'ont rien ôté.
Que ne produira point cette ardeur géné
reuse ,
Tum'inspires; déja d'une aîle courageuse,
Je prens l'essor , je fends les airs ;
Mais
1648 MERCURE DE FRANCE
Mais que puis je tenter ; les chants de Phœbusmême ,
Apeine répondroient à ta vertu suprême ;
Quel destin auroient donc mes Vers-?
fair J'ose mettre à tes pieds des fleurs que
éclorre ,
Dans ses doctes Jardins la magnifique Isaure ,
Sept fois mon front en fut orné :
Permets-moi de t'offrir un hommage sincere ;
Je borne mes désirs à l'honneur de te plaire ,
C'est plus que d'être couronné.
LAbbé de Meuville.
Prélat dont le mérite égale la naissance ;
Que ton retour tardif à notre impatience !
Que n'avons-nous pû le hâter !
Le Ciel a dissipé nos mortelles allarmes ,
Tu reviens ; ta présence a pour nous tant de
charmes ,
Qu'on ne pouvoit trop l'acheter.
Dès long tems protegé frere ,
* par ton illustre
Dont tout adore ici l'aimable caractere ,
* M. leVicomte de Polignac.
Et
1646 MERCURE DE FRANCE
Et par un Seigneur généreux *
Qu'unissent avec toi le sang & le mérite ,
Je puis te voir enfin dans les murs que j'ha◄ *bite !
Rien ne manque plus à mes vœux.
Dans tes regards perçans quelle divine flamme,
Que de rares trésors je découvre en ton ame
Que d'avantages excellens ,
>
Esprit fin , goût du vrai , connoissance prati
que ,
Des plus fameux Auteurs de Rome et de l'Atti
que ,
Dont tu possedes les talens.
Mais que n'embrasse point ton sublime génie a
Il aime nos Concerts ; il en sent l'harmonie ;
Nos Lyres parlent fous tes doigts ,
On croit oùir encor le célébre Virgile , *
Quand tes Vers confondans l'impieté subtile ,
Réduisent Lucrece aux abois.
Tel que l'heureux vainqueur du redoutable
Antée ,
Tu fais mordre la poudre à ce superbe Athée ,
* M. le Comte du Roure , le fils.
* l'Anti-Lucrece , Poëme Latin que s.E. L. C.
de Polignac afait dans sajeunesse.
Tu
JUILLET. 1732. 1647
Malgré ses dangereux détours ,
Pourquoi nous refuser ce précieux Ouvrage ,
Digne de son sujet et de la main d'un
Surtout nécessaire en nos jours?
sage,
Quel siécle... tu m'entens... ce n'est que dans
la Chaire
Oùje dois faire au vice une implacable guerre.
Qu'à loisir ma voix peut tonner ;
Qu'elle éclate pour lors , que l'erreur en fré misse ,
Profitons des momens que ta bonté propice ,
Ama muse veut bien donner.
J'en fais un libre aveu , je brigue ton suf- frage ,
Ce sentiment m'éleve au- dessus du naufrage
Où le sort m'a précipité :
Je sens naître en mon cœur un désir magna- nime ,
Les Dicux m'ont tous ravi , mais si j'ai ton es
rime ,
Prélat , ils ne m'ont rien ôté.
Que ne produira point cette ardeur géné
reuse ,
Tum'inspires; déja d'une aîle courageuse,
Je prens l'essor , je fends les airs ;
Mais
1648 MERCURE DE FRANCE
Mais que puis je tenter ; les chants de Phœbusmême ,
Apeine répondroient à ta vertu suprême ;
Quel destin auroient donc mes Vers-?
fair J'ose mettre à tes pieds des fleurs que
éclorre ,
Dans ses doctes Jardins la magnifique Isaure ,
Sept fois mon front en fut orné :
Permets-moi de t'offrir un hommage sincere ;
Je borne mes désirs à l'honneur de te plaire ,
C'est plus que d'être couronné.
LAbbé de Meuville.
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Résumé : STANCES.
Le texte est une série de stances dédiées à un prélat, probablement le Vicomte de Polignac, et à M. le Comte du Roure. L'auteur exprime son impatience et sa joie face au retour du prélat, soulignant l'importance de sa présence. Il mentionne la protection du prélat par des figures illustres, dont un seigneur généreux, et exalte ses qualités intellectuelles et morales, telles que son esprit fin, son goût pour le vrai, et sa connaissance des auteurs classiques. Le texte fait également référence à une œuvre du prélat, intitulée 'Anti-Lucrece', un poème latin écrit dans sa jeunesse, qui critique les idées athées de Lucrèce. L'auteur souhaite voir cette œuvre publiée, la jugeant nécessaire pour combattre l'erreur et le vice. Il avoue son admiration pour le prélat et son désir de recevoir son suffrage, affirmant que cela le relèverait de son sort malheureux. Il conclut en offrant un hommage sincère, bornant ses désirs à l'honneur de plaire au prélat.
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6
p. 1424-1427
Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique continue toujours avec grand succès les Représentations [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Académie royale de musique, Alarmes, Verts ombrages, Bocages
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texteReconnaissance textuelle : Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
'Académie Royale de Musique continue
toujours avec grand succès lesReprésentations
duBallet des Fêtes Grecques et
Romaines. Jamais reprise d'Opéra n'a été
plus brillante ni plus applaudie . Mrs Fuselier
et Blamont , Auteurs du Poëme et
de la Musique , doivent être contens de
ce succès , aussi grand que bien mérité.
Les Dlles , Antier , le Maure et Petitpas
s'y distinguent dans les Rôles qu'elles
joüent , avec toute l'intelligence et la
justesse possible de même que les Srs Tribou
et Chassé. Le Ballet , composé par le
Sr Blondi , est des mieux entendus , et fait
un plaisir infini . La Dlle Camargo s'y
distingue fort au Prologue dans le Personnage
de Terpsicore , par les differens
caracteres qu'elle exprime , et par ses pas
II, Vol.
brilJUIN.
1733 .
1425
brillans et toujours varicz . Voici ce qui a
été ajouté aux paroles des Divertissemens
- dans cette reprise.
Au Divertissement du premier Acte, le
Sr Féliot avec sa voix admirable d'Haute-
Conte , chante l'Air suivant , dont les
quatre derniers Vers sont ajoutez .
"
Un Grec.
Les Prix que la gloire présente
N'attire pas tous les coeurs dans sa Cour ;
Il en est que conduit une plus douce attente
L'Univers doit souvent ses Héros à l'amour ;
Vous , favoris de Mars , qui suivez la victoire
Triomphez , volez sur ses pas ;
Plus vous serez chers à la gloire
Plus l'objet de vos feux vous trouvera d'appas .
Parodie de l'Air des Baccantes , chantée
par la Dile Petitpas , au second Acte.
Livrons sans allarmes ,
Nos coeurs aux charmes ,
Que nous prodigue ce beau jour ;
Quand sur cette rive ,
Baccus arrive ,
Présenté par l'amour,
Ces Vainqueurs unissent leurs coups ;
Leur gloire est certaine ,
Notre fuite est vaine ;
1
II. Vol. Hij Non
1426 MERCURE DE FRANCE
Non ,rien n'échape à leur chaîne ,
Cedons , cedons tous ,
Rendons nous.
Livrons sans allarmes , &c,
Tendres Amans ,
Le Mirthe, plus que la Treille ,
Vous donne- t - il d'heureux momens ?
La raison sommeille ,
Le plaisir veille ,
Sous ses Rameaux charmans
Livrons sans allarmes , & c,
•
Parodie de la premiere Musette du
troisiéme Acte , chantée par la- même.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Il n'est point d'autre Cour ,
Que celle de l'Amour.
La douce Paix ,
Regne à jamais ,
Dans ces belles retraittes ;
Nos Voix et nos Musettes
Chantent ses attraits ;
Nos amourettes ,
Ressentent ses bienfaits.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
II. Vel, Rien
JUIN.
1427
•
1733.
Rien ne trouble la Cour ,
Et les voeux de l'Amour.
Point de tourmens
Jamais d'envie ,
Point de jalousie ,
Dans ces lieux charmans :
O l'heureuse vie !
Ménageons-en tous les momens.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Les Jeux seuls font la Cour ,
Que rassemble l'Amour.
toujours avec grand succès lesReprésentations
duBallet des Fêtes Grecques et
Romaines. Jamais reprise d'Opéra n'a été
plus brillante ni plus applaudie . Mrs Fuselier
et Blamont , Auteurs du Poëme et
de la Musique , doivent être contens de
ce succès , aussi grand que bien mérité.
Les Dlles , Antier , le Maure et Petitpas
s'y distinguent dans les Rôles qu'elles
joüent , avec toute l'intelligence et la
justesse possible de même que les Srs Tribou
et Chassé. Le Ballet , composé par le
Sr Blondi , est des mieux entendus , et fait
un plaisir infini . La Dlle Camargo s'y
distingue fort au Prologue dans le Personnage
de Terpsicore , par les differens
caracteres qu'elle exprime , et par ses pas
II, Vol.
brilJUIN.
1733 .
1425
brillans et toujours varicz . Voici ce qui a
été ajouté aux paroles des Divertissemens
- dans cette reprise.
Au Divertissement du premier Acte, le
Sr Féliot avec sa voix admirable d'Haute-
Conte , chante l'Air suivant , dont les
quatre derniers Vers sont ajoutez .
"
Un Grec.
Les Prix que la gloire présente
N'attire pas tous les coeurs dans sa Cour ;
Il en est que conduit une plus douce attente
L'Univers doit souvent ses Héros à l'amour ;
Vous , favoris de Mars , qui suivez la victoire
Triomphez , volez sur ses pas ;
Plus vous serez chers à la gloire
Plus l'objet de vos feux vous trouvera d'appas .
Parodie de l'Air des Baccantes , chantée
par la Dile Petitpas , au second Acte.
Livrons sans allarmes ,
Nos coeurs aux charmes ,
Que nous prodigue ce beau jour ;
Quand sur cette rive ,
Baccus arrive ,
Présenté par l'amour,
Ces Vainqueurs unissent leurs coups ;
Leur gloire est certaine ,
Notre fuite est vaine ;
1
II. Vol. Hij Non
1426 MERCURE DE FRANCE
Non ,rien n'échape à leur chaîne ,
Cedons , cedons tous ,
Rendons nous.
Livrons sans allarmes , &c,
Tendres Amans ,
Le Mirthe, plus que la Treille ,
Vous donne- t - il d'heureux momens ?
La raison sommeille ,
Le plaisir veille ,
Sous ses Rameaux charmans
Livrons sans allarmes , & c,
•
Parodie de la premiere Musette du
troisiéme Acte , chantée par la- même.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Il n'est point d'autre Cour ,
Que celle de l'Amour.
La douce Paix ,
Regne à jamais ,
Dans ces belles retraittes ;
Nos Voix et nos Musettes
Chantent ses attraits ;
Nos amourettes ,
Ressentent ses bienfaits.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
II. Vel, Rien
JUIN.
1427
•
1733.
Rien ne trouble la Cour ,
Et les voeux de l'Amour.
Point de tourmens
Jamais d'envie ,
Point de jalousie ,
Dans ces lieux charmans :
O l'heureuse vie !
Ménageons-en tous les momens.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Les Jeux seuls font la Cour ,
Que rassemble l'Amour.
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Résumé : Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique présente avec succès les représentations du ballet 'Les Fêtes Grecques et Romaines'. Cette reprise d'opéra est particulièrement brillante et acclamée. Les auteurs, Fuselier pour le poème et Blamont pour la musique, sont félicités pour ce succès. Les danseuses Antier, le Maure et Petitpas, ainsi que les danseurs Tribou et Chassé, se distinguent par leur interprétation. Le ballet, composé par Blondi, est très apprécié. La danseuse Camargo se distingue au prologue dans le rôle de Terpsicore grâce à ses différents caractères et ses pas variés. Des ajouts ont été faits aux paroles des divertissements. Au premier acte, le chanteur Féliot interprète un air sur les prix de la gloire et de l'amour. Au second acte, la danseuse Petitpas chante une parodie de l'air des Baccantes, invitant à profiter des charmes du jour et de l'amour. Au troisième acte, elle chante une parodie de la première musette, décrivant une cour régie par l'amour et la paix, où règnent la douceur et le bonheur.
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7
p. 62-67
LA CONVALESCENCE D'EUPHÉMIE.
Début :
ELLE se leve enfin des ombres de la mort [...]
Mots clefs :
Yeux, Ciel, Amitié, Alarmes, Voix, Dieu, Jeunesse, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA CONVALESCENCE D'EUPHÉMIE.
LA CONVALESCENCE
D'EUPHÉ MI E.
ELLE fe leve enfin des ombres de la mort
Cette femme adorée , aimée avec tranfport ,
De l'amitié le fuprême Génie ,
Et par l'Amour & la Vertu d'accord
De tous les attraits embellie ,
De ce monde charmé la Vénus Uranie
EUPHEMIE a dompté la colère du fort !
Elle a rouvert fes yeux a la douce lumière !
Les Plaifirs ingénûs , les Amours innocens
Marquent devant fes pas fa nouvelle carrière ,
Et la fément des fleurs d'un éternel Printemps
Un nouveau jour te luit ; Atropos adoucie
MAI: 1763.
A repris de tes jours le tilfu précieux ;
Et fur cette trame chérie
Va verfer tous les dons de la Terre & des Cieux ....
Objet d'allarmes éternelles
Tu ne fçauras jamais nos craintes , nos tourmens ;
D'un coeurqui partageoit tes fouffrances mortelles,
Les horribles déchiremens.
Jignorois tes périls ; ton image charmante
Rempliffoit tous mes fens;jufques dans le fommeil ,
Ton image me fuit ; & c'eſt à mon réveil
La premiere qui fe préfente.
Je me difois dans un fonge flatteur
Dont la vérité même eût avoué l'érreur :
Euphémie eft d'un Dieu le plus parfait ouvrage ;
Euphémie eft d'un Dieu la plus céleste image.
Son éclat s'embellit de la fimple candeur ;
Les Grâces à l'envi brillent fur fon viſage ;
Et les vertus refpirent dans fon coeur :
Elle connoît l'amitié pure
Dans un âge trompeur & trompé tour- à- tour ,
Où l'on ne connoît que l'amour ,
Elle aime fans foibleffe & plaît fans impoſture ;
Toujours la même aux yeux du Sentiment ,
Pour le goût toujours différente ,
A la fois vive & tendre , & naïve & piquante ,
Elle montre fans ornement
La fagelle fublime & la beauté touchante.....
Qui la connoît , doit l'aimer conftamment .
Une lugubre voix , la voix de la mort même,
Vient m'arracher à ce fommeil fi doux.
64 MERCURE DE FRANCE .
7
J'apprends , Dieux ! que tout ce que j'aime
Eft l'objet de votre courroux . ……….
Qu'Euphémie en un mot , d'un mal fubit atteinte.
J'accours , je volé à toi ... mes yeux cherchent tes
yeux ;
Dans mon fein agité ma voix retombe éteinte .
Je te vois ...la clarté s'enfuyoit de ces lieux ...
Je vois fous les couteaux du farouche Efculape
Jaillir ton fang !.. tout le mien s'eft glacé ;
C'est mon flanc même que l'on frappe ;
Je fens mon coeur de mille traits percé.
Tremblant d'ouvrir mes yeux appefantis de larmes
Surtonfort...& pourtant brûlant de l'éclairer
Craignant de trop fçavoir , & de trop ignorer ,
Emporté , déchiré d'allarmes en allarmes ;
Quelquefois embraffant ce fantôme flatteur ,
L'efpoir , du malheureux le feul confolateur ,
L'efpoir , de qui bientôt la lueur expirée
Me replongeoit aufein d'une plus fombre horreur
Et me montroit ta perte , ô ciel ! plus affurée !
Avec toi chaque inftant à mon dernier foupir ,
M'enfonçant avec toi dans la tombe éffroyable :
Tel étoit mon tourment ... torture inexprimable !
Devois- je croire encor qu'on pouvoit plus fouffrir ?
Oui !je te vois ouvrir ta paupière charmante
Pour contempler un ami malheureux ;
Tu me dis d'une voix mourante ,
Tume dis.... c'en eft fait , recevez mes adieux !
N'accufons point du Ciel la fageffe profonde ...
mon ami ! vivez pour être utile au monde,
M A I. 1763. 65
Pourvos parens .... hélas ! mes derniers voeux
Sont que ce jufte Ciel vous rende plus heureux.
Eh! ne vaut il pas mieux qu'il termine ma vie ,
Que d'avoir fur la vôtre étendu ſes rigueurs ?
L'amitié même en vous m'auroit été ravie ....
Confolez-vous du trépas d'Euphémie :
Parlez-en quelquefois , mais fans verfer de
pleurs ...
Pour moi , s'il m'eft permis d'emporter des ardeurs
Que l'innocence juſtifie ;
De mon ami , du modéle des coeurs ,
J'aurai toujours l'âme remplie ...
Ces mots à peine prononcés ,
Mots qui dans mon efprit vivront toujours tracés,
Ta me tends une main tremblante :
J'y porte avec ma bouche une âme défaillante...
D'an fardeau de douleurs mes ſens appeſantis
Dans un fommeil de mort tombent anéantis ...
Je fors de cette nuit ...Je vois quelques amis
Qui m'avoient tranfporté loin d'un fpectacle horri
ble:
Mes regards , tout mon coeur en ce moment terrible
Volent fur leur vifage ; avidement j'y lis ...
Dans leurs traits , dans leurs yeux , je cherche l'ef
pérance ! ...
Eh bien eft- elle ? ... mieux ... dans leurs bras je
m'élance ;
O mes amis !... & Ciel ! .. elle vivroit ! ...
66 MERCURE DE FRANCE.
Ciel ta bonté me la rendroit !.....
Dieu Tout-Puiffant achève ton ouvrage ;
Toi qui tiens l'éxiftence & la mort dans tes mains ,
Conferve ton image aux regards des humains.
Eh,qui pourroit t'offrir un plus touchant homma
ge ? ....
Déjà pour moi les jours devenoient plus fereins .
Tout flattoit mes fouhaits ... cependant ma tendreffe
S'inquiétoit & s'allarmoit fans ceffe.
Qui fçait aimer , craint aiſément :
Un ami d'Euphémie a l'âme d'un amant.
J'implorois à chaque moment ,
Le Ciel qui de la mort ditipoit le nuage....
Enfin , chère Euphémie , il nous a tous fauvés s
Il a calmé les flors , il a chaffé l'orage ;
Des foleils radieux fur toi le font levés ...
De la tendre amitié goûte bien tous les charmes;
Qu'une joie innocente éfface nos allarmes ;
Qu'aujourd'hui le plaifir , le plaifir fi touchant
De te voir , d'épancher dans ton fein renaiſſant:
Tous les tranfports du plus pur Sentiment
Faffe lui feul couler nos larmes !
Puiffent ces pleurs fi chers , d'intérêt dépouillés ,
Que le terreftre amour ,les fens n'ont point fouil
lés ›
Lorfque du fort mortel tu fubiras l'outrage ,
Aller chercher ton coeur fous les glaces de l'âge
Et mêler leurs douceurs à tes réfléxions !
M A I. 1763.
67
E
Une autre qu'Euphémie à cette fombre image,
Repoufferoit mes auſtères crayons ,
Mais on peut parler de vieilleffe ,
Offrir les vérités de l'arrière- faifon
A qui n'eftime la jeuneſſe ,
Q'autant qu'elle a de force à fuivre la Raiſon ..
De ton âme toujours nouvelle .
Conferve les tréfors , les attraits fi puiffans.
Tes durables appas , d'un vrai luftre éclatans ,
De l'avide vautour qui dévore les ans ,
Braveront la faim éternelle.
Il peut dans fa fuite cruelle
Emporter les faux agrémens :
Mais la vertu s'affermit fur fon aîle
Et l'amitié pure & fidelle
L
Eft la beauté de tous les temps.
D'EUPHÉ MI E.
ELLE fe leve enfin des ombres de la mort
Cette femme adorée , aimée avec tranfport ,
De l'amitié le fuprême Génie ,
Et par l'Amour & la Vertu d'accord
De tous les attraits embellie ,
De ce monde charmé la Vénus Uranie
EUPHEMIE a dompté la colère du fort !
Elle a rouvert fes yeux a la douce lumière !
Les Plaifirs ingénûs , les Amours innocens
Marquent devant fes pas fa nouvelle carrière ,
Et la fément des fleurs d'un éternel Printemps
Un nouveau jour te luit ; Atropos adoucie
MAI: 1763.
A repris de tes jours le tilfu précieux ;
Et fur cette trame chérie
Va verfer tous les dons de la Terre & des Cieux ....
Objet d'allarmes éternelles
Tu ne fçauras jamais nos craintes , nos tourmens ;
D'un coeurqui partageoit tes fouffrances mortelles,
Les horribles déchiremens.
Jignorois tes périls ; ton image charmante
Rempliffoit tous mes fens;jufques dans le fommeil ,
Ton image me fuit ; & c'eſt à mon réveil
La premiere qui fe préfente.
Je me difois dans un fonge flatteur
Dont la vérité même eût avoué l'érreur :
Euphémie eft d'un Dieu le plus parfait ouvrage ;
Euphémie eft d'un Dieu la plus céleste image.
Son éclat s'embellit de la fimple candeur ;
Les Grâces à l'envi brillent fur fon viſage ;
Et les vertus refpirent dans fon coeur :
Elle connoît l'amitié pure
Dans un âge trompeur & trompé tour- à- tour ,
Où l'on ne connoît que l'amour ,
Elle aime fans foibleffe & plaît fans impoſture ;
Toujours la même aux yeux du Sentiment ,
Pour le goût toujours différente ,
A la fois vive & tendre , & naïve & piquante ,
Elle montre fans ornement
La fagelle fublime & la beauté touchante.....
Qui la connoît , doit l'aimer conftamment .
Une lugubre voix , la voix de la mort même,
Vient m'arracher à ce fommeil fi doux.
64 MERCURE DE FRANCE .
7
J'apprends , Dieux ! que tout ce que j'aime
Eft l'objet de votre courroux . ……….
Qu'Euphémie en un mot , d'un mal fubit atteinte.
J'accours , je volé à toi ... mes yeux cherchent tes
yeux ;
Dans mon fein agité ma voix retombe éteinte .
Je te vois ...la clarté s'enfuyoit de ces lieux ...
Je vois fous les couteaux du farouche Efculape
Jaillir ton fang !.. tout le mien s'eft glacé ;
C'est mon flanc même que l'on frappe ;
Je fens mon coeur de mille traits percé.
Tremblant d'ouvrir mes yeux appefantis de larmes
Surtonfort...& pourtant brûlant de l'éclairer
Craignant de trop fçavoir , & de trop ignorer ,
Emporté , déchiré d'allarmes en allarmes ;
Quelquefois embraffant ce fantôme flatteur ,
L'efpoir , du malheureux le feul confolateur ,
L'efpoir , de qui bientôt la lueur expirée
Me replongeoit aufein d'une plus fombre horreur
Et me montroit ta perte , ô ciel ! plus affurée !
Avec toi chaque inftant à mon dernier foupir ,
M'enfonçant avec toi dans la tombe éffroyable :
Tel étoit mon tourment ... torture inexprimable !
Devois- je croire encor qu'on pouvoit plus fouffrir ?
Oui !je te vois ouvrir ta paupière charmante
Pour contempler un ami malheureux ;
Tu me dis d'une voix mourante ,
Tume dis.... c'en eft fait , recevez mes adieux !
N'accufons point du Ciel la fageffe profonde ...
mon ami ! vivez pour être utile au monde,
M A I. 1763. 65
Pourvos parens .... hélas ! mes derniers voeux
Sont que ce jufte Ciel vous rende plus heureux.
Eh! ne vaut il pas mieux qu'il termine ma vie ,
Que d'avoir fur la vôtre étendu ſes rigueurs ?
L'amitié même en vous m'auroit été ravie ....
Confolez-vous du trépas d'Euphémie :
Parlez-en quelquefois , mais fans verfer de
pleurs ...
Pour moi , s'il m'eft permis d'emporter des ardeurs
Que l'innocence juſtifie ;
De mon ami , du modéle des coeurs ,
J'aurai toujours l'âme remplie ...
Ces mots à peine prononcés ,
Mots qui dans mon efprit vivront toujours tracés,
Ta me tends une main tremblante :
J'y porte avec ma bouche une âme défaillante...
D'an fardeau de douleurs mes ſens appeſantis
Dans un fommeil de mort tombent anéantis ...
Je fors de cette nuit ...Je vois quelques amis
Qui m'avoient tranfporté loin d'un fpectacle horri
ble:
Mes regards , tout mon coeur en ce moment terrible
Volent fur leur vifage ; avidement j'y lis ...
Dans leurs traits , dans leurs yeux , je cherche l'ef
pérance ! ...
Eh bien eft- elle ? ... mieux ... dans leurs bras je
m'élance ;
O mes amis !... & Ciel ! .. elle vivroit ! ...
66 MERCURE DE FRANCE.
Ciel ta bonté me la rendroit !.....
Dieu Tout-Puiffant achève ton ouvrage ;
Toi qui tiens l'éxiftence & la mort dans tes mains ,
Conferve ton image aux regards des humains.
Eh,qui pourroit t'offrir un plus touchant homma
ge ? ....
Déjà pour moi les jours devenoient plus fereins .
Tout flattoit mes fouhaits ... cependant ma tendreffe
S'inquiétoit & s'allarmoit fans ceffe.
Qui fçait aimer , craint aiſément :
Un ami d'Euphémie a l'âme d'un amant.
J'implorois à chaque moment ,
Le Ciel qui de la mort ditipoit le nuage....
Enfin , chère Euphémie , il nous a tous fauvés s
Il a calmé les flors , il a chaffé l'orage ;
Des foleils radieux fur toi le font levés ...
De la tendre amitié goûte bien tous les charmes;
Qu'une joie innocente éfface nos allarmes ;
Qu'aujourd'hui le plaifir , le plaifir fi touchant
De te voir , d'épancher dans ton fein renaiſſant:
Tous les tranfports du plus pur Sentiment
Faffe lui feul couler nos larmes !
Puiffent ces pleurs fi chers , d'intérêt dépouillés ,
Que le terreftre amour ,les fens n'ont point fouil
lés ›
Lorfque du fort mortel tu fubiras l'outrage ,
Aller chercher ton coeur fous les glaces de l'âge
Et mêler leurs douceurs à tes réfléxions !
M A I. 1763.
67
E
Une autre qu'Euphémie à cette fombre image,
Repoufferoit mes auſtères crayons ,
Mais on peut parler de vieilleffe ,
Offrir les vérités de l'arrière- faifon
A qui n'eftime la jeuneſſe ,
Q'autant qu'elle a de force à fuivre la Raiſon ..
De ton âme toujours nouvelle .
Conferve les tréfors , les attraits fi puiffans.
Tes durables appas , d'un vrai luftre éclatans ,
De l'avide vautour qui dévore les ans ,
Braveront la faim éternelle.
Il peut dans fa fuite cruelle
Emporter les faux agrémens :
Mais la vertu s'affermit fur fon aîle
Et l'amitié pure & fidelle
L
Eft la beauté de tous les temps.
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Résumé : LA CONVALESCENCE D'EUPHÉMIE.
Le texte décrit la convalescence d'Euphémie, une femme appréciée pour ses qualités et sa beauté. Après une grave maladie, Euphémie rouvre les yeux et retrouve la lumière, marquant le début d'une nouvelle phase de sa vie caractérisée par l'innocence et l'amour. L'auteur exprime son soulagement et son amour profond pour Euphémie, soulignant ses vertus et sa pureté. Il décrit les moments de détresse et d'angoisse qu'il a vécus pendant sa maladie, craignant de la perdre. Euphémie, dans un moment de lucidité, lui demande de vivre pour être utile au monde et de se consoler de sa mort. L'auteur se réveille finalement pour découvrir qu'Euphémie est en vie, ce qui le remplit de joie et de gratitude. Il exprime son désir de profiter des jours sereins et de goûter aux charmes de l'amitié. Le texte se termine par un vœu pour qu'Euphémie conserve ses qualités et ses attraits, bravant le passage du temps.
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