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1
p. 229-230
AIR NOUVEAU.
Début :
Quoy que le Printemps ait commencé, la Saison est encore / Vents qui portez par tout vostre funeste rage, [...]
Mots clefs :
Printemps, Saison, Rude, Vent, Bruits, Hiver, Orage, Cavernes
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texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
Quoy que le Printemps ait
commencé , la Saiſon eft encore
fi rude , que rien n'y
fçauroit mieux convenir que
les paroles fuivantes. C'eſt
un fort habile Maiſtre qui les
a miſes en Air.
AIR NOUEVAU.
V
Ents qui portez par tout voftre
funefte rage,
Redoublez , redoublez vos bruits im
pétueux,
230 MERCURE
Et nepermettez pas en cet Hyver affreux,
Que pas un de nosjoursfoit exempt
de
l'Orage
.
Mais épargnez le doux calme des
nuits,
Rentrez pour quelque temps au fonds,
de vos Cavernes,
Et quand du Cabaret je reviens au
Logis,
Gardez- vous bien d'éteindre les Lan.
ternes.
commencé , la Saiſon eft encore
fi rude , que rien n'y
fçauroit mieux convenir que
les paroles fuivantes. C'eſt
un fort habile Maiſtre qui les
a miſes en Air.
AIR NOUEVAU.
V
Ents qui portez par tout voftre
funefte rage,
Redoublez , redoublez vos bruits im
pétueux,
230 MERCURE
Et nepermettez pas en cet Hyver affreux,
Que pas un de nosjoursfoit exempt
de
l'Orage
.
Mais épargnez le doux calme des
nuits,
Rentrez pour quelque temps au fonds,
de vos Cavernes,
Et quand du Cabaret je reviens au
Logis,
Gardez- vous bien d'éteindre les Lan.
ternes.
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Résumé : AIR NOUVEAU.
Le texte évoque une saison printanière rude et une chanson nouvellement composée. Cette chanson s'adresse à des entités porteuses de 'funeste rage', les incitant à multiplier les orages durant l'hiver, tout en épargnant le calme des nuits. Elle recommande aussi de laisser les lanternes allumées en rentrant du cabaret. Un 'fort habile Maistre' a mis ces paroles en musique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2804-2833
LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
Début :
MADAME, J'ay crû avoir remarqué dans mes deux Voyages de l'Isle-Adam, que VOTRE ALTESSE [...]
Mots clefs :
Ansacq, Sabbat, Relation, Prince de Conti, Princesse de Conti, Village, Esprit, Campagne, Vallons, Phénomène extraordinaire, Maison, Voix, Bruits, Merveilleux, Voix humaine, Bruit extraordinaire, Phénomènes, Laboureur, Témoins
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
LETTRE de M.Treüillot de Ptoncour,
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
En décembre 1730, le curé Treüillot de Ptoncour adresse une lettre à Madame la Princesse de Conty pour relater un phénomène extraordinaire survenu dans la paroisse d'Anfacq, près de Clermont-en-Beauvaisis. La nuit du 27 au 28 janvier 1730, plusieurs habitants ont entendu des voix humaines dans l'air, exprimant divers sentiments tels que la joie ou la tristesse. Le curé, initialement sceptique, a interrogé plusieurs témoins, dont deux laboureurs respectés, qui ont confirmé avoir entendu ces bruits. Les témoignages étaient cohérents et les témoins n'ont montré aucun signe de tromperie ou de contradiction. Le phénomène s'est répété la nuit du 9 au 10 mai 1730, incitant le curé à documenter les dépositions des témoins. Parmi les témoins, Charles Descouleurs et son frère François ont déclaré avoir entendu des éclats de rire provenant de centaines de personnes, imitant ceux des vieillards et des jeunes. Louis Duchemin et Patrice Touilly ont également entendu ces bruits en se rendant à Beauvais. Claude Descouleurs a mentionné avoir entendu des bruits similaires en janvier et en mai. Alexis Allou, Nicolas de la Place, Nicolas Portier et Antoine Le Roi ont tous décrit des bruits confus de voix humaines et d'instruments de musique. Le curé de Saint-Lucien d'Anfacq a certifié la fidélité des dépositions. Le texte discute également de la curiosité scientifique suscitée par les phénomènes aériens et propose d'étendre cette curiosité aux bruits extraordinaires, suggérant le terme 'Akoufmates' pour les désigner. L'auteur souligne que, bien que les phénomènes visuels soient plus facilement observables, les Akoufmates, bien que moins communs, méritent également l'attention des savants. Les témoignages sur ces bruits sont nombreux et concordants, rendant leur réalité difficile à nier. Le village d'Anfacq est situé dans un vallon formé par deux coteaux, entre Clermont et Mouy. Les bruits se manifestent principalement dans le parc et sont décrits comme une confusion de cris et de sons d'instruments. Une expérience personnelle visant à vérifier la présence d'échos naturels n'a pas abouti, renforçant ainsi le mystère des Akoufmates. Un incident récent rapporte que les bruits ont effrayé des moutons et une bergère, illustrant l'impact réel de ces phénomènes. L'auteur mentionne avoir entendu un bruit mystérieux près du Parc d'Anfacq et avoir chargé une personne de surveiller jusqu'à minuit durant l'hiver. Un ami, fonctionnaire à Clermont en Beauvoisis, révèle avoir entendu un bruit épouvantable quinze ans auparavant près du village d'Anfacq, alors qu'il passait à cheval. Terrifié, il tomba de son cheval et pria jusqu'à ce que le bruit cesse. Face à la fréquence croissante de tels événements, il avoue enfin ce qui lui est arrivé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1841-1854
EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
Début :
Le Sçavant qui a écrit la Lettre dont l'Extrait est inseré dans le Mercure [...]
Mots clefs :
Explication physique, Diocèse de Beauvais, Paroisse d'Ansacq, Sons, Bruits, Tonnerre, Vibrations, Ondulations, Fermentation, Parties salines
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
EXPLICATION Physique des bruits
entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq,
Diocèse de Beauvais , dont il est
parlé dans le second Volume du Mercure
de France du mois de Décembre 1730.
par M. Capperon , Ancien Doyen de
Saint Maxent.
LF savit quiseterdans le Mercure
E Sçavant qui a écrit la Lettre dont
du mois de , Février dernier m'invite
d'une maniere trop gracieuse à donner
une explication Physique des bruits entendus
à Ansacq , pour queje ne fasse pas
quelque effort pour le satisfaire . Je le fais
d'autant plus volontiers ,que je suis persua
dé que ce qu'il y a d'obligeant dans sa
A iij
Let1842
MERCURE DE FRANCE
›
Lettre vient de la seule bienveillance
qu'il a pour moi , et non de ce que j'ai
pû faire qui ait mérité son attention .
Il s'agit donc de donner une explication
physique de ces bruits qui ont été entendus
en l'air, dans la Paroisse d'Ansacq , proche
de Clermont en Beauvoisis , dont la Relation
a été écrite par le Curé du Lieu avec
beaucoup d'exactitude et d'esprit .
Pour entrer tout d'un coup ´en matiere
, je dis, que, quoique ces bruits qu'on
entend dans l'air ne soient pas bien frequens
, ils ne laissent pas d'arriver quelque
fois. L'Auteur de la Lettre écrite de Bourgogne
cite deux Particuliers qui lui ont
assuré avoir entendus des bruits à peu
près semblables ; sçavoir , l'un en Suisse
et l'autre dans la Bourgogne.
Voici même qu'on nous apprend par
une Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May , que de pareils bruits se
sont fait entendre pendant le mois d'Octobre
de l'année derniere , dans un Lieu
que l'on ne nomme pas .
Si nous voulons aller plus loin , l'Auteur
de la Lettre écrite de Bourgogne dit ,
qu'il croit avoir lû dans laChronique d'Helinand
, Moine de Froidmont , qui vivoit
sur la fin du XII . siécle, un fait semblable.
La même chose arriva du tems de saint
Mamert
OKAATO US T. 1731 1843 .
"
Mamert , Evêque de Vienne , c'est-à- dire ,
vers l'an 469. car au rapport de saint
Avit de Vienne et de saint Cesaire d'Arles,
citez par M. Baillet ( a ) on 'entendit plusieurs
fois dans l'air de ces sortes de bruits
pendant la nuit , dont non - seulement
les hommes furent extrémement effrayez ,
mais les animaux mêmes , puisqu'il est
dit , que les Loups et les Cerfs , sortoient
des Forêts , et fuyoient jusques dans les
Villes , ce qui avoit été précédé de frequens
Tremblemens de Terre dans le
Dauphiné où cela se passoit ; et c'est à la
frayeur que causerent ces évenemens rares
et toujours formidables , que les Prieres
des Rogations doivent leur origine.g
Long- tems avant tout cela, (b) Pline avoit
rapporté que lorsque les Romains firent
la Guerre aux Danois , on entendit plusieurs
fois dans l'air unbruit tel que celui
qui se fait dans le tems d'un combat par
le cliquetis des armes , et un autre qui
ressembloit au son des trompettes :
ce qui revient assez au bruit entendu à
Ansacq , puisqu'outre le bruit tumul-
(a) Histoire des Rogations.
(b) Armorum crepitus , et tuba sonitus auditos
è cælo cimbricis bellis accepimus et postea. &c.
Plin. Natur. Hist. lib. 2. cap . 57.
A iiij tueux,
1844 MERCURE DE FRANCE
tueux , on y entendoit aussi comme un
son de Trompette.
Quoiqu'il ne soit donc pas nouveau
d'ertendre dans l'air ces sortes de bruits
et de sons , on peut dire cependant
qu'ils sont toûjours assez rares et ce
n'est que parce qu'ils arrivent si peu souvent
, qu'on en est plus surpris lorsqu'on
les entend , et qu'on ne sçait à quoi en
attribuer la véritable cause ; ce fait n'étant
pas jusqu'à present venu à la connoissance
de Gens délivrez des préjugez
populaires , et qui fussent disposez
à en chercher la cause dans une bonne
Physique. Voyons maintenant si nous
pourrons découvrir comment ces sortes
de sons et de bruits peuvent naturellement
se former dans l'air.
J'avoue qu'il est difficile de comprendre
que cela puisse arriver dans un air
très-pur : car cet air peut bien , à la vérité,
par son mouvement et son agitation , rencontrant
des corps solides diversement figurez
, former diverses sortes de sons ;
mais que des bruits tels des bruits tels que ceux d'Ansacq
, puissent être causés par un agitation
intérieure qui se formeroit dans un
air aussi pur qu'on le suppose , c'est ce
qu'on ne peut raisonnablement penser. <
Il n'en est pas de même de l'air grossier
rempil
AOUST. 1731. 1845
rempli d'exhalaisons et de vapeurs , dans
lequel il est constant qu'il se peut former
des sons et des bruits . Nous en
avons une preuve sensible dans le bruit
formidable du Tonnerre , qui se fait si
souvent entendre dans l'air , lequel est
causé par une sorte de fermentation chaude
, produite dans un nuage , par le mélange
des parties sulphureuses , salines et
terrestres , qui y sont contenuës . Comme
dans cette fermentation le soufre
par consequent le feu , sont de la partie
, il ne faut pas être surpris si la détonation
étant violente , les vibrations
et les ondulations de l'air en sont plus
fortes et plus grandes , d'où il en résulte
des sons plus éclatans et plus terribles.
,
Une fermentation chaude et enflammée
qui se fait dans l'air , étant donc capable
de former des sons et des bruits trèsviolens
, il y a tout lieu de présumer, que
s'il s'y fait des fermentations froides plus
moderées , par un simple mélange des
parties salines avec des parties terrestres
Il s'y formera aussi des sons et des bruits ,
moins grands,à la vérité,que ceux du tonnerre
, mais toujours très -sensibles et frapans.
D'ailleurs ces fermentations doivent
être rares ; parce que la chaleur faisant
élever facilement dans l'air , les parties
AY
sulphu
>
1846 MERCURE DE FRANCE
que
sulphureuses de la terre , il s'ensuit
rarement les parties salines et terrestres
doivent s'y trouver absolument destituées
de quelque mélange de soufre : et
c'est justement parce que ces fermentations
froides se font rarement dans l'air ,
qu'on entend peu souvent les bruits et les
sons qu'elles y forment ; et que quand ,
cela est arrivé , ça été dans des temps et
des lieux , où personne ne s'est avisé d'en
rechercher la cause naturelle : c'est ce
qui a fait que jusqu'à present cette matiere
n'a pas été approfondie.
>
par-
Il me paroît néanmoins , qu'il n'est pas
si difficile de le faire : puisqu'il n'y a qu'à
transporter à l'air grossier, rempli de
ties salines et terrestres ce qu'on voit
tous les jours arriver dans d'autres liquides
, où se font ces sortes de fermentations
froides , tels , par exemple , que le
Vin, le Cidre, et la Bierre , qui fermentent
dans un muid , ou ce qui se fait souvent
dans la mer , lorsqu'elle fait un bruit assez
grand, pour qu'il soit quelquefois entendu
à cinq ou six lieuës loin de son rivage.
Je crois qu'on ne peut pas douter que
ce ne soit une fermentation froide qui se
fait dans le Vin ou dans le Cidre nouveaux
qui soit la cause du bruit er du
murmure assez sensible qui s'entend dan
>
e lc
AOUST. 1731. 1847
.
les muids , où ces liquides et ces sucs sont
contenus ; ce qui n'arrive , que parce que
la matiere subtile , répandue dans tout
'Univers , et qui fait seule la liquidité des
fluides,'agitant continuellement leurs parties
grossieres , poreuses et tartareuses et
d'autres plus fines et plus déliées , par
ses tourbillonnemens , elle les pousse si
vivement les unes contre les autres , que
Les petites s'introduisent par ce moyen
dans les pores des plus grossieres ; et
voilà ce qui fait la fermentation , qui
cause le gouflement , le bouillonnement
de ces liquides , et le bruit qui en résulte .
Car ces parties fines et déliées , entrant
dans les pores parties grossieres , elles
en chassent nécessairement l'air qui y étoit
renfermé ; ce qui lui donne lieu de s'élancer
assez violemment hors de ces liquides
, en les faisant , non seulement gonfler
et bouillonner , mais causant encore
le bruit et le murmure qu'on entend pendant
tout le tems que la fermentation
dure 3 parce que cet air ne peut pas s'échaper
avec quelque impetuosité hors de
la superficie de ces liquides par differens
endroits , qu'il ne frappe avec force l'air
extérieur , et qu'il n'y cause des secousses
et des vibrations assez fortes , pour
ébran ler le sens de l'oüie ; et former par
A vi con
des
1848 MERCURE DE FRANCE
consequent , en même- tems , ce bruit et
ce murmure qu'on entend.
Ce terrible mugissement, pour ainsi dire,
que fait quelquefois la mer , vient d'une
fermentation à peu près pareille ; car
comme nous en sommes ici fort proches,
j'ai été curieux de voir de quelle maniere
la chose se passoit , dans le tems que ce
bruit se faisoit fortement entendre ; et je
vis étant sur le rivage , que c'étoit dans
l'interieur des eaux , que se faisoit tout le
mouvement qui causoit ce bruit , la mer
' en étant pas pour cela plus agitée audehors
d'où j'ai conclu , qu'il est à croire,
que les Rivieres et les pluyes font continuellement
entrer dans la mer une infinité
de parties terrestres , dans lesquelles
beaucoup de particules d'air se trouvent
aussi renfermées et emprisonnées.
Mais parce que l'eau de la mer à cause
de sa grossiereté , ne peut pas seule faire
une dissolution assez parfaite de ces molécules
terrestres , pour chasser l'air qui
y est envelope ; s'il arrive que dans certain
espace de mer , il s'éleve de son fond
une vapeur remplie d'un Sel acide , fin
et délicat , c'est alors , que la matiere subtile
qui cause la fluidité de ses eaux , s'emparant
des éguilles fines et pointues de ce
Sel , elle les pousse violemment contre
ces
AOUST. 1731. 1849
ces molécules ; et les faisant entrer violemment
comme autant de petits coins
dans leurs pores , elle en brise et en
écarte les parties avec plus de facilité.
Les particules de Pair ont au même
instant la liberté de s'échaper de leur pri
son ; et leurs petits ressorts se débondant
, elles font alors dans l'eau de mer,
les mêmes effets qu'elles operent lorsqu'el
les échapent dans le Vin ou dans le Ĉidre
qui fermentent, c'est-à - dire , qui si elles ne
le font pas gonfler , à cause de la trop
grande étendue de ses eaux , ni trop
visiblement bouillonner , à cause du moument
extérieur de ses vagues , au moins
en s'échapant par une infinité d'endroits
de sa superficie , elles frappent l'air extérieur
avec d'autant plus de force , qu'el
les se trouvent réunies en plus grand nombre
, d'où il en résulte un bruit d'autang
plus éclatant.
Il ne reste maintenant qu'à appliquer
tout ce que je viens de dire,aux Akousmates
en général , et en particulier aux bruits.
entendus à Ansacq. Car si des fermentations
froides , qui se font dans les liquides
tels que le Vin , le Cidre , l'eau de mer ,
forment et causent naturellement des
sons; de pareilles fermentations pouvant
se faire également dans l'air , il est clair
qu'elles
1850 MERCURE DE FRANCE
qu'elles y peuvent aussi former des bruits
et des sons. Or il est hors de doute , que
dans les vapeurs qui s'élevent en l'air , il
y en a qui emportent avec elles quan
tité de parties simplement terrestres
qui contiennent aussi de l'air , et quantité
d'aurres parties purement salines. Mes
Observations sur les Sels , contenus dans
l'air , me l'ont fait assez connoître.
Personne ne peut donc disconvenir ,
que ces parties terrestres et salines , se
trouvant ramassées ensemble dans un
nuage , elles ne puissent y fermenter
comme elles font dans la Mer , et par
conséquent y former des sons plus ou
moins grands , selon que le nuage au
ra plus ou moins d'étendue et d'épais
seur , et qui paroîtront plus ou moins éloignés
, suivant que le nuage se trouvera
plus ou moins loin.
D'ailleurs cela peut arriver dans certains
Cantons , plutôt que dans d'autres,
soit parce qu'il s'y trouve beaucoup plus
de cette espece de Sel , ou qu'il s'y en
fait dans de certains temps une éva
poration plus grande ; ou enfin parce
qu'il y arrive quelque remüement ou
Tremblement de Terre , qui contribue
à cette évaporation , propre à former
dans l'air la fermentation convenable
pour
A O UST . 1731. 1851
,
pour y causer ces sortes de bruits .
Pendant cette fermentation , si l'air
renfermé dans le Nuage en échape tout
à la fois , comme dans la mer , par quantité
d'endroits , il se formera alors un
bruit confus de sons differens , soit tel
que le cliquetis des armes ,
armes , ainsi que le
rapporte Pline , soit tel qu'un bruit confus
de differentes sortes de voix , comme
on l'a entendu à Ansacq , si l'air s'en
échappe assez violemment par une longue
traînée alors il formera des sons
semblables à ceux des trompettes , ou
tels que ceux de divers Instrumens
lon le plus ou le moins de force
de continuité , avec laquelle il s'échaperą.
>
>
seon
Car si l'air s'échape du nuage avec une
impétuosité considerable , qui approche
de plus près de ce qui se fait pendant
le Tonnerre , les bruits seront plus éclatans
et causeront beaucoup plus de
frayeur , non seulement aux hommes ,
mais même aux animaux , par la singularité
de ces sortes de bruits , auxquels
les Bêtes ne sont pas accoutumées , ce qui
a pû donner lieu aux Loups et aux Cerfs
de fuir hors des Bois et des Forêts , ainsi
qu'il est arrivé au temps de saint Mamert
; et aux Moutons , ou autres Animaux
,
1852 MERCURE DE FRANCE
maux , de forcer leurs parcs , et fuir de
tous côtez comme cela est arrivé en
Suisse et à Ansacq .
>
Enfin si cet échapement de l'air hors
du nuage se fait plus lentement , mais
néanmoins avec quelque durée ; alors on
entendra comme des gémissemens : et c'est
ce qu'on observe tous les jours , lorsqu'on
met sur le feu une Marmite remplie
d'eau ; car chacun sçait , qu'au mo
ment que l'eau vient a s'échauffer , on
est souvent surpris d'entendre tout à coup
comme une voix plaintive , qui sort de
la Marmite ; ce qui ne vient pareillement
, que par une traînée d'air , poussée
hors de l'eau par le feu , qui s'en
échape et en sort avec quelque lenteur
par un seul endroit.
Je dirai en passant , que des Particuliers
de cette Ville , ayant mis dans une
marmite pleine d'eau un coeur de Mouton
et d'autres visceres , pour connoître
par des observations superstisieuses , l'Auteur
d'un prétendu maléfice , jetté à ce
qu'ils croyoient sur leurs chevaux un
bruit plaintif qui sortit de l'eau , leur
fit imaginer que c'étoit le Diable qui étoit
descendu par la cheminée , et qui hurloit
dans la marmite , ils s'enfuirent tous à
l'instant , et abandonnercnt leur opération
superstitieuse.
,
Сон
A O UST. 1731. 1853
Concluons donc de tout ce que je
viens de dire , que les Akousmates , et
les bruits entendus à Ansacq et ailleurs
, se sont naturellement formés dans
un nuage , qui étoit posé sur les lieux où
on les entendoit,ou au moins qui en étoit
peu éloigné ; ajoutons que cela est plus
vrai - semblable , que de croire , comme
le dit l'Auteur du Mémoire , inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier , que
la chose s'est faite par l'addresse de quelque
Particulier , qui a sçû causer ces sortes
de bruits , pour avoir le plaisir de
donner l'épouvante à ceux qui les ont
entendus : parce qu'on ne peut pas raisonnablement
présumer qu'un particulier
qui auroit voulu se donner ce
plaisir , eût pû tenir la chose si secrete,
que personne n'en eût eû la moindre connoissance
, et qu'on lui en eût gardé un
parfait secret, qu'il en cût été de même dans
tous les temps et tous les lieux , ou de
semblables bruits se sont fait entendre.
Peut-on croire que tous ceux qui au- “
roient eu une telle addresse , auroient toujours
voulu la tenir cachée? c'est ce que leur
amour propre ne leur auroit jamais permis.
Les nommez Philibert et Loillet,
dont parle l'Auteur du Mémoire n'ont
eû garde de tenir leur talent caché et se-
>
cret.
1854 MERCURE DE FRANCE
cret. On vient même de faire connoître
par la Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May dernier , et dont j'ai parlé
cy-dessus , que la chose n'a jamais pû se
faire par un semblable moyen.
A la Ville d'Eu , le 20. de Juin 1731 .
entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq,
Diocèse de Beauvais , dont il est
parlé dans le second Volume du Mercure
de France du mois de Décembre 1730.
par M. Capperon , Ancien Doyen de
Saint Maxent.
LF savit quiseterdans le Mercure
E Sçavant qui a écrit la Lettre dont
du mois de , Février dernier m'invite
d'une maniere trop gracieuse à donner
une explication Physique des bruits entendus
à Ansacq , pour queje ne fasse pas
quelque effort pour le satisfaire . Je le fais
d'autant plus volontiers ,que je suis persua
dé que ce qu'il y a d'obligeant dans sa
A iij
Let1842
MERCURE DE FRANCE
›
Lettre vient de la seule bienveillance
qu'il a pour moi , et non de ce que j'ai
pû faire qui ait mérité son attention .
Il s'agit donc de donner une explication
physique de ces bruits qui ont été entendus
en l'air, dans la Paroisse d'Ansacq , proche
de Clermont en Beauvoisis , dont la Relation
a été écrite par le Curé du Lieu avec
beaucoup d'exactitude et d'esprit .
Pour entrer tout d'un coup ´en matiere
, je dis, que, quoique ces bruits qu'on
entend dans l'air ne soient pas bien frequens
, ils ne laissent pas d'arriver quelque
fois. L'Auteur de la Lettre écrite de Bourgogne
cite deux Particuliers qui lui ont
assuré avoir entendus des bruits à peu
près semblables ; sçavoir , l'un en Suisse
et l'autre dans la Bourgogne.
Voici même qu'on nous apprend par
une Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May , que de pareils bruits se
sont fait entendre pendant le mois d'Octobre
de l'année derniere , dans un Lieu
que l'on ne nomme pas .
Si nous voulons aller plus loin , l'Auteur
de la Lettre écrite de Bourgogne dit ,
qu'il croit avoir lû dans laChronique d'Helinand
, Moine de Froidmont , qui vivoit
sur la fin du XII . siécle, un fait semblable.
La même chose arriva du tems de saint
Mamert
OKAATO US T. 1731 1843 .
"
Mamert , Evêque de Vienne , c'est-à- dire ,
vers l'an 469. car au rapport de saint
Avit de Vienne et de saint Cesaire d'Arles,
citez par M. Baillet ( a ) on 'entendit plusieurs
fois dans l'air de ces sortes de bruits
pendant la nuit , dont non - seulement
les hommes furent extrémement effrayez ,
mais les animaux mêmes , puisqu'il est
dit , que les Loups et les Cerfs , sortoient
des Forêts , et fuyoient jusques dans les
Villes , ce qui avoit été précédé de frequens
Tremblemens de Terre dans le
Dauphiné où cela se passoit ; et c'est à la
frayeur que causerent ces évenemens rares
et toujours formidables , que les Prieres
des Rogations doivent leur origine.g
Long- tems avant tout cela, (b) Pline avoit
rapporté que lorsque les Romains firent
la Guerre aux Danois , on entendit plusieurs
fois dans l'air unbruit tel que celui
qui se fait dans le tems d'un combat par
le cliquetis des armes , et un autre qui
ressembloit au son des trompettes :
ce qui revient assez au bruit entendu à
Ansacq , puisqu'outre le bruit tumul-
(a) Histoire des Rogations.
(b) Armorum crepitus , et tuba sonitus auditos
è cælo cimbricis bellis accepimus et postea. &c.
Plin. Natur. Hist. lib. 2. cap . 57.
A iiij tueux,
1844 MERCURE DE FRANCE
tueux , on y entendoit aussi comme un
son de Trompette.
Quoiqu'il ne soit donc pas nouveau
d'ertendre dans l'air ces sortes de bruits
et de sons , on peut dire cependant
qu'ils sont toûjours assez rares et ce
n'est que parce qu'ils arrivent si peu souvent
, qu'on en est plus surpris lorsqu'on
les entend , et qu'on ne sçait à quoi en
attribuer la véritable cause ; ce fait n'étant
pas jusqu'à present venu à la connoissance
de Gens délivrez des préjugez
populaires , et qui fussent disposez
à en chercher la cause dans une bonne
Physique. Voyons maintenant si nous
pourrons découvrir comment ces sortes
de sons et de bruits peuvent naturellement
se former dans l'air.
J'avoue qu'il est difficile de comprendre
que cela puisse arriver dans un air
très-pur : car cet air peut bien , à la vérité,
par son mouvement et son agitation , rencontrant
des corps solides diversement figurez
, former diverses sortes de sons ;
mais que des bruits tels des bruits tels que ceux d'Ansacq
, puissent être causés par un agitation
intérieure qui se formeroit dans un
air aussi pur qu'on le suppose , c'est ce
qu'on ne peut raisonnablement penser. <
Il n'en est pas de même de l'air grossier
rempil
AOUST. 1731. 1845
rempli d'exhalaisons et de vapeurs , dans
lequel il est constant qu'il se peut former
des sons et des bruits . Nous en
avons une preuve sensible dans le bruit
formidable du Tonnerre , qui se fait si
souvent entendre dans l'air , lequel est
causé par une sorte de fermentation chaude
, produite dans un nuage , par le mélange
des parties sulphureuses , salines et
terrestres , qui y sont contenuës . Comme
dans cette fermentation le soufre
par consequent le feu , sont de la partie
, il ne faut pas être surpris si la détonation
étant violente , les vibrations
et les ondulations de l'air en sont plus
fortes et plus grandes , d'où il en résulte
des sons plus éclatans et plus terribles.
,
Une fermentation chaude et enflammée
qui se fait dans l'air , étant donc capable
de former des sons et des bruits trèsviolens
, il y a tout lieu de présumer, que
s'il s'y fait des fermentations froides plus
moderées , par un simple mélange des
parties salines avec des parties terrestres
Il s'y formera aussi des sons et des bruits ,
moins grands,à la vérité,que ceux du tonnerre
, mais toujours très -sensibles et frapans.
D'ailleurs ces fermentations doivent
être rares ; parce que la chaleur faisant
élever facilement dans l'air , les parties
AY
sulphu
>
1846 MERCURE DE FRANCE
que
sulphureuses de la terre , il s'ensuit
rarement les parties salines et terrestres
doivent s'y trouver absolument destituées
de quelque mélange de soufre : et
c'est justement parce que ces fermentations
froides se font rarement dans l'air ,
qu'on entend peu souvent les bruits et les
sons qu'elles y forment ; et que quand ,
cela est arrivé , ça été dans des temps et
des lieux , où personne ne s'est avisé d'en
rechercher la cause naturelle : c'est ce
qui a fait que jusqu'à present cette matiere
n'a pas été approfondie.
>
par-
Il me paroît néanmoins , qu'il n'est pas
si difficile de le faire : puisqu'il n'y a qu'à
transporter à l'air grossier, rempli de
ties salines et terrestres ce qu'on voit
tous les jours arriver dans d'autres liquides
, où se font ces sortes de fermentations
froides , tels , par exemple , que le
Vin, le Cidre, et la Bierre , qui fermentent
dans un muid , ou ce qui se fait souvent
dans la mer , lorsqu'elle fait un bruit assez
grand, pour qu'il soit quelquefois entendu
à cinq ou six lieuës loin de son rivage.
Je crois qu'on ne peut pas douter que
ce ne soit une fermentation froide qui se
fait dans le Vin ou dans le Cidre nouveaux
qui soit la cause du bruit er du
murmure assez sensible qui s'entend dan
>
e lc
AOUST. 1731. 1847
.
les muids , où ces liquides et ces sucs sont
contenus ; ce qui n'arrive , que parce que
la matiere subtile , répandue dans tout
'Univers , et qui fait seule la liquidité des
fluides,'agitant continuellement leurs parties
grossieres , poreuses et tartareuses et
d'autres plus fines et plus déliées , par
ses tourbillonnemens , elle les pousse si
vivement les unes contre les autres , que
Les petites s'introduisent par ce moyen
dans les pores des plus grossieres ; et
voilà ce qui fait la fermentation , qui
cause le gouflement , le bouillonnement
de ces liquides , et le bruit qui en résulte .
Car ces parties fines et déliées , entrant
dans les pores parties grossieres , elles
en chassent nécessairement l'air qui y étoit
renfermé ; ce qui lui donne lieu de s'élancer
assez violemment hors de ces liquides
, en les faisant , non seulement gonfler
et bouillonner , mais causant encore
le bruit et le murmure qu'on entend pendant
tout le tems que la fermentation
dure 3 parce que cet air ne peut pas s'échaper
avec quelque impetuosité hors de
la superficie de ces liquides par differens
endroits , qu'il ne frappe avec force l'air
extérieur , et qu'il n'y cause des secousses
et des vibrations assez fortes , pour
ébran ler le sens de l'oüie ; et former par
A vi con
des
1848 MERCURE DE FRANCE
consequent , en même- tems , ce bruit et
ce murmure qu'on entend.
Ce terrible mugissement, pour ainsi dire,
que fait quelquefois la mer , vient d'une
fermentation à peu près pareille ; car
comme nous en sommes ici fort proches,
j'ai été curieux de voir de quelle maniere
la chose se passoit , dans le tems que ce
bruit se faisoit fortement entendre ; et je
vis étant sur le rivage , que c'étoit dans
l'interieur des eaux , que se faisoit tout le
mouvement qui causoit ce bruit , la mer
' en étant pas pour cela plus agitée audehors
d'où j'ai conclu , qu'il est à croire,
que les Rivieres et les pluyes font continuellement
entrer dans la mer une infinité
de parties terrestres , dans lesquelles
beaucoup de particules d'air se trouvent
aussi renfermées et emprisonnées.
Mais parce que l'eau de la mer à cause
de sa grossiereté , ne peut pas seule faire
une dissolution assez parfaite de ces molécules
terrestres , pour chasser l'air qui
y est envelope ; s'il arrive que dans certain
espace de mer , il s'éleve de son fond
une vapeur remplie d'un Sel acide , fin
et délicat , c'est alors , que la matiere subtile
qui cause la fluidité de ses eaux , s'emparant
des éguilles fines et pointues de ce
Sel , elle les pousse violemment contre
ces
AOUST. 1731. 1849
ces molécules ; et les faisant entrer violemment
comme autant de petits coins
dans leurs pores , elle en brise et en
écarte les parties avec plus de facilité.
Les particules de Pair ont au même
instant la liberté de s'échaper de leur pri
son ; et leurs petits ressorts se débondant
, elles font alors dans l'eau de mer,
les mêmes effets qu'elles operent lorsqu'el
les échapent dans le Vin ou dans le Ĉidre
qui fermentent, c'est-à - dire , qui si elles ne
le font pas gonfler , à cause de la trop
grande étendue de ses eaux , ni trop
visiblement bouillonner , à cause du moument
extérieur de ses vagues , au moins
en s'échapant par une infinité d'endroits
de sa superficie , elles frappent l'air extérieur
avec d'autant plus de force , qu'el
les se trouvent réunies en plus grand nombre
, d'où il en résulte un bruit d'autang
plus éclatant.
Il ne reste maintenant qu'à appliquer
tout ce que je viens de dire,aux Akousmates
en général , et en particulier aux bruits.
entendus à Ansacq. Car si des fermentations
froides , qui se font dans les liquides
tels que le Vin , le Cidre , l'eau de mer ,
forment et causent naturellement des
sons; de pareilles fermentations pouvant
se faire également dans l'air , il est clair
qu'elles
1850 MERCURE DE FRANCE
qu'elles y peuvent aussi former des bruits
et des sons. Or il est hors de doute , que
dans les vapeurs qui s'élevent en l'air , il
y en a qui emportent avec elles quan
tité de parties simplement terrestres
qui contiennent aussi de l'air , et quantité
d'aurres parties purement salines. Mes
Observations sur les Sels , contenus dans
l'air , me l'ont fait assez connoître.
Personne ne peut donc disconvenir ,
que ces parties terrestres et salines , se
trouvant ramassées ensemble dans un
nuage , elles ne puissent y fermenter
comme elles font dans la Mer , et par
conséquent y former des sons plus ou
moins grands , selon que le nuage au
ra plus ou moins d'étendue et d'épais
seur , et qui paroîtront plus ou moins éloignés
, suivant que le nuage se trouvera
plus ou moins loin.
D'ailleurs cela peut arriver dans certains
Cantons , plutôt que dans d'autres,
soit parce qu'il s'y trouve beaucoup plus
de cette espece de Sel , ou qu'il s'y en
fait dans de certains temps une éva
poration plus grande ; ou enfin parce
qu'il y arrive quelque remüement ou
Tremblement de Terre , qui contribue
à cette évaporation , propre à former
dans l'air la fermentation convenable
pour
A O UST . 1731. 1851
,
pour y causer ces sortes de bruits .
Pendant cette fermentation , si l'air
renfermé dans le Nuage en échape tout
à la fois , comme dans la mer , par quantité
d'endroits , il se formera alors un
bruit confus de sons differens , soit tel
que le cliquetis des armes ,
armes , ainsi que le
rapporte Pline , soit tel qu'un bruit confus
de differentes sortes de voix , comme
on l'a entendu à Ansacq , si l'air s'en
échappe assez violemment par une longue
traînée alors il formera des sons
semblables à ceux des trompettes , ou
tels que ceux de divers Instrumens
lon le plus ou le moins de force
de continuité , avec laquelle il s'échaperą.
>
>
seon
Car si l'air s'échape du nuage avec une
impétuosité considerable , qui approche
de plus près de ce qui se fait pendant
le Tonnerre , les bruits seront plus éclatans
et causeront beaucoup plus de
frayeur , non seulement aux hommes ,
mais même aux animaux , par la singularité
de ces sortes de bruits , auxquels
les Bêtes ne sont pas accoutumées , ce qui
a pû donner lieu aux Loups et aux Cerfs
de fuir hors des Bois et des Forêts , ainsi
qu'il est arrivé au temps de saint Mamert
; et aux Moutons , ou autres Animaux
,
1852 MERCURE DE FRANCE
maux , de forcer leurs parcs , et fuir de
tous côtez comme cela est arrivé en
Suisse et à Ansacq .
>
Enfin si cet échapement de l'air hors
du nuage se fait plus lentement , mais
néanmoins avec quelque durée ; alors on
entendra comme des gémissemens : et c'est
ce qu'on observe tous les jours , lorsqu'on
met sur le feu une Marmite remplie
d'eau ; car chacun sçait , qu'au mo
ment que l'eau vient a s'échauffer , on
est souvent surpris d'entendre tout à coup
comme une voix plaintive , qui sort de
la Marmite ; ce qui ne vient pareillement
, que par une traînée d'air , poussée
hors de l'eau par le feu , qui s'en
échape et en sort avec quelque lenteur
par un seul endroit.
Je dirai en passant , que des Particuliers
de cette Ville , ayant mis dans une
marmite pleine d'eau un coeur de Mouton
et d'autres visceres , pour connoître
par des observations superstisieuses , l'Auteur
d'un prétendu maléfice , jetté à ce
qu'ils croyoient sur leurs chevaux un
bruit plaintif qui sortit de l'eau , leur
fit imaginer que c'étoit le Diable qui étoit
descendu par la cheminée , et qui hurloit
dans la marmite , ils s'enfuirent tous à
l'instant , et abandonnercnt leur opération
superstitieuse.
,
Сон
A O UST. 1731. 1853
Concluons donc de tout ce que je
viens de dire , que les Akousmates , et
les bruits entendus à Ansacq et ailleurs
, se sont naturellement formés dans
un nuage , qui étoit posé sur les lieux où
on les entendoit,ou au moins qui en étoit
peu éloigné ; ajoutons que cela est plus
vrai - semblable , que de croire , comme
le dit l'Auteur du Mémoire , inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier , que
la chose s'est faite par l'addresse de quelque
Particulier , qui a sçû causer ces sortes
de bruits , pour avoir le plaisir de
donner l'épouvante à ceux qui les ont
entendus : parce qu'on ne peut pas raisonnablement
présumer qu'un particulier
qui auroit voulu se donner ce
plaisir , eût pû tenir la chose si secrete,
que personne n'en eût eû la moindre connoissance
, et qu'on lui en eût gardé un
parfait secret, qu'il en cût été de même dans
tous les temps et tous les lieux , ou de
semblables bruits se sont fait entendre.
Peut-on croire que tous ceux qui au- “
roient eu une telle addresse , auroient toujours
voulu la tenir cachée? c'est ce que leur
amour propre ne leur auroit jamais permis.
Les nommez Philibert et Loillet,
dont parle l'Auteur du Mémoire n'ont
eû garde de tenir leur talent caché et se-
>
cret.
1854 MERCURE DE FRANCE
cret. On vient même de faire connoître
par la Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May dernier , et dont j'ai parlé
cy-dessus , que la chose n'a jamais pû se
faire par un semblable moyen.
A la Ville d'Eu , le 20. de Juin 1731 .
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Résumé : EXPLICATION Physique des bruits entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq, Diocèse de Beauvais, dont il est parlé dans le second Volume du Mercure de France du mois de Décembre 1730. par M. Capperon, Ancien Doyen de Saint Maxent.
En décembre 1730, le Mercure de France rapporte des bruits mystérieux entendus dans l'air à Ansacq, une paroisse du diocèse de Beauvais. M. Capperon, ancien doyen de Saint Maxent, propose une explication physique à ces phénomènes. Ces bruits, décrits comme tumultueux et similaires à des sons de trompette, ont été observés dans diverses régions et époques, y compris en Suisse, en Bourgogne, et durant l'Antiquité. Capperon cite des exemples historiques similaires, comme ceux rapportés par Pline et lors des prières des Rogations initiées par saint Mamert. Il explique que ces bruits ne peuvent se produire dans un air pur mais sont possibles dans un air grossier rempli d'exhalaisons et de vapeurs. Il compare ces phénomènes à des fermentations observées dans des liquides comme le vin, le cidre, et la bière, ainsi qu'à des bruits marins. L'auteur suggère que des fermentations froides dans l'air, causées par le mélange de parties salines et terrestres, peuvent produire des sons et des bruits. Ces fermentations sont rares, ce qui explique la surprise et l'incertitude quant à leur origine. Il conclut que les bruits entendus à Ansacq peuvent être expliqués par des fermentations dans les nuages, similaires à celles observées dans d'autres liquides. Le texte du Mercure de France de 1852 et 1853 discute également des phénomènes acoustiques observés à Ansacq et dans d'autres régions. Il explique que les bruits entendus, tels que des gémissements ou des voix plaintives, sont causés par l'échappement de l'air hors des nuages ou de l'eau chauffée. Un exemple est donné avec une marmite d'eau chauffée, où l'air s'échappe lentement, produisant des sons similaires à des plaintes. Le texte mentionne une anecdote où des habitants de la ville, ayant placé des viscères de mouton dans une marmite d'eau, ont interprété un bruit plaintif comme étant le Diable, ce qui les a effrayés et les a fait fuir. L'auteur conclut que les bruits entendus à Ansacq et ailleurs sont dus à des phénomènes naturels se produisant dans les nuages. Il rejette l'idée que ces bruits soient causés par des individus cherchant à effrayer les autres, arguant que cela serait difficile à garder secret. Une lettre insérée dans le Mercure de mai 1731 confirme que les bruits ne peuvent pas être produits par des moyens artificiels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. *191-191
ESPAGNE.
Début :
Le 31 de Décembre, vers les six heures du matin, cette Ville a encore ressenti [...]
Mots clefs :
Lisbonne, Tremblement de terre, Bruits, Secousses violentes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE.
DE LISBONNE , le 10 Janvier.
Le 31 de Décembre , vers les fix heures da
matin , cette Ville a encore reffenti un nouveau
tremblement de terre dont la fecouffe a duré
trenté ou trente-deux ſecondes. Elle étoit accompagnée
d'un bruit fouterrein . C'eft la plus violente
qu'on ait effuyée depuis celle du premier Novem
bre 1755 ; mais elle n'a point cauſé de dommage.
DE LISBONNE , le 10 Janvier.
Le 31 de Décembre , vers les fix heures da
matin , cette Ville a encore reffenti un nouveau
tremblement de terre dont la fecouffe a duré
trenté ou trente-deux ſecondes. Elle étoit accompagnée
d'un bruit fouterrein . C'eft la plus violente
qu'on ait effuyée depuis celle du premier Novem
bre 1755 ; mais elle n'a point cauſé de dommage.
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5
p. 209-210
De VIENNE, le 9 Juillet 1763.
Début :
On a reçu ici la nouvelle d'un tremblement de Terre que l'on ressentit à [...]
Mots clefs :
Tremblement de terre, Secousses, Bruits, Édifices, Dégâts, Écroulement, Blessés et morts, Décombres, Refuge, Montée des eaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VIENNE, le 9 Juillet 1763.
De VIENNE, le 9 Juillet 1763.
On a reçu ici la nouvelle d'un tremblement de
Terre que l'on reffentit à Comorre le 28 du mois
dernier.
La première fecouffe fe fit fentir à cinq heures
du matin : l'allarme fut bientôt génerale , & la
plupart des habitans forrirent précipitamment de
la ville. A cinq heures vingt-deux à vingt-trois minutes
, il y eut une feconde fecouffe accompa
gnée d'un bruit fouterrain , laquelle dura une minute
& demie ; l'ébranlement fut fi confidérable ,
que les murs des Eglifes , des principaux Edifices ,
& de prefque toutes les Mailons des Particuliers
furent entr'ouverts ; la plupart des toits , des voutes
& des planchers tombèrent ' ; l'Eglife des Jéfaites
fut entiérement ruinée , la Tour s'écroula ,
& leur maiſon fut extrêmement endommagée ; le
Couvent des Récolets fut encore plus maltraité ;
tous les Autels de l'Eglife furent renversés ; la
voûte entiérement tomba , & écrafa plufieurs perfonnes
qui atfiftoient à la Melle . La Tour de l'Hô-
' tel- de- Ville s'écroula , & enfevelit beaucoup de
BIO MERCURE DE FRANCE.
monde fous les ruines ; on ignore encore le nor
bre de ceux qui ont péri : on a déjà retiré de deffous
les décombres cinquante- quatre morts , &
l'on évalue a deux cens perfonnes le nombre des
bleffés . Plus des deux tiers des Habitans , fe font
ou fauvés dans le plat Pays , ou réfugiés far des
bateaux , le Service Divin le fait fous des espèces
de Hangards. On a manqué de vivres pendant
quelques jours , & dans ces circonftances , les
Communautés voifines le font empreffées de faire
paffer aux malheureux Habitans de cette ville ,
du pain & une quantité confidérable de farine. La
terre n'étoit pas encore calmée le 4 de ce mois , &
l'on avoit compté jufqu'alors quatre - vingt - dix
fecouffes. On a remarqué le long du Danube plufieurs
endroits d'où jaillifoit de la groffeur du bras
& de la hauteur d'environ cinq pieds , une eau
'mêlée d'un fable bleuâtre & fin , imprégné d'une
deur de fouffre.
On a reçu ici la nouvelle d'un tremblement de
Terre que l'on reffentit à Comorre le 28 du mois
dernier.
La première fecouffe fe fit fentir à cinq heures
du matin : l'allarme fut bientôt génerale , & la
plupart des habitans forrirent précipitamment de
la ville. A cinq heures vingt-deux à vingt-trois minutes
, il y eut une feconde fecouffe accompa
gnée d'un bruit fouterrain , laquelle dura une minute
& demie ; l'ébranlement fut fi confidérable ,
que les murs des Eglifes , des principaux Edifices ,
& de prefque toutes les Mailons des Particuliers
furent entr'ouverts ; la plupart des toits , des voutes
& des planchers tombèrent ' ; l'Eglife des Jéfaites
fut entiérement ruinée , la Tour s'écroula ,
& leur maiſon fut extrêmement endommagée ; le
Couvent des Récolets fut encore plus maltraité ;
tous les Autels de l'Eglife furent renversés ; la
voûte entiérement tomba , & écrafa plufieurs perfonnes
qui atfiftoient à la Melle . La Tour de l'Hô-
' tel- de- Ville s'écroula , & enfevelit beaucoup de
BIO MERCURE DE FRANCE.
monde fous les ruines ; on ignore encore le nor
bre de ceux qui ont péri : on a déjà retiré de deffous
les décombres cinquante- quatre morts , &
l'on évalue a deux cens perfonnes le nombre des
bleffés . Plus des deux tiers des Habitans , fe font
ou fauvés dans le plat Pays , ou réfugiés far des
bateaux , le Service Divin le fait fous des espèces
de Hangards. On a manqué de vivres pendant
quelques jours , & dans ces circonftances , les
Communautés voifines le font empreffées de faire
paffer aux malheureux Habitans de cette ville ,
du pain & une quantité confidérable de farine. La
terre n'étoit pas encore calmée le 4 de ce mois , &
l'on avoit compté jufqu'alors quatre - vingt - dix
fecouffes. On a remarqué le long du Danube plufieurs
endroits d'où jaillifoit de la groffeur du bras
& de la hauteur d'environ cinq pieds , une eau
'mêlée d'un fable bleuâtre & fin , imprégné d'une
deur de fouffre.
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Résumé : De VIENNE, le 9 Juillet 1763.
Le 9 juillet 1763, une nouvelle rapporta un tremblement de terre à Comorre le 28 juin précédent. La première secousse, à cinq heures du matin, provoqua la panique. Une seconde secousse, accompagnée d'un bruit souterrain, dura une minute et demie, causant des dommages considérables. Les murs des églises, des édifices principaux et des maisons furent endommagés, et de nombreux toits, voûtes et planchers s'effondrèrent. L'église des Jésuites fut entièrement ruinée, et le couvent des Récollets subit des dégâts importants. La tour de l'hôtel de ville s'écroula, ensevelissant de nombreuses personnes. Le bilan provisoire faisait état de cinquante-quatre morts et environ deux cents blessés. Les habitants se réfugièrent dans les champs ou sur des bateaux, et le service divin fut célébré dans des hangars. Une pénurie de vivres fut signalée, mais des communautés voisines fournirent du pain et de la farine. Le 4 juillet, quatre-vingt-dix secousses furent enregistrées. Le long du Danube, plusieurs sources jaillirent, émettant une eau mêlée d'une substance bleuâtre et fine, imprégnée d'une odeur de soufre.
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