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p. 53-105
ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
Début :
J'ay cru que rien ne rendroit ce Parallele plus [...]
Mots clefs :
Homère, Rabelais, Comique, Sublime, Sujet, Éloquence, Auteur, Génie, Neptune, Beau, Idée, Paris, Vers, Paradoxe, Comparaison , Parallèle, Grandeur, Dieux, Sérieux, Combat, Tempête, Panurge, Pantagruel
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texteReconnaissance textuelle : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
ARTICLE BURLESQUE.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
Fermer
Résumé : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
L'article compare les œuvres d'Homère et de Rabelais, en soulignant les différences de style et de réception. L'auteur décide de rendre les contes de Rabelais plus accessibles et moins ennuyeux, notamment en retranchant une partie du conte du Cyclope d'Homère pour le rendre moins ennuyeux. Il propose plusieurs paradoxes, comme l'idée que le comique nécessite plus d'étendue d'esprit que le sérieux, et que les œuvres sérieuses excellentes contiennent du comique. L'auteur utilise une métaphore pour comparer la prévention à un taureau furieux et le badinage à une abeille légère qui le pique sans le blesser gravement. Il discute de la difficulté de percevoir le sublime dans les œuvres de Rabelais en raison de leur comique bas. Il cite un exemple de la vraie éloquence dans 'Pantagruel' et le compare à un passage sublime de l'Iliade. Le texte compare également deux descriptions de tempêtes, mettant en avant la tempête de Rubens, celle de Rabelais et la tempête héroïque d'Homère. Il décrit en détail la tempête narrée par Rabelais dans 'Pantagruel'. Cette tempête commence par une mer tranquille et mélancolique, puis se transforme en un chaos de vents, d'éclairs et de vagues monumentales. Les personnages, notamment Panurge et Frère Jean, réagissent avec peur et désespoir, mais aussi avec des tentatives de manœuvre pour sauver le navire. La tempête finit par s'apaiser, apportant un soulagement général, surtout à Panurge, qui exprime sa joie d'avoir enfin un pied sur terre. L'auteur admire la grandeur et la majesté de la poésie d'Homère, qui parvient à impliquer le ciel, la terre et toute la nature dans ses descriptions. Il conclut en quittant le badinage par respect pour Homère. Le texte mentionne la comparaison des tempêtes des deux auteurs comme un passe-temps, sans intention dogmatique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 135-144
LA FONTAINE de Jouvence.
Début :
Jupiter qui de l'empirée [...]
Mots clefs :
Pluton, Neptune, Jeunesse, Fontaine de jouvence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FONTAINE de Jouvence.
LA FONTAINE
de Jouvence .
Jupiter qui de l'empirée
Avoit chaffé Saturne &
Rhée ;
Qui par un attentat doublement
criminel
S'étoit faifi fur eux du trôné
paternel ,
Et qui, fuivant le cours de
fa bonne fortune ,
136
MERCURE
Soûmettoit en tyran tout le
monde à fes loix ,
Se vit enfin forcé
par
ton & Neptune
Plu-
De le partager entre eux
trois.
Neptune pour fon lot cut le
fceptre aquatique
,
Et regna fur toutes les mers.
Pluton , content du fien ,
prit le titre emphatique
De grand Monarque des
enfers.
Jupiter , pour fon droit d'aîneffe
,
Eut le refte de l'univers ,
Et feignit même avec adref
Le De
GALANT. 137
De s'en voir fans chagrin
dépouillé des deux
tiers.
Cependant , en fecret outré
de cette perte ,
De ceux qui la caufoient il
vouloit
fe vanger
.
Mais quoy les attaque .
tous deux à force
ouverte
Il y trouvoit trop de danger.
Ainfi recourant à la rufe ,
Il flate Neptune , l'abuſe ,
Et , d'accord avec lui , fait
l'établiſſement
De laFontaine de Jouvence.
M Avril 1714.
138 MERCURE
Cette fource d'abord parut
fans
confequence ,
On s'en loua partout , &
l'on crut feulement
Que propice
à la race humaine
,
Il lui faifoit ce nouveau
don :
Mais elle étoit un fruit de
fon adroite haine ,
Il fe vangeoit par elle , &
par elle Pluton
Eût infenfenfiblement vû
ſaper & détruire
Le fondement de fon em.
pire ;
Car l'homme , quoique né
GALANT. - 139
נ
3
mortel ,
S'y dépouilloir de fa vieilleſſe
,
Et trouvoit dans fes eaux
une verte jeuneſſe
Qui le rendoit comme éternel
:
De forte qu'à la fin les droits
de ce Monarque
Se trouvant affoiblis par le
peu de mourans
Et par l'oifiveté de la fatale
barque ,
Il eût été facile au vainqueur
des Geans
De reprendre fur lui , fans
ſujets , ſans finance ,
Mij
140 MERCURE
Ce
que la feule violence
Avoit arraché de fa main.
Pluton détruit , Neptune
en vain
Eût voulu faire refiftance
;
Ses Monftres marins , fes
Tritons ,
Ses
rochers
menaçans , fes
abimes
profonds
L'auroient vû forcer de lui
rendre
Ces humides Eftats qu'ils
n'auroient pû défendre.
Mais Pluton s'étant apperçû
GALANT. 141
1
Du tort que fon Royaume
avoit déja reçû
De cette fameuſe fontaine
,
Confulta le prudent Minos.
Vôtre Majefté foûterraine ,
Répondit il en peu
mots ,
de
Sçait que jamais un Dieu
n'eft en droit de défaire
Ce qu'une autre Deïté
fait ,
Et qu'il peut feulement en
détruire l'effet ,
Ainfi pour vous tirer d'af
faire ,
142 MERCURE
Mon avis eft , grand Roy,
qu'il ſeroit à propos
De commettre au plus vîte
un dragon à la garde
De ces rajeuniffantes eaux.
Alors je ne crois pas que
quelqu'un fe hazarde
D'en approcher encor ;
la peur qu'on en
aura
Surmontera bientôt celle
de la vieilleſſe ,
Et quelque attrait qu'ait la
jeuneffe ,
Tel qui courroit aprés fur
ſes pas reviendra.
Ce confeil étoit falutaire ;)
GALANT.
143
Le fage Pluton le fuivit ,
Et les hommes enfin que la
frayeur faifit ,
Moururent comme à l'ordinaire.
Ce monftre affreux les fit
trembler
;
Les infirmitez du vieil âge
Leur parurent bien moins
funeftes que la rage ,
Et trouvant à s'en confoler
Par cette conduite prudente
1
I Qui fuit , ou que
les
ans ,
donnent
On les vit , même en che144
MERCURE
veux blancs ,
Sortir d'une façon riante
De la jeuneffe petulante.
Mais le beau fexe moins
poltron ,
Alla toûjours à la fontaine ,
Et de cet infernal dragon
Sans craindre la brûlante
haleine ,
Crut qu'il valoit autant s'expoſer
à perir ,
Que voir , même avant fon
autonne ,
Refroidir les amans que ſon
printemps lui donne ,
lui feul peut retenir.
de Jouvence .
Jupiter qui de l'empirée
Avoit chaffé Saturne &
Rhée ;
Qui par un attentat doublement
criminel
S'étoit faifi fur eux du trôné
paternel ,
Et qui, fuivant le cours de
fa bonne fortune ,
136
MERCURE
Soûmettoit en tyran tout le
monde à fes loix ,
Se vit enfin forcé
par
ton & Neptune
Plu-
De le partager entre eux
trois.
Neptune pour fon lot cut le
fceptre aquatique
,
Et regna fur toutes les mers.
Pluton , content du fien ,
prit le titre emphatique
De grand Monarque des
enfers.
Jupiter , pour fon droit d'aîneffe
,
Eut le refte de l'univers ,
Et feignit même avec adref
Le De
GALANT. 137
De s'en voir fans chagrin
dépouillé des deux
tiers.
Cependant , en fecret outré
de cette perte ,
De ceux qui la caufoient il
vouloit
fe vanger
.
Mais quoy les attaque .
tous deux à force
ouverte
Il y trouvoit trop de danger.
Ainfi recourant à la rufe ,
Il flate Neptune , l'abuſe ,
Et , d'accord avec lui , fait
l'établiſſement
De laFontaine de Jouvence.
M Avril 1714.
138 MERCURE
Cette fource d'abord parut
fans
confequence ,
On s'en loua partout , &
l'on crut feulement
Que propice
à la race humaine
,
Il lui faifoit ce nouveau
don :
Mais elle étoit un fruit de
fon adroite haine ,
Il fe vangeoit par elle , &
par elle Pluton
Eût infenfenfiblement vû
ſaper & détruire
Le fondement de fon em.
pire ;
Car l'homme , quoique né
GALANT. - 139
נ
3
mortel ,
S'y dépouilloir de fa vieilleſſe
,
Et trouvoit dans fes eaux
une verte jeuneſſe
Qui le rendoit comme éternel
:
De forte qu'à la fin les droits
de ce Monarque
Se trouvant affoiblis par le
peu de mourans
Et par l'oifiveté de la fatale
barque ,
Il eût été facile au vainqueur
des Geans
De reprendre fur lui , fans
ſujets , ſans finance ,
Mij
140 MERCURE
Ce
que la feule violence
Avoit arraché de fa main.
Pluton détruit , Neptune
en vain
Eût voulu faire refiftance
;
Ses Monftres marins , fes
Tritons ,
Ses
rochers
menaçans , fes
abimes
profonds
L'auroient vû forcer de lui
rendre
Ces humides Eftats qu'ils
n'auroient pû défendre.
Mais Pluton s'étant apperçû
GALANT. 141
1
Du tort que fon Royaume
avoit déja reçû
De cette fameuſe fontaine
,
Confulta le prudent Minos.
Vôtre Majefté foûterraine ,
Répondit il en peu
mots ,
de
Sçait que jamais un Dieu
n'eft en droit de défaire
Ce qu'une autre Deïté
fait ,
Et qu'il peut feulement en
détruire l'effet ,
Ainfi pour vous tirer d'af
faire ,
142 MERCURE
Mon avis eft , grand Roy,
qu'il ſeroit à propos
De commettre au plus vîte
un dragon à la garde
De ces rajeuniffantes eaux.
Alors je ne crois pas que
quelqu'un fe hazarde
D'en approcher encor ;
la peur qu'on en
aura
Surmontera bientôt celle
de la vieilleſſe ,
Et quelque attrait qu'ait la
jeuneffe ,
Tel qui courroit aprés fur
ſes pas reviendra.
Ce confeil étoit falutaire ;)
GALANT.
143
Le fage Pluton le fuivit ,
Et les hommes enfin que la
frayeur faifit ,
Moururent comme à l'ordinaire.
Ce monftre affreux les fit
trembler
;
Les infirmitez du vieil âge
Leur parurent bien moins
funeftes que la rage ,
Et trouvant à s'en confoler
Par cette conduite prudente
1
I Qui fuit , ou que
les
ans ,
donnent
On les vit , même en che144
MERCURE
veux blancs ,
Sortir d'une façon riante
De la jeuneffe petulante.
Mais le beau fexe moins
poltron ,
Alla toûjours à la fontaine ,
Et de cet infernal dragon
Sans craindre la brûlante
haleine ,
Crut qu'il valoit autant s'expoſer
à perir ,
Que voir , même avant fon
autonne ,
Refroidir les amans que ſon
printemps lui donne ,
lui feul peut retenir.
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Résumé : LA FONTAINE de Jouvence.
Le texte narre une légende concernant Jupiter, Neptune et Pluton. Après avoir renversé Saturne et Rhée, Jupiter partage le monde avec ses frères : Neptune reçoit les mers, Pluton les enfers et Jupiter le reste de l'univers. Insatisfait de cette répartition, Jupiter complote en secret pour se venger. Il crée la Fontaine de Jouvence avec Neptune pour affaiblir Pluton, car cette fontaine rend les hommes éternellement jeunes, réduisant ainsi le nombre de morts et affaiblissant l'empire de Pluton. Ce dernier, conscient du danger, consulte Minos qui lui conseille de placer un dragon pour garder la fontaine. La peur du dragon incite les hommes à accepter leur mortalité naturelle. Cependant, les femmes, moins effrayées, continuent de chercher la fontaine malgré le danger.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2068-2082
EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Début :
MYLORD, De toutes les Médailles de l'Empereur Carausius, dont je fais depuis longtemps [...]
Mots clefs :
Neptune, Carausius, Médaille, Médailles, Inscription, Mer, Bretons, Temple, Type, Grande-Bretagne, Flotte, Légende, Trident, Vaisseau, Maximien, Lettres, Cheval, Figure, Abondance
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
EXPLICATION d'une Médaille ans
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
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Résumé : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Le texte présente une médaille antique de l'empereur Carausius, un souverain des anciens Bretons ayant régné à l'époque de Diocletien et de Maximien Hercule. Cette médaille, conservée dans le cabinet de Mylord Comte de Pembrok, est en petit bronze et bien conservée. Elle porte sur une face la tête de Carausius couronnée de rayons, avec l'inscription 'IMP. CARAUSIUS P. F AUG.' Sur l'autre face, on voit Neptune et Carausius se donnant la main, avec Neptune appuyé sur son trident et Carausius sur une pique. La légende indique 'VBERITAS AUG.' et 'R. S. R.' dans l'exergue. Cette médaille se distingue des autres types de médailles impériales, qui représentent généralement une femme tenant une bourse et une corne d'abondance. La représentation de Neptune et Carausius se donnant la main symbolise la maîtrise de la mer et l'abondance apportée par la navigation et le commerce maritime. Cette scène célèbre la victoire navale de Carausius sur la flotte de Maximien Hercule, soulignant son contrôle sur les mers et les richesses océaniques. Le texte mentionne également une inscription antique trouvée à Chichester, en Angleterre, dédiée à Neptune et Minerve. Cette inscription prouve le culte rendu à ces divinités par les anciens Bretons et révèle l'existence d'un temple construit par la communauté des maîtres charpentiers sous l'autorité du roi Cogidubnus. Le culte de Neptune était particulièrement vénéré dans les villes maritimes, et les marins lui adressaient des prières pour une navigation sûre. Les Jeux Isthmiens, célébrés en Grèce en l'honneur de Neptune, étaient couronnés d'ache ou de pin et tiraient leur nom de l'Isthme de Corinthe. À Rome, la fête de Neptune, appelée Neptunales, se déroulait le 21 août et incluait le sacrifice d'un taureau. Homère et Arnobe décrivent Neptune avec des cheveux bleus, tandis que Lucien lui attribue des cheveux noirs. La couleur bleue était également associée à son manteau. Neptune était souvent représenté avec un trident, symbole de son pouvoir sur les mers. Le cheval, sorti de la terre par un coup de trident, était également consacré à Neptune. À Rome, une statue de Neptune était placée dans le Cirque, mais fut retirée après un incident impliquant Auguste. Des médailles, notamment celles de Gallien, montrent Neptune avec un cheval marin ou un capricorne, soulignant son lien avec les mers. Le trident de Neptune, fabriqué par les Cyclopes, symbolisait les trois qualités de l'eau : liquide, féconde et potable.
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