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Liste
1
p. 16-17
« Apres vous avoir divertie par des Vers dont le sens [...] »
Début :
Apres vous avoir divertie par des Vers dont le sens [...]
Mots clefs :
Énigme, Sens, Plaisir
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texteReconnaissance textuelle : « Apres vous avoir divertie par des Vers dont le sens [...] »
Après vous avoir divertie pardesVersdont le ſens n'eſt pas difficile à comprendre , il faut que je vous en envoyequi ne vous donneront pas moins de plaifir,&qui embaraſſeront agreablement voſtre eſprit.
C'eſt
GALANT. 13 C'eſt l'effet qu'ils doivent pro- duire ; & celuy qui les a faits n'auroit pas atteint le but qu'il s'eſt propoſé , s'il ne vous fai- ſoit réver quelque temps.Peut- eſtre prendrez-vous tout cela
pour un Enigme ; vous aurez
C'eſt
GALANT. 13 C'eſt l'effet qu'ils doivent pro- duire ; & celuy qui les a faits n'auroit pas atteint le but qu'il s'eſt propoſé , s'il ne vous fai- ſoit réver quelque temps.Peut- eſtre prendrez-vous tout cela
pour un Enigme ; vous aurez
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2
p. 225-227
Nom de ceux qui ont trouvé le mot des deux dernieres Enigmes, [titre d'après la table]
Début :
Ceux qui ont trouvé la Vigne Vierge, qui est le vray Mot [...]
Mots clefs :
Énigme, Réponse, Mot, Messieurs, Monsieur Diéreville, Mademoiselle , Sens, Cerise, Vigne vierge
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texteReconnaissance textuelle : Nom de ceux qui ont trouvé le mot des deux dernieres Enigmes, [titre d'après la table]
Ceux qui ont trouvé la Vigne
Vierge , qui eft le vray Mot de la
premiere Enigme du dernier
Imois , font Meffieurs Daffy , Capitaine
dans le premier Bataillon
5 du Regiment de Navarre ; Etienne
, Préfident au Grenier à Sel
de Senlis ; Du Lac , Syndic du
: Boulincourt à Rennes ; Brunet ,
de la Rue du Temple , ce dernier
en Vers ; Mademoifelle Ef
prit , Soeur de Meffieurs Efprit s
& la trifte Alcidiane , de Berry .
Monfieur Diéreville a expliqué
en Vers la Cerife , qui eft le
vray mot de l'autre Enigme. Ila
efté auffi trouvé par Mademoifelle
Morant , Fille de Monfieur
Morant , Maistre des Requeftes ,
âgée de huit ans , & par les deux
Blondes de Poitou .
K s
226 MERCURE
Ceux qui ont expliqué l'une
& l'autre Enigme dans leur vray
fens , font мeffieurs Gaudeloup ;
Leger de la Verbiffonne ; De
la Quille , Rue Beaubourg ,
Commiffionaire des Villes de
Liege & de Cologne ; Dela Fave,
de Damas , Rudouf ; De l'Hôpital
, Lieutenant au Grenier à
Sel de Paris ; Ponier , du coin de
S. Jacques de l'Hôpital ; Teftard ;
Defportes ; Baco ; Niares , &
Savin , de la Ruë S. Denis ; l'Abbé
dit de Romieu ; L'Amant de
la jolie Fanchon ; Menau du
Rond Royal futur ; Le Rival du
Charbonnier de Reims ; Piques ,
du Palais ; Mefdemoifelles de la
Rovë , de la Rue S. Denis ; Madelon
Provais , & Rudouf ; LA
blonde Loüifon , de la Rue des
Iuifs , La Femme fans regret i
Les Fameufes de la Ruë S. DeGALANT..
227
#
nis ; La belle Ceinturiere du Carrefour
de la Charbonnerie de
Rennes ; La bonne mere , de la
Rue S lacques. En Vers, Monfieur
La More, Medecin de Pampadour ;
Carrier, de Roüen ; Le P. Colin ,
Religieux Celeftin de Senlis ;
L'Amant endormy du Parloir ;
La charmante Cadete de Rion ,
Marguerite malet , Silvie ; Alcidor
; La petite Affemblée A ; &
La petite Affemblée G , la belle
Nourriture ; ces cinq dernieres
du Havre.
Vierge , qui eft le vray Mot de la
premiere Enigme du dernier
Imois , font Meffieurs Daffy , Capitaine
dans le premier Bataillon
5 du Regiment de Navarre ; Etienne
, Préfident au Grenier à Sel
de Senlis ; Du Lac , Syndic du
: Boulincourt à Rennes ; Brunet ,
de la Rue du Temple , ce dernier
en Vers ; Mademoifelle Ef
prit , Soeur de Meffieurs Efprit s
& la trifte Alcidiane , de Berry .
Monfieur Diéreville a expliqué
en Vers la Cerife , qui eft le
vray mot de l'autre Enigme. Ila
efté auffi trouvé par Mademoifelle
Morant , Fille de Monfieur
Morant , Maistre des Requeftes ,
âgée de huit ans , & par les deux
Blondes de Poitou .
K s
226 MERCURE
Ceux qui ont expliqué l'une
& l'autre Enigme dans leur vray
fens , font мeffieurs Gaudeloup ;
Leger de la Verbiffonne ; De
la Quille , Rue Beaubourg ,
Commiffionaire des Villes de
Liege & de Cologne ; Dela Fave,
de Damas , Rudouf ; De l'Hôpital
, Lieutenant au Grenier à
Sel de Paris ; Ponier , du coin de
S. Jacques de l'Hôpital ; Teftard ;
Defportes ; Baco ; Niares , &
Savin , de la Ruë S. Denis ; l'Abbé
dit de Romieu ; L'Amant de
la jolie Fanchon ; Menau du
Rond Royal futur ; Le Rival du
Charbonnier de Reims ; Piques ,
du Palais ; Mefdemoifelles de la
Rovë , de la Rue S. Denis ; Madelon
Provais , & Rudouf ; LA
blonde Loüifon , de la Rue des
Iuifs , La Femme fans regret i
Les Fameufes de la Ruë S. DeGALANT..
227
#
nis ; La belle Ceinturiere du Carrefour
de la Charbonnerie de
Rennes ; La bonne mere , de la
Rue S lacques. En Vers, Monfieur
La More, Medecin de Pampadour ;
Carrier, de Roüen ; Le P. Colin ,
Religieux Celeftin de Senlis ;
L'Amant endormy du Parloir ;
La charmante Cadete de Rion ,
Marguerite malet , Silvie ; Alcidor
; La petite Affemblée A ; &
La petite Affemblée G , la belle
Nourriture ; ces cinq dernieres
du Havre.
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Résumé : Nom de ceux qui ont trouvé le mot des deux dernieres Enigmes, [titre d'après la table]
Le texte énumère des personnes ayant résolu diverses énigmes. Pour la première énigme, dont le mot est 'Vierge', les solveurs sont Meffieurs Daffy, Capitaine dans le premier Bataillon du Régiment de Navarre, Etienne, Président au Grenier à Sel de Senlis, Du Lac, Syndic de Boulincourt à Rennes, Brunet, de la Rue du Temple, et Mademoiselle Esprit, Soeur de Meffieurs Esprit et la triste Alcidiane, de Berry. La deuxième énigme, dont le mot est 'Cerise', a été expliquée par Monfieur Diéreville en vers et également trouvée par Mademoiselle Morant, fille de Monfieur Morant, Maître des Requêtes, âgée de huit ans, ainsi que par les deux Blondes de Poitou. D'autres individus ont expliqué les énigmes dans leur vrai sens, notamment Meffieurs Gaudeloup, Leger de la Verbiffonne, De la Quille, Rue Beaubourg, Commissionnaire des Villes de Liège et de Cologne, Dela Fave, de Damas, Rudouf, De l'Hôpital, Lieutenant au Grenier à Sel de Paris, Ponier, du coin de Saint-Jacques de l'Hôpital, Testaud, Desportes, Baco, Niares, et Savin, de la Rue Saint-Denis, ainsi que l'Abbé dit de Romieu. Parmi les femmes, on trouve Mademoifelles de la Rovë, de la Rue Saint-Denis, Madelon Provais, Rudouf, la blonde Loüifon, de la Rue des Juifs, la Femme sans regret, les Fameuses de la Rue Saint-Denis, la belle Ceinturiere du Carrefour de la Charbonnerie de Rennes, et la bonne mere, de la Rue Saint-Jacques. En vers, les solveurs incluent Monfieur La More, Médecin de Pampadour, Carrier, de Rouen, le P. Colin, Religieux Célestin de Senlis, l'Amant endormi du Parloir, la charmante Cadete de Rion, Marguerite Malet, Sylvie, Alcidor, la petite Assemblée A, la petite Assemblée G, et la belle Nourriture, tous du Havre.
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3
p. 55-60
POUR UNE DAME qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
Début :
Cesse, charmante Iris, cesse de souhaitter [...]
Mots clefs :
Plaisirs, Sens, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POUR UNE DAME qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
POUR UNE DAME
qui avait demandé des
Vers àl'Auteur.
Cesse,charmante Iris,
cesse de souhaitter
Des Vers qu'Apollon
me refuse,
Etn'espere pas que ma
muse
Puisse à present te contenter;
Je ne fuis plus quoique
tu sasses,
Ce que j'étois dans mes
beaux jours,
Quand à la fuite des
Amours
Je badinois avec les
Graces.
C'est alors que j'aurois
chanté
Tous les charmes de
ta beauté,
Sur un ton si doux&
si tend re,
Que ton coeur par mes
sens
sens se laissant
émouvoir
Auroic presqu'autant
pris de plaisir à
m'entendre
Que mes yeux en ont à
te voir.
Cet heureux temps
n'est plus, excuse
ma foiblesse,
Tout ce que je puis fai- ,re,enrétat oùjesuis,
Cest de combattre les
ennuis
Que traîne avec soy la
vieillesse ;
Mon esprit plus timide,
& mon corps
plus pesant
Me font voir toutema
misere;
Je pleure le passé, je me
plains du present,
Et l'avenir me desespere.
Non, non, puisque les
cheveux gris
Ont fait fuir les jeux &
',: les s,,
* -.
Il ne faut point que je
t'ennuye ;
Quel agrément trouverois-
tu
A m'entendre prêcher,
d'un ton de Jeremie,
Qu'il n'etf aucun plaisir,
surlafinde sa vie,
Que celui d'avoir bien
vêcu?
Cependant c'est ce que
je pense,
Ce que chacun pense
'0
à son tour,
Ce que toi-même enfin
tu penseras un jour.
Heureuse! si tu peux
men croire par
avance,
Et si dés aujourd'huy,
faisant quelques
efforts,
Un sentiment si falutaire
T'arrache à des plaisirs
qui ne dureront
guere
Pour t'épargner de
longs remords.
qui avait demandé des
Vers àl'Auteur.
Cesse,charmante Iris,
cesse de souhaitter
Des Vers qu'Apollon
me refuse,
Etn'espere pas que ma
muse
Puisse à present te contenter;
Je ne fuis plus quoique
tu sasses,
Ce que j'étois dans mes
beaux jours,
Quand à la fuite des
Amours
Je badinois avec les
Graces.
C'est alors que j'aurois
chanté
Tous les charmes de
ta beauté,
Sur un ton si doux&
si tend re,
Que ton coeur par mes
sens
sens se laissant
émouvoir
Auroic presqu'autant
pris de plaisir à
m'entendre
Que mes yeux en ont à
te voir.
Cet heureux temps
n'est plus, excuse
ma foiblesse,
Tout ce que je puis fai- ,re,enrétat oùjesuis,
Cest de combattre les
ennuis
Que traîne avec soy la
vieillesse ;
Mon esprit plus timide,
& mon corps
plus pesant
Me font voir toutema
misere;
Je pleure le passé, je me
plains du present,
Et l'avenir me desespere.
Non, non, puisque les
cheveux gris
Ont fait fuir les jeux &
',: les s,,
* -.
Il ne faut point que je
t'ennuye ;
Quel agrément trouverois-
tu
A m'entendre prêcher,
d'un ton de Jeremie,
Qu'il n'etf aucun plaisir,
surlafinde sa vie,
Que celui d'avoir bien
vêcu?
Cependant c'est ce que
je pense,
Ce que chacun pense
'0
à son tour,
Ce que toi-même enfin
tu penseras un jour.
Heureuse! si tu peux
men croire par
avance,
Et si dés aujourd'huy,
faisant quelques
efforts,
Un sentiment si falutaire
T'arrache à des plaisirs
qui ne dureront
guere
Pour t'épargner de
longs remords.
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Résumé : POUR UNE DAME qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
L'auteur répond à une dame qui lui a demandé des vers. Il explique qu'il ne peut plus écrire comme autrefois en raison de son âge avancé et de la diminution de ses capacités poétiques. Il regrette de ne plus pouvoir célébrer la beauté de la dame avec la même douceur et tendresse. Il exprime sa tristesse face à la vieillesse, pleurant le passé, se plaignant du présent et désespérant de l'avenir. Conscient que ses cheveux gris ont éloigné les jeux et les grâces, il ne souhaite pas ennuyer la dame avec ses réflexions moroses. Cependant, il partage l'idée que le seul véritable plaisir à la fin de la vie est d'avoir bien vécu, une pensée que chacun finit par adopter. Il encourage la dame à embrasser cette sagesse dès maintenant pour éviter les remords futurs.
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4
p. 121-128
A MADEMOISELLE C..... Stance irregulieres.
Début :
Quel est mon triste sort, Ciel ! quel astre malin [...]
Mots clefs :
Sort, Maux, Généreuse amie, Secourir, Souffrir, Constance, Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE C..... Stance irregulieres.
A MADEMOISELLE
C
Stances irregulieres.
C^Uel cft mon trisse fort,
Ciel! quel astre malin
De mes plus doux plaisirs
emprisonnela source?
Quoy
,
je ne puis plus voir
l'aimableC. Ch. dans mes maux mon
unique ressource:
Ah quelle perte, & dans
quel temps,
Lorsque j'ay plus besoin
d' exemples éclatans.
Et de sagesse
,
& de confl
tance:
Ah, faut-ilque le fort m'envie un si grand,bien!
Mais puirque je ne puis
jouir de sa presence
,
Joüissons de son entretien.
Muse autrefois si favorable..
Fais couler tes feux dans
mes sens:
Prestes
- moy cet artad mirable
Qui sçait rapprocher les
absens,
C'en estfait je fuis exaucée;
.Qüy desjaCh presente
a ma pensée,
Perce de mes ennuis le
voile le plus noir,
Et desjade sa voixqui
frappe mon oreille,
L'agréable son me reveille,
Je luy parle, je crois la voir.
Cess donc vous, genereuseamie,
Qui venez pour me fecourir,
Qu'à vostre seul aspect mon
ame est affermie
Dans les maux qu'elle doit
souffrir;
Aimable illusion je vous
voit, je vous touche
Sur vos mains j'attache ma
bouche,
Vous m'embrasez vousmesme,ôdouK,6c tendre
foin,
Que sur mon cceur il a
d'empire!
S'il ne me guérit pas, je
sens bien qu'il m'infpire
La confiance dont j'ay besoin.
Lorsque je vousvois sans
murmure,
Souffrir l'injustice du fort
Surmonter par un noble
effort,
Les foiblesses de la nature.
Que ne peut sur mon mal
un exemple sibeau!
Je crois sentir en moy renaistre un cœur nouveau.
Je ccflfe d'accuser ma nifH*
destinée
,
C'est vous qui m'en faites
la loy
Avec plus de vertu que moy
Estes vous moins infortunée.
A ces justes reflexions
Mafoible raison le ranime,
Et surmontant mes paisions
, D'un soupir qui m'échappe elle me fait un crime;
Regarde
; me dit-elle, admireCh.
N'a-t-elle àregretrercomme toy qu'une main.
Sur le chemin qu'elle te.
trace,
Et ton mal deust-il redoubler,
Console
-
toy de ta dit
grâce
Par l'honneur de luy refsembler.
Que dis-je, que je vous ressemble,
Helas!quej'en fuis encor
loin:
De toutes les vertus qu'en
vous le Ciel rassemble
, C'est peu gJe destre le tcimoin
Quand ilfaut que l'on vous
imite ;
Mais qu'estce que je sèns,
éperduë, interdite,
Le jour qu'à peine j'entrevoy )
Se dérobé à mes sens par
un sombre nuage,
Et pour comble de maux
voitre charmante image,
A mes yeux enchantez,di£1
paroist malgré moy
C
Stances irregulieres.
C^Uel cft mon trisse fort,
Ciel! quel astre malin
De mes plus doux plaisirs
emprisonnela source?
Quoy
,
je ne puis plus voir
l'aimableC. Ch. dans mes maux mon
unique ressource:
Ah quelle perte, & dans
quel temps,
Lorsque j'ay plus besoin
d' exemples éclatans.
Et de sagesse
,
& de confl
tance:
Ah, faut-ilque le fort m'envie un si grand,bien!
Mais puirque je ne puis
jouir de sa presence
,
Joüissons de son entretien.
Muse autrefois si favorable..
Fais couler tes feux dans
mes sens:
Prestes
- moy cet artad mirable
Qui sçait rapprocher les
absens,
C'en estfait je fuis exaucée;
.Qüy desjaCh presente
a ma pensée,
Perce de mes ennuis le
voile le plus noir,
Et desjade sa voixqui
frappe mon oreille,
L'agréable son me reveille,
Je luy parle, je crois la voir.
Cess donc vous, genereuseamie,
Qui venez pour me fecourir,
Qu'à vostre seul aspect mon
ame est affermie
Dans les maux qu'elle doit
souffrir;
Aimable illusion je vous
voit, je vous touche
Sur vos mains j'attache ma
bouche,
Vous m'embrasez vousmesme,ôdouK,6c tendre
foin,
Que sur mon cceur il a
d'empire!
S'il ne me guérit pas, je
sens bien qu'il m'infpire
La confiance dont j'ay besoin.
Lorsque je vousvois sans
murmure,
Souffrir l'injustice du fort
Surmonter par un noble
effort,
Les foiblesses de la nature.
Que ne peut sur mon mal
un exemple sibeau!
Je crois sentir en moy renaistre un cœur nouveau.
Je ccflfe d'accuser ma nifH*
destinée
,
C'est vous qui m'en faites
la loy
Avec plus de vertu que moy
Estes vous moins infortunée.
A ces justes reflexions
Mafoible raison le ranime,
Et surmontant mes paisions
, D'un soupir qui m'échappe elle me fait un crime;
Regarde
; me dit-elle, admireCh.
N'a-t-elle àregretrercomme toy qu'une main.
Sur le chemin qu'elle te.
trace,
Et ton mal deust-il redoubler,
Console
-
toy de ta dit
grâce
Par l'honneur de luy refsembler.
Que dis-je, que je vous ressemble,
Helas!quej'en fuis encor
loin:
De toutes les vertus qu'en
vous le Ciel rassemble
, C'est peu gJe destre le tcimoin
Quand ilfaut que l'on vous
imite ;
Mais qu'estce que je sèns,
éperduë, interdite,
Le jour qu'à peine j'entrevoy )
Se dérobé à mes sens par
un sombre nuage,
Et pour comble de maux
voitre charmante image,
A mes yeux enchantez,di£1
paroist malgré moy
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Résumé : A MADEMOISELLE C..... Stance irregulieres.
Le texte est une série de stances adressées à une femme, désignée par les initiales C. Ch. Le narrateur exprime son chagrin de ne plus pouvoir voir cette personne, qui est sa seule consolation dans ses malheurs. Il évoque la perte de sa présence au moment où il a le plus besoin de ses exemples de sagesse et de confiance. Le narrateur invoque la muse pour ressentir la présence de C. Ch. à travers ses pensées et ses souvenirs. Il décrit comment il parvient à voir et entendre C. Ch. en esprit, ce qui le réconforte et lui donne de la force. Il admire la capacité de C. Ch. à souffrir l'injustice avec noblesse et à surmonter les faiblesses humaines. Le narrateur reconnaît que C. Ch. est un modèle de vertu et de courage, et il aspire à lui ressembler. Il se reproche ses propres faiblesses et se console en se rappelant l'honneur de lui ressembler. Cependant, il admet qu'il est encore loin de posséder toutes les vertus qu'il admire en elle. Le texte se termine sur une note de regret et d'admiration pour C. Ch., dont l'image charmante reste gravée dans ses yeux.
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5
p. 1930-1932
LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
Début :
Quoique nous soyons, Messieurs, dans un Pays qui fait profession [...]
Mots clefs :
Neutralité, Auxerre, Sens, Joigny, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
LETTRE écrite des confins du Diocèse
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
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Résumé : LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
La lettre, datée du 8 juillet 1731, est adressée aux auteurs du Mercure depuis les confins des diocèses de Sens et d'Auxerre. Les rédacteurs déclarent leur neutralité entre les villes d'Auxerre et de Joigny, mais s'interrogent sur la réaction des Auxerrois à un écrit paru en mars précédent. Ils rappellent le soutien du Mercure aux Auxerrois en 1723 et 1724 et espèrent une continuité en 1731. La lettre cite l'Histoire Latine des Évêques d'Auxerre, décrivant les habitants de Joigny comme des ennemis perpétuels de l'Église et d'Auxerre. Les auteurs soulignent leur fréquentation des deux villes pour des raisons commerciales, sans prendre parti. Ils notent des différences dans les régimes de communauté et les langues parlées : à Joigny, le peuple modifie les sons 'on' et 'an', contrairement à Auxerre. La lettre relate une anecdote d'un étranger amusé par une conversation locale à Joigny. Les rédacteurs observent également des divergences dans les comportements face à la sécurité : Joigny renforce ses défenses, tandis qu'Auxerre abaisse ses murailles et démolit ses tours. Ils concluent en affirmant leur neutralité et saluent la santé des destinataires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1390-1395
LETTRE écrite de Sens le 10. Mai 1732. à l'occasion d'une grosse Horloge nouvellement construite dans cette Ville.
Début :
Je serai charmé, Monsieur, si je puis satisfaire votre curiosité [...]
Mots clefs :
Horloge, Sens, M. le Faucheur, Pilastre, Cage, Cadran
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Sens le 10. Mai 1732. à l'occasion d'une grosse Horloge nouvellement construite dans cette Ville.
LETTRE écrite de Sens le ro. Mai
1732 à l'occafion d'une grosse Horloge
nouvellement construite dans cette Ville.
E serai charmé , "Monsieur , si je puis:
satisfaire votre curiosité , en vous donnant une simple idée de notre nouvelleHorloge de Sens , et si vous trouvez du
raport avec ce qu'on vous en a.dejà dit ;
* je ne doute point que vous ne continuïez
d'admirer ce bel Ouvrage , dont le merite consiste plus dans une juste proportion de toutes les parties , et dans une
soigneuse recherche de l'Art , pour la
perfection et la durée d'une Horloge de
clocher , que dans une multiplicité de
machines , qui sont ou doivent être regardées comme étrangeres à l'horlogerie.
L'auteur ( M. le Faucheur , Maître
Horloger de Paris , rue de la Verrerie au
Roi de France ) s'est principalement at
taché , dans sa composition , à pouvoir
satisfaire les personnes les plus difficiles
à l'égard de la mesure du tems , qui est ,
selon moi , tout ce qu'on doit exiger ; elle
marque le tems vrai , et le tems moyen
par son grand cadran qui orne toute la
fate du portail de notre Eglise Cathe
dr ale.
11. Koh L'Hor
JUIN. 1732. 1393
L'Horloge a été placée à la fin de l'année derniere dans le même lieu qu'étoit
l'ancienne la cage est tres- propre , chaque pilastre est orné d'une base et
d'un chapiteau d'Architecture
:
-
avec و
un vase au dessus. Les roues sont
aussi de cuivre , et tres fortes , bien
écrouées , tournées et polies sur leurs arbres , dont les pivots , pignons et lanternes sont d'acier , tournés , finis et finis et po
lis avec tout le soin possible , pour éviter les frotemens et pour donner une
plus grande facilité à toutes les piéces de mouvoir.
- L'échapement , aussi bon qu'ingénieux,
est à rocher , composé de deux leviers ,
chacun sur une verge, ou arbre different,
faisant un angle d'environ 45. degrez ;.
ces deux leviers ou palettes , qui portent
près de 5. pouces et demi de longueur ,
agissent l'un après l'autre par le moyen
de deux portions de roues qui engren
nent l'une dans l'autre ; l'arbre d'un de.
ces leviers porte la fourchette ; la longueur du Pendule est de plus de six pieds
et la lentille pese environ 30. livres ,.
avec une suspension tres solide et naturelle , sans que l'on ressente de dureté
dans les vibrations ; cet échapement est
tres-doux et marche avec tres-peu de
II. Vol. poids3
1393 MERCURE DE FRANCE
poids ; la piéce va également avec différentes pesanteurs , c'est- à- dire , depuis 14.
livres jusqu'à plus de 100. Je puis l'assurer, en ayant vu faire l'expérience dans
le tems que M. le Faucheur la regioit
ce qui est une preuve évidente que les
frottemens ne produiront aucune varia
tion par la régularité de celle- cy ; puisque differentes forces ne produisent au
cun effet sur le Pendule.
Le mouvement peut aller plus de 100 heures sans le remonter ; il conduit 4
Cadrans à la fois dont le principal est
éloigné de 150. pieds au moins ; et quoique les conduites fassent beaucoup d'équerre ou angle , excepté celles de naissance ; il n'y a ni roues ni molertes , afin
d'éviter le jeu qu'elles donneroient à l'Eguille par leur multiplication ; ce sont
deux demi Cercles rivez sur les Tringles
qui portent dans leur section les Pivots
d'une Croix , et qui tournent à chaque
Angle , sans prendre aucun jeu ; ce qu'on
ne peut pas éviter avec les engrenages.
Le grand Cadran est curieux par sa
construction nouvelle et solide , par sa
grandeur et par ses effets ; il est de treize
pieds et demi de diamettre ; les heures:
sont d'une composition d'Email- et de
Fayence , en 12 cartouches et 12. autres
LI. Vol. petits
JUIN.. 1732. 1397
petits pour les demies ; les chiffres sont
bleus sur fond blanc et portent près de
30. pouces ; chaque Cartouche est armé -
de fer et retenu par des vis et des écrous dés
tout le reste est à jour rempli d'ornemens
de Serrurerie et Fleurons de Cuivre doré;
le fond du milieu est de même matiere
pour résister aux injures du temps. On
peint dessus un Paysage et des Montagnes en lointain , au-dessus desquelles
paroît la Lune , qui a 2. pieds de diamétre et marque ses differentes faces , et son
quantiéme , avec beaucoup de régularité,
faisant sa révolution en 29. jours et demi
45. minutes.
Au- dessous de ce grand Cadran , entre
les deux Tours , il y a une grande Ro--
sette , et de chaque côté deux especes de
Vitraux , dans lesquels on a fait au milieu une ouverture perpendiculaire d'en
viron 13. à 14. pieds de hauteur , sur
4. pouces de largeur pour passer un arbre de fer , qui porte un Soleil de Cuivre
doré, lequel parcourant dans une année
cette ouverture , marque d'un côté à chaque jour,l'heure qu'il se leve et se couche,
et de l'autre côté Equation de l'Horloge ; c'est- à- dire , les avances ou retards.
que fait chaque jour le Soleil en passant par le Meridien ; ce qui fait la
II. Vol. diffe
1394 MERCURE DE FRANCE
difference du temps vrai et du temps
moyen; la quadrature qui fait mouvoir tout
cela est très-curieuse ; ce sont deux grands
Leviers de fer qui portent d'un bout une
portion de Cercle , et de l'autre bout une
Poulie de Métail , qui , en appuyant sur
une Courbe fixée à la grande Roüe an-.
nuelle , donne chaque jour les variations
solaires pour l'Equation d'un côté , et le
lever et le coucher de l'autre. Cette Roue
annuelle a 4 pieds 2. pouces de diamétre.
les Mois et les Signes sont marquez sur son
Cercle , divisez par quantiéme et par degrez ; ainsi on peut voir dans quel Signe
entre le Soleil et à quel degré de hauteur il est chaque jour.
Afin de soulager le Mouvement de
l'Horloge dans la conduite de ces differentes Machines , il y a un Rouleau sur
F'arbre de la roue annuelle , avec un poids
qui fait marcher toute la quadrature et les
conduites , ainsi le Mouvement n'a aucune peine et va avec très - peu de poids:-
car avec 60. livres moufflées , il a marché
très- régulierement pendant quatre mois,
quoiqu'il menât toutes les conduites des
Cadrans et la quadrature de la Lune ,
qui est fort pesante ; enfin il faut avoüer
que tout est bien ajusté et bien libre , il
y a plusieurs grandes Poulies jointes aux II. Vol. Leviers
JUIN. 17321 1393
Leviers dont je ne vous parle point , pour
abreger.
Je puis dire,à la loüange de M* Baudry,
notre Maire de Ville , et de Mr ses Col
legues , que nous verrons peu de leur
successeurs, chercher avec autant de soin,
les commoditez et l'embellissement de la
Ville qu'ils l'ont fait dans cette occasion ,
sans qu'il en coûte rien au public. Je suis,
Monsieur , &c.
1732 à l'occafion d'une grosse Horloge
nouvellement construite dans cette Ville.
E serai charmé , "Monsieur , si je puis:
satisfaire votre curiosité , en vous donnant une simple idée de notre nouvelleHorloge de Sens , et si vous trouvez du
raport avec ce qu'on vous en a.dejà dit ;
* je ne doute point que vous ne continuïez
d'admirer ce bel Ouvrage , dont le merite consiste plus dans une juste proportion de toutes les parties , et dans une
soigneuse recherche de l'Art , pour la
perfection et la durée d'une Horloge de
clocher , que dans une multiplicité de
machines , qui sont ou doivent être regardées comme étrangeres à l'horlogerie.
L'auteur ( M. le Faucheur , Maître
Horloger de Paris , rue de la Verrerie au
Roi de France ) s'est principalement at
taché , dans sa composition , à pouvoir
satisfaire les personnes les plus difficiles
à l'égard de la mesure du tems , qui est ,
selon moi , tout ce qu'on doit exiger ; elle
marque le tems vrai , et le tems moyen
par son grand cadran qui orne toute la
fate du portail de notre Eglise Cathe
dr ale.
11. Koh L'Hor
JUIN. 1732. 1393
L'Horloge a été placée à la fin de l'année derniere dans le même lieu qu'étoit
l'ancienne la cage est tres- propre , chaque pilastre est orné d'une base et
d'un chapiteau d'Architecture
:
-
avec و
un vase au dessus. Les roues sont
aussi de cuivre , et tres fortes , bien
écrouées , tournées et polies sur leurs arbres , dont les pivots , pignons et lanternes sont d'acier , tournés , finis et finis et po
lis avec tout le soin possible , pour éviter les frotemens et pour donner une
plus grande facilité à toutes les piéces de mouvoir.
- L'échapement , aussi bon qu'ingénieux,
est à rocher , composé de deux leviers ,
chacun sur une verge, ou arbre different,
faisant un angle d'environ 45. degrez ;.
ces deux leviers ou palettes , qui portent
près de 5. pouces et demi de longueur ,
agissent l'un après l'autre par le moyen
de deux portions de roues qui engren
nent l'une dans l'autre ; l'arbre d'un de.
ces leviers porte la fourchette ; la longueur du Pendule est de plus de six pieds
et la lentille pese environ 30. livres ,.
avec une suspension tres solide et naturelle , sans que l'on ressente de dureté
dans les vibrations ; cet échapement est
tres-doux et marche avec tres-peu de
II. Vol. poids3
1393 MERCURE DE FRANCE
poids ; la piéce va également avec différentes pesanteurs , c'est- à- dire , depuis 14.
livres jusqu'à plus de 100. Je puis l'assurer, en ayant vu faire l'expérience dans
le tems que M. le Faucheur la regioit
ce qui est une preuve évidente que les
frottemens ne produiront aucune varia
tion par la régularité de celle- cy ; puisque differentes forces ne produisent au
cun effet sur le Pendule.
Le mouvement peut aller plus de 100 heures sans le remonter ; il conduit 4
Cadrans à la fois dont le principal est
éloigné de 150. pieds au moins ; et quoique les conduites fassent beaucoup d'équerre ou angle , excepté celles de naissance ; il n'y a ni roues ni molertes , afin
d'éviter le jeu qu'elles donneroient à l'Eguille par leur multiplication ; ce sont
deux demi Cercles rivez sur les Tringles
qui portent dans leur section les Pivots
d'une Croix , et qui tournent à chaque
Angle , sans prendre aucun jeu ; ce qu'on
ne peut pas éviter avec les engrenages.
Le grand Cadran est curieux par sa
construction nouvelle et solide , par sa
grandeur et par ses effets ; il est de treize
pieds et demi de diamettre ; les heures:
sont d'une composition d'Email- et de
Fayence , en 12 cartouches et 12. autres
LI. Vol. petits
JUIN.. 1732. 1397
petits pour les demies ; les chiffres sont
bleus sur fond blanc et portent près de
30. pouces ; chaque Cartouche est armé -
de fer et retenu par des vis et des écrous dés
tout le reste est à jour rempli d'ornemens
de Serrurerie et Fleurons de Cuivre doré;
le fond du milieu est de même matiere
pour résister aux injures du temps. On
peint dessus un Paysage et des Montagnes en lointain , au-dessus desquelles
paroît la Lune , qui a 2. pieds de diamétre et marque ses differentes faces , et son
quantiéme , avec beaucoup de régularité,
faisant sa révolution en 29. jours et demi
45. minutes.
Au- dessous de ce grand Cadran , entre
les deux Tours , il y a une grande Ro--
sette , et de chaque côté deux especes de
Vitraux , dans lesquels on a fait au milieu une ouverture perpendiculaire d'en
viron 13. à 14. pieds de hauteur , sur
4. pouces de largeur pour passer un arbre de fer , qui porte un Soleil de Cuivre
doré, lequel parcourant dans une année
cette ouverture , marque d'un côté à chaque jour,l'heure qu'il se leve et se couche,
et de l'autre côté Equation de l'Horloge ; c'est- à- dire , les avances ou retards.
que fait chaque jour le Soleil en passant par le Meridien ; ce qui fait la
II. Vol. diffe
1394 MERCURE DE FRANCE
difference du temps vrai et du temps
moyen; la quadrature qui fait mouvoir tout
cela est très-curieuse ; ce sont deux grands
Leviers de fer qui portent d'un bout une
portion de Cercle , et de l'autre bout une
Poulie de Métail , qui , en appuyant sur
une Courbe fixée à la grande Roüe an-.
nuelle , donne chaque jour les variations
solaires pour l'Equation d'un côté , et le
lever et le coucher de l'autre. Cette Roue
annuelle a 4 pieds 2. pouces de diamétre.
les Mois et les Signes sont marquez sur son
Cercle , divisez par quantiéme et par degrez ; ainsi on peut voir dans quel Signe
entre le Soleil et à quel degré de hauteur il est chaque jour.
Afin de soulager le Mouvement de
l'Horloge dans la conduite de ces differentes Machines , il y a un Rouleau sur
F'arbre de la roue annuelle , avec un poids
qui fait marcher toute la quadrature et les
conduites , ainsi le Mouvement n'a aucune peine et va avec très - peu de poids:-
car avec 60. livres moufflées , il a marché
très- régulierement pendant quatre mois,
quoiqu'il menât toutes les conduites des
Cadrans et la quadrature de la Lune ,
qui est fort pesante ; enfin il faut avoüer
que tout est bien ajusté et bien libre , il
y a plusieurs grandes Poulies jointes aux II. Vol. Leviers
JUIN. 17321 1393
Leviers dont je ne vous parle point , pour
abreger.
Je puis dire,à la loüange de M* Baudry,
notre Maire de Ville , et de Mr ses Col
legues , que nous verrons peu de leur
successeurs, chercher avec autant de soin,
les commoditez et l'embellissement de la
Ville qu'ils l'ont fait dans cette occasion ,
sans qu'il en coûte rien au public. Je suis,
Monsieur , &c.
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Résumé : LETTRE écrite de Sens le 10. Mai 1732. à l'occasion d'une grosse Horloge nouvellement construite dans cette Ville.
La lettre du 17 mai 1732 relate la construction d'une nouvelle horloge à Sens, réalisée par M. le Faucheur, Maître Horloger de Paris. Cette horloge se distingue par sa juste proportion des parties et sa recherche de perfection et de durée. Elle indique à la fois le temps vrai et le temps moyen grâce à un grand cadran situé sur le portail de l'église cathédrale. Installée à la fin de l'année précédente, l'horloge remplace une ancienne horloge au même emplacement. La cage de l'horloge est soignée, avec des pilastres ornés de bases et de chapiteaux architecturaux, et des vases au-dessus. Les roues sont en cuivre, robustes et bien polies, avec des pivots, pignons et lanternes en acier pour minimiser les frottements. L'échapement, de type à rocher, est composé de deux leviers agissant l'un après l'autre, assurant une marche douce et régulière. Le pendule mesure plus de six pieds et pèse environ 30 livres, avec une suspension solide et naturelle. L'horloge peut fonctionner plus de 100 heures sans remontage et conduit quatre cadrans simultanément, dont le principal est éloigné de 150 pieds. Le grand cadran, de treize pieds et demi de diamètre, est remarquable par sa construction solide et ses ornements. Il affiche les heures en émail et faïence, avec des chiffres bleus sur fond blanc. Une rosace et des vitraux encadrent un arbre de fer portant un soleil doré, marquant l'heure de lever et de coucher du soleil ainsi que l'équation de l'horloge. La quadrature, composée de deux grands leviers, permet de suivre les variations solaires et la position du soleil dans les signes zodiacaux. Un rouleau avec un poids soulage le mouvement de l'horloge, permettant une marche régulière avec peu de poids. La lettre loue également M. Baudry, le maire de Sens, et ses collègues pour leur soin apporté à l'embellissement de la ville sans coût pour le public.
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7
p. 2414
AUTRE.
Début :
Quatre parts font mon tout, mais sans en rien rabattre [...]
Mots clefs :
Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Uatre parts font mon tout mais sans en
rien rabattre
Ces quatre bien comptez valent cinquante- quatre ;
Quelquefois je suis double , ou seul , ou cinq ;
même un >
Je suis bon ou mauvais , je suis rare et com
mun >
Je suis de tout Païs , à tous je suis utile ,
Je suis imperceptible , et je suis une ville.
J'anime l'Univers , j'en suis l'ame et le corps ,
L'on ne peut rien sans moi ; par de secrets res sorts
Je fais d'un sage un fou , d'un sçavant une bête ;
Je suis souvent trompeur , et n'ai ni pieds ni
tête ;
Enfin en deux endroits très-connus dans Paris
Aujourd'hui je triomphe , ou j'excite les ris
Le C. D. B.
Uatre parts font mon tout mais sans en
rien rabattre
Ces quatre bien comptez valent cinquante- quatre ;
Quelquefois je suis double , ou seul , ou cinq ;
même un >
Je suis bon ou mauvais , je suis rare et com
mun >
Je suis de tout Païs , à tous je suis utile ,
Je suis imperceptible , et je suis une ville.
J'anime l'Univers , j'en suis l'ame et le corps ,
L'on ne peut rien sans moi ; par de secrets res sorts
Je fais d'un sage un fou , d'un sçavant une bête ;
Je suis souvent trompeur , et n'ai ni pieds ni
tête ;
Enfin en deux endroits très-connus dans Paris
Aujourd'hui je triomphe , ou j'excite les ris
Le C. D. B.
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8
p. 2614
Enigmes, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
Début :
On a dû expliquer les mots de l'Enigme et des Logogryphes du mois dernier [...]
Mots clefs :
Masque, Présage, Poulet, Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Enigmes, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
On a dû expliquer les mots de l'Enig
me et des Logogryphes du mois dernier
par le Mafque , Présages , Poulet
Sens.
me et des Logogryphes du mois dernier
par le Mafque , Présages , Poulet
Sens.
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9
p. 1309-1322
REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Début :
I. Ce Titre paroît annoncer des sujets fort differens. Mals la Philosophie [...]
Mots clefs :
Sublime, Vérité, Vrai, Pensée, Bien, Poète, Philosophe, Virgile, Beau, Esprit, Rapport, Analogie, Découverte, Sens, Traits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
REFLEXIONS sur la Nature et la
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
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Résumé : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Le texte 'Réflexions sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours' examine la relation entre la poésie et la philosophie, soulignant que ces deux disciplines, bien que différentes dans leur expression, partagent une même vérité. Le poète et le philosophe se distinguent par leur manière de présenter cette vérité : le poète l'enveloppe dans une pensée ou un mot, tandis que le philosophe la développe dans un raisonnement étendu. Les deux disciplines peignent le même objet, la même nature, mais différemment. Le texte insiste sur l'importance de la vérité dans la création poétique, citant la maxime de Boileau : 'Rien n'est beau que le vrai'. Il utilise des exemples, comme un vers de Virgile décrivant la nuit, pour illustrer comment une pensée poétique peut être sublime si elle est vraie et nouvelle. La philosophie, représentée par Descartes, explique que la pensée de Virgile est sublime car elle est basée sur une vérité scientifique. Le texte critique ceux qui préfèrent les idées vagues aux idées précises, soulignant que la vérité, même si elle est nouvelle et profonde, doit être enveloppée pour être appréciée. La poésie a ainsi le devoir d'envelopper les vérités pour les rendre sublimes et accessibles. La gloire du philosophe réside dans la découverte de la vérité, mais le poète, par son instinct et son enthousiasme, saisit la vérité de manière inspirée. Le philosophe doit méditer les traits sublimes des poètes pour en comprendre le sens profond. L'auteur décrit sa méthode pour vérifier les traits poétiques ou philosophiques. Lorsqu'il rencontre un trait beau et sublime, il le suppose vrai et le vérifie par les conséquences qu'il en tire. Par exemple, la maxime de Boileau 'rien n'est beau que le vrai' a mieux enseigné à l'auteur le sublime que le traité de Longin, jugé vague et oratoire. Le sublime est défini comme une vérité nouvelle, soit en elle-même, soit par son expression, présentée sous une forme qui en rehausse l'éclat. Pour les œuvres de Dieu, un seul mot suffit pour les décrire de manière sublime, car elles sont extraordinaires et divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1630-1634
Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens Italiens représenterent le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte, [...]
Mots clefs :
Temple du goût, Goût, Dieu, Critique, Sens, Esprit, Comédiens-Italiens, Lélio, Arlequin
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texteReconnaissance textuelle : Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Les Comédiens Italiens représenterent
le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte ,
et en Vers libres , intitulée : le Temple
du Goût , ornée d'un Divertissement :
nous n'en donnerons qu'une légere idée
en attendant que l'impression nous donne
lieu d'en détacher quelques fragmens.
ACTEURS.
Le Dieu du Goût ,
La Critique ,
le Sr Romagnesi.
la Dlle Belmont.
Une Habitante du Temple du Goût
la Dile Sylvia.
L'EsJUILLET.
1733. 1631
la même.
L'Esprit ,
Le bon Sens
Arlequin.
Le Faux Goût ,
le Sr Dominique.
le Sr Lelio.
La Scene est dans le Temple du Goût.
Le Théatre représente d'abord le nouyeau
Temple du Goût. Une Habitante du
Temple , surprise du changement qu'on
y a fait en son absence , s'en plaint à la
Critique , à qui elle attribue cette nouvelle
métamorphose : la Critique lui répond
qu'elle n'y a point de part , et que
c'est l'ouvrage de sa soeur la Raillerie
qui à inspiré cette réforme à un Génie du
premier ordre.
: Le Dieu du Goût arrive , tout instruit
de ce qui s'est passé ; il rétablit son premier
Temple , et charge la Critique d'y
introduire ceux qu'elles en trouvera dignes.
Le bon Sens et l'Esprit y sont les premiers
introduits ; comme ils entrent en
se querellant , le Dieu du Goût les prend
pour un mari et sa femme. Ils se font
connoître à lui pour ce qu'ils sont en
effet , et lui font réciproquement leurs
plaintes. Le Dieu du Goût les écoute
avec douceur , et n'oublie rien pour les
réunir , attendu qu'ils ne peuvent rien
faire
1632 MERCURE DE FRANCE
faire de bon l'un sans l'autre ; il leur
dit que l'Esprit est Métaphisicien , et le
bon Sens Geometre. L'Esprit s'obstine à
ne vouloir point de commerce avec le
bon Sens ; il méprise la décision du Dieu
du Goût; il se retire , le bon Sens le suit
pésamment , et comme l'Esprit est fémelle
, il dit au bon Sens qu'il faut être
plus léger pour attraper les Belles.
Arlequin est introduit le second dans
le Temple rétabli ; il est étonné de l'honneur
que la Critique lui a fait de lui en
ouvrir l'entrée ; le Dieu du Goût lui dit
obligeamment qu'il est plus digne qu'il
ne pense d'y occuper une place ; Arlequin
lui avoue qu'il est venu dans son Temple
sans le sçavoir ; il ajoûte qu'il jouit
d'un heureux loisir depuis qu'il a quitté
son métier de Comédien..Le Dieu du
Goût lui demande d'où vient qu'il a
quitté un Théatré dont il faisoir le prin
cipal ornement . Arlequin lui répond ;
qu'il n'y faisoit plus rien , attendu la
désertion presque generale des Spectateurs
; il prie le Dieu du Goût de lui
donner quelques Piéces qui ramenent le
Public chez ses Camarades , s'il veut qu'il
les aille rejoindres le Dieu lui dit qu'il
juge des Ouvrages , mais qu'il n'en fait
point ; il lui annonce qu'il trouvera sur
le
JUILLET. 1733 1635
* {
le Theatre qu'il a quitté une Piéce nouvelle
qui pourra lui attirer de nouvelles
Pratiques , mais qu'il ne répond pas die
succès, flatté de cette espérance, toute incertaine
qu'elle est ; il sort du Temple
pour aller reparoître sur son Théatre.
Le faux Goût en arrivant , ordonne
aux Danseurs et aux Chanteurs de sa
suite , de se tenir prêts pour la Fête nouvelle
qu'il veur célébrer dans son nouveau
Temple ; il est très - étonné de trouver
toutes choses dans leur premier état ;
il s'en plaint au Dieu du Goût , qui lui
reproche la temerité qu'il a euë de vouloir
réformer son Temple : cette Scene
donne licu à des traits décochez de part
et d'autre le Faux Goût se retiré pour
åller rassembler ses Chanteurs et ses Danseurs.
·
La Critique vient rendre compte au
Dieu du Goût du soin qu'elle a pris d'e
xécuter ses ordres , et finit la Piéce par
une Fable , qui pour prouver trop ne
prouve rien. Elle suppose dans cette Fable
que dans les premiers tems Jupiter
donna tous les talens à ceux qui se présenterent
à lui , et ne donna aux derniers
venus que la bonne opinion d'euxmêmes,
2012
Au reste cette Piéce est bien repré-
H seni
1634 MERCURE DE FRANCE
sentée , et le Public la voit avec beau
coup de satisfaction. Il y a plusieurs
traits de critiques répandus dans l'Ouvrage.
Le sieur Lélio , à la tête du Di,
vertissement , danse une Entrée avec la
Dile Rolland , avec autant de justesse que
de vivacité et après plusieurs Danses figurées,
la Fête est terminée par une autre
Entrée , dansée par la Dile Sylvia , et le
sigur Romagnesy , qui est très - applaudie.
La Décoration de l'ancien Temple du
Goût , éxecutée par le sieur le Maire
est très- bien caracterisée et goûtée des
Connoisseurs on en ppaarrlleerraa plus au
long.
le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte ,
et en Vers libres , intitulée : le Temple
du Goût , ornée d'un Divertissement :
nous n'en donnerons qu'une légere idée
en attendant que l'impression nous donne
lieu d'en détacher quelques fragmens.
ACTEURS.
Le Dieu du Goût ,
La Critique ,
le Sr Romagnesi.
la Dlle Belmont.
Une Habitante du Temple du Goût
la Dile Sylvia.
L'EsJUILLET.
1733. 1631
la même.
L'Esprit ,
Le bon Sens
Arlequin.
Le Faux Goût ,
le Sr Dominique.
le Sr Lelio.
La Scene est dans le Temple du Goût.
Le Théatre représente d'abord le nouyeau
Temple du Goût. Une Habitante du
Temple , surprise du changement qu'on
y a fait en son absence , s'en plaint à la
Critique , à qui elle attribue cette nouvelle
métamorphose : la Critique lui répond
qu'elle n'y a point de part , et que
c'est l'ouvrage de sa soeur la Raillerie
qui à inspiré cette réforme à un Génie du
premier ordre.
: Le Dieu du Goût arrive , tout instruit
de ce qui s'est passé ; il rétablit son premier
Temple , et charge la Critique d'y
introduire ceux qu'elles en trouvera dignes.
Le bon Sens et l'Esprit y sont les premiers
introduits ; comme ils entrent en
se querellant , le Dieu du Goût les prend
pour un mari et sa femme. Ils se font
connoître à lui pour ce qu'ils sont en
effet , et lui font réciproquement leurs
plaintes. Le Dieu du Goût les écoute
avec douceur , et n'oublie rien pour les
réunir , attendu qu'ils ne peuvent rien
faire
1632 MERCURE DE FRANCE
faire de bon l'un sans l'autre ; il leur
dit que l'Esprit est Métaphisicien , et le
bon Sens Geometre. L'Esprit s'obstine à
ne vouloir point de commerce avec le
bon Sens ; il méprise la décision du Dieu
du Goût; il se retire , le bon Sens le suit
pésamment , et comme l'Esprit est fémelle
, il dit au bon Sens qu'il faut être
plus léger pour attraper les Belles.
Arlequin est introduit le second dans
le Temple rétabli ; il est étonné de l'honneur
que la Critique lui a fait de lui en
ouvrir l'entrée ; le Dieu du Goût lui dit
obligeamment qu'il est plus digne qu'il
ne pense d'y occuper une place ; Arlequin
lui avoue qu'il est venu dans son Temple
sans le sçavoir ; il ajoûte qu'il jouit
d'un heureux loisir depuis qu'il a quitté
son métier de Comédien..Le Dieu du
Goût lui demande d'où vient qu'il a
quitté un Théatré dont il faisoir le prin
cipal ornement . Arlequin lui répond ;
qu'il n'y faisoit plus rien , attendu la
désertion presque generale des Spectateurs
; il prie le Dieu du Goût de lui
donner quelques Piéces qui ramenent le
Public chez ses Camarades , s'il veut qu'il
les aille rejoindres le Dieu lui dit qu'il
juge des Ouvrages , mais qu'il n'en fait
point ; il lui annonce qu'il trouvera sur
le
JUILLET. 1733 1635
* {
le Theatre qu'il a quitté une Piéce nouvelle
qui pourra lui attirer de nouvelles
Pratiques , mais qu'il ne répond pas die
succès, flatté de cette espérance, toute incertaine
qu'elle est ; il sort du Temple
pour aller reparoître sur son Théatre.
Le faux Goût en arrivant , ordonne
aux Danseurs et aux Chanteurs de sa
suite , de se tenir prêts pour la Fête nouvelle
qu'il veur célébrer dans son nouveau
Temple ; il est très - étonné de trouver
toutes choses dans leur premier état ;
il s'en plaint au Dieu du Goût , qui lui
reproche la temerité qu'il a euë de vouloir
réformer son Temple : cette Scene
donne licu à des traits décochez de part
et d'autre le Faux Goût se retiré pour
åller rassembler ses Chanteurs et ses Danseurs.
·
La Critique vient rendre compte au
Dieu du Goût du soin qu'elle a pris d'e
xécuter ses ordres , et finit la Piéce par
une Fable , qui pour prouver trop ne
prouve rien. Elle suppose dans cette Fable
que dans les premiers tems Jupiter
donna tous les talens à ceux qui se présenterent
à lui , et ne donna aux derniers
venus que la bonne opinion d'euxmêmes,
2012
Au reste cette Piéce est bien repré-
H seni
1634 MERCURE DE FRANCE
sentée , et le Public la voit avec beau
coup de satisfaction. Il y a plusieurs
traits de critiques répandus dans l'Ouvrage.
Le sieur Lélio , à la tête du Di,
vertissement , danse une Entrée avec la
Dile Rolland , avec autant de justesse que
de vivacité et après plusieurs Danses figurées,
la Fête est terminée par une autre
Entrée , dansée par la Dile Sylvia , et le
sigur Romagnesy , qui est très - applaudie.
La Décoration de l'ancien Temple du
Goût , éxecutée par le sieur le Maire
est très- bien caracterisée et goûtée des
Connoisseurs on en ppaarrlleerraa plus au
long.
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Résumé : Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Le 11 juillet 1733, les Comédiens Italiens ont présenté 'Le Temple du Goût', une pièce en un acte et en vers libres, accompagnée d'un divertissement. L'action se déroule dans le Temple du Goût, où une habitante, surprise par les modifications effectuées en son absence, s'en plaint à la Critique. Cette dernière révèle que la réforme a été réalisée par la Raillerie, inspirée par un génie du premier ordre. Le Dieu du Goût rétablit alors son temple et charge la Critique d'y introduire les personnes dignes. Le bon Sens et l'Esprit sont les premiers introduits, mais ils se disputent. Le Dieu du Goût les réconcilie en soulignant leur complémentarité. L'Esprit, obstiné, se retire, suivi par le bon Sens. Ensuite, Arlequin est introduit et exprime sa surprise d'être admis dans le temple. Il explique avoir quitté le théâtre en raison de la désertion des spectateurs et demande des pièces pour ramener le public. Le Dieu du Goût lui annonce qu'une nouvelle pièce pourrait attirer de nouvelles pratiques. Le faux Goût arrive ensuite, ordonnant des préparatifs pour une fête dans son nouveau temple, mais il trouve tout restauré à l'état initial. Le Dieu du Goût lui reproche sa témérité. La Critique rend compte de ses actions et conclut la pièce par une fable. La représentation est bien accueillie par le public, avec des danses et des entrées applaudies. La décoration de l'ancien Temple du Goût, exécutée par le sieur Le Maire, est particulièrement appréciée des connaisseurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 210-218
LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
Début :
Vous avez peut-être crû, Monsieur, que je ne parlois pas sérieusement, [...]
Mots clefs :
Proverbe, Sens, Chant, Église, Primes, Office, Auteur, Musique, Églises, Charlemagne
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
En février 1734, M. L. B. Ch. & Souchantre écrit à l'Abbé Fenel pour discuter de l'origine du proverbe 'Li Chanteor de Sens'. L'auteur, intrigué par ce proverbe mentionné dans un manuscrit de Saint-Germain-des-Prés, suppose qu'il pourrait indiquer une renommée particulière de la ville de Sens pour le chant. L'Abbé Fenel confirme que le chant était effectivement très cultivé à Sens, citant plusieurs preuves telles que la mesure battue par le préchantre, l'usage du préchantre de danser, et la coutume des dignitaires de venir à la neume du grand répons. L'archevêque de Sens chantait lui-même le répons 'Aspiciens' lors des Nocturnes de l'Avent, témoignant de l'importance du chant dans cette ville. L'auteur suggère que l'Église de Sens a été l'une des premières à adopter le déchant, une forme de musique du douzième siècle. Il mentionne un manuscrit du treizième siècle conservant un Credo noté à deux parties et cite Galvanée Dominicain, qui attribue à Charlemagne l'institution de l'enseignement du chant à Sens. La lettre aborde également la suppression des musiciens par le chapitre de Sens et la persistance du déchant jusqu'en 1553. L'auteur admire la prudence de l'Église de Sens en rejetant les accords sur le chant grégorien, anticipant les excès de la musique moderne. L'auteur loue l'Église de Sens pour avoir conservé des modes de chant anciens et encourage à maintenir ces traditions, soulignant l'importance des Églises cathédrales dans la préservation de l'antiquité liturgique. Il mentionne également l'éloge de l'Église de Sens par M. de Molcon dans son 'Voyage Liturgique' et approuve les pratiques liturgiques de Sens, notamment le chant des grandes Primes le dimanche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 1074-1081
EPITRE A M.... sur le danger de produire ses Ouvrages.
Début :
Donneurs d'avis sont toujours indiscrets, [...]
Mots clefs :
Ouvrages, Ami, Auteur, Goût, Public, Sens, Écrire, Sujet, Gloire, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A M.... sur le danger de produire ses Ouvrages.
EPITRE
A M.... sur le danger de produire
ses Ouvrages.
D Onneurs d'avis sont toujours indiscrets ,
Et sur ce ton l'on prône sans succès ;
Mais ne m'en chaut , et sans craindre votre ire
I. Vol. Vous
JUIN. 1075 1734.
Vous dirai net que faites mal , beau Sire ,
De vous livrer à l'attrait séducteur ,
Que vous présente un dangereux honneur.
Du bel esprit la brillante carriere ,
Vous éblouit ; un jeune témeraire ,
De gloire avide , affronteur de dangers ,
Jà d'Hélicon moissonnez les Lauriers ;
Puis tout d'un trait , près d'Ovide et d'Horace ,
Modestement assignez votre place.
Moi , direz- vous , quoi ! d'un projet si vain .. ↓
Je vous entends , ne disputons en vain .
Eh bien ! je veux , que content de la gloire ,
Qui suit l'aveu des Filles de mémoire ,
N'ayez pour but que de vous faire un nom ;
Et de loger sur le penchant de Mont.
C'est sur ce plan que consentez d'écrire ;
Mais vous voulez que toujours on admire ;
Ou qu'on se taise ? ami , ne croyez point
Que le Public vous accorde ce point.
Oui , le Public , ce Juge si severe ,
Qui rit par fois du siflet du Parterre ,
A sa balance ajustant vos Ecrits ,
'Verra vos soins peut - être avec mépris.
Si ne craignez un revers si funeste ,
Craignez du moins la dangereuse peste
Des Calotins , qui par monts et par vaux ,
S'en vont semant leurs quolibets brutaux
Sur tout Auteur qui n'a l'art de leur plaire ;
1. Vol. B iiij Trou076
MERCURE DE FRANCE
Troupe félonne , engeance de Vipere ,
Sont le poison plus caustique et plus noir
Alambiqué dans leur obscur manoir ,
A la Vertu , non moins qu'à la Science ,
A tant de fois fait sentir sa puissance.
Heureux encor si n'aviez pour Censeurs
Que cet amas d'intraitables Rimeurs !
Mais par méchef si d'humeur satyrique ,
Quelque Sçavant , à vous tancer s'applique ,
( Car il en est qui traitent en Rival ,
Quiconque a l'heur d'écrire un peu moins mal
Que le commun , ) lors verrez , pauvre haire ,
Tantôt traité d'indigne plagiaire ,
De mince Auteur d'antithèse cousu
Tantôt taxé de style morfondu ,
Vuide de sens , abondant en paroles ,
Farci sans goût de flasques hyperboles ,
Bref , piece à piece épluché , contredit , ;
Ce que l'on gagne à produire un Ecrit .
Vous aurez beau crier à l'injustice ,
Moins écouté qu'en Chapitre un Novice ,
Serez réduit à ronger votre frein ;
Lors des Grimauds le fanatique Essain ,
Tombant sur vous avec brusque incartade ,
Vous portera mainte et mainte estocade .
Quel Ecrivain ! diront - ils à l'instant ;
Concevez- vous rien de plus rebutant ?
Informe amas de preuves surannées ,
I. Vol.
Tant
JUIN. 1734. 1977
Tant bien que mal au sujet aménées ;
Exorde sec , dessein embarassé :
Le pauvre Auteur , pour fuir le ton glacé ,
Sans cesse court après la métaphore ,
Prêt à changer Méduse en Terpsicore
Puis , remarquez de ces transitions ,
Le peu d'adresse , et des refléxions ,
Le vuide affreux . Voila pour votre Prose.
Venons aux Vers , verrez bien autre chose.
Oh ! pour le coup eussiez - vous d'Apollon ,
Surpris la Lyre et saisi le vrai ton ,
Tout d'une voix la Troupe pédantesque ,
Vous renverroit par un Arrêt burlesque ;
Pour n'avoir pris la route de Breboeuf ,
A vous louer aux Chantres du Pont-Neuf.
Eh ? d'où nous vient cet énervé Poëte ?
Onc sur le Pinde on n'a vû tel Athlete ,
De ces Gloseurs c'est le commun Roller ;
Mais ne sçavez peut - être le sujet ,
Qui de fureur contre vous les anime ?
'De traits malins s'accomode la Rime.
Ecoutez-les dans le pressant danger ,
C'est fait de nous , si, lents à nous venger ,
Nous attendons que sa verve insolente ,
A nous pincer en secret se tourmente ,
Ou si gardant un silence niais ,
De son Essai couronnons le succès.
Qu'ainsi ne soit , avares de loüange ,
I. Vol
BV Quand
1078 MEKUUKE DE FRANCE
Quand un Auteur , jusqu'aux rives du Gange →
Auroit porté la gloire de son nom ,
€
Ne craignons point de flétrir son renom .
Sur tout aux Vers faisons mortelle guerre ;
Car d'un Rimeur dangereuse est la serre :
Si que par fois le croyez déconfit,
Honni , berné , tandis qu'en son réduit ,
Il vous asséne riant dans son ame ,
Couplet mordant ou traitresse Epigramme
Puis les Rieurs désertant vos Drapeaux ,
Vous font payer les frais de vos bons mots.
Allons , amis , sauvons notre Guirlande ;
A ce Rimeur donnons la sarabande
Tant que lassé d'essuyer nos rebuts
Force lui soit de ne rimailler plus.
Pour ce ne faut que matiere à critique
Si peu que rien , un Vers qui soit étique
Nous suffira . Bon un , deux , quatre ,
C'en est assez , le reste est encor pis.
Nulle cadence , ici vrai pleonasme ;
Froide épithete , aucun entousiasme ;
2 2 ..
Par tout où trouve un sens entortillé ,
Et pas un Vers qui ne soit chevillé .
Mais , direz vous , craindrai je le murmure
Des Idiots ? Eh , que peut leur censure è
Vit- on jamais un Ouvrage applaudi
Des gens de goût demeurer dans l'oubli
Par les clameurs de ces esprits obliques ?
I. Vol
Mais
JUIN. 1734. 1079
Bien plus craindrois leurs éloges rustiques
S'ils en donnoient. Qu'ils jasent , j'y consens.
Pour le Public , qui , toujours des Sçavans
Prend le ton , soit , vous avourai sans peine ,
Que sa rigueur engourdiroit ma veine ,
Si ne sçavois , qu'ami de l'équité ,
Jamais du bon il ne fut irrité.
Heureux , qui peut meriter le suffrage
D'un Tribunal si respecté , si sage!
C'est-là le point. Noble est votre projet :
Mais , entre nous , êtes- vous un sujet
Propre à remplir son immense étendue ?
Tenez , lisez , la liste est répanduë .
Tout bel esprit , sera Grammairien ,
Bon Orateur , Poëte , Historien.
Item , sçaura les calculs de l'Algébre
pour compasser une Oraison Funebre.
Item , dita de chaque région
Les qualités , moeurs et Religion.
Item , il doit user du télescope ,
Pour au besoin tirer une horoscope.
Item , sera nouveau Physicien ,
Sans ignorer nul systême ancien,
Item , sera sçavant Chronologiste ,
Bon Géographe , Antiquaire , Chimiste:
Item , des loix percera le cahos
Pour policer les Auteurs Ostrogots,
Item , sçaura Fable , Mythologie ,
I.Vol. B vj Pour
1080 MERCURE DE FRANCE
Pour dévoiler d'Homere la Magie.
Item , sçaura le Grec et le Latin ,
L'Hebreu bien plus que n'en sçût Calepin .'
Enfin sçaura de tout Art et Science
Le vrai , le fin , telle est notre ordonnance.
La tâche est bonne , Ami, qu'en pensez- vous
Et si pourtant sans entrer en couroux ,
Dût cet avis vous glacer vous abattre ,
Tenez pour sûr , qu'on n'en veut rien rabattre
A rire d'eux , comme vous , je suis prêt ,
Et cependant concluez de l'arrêt ,
Que telles gens , toujours sur le qui vive ;
Pour vos Ecrits n'auront , quoiqu'il arrive ,
Que du dégoût. Soyez loyal et franc ,
Juste , pieux , genereux , complaisant ;
De douces moeurs , ami tendre et sincere ,
Officieux , d'aimable caractere ;
Diront , soit fait , sans trop vous chicanner.
Mais , pour l'esprit , il y faut renoncer.
Et la raison ? La voici très- solide.
Hors leur cerveau , le bon sens ne reside:
Aussi voyons , sans cesse , à leur tripot ,
Que tout Auteur est inepte et fallot .
Et ne prenez ceci pour badinage.
Qui dit jaloux , dit pis qu'Antropophage.
Or il n'est rien qui fasse des jaloux ,
Plus furieux , plus forcenés , plus foux ,
Que de briguer la faveur de Minerve .
I. Vol.
JUIN. 1734. 108 1
Or sus , Ami , réprimez votre verve ,
Ou bien comptez , si pouvez , les brocards
Qui vont pleuvoir sur vous de toutes parts.
Je ne dis rien de tant d'autres Illustres ,
Si reverés depuis plus de dix lustres ,
Que , maintenant , on proscrit sans pudeur ;
L'allusion vous feroit trop d'honneur.
Qu'esperez- vous , d'un goût si difficile ,
Qui , pour un rien , dégraderoit Virgile ?
Non , qu'après tout le nouveau goût si fin ;
A nos neveux ne paroisse mutin ;
Mais toujours. Quoi ? faut- il donc vous le direș
Pour n'être lû , n'est la peine d'écrire.
A M.... sur le danger de produire
ses Ouvrages.
D Onneurs d'avis sont toujours indiscrets ,
Et sur ce ton l'on prône sans succès ;
Mais ne m'en chaut , et sans craindre votre ire
I. Vol. Vous
JUIN. 1075 1734.
Vous dirai net que faites mal , beau Sire ,
De vous livrer à l'attrait séducteur ,
Que vous présente un dangereux honneur.
Du bel esprit la brillante carriere ,
Vous éblouit ; un jeune témeraire ,
De gloire avide , affronteur de dangers ,
Jà d'Hélicon moissonnez les Lauriers ;
Puis tout d'un trait , près d'Ovide et d'Horace ,
Modestement assignez votre place.
Moi , direz- vous , quoi ! d'un projet si vain .. ↓
Je vous entends , ne disputons en vain .
Eh bien ! je veux , que content de la gloire ,
Qui suit l'aveu des Filles de mémoire ,
N'ayez pour but que de vous faire un nom ;
Et de loger sur le penchant de Mont.
C'est sur ce plan que consentez d'écrire ;
Mais vous voulez que toujours on admire ;
Ou qu'on se taise ? ami , ne croyez point
Que le Public vous accorde ce point.
Oui , le Public , ce Juge si severe ,
Qui rit par fois du siflet du Parterre ,
A sa balance ajustant vos Ecrits ,
'Verra vos soins peut - être avec mépris.
Si ne craignez un revers si funeste ,
Craignez du moins la dangereuse peste
Des Calotins , qui par monts et par vaux ,
S'en vont semant leurs quolibets brutaux
Sur tout Auteur qui n'a l'art de leur plaire ;
1. Vol. B iiij Trou076
MERCURE DE FRANCE
Troupe félonne , engeance de Vipere ,
Sont le poison plus caustique et plus noir
Alambiqué dans leur obscur manoir ,
A la Vertu , non moins qu'à la Science ,
A tant de fois fait sentir sa puissance.
Heureux encor si n'aviez pour Censeurs
Que cet amas d'intraitables Rimeurs !
Mais par méchef si d'humeur satyrique ,
Quelque Sçavant , à vous tancer s'applique ,
( Car il en est qui traitent en Rival ,
Quiconque a l'heur d'écrire un peu moins mal
Que le commun , ) lors verrez , pauvre haire ,
Tantôt traité d'indigne plagiaire ,
De mince Auteur d'antithèse cousu
Tantôt taxé de style morfondu ,
Vuide de sens , abondant en paroles ,
Farci sans goût de flasques hyperboles ,
Bref , piece à piece épluché , contredit , ;
Ce que l'on gagne à produire un Ecrit .
Vous aurez beau crier à l'injustice ,
Moins écouté qu'en Chapitre un Novice ,
Serez réduit à ronger votre frein ;
Lors des Grimauds le fanatique Essain ,
Tombant sur vous avec brusque incartade ,
Vous portera mainte et mainte estocade .
Quel Ecrivain ! diront - ils à l'instant ;
Concevez- vous rien de plus rebutant ?
Informe amas de preuves surannées ,
I. Vol.
Tant
JUIN. 1734. 1977
Tant bien que mal au sujet aménées ;
Exorde sec , dessein embarassé :
Le pauvre Auteur , pour fuir le ton glacé ,
Sans cesse court après la métaphore ,
Prêt à changer Méduse en Terpsicore
Puis , remarquez de ces transitions ,
Le peu d'adresse , et des refléxions ,
Le vuide affreux . Voila pour votre Prose.
Venons aux Vers , verrez bien autre chose.
Oh ! pour le coup eussiez - vous d'Apollon ,
Surpris la Lyre et saisi le vrai ton ,
Tout d'une voix la Troupe pédantesque ,
Vous renverroit par un Arrêt burlesque ;
Pour n'avoir pris la route de Breboeuf ,
A vous louer aux Chantres du Pont-Neuf.
Eh ? d'où nous vient cet énervé Poëte ?
Onc sur le Pinde on n'a vû tel Athlete ,
De ces Gloseurs c'est le commun Roller ;
Mais ne sçavez peut - être le sujet ,
Qui de fureur contre vous les anime ?
'De traits malins s'accomode la Rime.
Ecoutez-les dans le pressant danger ,
C'est fait de nous , si, lents à nous venger ,
Nous attendons que sa verve insolente ,
A nous pincer en secret se tourmente ,
Ou si gardant un silence niais ,
De son Essai couronnons le succès.
Qu'ainsi ne soit , avares de loüange ,
I. Vol
BV Quand
1078 MEKUUKE DE FRANCE
Quand un Auteur , jusqu'aux rives du Gange →
Auroit porté la gloire de son nom ,
€
Ne craignons point de flétrir son renom .
Sur tout aux Vers faisons mortelle guerre ;
Car d'un Rimeur dangereuse est la serre :
Si que par fois le croyez déconfit,
Honni , berné , tandis qu'en son réduit ,
Il vous asséne riant dans son ame ,
Couplet mordant ou traitresse Epigramme
Puis les Rieurs désertant vos Drapeaux ,
Vous font payer les frais de vos bons mots.
Allons , amis , sauvons notre Guirlande ;
A ce Rimeur donnons la sarabande
Tant que lassé d'essuyer nos rebuts
Force lui soit de ne rimailler plus.
Pour ce ne faut que matiere à critique
Si peu que rien , un Vers qui soit étique
Nous suffira . Bon un , deux , quatre ,
C'en est assez , le reste est encor pis.
Nulle cadence , ici vrai pleonasme ;
Froide épithete , aucun entousiasme ;
2 2 ..
Par tout où trouve un sens entortillé ,
Et pas un Vers qui ne soit chevillé .
Mais , direz vous , craindrai je le murmure
Des Idiots ? Eh , que peut leur censure è
Vit- on jamais un Ouvrage applaudi
Des gens de goût demeurer dans l'oubli
Par les clameurs de ces esprits obliques ?
I. Vol
Mais
JUIN. 1734. 1079
Bien plus craindrois leurs éloges rustiques
S'ils en donnoient. Qu'ils jasent , j'y consens.
Pour le Public , qui , toujours des Sçavans
Prend le ton , soit , vous avourai sans peine ,
Que sa rigueur engourdiroit ma veine ,
Si ne sçavois , qu'ami de l'équité ,
Jamais du bon il ne fut irrité.
Heureux , qui peut meriter le suffrage
D'un Tribunal si respecté , si sage!
C'est-là le point. Noble est votre projet :
Mais , entre nous , êtes- vous un sujet
Propre à remplir son immense étendue ?
Tenez , lisez , la liste est répanduë .
Tout bel esprit , sera Grammairien ,
Bon Orateur , Poëte , Historien.
Item , sçaura les calculs de l'Algébre
pour compasser une Oraison Funebre.
Item , dita de chaque région
Les qualités , moeurs et Religion.
Item , il doit user du télescope ,
Pour au besoin tirer une horoscope.
Item , sera nouveau Physicien ,
Sans ignorer nul systême ancien,
Item , sera sçavant Chronologiste ,
Bon Géographe , Antiquaire , Chimiste:
Item , des loix percera le cahos
Pour policer les Auteurs Ostrogots,
Item , sçaura Fable , Mythologie ,
I.Vol. B vj Pour
1080 MERCURE DE FRANCE
Pour dévoiler d'Homere la Magie.
Item , sçaura le Grec et le Latin ,
L'Hebreu bien plus que n'en sçût Calepin .'
Enfin sçaura de tout Art et Science
Le vrai , le fin , telle est notre ordonnance.
La tâche est bonne , Ami, qu'en pensez- vous
Et si pourtant sans entrer en couroux ,
Dût cet avis vous glacer vous abattre ,
Tenez pour sûr , qu'on n'en veut rien rabattre
A rire d'eux , comme vous , je suis prêt ,
Et cependant concluez de l'arrêt ,
Que telles gens , toujours sur le qui vive ;
Pour vos Ecrits n'auront , quoiqu'il arrive ,
Que du dégoût. Soyez loyal et franc ,
Juste , pieux , genereux , complaisant ;
De douces moeurs , ami tendre et sincere ,
Officieux , d'aimable caractere ;
Diront , soit fait , sans trop vous chicanner.
Mais , pour l'esprit , il y faut renoncer.
Et la raison ? La voici très- solide.
Hors leur cerveau , le bon sens ne reside:
Aussi voyons , sans cesse , à leur tripot ,
Que tout Auteur est inepte et fallot .
Et ne prenez ceci pour badinage.
Qui dit jaloux , dit pis qu'Antropophage.
Or il n'est rien qui fasse des jaloux ,
Plus furieux , plus forcenés , plus foux ,
Que de briguer la faveur de Minerve .
I. Vol.
JUIN. 1734. 108 1
Or sus , Ami , réprimez votre verve ,
Ou bien comptez , si pouvez , les brocards
Qui vont pleuvoir sur vous de toutes parts.
Je ne dis rien de tant d'autres Illustres ,
Si reverés depuis plus de dix lustres ,
Que , maintenant , on proscrit sans pudeur ;
L'allusion vous feroit trop d'honneur.
Qu'esperez- vous , d'un goût si difficile ,
Qui , pour un rien , dégraderoit Virgile ?
Non , qu'après tout le nouveau goût si fin ;
A nos neveux ne paroisse mutin ;
Mais toujours. Quoi ? faut- il donc vous le direș
Pour n'être lû , n'est la peine d'écrire.
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Résumé : EPITRE A M.... sur le danger de produire ses Ouvrages.
L'épître met en garde contre les dangers de publier des œuvres littéraires. L'auteur avertit son destinataire des risques associés à la quête de gloire littéraire, soulignant que le public et les critiques peuvent être sévères et injustes. Il mentionne les 'Calotins' et les 'Sçavans' qui critiquent sans merci, taxant les auteurs de plagiat, de style médiocre ou de manque de sens. L'auteur décrit également les attaques personnelles et les moqueries auxquelles un écrivain peut être soumis, même si son œuvre est acclamée par des gens de goût. Il liste les nombreuses compétences requises pour être un 'bel esprit', allant de la grammaire à la poésie, en passant par l'astronomie et la chimie. L'épître se conclut par un avertissement sur la jalousie des rivaux littéraires et la difficulté de plaire à un public exigeant et critique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1117-1120
LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
Début :
Quel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire, [...]
Mots clefs :
Liqueurs, Esprits, Mercure, Jupiter, Phébus, Talents, Dieu, Qualités, Sens
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texteReconnaissance textuelle : LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
LES
URNE'S ,
Ou la cause de la diversité des Esprits.
Au Reverend Pere d ...... Jefuite.
Q
>
Uel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire
,
Qui dirige mes pas sur ce vaste hemisphere ,
Qui mesure du Ciel l'incroyable grandeur
Et sonde des Enfers l'affreuse profondeur !
Plus vite que éclair qui partage la nuë ,
Sur mille objets divers l'Esprit porte sa vûë >
Rien ne peut l'arrêter et jusque sur les Dieux
Il ose promener ses regards curieux .
Seroit-ce une matiere ou vapeur étherée ?
Est-ce le feu du Ciel surpris par Promethée ›
D'atomes un amas fortuit , ou medité?
Ou quelque écoulement de la Divinité ?
1. Vob D
Ah !
1118 MERCURE DE FRANCE
8
Ah ! c'est une substance en tout spirituelle , a
Toujours indivisible et partant immortelle.
Mais d'où vient trouve- t'on dans ce vaste Univers
Tant d'espris differens ? tant de talens divers a
En est - il des Esprits ainsi que des visages ?
Chaque Esprit a ses traits, ses dons, et ses usages ;
Tous les Esprits enfin que l'on trouve ici bas ,
Faits de la même main , ne se ressemblent pas
L'un éleve son vol vers la plaine azurée , N
L'autre vole plus bas d'une aîle mesurée
Chez Pun regne un bon sens, simple et sans or
nement ;
L'autre dans ses discours répand un sel charg
mant ;
De la naïveté l'un a le caractere
1:2
Et l'autre sçait railler d'une façon legere ;
L'un est grave , profond , savant , misterieux
L'autre toujours badin , aimable , ingenieux :
Je sens que je m'égare ; oui , plus je m'évertuë ,
Moins de ces dons divers la source m'est connuë,
Je raisonnois ainsi , quand je vis Apollon
Laissant les doctes Soeurs et le sacré vallon.
Ce Dieu vint me trouver , pour dissiper mon
doute ; I
Viens vers moi , me dit- il , et suis moi dans ma
route ,
Ecarte de tes yeux le bandeau qui te nuit ,
Et montant dans les Cieux , sois par toi - même
instruit ›
Apollon part alors , il prend un vol rapide;
I. Vel. Mor
JUIN. 1734. TII
Mon corp's devient leger, le Dieu me sert de guide,
Je franchis avec lui les espaces des airs
Et laisse sous mes pieds et la Terre et les Mers ;
Nous arrivons tous deux à la Celeste Sphere ,
Sejour des Immortels que l'Univers revere ;
Là , mille objets charmans frapent mes yeux surpris
,
De les representer que ne m'est- il permis
Sept Dieux s'offrent à moi , chacun d'eux
tient une Urne ,
Mars , Jupiter , Venus , et Mercure et Saturne
Et le brillant Phoebus , et Diane sa Soeur ,
Chaque Urne transparente enferme une liqueur,.
Et toutes ces liqueurs different en essence ;
L'une à l'amour et l'autre à la vengeance , porte
L'une nous rend subtils , l'autre tardifs , pesans
Jupiter nous départ ses nobles sentimens
Les Rayons de Phoebus rendent l'ame brillante
Et Diane produit une humeur inconstante .
Sur un trône est assis l'imperieux Destin ,
Il regle notre sort , et la Parque soudain
Plonge dans ces liqueurs de plus d'une maniere
Chaque ame qui du jour entre dans la carriere ;
Des celestes liqueurs , dotés differemment ,
Nous apportons ici divers temperamens ,
Diverses qualités et diverse nature ;
L'un est Saturnien , l'autre tient de Mercure ,
L'un a de Jupiter le vol ambitieux ,
I.Vol. Dij
Et
120 MERCURE DE FRANCE
Et l'autre de Veuus les talens gracieux ;
Souvent un même Esprit deux qualités rassemble,
On y trouve Mercure et Jupiter ensemble ;
Ici , c'est le Dieu Mars adouci par Venus;
Là,le triste Saturne animé par Phoebus.
Plus des saintes liqueurs nos ames furent teintés
Plus elles ont des Dieux les qualités empreintes ;
Comme de l'alphabet les foibles élemens
Dans leurs nombres bornez et vuiles de tout sens
Par des combinaisons et par des assemblages
Forment differens mots , diferentes images ,
Et peuvent exprimer par mille divers sons
Des Etres d'ici bas la nature et les noms ;
Ainsi de ces liqueurs la diverse teinture
Forme de nos talens l'aimable bigarrure ;
De- là naît des Esprits l'ample diversité ,
Du Destin seul dépend cette varieté ;
Il en donne la trempe ou forte , ou bien legere,
Et choisit des liqueurs pour chaque caractere ;
Ses mélanges enfin nuancés et parfaits ,
Sont toujours variés par cent differens traits ;
Des Esprits differens la source est découverte ,
Un autre dira mieux et la route est ouverte.
D ....... Vous lirez ces vers rimés pour vous
Et des tristes Censeurs vous parerez les coups ;
Aux Urnes accordez un gracieux suffrage
Ami, vous leur devez mille fois davantage,
Pierre Defrasnoy.
URNE'S ,
Ou la cause de la diversité des Esprits.
Au Reverend Pere d ...... Jefuite.
Q
>
Uel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire
,
Qui dirige mes pas sur ce vaste hemisphere ,
Qui mesure du Ciel l'incroyable grandeur
Et sonde des Enfers l'affreuse profondeur !
Plus vite que éclair qui partage la nuë ,
Sur mille objets divers l'Esprit porte sa vûë >
Rien ne peut l'arrêter et jusque sur les Dieux
Il ose promener ses regards curieux .
Seroit-ce une matiere ou vapeur étherée ?
Est-ce le feu du Ciel surpris par Promethée ›
D'atomes un amas fortuit , ou medité?
Ou quelque écoulement de la Divinité ?
1. Vob D
Ah !
1118 MERCURE DE FRANCE
8
Ah ! c'est une substance en tout spirituelle , a
Toujours indivisible et partant immortelle.
Mais d'où vient trouve- t'on dans ce vaste Univers
Tant d'espris differens ? tant de talens divers a
En est - il des Esprits ainsi que des visages ?
Chaque Esprit a ses traits, ses dons, et ses usages ;
Tous les Esprits enfin que l'on trouve ici bas ,
Faits de la même main , ne se ressemblent pas
L'un éleve son vol vers la plaine azurée , N
L'autre vole plus bas d'une aîle mesurée
Chez Pun regne un bon sens, simple et sans or
nement ;
L'autre dans ses discours répand un sel charg
mant ;
De la naïveté l'un a le caractere
1:2
Et l'autre sçait railler d'une façon legere ;
L'un est grave , profond , savant , misterieux
L'autre toujours badin , aimable , ingenieux :
Je sens que je m'égare ; oui , plus je m'évertuë ,
Moins de ces dons divers la source m'est connuë,
Je raisonnois ainsi , quand je vis Apollon
Laissant les doctes Soeurs et le sacré vallon.
Ce Dieu vint me trouver , pour dissiper mon
doute ; I
Viens vers moi , me dit- il , et suis moi dans ma
route ,
Ecarte de tes yeux le bandeau qui te nuit ,
Et montant dans les Cieux , sois par toi - même
instruit ›
Apollon part alors , il prend un vol rapide;
I. Vel. Mor
JUIN. 1734. TII
Mon corp's devient leger, le Dieu me sert de guide,
Je franchis avec lui les espaces des airs
Et laisse sous mes pieds et la Terre et les Mers ;
Nous arrivons tous deux à la Celeste Sphere ,
Sejour des Immortels que l'Univers revere ;
Là , mille objets charmans frapent mes yeux surpris
,
De les representer que ne m'est- il permis
Sept Dieux s'offrent à moi , chacun d'eux
tient une Urne ,
Mars , Jupiter , Venus , et Mercure et Saturne
Et le brillant Phoebus , et Diane sa Soeur ,
Chaque Urne transparente enferme une liqueur,.
Et toutes ces liqueurs different en essence ;
L'une à l'amour et l'autre à la vengeance , porte
L'une nous rend subtils , l'autre tardifs , pesans
Jupiter nous départ ses nobles sentimens
Les Rayons de Phoebus rendent l'ame brillante
Et Diane produit une humeur inconstante .
Sur un trône est assis l'imperieux Destin ,
Il regle notre sort , et la Parque soudain
Plonge dans ces liqueurs de plus d'une maniere
Chaque ame qui du jour entre dans la carriere ;
Des celestes liqueurs , dotés differemment ,
Nous apportons ici divers temperamens ,
Diverses qualités et diverse nature ;
L'un est Saturnien , l'autre tient de Mercure ,
L'un a de Jupiter le vol ambitieux ,
I.Vol. Dij
Et
120 MERCURE DE FRANCE
Et l'autre de Veuus les talens gracieux ;
Souvent un même Esprit deux qualités rassemble,
On y trouve Mercure et Jupiter ensemble ;
Ici , c'est le Dieu Mars adouci par Venus;
Là,le triste Saturne animé par Phoebus.
Plus des saintes liqueurs nos ames furent teintés
Plus elles ont des Dieux les qualités empreintes ;
Comme de l'alphabet les foibles élemens
Dans leurs nombres bornez et vuiles de tout sens
Par des combinaisons et par des assemblages
Forment differens mots , diferentes images ,
Et peuvent exprimer par mille divers sons
Des Etres d'ici bas la nature et les noms ;
Ainsi de ces liqueurs la diverse teinture
Forme de nos talens l'aimable bigarrure ;
De- là naît des Esprits l'ample diversité ,
Du Destin seul dépend cette varieté ;
Il en donne la trempe ou forte , ou bien legere,
Et choisit des liqueurs pour chaque caractere ;
Ses mélanges enfin nuancés et parfaits ,
Sont toujours variés par cent differens traits ;
Des Esprits differens la source est découverte ,
Un autre dira mieux et la route est ouverte.
D ....... Vous lirez ces vers rimés pour vous
Et des tristes Censeurs vous parerez les coups ;
Aux Urnes accordez un gracieux suffrage
Ami, vous leur devez mille fois davantage,
Pierre Defrasnoy.
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Résumé : LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
Le texte 'Les Urnes' examine la diversité des esprits humains. L'auteur compare les esprits à des visages uniques, chacun possédant des traits et des talents distincts. Il observe que certains esprits sont élevés et savants, tandis que d'autres sont badins et ingénieux. Apollon, le dieu, apparaît pour guider l'auteur et dissiper ses doutes. Ensemble, ils se rendent dans la sphère céleste où sept dieux — Mars, Jupiter, Vénus, Mercure, Saturne, Apollon et Diane — présentent chacun une urne contenant une liqueur différente. Ces liqueurs influencent les qualités et les tempéraments des âmes humaines. Le Destin et les Parques déterminent quelle liqueur chaque âme recevra, créant ainsi la diversité des esprits. Les âmes sont teintées par ces liqueurs, acquérant des qualités divines variées. L'auteur compare ce processus à la formation de mots à partir de lettres, soulignant que la diversité des esprits dépend du Destin, qui choisit et mélange les liqueurs pour chaque caractère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 124-134
« TRAITÉ DES SENSATIONS, à Madame la Comtesse de Vassé, par M. l'Abbé de [...] »
Début :
TRAITÉ DES SENSATIONS, à Madame la Comtesse de Vassé, par M. l'Abbé de [...]
Mots clefs :
Condillac, John Locke, Idées, Sens, Muet, Sourd, Facultés, Opérations, Âme, Liberté, Esprit, Connaissances, Plaisir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « TRAITÉ DES SENSATIONS, à Madame la Comtesse de Vassé, par M. l'Abbé de [...] »
TRAITÉ DES SENSATIONS , à Madame
la Comteffe de Vaffé , par M. l'Abbé de
Condillac , de l'Académie royale de Berlin.
A Paris, chez Debure l'aîné , quai des Auguftins
, à S. Paul. 1754. 2. vol. in 12 .
Le deffein du Traité que l'on publie eft
proprement parler , une décompofition
de l'homme, dont on confidere féparément
JANVIER. 1755. 125
les fens , afin de diftinguer avec précifion
les idées qu'il doit à chacun d'eux ,
& d'obferver avec quel progrès ils s'inftruifent
, & comment ils fe prêtent des
fecours mutuels. Pour remplir cet objet ,
l'auteur de l'ouvrage que nous annonçons
imagine une ftatue organifée intérieurement
comme nous , & animée d'un efprit
privé de toute efpece d'idées. Il fuppofe
encore que l'extérieur tout de marbre ne
lui permet l'ufage d'autun de fes fens ,
& fe réfervé la liberté de les ouvrir , à fon
choix , aux différentes impreffions dont ils
font fufceptibles. C'eft pourquoi il a foin
d'avertir le lecteur de fe mettre à la place
de la ftatue qu'il fe propofe d'examiner.
Il veut qu'on ne commence d'exifter qu'avec
elle , qu'on n'ait qu'un feul fens quand
elle n'en a qu'un. Il ne faut acquerir que
les idées qu'elle acquiert , ne contracter
que les habitudes qu'elle contracte ; en
un mot il faut n'être que ce qu'elle eft.
Elle ne jugera des chofes comme nous ,
que quand elle aura tous nos fens & notre
expérience ; & nous ne jugerons comme
elle , que quand nous nous fuppoferons
privés de tout ce qui lui manque.
Ce font les expreffions de M. de Condillac,
à qui il a paru néceffaire de débuter par
cet avis , qui indique les moyens propres
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
à nous procurer l'intelligence de fon ou
vrage , autrement il avoue qu'on pourra
lui oppofer des difficultés fans nombre ::
en cas qu'elles ayent lieu , l'auteur nous
femble être en état d'en donner la folution
qu'on exigera de lui . Il a cru devoir commencer
par l'odorat , parce que c'eft de
tous les fens celui qui paroît contribuer le
moins aux connoiffances de l'efprit humain.
Les autres ont été fucceffivement
& comme par gradation , l'objet de fes recherches
, & après les avoir confidérées .
féparément , & enfemble , il a vû la ftatue
devenir un animal capable de veiller
à fa confervation.
?:
Le principe qui détermine le dévelop
pement de fes. facultés ,, eft Gmple. Les.
fenfations même le renferment ; car toutes
étant néceſſairement agréables ou defa
gréables , la ftatue eft intéreffée à jouir
des unes , & à fe fouftraire aux autres. Or
on fe convaincra que cet intérêt ſuffic
pour donner lieu aux opérations de l'entendement
& de la volonté. Le jugement
la réflexion , les defirs , les paffions , &c,
ne font que la fenfation même , qui fe
transforme différemment . Si l'on objecte
à M. de Condillac , que les bêtes ont des
fenfations , & que cependant leur ame n'eft
pas capable des mêmes facultés que celle
JANVIER. 1755. 127
de l'homme il répond que cela eft vrai ,
parce que l'organe du tact eft en elles moins
parfait, & par conféquent il ne sçauroit
être pour elles la caufe occafionnelle de
toutes les opérations qui fe remarquent en
nous . On dit la caufe occafionnelle , parce
que les fenfations font les modifications
propres de l'ame , & que les organes n'en
peuvent être que l'occafion. De là le Phi
lofophe doit conclure , conformément à ce
qui nous eft enfeigné par la foi , que l'a
me des bêtes eft d'un ordre effentiellement
différent de celle de l'homme . Car
ce feroit donner atteinte à la fageffe de
Dieu , que de croire qu'un efprit capable
de s'élever à des connoiffances de toute
efpece , de découvrir fes devoirs , de
mériter & de démériter , fût affujetti à
un corps qui n'occafionneroit en lui que
les facultés néceffaires à la confervation de
l'animal. L'auteur a donc jugé inutile de
fuppofer que l'ame tient immédiatement
de la nature toutes les facultés dont elle
eft douée. Les organes que nous recevons
de la nature fervent par le plaifir ou par
la douleur qu'ils communiquent , à nous
avertir de ce que nous devons rechercher ,
ou de ce que nous devons fuir. Mais elle
s'arrête là ; elle laiffe à l'expérience le foin
de nous faire contracter des habitudes , &
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
d'achever l'ouvrage qu'elle a commencé.
M. de Condillac fe flatte que cet objet eft
neuf, & penfe qu'il montre toute la fimplicité
des voyes de l'Auteur de la nature.
C'est une chofe digne , felon lui , d'admiration
, quand on réfléchir qu'il n'a fallu
que rendre l'homme fenfible au plaifir
& à la douleur , pour faire naître en lui
des idées , des defirs , des habitudes &
des talens de toute efpece. Il eft aifé de
fe repréfenter , par l'expofé de ce fyftême ,
les difficultés qu'il y a à furmonter pour
le développer dans toutes fes parties ; elles
n'ont pourtant point détourné l'auteur
d'en former l'entreprife . Comme nous ne
prétendons point fubftituer notre jugement
à celui du public , nous aimons mieux
nous repofer fur lui du foin de décider
fi M. de Condillac a parfaitement réuffi
dans l'exécution. Au refte il nous apprend
que ce Traité eft le réfultat des converfations
qu'il a eues avec feue Mlle . Ferrand ,
qui l'a éclairé de fes confeils fur les principes
, fur le plan , & fur les moindres détails
qui le compofent. Auffi l'auteur ne
borne-t- il pas fa reconnoiffance à prodi
guer fimplement les éloges dûs au mérite
de cette Demoifelle , que les qualités du
coeur & de l'efprit rendoient également eftimable
; il ſe fait encore un vrai plaifir de
JANVIER. 1755. 129
partager avec elle l'honneur de fon travail.
M. de Condillac , pour procéder avec
ordre dans l'examen métaphyfique des
fenfations divife le traité qui le concerne
en quatre parties. Il y fait voir
que le plaifir & la douleur qui en émanent,
font l'unique principe du développement
des facultés de l'ame , & de la variété
des opérations qui en dépendent , en l'appliquant
à chaque fens en particulier, dont
il analyfe les propriétés. Selon cette divifion
relative aux quatre points de vûe différens
, fous lefquels l'auteur confidere les
effets que ce développement produit , il
montre quels font les fens qui par euxmêmes
ne jugent pas des objets extérieurs ;
2 °. que le toucher eft le feul qui foit capable
d'en juger par lui -même ; 3 ° . comment le
toucher apprend aux autres fens à juger des
objets extérieurs. 4° . Il vient à l'obfervation
des befoins , de l'induſtrie , & des idées d'un
homme feul qui jouit de tous fes fens . Le but
général de cet ouvrage eft de ramener l'origine
des connoiffances humaines aux impreffions
primitives que les fens reçoivent
de la contemplation des objets extérieurs.
Il réfulté de là , qu'à l'égard de la génération
des idées , M. de Condillac ne penfe
pas autrement que M. Locke , qui a com-
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
battu avec tant de fuccès celles que les
Philofophes défignent fous le nom d'idées
innées. En effet , il eft bien difficile de ne
fe pas rendre aux raifons fenfibles que ce
célébre métaphyficien Anglois a apportées:
pour nous convaincre de l'impoffibilité où
ces idées font d'exifter originairement dans :
l'ame ce font des preuves qui égalent ,
pour ainfi dire , l'évidence des démonftrations
mathématiques . Au refte , s'il y a
quelque chofe qu'on puiffe defirer pour la
perfection de ce Traité des fenfations , ce ſeroit
quelquefois une plus grande précifion
dans des détails , fur lefquels il paroît que
Fauteur arrête trop long- tems fes lecteurs ;
mais après tout , cela ne doit pas être re
gardé comme un défaut dans une matiere:
fort abftraite par elle-même . M. de Condillac
a fenti de quelle importance il étoit
de fe faire bien entendre , afin qu'on entrâ
dans fes vûes en développant la connexion
de fes idées avec toute la clarté
dont les fujets métaphyfiques peuvent être
fufceptibles. Il mérite même un éloge , en
ce qu'il ne prend pas pour propofer fes
fentimens , ce ton de confiance & d'autorité
qui peut impofer d'abord , mais qui
ne fçauroit jamais perfuader quand il
n'eft pas foutenu de raifons convaincan¬
tes il y auroit de l'injustice à le placer
JANVIER. 1755. 131
dans la claffe de ces auteurs qui , prévenus
en faveur de leurs opinions , veulent
les faire recevoir à toute force , comme
des regles fixes & certaines , qui font feules
capables de nous diriger dans le chemin
de la vérité : il fçait trop que les raiſonne
mens métaphyfiques n'emportent pas toujours
avec eux tous les dégrés poffibles de
certitude ; conféquemment la prudence
exige de les ranger , pour la plupart , dans
l'ordre des conjectures & des probabilités.
C'eft auffi le parti qu'a pris M. deCondillac .
Pour mettre à portée de juger fûrement
de la folidité de fon fyftême , il faudroit
le fuivre dans toutes les conféquences qui
Fétabliffent , expofer l'enchaînement des
parties qui le lient , & en combiner les
différens rapports : ce qui demanderoit un
extrait dont l'étendue fort des bornes que
preferit un fimple précis ; c'eft pourquoi
nous fommes dans l'obligation de renvoyer
à la lecture de l'ouvrage même. Les perfonnes
qui aiment à refléchir fur leur inaniere
d'être , y pourront trouver de quoi
s'inftruire. M. de Condillac a cru devoir
joindre au traité dont nous venons de parler
, une differtation fur la liberté ,, comme
étant une fuite de la matiere qu'il a
difcutée . En effet , il ne pouvoit confidérer
les actions de la ftatue en queſtion :
Evj
132 MERCURE DE FRANCE..
fans remonter à leur principe , qui conduit
néceffairement à fçavoir comment elle
délibere & fe détermine dans le choix de
fes defirs. Il réfulte de là un examen ; 1 °. du
pouvoir qui conftitue la liberté , 2º . des
connoiffances que fuppofe l'exercice de ce
pouvoir , 3 ° . de celles qui font faire le
meilleur ufage de la liberté , enfin de la
dépendance qui ne lui eft pas contraire , &
par conféquent il s'agit de définir en quoi
cette liberté confifte ; ce font autant de
points qui fixent les recherches de M. de
Condillac. Il termine fon livre par une réponfe
où il fe juftifie d'un reproche qu'on
lui a fait fur ce que le projet exécuté dans
le Traité des fenfations , n'a pas le mérite
de la nouveauté , puifqu'il a déja été propofé
dans la lettre fur les fourds & les
muets , imprimée en 1751. Il convient que
l'Auteur de cette lettre propofe de décompofer
un homme ; mais il nous apprend
que cette idée lui avoit été communiquée
long- tems auparavant par Mile Ferrand . Il
ajoûte que plufieurs perfonnes fçavoient
même que c'étoit là l'objet d'un traité auquel
il travailloit ; & il infinue que l'Auteur
de la lettre fur les fourds & les muets
ne l'ignoroit pas. Cependant il avoue que
eet Auteur a pu regarder comme à lui cette
idée , à laquelle fes propres réflexions
JANVIER. 1755. 133
fuffifoient pour le conduire. Il paroît beaucoup
moins difficile à M. de Condillac
d'expliquer cette rencontre , que de dire
pourquoi ce fujet n'a pas été traité plutôt ;
il femble que la décompofition de l'homme
auroit dû s'offrir naturellement à l'efprit
de tous les Métaphyficiens. Quoiqu'il
en foit , on reconnoît que l'auteur de cette
lettre eft trop riche de fes propres idées ,
pour être foupçonné d'avoir befoin de celles
des autres ; on donne à cette occafion
des louanges à la beauté de fon génie . Enfin
M. de Condillac confent à fe déclarer
plagiaire , fi c'eſt l'être que de s'approprier
des idées dont on lui a abandonné l'ufage.
Au refte il fait remarquer que s'il a eu
à peu-près pour le fonds de fon travail le
même objet que l'Ecrivain célebre dont il
parle , il ne s'eft pas rencontré avec lui dans
la façon de le traiter & dans les obfervations
qui y tiennent. C'eft pour faciliter au
Lecteur les voies de la comparaifon , qu'il
a cru à propos de tranfcrire tout ce que
dit à ce fujet l'Auteur de la Lettre fur les
fourds & les muets.
PRINCIPES DISCUTÉS pour faciliter
l'intelligence des livres prophétiques ,
& fpécialement des pfeaumes , relativement
à la langue originale ; fuivis de plu134
MERCURE DE FRANCE.
feurs differtations fur les Lettres II , III ,
IV & V de M. l'Abbé de Villefroi , dans
lefquelles il eft traité de la conduite à
l'égard de fon Eglife depuis le commencement
du monde. A Paris , chez Simon ,
Imprimeur du Parlement , rue de la Har
pe , à l'Hercule ; & Cl . Hériffant , Librai
re-Imprimeur , rue neuve Notre Dame ;
1755 , quatre gros volumes in- 12 .
On trouvera dans le cours de cet ouvrage
, où l'on a déployé une érudition con
venable au fujet , des vûes nouvelles , dont
quelques- unes pourront paroître fingulie
res pour l'explication des livres prophéti
ques , & particulierement des pleaumes .
Si l'on ne demeure pas toujours d'accord
de la folidité des principes qu'on effaye
d'établir pour en développer le véritable
fens , on avouera du moins qu'il y a quel
ques interprétations qu'on a fçu préfenter
fous un afpect favorable .
la Comteffe de Vaffé , par M. l'Abbé de
Condillac , de l'Académie royale de Berlin.
A Paris, chez Debure l'aîné , quai des Auguftins
, à S. Paul. 1754. 2. vol. in 12 .
Le deffein du Traité que l'on publie eft
proprement parler , une décompofition
de l'homme, dont on confidere féparément
JANVIER. 1755. 125
les fens , afin de diftinguer avec précifion
les idées qu'il doit à chacun d'eux ,
& d'obferver avec quel progrès ils s'inftruifent
, & comment ils fe prêtent des
fecours mutuels. Pour remplir cet objet ,
l'auteur de l'ouvrage que nous annonçons
imagine une ftatue organifée intérieurement
comme nous , & animée d'un efprit
privé de toute efpece d'idées. Il fuppofe
encore que l'extérieur tout de marbre ne
lui permet l'ufage d'autun de fes fens ,
& fe réfervé la liberté de les ouvrir , à fon
choix , aux différentes impreffions dont ils
font fufceptibles. C'eft pourquoi il a foin
d'avertir le lecteur de fe mettre à la place
de la ftatue qu'il fe propofe d'examiner.
Il veut qu'on ne commence d'exifter qu'avec
elle , qu'on n'ait qu'un feul fens quand
elle n'en a qu'un. Il ne faut acquerir que
les idées qu'elle acquiert , ne contracter
que les habitudes qu'elle contracte ; en
un mot il faut n'être que ce qu'elle eft.
Elle ne jugera des chofes comme nous ,
que quand elle aura tous nos fens & notre
expérience ; & nous ne jugerons comme
elle , que quand nous nous fuppoferons
privés de tout ce qui lui manque.
Ce font les expreffions de M. de Condillac,
à qui il a paru néceffaire de débuter par
cet avis , qui indique les moyens propres
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
à nous procurer l'intelligence de fon ou
vrage , autrement il avoue qu'on pourra
lui oppofer des difficultés fans nombre ::
en cas qu'elles ayent lieu , l'auteur nous
femble être en état d'en donner la folution
qu'on exigera de lui . Il a cru devoir commencer
par l'odorat , parce que c'eft de
tous les fens celui qui paroît contribuer le
moins aux connoiffances de l'efprit humain.
Les autres ont été fucceffivement
& comme par gradation , l'objet de fes recherches
, & après les avoir confidérées .
féparément , & enfemble , il a vû la ftatue
devenir un animal capable de veiller
à fa confervation.
?:
Le principe qui détermine le dévelop
pement de fes. facultés ,, eft Gmple. Les.
fenfations même le renferment ; car toutes
étant néceſſairement agréables ou defa
gréables , la ftatue eft intéreffée à jouir
des unes , & à fe fouftraire aux autres. Or
on fe convaincra que cet intérêt ſuffic
pour donner lieu aux opérations de l'entendement
& de la volonté. Le jugement
la réflexion , les defirs , les paffions , &c,
ne font que la fenfation même , qui fe
transforme différemment . Si l'on objecte
à M. de Condillac , que les bêtes ont des
fenfations , & que cependant leur ame n'eft
pas capable des mêmes facultés que celle
JANVIER. 1755. 127
de l'homme il répond que cela eft vrai ,
parce que l'organe du tact eft en elles moins
parfait, & par conféquent il ne sçauroit
être pour elles la caufe occafionnelle de
toutes les opérations qui fe remarquent en
nous . On dit la caufe occafionnelle , parce
que les fenfations font les modifications
propres de l'ame , & que les organes n'en
peuvent être que l'occafion. De là le Phi
lofophe doit conclure , conformément à ce
qui nous eft enfeigné par la foi , que l'a
me des bêtes eft d'un ordre effentiellement
différent de celle de l'homme . Car
ce feroit donner atteinte à la fageffe de
Dieu , que de croire qu'un efprit capable
de s'élever à des connoiffances de toute
efpece , de découvrir fes devoirs , de
mériter & de démériter , fût affujetti à
un corps qui n'occafionneroit en lui que
les facultés néceffaires à la confervation de
l'animal. L'auteur a donc jugé inutile de
fuppofer que l'ame tient immédiatement
de la nature toutes les facultés dont elle
eft douée. Les organes que nous recevons
de la nature fervent par le plaifir ou par
la douleur qu'ils communiquent , à nous
avertir de ce que nous devons rechercher ,
ou de ce que nous devons fuir. Mais elle
s'arrête là ; elle laiffe à l'expérience le foin
de nous faire contracter des habitudes , &
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
d'achever l'ouvrage qu'elle a commencé.
M. de Condillac fe flatte que cet objet eft
neuf, & penfe qu'il montre toute la fimplicité
des voyes de l'Auteur de la nature.
C'est une chofe digne , felon lui , d'admiration
, quand on réfléchir qu'il n'a fallu
que rendre l'homme fenfible au plaifir
& à la douleur , pour faire naître en lui
des idées , des defirs , des habitudes &
des talens de toute efpece. Il eft aifé de
fe repréfenter , par l'expofé de ce fyftême ,
les difficultés qu'il y a à furmonter pour
le développer dans toutes fes parties ; elles
n'ont pourtant point détourné l'auteur
d'en former l'entreprife . Comme nous ne
prétendons point fubftituer notre jugement
à celui du public , nous aimons mieux
nous repofer fur lui du foin de décider
fi M. de Condillac a parfaitement réuffi
dans l'exécution. Au refte il nous apprend
que ce Traité eft le réfultat des converfations
qu'il a eues avec feue Mlle . Ferrand ,
qui l'a éclairé de fes confeils fur les principes
, fur le plan , & fur les moindres détails
qui le compofent. Auffi l'auteur ne
borne-t- il pas fa reconnoiffance à prodi
guer fimplement les éloges dûs au mérite
de cette Demoifelle , que les qualités du
coeur & de l'efprit rendoient également eftimable
; il ſe fait encore un vrai plaifir de
JANVIER. 1755. 129
partager avec elle l'honneur de fon travail.
M. de Condillac , pour procéder avec
ordre dans l'examen métaphyfique des
fenfations divife le traité qui le concerne
en quatre parties. Il y fait voir
que le plaifir & la douleur qui en émanent,
font l'unique principe du développement
des facultés de l'ame , & de la variété
des opérations qui en dépendent , en l'appliquant
à chaque fens en particulier, dont
il analyfe les propriétés. Selon cette divifion
relative aux quatre points de vûe différens
, fous lefquels l'auteur confidere les
effets que ce développement produit , il
montre quels font les fens qui par euxmêmes
ne jugent pas des objets extérieurs ;
2 °. que le toucher eft le feul qui foit capable
d'en juger par lui -même ; 3 ° . comment le
toucher apprend aux autres fens à juger des
objets extérieurs. 4° . Il vient à l'obfervation
des befoins , de l'induſtrie , & des idées d'un
homme feul qui jouit de tous fes fens . Le but
général de cet ouvrage eft de ramener l'origine
des connoiffances humaines aux impreffions
primitives que les fens reçoivent
de la contemplation des objets extérieurs.
Il réfulté de là , qu'à l'égard de la génération
des idées , M. de Condillac ne penfe
pas autrement que M. Locke , qui a com-
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
battu avec tant de fuccès celles que les
Philofophes défignent fous le nom d'idées
innées. En effet , il eft bien difficile de ne
fe pas rendre aux raifons fenfibles que ce
célébre métaphyficien Anglois a apportées:
pour nous convaincre de l'impoffibilité où
ces idées font d'exifter originairement dans :
l'ame ce font des preuves qui égalent ,
pour ainfi dire , l'évidence des démonftrations
mathématiques . Au refte , s'il y a
quelque chofe qu'on puiffe defirer pour la
perfection de ce Traité des fenfations , ce ſeroit
quelquefois une plus grande précifion
dans des détails , fur lefquels il paroît que
Fauteur arrête trop long- tems fes lecteurs ;
mais après tout , cela ne doit pas être re
gardé comme un défaut dans une matiere:
fort abftraite par elle-même . M. de Condillac
a fenti de quelle importance il étoit
de fe faire bien entendre , afin qu'on entrâ
dans fes vûes en développant la connexion
de fes idées avec toute la clarté
dont les fujets métaphyfiques peuvent être
fufceptibles. Il mérite même un éloge , en
ce qu'il ne prend pas pour propofer fes
fentimens , ce ton de confiance & d'autorité
qui peut impofer d'abord , mais qui
ne fçauroit jamais perfuader quand il
n'eft pas foutenu de raifons convaincan¬
tes il y auroit de l'injustice à le placer
JANVIER. 1755. 131
dans la claffe de ces auteurs qui , prévenus
en faveur de leurs opinions , veulent
les faire recevoir à toute force , comme
des regles fixes & certaines , qui font feules
capables de nous diriger dans le chemin
de la vérité : il fçait trop que les raiſonne
mens métaphyfiques n'emportent pas toujours
avec eux tous les dégrés poffibles de
certitude ; conféquemment la prudence
exige de les ranger , pour la plupart , dans
l'ordre des conjectures & des probabilités.
C'eft auffi le parti qu'a pris M. deCondillac .
Pour mettre à portée de juger fûrement
de la folidité de fon fyftême , il faudroit
le fuivre dans toutes les conféquences qui
Fétabliffent , expofer l'enchaînement des
parties qui le lient , & en combiner les
différens rapports : ce qui demanderoit un
extrait dont l'étendue fort des bornes que
preferit un fimple précis ; c'eft pourquoi
nous fommes dans l'obligation de renvoyer
à la lecture de l'ouvrage même. Les perfonnes
qui aiment à refléchir fur leur inaniere
d'être , y pourront trouver de quoi
s'inftruire. M. de Condillac a cru devoir
joindre au traité dont nous venons de parler
, une differtation fur la liberté ,, comme
étant une fuite de la matiere qu'il a
difcutée . En effet , il ne pouvoit confidérer
les actions de la ftatue en queſtion :
Evj
132 MERCURE DE FRANCE..
fans remonter à leur principe , qui conduit
néceffairement à fçavoir comment elle
délibere & fe détermine dans le choix de
fes defirs. Il réfulte de là un examen ; 1 °. du
pouvoir qui conftitue la liberté , 2º . des
connoiffances que fuppofe l'exercice de ce
pouvoir , 3 ° . de celles qui font faire le
meilleur ufage de la liberté , enfin de la
dépendance qui ne lui eft pas contraire , &
par conféquent il s'agit de définir en quoi
cette liberté confifte ; ce font autant de
points qui fixent les recherches de M. de
Condillac. Il termine fon livre par une réponfe
où il fe juftifie d'un reproche qu'on
lui a fait fur ce que le projet exécuté dans
le Traité des fenfations , n'a pas le mérite
de la nouveauté , puifqu'il a déja été propofé
dans la lettre fur les fourds & les
muets , imprimée en 1751. Il convient que
l'Auteur de cette lettre propofe de décompofer
un homme ; mais il nous apprend
que cette idée lui avoit été communiquée
long- tems auparavant par Mile Ferrand . Il
ajoûte que plufieurs perfonnes fçavoient
même que c'étoit là l'objet d'un traité auquel
il travailloit ; & il infinue que l'Auteur
de la lettre fur les fourds & les muets
ne l'ignoroit pas. Cependant il avoue que
eet Auteur a pu regarder comme à lui cette
idée , à laquelle fes propres réflexions
JANVIER. 1755. 133
fuffifoient pour le conduire. Il paroît beaucoup
moins difficile à M. de Condillac
d'expliquer cette rencontre , que de dire
pourquoi ce fujet n'a pas été traité plutôt ;
il femble que la décompofition de l'homme
auroit dû s'offrir naturellement à l'efprit
de tous les Métaphyficiens. Quoiqu'il
en foit , on reconnoît que l'auteur de cette
lettre eft trop riche de fes propres idées ,
pour être foupçonné d'avoir befoin de celles
des autres ; on donne à cette occafion
des louanges à la beauté de fon génie . Enfin
M. de Condillac confent à fe déclarer
plagiaire , fi c'eſt l'être que de s'approprier
des idées dont on lui a abandonné l'ufage.
Au refte il fait remarquer que s'il a eu
à peu-près pour le fonds de fon travail le
même objet que l'Ecrivain célebre dont il
parle , il ne s'eft pas rencontré avec lui dans
la façon de le traiter & dans les obfervations
qui y tiennent. C'eft pour faciliter au
Lecteur les voies de la comparaifon , qu'il
a cru à propos de tranfcrire tout ce que
dit à ce fujet l'Auteur de la Lettre fur les
fourds & les muets.
PRINCIPES DISCUTÉS pour faciliter
l'intelligence des livres prophétiques ,
& fpécialement des pfeaumes , relativement
à la langue originale ; fuivis de plu134
MERCURE DE FRANCE.
feurs differtations fur les Lettres II , III ,
IV & V de M. l'Abbé de Villefroi , dans
lefquelles il eft traité de la conduite à
l'égard de fon Eglife depuis le commencement
du monde. A Paris , chez Simon ,
Imprimeur du Parlement , rue de la Har
pe , à l'Hercule ; & Cl . Hériffant , Librai
re-Imprimeur , rue neuve Notre Dame ;
1755 , quatre gros volumes in- 12 .
On trouvera dans le cours de cet ouvrage
, où l'on a déployé une érudition con
venable au fujet , des vûes nouvelles , dont
quelques- unes pourront paroître fingulie
res pour l'explication des livres prophéti
ques , & particulierement des pleaumes .
Si l'on ne demeure pas toujours d'accord
de la folidité des principes qu'on effaye
d'établir pour en développer le véritable
fens , on avouera du moins qu'il y a quel
ques interprétations qu'on a fçu préfenter
fous un afpect favorable .
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Résumé : « TRAITÉ DES SENSATIONS, à Madame la Comtesse de Vassé, par M. l'Abbé de [...] »
Le 'Traité des sensations' de l'Abbé de Condillac, publié en 1754, vise à analyser les sens humains pour distinguer les idées qu'ils procurent et observer leur progression et interaction. Condillac imagine une statue dotée d'une organisation intérieure humaine mais dépourvue d'idées initiales, afin d'explorer comment elle acquiert des sensations et des idées en utilisant ses sens. Il commence par l'odorat, jugé le moins contributif aux connaissances humaines, et progresse vers les autres sens. Les sensations, agréables ou désagréables, motivent la statue à rechercher le plaisir et éviter la douleur, développant ainsi ses facultés mentales. Condillac réfute l'idée que les animaux, bien qu'ayant des sensations, possèdent les mêmes facultés que les humains. Il attribue cette différence à la moindre perfection de l'organe du toucher chez les animaux, concluant que l'âme des bêtes est essentiellement différente de celle de l'homme, conformément aux enseignements de la foi. Il affirme que les facultés de l'âme humaine se développent par l'expérience et l'habitude, et non par des idées innées. Le traité est structuré en quatre parties : l'analyse des sensations et leur rôle dans le développement des facultés de l'âme, l'importance du toucher dans le jugement des objets extérieurs, l'apprentissage des autres sens par le toucher, et l'observation des besoins et des idées d'un homme utilisant tous ses sens. Condillac se distingue par sa méthode prudente et réfléchie, évitant de présenter ses sentiments avec autorité, et reconnaît l'importance de la clarté et de la précision dans l'exposition de ses idées. Il inclut également une dissertation sur la liberté, examinant le pouvoir de la volonté et les connaissances nécessaires à son exercice. Condillac répond à des critiques sur l'originalité de son travail, admettant que l'idée de décomposer l'homme lui avait été communiquée par Mlle Ferrand, mais insistant sur l'originalité de sa méthode et de ses observations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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