Si pourtant M' de Fonte- nelle eneſt crû , il y a une voye auſſi promptequ'infaillible pour réüffir en amour. Voyez s'il a
penſé iuſte quand il s'en eſt ex- pliqué par ces Vers.
Aij
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LE MERCVRE
LES FLEC HES
D'AMOUR.
L
Amour n'avoit jadis que des Fléches d' Acier ,
Cen'estoit pasfaire grande dépense ,
Mais celafuffifoit pour un Siecle groffier ,
Ou tous les cœursse rendoientfansdefence.
Le temps changea ; plus de fimplicité,
Les traits d'Acier devinrent inutiles
Etl' Amour ent àfaire àdes Gensplus
habiless
Qui de les repousfer prenoient la li- berté.
S'ils bleffoient , la bleſſure estoit bientoft querie ,
Perſonne ne s'en trouvoitmal.
Quel remede ? Il falut changerde baterie ,
GALAN T.. 5
Il les fit d'un autre Metal ,
Cefut d'Or, à l' Amour la victoire estoit
Seure.
Quels Ennemis , Grands Dieux , n'auroit-il pas défaits ?
Auſſi,quoyqu ilparust d'abordse mettre en frais ,
Ilregagnaſesfrais avec ufure.
Achaque Fleche qui voloit Une foule de Cœurs couroit au devant,
d'elle.
Quoyque laplaye en fuſt mortelle ,
N'estoit pas bleſſe qui vouloit.
L'Amour ne lançoit plus ſes Fleches
quepargrace ,
Heureuxles Cœurs ſur qui tomboient
des traitsfi doux ,
Souvent de les percer sa mainſe trou- voit laſſe ,
Lors qu'ils ne l'estoientpas de recevoir
fescoups.
Chacun d'eux eust reçeu vingt Fleches
au lieud'une ,
Chacun eust volontiers épuisé le Carquois;
Se faire bleſſfer plusieurs fois ,
C'estoit affez pour fairefafortune.
A iij
6 LE MERCVRE
Cettemoden'apoint changés LesFleckes d'orfont toûjours en usage ,
Etpour peu qu'on s'enferve ,il n'est
CœursiSauvage,
Quiſous les Loixd'Amournefoit bien- toftrangé.