Résultats : 35 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 16-40
Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Début :
Il faudroit n'estre pas Homme pour n'en point avoir [...]
Mots clefs :
Rouen, Chevalier, Mort, Maîtresse, Surprise, Château, Conseiller, Amour, Procès, Fantôme, Abbé, Ombre, Mariages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Il faudroit n'eſtre
pas Homme pour n'en point avoir ; mais elle a quelquefois des effets bien dangereux , &
vous l'allez voir par ce qui eft arrivé depuis peu de temps à
une aimable Heritiere d'une des
meilleures Familles de Roüen.
Elle avoit pris de la tendreſſe
pour un jeune Chevalier qui
GALANT. 1.3
Laimoit avec paffion. Soit pour la naiſſance , foit pour le bien,
ils eſtoient aſſez le fait l'un de
l'autre; & comme l'Amour s'en
meſloit , il n'auroit pas eſté dif- ficile au Chevalier de ſe rendre
heureux, fi l'employ qu'il avoit à l'Armée ne l'euft obligé d'at- tendre à demander. l'agrément de ſes Parens au retour de la
Campagne , qu'il ne ſe pouvoit diſpenſer de faire. Il ſervoit en Allemagne fous Monfieur le Mareſchal de Créquy , &ayant eſté commandé dans une oсcaſion où nous perdîmes quel- que monde, il fut compte au nombre des Morts, La nouvelle
s'en répandit dans la Province.
Elle vint aux oreilles de laDemoifelle qui en fut inconfolable.
Elle pleura , foûpira, parla con- tinuellement de ſes bonnes qua
14 LE MERCVRE
litez , & ſe le mit ſi fortement dans l'eſprit, qu'elle croyoit le voir paroiſtre devant elle à tous
momens. Pour divertir un peu ſa douleur , on l'envoya chez une Dame de ſes Parentes qui avoit un Chaſteau au Païs de
Caux. C'eſtoitune Veuve d'un
eſprit fort agreable , &qui ayant encorde la jeuneffe & de la beauté , attiroit chez elle tout ce qu'il y avoit d'honneſtes Gens
dansſon voiſinage. LabelleAf- Aigée ytrouva quelquefoulage- ment à ſes déplaiſirs , elle n'en pût oublier la cauſe , &elle ſe déroboit tous les jours pour ve- nir reſver ſolitairement dans le
Jardin à la perte qu'elle avoit faite. Cependant le Chevalier n'eſtoit pas ſi bienmort, qu'il ne fit connoiſtre preſque auffi-toft qu'il avoit encor part àla vie.On
GALAN T. 15 viſita ſes bleſſures. Elles furent
trouvées dangereuſes , mais non pas de telle forte qu'il n'en puſt guerir. On en prit ſoin , &il fut eneſtat de quiter l'Armée dans
le temps que les Troupes entroient en Quartier d'Hyver. II
revient en Normandie. Grande
joye pour ſes Amis qui l'ont pleuré mort. Il s'informe de ſa Maiſtreſſe. On luy apprend où elle eft, &à quelles extremitez ſa douleur l'avoit portée. Son amour redouble par la connoif- fancequ'onluydonne deſes dé- plaiſirs. Il meurt d'impatience de la revoir , &luy veut porter luy-meſme la nouvelle de ſon retour à la vie. Comme il s'en
connoiſt fortement aimé , il ſe
faitunejoyeſenſiblede l'agrea- ble ſurpriſe que ſa veuëluy doit caufer,& fans la faire tirer de
16 LE MERCVRE
l'erreur où le bruit de ſa fauffe
mort l'a miſe , il part de Roüen avec un Confeiller &un Abbé
de ſes Amis. Aucun d'eux ne
connoiſſoit la Dame chez qui elle eſtoit , &ceła faciliteledeffein qu'ils ont de faire paſſer pour une rencontre du hazard ce qui est une occafion recher- chée. Il pouvoiteſtre onze heu- res du foir. Ils arriventau Chaſteau , feignent d'ignorer à qui il eft , le demandent au Portier
qui leur vient ouvrir; &ſur ſa -réponſe , ils le prient de fairedi- re àla Dame , qu'un Conſeiller duParlementqui s'eſt égaré en allant à Dieppe , la ſupplie de luy vouloir donner une Cham- bre à luy & à deuxde ſes Amis,
..poury attendre le jour. La Dame avoit un Procés ,& le cre
dit d'un Conſeiller qui peut ou
GALANT. I17 eſtre fon Juge , ou folliciter pour elle , luy paroiſt un ſecours en- voyéduCiel. Elle leur fait faire excuſe de ce qu'eſtant déja coit- chée,elle est contrainte d'attendre juſqu'au lendemain à les voir. Cependant les ordres ſe donnent , & on n'oublie rien
pourles recevoir obligeamment.
La nuit ſe paffe. Ils demandent à quelle heure ils pourront re- mercier la Dame de ſes bontez..
On leur répond qu'elle s'habil- le; &pendant ce temps,le Con feiller & l'Abbé defcendent à
l'Ecurie pour ſçavoir ſi on a en ſoinde leurs Chevaux. Le Chevalier qui ne fonge qu'à fon amour , obferve la ſituationdes
lieux qui font habitez , & ayant pris garde qu'ils donnent fur le Jardin , il y entre dans l'eſperan- ce que faMaiſtreſſe paroiſtra à
18 LE MERCVRE
4
quelque feneftre. Iln'y apas fait trente pas qu'il lavoit fortird'u- ne Allée couverte. Elley eftoit venuë comme elle avoit accouſtumé de le faire tous les matins,&dans ce momentelle effuyoit quelques larmes qu'elle avoit encor données au ſouvenirde ſa mort. Il s'avance. Elle
l'apperçoit ; &comme elle en avoit l'imagination toute rem- plie , elle le prend pour fon Phantoſme, fait des cris épou- vantables , & s'enfuit vers une
Salle qu'elle avoit laiſſée ouver- te. Il court apres elle pour taf- cher de l'arreſter , mais fa diligence eſt vaine. Elle redouble fes cris , & a plûtoſt fermé la Porte qu'il ne l'a pû joindre.
Cette action est remarquée d'un Domeſtique qui entroit dans le
Jardin. Il enva donneravis àla
GALANT. 19
Dame. Elle deſcend dans la
Salle , trouve ſa belle Parente
- évanoüie; & comme elle estoit
Heritiere , & qu'on avoit déja fait courir le bruit de quelque projet pour l'enlever , elle ne doute point qu'on n'ait voulu enveniràl'execution ,&que ce qu'on luy eſt venu dire le jour precedent du Conſeiller égaré,
n'ait efté un artifice pour don- ner une entrée aux Raviſſeurs.
Tout la confirme dans cette
croyance. On a ven courir un
Homme apres la Demoiselle quine s'en eſt ſauvée qu'en s'en- fermant , & on la trouve évanoüie de frayeurs. Ses deux A- mis qui s'arreſtent à voir leurs
Chevaux , femblent avoir eu deſſein de ſe tenir preſts à fuir quand il ſeroit venu à bout de
fon entrepriſe , & il n'y a rien
-
20 LE MERCVRE
I
autre choſe àpenſer de ce qui s'eſt fait. Tandis qu'on prend foin de la belle Evanoüie , la
Dame envoye chercher du Se- cours , fait armer ſes Gens , &
enmoins de rien vingt. Hom- mes , avec des Moufquetons &
des Halebardes vont àl'Ecurie,
oùle Chevalier eſtoit venu ren
de compte à ſes deuxAmísde la rencontre qu'ilavoit faite. Ils font ſurpris de ſe voir coucher enjouë,&d'entendre dire qu'il n'y a pointde quartier pour eux s'ils neſe laiſſent conduire dans
-un Cabinet grillé oùla Dame a
-donnéordre qu'on les enferme.
Ils ont beau demander la cauſe
de l'infulte qu'on leur fait , & fe
plaindre du peu dereſpect qu'on apourunConſeiller.Ce nomde
Conſeiller qui avoit fait de ſi
grands effets quand ils arrive-
GALANT. 21
rent,n'eſt plus d'aucune confi- deration ,&ils font à peine dans leCabineroù cette Troupe mu- tine les garde , que la Dame leur vient dire qu'apres les avoir fait recevoir chez elle de la maniere la plus obligeante , elle n'auroit jamais creu qu'ils euf- ſent voulu luy faire l'outrage dont elle prétend reparation. Le Conſeiller prend la parole , &
s'eſtant plaint ſans trop d'ai- greur de la violence qu'on luy a
faite , il adjoûte qu'il ne voit pas de quel mauvais deſſein on a pû le tenir ſuſpect , quand il vient avecunAbbé dont le caractere le doit faire croire incapable d'y preſter la main. La Dame répond que la partie ef- toit bien- faite , &qu'on ne vou- loit pas aller loin ſans mettre les choſes en estat deſe pacifier par
22 LE MERCVRE
le Mariage. Cette réponſe &
quelques autres paroles luy font comprendre qu'on les ſoupçon- nede n'eſtre venusau Chaſteau
quepour enlever ſa Parente. Le Chevalier qui ne devine point pourquoy on leurimpute cedef- fein ſur la frayeur qu'il ſçait que ſa veuë a cauſée àſaMaiſtreſſe,
dit qu'il eſt vray qu'une Demoi- ſelle a pris la fuite toute effrayée de l'avoir trouvé dans le Jardin,
mais qu'on la luy faſſe voir , &
qu'il eſt fort aſſuré qu'elle ne le reconnoiſtra point pour un Ra- viſſeur. Il conjure la Dame avee tant d'inſtance de luy accorder cette grace , qu'elle les quitte pour aller ſçavoir ſi ſa Parente eſt enestatde venir.Elle la trouve revenuë de fon Evanoüiffement , mais ſi interdite de ce
qu'elle a veu , quele troublede
GALANT. 23
ſon ameparoiſt encorpeintdans ſes regards. Cette belle Perſon- ne la prévient , &d'abord qu'el- le lavoit entrer elle luy dit qu'el- le ne ſçait comme elle eſt de- meurée vivante apres quel'Om- bre du Chevalier qu'elle a tant aimé luy eſt apparuë. LaDame perfuadéeque la frayeur qu'elle a euë de la pourſuite d'un Ra- viſſeur afait égarer ſa raiſon , la prie dela fuivre , &l'affurequ'- elle luy fera faire entiere ſatis- faction de l'injure qu'elle a re- çeuë. Elle entre dans leCabinet ſans ſçavoir pourquoyſa prefen- ce yeft neceſſaire , & elle n'a pas plûtoſt jetté les yeux fur leChe- valier qu'elle pouffe de nouveaux cris , & retombe preſque dans le meſme eſtat d'où elle
vientd'eſtre retirée. LeChevaliers'approche, & ſe plaint d'u-
,
24 LE MERCVRE
ne maniere fi tendredu malheur
qu'il a de ne pouvoir paroiſtre devat elle fans l'éfrayer,qu'enfin quoy qu'avec beaucoupde pei- ne , elle trouve affez de voix
pourluydemanders'il peuteſtre vray qu'il ne ſoit pas mort. Il répond qu'il ne ſçait ſi elle a
donné un ordre abſolu de le tuer à ceux qui l'ont amené dans le Cabinet avecdes Halebardes &
des Mousquetons , mais que fi elle veut bien conſentir qu'il vi- ve , il vivra tout à elle comme il
a fait juſque là , &toûjours dans les ſentimens paſſionnez qu'elle ne condamnoit pas avant qu'il la quittât pour l'Armée. Il n'en fallut pas davantage pour faire connoiſtre àla Dame ce qu'elle n'avoit pû démeſler d'abord. Ju- gez de ſa ſurpriſe. Elle entend nommerle Chevalier, & voyantla
GALANT. 25 joye éclater ſur le viſage de ſa Parente , elle tombe dans une
confufion dont elle ne fort que par les choſes agreables que le Conſeiller commence à luydire fur cettemépriſe. Elle luy en fait mille excuſes , &ſe ſertpource- la de termes ſi obligeans , que commeelle eſtoit tres-bien faite
de ſa perſonne, le Conſeiller s'en laiſſe toucher. Elle le prie de re- mettre ſon Voyage de Dieppe,
& de demeurer quelques jours chez elle pour luy donner lieu dereparer ce que fon inconfide- rée précipitation luy avoit fait faire d'injuſte. Outre que c'ef- toit ce que le Conſeiller avoit pretendu , il trouvoit tant d'ef- prit & d'agrément dans l'aima- ble Veuve , qu'il ne fut pas fa- ché de faire pour elle ce qu'un commencement d'amour luy
Tome IX. B
26 LE MERCVRE
faiſoit déja ſecrettement ſouhai- ter. Il paſſa donctrois ou quatre jours dans le Chaſteau , & l'en- tretiende cette aimable Perſonne eurde fi doux charmes pour luy, qu'iln'yparoiffoit pasmoins attaché que le Chevalier l'eſtoit àrenouveller àſa Maiſtreſſe les
proteſtations du plus tendre amour. L'Abbé s'aperçeut de l'engagement que le Confeiller prenoit pour la Dame ; & com- me il ne pouvoitſemettredela converfation d'aucun coſté fans
troubler un teſte-a-teſte , il leur dit enfin en riant qu'il s'ennu- yoit d'eſtre ſans employ , tandis qu'il les voyoit tousquatre ff agreablement occupez. Je ne ſçay ſi cet avis donna lieu au Conſeillerde s'expliquer ſerien- ſement , mais l'intelligence con- tinua ,les affaires ſe conclurent,
GALAINT.
27 & l'Abbé fut appellé quelque temps apres pour la Ceremonie des deux Mariages. Le grand oüy qu'il a fait prononcer à ces quatresAmans, les amisdans un eftat fi heureux , quepourl'en récompenfer il luy ſouhaitent tous les jours une Mitre
pas Homme pour n'en point avoir ; mais elle a quelquefois des effets bien dangereux , &
vous l'allez voir par ce qui eft arrivé depuis peu de temps à
une aimable Heritiere d'une des
meilleures Familles de Roüen.
Elle avoit pris de la tendreſſe
pour un jeune Chevalier qui
GALANT. 1.3
Laimoit avec paffion. Soit pour la naiſſance , foit pour le bien,
ils eſtoient aſſez le fait l'un de
l'autre; & comme l'Amour s'en
meſloit , il n'auroit pas eſté dif- ficile au Chevalier de ſe rendre
heureux, fi l'employ qu'il avoit à l'Armée ne l'euft obligé d'at- tendre à demander. l'agrément de ſes Parens au retour de la
Campagne , qu'il ne ſe pouvoit diſpenſer de faire. Il ſervoit en Allemagne fous Monfieur le Mareſchal de Créquy , &ayant eſté commandé dans une oсcaſion où nous perdîmes quel- que monde, il fut compte au nombre des Morts, La nouvelle
s'en répandit dans la Province.
Elle vint aux oreilles de laDemoifelle qui en fut inconfolable.
Elle pleura , foûpira, parla con- tinuellement de ſes bonnes qua
14 LE MERCVRE
litez , & ſe le mit ſi fortement dans l'eſprit, qu'elle croyoit le voir paroiſtre devant elle à tous
momens. Pour divertir un peu ſa douleur , on l'envoya chez une Dame de ſes Parentes qui avoit un Chaſteau au Païs de
Caux. C'eſtoitune Veuve d'un
eſprit fort agreable , &qui ayant encorde la jeuneffe & de la beauté , attiroit chez elle tout ce qu'il y avoit d'honneſtes Gens
dansſon voiſinage. LabelleAf- Aigée ytrouva quelquefoulage- ment à ſes déplaiſirs , elle n'en pût oublier la cauſe , &elle ſe déroboit tous les jours pour ve- nir reſver ſolitairement dans le
Jardin à la perte qu'elle avoit faite. Cependant le Chevalier n'eſtoit pas ſi bienmort, qu'il ne fit connoiſtre preſque auffi-toft qu'il avoit encor part àla vie.On
GALAN T. 15 viſita ſes bleſſures. Elles furent
trouvées dangereuſes , mais non pas de telle forte qu'il n'en puſt guerir. On en prit ſoin , &il fut eneſtat de quiter l'Armée dans
le temps que les Troupes entroient en Quartier d'Hyver. II
revient en Normandie. Grande
joye pour ſes Amis qui l'ont pleuré mort. Il s'informe de ſa Maiſtreſſe. On luy apprend où elle eft, &à quelles extremitez ſa douleur l'avoit portée. Son amour redouble par la connoif- fancequ'onluydonne deſes dé- plaiſirs. Il meurt d'impatience de la revoir , &luy veut porter luy-meſme la nouvelle de ſon retour à la vie. Comme il s'en
connoiſt fortement aimé , il ſe
faitunejoyeſenſiblede l'agrea- ble ſurpriſe que ſa veuëluy doit caufer,& fans la faire tirer de
16 LE MERCVRE
l'erreur où le bruit de ſa fauffe
mort l'a miſe , il part de Roüen avec un Confeiller &un Abbé
de ſes Amis. Aucun d'eux ne
connoiſſoit la Dame chez qui elle eſtoit , &ceła faciliteledeffein qu'ils ont de faire paſſer pour une rencontre du hazard ce qui est une occafion recher- chée. Il pouvoiteſtre onze heu- res du foir. Ils arriventau Chaſteau , feignent d'ignorer à qui il eft , le demandent au Portier
qui leur vient ouvrir; &ſur ſa -réponſe , ils le prient de fairedi- re àla Dame , qu'un Conſeiller duParlementqui s'eſt égaré en allant à Dieppe , la ſupplie de luy vouloir donner une Cham- bre à luy & à deuxde ſes Amis,
..poury attendre le jour. La Dame avoit un Procés ,& le cre
dit d'un Conſeiller qui peut ou
GALANT. I17 eſtre fon Juge , ou folliciter pour elle , luy paroiſt un ſecours en- voyéduCiel. Elle leur fait faire excuſe de ce qu'eſtant déja coit- chée,elle est contrainte d'attendre juſqu'au lendemain à les voir. Cependant les ordres ſe donnent , & on n'oublie rien
pourles recevoir obligeamment.
La nuit ſe paffe. Ils demandent à quelle heure ils pourront re- mercier la Dame de ſes bontez..
On leur répond qu'elle s'habil- le; &pendant ce temps,le Con feiller & l'Abbé defcendent à
l'Ecurie pour ſçavoir ſi on a en ſoinde leurs Chevaux. Le Chevalier qui ne fonge qu'à fon amour , obferve la ſituationdes
lieux qui font habitez , & ayant pris garde qu'ils donnent fur le Jardin , il y entre dans l'eſperan- ce que faMaiſtreſſe paroiſtra à
18 LE MERCVRE
4
quelque feneftre. Iln'y apas fait trente pas qu'il lavoit fortird'u- ne Allée couverte. Elley eftoit venuë comme elle avoit accouſtumé de le faire tous les matins,&dans ce momentelle effuyoit quelques larmes qu'elle avoit encor données au ſouvenirde ſa mort. Il s'avance. Elle
l'apperçoit ; &comme elle en avoit l'imagination toute rem- plie , elle le prend pour fon Phantoſme, fait des cris épou- vantables , & s'enfuit vers une
Salle qu'elle avoit laiſſée ouver- te. Il court apres elle pour taf- cher de l'arreſter , mais fa diligence eſt vaine. Elle redouble fes cris , & a plûtoſt fermé la Porte qu'il ne l'a pû joindre.
Cette action est remarquée d'un Domeſtique qui entroit dans le
Jardin. Il enva donneravis àla
GALANT. 19
Dame. Elle deſcend dans la
Salle , trouve ſa belle Parente
- évanoüie; & comme elle estoit
Heritiere , & qu'on avoit déja fait courir le bruit de quelque projet pour l'enlever , elle ne doute point qu'on n'ait voulu enveniràl'execution ,&que ce qu'on luy eſt venu dire le jour precedent du Conſeiller égaré,
n'ait efté un artifice pour don- ner une entrée aux Raviſſeurs.
Tout la confirme dans cette
croyance. On a ven courir un
Homme apres la Demoiselle quine s'en eſt ſauvée qu'en s'en- fermant , & on la trouve évanoüie de frayeurs. Ses deux A- mis qui s'arreſtent à voir leurs
Chevaux , femblent avoir eu deſſein de ſe tenir preſts à fuir quand il ſeroit venu à bout de
fon entrepriſe , & il n'y a rien
-
20 LE MERCVRE
I
autre choſe àpenſer de ce qui s'eſt fait. Tandis qu'on prend foin de la belle Evanoüie , la
Dame envoye chercher du Se- cours , fait armer ſes Gens , &
enmoins de rien vingt. Hom- mes , avec des Moufquetons &
des Halebardes vont àl'Ecurie,
oùle Chevalier eſtoit venu ren
de compte à ſes deuxAmísde la rencontre qu'ilavoit faite. Ils font ſurpris de ſe voir coucher enjouë,&d'entendre dire qu'il n'y a pointde quartier pour eux s'ils neſe laiſſent conduire dans
-un Cabinet grillé oùla Dame a
-donnéordre qu'on les enferme.
Ils ont beau demander la cauſe
de l'infulte qu'on leur fait , & fe
plaindre du peu dereſpect qu'on apourunConſeiller.Ce nomde
Conſeiller qui avoit fait de ſi
grands effets quand ils arrive-
GALANT. 21
rent,n'eſt plus d'aucune confi- deration ,&ils font à peine dans leCabineroù cette Troupe mu- tine les garde , que la Dame leur vient dire qu'apres les avoir fait recevoir chez elle de la maniere la plus obligeante , elle n'auroit jamais creu qu'ils euf- ſent voulu luy faire l'outrage dont elle prétend reparation. Le Conſeiller prend la parole , &
s'eſtant plaint ſans trop d'ai- greur de la violence qu'on luy a
faite , il adjoûte qu'il ne voit pas de quel mauvais deſſein on a pû le tenir ſuſpect , quand il vient avecunAbbé dont le caractere le doit faire croire incapable d'y preſter la main. La Dame répond que la partie ef- toit bien- faite , &qu'on ne vou- loit pas aller loin ſans mettre les choſes en estat deſe pacifier par
22 LE MERCVRE
le Mariage. Cette réponſe &
quelques autres paroles luy font comprendre qu'on les ſoupçon- nede n'eſtre venusau Chaſteau
quepour enlever ſa Parente. Le Chevalier qui ne devine point pourquoy on leurimpute cedef- fein ſur la frayeur qu'il ſçait que ſa veuë a cauſée àſaMaiſtreſſe,
dit qu'il eſt vray qu'une Demoi- ſelle a pris la fuite toute effrayée de l'avoir trouvé dans le Jardin,
mais qu'on la luy faſſe voir , &
qu'il eſt fort aſſuré qu'elle ne le reconnoiſtra point pour un Ra- viſſeur. Il conjure la Dame avee tant d'inſtance de luy accorder cette grace , qu'elle les quitte pour aller ſçavoir ſi ſa Parente eſt enestatde venir.Elle la trouve revenuë de fon Evanoüiffement , mais ſi interdite de ce
qu'elle a veu , quele troublede
GALANT. 23
ſon ameparoiſt encorpeintdans ſes regards. Cette belle Perſon- ne la prévient , &d'abord qu'el- le lavoit entrer elle luy dit qu'el- le ne ſçait comme elle eſt de- meurée vivante apres quel'Om- bre du Chevalier qu'elle a tant aimé luy eſt apparuë. LaDame perfuadéeque la frayeur qu'elle a euë de la pourſuite d'un Ra- viſſeur afait égarer ſa raiſon , la prie dela fuivre , &l'affurequ'- elle luy fera faire entiere ſatis- faction de l'injure qu'elle a re- çeuë. Elle entre dans leCabinet ſans ſçavoir pourquoyſa prefen- ce yeft neceſſaire , & elle n'a pas plûtoſt jetté les yeux fur leChe- valier qu'elle pouffe de nouveaux cris , & retombe preſque dans le meſme eſtat d'où elle
vientd'eſtre retirée. LeChevaliers'approche, & ſe plaint d'u-
,
24 LE MERCVRE
ne maniere fi tendredu malheur
qu'il a de ne pouvoir paroiſtre devat elle fans l'éfrayer,qu'enfin quoy qu'avec beaucoupde pei- ne , elle trouve affez de voix
pourluydemanders'il peuteſtre vray qu'il ne ſoit pas mort. Il répond qu'il ne ſçait ſi elle a
donné un ordre abſolu de le tuer à ceux qui l'ont amené dans le Cabinet avecdes Halebardes &
des Mousquetons , mais que fi elle veut bien conſentir qu'il vi- ve , il vivra tout à elle comme il
a fait juſque là , &toûjours dans les ſentimens paſſionnez qu'elle ne condamnoit pas avant qu'il la quittât pour l'Armée. Il n'en fallut pas davantage pour faire connoiſtre àla Dame ce qu'elle n'avoit pû démeſler d'abord. Ju- gez de ſa ſurpriſe. Elle entend nommerle Chevalier, & voyantla
GALANT. 25 joye éclater ſur le viſage de ſa Parente , elle tombe dans une
confufion dont elle ne fort que par les choſes agreables que le Conſeiller commence à luydire fur cettemépriſe. Elle luy en fait mille excuſes , &ſe ſertpource- la de termes ſi obligeans , que commeelle eſtoit tres-bien faite
de ſa perſonne, le Conſeiller s'en laiſſe toucher. Elle le prie de re- mettre ſon Voyage de Dieppe,
& de demeurer quelques jours chez elle pour luy donner lieu dereparer ce que fon inconfide- rée précipitation luy avoit fait faire d'injuſte. Outre que c'ef- toit ce que le Conſeiller avoit pretendu , il trouvoit tant d'ef- prit & d'agrément dans l'aima- ble Veuve , qu'il ne fut pas fa- ché de faire pour elle ce qu'un commencement d'amour luy
Tome IX. B
26 LE MERCVRE
faiſoit déja ſecrettement ſouhai- ter. Il paſſa donctrois ou quatre jours dans le Chaſteau , & l'en- tretiende cette aimable Perſonne eurde fi doux charmes pour luy, qu'iln'yparoiffoit pasmoins attaché que le Chevalier l'eſtoit àrenouveller àſa Maiſtreſſe les
proteſtations du plus tendre amour. L'Abbé s'aperçeut de l'engagement que le Confeiller prenoit pour la Dame ; & com- me il ne pouvoitſemettredela converfation d'aucun coſté fans
troubler un teſte-a-teſte , il leur dit enfin en riant qu'il s'ennu- yoit d'eſtre ſans employ , tandis qu'il les voyoit tousquatre ff agreablement occupez. Je ne ſçay ſi cet avis donna lieu au Conſeillerde s'expliquer ſerien- ſement , mais l'intelligence con- tinua ,les affaires ſe conclurent,
GALAINT.
27 & l'Abbé fut appellé quelque temps apres pour la Ceremonie des deux Mariages. Le grand oüy qu'il a fait prononcer à ces quatresAmans, les amisdans un eftat fi heureux , quepourl'en récompenfer il luy ſouhaitent tous les jours une Mitre
Fermer
Résumé : Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Le texte relate l'histoire d'une jeune héritière de Rouen qui sombre dans le désespoir après avoir appris la mort de son amant, un jeune chevalier. Pour la distraire, on l'envoie chez une parente veuve, réputée pour son esprit agréable et sa beauté, qui attire de nombreuses personnes honorables. Malgré les efforts pour la divertir, la jeune femme continue de pleurer la perte de son amant. Cependant, le chevalier n'est pas mort et, après avoir guéri de ses blessures, il revient en Normandie. Apprenant la douleur de sa maîtresse, il décide de lui annoncer son retour en personne. Accompagné d'un conseiller et d'un abbé, il se rend au château de la parente, se faisant passer pour un conseiller égaré. La dame, pensant qu'il s'agit d'un ravisseur, les enferme après que la jeune femme, en voyant le chevalier, s'évanouit de frayeur. Le chevalier explique la situation, et la dame, comprenant la méprise, s'excuse. La jeune femme, revenue à elle, reconnaît son amant et se réjouit. Le conseiller, charmé par la veuve, décide de rester et finit par se marier avec elle. L'abbé, témoin de la situation, suggère une solution qui aboutit à deux mariages. Par ailleurs, le texte mentionne une cérémonie organisée par une personne pour quatre amoureux, qui prononcent des vœux. Ces amoureux se trouvent dans un état de bonheur extrême. En guise de récompense pour cet acte, ils expriment chaque jour le souhait que cette personne obtienne une mitre, un couvre-chef ecclésiastique symbolisant une haute dignité religieuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 347-349
ENIGME.
Début :
Des deux Enigmes nouvelles que je vous envoye, la premiere / En certain temps de l'an, je parois si charmante [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Des deux Enigmes nouvelles
que je vous envoye, la première
test de Mrde la ChJi{e dieu, & la
Seconde de MrRault de Roüen.
ENIGME. EN certain temps de l'an,jeparoissicharmante
uneamitiéferte & constante,
Fortepour lors chacun a mesuivreen
ton* lieux;
Mais dans un autre temps ma fortune
efi petite.
On me laif/è
, on me fuit, tout le
monde me quitte,
Onpeutjugerpar la, si monfort efi heureuxi Et cependant rien ne mirrite,
Ce propos semble merveilleux,
je mqe turouvoe pyar tout,ou fay de-
Chacun, porte avec fil
,
la cause de
mon eflre;
£htand je fuis
, on me
*
voit, dansla
Ville & les Bois,
> Veux qui portent mon nom, jijfi.
rent en nature;
L'unfert-arecréer> 6, grand plaijîr
procure,
Vautrefert À manger, en différent
endroits.
que je vous envoye, la première
test de Mrde la ChJi{e dieu, & la
Seconde de MrRault de Roüen.
ENIGME. EN certain temps de l'an,jeparoissicharmante
uneamitiéferte & constante,
Fortepour lors chacun a mesuivreen
ton* lieux;
Mais dans un autre temps ma fortune
efi petite.
On me laif/è
, on me fuit, tout le
monde me quitte,
Onpeutjugerpar la, si monfort efi heureuxi Et cependant rien ne mirrite,
Ce propos semble merveilleux,
je mqe turouvoe pyar tout,ou fay de-
Chacun, porte avec fil
,
la cause de
mon eflre;
£htand je fuis
, on me
*
voit, dansla
Ville & les Bois,
> Veux qui portent mon nom, jijfi.
rent en nature;
L'unfert-arecréer> 6, grand plaijîr
procure,
Vautrefert À manger, en différent
endroits.
Fermer
3
p. 372-373
AUTRE ENIGME.
Début :
Je ne dois point le jour à qui m'a donné l'estre, [...]
Mots clefs :
Ombre
6
p. 334
ENIGME par Mr de Souv....
Début :
Je suis au ciel, en l'air, sur la terre & sur l'onde. [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME par Mr de Souv....
ENIGME.
; ParMRde Souv.
Jesuis
au ciel, en l'air,
sur la îerfe&sur
ïonde„
Je nefuispourtantrienv,
jefuistout --
le monde.
; ParMRde Souv.
Jesuis
au ciel, en l'air,
sur la îerfe&sur
ïonde„
Je nefuispourtantrienv,
jefuistout --
le monde.
Fermer
7
p. 108-110
EPITRE A Monsieur l'Abbé de C**
Début :
Tant que dure la présence [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A Monsieur l'Abbé de C**
EPITRE
A Monſieur l'Abbé de
C **
Tant que dure la préfence
D'un Altre propice & doux,
J'ai fenty de ton abfence
Plus d'ennuy que de courroux
,'
Je difois je te pardonne
De préferer les beautez
De Céres & de Pomone
Au tumulte des Citez ,
Ainfi l'Amant de Glycér
Epris d'un repos obfcur
FUGITIMES . os
Cherchoit l'ombre folitaire
Des rivages de Tibur ;
Mais aujourd'hui dans mes
Plaines
Le chien bruflant de Prócris
,
De Flore aux douces haleines
Deffeiche les dons chéris.
Veux tu d'un Aftre perfide
Piquer les âpres chaleurs ,
Et dans ton jardin aride ,
Seicher ainfi que tes fleurs.
Non , non , fuis plûtoft l'exemple
De tes amis Cafaniers
110 PIECES
Et réviens chercher au temple
L'ombre de tes maronniers.
Là nous trouverons fans
peine
Avec toi le verre en main ,
Cet homme que Diogéne
Chercha filong temps en
vain ,
Et dans fa douce allégreffe ,
Dont tu fçais nous abreuver
,
Nous puiferons la fageffe
Qu'il cherchoit fans la trouver
,
A Monſieur l'Abbé de
C **
Tant que dure la préfence
D'un Altre propice & doux,
J'ai fenty de ton abfence
Plus d'ennuy que de courroux
,'
Je difois je te pardonne
De préferer les beautez
De Céres & de Pomone
Au tumulte des Citez ,
Ainfi l'Amant de Glycér
Epris d'un repos obfcur
FUGITIMES . os
Cherchoit l'ombre folitaire
Des rivages de Tibur ;
Mais aujourd'hui dans mes
Plaines
Le chien bruflant de Prócris
,
De Flore aux douces haleines
Deffeiche les dons chéris.
Veux tu d'un Aftre perfide
Piquer les âpres chaleurs ,
Et dans ton jardin aride ,
Seicher ainfi que tes fleurs.
Non , non , fuis plûtoft l'exemple
De tes amis Cafaniers
110 PIECES
Et réviens chercher au temple
L'ombre de tes maronniers.
Là nous trouverons fans
peine
Avec toi le verre en main ,
Cet homme que Diogéne
Chercha filong temps en
vain ,
Et dans fa douce allégreffe ,
Dont tu fçais nous abreuver
,
Nous puiferons la fageffe
Qu'il cherchoit fans la trouver
,
Fermer
Résumé : EPITRE A Monsieur l'Abbé de C**
L'auteur écrit à l'abbé de C** pour exprimer son ennui de son absence, qu'il attribue à une préférence pour la tranquillité des champs. Il évoque un changement de saison avec une chaleur intense et invite l'abbé à revenir pour partager une sagesse rare, sous les marronniers, comparée à celle de Diogène.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 54-56
Parodie de la premiere Enigme du mois de Septembre, dont le mot est l'ombre.
Début :
L'ombre est de la lumiere une assez laide fille, [...]
Mots clefs :
Ombre, Lumière, Cadran, Amoureux, Aiguille
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Parodie de la premiere Enigme du mois de Septembre, dont le mot est l'ombre.
Parodie de la premiere
Enigme du mois de
Septembre, dont le
mot est l'ombre.
L'ombreefi de la lumiere
une assèZ,laidejille
3 Sans ourler:J coudre ni
broder>
Elle fiait d'un quadran
rendre utile l'éguille
A ceux qui fixement
veulent la regarder.
Gens reglet prennent
foin d'obfermer ma
conduite:
Rende-ousamoureux
rutent pourtant a
lafuite.
D'aucuns regards que
ton jette sur
moy
Souvent tafPea d'une
ombre a causé de
l'efroj.
L'ombre dfftne mais
elle ne ne sçauroit
peindre:
MaisJansteinture eSi
-
ffait
teindre.V
Enigme du mois de
Septembre, dont le
mot est l'ombre.
L'ombreefi de la lumiere
une assèZ,laidejille
3 Sans ourler:J coudre ni
broder>
Elle fiait d'un quadran
rendre utile l'éguille
A ceux qui fixement
veulent la regarder.
Gens reglet prennent
foin d'obfermer ma
conduite:
Rende-ousamoureux
rutent pourtant a
lafuite.
D'aucuns regards que
ton jette sur
moy
Souvent tafPea d'une
ombre a causé de
l'efroj.
L'ombre dfftne mais
elle ne ne sçauroit
peindre:
MaisJansteinture eSi
-
ffait
teindre.V
Fermer
Résumé : Parodie de la premiere Enigme du mois de Septembre, dont le mot est l'ombre.
Le texte décrit une énigme intitulée 'Parodie de la première Enigme du mois de Septembre, dont le mot est l'ombre.' L'ombre est présentée comme l'ombre de la lumière, une 'assèZ laide jille' qui ne nécessite pas de modifications. Elle peut rendre utile une aiguille pour ceux qui la fixent. Les gens ordinaires ne l'observent pas, mais ceux qui le font tombent amoureux et cherchent à fuir. L'ombre effraie et ne peut être peinte, mais elle peut teindre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 169-214
De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Début :
On gronde contre la Satire, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Auteur, Critique, Muses, Ombre, Auteurs, Censeurs, Virgile, Malherbe, Quinault, Prévôt, Bigarrure, Prévôt du Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Fermer
Résumé : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Le texte 'De la Nécessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse', publié en juin 1714 dans le Mercure, traite de l'importance de la critique littéraire. Il souligne la nécessité de la satire et de la critique dans un contexte où l'écriture poétique est accessible à tous, souvent sans respect des règles de l'art. Le texte déplore la publication et la vente d'œuvres de qualité médiocre et appelle à une réforme par l'intervention d'un critique sévère. Il rappelle l'évolution de la poésie française, marquée par des périodes de décadence et de renouveau. Des figures littéraires comme Malherbe et Boileau sont mentionnées pour leur rôle dans la réforme de la poésie. Le texte évoque également des auteurs tels que Ronsard, Chapelain, Pradon, et Quinaut, illustrant les conflits et les jugements critiques qui ont façonné la littérature. Le texte se conclut par un appel à trouver un nouveau 'Prevost' capable de purger la littérature des mauvais auteurs et de rétablir des standards de qualité. Il exprime le souhait de voir un critique sévère et juste, capable de blâmer ce qui doit l'être, mais aussi de reconnaître les véritables talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 169
AUTRE.
Début :
Je suis celui que je ne puis pas être ; [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
E fuis celui que je ne puis pas
Et celui qui me fait paroître ,
Faroiffant en moi , me détruit.
être
Il ne fait point mon corps ; mais c'est
lui qui le forme.
Par fois qui me cherche , me fuit ;
Vousme devinerez : Attendez-moi fous
l'orme.
E fuis celui que je ne puis pas
Et celui qui me fait paroître ,
Faroiffant en moi , me détruit.
être
Il ne fait point mon corps ; mais c'est
lui qui le forme.
Par fois qui me cherche , me fuit ;
Vousme devinerez : Attendez-moi fous
l'orme.
Fermer
12
p. 159
AUTRE.
Début :
Je suis de l'âge de mon pere : [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
E fuis de l'âge de mon pere :
Il peut êtrefans moi; mais moi , jamais fans
lui.
On nous confond fouvent ; mais , malheur
à celui
Qui commet en aveugle une erreur fi groffiere.
Je fuis en certain tems plus utile que l'or,
Changeant à tous momens de taille & d'at,
titude ;
Et par cette viciffitude,
Je fis voir autrefois un trés- riche tréfor.
E fuis de l'âge de mon pere :
Il peut êtrefans moi; mais moi , jamais fans
lui.
On nous confond fouvent ; mais , malheur
à celui
Qui commet en aveugle une erreur fi groffiere.
Je fuis en certain tems plus utile que l'or,
Changeant à tous momens de taille & d'at,
titude ;
Et par cette viciffitude,
Je fis voir autrefois un trés- riche tréfor.
Fermer
14
p. 2419-2420
ENIGME.
Début :
Je m'étens en longueur, de même qu'en largeur ; [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E m'étens en longueur , de même qu'en lar
geur ;
1
Mais fans avoir de profondeur ;
J'ai des jambes , des bras ; je cours & me repofe
Suivant la loi que l'on m'impoſe.
Je ne fuis pas pourtant un corps :
Et la nuit & le jour on peut me voir paroître
Je ne quitte jamais celui qui me fait naître ;
2420 MERCURE DE FRANCÉ
En vain pour me chaffer il feroit des efforts.
L'air , la pluye ou les vents ne fçauroient me détruire
,
Et l'éclair,quoique promt ,peut fort bien me produire.
J'ai donné la naiſſance à l'art le plus fameux ,
Dont je releve encor l'éclat ingénieux.
Mais , Lecteur , à ce trait tu vas me reconnoîtrej
Fais bien attention à ce que je te dis :
Toutes les fois que tu me vois paroître ,
Ce n'eft qu'en te cachant ma mere que je ſuis;
E m'étens en longueur , de même qu'en lar
geur ;
1
Mais fans avoir de profondeur ;
J'ai des jambes , des bras ; je cours & me repofe
Suivant la loi que l'on m'impoſe.
Je ne fuis pas pourtant un corps :
Et la nuit & le jour on peut me voir paroître
Je ne quitte jamais celui qui me fait naître ;
2420 MERCURE DE FRANCÉ
En vain pour me chaffer il feroit des efforts.
L'air , la pluye ou les vents ne fçauroient me détruire
,
Et l'éclair,quoique promt ,peut fort bien me produire.
J'ai donné la naiſſance à l'art le plus fameux ,
Dont je releve encor l'éclat ingénieux.
Mais , Lecteur , à ce trait tu vas me reconnoîtrej
Fais bien attention à ce que je te dis :
Toutes les fois que tu me vois paroître ,
Ce n'eft qu'en te cachant ma mere que je ſuis;
Fermer
15
p. 2420-2421
LOGOGRIPHE.
Début :
Je ne suis composé que de cinq pieds divers ; [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGO GRIPHE.
E ne fuis compofé que de cinq pieds divers ;
Rarement on m'employe à terminer des Vers.
Sans me rien retrancher , faites mon Anagrame
Dans un Livre facré vous trouverez mon nom ;
Vous verrez que d'un Roi j'aurois été la femine,
Si mon Pere jaloux d'une belle action .
N'eut pas retracté fa parole ,
Et d'un heureux Vainqueur rendu l'eſpoir frivole.
Coupez mon col , mettez à la fin mon milieu ,
Là , Moïfe jadis converfoit avec Dieu.
Alors en renverfant mes deux lettres dernieres ,
C'eft le nom d'une Ville & de quatre Rivieres ,
Qu'on trouve en des Climats divers.
Sans
NOVEMBRE. 1730. 2421
Sans mon milieu , pour chef ma penultiéme ,
J'ai fous mes loix rangé tout l'Univers.
Retranchant toujours la troifiéme ,
Pour chef mon col , laiffant les dernieres de même,
Je ne fuis pas fort agréable à voir ;
Pour Laquais cependant on ſe plaît à m'avoir.
Encore fans milieu , pour col l'avant -derniere ,
Souvent de plus d'une Bergere
Je fers le tendre amour , j'écoute les ferments ,
Et me trouve chargé du nom de fes Amans .
Rien que ma pénultiéme unie avec ma tête
O ! combien de Mortels chériffent ma conquête
Et pour me poffeder fe donnent des tourmens.
Mon col , ma pénultiéme étant après ma queuë ,
L'on fait fur moi tous les jours mainte lieuë ,
Quoique je fois fertile en triftes accidens,
Enfin en me donnant une tête nouvelle ,
Qu'on n'exprime pas en parlant ,
Je deviens un amuſement
Qu'a fait prefqu'oublier un autre moins fçavant
Dont s'occupe plus d'une Belle ,
Ou peut -être , Lecteur , tu perds bien de l'argent,
E ne fuis compofé que de cinq pieds divers ;
Rarement on m'employe à terminer des Vers.
Sans me rien retrancher , faites mon Anagrame
Dans un Livre facré vous trouverez mon nom ;
Vous verrez que d'un Roi j'aurois été la femine,
Si mon Pere jaloux d'une belle action .
N'eut pas retracté fa parole ,
Et d'un heureux Vainqueur rendu l'eſpoir frivole.
Coupez mon col , mettez à la fin mon milieu ,
Là , Moïfe jadis converfoit avec Dieu.
Alors en renverfant mes deux lettres dernieres ,
C'eft le nom d'une Ville & de quatre Rivieres ,
Qu'on trouve en des Climats divers.
Sans
NOVEMBRE. 1730. 2421
Sans mon milieu , pour chef ma penultiéme ,
J'ai fous mes loix rangé tout l'Univers.
Retranchant toujours la troifiéme ,
Pour chef mon col , laiffant les dernieres de même,
Je ne fuis pas fort agréable à voir ;
Pour Laquais cependant on ſe plaît à m'avoir.
Encore fans milieu , pour col l'avant -derniere ,
Souvent de plus d'une Bergere
Je fers le tendre amour , j'écoute les ferments ,
Et me trouve chargé du nom de fes Amans .
Rien que ma pénultiéme unie avec ma tête
O ! combien de Mortels chériffent ma conquête
Et pour me poffeder fe donnent des tourmens.
Mon col , ma pénultiéme étant après ma queuë ,
L'on fait fur moi tous les jours mainte lieuë ,
Quoique je fois fertile en triftes accidens,
Enfin en me donnant une tête nouvelle ,
Qu'on n'exprime pas en parlant ,
Je deviens un amuſement
Qu'a fait prefqu'oublier un autre moins fçavant
Dont s'occupe plus d'une Belle ,
Ou peut -être , Lecteur , tu perds bien de l'argent,
Fermer
16
p. 2650
EXPLICATION de l'Enigme & du Logogryphe du mois de Novembre.
Début :
Sous des détours énigmatiques, [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION de l'Enigme & du Logogryphe du mois de Novembre.
EXPLICATION de l'Enigme & du
Logogryphe du mois de Novembre.
Ous des détours énigmatiques ,
Mercure , en vain tu crois cacher la verité
Mon efprit n'eft point démonté
Par aucun de tes fens obliques.
Sans te parler avec orgueil ,
Enigme , Logogryphe , il voit tout d'un coup
d'oeil ,
Et leur voile feroit trois fois encor plus fombre ,
Qu'à fon flambeau foudain difparoîtroit leur
ombre.
Logogryphe du mois de Novembre.
Ous des détours énigmatiques ,
Mercure , en vain tu crois cacher la verité
Mon efprit n'eft point démonté
Par aucun de tes fens obliques.
Sans te parler avec orgueil ,
Enigme , Logogryphe , il voit tout d'un coup
d'oeil ,
Et leur voile feroit trois fois encor plus fombre ,
Qu'à fon flambeau foudain difparoîtroit leur
ombre.
Fermer
17
p. 1213-1217
DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Début :
Dieux ! quel est le projet que la douleur m'inspire ! [...]
Mots clefs :
Enfers, Jupiter, Ombre, Dieux, Destinées, Tombeau, Tristesse, Haine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
DESCENTE AUX ENFERS,
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
Fermer
Résumé : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Le texte 'Descente aux enfers' narre le périple d'un personnage déterminé à retrouver son amour perdu, Camille. Motivé par une profonde douleur, il s'engage dans une expédition vers le 'ténébreux empire' pour sauver Camille. À l'instar d'Orphée et d'Hercule, il utilise sa souffrance pour apitoyer Caron et Cerbère, ainsi que pour émouvoir le souverain des enfers. Il traverse le fleuve Styx et observe les tourments infligés aux coupables, surveillés par les Furies. Il rencontre ensuite Atropos, qui lui révèle le destin scellé de Camille. Désespéré, il supplie Pluton de lui rendre Camille ou, à défaut, de lui permettre de la voir. Ému par ses larmes, Pluton ordonne à Minos de conduire le personnage vers Camille. Après l'avoir retrouvée, Camille le fuit. Désespéré, il décide de rester aux enfers avec elle. Cependant, Minos le ramène à la surface. Avant de partir, il espère que la douleur mettra fin à ses jours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 1429-1450
APPARITION DE L'OMBRE DE M. THIERS, A un Chanoine Régulier de la Réforme de Saint-Quentin de Beauvais.
Début :
L'Ecrit qui suit est un aveu qu'on fait faire à M. Tiers, autrefois Curé de Champrond, / Ne soyez point effrayé, mon cher Chanoine, de me revoir au bout de [...]
Mots clefs :
Écrit, Apparition, Ombre, Chanoine régulier, Réforme , Lumière, Révérend, Église d'Amiens, Bréviaires d'Amiens, Manuscrit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : APPARITION DE L'OMBRE DE M. THIERS, A un Chanoine Régulier de la Réforme de Saint-Quentin de Beauvais.
L'Ecrit qui suit est un aveu qu'on fait
faire à M. Thiers , autrefois Curé de Cham
prond , Diocèse de Chartres et fort connu
dans la Republique des Lettres , de quel
quesfautes qu'il a reconnues dans ses propres
Ouvrages. L'Auteur a crû pour la satisfac
>
tion des Lecteurs devoir réduire cet Ecrit en
forme d'Apparition , par allusion à l'Ecrit qui
parut en 1712. fous le Titre d'Ombre de M.
Thiers , pour refuter une Dissertation de M.
de l'Estocq , Chanoine d'Amiens , touchant
le Corps de S. Firmin le Confeffeur.
APPARITION
DE L'OMBRE DE M. THIERS ;
A un Chanoine Régulier de la Réforme
de Saint-Quentin de Beauvais.
N
E soyez point effrayé , mon cher
Chanoine , de me revoir au bout de
tant d'années d'absence : Vous m'avez ai
mé et estimé , lorsqué vous étiez encore
jeune '; accordez-moi la même faveur
maintenant que vous commencez à grison
ner , et que vous approchez du temps au
9
II. Vol.
A vi quel
430 MERCURE DE FRANCE
quel nous esperons vous voir rejoint
à nous. Je viens m'entretenir avec vous
durant l'espace d'une petite demie
heure , qui m'a été accordé par celui dans
la lumiere duquel nous voyons toute lu
miere.
Il n'est jamais deshonorable de se retrac
ter , lorsqu'il est évident que l'on s'est
Trompe. Voyant à present beaucoup plus
clair dans le Païs où je suis , que je ne
voyois autrefois dans les bas lieux que vous
habitez , je découvre bien des choses que
j'ignorois dans les tems que le Reverend
Pere Abbé de Saint- Acheul d'Amiens
m'obligea de parler pour refuter un Cha
noine Séculier qui prenoit la défense
de la Tradition de la Mere Eglise d'A
miens.
2i
>
Pour détruire la Fête de la Tranflation
du Corps de Saint Firmin le Confesseur
que cette Eglise célebre , j'essayois de prou
ver que le culte de l'Evêque S. Salve , Au
teur de cette Translation est nouveau
dans ce Diocèse , parce qu'il n'est pas dans
des Bréviaires d'Amiens , qu'on croit pos
terieurs au XII. Siécle , et j'avançois har
diment que la vie de ce S. Salve , sur la
quelle l'Eglise d'Amiens s'appuye , n'a
été composée au plutôt qu'au XIII . Siécle ;
qu'ainsi ce n'est que depuis ce temps- là
II. Vol. qu'on
JUIN. 1731 1431
qu'on a crû à Amiens que S. Salve avoit
transferé de l'Eglise fituée hors la Ville ,
le Corps de S. Firm in le Confesseur , &
par confequent que cette Translation étoit
supposée et inventée à plaisir. Je dis encore
avec confiance , que l'on ne peut produire
des Translations de simples Confesseurs
faites dès le feptiéme Siècle , et qu'alors
Pusage étoit de n'en faire que des Corps
des Martirs.Je me figurois que si la Châs
se qu'on appelle de saint Firmin le Confes
seur , dans la Cathedrale de Notre Dame
d'Amiens , contenoit quelques ossemens
ce ne pouvoitêtre que d'un S. Firmin , Ab
bé , que le Martyrologe de Baronius attri
bue à la Ville d'Amiens .
9.
Mais , hélas ! combien d'erreurs ne recon
nois - je pas à present avoir coulé de ma
plume Dieu ayant permis que je me sois
trouvé depuis peu dans la Compagnie de
quelques habiles Religieux , qui ont visité
plus exactement que moi les Biblioteques
de France , l'un d'entr'eux vient de m'ap
prendre que je me suis trompé très - gros
siérement sur l'époque que j'ai donnée à la
vie de S. Salve. Il se souvient qu'étant
dans l'Archimonaftere de Fleury ou de
S. Benoît sur Loire , il y vit un Manuscrit
du dixième Siècle ou du onzième au plû
tard , coté No. 200. où il lût cette Vie
>
II. Vola en
$ 432 MERCURE DE FRANCE
entierement dans les mêmes termes , que les
Chanoines d'Amiens ont produits. Ce Ma
nuscrit , aprés avoir dit que S. Salve bâtit
dans la Ville d'Amiens une Eglise du ti
tre de S. Pierre et S. Paul , avec une Cry
pte à l'Orient de cette Eglise , et une à
l'Occident ; ajoûte qu'il découvrit le Corps
de S. Firmin Martyr , & qu'il le plaça
dans la Crypte Occidentale ; et celui de S.
Firmin le Confesseur dans la Crypte
Orientale de la même Eglise : Sed et Sanc
tos Dei Firminum Episcopum , et Confesso
rem , Aceum quoque et Aceolum Martyres
Christi in Crypta Orientali verenter condidit
& decenter exornavit : ce qui est different
de ce que rapporte le Pere le Cointe , qui
fait placer tous ces Saints dans une seule
et même Crypte. Et comme je suis con
vaincu que ce Religieux se connoît par
faitement à l'âge des Manuscrits , je passe
d'abord condamnation sur ce Chef.
Dom Luc Dachery qui s'interresse aux
Saints Amiénois , m'a fait remarquer que
j'ai tort à la page 59. de croire qu'il ne se
soit fait aucune Translation des SS. Con
fesseurs dans le septième Siècle . Il m'a
renvoyé à la vie de Saint Marcoul ; qui est
dans le premier Volume de ses Siécles Be
nédictins , pag. 133. où il m'a assuré que
je trouverois que S. Oüen , Archevêque.
II. Vol.
de
JUIN. 1731. 1435
de Rouen , visitant sa Province de Neus
trie , fit dans le Diocèse de Coutances , la
Translation du Corps de ce Saint Con
fesseur. M. le Brasseur que j'ai trouvé dans
le quartier des Historiens , m'a confirmé
le fait , ajoûtant que s'il eut resté davan
tage sur la Terre , il eut fait imprimer
une Histoire générale de Normandie , où
cette Translation auroit été rapportée.
Ensuite il m'a cité un autre exemple , tiré
de son Histoire d'Evreux . C'eft la Trans
lation du Corps de S. Taurin , faite par
Viateur , Evêque d'Evreux , vers l'an 610
ou 612 .
Le Pere Labbe , Jesuite , Historien
sacré du Berry , ayant prêté l'oreille à cet
Entretien , m'est venu joindre fort gra
cieusement , pour me dire qu'il connoît
une Translation de cette nature qui est
encore plus ancienne : c'est celle du Corps
de S. Ursin , Apôtre et premier Evêque de
Bourges, sa Patrie, qui fut faite par l'Evê
que Probien au VI. Siécle , et de laquelle,
m'a-t'il dit , il est fait mention dans Saint
Gregoire de Tours . Je me suis trouvé
terrassé par ces exemples , et je n'ai sçu
que répondre.
Le Pere le Brun , de l'Oratoire , nou
vellement arrivé dans le Païs d'où je viens ,
ne m'a point refusé ses lumieres . Parfai
II. Vol. tement
434 MERCURE DE FRANCE
tement bon connoisseur en fait de Ma
nuscrits Liturgiques , il m'a appris à ne pas
conclure de ce qu'un Breviaire qui pa
roît être d'Amiens , ne contient pas le
nom de S. Salve , que ce Saint Evêque ne
fut pas honoré dans le Diocèse d'Amiens
dans le temps de l'Ecriture de ce Breviai
re ; il a soutenu que ma conclusion étoit
trop générale , parce que les Communau
tez des Chanoines Réguliers, quoique se
servant des Breviaires qui pourroient être
réputez Diocésains ,à cause du culte distin
gué qu'on y rendoit à certains Saints , ne
faisoient pas pour cela la profession d'ho
norer généralement tous les Saints du Dio
cèse. Comme donc ces Communautez
se restraignoient aux plus célébres , il ne
faut pas être surpris que le nom de Saint
Salve , ne fut pas dans quelques-uns des
Breviaires de ces Chanoines Reguliers vos
anciens Confreres .
Ce sçavant Oratorien m'a encore ap
pris que je me suis trompé assez lourde
ment , dans la raison que j'ai apportée
pour indiquer l'âge de ce Breviaire , où
je n'ai point vû S. Salve. C'est lorsque
pour preuve qu'il est posterieur au dou
ziéme Siècle , je me suis contenté de re
marquer que les Répons de l'Office des
Morts s'y trouvent , comme si , m'a- t'il
II. Vol dit
JUIN.
1731. 1431
dit , ces Répons n'étoient que de ce Siécle - là.
Illusion, sclon lui , que de croire Maurice
de Sully , Evêque de Paris , Auteur de ces
Répons. Ila tiré de sa poche un petit Sa
cerdotal Manuscrit du dixiéme Siècle , ou
du commencement du onzième , à qui
vos Modernes donnent mal à propos le
: i nom de Rituel , et il m'a fait voir dans
ce Sacerdotal qu'il dit avoir été à l'u
sage d'une Eglise du Milanez , ou des
environs , tous ces Répons notez comme
on notoit avant Gui-Aretin . Il m'a ren
voyé au pieux et sçavant Cardinal Tho
masi , et parmi les Anciens à Jean d'A
vranches , qui préceda Maurice de Sully
d'environ cent ans. Enfin il ne m'a point
permis de le quitter, que je n'eusse vû un
beau Missel d'Amiens de la fin du dou
ziéme Siécle , où il m'a fait lire cette Ru
brique entre la Fête de Sainte Geneviève
et celle de Saint Remi du 13. Janvier :
In Inventione S. Firmini Confessoris : Oratio.
» Adesto,Domine, precibus nostris et in
» tercedente beato Firmino , Confessore
» tuo atque Pontifice dexteram super nos
»tuæ propitiationis extende » La Secrete
et la Postcommunion ne qualifient non
plus ce Saint Firmin , que de Confes
seur Pontife. Ne me croyant pas en
core assez battu par cette Rubrique , il a
AS
1
•
1
·
II. Vol ouvert
1436 MERCURE DE FRANCE
ouvert ce Missel à l'endroit d'après la
Saint Simon , et j'y ai lû ces mots : Eodem
die Salvii , Episcopi et Confessoris . Oratio ,
>> Deus , qui hodiernam diem sacratissi
>> mam nobis beati Salvii , Confessoris tui,
» atque Pontificis solemnitate tribuisti .
» & c. » Eft ce donc là du commun ? m'a
t'il dit : diem sacritissimam , jour très - re
commandable ? La Mémoire de S. Salve
n'étoit donc pas si fort ensevelie dans
P'oubli , que vous l'avez prétendu par
votre Livre de 1712. et il m'a quitté à
ces paroles.
›
M. L'Abbé Châtelain dont j'ai été autre
fois ami , m'ayant trouvé , m'a déclaré
fort naturellement , qu'il ne falloit pas
que je crusse avoir épuisé tous les Saints
Salves dans la page 39. de mon dernier
écrit qui parût l'année de sa mort , qu'ou
tre les quatre que je nomme comme s'é
tant sanctifiez dans les Gaules, il en con
noît un cinquième qu'il auroit bien pû
me faire voir , si tous ces Salves étoient
distribués dans la même classe ; mais que
justement celui que je n'ai pas connu est
dans le quartier des Saints Solitaires , qui
est éloigné du sien : qu'au reste il y a dans
le Nivernois une petite Ville de son
nom , appellée Saint Saulge . Ce n'a point
été la seule remarque que ce Chanoine de
Paris , grand Agiologiste , m'a fait faire .
II. Vol
Il
JUIN. 1731 .
1437
M
Il en a ajoûté une autre encore plus im
portante sur S. Firmin , Abbé, que j'avois
conjecturé être celui qu'on appelle Saint
Firmin le Confesseur,à la Cathedrale d'A
miens, et dont on y conserve les Reliques
dans un Châsse derriere le grand Autel.
Il m'a prouvé que ma conjecture est trés
fausse ; que jamais il n'y eut à Amiens
de S. Firmin Abbé ; il m'a repris forte
ment de ce que je m'en suis rapporté en
ce point au Martyrologe de Baronius ,
disant les Réviseurs de cette com
, que
pilation sous Gregoire XIII. ont été
trompez par le Martyrologe de Galezi
nus : que ce Protonotaire ayant trouvé
au onzième Mars dans quelques anciens
Calendriers manuscrits un S ; Firmien ,
Abbé , sans désignation de lieu , il lui a
bonnement attribué le Diocèse d'Amiens,
à cause du nom de Firmin qu'il lisoit
dans trois manuscrits de Florence ; au
lieu que dans ceux de Rome et de Naples
il y a Firmiani : que le même Galezinus
a ignoré que ce Saint Firmien , Abbé , étoit
mort en la Marche d'Ancone , comme on
le voit dans Ferrarius , et qu'il n'est autre
que S.Firmien de Fermo , sous l'invocation
duquel il y avoit un Autel dont a parlé
le Cardinal Pierre Damien. (a) Ensorte
(a) Opusculo VI. ad Henric. Ravennat,
"
II, Vol que
B
1438 MERCURE DE FRANCE
que si je voulois m'en convaincre je
n'avois qu'à me transporter jusques dans
le Canton habité par les SS. Confesseurs
non Pontifes, et que j'y trouverois infailli
blement ce S. Firmien ou Firmain , Italien .
Voila , mon cher Chanoine , les Rémar
ques critiques que mon dernier ouvrage
m'a attirées de la part de tous ces venera
bles Personnages. Je suis venu aussitôt vous
témoigner que j'ai acquiescé à tout ce
qu'ils m'ont dit , afin que vous suiviez
mon exemple. Je n'attends que le mo
ment de rencontrer à mon retour Maître
Hadrien Baillet , pour lui faire part de
tout cecy , afin que de son côté il gagne
sur soy de retoucher quelque chose au
premier jour de Septembre , lorsqu'on
donnera une nouvelle Edition de sa
Vie des Saints.
Ce n'est pas encore tout ce que j'ai à
vous dire. Un nouveau venu dans nôtre
Region superieure m'a appris qu'on.
refondoit en France tous les Breviai
res. Vous sçavez que je me suis un
peu mêlé de cette Science , à telles en
seignes qu'en 1702. on imprima à Bruxel
les des Remarques que j'ai faites sur le
Prototype des Breviaires , je veux dire
celui de Cluny. Il me resteroit un scru
pule touchant l'une de mes Dissertations
II. Vola imprimée
JUIN. 1731. 1439
Imprimée dès l'an 1664. avant que vous
fussiez au monde , si je sçavois qu'elle
eut eu beaucoup de cours , et qu'elle eut
fait beaucoup d'impression sur les Esprits .
C'est celle que j'ai intitulée de retinenda
voce Paraclitus , saillie de jeunesse , effet
de l'envie de paroître Auteur de bonne
heure. Mais le nouveau venu m'a assuré
que dans tous les derniers Breviaires qui
ont quelque reputation , on lisoit à pre
sent Paraclêtus , et qu'on aime micux ne
jamais employer ce mot dans la Doxolo
gie des Hymnes , que de dire Paráclitus
comme je le voulois. J'avoue qu'en cela
on donne gain de cause à Sabellat , Cha
noine de Chartres , mon Condiocésain , à
qui l'Evêque fit un Procès sur sa pronon
ciation de Paraclêtus, ainsi que vous pou
vés le voir dans les Recherches de Pas
quier. Je m'en rejoüis , puisque ce sont
tous les plus habiles qui reviennent à la
prononciation primitive et conforme au
Grec , et je retire mon Ecrit , demeurant
d'accord qu'il ne peut y avoir que des
gens opiniâtres à l'excès , qui ayant sous
les yeux Paraclêtus bien marqué , conti
nueront à prononcer Paráclitus , par˚ es
prit de contradiction , et en dépit da
Livre imprimé , qu'ils tiendront entre
leurs mains.
II. Vol Bij Comme
1440 MERCURE DE FRANCE
"
>
Comme vous avez des Amis parmi
le Clergé des grandes Eglises de vos
Quartiers , vous me ferez plaisir d'a
vertir , lorsque l'occasion s'en présente
ra ceux à qui on peut parler avec
confiance , que jusqu'à present je n'ai
trouvé là- haut qui que ce soit qui
m'ait reproché d'avoir outré la matière
dans l'Ouvrage que je fis imprimer l'an
1690. Mais en même- tems aussi ajoûtez
leur que je n'y ai vû personne qui soit
orné de dépouilles étrangeres et emprun
tées. Les têtes que j'y ai vû à l'infini , et
tant que la vûë peut s'étendre , sont tel
les à peu près que vos imagiers les repre
sentent dans vos Bréviaires , au fron
tispice de l'Office de la Toussaints , ой
certainement je ne me souviens pas que
de mon temps on en vit aucune de l'es
pece dont je veux parler.
Le B. Yves de Chartres , votre ancien
Inſtituteur , que je rencontrai derniere
ment , en parlant au dévot Pere Gour
dan , s'entretint avec moi sur ses Disci
pies. Après avoir avoué qu'il y en a qui
appréhendent de couper leur sommeil
en deux , ou de chanter de grand matin
les louanges de Dieu , il parut se consoler
sur ce qu'il y en a aussi, qui sont très- vigi
gilans , et qui imitent ce qui est de l'an
>
II. Vol.
cienne
JUIN. 17731. 1441
cienne Discipline dans les Eglises Secu
lieres . Il sçait , en effet , qu'il y a de gran
des Eglises Séculieres , où l'on a conservé
une Discipline plus exacte que chez les
premiers , et que dans ces Eglises de Cha
noines Séculiers , quoique l'Office ne soit
pas d'une grande prolixité , on n'a garde
de quitter l'usage d'être levé de grand
matin pour louer Dieu '; usage si louable et
si exemplaire dans les Eglises de Lyon et
de Vienne des premieres de nos Gaules . Il
est informé qu'on y repousse vivement les
attaques que des Esprits legers' veulent
porter à la ferveur des derniers temps ,
toute médiocre qu'elle est ; lesquels
ne sçachant pas distinguer les change
mens qui ne sont point opposez aux
Canons d'avec ceux qui les combattent ,
proposent de quitter ce qui est mieux ,
pour faire même bien , et introduire un
relâchement peu édifiant : comme si une
connoissance moins générale de la Disci
pline Ecclesiastiqne , ne suffisoit pas pour
sçavoir qu'il y a des changemens qui se
font de bien en mal , de même qu'il y
en a qui peuvent se faire de mal en bien ;
et que l'attention aux Canons , ne dicte
pas que les derniers doivent être accep
tez , et les premiers rejettez .
J'avois autrefois rassemblé ici-bas des
11. Vol. ma
B iij
1442 MERCURE DE FRANCE
, pour
.
matériaux réfuter ceux
ceux qui , crai
gnant de se fatiguer par des Lectures qui
les instruisoient , ne cessoient de dire de
moi : Quand une pratique lui déplaît , il a
toujours des raisons pour la combattre , et il
est d'avis qu'on la change : Quand il s'agit
d'une autre qui lui plaît, il ne veut pas qu'on
parle d'y toucher. L'absurdité de ce raison
nement est trés- palpable , et c'est un pur
sophisme qu'ils débitoient pour me dé
crier car ce n'est pas parce qu'une chose
me plaisoit que je l'ai soutenuë bonne et
vice versa c'est plutôt parce qu'elle est
bonne , qu'elle m'a plû . Or comment
prouvois -je que telle pratique est bonne
et telle non bonne ou moins bonne ? Par
la confrontation de cette pratique avec
les Canons . Telle chose est Canonique
conforme aux Canons et à la Discipline .
Ecclesiastique , ou bien se rapproche de
cette conformité ; donc elle est bonne et
à préferer : c'étoit -là mon raisonnement..
Telle , au lieu de se rapprocher de ce que
les Canons prescrivent , s'en éloigne : donc
elle est moins bonne , et doit êsre rejet
tée. J'avois ensuite pour chaque pratique
en particulier un Ecrit tout préparé, dans
lequel je prouvois sa Canonicité ou son
Anticanonicité. Au reste, j'ai toujours ad
miré la prudence des Canons , qui pour..
Ja
II. Vola. voyant
JU. IN. 7443 1731.
Voyant à tout , ont dispensé d'une certaine
sévérité les Personnes infirmes , usées , ou
avancées en age , afin qu'elles ne proposas
sent pas de changer des reglemens que le
commun des hommes peut observer ; et
qui pareillement ont deffendu certaines
multiplicitez de devoirs , de crainte que .
Paccessoire ne pottât préjudice au Princi
pal. L'application continuelle que j'ai
donnée à cette science des Canons et de la
Discipline de l'Eglise , me répond qu'il
n'en est pas de même que dans quelques
questions de fait ou de Grammaire , où j'ai
quelquefois mis à côté : j'avoue que je me
suis trompé dans ces sortes d'occasions , et
si j'étois à recommencer , je serois plus
circonspect.
Vous voyez quelquefois vos Confreres
de Saint Jean - en - Vallée et de Saint
Cheron , faites leur part de ma docilité
et de la déference que j'ai pour le senti
ment des Doctes qul brillent comme les
Etoiles du firmament dans ce Pays d'où
je viens. Mais j'ai encore quelque chose
d'important à vous communiquer . C'est
qu'ayant fréquenté le quartier des plus
dévots envers la Sainte Vierge , ces Saints
Personnages , loin de blâmer la répu
gnance que j'ai toûjours eu à ajoûter foy
aux Fables du pays Chartrain , sur les
Il Vol B.iiij . Drui
1444 MERCURE DE FRANCE
Druides , m'en ont au contraire fait com
pliment. L'un d'entre eux m'a développé
la pensée qu'il avoit eûë dans le tems qu'il
étoit sur terre , touchant l'origine de cette
célebre inscription VIRGINI PARITURÆ
et dans laquelle il est confirmé depuis
qu'il est dans la Région de la clarté. Il
est fermement persuadé que ce n'a été
autre chose qu'une Inscription gravée
depuis l'usage des Images au dessous d'u
ne Annonciation dans le style de celles
que l'on met en Philosophie et en Théo
logie , sous les Estampes qui sont au haut
des Theses , où quelquesfois il y a en mau
vais Latin , Virgini Annuntiate ; et que
c'est la découverte qui aura été faite d'une
pierre chargée de cette Inscription dans
quelques décombres d'Eglise , au coin
d'un bois , qui aura donné occasion de
fabriquer l'Histoire. Il a ajouté que sa
dévotion , lorsqu'il étoit parmi vous
l'ayant porté à visiter la solitude de Pre
montré , consacrée à la Sainte Vierge.
l'Eglise Cathedrale de Nôtre-Dame de
Laon et celle de Nôtre- Dame de Liesse' ;
il avoit passé à l'Abbaye de Nogent- sous
Coucy , aussi dédiée sous la même invo
cation , et qu'il y avoit trouvé une tradi
tion pareille à celle de Chartres , mais non
pas mieux autorisée : qu'on lui fit voir
•
›
.
11. Vol. l'Ins
JUIN. 1731. 1443
I'Inscription VIRGINI PARITURE;
incrustée dans le mur d'une Chapelle de
l'Eglise, et qu'il reconnut tout d'abord que
ce n'étoit qu'un soubassement de Niche
ou de Statue , où pouroit avoir été repre
sentée la Sainte Vierge environnée des
Prophetes qui ont prédit son enfantement
ou saluée par l'Ange Gabriel. Car , m'a
t'il dit , vous n'ignorez pas que l'Histoire
de l'Annonciation est la premiere dans
l'Evangile , par laquelle la Sainte Vierge
est connuë ; le Mystere de l'Incarnation
du Fils de Dieu dans son Sein , est le pre
mier des Mysteres , la Mission de l'Ange,
est la premiere Histoire où l'on ait pû re
presenser la Sainte Vierge , soit en peintu
re , soit en relief , et c'est sous le titre de
la Sainte Vierge , en tant qu'elle reçoit
l'Annonce de l'Ange , qu'il y a un plus
grand nombre d'Eglises consacrées dans
la Chrétienté. Vous n'avez peut-être ja
mais fait attention que dans Paris seule
ment il y en a vingt-huit. Sans doute,
que dans ce grand nombre , il y en a
d'anciennes. Mais quand cela ne seroit
pas, faites, je vous prie , réflexion , que les
plus anciennes prieres ou louanges par
lesquelles l'Eglise invoque ou préconise
sette Mere de Dieu ne s'addressent :
point à elle en tant que conçûë par ,
›
11. Vol. Sainte BY
1448 MERCURE DE FRANCE
"
Ste Anne , ni en tant que naissante , ou présentée
au Temple , pas même en tant que
présentant son Fils à ce même Temple , ou
le suivant à la Croix , non plus qu'en tant
que mourante , & enlevée de ce monde
mais en tant que concevant le Verbe
d'une maniere miraculeuse. Ce fut ainsi
que ce dévot à la Sainte Vierge , finit le
Discours qu'il me tint, et dont je ne m'en
nuyois pas. Je me flate que part que
je vous en fais , ne vous déplaira point
non plus..
la
Je rencontrai au sortir de cet Entretien
le fameux Abbé Guibert de Nogent, et je le
connus d'autant plus aisément , que j'en
tendis les expressions dont il se servoit en
parlant à Dom Jean Mabillon pour le re
mercier de la bonne volonté qu'il avoit cûe ·
de trouver sa sepulture et mettre ses osse
mens en évidence . L'ayant mis sur la ma
tiere des Reliques qui étoit déja entamée .
entre eux , nous passâmes insensiblement
à celles des legendes locales. Ce fut là
dessus qu'il me témoigna son regret d'a
voir été si crédule en certains Chefs qui :
favorisoient l'Antiquité de son Abbaye ;
tandis qu'il avoit combattu si vivement la
crédulité des autres. Je ne me resouvenois .
pas en quoi ; mais un de ses voisins que je
revis depuis , m'avertit que ce grand Ad- .
II. Vol. versaire,
JUIN. 17318 1447
.
versaire des fausses Reliques et des Tradi
tions nouvelles n'avoit pas laissé ( toutju
dicieux qu'il parût ) de transmettre à la
postérité : qu'un Roy d'Angleterre, hommé
Quilius,abdiquant la Couronne , étoit
venu à Nogent * du vivant de Notre-Sei
gneur J. C. et avoit vu un Autel érigé
Virgini paritura : que ce Roy étant ensuite
allé à Jerusalem , il y avoit trouvé la Sainte
Vierge et les onze Apôtres , et qu'après
avoir été baptisé par S. Pierre , il avoit
obtenu des Reliques de la Passion , de la
chemise de la Sainte Vierge , des morceaux
d'Habits des Apôtres , avoit rapporté
le tout à Nogent , et qu'enfin y étant
mort , il y avoit été inhumé, ce qui , com
me l'on voit , donnoit une haute antiquité
à ce Nogent. Voilà précisément ,
ajoûta- t'il , en me tirant à l'écart , de ces
Histoires des Saints , dont Guibert faisoit :
dans un de ses meilleurs Livres , le
par
tage de ses bonnes Vieilles . ** Anus
dit-il , et muliercularum viliumgreges talium
Patronorum commentatas Historias post ing
subulos et litiatoria cantitant , et si quis ea
rum dicta refellat , pro deffensione ipsorum
non modò convitiis , sed telarum radiis ins
#
* Guib. Nov. lib . de vita sua¿·
** De Pignor. Sanctorum cap. 3. parag. [d
U. Vol.
tant
B' vj,
1448 MERCURE DE FRANCE
3
tant. C'est le cas , ajoûta ce Voisin de
P'Abbé Guibert , où se trouvent plu
sieurs Traditions dont nous voyons à
present le faux dans ce païs lumineux
où nous avons été appellez . Quant
aux Habitans de la Jerusalem Terres
tre , ils ne peuvent appercevoir la ve
rité qu'à travers des nuages très-épais .
Pour nous , à qui elle est dévoilée , nous
connoissons que la Tradition de Char
tres n'est pas mieux appuyée que celle
de Nogent. Le Priscus , Roi de Char
tres , et le Quilius , Roy d'Angleterre
ont été fabriquez dans le même moule . It
en est de l'une et de l'autre Histoire , com
me de celle qu'on débitoit autrefois à Sens
sur Saint Pierre le Vif et sur le Bethléem
de Ferrieres , dont on est sagement défait
dans ces derniers tems , ainsi qu'en est
convenu un des Historiens de Sens >
drrivé là-haut depuis quelques années
bien different de Rouillard le Senonois ,
pauvre Auteur de la Parthenie Chartraine,
Les noms des lieux bien ou mal pris ,
faisoient fabriquer des Histoires. Le nom
d'un quartier de Sens , appellé originai
rement Saint-Pierre-le-Vic, ayant été défi
juré en Saint-Pierre -le-Vif , par la même
egle qui fait dire dans le Diocèse d'Or
leans , Tremble-vif pour Tremble-Vic , qui
>
II. Vol.
vient
JUIN. 1731 1449
vient de Tremuli Vicus ; on s'étoit imagi
né que l'Eglise de ce lieu avoit été dédiée
en l'honneur de Saint Pierre , encore vi
vant sur la terre. N'est - ce pas- là au moins
en partie l'Histoire du Roy Quilius , qui
apportaà Nogent sous Coucy des Habits
des Apôtres encore vivans à Jerusalem ?Le
nom de Bethleem donné par quelques
Auteurs , au lieu où se trouve l'Abbaye
de Ferrieres a fait inventer des Histoires
rapportantes à cette éthymologie , de
même que Christophoros , qui étoit le nom
personnel d'un Martyr , a fourni l'occa
sion de forger l'Histoire d'un Géant de
Taille proportionnée à porter celui qui
soutient toute la machine du monde ; ec
pour marque qu'il n'a jamais existé un
Martyr de cette Stature collossale , c'est
qu'après avoir souvent jetté la vûë du cô
té où est placée cette foule innombrable
de Martyrs , je suis assuré que vous n'en
avez apperçû aucun qui excede la taille
des autres d'une maniere fi excessive ,
Croyez-moi , me dit en finissant ce Sça
vant voisin de l'Abbé Guibert , vous ai
mez la verité , annoncez- là à ceux de là
bas pour qui vous vous interressez . Vous
aviez si souvent en bouche ce passage de
Tertullien: Non amat falsum autor verita
zis 5 adulterum est omne quod fingitur ; fai¬
Ila Vola tes-en
450 MERCURE DE FRANCE
tes -en l'application aux fausses Histoires,
aux Légendes fabuleuses , aux Traditions
inventées après coup. Et en disant cela
il me quitta .
C'est aussi , mon cher Chanoine les
Sentimens avec lesquels je veux vous lais
ser. Ce que j'ai de meilleur à vous dire ;
en prenant congé de vous , pour retourner
au lieu de lumiere d'où j'ai été envoyé
vers vous , est : qu'on s'en tienne à ce qui
est bien prouvé , et qu'on examine ce qui
paroît mal fondé.Que chacun,à mon exem
ple , avoue ingenuement ses erreurs , tant
anciennes puissent - elles être , afin que la
verité qu'on doit aimer par dessus tou
tes choses , triomphe de la fausseté et du
mensonge. Plus omnibus amanda et præfe
renda ett veritas.. Laudare oportet et abs
que invidia amplecti , si quid rectè dictum
est ; discuti verò et discerni , si quid minus
sanê dictum est. Dionys. Alexandr. apud :
Euseb. Cæsar..
faire à M. Thiers , autrefois Curé de Cham
prond , Diocèse de Chartres et fort connu
dans la Republique des Lettres , de quel
quesfautes qu'il a reconnues dans ses propres
Ouvrages. L'Auteur a crû pour la satisfac
>
tion des Lecteurs devoir réduire cet Ecrit en
forme d'Apparition , par allusion à l'Ecrit qui
parut en 1712. fous le Titre d'Ombre de M.
Thiers , pour refuter une Dissertation de M.
de l'Estocq , Chanoine d'Amiens , touchant
le Corps de S. Firmin le Confeffeur.
APPARITION
DE L'OMBRE DE M. THIERS ;
A un Chanoine Régulier de la Réforme
de Saint-Quentin de Beauvais.
N
E soyez point effrayé , mon cher
Chanoine , de me revoir au bout de
tant d'années d'absence : Vous m'avez ai
mé et estimé , lorsqué vous étiez encore
jeune '; accordez-moi la même faveur
maintenant que vous commencez à grison
ner , et que vous approchez du temps au
9
II. Vol.
A vi quel
430 MERCURE DE FRANCE
quel nous esperons vous voir rejoint
à nous. Je viens m'entretenir avec vous
durant l'espace d'une petite demie
heure , qui m'a été accordé par celui dans
la lumiere duquel nous voyons toute lu
miere.
Il n'est jamais deshonorable de se retrac
ter , lorsqu'il est évident que l'on s'est
Trompe. Voyant à present beaucoup plus
clair dans le Païs où je suis , que je ne
voyois autrefois dans les bas lieux que vous
habitez , je découvre bien des choses que
j'ignorois dans les tems que le Reverend
Pere Abbé de Saint- Acheul d'Amiens
m'obligea de parler pour refuter un Cha
noine Séculier qui prenoit la défense
de la Tradition de la Mere Eglise d'A
miens.
2i
>
Pour détruire la Fête de la Tranflation
du Corps de Saint Firmin le Confesseur
que cette Eglise célebre , j'essayois de prou
ver que le culte de l'Evêque S. Salve , Au
teur de cette Translation est nouveau
dans ce Diocèse , parce qu'il n'est pas dans
des Bréviaires d'Amiens , qu'on croit pos
terieurs au XII. Siécle , et j'avançois har
diment que la vie de ce S. Salve , sur la
quelle l'Eglise d'Amiens s'appuye , n'a
été composée au plutôt qu'au XIII . Siécle ;
qu'ainsi ce n'est que depuis ce temps- là
II. Vol. qu'on
JUIN. 1731 1431
qu'on a crû à Amiens que S. Salve avoit
transferé de l'Eglise fituée hors la Ville ,
le Corps de S. Firm in le Confesseur , &
par confequent que cette Translation étoit
supposée et inventée à plaisir. Je dis encore
avec confiance , que l'on ne peut produire
des Translations de simples Confesseurs
faites dès le feptiéme Siècle , et qu'alors
Pusage étoit de n'en faire que des Corps
des Martirs.Je me figurois que si la Châs
se qu'on appelle de saint Firmin le Confes
seur , dans la Cathedrale de Notre Dame
d'Amiens , contenoit quelques ossemens
ce ne pouvoitêtre que d'un S. Firmin , Ab
bé , que le Martyrologe de Baronius attri
bue à la Ville d'Amiens .
9.
Mais , hélas ! combien d'erreurs ne recon
nois - je pas à present avoir coulé de ma
plume Dieu ayant permis que je me sois
trouvé depuis peu dans la Compagnie de
quelques habiles Religieux , qui ont visité
plus exactement que moi les Biblioteques
de France , l'un d'entr'eux vient de m'ap
prendre que je me suis trompé très - gros
siérement sur l'époque que j'ai donnée à la
vie de S. Salve. Il se souvient qu'étant
dans l'Archimonaftere de Fleury ou de
S. Benoît sur Loire , il y vit un Manuscrit
du dixième Siècle ou du onzième au plû
tard , coté No. 200. où il lût cette Vie
>
II. Vola en
$ 432 MERCURE DE FRANCE
entierement dans les mêmes termes , que les
Chanoines d'Amiens ont produits. Ce Ma
nuscrit , aprés avoir dit que S. Salve bâtit
dans la Ville d'Amiens une Eglise du ti
tre de S. Pierre et S. Paul , avec une Cry
pte à l'Orient de cette Eglise , et une à
l'Occident ; ajoûte qu'il découvrit le Corps
de S. Firmin Martyr , & qu'il le plaça
dans la Crypte Occidentale ; et celui de S.
Firmin le Confesseur dans la Crypte
Orientale de la même Eglise : Sed et Sanc
tos Dei Firminum Episcopum , et Confesso
rem , Aceum quoque et Aceolum Martyres
Christi in Crypta Orientali verenter condidit
& decenter exornavit : ce qui est different
de ce que rapporte le Pere le Cointe , qui
fait placer tous ces Saints dans une seule
et même Crypte. Et comme je suis con
vaincu que ce Religieux se connoît par
faitement à l'âge des Manuscrits , je passe
d'abord condamnation sur ce Chef.
Dom Luc Dachery qui s'interresse aux
Saints Amiénois , m'a fait remarquer que
j'ai tort à la page 59. de croire qu'il ne se
soit fait aucune Translation des SS. Con
fesseurs dans le septième Siècle . Il m'a
renvoyé à la vie de Saint Marcoul ; qui est
dans le premier Volume de ses Siécles Be
nédictins , pag. 133. où il m'a assuré que
je trouverois que S. Oüen , Archevêque.
II. Vol.
de
JUIN. 1731. 1435
de Rouen , visitant sa Province de Neus
trie , fit dans le Diocèse de Coutances , la
Translation du Corps de ce Saint Con
fesseur. M. le Brasseur que j'ai trouvé dans
le quartier des Historiens , m'a confirmé
le fait , ajoûtant que s'il eut resté davan
tage sur la Terre , il eut fait imprimer
une Histoire générale de Normandie , où
cette Translation auroit été rapportée.
Ensuite il m'a cité un autre exemple , tiré
de son Histoire d'Evreux . C'eft la Trans
lation du Corps de S. Taurin , faite par
Viateur , Evêque d'Evreux , vers l'an 610
ou 612 .
Le Pere Labbe , Jesuite , Historien
sacré du Berry , ayant prêté l'oreille à cet
Entretien , m'est venu joindre fort gra
cieusement , pour me dire qu'il connoît
une Translation de cette nature qui est
encore plus ancienne : c'est celle du Corps
de S. Ursin , Apôtre et premier Evêque de
Bourges, sa Patrie, qui fut faite par l'Evê
que Probien au VI. Siécle , et de laquelle,
m'a-t'il dit , il est fait mention dans Saint
Gregoire de Tours . Je me suis trouvé
terrassé par ces exemples , et je n'ai sçu
que répondre.
Le Pere le Brun , de l'Oratoire , nou
vellement arrivé dans le Païs d'où je viens ,
ne m'a point refusé ses lumieres . Parfai
II. Vol. tement
434 MERCURE DE FRANCE
tement bon connoisseur en fait de Ma
nuscrits Liturgiques , il m'a appris à ne pas
conclure de ce qu'un Breviaire qui pa
roît être d'Amiens , ne contient pas le
nom de S. Salve , que ce Saint Evêque ne
fut pas honoré dans le Diocèse d'Amiens
dans le temps de l'Ecriture de ce Breviai
re ; il a soutenu que ma conclusion étoit
trop générale , parce que les Communau
tez des Chanoines Réguliers, quoique se
servant des Breviaires qui pourroient être
réputez Diocésains ,à cause du culte distin
gué qu'on y rendoit à certains Saints , ne
faisoient pas pour cela la profession d'ho
norer généralement tous les Saints du Dio
cèse. Comme donc ces Communautez
se restraignoient aux plus célébres , il ne
faut pas être surpris que le nom de Saint
Salve , ne fut pas dans quelques-uns des
Breviaires de ces Chanoines Reguliers vos
anciens Confreres .
Ce sçavant Oratorien m'a encore ap
pris que je me suis trompé assez lourde
ment , dans la raison que j'ai apportée
pour indiquer l'âge de ce Breviaire , où
je n'ai point vû S. Salve. C'est lorsque
pour preuve qu'il est posterieur au dou
ziéme Siècle , je me suis contenté de re
marquer que les Répons de l'Office des
Morts s'y trouvent , comme si , m'a- t'il
II. Vol dit
JUIN.
1731. 1431
dit , ces Répons n'étoient que de ce Siécle - là.
Illusion, sclon lui , que de croire Maurice
de Sully , Evêque de Paris , Auteur de ces
Répons. Ila tiré de sa poche un petit Sa
cerdotal Manuscrit du dixiéme Siècle , ou
du commencement du onzième , à qui
vos Modernes donnent mal à propos le
: i nom de Rituel , et il m'a fait voir dans
ce Sacerdotal qu'il dit avoir été à l'u
sage d'une Eglise du Milanez , ou des
environs , tous ces Répons notez comme
on notoit avant Gui-Aretin . Il m'a ren
voyé au pieux et sçavant Cardinal Tho
masi , et parmi les Anciens à Jean d'A
vranches , qui préceda Maurice de Sully
d'environ cent ans. Enfin il ne m'a point
permis de le quitter, que je n'eusse vû un
beau Missel d'Amiens de la fin du dou
ziéme Siécle , où il m'a fait lire cette Ru
brique entre la Fête de Sainte Geneviève
et celle de Saint Remi du 13. Janvier :
In Inventione S. Firmini Confessoris : Oratio.
» Adesto,Domine, precibus nostris et in
» tercedente beato Firmino , Confessore
» tuo atque Pontifice dexteram super nos
»tuæ propitiationis extende » La Secrete
et la Postcommunion ne qualifient non
plus ce Saint Firmin , que de Confes
seur Pontife. Ne me croyant pas en
core assez battu par cette Rubrique , il a
AS
1
•
1
·
II. Vol ouvert
1436 MERCURE DE FRANCE
ouvert ce Missel à l'endroit d'après la
Saint Simon , et j'y ai lû ces mots : Eodem
die Salvii , Episcopi et Confessoris . Oratio ,
>> Deus , qui hodiernam diem sacratissi
>> mam nobis beati Salvii , Confessoris tui,
» atque Pontificis solemnitate tribuisti .
» & c. » Eft ce donc là du commun ? m'a
t'il dit : diem sacritissimam , jour très - re
commandable ? La Mémoire de S. Salve
n'étoit donc pas si fort ensevelie dans
P'oubli , que vous l'avez prétendu par
votre Livre de 1712. et il m'a quitté à
ces paroles.
›
M. L'Abbé Châtelain dont j'ai été autre
fois ami , m'ayant trouvé , m'a déclaré
fort naturellement , qu'il ne falloit pas
que je crusse avoir épuisé tous les Saints
Salves dans la page 39. de mon dernier
écrit qui parût l'année de sa mort , qu'ou
tre les quatre que je nomme comme s'é
tant sanctifiez dans les Gaules, il en con
noît un cinquième qu'il auroit bien pû
me faire voir , si tous ces Salves étoient
distribués dans la même classe ; mais que
justement celui que je n'ai pas connu est
dans le quartier des Saints Solitaires , qui
est éloigné du sien : qu'au reste il y a dans
le Nivernois une petite Ville de son
nom , appellée Saint Saulge . Ce n'a point
été la seule remarque que ce Chanoine de
Paris , grand Agiologiste , m'a fait faire .
II. Vol
Il
JUIN. 1731 .
1437
M
Il en a ajoûté une autre encore plus im
portante sur S. Firmin , Abbé, que j'avois
conjecturé être celui qu'on appelle Saint
Firmin le Confesseur,à la Cathedrale d'A
miens, et dont on y conserve les Reliques
dans un Châsse derriere le grand Autel.
Il m'a prouvé que ma conjecture est trés
fausse ; que jamais il n'y eut à Amiens
de S. Firmin Abbé ; il m'a repris forte
ment de ce que je m'en suis rapporté en
ce point au Martyrologe de Baronius ,
disant les Réviseurs de cette com
, que
pilation sous Gregoire XIII. ont été
trompez par le Martyrologe de Galezi
nus : que ce Protonotaire ayant trouvé
au onzième Mars dans quelques anciens
Calendriers manuscrits un S ; Firmien ,
Abbé , sans désignation de lieu , il lui a
bonnement attribué le Diocèse d'Amiens,
à cause du nom de Firmin qu'il lisoit
dans trois manuscrits de Florence ; au
lieu que dans ceux de Rome et de Naples
il y a Firmiani : que le même Galezinus
a ignoré que ce Saint Firmien , Abbé , étoit
mort en la Marche d'Ancone , comme on
le voit dans Ferrarius , et qu'il n'est autre
que S.Firmien de Fermo , sous l'invocation
duquel il y avoit un Autel dont a parlé
le Cardinal Pierre Damien. (a) Ensorte
(a) Opusculo VI. ad Henric. Ravennat,
"
II, Vol que
B
1438 MERCURE DE FRANCE
que si je voulois m'en convaincre je
n'avois qu'à me transporter jusques dans
le Canton habité par les SS. Confesseurs
non Pontifes, et que j'y trouverois infailli
blement ce S. Firmien ou Firmain , Italien .
Voila , mon cher Chanoine , les Rémar
ques critiques que mon dernier ouvrage
m'a attirées de la part de tous ces venera
bles Personnages. Je suis venu aussitôt vous
témoigner que j'ai acquiescé à tout ce
qu'ils m'ont dit , afin que vous suiviez
mon exemple. Je n'attends que le mo
ment de rencontrer à mon retour Maître
Hadrien Baillet , pour lui faire part de
tout cecy , afin que de son côté il gagne
sur soy de retoucher quelque chose au
premier jour de Septembre , lorsqu'on
donnera une nouvelle Edition de sa
Vie des Saints.
Ce n'est pas encore tout ce que j'ai à
vous dire. Un nouveau venu dans nôtre
Region superieure m'a appris qu'on.
refondoit en France tous les Breviai
res. Vous sçavez que je me suis un
peu mêlé de cette Science , à telles en
seignes qu'en 1702. on imprima à Bruxel
les des Remarques que j'ai faites sur le
Prototype des Breviaires , je veux dire
celui de Cluny. Il me resteroit un scru
pule touchant l'une de mes Dissertations
II. Vola imprimée
JUIN. 1731. 1439
Imprimée dès l'an 1664. avant que vous
fussiez au monde , si je sçavois qu'elle
eut eu beaucoup de cours , et qu'elle eut
fait beaucoup d'impression sur les Esprits .
C'est celle que j'ai intitulée de retinenda
voce Paraclitus , saillie de jeunesse , effet
de l'envie de paroître Auteur de bonne
heure. Mais le nouveau venu m'a assuré
que dans tous les derniers Breviaires qui
ont quelque reputation , on lisoit à pre
sent Paraclêtus , et qu'on aime micux ne
jamais employer ce mot dans la Doxolo
gie des Hymnes , que de dire Paráclitus
comme je le voulois. J'avoue qu'en cela
on donne gain de cause à Sabellat , Cha
noine de Chartres , mon Condiocésain , à
qui l'Evêque fit un Procès sur sa pronon
ciation de Paraclêtus, ainsi que vous pou
vés le voir dans les Recherches de Pas
quier. Je m'en rejoüis , puisque ce sont
tous les plus habiles qui reviennent à la
prononciation primitive et conforme au
Grec , et je retire mon Ecrit , demeurant
d'accord qu'il ne peut y avoir que des
gens opiniâtres à l'excès , qui ayant sous
les yeux Paraclêtus bien marqué , conti
nueront à prononcer Paráclitus , par˚ es
prit de contradiction , et en dépit da
Livre imprimé , qu'ils tiendront entre
leurs mains.
II. Vol Bij Comme
1440 MERCURE DE FRANCE
"
>
Comme vous avez des Amis parmi
le Clergé des grandes Eglises de vos
Quartiers , vous me ferez plaisir d'a
vertir , lorsque l'occasion s'en présente
ra ceux à qui on peut parler avec
confiance , que jusqu'à present je n'ai
trouvé là- haut qui que ce soit qui
m'ait reproché d'avoir outré la matière
dans l'Ouvrage que je fis imprimer l'an
1690. Mais en même- tems aussi ajoûtez
leur que je n'y ai vû personne qui soit
orné de dépouilles étrangeres et emprun
tées. Les têtes que j'y ai vû à l'infini , et
tant que la vûë peut s'étendre , sont tel
les à peu près que vos imagiers les repre
sentent dans vos Bréviaires , au fron
tispice de l'Office de la Toussaints , ой
certainement je ne me souviens pas que
de mon temps on en vit aucune de l'es
pece dont je veux parler.
Le B. Yves de Chartres , votre ancien
Inſtituteur , que je rencontrai derniere
ment , en parlant au dévot Pere Gour
dan , s'entretint avec moi sur ses Disci
pies. Après avoir avoué qu'il y en a qui
appréhendent de couper leur sommeil
en deux , ou de chanter de grand matin
les louanges de Dieu , il parut se consoler
sur ce qu'il y en a aussi, qui sont très- vigi
gilans , et qui imitent ce qui est de l'an
>
II. Vol.
cienne
JUIN. 17731. 1441
cienne Discipline dans les Eglises Secu
lieres . Il sçait , en effet , qu'il y a de gran
des Eglises Séculieres , où l'on a conservé
une Discipline plus exacte que chez les
premiers , et que dans ces Eglises de Cha
noines Séculiers , quoique l'Office ne soit
pas d'une grande prolixité , on n'a garde
de quitter l'usage d'être levé de grand
matin pour louer Dieu '; usage si louable et
si exemplaire dans les Eglises de Lyon et
de Vienne des premieres de nos Gaules . Il
est informé qu'on y repousse vivement les
attaques que des Esprits legers' veulent
porter à la ferveur des derniers temps ,
toute médiocre qu'elle est ; lesquels
ne sçachant pas distinguer les change
mens qui ne sont point opposez aux
Canons d'avec ceux qui les combattent ,
proposent de quitter ce qui est mieux ,
pour faire même bien , et introduire un
relâchement peu édifiant : comme si une
connoissance moins générale de la Disci
pline Ecclesiastiqne , ne suffisoit pas pour
sçavoir qu'il y a des changemens qui se
font de bien en mal , de même qu'il y
en a qui peuvent se faire de mal en bien ;
et que l'attention aux Canons , ne dicte
pas que les derniers doivent être accep
tez , et les premiers rejettez .
J'avois autrefois rassemblé ici-bas des
11. Vol. ma
B iij
1442 MERCURE DE FRANCE
, pour
.
matériaux réfuter ceux
ceux qui , crai
gnant de se fatiguer par des Lectures qui
les instruisoient , ne cessoient de dire de
moi : Quand une pratique lui déplaît , il a
toujours des raisons pour la combattre , et il
est d'avis qu'on la change : Quand il s'agit
d'une autre qui lui plaît, il ne veut pas qu'on
parle d'y toucher. L'absurdité de ce raison
nement est trés- palpable , et c'est un pur
sophisme qu'ils débitoient pour me dé
crier car ce n'est pas parce qu'une chose
me plaisoit que je l'ai soutenuë bonne et
vice versa c'est plutôt parce qu'elle est
bonne , qu'elle m'a plû . Or comment
prouvois -je que telle pratique est bonne
et telle non bonne ou moins bonne ? Par
la confrontation de cette pratique avec
les Canons . Telle chose est Canonique
conforme aux Canons et à la Discipline .
Ecclesiastique , ou bien se rapproche de
cette conformité ; donc elle est bonne et
à préferer : c'étoit -là mon raisonnement..
Telle , au lieu de se rapprocher de ce que
les Canons prescrivent , s'en éloigne : donc
elle est moins bonne , et doit êsre rejet
tée. J'avois ensuite pour chaque pratique
en particulier un Ecrit tout préparé, dans
lequel je prouvois sa Canonicité ou son
Anticanonicité. Au reste, j'ai toujours ad
miré la prudence des Canons , qui pour..
Ja
II. Vola. voyant
JU. IN. 7443 1731.
Voyant à tout , ont dispensé d'une certaine
sévérité les Personnes infirmes , usées , ou
avancées en age , afin qu'elles ne proposas
sent pas de changer des reglemens que le
commun des hommes peut observer ; et
qui pareillement ont deffendu certaines
multiplicitez de devoirs , de crainte que .
Paccessoire ne pottât préjudice au Princi
pal. L'application continuelle que j'ai
donnée à cette science des Canons et de la
Discipline de l'Eglise , me répond qu'il
n'en est pas de même que dans quelques
questions de fait ou de Grammaire , où j'ai
quelquefois mis à côté : j'avoue que je me
suis trompé dans ces sortes d'occasions , et
si j'étois à recommencer , je serois plus
circonspect.
Vous voyez quelquefois vos Confreres
de Saint Jean - en - Vallée et de Saint
Cheron , faites leur part de ma docilité
et de la déference que j'ai pour le senti
ment des Doctes qul brillent comme les
Etoiles du firmament dans ce Pays d'où
je viens. Mais j'ai encore quelque chose
d'important à vous communiquer . C'est
qu'ayant fréquenté le quartier des plus
dévots envers la Sainte Vierge , ces Saints
Personnages , loin de blâmer la répu
gnance que j'ai toûjours eu à ajoûter foy
aux Fables du pays Chartrain , sur les
Il Vol B.iiij . Drui
1444 MERCURE DE FRANCE
Druides , m'en ont au contraire fait com
pliment. L'un d'entre eux m'a développé
la pensée qu'il avoit eûë dans le tems qu'il
étoit sur terre , touchant l'origine de cette
célebre inscription VIRGINI PARITURÆ
et dans laquelle il est confirmé depuis
qu'il est dans la Région de la clarté. Il
est fermement persuadé que ce n'a été
autre chose qu'une Inscription gravée
depuis l'usage des Images au dessous d'u
ne Annonciation dans le style de celles
que l'on met en Philosophie et en Théo
logie , sous les Estampes qui sont au haut
des Theses , où quelquesfois il y a en mau
vais Latin , Virgini Annuntiate ; et que
c'est la découverte qui aura été faite d'une
pierre chargée de cette Inscription dans
quelques décombres d'Eglise , au coin
d'un bois , qui aura donné occasion de
fabriquer l'Histoire. Il a ajouté que sa
dévotion , lorsqu'il étoit parmi vous
l'ayant porté à visiter la solitude de Pre
montré , consacrée à la Sainte Vierge.
l'Eglise Cathedrale de Nôtre-Dame de
Laon et celle de Nôtre- Dame de Liesse' ;
il avoit passé à l'Abbaye de Nogent- sous
Coucy , aussi dédiée sous la même invo
cation , et qu'il y avoit trouvé une tradi
tion pareille à celle de Chartres , mais non
pas mieux autorisée : qu'on lui fit voir
•
›
.
11. Vol. l'Ins
JUIN. 1731. 1443
I'Inscription VIRGINI PARITURE;
incrustée dans le mur d'une Chapelle de
l'Eglise, et qu'il reconnut tout d'abord que
ce n'étoit qu'un soubassement de Niche
ou de Statue , où pouroit avoir été repre
sentée la Sainte Vierge environnée des
Prophetes qui ont prédit son enfantement
ou saluée par l'Ange Gabriel. Car , m'a
t'il dit , vous n'ignorez pas que l'Histoire
de l'Annonciation est la premiere dans
l'Evangile , par laquelle la Sainte Vierge
est connuë ; le Mystere de l'Incarnation
du Fils de Dieu dans son Sein , est le pre
mier des Mysteres , la Mission de l'Ange,
est la premiere Histoire où l'on ait pû re
presenser la Sainte Vierge , soit en peintu
re , soit en relief , et c'est sous le titre de
la Sainte Vierge , en tant qu'elle reçoit
l'Annonce de l'Ange , qu'il y a un plus
grand nombre d'Eglises consacrées dans
la Chrétienté. Vous n'avez peut-être ja
mais fait attention que dans Paris seule
ment il y en a vingt-huit. Sans doute,
que dans ce grand nombre , il y en a
d'anciennes. Mais quand cela ne seroit
pas, faites, je vous prie , réflexion , que les
plus anciennes prieres ou louanges par
lesquelles l'Eglise invoque ou préconise
sette Mere de Dieu ne s'addressent :
point à elle en tant que conçûë par ,
›
11. Vol. Sainte BY
1448 MERCURE DE FRANCE
"
Ste Anne , ni en tant que naissante , ou présentée
au Temple , pas même en tant que
présentant son Fils à ce même Temple , ou
le suivant à la Croix , non plus qu'en tant
que mourante , & enlevée de ce monde
mais en tant que concevant le Verbe
d'une maniere miraculeuse. Ce fut ainsi
que ce dévot à la Sainte Vierge , finit le
Discours qu'il me tint, et dont je ne m'en
nuyois pas. Je me flate que part que
je vous en fais , ne vous déplaira point
non plus..
la
Je rencontrai au sortir de cet Entretien
le fameux Abbé Guibert de Nogent, et je le
connus d'autant plus aisément , que j'en
tendis les expressions dont il se servoit en
parlant à Dom Jean Mabillon pour le re
mercier de la bonne volonté qu'il avoit cûe ·
de trouver sa sepulture et mettre ses osse
mens en évidence . L'ayant mis sur la ma
tiere des Reliques qui étoit déja entamée .
entre eux , nous passâmes insensiblement
à celles des legendes locales. Ce fut là
dessus qu'il me témoigna son regret d'a
voir été si crédule en certains Chefs qui :
favorisoient l'Antiquité de son Abbaye ;
tandis qu'il avoit combattu si vivement la
crédulité des autres. Je ne me resouvenois .
pas en quoi ; mais un de ses voisins que je
revis depuis , m'avertit que ce grand Ad- .
II. Vol. versaire,
JUIN. 17318 1447
.
versaire des fausses Reliques et des Tradi
tions nouvelles n'avoit pas laissé ( toutju
dicieux qu'il parût ) de transmettre à la
postérité : qu'un Roy d'Angleterre, hommé
Quilius,abdiquant la Couronne , étoit
venu à Nogent * du vivant de Notre-Sei
gneur J. C. et avoit vu un Autel érigé
Virgini paritura : que ce Roy étant ensuite
allé à Jerusalem , il y avoit trouvé la Sainte
Vierge et les onze Apôtres , et qu'après
avoir été baptisé par S. Pierre , il avoit
obtenu des Reliques de la Passion , de la
chemise de la Sainte Vierge , des morceaux
d'Habits des Apôtres , avoit rapporté
le tout à Nogent , et qu'enfin y étant
mort , il y avoit été inhumé, ce qui , com
me l'on voit , donnoit une haute antiquité
à ce Nogent. Voilà précisément ,
ajoûta- t'il , en me tirant à l'écart , de ces
Histoires des Saints , dont Guibert faisoit :
dans un de ses meilleurs Livres , le
par
tage de ses bonnes Vieilles . ** Anus
dit-il , et muliercularum viliumgreges talium
Patronorum commentatas Historias post ing
subulos et litiatoria cantitant , et si quis ea
rum dicta refellat , pro deffensione ipsorum
non modò convitiis , sed telarum radiis ins
#
* Guib. Nov. lib . de vita sua¿·
** De Pignor. Sanctorum cap. 3. parag. [d
U. Vol.
tant
B' vj,
1448 MERCURE DE FRANCE
3
tant. C'est le cas , ajoûta ce Voisin de
P'Abbé Guibert , où se trouvent plu
sieurs Traditions dont nous voyons à
present le faux dans ce païs lumineux
où nous avons été appellez . Quant
aux Habitans de la Jerusalem Terres
tre , ils ne peuvent appercevoir la ve
rité qu'à travers des nuages très-épais .
Pour nous , à qui elle est dévoilée , nous
connoissons que la Tradition de Char
tres n'est pas mieux appuyée que celle
de Nogent. Le Priscus , Roi de Char
tres , et le Quilius , Roy d'Angleterre
ont été fabriquez dans le même moule . It
en est de l'une et de l'autre Histoire , com
me de celle qu'on débitoit autrefois à Sens
sur Saint Pierre le Vif et sur le Bethléem
de Ferrieres , dont on est sagement défait
dans ces derniers tems , ainsi qu'en est
convenu un des Historiens de Sens >
drrivé là-haut depuis quelques années
bien different de Rouillard le Senonois ,
pauvre Auteur de la Parthenie Chartraine,
Les noms des lieux bien ou mal pris ,
faisoient fabriquer des Histoires. Le nom
d'un quartier de Sens , appellé originai
rement Saint-Pierre-le-Vic, ayant été défi
juré en Saint-Pierre -le-Vif , par la même
egle qui fait dire dans le Diocèse d'Or
leans , Tremble-vif pour Tremble-Vic , qui
>
II. Vol.
vient
JUIN. 1731 1449
vient de Tremuli Vicus ; on s'étoit imagi
né que l'Eglise de ce lieu avoit été dédiée
en l'honneur de Saint Pierre , encore vi
vant sur la terre. N'est - ce pas- là au moins
en partie l'Histoire du Roy Quilius , qui
apportaà Nogent sous Coucy des Habits
des Apôtres encore vivans à Jerusalem ?Le
nom de Bethleem donné par quelques
Auteurs , au lieu où se trouve l'Abbaye
de Ferrieres a fait inventer des Histoires
rapportantes à cette éthymologie , de
même que Christophoros , qui étoit le nom
personnel d'un Martyr , a fourni l'occa
sion de forger l'Histoire d'un Géant de
Taille proportionnée à porter celui qui
soutient toute la machine du monde ; ec
pour marque qu'il n'a jamais existé un
Martyr de cette Stature collossale , c'est
qu'après avoir souvent jetté la vûë du cô
té où est placée cette foule innombrable
de Martyrs , je suis assuré que vous n'en
avez apperçû aucun qui excede la taille
des autres d'une maniere fi excessive ,
Croyez-moi , me dit en finissant ce Sça
vant voisin de l'Abbé Guibert , vous ai
mez la verité , annoncez- là à ceux de là
bas pour qui vous vous interressez . Vous
aviez si souvent en bouche ce passage de
Tertullien: Non amat falsum autor verita
zis 5 adulterum est omne quod fingitur ; fai¬
Ila Vola tes-en
450 MERCURE DE FRANCE
tes -en l'application aux fausses Histoires,
aux Légendes fabuleuses , aux Traditions
inventées après coup. Et en disant cela
il me quitta .
C'est aussi , mon cher Chanoine les
Sentimens avec lesquels je veux vous lais
ser. Ce que j'ai de meilleur à vous dire ;
en prenant congé de vous , pour retourner
au lieu de lumiere d'où j'ai été envoyé
vers vous , est : qu'on s'en tienne à ce qui
est bien prouvé , et qu'on examine ce qui
paroît mal fondé.Que chacun,à mon exem
ple , avoue ingenuement ses erreurs , tant
anciennes puissent - elles être , afin que la
verité qu'on doit aimer par dessus tou
tes choses , triomphe de la fausseté et du
mensonge. Plus omnibus amanda et præfe
renda ett veritas.. Laudare oportet et abs
que invidia amplecti , si quid rectè dictum
est ; discuti verò et discerni , si quid minus
sanê dictum est. Dionys. Alexandr. apud :
Euseb. Cæsar..
Fermer
Résumé : APPARITION DE L'OMBRE DE M. THIERS, A un Chanoine Régulier de la Réforme de Saint-Quentin de Beauvais.
Le texte présente un aveu de M. Thiers, ancien curé de Champrond, qui reconnaît des erreurs dans ses ouvrages. Cet aveu est présenté sous forme d'apparition, en référence à un écrit de 1712 intitulé 'Ombre de M. Thiers'. Dans cette apparition, M. Thiers s'adresse à un chanoine régulier de Saint-Quentin de Beauvais, admettant ses erreurs après avoir été éclairé par des religieux compétents. M. Thiers avait initialement tenté de réfuter une dissertation de M. de l'Estocq, chanoine d'Amiens, concernant la fête de la translation du corps de Saint Firmin le Confesseur. Il avait affirmé que le culte de Saint Salve, auteur de cette translation, était récent et que la vie de Saint Salve n'avait été écrite qu'au XIIIe siècle. Il avait également soutenu que les translations de simples confesseurs étaient rares avant le septième siècle. Cependant, des religieux lui ont démontré ses erreurs. Un manuscrit du Xe ou XIe siècle prouvait que la vie de Saint Salve était connue bien avant le XIIIe siècle. De plus, des exemples de translations de confesseurs au septième siècle ont été cités, comme celles de Saint Marcoul et Saint Taurin. Le Père Labbe a mentionné une translation encore plus ancienne, celle de Saint Ursin au VIe siècle. Le Père le Brun a également corrigé M. Thiers sur l'interprétation des bréviaires d'Amiens, expliquant que l'absence de Saint Salve dans certains bréviaires ne signifiait pas qu'il n'était pas honoré dans le diocèse. M. Thiers reconnaît ses erreurs et s'engage à les corriger, notamment en informant Maître Adrien Baillet pour une nouvelle édition de la 'Vie des Saints'. Il mentionne également une controverse sur la prononciation de 'Paraclitus' dans les bréviaires, où il admet que 'Paraclêtus' est désormais préféré. Le texte traite également de la prononciation, de la discipline ecclésiastique et des traditions locales. L'auteur exprime sa satisfaction que les personnes compétentes reviennent à la prononciation primitive conforme au grec. Il discute de la discipline dans les églises séculières, notant que certaines églises conservent une discipline plus exacte. Il évoque des traditions locales concernant des inscriptions et des reliques, comme l'inscription 'VIRGINI PARITURÆ' à Chartres et Nogent-sous-Coucy, et discute de la crédulité entourant ces traditions. Enfin, il rencontre l'abbé Guibert de Nogent, qui regrette sa crédulité envers certaines traditions locales. L'auteur insiste sur l'importance de la vérité et de la vérification des informations historiques, citant Tertullien et Dionysius d'Alexandrie. Il encourage chacun à avouer ingénument ses erreurs afin que la vérité triomphe de la fausseté et du mensonge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. [1627]-1637
ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Début :
Quelle douleur obstinée, [...]
Mots clefs :
Tombeau, Chagrin, Funèbres couleurs, Ombre, Douleur extrême, Destin, Mort, Gémir, Ennui, Mânes paisibles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
ODE
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
Fermer
Résumé : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
L'ode commémore une jeune religieuse décédée à Amiens en mars 1731. Le texte exprime la douleur intense et persistante de la mère de la défunte, qui pleure sa fille emportée en pleine jeunesse. Les Grâces, habituées à servir le bonheur, sont surprises par ce changement funeste et ne peuvent se plaire dans ce lieu de deuil. La mère reconnaît la légitimité de son chagrin après une telle perte, mais critique la constance excessive dans la douleur. Elle souligne que les larmes maternelles ne peuvent ramener les morts. La Mort est décrite comme un monstre avide, indifférent aux pleurs des parents. Le poème met en garde contre l'imitation de la faiblesse tragique et encourage à surmonter la tristesse par la raison. Il évoque l'exemple de Céphise, une mère stoïque qui, malgré sa douleur, ne se laisse pas submerger par les pleurs. La mère de la jeune religieuse trouve finalement du réconfort dans la foi chrétienne, adore Dieu et accepte la volonté divine. Elle rappelle que la mort n'est prématurée que pour ceux qui meurent sans vertus et que Dieu récompense les âmes pures, indépendamment de leur âge. Elle conclut en souhaitant que les jours perdus par la défunte soient ajoutés à sa propre vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 2778-2780
EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée publique de l'Académie Royale des Sciences, le Samedi 14 Novembre 1733. sur une nouvelle maniere d'observer en Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimantée. Par M. de la Condamine.
Début :
L'auteur commence par déclarer qu'il est tres éloigné de vouloir chercher [...]
Mots clefs :
Aiguille aimantée, Déclinaison, Ombre, Instrument, Compas, Rebord, Soleil, Style, Rose, Compas de variation, La Condamine, Académie royale des sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée publique de l'Académie Royale des Sciences, le Samedi 14 Novembre 1733. sur une nouvelle maniere d'observer en Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimantée. Par M. de la Condamine.
EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée
publique de l'Académie Royale des Sciences
, le Samedi 14 Novembre 1733. sur
une nouvelle maniere d'observer en
Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimanteé.
Par M. de la Condamine .
L
'Auteur commence par déclarer qu'il
est tres éloigné de vouloir chercher
à diminuer en rien le mérite des Ouvrages
a où cette matiere est déja traitée , et
en particulier des excellentes Pieces b qui
ont paru sur le même sujet , qui a été proposé
par l'Académie pour le prix de 1731 ,
Il dit ensuite que l'avantage qu'il eus
cette même année de faire le voyage des
Côtes de Barbarie et du Levant , sur les
Vaisseaux du Roy , l'ayant mis à portée
de reconnoître par lui-même les défauts
assez connus de l'instrument, appellé par
par
les marins Compas de Variation. Il a
:
a Remarques sur la Navigation , par M. de Radouay
, Capitaine des Vaisseaux du Roy , &c.
b Memoires imprimez, de Mrs Bougher et Mey
nier . Hydrographes du Roy , ¿e
11, Vol .
cherDECEMBRE.
1733. 2779
= cherché les moyens d'y remédier par un
nouvel Instrument , ou plutôt par un
changement qu'il propose de faire à l'ancien
, propre à le rendre plus exact et
plus commode dans la pratique .
Les deux principaux inconveniens du
Compas de Variation ordinaire , sont ; le
premier , que son usage exige deux Observateurs,
ce qui nuit à la précision par la
difficulté qu'il y a que les deux observations
soient faites précisément dans le mê
me instant; l'autre, qu'on ne peut se servir
de cet Instrument du moins pour observer
avec quelque justesse , que lorsqu'on
voit le Soleil bien net à l'horizon , ce qui
est assez rare , même quelquefois dans
les plus beaux jours. L'auteur propose de
rémedier à ces deux inconveniens par le
moyen d'un style perpendiculaire placé
au centre de la Rose ; l'ombre de ce style
tombera pendant tout le jour sur le plan
de la Rose et au lever ou au coucher du
Soleil , sur un rebord vertical , adhérant
à la circonférence et disposé pour rece
voir cette ombre , quand le Soleil est à
l'horison, De peur qu'un côté de ce rebord
, par son ombre n'empêche de distinguer
sur l'autre l'ombre du stile ; l'Auteur
partage ce rebord en deux demi circonférences
, l'une superieure au plan de
11. Vol. Bij de
2780 MERCURE DE FRANCE
la Roze pour recevoir l'ombre du stile le
matin ; l'autre , inférieure, pour recevoir
le soir l'ombre du Pivot , qui est dans l'alignement
du stile prolongé , et qui en
fait l'effet. Par le dégré de la circonférence
de la Rose , où répond cette ombre, on
verra d'un coup d'oeil , comme à un Ca- '
dran , et à toutes les heures du jour à quel
dégré de l'horison répond actuellement
le Soleil , qui est ce que l'on cherche.
L'Auteur a présenté à l'Assemblée un
Compas de Variation , construit sur ce
principe. Il est couvert pour contenir le
stile vertical , d'un demi Globe de verre,
au lieu du verre plan , des Compas ordinaires.
L'Auteur propose aussi un moyen
pour se passer du rebord vertical , sans
nuire à la justesse de l'Instrument, ce qui
le simplifie encore , et il observe qu'en
ce cas le changement à faire à l'ancien ,
pour lui procurer tous les avantages de
celui qu'il propose , devient si peu considérable
qu'il espere que l'Instrument
proposé n'aura pas le malheur de paroître
nouveau , et que la prévention ordi
naire contre les nouveautez n'empêchera
d'en faire l'épreuve.
publique de l'Académie Royale des Sciences
, le Samedi 14 Novembre 1733. sur
une nouvelle maniere d'observer en
Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimanteé.
Par M. de la Condamine .
L
'Auteur commence par déclarer qu'il
est tres éloigné de vouloir chercher
à diminuer en rien le mérite des Ouvrages
a où cette matiere est déja traitée , et
en particulier des excellentes Pieces b qui
ont paru sur le même sujet , qui a été proposé
par l'Académie pour le prix de 1731 ,
Il dit ensuite que l'avantage qu'il eus
cette même année de faire le voyage des
Côtes de Barbarie et du Levant , sur les
Vaisseaux du Roy , l'ayant mis à portée
de reconnoître par lui-même les défauts
assez connus de l'instrument, appellé par
par
les marins Compas de Variation. Il a
:
a Remarques sur la Navigation , par M. de Radouay
, Capitaine des Vaisseaux du Roy , &c.
b Memoires imprimez, de Mrs Bougher et Mey
nier . Hydrographes du Roy , ¿e
11, Vol .
cherDECEMBRE.
1733. 2779
= cherché les moyens d'y remédier par un
nouvel Instrument , ou plutôt par un
changement qu'il propose de faire à l'ancien
, propre à le rendre plus exact et
plus commode dans la pratique .
Les deux principaux inconveniens du
Compas de Variation ordinaire , sont ; le
premier , que son usage exige deux Observateurs,
ce qui nuit à la précision par la
difficulté qu'il y a que les deux observations
soient faites précisément dans le mê
me instant; l'autre, qu'on ne peut se servir
de cet Instrument du moins pour observer
avec quelque justesse , que lorsqu'on
voit le Soleil bien net à l'horizon , ce qui
est assez rare , même quelquefois dans
les plus beaux jours. L'auteur propose de
rémedier à ces deux inconveniens par le
moyen d'un style perpendiculaire placé
au centre de la Rose ; l'ombre de ce style
tombera pendant tout le jour sur le plan
de la Rose et au lever ou au coucher du
Soleil , sur un rebord vertical , adhérant
à la circonférence et disposé pour rece
voir cette ombre , quand le Soleil est à
l'horison, De peur qu'un côté de ce rebord
, par son ombre n'empêche de distinguer
sur l'autre l'ombre du stile ; l'Auteur
partage ce rebord en deux demi circonférences
, l'une superieure au plan de
11. Vol. Bij de
2780 MERCURE DE FRANCE
la Roze pour recevoir l'ombre du stile le
matin ; l'autre , inférieure, pour recevoir
le soir l'ombre du Pivot , qui est dans l'alignement
du stile prolongé , et qui en
fait l'effet. Par le dégré de la circonférence
de la Rose , où répond cette ombre, on
verra d'un coup d'oeil , comme à un Ca- '
dran , et à toutes les heures du jour à quel
dégré de l'horison répond actuellement
le Soleil , qui est ce que l'on cherche.
L'Auteur a présenté à l'Assemblée un
Compas de Variation , construit sur ce
principe. Il est couvert pour contenir le
stile vertical , d'un demi Globe de verre,
au lieu du verre plan , des Compas ordinaires.
L'Auteur propose aussi un moyen
pour se passer du rebord vertical , sans
nuire à la justesse de l'Instrument, ce qui
le simplifie encore , et il observe qu'en
ce cas le changement à faire à l'ancien ,
pour lui procurer tous les avantages de
celui qu'il propose , devient si peu considérable
qu'il espere que l'Instrument
proposé n'aura pas le malheur de paroître
nouveau , et que la prévention ordi
naire contre les nouveautez n'empêchera
d'en faire l'épreuve.
Fermer
Résumé : EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée publique de l'Académie Royale des Sciences, le Samedi 14 Novembre 1733. sur une nouvelle maniere d'observer en Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimantée. Par M. de la Condamine.
Le mémoire de M. de la Condamine, présenté à l'Académie Royale des Sciences le 14 novembre 1733, expose une nouvelle méthode pour observer en mer la déclinaison de l'aiguille aimantée. Reconnaissant les travaux antérieurs de M. de Radouay, Bougher et Meynier, M. de la Condamine identifie les défauts du compas de variation utilisé par les marins lors d'un voyage en 1731. Il propose des améliorations pour augmenter la précision et la commodité de cet instrument. Les principaux inconvénients du compas de variation ordinaire sont la nécessité de deux observateurs et la dépendance à la visibilité nette du Soleil à l'horizon. Pour remédier à ces problèmes, M. de la Condamine suggère l'ajout d'un style perpendiculaire au centre de la rose du compas, projetant une ombre sur la rose et sur un rebord vertical au lever ou au coucher du Soleil. Ce rebord est divisé en deux demi-circonférences pour éviter les ombres parasites. L'auteur présente un compas de variation amélioré, protégé par un demi-globe de verre, et propose une simplification en supprimant le rebord vertical sans compromettre la justesse de l'instrument. M. de la Condamine espère que ces modifications seront adoptées malgré la réticence habituelle envers les nouveautés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
24
s. p.
L'HYVER, POEME.
Début :
Des froides régions du Pole [...]
Mots clefs :
Ombre, Transports, Dieu, Neiges, Glaces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HYVER, POEME.
L'HY VER ,
POEM E.
Des froides régions du Pole ES
Déchaîné contre nos climats
Le plus fier des enfans d'Eole-
Livre déja d'affreux combats
Dans nos champs d'où Zéphir s'envole ,
Et dans nos jardins fans appas ,
A iij
6 MERCURE DE FRANCE,
Où fur un trône de frimats
Régne l'hyver qui les défoles
Bientôt en proie à la rigueur
De l'ennemi qui la menace ,
La Nature dans la douleur
Préſſent la prochaine diſgrace ,
Armé de neiges & de glaces ,
.Il fond fur elle avec fureur :
Il en triomphe avec audace :
Elle tombe fous fon vainqueur ;
Et par ce tyran deſtructeur
Voit de fa beauté qui s'éfface
S'éteindre l'éclat enchanteur.
De fon ancienne fplendeur
*** Je ne découvre aucune trace ;
Ce n'eft plus qu'une informe maffe
Prèfque fans vie & fans couleur.
De leur richeffe & de leur grace ,
Tous les Arbres . font dépouillés.
Plus de Parterres émaillés ;
Il n'en eft resté que la place.
Le fommet de ces buiffons verds
Ne fe couronne plus de roſes:
Le doux parfum des fleurs éclofes
Ne s'éxhale plus dans les airs.
Ces Vergers que chargeoit Pomone ,
De tous les trésors de l'Automne ,
Ont perdu leurs charmes divers.
Ces côteaux de vignes couverts ,
"
MARS. 1763.
Ces belles & riches contrées
Où flottoient les moiffons dorées>>
Se changent en d'affreux déferts.
Dès oifeaux au fond des bocages , '
Nous n'entendons plus les ramages :
Ils ont oublié leurs concerts ,
Depuis que ces lieux font fauvages.
Des ruiffeaux qui fur ces rivages
Sembloient & fi purs & fi clairs ,
On ne voit plus couler les ondes ;
Au fond de leurs grottes profondes
Les Nayades font dans les fers.
Toi- même , Aréthufe , en ta fuite , "
Je te vois tremblante , interdite :
Les glaces enchaînent ton cours;
Alphée , ardent à ta pourſuite,,
De cet avantage profite ;
Il femble abréger fes détours ;
A gros bouillons il précipite
Ses flots poufflés par les amours.
Mais près d'atteindre fon Amante ,
Et fur le point de la faifir ,
Le fort va tromper fon attente :
Son bonheur va s'évanouir.
Tout-à-coup fa marche eft plus lente :
Il fent fon onde s'épaiſſir :
Ses Flots durciffent : il s'arrête
Et perd l'efpoir de fa conquête
Au moment même d'en jouir.
A iv
80 MERCURE DE FRANCE .
Bergers ; qui tantôt fous ces hêtres
Faifiez de vos chanſons champêtres
Retentir au loin les échos ,
Vous ne venez plus dans ces plaines ,
Suivant des routes incertaines ,
Conduire à l'écart vos troupeaux ;
Et du pied de ces arbriſſeaux
Où vous fouliez l'herbe nouvelle
Qui n'aît fur le bord des ruiffeaux ,
Tandis que votre chien fidéle ,
Infatigable fentinelle ,
Jeignoit à vos foins ſes travaux
Le fon perçant de vos pipeaux
>
Ne s'étend plus dans les campagnes ;
Par des airs & des chants nouveaux
Et des vallons & des montagnes
Vous n'égayez plus le repos.
Nous ne voyons plus ces Bergères
Auffi douces que leurs
agneaux ,
Aux accens de vos chalumeaux ,
Sur la furface des bruyeres®
Imprimant leur traces légères ,
Danfer à l'ombre des ormeaux.
Du fein des champêtres afyles ,
Un Peuple d'habitans nouveaux
Repaffe au milieu de nos Villes ,
Laiffant fes Parcs & fes châteaux.
Failons comme eux , belle Délie
MARS. 1763.
Quittons les bois & les hameaux ,
Quittons la campagne flétrie ,
Et revenons dans la Cité
Chercher cette fociété
Que des champs l'hyvex a bannie. "
Entrons dans ces cercles brillans
Et dans ces falles décorées ,
Par cent flambeaux moins éclairées
Que par l'éclat des diamans
Dont les femmes fe font parées.
Olons à leurs caquets bruyans
Mêler nos voix plus modérées :
Tenons mille propos plaifans :
Rions tout bas des fimagrées
Des airs fadement importans ,
Er des manières bigarrées
De tous ces êtres différens
Des coquettes , des mijaurées ,
Des petits- maîtres fémillans ,
Des hommes à petits talens ,
De leurs protectrices titrées ,
De leurs protecteurs ignorans,
On apporté la table verte ,
Délie , armons-nous d'un fizain :
Jouons , & fans plaindre la perte ,
Et fans nous applaudir du gain.
;
Mais l'ennui commence à nous prendre ?
Fuyons ces lieux allons nous rendre
"
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Au Temple du Dieu des Accords:
Quels fons flatteurs s'y font entendre !
Dans le langage le plus tendre
L'Amour exprime les tranſports .
Quelle touchante mélodie !
Au goût vanté de l'Aufonie ,
L'Art François unit les efforts ,
Et la Nymphe de l'harmonie
Se pare de tous les trésors .
La jeune & fouple Terpsichore
S'avançant d'un pas gracieux , ..
A tant de pompe ajoute encore
L'appareil brillant de ſes jeux .
Mais que vois-je ? Du haut des nuės ,
Au milieu des airs fufpendues ,
Les Dieux deſcendent fur des chars
Et quittant les Royaumes fombres ,
Les Eumenides & les Ombres
Viennent éffrayer mes regards.
A cette illufion étrange ,
Tandis que je livre mes yeux ,
D'un coup de fifflet tout fe change y
It je me trouve en d'autres lieux.
Où font ces rians payſages ,
Ces jardins fi beaux , ces ombrages .
·
Formés par des berceaux épais ?
Je vois la mer & fes rivages ,
Des rochers couverts de naufrages ,
Remplacer ces bords pleins d'attraits.
Que dis-je ? A ces horribles plages
MAR S. 1763. 11:
Succède un portique , un palais 3
Et quand j'admire ces ouvrages ,
Tout-à-coup des refforts fecrets ,
Au lieu de ces pompeux objets ,
M'offrent de lugubres images ;
Un tombeau bordé de cyprès ,
Un Autel qui s'éleve auprès ,
A l'ombre de ces noirs feuillages ; .
Et dont la Mort garde l'accès.›
De ce Spectacle magnifique ,
Eh bien , fommes- nous fatisfaits !
Les vers , la danſe , la mufique ,
Et cet affemblage magique
De tant de merveilleux effets
"
Ont fans doute , en notre âme éprife
D'une aimable & vive furpriſe-
Produit le doux faifiſſement : :
Mais tandis que l'aſpect frappant
De cette pompe enchantereffe ,.
Dans mes efprits porte fans ceffe :
Le charme du raviffement ,
Et plonge mes fens dans l'yvreffe ,
Au milieu de tant de richeſſe ,,
Lé coeur eft dans le dénûments :
He ne voit rien qui l'intéreſſe ,,
Qui flatte fa délicateffe ,'
>
Qui lui fourniffe un fentiments " .
Oui,même quand le tien palpire 5 ,
Quand il pouffe un fréquent foupit 5 ,
Asvj
12 MERCURE DE FRANCE.
Charmante Arnoult , à m'attendrir
C'eſt en vain que ta voix m'invite.
Tu fais étonner & ravir :
De tes fons j'admire les charmes ;
Mais c'eft fans répandre des larmes ,
Que tu me vois leur applaudir .
Demain nous pleurerons , Délie ,
Nous pleurerons avec Clairon :
L'Art , la Nature , le Génie
Ont monté la voix fur leur ton ,
Et mis dans fon expreffion
L'âme , la force , l'énergie ,
Tout le feu de la paſſion .
Zelmire , par elle embellie ,
Fera paffer jufqu'en nos coeurs
Le fentiment de fes douleurs.
Ou toi , Dumesnil , d'Athalie
Tu feras parler les fureurs ,
L'ambition , la rage impie :
Tu rempliras mes fens d'horreurs.
En déteftant ta barbarie ,
Je gémirai fur les malheurs
De la victime pourſuivie
Pár tes facrilèges noirceurs.
De Jofabet , d'éffroi ſaiſie ,
Je partagerai les terreurs :
Comme elle allarmé fur la vie ,
Du feul eſpoir de ſa patrie ,
MARS. 1763. 13
Je joindrai mes pleurs à fes pleurs.
Du théâtre volons à table ;
Que la joie y
vole avec nous ;
Qu'elle répande un charme aimable
Sur ce qui doit flatter nos goûts.
Eh ! qu'eft- ce que la bonne chère
Que n'anime point la gaité?
Un plaifir qui n'eft point gouté ,
L'ennui dreffant fon fanctuaire
Sur celui de la volupté.
Viens donc , viens , charmante Déeſſe
Viens avec les Ris & les jeux
Dont la troupe te fuit fans ceffe.
Ecarte , bannis de ces lieux
Le filence, le férieux ,
Ces noirs fignaux de la triſteſſe :
Qu'ils faffent place à l'allégreffe .
Viens à ces apprêts faftueux ,
De l'art aidé de la richeſſe ,
Joindre encore tes tranſports heureux !
Sans ta puiffance favorable ,
Sans toi ce fouper fomptueux
Ne feroit que délicieux :
Fais plus ; fais qu'il foit agréable;
Viens le rendre voluptueux .
De toutes parts le nectar coule,
Et l'on s'en abbreuve à longs traits
Dans le vin pétillant & frais
1
•
144 MERCURE DE FRANCE..
Les plaiſirs furnagent en foule.
Parmi les flots de ta liqueur ,
Ils s'élancent de la bouteille :
Dieu des Buveurs , Dieu de la treille ,
Ils embelliffent ta couleur.
Je vois cette troupe légère ·
Au gré d'une folâtre ardeur
Se trémouffer dans la fougère ; :
Je les fens en vuidant mon vèrre ·
Deſcendre avec toi dans mon coeur
Mais déja la nuit avancée
A fait les deux tiers de fon tour:
Bientôt à fon ombre éclipſée
Succédera le point- du-jour.
Le Peuple après un fommeil court :
Entr'ouvrant déja la paupière ,
S'apprête à revoir la lumière -
Dès qu'elle fera de retour.
Dans cette alcove folitaire
Conduis avec moi , Dieu d'Amour ,
Celle qui reflemble à ta mère ,
Qui fait l'ornement de ta cour ,
Et qu'à mon coeur to rends fi chère.
Guidés par ce Dieu tutélaire ,.
Retirons-nous fous ces rideaux ;
Que fon flambeau feul nous éclaire :
Sur ce lit couvert de pavots
Je crois voir l'Autel de Cythère..
MARS. 1763. IS
Délie , à mes tranſports nouveaux-
Ofe te livrer toute entiere ; :
En confommant l'heureux mystère ,
Tombons dans les bras du repos.
Par un nouveau Venu au Parnaſſe.
POEM E.
Des froides régions du Pole ES
Déchaîné contre nos climats
Le plus fier des enfans d'Eole-
Livre déja d'affreux combats
Dans nos champs d'où Zéphir s'envole ,
Et dans nos jardins fans appas ,
A iij
6 MERCURE DE FRANCE,
Où fur un trône de frimats
Régne l'hyver qui les défoles
Bientôt en proie à la rigueur
De l'ennemi qui la menace ,
La Nature dans la douleur
Préſſent la prochaine diſgrace ,
Armé de neiges & de glaces ,
.Il fond fur elle avec fureur :
Il en triomphe avec audace :
Elle tombe fous fon vainqueur ;
Et par ce tyran deſtructeur
Voit de fa beauté qui s'éfface
S'éteindre l'éclat enchanteur.
De fon ancienne fplendeur
*** Je ne découvre aucune trace ;
Ce n'eft plus qu'une informe maffe
Prèfque fans vie & fans couleur.
De leur richeffe & de leur grace ,
Tous les Arbres . font dépouillés.
Plus de Parterres émaillés ;
Il n'en eft resté que la place.
Le fommet de ces buiffons verds
Ne fe couronne plus de roſes:
Le doux parfum des fleurs éclofes
Ne s'éxhale plus dans les airs.
Ces Vergers que chargeoit Pomone ,
De tous les trésors de l'Automne ,
Ont perdu leurs charmes divers.
Ces côteaux de vignes couverts ,
"
MARS. 1763.
Ces belles & riches contrées
Où flottoient les moiffons dorées>>
Se changent en d'affreux déferts.
Dès oifeaux au fond des bocages , '
Nous n'entendons plus les ramages :
Ils ont oublié leurs concerts ,
Depuis que ces lieux font fauvages.
Des ruiffeaux qui fur ces rivages
Sembloient & fi purs & fi clairs ,
On ne voit plus couler les ondes ;
Au fond de leurs grottes profondes
Les Nayades font dans les fers.
Toi- même , Aréthufe , en ta fuite , "
Je te vois tremblante , interdite :
Les glaces enchaînent ton cours;
Alphée , ardent à ta pourſuite,,
De cet avantage profite ;
Il femble abréger fes détours ;
A gros bouillons il précipite
Ses flots poufflés par les amours.
Mais près d'atteindre fon Amante ,
Et fur le point de la faifir ,
Le fort va tromper fon attente :
Son bonheur va s'évanouir.
Tout-à-coup fa marche eft plus lente :
Il fent fon onde s'épaiſſir :
Ses Flots durciffent : il s'arrête
Et perd l'efpoir de fa conquête
Au moment même d'en jouir.
A iv
80 MERCURE DE FRANCE .
Bergers ; qui tantôt fous ces hêtres
Faifiez de vos chanſons champêtres
Retentir au loin les échos ,
Vous ne venez plus dans ces plaines ,
Suivant des routes incertaines ,
Conduire à l'écart vos troupeaux ;
Et du pied de ces arbriſſeaux
Où vous fouliez l'herbe nouvelle
Qui n'aît fur le bord des ruiffeaux ,
Tandis que votre chien fidéle ,
Infatigable fentinelle ,
Jeignoit à vos foins ſes travaux
Le fon perçant de vos pipeaux
>
Ne s'étend plus dans les campagnes ;
Par des airs & des chants nouveaux
Et des vallons & des montagnes
Vous n'égayez plus le repos.
Nous ne voyons plus ces Bergères
Auffi douces que leurs
agneaux ,
Aux accens de vos chalumeaux ,
Sur la furface des bruyeres®
Imprimant leur traces légères ,
Danfer à l'ombre des ormeaux.
Du fein des champêtres afyles ,
Un Peuple d'habitans nouveaux
Repaffe au milieu de nos Villes ,
Laiffant fes Parcs & fes châteaux.
Failons comme eux , belle Délie
MARS. 1763.
Quittons les bois & les hameaux ,
Quittons la campagne flétrie ,
Et revenons dans la Cité
Chercher cette fociété
Que des champs l'hyvex a bannie. "
Entrons dans ces cercles brillans
Et dans ces falles décorées ,
Par cent flambeaux moins éclairées
Que par l'éclat des diamans
Dont les femmes fe font parées.
Olons à leurs caquets bruyans
Mêler nos voix plus modérées :
Tenons mille propos plaifans :
Rions tout bas des fimagrées
Des airs fadement importans ,
Er des manières bigarrées
De tous ces êtres différens
Des coquettes , des mijaurées ,
Des petits- maîtres fémillans ,
Des hommes à petits talens ,
De leurs protectrices titrées ,
De leurs protecteurs ignorans,
On apporté la table verte ,
Délie , armons-nous d'un fizain :
Jouons , & fans plaindre la perte ,
Et fans nous applaudir du gain.
;
Mais l'ennui commence à nous prendre ?
Fuyons ces lieux allons nous rendre
"
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Au Temple du Dieu des Accords:
Quels fons flatteurs s'y font entendre !
Dans le langage le plus tendre
L'Amour exprime les tranſports .
Quelle touchante mélodie !
Au goût vanté de l'Aufonie ,
L'Art François unit les efforts ,
Et la Nymphe de l'harmonie
Se pare de tous les trésors .
La jeune & fouple Terpsichore
S'avançant d'un pas gracieux , ..
A tant de pompe ajoute encore
L'appareil brillant de ſes jeux .
Mais que vois-je ? Du haut des nuės ,
Au milieu des airs fufpendues ,
Les Dieux deſcendent fur des chars
Et quittant les Royaumes fombres ,
Les Eumenides & les Ombres
Viennent éffrayer mes regards.
A cette illufion étrange ,
Tandis que je livre mes yeux ,
D'un coup de fifflet tout fe change y
It je me trouve en d'autres lieux.
Où font ces rians payſages ,
Ces jardins fi beaux , ces ombrages .
·
Formés par des berceaux épais ?
Je vois la mer & fes rivages ,
Des rochers couverts de naufrages ,
Remplacer ces bords pleins d'attraits.
Que dis-je ? A ces horribles plages
MAR S. 1763. 11:
Succède un portique , un palais 3
Et quand j'admire ces ouvrages ,
Tout-à-coup des refforts fecrets ,
Au lieu de ces pompeux objets ,
M'offrent de lugubres images ;
Un tombeau bordé de cyprès ,
Un Autel qui s'éleve auprès ,
A l'ombre de ces noirs feuillages ; .
Et dont la Mort garde l'accès.›
De ce Spectacle magnifique ,
Eh bien , fommes- nous fatisfaits !
Les vers , la danſe , la mufique ,
Et cet affemblage magique
De tant de merveilleux effets
"
Ont fans doute , en notre âme éprife
D'une aimable & vive furpriſe-
Produit le doux faifiſſement : :
Mais tandis que l'aſpect frappant
De cette pompe enchantereffe ,.
Dans mes efprits porte fans ceffe :
Le charme du raviffement ,
Et plonge mes fens dans l'yvreffe ,
Au milieu de tant de richeſſe ,,
Lé coeur eft dans le dénûments :
He ne voit rien qui l'intéreſſe ,,
Qui flatte fa délicateffe ,'
>
Qui lui fourniffe un fentiments " .
Oui,même quand le tien palpire 5 ,
Quand il pouffe un fréquent foupit 5 ,
Asvj
12 MERCURE DE FRANCE.
Charmante Arnoult , à m'attendrir
C'eſt en vain que ta voix m'invite.
Tu fais étonner & ravir :
De tes fons j'admire les charmes ;
Mais c'eft fans répandre des larmes ,
Que tu me vois leur applaudir .
Demain nous pleurerons , Délie ,
Nous pleurerons avec Clairon :
L'Art , la Nature , le Génie
Ont monté la voix fur leur ton ,
Et mis dans fon expreffion
L'âme , la force , l'énergie ,
Tout le feu de la paſſion .
Zelmire , par elle embellie ,
Fera paffer jufqu'en nos coeurs
Le fentiment de fes douleurs.
Ou toi , Dumesnil , d'Athalie
Tu feras parler les fureurs ,
L'ambition , la rage impie :
Tu rempliras mes fens d'horreurs.
En déteftant ta barbarie ,
Je gémirai fur les malheurs
De la victime pourſuivie
Pár tes facrilèges noirceurs.
De Jofabet , d'éffroi ſaiſie ,
Je partagerai les terreurs :
Comme elle allarmé fur la vie ,
Du feul eſpoir de ſa patrie ,
MARS. 1763. 13
Je joindrai mes pleurs à fes pleurs.
Du théâtre volons à table ;
Que la joie y
vole avec nous ;
Qu'elle répande un charme aimable
Sur ce qui doit flatter nos goûts.
Eh ! qu'eft- ce que la bonne chère
Que n'anime point la gaité?
Un plaifir qui n'eft point gouté ,
L'ennui dreffant fon fanctuaire
Sur celui de la volupté.
Viens donc , viens , charmante Déeſſe
Viens avec les Ris & les jeux
Dont la troupe te fuit fans ceffe.
Ecarte , bannis de ces lieux
Le filence, le férieux ,
Ces noirs fignaux de la triſteſſe :
Qu'ils faffent place à l'allégreffe .
Viens à ces apprêts faftueux ,
De l'art aidé de la richeſſe ,
Joindre encore tes tranſports heureux !
Sans ta puiffance favorable ,
Sans toi ce fouper fomptueux
Ne feroit que délicieux :
Fais plus ; fais qu'il foit agréable;
Viens le rendre voluptueux .
De toutes parts le nectar coule,
Et l'on s'en abbreuve à longs traits
Dans le vin pétillant & frais
1
•
144 MERCURE DE FRANCE..
Les plaiſirs furnagent en foule.
Parmi les flots de ta liqueur ,
Ils s'élancent de la bouteille :
Dieu des Buveurs , Dieu de la treille ,
Ils embelliffent ta couleur.
Je vois cette troupe légère ·
Au gré d'une folâtre ardeur
Se trémouffer dans la fougère ; :
Je les fens en vuidant mon vèrre ·
Deſcendre avec toi dans mon coeur
Mais déja la nuit avancée
A fait les deux tiers de fon tour:
Bientôt à fon ombre éclipſée
Succédera le point- du-jour.
Le Peuple après un fommeil court :
Entr'ouvrant déja la paupière ,
S'apprête à revoir la lumière -
Dès qu'elle fera de retour.
Dans cette alcove folitaire
Conduis avec moi , Dieu d'Amour ,
Celle qui reflemble à ta mère ,
Qui fait l'ornement de ta cour ,
Et qu'à mon coeur to rends fi chère.
Guidés par ce Dieu tutélaire ,.
Retirons-nous fous ces rideaux ;
Que fon flambeau feul nous éclaire :
Sur ce lit couvert de pavots
Je crois voir l'Autel de Cythère..
MARS. 1763. IS
Délie , à mes tranſports nouveaux-
Ofe te livrer toute entiere ; :
En confommant l'heureux mystère ,
Tombons dans les bras du repos.
Par un nouveau Venu au Parnaſſe.
Fermer
Résumé : L'HYVER, POEME.
Le poème 'L'HY VER', publié dans le Mercure de France en mars 1763, décrit l'arrivée de l'hiver, personnifié comme un ennemi furieux qui déchaîne des combats dans les champs et les jardins. La Nature, vaincue par l'hiver, perd sa beauté et sa splendeur. Les arbres sont dépouillés, les parterres disparaissent, et les vergers perdent leurs charmes. Les oiseaux cessent de chanter, et les rivières se gèlent, emprisonnant les Nayades. Les bergers et bergères ne viennent plus dans les plaines, et un nouveau peuple d'habitants traverse les villes. Le poète invite ensuite à quitter la campagne flétrie pour revenir en ville, cherchant la société que l'hiver a bannie des champs. Il décrit les cercles brillants et les salles décorées, où l'on peut jouer et se divertir. Cependant, l'ennui finit par s'installer. Le poète se rend alors au Temple du Dieu des Accords, où il assiste à des spectacles magnifiques mais reste insensible. Le poème se conclut par une invitation à la table, où la joie doit voler avec les convives. La déesse de la gaieté est appelée pour écarter la tristesse et rendre le repas voluptueux. Les plaisirs abondent, et le poète imagine une nuit paisible avec sa bien-aimée, Délie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
34
p. 136-137
ÉNIGME. ADRESSÉE A MÉLANIE.
Début :
Mon origine est dans les Cieux ; [...]
Mots clefs :
Ombre