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101
p. 1188-1200
Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
Début :
Le mardi 9. May, l'Académie Royale de Musique donna la premiere [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Alcione, Théâtre, Dieux, Coeur, Époux, Palais, Enfers, Musiciens, Opéra
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texteReconnaissance textuelle : Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
E mardi 9. May , l'Académie Roya
le de Mufique donna la premiere
Repréſentation d'Alcione , Tragédie de
M. de La Mothe & de M. Marais. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois
le 18. Fevrier 1706. le fuccès qu'il eut engagea
à le remettre au Théatre le 17.
Avril 1719. la repriſe ne répondit pas aux
efperances qu'on en avoit conçues dans
fa naiffance ; mais on vient de rendre à
cet Ouvrage la juftice qui lui eft dûë . Le
Poëte & le Muficien ont partagé les applaudiffemens
; & fi quelques Critiques
fe font élevés contre le Poëme , M. de
La Mothe n'y a donné lieu que pour
s'être un peu trop fcrupuleufement attaché
à la maniere dont Ovide a traité ce
ſujet ; tant il eſt vrai que dans les Ou
vrages de Théatre , le vrai -femblable doit
être préferé au vrai. Au refte , le Public
trouve ce Poëme très bien écrit , & rempli
d'efprit & de fentimens on en va juger
par quelques morceaux.
Le Theatre représente au Prologue le Mont
Tmole ; des Fleuves & des Nayades appuyés
fur leurs urnes occupent la Montagne , &
I. Vol. forJUIN
1730. 1189
Forment une efpecè de cafcade.
Tmole fait connoître qu'Apollon &
Pan l'ont chiofi pour Arbitre de leurs
Chants. Pan choifit la guerre pour fujet.
Voici comment il s'exprime :
Fuyez , Mortels , fuyez un indigne repos ;
Non , ne vous plaignez plus des horreurs de la
guerre ; 1
Elle vous donne les Héros ;
Elle fait les Dieux de la Terre.
Courez affronter le trépas ;
Allez jouir de la victoire .
Sur fon front couronné , qu'elle étale d'appas §
L'affreufe mort qui vole au devant de ſes pas
Fait naître l'immortelle gloire.
Apollon celebre les avantages de la
Paix en ces termes :
Aimable Paix , c'eft toi que celebrent mes chants;
Defcends , vien triompher du fier Dieu de la
Thrace.
Tout rit à ton retour tout brille dans nos
champs ;
Dès que tu difparois , tout l'éclat s'en efface.
Regne , Fille du Ciel , mets la Difcorde aux fers;
Que le bruit des tambours dont la terre s'allarme
Ne trouble plus nos doux Concerts.
I. Vol.
Que
1196 MERCURE DE FRANCÉ
Heureux , heureux cent fois le vainqueur qui aè
s'arme
Que pour te rendre à l'Univers.
Le Chaur repete trois Vers de ce qu'Apollon
a chanté ; ce qui peut être ne contribuë
pas peu à déterminer Tmole en
faveur d'Apollon ; il couronne le Dieu '
des Vers , & Pan fe retire , non ſans ſe
plaindre de fon Juge . Le Prologue finit
par des danfes en l'honneur d'Apollon
& de l'Amour. Apollon annonce la Paix
à l'Univers , & ordonne aux Mufes derenouveller
l'Hiftoire des Alcions qui font
regner le calme fur les flots.
Au premier Acte , le Théatre repréſente
une Galerie du Palais de Ceix , terminée par
un endroit du Palais confacré aux Dieux.
Cet Acte n'eft pas chargé de beaucoup
d'action. Pelée amoureux d'Alcione , que
Ceix , Roi de Trachines , & fon ami ,
va époufer , témoigne fon defefpoir à
Phorbas , Magicien , dont les Ayeux ont
occupé le Trône de Ceix ; Phorbas lui
promet le fecours des Enfers pour troubler
un Hymen fi fatal à fon amour ; la
vertu de Pelée s'oppofe à cette perfidie ;
il le fait connoître par ces Vers :
Amour , cede à mes pleurs , & refpecte ma
gloire ;
Ah ! laiffe-moi brifer mes fers.
I. Vol. C'eft
I JUIN. 1730. 1191
C'est trop à la vertu difputer la victoire ,
Contente-toi , cruel , des maux que j'ai foufferts
Amour &c.
Phorbas le veut fervir malgré lui , &
lui dit :
Iſmene & moi , nous allons par nos charmes
Secourir votre amour contre votre vertu.
Pelée ne donne qu'un demi confentement
, exprimé par ce Vers :
}
Arrête ... on vient , ô Ciel , à quoi me réduis-tu?” ,
Ceix vient avec Alcione ; ils font fuivis
de leurs Sujets qui font le divertiffement.
Le Grand Prêtre invite ces deux Amans
à s'approcher de l'Autel. Ils n'achevent
pas le facré ferment qui doit les unir ; le
tonnerre gronde ; des Furies fortent des
Enfers ; elles faififfent en volant les flambeaux
des Prêtres , & embrafent tout le
Palais. Pelée témoigne fes remords par
ces Vers :
-Cet Autel , ce Palais devoré par la flamme
Malgré moi flatte mon ardeur ;
Mais je ne fens qu'avec horreur
Le perfide plaifir qui renaît dans mon ame.
Dieux , juftes Dieux , vengez- les-, vengez vous ;
Lancez vos traits ; je me livre à vos coups .
I
I. Vol.
Le
1192 MERCURE DE FRANCE
Le fecond Acte où le Théatré repréſente
une folitude affreuse & l'entrée de l'antre de
Phorbas & d'Ifmene , n'eft gueres plus
chargé d'action que le précedent. Phorbas
& Ilmene le préparent à fervir Pelée
malgré lui même . Ceix accufe les Dieux
de fon malheur , & les irrite par ces blafphêmes
:
Dieux cruels ! puniffez ma rage & mes murmu
res ;
Frappor , Dieux inhumains , comblez votre ri
gueur ;
Vous plaiſez vous à voir dans mes injures
L'excès du defefpoir où vous livrer mon coeur.
Dans la croyance où il eft que les Dieux
font armés contre lui , il fe réfoud à armer
les Enfers contre eux . Phorbas & If
mene feignent de le fervir malgré eux ;
ils confultent les Enfers. Voici l'oracle
que Phorbas lui prononce , en lifant fon
fort dans les Enfers qu'il a tranfportés en
ces lieux
par fes enchantemens , où dont
il leur fait voir la terrible, apparence.
Que vois-je ? où fuis-je ? ô Ciel ! quels effroyables
cris !
Infortuné tu perds l'objet que tú chéris
Od t'entraine l'amour arrête ; tu péris.
Quoique cet oracle paroiffe d'abord ab-.
I. Vol.
ܝ
folu
JUIN. 1730. 1193
folu , Phorbas le rend conditionel
Vers qu'il ajoûte :
par
ces
Hâte toi ; cours chercher du fecours à Claros
Apollon à ton fort peut encor mettre obftacle ;
Il n'eft permis qu'à lui d'affurer ton repos.
Pour le déterminer à partir , Phorbas
lui fait entendre que les jours de fa Princeffe
dépendent de ce voyage. Jufques là
on croit que Phorbas a inventé ce qu'il
vient d'annoncer ; mais il ne laiffe plus
douter qu'il n'ait vû le fort de Ceix
quand il dit en confidence à Ifmene , fon
Ecoliere en Magie :
J'ai vu fon fort ; fon départ va hâter
Les malheurs qu'il croit éviter.
Le Port de Trachines & un Vaiffeau
prêt à partir font la décoration du troifiéme
Acte . Pelée continue à fe livrer à fes
remords ; mais par malheur ils font infruc
tueux. Phorbas le flatte d'un plus heureux
fuccès dans fon amour par le départ de
Ceix ; il lui répond :
L'abfence d'un Rival flatte peu mes defirs
Rien ne rendra mon fort moins déplorable ;
Les maux de ce Rival m'arrachent des foupirs
Je ne puis à la fois être heureux & coupable.
Non , pour un coeur que le remors accable,
I. Vol.
Les
1194 MERCURE DE FRANCE
Les faveurs de l'amour ne font plus des plaifirs .
>
Les Matelots qui doivent conduire Ceix
à Claros viennent témoigner la joye
qu'ils ont de fervir leur Roi . Cette Fête
eft très guaye & très brillante ; elle eft
fuivie des adieux de Ceix & d'Alcione.
Cette Scene eft des plus intereffantes ;
en voici quelques fragmens.
Alcione
Mon coeur à chaque inftant vous croira la victime
t
Des flots & des vents en courroux ;
Je connois l'ardeur qui m'anime ;
Je mourrai des dangers que je craindrai pour
Yous.
Ceix.
Ah ! plus dans cet amour mon coeur trouve de
charmes ,
Et plus je fens pour vous redoubler mes frayeurs.
Laiffez moi fur vos jours diffiper mes allarmes ,
Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs
, &c.
Alcione.
Vous partez donc, cruels ! Dieux ! je frémis ; je
tremble ;
Eft-ce ainfi qu'à mes pleurs s'attendrit un Epoux
Laiffez- moi par pitié m'expoſer avec vous ;
Du moins , s'il faut fouffrir , nous fouffrirons enfemble,
&c.
Ceix
JUIN. 1730. 1195
Ceix part après avoir recommandé Alcione
à Pelée ; Alcione fuit le Vaiffeau des
yeux ; & ceffant de voir Ceix , elle s'évanouit
; elle reprend fes fens en prononçant
le nom de Ceix . L'Acte finit
duo entre Alcione & Pelée.
Que j'éprouve un fupplice horrible !
Ciel , ne nous donnez -vous ,
Un coeur tendre & fenfible ,
par ce
Que pour le mieux percer de vos funeftes coups
Alcione commence le 4 Acte par ce
beau Monologue . Le Théatre reprefente
le Temple de Junon ,
Amour, cruel Amour , fois touché de mes peines,
Ecoute mes foupirs & voi couler mes pleurs.
Depuis que je fuis dans tes chaînes ,
Tu m'as fait éprouver les plus affreux malheurs ,
Le départ d'un Amant a comblé mes douleurs ;
Mais malgré tant de maux, fi tu me le ramenes,
Je te pardonne tes rigueurs.
Amour , &c.
La Grande Prêtreffe de Junon & fa fuite
viennent implorer la Déeffe en faveur de
Ceix & d'Alcione , ce qui forme le Divertiffement.
Alcione s'endort par un
pouvoir auquel elle ne peut refifter . Le
Dieu du fommeil ordonne qu'on la laiffe
I. Vol.
feule
1196 MERCURE DE FRANCE
feule , après avoir fait entendre qu'il va
executer les ordres fouverains de Junona
Voici ce qui donne lieu à cette fameuſe
tempête d'Alcione , fi connuë & fi admirée
:
Le Sommeil.
Volez , fonges , volez ; faites lui voir l'orage
Qui dans ce même inftant lui ravit fon Epoux ;
De l'onde foulevée imitez le courroux ',
Et des vents déchaînés l'impitoyable rage.
Toi qui fçais des Mortels emprunter tous les
traits ,
Morphée , à fes efprits offre une vaine image ;
Préfente lui Ceix dans l'horreur du naufrage ,
Et qu'elle entende fes regrets. &c.
Les fonges executent les ordres de Jus
non & du Dieu du fommeil. Alcione à
fon réveil ne peut mieux remercier Junon
que par ces Vers :
Déeffe, c'eft donc toi qui m'offres cette image
Tu viens m'avertir de mon fort ;
Eh bien pour prix de mon hommage ,
Acheve & donne moi la mort.
'Au cinquième Acte , Le Théatre repré .
fente un endroit des Jardins de Ceix Le
commencement de la Scene fe paffe dans la
nuit .
I. Vol. Les
JUIN, 1730, 1197
Les remors de Pelée vont toûjours en
augmentant ; l'ombre de Ceix les a re
doublez : il le fait connoître par ces Vers
L'ombre de mon ami s'éleve contre moi ;
Je vois couler les pleurs , j'entends fes cris funes
bres &c.
Alcione reproche à fes Suivantes la
cruauté qu'elles ont eue de lui arracherle
fer & le poifon ; Pelée la preffe de vivre
pour venger Ceix ; il lui promet de
lui livrer l'Auteur du crime , pourvû
qu'elle lui jure de lui percer le coeur. Al
cione fait le ferment que Pelée lui demande
; Pelée lui donne fon épée , &lui montre
fon coeur à fraper, Alcione faifie d'horreur
veut ſe frapper elle- même , après
avoir dit çe Vers ; се
Eh bien , fi vous m'aimez , ma mort va vous
punir.
Ses Suivantes lui , retiennent le bras
Phofphore vient calmer fon defefpoir par
ces Vers :
Ce que le fort m'apprend doit calmer tes allar
mes ;
Alcione , le Ciel va te rendre mon Fils
Aujourd'hui , pour prix de tes larmes ,
Vous devez fur ces bords être à jamais unis,
I. Vol. Pelée
1198 MERCURE DE FRANCE
Pelée reçoit ce nouvel Oracle avec beau
de moderation; il quitte pour jamais
Alcione , en lui diſant :
Coup
Pardonnez-moi le feu qui me dévore,
Je vais loin de vos yeux expier mes défirs ;
Je vais percer ce coeur qui vous adore
Et je meurs trop heureux encore ,
Si le Ciel à mes maux égale vos plaiſirs,
Alcione lui rend générofité pour générofité
; elle dit :
C'eft l'ami de Ceix ; ciel , pour lui je t'implore.
Le bonheur que Phoſphore a annoncé à
Alcione eft acheté par de mortelles allarmes;
elle apperçoit un corps pouffé par les
vagues fur le rivage ; elle approche & reconnoît
que c'est celui de fon Amant; elle
prend l'épée de fon cher Ceix, & s'en frappe.
Neptune pour réparer les maux qu'il
leur a faits , les reffufcite tous deux & les
rend immortels. Les Peuples celebrent
leur Apothéose.
On ne fçauroit difconvenir qu'il n'y ait
d'excellentes chofes dans la Mufique &
dans le Poëme de cet Opéra, Le Muficien
a eu moins de contradicteurs que le Poëte
; mais toutes les Critiques qu'on a faites
contre M. de la Mothe retombent fur
Qvide. Il n'a jamais tant fignalé fon ref-
I. Vol.
pect
JUIN. 1739. 1199
pect pour les anciens que dans cet ouvrage.
On a beau dire que Ceix joue bien de
malheur d'être noyé après avoir épousé
la fille du Dieu des Vents , d'autant plus
qu'il eft lui- même protégé de Neptune .
On ajoute en vain que Junon auroit
bien pû fe paffet de faire offrir à Alcione
qui l'implore , le cruel ſpectacle du naufrage
de fon époux . Tout cela fe trouve
à la lettre dans la Fable fur laquelle on a
compofé cet Opera. Il eft vrai que l'Auteur
n'a pas mis Pelée en fituation de
briller ; mais ce vertueux époux de Thétis
s'eft trouvé pour fon malheur dans la
Cour de Céix , & M. de la Mothe n'a pas
cru devoir chercher ailleurs un Rival de
ce Roy de Trachines , lieu de la Scene ;
s'il ne lui donne pas de la vertu , il lui
donne au moins des remors. Il ne lui
auroit pas été difficile , dit- on , de jetter
tout l'odieux de fa Tragedie fur fon perfonnage
épifodique.
Phorbas animé par fes droits au Trône,
& par l'amour, qu'on auroit pû y ajoûter
pour Alcione , auroit agi d'une maniere
moins indécife , & on auroit vû en lui.
plus de crimes que de remors. Quelques
Critiques trop feyeres ont encore reproché
à M. de la Mothe , l'amour que Pelée
reffent pour Alcione , tout uni qu'il eft
avec Thétis par des noeuds immortels ;
I. Vol.
mais
1200 MERCURE DE FRANCE .
mais M, de la Mothe peut aifément réfuter
cette objection , en difant qu'il fuppofe
que Pélée n'a pas encore époufé
Thétis; quoiqu'Ovide le faffe pere d'Achille
avant fon arrivée à la Cour de Céix;
un auteur de Tragédie n'eft pas efclave
des temps jufqu'à n'ofer en faire la moin,
dre tranfpofition, quand le fujet qu'il trai
te en a befoin. 1
Cet Opera n'a jamais été fi-bien exécuté
qu'à cette feconde repriſe , les rôles de
Céix & d'Alcione y font rendus d'une
maniere tres-pathetique par le fieur Triboult,
& par la DePeliffier, le S'Chaffe prête
au fien tout l'interêt dont il eft fufceptible.
Le fieur du Moulin , & les Dlles Camargo
& Salé brillent chacune dans leur
genre. Tous les autres Acteurs chantans
& dançants fe diftinguent auffi , & contribuent
, à l'envi , au fuccès.
le de Mufique donna la premiere
Repréſentation d'Alcione , Tragédie de
M. de La Mothe & de M. Marais. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois
le 18. Fevrier 1706. le fuccès qu'il eut engagea
à le remettre au Théatre le 17.
Avril 1719. la repriſe ne répondit pas aux
efperances qu'on en avoit conçues dans
fa naiffance ; mais on vient de rendre à
cet Ouvrage la juftice qui lui eft dûë . Le
Poëte & le Muficien ont partagé les applaudiffemens
; & fi quelques Critiques
fe font élevés contre le Poëme , M. de
La Mothe n'y a donné lieu que pour
s'être un peu trop fcrupuleufement attaché
à la maniere dont Ovide a traité ce
ſujet ; tant il eſt vrai que dans les Ou
vrages de Théatre , le vrai -femblable doit
être préferé au vrai. Au refte , le Public
trouve ce Poëme très bien écrit , & rempli
d'efprit & de fentimens on en va juger
par quelques morceaux.
Le Theatre représente au Prologue le Mont
Tmole ; des Fleuves & des Nayades appuyés
fur leurs urnes occupent la Montagne , &
I. Vol. forJUIN
1730. 1189
Forment une efpecè de cafcade.
Tmole fait connoître qu'Apollon &
Pan l'ont chiofi pour Arbitre de leurs
Chants. Pan choifit la guerre pour fujet.
Voici comment il s'exprime :
Fuyez , Mortels , fuyez un indigne repos ;
Non , ne vous plaignez plus des horreurs de la
guerre ; 1
Elle vous donne les Héros ;
Elle fait les Dieux de la Terre.
Courez affronter le trépas ;
Allez jouir de la victoire .
Sur fon front couronné , qu'elle étale d'appas §
L'affreufe mort qui vole au devant de ſes pas
Fait naître l'immortelle gloire.
Apollon celebre les avantages de la
Paix en ces termes :
Aimable Paix , c'eft toi que celebrent mes chants;
Defcends , vien triompher du fier Dieu de la
Thrace.
Tout rit à ton retour tout brille dans nos
champs ;
Dès que tu difparois , tout l'éclat s'en efface.
Regne , Fille du Ciel , mets la Difcorde aux fers;
Que le bruit des tambours dont la terre s'allarme
Ne trouble plus nos doux Concerts.
I. Vol.
Que
1196 MERCURE DE FRANCÉ
Heureux , heureux cent fois le vainqueur qui aè
s'arme
Que pour te rendre à l'Univers.
Le Chaur repete trois Vers de ce qu'Apollon
a chanté ; ce qui peut être ne contribuë
pas peu à déterminer Tmole en
faveur d'Apollon ; il couronne le Dieu '
des Vers , & Pan fe retire , non ſans ſe
plaindre de fon Juge . Le Prologue finit
par des danfes en l'honneur d'Apollon
& de l'Amour. Apollon annonce la Paix
à l'Univers , & ordonne aux Mufes derenouveller
l'Hiftoire des Alcions qui font
regner le calme fur les flots.
Au premier Acte , le Théatre repréſente
une Galerie du Palais de Ceix , terminée par
un endroit du Palais confacré aux Dieux.
Cet Acte n'eft pas chargé de beaucoup
d'action. Pelée amoureux d'Alcione , que
Ceix , Roi de Trachines , & fon ami ,
va époufer , témoigne fon defefpoir à
Phorbas , Magicien , dont les Ayeux ont
occupé le Trône de Ceix ; Phorbas lui
promet le fecours des Enfers pour troubler
un Hymen fi fatal à fon amour ; la
vertu de Pelée s'oppofe à cette perfidie ;
il le fait connoître par ces Vers :
Amour , cede à mes pleurs , & refpecte ma
gloire ;
Ah ! laiffe-moi brifer mes fers.
I. Vol. C'eft
I JUIN. 1730. 1191
C'est trop à la vertu difputer la victoire ,
Contente-toi , cruel , des maux que j'ai foufferts
Amour &c.
Phorbas le veut fervir malgré lui , &
lui dit :
Iſmene & moi , nous allons par nos charmes
Secourir votre amour contre votre vertu.
Pelée ne donne qu'un demi confentement
, exprimé par ce Vers :
}
Arrête ... on vient , ô Ciel , à quoi me réduis-tu?” ,
Ceix vient avec Alcione ; ils font fuivis
de leurs Sujets qui font le divertiffement.
Le Grand Prêtre invite ces deux Amans
à s'approcher de l'Autel. Ils n'achevent
pas le facré ferment qui doit les unir ; le
tonnerre gronde ; des Furies fortent des
Enfers ; elles faififfent en volant les flambeaux
des Prêtres , & embrafent tout le
Palais. Pelée témoigne fes remords par
ces Vers :
-Cet Autel , ce Palais devoré par la flamme
Malgré moi flatte mon ardeur ;
Mais je ne fens qu'avec horreur
Le perfide plaifir qui renaît dans mon ame.
Dieux , juftes Dieux , vengez- les-, vengez vous ;
Lancez vos traits ; je me livre à vos coups .
I
I. Vol.
Le
1192 MERCURE DE FRANCE
Le fecond Acte où le Théatré repréſente
une folitude affreuse & l'entrée de l'antre de
Phorbas & d'Ifmene , n'eft gueres plus
chargé d'action que le précedent. Phorbas
& Ilmene le préparent à fervir Pelée
malgré lui même . Ceix accufe les Dieux
de fon malheur , & les irrite par ces blafphêmes
:
Dieux cruels ! puniffez ma rage & mes murmu
res ;
Frappor , Dieux inhumains , comblez votre ri
gueur ;
Vous plaiſez vous à voir dans mes injures
L'excès du defefpoir où vous livrer mon coeur.
Dans la croyance où il eft que les Dieux
font armés contre lui , il fe réfoud à armer
les Enfers contre eux . Phorbas & If
mene feignent de le fervir malgré eux ;
ils confultent les Enfers. Voici l'oracle
que Phorbas lui prononce , en lifant fon
fort dans les Enfers qu'il a tranfportés en
ces lieux
par fes enchantemens , où dont
il leur fait voir la terrible, apparence.
Que vois-je ? où fuis-je ? ô Ciel ! quels effroyables
cris !
Infortuné tu perds l'objet que tú chéris
Od t'entraine l'amour arrête ; tu péris.
Quoique cet oracle paroiffe d'abord ab-.
I. Vol.
ܝ
folu
JUIN. 1730. 1193
folu , Phorbas le rend conditionel
Vers qu'il ajoûte :
par
ces
Hâte toi ; cours chercher du fecours à Claros
Apollon à ton fort peut encor mettre obftacle ;
Il n'eft permis qu'à lui d'affurer ton repos.
Pour le déterminer à partir , Phorbas
lui fait entendre que les jours de fa Princeffe
dépendent de ce voyage. Jufques là
on croit que Phorbas a inventé ce qu'il
vient d'annoncer ; mais il ne laiffe plus
douter qu'il n'ait vû le fort de Ceix
quand il dit en confidence à Ifmene , fon
Ecoliere en Magie :
J'ai vu fon fort ; fon départ va hâter
Les malheurs qu'il croit éviter.
Le Port de Trachines & un Vaiffeau
prêt à partir font la décoration du troifiéme
Acte . Pelée continue à fe livrer à fes
remords ; mais par malheur ils font infruc
tueux. Phorbas le flatte d'un plus heureux
fuccès dans fon amour par le départ de
Ceix ; il lui répond :
L'abfence d'un Rival flatte peu mes defirs
Rien ne rendra mon fort moins déplorable ;
Les maux de ce Rival m'arrachent des foupirs
Je ne puis à la fois être heureux & coupable.
Non , pour un coeur que le remors accable,
I. Vol.
Les
1194 MERCURE DE FRANCE
Les faveurs de l'amour ne font plus des plaifirs .
>
Les Matelots qui doivent conduire Ceix
à Claros viennent témoigner la joye
qu'ils ont de fervir leur Roi . Cette Fête
eft très guaye & très brillante ; elle eft
fuivie des adieux de Ceix & d'Alcione.
Cette Scene eft des plus intereffantes ;
en voici quelques fragmens.
Alcione
Mon coeur à chaque inftant vous croira la victime
t
Des flots & des vents en courroux ;
Je connois l'ardeur qui m'anime ;
Je mourrai des dangers que je craindrai pour
Yous.
Ceix.
Ah ! plus dans cet amour mon coeur trouve de
charmes ,
Et plus je fens pour vous redoubler mes frayeurs.
Laiffez moi fur vos jours diffiper mes allarmes ,
Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs
, &c.
Alcione.
Vous partez donc, cruels ! Dieux ! je frémis ; je
tremble ;
Eft-ce ainfi qu'à mes pleurs s'attendrit un Epoux
Laiffez- moi par pitié m'expoſer avec vous ;
Du moins , s'il faut fouffrir , nous fouffrirons enfemble,
&c.
Ceix
JUIN. 1730. 1195
Ceix part après avoir recommandé Alcione
à Pelée ; Alcione fuit le Vaiffeau des
yeux ; & ceffant de voir Ceix , elle s'évanouit
; elle reprend fes fens en prononçant
le nom de Ceix . L'Acte finit
duo entre Alcione & Pelée.
Que j'éprouve un fupplice horrible !
Ciel , ne nous donnez -vous ,
Un coeur tendre & fenfible ,
par ce
Que pour le mieux percer de vos funeftes coups
Alcione commence le 4 Acte par ce
beau Monologue . Le Théatre reprefente
le Temple de Junon ,
Amour, cruel Amour , fois touché de mes peines,
Ecoute mes foupirs & voi couler mes pleurs.
Depuis que je fuis dans tes chaînes ,
Tu m'as fait éprouver les plus affreux malheurs ,
Le départ d'un Amant a comblé mes douleurs ;
Mais malgré tant de maux, fi tu me le ramenes,
Je te pardonne tes rigueurs.
Amour , &c.
La Grande Prêtreffe de Junon & fa fuite
viennent implorer la Déeffe en faveur de
Ceix & d'Alcione , ce qui forme le Divertiffement.
Alcione s'endort par un
pouvoir auquel elle ne peut refifter . Le
Dieu du fommeil ordonne qu'on la laiffe
I. Vol.
feule
1196 MERCURE DE FRANCE
feule , après avoir fait entendre qu'il va
executer les ordres fouverains de Junona
Voici ce qui donne lieu à cette fameuſe
tempête d'Alcione , fi connuë & fi admirée
:
Le Sommeil.
Volez , fonges , volez ; faites lui voir l'orage
Qui dans ce même inftant lui ravit fon Epoux ;
De l'onde foulevée imitez le courroux ',
Et des vents déchaînés l'impitoyable rage.
Toi qui fçais des Mortels emprunter tous les
traits ,
Morphée , à fes efprits offre une vaine image ;
Préfente lui Ceix dans l'horreur du naufrage ,
Et qu'elle entende fes regrets. &c.
Les fonges executent les ordres de Jus
non & du Dieu du fommeil. Alcione à
fon réveil ne peut mieux remercier Junon
que par ces Vers :
Déeffe, c'eft donc toi qui m'offres cette image
Tu viens m'avertir de mon fort ;
Eh bien pour prix de mon hommage ,
Acheve & donne moi la mort.
'Au cinquième Acte , Le Théatre repré .
fente un endroit des Jardins de Ceix Le
commencement de la Scene fe paffe dans la
nuit .
I. Vol. Les
JUIN, 1730, 1197
Les remors de Pelée vont toûjours en
augmentant ; l'ombre de Ceix les a re
doublez : il le fait connoître par ces Vers
L'ombre de mon ami s'éleve contre moi ;
Je vois couler les pleurs , j'entends fes cris funes
bres &c.
Alcione reproche à fes Suivantes la
cruauté qu'elles ont eue de lui arracherle
fer & le poifon ; Pelée la preffe de vivre
pour venger Ceix ; il lui promet de
lui livrer l'Auteur du crime , pourvû
qu'elle lui jure de lui percer le coeur. Al
cione fait le ferment que Pelée lui demande
; Pelée lui donne fon épée , &lui montre
fon coeur à fraper, Alcione faifie d'horreur
veut ſe frapper elle- même , après
avoir dit çe Vers ; се
Eh bien , fi vous m'aimez , ma mort va vous
punir.
Ses Suivantes lui , retiennent le bras
Phofphore vient calmer fon defefpoir par
ces Vers :
Ce que le fort m'apprend doit calmer tes allar
mes ;
Alcione , le Ciel va te rendre mon Fils
Aujourd'hui , pour prix de tes larmes ,
Vous devez fur ces bords être à jamais unis,
I. Vol. Pelée
1198 MERCURE DE FRANCE
Pelée reçoit ce nouvel Oracle avec beau
de moderation; il quitte pour jamais
Alcione , en lui diſant :
Coup
Pardonnez-moi le feu qui me dévore,
Je vais loin de vos yeux expier mes défirs ;
Je vais percer ce coeur qui vous adore
Et je meurs trop heureux encore ,
Si le Ciel à mes maux égale vos plaiſirs,
Alcione lui rend générofité pour générofité
; elle dit :
C'eft l'ami de Ceix ; ciel , pour lui je t'implore.
Le bonheur que Phoſphore a annoncé à
Alcione eft acheté par de mortelles allarmes;
elle apperçoit un corps pouffé par les
vagues fur le rivage ; elle approche & reconnoît
que c'est celui de fon Amant; elle
prend l'épée de fon cher Ceix, & s'en frappe.
Neptune pour réparer les maux qu'il
leur a faits , les reffufcite tous deux & les
rend immortels. Les Peuples celebrent
leur Apothéose.
On ne fçauroit difconvenir qu'il n'y ait
d'excellentes chofes dans la Mufique &
dans le Poëme de cet Opéra, Le Muficien
a eu moins de contradicteurs que le Poëte
; mais toutes les Critiques qu'on a faites
contre M. de la Mothe retombent fur
Qvide. Il n'a jamais tant fignalé fon ref-
I. Vol.
pect
JUIN. 1739. 1199
pect pour les anciens que dans cet ouvrage.
On a beau dire que Ceix joue bien de
malheur d'être noyé après avoir épousé
la fille du Dieu des Vents , d'autant plus
qu'il eft lui- même protégé de Neptune .
On ajoute en vain que Junon auroit
bien pû fe paffet de faire offrir à Alcione
qui l'implore , le cruel ſpectacle du naufrage
de fon époux . Tout cela fe trouve
à la lettre dans la Fable fur laquelle on a
compofé cet Opera. Il eft vrai que l'Auteur
n'a pas mis Pelée en fituation de
briller ; mais ce vertueux époux de Thétis
s'eft trouvé pour fon malheur dans la
Cour de Céix , & M. de la Mothe n'a pas
cru devoir chercher ailleurs un Rival de
ce Roy de Trachines , lieu de la Scene ;
s'il ne lui donne pas de la vertu , il lui
donne au moins des remors. Il ne lui
auroit pas été difficile , dit- on , de jetter
tout l'odieux de fa Tragedie fur fon perfonnage
épifodique.
Phorbas animé par fes droits au Trône,
& par l'amour, qu'on auroit pû y ajoûter
pour Alcione , auroit agi d'une maniere
moins indécife , & on auroit vû en lui.
plus de crimes que de remors. Quelques
Critiques trop feyeres ont encore reproché
à M. de la Mothe , l'amour que Pelée
reffent pour Alcione , tout uni qu'il eft
avec Thétis par des noeuds immortels ;
I. Vol.
mais
1200 MERCURE DE FRANCE .
mais M, de la Mothe peut aifément réfuter
cette objection , en difant qu'il fuppofe
que Pélée n'a pas encore époufé
Thétis; quoiqu'Ovide le faffe pere d'Achille
avant fon arrivée à la Cour de Céix;
un auteur de Tragédie n'eft pas efclave
des temps jufqu'à n'ofer en faire la moin,
dre tranfpofition, quand le fujet qu'il trai
te en a befoin. 1
Cet Opera n'a jamais été fi-bien exécuté
qu'à cette feconde repriſe , les rôles de
Céix & d'Alcione y font rendus d'une
maniere tres-pathetique par le fieur Triboult,
& par la DePeliffier, le S'Chaffe prête
au fien tout l'interêt dont il eft fufceptible.
Le fieur du Moulin , & les Dlles Camargo
& Salé brillent chacune dans leur
genre. Tous les autres Acteurs chantans
& dançants fe diftinguent auffi , & contribuent
, à l'envi , au fuccès.
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Résumé : Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
Le 9 mai, l'Académie Royale de Musique présenta 'Alcione', une tragédie en musique de M. de La Mothe et M. Marais. Cet opéra avait déjà été joué en 1706 et repris en 1719, mais sans le succès attendu. La dernière représentation a été acclamée, partageant les applaudissements entre le poète et le musicien. Certaines critiques ont été formulées contre le poème, M. de La Mothe étant reproché d'avoir trop fidèlement suivi Ovide. L'opéra commence par un prologue où le mont Tmole arbitre entre Apollon et Pan, qui chantent respectivement les mérites de la paix et de la guerre. Apollon est couronné, et le prologue se termine par des danses en l'honneur d'Apollon et de l'Amour. Dans le premier acte, Pelée, amoureux d'Alcione, exprime son désespoir à Phorbas, un magicien. Phorbas propose d'utiliser la magie pour troubler le mariage entre Alcione et Ceix, roi de Trachines et ami de Pelée. Pelée refuse initialement, mais Phorbas insiste. Lors de la cérémonie de mariage, un tonnerre interrompt la célébration, et des furies mettent le feu au palais. Dans le second acte, Phorbas et Ismène préparent un oracle pour Ceix, qui accuse les dieux de son malheur. L'oracle lui conseille de se rendre à Claros pour consulter Apollon. Ceix part, laissant Alcione en larmes. Le troisième acte se déroule au port de Trachines, où Ceix et Alcione échangent des adieux poignants avant le départ de Ceix. Alcione s'évanouit après avoir perdu de vue Ceix. Dans le quatrième acte, Alcione, désespérée, implore Junon en rêve. Junon lui montre la mort de Ceix dans une tempête. À son réveil, Alcione est dévastée. Le cinquième acte commence dans les jardins de Ceix. Pelée, tourmenté par les remords, rencontre Alcione. Ils décident de se venger mutuellement, mais Phosphore annonce que Ceix est vivant. Alcione trouve le corps de Ceix sur le rivage et se suicide. Neptune les ressuscite et les rend immortels, célébrant leur apothéose. La représentation a été particulièrement bien exécutée, avec des interprétations émotives des rôles principaux par le sieur Triboult et la demoiselle Delpissier. Le sieur Chasse, ainsi que les demoiselles Camargo et Salé, se sont également distingués. Tous les acteurs, qu'ils chantent ou dansent, ont contribué au succès de la représentation.
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102
p. 1330-1333
ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
Début :
Scavantes Nimphes du Permesse, [...]
Mots clefs :
Princesse de Conti, Coeur, Héros
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texteReconnaissance textuelle : ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
ODE
Préfentée à Madame la Princeffe de Conti ,
par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire
de Pezenas , lorfque la Princeffe paffa par
cette Villle avec M. le Prince de Conti
fon fils , le 4 du mois de fuin 1730 ,
S Cavantes Nimphes du Permeffe ,
Dans vos Concerts harmonieux ,
Celebrez l'Augufte Princeffe
Qui vient de s'offrir à mes yeux.
Par vous plus d'une fois conduite
Ma Lyre a chanté le mérite
Des demi dieux & des Héros ;
II. Vol. Epris
JUI N. 1739. 1331
.
Epris d'une fureur divine ,
Je vais chanter une Héroïne ,
Infpirez-moi des tours nouveaux.
Quels charmes éclatent en elle
Son afpect ravit mes efprits ;
Telle parut cette immortelle
Qui ravit le coeur de Paris .
Mais où tend ton vol témeraire
Mufe , fi tu prétens lui plaire
Laiffe tous ces frêles attraits ;
Son coeur que la fageffe guide
D'un éloge bien plus folide
Te fournira les plus beaux traits.
?
Des doux charmes que la nature
Nous accorde au gré du deſtin
L'éclat trop fragile ne dure ,
Comme la rofe , qu'un matin.
Et s'ils méritent quelque éloge ,
Plus d'une Mortelle s'arroge
Les hommages qui leur font dûs :
Princeffe , fi tu les furpaffes ,
Tu fçais unir avec les graces
L'éclat des plus rares vertus .
Ces vertus , plus que la Naiffance ,
Font que tu regnes fur le coeur
J
I'I, Vol.
D#
1332 MERCURE DE FRANCE
Des Peuples dont par ta prudence
Tu ſçais afſurer le bonheur .
Lorfque la Parque meurtriere
Vint borner l'illuftre carriere
Du Héros l'objet de tes feux ,
Quelle reffource à nos diſgraces ! ( a )
Si ton grand coeur fuivant les traces
Ne l'eut fait revivre à nos yeux.
Mais que fais-tu , Mufe imprudente ?
Faut - il par tes triftes accens
D'une playe encore fanglante
Renouveller les traits perçans ?
Banniffons ces mornes penfées ,
Pourquoi de nos pertes paffées
Garder encor le fouvenir ?
CONTI reproduit de fa cendre
Un Héros qui nous fait attendre
Le plus gracieux avenir.
Conduit par fon augufte Mere
Dans le fentier de la vertu,
Il regarde d'un oeil fevere
A fes pieds le vice abbatu :
Exemt d'une indigne moleffe ,
Il fait les jeux de fa jeuneffe
Des deffeins les plus glorieux ;
( a ) Pezenas dépend de la Maiſon de Conti.
II. Vol. On
JUIN. 1333 1730.
On le voit courir pour s'inftruire
Des moyens de les rendre heureux.
Ainfi , lorfqu'un foudain orage
Vient renverfer par La fureur
Un Arbre dont l'épais feuillage.
Servoit d'azile au Laboureur
Trifte , il detefte la tempête,
Qui met à découvert la tête
;
En proye au trait du Chien brulant
Mais tandis qu'il murmure encore
Un Rejetton qu'il voit éclore
Ranime fon coeur languiffant.
O vous ! dont la main bienfaiſante
Cultive ce tendre Rameau ,
Préſervez de l'ardeur brulante
Un fi précieux Arbriffeau.
Qu'à fes pieds l'Onde toujours pure
Coulant avec un doux murmure
L'arrofe dans les jeunes ans
Qu'ainfi de fa tige féconde
Naiffent les plus beaux fruits du monde ;
Qu'il nous promet dès fon Printems
Préfentée à Madame la Princeffe de Conti ,
par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire
de Pezenas , lorfque la Princeffe paffa par
cette Villle avec M. le Prince de Conti
fon fils , le 4 du mois de fuin 1730 ,
S Cavantes Nimphes du Permeffe ,
Dans vos Concerts harmonieux ,
Celebrez l'Augufte Princeffe
Qui vient de s'offrir à mes yeux.
Par vous plus d'une fois conduite
Ma Lyre a chanté le mérite
Des demi dieux & des Héros ;
II. Vol. Epris
JUI N. 1739. 1331
.
Epris d'une fureur divine ,
Je vais chanter une Héroïne ,
Infpirez-moi des tours nouveaux.
Quels charmes éclatent en elle
Son afpect ravit mes efprits ;
Telle parut cette immortelle
Qui ravit le coeur de Paris .
Mais où tend ton vol témeraire
Mufe , fi tu prétens lui plaire
Laiffe tous ces frêles attraits ;
Son coeur que la fageffe guide
D'un éloge bien plus folide
Te fournira les plus beaux traits.
?
Des doux charmes que la nature
Nous accorde au gré du deſtin
L'éclat trop fragile ne dure ,
Comme la rofe , qu'un matin.
Et s'ils méritent quelque éloge ,
Plus d'une Mortelle s'arroge
Les hommages qui leur font dûs :
Princeffe , fi tu les furpaffes ,
Tu fçais unir avec les graces
L'éclat des plus rares vertus .
Ces vertus , plus que la Naiffance ,
Font que tu regnes fur le coeur
J
I'I, Vol.
D#
1332 MERCURE DE FRANCE
Des Peuples dont par ta prudence
Tu ſçais afſurer le bonheur .
Lorfque la Parque meurtriere
Vint borner l'illuftre carriere
Du Héros l'objet de tes feux ,
Quelle reffource à nos diſgraces ! ( a )
Si ton grand coeur fuivant les traces
Ne l'eut fait revivre à nos yeux.
Mais que fais-tu , Mufe imprudente ?
Faut - il par tes triftes accens
D'une playe encore fanglante
Renouveller les traits perçans ?
Banniffons ces mornes penfées ,
Pourquoi de nos pertes paffées
Garder encor le fouvenir ?
CONTI reproduit de fa cendre
Un Héros qui nous fait attendre
Le plus gracieux avenir.
Conduit par fon augufte Mere
Dans le fentier de la vertu,
Il regarde d'un oeil fevere
A fes pieds le vice abbatu :
Exemt d'une indigne moleffe ,
Il fait les jeux de fa jeuneffe
Des deffeins les plus glorieux ;
( a ) Pezenas dépend de la Maiſon de Conti.
II. Vol. On
JUIN. 1333 1730.
On le voit courir pour s'inftruire
Des moyens de les rendre heureux.
Ainfi , lorfqu'un foudain orage
Vient renverfer par La fureur
Un Arbre dont l'épais feuillage.
Servoit d'azile au Laboureur
Trifte , il detefte la tempête,
Qui met à découvert la tête
;
En proye au trait du Chien brulant
Mais tandis qu'il murmure encore
Un Rejetton qu'il voit éclore
Ranime fon coeur languiffant.
O vous ! dont la main bienfaiſante
Cultive ce tendre Rameau ,
Préſervez de l'ardeur brulante
Un fi précieux Arbriffeau.
Qu'à fes pieds l'Onde toujours pure
Coulant avec un doux murmure
L'arrofe dans les jeunes ans
Qu'ainfi de fa tige féconde
Naiffent les plus beaux fruits du monde ;
Qu'il nous promet dès fon Printems
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Résumé : ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
Le 4 juin 1730, les écoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pezenas ont présenté une ode à la Princesse de Conti lors de son passage avec son fils, le Prince de Conti. L'ode célèbre les mérites de la Princesse, comparée à une héroïne dont les charmes et les vertus surpassent les attraits physiques éphémères. Elle est louée pour ses vertus qui lui permettent de régner sur le cœur des peuples et d'assurer leur bonheur par sa prudence. Le poème évoque également la mort du héros aimé par la Princesse et la consolation apportée par la continuité de son héritage à travers son fils. Le Prince de Conti est décrit comme un jeune homme vertueux, exempt de mollesse, et dévoué au bien-être des autres. Le texte se termine par une prière pour que le Prince, comparé à un jeune arbre, soit protégé et cultivé afin de produire les plus beaux fruits.
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103
p. 1518-1521
EPITRE A Madame la Comtesse de B ... qui demandoit des Logogryphes qu'elle se plaît à deviner.
Début :
Que vous sçavez du Sphinx braver les griffes [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Logogriphe
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE A Madame la Comtesse de B ... qui demandoit des Logogryphes qu'elle se plaît à deviner.
EPITRE
A Madame la Comteffe de B ... qui des
mandoit des Logogryphes qu'elle fe plaît
àd eviner.
QUe vous fçavez du Sphinx braver les griffes
Subtilement ! Enigmes , Logogryphes
Ne font pour vous qu'artifices d'enfant
Qu'un feul regard diffipe en un inſtant :
En vain cent fois dans une fombre Nuë ,
La verité , pour vous en impofer ,
Sous faux appas voulut fe déguifer ;
Foible projet vous l'avez reconnuë.
Prétendre donc pour vous dépaïfer
Rimer encor , c'eſt en vain s'épuifer ,
C'eft être fol , un Poëte eft peu fage
Me direz-vous , & fuivant cet uſage ,
Vous concluez que je puis tout ofer.
C,à ; je le veux ; c'eſt à toi , mon génie ,
A feconder un témeraire effort ;
Inſpire moi la plus fombre harmonie ;
Forgeons des Vers que l'habile Uranie
Life , relife , & maudiffe fon fort ,
De ne pouvoir , malgré fon induftrie
En penetrer l'Enigmatique accord
Qu'au
JUILLET. 1730. 1519
Qu'au même inftant le plus fimple vulgaire
D'un feul coup d'oeil devine le miſftere
Pour tel labeur , qu'au Permeffe étonné
D'un Laurier vert mon chef foit couronné.
Or , commençons , je connois dans le monde
Certain Pays du Détroit de la Sonde ,
Très- éloigné , là l'on voit rarement
La probité , la vertu , l'innocence ;
Tendre amitié , coeur fidele & conftant
Prefque jamais n'y font leur réfidence.
Là , cependant la divine Pallas
Rend fous nos yeux la vertu praticable ,
La fait aimer , lui donne des appas.
Des Malheureux azile favorable ,
Elle leur tend une main fecourable ;
A fes bienfaits que ne doivent- ils pas ▾
Compatiffante , affable, magnanime ,
De tous les coeurs elle emporte l'eſtime.
Goût délicat , exquis difcernement
Lui font choisir des amis dignes d'elle ,
Et ces amis par un retour charmant
Trouvent en elle un coeur tendre & fidele ,
Un coeur formé par les mains de l'Amour ;
Non par l'Amour , Idole d'Amathonte ,
Affreux Démon qu'accompagne la honte
Il ne fçauroit fe montrer au grand jour ;
Mais par l'Amour qui connoît pour
fa mere
Pure vertu ; fans crainte , fans miftere
Il
1520 MERCURE DE FRANCE
Il laiffe voir fes plus fecrets appas ,
Et la Vertu ne s'en allarme pas.
C'eft cet Amour qui regle fa tendreffe ;
C'eft cet Amour que regle fa fageffe.
De fon efprit les charmes amuſans
Rendent les jours plus courts que les momens.
A l'écouter on s'inſtruit , on s'oublie ,
Et Pon diroit que Pallas , de Thalie
Vient d'emprunter de nouveaux agrémens.
Dans fon Palais l'indolente pareffe
N'habite pas , fouvent avec adreffe
Sur un métier , en nous entretenant ,
Ses belles mains qu'une indigne moleffe
N'engourdit pas , forment à chaque inftant
Charmans Bouquets au coloris brillant
Vit-on jamais l'induftrieufe Flore
Dans fes Jardins en faire plus éclore ,
Et s'occuper plus agréablement ?
Des Appellés Pallas eft la Rivale ;
En s'amufant elle leur eft égale ,
Quand par le choix de diverfes couleurs
Elle marie à la fimple gravure
L'éclat brillant d'une vive peinture ;
Sous fes cifeaux je vois naître des fleurs ,
De hauts Rochers , d'où fortent des Fontaines
Qui vont couler dans de fertiles Plaines :
Arbres & fruits, perfonages, Oiſeaux
Semblent tomber des magiques Cifeaux.
Sur
JUILLET . 1739, 1521
Sur un Ecran gentille découpure
Y forme aprés un fi parfait tableau
Que l'on diroit que l'Art & la Nature
N'ont jamais fait un Ouvrage plus beau.
C'en eft affez , devinez Uranie ,
Qu'ai-je dépeint fous cette Allegorie .
Je l'ai bien dit , c'eft Enigme pour vous ,
Et cependant évidence pour nous.
L'Abbé de W. de B.
A Madame la Comteffe de B ... qui des
mandoit des Logogryphes qu'elle fe plaît
àd eviner.
QUe vous fçavez du Sphinx braver les griffes
Subtilement ! Enigmes , Logogryphes
Ne font pour vous qu'artifices d'enfant
Qu'un feul regard diffipe en un inſtant :
En vain cent fois dans une fombre Nuë ,
La verité , pour vous en impofer ,
Sous faux appas voulut fe déguifer ;
Foible projet vous l'avez reconnuë.
Prétendre donc pour vous dépaïfer
Rimer encor , c'eſt en vain s'épuifer ,
C'eft être fol , un Poëte eft peu fage
Me direz-vous , & fuivant cet uſage ,
Vous concluez que je puis tout ofer.
C,à ; je le veux ; c'eſt à toi , mon génie ,
A feconder un témeraire effort ;
Inſpire moi la plus fombre harmonie ;
Forgeons des Vers que l'habile Uranie
Life , relife , & maudiffe fon fort ,
De ne pouvoir , malgré fon induftrie
En penetrer l'Enigmatique accord
Qu'au
JUILLET. 1730. 1519
Qu'au même inftant le plus fimple vulgaire
D'un feul coup d'oeil devine le miſftere
Pour tel labeur , qu'au Permeffe étonné
D'un Laurier vert mon chef foit couronné.
Or , commençons , je connois dans le monde
Certain Pays du Détroit de la Sonde ,
Très- éloigné , là l'on voit rarement
La probité , la vertu , l'innocence ;
Tendre amitié , coeur fidele & conftant
Prefque jamais n'y font leur réfidence.
Là , cependant la divine Pallas
Rend fous nos yeux la vertu praticable ,
La fait aimer , lui donne des appas.
Des Malheureux azile favorable ,
Elle leur tend une main fecourable ;
A fes bienfaits que ne doivent- ils pas ▾
Compatiffante , affable, magnanime ,
De tous les coeurs elle emporte l'eſtime.
Goût délicat , exquis difcernement
Lui font choisir des amis dignes d'elle ,
Et ces amis par un retour charmant
Trouvent en elle un coeur tendre & fidele ,
Un coeur formé par les mains de l'Amour ;
Non par l'Amour , Idole d'Amathonte ,
Affreux Démon qu'accompagne la honte
Il ne fçauroit fe montrer au grand jour ;
Mais par l'Amour qui connoît pour
fa mere
Pure vertu ; fans crainte , fans miftere
Il
1520 MERCURE DE FRANCE
Il laiffe voir fes plus fecrets appas ,
Et la Vertu ne s'en allarme pas.
C'eft cet Amour qui regle fa tendreffe ;
C'eft cet Amour que regle fa fageffe.
De fon efprit les charmes amuſans
Rendent les jours plus courts que les momens.
A l'écouter on s'inſtruit , on s'oublie ,
Et Pon diroit que Pallas , de Thalie
Vient d'emprunter de nouveaux agrémens.
Dans fon Palais l'indolente pareffe
N'habite pas , fouvent avec adreffe
Sur un métier , en nous entretenant ,
Ses belles mains qu'une indigne moleffe
N'engourdit pas , forment à chaque inftant
Charmans Bouquets au coloris brillant
Vit-on jamais l'induftrieufe Flore
Dans fes Jardins en faire plus éclore ,
Et s'occuper plus agréablement ?
Des Appellés Pallas eft la Rivale ;
En s'amufant elle leur eft égale ,
Quand par le choix de diverfes couleurs
Elle marie à la fimple gravure
L'éclat brillant d'une vive peinture ;
Sous fes cifeaux je vois naître des fleurs ,
De hauts Rochers , d'où fortent des Fontaines
Qui vont couler dans de fertiles Plaines :
Arbres & fruits, perfonages, Oiſeaux
Semblent tomber des magiques Cifeaux.
Sur
JUILLET . 1739, 1521
Sur un Ecran gentille découpure
Y forme aprés un fi parfait tableau
Que l'on diroit que l'Art & la Nature
N'ont jamais fait un Ouvrage plus beau.
C'en eft affez , devinez Uranie ,
Qu'ai-je dépeint fous cette Allegorie .
Je l'ai bien dit , c'eft Enigme pour vous ,
Et cependant évidence pour nous.
L'Abbé de W. de B.
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Résumé : EPITRE A Madame la Comtesse de B ... qui demandoit des Logogryphes qu'elle se plaît à deviner.
L'épître est adressée à Madame la Comtesse de B..., reconnue pour son talent dans la résolution d'énigmes et de logogryphes. L'auteur admire sa capacité à dévoiler la vérité même lorsqu'elle est cachée et souhaite lui offrir un poème, espérant qu'elle en tirera une harmonie obscure accessible au vulgaire. L'auteur évoque un pays lointain près du Détroit de la Sonde, où la probité, la vertu et l'innocence sont rares. Cependant, la divine Pallas y rend la vertu praticable et aimable. Elle offre un refuge aux malheureux et est appréciée pour sa compassion, son affabilité et sa magnanimité. Pallas choisit des amis dignes d'elle, trouvant en eux des cœurs tendres et fidèles, régis par un amour pur et vertueux. L'auteur décrit Pallas comme active et industrieuse, créant des bouquets colorés et des tableaux vivants avec son métier à broder. Ses œuvres rivalisent avec celles de la nature et de l'art, formant des paysages et des scènes animées. L'épître se conclut par une invitation à deviner l'allégorie décrite.
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104
p. 1553-1555
ODE ANACREONTIQUE.
Début :
Sors de ton Isle de Cythere, [...]
Mots clefs :
Coeur, Plaisirs
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texteReconnaissance textuelle : ODE ANACREONTIQUE.
ODE ANACREONTIQUE.
Sors de ton Ifle de Cythere ,
Puiffant Dieu qui fais les heureux ;
Viens dans ce fejour folitaire ,
Suivi des Graces & des Jeux
M
Amour , c'est toi qui d'Epicure
Autrefois empruntant le nom",
Appris à fuivre la Nature ,
Méprisant l'altiere Raiſon.
M
1
Diij Viens
1554 MERCURE DE FRANCE
Vien , je t'ai confacré ma vie ,
Sous tes Loix range tous les coeurs ;
Je vois que la Philoſophie ,
N'offre que des plaifirs
trompeurs.
M
Il vaut bien mieux de fa Maîtreffe ,
Adorer les divins appas ,
Que courir après la Sagefſe ,
Qu'on cherche & qu'on ne trouve pas
Que fert que mon efprit avide ,
Parle , fi mon coeur le dément :
Oui , le coeur doit être mon guide ;
Il n'en eft point de plus charmant.
La fombre Morale , du Sage-
Fait le chimerique Portrait ,
Mais que vois-je dans cette image
Sinon que je fuis imparfait..
M
Pourquoi réfifter avec peine ,
A ce qu'infpirent nos defirs ?
Si l'on doit porter une chaîne ,
Que ce foit celle des plaifirs.
Cupidon , c'eft dans ton Ecole ,
Que
JUILLET. 1730. 1555
Que j'ay reçû ces doux avis ;
Acheve mon bonheur , cours , vole ,
Les redonner à ma Cloris.
D.C.
Sors de ton Ifle de Cythere ,
Puiffant Dieu qui fais les heureux ;
Viens dans ce fejour folitaire ,
Suivi des Graces & des Jeux
M
Amour , c'est toi qui d'Epicure
Autrefois empruntant le nom",
Appris à fuivre la Nature ,
Méprisant l'altiere Raiſon.
M
1
Diij Viens
1554 MERCURE DE FRANCE
Vien , je t'ai confacré ma vie ,
Sous tes Loix range tous les coeurs ;
Je vois que la Philoſophie ,
N'offre que des plaifirs
trompeurs.
M
Il vaut bien mieux de fa Maîtreffe ,
Adorer les divins appas ,
Que courir après la Sagefſe ,
Qu'on cherche & qu'on ne trouve pas
Que fert que mon efprit avide ,
Parle , fi mon coeur le dément :
Oui , le coeur doit être mon guide ;
Il n'en eft point de plus charmant.
La fombre Morale , du Sage-
Fait le chimerique Portrait ,
Mais que vois-je dans cette image
Sinon que je fuis imparfait..
M
Pourquoi réfifter avec peine ,
A ce qu'infpirent nos defirs ?
Si l'on doit porter une chaîne ,
Que ce foit celle des plaifirs.
Cupidon , c'eft dans ton Ecole ,
Que
JUILLET. 1730. 1555
Que j'ay reçû ces doux avis ;
Acheve mon bonheur , cours , vole ,
Les redonner à ma Cloris.
D.C.
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Résumé : ODE ANACREONTIQUE.
L''Ode Anacréontique' est un poème dédié à l'amour, incarné par le dieu Cupidon. Le poète invite Cupidon à quitter son île de Cythère pour un lieu solitaire, accompagné des Grâces et des jeux. Il voit en Cupidon l'incarnation des enseignements d'Épicure, qui prônent le suivi de la nature et le mépris de la raison. Le poète affirme avoir consacré sa vie à l'amour et souhaite que tous les cœurs soient soumis à ses lois, car la philosophie offre des plaisirs trompeurs. Il préfère adorer les charmes de l'amour plutôt que de chercher une sagesse inaccessible. Le cœur est présenté comme le guide le plus charmant, contrairement à la morale du sage, jugée chimérique et imparfaite. Le poète accepte de suivre ses désirs et de porter la chaîne des plaisirs. Il exprime son désir de redonner les doux avis reçus dans l'école de Cupidon à sa bien-aimée, Cloris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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105
p. 1570-1571
A Madame la Marquise de G... qui s'étoit brûlé le pied. Par M. de *** d'Arles.
Début :
Oui, je la sçais, votre avanture, [...]
Mots clefs :
Coeur, Pied, Brûlure
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texteReconnaissance textuelle : A Madame la Marquise de G... qui s'étoit brûlé le pied. Par M. de *** d'Arles.
Madame la Marquise de G ... qui
s'étoit brûlé le pied. Par M. de * **
d'Arles.
Ovi, Ui , je la fçais , votre avanture
Et voici d'où vient la brûlure.
L'Amour piqué que votre coeur
Bravât fi long- tems fa puiffance,
Vouloit abfolument s'en rendre le vainqueur,
Et le punir de tant d'indifference.
4
Pour un exploit fi grand il forme un trait nouveau
,
Et plus fort & plus invincible
Qu'aucun qui fut dans fon carquois terrible.
Mais comme il craint que fon Bandeau
Ne rende fes efforts fteriles ,
Et , lui cachant l'endroit qu'il veut percer
Ne lui faffe au hazard lancer,
Des coups qui feroient inutiles ,
Il le quitte , & dès lors du triomphe affuré ,
Par un fouris moqueur applaudit à ſa gloire.
Déja tous les Amours celebrent fa victoire ,
Et ce fuccés fi long- tems defiré ;
Déja dans mille Amans naît la douce efperance
De voir bientôt la fin de leur tourment.
Moi
JUILLET . 1730. 1574
Moi-même je fentis dans cet heureux moment
Moi , qui toujours pour vous brule dans le filen
ce ,
4
Je fentis un contentement
>
Que je n'éprouve point depuis qu'à tant de charmes
J'ai malgré moi rendu les armes.
Tremblez , tremblez , cruelle , il va partir le trait,
Grands Dieux ! que mon bonheur feroit digne
d'envie ,
Si je pouvois être l'objet
Pour lequel vous allez être enfin attendrie !
Mais quel Démon combat pour vous :
Au moment que l'Amour animé de courroux
Alloit lancer cette fleche invincible ,
Par malice , il vous porte un regard curieux ;
Ebloui tout à coup par l'éclat de vos yeux ,
Il manque votre coeur , & ce trait fi terrible
Qui devoit le remplir d'allarmes & de feux ,
Ce trait que j'attendois dans l'efpoir & la crainte
Ne porte à votre pied. qu'une legere atteinte.
s'étoit brûlé le pied. Par M. de * **
d'Arles.
Ovi, Ui , je la fçais , votre avanture
Et voici d'où vient la brûlure.
L'Amour piqué que votre coeur
Bravât fi long- tems fa puiffance,
Vouloit abfolument s'en rendre le vainqueur,
Et le punir de tant d'indifference.
4
Pour un exploit fi grand il forme un trait nouveau
,
Et plus fort & plus invincible
Qu'aucun qui fut dans fon carquois terrible.
Mais comme il craint que fon Bandeau
Ne rende fes efforts fteriles ,
Et , lui cachant l'endroit qu'il veut percer
Ne lui faffe au hazard lancer,
Des coups qui feroient inutiles ,
Il le quitte , & dès lors du triomphe affuré ,
Par un fouris moqueur applaudit à ſa gloire.
Déja tous les Amours celebrent fa victoire ,
Et ce fuccés fi long- tems defiré ;
Déja dans mille Amans naît la douce efperance
De voir bientôt la fin de leur tourment.
Moi
JUILLET . 1730. 1574
Moi-même je fentis dans cet heureux moment
Moi , qui toujours pour vous brule dans le filen
ce ,
4
Je fentis un contentement
>
Que je n'éprouve point depuis qu'à tant de charmes
J'ai malgré moi rendu les armes.
Tremblez , tremblez , cruelle , il va partir le trait,
Grands Dieux ! que mon bonheur feroit digne
d'envie ,
Si je pouvois être l'objet
Pour lequel vous allez être enfin attendrie !
Mais quel Démon combat pour vous :
Au moment que l'Amour animé de courroux
Alloit lancer cette fleche invincible ,
Par malice , il vous porte un regard curieux ;
Ebloui tout à coup par l'éclat de vos yeux ,
Il manque votre coeur , & ce trait fi terrible
Qui devoit le remplir d'allarmes & de feux ,
Ce trait que j'attendois dans l'efpoir & la crainte
Ne porte à votre pied. qu'une legere atteinte.
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Résumé : A Madame la Marquise de G... qui s'étoit brûlé le pied. Par M. de *** d'Arles.
Le poème 'Madame la Marquise de G...' de M. de * ** d'Arles relate une anecdote où la Marquise de G... se brûle le pied. Cette blessure est métaphorique et provient de l'Amour, qui punit la Marquise pour son indifférence. L'Amour, craignant de manquer sa cible, retire son bandeau pour s'assurer de son triomphe. Le narrateur exprime sa satisfaction face à cet événement, mais regrette que la Marquise n'ait pas été touchée au cœur. Il décrit comment l'Amour, ébloui par les yeux de la Marquise, a manqué son cœur et blessé son pied par erreur. Le poème souligne ainsi l'échec de l'Amour à atteindre son objectif initial.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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106
p. 1622-1633
Le Carnaval & la Folie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 13. Juillet, la même Académie remit au Théatre le Carnaval & la Folie, Comedie [...]
Mots clefs :
Comédie ballet, Académie royale de musique, Théâtre, Musique, Le Carnaval et la Folie, Hymen, Plaisirs, Yeux, Chagrin, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Carnaval & la Folie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 13. Juiller , la même Académie remit
au Théatre le Carnaval & la Folie, Comedie-
Balet , repréfenté pour la premiere
fois le 3. Janvier 1704. & reprife au mois
de May 1719. Les paroles font de M. de
la Motte , & la Mufique de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique du
Roi .
Cet Opera vient d'être executé avec
beaucoup de fuccès , & le Public a également
applaudi au Poëme & à la Mufique.
Au Prologue le Théatre repréfente les
Cieux où les Dieux font en Feftin . Fupiter
& Venus invitent toute la Troupe
immortelle à la joye par ce Duo.
Qu'a
JUILLET . 1730 1623
Qu'à nos voeux ici tout réponde.
Verfez-nous , verfez- nous la celefte Liqueur :
Verfez , que le Nectar enchante notre coeur ;
Qu'il y porte une paix profonde.
Venus fe levant de table , invite aux
plaifirs de l'Amour par ces Vers :
Goutons des plaifirs plus parfaits ,
Et que le tendre Amour à ſon tour nous inſpire ;
Regnez , Amour, regnez, raffemblez vos attraits ;
Triomphez, fur nos coeurs étendez votre empire ;
Mais qu'à fon gré chacun foupire :
Laiffez -nous le choix de vos Traits .
Momus fait fon office de Cenfeur ; Jupiter
lui ordonné de fe taire. Mercure
vient convier les Dieux à aller chercher
de nouveaux plaifirs fur la terre , où il
leur a preparé de nouvelles conquêtes ;
Momus , malgré l'ordre que Jupiter lui a
donné , continue à lâcher la cenfure.
Suivez, fuivez Mercure ; abandonnez les Cieux .
Livrez- vous aux plaifirs ; qu'envain la Gloire
gronde ,
L'Amour eft un plus digne objet ,
Aimez, il eft un Roi qui prend le foin du monde;
Jouiffez du loiſir qu'un Mortel vous a fait.
Ce dernier trait oblige Jupiterà
Gij exiler
1624 MERCURE DE FRANCE
à exiler Momus . Le Prologue n'a point
d'autre liaifon à la Piece que cet exil &
la defcente des Dieux fur la terre , à la
perfuafion de Mercure ; en effet Jupiter
& Venus doivent honorer de leur pre-
Tence l'Hymen du Carnaval & de la Folie .
Le Théatre repréfente au premier Acte
un Bois fleuri confacré à la Jeuneffe . Le
Carnaval partage fon coeur entre Bacchus
& l'Amour, & les prie tous deux de le
rendre heureux.
Momus exilé des Cieux , vient chercher
un azile chez le Carnaval , avec qui on le
fuppofe uni depuis long- temps . Le Carnaval
lui apprend qu'il aime la Folie , fille
"de Plutus , & de la Jeuneffe ; Momus applaudit
à fon choix ironiquement.
Plutus & la Jeuneffe amenent la pre
miere Fête de cet Acte ; le Théatre change
à la voix du Dieu des Richeffes : on
"voit un Palais magnifique s'élever , & les
Suivans de Plutus offrir leurs dons les plus
riches à la Jeuneffe. La Folie vient interrompre
la Fête. Elle fait connoître fon
mécontentement par ces Vers : ་
Ceffez , Jeux indifcrets , od manquoit la Folie ,
Qu'ici tout fe taiſe à ma voix ;
Je ne veux point fouffrir de Fête où l'on m'oublis;
at l'on ne doit ici vivre que
fous mes Loix. Loix
.
JUILLET. 1730. 1625
Elle dit à Plutus & à la Jeuneffe , qui
s'offenfent de fon audace:
Je dois la vie à votre amour ; "
Mais ne me comptez pas fous votre obéïffance ;
L'honneur de m'avoir mife au jour ,
Vous paye affez de ma naiffance.
Plutus & la Jeuneffe , pour l'appailer ,
font prêts à fe retirer ; elle les arrête en
leur difant que leur obéïffance lui fuffit,
& elle ranime la Fête par ces Vers .
Que votre regne recommence ;
r
Revenez, doux plaifirs , plaifirs , revenez tous ;
Mais revenez encor plus doux :
Vous languiffiez fans moi,brillez par ma preſence.
Après cette Fête qui eft encore plus
brillante que la premiere. Le Carnaval
prie Plutus & la Juneffe de confentir à
fon Hymen avec leur fille; ils lui font une
réponſe favorable ; il fe tourne vers la Folie
pour s'en applaudir avec elle , mais il
ne la trouve plus le confentement des
Auteurs de fa naiffance la fait difparoître.
Le Carnaval attribue cette fuite à fa pudeur
, & la va chercher pour faire écla
ter la joye à les yeux.
:
Au fecond Acte , le Théatre repréfente
une Campagne fertile. On voit fur le devant
d'un des côtez le Fleuve Lethé en-
Giij dormi
1626 MERCURE DE FRANCE
dormi für fon Urne , la Mer , & c . Le Carnaval
, rempli d'efperance , commence
l'Acte par ces Vers :
Sous les loix de l'Hymen je me range fans peine
Mon coeur y trouve des appas
Dieu du vin , n'en murmure pas ;
Tu dois t'applaudir de ma chaîne.
Les doux plaifirs qu'il prépare pour moi ,
Mettront le comble à ta victoire ;
Les fruits de mon Hymen ne naîtront que pour
toi ;
Bacchus , je les vouë à ta gloire.
La feconde Scene fait voir que le Carnaval
n'a point vû la Folie depuis la bruf
que difparition ; elle lui déclare qu'il ne
doit plus compter fur fon Hymen depuis
que Plutus & la Jeuneffe y ont donné un
plein confentement ; elle s'explique ainfi :
•
Non , non ; apprenez une fois
A connoître mieux la Folie ;
Je ne fuis point foumise aux loix
De ceux qui m'ont donné la vie :
Le contraire de leur envie ›
Détermine toûjours mon choix .
Non , non ; & c.
Cette Scene a paru très-brillante de la
de la Folie ; on ne doute point que part
l'AuJUILLET
. 1730. 1627
l'Auteur n'eût donné les mêmes gracesau
Carnaval ; mais par malheur ce Dieu des
Ris eft Amant & Amant maltraité , ce,
qui ne s'accorde pas avec fon caractere
qui ne doit refpirer que la joye . Il veut,
guérir de fon amour , la Folie lui confeille
de boire de l'eau fecourable du Lethé ; let
Carnaval veut mettre tout l'efpace des
Mers entre elle & lui , pour la mieux oublier.
La Folie y met obftacle pour n'avoir
pas la honte de fe voir quitter . Voici
comme elle s'exprime.
Ah ! n'ayons pas l'affront que l'on me quitte
Neptune , tu me dois l'hommage des Mortels ;
C'estmoi qui par leurs mains ai dreffé tes Autels;
Refufe ton Onde à fa fuite.
La Mer fe fouleve ; une troupe de Matelots
defcend d'un Vaiffeau échoué , ils
font vou de ne jamais fe rembarquer ; le
Fleuve Lethe leur offre le fecours de.
fes eaux pour leur faire oublier leur malheur.
A peine en ont - ils bû , qu'ils difent:
Embarquons -nous ; tout rit à nos defirs ;
Le vent propice nous feconde :
La Fortune & tous les plaiſirs ,
Nous attendent au bout du monde.
Prêts à fe rembarquer , la Folie vient
G iiij
les
1628 MERCURE DE FRANCE
les arrêter ; elle les accufe
d'ingratitude
& exige leurs hommages , pour prix des
biens dont elle feule leur tracel'image
ce qui donne lieu à une très-brillante Fête,
Jaquelle finie , le Carnaval veut fe réconcilier
avec la Folie & lui dit :
11 eft tems qu'à mes feux votre caprice cede ;
Commencez mes plaiſirs & terminez mes maux
La Folie lui répond :
Je vous laiffe avec le remede ;
Yos yeux vous ont appris le pouvoir de ces eaux.
Le Carnaval veut fuivre le confeil qu'elle
lui donne ; mais il croit que le vin lui
fera d'un plus grand fecours que les eaux
de Lethé. Il finit l'Acte par cette Chanfon
à boire , qui a fait beaucoup de plaifir.
Eteins mes feux , brife mes chaînes ;
Dieu du vin , guéris ma langueur.
Verfe à longs traits ta charmante liqueur ;
Et pour me venger de ma peine ,
Vien noyer l'Amour dans mon coeur.
Le troifiéme Acte a toûjours été applau
di , fur tout dans la Fête du Profeffeur de
Folie , qui paroît toûjours nouvelle , quoiqu'on
l'ait fouvent détachée de ce Balet
pour fervir d'ornement à d'autres.
Momus
JUILLET. 1730 , 1629
Momus ouvre la Scene & fait entendre
que rien ne peut éteindre l'amour du Carnaval
pour la Folie ; fon ami l'ayant prić
de le réconcilier avec elle ; il veut fe divertir
de cet emploi.
La Folie arrive ; Momus fe plaint à elle
de fa rigueur envers fon ami ; il lui fait
entendre que fon chagrin le rend mécon--
noiffable : la Folie fe rit du chagrin du
Carnaval , & loin de le plaindre , elle dite
Ah ! s'il en perdoit la raifon ,,
Que je le trouverois aimable !
Momus change de batterie & dit à la
Folie , que s'il l'avoit trouvée plus fenfible
à l'amour du Carnaval , il fe feroit
bien gardé de lui déclarer qu'il ne l'aime
plus . Ce menfonge lui réüffit ; la Folic
ne peut fouffrir fans dépit que fon Amant
fe foit guéri de fa paffion ; elle jette fa
marotte , comme étant devenue un ornement
inutile entre fes mains ; Momus la
ramaffe pour s'en fervir dans une nouvelle
malice qu'il médite ; cependant tou--
ché du chagrin de la Folie , qui s'eft jettée
fur un lit de verdure , il appelle fa
joyeuſe Bande qui compofe l'aimable Fête
dont on vient de parler. Le Choeur chante
ces Vers adreffez à la Folie,
Craignez de vous faire ; ›
Gy Um
1630 MERCURE DE FRANCE
Un trifte deftin :
Si vous voulez plaire ,
Chaffez le chagrin ;
Dès que l'on s'y livre,
On perd fes appas ;
Eh ! qui voudroit ſuivre ,
Deformais vos pas ?
Eft -il doux de vivre ,
Quand on ne plaît pas ?
La crainte de perdre fes attraits , fi naturelle
à fon fexe , oblige la Folie à reprendre
fa belle humeur ; elle égaye la Fête
. Le Profeffeur de Folie enfeigne à chanter
, à danfer & à rimer. Ces trois Actes
de Folie font compris dans ces deux Vers :
Cantate , ballate , rimate :
E della pazzia la perfettione .
La Folie ordonne à fa Suite de tranf
porter ces Chants & ces Danfes en quelqu'autre
lieu ; elle marche à la tête de ſa
riante Troupe ; Momus fait accroire au
Carnaval qu'il l'a fupplanté dans le coeur
de la Folie , & le prouve par fa marotte
qu'elle a mife entre les mains. Le Carnaval
s'abandonne à fa fureur. Il conjure le
Dieu des Frimats de le venger ; voici fur
quoi il fonde fa demande :
Toi, fombre & trifte Hyver, Divinité paillante
Siv
JUILLET. 1730. 1631
Si jamais fur tes pas j'ai conduit les plaifirs ,
Si par mes foins ton Regne enchante ,
Plus que le Regne heureux de Flore & des Zéphirs,
Reconnois mes faveurs au gré de mes dèfirs ;
Rends aujourd'hui ma vengeance éclatante.
Volez , rapides Aquilons ' ;
Faites fur ce Palais les effets de la foudre ,
Qu'il fe brife , qu'il tombe en poudre , &c.
. Les vents brifent le Palais.
و
Au quatriéme & dernier Acte , la Folie's'applaudit
du ravage des Aquilons ,
qui lui prouve que le Carnaval l'aime encore
puifqu'il fe venge . Le Carnaval ,
après quelques tranfports de colere , fait
de tendres reproches à la Folie , elle s'affoupit
par degrez à ces douces plaintes, &
fe jette fur un lit de gafon , en difant au
Carnaval :
Plaignez toûjours ainfi la rigueur de vos maux ;
Non ; le fommeil n'a point de fi puiffans pavots ;
C'eſt vainement que mes yeux s'en deffendent ; 1
Les Aquilons m'ont ôté le repos ;
Vos tendres plaintes me le rendent.
Cette infultante plaifanterie redouble
la fureur du Carnaval ; la Folie lui ré
pond fur le même ton :
G vj
Pour1632
MERCURE DE FRANCE
Pourquoi m'éveillez -vous ? contraignez vos mur
mures ,
Refpectez le repos que vous m'avez donné..
Momus vient ; le Carnaval dit à la Folie
que c'eft- là le Rival qu'elle lui prefere.
La Folie arrache à Momus le Sceptre qu'il
lui a pris par furprife dans l'Acte préce
dent. Momus avoue fa petite tracafferic
par cès Vers :
Je vous ai trompez l'un & l'autre :
Mais c'eft affez jouir de fon trouble & du vôtre..
Nous n'avons plus de regrets à former ,.
Et chacun a fuivi le penchant qui l'inſpire ;
Le vôtre étoit de vous aimer ;
Le mien étoit d'en rire.
;
Plutus & la Jeuneffe viennent dénouer
la Piece : ils témoignent leur colere fun
le ravage des Aquilons par ce Duo :-
Dieu cruel , fuyez de ces lieux ;
N'êtes-vous pas content de cet affreux ravage.
Fuyez , n'offrez plus à nos yeux ,
Un ennemi qui nous outrage , &c.
La Folie voyant qu'ils ne veulent plus
fon Hymen avec le Carnaval , leur dit
qu'elle le veut , & explique ainsi le motif.
de fa nouvelle volonté : .
i
Pour
JUILLET. 1730. 1638.
Pour couronner ſa flâme ,
Et trouver nos liens charmans ,
Voilà les fentimens ,
Où j'attendois votre ame.
Jupiter & Venus viennent par l'ordre
du Deftin , celebrer l'Hymen du Carnaval
& de la Folie. En faveur de cet Hy--
men Momus obtient fon rappel dans les
Cieux , à condition qu'il contraindra fon
humeur fatyrique ; Momus le promet par
ce dernier trait de fatyre :
La Fête & leur Hymen font fi dignes de vous ;
Le moyen d'en médire .
1
Le fuccès de ce Balet s'accroît de jour en
jour & n'a jamais été fi éclatant , la maniere
dont il eft executé n'y contribue pas
peu ; cela n'empêche pas qu'on ne rende
juftice au Poëme & à la Mufique ; l'ef
prit brille dans le premier , un agréable
amuſement y tient lieu d'interêt. Pour la
Mufique on là trouve d'une legereté charmante
& d'un gout exquis .
au Théatre le Carnaval & la Folie, Comedie-
Balet , repréfenté pour la premiere
fois le 3. Janvier 1704. & reprife au mois
de May 1719. Les paroles font de M. de
la Motte , & la Mufique de M. Deftouches
, Sur-Intendant de la Mufique du
Roi .
Cet Opera vient d'être executé avec
beaucoup de fuccès , & le Public a également
applaudi au Poëme & à la Mufique.
Au Prologue le Théatre repréfente les
Cieux où les Dieux font en Feftin . Fupiter
& Venus invitent toute la Troupe
immortelle à la joye par ce Duo.
Qu'a
JUILLET . 1730 1623
Qu'à nos voeux ici tout réponde.
Verfez-nous , verfez- nous la celefte Liqueur :
Verfez , que le Nectar enchante notre coeur ;
Qu'il y porte une paix profonde.
Venus fe levant de table , invite aux
plaifirs de l'Amour par ces Vers :
Goutons des plaifirs plus parfaits ,
Et que le tendre Amour à ſon tour nous inſpire ;
Regnez , Amour, regnez, raffemblez vos attraits ;
Triomphez, fur nos coeurs étendez votre empire ;
Mais qu'à fon gré chacun foupire :
Laiffez -nous le choix de vos Traits .
Momus fait fon office de Cenfeur ; Jupiter
lui ordonné de fe taire. Mercure
vient convier les Dieux à aller chercher
de nouveaux plaifirs fur la terre , où il
leur a preparé de nouvelles conquêtes ;
Momus , malgré l'ordre que Jupiter lui a
donné , continue à lâcher la cenfure.
Suivez, fuivez Mercure ; abandonnez les Cieux .
Livrez- vous aux plaifirs ; qu'envain la Gloire
gronde ,
L'Amour eft un plus digne objet ,
Aimez, il eft un Roi qui prend le foin du monde;
Jouiffez du loiſir qu'un Mortel vous a fait.
Ce dernier trait oblige Jupiterà
Gij exiler
1624 MERCURE DE FRANCE
à exiler Momus . Le Prologue n'a point
d'autre liaifon à la Piece que cet exil &
la defcente des Dieux fur la terre , à la
perfuafion de Mercure ; en effet Jupiter
& Venus doivent honorer de leur pre-
Tence l'Hymen du Carnaval & de la Folie .
Le Théatre repréfente au premier Acte
un Bois fleuri confacré à la Jeuneffe . Le
Carnaval partage fon coeur entre Bacchus
& l'Amour, & les prie tous deux de le
rendre heureux.
Momus exilé des Cieux , vient chercher
un azile chez le Carnaval , avec qui on le
fuppofe uni depuis long- temps . Le Carnaval
lui apprend qu'il aime la Folie , fille
"de Plutus , & de la Jeuneffe ; Momus applaudit
à fon choix ironiquement.
Plutus & la Jeuneffe amenent la pre
miere Fête de cet Acte ; le Théatre change
à la voix du Dieu des Richeffes : on
"voit un Palais magnifique s'élever , & les
Suivans de Plutus offrir leurs dons les plus
riches à la Jeuneffe. La Folie vient interrompre
la Fête. Elle fait connoître fon
mécontentement par ces Vers : ་
Ceffez , Jeux indifcrets , od manquoit la Folie ,
Qu'ici tout fe taiſe à ma voix ;
Je ne veux point fouffrir de Fête où l'on m'oublis;
at l'on ne doit ici vivre que
fous mes Loix. Loix
.
JUILLET. 1730. 1625
Elle dit à Plutus & à la Jeuneffe , qui
s'offenfent de fon audace:
Je dois la vie à votre amour ; "
Mais ne me comptez pas fous votre obéïffance ;
L'honneur de m'avoir mife au jour ,
Vous paye affez de ma naiffance.
Plutus & la Jeuneffe , pour l'appailer ,
font prêts à fe retirer ; elle les arrête en
leur difant que leur obéïffance lui fuffit,
& elle ranime la Fête par ces Vers .
Que votre regne recommence ;
r
Revenez, doux plaifirs , plaifirs , revenez tous ;
Mais revenez encor plus doux :
Vous languiffiez fans moi,brillez par ma preſence.
Après cette Fête qui eft encore plus
brillante que la premiere. Le Carnaval
prie Plutus & la Juneffe de confentir à
fon Hymen avec leur fille; ils lui font une
réponſe favorable ; il fe tourne vers la Folie
pour s'en applaudir avec elle , mais il
ne la trouve plus le confentement des
Auteurs de fa naiffance la fait difparoître.
Le Carnaval attribue cette fuite à fa pudeur
, & la va chercher pour faire écla
ter la joye à les yeux.
:
Au fecond Acte , le Théatre repréfente
une Campagne fertile. On voit fur le devant
d'un des côtez le Fleuve Lethé en-
Giij dormi
1626 MERCURE DE FRANCE
dormi für fon Urne , la Mer , & c . Le Carnaval
, rempli d'efperance , commence
l'Acte par ces Vers :
Sous les loix de l'Hymen je me range fans peine
Mon coeur y trouve des appas
Dieu du vin , n'en murmure pas ;
Tu dois t'applaudir de ma chaîne.
Les doux plaifirs qu'il prépare pour moi ,
Mettront le comble à ta victoire ;
Les fruits de mon Hymen ne naîtront que pour
toi ;
Bacchus , je les vouë à ta gloire.
La feconde Scene fait voir que le Carnaval
n'a point vû la Folie depuis la bruf
que difparition ; elle lui déclare qu'il ne
doit plus compter fur fon Hymen depuis
que Plutus & la Jeuneffe y ont donné un
plein confentement ; elle s'explique ainfi :
•
Non , non ; apprenez une fois
A connoître mieux la Folie ;
Je ne fuis point foumise aux loix
De ceux qui m'ont donné la vie :
Le contraire de leur envie ›
Détermine toûjours mon choix .
Non , non ; & c.
Cette Scene a paru très-brillante de la
de la Folie ; on ne doute point que part
l'AuJUILLET
. 1730. 1627
l'Auteur n'eût donné les mêmes gracesau
Carnaval ; mais par malheur ce Dieu des
Ris eft Amant & Amant maltraité , ce,
qui ne s'accorde pas avec fon caractere
qui ne doit refpirer que la joye . Il veut,
guérir de fon amour , la Folie lui confeille
de boire de l'eau fecourable du Lethé ; let
Carnaval veut mettre tout l'efpace des
Mers entre elle & lui , pour la mieux oublier.
La Folie y met obftacle pour n'avoir
pas la honte de fe voir quitter . Voici
comme elle s'exprime.
Ah ! n'ayons pas l'affront que l'on me quitte
Neptune , tu me dois l'hommage des Mortels ;
C'estmoi qui par leurs mains ai dreffé tes Autels;
Refufe ton Onde à fa fuite.
La Mer fe fouleve ; une troupe de Matelots
defcend d'un Vaiffeau échoué , ils
font vou de ne jamais fe rembarquer ; le
Fleuve Lethe leur offre le fecours de.
fes eaux pour leur faire oublier leur malheur.
A peine en ont - ils bû , qu'ils difent:
Embarquons -nous ; tout rit à nos defirs ;
Le vent propice nous feconde :
La Fortune & tous les plaiſirs ,
Nous attendent au bout du monde.
Prêts à fe rembarquer , la Folie vient
G iiij
les
1628 MERCURE DE FRANCE
les arrêter ; elle les accufe
d'ingratitude
& exige leurs hommages , pour prix des
biens dont elle feule leur tracel'image
ce qui donne lieu à une très-brillante Fête,
Jaquelle finie , le Carnaval veut fe réconcilier
avec la Folie & lui dit :
11 eft tems qu'à mes feux votre caprice cede ;
Commencez mes plaiſirs & terminez mes maux
La Folie lui répond :
Je vous laiffe avec le remede ;
Yos yeux vous ont appris le pouvoir de ces eaux.
Le Carnaval veut fuivre le confeil qu'elle
lui donne ; mais il croit que le vin lui
fera d'un plus grand fecours que les eaux
de Lethé. Il finit l'Acte par cette Chanfon
à boire , qui a fait beaucoup de plaifir.
Eteins mes feux , brife mes chaînes ;
Dieu du vin , guéris ma langueur.
Verfe à longs traits ta charmante liqueur ;
Et pour me venger de ma peine ,
Vien noyer l'Amour dans mon coeur.
Le troifiéme Acte a toûjours été applau
di , fur tout dans la Fête du Profeffeur de
Folie , qui paroît toûjours nouvelle , quoiqu'on
l'ait fouvent détachée de ce Balet
pour fervir d'ornement à d'autres.
Momus
JUILLET. 1730 , 1629
Momus ouvre la Scene & fait entendre
que rien ne peut éteindre l'amour du Carnaval
pour la Folie ; fon ami l'ayant prić
de le réconcilier avec elle ; il veut fe divertir
de cet emploi.
La Folie arrive ; Momus fe plaint à elle
de fa rigueur envers fon ami ; il lui fait
entendre que fon chagrin le rend mécon--
noiffable : la Folie fe rit du chagrin du
Carnaval , & loin de le plaindre , elle dite
Ah ! s'il en perdoit la raifon ,,
Que je le trouverois aimable !
Momus change de batterie & dit à la
Folie , que s'il l'avoit trouvée plus fenfible
à l'amour du Carnaval , il fe feroit
bien gardé de lui déclarer qu'il ne l'aime
plus . Ce menfonge lui réüffit ; la Folic
ne peut fouffrir fans dépit que fon Amant
fe foit guéri de fa paffion ; elle jette fa
marotte , comme étant devenue un ornement
inutile entre fes mains ; Momus la
ramaffe pour s'en fervir dans une nouvelle
malice qu'il médite ; cependant tou--
ché du chagrin de la Folie , qui s'eft jettée
fur un lit de verdure , il appelle fa
joyeuſe Bande qui compofe l'aimable Fête
dont on vient de parler. Le Choeur chante
ces Vers adreffez à la Folie,
Craignez de vous faire ; ›
Gy Um
1630 MERCURE DE FRANCE
Un trifte deftin :
Si vous voulez plaire ,
Chaffez le chagrin ;
Dès que l'on s'y livre,
On perd fes appas ;
Eh ! qui voudroit ſuivre ,
Deformais vos pas ?
Eft -il doux de vivre ,
Quand on ne plaît pas ?
La crainte de perdre fes attraits , fi naturelle
à fon fexe , oblige la Folie à reprendre
fa belle humeur ; elle égaye la Fête
. Le Profeffeur de Folie enfeigne à chanter
, à danfer & à rimer. Ces trois Actes
de Folie font compris dans ces deux Vers :
Cantate , ballate , rimate :
E della pazzia la perfettione .
La Folie ordonne à fa Suite de tranf
porter ces Chants & ces Danfes en quelqu'autre
lieu ; elle marche à la tête de ſa
riante Troupe ; Momus fait accroire au
Carnaval qu'il l'a fupplanté dans le coeur
de la Folie , & le prouve par fa marotte
qu'elle a mife entre les mains. Le Carnaval
s'abandonne à fa fureur. Il conjure le
Dieu des Frimats de le venger ; voici fur
quoi il fonde fa demande :
Toi, fombre & trifte Hyver, Divinité paillante
Siv
JUILLET. 1730. 1631
Si jamais fur tes pas j'ai conduit les plaifirs ,
Si par mes foins ton Regne enchante ,
Plus que le Regne heureux de Flore & des Zéphirs,
Reconnois mes faveurs au gré de mes dèfirs ;
Rends aujourd'hui ma vengeance éclatante.
Volez , rapides Aquilons ' ;
Faites fur ce Palais les effets de la foudre ,
Qu'il fe brife , qu'il tombe en poudre , &c.
. Les vents brifent le Palais.
و
Au quatriéme & dernier Acte , la Folie's'applaudit
du ravage des Aquilons ,
qui lui prouve que le Carnaval l'aime encore
puifqu'il fe venge . Le Carnaval ,
après quelques tranfports de colere , fait
de tendres reproches à la Folie , elle s'affoupit
par degrez à ces douces plaintes, &
fe jette fur un lit de gafon , en difant au
Carnaval :
Plaignez toûjours ainfi la rigueur de vos maux ;
Non ; le fommeil n'a point de fi puiffans pavots ;
C'eſt vainement que mes yeux s'en deffendent ; 1
Les Aquilons m'ont ôté le repos ;
Vos tendres plaintes me le rendent.
Cette infultante plaifanterie redouble
la fureur du Carnaval ; la Folie lui ré
pond fur le même ton :
G vj
Pour1632
MERCURE DE FRANCE
Pourquoi m'éveillez -vous ? contraignez vos mur
mures ,
Refpectez le repos que vous m'avez donné..
Momus vient ; le Carnaval dit à la Folie
que c'eft- là le Rival qu'elle lui prefere.
La Folie arrache à Momus le Sceptre qu'il
lui a pris par furprife dans l'Acte préce
dent. Momus avoue fa petite tracafferic
par cès Vers :
Je vous ai trompez l'un & l'autre :
Mais c'eft affez jouir de fon trouble & du vôtre..
Nous n'avons plus de regrets à former ,.
Et chacun a fuivi le penchant qui l'inſpire ;
Le vôtre étoit de vous aimer ;
Le mien étoit d'en rire.
;
Plutus & la Jeuneffe viennent dénouer
la Piece : ils témoignent leur colere fun
le ravage des Aquilons par ce Duo :-
Dieu cruel , fuyez de ces lieux ;
N'êtes-vous pas content de cet affreux ravage.
Fuyez , n'offrez plus à nos yeux ,
Un ennemi qui nous outrage , &c.
La Folie voyant qu'ils ne veulent plus
fon Hymen avec le Carnaval , leur dit
qu'elle le veut , & explique ainsi le motif.
de fa nouvelle volonté : .
i
Pour
JUILLET. 1730. 1638.
Pour couronner ſa flâme ,
Et trouver nos liens charmans ,
Voilà les fentimens ,
Où j'attendois votre ame.
Jupiter & Venus viennent par l'ordre
du Deftin , celebrer l'Hymen du Carnaval
& de la Folie. En faveur de cet Hy--
men Momus obtient fon rappel dans les
Cieux , à condition qu'il contraindra fon
humeur fatyrique ; Momus le promet par
ce dernier trait de fatyre :
La Fête & leur Hymen font fi dignes de vous ;
Le moyen d'en médire .
1
Le fuccès de ce Balet s'accroît de jour en
jour & n'a jamais été fi éclatant , la maniere
dont il eft executé n'y contribue pas
peu ; cela n'empêche pas qu'on ne rende
juftice au Poëme & à la Mufique ; l'ef
prit brille dans le premier , un agréable
amuſement y tient lieu d'interêt. Pour la
Mufique on là trouve d'une legereté charmante
& d'un gout exquis .
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Résumé : Le Carnaval & la Folie, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte présente la pièce de théâtre 'Le Carnaval et la Folie', une comédie-ballet créée par M. de la Motte pour les paroles et M. Destouches pour la musique. La pièce a été représentée pour la première fois le 3 janvier 1704 et reprise en mai 1719, rencontrant un grand succès auprès du public qui a apprécié autant le poème que la musique. Le prologue se déroule dans les cieux, où les dieux célèbrent une fête. Jupiter et Vénus invitent les dieux à la joie, tandis que Momus, chargé de la censure, est réduit au silence par Jupiter. Mercure propose aux dieux de chercher de nouveaux plaisirs sur terre, où il leur a préparé de nouvelles conquêtes. Momus, malgré l'ordre de Jupiter, continue de critiquer, ce qui conduit à son exil. La pièce commence avec le Carnaval partagé entre Bacchus et l'Amour. Momus, exilé des cieux, trouve refuge auprès du Carnaval. La Folie, fille de Plutus et de la Jeunesse, interrompt une fête organisée par ses parents pour affirmer son désir de régner seule. Après une seconde fête plus brillante, le Carnaval demande la main de la Folie, mais celle-ci disparaît. Dans le second acte, le Carnaval, espérant toujours son union avec la Folie, est déçu par sa disparition. La Folie lui explique qu'elle n'est soumise à aucune loi et lui conseille de boire de l'eau du Léthé pour oublier son amour. Elle empêche ensuite des matelots de se rembarquer après qu'ils ont bu de cette eau. Le Carnaval termine l'acte par une chanson à boire. Le troisième acte est marqué par une fête de la Folie, où Momus tente de réconcilier le Carnaval et la Folie. La Folie, après avoir été égayée par la crainte de perdre ses attraits, ordonne à sa suite de transporter les chants et danses ailleurs. Momus trompe le Carnaval en lui faisant croire que la Folie l'a supplanté. Furieux, le Carnaval conjure l'hiver de le venger, ce qui conduit à la destruction d'un palais par les vents. Dans le quatrième acte, la Folie se réjouit de la vengeance du Carnaval. Après des reproches tendres, elle feint de dormir. Momus avoue sa tromperie. Plutus et la Jeunesse expriment leur colère contre le ravage des aquilons. La Folie affirme vouloir l'hymen avec le Carnaval. Jupiter et Vénus célèbrent finalement cet hymen, et Momus obtient son rappel dans les cieux à condition de modérer son humour satirique. Le succès de la pièce continue de croître, avec des éloges pour le poème et la musique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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107
p. 1672-1678
EXTRAIT d'une Lettre, au sujet du voyage de L. A. S. Madame la Princesse & M. le Prince de Conti.
Début :
Madame la Princesse de Conti, accompagnée du Prince son Fils ainé, [...]
Mots clefs :
Prince de Conti, Princesse de Conti, Joie, Grandeur, Peuple, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre, au sujet du voyage de L. A. S. Madame la Princesse & M. le Prince de Conti.
EXTRAIT d'une Lettre , au sujet du
de L. A. S. Madame la Princeffe
voyage
& M. le Prince de Conti.
la Princeffe de Conti , ace
Mcompagnée duPrince fon Fils ainé ,
arriva le 4. Juin à la Ville de Pezenas ,
Chef de la Comté de ce nom ; elle fut
reçûë aux acclammations publiques
n'ayant pas voulu permettre qu'on tirât
le Canon. Elle entra par la Porte appellée
de Conti , où commence une ruë fort ſpacieuſe
, au bout de laquelle on voit une
vafte Hale , couverte d'ardoifes de differentes
couleurs , fi artiftement rangées
qu'elle attire l'admiration des Etrangers.
A l'extrémité de cette Hale , on voit
une Place d'une étenduë & d'une beauté
qui fatisfait la vûë ; elle aboutit à un Quai
d'une longueur & d'une largeur confiderable
, dont le terrain eſt élevé d'environ
6 à 7. piés aux ; deux côtés regnent deux
grandes rues , formées par une longue
fuite de belles maifons d'une même fimetrie
, avec des Balcons. Les deux extrémi
tés duQuai font terminées par deux belleş
Fontaines de forme piramidale , à plufieurs
tuyaux , difpofés en rond , qui jettent
abondamment dans un grand baffin
une eau excellente , & dont la fource n'a
jamais
,
JUILLET. 1730. 1673
jamais fenfiblement diminuée , même dans
les tems des plus grandes fechereffes.
Deux Feux d'artifice furent conftruits
aux deux bouts du Quai , avec des Infcriptions
& des Emblêmes à l'honneur de
la Princeffe & du jeune Prince. Leur logement
fut préparé par les Confuls dans
des maifons fituées au milieu du Quai , &
ils y furent conduits par des Compagnies
de gens à cheval & à pied , compofées de
fa plus belle jeuneffe de la Ville , propremént
habillée .
Sur les 8. heures du foir , on commença
à tirer les deux Feux d'Artifice , ce qui
fut executé avec beaucoup de fuccès , au
bruit de plufieurs falves réïterées de Petards
& de Moufqueterie . Enfuite les Confals
, accompagnés de tout le Corps de
Ville , mirent le feu à un Bucher qui avoit
été preparé à l'une des extremités du Quai ,
les Bourgeois étant fous les armes . On n'a
jamais vu de plus belles illuminations ni
un plus grand concours d'Etrangers , dont
les uns furent attirés par le defir de voir
la Princeffe & le jeune Prince , les autres
par le devoir qui les engageoit à leur venir
rendre leurs hommages , & tous enfemble
par le zele qui leur faifoit prendre part à
la joye publique .
A quatre heures du foir de cette journée,
qui fut une des plus belles de la faifon ;
I iij
La
1674 MERCURE DE FRANCE
Ja Princeffe & le Prince donnerent audience
aux Deputés des Villes & lieux de
la Comté , qui les complimenterent au
nom de leurs Corps , auffi - bien que tous
les Ordres de la Ville. Le lendemain à
-deux heures du matin , la Princeffe ſe mit
en chemin avec le Prince & la Ducheffe
de Grillon qui l'accompagnoit, ayant laiffé
dans le coeur du peuple un grand regret
de la perdre fi tôt . Entre les differens com
plimens , on en a choifi deux que le fieur
Julien , Juge Royal de la Ville de Monblanc
, fit à la Princeffe & au Prince , au
Į nom de la même Ville & du Corps de la
Juftice.
MADAME ,
S'il n'eft rien de plus ordinaire que de voir
redoubler notre joye à la vie des Perfonnes
que nous avons long- tems defirées , & que
nous jugeons dignes de notre estime par leur
naiffance , par leur merite & par leurs bienfaits.
Quels feront aujourd'hui nos tranfports
à la vue d'une grande Princeffe qui fut tou
jours l'objet de nos plus ardens defirs ; iſſuë
de Heros & de Monarques , ornée de toutes
les perfections , & dont la bonté & la magnificence
égalent la grandeur& la dignité de
Jon rang.
Oui , MADAME , notre joye eft extréme ,
JUILLET. 1730. 1673
& nous devons la faire éclater , lorsque
V. A. S. quitte le fejour de la Cour pour ve
nir dans nos Provinces combler de fatisfac
tion & de bonheur les peuples qui lui font
foumis: femblables à ces Aftres doux & bienfaifans
qui ne fe montrent fur l'Horifon que
pour y augmenter la lumiere & y répandre de
falutaires influences.
ن م
Heureux les Païs que V. A. S. a daigné
vifiter dans le cours de ce long & penible
voyage ! heureux vos Sujets de la Principauté
d'Orange , à qui elle vient de faire
voir de fi grands , de fi doux & de fi aimables
maitres mais plus heureux encore ,
mille fois plus heureux les peuples de votre
Comte de Pezenas,fi après avoir joui ce pen
de momens de votre préfence , ils pouvoient
meriter de vous poffeder à l'avenir auſſi longtems
que leurs Peres & leurs Ayeux poffederent
autrefois Noffeigneurs les Princes vos
illuftres & incomparables Predeceffeurs .
Mais il eft tems , MADAME , de finir un
Difcours fi peu digne de la favorable atten
tion que V. A. S. me donne ; & n'eft-il pas
jufte d'ailleurs de ceder la place au langage
du coeur qui fçaura bien mieux fe faire entendre
par les cris de joye & les acclamations
publiques, qu'on ne peut s'exprimerpar
les traits de la plus vive éloquence. Agréez
donc , MADAME , la très humble proteftation
que votre Ville de Monblanc & le Siége de
I iiij Sa
1676 MERCURE DE FRANCE
fa Fuftice , dont j'ai l'honneur d'être le Chef,
font aujourd'hui à V. A. S. d'une profonde
foumiffion & d'une fidelité inviolable &c.
Le St Julien alla enfuite complimenter
le Prince dans fon Appartement , en ces
termes :
MONSEIGNEU NSEIGNEUR ,
La bonté avec laquelle S. A. S. Mada→
me la Princeffe vient de recevoir nos trèsbumbles
hommages , nous eft un préfage affuré
de la vôtres auffifommes nous certains qu'ils
ne vousferont pas défagréables , la grandeur
d'ame fi naturelle à la Maison de Bourbon
étant comme la fource ou plutôt comme l'affemblage
de toutes les vertus Royales. Il n'eft rien
de grand , de glorieux & de louable qu'on
ne doive attendre des Princes qui naiffent
d'un fi noble Sang , &pour en être convaincu
on n'a qu'à jetter les yeux fur nos Hiftoires.
On y verra des Rois dont les vertus n'ont
le
pas
été moins reverées de toute la terre que
leur puiffance ; des Conquerans qui ont pris
des Villes & conquis des Provinces par
feul bruit de leur nom , & des Heros à qui
l'ancienne Rome & la Grece euffent dreffé
des Autels. N'en déplaife au Vainqueur de
l'Afie , on l'eut vû, ce fameux Guerrier, bornerfes
vaftesdeffeins à la deffenfe de la Ma
eedoine,
JUILLET . 1730. 1677
edoine , fi au lieu des Rois de Perſe & des
Generaux des Grecs , il eut rencontré des
Condés : qu'ai-je dit ? il eut rencontré des
Bourbons fur fes pas.
2
Tant de vrai mérite , tant de valeur , tant
d'exemples domestiques firares & fi éclatans
nous permettent-ils , MONSEIGNEUR, de douter
que V. A. S. ne monte bientôt aux plus hauts
degrés des perfections Héroïques ? & la Na-`
ture elle-même qui a tant pris de foin de graver
fur votre visage , où brillent tant de gra
ces , tous les traits de la grandeur & de la
beauté des Heros , ne femble- t'elle pas nous le
promettre ? Oui , MONSEIGNEUR , ces qualités
auguftes que votre tendre jeuneffe nous
représentefi vivement , feront l'admiration de
toute la terre , lorsque la gloire vous aura appellé
dans ces vaftes plaines de Mars
les lauriers toujours d'accord avec les lys ,
vous préparent déja une abondante moiffon.
&C..
on
La Princeffe n'ayant pas jugé à propos
d'accorder aux vives inftances du Peuple
de Pezenas un jour entier de féjour le
fieur Julien fit à ce fujet le Rondeau
fuivant , au nom du Peuple de la Comté
Seroit - c
Pour appaiſer la jufte impatience ,,
D'un Peuple heureux, dont la noble ferveur
Eroit - ce trop'un jour de réfidence ; -
Ly
›
Vient
1678 MERCURE DE FRANCE
Vient publier la joye & le bonheur ,
Que dans ces lieux répand votre prefence ,
Le cas n'eft pas de petite importance ;
S'il ne faifoit qu'honorer l'éminence ,
De ce haut rang où brille la grandeur ,
Seroit -ce tropa
Mais fi par cas , la vertu , la clémence
La Majeſté , l'air , la magnificence ,
Le charme enfin féduiſant notre coeur
Y faifoit naître une difcrete ardeur ,
Dont ne puffions furmonter la puiffance.
Seroit- ce trop ?
de L. A. S. Madame la Princeffe
voyage
& M. le Prince de Conti.
la Princeffe de Conti , ace
Mcompagnée duPrince fon Fils ainé ,
arriva le 4. Juin à la Ville de Pezenas ,
Chef de la Comté de ce nom ; elle fut
reçûë aux acclammations publiques
n'ayant pas voulu permettre qu'on tirât
le Canon. Elle entra par la Porte appellée
de Conti , où commence une ruë fort ſpacieuſe
, au bout de laquelle on voit une
vafte Hale , couverte d'ardoifes de differentes
couleurs , fi artiftement rangées
qu'elle attire l'admiration des Etrangers.
A l'extrémité de cette Hale , on voit
une Place d'une étenduë & d'une beauté
qui fatisfait la vûë ; elle aboutit à un Quai
d'une longueur & d'une largeur confiderable
, dont le terrain eſt élevé d'environ
6 à 7. piés aux ; deux côtés regnent deux
grandes rues , formées par une longue
fuite de belles maifons d'une même fimetrie
, avec des Balcons. Les deux extrémi
tés duQuai font terminées par deux belleş
Fontaines de forme piramidale , à plufieurs
tuyaux , difpofés en rond , qui jettent
abondamment dans un grand baffin
une eau excellente , & dont la fource n'a
jamais
,
JUILLET. 1730. 1673
jamais fenfiblement diminuée , même dans
les tems des plus grandes fechereffes.
Deux Feux d'artifice furent conftruits
aux deux bouts du Quai , avec des Infcriptions
& des Emblêmes à l'honneur de
la Princeffe & du jeune Prince. Leur logement
fut préparé par les Confuls dans
des maifons fituées au milieu du Quai , &
ils y furent conduits par des Compagnies
de gens à cheval & à pied , compofées de
fa plus belle jeuneffe de la Ville , propremént
habillée .
Sur les 8. heures du foir , on commença
à tirer les deux Feux d'Artifice , ce qui
fut executé avec beaucoup de fuccès , au
bruit de plufieurs falves réïterées de Petards
& de Moufqueterie . Enfuite les Confals
, accompagnés de tout le Corps de
Ville , mirent le feu à un Bucher qui avoit
été preparé à l'une des extremités du Quai ,
les Bourgeois étant fous les armes . On n'a
jamais vu de plus belles illuminations ni
un plus grand concours d'Etrangers , dont
les uns furent attirés par le defir de voir
la Princeffe & le jeune Prince , les autres
par le devoir qui les engageoit à leur venir
rendre leurs hommages , & tous enfemble
par le zele qui leur faifoit prendre part à
la joye publique .
A quatre heures du foir de cette journée,
qui fut une des plus belles de la faifon ;
I iij
La
1674 MERCURE DE FRANCE
Ja Princeffe & le Prince donnerent audience
aux Deputés des Villes & lieux de
la Comté , qui les complimenterent au
nom de leurs Corps , auffi - bien que tous
les Ordres de la Ville. Le lendemain à
-deux heures du matin , la Princeffe ſe mit
en chemin avec le Prince & la Ducheffe
de Grillon qui l'accompagnoit, ayant laiffé
dans le coeur du peuple un grand regret
de la perdre fi tôt . Entre les differens com
plimens , on en a choifi deux que le fieur
Julien , Juge Royal de la Ville de Monblanc
, fit à la Princeffe & au Prince , au
Į nom de la même Ville & du Corps de la
Juftice.
MADAME ,
S'il n'eft rien de plus ordinaire que de voir
redoubler notre joye à la vie des Perfonnes
que nous avons long- tems defirées , & que
nous jugeons dignes de notre estime par leur
naiffance , par leur merite & par leurs bienfaits.
Quels feront aujourd'hui nos tranfports
à la vue d'une grande Princeffe qui fut tou
jours l'objet de nos plus ardens defirs ; iſſuë
de Heros & de Monarques , ornée de toutes
les perfections , & dont la bonté & la magnificence
égalent la grandeur& la dignité de
Jon rang.
Oui , MADAME , notre joye eft extréme ,
JUILLET. 1730. 1673
& nous devons la faire éclater , lorsque
V. A. S. quitte le fejour de la Cour pour ve
nir dans nos Provinces combler de fatisfac
tion & de bonheur les peuples qui lui font
foumis: femblables à ces Aftres doux & bienfaifans
qui ne fe montrent fur l'Horifon que
pour y augmenter la lumiere & y répandre de
falutaires influences.
ن م
Heureux les Païs que V. A. S. a daigné
vifiter dans le cours de ce long & penible
voyage ! heureux vos Sujets de la Principauté
d'Orange , à qui elle vient de faire
voir de fi grands , de fi doux & de fi aimables
maitres mais plus heureux encore ,
mille fois plus heureux les peuples de votre
Comte de Pezenas,fi après avoir joui ce pen
de momens de votre préfence , ils pouvoient
meriter de vous poffeder à l'avenir auſſi longtems
que leurs Peres & leurs Ayeux poffederent
autrefois Noffeigneurs les Princes vos
illuftres & incomparables Predeceffeurs .
Mais il eft tems , MADAME , de finir un
Difcours fi peu digne de la favorable atten
tion que V. A. S. me donne ; & n'eft-il pas
jufte d'ailleurs de ceder la place au langage
du coeur qui fçaura bien mieux fe faire entendre
par les cris de joye & les acclamations
publiques, qu'on ne peut s'exprimerpar
les traits de la plus vive éloquence. Agréez
donc , MADAME , la très humble proteftation
que votre Ville de Monblanc & le Siége de
I iiij Sa
1676 MERCURE DE FRANCE
fa Fuftice , dont j'ai l'honneur d'être le Chef,
font aujourd'hui à V. A. S. d'une profonde
foumiffion & d'une fidelité inviolable &c.
Le St Julien alla enfuite complimenter
le Prince dans fon Appartement , en ces
termes :
MONSEIGNEU NSEIGNEUR ,
La bonté avec laquelle S. A. S. Mada→
me la Princeffe vient de recevoir nos trèsbumbles
hommages , nous eft un préfage affuré
de la vôtres auffifommes nous certains qu'ils
ne vousferont pas défagréables , la grandeur
d'ame fi naturelle à la Maison de Bourbon
étant comme la fource ou plutôt comme l'affemblage
de toutes les vertus Royales. Il n'eft rien
de grand , de glorieux & de louable qu'on
ne doive attendre des Princes qui naiffent
d'un fi noble Sang , &pour en être convaincu
on n'a qu'à jetter les yeux fur nos Hiftoires.
On y verra des Rois dont les vertus n'ont
le
pas
été moins reverées de toute la terre que
leur puiffance ; des Conquerans qui ont pris
des Villes & conquis des Provinces par
feul bruit de leur nom , & des Heros à qui
l'ancienne Rome & la Grece euffent dreffé
des Autels. N'en déplaife au Vainqueur de
l'Afie , on l'eut vû, ce fameux Guerrier, bornerfes
vaftesdeffeins à la deffenfe de la Ma
eedoine,
JUILLET . 1730. 1677
edoine , fi au lieu des Rois de Perſe & des
Generaux des Grecs , il eut rencontré des
Condés : qu'ai-je dit ? il eut rencontré des
Bourbons fur fes pas.
2
Tant de vrai mérite , tant de valeur , tant
d'exemples domestiques firares & fi éclatans
nous permettent-ils , MONSEIGNEUR, de douter
que V. A. S. ne monte bientôt aux plus hauts
degrés des perfections Héroïques ? & la Na-`
ture elle-même qui a tant pris de foin de graver
fur votre visage , où brillent tant de gra
ces , tous les traits de la grandeur & de la
beauté des Heros , ne femble- t'elle pas nous le
promettre ? Oui , MONSEIGNEUR , ces qualités
auguftes que votre tendre jeuneffe nous
représentefi vivement , feront l'admiration de
toute la terre , lorsque la gloire vous aura appellé
dans ces vaftes plaines de Mars
les lauriers toujours d'accord avec les lys ,
vous préparent déja une abondante moiffon.
&C..
on
La Princeffe n'ayant pas jugé à propos
d'accorder aux vives inftances du Peuple
de Pezenas un jour entier de féjour le
fieur Julien fit à ce fujet le Rondeau
fuivant , au nom du Peuple de la Comté
Seroit - c
Pour appaiſer la jufte impatience ,,
D'un Peuple heureux, dont la noble ferveur
Eroit - ce trop'un jour de réfidence ; -
Ly
›
Vient
1678 MERCURE DE FRANCE
Vient publier la joye & le bonheur ,
Que dans ces lieux répand votre prefence ,
Le cas n'eft pas de petite importance ;
S'il ne faifoit qu'honorer l'éminence ,
De ce haut rang où brille la grandeur ,
Seroit -ce tropa
Mais fi par cas , la vertu , la clémence
La Majeſté , l'air , la magnificence ,
Le charme enfin féduiſant notre coeur
Y faifoit naître une difcrete ardeur ,
Dont ne puffions furmonter la puiffance.
Seroit- ce trop ?
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre, au sujet du voyage de L. A. S. Madame la Princesse & M. le Prince de Conti.
Le 4 juin, la princesse de Conti et son fils aîné, le prince de Conti, arrivèrent à Pezenas, chef-lieu de la comté du même nom. Ils furent accueillis par des acclamations publiques, la princesse refusant que le canon soit tiré en son honneur. Ils entrèrent par la porte de Conti et traversèrent une rue spacieuse menant à une vaste halle aux ardoises colorées. Cette halle débouchait sur une place magnifique aboutissant à un quai long et large, bordé de belles maisons symétriques avec des balcons. Le quai était terminé par deux fontaines pyramidales offrant une eau abondante et constante. Des feux d'artifice furent allumés aux extrémités du quai, accompagnés d'inscriptions et d'emblèmes en l'honneur de la princesse et du jeune prince. Leur logement fut préparé par les consuls dans des maisons situées au milieu du quai. Le soir, les feux d'artifice furent tirés avec succès, suivis d'un bûcher allumé par les consuls et les bourgeois armés. La ville fut illuminée, attirant un grand nombre d'étrangers venus rendre hommage à la princesse et au prince. Le lendemain matin, la princesse et le prince quittèrent Pezenas, laissant le peuple attristé. Le juge royal de la ville de Monblanc, Julien, adressa des compliments à la princesse et au prince, soulignant leur dignité et leur bonté. Il exprima également le regret du peuple de voir la princesse partir si tôt.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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108
p. [1691]-1695
IDILLE, A Madame la Marquise de ....
Début :
J'étois dans un lieu solitaire, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Belle, Amant
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texteReconnaissance textuelle : IDILLE, A Madame la Marquise de ....
IDILLE ,
A Madame la Marquife de .
'Etois dans un lieu folitaire
J Azile frais & gracieux ;
L'aimable Reine de Cithere
S'offrit tout à coup 2 mes усих.
Quel éclat ! malgré fa trifteffe ;
Je fus charmé de fes attraits
A ij Climene
1692 MERCURE
DE FRANCE
Climene , de cette Déeffe
On peut voir en vous tous les traits .
Je fentis mon ame engagée ,
A calmer fes vives douleurs :
Quand une Belle eft affligée
Il eft doux d'effuyer fes pleurs.
D'où peuvent naître vas allarmes ,
Lui dis.je , adorable Cypris ?
Vous enchantez le Dieu des Armes;
Vulcain vous auroit - il furpris ?
'Autrefois il ofa s'en plaindre ,
L'Olimpe rit de fon courroux :
Non , vous n'avez plus rien à craindre ,
Il ſçait être commode époux.
Peut- être votre coeur fenfible
Se retrace des maux paffez ;
D'Adonis le deftin terrible ,
Caufe les pleurs que vous verfez.
Malgré la mort qui vous fépare ,
Penferiez-vous encore à lui !
Un
A OUST. 1730. 1693,
Un tel exemple feroit rare ,"
Parmi les Belles d'aujourd'hui.
Quand pour une fimple Mortelle
Votre Fils ofoit ſoupirer,
De ce qu'il vous aimoit moins qu'elle ,
On vous voyoit fouvent pleurer.
En feriez-vous encor jaloufe a
Je fuis fûr de fon changement ;
Dès que Pfiché fut fon épouse ,
Il ceffa d'être fon Amant.
Pour nous guérir d'une foibleffe ,
L'Hymen eſt un puiffant fecours ;
C'est le tombeau de la tendreffe ,
On l'éprouve affez tous les jours.
M
Ce filence doit me furprendre?
Ah ! rendez-vous à mes defirs ;
Belle Venus , daignez m'apprendre ,
Le fujet de tant de foupirs
Tu vois , me dit- elle , une mere
Réduite au plus vif deſeſpoir ;
A iij Mon
1694 MERCURE DE FRANCE
Mon Fils eft parti de Cithere ,
Jurant de ne me plus revoir.
Je viens dans mon impatience.
Tâcher de preffer ſon retour :
Je ne puis fouffrir fon abfence ,
La Beauté languit fans l'Amour.
Tout fert à redoubler ma peine ;
Dès que j'arrive dans ces lieux ,
J'apprens qu'il eft près de Climene ;
L'ingrat ! il brille dans fes yeux.
"
Que cette imprudente Mortelle ,
Redoute mes tranfports jaloux ;
Je fçai me venger ; c'eft fur elle ,
Que doit tomber tout mon courroux
Laiffons un difcours inutile
Je vais la chercher de ce pas :
Sans doute il me fera facile ,
De la connoître à ſes appas.
La Déeffe à ces mots me quitté »
Je cours vers vous avec ardeur ,
La
Á O UST.
1730. 1695
La vengeance qu'elle médite ,
M'infpire une jufte frayeur.
Prévenez -la , belle Climene :
Je veux vous apprendre comment
L'Amour y foufcrira fans peine ,
11 fera de mon fentiment.
Ouvrez à cet Enfant aimable
Votre coeur , daignez l'y cacher ;
Dans cet azile impenetrable ,
Venus n'ira pas le chercher.
D'an Amant fincere & fidele }
'Amour , exauce le fouhait :
Dans ce coeur , pour prix de mon zefe ,
Tâche de graver mon portrait.
Par l'Auteur de PIdille intitulée l'Amour
Exilé , inferée dans le Mercure du mois
de Fanvier 1729.
A Madame la Marquife de .
'Etois dans un lieu folitaire
J Azile frais & gracieux ;
L'aimable Reine de Cithere
S'offrit tout à coup 2 mes усих.
Quel éclat ! malgré fa trifteffe ;
Je fus charmé de fes attraits
A ij Climene
1692 MERCURE
DE FRANCE
Climene , de cette Déeffe
On peut voir en vous tous les traits .
Je fentis mon ame engagée ,
A calmer fes vives douleurs :
Quand une Belle eft affligée
Il eft doux d'effuyer fes pleurs.
D'où peuvent naître vas allarmes ,
Lui dis.je , adorable Cypris ?
Vous enchantez le Dieu des Armes;
Vulcain vous auroit - il furpris ?
'Autrefois il ofa s'en plaindre ,
L'Olimpe rit de fon courroux :
Non , vous n'avez plus rien à craindre ,
Il ſçait être commode époux.
Peut- être votre coeur fenfible
Se retrace des maux paffez ;
D'Adonis le deftin terrible ,
Caufe les pleurs que vous verfez.
Malgré la mort qui vous fépare ,
Penferiez-vous encore à lui !
Un
A OUST. 1730. 1693,
Un tel exemple feroit rare ,"
Parmi les Belles d'aujourd'hui.
Quand pour une fimple Mortelle
Votre Fils ofoit ſoupirer,
De ce qu'il vous aimoit moins qu'elle ,
On vous voyoit fouvent pleurer.
En feriez-vous encor jaloufe a
Je fuis fûr de fon changement ;
Dès que Pfiché fut fon épouse ,
Il ceffa d'être fon Amant.
Pour nous guérir d'une foibleffe ,
L'Hymen eſt un puiffant fecours ;
C'est le tombeau de la tendreffe ,
On l'éprouve affez tous les jours.
M
Ce filence doit me furprendre?
Ah ! rendez-vous à mes defirs ;
Belle Venus , daignez m'apprendre ,
Le fujet de tant de foupirs
Tu vois , me dit- elle , une mere
Réduite au plus vif deſeſpoir ;
A iij Mon
1694 MERCURE DE FRANCE
Mon Fils eft parti de Cithere ,
Jurant de ne me plus revoir.
Je viens dans mon impatience.
Tâcher de preffer ſon retour :
Je ne puis fouffrir fon abfence ,
La Beauté languit fans l'Amour.
Tout fert à redoubler ma peine ;
Dès que j'arrive dans ces lieux ,
J'apprens qu'il eft près de Climene ;
L'ingrat ! il brille dans fes yeux.
"
Que cette imprudente Mortelle ,
Redoute mes tranfports jaloux ;
Je fçai me venger ; c'eft fur elle ,
Que doit tomber tout mon courroux
Laiffons un difcours inutile
Je vais la chercher de ce pas :
Sans doute il me fera facile ,
De la connoître à ſes appas.
La Déeffe à ces mots me quitté »
Je cours vers vous avec ardeur ,
La
Á O UST.
1730. 1695
La vengeance qu'elle médite ,
M'infpire une jufte frayeur.
Prévenez -la , belle Climene :
Je veux vous apprendre comment
L'Amour y foufcrira fans peine ,
11 fera de mon fentiment.
Ouvrez à cet Enfant aimable
Votre coeur , daignez l'y cacher ;
Dans cet azile impenetrable ,
Venus n'ira pas le chercher.
D'an Amant fincere & fidele }
'Amour , exauce le fouhait :
Dans ce coeur , pour prix de mon zefe ,
Tâche de graver mon portrait.
Par l'Auteur de PIdille intitulée l'Amour
Exilé , inferée dans le Mercure du mois
de Fanvier 1729.
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Résumé : IDILLE, A Madame la Marquise de ....
Le poème 'Idille', publié dans le Mercure de France entre 1692 et 1695, décrit une conversation entre le narrateur et la déesse Vénus, également nommée Climène. Le narrateur est captivé par la beauté de Vénus, malgré sa tristesse. Vénus exprime ses alarmes et ses pleurs, évoquant des maux passés et la mort d'Adonis. Le narrateur la rassure en lui rappelant que l'Hymen est un remède contre la faiblesse amoureuse. Vénus révèle ensuite son désespoir maternel : son fils est parti et elle craint qu'il ne l'aime plus. Elle découvre qu'il est auprès de Climène et décide de se venger. Inquiet, le narrateur prévient Climène et lui demande de cacher l'enfant aimable dans son cœur pour protéger son amour. Le poème se conclut par une prière à l'Amour pour qu'il grave le portrait du narrateur dans le cœur de Climène.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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109
p. 1721-1730
RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été extrêmement surpris de voir une personne [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Écoles de Médecine de Paris, Esprit, Circulation, Vin, Liqueur, Mouvement, Thèse, Coeur, Sang
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
REPONSE aux Reflexions fur une
Thefe foutenue dans les Ecoles de Medecine
de Paris , concernant la qualité de
l'Eau de vie , inferées dans le Mercure
de France du mois de May 1730. page
868 .
J
E vous avouë , Monfieur , que j'ai été
extrêmement furpris de voir une perfonne
qui fait profeffion de la Medecine
fe déclarer contre M. le Hoc en faveur de
l'Eau de vie. Ce nom fpecieux n'en impofe
pas d'ordinaire , je ne dis pas aux
gens du métier , qui trouvent dans les
principes & dans les experiences dont leurs
livres font remplis des preuves des effets
funeftes de cette liqueur , mais même à
ceux qu'un jugement fain met en état de
profiter des évenemens qui ſe préſentent
tous les jours , & je me flatte que par des
raifonnemens fimples & àla portée de tout
le monde , je confirmerai dans leur fentiment
ceux qui ont la prudence de s'abftenir
de l'Eau de vie , & que je perfuaderai
du danger de cette liqueur ceux à qui elle
n'a pas encore alteré la raiſon .
Tout le monde fçait que l'Eau de vie
eft un extrait des parties fpiritueufes du
B. v vin
1722 MERCURE DE FRANCE
vin , d'où je conclus qu'elle en renferme
les qualités avec d'autant plus d'energie
que les principes font reunis fous un moindre
volume. Voyons donc les effets du
vin , & nous ferons à portée de connoître
ceux de l'Eau de vie.
Le vin , dit Fernel ( a ) rend le poulx
grand , fort , vîte & fréquent : à force de
s'en fervir fans ménagement , il le rend
inégal & dereglé; fa force (b)n'ayant pû être
domptée par le ventricule , fe répand par
tout le corps , il le fecoue tout entier
principalement le coeur & le cerveau ; il
attaque les nerfs ( c) & les membranes (d)
& devient une caufe de la goute ; enfin
il corrompt la maffe du fang , & cette
corruption fe communique au foye.
★
Le Critique aura de la peine à établir
fes experiences fur les débris de celles de
Fernel ; cependant jufqu'à ce qu'il l'ait fait,
je crois que celles de Fernel pafferont pour
conftantes ; mais comme dans les endroits
cités ce grand homme parle plus en Medecin
qu'en Philofophe , je vais tâcher de
rendre raifon de ce qu'il remarque.
Le vin étant compofé d'un foufre volatil
, & par conféquent capable d'une ex-
( a ) Pathol. Liv. 3. c. 4º
( b ) Ibid. Liv. I. c. 14.
( c ) Ibid. Liv , 6. c 18.
(d) Ibid. Liv. 6. c.41
panfion
A O UST. 1730. 1723
sanfion très confiderable , ne peut le mêler
au fang fans le rarefter très confiderablement
; donc le coeur en recevra une
plus grande quantité , donc le poulx de
viendra plus grand ; il deviendra plus
fort , puifque le fang fera plus d'effort
contre les parois de l'artere ; il fera vîte ,
parceque les fouffres du vin fe changent
facilement en efprits , & augmentent par
une fuite neceffaire le mouvement fiftaltique
des fibres ; il fera fréquent , parceque
la fréquence du poulx eft en raifon
compofée de la quantité du fang & des
efprits .
Sans décompofer les principes du vin ;
en voila plus qu'il n'en faut pour produire
les deux effets qu'apprehende M. Le Hoc,
fçavoir l'eretifme des fibres & l'épaiffiffe
ment des liqueurs .
Preuve de la premiere Propofition.
De ce que les ofcillations des fibres
augmentent à proportion de la viteffe de
la circulation , je concluerai qu'elles chaf--
feront de leurs pores ce mucilage limphatique
qui leur donne de la foupleffe ,
en même tems qu'il augmenté leur diamerre
; donc les fibres s'amaigriront , fe
fronceront , fe racorniront ; les bons effets
même de l'Eau de vie dans les fincopes ;
Bvj les
1724 MERCURE DE FRANCE
les affections foporeufes , les engourdiffe,
mens ne viennent- ils pas de l'irritation
des fibres , dont le reffort augmenté chaffe,
& rend à la circulation les humeurs qui
s'arrêtent dans les parties ? donc les fibres
fe crepent par l'ufage de l'Eau de vie. De
plus, que peut-on conclure des bons effets
de l'Eau de vie dans ces maladies , fi ce
n'eft qu'on peut s'en fervir comme d'un
remede ? & ne fçait- on pas que les remedes
n'agiffent qu'en faifant violence à la
nature ? delà vient qu'Hipocrate les appelle
des poifons , Pharmaca funt venena.
و
Preuve de la feconde Propofition .
Mais la circulation ne peut être plus
promte que les liqueurs ne foient plus
divifées ; donc la tranfpiration augmentera
, le fang fera dépouillé d'une partie
de fa ferofité , les globules qui le compofent
fe raprocheront ; donc il s'épaiffira .
. Combien de maladies ne produira pas
la compilation de ces deux caufes ? delà
le dereglement & l'inegalité du poulx
fuite neceffaire de l'inegalité du tiffu des
parties dont le fang eft compofé : delà cette
chaleur qui fe répand par tout le corps ,
ces fecouffes que reçoivent le coeur , les
nerfs , le cerveau ; en un mot , toutes les
fibres delà ces obftructions du foye qui y
caufent
:
AOUST. 1730. 1725
cauſent la corruption , & qui font fi fou
vent fuivies de l'hydropifie : delà l'interruption
de la circulation dans les glandes
finoviales , où la partie fibreuſe du fang ,
arrêtée , faute d'un vehicule füffifant , féjourne
, & s'épaiffiffant , forme ce tuf , ce
gipfe qui produit les nodofités & des
douleurs des gouteux : delà des engourdiffemens
, des ftupeurs , des affoupiffemens
, avantcoureurs de l'apoplexie : delà
cette hebetation de l'efprit qui rabaiſſe
l'homme à la condition des Quadrupedes.
Si nous penetrons à prefent dans le tiffu
-
des principes du vin , avec quel avantage
n'en établirons nous pas le danger le
fouffre volatil eft-il rien autre choſe qu'un
acide concentré avec un peu de terre &
de phlegme ? acide que la circulation ne
peut manquer de déveloper , & qui ne
peut que coaguler le fang.
Mais , dit le Critique , cette partie fpiritueufe
ne féjourne pas longtems dans les
vaiffeaux ; elle s'exhale promtement par
les pores de la peau .
C'eft ici que j'en appellerois fans crainte
à l'experience de tout le monde ; le con
traire n'arrive- t - il pas tous les jours ? la
foif, la bouche pâteufe , le gout defagréa
ble que l'on a le lendemain d'une débauche
, font- ce des preuves de la prompte
diffipation de ce poifon igné que l'on a
fait
126 MERCURE DE FRANCE
fait couler dans fes veines ? mais accordons
encore au Critique fa propofition ,
& qu'il ait la bonté de me fatisfaire fur
deux points. Je dis d'abord que fi le volatile
du vin féjourne peu dans les vaiſfeaux
, il ne peut produire qu'un effet peu
fenfible ; donc fi les vieillards & les gens
de travail veulent en tirer quelque utilité ,
il faut qu'ils en uſent fréquemment ; c'eft
ce queje ne crois pas que le Critique accorde.
En fecond lieu , je demande , ſuppofant
la verité de nos principes , s'il
voudroit le mettre dans le rifque d'ufer
d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux fous prétexte qu'il n'agit que
peu fur le corps . S'il eft de cet avis , je crois
qu'il n'aura pas beaucoup de partifans.
Mais , continue-t- il , de ce que l'efprit
de vin coagule les liqueurs hors du corps,
s'enfuit- il , comme M. Le Hoc le préténd,
que pris interieurement il doive faire le
même effet ? l'agilité , la hardieffe , le courage
de ceux qui en ufent prouvent - elles
le ralentiffement , l'épaiffiffement des li ---
queurs .
Il feroit ridicule à M. Le Hoc de con--
clure tellement de l'un à l'autre , qu'il
voulut que tout fut égal dans deux cas
totalement differens. Les liqueurs tirées
des vaiffeaux n'ont plus de mouvement
progreffif , de mouvement de trituration ;
par
A O UST. 1730. 1727
par conféquent la force du poifon n'eft
plus contrebalancée , comme lorfqu'on le
fait prendre à un animal vivant. Tout ce
qu'on doit conclure des Obfervations de
M. Le Hoc , & ce qui fait merveilleuſement
pour lui , c'eft qu'il ne faut rien
moins qu'un mouvement continuel &
violent des liqueurs pour les garantir de la
promte coagulation qu'en font les fouffres
du vin.
L'agilité , la hardieffe & c. ne prouvent
certainement pas l'épaiffiffement des li
queurs ; mais quand elles font produites
par des fouffres volatils , n'en font- elles
pas fuivies c'eft ce que M. Le Hoc niera ,
& avec raifon , tant que nos principes fubfifteront.
L'Objection du Critique tirée de l'a
vantage qui revient de l'ufage de l'Eau de
vie aux vieillards & à ceux qui font un
violent exercice du corps , ne prouve pas
davantage contre M. Le Hoc . Je demanderai
d'abord fi ceux de ces Ouvriers qui
ne boivent que de l'eau ont moins de force
2 S'il oferoit affurer que l'ufage de l'Eau
de vie ne leur nuit pas à la longue. 3 °
Je dirai qu'il ne conclura rien d'une exception
à une regle generale. Il ne faut
pas donner à la propofition de M. Le Hoc
une extenfion qu'elle n'a Dire qu'il
n'y ait point de cas , point de perfonnes
pas.
1728 MERCURE DE FRANCE
qui un ufage moderé de l'Eau de vie
ne puiffe être avantageux , ce feroit avancer
une propofition auffi contraire à la
raifon & à l'experience , qu'il le feroit de
la permettre à tout le monde . On fçait
que dans la Flandre & dans tous les Pays
où l'on fe fert de biere pour boiffon or
dinaire , les perfonnes les plus fobres en
ufent avec utilité. Les fibres engourdies
par le mucilage épais de la biere ont be
foin d'être reveillées par quelque chofe
d'actif. Mais ce n'eft qu'à raison de cette
fobrieté qu'elles ne fe trouvent pas mal de
l'ufage de l'Eau de vie . Les vieillards font
dans un cas à peu près femblable ; ils
tranfpirent moins que les autres à caufe
de la roideur de leurs fibres qui commencent
à devenir cartilagineufes ; leur fang
eft moins divifé : delà les cattarhes , &c.
d'où il fuit que l'Eau de vie augmentant
le mouvement inteftin du fang , peut leur
être utile. Les gens de travail faifant une
grande diffipation d'efprits ont befoin
d'en reparer promtement la perte ; c'eſt ,
comme nous l'avons remarqué , ce que
fait l'Eau de vie , & ce qui peut leur en
rendre l'ufagé avantageux
.
Le Critique va chercher chicane à M.
Le Hoc fur ce qu'il allegue pour prouver
fon fentiment , que l'efprit de vin injecté
dans la jugulaire d'un chien le fait mounirs
A O UST . 1730. 1729.
rir ; il dit qu'il n'eft queftion que de l'Eau
de vie dans fa propofition ; mais fi l'efprit
de vin n'eft qu'une Eau de vie rectifiée ,
il n'y a pas de doute qu'elle ne doive produire
un effet femblable , quoique moins
promtement. De plus étant prife interieu
rement , elle ne paffe dans le fang que petit
à petit , & fon effet ne peut pas
nir auffi fenfible que par l'injection.
Il s'enfuivroit , ajoûte- t- il encore ,
dans
le fentiment de M. Le Hoc , qu'un homme
devroit mourir fubitement pour boire
de l'Eau de vie , comme les oifeaux en
buvant de l'efprit de vin . Ce raifonnement
ne vaut pas mieux que le précedent par la
même raiſon.
deve..
Je finitai par ces paroles de Sydenham ✈
qui ne s'accorderont pas avec le fentiment
du Critique : Plut à Dieu que l'on s'abftine
totalement de l'Eau de vie , ou qu'on ne s'en
Servit que pour reparerfes forces , & non pour
les éteindre , à moins qu'on ne trouvât plus à
propos d'en interdire entierement l'ufage interieur,
& de la laiffer aux Chirurgiens pour
le panfement des ulceres & des brulures. Dans
le premier cas même il ne veut pas qu'on
l'employe pure ; && ss''iill llee permet dans le
fecond , ce n'eft que pour garantir la partie
affligée de la putrefaction. Et fi , felon
* Cap. 6, fect. 6.
la
1730 MERCURE DE FRANCE
la remarque de Sennert les huiles diftil-
Fees & feches demandent à être mêlées
avec quelque matiere graffe , pour ne pas
durcir la matiere qu'on veut diffoudre ,
à combien plus forte raifon doit - on apprehender
les effets d'une liqueur auffi
fpiritueufe & auffi penetrante que l'Eaur
de vie.
je
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à remarquer
fur les Reflexions de M. G. B. . '
n'ai pas crû pouvoir me difpenfer de
combattre fon fentiment qui m'a paru
trop dangereux dans la Pratique ; d'autant
plutôt que la Thefe de M. Le Hoc
ne fera pas vue d'autant de perfonnes que vûë
votre Journal. J'ai l'honneur d'être &c.
A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER
D'ABLANCOURT , Docteur en Mede
cine.
* Prag. lib. x . part. 11, cap 27. p. 141.”
Thefe foutenue dans les Ecoles de Medecine
de Paris , concernant la qualité de
l'Eau de vie , inferées dans le Mercure
de France du mois de May 1730. page
868 .
J
E vous avouë , Monfieur , que j'ai été
extrêmement furpris de voir une perfonne
qui fait profeffion de la Medecine
fe déclarer contre M. le Hoc en faveur de
l'Eau de vie. Ce nom fpecieux n'en impofe
pas d'ordinaire , je ne dis pas aux
gens du métier , qui trouvent dans les
principes & dans les experiences dont leurs
livres font remplis des preuves des effets
funeftes de cette liqueur , mais même à
ceux qu'un jugement fain met en état de
profiter des évenemens qui ſe préſentent
tous les jours , & je me flatte que par des
raifonnemens fimples & àla portée de tout
le monde , je confirmerai dans leur fentiment
ceux qui ont la prudence de s'abftenir
de l'Eau de vie , & que je perfuaderai
du danger de cette liqueur ceux à qui elle
n'a pas encore alteré la raiſon .
Tout le monde fçait que l'Eau de vie
eft un extrait des parties fpiritueufes du
B. v vin
1722 MERCURE DE FRANCE
vin , d'où je conclus qu'elle en renferme
les qualités avec d'autant plus d'energie
que les principes font reunis fous un moindre
volume. Voyons donc les effets du
vin , & nous ferons à portée de connoître
ceux de l'Eau de vie.
Le vin , dit Fernel ( a ) rend le poulx
grand , fort , vîte & fréquent : à force de
s'en fervir fans ménagement , il le rend
inégal & dereglé; fa force (b)n'ayant pû être
domptée par le ventricule , fe répand par
tout le corps , il le fecoue tout entier
principalement le coeur & le cerveau ; il
attaque les nerfs ( c) & les membranes (d)
& devient une caufe de la goute ; enfin
il corrompt la maffe du fang , & cette
corruption fe communique au foye.
★
Le Critique aura de la peine à établir
fes experiences fur les débris de celles de
Fernel ; cependant jufqu'à ce qu'il l'ait fait,
je crois que celles de Fernel pafferont pour
conftantes ; mais comme dans les endroits
cités ce grand homme parle plus en Medecin
qu'en Philofophe , je vais tâcher de
rendre raifon de ce qu'il remarque.
Le vin étant compofé d'un foufre volatil
, & par conféquent capable d'une ex-
( a ) Pathol. Liv. 3. c. 4º
( b ) Ibid. Liv. I. c. 14.
( c ) Ibid. Liv , 6. c 18.
(d) Ibid. Liv. 6. c.41
panfion
A O UST. 1730. 1723
sanfion très confiderable , ne peut le mêler
au fang fans le rarefter très confiderablement
; donc le coeur en recevra une
plus grande quantité , donc le poulx de
viendra plus grand ; il deviendra plus
fort , puifque le fang fera plus d'effort
contre les parois de l'artere ; il fera vîte ,
parceque les fouffres du vin fe changent
facilement en efprits , & augmentent par
une fuite neceffaire le mouvement fiftaltique
des fibres ; il fera fréquent , parceque
la fréquence du poulx eft en raifon
compofée de la quantité du fang & des
efprits .
Sans décompofer les principes du vin ;
en voila plus qu'il n'en faut pour produire
les deux effets qu'apprehende M. Le Hoc,
fçavoir l'eretifme des fibres & l'épaiffiffe
ment des liqueurs .
Preuve de la premiere Propofition.
De ce que les ofcillations des fibres
augmentent à proportion de la viteffe de
la circulation , je concluerai qu'elles chaf--
feront de leurs pores ce mucilage limphatique
qui leur donne de la foupleffe ,
en même tems qu'il augmenté leur diamerre
; donc les fibres s'amaigriront , fe
fronceront , fe racorniront ; les bons effets
même de l'Eau de vie dans les fincopes ;
Bvj les
1724 MERCURE DE FRANCE
les affections foporeufes , les engourdiffe,
mens ne viennent- ils pas de l'irritation
des fibres , dont le reffort augmenté chaffe,
& rend à la circulation les humeurs qui
s'arrêtent dans les parties ? donc les fibres
fe crepent par l'ufage de l'Eau de vie. De
plus, que peut-on conclure des bons effets
de l'Eau de vie dans ces maladies , fi ce
n'eft qu'on peut s'en fervir comme d'un
remede ? & ne fçait- on pas que les remedes
n'agiffent qu'en faifant violence à la
nature ? delà vient qu'Hipocrate les appelle
des poifons , Pharmaca funt venena.
و
Preuve de la feconde Propofition .
Mais la circulation ne peut être plus
promte que les liqueurs ne foient plus
divifées ; donc la tranfpiration augmentera
, le fang fera dépouillé d'une partie
de fa ferofité , les globules qui le compofent
fe raprocheront ; donc il s'épaiffira .
. Combien de maladies ne produira pas
la compilation de ces deux caufes ? delà
le dereglement & l'inegalité du poulx
fuite neceffaire de l'inegalité du tiffu des
parties dont le fang eft compofé : delà cette
chaleur qui fe répand par tout le corps ,
ces fecouffes que reçoivent le coeur , les
nerfs , le cerveau ; en un mot , toutes les
fibres delà ces obftructions du foye qui y
caufent
:
AOUST. 1730. 1725
cauſent la corruption , & qui font fi fou
vent fuivies de l'hydropifie : delà l'interruption
de la circulation dans les glandes
finoviales , où la partie fibreuſe du fang ,
arrêtée , faute d'un vehicule füffifant , féjourne
, & s'épaiffiffant , forme ce tuf , ce
gipfe qui produit les nodofités & des
douleurs des gouteux : delà des engourdiffemens
, des ftupeurs , des affoupiffemens
, avantcoureurs de l'apoplexie : delà
cette hebetation de l'efprit qui rabaiſſe
l'homme à la condition des Quadrupedes.
Si nous penetrons à prefent dans le tiffu
-
des principes du vin , avec quel avantage
n'en établirons nous pas le danger le
fouffre volatil eft-il rien autre choſe qu'un
acide concentré avec un peu de terre &
de phlegme ? acide que la circulation ne
peut manquer de déveloper , & qui ne
peut que coaguler le fang.
Mais , dit le Critique , cette partie fpiritueufe
ne féjourne pas longtems dans les
vaiffeaux ; elle s'exhale promtement par
les pores de la peau .
C'eft ici que j'en appellerois fans crainte
à l'experience de tout le monde ; le con
traire n'arrive- t - il pas tous les jours ? la
foif, la bouche pâteufe , le gout defagréa
ble que l'on a le lendemain d'une débauche
, font- ce des preuves de la prompte
diffipation de ce poifon igné que l'on a
fait
126 MERCURE DE FRANCE
fait couler dans fes veines ? mais accordons
encore au Critique fa propofition ,
& qu'il ait la bonté de me fatisfaire fur
deux points. Je dis d'abord que fi le volatile
du vin féjourne peu dans les vaiſfeaux
, il ne peut produire qu'un effet peu
fenfible ; donc fi les vieillards & les gens
de travail veulent en tirer quelque utilité ,
il faut qu'ils en uſent fréquemment ; c'eft
ce queje ne crois pas que le Critique accorde.
En fecond lieu , je demande , ſuppofant
la verité de nos principes , s'il
voudroit le mettre dans le rifque d'ufer
d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux fous prétexte qu'il n'agit que
peu fur le corps . S'il eft de cet avis , je crois
qu'il n'aura pas beaucoup de partifans.
Mais , continue-t- il , de ce que l'efprit
de vin coagule les liqueurs hors du corps,
s'enfuit- il , comme M. Le Hoc le préténd,
que pris interieurement il doive faire le
même effet ? l'agilité , la hardieffe , le courage
de ceux qui en ufent prouvent - elles
le ralentiffement , l'épaiffiffement des li ---
queurs .
Il feroit ridicule à M. Le Hoc de con--
clure tellement de l'un à l'autre , qu'il
voulut que tout fut égal dans deux cas
totalement differens. Les liqueurs tirées
des vaiffeaux n'ont plus de mouvement
progreffif , de mouvement de trituration ;
par
A O UST. 1730. 1727
par conféquent la force du poifon n'eft
plus contrebalancée , comme lorfqu'on le
fait prendre à un animal vivant. Tout ce
qu'on doit conclure des Obfervations de
M. Le Hoc , & ce qui fait merveilleuſement
pour lui , c'eft qu'il ne faut rien
moins qu'un mouvement continuel &
violent des liqueurs pour les garantir de la
promte coagulation qu'en font les fouffres
du vin.
L'agilité , la hardieffe & c. ne prouvent
certainement pas l'épaiffiffement des li
queurs ; mais quand elles font produites
par des fouffres volatils , n'en font- elles
pas fuivies c'eft ce que M. Le Hoc niera ,
& avec raifon , tant que nos principes fubfifteront.
L'Objection du Critique tirée de l'a
vantage qui revient de l'ufage de l'Eau de
vie aux vieillards & à ceux qui font un
violent exercice du corps , ne prouve pas
davantage contre M. Le Hoc . Je demanderai
d'abord fi ceux de ces Ouvriers qui
ne boivent que de l'eau ont moins de force
2 S'il oferoit affurer que l'ufage de l'Eau
de vie ne leur nuit pas à la longue. 3 °
Je dirai qu'il ne conclura rien d'une exception
à une regle generale. Il ne faut
pas donner à la propofition de M. Le Hoc
une extenfion qu'elle n'a Dire qu'il
n'y ait point de cas , point de perfonnes
pas.
1728 MERCURE DE FRANCE
qui un ufage moderé de l'Eau de vie
ne puiffe être avantageux , ce feroit avancer
une propofition auffi contraire à la
raifon & à l'experience , qu'il le feroit de
la permettre à tout le monde . On fçait
que dans la Flandre & dans tous les Pays
où l'on fe fert de biere pour boiffon or
dinaire , les perfonnes les plus fobres en
ufent avec utilité. Les fibres engourdies
par le mucilage épais de la biere ont be
foin d'être reveillées par quelque chofe
d'actif. Mais ce n'eft qu'à raison de cette
fobrieté qu'elles ne fe trouvent pas mal de
l'ufage de l'Eau de vie . Les vieillards font
dans un cas à peu près femblable ; ils
tranfpirent moins que les autres à caufe
de la roideur de leurs fibres qui commencent
à devenir cartilagineufes ; leur fang
eft moins divifé : delà les cattarhes , &c.
d'où il fuit que l'Eau de vie augmentant
le mouvement inteftin du fang , peut leur
être utile. Les gens de travail faifant une
grande diffipation d'efprits ont befoin
d'en reparer promtement la perte ; c'eſt ,
comme nous l'avons remarqué , ce que
fait l'Eau de vie , & ce qui peut leur en
rendre l'ufagé avantageux
.
Le Critique va chercher chicane à M.
Le Hoc fur ce qu'il allegue pour prouver
fon fentiment , que l'efprit de vin injecté
dans la jugulaire d'un chien le fait mounirs
A O UST . 1730. 1729.
rir ; il dit qu'il n'eft queftion que de l'Eau
de vie dans fa propofition ; mais fi l'efprit
de vin n'eft qu'une Eau de vie rectifiée ,
il n'y a pas de doute qu'elle ne doive produire
un effet femblable , quoique moins
promtement. De plus étant prife interieu
rement , elle ne paffe dans le fang que petit
à petit , & fon effet ne peut pas
nir auffi fenfible que par l'injection.
Il s'enfuivroit , ajoûte- t- il encore ,
dans
le fentiment de M. Le Hoc , qu'un homme
devroit mourir fubitement pour boire
de l'Eau de vie , comme les oifeaux en
buvant de l'efprit de vin . Ce raifonnement
ne vaut pas mieux que le précedent par la
même raiſon.
deve..
Je finitai par ces paroles de Sydenham ✈
qui ne s'accorderont pas avec le fentiment
du Critique : Plut à Dieu que l'on s'abftine
totalement de l'Eau de vie , ou qu'on ne s'en
Servit que pour reparerfes forces , & non pour
les éteindre , à moins qu'on ne trouvât plus à
propos d'en interdire entierement l'ufage interieur,
& de la laiffer aux Chirurgiens pour
le panfement des ulceres & des brulures. Dans
le premier cas même il ne veut pas qu'on
l'employe pure ; && ss''iill llee permet dans le
fecond , ce n'eft que pour garantir la partie
affligée de la putrefaction. Et fi , felon
* Cap. 6, fect. 6.
la
1730 MERCURE DE FRANCE
la remarque de Sennert les huiles diftil-
Fees & feches demandent à être mêlées
avec quelque matiere graffe , pour ne pas
durcir la matiere qu'on veut diffoudre ,
à combien plus forte raifon doit - on apprehender
les effets d'une liqueur auffi
fpiritueufe & auffi penetrante que l'Eaur
de vie.
je
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à remarquer
fur les Reflexions de M. G. B. . '
n'ai pas crû pouvoir me difpenfer de
combattre fon fentiment qui m'a paru
trop dangereux dans la Pratique ; d'autant
plutôt que la Thefe de M. Le Hoc
ne fera pas vue d'autant de perfonnes que vûë
votre Journal. J'ai l'honneur d'être &c.
A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER
D'ABLANCOURT , Docteur en Mede
cine.
* Prag. lib. x . part. 11, cap 27. p. 141.”
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Résumé : RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
Le texte est une réponse aux réflexions publiées dans le Mercure de France de mai 1730 concernant la qualité de l'eau-de-vie. L'auteur exprime sa surprise face à un médecin qui défend l'eau-de-vie, une liqueur extraite des parties spirituelles du vin. Il souligne que l'eau-de-vie concentre les effets du vin, notamment sur le pouls et la circulation sanguine. Selon Fernel, le vin rend le pouls grand, fort, rapide et fréquent, mais à l'excès, il le dérègle et se répand dans le corps, affectant le cœur, le cerveau et les nerfs. L'auteur argue que l'eau-de-vie, en augmentant la circulation, irrite les fibres et épaissit les liquides, causant divers maux comme la goutte, des engourdissements et des troubles cérébraux. Il réfute les arguments en faveur de l'eau-de-vie pour les vieillards et les travailleurs, affirmant que son usage modéré peut être bénéfique dans certains cas spécifiques. L'auteur conclut en citant Sydenham, prônant l'abstinence totale de l'eau-de-vie ou son usage strictement médical.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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110
p. 1864-1868
Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 20. Juillet, l'Opera Comique de la Foire S. Laurent, donna la premiere Représentation de [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Foire Saint-Laurent, Vaudeville, Coeur, Cavalier
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texteReconnaissance textuelle : Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Le 20. Juillet , l'Opera Comique de la Foire
S. Laurent , donna la premiere Repréſentation de
la Piece nouvelle , Les deux Suivantes , dont voici
en peu de mots le Sujet.
Lucinde a une fille fort aimable , qu'elle doit
marier à M. Orgon , Gentilhomme de Province
lequel doit arriver inceffamment chez fa future
Belle- mere pour finir ce Mariage. Ce Gentilhomme
n'a qu'un fils nommé Leandre , qui a quitté
la Maifon de fon pere pour voyager , & dont
ce pere eft fort en peine , n'ayant eu aucune de fes
nouvelles depuis qu'il eft parti ; c'eft ce qui lui
fait prendre la réfolution de fe remarier , croyant
d'avoir perdu le feul fils qu'il avoit. Le hazard
fait que Leandre fe trouve dans un Bal avec la
fille de Lucinde , nommée Flavie , accompagnée
de fa Suivante Lifette ; ils ne font pas long- tems
A O UST. 1730. 1865
à faire connoiffance , & ne fe féparent qu'à regret
à la fin du Bal. Léandre , qui eft fort en peine de
revoir Flavie , trouve le moyen de parler à Liſette
pour l'engager de le fervir auprès de fa Maîtreffe;
cette Suivante promet à Leandre de le fervir dans
fes amours , & l'expedient qu'elle trouve eft de
feindre de vouloir quitter fa Maîtreffe fous prétexte
qu'elle va fe marier , & de donner une autre
Suivante de fa main à Flavie . C'est justement
Léandre qu'elle fait traveftir en Suivante , & la
préfente à Lucinde & à fa fille. La fauffe Suivante
fous le nom de Clarice , eſt reçûë avec toute forte
d'agrémens dans la maiſon , comme venant
de la main de Lifette , qu'on eft bien fâché de
perdre , Flavie , fur tout , trouve cette nouvelle
Suivante fort à fon gré , ayant , dit-elle , beaucoup
de l'air & des manieres d'un Cavalier qu'elle
a vû depuis peu au Bal. Cependant Léandre a
tout le temps d'entretenir fa belle Maîtreffe , quoique
celle-ci ne le connoiffe pas encore pour
´P'homme du Bal ; mais Lifette qui furvient , &
qui craint à tous momens que cette fauffe Suivante
ne foit découverte , déclare à Flavie le traveſtiſſement
, & lui apprend que c'eſt Léandte.
Lucinde n'est détrompée de la fourberie qu'à
l'arrivée d'Orgon , qui ayant defcendu chez Lucinde
, a trouvé dans le jardin Flavie, tête- à- tête
avec un Cavalier , c'est justement Clarice qui
avoit quitté l'habit de Suivante pour reprendre
le fien on fait entendre à la mere que Clarice s'eft
déguifée en Cavalier pour réjouir fa jeune Maîtreffe
; on dit la même chofe à Orgon , qui eft
fort irrité d'avoir trouvé Flavie avec un Cavalier ;
on lui prefente enfin la fauffe Suivante, mais il eſt
bien étonné de trouver en elle Léandre fon fils ,
qu'il croyoit perdu. Lifette vient découvrir la
fourberie dont elle s'eft mêlée , & on n'eſt pas
Hv long1866
MERCURE
DE FRANCE
Jong -temps à conclure le Mariage de ces deux
Amans , qui font enfin parvenus à s'époufer par
cette Métamorphofe amoureufe . La Piece finit
par un Divertiffement qui eft terminé par un
Vaudeville de la compofition de M. Gilliers. En
yoici quelques Couplets .
VAUDEVILLE
.
Quar
Uand de fes feux unjeune coeur ,
D'un ton flateur
Nous affure ,
Croyez-moi , répondons toujours ,
A fes difcours ,
Turelure .
Mettez -vous bien cela ,
La ;
Jeunes Fillettes ,
Songez que tout Amant ;
Ment ,
Dans fes fleuretes.
Ton petit minois fans deffaut ,
M'a rendu chaud
Comme braife ;
Toujours brulant pour tes appas
Guillot n'eft pas
A fon aife.
Je mourrai de fouci ,
Si
Ta
A O UST . 1730. 1767
Ta rigueur dure ,
De ton coeur fais-moi donc
Don ,
Je t'en conjure.
Pour moi ton coeur n'eft point ingrat
Mais fans Contrat ,
Point d'affaire ;
C'est un trompeur que Cupidon ,
Et la Raifon ,
Me függere
Qu'on n'a de ce vaurien
Rien ,
Quand la Bérgere ,
Donne à quelque garçon ,
Son
Coeur fans Notaire.
Maître d'un joli Jardinet,
f
Lucas y fait
Peu d'ouvrage ,
7
Et quand quelqu'un veut ſe mêler
D'y travailler ,
Il fait rage ,
N'a-t-il pas , ce Butord
Tort ,
Quand il nous prive
D'un bien que ce Balourd ,
H vj
Lourd
1
1868 MERCURE DE FRANCE
C
Lourt
Très-mal cultive.
Pour nous aimer , trinquons fouvent }
L'amour ſe prend
Dans le verre ;
Les coeurs forment des noeuds en vain
Si le bon vin
Ne les ferre ,
Cela ne tient jamais
Mais ,
La fimpatie ,
Quand Bacchus l'entretient ;
Tient
Toute la vie.
Maris , voulez-vous fuir l'affront ;
Qu'à votre front ,
On peut faire ;
Au logis ne léfinez point ,
C'eft - là le point
Neceffaire ;
On eft pour vous conſtant
Tant ,
Que rien ne chomme ;
Qui ménage l'argent ,
Jean
Bien- tôt fe nomme.
S. Laurent , donna la premiere Repréſentation de
la Piece nouvelle , Les deux Suivantes , dont voici
en peu de mots le Sujet.
Lucinde a une fille fort aimable , qu'elle doit
marier à M. Orgon , Gentilhomme de Province
lequel doit arriver inceffamment chez fa future
Belle- mere pour finir ce Mariage. Ce Gentilhomme
n'a qu'un fils nommé Leandre , qui a quitté
la Maifon de fon pere pour voyager , & dont
ce pere eft fort en peine , n'ayant eu aucune de fes
nouvelles depuis qu'il eft parti ; c'eft ce qui lui
fait prendre la réfolution de fe remarier , croyant
d'avoir perdu le feul fils qu'il avoit. Le hazard
fait que Leandre fe trouve dans un Bal avec la
fille de Lucinde , nommée Flavie , accompagnée
de fa Suivante Lifette ; ils ne font pas long- tems
A O UST. 1730. 1865
à faire connoiffance , & ne fe féparent qu'à regret
à la fin du Bal. Léandre , qui eft fort en peine de
revoir Flavie , trouve le moyen de parler à Liſette
pour l'engager de le fervir auprès de fa Maîtreffe;
cette Suivante promet à Leandre de le fervir dans
fes amours , & l'expedient qu'elle trouve eft de
feindre de vouloir quitter fa Maîtreffe fous prétexte
qu'elle va fe marier , & de donner une autre
Suivante de fa main à Flavie . C'est justement
Léandre qu'elle fait traveftir en Suivante , & la
préfente à Lucinde & à fa fille. La fauffe Suivante
fous le nom de Clarice , eſt reçûë avec toute forte
d'agrémens dans la maiſon , comme venant
de la main de Lifette , qu'on eft bien fâché de
perdre , Flavie , fur tout , trouve cette nouvelle
Suivante fort à fon gré , ayant , dit-elle , beaucoup
de l'air & des manieres d'un Cavalier qu'elle
a vû depuis peu au Bal. Cependant Léandre a
tout le temps d'entretenir fa belle Maîtreffe , quoique
celle-ci ne le connoiffe pas encore pour
´P'homme du Bal ; mais Lifette qui furvient , &
qui craint à tous momens que cette fauffe Suivante
ne foit découverte , déclare à Flavie le traveſtiſſement
, & lui apprend que c'eſt Léandte.
Lucinde n'est détrompée de la fourberie qu'à
l'arrivée d'Orgon , qui ayant defcendu chez Lucinde
, a trouvé dans le jardin Flavie, tête- à- tête
avec un Cavalier , c'est justement Clarice qui
avoit quitté l'habit de Suivante pour reprendre
le fien on fait entendre à la mere que Clarice s'eft
déguifée en Cavalier pour réjouir fa jeune Maîtreffe
; on dit la même chofe à Orgon , qui eft
fort irrité d'avoir trouvé Flavie avec un Cavalier ;
on lui prefente enfin la fauffe Suivante, mais il eſt
bien étonné de trouver en elle Léandre fon fils ,
qu'il croyoit perdu. Lifette vient découvrir la
fourberie dont elle s'eft mêlée , & on n'eſt pas
Hv long1866
MERCURE
DE FRANCE
Jong -temps à conclure le Mariage de ces deux
Amans , qui font enfin parvenus à s'époufer par
cette Métamorphofe amoureufe . La Piece finit
par un Divertiffement qui eft terminé par un
Vaudeville de la compofition de M. Gilliers. En
yoici quelques Couplets .
VAUDEVILLE
.
Quar
Uand de fes feux unjeune coeur ,
D'un ton flateur
Nous affure ,
Croyez-moi , répondons toujours ,
A fes difcours ,
Turelure .
Mettez -vous bien cela ,
La ;
Jeunes Fillettes ,
Songez que tout Amant ;
Ment ,
Dans fes fleuretes.
Ton petit minois fans deffaut ,
M'a rendu chaud
Comme braife ;
Toujours brulant pour tes appas
Guillot n'eft pas
A fon aife.
Je mourrai de fouci ,
Si
Ta
A O UST . 1730. 1767
Ta rigueur dure ,
De ton coeur fais-moi donc
Don ,
Je t'en conjure.
Pour moi ton coeur n'eft point ingrat
Mais fans Contrat ,
Point d'affaire ;
C'est un trompeur que Cupidon ,
Et la Raifon ,
Me függere
Qu'on n'a de ce vaurien
Rien ,
Quand la Bérgere ,
Donne à quelque garçon ,
Son
Coeur fans Notaire.
Maître d'un joli Jardinet,
f
Lucas y fait
Peu d'ouvrage ,
7
Et quand quelqu'un veut ſe mêler
D'y travailler ,
Il fait rage ,
N'a-t-il pas , ce Butord
Tort ,
Quand il nous prive
D'un bien que ce Balourd ,
H vj
Lourd
1
1868 MERCURE DE FRANCE
C
Lourt
Très-mal cultive.
Pour nous aimer , trinquons fouvent }
L'amour ſe prend
Dans le verre ;
Les coeurs forment des noeuds en vain
Si le bon vin
Ne les ferre ,
Cela ne tient jamais
Mais ,
La fimpatie ,
Quand Bacchus l'entretient ;
Tient
Toute la vie.
Maris , voulez-vous fuir l'affront ;
Qu'à votre front ,
On peut faire ;
Au logis ne léfinez point ,
C'eft - là le point
Neceffaire ;
On eft pour vous conſtant
Tant ,
Que rien ne chomme ;
Qui ménage l'argent ,
Jean
Bien- tôt fe nomme.
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Résumé : Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Le 20 juillet 1730, l'Opéra Comique de la Foire Saint-Laurent a présenté pour la première fois la pièce 'Les deux Suivantes'. L'intrigue se concentre sur Lucinde, qui organise le mariage de sa fille Flavie avec M. Orgon, un gentilhomme de province. Orgon a un fils, Léandre, parti en voyage, dont il est sans nouvelles, ce qui le pousse à envisager de se remarier. Par hasard, Léandre rencontre Flavie lors d'un bal et en tombe amoureux. Pour la revoir, il convainc Lisette, la suivante de Flavie, de l'aider en se déguisant en suivante. Lisette présente Léandre, déguisé en Clarice, à Lucinde et Flavie. Flavie trouve Clarice charmante et remarque qu'elle ressemble à un cavalier rencontré au bal. Lisette révèle finalement à Flavie la véritable identité de Clarice. Lorsque Orgon arrive, il découvre Flavie en compagnie de Léandre, déguisé en cavalier. Lisette avoue alors son rôle dans la supercherie. Orgon, irrité, reconnaît finalement Léandre comme son fils. La pièce se conclut par le mariage de Léandre et Flavie, suivi d'un divertissement et d'un vaudeville composé par M. Gilliers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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111
p. [1903]-1912
PORTRAIT DE L'HOMME.
Début :
Las de perdre le tems à lire des Volumes, [...]
Mots clefs :
Homme, Repos, Âme, Coeur, Yeux
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE L'HOMME.
PORTRAIT,
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
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Résumé : PORTRAIT DE L'HOMME.
Le texte 'Portrait, Zoön de l'Homme' examine la nature humaine complexe et contradictoire. L'auteur suggère de se concentrer sur l'étude de l'homme plutôt que de lire des ouvrages inutiles. Il observe que plus on acquiert de connaissances, plus on est rempli de doutes et on risque de s'égarer. L'homme est comparé à un nœud subtil, difficile à démêler, se cherchant et s'évitant à la fois. Il est sujet à des sentiments contradictoires, s'aimant et se déplaisant, et ignorant sa propre nature lorsqu'il s'examine. L'homme conserve un instinct de nature heureuse, mais ses sens ingénieux ne trouvent pas de bien qui satisfait son envie. Il est perpétuellement insatisfait et trompé par sa vanité. Il se croit grand et utilise des masques trompeurs pour se contrefaire. Bien qu'il puisse influencer le sort du monde, son pouvoir est fragile et peut être renversé par des accidents mineurs. L'homme est inconstant et changeant, passant rapidement du bonheur au malheur. Il est sujet à des humeurs capricieuses et trouve du charme dans le trouble et les alarmes. Sa raison est souvent troublée par des pensées légères. L'auteur conclut en recommandant la foi comme moyen d'éviter les malheurs de la vie et de tracer un portrait fidèle de la nature humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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112
p. 1912-1935
QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Début :
Il ne faut pas douter, Monsieur, que l'exercice du bureau tipografique n'amuse [...]
Mots clefs :
Enfants, Cartes, Méthode, Exercice, Coeur, Combinaison, Esprit, Apprentissage, Français, Latin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
QUATRI E'M E
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
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Résumé : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Le texte présente une méthode pédagogique appelée 'bureau typographique' visant à instruire et amuser les enfants. Cette méthode consiste à apprendre aux enfants les lettres, les syllabes, les mots et les lignes en les composant et décomposant sur une table de bureau. Les maîtres doivent faire preuve de douceur et de patience. Les enfants utilisent des cartes pour jouer avec les lettres et les combinaisons de syllabes, commençant par des combinaisons élémentaires comme 'ab, eb, ib, ob, ub' et progressant vers des combinaisons plus complexes. Les cartes sont utilisées pour des jeux éducatifs, où les enfants apprennent à lire et à reconnaître les lettres. Les thèmes abordés commencent par des sujets familiers aux enfants, comme les parents et les amis, et progressent vers des sujets plus complexes comme l'histoire, la mythologie et la géographie. Les cartes peuvent également contenir des terminaisons de déclinaisons et de conjugaisons, ainsi que des adverbes et des prépositions en français et en latin. La méthode encourage l'enfant à lire à haute voix et à pratiquer régulièrement. Elle inclut également des exercices numériques pour familiariser l'enfant avec les nombres. L'enfant doit composer et décomposer des thèmes sur son bureau, ce qui lui permet d'apprendre par la pratique. La méthode est conçue pour être variée et amusante, évitant ainsi l'ennui et le dégoût. Elle peut être adaptée pour inclure des jeux d'anagrammes, de musique et d'autres activités éducatives. Le texte souligne l'importance de la pratique continue et de la variété dans les exercices pour maintenir l'intérêt de l'enfant. La méthode est également adaptable à différentes langues et disciplines, comme le grec, l'hébreu, l'arabe, l'histoire, la géographie, et les arts. Les enfants doivent disposer de plusieurs bureaux pour différentes matières, comme les langues ou les sciences. Un bureau historique, par exemple, permettrait à l'enfant de structurer ses connaissances et de développer un goût pour la méthode d'apprentissage. Les cartes et les objets amusants et instructifs doivent orner les murs du cabinet de l'enfant, adaptés à ses capacités et aux aspirations de ses parents. L'article insiste sur l'importance de la méthode et de l'attention proportionnée à l'âge de l'enfant. Il recommande de rendre les exercices agréables et instructifs, et de travailler souvent avec l'enfant. Les maîtres doivent éviter de frapper ou de battre les enfants, sauf en cas de fautes morales volontaires, et toujours avec modération. La douceur, la patience et la clémence sont essentielles. Pour l'apprentissage de la lecture, les thèmes scientifiques (cartes avec des lignes de français exactes) sont préférés aux livres, car ils permettent une pratique plus précise des sons et de l'orthographe. L'enfant apprend ainsi à lire plus facilement et plus correctement. Les cartes peuvent ensuite être utilisées pour d'autres langues, comme le grec ou l'hébreu, facilitant l'apprentissage de plusieurs langues simultanément. Le texte critique les méthodes traditionnelles qui se contentent de faire apprendre des règles par cœur sans les comprendre. Il prône une méthode pratique et intuitive, où la théorie et la pratique avancent de concert. Les jeux abécédiques sont introduits dès que l'enfant sait articuler quelques syllabes, rendant l'apprentissage ludique et efficace. Le document mentionne également une cassette abécédique, un outil littéraire destiné aux enfants de deux à trois ans. Cette cassette contient diverses combinaisons de lettres et de sons pour faciliter l'apprentissage de la lecture. Elle est organisée de manière à permettre à l'enfant de pratiquer les combinaisons dans différentes directions. Les différents côtés et faces de la cassette contiennent des lettres latines et françaises, des combinaisons élémentaires, et des distinctions entre grandes et petites lettres. Le dessus du couvercle inclut des combinaisons spécifiques et des sons particuliers à la langue française. La cassette sert à rendre l'apprentissage ludique et à conserver les cartes et jeux de cartes abécédiques utilisés comme premiers amusements pour l'enfant. Ces cassettes, ainsi que les cartons et cartes abécédiques, sont disponibles chez P. Witte, libraire rue S. Jacques, à l'Ange Gardien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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113
p. 1951
AVIS à une jeune Demoiselle de douze ans. MADRIGAL.
Début :
Vous êtes jeune & belle, agréez un avis, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Dieu d'amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS à une jeune Demoiselle de douze ans. MADRIGAL.
AVIS à une jeune Demoiſelle
de douze ans.
MADRIGAL.
Vous êtes jeune & belle , agréez un avis ;
Que je vous donne avant que votre coeur foit
pris.
Cet avis convient à votre âge ,
Le Dieu d'Hymen , le Dieu d'Amour
Egalement jaloux de l'avoir en partage ,
Vont bien-tôt vous faire leur cour.
Je ne fçai point entr'eux quel choix ſera le vôtre
,
Mais ils ont beau vouloir vous plaire tour à
tour ,
N'écoutez jamais l'un fans l'autre.
M. D. M
de douze ans.
MADRIGAL.
Vous êtes jeune & belle , agréez un avis ;
Que je vous donne avant que votre coeur foit
pris.
Cet avis convient à votre âge ,
Le Dieu d'Hymen , le Dieu d'Amour
Egalement jaloux de l'avoir en partage ,
Vont bien-tôt vous faire leur cour.
Je ne fçai point entr'eux quel choix ſera le vôtre
,
Mais ils ont beau vouloir vous plaire tour à
tour ,
N'écoutez jamais l'un fans l'autre.
M. D. M
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114
p. 1992-1998
Essais hebdomadaires sur plusieurs sujets, [titre d'après la table]
Début :
ESSAIS HEBDOMADAIRES sur plusieurs Sujets interessans. A Paris, ruë [...]
Mots clefs :
Femmes, Hommes, Coeur, Sentiments
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Essais hebdomadaires sur plusieurs sujets, [titre d'après la table]
ESSAIS HEBDOMADAIRES fur plu
fieurs Sujets intereffans. A Paris , ruë
Jacques , chez Et . Ganeau , 1730. Par
M. Dupuy, cy- devant Secretaire au Traité
de Paix de Rifwick. Brochure de 67. pages
, compris la Préface qui en contient
30. On diftribue ces Effais tous les Lundis
de chaque Semaine .
Cet
SEPTEMBRE. 1730. 1993
Cet Ouvrage ne paroît point du tout
fait à la hâte ; on le trouye écrit , au contraire
, avec grand fọin , & il y a lieu de
croire qu'il fera gouté du Public . L'Auteur
rapporte à la 59. page une Lettre de
M. Abbadic à M. Bayle , où l'on trouve
ce jugement fur les Ouvrages de ce dernier
: F'ai lu votre Journal , fans compliment
il m'a extraordinairement plû ; il y
a par tout de la politeffe , du tour , de l'efprit
, de l'érudition , du raifonnement & un
certain difcernement de Philofophe , une feverité
de raison que tous les grands hommes
&c. n'ont pas
On trouve dans la feconde femaine une
Lettre de M. Le Clerc à M. Bayle , qui
lui parle avec cette franchiſe au fujet de
fon Journal qui commençoit alors à paroître.
On dit en general que l'Auteur des
Nouvelles s'étend trop fur des chofes qui ne
ne font pas fi neceffaires , & qu'on pourroit
aifement réduire ... Quelques autres difent
que ce qu'on fouhaite n'est pas d'avoir tous
les mois des Reflexions de l'Auteur fur les
Livres qu'on imprime , mais des Extraits
fideles par où l'on puiffe voir s'ils meritent
qu'on les achete ou qu'on les life . On enſçaura
bienjuger enfuite fans les lumieres de l'Auteur
qui débite mal à propos ( ce font les termes
d'un homme d'efprit ) fes lieux communs
à l'occafion du titre des Livres .
Le
1994 MERCURE DE FRANCE
Le foin que l'Auteur prend de juftifier
par tout la Religion Proteftante , eft loudble,
dit- on , mais il n'eft pas de faifon , & il
doit referver les remarques qu'il fait fur ce
Sujet pour quelque Livre de Controverſe &c.
On dit que fur l'Article du P. Thomaffin
page 213. il valoit mieux faire un Extrait
des matieres qu'il traite & de la Méthode
qu'il obferve que de le railler & de railler.
les Peres.
Toutes ces Lettres écrites par des Sçavans
ou par des perfonnes de confideration
à M. Bayle , fe font lire avec plaifir.
La penultiéme qui remplit cette feconde
femaine , écrite par M. du Rondel en Septembre
1684. ( toutes les autres font de
cette année ) contient un fait affez ſingulier
; le voici :
A neuf heures du matin , après un quart
d'heure de pluye , le vent venant tout à
coup à écarter les nuages , les pouffa dans
une Vallée , & nous préfenta à quelques
500. pas de Rochefort en Ardenne un des
plus beaux fpectacles du monde ; c'étoit
un Iris tout nouveau ; la matiere qui le
formoit n'étoit point courbée vers la terre
, pour en faire un Arc en Ciel , comme
il arrive d'ordinaire , ni renversée vers le
Ciel , comme il arrive quelquefois . C'étoient
des nuages droits & perpendiculaires
, à peu près comme de longues colonnes
,
SEPTEMBRE. 1730. 1995
Ionnes dont la premiere étoit verte , la
feconde rouge , la troifiéme orangée & la
quatrième bleue , contre le mélange ordinaire
des couleurs de ce méteore . Ces
colonnes étoient toutes claires & tranfparentes
, & laiffoient voir diftinctement les
objets qui étoient derriere , comme des
Bois , des Collines , des Châteaux &c, &
quand elles vinrent à s'évanouir , elles
commencerent par l'orangée & par la
rouge. Ce fpectacle dura environ un demi
quart d'heure. Je ne doute point que
ce Phénomene , que j'appelle nouveau ,
n'ait été vû autrefois ; mais comme perfonne
n'a encore parlé d'un Iris perpendiculaire
, c'eft pour cette raifon que je
l'aiappellé nouveau .
On voit par la troifiéme Semaine que
cet Ouvrage fe foutient ; on y voit le
même ordre , même politeffe de ftile &
même efprit. Il eft queftion ici de Reflexions
fur les femmes ; en voici quel
ques unes.
Les hommes eftiment trop les femmes,
ou ne les eftiment pas affez .
Une femme coquette s'attache plus à
furprendre l'eftime des hommes qu'à la
mériter. Un homme galant eft de même
à l'égard des femmes &c .
La naïveté bien imitée flatte les hom
mes & fait honneur aux femmes ; de tous
les
1996 MERCURE DE FRANCE
"
"
les filets qu'elles nous tendent , il n'y en
a point où nous foyons pris plus agréablement
& plus promtement .
Si le goût que les hommes ont pour les
femmes n'avoit pas fes variations , fes ralentiffemens
, que deviendroient les Arts,
les Sciences & les affaires ?
Les femmes pour ſe garantir de l'amour
ont leur temperamment à furmonter , les
follicitations continuelles des hommes à
foûtenir , les détours artificieux de certaines
Emiffaires à demêler , la force de
l'exemple & de la coûtume à vaincre ;
tout confpire à amollir leur coeur. Dès
l'enfance , pour ainfi parler , de tendres
Chanfons les préparent à être fenfibles au
langage amoureux ; livres , fpectacles ,
entretiens , repas où regne la licence ; il
n'y a rien qui ne concoure à leur faire
fouhaiter de brûler d'un feu qui leur paroit
doux , dont elles fentent en ellesmêmes
la fource , & fans lequel la vie leur
paroît languiffante. Devons- nous être furpris
fi la chafteté eft une vertu fi rare ? &
ne devons-nous pas , au contraire , regarder
avec admiration les femmes qui au
milieu de tant d'écueils évitent le naufrage
?
Il eſt plus aifé à une femme qui n'eft
que belle de faire plufieurs conquêtes
que d'en conferver une : les triomphes
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1997
d'une femme qui a beaucoup d'efprit &
peu de beauté font moins faciles & plus
durables.
Fierté dans le maintien & dans le dif
cours , preuve très équivoque qu'il y en
ait dans la conduite & dans les fentimens.
Il y auroit de l'injuftice à ne pas convenir
que les hommes ont beaucoup d'obligation
aux Dames : ne leur doivent - ils
pas ce qu'ils ont d'agrément dans les manieres
, de délicatefle dans les fentimens ,
de complaifance dans l'humeur , de fineffe
dans l'eſprit ? le defir de leur plaire
eft pour eux un puiffant aiguillon pour
les animer à acquerir du mérite.
Quelque douceur , quelque fincerité
que nous annoncent les yeux , les traits
du vifage , le fon de la voix d'une femme
, nous n'en devons pas être plus affurés
des fentimens de fon coeur : le veritable
caractere des femmes eft communément
incompréhenfible ; elles ont le pri
vilege de tromper les hommes, quand elles
veulent leur foibleffe pour
elles augmente
la difficulté qu'il y a de les connoître
; non feulement ils ne fentent pas
quand elles les trompent avec adreffe ,
mais lors même qu'elles veulent s'épargner
le foin d'y employer l'artifice : foit
par leur art , foit par la vanité des hommes
, elles leur cachent prefque toûjours
E ce
1998 MERCURE DE FRANCE
ce qu'elles ont interêt qu'ils ignorent ,
fur tout quand ils les aiment de bonne
foi , & qu'elles ont fçû les perfuader qu'elles
les aiment.
pas
Nous finirons par cette Reflexion qu'on
trouve à la page 210. J'eftime , Monfieur,
qu'il n'y a que deux fortes de femmes qui
ne foient diffimulées : celles en qui
tous principes d'honneur font éteints , &
qui ont renoncé à tout ménagement pour
leur réputation , & celles qui ayant reçû
de leurs parens une bonne éducation
font comme naturellement vertueufes
n'ont jamais laiffé gliffer dans leur
coeur aucun fentiment qu'elles ne puiffent
avoüer.
fieurs Sujets intereffans. A Paris , ruë
Jacques , chez Et . Ganeau , 1730. Par
M. Dupuy, cy- devant Secretaire au Traité
de Paix de Rifwick. Brochure de 67. pages
, compris la Préface qui en contient
30. On diftribue ces Effais tous les Lundis
de chaque Semaine .
Cet
SEPTEMBRE. 1730. 1993
Cet Ouvrage ne paroît point du tout
fait à la hâte ; on le trouye écrit , au contraire
, avec grand fọin , & il y a lieu de
croire qu'il fera gouté du Public . L'Auteur
rapporte à la 59. page une Lettre de
M. Abbadic à M. Bayle , où l'on trouve
ce jugement fur les Ouvrages de ce dernier
: F'ai lu votre Journal , fans compliment
il m'a extraordinairement plû ; il y
a par tout de la politeffe , du tour , de l'efprit
, de l'érudition , du raifonnement & un
certain difcernement de Philofophe , une feverité
de raison que tous les grands hommes
&c. n'ont pas
On trouve dans la feconde femaine une
Lettre de M. Le Clerc à M. Bayle , qui
lui parle avec cette franchiſe au fujet de
fon Journal qui commençoit alors à paroître.
On dit en general que l'Auteur des
Nouvelles s'étend trop fur des chofes qui ne
ne font pas fi neceffaires , & qu'on pourroit
aifement réduire ... Quelques autres difent
que ce qu'on fouhaite n'est pas d'avoir tous
les mois des Reflexions de l'Auteur fur les
Livres qu'on imprime , mais des Extraits
fideles par où l'on puiffe voir s'ils meritent
qu'on les achete ou qu'on les life . On enſçaura
bienjuger enfuite fans les lumieres de l'Auteur
qui débite mal à propos ( ce font les termes
d'un homme d'efprit ) fes lieux communs
à l'occafion du titre des Livres .
Le
1994 MERCURE DE FRANCE
Le foin que l'Auteur prend de juftifier
par tout la Religion Proteftante , eft loudble,
dit- on , mais il n'eft pas de faifon , & il
doit referver les remarques qu'il fait fur ce
Sujet pour quelque Livre de Controverſe &c.
On dit que fur l'Article du P. Thomaffin
page 213. il valoit mieux faire un Extrait
des matieres qu'il traite & de la Méthode
qu'il obferve que de le railler & de railler.
les Peres.
Toutes ces Lettres écrites par des Sçavans
ou par des perfonnes de confideration
à M. Bayle , fe font lire avec plaifir.
La penultiéme qui remplit cette feconde
femaine , écrite par M. du Rondel en Septembre
1684. ( toutes les autres font de
cette année ) contient un fait affez ſingulier
; le voici :
A neuf heures du matin , après un quart
d'heure de pluye , le vent venant tout à
coup à écarter les nuages , les pouffa dans
une Vallée , & nous préfenta à quelques
500. pas de Rochefort en Ardenne un des
plus beaux fpectacles du monde ; c'étoit
un Iris tout nouveau ; la matiere qui le
formoit n'étoit point courbée vers la terre
, pour en faire un Arc en Ciel , comme
il arrive d'ordinaire , ni renversée vers le
Ciel , comme il arrive quelquefois . C'étoient
des nuages droits & perpendiculaires
, à peu près comme de longues colonnes
,
SEPTEMBRE. 1730. 1995
Ionnes dont la premiere étoit verte , la
feconde rouge , la troifiéme orangée & la
quatrième bleue , contre le mélange ordinaire
des couleurs de ce méteore . Ces
colonnes étoient toutes claires & tranfparentes
, & laiffoient voir diftinctement les
objets qui étoient derriere , comme des
Bois , des Collines , des Châteaux &c, &
quand elles vinrent à s'évanouir , elles
commencerent par l'orangée & par la
rouge. Ce fpectacle dura environ un demi
quart d'heure. Je ne doute point que
ce Phénomene , que j'appelle nouveau ,
n'ait été vû autrefois ; mais comme perfonne
n'a encore parlé d'un Iris perpendiculaire
, c'eft pour cette raifon que je
l'aiappellé nouveau .
On voit par la troifiéme Semaine que
cet Ouvrage fe foutient ; on y voit le
même ordre , même politeffe de ftile &
même efprit. Il eft queftion ici de Reflexions
fur les femmes ; en voici quel
ques unes.
Les hommes eftiment trop les femmes,
ou ne les eftiment pas affez .
Une femme coquette s'attache plus à
furprendre l'eftime des hommes qu'à la
mériter. Un homme galant eft de même
à l'égard des femmes &c .
La naïveté bien imitée flatte les hom
mes & fait honneur aux femmes ; de tous
les
1996 MERCURE DE FRANCE
"
"
les filets qu'elles nous tendent , il n'y en
a point où nous foyons pris plus agréablement
& plus promtement .
Si le goût que les hommes ont pour les
femmes n'avoit pas fes variations , fes ralentiffemens
, que deviendroient les Arts,
les Sciences & les affaires ?
Les femmes pour ſe garantir de l'amour
ont leur temperamment à furmonter , les
follicitations continuelles des hommes à
foûtenir , les détours artificieux de certaines
Emiffaires à demêler , la force de
l'exemple & de la coûtume à vaincre ;
tout confpire à amollir leur coeur. Dès
l'enfance , pour ainfi parler , de tendres
Chanfons les préparent à être fenfibles au
langage amoureux ; livres , fpectacles ,
entretiens , repas où regne la licence ; il
n'y a rien qui ne concoure à leur faire
fouhaiter de brûler d'un feu qui leur paroit
doux , dont elles fentent en ellesmêmes
la fource , & fans lequel la vie leur
paroît languiffante. Devons- nous être furpris
fi la chafteté eft une vertu fi rare ? &
ne devons-nous pas , au contraire , regarder
avec admiration les femmes qui au
milieu de tant d'écueils évitent le naufrage
?
Il eſt plus aifé à une femme qui n'eft
que belle de faire plufieurs conquêtes
que d'en conferver une : les triomphes
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1997
d'une femme qui a beaucoup d'efprit &
peu de beauté font moins faciles & plus
durables.
Fierté dans le maintien & dans le dif
cours , preuve très équivoque qu'il y en
ait dans la conduite & dans les fentimens.
Il y auroit de l'injuftice à ne pas convenir
que les hommes ont beaucoup d'obligation
aux Dames : ne leur doivent - ils
pas ce qu'ils ont d'agrément dans les manieres
, de délicatefle dans les fentimens ,
de complaifance dans l'humeur , de fineffe
dans l'eſprit ? le defir de leur plaire
eft pour eux un puiffant aiguillon pour
les animer à acquerir du mérite.
Quelque douceur , quelque fincerité
que nous annoncent les yeux , les traits
du vifage , le fon de la voix d'une femme
, nous n'en devons pas être plus affurés
des fentimens de fon coeur : le veritable
caractere des femmes eft communément
incompréhenfible ; elles ont le pri
vilege de tromper les hommes, quand elles
veulent leur foibleffe pour
elles augmente
la difficulté qu'il y a de les connoître
; non feulement ils ne fentent pas
quand elles les trompent avec adreffe ,
mais lors même qu'elles veulent s'épargner
le foin d'y employer l'artifice : foit
par leur art , foit par la vanité des hommes
, elles leur cachent prefque toûjours
E ce
1998 MERCURE DE FRANCE
ce qu'elles ont interêt qu'ils ignorent ,
fur tout quand ils les aiment de bonne
foi , & qu'elles ont fçû les perfuader qu'elles
les aiment.
pas
Nous finirons par cette Reflexion qu'on
trouve à la page 210. J'eftime , Monfieur,
qu'il n'y a que deux fortes de femmes qui
ne foient diffimulées : celles en qui
tous principes d'honneur font éteints , &
qui ont renoncé à tout ménagement pour
leur réputation , & celles qui ayant reçû
de leurs parens une bonne éducation
font comme naturellement vertueufes
n'ont jamais laiffé gliffer dans leur
coeur aucun fentiment qu'elles ne puiffent
avoüer.
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Résumé : Essais hebdomadaires sur plusieurs sujets, [titre d'après la table]
Le texte présente les 'Essais Hebdomadaires', une brochure publiée à Paris en 1730 par M. Dupuy, ancien secrétaire au Traité de Paix de Ryswick. Cette brochure, distribuée chaque lundi, contient des sujets variés et est rédigée avec soin. La première semaine inclut une lettre de M. Abbadie à M. Bayle, louant le journal de ce dernier pour sa politesse, son esprit et son érudition. La seconde semaine contient une lettre de M. Le Clerc à M. Bayle, discutant des critiques sur les 'Nouvelles', notamment sur l'étendue des réflexions de l'auteur et la préférence pour des extraits fidèles des livres. Le 'Mercure de France' mentionne que l'auteur des 'Essais Hebdomadaires' justifie fréquemment la religion protestante, mais de manière maladroite. Il est également critiqué pour avoir raillé le Père Thomassin plutôt que de faire un extrait de ses matières. Le texte inclut une lettre de M. du Rondel décrivant un phénomène météorologique rare observé en 1684 : un arc-en-ciel perpendiculaire avec des colonnes de couleurs distinctes. La troisième semaine de la brochure traite des réflexions sur les femmes, soulignant des aspects tels que l'estimation des hommes envers elles, la coquetterie, et la difficulté de conserver une conquête. Le texte explore également la naïveté, les variations du goût des hommes, et les défis auxquels les femmes font face pour préserver leur chasteté. Il conclut en affirmant que seules deux sortes de femmes ne sont pas dissimulées : celles sans principes d'honneur et celles éduquées pour être vertueuses.
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115
p. 2033-2053
LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Début :
Un Acteur François & Trivelin de la Comédie Italienne, se rencontrent par [...]
Mots clefs :
Arlequin, Divorce, Sergent, Théâtre, Procureur, Maître, Épouse, Époux, Comédies, Coeur, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Le 11. les mêmes Comédiens donnerent
une Piece nouvelle en trois Actes
avec des Divertiffemens , de la compofi
tion des fieurs Dominique & Romagnefy,
qui a pour titre , la Foire des Poëtes , l'Ifle
du Divorce & la Sylphide , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Voici
l'Extrait de chacune.
LA FOIRE DES POETES.
Un Acteur François & Trivelin de la
Comédie Italienne , fe rencontrent par
hazard , & ſe demandent réciproquement
comment ils ont pû pénetrer dans cet
azile ; Trivelin lui dit qu'il n'a rien de
caché pour lui , & qu'il veut bien fatisfaire
fa curiofité : Vous fçavez , ajoûte-t-il , que
nous en avons très-mal agi avec M les
Auteurs , qui picquez de nos Airs , ont
quitté Paris , dans la refolution de ne nous
plus donner de nouveautez ; que depuis leur
retraite nos Théatres ! anguiffent , &c. &
qu'il vient de la part de fa Troupe , ménager
un raccommodement ; Apollon ,
continue- t-il , a recueilli les Nouriffons
des Mufes , & leur a fait bâtir un Hôtel
magnifique , dans lequel il les entretient
& les nourrit , & tout ce qu'ils vendent
"
eft
2034 MERCURE
DE FRANCE
eft pour leurs menus plaifirs ; après une
defcription comique,l'Acteur François dit
qu'il a befoin d'une Tragédie , & prie
Trivelin de lui préter de l'argent pour
faire cette amplette ; Trivelin s'excufe fur
le befoin qu'il a de deux Comédies &
d'un Prologue , & qu'il fera bienheureux
s'il a de quoi payer une bonne Scene ,
n'ayant fur lui que quinze livres. Après
cette Scene , Trivelin dit à l'Acteur de
le fuivre , & qu'il va le conduire à l'Hôtel
des Poëtes , où ils tiennent une espece
de Foire.
Le Théatre change & repréfente un
Caffe rempli de Poëtes ; on chante en
choeur les paroles fuivantes :
Verfez de ce Caffé charmant ,
H eft notre unique aliment.
Un Poëte.
C'eft vous , aimable breuvage ,
Qui ranimez tous les efprits ;
Si-tôt que nous vous avons pris ,
Des Dieux nous parlons le langage ;
Nous rimons tous à qui mieux mieux,
Et faifis d'une docte extafe ,
Nous nous élevons juſqu'aux Cieux :
L'Onde que fit jaillir Pegaze ,
N'a rien de fi délicieux.
Verfez de ce Caffé charmant , &c.
訂
SEPTEMBRE. 1730. 2035
Il s'éleve auffi - tôt une difpute entre les
Poëtes. Les uns foutiennent que le Caffe
cauſe des infomnies ; les autres , qu'il fait
dormir. Après une courte Differtation ,
Trivelin & l'Acteur François s'avancent ,
les Poëtes offrent leur Marchandife ; l'Acteur
François demande une Tragédie , &
Trivelin deux Comédies & un Prologue ;
un Poëte en propofe une à l'Acteur , qu'il
foutient excellente ; un autre offre à Trivelin
deux Comédies ; ils fe retirent pour
en faire la lecture .
Une jeune fille vient demander à un
Poëte des Couplets de Chanſon pour fe
mocquer de fon Amant , qui eft trop timide
; le Poëte lui donne les Couplets
fuivans , qu'elle chante fur l'Air : Daphnis
m'aimoit fi tendrement.
Quand mon Amant me fait la cour ,
Il languit , il pleure , il ſoupire ,
Et paffe avec moi tout le jour ,
A me raconter fon martyre.
Ah! s'il le paffoit autrement
Il me plairoit infiniment.
L'autre jour dans un Bois charmant ;
Ecoutant chanter la Fauvette ,
Il me demanda tendrement ,
M'aimes-tu , ma chere Liſette :
2036 MERCURE DE FRANCE
Je lui dis , oui , je t'aime bien :
Il ne me demanda plus rien.
Puifque j'ai fait naître tes feux
Rien ne flate plus mon envie ,
Je fuis , reprit -il , trop heureux ;
O jour le plus beau de ma vie
Et répetoit à chaque inſtant ,
C'en eft affez , je fuis content.
De cet Amant plein de froideur
Il faut que je me dédommage ,
J'en veux un , qui de mon ardeur ,
Sçache faire un meilleur ufage ,
Qu'il foit heureux à chaque inftant
Et qu'il ne foit jamais content .
La jeune fille , fatisfaite des Couplets
après les avoir payez au Poëte , s'en retourne
en les chantant ; Trivelin revient.
avec l'Auteur qui lui a propofé les deux.
Comedies , il lui dit qu'il les trouve affez
jolies ; mais qu'il a befoin d'un Prologue ,
fur quoi l'Auteur lui répond : Comme
vous faites ufage de tout, voyez prendre leçon
à nos Apprentifs Poëtes , peut-être vous.
fervirez vous de cette idée pour un Prologue
Trivelin y confent ; auffi- tôt le Profeffeur
de Poëfie s'avance & chante ces paroles
Son
SEPTEMBRE. 1730. 2037
Son Profeffor di Poëfia ,
Della divina freneſia ,
Mon Art inſpire les tranſports ;
I miei canti ,
Sono incanti ;
I dotti , glignoranti ,.
Tout cft charmé de mes accords,
Venité miei cari ,
Scolari ,
A prender lezione ,
Dal dottor Lanternone.
Les Apprentifs Poëtes forment une Danfe
; le Profeffeur interroge un de fes Ecoliers
; ils dialoguent en chantant.
Le Profeffeur.
Pour être Poëte à prefent ,
Quel eft le talent neceffaire ?
L'Ecolier.
Il faut être plaisant ,
Quelquefois médifant ;
Et toujours plagiaire.
Le Profeffeur
Non e quefto ;
Dite preſto ,
Cio che bifogna far ,
Per ben verfificar.
L'E
2038 MERCURE DE FRANCE
-L'Ecolier.
Rimar , rimar , rimar .
Le Profeſſeur.
Bravo ; bene , bene , bene.
De qui faites- vous plus d'eftime ,
De la faifon ou de la rime
་
L'Ecolier.
La rime , fans comparaiſon ,
Doit l'emporter fur la raiſon.
Le Profeffeur.
Pourquoi cette diſtinction ?
L'Ecolier.
C'est qu'on entend toûjours la rime
Et qu'on n'entend point la raiſon,
Le Profeffeurs
Bravo ; bene , bene , bene.
Pour faire une Piece Lyrique ,
Autrement dit, un Opera nouveau,
Que faut-il pour le rendre beau ?
L'Ecolier.
De mauvais Vers & de bonne Mufique ,
Le Profeffeur.
Bravo ; bene , &c. \\
L'E
SEPTEMBRE. 1730 : 2039
Dans une Tragedie , Ouvrage d'importance ,
Que faut- il pour toucher les coeurs ?
L'Ecolier.
Un fonge , une reconnoiffance ,
Un récit & de bons Acteurs.
Le Profeffeur.
Bravo , bene , &c.
Auffi- tôt on entend une Symphonie
brillante. Le Profeffeur dit que c'eft Minerve
qui defcend ; la Folie paroît dans
le moment , & chante en s'adreffant aux
Poëtes,
Ingrats , me méconnoiffez -vous ?
N'eft- ce pas moi qui vous infpire ?
Qui dans vos tranſports les plus fous
Ay foin de monter votre Lyre ?
Allons , allons , fubiffez tous ;
Le joug de mon aimable empire
Et que chacun à mes genoux ,
S'applaudiffe de fon délire.
Viva , viva la Pazzia ,
La madre dell' allegria ,
Souveraine de tous les coeurs
Et la Minerve des Auteurs,
La Folie conduit les Poëtes à Paris
qui
2040 MERCURE DE FRANCE
qui eft , dit- elle , leur vrai féjour , tous
la fuivent en danfant avec elle & en
chantant :
Viva , viva la Pazzia , &c.
L'ISLE DU DIVORCE.
Valere & Arlequin fon Valet , arrivent
fur le Théatre d'un air triſte , & après
s'être regardez l'un & l'autre , Valere lui
demande s'il s'ennuye autant que lui , à
quoi Arlequin répond que c'eſt à peu près
la même chofe ; Valere ſoupire & témoi
gne les regrets que lluuii ccaauuffee llaa perte de
Silvia , fon Epoufe , qu'il a quittée, malgré
la vertu & fa fidelité , pour fe conformer
aux Coûtumes de l'Ifle , qui autorife
le divorce. Arlequin , à l'imitation
de Valere , marque le chagrin qu'il ref
fent d'avoir abandonné Colombine ; ne
fuis-je pas un grand coquin , ajoûte-t-il , d'avoir
épousé une feconde femme , fans avoir
du moins enterré la premiere. Après avoir
oppofé le caractere d'Orphife à celui
de Silvia , la douceur de Colombine
à l'humeur acariatre de Lifette ; Orphife
& Lifette arrivent ; & comme Orphiſe
de fon côté n'a plus de gout pour Valere ,
elle s'adreffe à Arlequin , & Lifette parle
à Valere. Après une courte converfation ,
Orphife fait des reproches à Valere , &
Lifette
SEPTEMBRE . 1730. 2041
pas
Lifette à Arlequin ; ils fe querellent &
Le trouvent tous les deux très - haïffables,
Orphile dit à Valere qu'il n'en faut
refter là , & que s'il fe prefente une occafion
favorable de fe défunir , il en faudra
profiter ; Nous ne ferons pas affez
heureux , reprend Valere ; pourquoi , Mr ,
répond Orphife ? S'il arrive quelque Vaif
feau étranger.... Hé bien , Mad , s'il en
arrive , dit Valere ; ah ! je vois bien , contínuë
Orphiſe , que vous ignorez une par
tie des coûtumes du Pays , donnez - moi
feulement votre parole ah ! de tout mon
coeur, répond Valere. Orphife fur cette,
affurance fe retire , Lifette en fait de mê
me ; Arlequin & Valere voyant arriver
Silvia & Colombine , s'écartent pour en
tendre leurs difcours.
Silvia , qui croit être feule avec fa Suivante
, fait éclater les fentimens de l'époufe
la plus vertueufe , en fe plaignant
de la perfidie de Valere , qui l'a inhumainement
abandonnée en profitant de l'u
fage établi dans l'Ifle ; Colombine ſe repent
de l'avoir imitée , & de ne s'être pas
vengée du traitre Arlequin ; Valere charmé
de la conftance de fon Epoufe , l'aborde
en la priant de pardonner fon indif
cretion : Je fçai trop , dit-il , que ma pre--
fence ne peut qu'irriter votre jufte colere contre
un ingrat qui ne méritoit pas le bonheur dont il
2042 MERCURE DE FRANCE
ajoui , il n'étoit pas ,fans doute , d'un grand
prix , répond Silvia , puifque vous y avez
fifacilement renoncé? Arlequin dit des douceurs
à Colombine , qui affecte un air de
fierté dont il n'eft pas content . Dans cette
Scene Valere témoigne fon repentir , &
prie inftamment Silvia , s'il fe preſente
quelque favorable occafion de refferrer
leurs noeuds , de ne point s'oppofer à fa
félicité ; Silvia ſe rend enfin à les inftances
, & lui dit que ce n'eft pas d'aujour
d'hui qu'il connoît fon coeur. Valere veut
rentrer avec elle ; mais Silvia le lui deffend
; Non , Valere , dit - elle , reftez ; la
bienfeance condamne jufqu'à l'entretien que
nous avons ensemble , & je ne veux pas
perdre l'estime d'un homme qui a été mon
Epoux ; fi par quelque heureux évenement
vous pouviez brifer la chaîne qui vous attache
à ma Rivale , j'accepterai votre main
je n'aurai d'autre reproche à mefaire que
celui d'avoir trop aimé un ingrat.
Valere fe retire , content de l'affurance
que lui a donnée Silvia ; Colombine veut
fuivre fa Maîtreffe , mais Arlequin l'arrête
en la priant d'avoir pitié d'un amour
renaiffant , qui peut-être n'a pas encore
long-temps à vivre. Après une Scene affez
plaifante Valere.revient avec le Chef de
Ifle , qui lui dit que fon efperance eft
vaine , & que pour donner lieu à un fe
cond
SEPTEMBRE. 1730. 2043
cond divorce il faudroit que des Etrangers
débarquaffent dans l'Ifle , & qu'ils con+
fentiflent à former d'autres engagemens ;
que pour lors , non -feulement lui , mais
tous les Epoux du Pays pourroient , à leur
exemple , le démarier ; Arlequin lui dit
que moyennant un fi beau Privilege, l'Iffe
doit être extrémement peuplée , à quoi
le Chef répond qu'elle n'eft pas encore
connue , que le hazard feul y fait abor
der , & que quand ils y font débarquez
il y avoit so. ans qu'il n'y avoit paru de
Vaiffeaux étrangers.
Orphiſe arrive & annonce à Valere qu'il
vient d'arriver un Vaiffeau étranger ; Arle
quin fe réjouit de cette agréable nouvelle
en fe mocquant du Chef de l'Ifle. Un Infulaire
donne avis à ce Chef qu'il n'y a que
deux femmes dans le Vaiffeau, que l'une eft
l'épouſe d'un Marchand Drapier de Paris,
& que l'autre eft une veuve qui a été ma
riée quatre fois , & qui dit qu'elle n'en
veut pas davantage , M & M Droguer
arrivent en plaignant leur fort & en difant
que les fupplices les plus affreux ne
les forceront point à s'abandonner. Ils
fe témoignent l'amour le plus violent
ce qui fait perdre aux autres l'efperance
de fe démarier ; mais Valere fair tant par
fes difcours féducteurs , qu'il perfuade la
vieille à quitter fon mari ; Orphife de
fon
2044 MERCURE DE FRANCE
fon côté engage M Droguet à brifer
fa chaîne ; Me Droguet , dans l'efperance
d'époufer Valere , quitte fon époux , &
M.Droguet comptant s'unir avec Orphiſe,
fait divorce avec fa femme.
Après ce divorce , Silvia paroît ; Valere
la reprend , Orphiſe quitte M. Droguet en
difant qu'elle va offrir à Dorante une main
qu'il attend avec impatience ; Arlequin
époufe Colombine , & Lifette s'en va pour
en faire autant avec Trivelin ; M. & Me
Droguet reftent très-furpris de cette avanture
; Qu'allons nous devenir , dit Mc Droguet
, vous pouvez vous reprendre , ajoûte
le Chef de l'Ifle , mais cela vous fera compté
pour un divorce : Oh , non , reprennent- ils ,
il vaut mieux attendre ; nous ne sommes pas
venus ici pour abolir les loix. Les maris &
les femmes de l'Ile arrivent pour faire
divorce ; ils forment le Divertiffement
composé de Danfes & d'un Vaudeville.
LA STLPHIDE,
Le Théatre repréfente l'Appartement
d'Erafte. Une Sylphide & une Gnomide y
entrent dans le même moment ; la Sylphide
pofe une Corbeille fur la table , de
même que la Gnomide ; elles font furprifes
de fe rencontrer & fe demandent réciproquement
ce qu'elles viennent faire
dans
SEPTEMBRE. 1730. 2045
dans la chambre d'Erafte . La Gnomide
dit que fon Amant l'attire en ce lieu à
la Sylphide ajoûte que le feul defir.de
yoir le fien l'a conduite dans cet Appartement
; elles fe croient Rivales ; mais
après une petite difpute leurs foupçons
font diffipez ; la Sylphide découvre à la
Gnomide les tendres fentimens pour Erafte
, & la Gnomide avoue fa paffion pour
Arlequin fon Valet. La Sylphide raconte
qu'elle avoit fait partie avec deux Sylphides
de fes amies , de fe rendre vifibles ;
qu'elles allerent fe promener aux Thuilleries,
& que ce fut dans ce Jardin qu'elle
vit Erafte pour la premiere fois , qu'elle
le trouva fi charmant , qu'elle ne put
s'empêcher de l'aimer. Elle fait une agréa
ble defcription des differens Cavaliers
qu'elle vit à cette Promenade ; elle dit
enfuite qu'elle craint que les charmes d'une
de fes Compagnes n'ayent eu plus de
pouvoir que les fiens fur le coeur d'Erafte ,
& que cette incertitude l'accable. Vous
faites injure à vos attraits , répond la Gnomide
; pour moi , je ne me fuis point encore
offerte aux regards de mon Amant , l'éclat
de mes appas ne l'a point ébloui ; c'est dans
une cave profonde où je le vis pour la premiere
fois & où il s'enyvroit avec tant de
grace qu'il auroit charmé la pus infenfible :
mais Erafte vient ici avec fon Valet , écar-
1ons-nous pour les entendre. G Erafte
2046 MERCURE DE FRANCE
1
Erafte en entrant apperçoit la corbeille;
il demande à Arlequin qui l'a lui a envoyée
; Arlequin répond qu'il n'en fçait
rien ; Erafte la découvre , & voit qu'elle
eft remplie de fleurs : Il vaudroit mieux ,
dit Arlequin , qu'elle fut pleine d'argent ,
cela ferviroit à merveille à raccommoder vos
affaires qui font furieufement dérangées . Arlequin
apperçoit auffi l'autre corbeille qui
eft remplie de trufes , avec le nom d'Arlequin
au- deffus ; il eft fort en peine de
fçavoir d'où vient ce préfent ; & après
avoir rêvé un inftant : Ces fleurs , ajoûtet'il
, ont été fans doute envoyées par. Clarice
, votre Epouse future : Ne me parle
point de Clarice , répond Erafte : Comment
continue Arlequin , avez- vous oublié
votre fortune dépend de ce mariage , qu'il
peut feul nous mettre à couvert des poursui
tes de vos Créanciers & des miens , car vous
n'êtes riche qu'en efperance . Votre Oncle eft,
à la verité , entre les mains d'une demie dou
zaine de Medecins ; mais comme ces Meffieurs
ne font jamais de la même opinion
ils ne font point d'accord fur les remedes , le
malade n'en prend point , & par confequent
il peut encore aller loin . Erafte lui dit qu'u
ne paffion violente s'eft emparée de fon
ae , & que rien ne peut l'en arracher
qu'il a vu aux Thuilleries la plus adorable
perfonne du monde ; Arlequin comque
bat
SEPTEMBRE . 1730. 2047
coups
bat toutes les raifons , la Sylphide qui eft
préfente & inviſible , le menace de
de bâton ; Arlequin croit que c'eſt fon
Maître qui lui parle , ce qui fait un jeu
de Théatre des plus comiques. La Gnomide
auffi invifible , donne de petits fouflets
à Arlequin , qu'il croir recevoir de
fon Maître enfin après plufieurs lazzi
très plaifans , deux Créanciers arrivent ,
& demandent à Erafte ce qui leur eſt dû ,
celui ci leur fait un accueil peu gracieux,
ce qui oblige les Créanciers de menacer
Erafte de le pourfuivre en Juftice ; . &
dans le tems qu'ils veulent partir , la
Sylphide & la Gnomide , toûjours invifibles
, donnent chacune aux deux Créanciers
une bourſe qui contient le payement
de chacun ; un des deux Créanciers
après avoir compté fon argent rend à
Erafte quatre louis qu'il a trouvé de plus;
ils fe retirent , en le priant très civilement
d'excufer leur vivacité ; Arlequin croit
fon Maître leur a donné cet argent;
que
Erafte dit qu'il ne fçait ce que tout cela
fignifie &c.
Un Sergent & un Procureur arrivent ;
le Procureur dit qu'il vient de la part
d'Oronte , pere de Clarice , pour fçavoir
quand il veut époufer fa fille. Le Sergent
porte une affignation à Arlequin de
part d'un Cabaretier des Porcherons , la
Gij
Arle
2048 MERCURE DE FRANCE
Arlequin refufe de la prendre. Erafte
donne de mauvaifes raifons au Procureur,
ce qui lui fait dire qu'il le pourfuivra
pour lui faire payer le dédit de vingt mille
ecus qu'il a fait au pere de Clarice . Le
Sergent préfente l'affignation à Arlequin ,
qui ne veut point abfolument la recevoir;
la Gnomide invifible donne un fouflet au
Sergent , & déchire l'Exploit ; le Sergent
fe met en colere contre Arlequin , après
quoi la Gnomide fait difparoître le Ser
gent , qui s'abîme fous le Théatre , & la
Sylphide fait voler le Procureur dans les
airs. Ce fpectacle effraye Erafte ; Arlequin
lui dit qu'il ne voit rien là que de très
naturel , un Sergent qui va au Diable &
un Procureur qui vole. La Gnomide fait
encore quelques niches à Arlequin qui
fort tout épouvanté ; Erafte refte très
étonné de tout ce qu'il vient de voir ;
la Sylphide invifible foupire , & a une
converfation avec Erafte qui la prend pour
un efprit ; la Sylphide l'affure qu'elle
Paime : Vous m'aimez , répond Erafte , eftce
que les efprits peuvent aimer ? ils n'ont
point corps : cette question me fait bien
voir que vous en avez un , répond la Sylphide
: Oui, Monfieur , ils aiment , & avec
d'autant plus de délicateffe que leur amour eft
détaché des fens , que leur flamme eft pure
& fubfifte d'elle-même , fans que les défirs
de
ou
SEPTEMBRE. 1730. 2049
ou les dégoûts l'augmentent ou la diminuent :
Mais je m'étonne , ajoûte Erafte , que Sça
chant ce qui fe paffe dans mon coeur , vous
me faffiez l'aven de votre tendreffe ; car enfin
vous n'ignorez pas qu'il eft rempli de la
plus violente paffion qu'un Amant ait jamais
pu reffentir : Je fuis , dit la Sylphide , une
de ces trois Dames que vous avez vûës aux
Thuilleries ; vous en aimez une : Quoi ! ces
Dames fi charmantes , repart Erafte , font
des Sylphides ! Eb peut- il y en avoir ? La
Sylphide le prie de ne point faire comme
le commun des hommes , qui doutent
des chofes , parce qu'ils ne les comprennent
pas . Erafte la conjure de fe montrer
: Je me rends , ajoûte la Sylphide , &
vais m'expofer à être la victime de votre obftination
allez aux Thuilleries , vous m'y
verrez avec une de mes Compagnes , ne m'y
parlez point , & venez m'inftruire ici de
votre fort & du mien.
Erafte obéit , & part . La Sylphide refte,
& dit qu'Erafte ne trouvera aux Thuilleries
que les deux Sylphides fes amies ,
& que fans fe commettre , elle fera inftruite
de ſes ſentimens . Arlequin revient
dans l'Appartement de fon Maître ;
ne l'y trouvant point , il dit qu'il fera
allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide
furvient , & appelle Arlequin qui
tremble de peur ne voyant perfonne avec
Giij lui
2050 MERCURE DE FRANCE
lui ; la Gnomide le raffure , & lui fait
l'aveu de fa tendreffe , en lui difant qu'elle
eft une habitante de la terre , une Gnomide
qui éprife de fes charmes a quitté
fa patrie pour le rendre le plus heureux
de tous les mortels ; elle lui dit qu'elle a
de grands tréfors à la difpofition , & qu'elle
veut lui en faire part , après quoi la Gnomide
le quitte & l'affure qu'elle va pren
dre un corps , & qu'elle s'offrira bientôt
à fes yeux : Prenez le bien joli , s'écrie
Arlequin , fur tout n'oubliez pas les tréfors
, car fans cela je n'ai que faire de vous
& c.
Erafte revient des Thuilleries ; Arle
quin lui raconte fa converſation avec la
Ġnomide. Erafte eft au defefpoir de ce
qu'il n'a point vû aux Thuilleries l'objet
qu'il adore la Sylphide convaincuë de
Famour d'Erafte fe rend vifible , & paroît
à fes yeux. Erafte tranfporté de joye la
reconnoit , & l'affure de toute fa tendreffe.
Arlequin trouve les Sylphides fort jolies,
mais il croit fa Gnomide bien plus belle ,
& la prie de paroitre avec fon teint de
lys & de rofes : la Gnomide fe rend vifibles
Arlequin en la voyant s'écrie : Ah!
d'eft une taupe , il ne veut point d'elle : la
Gnomide pleure , & fe defefpere : Que je
fuis malheureufe , dit- elle , dd''êêttrree obligée
d'étrangler un fi joli petit homme c'eft notre
coutume
SEPTEMBRE. 1730. 2051
,
coûtume , ajoûte- t'elle , quand nous aimons
un ingrat , nous l'étranglons d'abord . Cette
menace oblige Arlequin de fe rendre : il
lui demande les tréfors qu'elle lui a promis
dans le moment on voit fortir de la
terre un vaſe rempli de richeffes immenfes
: Arlequin ne refifte plus , & dit qu'il
ne fera pas la premiere beauté que les richeffes
auront féduite. Je ne vous Promets
point de tréfors ; dit la Sylphide à Erafte ',
mais les douceurs que je vous promets vaudront
bien les préfens de la Gnomide : venez,
Erafte , je vais dans un inftant vous tranf
porter dans le Palais dont vous devez être
le Maître. La Gnomide s'abîme avec Arlequin
. Le Théatre change , & repréſente
le Palais de la Sylphide , il paroît placé
dans les airs. Cette décoration qui eft du
S' Le Maire , connu par d'autres Ouvrages
de cette efpece , eft une des plus bril
lantes qui ait encore parû , & fait un effet
merveilleux. Ce Palais eft rempli de Sylphes
& de Sylphides qui forment un Divertiffement
tres gracieux. La Dle Silvia
& le S Romagnefy danfent une Entrée
qui a été trés goûtée , de même que la
Die Thomaffin dans celle qu'elle danfe.
La Mufique , qui a été trés applaudie , eft
de M. Mouret , & la compofition du Bálet
qu'on a trouvé brillant , eft de M. Mar
cel.
VAUDEVILLE.
Dans une heureufe
intelligence ,
Nous goutons le fort le plus doux
L'envie & la médifance
Ne réfident point chez nous :
Mortels , quelle difference è
Vivez-vous ainfi parmi nous ?
Exemts de toute défiance ;
Rien n'inquiete nos Epoux ;
Certains de notre conftance
Ils ne font jamais jaloux :
Mortels , quelle difference & c.
Les faveurs que l'Amour difpenfe
Ne fe revelent point chez nous ;
Plus on garde le filence ,
Et plus les plaifirs font doux :
François , quelle difference &c.
Nous joüiffons de l'innocence
Tant que nous fommes fans Epoux ,
Sans marquer d'impatience
De former un noeud fi doux :
Filles , quelle difference &c ,
Bien
SEPTEMBRE. 1730. 2053
-Bien loin d'encenfer l'opulence ,
Ici nous nous eftimons tous ;
L'égalité nous difpenfe
D'un foin indigne de nous :
Flateurs , quelle difference &c.
Un pauvre Auteur dont l'efperance
Eft de vous attirer chez nous ,
Eft plus trifte qu'on ne penſe
Quand fa Piéce a du deffous :
Pour lui quelle difference ,
Lorſque vous applaudiffez tous !
une Piece nouvelle en trois Actes
avec des Divertiffemens , de la compofi
tion des fieurs Dominique & Romagnefy,
qui a pour titre , la Foire des Poëtes , l'Ifle
du Divorce & la Sylphide , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Voici
l'Extrait de chacune.
LA FOIRE DES POETES.
Un Acteur François & Trivelin de la
Comédie Italienne , fe rencontrent par
hazard , & ſe demandent réciproquement
comment ils ont pû pénetrer dans cet
azile ; Trivelin lui dit qu'il n'a rien de
caché pour lui , & qu'il veut bien fatisfaire
fa curiofité : Vous fçavez , ajoûte-t-il , que
nous en avons très-mal agi avec M les
Auteurs , qui picquez de nos Airs , ont
quitté Paris , dans la refolution de ne nous
plus donner de nouveautez ; que depuis leur
retraite nos Théatres ! anguiffent , &c. &
qu'il vient de la part de fa Troupe , ménager
un raccommodement ; Apollon ,
continue- t-il , a recueilli les Nouriffons
des Mufes , & leur a fait bâtir un Hôtel
magnifique , dans lequel il les entretient
& les nourrit , & tout ce qu'ils vendent
"
eft
2034 MERCURE
DE FRANCE
eft pour leurs menus plaifirs ; après une
defcription comique,l'Acteur François dit
qu'il a befoin d'une Tragédie , & prie
Trivelin de lui préter de l'argent pour
faire cette amplette ; Trivelin s'excufe fur
le befoin qu'il a de deux Comédies &
d'un Prologue , & qu'il fera bienheureux
s'il a de quoi payer une bonne Scene ,
n'ayant fur lui que quinze livres. Après
cette Scene , Trivelin dit à l'Acteur de
le fuivre , & qu'il va le conduire à l'Hôtel
des Poëtes , où ils tiennent une espece
de Foire.
Le Théatre change & repréfente un
Caffe rempli de Poëtes ; on chante en
choeur les paroles fuivantes :
Verfez de ce Caffé charmant ,
H eft notre unique aliment.
Un Poëte.
C'eft vous , aimable breuvage ,
Qui ranimez tous les efprits ;
Si-tôt que nous vous avons pris ,
Des Dieux nous parlons le langage ;
Nous rimons tous à qui mieux mieux,
Et faifis d'une docte extafe ,
Nous nous élevons juſqu'aux Cieux :
L'Onde que fit jaillir Pegaze ,
N'a rien de fi délicieux.
Verfez de ce Caffé charmant , &c.
訂
SEPTEMBRE. 1730. 2035
Il s'éleve auffi - tôt une difpute entre les
Poëtes. Les uns foutiennent que le Caffe
cauſe des infomnies ; les autres , qu'il fait
dormir. Après une courte Differtation ,
Trivelin & l'Acteur François s'avancent ,
les Poëtes offrent leur Marchandife ; l'Acteur
François demande une Tragédie , &
Trivelin deux Comédies & un Prologue ;
un Poëte en propofe une à l'Acteur , qu'il
foutient excellente ; un autre offre à Trivelin
deux Comédies ; ils fe retirent pour
en faire la lecture .
Une jeune fille vient demander à un
Poëte des Couplets de Chanſon pour fe
mocquer de fon Amant , qui eft trop timide
; le Poëte lui donne les Couplets
fuivans , qu'elle chante fur l'Air : Daphnis
m'aimoit fi tendrement.
Quand mon Amant me fait la cour ,
Il languit , il pleure , il ſoupire ,
Et paffe avec moi tout le jour ,
A me raconter fon martyre.
Ah! s'il le paffoit autrement
Il me plairoit infiniment.
L'autre jour dans un Bois charmant ;
Ecoutant chanter la Fauvette ,
Il me demanda tendrement ,
M'aimes-tu , ma chere Liſette :
2036 MERCURE DE FRANCE
Je lui dis , oui , je t'aime bien :
Il ne me demanda plus rien.
Puifque j'ai fait naître tes feux
Rien ne flate plus mon envie ,
Je fuis , reprit -il , trop heureux ;
O jour le plus beau de ma vie
Et répetoit à chaque inſtant ,
C'en eft affez , je fuis content.
De cet Amant plein de froideur
Il faut que je me dédommage ,
J'en veux un , qui de mon ardeur ,
Sçache faire un meilleur ufage ,
Qu'il foit heureux à chaque inftant
Et qu'il ne foit jamais content .
La jeune fille , fatisfaite des Couplets
après les avoir payez au Poëte , s'en retourne
en les chantant ; Trivelin revient.
avec l'Auteur qui lui a propofé les deux.
Comedies , il lui dit qu'il les trouve affez
jolies ; mais qu'il a befoin d'un Prologue ,
fur quoi l'Auteur lui répond : Comme
vous faites ufage de tout, voyez prendre leçon
à nos Apprentifs Poëtes , peut-être vous.
fervirez vous de cette idée pour un Prologue
Trivelin y confent ; auffi- tôt le Profeffeur
de Poëfie s'avance & chante ces paroles
Son
SEPTEMBRE. 1730. 2037
Son Profeffor di Poëfia ,
Della divina freneſia ,
Mon Art inſpire les tranſports ;
I miei canti ,
Sono incanti ;
I dotti , glignoranti ,.
Tout cft charmé de mes accords,
Venité miei cari ,
Scolari ,
A prender lezione ,
Dal dottor Lanternone.
Les Apprentifs Poëtes forment une Danfe
; le Profeffeur interroge un de fes Ecoliers
; ils dialoguent en chantant.
Le Profeffeur.
Pour être Poëte à prefent ,
Quel eft le talent neceffaire ?
L'Ecolier.
Il faut être plaisant ,
Quelquefois médifant ;
Et toujours plagiaire.
Le Profeffeur
Non e quefto ;
Dite preſto ,
Cio che bifogna far ,
Per ben verfificar.
L'E
2038 MERCURE DE FRANCE
-L'Ecolier.
Rimar , rimar , rimar .
Le Profeſſeur.
Bravo ; bene , bene , bene.
De qui faites- vous plus d'eftime ,
De la faifon ou de la rime
་
L'Ecolier.
La rime , fans comparaiſon ,
Doit l'emporter fur la raiſon.
Le Profeffeur.
Pourquoi cette diſtinction ?
L'Ecolier.
C'est qu'on entend toûjours la rime
Et qu'on n'entend point la raiſon,
Le Profeffeurs
Bravo ; bene , bene , bene.
Pour faire une Piece Lyrique ,
Autrement dit, un Opera nouveau,
Que faut-il pour le rendre beau ?
L'Ecolier.
De mauvais Vers & de bonne Mufique ,
Le Profeffeur.
Bravo ; bene , &c. \\
L'E
SEPTEMBRE. 1730 : 2039
Dans une Tragedie , Ouvrage d'importance ,
Que faut- il pour toucher les coeurs ?
L'Ecolier.
Un fonge , une reconnoiffance ,
Un récit & de bons Acteurs.
Le Profeffeur.
Bravo , bene , &c.
Auffi- tôt on entend une Symphonie
brillante. Le Profeffeur dit que c'eft Minerve
qui defcend ; la Folie paroît dans
le moment , & chante en s'adreffant aux
Poëtes,
Ingrats , me méconnoiffez -vous ?
N'eft- ce pas moi qui vous infpire ?
Qui dans vos tranſports les plus fous
Ay foin de monter votre Lyre ?
Allons , allons , fubiffez tous ;
Le joug de mon aimable empire
Et que chacun à mes genoux ,
S'applaudiffe de fon délire.
Viva , viva la Pazzia ,
La madre dell' allegria ,
Souveraine de tous les coeurs
Et la Minerve des Auteurs,
La Folie conduit les Poëtes à Paris
qui
2040 MERCURE DE FRANCE
qui eft , dit- elle , leur vrai féjour , tous
la fuivent en danfant avec elle & en
chantant :
Viva , viva la Pazzia , &c.
L'ISLE DU DIVORCE.
Valere & Arlequin fon Valet , arrivent
fur le Théatre d'un air triſte , & après
s'être regardez l'un & l'autre , Valere lui
demande s'il s'ennuye autant que lui , à
quoi Arlequin répond que c'eſt à peu près
la même chofe ; Valere ſoupire & témoi
gne les regrets que lluuii ccaauuffee llaa perte de
Silvia , fon Epoufe , qu'il a quittée, malgré
la vertu & fa fidelité , pour fe conformer
aux Coûtumes de l'Ifle , qui autorife
le divorce. Arlequin , à l'imitation
de Valere , marque le chagrin qu'il ref
fent d'avoir abandonné Colombine ; ne
fuis-je pas un grand coquin , ajoûte-t-il , d'avoir
épousé une feconde femme , fans avoir
du moins enterré la premiere. Après avoir
oppofé le caractere d'Orphife à celui
de Silvia , la douceur de Colombine
à l'humeur acariatre de Lifette ; Orphife
& Lifette arrivent ; & comme Orphiſe
de fon côté n'a plus de gout pour Valere ,
elle s'adreffe à Arlequin , & Lifette parle
à Valere. Après une courte converfation ,
Orphife fait des reproches à Valere , &
Lifette
SEPTEMBRE . 1730. 2041
pas
Lifette à Arlequin ; ils fe querellent &
Le trouvent tous les deux très - haïffables,
Orphile dit à Valere qu'il n'en faut
refter là , & que s'il fe prefente une occafion
favorable de fe défunir , il en faudra
profiter ; Nous ne ferons pas affez
heureux , reprend Valere ; pourquoi , Mr ,
répond Orphife ? S'il arrive quelque Vaif
feau étranger.... Hé bien , Mad , s'il en
arrive , dit Valere ; ah ! je vois bien , contínuë
Orphiſe , que vous ignorez une par
tie des coûtumes du Pays , donnez - moi
feulement votre parole ah ! de tout mon
coeur, répond Valere. Orphife fur cette,
affurance fe retire , Lifette en fait de mê
me ; Arlequin & Valere voyant arriver
Silvia & Colombine , s'écartent pour en
tendre leurs difcours.
Silvia , qui croit être feule avec fa Suivante
, fait éclater les fentimens de l'époufe
la plus vertueufe , en fe plaignant
de la perfidie de Valere , qui l'a inhumainement
abandonnée en profitant de l'u
fage établi dans l'Ifle ; Colombine ſe repent
de l'avoir imitée , & de ne s'être pas
vengée du traitre Arlequin ; Valere charmé
de la conftance de fon Epoufe , l'aborde
en la priant de pardonner fon indif
cretion : Je fçai trop , dit-il , que ma pre--
fence ne peut qu'irriter votre jufte colere contre
un ingrat qui ne méritoit pas le bonheur dont il
2042 MERCURE DE FRANCE
ajoui , il n'étoit pas ,fans doute , d'un grand
prix , répond Silvia , puifque vous y avez
fifacilement renoncé? Arlequin dit des douceurs
à Colombine , qui affecte un air de
fierté dont il n'eft pas content . Dans cette
Scene Valere témoigne fon repentir , &
prie inftamment Silvia , s'il fe preſente
quelque favorable occafion de refferrer
leurs noeuds , de ne point s'oppofer à fa
félicité ; Silvia ſe rend enfin à les inftances
, & lui dit que ce n'eft pas d'aujour
d'hui qu'il connoît fon coeur. Valere veut
rentrer avec elle ; mais Silvia le lui deffend
; Non , Valere , dit - elle , reftez ; la
bienfeance condamne jufqu'à l'entretien que
nous avons ensemble , & je ne veux pas
perdre l'estime d'un homme qui a été mon
Epoux ; fi par quelque heureux évenement
vous pouviez brifer la chaîne qui vous attache
à ma Rivale , j'accepterai votre main
je n'aurai d'autre reproche à mefaire que
celui d'avoir trop aimé un ingrat.
Valere fe retire , content de l'affurance
que lui a donnée Silvia ; Colombine veut
fuivre fa Maîtreffe , mais Arlequin l'arrête
en la priant d'avoir pitié d'un amour
renaiffant , qui peut-être n'a pas encore
long-temps à vivre. Après une Scene affez
plaifante Valere.revient avec le Chef de
Ifle , qui lui dit que fon efperance eft
vaine , & que pour donner lieu à un fe
cond
SEPTEMBRE. 1730. 2043
cond divorce il faudroit que des Etrangers
débarquaffent dans l'Ifle , & qu'ils con+
fentiflent à former d'autres engagemens ;
que pour lors , non -feulement lui , mais
tous les Epoux du Pays pourroient , à leur
exemple , le démarier ; Arlequin lui dit
que moyennant un fi beau Privilege, l'Iffe
doit être extrémement peuplée , à quoi
le Chef répond qu'elle n'eft pas encore
connue , que le hazard feul y fait abor
der , & que quand ils y font débarquez
il y avoit so. ans qu'il n'y avoit paru de
Vaiffeaux étrangers.
Orphiſe arrive & annonce à Valere qu'il
vient d'arriver un Vaiffeau étranger ; Arle
quin fe réjouit de cette agréable nouvelle
en fe mocquant du Chef de l'Ifle. Un Infulaire
donne avis à ce Chef qu'il n'y a que
deux femmes dans le Vaiffeau, que l'une eft
l'épouſe d'un Marchand Drapier de Paris,
& que l'autre eft une veuve qui a été ma
riée quatre fois , & qui dit qu'elle n'en
veut pas davantage , M & M Droguer
arrivent en plaignant leur fort & en difant
que les fupplices les plus affreux ne
les forceront point à s'abandonner. Ils
fe témoignent l'amour le plus violent
ce qui fait perdre aux autres l'efperance
de fe démarier ; mais Valere fair tant par
fes difcours féducteurs , qu'il perfuade la
vieille à quitter fon mari ; Orphife de
fon
2044 MERCURE DE FRANCE
fon côté engage M Droguet à brifer
fa chaîne ; Me Droguet , dans l'efperance
d'époufer Valere , quitte fon époux , &
M.Droguet comptant s'unir avec Orphiſe,
fait divorce avec fa femme.
Après ce divorce , Silvia paroît ; Valere
la reprend , Orphiſe quitte M. Droguet en
difant qu'elle va offrir à Dorante une main
qu'il attend avec impatience ; Arlequin
époufe Colombine , & Lifette s'en va pour
en faire autant avec Trivelin ; M. & Me
Droguet reftent très-furpris de cette avanture
; Qu'allons nous devenir , dit Mc Droguet
, vous pouvez vous reprendre , ajoûte
le Chef de l'Ifle , mais cela vous fera compté
pour un divorce : Oh , non , reprennent- ils ,
il vaut mieux attendre ; nous ne sommes pas
venus ici pour abolir les loix. Les maris &
les femmes de l'Ile arrivent pour faire
divorce ; ils forment le Divertiffement
composé de Danfes & d'un Vaudeville.
LA STLPHIDE,
Le Théatre repréfente l'Appartement
d'Erafte. Une Sylphide & une Gnomide y
entrent dans le même moment ; la Sylphide
pofe une Corbeille fur la table , de
même que la Gnomide ; elles font furprifes
de fe rencontrer & fe demandent réciproquement
ce qu'elles viennent faire
dans
SEPTEMBRE. 1730. 2045
dans la chambre d'Erafte . La Gnomide
dit que fon Amant l'attire en ce lieu à
la Sylphide ajoûte que le feul defir.de
yoir le fien l'a conduite dans cet Appartement
; elles fe croient Rivales ; mais
après une petite difpute leurs foupçons
font diffipez ; la Sylphide découvre à la
Gnomide les tendres fentimens pour Erafte
, & la Gnomide avoue fa paffion pour
Arlequin fon Valet. La Sylphide raconte
qu'elle avoit fait partie avec deux Sylphides
de fes amies , de fe rendre vifibles ;
qu'elles allerent fe promener aux Thuilleries,
& que ce fut dans ce Jardin qu'elle
vit Erafte pour la premiere fois , qu'elle
le trouva fi charmant , qu'elle ne put
s'empêcher de l'aimer. Elle fait une agréa
ble defcription des differens Cavaliers
qu'elle vit à cette Promenade ; elle dit
enfuite qu'elle craint que les charmes d'une
de fes Compagnes n'ayent eu plus de
pouvoir que les fiens fur le coeur d'Erafte ,
& que cette incertitude l'accable. Vous
faites injure à vos attraits , répond la Gnomide
; pour moi , je ne me fuis point encore
offerte aux regards de mon Amant , l'éclat
de mes appas ne l'a point ébloui ; c'est dans
une cave profonde où je le vis pour la premiere
fois & où il s'enyvroit avec tant de
grace qu'il auroit charmé la pus infenfible :
mais Erafte vient ici avec fon Valet , écar-
1ons-nous pour les entendre. G Erafte
2046 MERCURE DE FRANCE
1
Erafte en entrant apperçoit la corbeille;
il demande à Arlequin qui l'a lui a envoyée
; Arlequin répond qu'il n'en fçait
rien ; Erafte la découvre , & voit qu'elle
eft remplie de fleurs : Il vaudroit mieux ,
dit Arlequin , qu'elle fut pleine d'argent ,
cela ferviroit à merveille à raccommoder vos
affaires qui font furieufement dérangées . Arlequin
apperçoit auffi l'autre corbeille qui
eft remplie de trufes , avec le nom d'Arlequin
au- deffus ; il eft fort en peine de
fçavoir d'où vient ce préfent ; & après
avoir rêvé un inftant : Ces fleurs , ajoûtet'il
, ont été fans doute envoyées par. Clarice
, votre Epouse future : Ne me parle
point de Clarice , répond Erafte : Comment
continue Arlequin , avez- vous oublié
votre fortune dépend de ce mariage , qu'il
peut feul nous mettre à couvert des poursui
tes de vos Créanciers & des miens , car vous
n'êtes riche qu'en efperance . Votre Oncle eft,
à la verité , entre les mains d'une demie dou
zaine de Medecins ; mais comme ces Meffieurs
ne font jamais de la même opinion
ils ne font point d'accord fur les remedes , le
malade n'en prend point , & par confequent
il peut encore aller loin . Erafte lui dit qu'u
ne paffion violente s'eft emparée de fon
ae , & que rien ne peut l'en arracher
qu'il a vu aux Thuilleries la plus adorable
perfonne du monde ; Arlequin comque
bat
SEPTEMBRE . 1730. 2047
coups
bat toutes les raifons , la Sylphide qui eft
préfente & inviſible , le menace de
de bâton ; Arlequin croit que c'eſt fon
Maître qui lui parle , ce qui fait un jeu
de Théatre des plus comiques. La Gnomide
auffi invifible , donne de petits fouflets
à Arlequin , qu'il croir recevoir de
fon Maître enfin après plufieurs lazzi
très plaifans , deux Créanciers arrivent ,
& demandent à Erafte ce qui leur eſt dû ,
celui ci leur fait un accueil peu gracieux,
ce qui oblige les Créanciers de menacer
Erafte de le pourfuivre en Juftice ; . &
dans le tems qu'ils veulent partir , la
Sylphide & la Gnomide , toûjours invifibles
, donnent chacune aux deux Créanciers
une bourſe qui contient le payement
de chacun ; un des deux Créanciers
après avoir compté fon argent rend à
Erafte quatre louis qu'il a trouvé de plus;
ils fe retirent , en le priant très civilement
d'excufer leur vivacité ; Arlequin croit
fon Maître leur a donné cet argent;
que
Erafte dit qu'il ne fçait ce que tout cela
fignifie &c.
Un Sergent & un Procureur arrivent ;
le Procureur dit qu'il vient de la part
d'Oronte , pere de Clarice , pour fçavoir
quand il veut époufer fa fille. Le Sergent
porte une affignation à Arlequin de
part d'un Cabaretier des Porcherons , la
Gij
Arle
2048 MERCURE DE FRANCE
Arlequin refufe de la prendre. Erafte
donne de mauvaifes raifons au Procureur,
ce qui lui fait dire qu'il le pourfuivra
pour lui faire payer le dédit de vingt mille
ecus qu'il a fait au pere de Clarice . Le
Sergent préfente l'affignation à Arlequin ,
qui ne veut point abfolument la recevoir;
la Gnomide invifible donne un fouflet au
Sergent , & déchire l'Exploit ; le Sergent
fe met en colere contre Arlequin , après
quoi la Gnomide fait difparoître le Ser
gent , qui s'abîme fous le Théatre , & la
Sylphide fait voler le Procureur dans les
airs. Ce fpectacle effraye Erafte ; Arlequin
lui dit qu'il ne voit rien là que de très
naturel , un Sergent qui va au Diable &
un Procureur qui vole. La Gnomide fait
encore quelques niches à Arlequin qui
fort tout épouvanté ; Erafte refte très
étonné de tout ce qu'il vient de voir ;
la Sylphide invifible foupire , & a une
converfation avec Erafte qui la prend pour
un efprit ; la Sylphide l'affure qu'elle
Paime : Vous m'aimez , répond Erafte , eftce
que les efprits peuvent aimer ? ils n'ont
point corps : cette question me fait bien
voir que vous en avez un , répond la Sylphide
: Oui, Monfieur , ils aiment , & avec
d'autant plus de délicateffe que leur amour eft
détaché des fens , que leur flamme eft pure
& fubfifte d'elle-même , fans que les défirs
de
ou
SEPTEMBRE. 1730. 2049
ou les dégoûts l'augmentent ou la diminuent :
Mais je m'étonne , ajoûte Erafte , que Sça
chant ce qui fe paffe dans mon coeur , vous
me faffiez l'aven de votre tendreffe ; car enfin
vous n'ignorez pas qu'il eft rempli de la
plus violente paffion qu'un Amant ait jamais
pu reffentir : Je fuis , dit la Sylphide , une
de ces trois Dames que vous avez vûës aux
Thuilleries ; vous en aimez une : Quoi ! ces
Dames fi charmantes , repart Erafte , font
des Sylphides ! Eb peut- il y en avoir ? La
Sylphide le prie de ne point faire comme
le commun des hommes , qui doutent
des chofes , parce qu'ils ne les comprennent
pas . Erafte la conjure de fe montrer
: Je me rends , ajoûte la Sylphide , &
vais m'expofer à être la victime de votre obftination
allez aux Thuilleries , vous m'y
verrez avec une de mes Compagnes , ne m'y
parlez point , & venez m'inftruire ici de
votre fort & du mien.
Erafte obéit , & part . La Sylphide refte,
& dit qu'Erafte ne trouvera aux Thuilleries
que les deux Sylphides fes amies ,
& que fans fe commettre , elle fera inftruite
de ſes ſentimens . Arlequin revient
dans l'Appartement de fon Maître ;
ne l'y trouvant point , il dit qu'il fera
allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide
furvient , & appelle Arlequin qui
tremble de peur ne voyant perfonne avec
Giij lui
2050 MERCURE DE FRANCE
lui ; la Gnomide le raffure , & lui fait
l'aveu de fa tendreffe , en lui difant qu'elle
eft une habitante de la terre , une Gnomide
qui éprife de fes charmes a quitté
fa patrie pour le rendre le plus heureux
de tous les mortels ; elle lui dit qu'elle a
de grands tréfors à la difpofition , & qu'elle
veut lui en faire part , après quoi la Gnomide
le quitte & l'affure qu'elle va pren
dre un corps , & qu'elle s'offrira bientôt
à fes yeux : Prenez le bien joli , s'écrie
Arlequin , fur tout n'oubliez pas les tréfors
, car fans cela je n'ai que faire de vous
& c.
Erafte revient des Thuilleries ; Arle
quin lui raconte fa converſation avec la
Ġnomide. Erafte eft au defefpoir de ce
qu'il n'a point vû aux Thuilleries l'objet
qu'il adore la Sylphide convaincuë de
Famour d'Erafte fe rend vifible , & paroît
à fes yeux. Erafte tranfporté de joye la
reconnoit , & l'affure de toute fa tendreffe.
Arlequin trouve les Sylphides fort jolies,
mais il croit fa Gnomide bien plus belle ,
& la prie de paroitre avec fon teint de
lys & de rofes : la Gnomide fe rend vifibles
Arlequin en la voyant s'écrie : Ah!
d'eft une taupe , il ne veut point d'elle : la
Gnomide pleure , & fe defefpere : Que je
fuis malheureufe , dit- elle , dd''êêttrree obligée
d'étrangler un fi joli petit homme c'eft notre
coutume
SEPTEMBRE. 1730. 2051
,
coûtume , ajoûte- t'elle , quand nous aimons
un ingrat , nous l'étranglons d'abord . Cette
menace oblige Arlequin de fe rendre : il
lui demande les tréfors qu'elle lui a promis
dans le moment on voit fortir de la
terre un vaſe rempli de richeffes immenfes
: Arlequin ne refifte plus , & dit qu'il
ne fera pas la premiere beauté que les richeffes
auront féduite. Je ne vous Promets
point de tréfors ; dit la Sylphide à Erafte ',
mais les douceurs que je vous promets vaudront
bien les préfens de la Gnomide : venez,
Erafte , je vais dans un inftant vous tranf
porter dans le Palais dont vous devez être
le Maître. La Gnomide s'abîme avec Arlequin
. Le Théatre change , & repréſente
le Palais de la Sylphide , il paroît placé
dans les airs. Cette décoration qui eft du
S' Le Maire , connu par d'autres Ouvrages
de cette efpece , eft une des plus bril
lantes qui ait encore parû , & fait un effet
merveilleux. Ce Palais eft rempli de Sylphes
& de Sylphides qui forment un Divertiffement
tres gracieux. La Dle Silvia
& le S Romagnefy danfent une Entrée
qui a été trés goûtée , de même que la
Die Thomaffin dans celle qu'elle danfe.
La Mufique , qui a été trés applaudie , eft
de M. Mouret , & la compofition du Bálet
qu'on a trouvé brillant , eft de M. Mar
cel.
VAUDEVILLE.
Dans une heureufe
intelligence ,
Nous goutons le fort le plus doux
L'envie & la médifance
Ne réfident point chez nous :
Mortels , quelle difference è
Vivez-vous ainfi parmi nous ?
Exemts de toute défiance ;
Rien n'inquiete nos Epoux ;
Certains de notre conftance
Ils ne font jamais jaloux :
Mortels , quelle difference & c.
Les faveurs que l'Amour difpenfe
Ne fe revelent point chez nous ;
Plus on garde le filence ,
Et plus les plaifirs font doux :
François , quelle difference &c.
Nous joüiffons de l'innocence
Tant que nous fommes fans Epoux ,
Sans marquer d'impatience
De former un noeud fi doux :
Filles , quelle difference &c ,
Bien
SEPTEMBRE. 1730. 2053
-Bien loin d'encenfer l'opulence ,
Ici nous nous eftimons tous ;
L'égalité nous difpenfe
D'un foin indigne de nous :
Flateurs , quelle difference &c.
Un pauvre Auteur dont l'efperance
Eft de vous attirer chez nous ,
Eft plus trifte qu'on ne penſe
Quand fa Piéce a du deffous :
Pour lui quelle difference ,
Lorſque vous applaudiffez tous !
Fermer
Résumé : LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Le 11 septembre 1730, les comédiens Dominique et Romagnésy ont présenté une pièce en trois actes intitulée 'La Foire des Poètes, l'Île du Divorce & la Sylphide'. Cette œuvre a été bien accueillie par le public. Dans le premier acte, 'La Foire des Poètes', un acteur français et Trivelin de la Comédie Italienne se rencontrent et discutent de la situation des auteurs ayant quitté Paris, laissant les théâtres sans nouveautés. Trivelin explique qu'Apollon a recueilli les enfants des Muses et leur a construit un hôtel magnifique. Ils se rendent à cet hôtel où une foire est organisée. Les poètes chantent les louanges du café, qui inspire leurs vers. Une dispute éclate sur les effets du café, et les poètes offrent leurs œuvres à l'acteur et à Trivelin. Une jeune fille demande des couplets pour se moquer de son amant timide. Trivelin trouve les comédies proposées jolies mais a besoin d'un prologue. Un professeur de poésie donne une leçon sur l'art poétique, et la Folie conduit les poètes à Paris. Dans le deuxième acte, 'L'Île du Divorce', Valère et Arlequin regrettent d'avoir quitté leurs épouses respectives, Silvia et Colombine, pour se conformer aux coutumes de l'île autorisant le divorce. Silvia et Colombine expriment leur chagrin. Le chef de l'île explique que pour divorcer, il faut que des étrangers consentent à former de nouveaux engagements. Un vaisseau étranger arrive avec deux femmes, dont une veuve mariée quatre fois. Valère persuade la veuve de quitter son mari, et Orphise engage M. Droguet à faire de même. Silvia reprend Valère, et Arlequin épouse Colombine. Les habitants de l'île demandent le divorce, formant un divertissement composé de danses et d'un vaudeville. Dans le troisième acte, 'La Sylphide', le théâtre représente l'appartement d'Éraste. Une sylphide et une gnomide y entrent, chacune apportant une corbeille. Elles découvrent qu'elles aiment respectivement Éraste et Arlequin. La sylphide raconte qu'elles ont décidé de se rendre visibles et se sont promenées aux Tuileries. Éraste, après avoir vu une femme aux Tuileries, en tombe amoureux. Des créanciers et un procureur arrivent, exigeant des paiements. La sylphide et la gnomide interviennent en donnant de l'argent aux créanciers et en faisant disparaître le procureur. La sylphide se révèle à Éraste et lui avoue son amour. La gnomide avoue son amour à Arlequin et lui promet des trésors. La sylphide emmène Éraste dans son palais aérien, où un ballet et une musique sont présentés, soulignant les différences entre les mortels et les êtres surnaturels en termes de confiance et de bonheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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116
p. 2168-2181
LETTRE de M... sur un Songe.
Début :
Il m'est arrivé bien des choses extraordinaires depuis que je ne vous ai [...]
Mots clefs :
Passions, Hommes, Songe, Amour, Ennui, Temple, Dieu, Nature, Génie, Philosophes, Désirs, Coeur, Vision
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M... sur un Songe.
LETTRE de M... fur un Songe.
I
L m'eft arrivé bien des chofes extraordinaires
depuis que je ne vous ai
vûë ; j'ai cu un fonge , Mile ; mais un
fonge comme on n'en à jamais fait , &
qui eft du moins auffi vrai qu'aucun autre.
N'allez pas croire foit conque
ce par
tagion que je vous raconte mon rêve ; je
ne prens point les défauts de ceux que
j'ai l'honneur de connoître ; & pour avoir
le
OCTOBRE. 1730. 2169
le droit de la nouveauté , je le nommerai
vifion , fi vous voulez. Vifion foit. La
mienne a quelque chofe de particulier
par une fuite d'Evenemens arrangés qui
s'y trouvent.
A peine étois-je arrivé dans * * qu'il
m'a femblé être à la porte du Temple de
l'Ennui ; je ne ſçai fi je dormois ou fi j'étois
bien éveillé ; mais il ne me fouvient
point de m'être endormi ; car ma vifion
ou mon rêve , comme il vous plaira de
l'apeller, a commencé dès l'inftant que j'ai
mis pied à terre.
Ici regne un fombre filence ;
Arbres , rochers , deferts affreux ;
Eole & fa terrible engeance
N'abandonnent jamais ces lieux.
Des Ris , des Jeux la Troupe aimable
Eft inconnue en ces triftes féjours ;
Je m'y trouvai , victime déplorable ,
Abandonné de tout fécours.
Quoique je connuffe toute l'horreur de
mon fort , un charme invincible qui eft
répandu dans l'air qu'on y refpire , m'engageoit
malgré moi d'aller jufqu'au Temple.
Je fus reçû à la porte par des femmes
déja fur l'âge qui vouloient encore
plaire , malgré la nature même qui avoit
C v
pourvû
2170 MERCURE DE FRANCE
pourvû de refte à leurs défagrémens ;
elles avoient envain employé tout ce
que Part peut fournir pour recrépir un
vifage dont les rides ne laiffoient pas de
paroître au travers de la pomade dont il
étoit rempli ; & malgré les grimaces que
le dérangement d'un nouveau ratelier
de dents les obligeoit de faire , elles vouloient
compofer une belle bouche. La
porte du Temple me fut ouverte par cette
efpece de femmes , & fe referma fi - tôt
que je fus entré avec un bruit effroïable.
J'en trouvai dans l'interieur un autre effain
qui m'acofta ; c'étoient des Précieufes
qui avec un faux efprit & un fçavoir
fuperficiel vous affomment par un langage
affecté & impertinent. Je me fauvai
le plus vite que je pus de leurs mains ;
mais je tombai , comme on dit , de Caribde
en Scilla ; car à peine avois - je mis
le pied dans le Sanctuaire où elles m'avoient
conduit , que je me trouvai parmi
un nombre infini d'originaux , tous
Miniftres de l'ennui. Je m'y vis auffi - tôt
environné par un tas d'Auteurs. Ah ! la
maudite efpece.
L'un tire un long Poëme Epique ;
L'autre une Piece Dramatique :
Celui - ci dans le doux Lyrique ;
Celui-là pour le bon Comique ,
Prétend
OCTOBRE. 1730. 2170)
Prétend qu'il eft Auteur unique ,
Et d'original il fe pique.
Parmi ces objets fantaſtiques
J'y vis encor des Politiques ,
Qui prétendoient fuivant leurs loix
Diriger le Confeil des Rois.
3
Si je les en avois crûs , ils m'auroient
perfuadé qu'ils avoient des corefpondances
fecrettes avec le Divan , les négocia
tions les plus délicates leur étoient connuës
; ils avoient la clef du Cabinet de
tous les Potentats de l'Univers , & ils
étoient initiés dans tous les Confeils de
l'Europe ; tantôt ils faifoient la guerre ,
tantôt ils faifoient la paix. Ce n'étoit que
tréves , ccoonnggrrééss , interêt des Princes
Places prifes ou renduës , batailles gagnées,
faute d'un General , Campement , Marches
; ils faifoient changer de face à toute
l'Europe , chaffoient des Rois , en remettoient
d'autres en leurs places ; enfin
en un quart d'heure de tems ils firent faire
plus de mouvemens fur la furface de la
terre que fix mille ans n'en pourroient produire.
Je m'éloignai de ces M M. & je fus
repris par un Auteur dont la phifionomie
noire annonçoit l'amertume & le fiel qu'il
avoit dans le coeur ; il me lut mauffadement
, & cependant avec fureur quelques
C vj
Pié2172
MERCURE DE FRANCE
Piéces fatiriques qui attaquoient ouvertement
, & jufqu'au vif , l'honneur de ſes
confreres. Après m'en avoir lû deux ou
trois qui étoient fes morceaux favoris
& vomi mille invectives contre la
Cour & la Ville , il voulut encore en tirer
d'autres ; mais la cruelle fituation où
je me trouvois d'être obligé de les entendre
, me fit tomber dans un fommeil léthargique
dour je ne revins qu'au bout
de quelque tems . J'ignore ce que mon furieux
devint ; je me trouvai feul à mon
reveil dans un coin du Temple ; là , je fis
des reflexions bien triftes Helas ! difoisje
en moi- même , encore fi j'étois amoureux
, je pourrois m'occuper agréablement
; je fongeai dans ce moment à une
perfonne que je connois , & je fouhaitai
violemment de l'aimer , & d'en être aimé.
J'adreffai ma priere à l'Amour , & je l'invoquai
en ces termes :
O toi ! charmant Amour , des doux plaifirs le
pere ,
Quitte l'heureux féjour de Paphos , de Cithere ; }
Hâte-toi , viens me fecour :
Voudrois -tu me laiffer périr
Dieu puiffant aujourd'hui brûle-mol de tes feux...
Comme j'étois encore dans l'entouſiaſme
de mon invocation , je vis paroître
l'Amour
OCTOBRE. 1730. 2173
l'Amour qui me demanda d'un ton railleur
ce que j'exigeois de lui ; je lui dis
qu'ayant toujours été un de fes plus fideles
fectateurs , que l'ayant toujours bien
fervi , j'ofois efperer qu'il ne me refuſeroit
pas une grace ; que je me trouvois
malheureufement enfermé dans le Temple
de l'Ennui , que je le priois inftamment
de me frapper de fes traits pour
Belle que je lui nommois , & de la rendrefenfible
à ma tendreffe . L'Amour m'interrompit
en levant les épaules , & d'une
voix méprilante il me dit ces mots :
Eh ! que penfes- tu faire avec tant de foiblefle ?
Il n'eft qu'un tems pour gouter les plaiſirs :
Quoi ! voudrois-tu , fi loin de la jeuneſſe ,
Conferver dans ton coeur d'inutiles defirs ?
Non , non , à d'autres foins ...
2
la
Ah ! Dieu cruel , m'écriai -je , l'inter
rompant, outré de defefpoir, peux- tu me
reprocher ma foibleffe & n'eft-ce point
à ton fervice que j'ai perdu ma vigueur ?
Je t'en ai recompenfe , repartit-il à l'inf
tant , de quoi te plains-tu ? tant que tu
as jɔui de ton Printems , ne t'ai-je point
fans ceffe offert de nouvelles conquêtes ?
nomme-moi les cruelles que tu n'as pû
fléchir fi tu m'as bien fervi , je t'ai bien
protegé , & entre nous , continua -t'il ,
par
2174 MERCURE DE FRANCE
par quelle qualité éminente meritois- tu
fi fort ma protection ? difpenfe- moi du
détail de tes mérites , il ne tourneroit
qu'à notre confufion . Il s'envole à ces
mots qui me rendirent encore plus trifte ;
j'y entrevoyois une verité peu fatisfaifante
pour moi .
Je pris mon parti d'un autre coté ; je
voulus faire des Vers , croyant que ce
pourroit être un Talifman qui feroit ouvrir
les portes du Temple .
Mis, quoi ? fans l'aveu d'Appollon
Prétend- on s'établir dans le facré Vallon ?
J'eus beau implorer les Mufes , le Dieu -
du Parnaffe , tout fut fourd à ma voix .
Je ne fçavois que devenir , lorfque mon
génie m'apparut : votre génie , me direzvous
? oui , mon génie ; nous en avons
tous un qui veille fur nous , & qui détermine
nos actions. Notre génie eſt toujours
à la portée de nos organes ; c'eft
felon qu'ils font difpofés qu'il agit bien
ou mal ; ainfi il ne faut pas s'étonner
lorfque l'on voit les génies faire commetre
des fautes fi confiderables aux uns ,
pendant qu'ils conduifent fi fagement les
autres : c'eft , comme je l'ai dit , felon les
difpofitions qu'ils trouvent dans les fujets
.
Cette
OCTOBRE . 1730. 2175
Cette difference d'agir dans les génies
fit faire fon fiftême d'efprits au Comte de
Gabelis. Il s'imagina que les diverfes
actions des hommes étoient dirigées par
autant de fortes de génies ; il établit donc ,
comme vous le fçavez , les Gnomes dans
la terre , les Nymphes dans les eaux , les
Sylphes dans l'air & les Salamandres dans
le feu : chaque efpece avoit fes fonctions
differentes. Moyennant cette idée il crut
avoir donné une folution jufte de tout ce
qui arrive dans le monde ; mais il s'eft
trompé bien lourdement .
Je reviens au mien qui m'apparut fous
ma forme , c'étoit le moyen d'être bien
reçû. Je connois bien des femmes à qui
je ferois fûr de plaire , fi je me préſentois
fous leur figure. Notre premiere paffion
, c'eft . l'amour propre. Je vis mon
génie ; il étoit trifte comme moi , & me
dit qu'il ne pouvoit par lui- même me
tirer de l'affreux féjour où j'étois ; mais
qu'il voyoit dans la poche d'un des Miniftres
de l'Ennui un livre qui pouvoir
contenir des fecrets pour fortir du Temple
; il me montra celui qui en étoit porteur
, & difparut.
Je m'approchai de ce Miniftre ; je lui
fis des politeffes qu'il reçût fort bien ; il
m'aprit qu'il étoit Bibliotequaire du Dieu
de l'Ennui : il ajoûta qu'il vouloit me donner
2176 MERCURE DE FRANCE
ner le plaifir d'examiner fes Livres ; j'euffe
bien voulu m'en difpenfer , mais l'envie
que j'avois de poffeder celui qu'il avoit
dans fa poche, me donna la complaifance
de le fuivre. J'entrai dans la Biblioteque
qui étoit d'un bois rembruni , orné par
intervales de faux clinquant qui fatiguoit
plus la vûë qu'il ne la réjouiffoit. Il me
lut le Catalogue de fes Livres : c'étoit ,
il m'en fouvient encore la Dialectique
d'Ariftote , une partie de fa Phyfique ,
le Siftême harmonique de l'Univers par
Pythagore , plufieurs Traités de Morale,
tant des Anciens que des Modernes , tous
les Poëmes Epiques François , Recüeil
des Oraifons Funebres , Piéces fugitives
à la louange des Grands , Opera , Tragédies
& Comédies nouvelles , plufieurs
Romans les Journées Amulantes y
avoient place , & une quantité innombrable
d'autres livres fur differentes matieres
. Mon Conducteur fe récria fur tout
fur un Volume qu'il difoit être un des
plus grands foutiens de leur Temple : c'étoit
les Piéces de Poëfie de * * Comme il
me faifoit la lecture d'une , je vis fes
s'appefantir & fe fermer , comme s'il alloit
tomber dans un profond fommeil .
De peur qu'il ne m'en arrivât autant , je
me faifis au plus vite du livre qui faifoit
tout mon efpoir : jugez quelle fut ma joye
>
yeux,
quand
OCTOBRE. 1730. 2177
quand je vis par le titre que c'étoit les
Oeuvres de Clement Marot. J'ignore par
quelle avanture ce Miniftre fe trouvoit
muni d'un pareil livre . Quoiqu'il en foit,
je l'ouvris avec précipitation ; mais à
peine en avois - je lû la moitié d'une page,
ô prodige incroyable ! le Temple s'abîma
& je me trouvai dans une autre Biblioteque
charmante ; tout s'y fentoit des mains
de la nature , & l'art n'avoit , ou fembloit
n'avoir aucune part à l'ouvrage . Enchantê
d'un fr beau fpectacle , j'examinai les livres
; ils avoient tous pour infcription en
lettres d'or : Remede contre l'ennui ; je les
ouvris l'un après l'autre , j'y trouvai les
Oeuvres d'Anacréon , les Poëfies du tendre
Tibulle & de Catulle les Elegies
d'Ovide , les Satires d'Horace , les Epigrammes
de Martial , les Poëmes d'Homere
, de Virgile , de l'Ariofte & du Taffe,
les Romans de Petrone , de Michel Cervantes
& de Rabelais , les Fables de la
Fontaine étoient proprement reliées avec
celles de Phédre ; fes Contes feuls étoient
placés à l'écart. J'y vis auffi les Comédies
d'Ariftophane , de Plaute , de Terence &
de Moliere ; les Tragédies de Sophocle
d'Euripide , de Corneille & de Racine
étoient fur la même planche ; les Opera
de Quinaut , les Oeuvres de Pavillon &
de Bourfault y tenoient une place hono-
T'hélitois
›
218 MERCURE DE FRANCE
J'héfitois dans le choix que j'en devois
faire , lorsqu'une grande femme s'avance
vers moi avec un maintien noble , fon
front étoit ferein , dans fes yeux brilloit
la douceur , un air de bonté & de tranquilité
étoit répandu dans toute fa perfonne
: elle vit fans doute ma furpriſe ;
& ouvrant la bouche avec des graces admirables
, elle me tint ce difcours : Je
fuis Uranie , Muſe qui préfide à la Philofophie
; tu t'étonnes , fans doute , de
me voir au milieu de gens qui n'ont jamais
eu le titre de Philofophes dans le
monde ; j'excufe ta furprife. Apprens que
tous ces grands hommes dont tu vois ici
les Ouvrages ont été les feuls & les vrais
Philofophes , & que ceux qui paffent pour
tels dans le monde n'en ont jamais eu que
le nom. La vraie Philofophie , me ditque
elle , confifte à fuir les violens excès ou
conduit une paffion trop emportée , à
regler fes defirs fur une volupté permife;
car c'eſt une erreur qui tient de la folie
de vouloir éteindre les paffions ; il faudroit
éteindre la nature ; ils en font une
fuite indifpenfable . Que les hommes ,
s'écria Uranie , connoiffent peu ce qui
leur eft utile ! les paffions leur ont été
données pour les dédommager des miferes
de l'humanité , & ils les méprifent :
cela eſt incroyable : oüi , continua-t'elle,
les
OCTOBRE. 1730. 2179
les paffions ont été accordées aux fages
comme le plus beau preſent que
les Dieux
ayent pû leur faire ; mais c'eft auffi le
fleau le plus terrible dont ils ſe ſervent
dans leur colere , pour qui n'en fçait pas
faire ufage.
Je ne pûs m'empêcher de paroitre furpris
d'un pareil raifonnement ; je ne pouvois
concevoir comment les paffions faifoient
en même tems tant de bien & tant
de mal . La Mufe s'apperçut de mon
étonnement : Je veux bien , me dit - elle ,
vous défiller les yeux : les hommes font
tous nés avec une même meſure de paſfion
dans le coeur ; la feule difference de
bien employer cette dofe de paffion diftingue
le vrai Philofophe d'avec celui qui
ne l'eft pas. Il en eft des paffions comme
d'un fleuve , qui refferré dans un lit trop
étroit , devient un torrent furieux , brife
& ravage tout ce qu'on pourroit employer
pour refifter à fes efforts ; mais
fi vous lui ouvrez plufieurs routes dans
lefquelles il puiffe s'étendre , alors ce torrent
dont un feul lit ne pouvoit contenir
l'eau , forme , étant divifé , plufieurs ruiffeaux
, dont le cours doux & tranquille
vous offre un fpectacle agréable. L'infenſé ,
femblable à ce fleuve , place fans reflexion
tout ce qu'il a reçû de paffions dans
un unique objet : c'eft en vain alors qu'il
you2180
MERCURE DE FRANCE
voudroit y mettre les digues que la raiſon
lui offre , ce font de trop foibles barrieres
que l'impetuofité de les defirs a bientôt
renversées. Tous les mouvemens de
fon ame . fe portant en foule fur un feul
point , le tourmentent , le defefperenr
le portent à des extrémités horribles , &
ne lui laiffent pas un moment de repos.
C'eft delà que nous voyons des joueurs
furieux , des avares méprifables , des
Amans defefperés , des ambitieux extravagans
; le fage , au contraire , qui reconnoît
la neceffité des paffions , mais
qui connoît auffi le mal qu'elles peuvent
produire , en diminue la violence en les
divifant ; il leur donne differens emplois
pour s'en rendre le maitre , & forme au
lieu d'un torrent qui détruit tout , ces
doux ruiffeaux dont le cours aimable ne
peut porter aucun dommage.
C'eft ainfi que vivent les Philofophes ;
ils jouiffent de tous les agrémens de la vie ,
ils reconnoiffent que le fouverain bien
confifte dans la privation du mal , ils en
évitent jufqu'à l'idée. Les plaifirs , continua
Uranie , font faits pour les hommes;
les chagrins devroient leur être étrangers :
ils dégradent leurs ames , & ne font qu'uné
fuite de la foibleffe de leur nature. Je
te quitte , ajoûta - t'elle , fuis mes confeils ,
entretiens familiarité avec ces grands
hommes
OCTOBRE. 1730. 2181
hommes , tu vivras heureux. A ces mots
elle difparut. La yifion finit.
akakakakaka
D. L. C.
I
L m'eft arrivé bien des chofes extraordinaires
depuis que je ne vous ai
vûë ; j'ai cu un fonge , Mile ; mais un
fonge comme on n'en à jamais fait , &
qui eft du moins auffi vrai qu'aucun autre.
N'allez pas croire foit conque
ce par
tagion que je vous raconte mon rêve ; je
ne prens point les défauts de ceux que
j'ai l'honneur de connoître ; & pour avoir
le
OCTOBRE. 1730. 2169
le droit de la nouveauté , je le nommerai
vifion , fi vous voulez. Vifion foit. La
mienne a quelque chofe de particulier
par une fuite d'Evenemens arrangés qui
s'y trouvent.
A peine étois-je arrivé dans * * qu'il
m'a femblé être à la porte du Temple de
l'Ennui ; je ne ſçai fi je dormois ou fi j'étois
bien éveillé ; mais il ne me fouvient
point de m'être endormi ; car ma vifion
ou mon rêve , comme il vous plaira de
l'apeller, a commencé dès l'inftant que j'ai
mis pied à terre.
Ici regne un fombre filence ;
Arbres , rochers , deferts affreux ;
Eole & fa terrible engeance
N'abandonnent jamais ces lieux.
Des Ris , des Jeux la Troupe aimable
Eft inconnue en ces triftes féjours ;
Je m'y trouvai , victime déplorable ,
Abandonné de tout fécours.
Quoique je connuffe toute l'horreur de
mon fort , un charme invincible qui eft
répandu dans l'air qu'on y refpire , m'engageoit
malgré moi d'aller jufqu'au Temple.
Je fus reçû à la porte par des femmes
déja fur l'âge qui vouloient encore
plaire , malgré la nature même qui avoit
C v
pourvû
2170 MERCURE DE FRANCE
pourvû de refte à leurs défagrémens ;
elles avoient envain employé tout ce
que Part peut fournir pour recrépir un
vifage dont les rides ne laiffoient pas de
paroître au travers de la pomade dont il
étoit rempli ; & malgré les grimaces que
le dérangement d'un nouveau ratelier
de dents les obligeoit de faire , elles vouloient
compofer une belle bouche. La
porte du Temple me fut ouverte par cette
efpece de femmes , & fe referma fi - tôt
que je fus entré avec un bruit effroïable.
J'en trouvai dans l'interieur un autre effain
qui m'acofta ; c'étoient des Précieufes
qui avec un faux efprit & un fçavoir
fuperficiel vous affomment par un langage
affecté & impertinent. Je me fauvai
le plus vite que je pus de leurs mains ;
mais je tombai , comme on dit , de Caribde
en Scilla ; car à peine avois - je mis
le pied dans le Sanctuaire où elles m'avoient
conduit , que je me trouvai parmi
un nombre infini d'originaux , tous
Miniftres de l'ennui. Je m'y vis auffi - tôt
environné par un tas d'Auteurs. Ah ! la
maudite efpece.
L'un tire un long Poëme Epique ;
L'autre une Piece Dramatique :
Celui - ci dans le doux Lyrique ;
Celui-là pour le bon Comique ,
Prétend
OCTOBRE. 1730. 2170)
Prétend qu'il eft Auteur unique ,
Et d'original il fe pique.
Parmi ces objets fantaſtiques
J'y vis encor des Politiques ,
Qui prétendoient fuivant leurs loix
Diriger le Confeil des Rois.
3
Si je les en avois crûs , ils m'auroient
perfuadé qu'ils avoient des corefpondances
fecrettes avec le Divan , les négocia
tions les plus délicates leur étoient connuës
; ils avoient la clef du Cabinet de
tous les Potentats de l'Univers , & ils
étoient initiés dans tous les Confeils de
l'Europe ; tantôt ils faifoient la guerre ,
tantôt ils faifoient la paix. Ce n'étoit que
tréves , ccoonnggrrééss , interêt des Princes
Places prifes ou renduës , batailles gagnées,
faute d'un General , Campement , Marches
; ils faifoient changer de face à toute
l'Europe , chaffoient des Rois , en remettoient
d'autres en leurs places ; enfin
en un quart d'heure de tems ils firent faire
plus de mouvemens fur la furface de la
terre que fix mille ans n'en pourroient produire.
Je m'éloignai de ces M M. & je fus
repris par un Auteur dont la phifionomie
noire annonçoit l'amertume & le fiel qu'il
avoit dans le coeur ; il me lut mauffadement
, & cependant avec fureur quelques
C vj
Pié2172
MERCURE DE FRANCE
Piéces fatiriques qui attaquoient ouvertement
, & jufqu'au vif , l'honneur de ſes
confreres. Après m'en avoir lû deux ou
trois qui étoient fes morceaux favoris
& vomi mille invectives contre la
Cour & la Ville , il voulut encore en tirer
d'autres ; mais la cruelle fituation où
je me trouvois d'être obligé de les entendre
, me fit tomber dans un fommeil léthargique
dour je ne revins qu'au bout
de quelque tems . J'ignore ce que mon furieux
devint ; je me trouvai feul à mon
reveil dans un coin du Temple ; là , je fis
des reflexions bien triftes Helas ! difoisje
en moi- même , encore fi j'étois amoureux
, je pourrois m'occuper agréablement
; je fongeai dans ce moment à une
perfonne que je connois , & je fouhaitai
violemment de l'aimer , & d'en être aimé.
J'adreffai ma priere à l'Amour , & je l'invoquai
en ces termes :
O toi ! charmant Amour , des doux plaifirs le
pere ,
Quitte l'heureux féjour de Paphos , de Cithere ; }
Hâte-toi , viens me fecour :
Voudrois -tu me laiffer périr
Dieu puiffant aujourd'hui brûle-mol de tes feux...
Comme j'étois encore dans l'entouſiaſme
de mon invocation , je vis paroître
l'Amour
OCTOBRE. 1730. 2173
l'Amour qui me demanda d'un ton railleur
ce que j'exigeois de lui ; je lui dis
qu'ayant toujours été un de fes plus fideles
fectateurs , que l'ayant toujours bien
fervi , j'ofois efperer qu'il ne me refuſeroit
pas une grace ; que je me trouvois
malheureufement enfermé dans le Temple
de l'Ennui , que je le priois inftamment
de me frapper de fes traits pour
Belle que je lui nommois , & de la rendrefenfible
à ma tendreffe . L'Amour m'interrompit
en levant les épaules , & d'une
voix méprilante il me dit ces mots :
Eh ! que penfes- tu faire avec tant de foiblefle ?
Il n'eft qu'un tems pour gouter les plaiſirs :
Quoi ! voudrois-tu , fi loin de la jeuneſſe ,
Conferver dans ton coeur d'inutiles defirs ?
Non , non , à d'autres foins ...
2
la
Ah ! Dieu cruel , m'écriai -je , l'inter
rompant, outré de defefpoir, peux- tu me
reprocher ma foibleffe & n'eft-ce point
à ton fervice que j'ai perdu ma vigueur ?
Je t'en ai recompenfe , repartit-il à l'inf
tant , de quoi te plains-tu ? tant que tu
as jɔui de ton Printems , ne t'ai-je point
fans ceffe offert de nouvelles conquêtes ?
nomme-moi les cruelles que tu n'as pû
fléchir fi tu m'as bien fervi , je t'ai bien
protegé , & entre nous , continua -t'il ,
par
2174 MERCURE DE FRANCE
par quelle qualité éminente meritois- tu
fi fort ma protection ? difpenfe- moi du
détail de tes mérites , il ne tourneroit
qu'à notre confufion . Il s'envole à ces
mots qui me rendirent encore plus trifte ;
j'y entrevoyois une verité peu fatisfaifante
pour moi .
Je pris mon parti d'un autre coté ; je
voulus faire des Vers , croyant que ce
pourroit être un Talifman qui feroit ouvrir
les portes du Temple .
Mis, quoi ? fans l'aveu d'Appollon
Prétend- on s'établir dans le facré Vallon ?
J'eus beau implorer les Mufes , le Dieu -
du Parnaffe , tout fut fourd à ma voix .
Je ne fçavois que devenir , lorfque mon
génie m'apparut : votre génie , me direzvous
? oui , mon génie ; nous en avons
tous un qui veille fur nous , & qui détermine
nos actions. Notre génie eſt toujours
à la portée de nos organes ; c'eft
felon qu'ils font difpofés qu'il agit bien
ou mal ; ainfi il ne faut pas s'étonner
lorfque l'on voit les génies faire commetre
des fautes fi confiderables aux uns ,
pendant qu'ils conduifent fi fagement les
autres : c'eft , comme je l'ai dit , felon les
difpofitions qu'ils trouvent dans les fujets
.
Cette
OCTOBRE . 1730. 2175
Cette difference d'agir dans les génies
fit faire fon fiftême d'efprits au Comte de
Gabelis. Il s'imagina que les diverfes
actions des hommes étoient dirigées par
autant de fortes de génies ; il établit donc ,
comme vous le fçavez , les Gnomes dans
la terre , les Nymphes dans les eaux , les
Sylphes dans l'air & les Salamandres dans
le feu : chaque efpece avoit fes fonctions
differentes. Moyennant cette idée il crut
avoir donné une folution jufte de tout ce
qui arrive dans le monde ; mais il s'eft
trompé bien lourdement .
Je reviens au mien qui m'apparut fous
ma forme , c'étoit le moyen d'être bien
reçû. Je connois bien des femmes à qui
je ferois fûr de plaire , fi je me préſentois
fous leur figure. Notre premiere paffion
, c'eft . l'amour propre. Je vis mon
génie ; il étoit trifte comme moi , & me
dit qu'il ne pouvoit par lui- même me
tirer de l'affreux féjour où j'étois ; mais
qu'il voyoit dans la poche d'un des Miniftres
de l'Ennui un livre qui pouvoir
contenir des fecrets pour fortir du Temple
; il me montra celui qui en étoit porteur
, & difparut.
Je m'approchai de ce Miniftre ; je lui
fis des politeffes qu'il reçût fort bien ; il
m'aprit qu'il étoit Bibliotequaire du Dieu
de l'Ennui : il ajoûta qu'il vouloit me donner
2176 MERCURE DE FRANCE
ner le plaifir d'examiner fes Livres ; j'euffe
bien voulu m'en difpenfer , mais l'envie
que j'avois de poffeder celui qu'il avoit
dans fa poche, me donna la complaifance
de le fuivre. J'entrai dans la Biblioteque
qui étoit d'un bois rembruni , orné par
intervales de faux clinquant qui fatiguoit
plus la vûë qu'il ne la réjouiffoit. Il me
lut le Catalogue de fes Livres : c'étoit ,
il m'en fouvient encore la Dialectique
d'Ariftote , une partie de fa Phyfique ,
le Siftême harmonique de l'Univers par
Pythagore , plufieurs Traités de Morale,
tant des Anciens que des Modernes , tous
les Poëmes Epiques François , Recüeil
des Oraifons Funebres , Piéces fugitives
à la louange des Grands , Opera , Tragédies
& Comédies nouvelles , plufieurs
Romans les Journées Amulantes y
avoient place , & une quantité innombrable
d'autres livres fur differentes matieres
. Mon Conducteur fe récria fur tout
fur un Volume qu'il difoit être un des
plus grands foutiens de leur Temple : c'étoit
les Piéces de Poëfie de * * Comme il
me faifoit la lecture d'une , je vis fes
s'appefantir & fe fermer , comme s'il alloit
tomber dans un profond fommeil .
De peur qu'il ne m'en arrivât autant , je
me faifis au plus vite du livre qui faifoit
tout mon efpoir : jugez quelle fut ma joye
>
yeux,
quand
OCTOBRE. 1730. 2177
quand je vis par le titre que c'étoit les
Oeuvres de Clement Marot. J'ignore par
quelle avanture ce Miniftre fe trouvoit
muni d'un pareil livre . Quoiqu'il en foit,
je l'ouvris avec précipitation ; mais à
peine en avois - je lû la moitié d'une page,
ô prodige incroyable ! le Temple s'abîma
& je me trouvai dans une autre Biblioteque
charmante ; tout s'y fentoit des mains
de la nature , & l'art n'avoit , ou fembloit
n'avoir aucune part à l'ouvrage . Enchantê
d'un fr beau fpectacle , j'examinai les livres
; ils avoient tous pour infcription en
lettres d'or : Remede contre l'ennui ; je les
ouvris l'un après l'autre , j'y trouvai les
Oeuvres d'Anacréon , les Poëfies du tendre
Tibulle & de Catulle les Elegies
d'Ovide , les Satires d'Horace , les Epigrammes
de Martial , les Poëmes d'Homere
, de Virgile , de l'Ariofte & du Taffe,
les Romans de Petrone , de Michel Cervantes
& de Rabelais , les Fables de la
Fontaine étoient proprement reliées avec
celles de Phédre ; fes Contes feuls étoient
placés à l'écart. J'y vis auffi les Comédies
d'Ariftophane , de Plaute , de Terence &
de Moliere ; les Tragédies de Sophocle
d'Euripide , de Corneille & de Racine
étoient fur la même planche ; les Opera
de Quinaut , les Oeuvres de Pavillon &
de Bourfault y tenoient une place hono-
T'hélitois
›
218 MERCURE DE FRANCE
J'héfitois dans le choix que j'en devois
faire , lorsqu'une grande femme s'avance
vers moi avec un maintien noble , fon
front étoit ferein , dans fes yeux brilloit
la douceur , un air de bonté & de tranquilité
étoit répandu dans toute fa perfonne
: elle vit fans doute ma furpriſe ;
& ouvrant la bouche avec des graces admirables
, elle me tint ce difcours : Je
fuis Uranie , Muſe qui préfide à la Philofophie
; tu t'étonnes , fans doute , de
me voir au milieu de gens qui n'ont jamais
eu le titre de Philofophes dans le
monde ; j'excufe ta furprife. Apprens que
tous ces grands hommes dont tu vois ici
les Ouvrages ont été les feuls & les vrais
Philofophes , & que ceux qui paffent pour
tels dans le monde n'en ont jamais eu que
le nom. La vraie Philofophie , me ditque
elle , confifte à fuir les violens excès ou
conduit une paffion trop emportée , à
regler fes defirs fur une volupté permife;
car c'eſt une erreur qui tient de la folie
de vouloir éteindre les paffions ; il faudroit
éteindre la nature ; ils en font une
fuite indifpenfable . Que les hommes ,
s'écria Uranie , connoiffent peu ce qui
leur eft utile ! les paffions leur ont été
données pour les dédommager des miferes
de l'humanité , & ils les méprifent :
cela eſt incroyable : oüi , continua-t'elle,
les
OCTOBRE. 1730. 2179
les paffions ont été accordées aux fages
comme le plus beau preſent que
les Dieux
ayent pû leur faire ; mais c'eft auffi le
fleau le plus terrible dont ils ſe ſervent
dans leur colere , pour qui n'en fçait pas
faire ufage.
Je ne pûs m'empêcher de paroitre furpris
d'un pareil raifonnement ; je ne pouvois
concevoir comment les paffions faifoient
en même tems tant de bien & tant
de mal . La Mufe s'apperçut de mon
étonnement : Je veux bien , me dit - elle ,
vous défiller les yeux : les hommes font
tous nés avec une même meſure de paſfion
dans le coeur ; la feule difference de
bien employer cette dofe de paffion diftingue
le vrai Philofophe d'avec celui qui
ne l'eft pas. Il en eft des paffions comme
d'un fleuve , qui refferré dans un lit trop
étroit , devient un torrent furieux , brife
& ravage tout ce qu'on pourroit employer
pour refifter à fes efforts ; mais
fi vous lui ouvrez plufieurs routes dans
lefquelles il puiffe s'étendre , alors ce torrent
dont un feul lit ne pouvoit contenir
l'eau , forme , étant divifé , plufieurs ruiffeaux
, dont le cours doux & tranquille
vous offre un fpectacle agréable. L'infenſé ,
femblable à ce fleuve , place fans reflexion
tout ce qu'il a reçû de paffions dans
un unique objet : c'eft en vain alors qu'il
you2180
MERCURE DE FRANCE
voudroit y mettre les digues que la raiſon
lui offre , ce font de trop foibles barrieres
que l'impetuofité de les defirs a bientôt
renversées. Tous les mouvemens de
fon ame . fe portant en foule fur un feul
point , le tourmentent , le defefperenr
le portent à des extrémités horribles , &
ne lui laiffent pas un moment de repos.
C'eft delà que nous voyons des joueurs
furieux , des avares méprifables , des
Amans defefperés , des ambitieux extravagans
; le fage , au contraire , qui reconnoît
la neceffité des paffions , mais
qui connoît auffi le mal qu'elles peuvent
produire , en diminue la violence en les
divifant ; il leur donne differens emplois
pour s'en rendre le maitre , & forme au
lieu d'un torrent qui détruit tout , ces
doux ruiffeaux dont le cours aimable ne
peut porter aucun dommage.
C'eft ainfi que vivent les Philofophes ;
ils jouiffent de tous les agrémens de la vie ,
ils reconnoiffent que le fouverain bien
confifte dans la privation du mal , ils en
évitent jufqu'à l'idée. Les plaifirs , continua
Uranie , font faits pour les hommes;
les chagrins devroient leur être étrangers :
ils dégradent leurs ames , & ne font qu'uné
fuite de la foibleffe de leur nature. Je
te quitte , ajoûta - t'elle , fuis mes confeils ,
entretiens familiarité avec ces grands
hommes
OCTOBRE. 1730. 2181
hommes , tu vivras heureux. A ces mots
elle difparut. La yifion finit.
akakakakaka
D. L. C.
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Résumé : LETTRE de M... sur un Songe.
Dans une lettre, l'auteur décrit une vision onirique où il se retrouve à la porte du Temple de l'Ennui, un lieu silencieux et désolé. Il est accueilli par des femmes âgées cherchant à paraître jeunes et par des précieuses affectées et impertinentes. À l'intérieur du temple, il rencontre divers personnages, dont des auteurs, des politiques et des satiristes. Les politiques se vantent de diriger les conseils des rois et de connaître les négociations secrètes, tandis qu'un satiriste lit des pièces fustigeant ses confrères et la cour. Désespéré, l'auteur invoque l'Amour pour échapper à l'ennui, mais l'Amour le raille et lui reproche sa faiblesse. L'auteur tente ensuite d'écrire des vers pour sortir du temple, mais les muses et Apollon restent sourds à ses prières. Son génie lui apparaît et lui indique un livre dans la poche d'un ministre de l'ennui. Ce livre, les œuvres de Clément Marot, permet à l'auteur de sortir du temple et de se retrouver dans une bibliothèque enchantée. Dans cette bibliothèque, les livres portent l'inscription 'Remède contre l'ennui' et contiennent des œuvres de grands auteurs comme Anacréon, Tibulle, Ovide, Homère et Molière. La muse Uranie apparaît et explique que les véritables philosophes sont ceux dont les œuvres sont présentes dans cette bibliothèque, et que les passions, bien utilisées, sont un don des dieux. Le texte aborde également la gestion des passions humaines, soulignant que tous les individus naissent avec une même mesure de passion, mais la différence réside dans l'aptitude à bien l'employer. Les passions, comparées à un fleuve, peuvent devenir destructrices si elles sont confinées dans un seul objet, comme le font les insensés. Ces derniers, en concentrant toutes leurs passions sur un seul point, se trouvent tourmentés et poussés à des extrémités horribles, devenant ainsi des joueurs furieux, des avares méprisables, des amants désespérés ou des ambitieux extravagants. En revanche, le sage reconnaît la nécessité des passions mais en diminue la violence en les divisant. Il leur donne différents emplois pour en devenir maître, transformant ainsi un torrent destructeur en doux ruisseaux agréables. Les philosophes, en suivant cette voie, jouissent de tous les agréments de la vie et évitent les chagrins, qui dégradent l'âme et révèlent la faiblesse de la nature humaine. Uranie conseille de suivre les préceptes des grands hommes pour vivre heureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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117
p. 2364-2368
BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
Début :
Les Bootes déja sous sa main dans les Cieux, [...]
Mots clefs :
Esprit, Coeur, Dialogue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
BOUQUET , à M' de Pibrac,
Comte de Marigny.
LEE Bootes déja fous fa main dans les Cieux ,
Avoit vû tourner la grande Ourſe, ( 1 )
; Où pour me faire entendre mieux
La nuit avoit fourni la moité de fa courſe ?
Quand j'ai fongé [ je vous arrête icy ,
Pour vous avertir que les fonges ( 2 )
Vers ce temps ne font point menſonges
;
Horace au moins le dit ainfi. ]
J'ai fongé qu'on alloit célébrer votre Fête.
Je m'éveille en furſaut ; ſoudain fans autre enquête
;
Pour vous prouver mon parfait dévoûment ,
Mon Coeur à mon Eſprit demande un compli
ment.
f1) Ces deux Vers font une imitation de ceux
par où Anacréon a commencé fa troifiéme Odes
fur laquelle il eft bon de voir les Remarques de
Madame Dacier.
( 2) Poft mediam noctem, quum fomnia
vera. Horace , Sat. 10. liv. 1. v. 33 furquoi
Monfieur Dacier rapporte pluſieurs paſſages ,
conformes à celui là.
Mais
NOVEMBRE. 1730. 2365
Mais , qui l'ût crû ? Mon Efprit un moment
A douté s'il devoit accorder ſa requête ,
Vous verrez fur quel fondement ,
Si vous daignez lire le Dialogue
Qu'à la fuite de ce Prologue
Je place naturellement.
DIALOGUE.
Entre mon Caur & mon Efprit.
Le Coeur à l'Esprit.
Non , je ne puis fouffrir votre indolence extrême.
Quoi ! tandis que de Morelet ( a )
Déja l'Efprit s'anime à produire un Sonnet ,
Pour offrir fon tribut à Pibrac qui vous aime ,
Vous ne tenterez pas de lui faire un Bouquet ?
L'Efprit.
Non ; car je fuis à fec , à vous le trancher net.
Pourquoi vous obftiner , depuis près de deux
Luftres ,
A m'exercer toûjours fur le même ſujet ?
Ah ! fi de fes Ayeux illuftres
J'ofois chanter du moins tous les Exploits divers
( a ) Auditeur en la Chambre des Comptes de
Dijon , fameux par fes Sonnets, & ami de Monfieur
de Pibrac,
Que
2366 MERCURE DE FRANCE
Que je fçaurois , fans peine , enfanter de bons.
Vers !
Où fi , laiffant à part fon ancienne nobleffe
J'ofois célébrer fa fagefle ,
Sa prudence , fon équité ,
Sa candeur , fon honnêteté
11
Son efprit , fa délicateffe ,
Et mille autres vertus encor ;
Vous me verriez bien- tôt . , comme un autre
Pindare ,
Sans craindre le deftin d'Icare ;
Jufqu'aux Cieux prendre mon effor.
Mais fi-tôt que je vante un mérite , fi rare ›
Une jeune Divinité ,
Que l'on voit de fes pas compagne inféparable ›
Et qui fe fait connoítre à fa pudeur aimable ,
Les
yeux
nable
baffez s'avance , & d'un ton conve-
A fa noble fimplicité ,
Me tient ce difceurs refpectable.
Au modefte Pibrac , quoique tout dévoué ,
Sçais - tu que par son coeur de foibleſſe incapable
,
Ton hommage est défavoué ?
Parmille qualitex fans doute il eft louable ,
Mais il n'en fuit pas moins l'honneur d'être
lové.
Croi moi, fi tu veux être à fes yeux agréables
Se
NOVEMBRE. 1730. 2367
·Sur toutes les vertus dont le Ciel l'a doüé,
Garde unfilence inviolable.
A ces mots , quelque ardeur qui me vienne
infpirer
Je n'ofe de Pibrac bleffer la modeftie ,
Et contraint , malgré moi , de vaincre mon envie
,
Je le vois , je me tais , & ne puis qu'admirer.
Le Coeur.
d'une frivole excufe
Non , non , vous me payez
Ce n'eft pas ainfi qu'on m'abuſe ,
Quoi que vous me difiez , il attend un Bouquet ,
Je le veux , il le faut , fecondez mon projet.
Car enfin , pouvez - vous vous flater qu'on préfume
,
Qu'un Bouquet , pour Pibrac , foit un ingrat
fujer ?
Si vous vouliez lui faire un fidele portrait
Du zéle qui pour lui fans ceffe me confume ,
De mes tranſports reconnoiflans ,
De mon profond refpect , du plaifir que je fens
Quand je vais par devoir , plutôt que par cou
tume ,
Près de lui brûler mon encens ;
Vous rempliriez plus d'un volume..
L'Efprit.
Eh bien ! je cede enfin à vos difcours preffans.
Ma
2368 MERCURE DE FRANCE
Ma verve ſe réchauffe au beau feu qui vous
guide :
L'Eſprit raiſonne en vain lorfque le coeur décide-
Mais pour calmer votre couroux ,
Parlez , que faut-il que je faffe ?
Le Coeur.
Allez vîte fur le Parnaſſe
Mettre en vers le débat qui vient d'être entre
nous.
Pibrac avec plaifir ....
L'Esprit.
Quoi ! vous figurez - vous
Qu'un tel Bouquet le fatisfaffe ?
Hé !
que
Le Coeur.
rien ne vous embaraffe !
Confiez à mes foins ce que vous aurez fait.
Pibrac , dont l'ame eft complaifante ,
De vos moindres Ecrits eft toujours fatisfait ,
Quand c'est moi qui les lui préfente.
Par M. CoCQUARD , Avocas
au Parlement de Dijon.
Comte de Marigny.
LEE Bootes déja fous fa main dans les Cieux ,
Avoit vû tourner la grande Ourſe, ( 1 )
; Où pour me faire entendre mieux
La nuit avoit fourni la moité de fa courſe ?
Quand j'ai fongé [ je vous arrête icy ,
Pour vous avertir que les fonges ( 2 )
Vers ce temps ne font point menſonges
;
Horace au moins le dit ainfi. ]
J'ai fongé qu'on alloit célébrer votre Fête.
Je m'éveille en furſaut ; ſoudain fans autre enquête
;
Pour vous prouver mon parfait dévoûment ,
Mon Coeur à mon Eſprit demande un compli
ment.
f1) Ces deux Vers font une imitation de ceux
par où Anacréon a commencé fa troifiéme Odes
fur laquelle il eft bon de voir les Remarques de
Madame Dacier.
( 2) Poft mediam noctem, quum fomnia
vera. Horace , Sat. 10. liv. 1. v. 33 furquoi
Monfieur Dacier rapporte pluſieurs paſſages ,
conformes à celui là.
Mais
NOVEMBRE. 1730. 2365
Mais , qui l'ût crû ? Mon Efprit un moment
A douté s'il devoit accorder ſa requête ,
Vous verrez fur quel fondement ,
Si vous daignez lire le Dialogue
Qu'à la fuite de ce Prologue
Je place naturellement.
DIALOGUE.
Entre mon Caur & mon Efprit.
Le Coeur à l'Esprit.
Non , je ne puis fouffrir votre indolence extrême.
Quoi ! tandis que de Morelet ( a )
Déja l'Efprit s'anime à produire un Sonnet ,
Pour offrir fon tribut à Pibrac qui vous aime ,
Vous ne tenterez pas de lui faire un Bouquet ?
L'Efprit.
Non ; car je fuis à fec , à vous le trancher net.
Pourquoi vous obftiner , depuis près de deux
Luftres ,
A m'exercer toûjours fur le même ſujet ?
Ah ! fi de fes Ayeux illuftres
J'ofois chanter du moins tous les Exploits divers
( a ) Auditeur en la Chambre des Comptes de
Dijon , fameux par fes Sonnets, & ami de Monfieur
de Pibrac,
Que
2366 MERCURE DE FRANCE
Que je fçaurois , fans peine , enfanter de bons.
Vers !
Où fi , laiffant à part fon ancienne nobleffe
J'ofois célébrer fa fagefle ,
Sa prudence , fon équité ,
Sa candeur , fon honnêteté
11
Son efprit , fa délicateffe ,
Et mille autres vertus encor ;
Vous me verriez bien- tôt . , comme un autre
Pindare ,
Sans craindre le deftin d'Icare ;
Jufqu'aux Cieux prendre mon effor.
Mais fi-tôt que je vante un mérite , fi rare ›
Une jeune Divinité ,
Que l'on voit de fes pas compagne inféparable ›
Et qui fe fait connoítre à fa pudeur aimable ,
Les
yeux
nable
baffez s'avance , & d'un ton conve-
A fa noble fimplicité ,
Me tient ce difceurs refpectable.
Au modefte Pibrac , quoique tout dévoué ,
Sçais - tu que par son coeur de foibleſſe incapable
,
Ton hommage est défavoué ?
Parmille qualitex fans doute il eft louable ,
Mais il n'en fuit pas moins l'honneur d'être
lové.
Croi moi, fi tu veux être à fes yeux agréables
Se
NOVEMBRE. 1730. 2367
·Sur toutes les vertus dont le Ciel l'a doüé,
Garde unfilence inviolable.
A ces mots , quelque ardeur qui me vienne
infpirer
Je n'ofe de Pibrac bleffer la modeftie ,
Et contraint , malgré moi , de vaincre mon envie
,
Je le vois , je me tais , & ne puis qu'admirer.
Le Coeur.
d'une frivole excufe
Non , non , vous me payez
Ce n'eft pas ainfi qu'on m'abuſe ,
Quoi que vous me difiez , il attend un Bouquet ,
Je le veux , il le faut , fecondez mon projet.
Car enfin , pouvez - vous vous flater qu'on préfume
,
Qu'un Bouquet , pour Pibrac , foit un ingrat
fujer ?
Si vous vouliez lui faire un fidele portrait
Du zéle qui pour lui fans ceffe me confume ,
De mes tranſports reconnoiflans ,
De mon profond refpect , du plaifir que je fens
Quand je vais par devoir , plutôt que par cou
tume ,
Près de lui brûler mon encens ;
Vous rempliriez plus d'un volume..
L'Efprit.
Eh bien ! je cede enfin à vos difcours preffans.
Ma
2368 MERCURE DE FRANCE
Ma verve ſe réchauffe au beau feu qui vous
guide :
L'Eſprit raiſonne en vain lorfque le coeur décide-
Mais pour calmer votre couroux ,
Parlez , que faut-il que je faffe ?
Le Coeur.
Allez vîte fur le Parnaſſe
Mettre en vers le débat qui vient d'être entre
nous.
Pibrac avec plaifir ....
L'Esprit.
Quoi ! vous figurez - vous
Qu'un tel Bouquet le fatisfaffe ?
Hé !
que
Le Coeur.
rien ne vous embaraffe !
Confiez à mes foins ce que vous aurez fait.
Pibrac , dont l'ame eft complaifante ,
De vos moindres Ecrits eft toujours fatisfait ,
Quand c'est moi qui les lui préfente.
Par M. CoCQUARD , Avocas
au Parlement de Dijon.
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Résumé : BOUQUET, à Mr de Pibrac. Comte de Marigny.
Dans une lettre adressée au Comte de Marigny, également connu sous le nom de Pibrac, Bouquet relate un rêve où il voyait célébrer la fête de Pibrac et exprime son dévouement envers lui. La lettre prend ensuite la forme d'un dialogue intérieur entre le cœur et l'esprit de Bouquet. Le cœur reproche à l'esprit son indolence, soulignant que l'esprit de Morelet, un ami de Pibrac, a déjà composé un sonnet en son honneur. L'esprit, en revanche, refuse de se concentrer uniquement sur les exploits de Pibrac, préférant célébrer ses diverses vertus. Il mentionne également une jeune divinité, la pudeur, qui l'empêche de vanter les mérites de Pibrac de manière excessive. Le cœur insiste néanmoins pour que l'esprit compose un bouquet de vers en l'honneur de Pibrac, arguant que ce dernier appréciera ce geste. Finalement, l'esprit cède et accepte de mettre en vers le débat qui les a opposés, confiant au cœur la tâche de présenter ce bouquet à Pibrac.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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118
p. 2469-2479
Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 26. Octobre, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere Representation [...]
Mots clefs :
Pyrrhus, Académie royale de musique, Théâtre, Amour, Coeur, Projet, Jeux, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
E 26. Octobre , l'Académie Royale
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
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Résumé : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 26 octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Pyrrhus' de M. Fermelhuis, accompagnée de la musique de M. Royer. Le prologue se déroule au Palais de Mars, où Mars souhaite relancer la guerre en Europe. Minerve annonce la naissance d'un dauphin qui apportera la paix, mais Mars et Minerve se disputent l'honneur de son éducation. Jupiter intervient pour partager la gloire entre eux. La pièce commence avec Ismène, confidente de Polixène, fille de Priam, qui félicite Polixène pour sa victoire sur le cœur de Pyrrhus. Polixène avoue son amour pour Pyrrhus mais décide de lui ôter tout espoir. Les Troyens célèbrent leur liberté, mais Polixène les reproche leur lâcheté. Pyrrhus, irrité par la rigueur de Polixène, est tourmenté par un songe où l'ombre de son père lui ordonne de sacrifier Polixène. Acamas, amoureux de Polixène, tente de convaincre Pyrrhus de l'oublier. Eriphile, amoureuse de Pyrrhus, promet son aide à Acamas mais menace Pyrrhus. Lors des jeux organisés par Pyrrhus, un tremblement de terre révèle l'ombre d'Achille, qui exige le sacrifice de Polixène. Pyrrhus, déchiré, demande à Acamas de faire partir Polixène. Eriphile, jalouse, utilise ses pouvoirs pour semer la discorde. Polixène, malgré les efforts de Pyrrhus pour la retenir, décide de se sacrifier pour sauver Pyrrhus et son peuple. Elle se frappe et meurt, laissant Pyrrhus désemparé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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119
p. 2577-2581
LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Vos petits becs, Hirondeles badines, [...]
Mots clefs :
Hirondelles, Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
LES HYRONDELES ,
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
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Résumé : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le poème 'Les Hirondelles, Idylle' de Madame de Malcrais de la Vigne, publié en décembre 1730 dans le Mercure de France, compare les hirondelles à des amants. Ces oiseaux, symbolisant le départ de l'été et l'arrivée de l'hiver, sont admirés pour leur fidélité et leur amour mutuel. Le poète exalte leur union sincère et volontaire, guidée par un amour pur, exempt de remords, de soupçons et de dégoûts. Le texte oppose la vie des hirondelles à celle des humains, en particulier des femmes, qui subissent les outrages du temps et les jugements sociaux. À trente ans, une femme est perçue comme surannée, et à quarante ans, il est honteux qu'elle ressente encore les feux de l'amour. Le poète déplore cette situation où l'honneur et les lois sociales étouffent les sentiments naturels. Le poème se conclut par une invocation aux hirondelles, leur souhaitant un ciel plus clément et exprimant le désir de les suivre. Le poète évoque également un amant, Clidamis, en danger sur les mers, et exprime son angoisse en attendant son retour.
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120
p. 2614-2616
A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
Début :
Illustre & cher ami, c'est aujourd'hui ta fête ; [...]
Mots clefs :
Ami, Amante, Coeur, Apollon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
A MONSIEUR M. D. M.
B O V QV E T.
I Lluftre & cher ami , c'eft aujourd'hui ta fête ;
Faudra - t - il feulement la chomer dans nos
coeurs ?
A célébrer ce jour il faut que je m'apprête ;
Mais je ne puis t'offrir que des vers ou des
Aeurs.
1. Vola L'Amante
DECEMBRE . 1730. 2615
L'Amante de Zéphire accorde à ma requête
Ce qu'elle a de plus beau dans fes jardins charmans
;
Aufſi -tôt Apollon m'arrête :
Pourquoi , dit - il , des fleurs laiffe - les aux
Amans ;
Leur éclat eft fujet à l'empire du temps ;
Mes Lauriers immortels doivent orner la tête,
Et des Héros & des Sçavans.
Grand Apollon que je révére ,
Plus que la Déité qu'on adore à Cythére
;
Inſpirez moi done en ce jour ,
Des Vers dignes de vous , & dignes de M.... our
As-tu fur le Parnaffe acquis affez de gloire ?
M'a répondu , le Dieu de l'Hélicon
Pour chanter dignement un nom ,
Que j'ai gravé moi-même au Temple de Mé
moire
Tes foins deviendroient fuperflus ;
Contente- toy d'admirer fes ouvrages ,
Ingénieux , galans & fages ;
Car enfin il n'eſt point de ces Sçavans en Us
Difcoureurs ennuyeux , & pédans infipides ,
Dont les Graces jamais n'éclairciffent les rides.
Il fait fouvent fa cour à Minerve , à Venus ,
Et dans l'un & dans l'autre empire
On le recherche , on le défire.
I. Vol. Les
2616 MERCURE DE FRANCE
Les Mufes mieux que toy publieront ſes vertus.
Ami , pour n'être téЛnéraire ,
Il faut donc en fecret te louer & me taire
Souffre au moins
efprit ,
que mon coeur acquitte mon
Et qu'il te rendre un légitime hommage ,
Un coeur fincere te fuffit .
Le mien du moins a l'avantage ,
De fentir toujours ce qu'il dit.
PONCY DE NEUVILLE.
B O V QV E T.
I Lluftre & cher ami , c'eft aujourd'hui ta fête ;
Faudra - t - il feulement la chomer dans nos
coeurs ?
A célébrer ce jour il faut que je m'apprête ;
Mais je ne puis t'offrir que des vers ou des
Aeurs.
1. Vola L'Amante
DECEMBRE . 1730. 2615
L'Amante de Zéphire accorde à ma requête
Ce qu'elle a de plus beau dans fes jardins charmans
;
Aufſi -tôt Apollon m'arrête :
Pourquoi , dit - il , des fleurs laiffe - les aux
Amans ;
Leur éclat eft fujet à l'empire du temps ;
Mes Lauriers immortels doivent orner la tête,
Et des Héros & des Sçavans.
Grand Apollon que je révére ,
Plus que la Déité qu'on adore à Cythére
;
Inſpirez moi done en ce jour ,
Des Vers dignes de vous , & dignes de M.... our
As-tu fur le Parnaffe acquis affez de gloire ?
M'a répondu , le Dieu de l'Hélicon
Pour chanter dignement un nom ,
Que j'ai gravé moi-même au Temple de Mé
moire
Tes foins deviendroient fuperflus ;
Contente- toy d'admirer fes ouvrages ,
Ingénieux , galans & fages ;
Car enfin il n'eſt point de ces Sçavans en Us
Difcoureurs ennuyeux , & pédans infipides ,
Dont les Graces jamais n'éclairciffent les rides.
Il fait fouvent fa cour à Minerve , à Venus ,
Et dans l'un & dans l'autre empire
On le recherche , on le défire.
I. Vol. Les
2616 MERCURE DE FRANCE
Les Mufes mieux que toy publieront ſes vertus.
Ami , pour n'être téЛnéraire ,
Il faut donc en fecret te louer & me taire
Souffre au moins
efprit ,
que mon coeur acquitte mon
Et qu'il te rendre un légitime hommage ,
Un coeur fincere te fuffit .
Le mien du moins a l'avantage ,
De fentir toujours ce qu'il dit.
PONCY DE NEUVILLE.
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Résumé : A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
L'auteur adresse une lettre poétique à son ami M. D. M. pour célébrer sa fête. Incapable de lui offrir autre chose, il propose des vers ou des chants. Une amante et Apollon, le dieu des arts, lui suggèrent d'offrir des lauriers immortels plutôt que des fleurs éphémères. Apollon reconnaît la gloire de l'ami et ses qualités littéraires, le décrivant comme ingénieux, galant et sage, apprécié par Minerve et Vénus. L'auteur affirme que les Muses publieront mieux les vertus de son ami et préfère louer cet ami en secret, laissant son cœur exprimer sa sincérité.
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121
p. 2628-2631
LA JEUNESSE. ODE.
Début :
Vers le Parnasse un doux penchant m'entraîne ; [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. ODE.
LA
Ce 13. Novembre 1730.
XXXX* X *XX***
JEUNESSE,
O D E.
Ers le Parnaffe un doux penchant m'en
traîne ;
Mon coeur brule d'un feu nouveau ;
Apollon vient m'ouvrir la veine :
Pour feconder un feu fi beau ,
Je ne demande point cet efprit emphatique
Ces mots dont font enflez mille ouvrages divers,
Je ne veux qu'être véridique ;
C'eſt un rare agrément dans un faifeur de vers.
O mortels ! apprenez le fujet qui m'inſpire ;
Un feul , digne de moy , vient s'offrir à mes
yeux :
C'est la Jeuneffe ; ſon délire ,
Pour exercer ma mufe en un champ ſpacieux ;
1. Vola
J'entre
DECEMBRE . 1730. 2629
J'entreprens de prouver , jeuneffe trop aimables
Que tes plus finceres faveurs
Deviennent pour nous tous une fource effroya
ble ,
Des plus affreux malheurs,
Quelle eft cette mer orageufe ,
Qui fe prefente à mes regards ?
Les flots d'une onde impetueufe
M'environnent de toutes parts.
Ciel ! par
même ,
où me ſauver ? ... je me livre moi
Aux périls les plus éminens'::
'Ainfi pour les humains c'eſt une loy fuprême ,
Qu'ils foient de tous leurs maux les premiers
inftrumens..
Cette mer agitée eſt l'état où nous ſommes
Quand les vices en foule affailliffent nos coeurs
Les paffions font pour les hommes ,
Ce que les flots font pour les voyageurs.
En fuyant les Rochers , celebres en nauffrages ,
Le Voyageur fouvent évite le trépas ;
L'homme , au contraire , obéit à l'orage ,
Et parmi les écueils précipite fes pas.
Ce n'eft point l'enfance timide
Que je décrie en mes difcours ;;
Ir Volu Dy Cif
2630 MERCURE DE FRANCE
C'eft la jeuneffe qui pour guide
'Aime les paffions qui la flattent toujours ,
Qui dans une molleffe entiere
Laiffant couler le temps qui fuit ',
Trouve le repentir au bout de la carriere :
Du temps perdu , c'eft tout le fruit .
L'homme mene d'abord une vie innocente ;
L'enfance dans fon coeur n'excite aucuns défirs
L'âge fait naître en lui cette ardeur pétulante ,
Qui l'entraîne vers les plaifirs :
La vieilleffe paroît, les jeux prennent la fuite,
A ces mêmes plaiſirs il ſe voit arraché ,
Et fouffre avec regret que le peché le quitte ,
Ne pouvant le réfoudre à quitter le peché.
A d'auffi grands dangers l'expofe le jeune
âge ,
Venus s'empare de fon coeur ,
Le conduit à fa perte ; un honteux efclavage ,
Souvent devient pour lui le comble du malheur
Et comment pourroit - il éviter les difgraces,
Qui font le prix de fes emportemens ,
Puifque du vice il fuit les traces
Il en doit éprouver les juftes châtimens.
O toy , dont on chérit l'aimable joüiffance r
Toy, dont on vante les douceurs !
I. Vol.
Jeuneffe
DECEMBRE. 1730. 2631
Jeuneffe , je veux mettre en la même balance ,
Tes défagrémens , tes faveurs.
Mais que vois-je ..... les maux dont tu nous
rends la proye ,
Surpaffent de beaucoup tes plus charmans at
traits :
Ah ! que ne pouvons-nous te poffeder fans
joye ,
Pour épargner un jour d'inutiles regrets.
P...
Ce 13. Novembre 1730.
XXXX* X *XX***
JEUNESSE,
O D E.
Ers le Parnaffe un doux penchant m'en
traîne ;
Mon coeur brule d'un feu nouveau ;
Apollon vient m'ouvrir la veine :
Pour feconder un feu fi beau ,
Je ne demande point cet efprit emphatique
Ces mots dont font enflez mille ouvrages divers,
Je ne veux qu'être véridique ;
C'eſt un rare agrément dans un faifeur de vers.
O mortels ! apprenez le fujet qui m'inſpire ;
Un feul , digne de moy , vient s'offrir à mes
yeux :
C'est la Jeuneffe ; ſon délire ,
Pour exercer ma mufe en un champ ſpacieux ;
1. Vola
J'entre
DECEMBRE . 1730. 2629
J'entreprens de prouver , jeuneffe trop aimables
Que tes plus finceres faveurs
Deviennent pour nous tous une fource effroya
ble ,
Des plus affreux malheurs,
Quelle eft cette mer orageufe ,
Qui fe prefente à mes regards ?
Les flots d'une onde impetueufe
M'environnent de toutes parts.
Ciel ! par
même ,
où me ſauver ? ... je me livre moi
Aux périls les plus éminens'::
'Ainfi pour les humains c'eſt une loy fuprême ,
Qu'ils foient de tous leurs maux les premiers
inftrumens..
Cette mer agitée eſt l'état où nous ſommes
Quand les vices en foule affailliffent nos coeurs
Les paffions font pour les hommes ,
Ce que les flots font pour les voyageurs.
En fuyant les Rochers , celebres en nauffrages ,
Le Voyageur fouvent évite le trépas ;
L'homme , au contraire , obéit à l'orage ,
Et parmi les écueils précipite fes pas.
Ce n'eft point l'enfance timide
Que je décrie en mes difcours ;;
Ir Volu Dy Cif
2630 MERCURE DE FRANCE
C'eft la jeuneffe qui pour guide
'Aime les paffions qui la flattent toujours ,
Qui dans une molleffe entiere
Laiffant couler le temps qui fuit ',
Trouve le repentir au bout de la carriere :
Du temps perdu , c'eft tout le fruit .
L'homme mene d'abord une vie innocente ;
L'enfance dans fon coeur n'excite aucuns défirs
L'âge fait naître en lui cette ardeur pétulante ,
Qui l'entraîne vers les plaifirs :
La vieilleffe paroît, les jeux prennent la fuite,
A ces mêmes plaiſirs il ſe voit arraché ,
Et fouffre avec regret que le peché le quitte ,
Ne pouvant le réfoudre à quitter le peché.
A d'auffi grands dangers l'expofe le jeune
âge ,
Venus s'empare de fon coeur ,
Le conduit à fa perte ; un honteux efclavage ,
Souvent devient pour lui le comble du malheur
Et comment pourroit - il éviter les difgraces,
Qui font le prix de fes emportemens ,
Puifque du vice il fuit les traces
Il en doit éprouver les juftes châtimens.
O toy , dont on chérit l'aimable joüiffance r
Toy, dont on vante les douceurs !
I. Vol.
Jeuneffe
DECEMBRE. 1730. 2631
Jeuneffe , je veux mettre en la même balance ,
Tes défagrémens , tes faveurs.
Mais que vois-je ..... les maux dont tu nous
rends la proye ,
Surpaffent de beaucoup tes plus charmans at
traits :
Ah ! que ne pouvons-nous te poffeder fans
joye ,
Pour épargner un jour d'inutiles regrets.
P...
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Résumé : LA JEUNESSE. ODE.
Le poème 'Jeunesse', écrit en novembre et décembre 1730, exprime le désir de l'auteur de célébrer la jeunesse tout en mettant en garde contre ses dangers. L'auteur souhaite être véridique et éviter les mots emphatiques. Il décrit la jeunesse comme une mer orageuse et impétueuse, susceptible d'entraîner des malheurs. Les vices et les passions sont comparés aux flots qui entourent les voyageurs, poussant souvent l'homme vers les écueils. L'auteur critique la jeunesse qui se laisse guider par des passions flatteuses et trouve le repentir à la fin de sa vie. Il décrit l'évolution de l'homme, de l'innocence de l'enfance à l'ardeur des plaisirs, puis à la vieillesse où les plaisirs s'enfuient. La jeunesse est particulièrement exposée aux dangers, notamment ceux liés à Vénus, qui peuvent mener à un esclavage honteux. L'auteur conclut en soulignant que les maux causés par la jeunesse surpassent ses charmes et regrette de ne pas pouvoir la posséder sans joie pour éviter les regrets futurs.
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122
p. 2641-2645
IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
Début :
Suivez les doux transports d'une celeste ivresse, [...]
Mots clefs :
Canonisation, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, Collège Louis le Grand, Coeur, Compagnie de Jésus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
IMITATION de l'Ode Latine du
P. Sanadon , adreffée aux Poëtes du
College de Louis le Grand , pendant l'Oc
tave de la Canonifatton des S S. Louis
DE GONZAGUE Staniflas KOSTKA,
Suivez les doux tranfports d'une celeſte ivreffe
Vous dont l'amour du Créateur ,
Mieux que l'arbitre du Permeffe ,
Anime fans effort & l'efprit & le coeur.
Aux pieds du facré Tabernacle ,
Approchez ; un nouveau fpectacle ,
Doit fixer en ce jour vos regards affidus .
Deux Héros au fein de la Gloire
I. Vol. Cou
1642 MERCURE DE FRANCE
Goutent le prix de leur Victoire ,
Et l'Univers charmé célebre leurs vertus.
器
Sur les bords où le Pô répand fes eaux fertiles,
Et que Manto rendit fameux ,
Et dans ces climats plus ftériles ,
Que l'auftere Sarmate a rendu belliqueux ,
Deux Princes au printems de l'âge ,
Mériterent le tendre hommage ,
Qui fait en leur honneur ériger des Autels
La vertu leur fraïant les routes >
Ils fçurent aux céleſtes voutes ,
S'affurer un grand nom parmi les Immortels,
諾
A mes yeux ébloüis une lumiere pure ,
Ouvre les barrieres du Ciel :
Que vois-je foible créature ,
Tu brilles fur un Trône & tu vois l'Eternel
Exemt des malheurs & des vices ,
D'un torrent de faintes délices ,
GONZAGUEà chaque inftant fent inonder fon
coeur :
STANISLAS après une vie
Aux mêmes devoirs affervie ,
D'un vol précipité court au même bonheur.
IGNACE , qui forma leurs coeurs à la fageffe ,
1. Vol.
Dans
DECEMBRE. 1730. 2643
Dans l'étroit fentier des Elus ,
En eux , au gré de fa tendreffe ,
Couronne peu de jours & beaucoup de vertus,
Quelle fplendeur les accompagne ?
La gloire & l'appui de l'Eſpagne ,
XAVIER & BORGIA paroiffent à leur tour.
Au culte de l'efprit immonde,
L'un arracha le nouveau Monde ,
L'autre fçut méprifer les attraits de la Cour,
淡
Le modefte REGIS vers la troupe s'avance
Tel dans fon air & fon maintien ,
Qu'il fe montre aux yeux de la France
Dont il rappelle encor qu'il fut le citoyen.
A leur fuite combien d'Apôtres ,
Se fuccedent les uns aux autres ?
La plus pure vertu régle feule leur rang.
Malgré l'erreur & fes preftiges ,
La foi fur leurs facrés veftiges ,
Eclaira l'Univers inondé de leur fang.
諾
Dans GONZAGUE & KOSTKA tout l'Olympe
révere
Le zele & les talens divers ,
Qu'il a couronnés dans le pere ,
Et par qui les enfans défarment les Enfers.
Formés par les mêmes maximes ,
En ce jour fur des tons fublimes
I. Vol,
Chan
2644 MERCURE DE FRANCE
Chantres ingénieux , multipliés vos airs ,
Et , dociles à vos exemples ,
Que vos éleves dans nos Temples ,
Célebrent un fujet fi propre à leurs Concerts.
Héritiers d'un grand nom confacré dans l'hiftoire
;
On vit GONZAGUE & STANISLAS
Rougir d'un titre , dont la gloire
A le fort pour principe , & pour fin le trépas,
Nés dans le fein de la molleffe ,
Des préjugés de la Nobleffe ,
Leur coeur ne fe fit point un agréable écueil . *
Ils fçavoient que les Grands périſſent ,
Et qu'avec les Héros finiffent
Dans l'horreur du tombeau leur fafte & leur or
gueil.
La Grace qui parut , pour embellir leur ame
Epuifer fes riches tréfors ,
Par les traits d'une vive flamme ,
En dirigea toujours les dociles refforts,
En eux déja les connoiffances ,
Sondoient l'abîme des Sciences ,
Quant à l'efpoir public la mort vint les ravir
Telles à l'afpect de l'Aurore ,
Des rofes fe hâtent d'éclore ,
Que le même Soleil voit naître & fe flétrir,
1.Vol. Mais
DECEMBRE . 1730. 2645
Mais plus que le rapport d'état , d'âge ou d'étude,
Dans leurs penchants & dans leurs moeurs
Même attrait , même exactitude ,
Les rendit l'un & l'autre heureux imitateurs,
L'Ambition au coeur barbare ,
Le Plaifir , enfant du Ténáre ,
Effayerent en vain de captiver leur coeur ,
Leur innocence fous l'écorce ,
Démêla la fatale amorce ,
Qu'aux Mortels , qu'il féduit , offre le Tentateur,
Echappés aux dangers d'un Monde tyrannique ,
Sans crainte , au ſéjour de la paix ,
Dans le fein d'un Dieu magnifique ,
Le plus parfait bonheur les fixe pour jamais,
Tel un Marchand , à qui Porage ,
Dans l'attente d'un promt naufrage ;
A retracé cent fois les horreurs de la mort ,'
Exemt de terreurs & d'allarmes ,
Se livre fans réſerve aux charmes
De contempler fa barque à l'abri dans le porta
F. L. de la Compagnie de Jefus,
P. Sanadon , adreffée aux Poëtes du
College de Louis le Grand , pendant l'Oc
tave de la Canonifatton des S S. Louis
DE GONZAGUE Staniflas KOSTKA,
Suivez les doux tranfports d'une celeſte ivreffe
Vous dont l'amour du Créateur ,
Mieux que l'arbitre du Permeffe ,
Anime fans effort & l'efprit & le coeur.
Aux pieds du facré Tabernacle ,
Approchez ; un nouveau fpectacle ,
Doit fixer en ce jour vos regards affidus .
Deux Héros au fein de la Gloire
I. Vol. Cou
1642 MERCURE DE FRANCE
Goutent le prix de leur Victoire ,
Et l'Univers charmé célebre leurs vertus.
器
Sur les bords où le Pô répand fes eaux fertiles,
Et que Manto rendit fameux ,
Et dans ces climats plus ftériles ,
Que l'auftere Sarmate a rendu belliqueux ,
Deux Princes au printems de l'âge ,
Mériterent le tendre hommage ,
Qui fait en leur honneur ériger des Autels
La vertu leur fraïant les routes >
Ils fçurent aux céleſtes voutes ,
S'affurer un grand nom parmi les Immortels,
諾
A mes yeux ébloüis une lumiere pure ,
Ouvre les barrieres du Ciel :
Que vois-je foible créature ,
Tu brilles fur un Trône & tu vois l'Eternel
Exemt des malheurs & des vices ,
D'un torrent de faintes délices ,
GONZAGUEà chaque inftant fent inonder fon
coeur :
STANISLAS après une vie
Aux mêmes devoirs affervie ,
D'un vol précipité court au même bonheur.
IGNACE , qui forma leurs coeurs à la fageffe ,
1. Vol.
Dans
DECEMBRE. 1730. 2643
Dans l'étroit fentier des Elus ,
En eux , au gré de fa tendreffe ,
Couronne peu de jours & beaucoup de vertus,
Quelle fplendeur les accompagne ?
La gloire & l'appui de l'Eſpagne ,
XAVIER & BORGIA paroiffent à leur tour.
Au culte de l'efprit immonde,
L'un arracha le nouveau Monde ,
L'autre fçut méprifer les attraits de la Cour,
淡
Le modefte REGIS vers la troupe s'avance
Tel dans fon air & fon maintien ,
Qu'il fe montre aux yeux de la France
Dont il rappelle encor qu'il fut le citoyen.
A leur fuite combien d'Apôtres ,
Se fuccedent les uns aux autres ?
La plus pure vertu régle feule leur rang.
Malgré l'erreur & fes preftiges ,
La foi fur leurs facrés veftiges ,
Eclaira l'Univers inondé de leur fang.
諾
Dans GONZAGUE & KOSTKA tout l'Olympe
révere
Le zele & les talens divers ,
Qu'il a couronnés dans le pere ,
Et par qui les enfans défarment les Enfers.
Formés par les mêmes maximes ,
En ce jour fur des tons fublimes
I. Vol,
Chan
2644 MERCURE DE FRANCE
Chantres ingénieux , multipliés vos airs ,
Et , dociles à vos exemples ,
Que vos éleves dans nos Temples ,
Célebrent un fujet fi propre à leurs Concerts.
Héritiers d'un grand nom confacré dans l'hiftoire
;
On vit GONZAGUE & STANISLAS
Rougir d'un titre , dont la gloire
A le fort pour principe , & pour fin le trépas,
Nés dans le fein de la molleffe ,
Des préjugés de la Nobleffe ,
Leur coeur ne fe fit point un agréable écueil . *
Ils fçavoient que les Grands périſſent ,
Et qu'avec les Héros finiffent
Dans l'horreur du tombeau leur fafte & leur or
gueil.
La Grace qui parut , pour embellir leur ame
Epuifer fes riches tréfors ,
Par les traits d'une vive flamme ,
En dirigea toujours les dociles refforts,
En eux déja les connoiffances ,
Sondoient l'abîme des Sciences ,
Quant à l'efpoir public la mort vint les ravir
Telles à l'afpect de l'Aurore ,
Des rofes fe hâtent d'éclore ,
Que le même Soleil voit naître & fe flétrir,
1.Vol. Mais
DECEMBRE . 1730. 2645
Mais plus que le rapport d'état , d'âge ou d'étude,
Dans leurs penchants & dans leurs moeurs
Même attrait , même exactitude ,
Les rendit l'un & l'autre heureux imitateurs,
L'Ambition au coeur barbare ,
Le Plaifir , enfant du Ténáre ,
Effayerent en vain de captiver leur coeur ,
Leur innocence fous l'écorce ,
Démêla la fatale amorce ,
Qu'aux Mortels , qu'il féduit , offre le Tentateur,
Echappés aux dangers d'un Monde tyrannique ,
Sans crainte , au ſéjour de la paix ,
Dans le fein d'un Dieu magnifique ,
Le plus parfait bonheur les fixe pour jamais,
Tel un Marchand , à qui Porage ,
Dans l'attente d'un promt naufrage ;
A retracé cent fois les horreurs de la mort ,'
Exemt de terreurs & d'allarmes ,
Se livre fans réſerve aux charmes
De contempler fa barque à l'abri dans le porta
F. L. de la Compagnie de Jefus,
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Résumé : IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
Le texte est une imitation d'une ode latine adressée aux poètes du Collège de Louis le Grand lors de la canonisation des saints Louis de Gonzague et Stanislas Kostka. L'ode les invite à célébrer les vertus de ces deux héros en se rapprochant du tabernacle sacré. Elle décrit les lieux de naissance et les vertus des saints, soulignant leur ascension vers les cieux et leur renommée immortelle. Ignace de Loyola est mentionné comme celui qui a formé leurs cœurs à la sagesse, ainsi que d'autres saints comme François Xavier et Alphonse de Liguori, qui ont contribué à la gloire de l'Espagne. L'ode évoque également le saint Jean-Baptiste de Régis et une succession d'apôtres dont la pure vertu éclaire l'univers. Elle met en lumière le zèle et les talents divers des saints, couronnés par l'Olympe, et leur formation par les mêmes maximes. Les saints Gonzague et Kostka sont décrits comme ayant rejeté les préjugés de la noblesse et ayant conscience de la mortalité des grands. Leur grâce les a dirigés vers des connaissances profondes, mais la mort les a ravis prématurément. Leur innocence et leur exactitude les ont rendus heureux imitateurs des vertus chrétiennes. Enfin, l'ode compare leur parcours à celui d'un marchand échappant aux dangers de la mer pour trouver un bonheur parfait dans le sein de Dieu. Le texte se conclut par une référence à la Compagnie de Jésus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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123
p. 2801-2803
VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
Début :
Dans les charmans Vergers qu'embellit sa presence, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour
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texteReconnaissance textuelle : VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
VERTUMNE ET POMONE .
CANTATE.
Ans les charmans Vergers qu'embellit fa
D prefence ,
Pomone , peu fenfible au pouvoir de fes yeux ,
Affure par ces mots fa paifible innocence
Contre les Traits victorieux ,
Que l'Enfant de Cithere fance
Vous faites ma felicité ,
Bois épais , agréable ombrage ;
Sous votre aimable obfcurité ,
Je fais l'amoureux efclavage ,
Je fais gloire de ma fierté ,
A l'abri de votre feüillage.
Si nos coeurs vouloient réfifter ,
L'Amour n'auroit point de victoire
Nous lui cedons fans difputer ;
Notre foibleffe fait fa gloire.
Quelles féduifantes erreurs !
Accable de maux neceffaires ,
On peut ménager fes douleurs
On en cherche de volontaires,
Si nos coeurs , &c.
>
II.Vol. B vį Malgré
2802 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'excès de fa rigueur ,
Vertumne , dès long- temps languiffant fous fa
chaine ,
Suit les traces de l'Inhumaine ,
#
Qu'il veut perfuader de fa fincere ardeur,
Et pour fléchir l'objet de fa tendreffe ,
Il emprunte foudain par un prompt changement ;
Le vifage de la Vieilleffe .
Vainement vous bravez le plus puissant des
Dieux ,
Dit-il en l'abordant , ceffex , jeune Pomone ,
De refufer des foins qu'exigent vos beaux yeux;
Au coeur que Vertumne vous donne .
N'oppofez plus de regards dédaigneux ;
La fincerité de fes feux ,
Mérite qu'àjamais votre ardeur les couronne.
Quand l'Amour nous fait languir ,
C'eft l'effet de ſa vengeance ;
Cédons lui fans réſiſtance ,
Ou redoutons de l'aigrir .
Loin la fiere indifference:
Un coeur en eft le martir ;
'Aimons , & loin de punir ,
Le petit Dieu récompenfe.
Quand l'Amour , &c
dl. Vol
DECEMBRE. 1730. 2803
Il parle un baiſer plein de flamme ,
Suit auffi -tôt fon diſcours enchanteur ,
L'Amour qui conſume ſon ame ,
A
Des levres de Pomone a coulé jufqu'au coeur ,
Il découvre ſes traits : la Belle qu'il enflamme ,
Pour le dédommager de fa longue rigueur ;
Entre fes bras tombe en langueur ;
Dans les doux tranſports qui la pâme ,
Le tendre Amant affure ſon bonheur
Elle eft forcée à chérir fon erreur.
Un coeur qui peut fe contraindre ,
Tôt ou tard fe fait aimer ;
Amans , fi vous fçavez feindre ;
Soyez certains de charmer..
Aimez-vous une Rebelle ?"
Confultez le tendre Amour ;
Il fe déguiſe auprès d'elle ,
Pour l'enchaîner à ſon tour
Un coeur , &c .
"
Le Chevalier de Montador
CANTATE.
Ans les charmans Vergers qu'embellit fa
D prefence ,
Pomone , peu fenfible au pouvoir de fes yeux ,
Affure par ces mots fa paifible innocence
Contre les Traits victorieux ,
Que l'Enfant de Cithere fance
Vous faites ma felicité ,
Bois épais , agréable ombrage ;
Sous votre aimable obfcurité ,
Je fais l'amoureux efclavage ,
Je fais gloire de ma fierté ,
A l'abri de votre feüillage.
Si nos coeurs vouloient réfifter ,
L'Amour n'auroit point de victoire
Nous lui cedons fans difputer ;
Notre foibleffe fait fa gloire.
Quelles féduifantes erreurs !
Accable de maux neceffaires ,
On peut ménager fes douleurs
On en cherche de volontaires,
Si nos coeurs , &c.
>
II.Vol. B vį Malgré
2802 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'excès de fa rigueur ,
Vertumne , dès long- temps languiffant fous fa
chaine ,
Suit les traces de l'Inhumaine ,
#
Qu'il veut perfuader de fa fincere ardeur,
Et pour fléchir l'objet de fa tendreffe ,
Il emprunte foudain par un prompt changement ;
Le vifage de la Vieilleffe .
Vainement vous bravez le plus puissant des
Dieux ,
Dit-il en l'abordant , ceffex , jeune Pomone ,
De refufer des foins qu'exigent vos beaux yeux;
Au coeur que Vertumne vous donne .
N'oppofez plus de regards dédaigneux ;
La fincerité de fes feux ,
Mérite qu'àjamais votre ardeur les couronne.
Quand l'Amour nous fait languir ,
C'eft l'effet de ſa vengeance ;
Cédons lui fans réſiſtance ,
Ou redoutons de l'aigrir .
Loin la fiere indifference:
Un coeur en eft le martir ;
'Aimons , & loin de punir ,
Le petit Dieu récompenfe.
Quand l'Amour , &c
dl. Vol
DECEMBRE. 1730. 2803
Il parle un baiſer plein de flamme ,
Suit auffi -tôt fon diſcours enchanteur ,
L'Amour qui conſume ſon ame ,
A
Des levres de Pomone a coulé jufqu'au coeur ,
Il découvre ſes traits : la Belle qu'il enflamme ,
Pour le dédommager de fa longue rigueur ;
Entre fes bras tombe en langueur ;
Dans les doux tranſports qui la pâme ,
Le tendre Amant affure ſon bonheur
Elle eft forcée à chérir fon erreur.
Un coeur qui peut fe contraindre ,
Tôt ou tard fe fait aimer ;
Amans , fi vous fçavez feindre ;
Soyez certains de charmer..
Aimez-vous une Rebelle ?"
Confultez le tendre Amour ;
Il fe déguiſe auprès d'elle ,
Pour l'enchaîner à ſon tour
Un coeur , &c .
"
Le Chevalier de Montador
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Résumé : VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
Le texte décrit la cantate 'Vertumne et Pomone'. Pomone, déesse des fruits, exprime son bonheur et sa soumission à l'amour sous la protection des bois. Elle reconnaît la puissance de l'amour, auquel elle finit par céder malgré sa résistance initiale. Vertumne, dieu des saisons et des cultures, est amoureux de Pomone mais est repoussé par elle. Pour la convaincre, il se déguise en vieille femme et lui parle avec sincérité, l'exhortant à ne pas résister à l'amour. Il l'embrasse passionnément, révélant ainsi son véritable visage. Touché par ce geste, Pomone finit par succomber à l'amour de Vertumne. Le texte souligne que la résistance à l'amour est vaine et que feindre l'indifférence ne fait que renforcer la puissance de l'amour. Il conseille aux amants de consulter l'amour pour charmer une personne rebelle, car l'amour sait se déguiser pour conquérir les cœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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124
p. 2840-2870
Lettre sur la petite Vérole, dont les Religieuses & les Demoiselles de S. Cyr ont été affligées, [titre d'après la table]
Début :
Il est aisé de voir par votre Lettre, MADAME, qu'on ne nous a point épargnées dans le Public [...]
Mots clefs :
Saignement, Nez, Fièvre, Éruption, Petite vérole, Maladie, Malades, Maux, Ventre, Saignée, Convulsions, Modération, Secours, Accablement, Lavement, Boutons, Inquiétude, Religieuse, Coeur, Etouffement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre sur la petite Vérole, dont les Religieuses & les Demoiselles de S. Cyr ont été affligées, [titre d'après la table]
NOUS croyons faire plaifir au Public ,
de lui communiquer une Lettre qui nous
eft tombée entre les mains ; elle eft d'une
Religienfe de S. Cyr , qui rend compte à
une de fes amies , de la conduite qu'on a
tenue dans la petite Vérole , dont cette
Maifon a été affligée cette année. Nous
aurions fouhaité pouvoir la donner en
entier; mais comme il n'étoit pas poffible
de la renfermer dans un feul volume
nous nous fommes déterminez à retrancher
de cent trente articles qu'elle contenoit
ceux qui étoient les moins interreffans.
1
L eft aifé de voir par votre Lettre, MADAME ,
qu'on ne nous a point épargnées dans le Public
fur la conduite que nous avons tenue dans la
petite Verole , dont notre Maiſon vient d'être
accablée . On nous blafme fur tour de n'avoir pas
féparé du reste de la Maifon celles qui en ont été
attaquées. Des perfonnes refpectables , dites -vous,
nous accufent de témerité & d'imprudence . Le
reproche auroit fans doute été plus loin , fi l'on
avoit fçû le traitement, avant que d'être informé
du fuccès. Je vais vous rendre compte de ce qui
s'eft paffé chez nous dans cette occafion ; ce fera
un expofé fimple de notre conduite. Vous y
verrez la maniere dont on a penfé fur la crainte
de gagner la petite Vérole , les moyens dont on
s'eft fervi pour la détruire;les obſervations qu'on
a faites , l'ordre qu'on a gardé dans les Infirmeries,
l'état des malades & les remedes qu'on a em-
LI, Vol. ployez
DECEMBRE. 1730. 2841
ployez. L'efperance de nous juftifier du moins
auprès de vous , me fait entreprendre ce détail.
Les preuves que j'ai de votre amitié pour notre
Mailon & de votre indulgence pour moi , achevent
de m'y déterminer ; je ne vous écrirai que
des faits ils fuffiront pour les perfonnes équitables
& fenfées .
Au commencement de cette année nous eûmes
à S. Cyr quelques Fiévres malignes . Vers les
premiers jours de Février , il parut tout à coup
quatorze petites Véroles. L'effroi fe rendit auffitôt
dans la Maiſon. Madame la Superieure confulta
le Medecin , fur le parti qu'il y avoit à
prendre , en prefence des Infirmieres & de plufieurs
autres Religieufes. Le temps feul , nous
dit-il , ou la conftitution particuliere de l'air
difpofe infenfiblement les liqueurs à produire la
petite Vérole , bien- tôt l'experience vous convaincra
que cette caufe agit également fur toutes
les perfonnes qui habitent le même lieu ; que la
fréquentation des malades n'y a aucune part , &
qu'il est bien plus fage de ne point féparer les
malades , & de ne mettre aucune difference dans
leur fervice. Il ajouta pour celles qui étoient
chargées du foin des Infirmeries , que l'ancienne
méthode de donner des cordiaux & de procurer
une chaleur exceffive aux malades , étoit meurtriere
, que l'Emétique & la Saignée étoient prefles
feuls fecours fur lefquels il y eut à compter
, & que dans les cas preffans , il faudroit y
recourir , pour ainfi dire , fans nombre & fans
mefure.
que
Un pareil difcours , de tou autre , nous auroit
paru fort étrange ; mais comme il nous eft atta
ché depuis plufieurs années , & qu'il a notre confiance
, fa maniere de penfer fut notre regle. On
laila les malades enfemble , & tout le monde
II. Vol com- Dij
4
2842 MERCURE DE FRANCE
cominença à fe raffurer . Dix- huit ou vingt jours
s'écoulerent & la convalefcence de nos malades
s'avançoit , lorfqu'il nous furvint en moins de
trois jours près de cinquante petites Véroles.
L'inquiétude vint , mais nous trouvâmes dans
cet évenement même de quoi la diffiper. 1. Prefque
aucune des dernieres malades , n'avoit eu de
communication avec les précédentes . 2. Nos Infirmieres
auffi - bien que Madame la Superieure ,
qui partageoit leurs travaux , étoient préfervées
au milieu des malades , quoique la pluſpart n'euffent
point en la petite Vérole.Ces deux faits diffiperent
nos préventions , & l'expérience du paffé
nous rendit cette vérité plus fenfible.
L'ancien ufage de la Maiſon étoit de ſéparer
les malades au moindre foupçon de petite Vérole
; malgré cette précaution,nos Journaux font
foy , qu'il n'y avoit pas moins de malades , &
nous fçavons par le témoignage des anciennes ,
que celles qui avoient le plus d'attention à fuír le
danger , étoient ordinairement plutôt attaquées
que les autres,
Mais fi la chofe étoit alors égale pour le nombre
, lorfque la communication étoit févérement
interdite , il n'en étoit plus de même pour les inconveniens.
La féparation jettoit dans les malades
qu'on tranfportoit un effroy inévitable , qui
en augmentoit infiniment le danger. C'étoit au
commencement de l'éruption qu'on les changeoit
de lieu ; moment précieux pour agir &
qu'on ne retrouve quelquefois plus dans le cours
de la maladie ; ( on fçait à quel point la crainte
ralentit le mouvement du coeur , & qu'elle donne
occafion à l'air d'agir fur les liqueurs avec plus
de force ) d'ailleurs , au milieu de la confternation
, le fecours manque , peu de perfonnes ont
affez de courage pour folliciter les malades , &
LL. Vol.
nc
DECEMBRE. 1730. 2843
ne le font qu'en tremblant. La Maiſon regrette
encore les funeftes fuites & la féparation à laquelle
on étoit autrefois affervi.
Affranchies de bonne heure des préjugez ordinaires
, nous fûmes en état d'examiner les differens
momens qui fe paffoient dans nos petites
Véroles , & de les comparer aux veritez que
nous avions déja apperçues. Notre Medecin nous
les dévelopoit d'une maniere fi fimple, que nous
étions à portée de les entendre. Elles ont tant de
rapport entr'elles qu'elles forment une démonftration
pour les perfonnes qui aiment à voir
clair.
;
Pendant trois mois que la petite Vérole a regné
à S.Cyr , nous n'avons pas eu une feule maladie
d'une autre nature les fantés délicates
étoient plus fermes , quelques perfonnes qui
avoient eu déja la petite Vérole , font venues à
l'Infirmerie avec des maux de Coeur , des douleurs
de reins , une pefanteur de Tête & la Fiévre
vive ; tous ces accidens ont ordinairement
diminué du 3 au 4, & le refte de la maladie a été
fi conforme à la petite Vérole, que quoi qu'il n'y
ait point eu d'éruption , nous n'avons pas douté
que ce ne fut une vraye Fiévre de petite Vérole.
On ne pouvoit les diftinguer au commencement
que parce que la malade avoit eu déja la petite
Vérole ; car il eft prefque fans exemple que quelqu'une
dans la maiſon l'ait euë veritablement
deux fois .
Toutes nos malades en general ont rendu une
Bile extremement verte dans les petites Véroles
dans les Fiévres du même caractere , dans les
convalefcences , dans les perfonnes qui ont été
purgées par précaution ou après des chutes ; nous
avons toujours remarqué le même caractere
d'humeur. Dès que le temps changeoit, nous re-
11. Vol.
Diij mar2844
MERCURE DE FRANCÈ
marquions du changement dans nos petites Véroles
, & lorfque le vent tournoit bruſquement
au Nord ,
ordinairement les accidens reparoiffoient
ou devenoient plus preffans.
De plus de vingt perfonnes qui ont rempli les
diverfes fonctions de l'Infirmerie , dont plus de
la moitié n'avoient pas eu la petite Vérole , une
feule en a été attaquée , encore par un effet viſible
de la frayeur ; car ce fut à la fuite d'un Difcours,
fur la crainte de gagner cette maladie , dont elle
fut fi vivement faifie, qu'elle tomba ſur le champ
dans des
friffonnemens qui ne cefferent que par
l'éruption.
Raffemblons ces faits & convenons du vrai,
Puifqu'il n'y a eu aucun autre genre de maladie
à S. Cyr pendant plus de trois mois que la
petite Vérole y a régné ; puifque toutes les
fonnes de la Maiſon qui ont été purgées dans
perquelque
circonftance que ce fut , ont rendu une
bile
extrémement verte; puifque les
changemens
de temps, en ont régulierement produit dans nos
malades ,, que d'ailleurs les perfonnes écartées des
malades , en ont été par proportion moins ga-
Tanties que celles qui en approchoient, & ces faits
conftament obfervez dans une
Communauté de
près de quatre cent perfonnes ; où l'on a compté
130 malades ; il faut
neceffairement reconnoître
une caufe generale dans l'air ,
de cette maladie , & avouer que la
fréquentation , pour feul principe
des malades n'y a aucune part.
Les differentes époques de petite Vérole qu'a
eues notre Maiſon , font voir qu'elle attaque plus
de perfonnes àproportion qu'il s'eft écoulé plus de
temps fans qu'elle y ait paru. En 1715. nous en
eûmes près de cent ; il n'y avoit alors pas plus de
quatre ans que nous en étions exemtes. Depuis il
n'en a pas paru à S. Cyr , & la Maiſon s'eſt preſ-
11. Vel.
que
DECEMBRE 1730. 2845
que entierement renouvellée; ainfi il n'eft pas furprenant
qu'en dernier lieu , le nombre de nos
malades ait été plus confidérable .
Nous remarquâmes dès les premiers temps que
celles qui n'avoient pas été faignées & purgées
dans le commencement de leur maladie , avoient
une fupuration & une convalefcence plus difficiles.
Dans la fuite on a d'abord employé ces fetours
, pour peu que la Fiévre fut forte , & on
prenoit foin de faire les faignées fort grandes
pour ne pas effrayer le nombre ; très- fouvent des
petites Véroles qui s'annonçoient par les accidens
les plus effrayans , prenoient un caractere heureux
après trois ou quatre faignées du pied , brufquement
faites , & d'amples évacuations , procurées
par l'Emétique .
Je viens à l'état de nos malades , je ne m'arreterai
point fur les accidens ordinaires , ni fur la
figure des boutons à laquelle notre Médecin ne
faifoit aucune attention à moins qu'ils n'euffent
difparu. Vous verrez par les partis qu'il a pris
dans les cas particuliers , que le feul dégré de la
Fiévre , comparé avec l'état du cerveau , a toujours
déterminé fa conduite. Pour éviter la confufion
& n'être point obligée de citer l'âge de
chaque Demoiselle , je fuivrai l'ordre des Claffes.
Comme il fera neceffaire de parler de leur temperamment
, j'ai cru devoir me difpenfer de vous
marquer leurs noms. Les Demoifelles Noires font
dans leur vingtiéme année ; les Bleues ont depuis
dix-fept jufqu'à vingt ans ; les Jaunes depuis quatorze
jufqu'à dix fept ; les Vertes , depuis onze
jufqu'à quatorze , les Rouges , depuis fept jufqu'à
onze.
Demoiselles NOIRES . 19. Infirme , quoique replette
, & fe plaignant d'une douleur habituelle
au côté droit , eut une Fiévre affez forte , des
II. Vol. D iiij maux
2846 MERCURE DE FRANCE
maux de reins & une pefanteur de tête . Elle fut
faignée du pied le 1 & le 2 jour , & le 3 abondamment
purgée avec l'Emétique. Immédiatement
après la petite Vérole parut en petite quantité.
Dans la fupuration , un mal de gorge
étouffement confiderable donnerent de l'inquiétude.
Une troifiéme faignée du pied la diffipa.
& un
2º. D'une forte conftitution , eût la Fiévre
très-vive,un grand accablement, la poitrine ferrée
& un mal de tête des plus violens. En quatre jours
elle fut faignée huit fois du pied. Le cinquiéme
on donna l'Emétique en lavage , qu'on continua
plufieurs jours. Les accidens diminuerent par ces
évacuations ; mais la convalefcence avoit de la
peine à fe montrer. Vers le 20. à la fuite d'un
mouvement de Fiévre plus fort & d'une augmentation
de mal de tête , la petite Vérole fe declara.
Comme elle ne parut pas confidérable par la
quantité,& que les accidens fe calmerent , on ne
fit rien jufqu'au temps de la fupuration , qu'on
fut obligé de purger la malade,& de foûtenir l'évacuation
à caufe d'une bouffifure confidérable
& que la tête redevenoit pefante.
30. Tres-infirme depuis long-temps, & épuisée
par beaucoup de maladies , eut la Fiévre & une
pefanteur de tête confidérable. On la faigna du
pied le 1 & le 2 jour. Le 3 il furvint un dévoiement
fereux ; on purgea la malade avec deux
grains de Tartre émétique , qu'on réitera le lenlemain.
L'éruption fe fit , & le refte de la maladie
fe paffa fans accidens , quoique la petite Vérole
fut fort abondante & prefentât un mauvais
aspect.
4°. D'une bonne fanté , tomba dans un accablement
profond , la Fiévre étoit forte & la tête
prife ; on lui tira d'abord fix paletes de fang du
pied. La faignée fut réiterée le ſoir , dans la nuit
II. Vel. &
DECEMBRE. 1730. 2847
& le lendemain , le troifiéme jour il furvint une
perte abondante ; la petite Vérole fortit en médiocre
quantité , la Fiévre & les accidens furent
plus moderés , le 2 , le 3 & le 4 de l'éruption.
Les , la perte ceffa, le tranfport devint plus violent
& fut accompagné de convulfions . În tenta
quatre grains de Tartre émétique en lavage ,
qu'on réitera fans fuccez. La Fievre ayant redoublé
du 5 au 6 , on réitera la faignée du pied ; il falut
encore y revenir le lendemain une fixiéme &
feptiéme fois, enfuite les boiffons émétiſées qu'on
fut obligé de changer jufqu'à en confommer
plus de trente grains en 24 heures , & d'y joindre
les Ptifannes laxatives. Il fallut continuer les
évacuations jufqu'au 18 de l'éruption , à cauſe de
la pefanteur de tête qui fe renouvellois ; des Symcopes
dans le temps des convulfions firent recourir
au Lilium deux fois . Il eft à remarquer que
fur la fin , lorfque le tranfport ceffoit , la vue
reftoit éteinte, & que la malade fe plaignoit d'une
péfanteur , & d'un froid infuportable à la tête
enfin tous les accidens difparurent & la malade
revint en convalefcence.
;
5º. D'un temperamment robufte , fa maladie
commença par une Fiévre forte , avec des redoublemens
fréquens , des maux de reins & une
grande pefanteur de tête ; on la faigna du pied.
La nuit il y eu du tranſport ; on réitera la faignée
la même nuit , & le lendemain ; le 3 il y eut
du relâche dans la Fiévre ; on jetta fix grains de
Tartre émétique fur la boiffon ; l'évacuation fut
ample , la petite Vérole fortit confluante, les accidens
& la Fiévre diminuerent, la liberté du ventre
fut foûtenue par une boiffon émétiſée. Du 4
aus de l'éruption , la Fiévre devint plus forte ,
la gorge & la tête enflerent fi prodigieufement ,
qu'il fallut faire deux faignées dupied ; on char-
>
II. Vol: D Y gea
2848 MERCURE DE FRANCE
gea enfuite davantage les boiffons émétifées, l'é
vacuation diffipa les accidens. La nuit du 10 au
1 la tête devint plus pefante & la gorge plus
ferrée. On revint aux évacuations , qu'on continua
jufqu'à la convaleſcence.
6º. Délicate , fentit d'abord du mal aux reins
& à la tête, avec peu de Fiévre , on la faigna du
pied. La nuit fuivante la fiévre devint forte , le
poux paru embarraffé ; on réitera la faignée du
pied deux fois , la fiévre & le mal de tête ayant
diminué , le 3 on la purgea avec l'émétique
abondamment ; à l'entrée du 4 la petite Vérole
fortit confluante , la fiévre diminua confiderablement.
Du 3 au 4 de l'éruption , la gorge fut
tres douloureufe , la tête enfla exceffivement , il
furvint une forte hémoragie , la tête étoit embaraffée
, on revint à la faignée du pied , qu'ilfailut
réiterer jufqu'à la fixième fois , alors l'hémoragie
ceffa , & les autres accidens diminuerent ; on
chargea les boiffons d'émétique , & on les continua
jufqu'au 14 de l'éruption , que tous les
accidens difparurent.
I
7. D'une affez bonne fanté , eut des maux de
reins & de tête , & la fiévre affez forte ; on la
faigna du pied le 1 & le a jour , le 3 elle fut purgée
avec l'émétique en lavage . La petite Vérole
fortit le 4, en médiocre quantité , la fiévre & les
accidens tomberent dans la fupuration, la tête devint
fort lourde , la fiévre étoit forte , on réitera
la faignée du pied jufqu'à la quatrième fois , on
y joignit les boiffons émétifées , & tous les accidens
cefferent.
Demoiselles BLEUES. 8. Languiffantes. de pâles
couleurs depuis long - temps , avoit effuie une
diffen rie extrême , pour laquelle on l'avoit faignée
8 fois, dont elle étoit à peine rétablie, tomba
dans un profond accablement , avec des élan
11. Vola cemen
DECEMBRE. 1730. 2849
cemens à la tête & une fiévre fi vive , qu'il fallut la
faigner 3 fois du pied le mêmejour. Le lendemain.
le poux s'étant un peu relâché, on tenta un lavage
de Tartre émétique; les élancemens de tête qui augmentoient,
obligerent de l'interrompre. A la fin
du 3 la petiteVérole fortit confluante,la fiévre& les .
accidens diminuerent fort peu. Le 3 de l'éruption
la petite Vérole n'avoit prefque point fait de progrès
, on revint à la faignée du pied , les boiffons
émétifées pafferent. La petite Vérole fit du progrès
& il y cut plus de modération dans les accidens
jufques au 6. La nuit fuivante la fiévre devint
plus forte , les élancemens à la tête furent
extrêmes , on la refaigna 2 fois du pied & les
boiffons émétifées furent continuées plufieurs
jours de fuite. La convalefcence ne fe montra que
yers le 17. Il y eut plufieurs Sincopes dans le
cours de la maladie qui firent recourir au Lilium.
9. Sujette à de fréquents éréfipelles à la tête
fentit tout à coup un violent mal de tête,il parut
une difpofition éréfipélateufe au vifage. La fiévre
devint quarte , la malade fut faignée du pied les
a premiers jours ; le 3 il y eut du relâche , on
lui donna 4 grains de Tartre émétique en lavage,
l'évacuation fut abondante & produifit un calme
de trois jours ; la fiévre fe ralluma, le mal de tête
& les élancemens furent extrêmes ; on revint à la
faignée du pied 2 fois le même jour . Le lendemain
la petite Vérole fe déclara en médiocre
quantité , avec une difpofition éréfipélateuſe ; la
fiévre & les accidens perfifterent. Comme il n'y
avoit point de diminution le 3. de l'éruption , on
la faigna , on jetta quelques grains de Tartre
émétique fur les boiffons ; malgré ce fecours ,
aídé des lavemens , les élancemens à la tête & la
fiévre augmenterent à un point , qu'il fallut la
11. Vol. D vj refai
2850 MERCURE DE FRANCE
refaigner dans le temps de la fupuration une fixiéme
& feptiéme fois du pied , & entretenir les
boiffons émétifées jufqu'au is de l'éruption que
l'état de la malade fut affuré.
10. D'un temperament robufte , avec de l'embonpoint
, eut une fiévre forte , de grands maux
de reins & la tête extrêmement pefante ; on la
faigna 2 fois du pied le 1 jour ; dès le fecond la
petite Vérole parut confluante ; la fiévre & les
autres accidens ne diminuerent prefque point;les
boutons ne faifoient aucun progrès . On réitera
la faignée du pied le 1 & le 2 jour de l'éruptions
il y eut quelque relâche. Les boiffons furent égui
fées par le Tartre émétique , mais une perte
abondante qui furvint , obligea de le fufpendre.
Le même état continua jufqu'au temps de la fapuration
que la fiévre devint plus vive , avec
des feux à la tête & un gouflement prodigieux .
On réitera deux fois la faignée du pied; on chargea
les boiffons de Tartre émétique , quoique la
perte continua. Les premieres évacuations firent
ceffer la perte & modererent les autres accidens ;
il fallut infifter fur la liberté du ventre pour
combattre la pefanteur de tête , juſqu'au 16 de
l'éruption que la convalefcence parut.
11. Peu forte , tomba dans un grand affou
piffement ; la fiévre & l'accablement étoient confiderables.
Les deux premiers jours elle fut faignée
du pied 3 fois. Le 3 , il y eut quelque degré
de moderation dans la fievre ; on tenta l'émetique
en lavage ; mais comme les accidens
augmentoient , il fallut l'interrompre & revenir
à la faignée du pied . La petite Verole fortit le
4 , la fievre fut plus moderée. Le 4 de l'éruption
on tenta de nouveau les boiffons émétifées ; la
fievre devint plus forte ; on les fufpendit ; on fit
une cinquiéme faignée du pied à l'entrée de la
II. Vola ſup
DECEMBRE. 1730. 2851
.
fupuration ; alors les boiffons émétifées pafferent
; on les continua juſqu'à la fin de la maladie,
parce que la tête redevenoit pefante dès que le
ventre ceffoit d'aller.
12. D'une bonne fanté , fut prise d'une fievre
qui augmentoit par redoublement , accompagnée
de maux de reins & d'une violente douleur de
tête. Les 2 premiers jours on la faigna 3 fois du
pied. Le 3 & le 4 on effaya le Tartre émetique
en lavage , fans prefque aucun fruit ; les , la petite
Verole fortit très- abondante , & en mêmetemps
il furvint une pcrte ; la fievre ſe ſoutint .
Le z de l'éruption , la tête fut priſe ; on revint à
la faignée du pied . Les accidens ayant augmenté
à l'entrée de la fuppuration , on fir une cinquiéme
faignée du pied , & on jetta, malgré la perte,
quelques grains de Tartre émetique fur la boiffon.
Ôn continua les évacuations , jufqu'à ce que tous
les accidens euffent entierement diſparu.
2
13. D'un bon temperament , eut une fievre &
un mal de reins , des élancemens à la tête violens
qui obligerent de la faigner 3 fois du pied les 2
premiers jours. Le 3 on chargea la boiffon de
Tartre émetique ; la petite Verole fortit pendant
l'évacuation & fut affez abondante , mais la
fievre perfifta . Le 3 de l'éruption elle devint plus
forte , la tête s'embaraffa , on recourut à la faignée
du pied, & on la réitera pour la cinquième
fois dans la fupuration , parce que l'embaras de
la tête fubfiftoit , & qu'il y avoit une tenfion generale.
Les boiffons émetifées pafferent avec le
fecours des lavemens enfuite , & il fallut foutenir
les évacuations jufqu'au 14. de l'éruption .
14. D'une forte fanté , eut une fievre & un
mal de tête fort vifs ; les 2 premiers jours , elle
fut faignée 3 fois du pied ; le 3 purgée avec l'émetique
, immédiatement après la petite Vérole
II. Vol
fortit
2852 MERCURE DE FRANCE
fortit abondamment; il reftoit encore de la fieyre.
Le 3 de l'éruption , la tête devint fort pefante ;
on revint à la faignée du pied & on éguifa les
boiffons de Tartre émetique , jufqu'à la conva¬
lefcence , pour empêcher que la tête ne s'embaraffât.
Le 4,
་
15.Bien conftituée, eut d'abord une fievre tres- violente
avec des élancemens à la tête & un faigne.
ment de nez confiderable. On la faigna 3 fois du
pied la même nuit . Il parut le lendemain quelque
modération dans la fievre & dans les accidens.On
tenta l'émetique en lavage , qu'on continua le 3 .
la petite Verole fortit en médiocre quan→
tité,mais elle fut accompagnée d'une oppreffion &
d'un fond d'affoupiffement ; la fievre étoit affez
forte ; on revint à la faignée & à l'émetique.L'abondance
des évacuations procura de la modération
dans les accidens jufqu'au 5. La nuit du 5 au
6 , les boutons rentrerent , & à leur place parut
un Eréfipelle univerfel. La fievre & l'affoupiffement
devinrent plus forts ; la tête ſe prit , le poux
étoit embaraffé , ou réitera la faignée du pied 2
fois à peu de diftance ; quelques heures après on
revint à l'émetique en lavage , on foutint les évacuations
par des Prifannes laxatives. Dans le tems
des évacuations il furvint une Syncope fi forte ,
qu'on fut obligé de recourir au Lilium .La petite
Verole reprit fon cours , les accidens fe modererent
, on continua les évacuations juſqu'au 14 de
P'éruption que tous les accidens furent calmez.
16. Délicate , eut une fievre affez forte , un faignement
de nez , & la tête extrêmement lourde .
Le 1 jour elle fut faignée 2 fois du pied ; la petite
Verole fortit le 2 abondante, entremêlée de marques
pourprées. Le 3 , on employa les boiffons
émetifées , l'évacuation modera les accidens. La
fievre fe foutenoit , elle augmenta vivement du s
IL, Vol.
au •
9
DECEMBRE. 1730. 2853
au 6 de l'éruption ; la tête fe prit , on réitera la
faignée du pied la nuit & le lendemain pour la
cinquième fois. Enfuite on continua les boiffons
émetifées , qu'il fallut foutenir jufqu'au 14.
17. Très-forte , tomba dans un accablement
profond , la tête prife , des convulfions & des
fyncopes ; la fievre étoit forte , le poux embaraffé
.Ces accidens augmenterent à tel point qu'on
fut obligé de faigner la malade du pied , f fois
en moins de 30 heures ; enfuite l'émétique en lavage
, qu'il fallut aider par les lavemens & des
ptifannes laxatives; on infifta fur l'émétique for
tement ; à la fin le ventre ſe déboucha , l'évacuation
fut foutenuë , & la nuit du 3 au 4 la petite
Verole fortit abondamment , les accidens fe calmerent
, & la maladie finit fans autre fecours
qu'une boiſſon émetifée , aux aproches de la fupuration
, parce que la tête redevenoir pefante.
Damoifelles JAUNES. 18. D'une bonne fanté..
Sa fievre marqua d'abord entiere ; au troifiéme
accès elle devint continuë ; la douleur de tête étant
devenue forte , on la faigna du pied ; il fallut réiterer
la nuit & le lendemain. On purgea la ma→
lade avec l'émetique , l'évacuation fut abondante
, & fuivie d'un relâchement prefque entier.
Trois jours fe pafferent dans le même calme. La
petite Verole parut le quatriéme en médiocre
quantité & fans accidens , le 4 de l'éruption les
boutons difparurent, la fievre fe railuma , la tête
fut prife avec de violents étouffemens ; on revint
à la faignée du pied , qu'on repeta 3 fois à peu de
diftance. Toute l'habitude du corps étoit devenue:
érefipelateufe. Le 6 , la malade fouffroit exceffivement
, il fallut faire une e faignée du pied..
Quelques heures après on chargea la boiffon de
Tartre émetique , la tenfion érefipelateufe dimi
nua ; les boutons reprirent corps , on foutint les
Io. Vola
éva
2854 MERCURE DE FRANCE
évacuations jufqu'au 17 de l'éruption pour def
fendre la tête qui fe reprenoit de tems en tems.
19. La poitrine délicate , parut fort afſoupie
avec une fievre ardente ; on la faigna 2 fois du
pied le même jour ; dès le foir il parut quelquesboutons
, fans que les accidens euffent diminués ;
la peau devint pourprée ; on revint à la faignée
du pied le 2 , & le 3 la petite Verole ne faifoit
aucun progrès , & les accidens avoient fort peu
relâché. Les de l'éruption, la fievre augmenta, on
fit une se faignée ; il furvint un vomiffement
que l'on foutint par une boiffon émetifée. Les
accidens fe calmerent , on continua la même
boiffon le refte de la maladie.
20. D'une grande délicateffe , fut prise d'un
mal de tête & d'une fievre fi forte , qu'on fut obligé
de la faigner cinq fois du pied les deux premiers
jours. Le 3. il y eut de la modération
on mit trois grains de tartre fur la boiſſon. A
la fuite de l'évacuation , la petite Verole fortit
& tous les accidens tomberent .
21. D'une forte fanté , eut la fievre , des maux
de coeur & une pefanteur de tête confiderable.
Le premier jour on la faigna deux fois du pied.
Dès le fecond la petite Verole fortit très- abondante.
La pefanteur de tête continuoit : on chargea
les boiffons de tartre émetique qu'il fallut
continuer toute la maladie , & les foutenir par
des ptifanes laxatives ; car dès que le ventre ceffoit
de couler , la pefanteur de tête augmentoit.
L'état de la malade ne fut certain que vers le 14.
de l'éruption .
22. D'un temperament délicat , avoit une fievre
vive & des redoublemens fréquens. La tête étoit
menacée ; on la faigna du pied quatre fois les
deux premiers jours. Le la 3 on purgea avec
l'émetique en lavage ; l'éruption fe fit. L'embardda
Vol
ras
DECEMBRE. 1730. 2855
ras de la tête continuoit encore le 3. de l'éruption
; on fit une cinquiéme faignée du pied ; l'émetique
en lavage fut repeté chaque jour juſqu'
la fin de la maladie .
que
23. Foible , fe plaignoit d'un grand mal de
tête , quoique la fievre ne fut pas forte. Une faignée
du pied calma cette douleur pendant deux
jours. Le 3. elle eut un tranfport & un étouffement
violent fans la fievre fut beaucoup augmentée
; on fit une feconde & une troifiéme faignée
du pied , & enfuite l'émetique en lavage.
La petite Verole fe déclara à la fin de l'évacuation
; mais fon progrès fut lent , la tête demeura
embaraffée , on réitera chaque jour l'émetique
en lavage. Le 6. de l'éruption le poux parut embaraffé
, le tranfport étoit plus violent , & la tête
avoit prodigieufement enflé ; on fit une cinquié
me faignée du pied qui produifit un relâchement)
fenfible. On infifta fur les évacuations , & tous
les accidens fe calmerent.
24. Bien conftituée , eut des élancemens à la
tête , & une fievre vive qui augmentoit à differentes
heures . Les deux premiers jours elle fut
faignée du pied trois fois. Le 3. il furvint un af
foupiffement , un tranfport & des étouffemens
fréquents ; on fut obligé de réiterer la faignée'
du pied deux fois ; il falut y revenir le lendemain
pour la fixième fois , enfuite l'émetique en lavage
; comme elle avoit de la peine à pouffer , on
eut recours aux ptifannes laxatives. Après deux
jours d'évacution la petite Verole fortit , & tous
les accidens tomberent.
25. D'une fanté foible , eut la fievre & mal à
la tête pendant près de huit jours fans fe plaindre
; alors la fievre & le mal de tête ayant augmenté
, elle fut faignée trois fois du pied en deux
jours , & purgée enfuite avec l'émétique en la-
II. Vol. vage!
2856 MERCURE DE FRANCE
vage. Le furlendemain la petite Verole fe déclara
; commè les accidens réfiftoient encore , on
continua les boiffons émetifées jufqu'à la fin de
la maladie .
26. D'une bonne conftitution ,fut prise d'un vo .
miffement & d'un accablement confiderable . La
fievre étoit forte , & marquoit par redoublemens .
Elle fut faignée trois fois du pied les deux premiers
jours ; le 3 purgée avec l'émetique en
lavage , la petite Verole fortit abondamment , les
accidens fe modererent. A l'entrée de la fuppuration
, la malade tomba dans une fincope qui
fut fuivie de mouvemens convulfifs & d'une
falivation abondante. Comme la fievre n'avait
pas augmenté à proportion des accidens , on fe
contenta de revenir au tartre émetique dont il
fallut aider l'effet par les ptifanes laxatives. Dès
que les évacuations diminuoient , il furvenoit des
étouffemens , ce qui obligea de les continuer juf
qu'au quatorze de l'éruption.
1. A
27. D'une bonne fanté , eut une fievre forte ,
accompagnée d'un point fixe dans les reins ,
d'un faignement de nez & d'une douleur de tête
infuportabie. On la faigna quatre fois du pied los
deux premiers jours.. Le 3. il y eut de la modération
, le 4. elle fut purgée avec l'émetique en
lavage ; la petite Verole fortit confluante , les
accidens diminuerent confiderablement ; on favorifa
la liberté du ventre par quelques grains
de tartre émetique fur la boiffon jufqu'à la fin
de la maladie , qui fe termina fans aucun autre
accident.
"
28. Sujette aux maux d'eftomach eut les mêmes
douleurs. Comme elles augmentoient , qu'il
y avoit de la fievre , accompagnée de mal de tête ,
on la faigna du pied le 3 , fes & le 6. Le 7. elle
tomba dans la tranfport , le poux étoit concen-
II. Vol. tré ;
DECEMBRE. 1730. 2857
éré ; on lui donna un lavage de tartre émetique ,
l'évacuation ne fut pas abondante , la fievre devint
plus forte , & l'embarras de la tête continuoit
. On fit deux faignées du pied à peu de diftance
, & on revint à l'émetique qui paffa plus
heureufement. La petite Verole fortit , & ne fut
fuivie d'aucun accident .
: on
D'une forte ſanté , tomba dans un abbatement
extrême , quoique la fievre ne fut pas forte :
la faigna du pied. Le 2. la fievre augmenta , la
faignée fut réiterée. La nuit fuivante la malade
cut de fortes convulfions & une fincope qui fut
portée à l'excès . Il fallut recourir au Lilium
& le repéter au delà des dofes ordinaires : le
poux revint : on fit une troifiéme faignée du pied,
& immédiatement après on donna l'émetique
l'évacuation fut abondante. La petite Verole fortit
en grande quantité , & les accidens commencerent
à fe calmer. On continua les boiffons émetifées
jufqu'à la fin de la maladie , à cauſe que
la tête n'étoit pas dans fon caractere ordinaire.
30. Infirme , eut une fievre vive , accompagnée
d'élancemens à la tête , le poux étoit embaraffé :
on fit trois faignées du pied les deux premiers
jours. La nuit du 2 au 3. la tête fut menacée ,
on revint à la faignée du pied , qui produifit un
relâchement dans la fievre ; l'émetique en lavage
fut employé le lendemain. Après l'évacuation
la petite Verole fortit en médiocre quantité , les
accidens diminuerent ; mais comme il reftoit un
fond de fievre , & que la tête laiffoit quelque inquiétude
on continua les boiffons émetifées
jufqu'à la fin de la maladie.
>
31. Sujette à une toux habituelle , & crachant
quelquefois du fang , fut prife d'une fievre trèsvive
fuivie de fréquents redoublemens. Les
deux premiers jours on fit trois faignées du
II. Vel. pied..
2858 MERCURE DE FRANCË
pied. Le 3. la tête fe prit : on réïtera la faignée
du pied qui produifit quelque modération dans
la fievre. La nuit du 4. la malade tomba dans
un affoupiffement profond ; le poux étoit emba
raffé , on tenta l'émetique inutilement , il fallut
revenir à une cinquiéme faignée du pied . Quelques
heures après la malade eut de fortes convulfions
, accompagnées de fréquentes fyncopes ,
on revint à l'émetique qu'on cut bien de la peins
à faire avaler. Comme il n'agiffoit point , on
força la dofe , le vomiffement débaraffa la tête.
Cependant fur le foir les convulfions redoublerent
, le hoquet fut fréquent & les extrémités
devinrent froides. On infifta fur l'émerique qui
à la fin produifit une abondante évacuation , les
accidens fe calmerent , la petite Verole fortit
très abondante , & finit fans donner d'autre inquiétude.
32. D'une fanté languiffante , cut une fievre
qui varioit à toute heure , accompagnée d'un
grand mal de tête ; elle fut faignée du pied , &
purgée le lendemain avec l'émetique en lavage.
Le foir la malade entra dans un calme parfait ;
les . la fiévre fe ralluma & fut accompagnée
d'un rire continuel & forcé ; on la faigna deux
fois du pied le même jour. Le lendemain la petite
Verole fortit affez abondante , cependant la
fievre & l'embarras de la tête continuerent. Le
3. de l'éruption , la malade tomba dans un aſſoupiffement
profond ; le poux étoit envelopé , on
fit une quatriéme faignée du pied , & enfuite
l'émetique en lavage qu'on réitera le lendemain ,
alors le poux fe dévelopa ; la petite Verole fit du
progrès ; la tête demeura pourtant embaraffée
on continua les boiflons émetifées jufques dans
le fort de la fupuration . Comme la tête étoit un
peu plus libre , & que la fievre avoit augmenté ,
II. Vol. 01 .
DECEMBRE. 1730. 2859
on en fufpendit l'uſage . 24. heures après la petite
Verole rentra: le tranfport accompagné de convulfrons
fut violent, la gorge prodigieufement enflée :
on revint à la faignée du pied , & immédiatement
après l'émerique , l'évacuation fut abondante ; la
petite Verole reprit cours , les accidens fe calmerent
; mais on ne difcontinua plus l'ufage de
la boiffon émetifée , aidée par les lavemens juſqu'au
16. de l'éruption qui termina la maladie.
Demoiselles VERTES . 33. D'une mauvaiſe
fanté , tomba dans un grand accablement , la
févre étoit vive ; elle fut faignée trois fois du
pied le même jour , la petite Verole fortit abondamment.
Il reftoit un fond de fievre à la malade
qui ayant mal à la gorge depuis long- tems
ne put rien avaler le 2 & le 3. de l'éruption . Le
4. on réitera la faignée , & les boiffons émetifées
pafferent enfuite , il falut les continuer le refte
de la maladie à caufe que la gorge & la tête
étoient menacées .
34 D'une fanté foible , cut des maux de reins ,
de violens élancemens à la tête & une fievre quartes
on la faigna deux fois du pied à une heure
de diſtance , on réitera la faignée le lendemain.
Le 3. il y eut du mieux , on employa le tartre
émetique en lavage , la perite Verole fortit trés
abondante , il y eut une remiffion prefque entiere
. A l'entrée de la fupuration la tête devint
fort pefante , la malade y fentoit de grands feux,
la fievre n'étant point forte , on fe contenta
d'employer les boiffons émetifées pendant la fupuration.
35. D'un temperament foible , eut d'abord peu
de fievre. Le 3. la fievre s'alluma avec un violent
tranfport , on la faigna trois fois du pied à
peu de distance , la fievre fe modera , on mit
trois grains de tartre émetique fur la boiffon.
14. Vol.
Après
2860 MERCURE DE FRANCE
Après l'évacuation la petite Verole fortit confluante
, la tête refta embaraffée , & la fievre ,
quoique moderée , perfiftoit ; on réitera la faignée
du pied le 3. de l'éruption , & on reprit
l'ufage des boiffons émetifées , qu'on continua
jufqu'au 14. de l'éruption que la tête fut totalement
debarraffée.
36. D'une forte fanté , eut de grands maux de
reins , un faignement de nez , la fievre étoit vive,
& fuivie de redoublemens . Les deux premiers
jours on la faigna du pied trois fois , à l'entrée
du 4. on reitera la faignée , la petite Verole ne
fit que fe montrer pendant deux jours , & dif-
La malade tomba dans un accablement
parut.
& un affoupiffement profond , le poux étoit petit ;
on jetta quatre grains de tartre émetique fur la
boiffon , l'évacuation fut abondante. La petite
Verole fit des progrès , & les accidens tomberent,
la fupuration fut longue , mais elle n'exigea aucun
fecours.
37. Délicate , avoit de la fievre depuis plufieurs
jours , & mal à la tête ; elle fut faignée & purgée.
Il y eut du mieux pendant huit jours , enfuite
elle tomba dans une fincope forte , la tête.
fe prit , la fievre étoit vive ; on la faigna deux
fois du pied à une heure de diftance. Quelque
tems après il y eut du relâche dans la fievre , on
mit quatre grains de tartre dans la boiffon , on
infifta fur le même remede . Le lendemain l'évacuation
fut forte , les accidens diminuerent , la
petite Verole fortit abondament , on continua
les évacuations juſqu'à la fin de la maladie.
38. D'une délicateffe extrême , eut un grand
accablement , la tête embarraffée , & une fievre
vive qui augmentoit par redoublemens ; le premier
jour on lui fit 2. faignées du pied ; le 2. on
réitera ; le 3. il y avoit quelque relâche , on
11. Vol "
mit
DECEMBRE. 1730. 2.86-1
mit deux grains de Tartre émetique fur la boiffon
, la petite Verole fortit confluante , la fievre &
l'embarras de tête diminuerent confiderablement,
il reftoit encore une grande pefanteur qui détermina
à continuer la boiffon émetiſée pendant le
refte de la maladie , qui par ce moyen finit heureufement.
39. D'un bon tempérament , eut un grand accablement
, un point fixe dans les reins ; la fievre
étoit forte & le poux embarraffé , des redoublemens
fréquents , le tranfport s'y joignit ; le premier
jour on lafaigna deux fois du pied , on réi
tira la faignée la nuit , le lendemain la fievre étoit
relâchée , on mit 4. grains de Tartre émetique
fur la boiffon ; la petite Verole fortit confluante,
du 3 au 4 les accidens tomberent prefque entierement;
le 4 de l'éruption la petite Verole rentra,
la tête fe prit , il y avoit de l'embarras dans le
poux & des étouffemens frequens ; on fit une 4° .
& se. faignée du pied , & enfuite l'émetique en
lavage fur lequel on infifta ; l'évacuation fur
abondante , la petite Verole reprit corps , les ac
cidens diminuerent , on continua la boiffon émetifée
jufqu'au 14. de l'éruption qu'on foutenoit
les lavemens : dès le ventre ceffoit d'aller
l'embarras de la tête & les étouffemens reparoif
foient .
par
que
40. Damoifelles ROUGES. Fort replette ,
tomba dans un grand affoupiffement , la fievre
étoit forte , la refpiration gênée ; elle fut faignée
3. fois du pied les 2. premiers jours ; le 3. on mit
3. grains de Tartre émetique fur la boiffon ;
L'embarras de la tête ceffa , la petite Verole
fortit en grande quantité , les accidens fe calmerent
, la fuppuration fut très- laborieufe ; mais
comme la fievre n'étoit pas forte , on fe contenta
de tenir le ventre libre par les boiffons émetiſées,
AI. Volo
2862 MERCURE DE FRANCE
& les lavemens jufqu'à la fin de la maladie.
41. D'une forte fanté, eut la fievre vive , accompagnée
de tranfport ; on la faigna 2. fois du
pied le même jour ; le lendemain le relâchement
de la fievre donna lieu à Pémetique ; l'évacuation
fut abondante & fuivie de l'éruption , l'embarras
de la tête & un mouvement de fievre continuoits
on infifta fur la boiffon émetifée pendant toute
la maladie , parce que la tête fe broüilloit dès que
le ventre n'alloit plus.
1
42. Delicate , fut près de 8. jours languiffante,
eut enfuite un éclat de tranfport & un rire forcé
qui ne difcontinuoit pas ; la fievre n'étoit pas vive;
elle fut faignée 3. fois du pied les 2. premiers jours
& purgée le 3. avec l'émerique ; une éruption
abondante fuivit de près l'évacuation ; les accidens
diminuerent , mais il reftoit une pente à l'affoupiffement
& la tête n'étoit pas entierement libre
, ce qui détermina à continuer les boiffons
émetifées pendant la maladie.
43. Valetudinaire , eut la fievre par redoublemens
; la tête étoit prife , elle fut faignée 2. fois
du pied le premier jour ; le fecond , à la faveur
d'une rémiffion fenfible dans le poux , on tenta
l'émetique qu'il fallut interrompre & revenir à la
faignée le foir ; le 3. la tête étoit toujours priſe ,
mais le poux étoit petit ; après quelques grains
de Tartre émetique fur la boiffon qui n'agiffoient
pas , on donna le vin d'Eſpagne émetique ; l'évacuation
fut foutenuë le lendemain , le 5. P'éruption
fut très -abondante , les accidens fe calmerent
; on aida la liberté du ventre dans le cours
de la maladie , parce que la tête avoit une difpotion
à s'embarafler.
44. D'une bonne fanté , eut une forte fievre ,
accompagnée d'un faignement de néz. On fit 3 .
Laignées du pied le premier jour ; la petite Ve
11. Vol
role
DECEMBRE. 1730. 2863
role fortit le lendemain ; comme les accidens s'étoient
moderez , on ne fit rien juſqu'au 3. de l'éruption
que la fievre augmenta ; la tête ſe prit ,
on revint à la faignée du pied , & enfuite à l'émetique
en lavage ; les évacuations débarafferent la
tête , on les a continuées jufqu'à la fin de la fupuration.
45. D'une fanté médiocre , fut prife d'un grand
accablement ; la fievre étoit forte , on la faigna
2 fois du pied le premier jour ; un peu de relâche
le lendemain détermina à donner un lavage de
Tartre émetique; l'évacuation fut fuivie d'un calme
de 4. jours ; la fievre fe ralluma , le tranſport
& de fortes convulfions s'y joignirent , le poux
étoit embaraffé ; on refit deux faignées du pied à
peu de diftance , & immediatement après l'émetique
en lavage ; on foutint l'évacuation ; la petite
Verole fortit le lendemain , accompagnée de
marques pourprées ; les accidens ſe modererent ,
on a foutenu foigneuſement la liberté du ventre
jufqu'à la fin de la maladie.
45. Robufte , eut une groffe fievre , accompa
gnée d'un faignement de nez & de violens élancemens
à la tête ; on la faigna du pied & la petite
Verole parut le même jour confluante. Les accidens
ne diminuerent point ; les boutons ne faifoient
aucun progrès ; la faignée du pied fut réïterée
le 2. & le 3. La nuit du 3. au 4. de l'éruption
il furvint un redoublement vif ; on refaigna
la Malade , elle fut vuidée le lendemain avec l'E
netique en lavage. L'évacuation qui fut abondante
modera les accidens jufqu'au 7. que la
fievre devint plus forte ; la tête fe prit & enfla
prodigieufement. On réïtera la faignée du pied
& l'ufage des boiffons émetifées qui furent continuées
jufqu'à la fin de la maladie.
47. Bien conftituée , fut lauguiffante plufieurs
11. Vol.
jours E
2864 MERCURE DE FRANCE
jours , la petite Verole fortit en petite quantité
fans accident ni mouvement de fievre. Le 4. de
P'éruption elle tomba dans un affoupiffement ;
la tête fut prife , il furvint un faignement de nez ;
on fit deux faignées du pied à peu de diftance , &
Pufage d'une boiffon emetifée qu'on continuą
plufieurs jours , débaraffa la tête.
48. Infirme & fujette à des coliques d'eftomach
, eut le même accident , accompagné d'une
fievre très-vive & d'une grande pefanteur de tête;
elle fut faignée quatre fois du pied les deux premiers
jours , le trois il y eut de la moderation ;
on jetta 4. grains de Tartre émetique fur la boif
fon , qui pafferene heureufement , & à la fin de
Pévacuation la petite Verole fortit ; il a fallu
foutenir la liberté du ventre le reſte de la maladie,
pour combattre la pefanteur de tête.
49. D'une médiocre fanté , eut une grande pefanteur
de tête , un faignement de nez , la fievre
étoit vive , les 2. premiers jours elle fut faignée
4. fois du pied ; le 3. la petite Verole fortit , le
4. l'éruption ne faifoit nul progrès ; on éguifa les
boiffons de quelques grains de Tartre émetique ,
il fallut en augmenter la doſe dans les tems de la
fupuration.
so, Dune délicateffe extrême , la fievre & les
accidens ne furent pas confiderables ; on ne fit
rien , la petite Verole fortit en médiocre quantité.
A l'entrée de la fupuration là fievre devint vive ,
la tête fè prit ; on fit deux faignées du pied à peu
de diftance , & les boiffons émetifées enfuite
qu'on continua jufqu'au 12. de l'éruption .
SI. DAMES RELIGIEUSES. Agée de
8, ans , d'un tempérament affez fort , quoique
fujette à des maux d'eftomach , cut une fievre des
plus vives , un grand accablement , des maux de
teins , un fond d'affoupiffement & des friffonne-
11. Vols
mens
DECEMBRE. 1730. 2865
3.
mens continuels ; on lui fit quatre fortes faignées
du pied les deux premiers jours ; comme il y eur
de la modération dans la fievre , le elle fut purgée
avec quatre grains de Tartre émetique en layage
, qui produifirent peu d'effet . On y revint le
lendemain , l'évacuation fut plus heureuſe , la petite
Verole fe déclara confluante & fut accompagnée
d'un fond de fievre & d'affoupiffement ; on
continua les boiffons émetifées qu'on aidoit par
les lavemens foir & matin. Malgré ces fecours le
. de l'éruption le ventre ne coula plus , l'affoupiffement
devint profond ; la fievte n'ayant pas
augmenté à proportion des autres accidens , on
fe contenta de doubler la doſe de l'émetique ; le
ventre ne s'ouvrant pas , on infifta fur le même
remede , aidé par les Ptifannes laxatives ; enfin on
eut recours au vin d'Efpagne émerique qui fut
fuivi d'une évacuation abondante . La Malade
avoit pris dans les 24 heures la valeur de plus de
30 grains de Tartre émetique ; la petite Verole
repouffa , la tête fut déchargée ; on continua les
boiffons émetifées jufqu'à la fin de la maladie :
l'état de la Malade n'a été certain que vers le 15
de l'éruption.
52. Agée de 56 ans , d'un temperament trèsdélicat
, fujette à cracher du fang , & les jambes
fouvent enflées , eut une fievre affez vive , accompagnée
de maux de reins & d'une grande
douleur de tête , on la faigna deux fois du pied
les deux premiers jours ; le 3. il y eut un dévoiement
; on mit deux grains de Tartre fur la boiffon
, qu'on réitera le lendemain. La petite Verole
fortit à la fin du 4. en médiocre quantité, tous les
accidens fe modererent. Le 5. de l'éruption , la
pefanteur de tête & le dévoiement recommencerent
, on mit encore deux. grains de Tartre fur
la boiffon , on les repeta le lendemain & la maladie
finit heureuſement. Eij 53
2866 MERCURE DE FRANCE
53. Agée de 24. ans , d'un tempérament fort
vif , dans une difpofition à une fievre étique , eut
des élancemens à la tête , des maux de reins , des
fux dans la poitrine ; la fievre étoit forte , elle
fut faignée trois fois du pied les 2 premiers jours,
il y eut peu de moderation le 3. Le 4. elle étoit
plus fenfible ; on mit deux grains de Tartre fur
la boiffon ; la petite Verole fortit en affez grande
quantité. Le 3. de l'éruption la fievre & les élancemens
à la tête augmenterent ; on revint à la faignée
du pied qui calma les accidens ; le refte de
la maladie elle n'eut befoin que d'une Eau de
Pavot pour calmer les tiraillemens de poitrine
qui fe réveilloient de tems en tems , plutôt comme
une fuite de fa difpofition habituelle , que de
la maladie preſente.
>
54. Agée de 23. ans , fortoit d'une fluxion de
poitrine , pour laquelle on avoit été obligé de la
faigner plufieurs fois ; la convalefcence n'étoit
pas entièrement confirmée , lorfqu'elle fut prife -
d'une fievre vive , accompagnée d'élancemens à
la tête , & en même- tems d'une perte confiderable.
On fit 2. faignées du pied le premier jour
le 3. on réitera ; de la moderation dans la
fievre & dans la perte firent paffer à un lavage
de Tartre émetique ; l'évacuation fut ample , elle
diminua tous les accidens , fit ceffer la perte . La
petite Verole fortit abondante ; le 5. l'éruption ,
la pefanteur de tête revint , on mit quelques
grains de Tartre fur la boiffon, qui ne produifirent
prefque aucun effet ; la pefanteur de tête fut plus
forte & la fievre augmenta , on fit une quatrième
faignée du pied & enfuite les boiffons émetifées
pafferent heureufement , on en continua l'ufage
jufqu'à la fin de la maladie.
55. Agée de 35. ans , d'un bon temperament
& fort replete,cut de violens maux de reins,la tête
14 Vol
CxDECEMBRE
. 1730. 2867
extrémement pefante & la fievre forte ; on fit 4.
grandes faignées du pied les deux premiers jours ;
le 4. il fallut réiterer quelque moderation
donna lieu à l'émetique en lavage ; après l'évacuation
la petite Verole fortit confluante ; il reftoit
encore de la pefanteur à la tête ; on inſiſta
fur les boiffons émetifées qu'il fallut aider plus
d'une fois par des Ptifannes laxatives & les lavemens
jufqu'au 14. de l'éruption .
Voilà,Madame,un Extrait bien fidele du Journal
de nos Malades ; j'y ai trouvé qu'en 3. mois nous
avons fait près de 500. faignées du pied , &
donné environ 2000. grains de Tartre émetique ;
à la verité je comprens toujours dans nos petites
Veroles , les fievres du même tems , parce qu'excepté
les boutons , c'étoit le même caractere , &
qu'on y a employé les mêmes fecours ; j'en citerai
feulement une des plus fortes pour exemple.
>
Mle *** âgée de 18. ans , avoit de l'embonpoint
& des couleurs vives , toutefois fujette aux
maux de tête ; elle tomba dans un grand accablement
la fievre étoit forte & la pefanteur de tête extrême
, elle avoit des maux de reins,des envies de
vomir & un fond d'oppreffion ; on la faigna 5 .
fois du pied les deux premiers jours ; le 3, un peu
de modération fit tenter l'émetique en "lavage
mais inutilement ; la fievre augmenta , on réïtera
la faignée le foir ; le 4. il y eut du mieux ; on
revint à l'émetique , on y joignit le fecours des
lavemens ; on continua le 5. le 6. & le 7. la pefanteur
de tête diminuoit à mefure des évacuations
. Du 8. au 9. la fievre devint plus forte , la
tête fe prit totalement ; on apperçut quelques
mouvemens convulfifs ; il fe répandit un engourdiffement
abfolu fur tout le côté droit ; on fit
2. faignées du pied à peu de diſtance; la fievre ſe
modera , & on revint à l'émetique en lavage ; les
II. Vol.
éva- E iij
2868 MERCURE DE FRANCE
évacuations foutenues pendant plufieurs jours
diffiperent enfin les accidens , & là convalefcence
commença vers le 20 .
Notre Medecin avoit extrémement fimplifié
notre travail , la boiffon étoit l'eau naturelle ; on
la faifoit tiédir lorfque les malades étoient dans
la moiteur ; la nourriture , un bouillon fort fimple
que l'on fuprimoit les premiers jours , & méme
dans le cours de la maladie , lorfque les accidens
étoient violens. On changeoit les Malades
de linge & de lit dans tous les tems de la maladie,
lorfqu'elles en avoient befoin. Il n'y avoit ni plus
de couvertures , ni plus de feu dans les Infirme
ries que pendant les autres maladies . Les lavemens
étoient d'un ufage journalier. Quelque narcotique
, du Lilium dans les fyncopes fortes , nul
remede exterieur pour préferver les Malades de
l'impreffion que cette maladie laiffe ordinairement,
perfuadez qu'ils font inutiles, & que c'eft du caractere
du fang que dépend cette impreffion,du refte
la faignée & l'émetique. On adopte fans peine
une pratique aufli fimple, fur tout lorfqu'elle eft
fuivie d'un fuccès auffi heureux . Il paroiffoit difficile
à croire à ceux qui n'en ont pas été témoins.
De plus de 125. Demoifelles, il n'en eft pas inort
une feule , & de 7. Religieufes & une Soeur , nous
n'en avons perdu qu'une , plus encore par fes
grandes infirmitez & fon âge avancé , que par la
maladie courante qui ne put pas fortir
J'avoue qu'il y a des années où la petite Verole
n'eft pas meurtriere, & qu'elle feroit peu de ravage
, quand même on n'y donneroit aucun fecours;
mais celle-cy étoit bien differente , l'excès où l'on
a été obligé de porter la faignée du pied & les autres
évacuations dans la plupart des Malades , ne
prouve que trop fa violence. Dans le Village de S.
Cyr,où cette maladie étoit en même tems répan-
II. Vol
duë ,
DECEMBRE . 1730. 2869
2
due , & fans autre fecours que celui qu'admet le
préjugé, on a perdu un grand nombre de Malades;
or fi la petite Verole a fait beaucoup de defordre
dans un Village où la jeuneffe jouit d'une forte
fanté , parce qu'elle vit dans une liberté entiere
quel ravage n'auroit-elle pas fait avec de fi foibles
fecours dans une Maifon où un grand nombre
de Demoifelles raffemblées dès leur enfance , vi
vent dans une grande régularité & dans une con
tention d'efprit perpetuelle à remplir leur devoir,
on parconfequent les meilleures fantez ne font pas
fans nuage, & parmi lesquelles il y en a beaucoup
d'infirmes ?
Mais s'il a fallu porter les évacuations auffi
loin dans des perfonnes qui menent une vie fimple
, que ne faudrait - il point faire dans celles
dont le fang nourri d'excès & de Liqueurs fpiritueufes
eft toujours prêt à s'enflammer ?
Ce n'eft pas pour faire valoir nos foins que
fais ici ces Reflexions , c'eft uniquement pour
détruire la prévention où prefque tout le monde
eft de croire que l'émetique & la faignée font
d'un ufage dangereux , fur tout lorfque la petite
Verole eft fortie. Je vous avoue que je fuis indi
gnée contre moi- même d'avoir penfé de la forte
autrefois , revenue de mon erreur , je ne laiffe
paffer aucune occafion d'écrire ou de parler des
prodiges que la faignée & l'émetique ont operez
chez nous dans cette maladie. Je fuis bien affurée
que vous ne trouverez pas l'expreffion trop forte,
fi vous vous faites une idée qui approche de la
réalité fur les horreurs où nous nous fommes
trouvées. Il y a eu des nuits où nous avions 5. à
6.Malades à tel point d'extrémité, qu'on n'auroit
ofé répondre de la vie d'aucune pour quelques
heures. Il nous eft arrivé plus d'une fois d'abandonner
une Malade avec la veine ouverte dans
II. Vol. Ejuj l'eau
2870 MERCURE DE FRANCE
l'eau pour courir à une autre qui tomboit dans
an accident plus brufque. Nous ne manquions
pas alors de propofer à notre Medecin d'employer
une quantité de remedes vantez pour cette malaladie
, comme la Poudre de la Comteffe , le Befoard
, la Poudre de Vipere , le Sang de Bouquetin
, &c. mais il nous répondoit froidement que
´ces cas là étoient trop férieux pour s'en tenir à
des amufemens. Les Vefiçatoires furent rejettez ,
même en nous difant leur effet étoit d'entreque
tenir & de fondre le fang , deux écueils les plus
redoutables dans cette maladie.
Je crois n'avoir pas befoin de vous dire que ce
récit eft d'une grande exactitude , je fuis perfuadée
que vous n'aurez aucun doute fur cela ; mais comme
vous pouriez le faire lire à d'autres perfonnes ,
& que je fuis bien aife que le parti de la verité ait
de la force , j'ai prié Mefdames de Garnier , de
Vaudancour , de Montchevreuil , d'examiner s'il
ne me feroit point échappé d'alterer ou de groffir
quelque circonftance , & d'y mettre leurs fignatures
, fi elles le trouvoient dans une exacte verité.
Leur témoignage doit faire foi , puifque les deux
premieres ont foutenu le fort du travail en qualité
d'Infirmieres principales , & que la troifiéme partageoit
avec moi les foins de l'Apoticairerie . J'ai
l'honneur d'être , &c. Signé , Soeurs de Garnier.
De Vaudancour. De Montchevreüil. De Texier.
AS. Cyr , ce 30. Août 1730.
de lui communiquer une Lettre qui nous
eft tombée entre les mains ; elle eft d'une
Religienfe de S. Cyr , qui rend compte à
une de fes amies , de la conduite qu'on a
tenue dans la petite Vérole , dont cette
Maifon a été affligée cette année. Nous
aurions fouhaité pouvoir la donner en
entier; mais comme il n'étoit pas poffible
de la renfermer dans un feul volume
nous nous fommes déterminez à retrancher
de cent trente articles qu'elle contenoit
ceux qui étoient les moins interreffans.
1
L eft aifé de voir par votre Lettre, MADAME ,
qu'on ne nous a point épargnées dans le Public
fur la conduite que nous avons tenue dans la
petite Verole , dont notre Maiſon vient d'être
accablée . On nous blafme fur tour de n'avoir pas
féparé du reste de la Maifon celles qui en ont été
attaquées. Des perfonnes refpectables , dites -vous,
nous accufent de témerité & d'imprudence . Le
reproche auroit fans doute été plus loin , fi l'on
avoit fçû le traitement, avant que d'être informé
du fuccès. Je vais vous rendre compte de ce qui
s'eft paffé chez nous dans cette occafion ; ce fera
un expofé fimple de notre conduite. Vous y
verrez la maniere dont on a penfé fur la crainte
de gagner la petite Vérole , les moyens dont on
s'eft fervi pour la détruire;les obſervations qu'on
a faites , l'ordre qu'on a gardé dans les Infirmeries,
l'état des malades & les remedes qu'on a em-
LI, Vol. ployez
DECEMBRE. 1730. 2841
ployez. L'efperance de nous juftifier du moins
auprès de vous , me fait entreprendre ce détail.
Les preuves que j'ai de votre amitié pour notre
Mailon & de votre indulgence pour moi , achevent
de m'y déterminer ; je ne vous écrirai que
des faits ils fuffiront pour les perfonnes équitables
& fenfées .
Au commencement de cette année nous eûmes
à S. Cyr quelques Fiévres malignes . Vers les
premiers jours de Février , il parut tout à coup
quatorze petites Véroles. L'effroi fe rendit auffitôt
dans la Maiſon. Madame la Superieure confulta
le Medecin , fur le parti qu'il y avoit à
prendre , en prefence des Infirmieres & de plufieurs
autres Religieufes. Le temps feul , nous
dit-il , ou la conftitution particuliere de l'air
difpofe infenfiblement les liqueurs à produire la
petite Vérole , bien- tôt l'experience vous convaincra
que cette caufe agit également fur toutes
les perfonnes qui habitent le même lieu ; que la
fréquentation des malades n'y a aucune part , &
qu'il est bien plus fage de ne point féparer les
malades , & de ne mettre aucune difference dans
leur fervice. Il ajouta pour celles qui étoient
chargées du foin des Infirmeries , que l'ancienne
méthode de donner des cordiaux & de procurer
une chaleur exceffive aux malades , étoit meurtriere
, que l'Emétique & la Saignée étoient prefles
feuls fecours fur lefquels il y eut à compter
, & que dans les cas preffans , il faudroit y
recourir , pour ainfi dire , fans nombre & fans
mefure.
que
Un pareil difcours , de tou autre , nous auroit
paru fort étrange ; mais comme il nous eft atta
ché depuis plufieurs années , & qu'il a notre confiance
, fa maniere de penfer fut notre regle. On
laila les malades enfemble , & tout le monde
II. Vol com- Dij
4
2842 MERCURE DE FRANCE
cominença à fe raffurer . Dix- huit ou vingt jours
s'écoulerent & la convalefcence de nos malades
s'avançoit , lorfqu'il nous furvint en moins de
trois jours près de cinquante petites Véroles.
L'inquiétude vint , mais nous trouvâmes dans
cet évenement même de quoi la diffiper. 1. Prefque
aucune des dernieres malades , n'avoit eu de
communication avec les précédentes . 2. Nos Infirmieres
auffi - bien que Madame la Superieure ,
qui partageoit leurs travaux , étoient préfervées
au milieu des malades , quoique la pluſpart n'euffent
point en la petite Vérole.Ces deux faits diffiperent
nos préventions , & l'expérience du paffé
nous rendit cette vérité plus fenfible.
L'ancien ufage de la Maiſon étoit de ſéparer
les malades au moindre foupçon de petite Vérole
; malgré cette précaution,nos Journaux font
foy , qu'il n'y avoit pas moins de malades , &
nous fçavons par le témoignage des anciennes ,
que celles qui avoient le plus d'attention à fuír le
danger , étoient ordinairement plutôt attaquées
que les autres,
Mais fi la chofe étoit alors égale pour le nombre
, lorfque la communication étoit févérement
interdite , il n'en étoit plus de même pour les inconveniens.
La féparation jettoit dans les malades
qu'on tranfportoit un effroy inévitable , qui
en augmentoit infiniment le danger. C'étoit au
commencement de l'éruption qu'on les changeoit
de lieu ; moment précieux pour agir &
qu'on ne retrouve quelquefois plus dans le cours
de la maladie ; ( on fçait à quel point la crainte
ralentit le mouvement du coeur , & qu'elle donne
occafion à l'air d'agir fur les liqueurs avec plus
de force ) d'ailleurs , au milieu de la confternation
, le fecours manque , peu de perfonnes ont
affez de courage pour folliciter les malades , &
LL. Vol.
nc
DECEMBRE. 1730. 2843
ne le font qu'en tremblant. La Maiſon regrette
encore les funeftes fuites & la féparation à laquelle
on étoit autrefois affervi.
Affranchies de bonne heure des préjugez ordinaires
, nous fûmes en état d'examiner les differens
momens qui fe paffoient dans nos petites
Véroles , & de les comparer aux veritez que
nous avions déja apperçues. Notre Medecin nous
les dévelopoit d'une maniere fi fimple, que nous
étions à portée de les entendre. Elles ont tant de
rapport entr'elles qu'elles forment une démonftration
pour les perfonnes qui aiment à voir
clair.
;
Pendant trois mois que la petite Vérole a regné
à S.Cyr , nous n'avons pas eu une feule maladie
d'une autre nature les fantés délicates
étoient plus fermes , quelques perfonnes qui
avoient eu déja la petite Vérole , font venues à
l'Infirmerie avec des maux de Coeur , des douleurs
de reins , une pefanteur de Tête & la Fiévre
vive ; tous ces accidens ont ordinairement
diminué du 3 au 4, & le refte de la maladie a été
fi conforme à la petite Vérole, que quoi qu'il n'y
ait point eu d'éruption , nous n'avons pas douté
que ce ne fut une vraye Fiévre de petite Vérole.
On ne pouvoit les diftinguer au commencement
que parce que la malade avoit eu déja la petite
Vérole ; car il eft prefque fans exemple que quelqu'une
dans la maiſon l'ait euë veritablement
deux fois .
Toutes nos malades en general ont rendu une
Bile extremement verte dans les petites Véroles
dans les Fiévres du même caractere , dans les
convalefcences , dans les perfonnes qui ont été
purgées par précaution ou après des chutes ; nous
avons toujours remarqué le même caractere
d'humeur. Dès que le temps changeoit, nous re-
11. Vol.
Diij mar2844
MERCURE DE FRANCÈ
marquions du changement dans nos petites Véroles
, & lorfque le vent tournoit bruſquement
au Nord ,
ordinairement les accidens reparoiffoient
ou devenoient plus preffans.
De plus de vingt perfonnes qui ont rempli les
diverfes fonctions de l'Infirmerie , dont plus de
la moitié n'avoient pas eu la petite Vérole , une
feule en a été attaquée , encore par un effet viſible
de la frayeur ; car ce fut à la fuite d'un Difcours,
fur la crainte de gagner cette maladie , dont elle
fut fi vivement faifie, qu'elle tomba ſur le champ
dans des
friffonnemens qui ne cefferent que par
l'éruption.
Raffemblons ces faits & convenons du vrai,
Puifqu'il n'y a eu aucun autre genre de maladie
à S. Cyr pendant plus de trois mois que la
petite Vérole y a régné ; puifque toutes les
fonnes de la Maiſon qui ont été purgées dans
perquelque
circonftance que ce fut , ont rendu une
bile
extrémement verte; puifque les
changemens
de temps, en ont régulierement produit dans nos
malades ,, que d'ailleurs les perfonnes écartées des
malades , en ont été par proportion moins ga-
Tanties que celles qui en approchoient, & ces faits
conftament obfervez dans une
Communauté de
près de quatre cent perfonnes ; où l'on a compté
130 malades ; il faut
neceffairement reconnoître
une caufe generale dans l'air ,
de cette maladie , & avouer que la
fréquentation , pour feul principe
des malades n'y a aucune part.
Les differentes époques de petite Vérole qu'a
eues notre Maiſon , font voir qu'elle attaque plus
de perfonnes àproportion qu'il s'eft écoulé plus de
temps fans qu'elle y ait paru. En 1715. nous en
eûmes près de cent ; il n'y avoit alors pas plus de
quatre ans que nous en étions exemtes. Depuis il
n'en a pas paru à S. Cyr , & la Maiſon s'eſt preſ-
11. Vel.
que
DECEMBRE 1730. 2845
que entierement renouvellée; ainfi il n'eft pas furprenant
qu'en dernier lieu , le nombre de nos
malades ait été plus confidérable .
Nous remarquâmes dès les premiers temps que
celles qui n'avoient pas été faignées & purgées
dans le commencement de leur maladie , avoient
une fupuration & une convalefcence plus difficiles.
Dans la fuite on a d'abord employé ces fetours
, pour peu que la Fiévre fut forte , & on
prenoit foin de faire les faignées fort grandes
pour ne pas effrayer le nombre ; très- fouvent des
petites Véroles qui s'annonçoient par les accidens
les plus effrayans , prenoient un caractere heureux
après trois ou quatre faignées du pied , brufquement
faites , & d'amples évacuations , procurées
par l'Emétique .
Je viens à l'état de nos malades , je ne m'arreterai
point fur les accidens ordinaires , ni fur la
figure des boutons à laquelle notre Médecin ne
faifoit aucune attention à moins qu'ils n'euffent
difparu. Vous verrez par les partis qu'il a pris
dans les cas particuliers , que le feul dégré de la
Fiévre , comparé avec l'état du cerveau , a toujours
déterminé fa conduite. Pour éviter la confufion
& n'être point obligée de citer l'âge de
chaque Demoiselle , je fuivrai l'ordre des Claffes.
Comme il fera neceffaire de parler de leur temperamment
, j'ai cru devoir me difpenfer de vous
marquer leurs noms. Les Demoifelles Noires font
dans leur vingtiéme année ; les Bleues ont depuis
dix-fept jufqu'à vingt ans ; les Jaunes depuis quatorze
jufqu'à dix fept ; les Vertes , depuis onze
jufqu'à quatorze , les Rouges , depuis fept jufqu'à
onze.
Demoiselles NOIRES . 19. Infirme , quoique replette
, & fe plaignant d'une douleur habituelle
au côté droit , eut une Fiévre affez forte , des
II. Vol. D iiij maux
2846 MERCURE DE FRANCE
maux de reins & une pefanteur de tête . Elle fut
faignée du pied le 1 & le 2 jour , & le 3 abondamment
purgée avec l'Emétique. Immédiatement
après la petite Vérole parut en petite quantité.
Dans la fupuration , un mal de gorge
étouffement confiderable donnerent de l'inquiétude.
Une troifiéme faignée du pied la diffipa.
& un
2º. D'une forte conftitution , eût la Fiévre
très-vive,un grand accablement, la poitrine ferrée
& un mal de tête des plus violens. En quatre jours
elle fut faignée huit fois du pied. Le cinquiéme
on donna l'Emétique en lavage , qu'on continua
plufieurs jours. Les accidens diminuerent par ces
évacuations ; mais la convalefcence avoit de la
peine à fe montrer. Vers le 20. à la fuite d'un
mouvement de Fiévre plus fort & d'une augmentation
de mal de tête , la petite Vérole fe declara.
Comme elle ne parut pas confidérable par la
quantité,& que les accidens fe calmerent , on ne
fit rien jufqu'au temps de la fupuration , qu'on
fut obligé de purger la malade,& de foûtenir l'évacuation
à caufe d'une bouffifure confidérable
& que la tête redevenoit pefante.
30. Tres-infirme depuis long-temps, & épuisée
par beaucoup de maladies , eut la Fiévre & une
pefanteur de tête confidérable. On la faigna du
pied le 1 & le 2 jour. Le 3 il furvint un dévoiement
fereux ; on purgea la malade avec deux
grains de Tartre émétique , qu'on réitera le lenlemain.
L'éruption fe fit , & le refte de la maladie
fe paffa fans accidens , quoique la petite Vérole
fut fort abondante & prefentât un mauvais
aspect.
4°. D'une bonne fanté , tomba dans un accablement
profond , la Fiévre étoit forte & la tête
prife ; on lui tira d'abord fix paletes de fang du
pied. La faignée fut réiterée le ſoir , dans la nuit
II. Vel. &
DECEMBRE. 1730. 2847
& le lendemain , le troifiéme jour il furvint une
perte abondante ; la petite Vérole fortit en médiocre
quantité , la Fiévre & les accidens furent
plus moderés , le 2 , le 3 & le 4 de l'éruption.
Les , la perte ceffa, le tranfport devint plus violent
& fut accompagné de convulfions . În tenta
quatre grains de Tartre émétique en lavage ,
qu'on réitera fans fuccez. La Fievre ayant redoublé
du 5 au 6 , on réitera la faignée du pied ; il falut
encore y revenir le lendemain une fixiéme &
feptiéme fois, enfuite les boiffons émétiſées qu'on
fut obligé de changer jufqu'à en confommer
plus de trente grains en 24 heures , & d'y joindre
les Ptifannes laxatives. Il fallut continuer les
évacuations jufqu'au 18 de l'éruption , à cauſe de
la pefanteur de tête qui fe renouvellois ; des Symcopes
dans le temps des convulfions firent recourir
au Lilium deux fois . Il eft à remarquer que
fur la fin , lorfque le tranfport ceffoit , la vue
reftoit éteinte, & que la malade fe plaignoit d'une
péfanteur , & d'un froid infuportable à la tête
enfin tous les accidens difparurent & la malade
revint en convalefcence.
;
5º. D'un temperamment robufte , fa maladie
commença par une Fiévre forte , avec des redoublemens
fréquens , des maux de reins & une
grande pefanteur de tête ; on la faigna du pied.
La nuit il y eu du tranſport ; on réitera la faignée
la même nuit , & le lendemain ; le 3 il y eut
du relâche dans la Fiévre ; on jetta fix grains de
Tartre émétique fur la boiffon ; l'évacuation fut
ample , la petite Vérole fortit confluante, les accidens
& la Fiévre diminuerent, la liberté du ventre
fut foûtenue par une boiffon émétiſée. Du 4
aus de l'éruption , la Fiévre devint plus forte ,
la gorge & la tête enflerent fi prodigieufement ,
qu'il fallut faire deux faignées dupied ; on char-
>
II. Vol: D Y gea
2848 MERCURE DE FRANCE
gea enfuite davantage les boiffons émétifées, l'é
vacuation diffipa les accidens. La nuit du 10 au
1 la tête devint plus pefante & la gorge plus
ferrée. On revint aux évacuations , qu'on continua
jufqu'à la convaleſcence.
6º. Délicate , fentit d'abord du mal aux reins
& à la tête, avec peu de Fiévre , on la faigna du
pied. La nuit fuivante la fiévre devint forte , le
poux paru embarraffé ; on réitera la faignée du
pied deux fois , la fiévre & le mal de tête ayant
diminué , le 3 on la purgea avec l'émétique
abondamment ; à l'entrée du 4 la petite Vérole
fortit confluante , la fiévre diminua confiderablement.
Du 3 au 4 de l'éruption , la gorge fut
tres douloureufe , la tête enfla exceffivement , il
furvint une forte hémoragie , la tête étoit embaraffée
, on revint à la faignée du pied , qu'ilfailut
réiterer jufqu'à la fixième fois , alors l'hémoragie
ceffa , & les autres accidens diminuerent ; on
chargea les boiffons d'émétique , & on les continua
jufqu'au 14 de l'éruption , que tous les
accidens difparurent.
I
7. D'une affez bonne fanté , eut des maux de
reins & de tête , & la fiévre affez forte ; on la
faigna du pied le 1 & le a jour , le 3 elle fut purgée
avec l'émétique en lavage . La petite Vérole
fortit le 4, en médiocre quantité , la fiévre & les
accidens tomberent dans la fupuration, la tête devint
fort lourde , la fiévre étoit forte , on réitera
la faignée du pied jufqu'à la quatrième fois , on
y joignit les boiffons émétifées , & tous les accidens
cefferent.
Demoiselles BLEUES. 8. Languiffantes. de pâles
couleurs depuis long - temps , avoit effuie une
diffen rie extrême , pour laquelle on l'avoit faignée
8 fois, dont elle étoit à peine rétablie, tomba
dans un profond accablement , avec des élan
11. Vola cemen
DECEMBRE. 1730. 2849
cemens à la tête & une fiévre fi vive , qu'il fallut la
faigner 3 fois du pied le mêmejour. Le lendemain.
le poux s'étant un peu relâché, on tenta un lavage
de Tartre émétique; les élancemens de tête qui augmentoient,
obligerent de l'interrompre. A la fin
du 3 la petiteVérole fortit confluante,la fiévre& les .
accidens diminuerent fort peu. Le 3 de l'éruption
la petite Vérole n'avoit prefque point fait de progrès
, on revint à la faignée du pied , les boiffons
émétifées pafferent. La petite Vérole fit du progrès
& il y cut plus de modération dans les accidens
jufques au 6. La nuit fuivante la fiévre devint
plus forte , les élancemens à la tête furent
extrêmes , on la refaigna 2 fois du pied & les
boiffons émétifées furent continuées plufieurs
jours de fuite. La convalefcence ne fe montra que
yers le 17. Il y eut plufieurs Sincopes dans le
cours de la maladie qui firent recourir au Lilium.
9. Sujette à de fréquents éréfipelles à la tête
fentit tout à coup un violent mal de tête,il parut
une difpofition éréfipélateufe au vifage. La fiévre
devint quarte , la malade fut faignée du pied les
a premiers jours ; le 3 il y eut du relâche , on
lui donna 4 grains de Tartre émétique en lavage,
l'évacuation fut abondante & produifit un calme
de trois jours ; la fiévre fe ralluma, le mal de tête
& les élancemens furent extrêmes ; on revint à la
faignée du pied 2 fois le même jour . Le lendemain
la petite Vérole fe déclara en médiocre
quantité , avec une difpofition éréfipélateuſe ; la
fiévre & les accidens perfifterent. Comme il n'y
avoit point de diminution le 3. de l'éruption , on
la faigna , on jetta quelques grains de Tartre
émétique fur les boiffons ; malgré ce fecours ,
aídé des lavemens , les élancemens à la tête & la
fiévre augmenterent à un point , qu'il fallut la
11. Vol. D vj refai
2850 MERCURE DE FRANCE
refaigner dans le temps de la fupuration une fixiéme
& feptiéme fois du pied , & entretenir les
boiffons émétifées jufqu'au is de l'éruption que
l'état de la malade fut affuré.
10. D'un temperament robufte , avec de l'embonpoint
, eut une fiévre forte , de grands maux
de reins & la tête extrêmement pefante ; on la
faigna 2 fois du pied le 1 jour ; dès le fecond la
petite Vérole parut confluante ; la fiévre & les
autres accidens ne diminuerent prefque point;les
boutons ne faifoient aucun progrès . On réitera
la faignée du pied le 1 & le 2 jour de l'éruptions
il y eut quelque relâche. Les boiffons furent égui
fées par le Tartre émétique , mais une perte
abondante qui furvint , obligea de le fufpendre.
Le même état continua jufqu'au temps de la fapuration
que la fiévre devint plus vive , avec
des feux à la tête & un gouflement prodigieux .
On réitera deux fois la faignée du pied; on chargea
les boiffons de Tartre émétique , quoique la
perte continua. Les premieres évacuations firent
ceffer la perte & modererent les autres accidens ;
il fallut infifter fur la liberté du ventre pour
combattre la pefanteur de tête , juſqu'au 16 de
l'éruption que la convalefcence parut.
11. Peu forte , tomba dans un grand affou
piffement ; la fiévre & l'accablement étoient confiderables.
Les deux premiers jours elle fut faignée
du pied 3 fois. Le 3 , il y eut quelque degré
de moderation dans la fievre ; on tenta l'émetique
en lavage ; mais comme les accidens
augmentoient , il fallut l'interrompre & revenir
à la faignée du pied . La petite Verole fortit le
4 , la fievre fut plus moderée. Le 4 de l'éruption
on tenta de nouveau les boiffons émétifées ; la
fievre devint plus forte ; on les fufpendit ; on fit
une cinquiéme faignée du pied à l'entrée de la
II. Vola ſup
DECEMBRE. 1730. 2851
.
fupuration ; alors les boiffons émétifées pafferent
; on les continua juſqu'à la fin de la maladie,
parce que la tête redevenoit pefante dès que le
ventre ceffoit d'aller.
12. D'une bonne fanté , fut prise d'une fievre
qui augmentoit par redoublement , accompagnée
de maux de reins & d'une violente douleur de
tête. Les 2 premiers jours on la faigna 3 fois du
pied. Le 3 & le 4 on effaya le Tartre émetique
en lavage , fans prefque aucun fruit ; les , la petite
Verole fortit très- abondante , & en mêmetemps
il furvint une pcrte ; la fievre ſe ſoutint .
Le z de l'éruption , la tête fut priſe ; on revint à
la faignée du pied . Les accidens ayant augmenté
à l'entrée de la fuppuration , on fir une cinquiéme
faignée du pied , & on jetta, malgré la perte,
quelques grains de Tartre émetique fur la boiffon.
Ôn continua les évacuations , jufqu'à ce que tous
les accidens euffent entierement diſparu.
2
13. D'un bon temperament , eut une fievre &
un mal de reins , des élancemens à la tête violens
qui obligerent de la faigner 3 fois du pied les 2
premiers jours. Le 3 on chargea la boiffon de
Tartre émetique ; la petite Verole fortit pendant
l'évacuation & fut affez abondante , mais la
fievre perfifta . Le 3 de l'éruption elle devint plus
forte , la tête s'embaraffa , on recourut à la faignée
du pied, & on la réitera pour la cinquième
fois dans la fupuration , parce que l'embaras de
la tête fubfiftoit , & qu'il y avoit une tenfion generale.
Les boiffons émetifées pafferent avec le
fecours des lavemens enfuite , & il fallut foutenir
les évacuations jufqu'au 14. de l'éruption .
14. D'une forte fanté , eut une fievre & un
mal de tête fort vifs ; les 2 premiers jours , elle
fut faignée 3 fois du pied ; le 3 purgée avec l'émetique
, immédiatement après la petite Vérole
II. Vol
fortit
2852 MERCURE DE FRANCE
fortit abondamment; il reftoit encore de la fieyre.
Le 3 de l'éruption , la tête devint fort pefante ;
on revint à la faignée du pied & on éguifa les
boiffons de Tartre émetique , jufqu'à la conva¬
lefcence , pour empêcher que la tête ne s'embaraffât.
Le 4,
་
15.Bien conftituée, eut d'abord une fievre tres- violente
avec des élancemens à la tête & un faigne.
ment de nez confiderable. On la faigna 3 fois du
pied la même nuit . Il parut le lendemain quelque
modération dans la fievre & dans les accidens.On
tenta l'émetique en lavage , qu'on continua le 3 .
la petite Verole fortit en médiocre quan→
tité,mais elle fut accompagnée d'une oppreffion &
d'un fond d'affoupiffement ; la fievre étoit affez
forte ; on revint à la faignée & à l'émetique.L'abondance
des évacuations procura de la modération
dans les accidens jufqu'au 5. La nuit du 5 au
6 , les boutons rentrerent , & à leur place parut
un Eréfipelle univerfel. La fievre & l'affoupiffement
devinrent plus forts ; la tête ſe prit , le poux
étoit embaraffé , ou réitera la faignée du pied 2
fois à peu de diftance ; quelques heures après on
revint à l'émetique en lavage , on foutint les évacuations
par des Prifannes laxatives. Dans le tems
des évacuations il furvint une Syncope fi forte ,
qu'on fut obligé de recourir au Lilium .La petite
Verole reprit fon cours , les accidens fe modererent
, on continua les évacuations juſqu'au 14 de
P'éruption que tous les accidens furent calmez.
16. Délicate , eut une fievre affez forte , un faignement
de nez , & la tête extrêmement lourde .
Le 1 jour elle fut faignée 2 fois du pied ; la petite
Verole fortit le 2 abondante, entremêlée de marques
pourprées. Le 3 , on employa les boiffons
émetifées , l'évacuation modera les accidens. La
fievre fe foutenoit , elle augmenta vivement du s
IL, Vol.
au •
9
DECEMBRE. 1730. 2853
au 6 de l'éruption ; la tête fe prit , on réitera la
faignée du pied la nuit & le lendemain pour la
cinquième fois. Enfuite on continua les boiffons
émetifées , qu'il fallut foutenir jufqu'au 14.
17. Très-forte , tomba dans un accablement
profond , la tête prife , des convulfions & des
fyncopes ; la fievre étoit forte , le poux embaraffé
.Ces accidens augmenterent à tel point qu'on
fut obligé de faigner la malade du pied , f fois
en moins de 30 heures ; enfuite l'émétique en lavage
, qu'il fallut aider par les lavemens & des
ptifannes laxatives; on infifta fur l'émétique for
tement ; à la fin le ventre ſe déboucha , l'évacuation
fut foutenuë , & la nuit du 3 au 4 la petite
Verole fortit abondamment , les accidens fe calmerent
, & la maladie finit fans autre fecours
qu'une boiſſon émetifée , aux aproches de la fupuration
, parce que la tête redevenoir pefante.
Damoifelles JAUNES. 18. D'une bonne fanté..
Sa fievre marqua d'abord entiere ; au troifiéme
accès elle devint continuë ; la douleur de tête étant
devenue forte , on la faigna du pied ; il fallut réiterer
la nuit & le lendemain. On purgea la ma→
lade avec l'émetique , l'évacuation fut abondante
, & fuivie d'un relâchement prefque entier.
Trois jours fe pafferent dans le même calme. La
petite Verole parut le quatriéme en médiocre
quantité & fans accidens , le 4 de l'éruption les
boutons difparurent, la fievre fe railuma , la tête
fut prife avec de violents étouffemens ; on revint
à la faignée du pied , qu'on repeta 3 fois à peu de
diftance. Toute l'habitude du corps étoit devenue:
érefipelateufe. Le 6 , la malade fouffroit exceffivement
, il fallut faire une e faignée du pied..
Quelques heures après on chargea la boiffon de
Tartre émetique , la tenfion érefipelateufe dimi
nua ; les boutons reprirent corps , on foutint les
Io. Vola
éva
2854 MERCURE DE FRANCE
évacuations jufqu'au 17 de l'éruption pour def
fendre la tête qui fe reprenoit de tems en tems.
19. La poitrine délicate , parut fort afſoupie
avec une fievre ardente ; on la faigna 2 fois du
pied le même jour ; dès le foir il parut quelquesboutons
, fans que les accidens euffent diminués ;
la peau devint pourprée ; on revint à la faignée
du pied le 2 , & le 3 la petite Verole ne faifoit
aucun progrès , & les accidens avoient fort peu
relâché. Les de l'éruption, la fievre augmenta, on
fit une se faignée ; il furvint un vomiffement
que l'on foutint par une boiffon émetifée. Les
accidens fe calmerent , on continua la même
boiffon le refte de la maladie.
20. D'une grande délicateffe , fut prise d'un
mal de tête & d'une fievre fi forte , qu'on fut obligé
de la faigner cinq fois du pied les deux premiers
jours. Le 3. il y eut de la modération
on mit trois grains de tartre fur la boiſſon. A
la fuite de l'évacuation , la petite Verole fortit
& tous les accidens tomberent .
21. D'une forte fanté , eut la fievre , des maux
de coeur & une pefanteur de tête confiderable.
Le premier jour on la faigna deux fois du pied.
Dès le fecond la petite Verole fortit très- abondante.
La pefanteur de tête continuoit : on chargea
les boiffons de tartre émetique qu'il fallut
continuer toute la maladie , & les foutenir par
des ptifanes laxatives ; car dès que le ventre ceffoit
de couler , la pefanteur de tête augmentoit.
L'état de la malade ne fut certain que vers le 14.
de l'éruption .
22. D'un temperament délicat , avoit une fievre
vive & des redoublemens fréquens. La tête étoit
menacée ; on la faigna du pied quatre fois les
deux premiers jours. Le la 3 on purgea avec
l'émetique en lavage ; l'éruption fe fit. L'embardda
Vol
ras
DECEMBRE. 1730. 2855
ras de la tête continuoit encore le 3. de l'éruption
; on fit une cinquiéme faignée du pied ; l'émetique
en lavage fut repeté chaque jour juſqu'
la fin de la maladie .
que
23. Foible , fe plaignoit d'un grand mal de
tête , quoique la fievre ne fut pas forte. Une faignée
du pied calma cette douleur pendant deux
jours. Le 3. elle eut un tranfport & un étouffement
violent fans la fievre fut beaucoup augmentée
; on fit une feconde & une troifiéme faignée
du pied , & enfuite l'émetique en lavage.
La petite Verole fe déclara à la fin de l'évacuation
; mais fon progrès fut lent , la tête demeura
embaraffée , on réitera chaque jour l'émetique
en lavage. Le 6. de l'éruption le poux parut embaraffé
, le tranfport étoit plus violent , & la tête
avoit prodigieufement enflé ; on fit une cinquié
me faignée du pied qui produifit un relâchement)
fenfible. On infifta fur les évacuations , & tous
les accidens fe calmerent.
24. Bien conftituée , eut des élancemens à la
tête , & une fievre vive qui augmentoit à differentes
heures . Les deux premiers jours elle fut
faignée du pied trois fois. Le 3. il furvint un af
foupiffement , un tranfport & des étouffemens
fréquents ; on fut obligé de réiterer la faignée'
du pied deux fois ; il falut y revenir le lendemain
pour la fixième fois , enfuite l'émetique en lavage
; comme elle avoit de la peine à pouffer , on
eut recours aux ptifannes laxatives. Après deux
jours d'évacution la petite Verole fortit , & tous
les accidens tomberent.
25. D'une fanté foible , eut la fievre & mal à
la tête pendant près de huit jours fans fe plaindre
; alors la fievre & le mal de tête ayant augmenté
, elle fut faignée trois fois du pied en deux
jours , & purgée enfuite avec l'émétique en la-
II. Vol. vage!
2856 MERCURE DE FRANCE
vage. Le furlendemain la petite Verole fe déclara
; commè les accidens réfiftoient encore , on
continua les boiffons émetifées jufqu'à la fin de
la maladie .
26. D'une bonne conftitution ,fut prise d'un vo .
miffement & d'un accablement confiderable . La
fievre étoit forte , & marquoit par redoublemens .
Elle fut faignée trois fois du pied les deux premiers
jours ; le 3 purgée avec l'émetique en
lavage , la petite Verole fortit abondamment , les
accidens fe modererent. A l'entrée de la fuppuration
, la malade tomba dans une fincope qui
fut fuivie de mouvemens convulfifs & d'une
falivation abondante. Comme la fievre n'avait
pas augmenté à proportion des accidens , on fe
contenta de revenir au tartre émetique dont il
fallut aider l'effet par les ptifanes laxatives. Dès
que les évacuations diminuoient , il furvenoit des
étouffemens , ce qui obligea de les continuer juf
qu'au quatorze de l'éruption.
1. A
27. D'une bonne fanté , eut une fievre forte ,
accompagnée d'un point fixe dans les reins ,
d'un faignement de nez & d'une douleur de tête
infuportabie. On la faigna quatre fois du pied los
deux premiers jours.. Le 3. il y eut de la modération
, le 4. elle fut purgée avec l'émetique en
lavage ; la petite Verole fortit confluante , les
accidens diminuerent confiderablement ; on favorifa
la liberté du ventre par quelques grains
de tartre émetique fur la boiffon jufqu'à la fin
de la maladie , qui fe termina fans aucun autre
accident.
"
28. Sujette aux maux d'eftomach eut les mêmes
douleurs. Comme elles augmentoient , qu'il
y avoit de la fievre , accompagnée de mal de tête ,
on la faigna du pied le 3 , fes & le 6. Le 7. elle
tomba dans la tranfport , le poux étoit concen-
II. Vol. tré ;
DECEMBRE. 1730. 2857
éré ; on lui donna un lavage de tartre émetique ,
l'évacuation ne fut pas abondante , la fievre devint
plus forte , & l'embarras de la tête continuoit
. On fit deux faignées du pied à peu de diftance
, & on revint à l'émetique qui paffa plus
heureufement. La petite Verole fortit , & ne fut
fuivie d'aucun accident .
: on
D'une forte ſanté , tomba dans un abbatement
extrême , quoique la fievre ne fut pas forte :
la faigna du pied. Le 2. la fievre augmenta , la
faignée fut réiterée. La nuit fuivante la malade
cut de fortes convulfions & une fincope qui fut
portée à l'excès . Il fallut recourir au Lilium
& le repéter au delà des dofes ordinaires : le
poux revint : on fit une troifiéme faignée du pied,
& immédiatement après on donna l'émetique
l'évacuation fut abondante. La petite Verole fortit
en grande quantité , & les accidens commencerent
à fe calmer. On continua les boiffons émetifées
jufqu'à la fin de la maladie , à cauſe que
la tête n'étoit pas dans fon caractere ordinaire.
30. Infirme , eut une fievre vive , accompagnée
d'élancemens à la tête , le poux étoit embaraffé :
on fit trois faignées du pied les deux premiers
jours. La nuit du 2 au 3. la tête fut menacée ,
on revint à la faignée du pied , qui produifit un
relâchement dans la fievre ; l'émetique en lavage
fut employé le lendemain. Après l'évacuation
la petite Verole fortit en médiocre quantité , les
accidens diminuerent ; mais comme il reftoit un
fond de fievre , & que la tête laiffoit quelque inquiétude
on continua les boiffons émetifées
jufqu'à la fin de la maladie.
>
31. Sujette à une toux habituelle , & crachant
quelquefois du fang , fut prife d'une fievre trèsvive
fuivie de fréquents redoublemens. Les
deux premiers jours on fit trois faignées du
II. Vel. pied..
2858 MERCURE DE FRANCË
pied. Le 3. la tête fe prit : on réïtera la faignée
du pied qui produifit quelque modération dans
la fievre. La nuit du 4. la malade tomba dans
un affoupiffement profond ; le poux étoit emba
raffé , on tenta l'émetique inutilement , il fallut
revenir à une cinquiéme faignée du pied . Quelques
heures après la malade eut de fortes convulfions
, accompagnées de fréquentes fyncopes ,
on revint à l'émetique qu'on cut bien de la peins
à faire avaler. Comme il n'agiffoit point , on
força la dofe , le vomiffement débaraffa la tête.
Cependant fur le foir les convulfions redoublerent
, le hoquet fut fréquent & les extrémités
devinrent froides. On infifta fur l'émerique qui
à la fin produifit une abondante évacuation , les
accidens fe calmerent , la petite Verole fortit
très abondante , & finit fans donner d'autre inquiétude.
32. D'une fanté languiffante , cut une fievre
qui varioit à toute heure , accompagnée d'un
grand mal de tête ; elle fut faignée du pied , &
purgée le lendemain avec l'émetique en lavage.
Le foir la malade entra dans un calme parfait ;
les . la fiévre fe ralluma & fut accompagnée
d'un rire continuel & forcé ; on la faigna deux
fois du pied le même jour. Le lendemain la petite
Verole fortit affez abondante , cependant la
fievre & l'embarras de la tête continuerent. Le
3. de l'éruption , la malade tomba dans un aſſoupiffement
profond ; le poux étoit envelopé , on
fit une quatriéme faignée du pied , & enfuite
l'émetique en lavage qu'on réitera le lendemain ,
alors le poux fe dévelopa ; la petite Verole fit du
progrès ; la tête demeura pourtant embaraffée
on continua les boiflons émetifées jufques dans
le fort de la fupuration . Comme la tête étoit un
peu plus libre , & que la fievre avoit augmenté ,
II. Vol. 01 .
DECEMBRE. 1730. 2859
on en fufpendit l'uſage . 24. heures après la petite
Verole rentra: le tranfport accompagné de convulfrons
fut violent, la gorge prodigieufement enflée :
on revint à la faignée du pied , & immédiatement
après l'émerique , l'évacuation fut abondante ; la
petite Verole reprit cours , les accidens fe calmerent
; mais on ne difcontinua plus l'ufage de
la boiffon émetifée , aidée par les lavemens juſqu'au
16. de l'éruption qui termina la maladie.
Demoiselles VERTES . 33. D'une mauvaiſe
fanté , tomba dans un grand accablement , la
févre étoit vive ; elle fut faignée trois fois du
pied le même jour , la petite Verole fortit abondamment.
Il reftoit un fond de fievre à la malade
qui ayant mal à la gorge depuis long- tems
ne put rien avaler le 2 & le 3. de l'éruption . Le
4. on réitera la faignée , & les boiffons émetifées
pafferent enfuite , il falut les continuer le refte
de la maladie à caufe que la gorge & la tête
étoient menacées .
34 D'une fanté foible , cut des maux de reins ,
de violens élancemens à la tête & une fievre quartes
on la faigna deux fois du pied à une heure
de diſtance , on réitera la faignée le lendemain.
Le 3. il y eut du mieux , on employa le tartre
émetique en lavage , la perite Verole fortit trés
abondante , il y eut une remiffion prefque entiere
. A l'entrée de la fupuration la tête devint
fort pefante , la malade y fentoit de grands feux,
la fievre n'étant point forte , on fe contenta
d'employer les boiffons émetifées pendant la fupuration.
35. D'un temperament foible , eut d'abord peu
de fievre. Le 3. la fievre s'alluma avec un violent
tranfport , on la faigna trois fois du pied à
peu de distance , la fievre fe modera , on mit
trois grains de tartre émetique fur la boiffon.
14. Vol.
Après
2860 MERCURE DE FRANCE
Après l'évacuation la petite Verole fortit confluante
, la tête refta embaraffée , & la fievre ,
quoique moderée , perfiftoit ; on réitera la faignée
du pied le 3. de l'éruption , & on reprit
l'ufage des boiffons émetifées , qu'on continua
jufqu'au 14. de l'éruption que la tête fut totalement
debarraffée.
36. D'une forte fanté , eut de grands maux de
reins , un faignement de nez , la fievre étoit vive,
& fuivie de redoublemens . Les deux premiers
jours on la faigna du pied trois fois , à l'entrée
du 4. on reitera la faignée , la petite Verole ne
fit que fe montrer pendant deux jours , & dif-
La malade tomba dans un accablement
parut.
& un affoupiffement profond , le poux étoit petit ;
on jetta quatre grains de tartre émetique fur la
boiffon , l'évacuation fut abondante. La petite
Verole fit des progrès , & les accidens tomberent,
la fupuration fut longue , mais elle n'exigea aucun
fecours.
37. Délicate , avoit de la fievre depuis plufieurs
jours , & mal à la tête ; elle fut faignée & purgée.
Il y eut du mieux pendant huit jours , enfuite
elle tomba dans une fincope forte , la tête.
fe prit , la fievre étoit vive ; on la faigna deux
fois du pied à une heure de diftance. Quelque
tems après il y eut du relâche dans la fievre , on
mit quatre grains de tartre dans la boiffon , on
infifta fur le même remede . Le lendemain l'évacuation
fut forte , les accidens diminuerent , la
petite Verole fortit abondament , on continua
les évacuations juſqu'à la fin de la maladie.
38. D'une délicateffe extrême , eut un grand
accablement , la tête embarraffée , & une fievre
vive qui augmentoit par redoublemens ; le premier
jour on lui fit 2. faignées du pied ; le 2. on
réitera ; le 3. il y avoit quelque relâche , on
11. Vol "
mit
DECEMBRE. 1730. 2.86-1
mit deux grains de Tartre émetique fur la boiffon
, la petite Verole fortit confluante , la fievre &
l'embarras de tête diminuerent confiderablement,
il reftoit encore une grande pefanteur qui détermina
à continuer la boiffon émetiſée pendant le
refte de la maladie , qui par ce moyen finit heureufement.
39. D'un bon tempérament , eut un grand accablement
, un point fixe dans les reins ; la fievre
étoit forte & le poux embarraffé , des redoublemens
fréquents , le tranfport s'y joignit ; le premier
jour on lafaigna deux fois du pied , on réi
tira la faignée la nuit , le lendemain la fievre étoit
relâchée , on mit 4. grains de Tartre émetique
fur la boiffon ; la petite Verole fortit confluante,
du 3 au 4 les accidens tomberent prefque entierement;
le 4 de l'éruption la petite Verole rentra,
la tête fe prit , il y avoit de l'embarras dans le
poux & des étouffemens frequens ; on fit une 4° .
& se. faignée du pied , & enfuite l'émetique en
lavage fur lequel on infifta ; l'évacuation fur
abondante , la petite Verole reprit corps , les ac
cidens diminuerent , on continua la boiffon émetifée
jufqu'au 14. de l'éruption qu'on foutenoit
les lavemens : dès le ventre ceffoit d'aller
l'embarras de la tête & les étouffemens reparoif
foient .
par
que
40. Damoifelles ROUGES. Fort replette ,
tomba dans un grand affoupiffement , la fievre
étoit forte , la refpiration gênée ; elle fut faignée
3. fois du pied les 2. premiers jours ; le 3. on mit
3. grains de Tartre émetique fur la boiffon ;
L'embarras de la tête ceffa , la petite Verole
fortit en grande quantité , les accidens fe calmerent
, la fuppuration fut très- laborieufe ; mais
comme la fievre n'étoit pas forte , on fe contenta
de tenir le ventre libre par les boiffons émetiſées,
AI. Volo
2862 MERCURE DE FRANCE
& les lavemens jufqu'à la fin de la maladie.
41. D'une forte fanté, eut la fievre vive , accompagnée
de tranfport ; on la faigna 2. fois du
pied le même jour ; le lendemain le relâchement
de la fievre donna lieu à Pémetique ; l'évacuation
fut abondante & fuivie de l'éruption , l'embarras
de la tête & un mouvement de fievre continuoits
on infifta fur la boiffon émetifée pendant toute
la maladie , parce que la tête fe broüilloit dès que
le ventre n'alloit plus.
1
42. Delicate , fut près de 8. jours languiffante,
eut enfuite un éclat de tranfport & un rire forcé
qui ne difcontinuoit pas ; la fievre n'étoit pas vive;
elle fut faignée 3. fois du pied les 2. premiers jours
& purgée le 3. avec l'émerique ; une éruption
abondante fuivit de près l'évacuation ; les accidens
diminuerent , mais il reftoit une pente à l'affoupiffement
& la tête n'étoit pas entierement libre
, ce qui détermina à continuer les boiffons
émetifées pendant la maladie.
43. Valetudinaire , eut la fievre par redoublemens
; la tête étoit prife , elle fut faignée 2. fois
du pied le premier jour ; le fecond , à la faveur
d'une rémiffion fenfible dans le poux , on tenta
l'émetique qu'il fallut interrompre & revenir à la
faignée le foir ; le 3. la tête étoit toujours priſe ,
mais le poux étoit petit ; après quelques grains
de Tartre émetique fur la boiffon qui n'agiffoient
pas , on donna le vin d'Eſpagne émetique ; l'évacuation
fut foutenuë le lendemain , le 5. P'éruption
fut très -abondante , les accidens fe calmerent
; on aida la liberté du ventre dans le cours
de la maladie , parce que la tête avoit une difpotion
à s'embarafler.
44. D'une bonne fanté , eut une forte fievre ,
accompagnée d'un faignement de néz. On fit 3 .
Laignées du pied le premier jour ; la petite Ve
11. Vol
role
DECEMBRE. 1730. 2863
role fortit le lendemain ; comme les accidens s'étoient
moderez , on ne fit rien juſqu'au 3. de l'éruption
que la fievre augmenta ; la tête ſe prit ,
on revint à la faignée du pied , & enfuite à l'émetique
en lavage ; les évacuations débarafferent la
tête , on les a continuées jufqu'à la fin de la fupuration.
45. D'une fanté médiocre , fut prife d'un grand
accablement ; la fievre étoit forte , on la faigna
2 fois du pied le premier jour ; un peu de relâche
le lendemain détermina à donner un lavage de
Tartre émetique; l'évacuation fut fuivie d'un calme
de 4. jours ; la fievre fe ralluma , le tranſport
& de fortes convulfions s'y joignirent , le poux
étoit embaraffé ; on refit deux faignées du pied à
peu de diftance , & immediatement après l'émetique
en lavage ; on foutint l'évacuation ; la petite
Verole fortit le lendemain , accompagnée de
marques pourprées ; les accidens ſe modererent ,
on a foutenu foigneuſement la liberté du ventre
jufqu'à la fin de la maladie.
45. Robufte , eut une groffe fievre , accompa
gnée d'un faignement de nez & de violens élancemens
à la tête ; on la faigna du pied & la petite
Verole parut le même jour confluante. Les accidens
ne diminuerent point ; les boutons ne faifoient
aucun progrès ; la faignée du pied fut réïterée
le 2. & le 3. La nuit du 3. au 4. de l'éruption
il furvint un redoublement vif ; on refaigna
la Malade , elle fut vuidée le lendemain avec l'E
netique en lavage. L'évacuation qui fut abondante
modera les accidens jufqu'au 7. que la
fievre devint plus forte ; la tête fe prit & enfla
prodigieufement. On réïtera la faignée du pied
& l'ufage des boiffons émetifées qui furent continuées
jufqu'à la fin de la maladie.
47. Bien conftituée , fut lauguiffante plufieurs
11. Vol.
jours E
2864 MERCURE DE FRANCE
jours , la petite Verole fortit en petite quantité
fans accident ni mouvement de fievre. Le 4. de
P'éruption elle tomba dans un affoupiffement ;
la tête fut prife , il furvint un faignement de nez ;
on fit deux faignées du pied à peu de diftance , &
Pufage d'une boiffon emetifée qu'on continuą
plufieurs jours , débaraffa la tête.
48. Infirme & fujette à des coliques d'eftomach
, eut le même accident , accompagné d'une
fievre très-vive & d'une grande pefanteur de tête;
elle fut faignée quatre fois du pied les deux premiers
jours , le trois il y eut de la moderation ;
on jetta 4. grains de Tartre émetique fur la boif
fon , qui pafferene heureufement , & à la fin de
Pévacuation la petite Verole fortit ; il a fallu
foutenir la liberté du ventre le reſte de la maladie,
pour combattre la pefanteur de tête.
49. D'une médiocre fanté , eut une grande pefanteur
de tête , un faignement de nez , la fievre
étoit vive , les 2. premiers jours elle fut faignée
4. fois du pied ; le 3. la petite Verole fortit , le
4. l'éruption ne faifoit nul progrès ; on éguifa les
boiffons de quelques grains de Tartre émetique ,
il fallut en augmenter la doſe dans les tems de la
fupuration.
so, Dune délicateffe extrême , la fievre & les
accidens ne furent pas confiderables ; on ne fit
rien , la petite Verole fortit en médiocre quantité.
A l'entrée de la fupuration là fievre devint vive ,
la tête fè prit ; on fit deux faignées du pied à peu
de diftance , & les boiffons émetifées enfuite
qu'on continua jufqu'au 12. de l'éruption .
SI. DAMES RELIGIEUSES. Agée de
8, ans , d'un tempérament affez fort , quoique
fujette à des maux d'eftomach , cut une fievre des
plus vives , un grand accablement , des maux de
teins , un fond d'affoupiffement & des friffonne-
11. Vols
mens
DECEMBRE. 1730. 2865
3.
mens continuels ; on lui fit quatre fortes faignées
du pied les deux premiers jours ; comme il y eur
de la modération dans la fievre , le elle fut purgée
avec quatre grains de Tartre émetique en layage
, qui produifirent peu d'effet . On y revint le
lendemain , l'évacuation fut plus heureuſe , la petite
Verole fe déclara confluante & fut accompagnée
d'un fond de fievre & d'affoupiffement ; on
continua les boiffons émetifées qu'on aidoit par
les lavemens foir & matin. Malgré ces fecours le
. de l'éruption le ventre ne coula plus , l'affoupiffement
devint profond ; la fievte n'ayant pas
augmenté à proportion des autres accidens , on
fe contenta de doubler la doſe de l'émetique ; le
ventre ne s'ouvrant pas , on infifta fur le même
remede , aidé par les Ptifannes laxatives ; enfin on
eut recours au vin d'Efpagne émerique qui fut
fuivi d'une évacuation abondante . La Malade
avoit pris dans les 24 heures la valeur de plus de
30 grains de Tartre émetique ; la petite Verole
repouffa , la tête fut déchargée ; on continua les
boiffons émetifées jufqu'à la fin de la maladie :
l'état de la Malade n'a été certain que vers le 15
de l'éruption.
52. Agée de 56 ans , d'un temperament trèsdélicat
, fujette à cracher du fang , & les jambes
fouvent enflées , eut une fievre affez vive , accompagnée
de maux de reins & d'une grande
douleur de tête , on la faigna deux fois du pied
les deux premiers jours ; le 3. il y eut un dévoiement
; on mit deux grains de Tartre fur la boiffon
, qu'on réitera le lendemain. La petite Verole
fortit à la fin du 4. en médiocre quantité, tous les
accidens fe modererent. Le 5. de l'éruption , la
pefanteur de tête & le dévoiement recommencerent
, on mit encore deux. grains de Tartre fur
la boiffon , on les repeta le lendemain & la maladie
finit heureuſement. Eij 53
2866 MERCURE DE FRANCE
53. Agée de 24. ans , d'un tempérament fort
vif , dans une difpofition à une fievre étique , eut
des élancemens à la tête , des maux de reins , des
fux dans la poitrine ; la fievre étoit forte , elle
fut faignée trois fois du pied les 2 premiers jours,
il y eut peu de moderation le 3. Le 4. elle étoit
plus fenfible ; on mit deux grains de Tartre fur
la boiffon ; la petite Verole fortit en affez grande
quantité. Le 3. de l'éruption la fievre & les élancemens
à la tête augmenterent ; on revint à la faignée
du pied qui calma les accidens ; le refte de
la maladie elle n'eut befoin que d'une Eau de
Pavot pour calmer les tiraillemens de poitrine
qui fe réveilloient de tems en tems , plutôt comme
une fuite de fa difpofition habituelle , que de
la maladie preſente.
>
54. Agée de 23. ans , fortoit d'une fluxion de
poitrine , pour laquelle on avoit été obligé de la
faigner plufieurs fois ; la convalefcence n'étoit
pas entièrement confirmée , lorfqu'elle fut prife -
d'une fievre vive , accompagnée d'élancemens à
la tête , & en même- tems d'une perte confiderable.
On fit 2. faignées du pied le premier jour
le 3. on réitera ; de la moderation dans la
fievre & dans la perte firent paffer à un lavage
de Tartre émetique ; l'évacuation fut ample , elle
diminua tous les accidens , fit ceffer la perte . La
petite Verole fortit abondante ; le 5. l'éruption ,
la pefanteur de tête revint , on mit quelques
grains de Tartre fur la boiffon, qui ne produifirent
prefque aucun effet ; la pefanteur de tête fut plus
forte & la fievre augmenta , on fit une quatrième
faignée du pied & enfuite les boiffons émetifées
pafferent heureufement , on en continua l'ufage
jufqu'à la fin de la maladie.
55. Agée de 35. ans , d'un bon temperament
& fort replete,cut de violens maux de reins,la tête
14 Vol
CxDECEMBRE
. 1730. 2867
extrémement pefante & la fievre forte ; on fit 4.
grandes faignées du pied les deux premiers jours ;
le 4. il fallut réiterer quelque moderation
donna lieu à l'émetique en lavage ; après l'évacuation
la petite Verole fortit confluante ; il reftoit
encore de la pefanteur à la tête ; on inſiſta
fur les boiffons émetifées qu'il fallut aider plus
d'une fois par des Ptifannes laxatives & les lavemens
jufqu'au 14. de l'éruption .
Voilà,Madame,un Extrait bien fidele du Journal
de nos Malades ; j'y ai trouvé qu'en 3. mois nous
avons fait près de 500. faignées du pied , &
donné environ 2000. grains de Tartre émetique ;
à la verité je comprens toujours dans nos petites
Veroles , les fievres du même tems , parce qu'excepté
les boutons , c'étoit le même caractere , &
qu'on y a employé les mêmes fecours ; j'en citerai
feulement une des plus fortes pour exemple.
>
Mle *** âgée de 18. ans , avoit de l'embonpoint
& des couleurs vives , toutefois fujette aux
maux de tête ; elle tomba dans un grand accablement
la fievre étoit forte & la pefanteur de tête extrême
, elle avoit des maux de reins,des envies de
vomir & un fond d'oppreffion ; on la faigna 5 .
fois du pied les deux premiers jours ; le 3, un peu
de modération fit tenter l'émetique en "lavage
mais inutilement ; la fievre augmenta , on réïtera
la faignée le foir ; le 4. il y eut du mieux ; on
revint à l'émetique , on y joignit le fecours des
lavemens ; on continua le 5. le 6. & le 7. la pefanteur
de tête diminuoit à mefure des évacuations
. Du 8. au 9. la fievre devint plus forte , la
tête fe prit totalement ; on apperçut quelques
mouvemens convulfifs ; il fe répandit un engourdiffement
abfolu fur tout le côté droit ; on fit
2. faignées du pied à peu de diſtance; la fievre ſe
modera , & on revint à l'émetique en lavage ; les
II. Vol.
éva- E iij
2868 MERCURE DE FRANCE
évacuations foutenues pendant plufieurs jours
diffiperent enfin les accidens , & là convalefcence
commença vers le 20 .
Notre Medecin avoit extrémement fimplifié
notre travail , la boiffon étoit l'eau naturelle ; on
la faifoit tiédir lorfque les malades étoient dans
la moiteur ; la nourriture , un bouillon fort fimple
que l'on fuprimoit les premiers jours , & méme
dans le cours de la maladie , lorfque les accidens
étoient violens. On changeoit les Malades
de linge & de lit dans tous les tems de la maladie,
lorfqu'elles en avoient befoin. Il n'y avoit ni plus
de couvertures , ni plus de feu dans les Infirme
ries que pendant les autres maladies . Les lavemens
étoient d'un ufage journalier. Quelque narcotique
, du Lilium dans les fyncopes fortes , nul
remede exterieur pour préferver les Malades de
l'impreffion que cette maladie laiffe ordinairement,
perfuadez qu'ils font inutiles, & que c'eft du caractere
du fang que dépend cette impreffion,du refte
la faignée & l'émetique. On adopte fans peine
une pratique aufli fimple, fur tout lorfqu'elle eft
fuivie d'un fuccès auffi heureux . Il paroiffoit difficile
à croire à ceux qui n'en ont pas été témoins.
De plus de 125. Demoifelles, il n'en eft pas inort
une feule , & de 7. Religieufes & une Soeur , nous
n'en avons perdu qu'une , plus encore par fes
grandes infirmitez & fon âge avancé , que par la
maladie courante qui ne put pas fortir
J'avoue qu'il y a des années où la petite Verole
n'eft pas meurtriere, & qu'elle feroit peu de ravage
, quand même on n'y donneroit aucun fecours;
mais celle-cy étoit bien differente , l'excès où l'on
a été obligé de porter la faignée du pied & les autres
évacuations dans la plupart des Malades , ne
prouve que trop fa violence. Dans le Village de S.
Cyr,où cette maladie étoit en même tems répan-
II. Vol
duë ,
DECEMBRE . 1730. 2869
2
due , & fans autre fecours que celui qu'admet le
préjugé, on a perdu un grand nombre de Malades;
or fi la petite Verole a fait beaucoup de defordre
dans un Village où la jeuneffe jouit d'une forte
fanté , parce qu'elle vit dans une liberté entiere
quel ravage n'auroit-elle pas fait avec de fi foibles
fecours dans une Maifon où un grand nombre
de Demoifelles raffemblées dès leur enfance , vi
vent dans une grande régularité & dans une con
tention d'efprit perpetuelle à remplir leur devoir,
on parconfequent les meilleures fantez ne font pas
fans nuage, & parmi lesquelles il y en a beaucoup
d'infirmes ?
Mais s'il a fallu porter les évacuations auffi
loin dans des perfonnes qui menent une vie fimple
, que ne faudrait - il point faire dans celles
dont le fang nourri d'excès & de Liqueurs fpiritueufes
eft toujours prêt à s'enflammer ?
Ce n'eft pas pour faire valoir nos foins que
fais ici ces Reflexions , c'eft uniquement pour
détruire la prévention où prefque tout le monde
eft de croire que l'émetique & la faignée font
d'un ufage dangereux , fur tout lorfque la petite
Verole eft fortie. Je vous avoue que je fuis indi
gnée contre moi- même d'avoir penfé de la forte
autrefois , revenue de mon erreur , je ne laiffe
paffer aucune occafion d'écrire ou de parler des
prodiges que la faignée & l'émetique ont operez
chez nous dans cette maladie. Je fuis bien affurée
que vous ne trouverez pas l'expreffion trop forte,
fi vous vous faites une idée qui approche de la
réalité fur les horreurs où nous nous fommes
trouvées. Il y a eu des nuits où nous avions 5. à
6.Malades à tel point d'extrémité, qu'on n'auroit
ofé répondre de la vie d'aucune pour quelques
heures. Il nous eft arrivé plus d'une fois d'abandonner
une Malade avec la veine ouverte dans
II. Vol. Ejuj l'eau
2870 MERCURE DE FRANCE
l'eau pour courir à une autre qui tomboit dans
an accident plus brufque. Nous ne manquions
pas alors de propofer à notre Medecin d'employer
une quantité de remedes vantez pour cette malaladie
, comme la Poudre de la Comteffe , le Befoard
, la Poudre de Vipere , le Sang de Bouquetin
, &c. mais il nous répondoit froidement que
´ces cas là étoient trop férieux pour s'en tenir à
des amufemens. Les Vefiçatoires furent rejettez ,
même en nous difant leur effet étoit d'entreque
tenir & de fondre le fang , deux écueils les plus
redoutables dans cette maladie.
Je crois n'avoir pas befoin de vous dire que ce
récit eft d'une grande exactitude , je fuis perfuadée
que vous n'aurez aucun doute fur cela ; mais comme
vous pouriez le faire lire à d'autres perfonnes ,
& que je fuis bien aife que le parti de la verité ait
de la force , j'ai prié Mefdames de Garnier , de
Vaudancour , de Montchevreuil , d'examiner s'il
ne me feroit point échappé d'alterer ou de groffir
quelque circonftance , & d'y mettre leurs fignatures
, fi elles le trouvoient dans une exacte verité.
Leur témoignage doit faire foi , puifque les deux
premieres ont foutenu le fort du travail en qualité
d'Infirmieres principales , & que la troifiéme partageoit
avec moi les foins de l'Apoticairerie . J'ai
l'honneur d'être , &c. Signé , Soeurs de Garnier.
De Vaudancour. De Montchevreüil. De Texier.
AS. Cyr , ce 30. Août 1730.
Fermer
Résumé : Lettre sur la petite Vérole, dont les Religieuses & les Demoiselles de S. Cyr ont été affligées, [titre d'après la table]
En 1730, une religieuse de la Maison de Saint-Cyr écrit à une amie pour expliquer la gestion de l'épidémie de petite vérole qui a frappé la communauté. Elle répond aux critiques publiques concernant la décision de ne pas séparer les malades du reste de la Maison. Le médecin a recommandé de ne pas isoler les malades et de privilégier l'émétique et la saignée comme traitements. La lettre détaille les observations faites pendant l'épidémie, notamment l'absence de contagion par fréquentation des malades et l'influence des conditions atmosphériques sur la maladie. La religieuse mentionne également les différentes classes de malades et les traitements spécifiques administrés. Les symptômes courants incluent la fièvre, des maux de tête, des vomissements et des douleurs diverses. Les traitements principaux consistent en des saignées, des purgations avec du tartre émétique, et l'administration de boissons émétiques. Les patientes sont classées en fonction de leur constitution : délicates, en bonne santé, robustes ou infirmes. Les traitements visent à réduire la fièvre, calmer les maux de tête et les convulsions, et favoriser l'évacuation par des purgations et des saignées. Les soins incluent également des changements de linge, des lavements, et une alimentation simple. Les résultats sont globalement positifs, avec une seule religieuse décédée en raison de ses grandes infirmités et de son âge avancé. L'auteur réfute l'idée que l'émétique et la saignée soient dangereux, surtout lorsque la maladie est fortifiée. Elle témoigne des effets bénéfiques de ces traitements, ayant elle-même changé d'avis après avoir observé leurs résultats positifs. Les vésicatoires étaient rejetés en raison de leurs effets potentiellement dangereux sur le sang. Les sœurs Garnier, Vaudancour, et Montchevreuil, ayant joué des rôles clés en tant qu'infirmières et apothicaires, attestent de la vérité du récit. Le document est signé par les sœurs et daté du 30 août 1730.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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125
p. 2878-2887
La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Début :
LA HENRIADE, nouvelle édition revûë, corrigée & augmentée de beaucoup, [...]
Mots clefs :
Henriade, Yeux, Dieux, Poème, Auteur, Ouvrage, Coeur, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
LA HENRIADE , nouvelle édition , revûë
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
Fermer
Résumé : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Le texte présente une nouvelle édition de 'La Henriade' de Voltaire, publiée en décembre 1730 à Londres. Cette édition, en format in-8, compte 349 pages et est accompagnée d'une préface de 24 pages. Elle est également disponible en format in-4 avec des estampes et sera livrée aux souscripteurs sans frais supplémentaires. La préface inclut une histoire abrégée des événements sur lesquels est fondée la fable du poème, ainsi que l'idée et l'esprit du poème. Voltaire a commencé 'La Henriade' en 1717 à l'âge de 19 ans, alors qu'il était prisonnier à la Bastille. Il a écrit plusieurs œuvres en prison, dont 'La Henriade', initialement composée de six chants. Seul le second chant, traitant des massacres de la Saint-Barthélemy, a été conservé. Une première édition informelle et tronquée est parue en 1723 sous le nom de 'La Ligue'. En 1726, Voltaire a trouvé en Angleterre un soutien général et a publié 'La Henriade' sous son véritable nom, en dix chants. Depuis, il a apporté de nombreux changements au poème, considérant cette nouvelle édition comme la moins mauvaise des précédentes, bien qu'elle soit encore loin de la perfection. Le poème commence par une description du héros Henri IV et de ses exploits. Il inclut des réflexions sur la justice divine et le sort des âmes après la mort. Voltaire a également modifié certains passages pour inclure des références à des concepts scientifiques, comme l'attraction newtonienne. Le poème se termine par la reconnaissance d'Henri IV comme roi légitime et la soumission de ses adversaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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126
p. 2887-2900
Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
Début :
ELEGIES de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poësie & quelques [...]
Mots clefs :
Élégie, Amour, Poésie, Tendresse, Coeur, Femmes, Auteur, Vertu, Hommes, Crime
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
ELEGIES de M. L. B. C. avec un
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
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Résumé : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Élégies' de M. le Blanc, membre de la Société Académique des Arts, a été publié à Paris en 1731. Il comprend un discours sur le genre de la poésie élégiaque et plusieurs pièces de l'auteur. Contrairement aux élégies habituellement ennuyeuses, celles-ci ne le sont pas. Le discours de M. le Blanc sur l'élégie a été unanimement approuvé par les gens de lettres. Il justifie le mépris souvent réservé à ce genre de poésie, qu'il définit comme la plainte d'un amour mécontent. Il souligne que la plainte est naturelle à l'homme et qu'une plainte amoureuse est toujours intéressante, citant des exemples comme le IVe Livre de Virgile et le 'Pastor Fido'. M. le Blanc explique que l'élégie doit être naturelle et remplie de sentiments, rejetant les ornements frivoles. Il rend hommage aux élégiaques latins comme Tibulle, Properce et Ovide, et critique les auteurs français qui ne réussissent pas dans ce genre, souvent parce qu'ils le considèrent comme un rudiment de la poésie. L'auteur affirme que les erreurs des autres lui ont servi d'instruction et que le véritable but de la poésie est de corriger les hommes et de faire respecter la vertu. Les élégies de M. le Blanc se distinguent par leur style et leur fond nouveaux. Il choisit de peindre les violences de l'amour plutôt que ses douleurs, estimant que l'amour doit inspirer soit l'amour, soit la crainte. Il fait parler uniquement des femmes dans ses élégies, car le langage de l'amour convient mieux à leur bouche. L'ouvrage contient douze élégies, chacune d'environ cent vers, qualifiées de 'monologues de tragédie'. Deux extraits sont présentés : l'élégie 'Fulvie', où une amante se plaint de la trahison de son amant, et l'élégie 'Thamire', où une femme exprime son amour pour son époux parti à la guerre. Ces élégies sont marquées par des sentiments forts et des réflexions profondes sur l'amour et la vertu. Le recueil contient également d'autres élégies et poèmes divers, riches en beautés. Il est dédié à Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Clermont. Le poète exprime son admiration et son incapacité à décrire les vertus du prince, comparant son propre manque de courage à sa jeunesse. Il mentionne que Virgile, avant de chanter les exploits d'Auguste, avait chanté les bergers et leurs lois, suggérant humblement qu'il espère un jour pouvoir chanter les bienfaits et les vertus du prince s'il obtient du succès.
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127
p. 53
ETRENNES à Madame la Comtesse de ***
Début :
Trouver un cœur bienfait n'est pas chose facile ; [...]
Mots clefs :
Étrennes, Comtesse, Coeur, Reconnaissance, Hommage, Sincérité
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texteReconnaissance textuelle : ETRENNES à Madame la Comtesse de ***
ETRENNES à Madame la
Comtesse de ***
Rouver un coeur bienfait n'est pas chose fa .
cile ;
On court pour le chercher au bout de l'Univers
Et de ses voyages divers
On n'emporte souvent qu'une peine inutile.
Puisse le mien être digne de vous ;
Vous l'avez rencontré sans prendre tant de peine
De l'honneur de vous plaire uniquement jaloux ,
Au votre il s'est lié d'une secrete chaîne ,
Et c'eft dans mes malheurs un remede bien doux
Ma parfaite reconnoissance
S'exprime mieux par un humble silence
Que par les longs détours d'un éloge apprêté ;
L'esprit n'a point de part à mon sincere hommage
Il est du coeur le pur langage ;
Le langage du coeur est toujours écouté.
Comtesse de ***
Rouver un coeur bienfait n'est pas chose fa .
cile ;
On court pour le chercher au bout de l'Univers
Et de ses voyages divers
On n'emporte souvent qu'une peine inutile.
Puisse le mien être digne de vous ;
Vous l'avez rencontré sans prendre tant de peine
De l'honneur de vous plaire uniquement jaloux ,
Au votre il s'est lié d'une secrete chaîne ,
Et c'eft dans mes malheurs un remede bien doux
Ma parfaite reconnoissance
S'exprime mieux par un humble silence
Que par les longs détours d'un éloge apprêté ;
L'esprit n'a point de part à mon sincere hommage
Il est du coeur le pur langage ;
Le langage du coeur est toujours écouté.
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Résumé : ETRENNES à Madame la Comtesse de ***
Le poème est dédié à une comtesse et exprime la difficulté de trouver un cœur bienveillant. L'auteur espère que son propre cœur soit digne de la comtesse, rencontrée sans effort. Leur lien est secret et apaisant. La reconnaissance de l'auteur se manifeste par un silence humble plutôt que par des éloges. Son hommage est sincère et vient du cœur.
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128
p. *137-137
CHANSON.
Début :
Par vos divins appas, si l'on comptoit vos jours, [...]
Mots clefs :
Cloris, Appas, Coeur
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texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON..
PAr vos divins appas , si l'on comptoit vas
jours ,
Adorable Cloris › vous charmeriez toujours ;
Mais votre course fortunée ,
Par le sort implacable étant enfin bornée ,
Mes vœux sont encor superflus ;
Pour chaque cœur épris de vos rares vertus ,
Que la Parque du moins vous file une journée.
Ces paroles et la Musique sont de M
du Vigneau.
PAr vos divins appas , si l'on comptoit vas
jours ,
Adorable Cloris › vous charmeriez toujours ;
Mais votre course fortunée ,
Par le sort implacable étant enfin bornée ,
Mes vœux sont encor superflus ;
Pour chaque cœur épris de vos rares vertus ,
Que la Parque du moins vous file une journée.
Ces paroles et la Musique sont de M
du Vigneau.
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129
p. 672-674
THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
Début :
L'Amour vient de monter ma Lire; [...]
Mots clefs :
Thérèse, Idole, Guide, Coeur, Chansons
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texteReconnaissance textuelle : THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
THERESE,
ODE.
Par M. de Soultrait , Maître des Comptes
de la Chambre de Nevers.
L'Amou Amour vient de monter ma Lire ;
Therese anime mes Concerts.
Guidé par le feu qui m'inspire ,
Je vois à flots couler mes Vers.
Fuyez d'ici , Troupe égarée
Des sentiers de la verité.
Cherchez une Idole parée ;
Pour moije veux du temps d'Astrée ;
Rappeller la simplicité.
M
Achile , aux Rives du Scamandre;
A
Briscooffrit des voeux.
A
Glicere , Horace sçut rendre ,
Tout ce qu'on doit à de beaux yeux;
L'un et l'autre , de la parure ,
Evitant l'appas médité
Echapperent à l'imposture ;
Et
3.
AVRIL. 1732. 673
Et placerent dans la Nature ,
Le Trône de la Volupté.
龍
Seroit-ce au brillant étalage ,
De quelque frivole ornement ,
Que mon cœur fixeroit l'hommage ,
A la beauté dû seulement.
Mais j'entends l'instinct qui s'explique.
Il me fait dire par mes sens ,
Que votre cœur au vrai s'applique ;
Tout autre culte est fanatique ,
Et flétriroit vos sentimens
Lecteurs , de Cyrus , de Clelie ,
Vous ne goutez pas mes Leçons
Votre ame est trop enorgueillie ,
Pour vous prêter à mes raisons
Voyez Venus fendant les Nuës ,
Qui vient approuver mes accens.
Et , se mocquant de vos bévûës
Voyez les Graces demi nuës ,
Rejetter vos fades encens.
Décorez-vous , Héros du Tasse ,
De la vertu des Paladins ,
Morfondez-vous suivant leur trace C1
Je
774 MERCURE DE FRANCE
Je vous suis par d'autres chemins ;
Horace que je prends pour guide,
Présente Therese à mes feux.
Un air naïf, fimple , timide
Vaut mieux que les faveurs d'Armide
Pour l'Amant qui veut être heureux,
Enfant chéri de la Nature ,
Therese , objet de tous ses dons;
Je veux que la Race future,
Te connoisse par mes Chansons,
Si la Fortune qui nous joue,
Dans sa colere a fait ton sort;
Tevoyant au bas de sa Roue ,
Est-il un Mortel qui n'avoue,
Qu'elle est aveugle et qu'elle a tort.
ODE.
Par M. de Soultrait , Maître des Comptes
de la Chambre de Nevers.
L'Amou Amour vient de monter ma Lire ;
Therese anime mes Concerts.
Guidé par le feu qui m'inspire ,
Je vois à flots couler mes Vers.
Fuyez d'ici , Troupe égarée
Des sentiers de la verité.
Cherchez une Idole parée ;
Pour moije veux du temps d'Astrée ;
Rappeller la simplicité.
M
Achile , aux Rives du Scamandre;
A
Briscooffrit des voeux.
A
Glicere , Horace sçut rendre ,
Tout ce qu'on doit à de beaux yeux;
L'un et l'autre , de la parure ,
Evitant l'appas médité
Echapperent à l'imposture ;
Et
3.
AVRIL. 1732. 673
Et placerent dans la Nature ,
Le Trône de la Volupté.
龍
Seroit-ce au brillant étalage ,
De quelque frivole ornement ,
Que mon cœur fixeroit l'hommage ,
A la beauté dû seulement.
Mais j'entends l'instinct qui s'explique.
Il me fait dire par mes sens ,
Que votre cœur au vrai s'applique ;
Tout autre culte est fanatique ,
Et flétriroit vos sentimens
Lecteurs , de Cyrus , de Clelie ,
Vous ne goutez pas mes Leçons
Votre ame est trop enorgueillie ,
Pour vous prêter à mes raisons
Voyez Venus fendant les Nuës ,
Qui vient approuver mes accens.
Et , se mocquant de vos bévûës
Voyez les Graces demi nuës ,
Rejetter vos fades encens.
Décorez-vous , Héros du Tasse ,
De la vertu des Paladins ,
Morfondez-vous suivant leur trace C1
Je
774 MERCURE DE FRANCE
Je vous suis par d'autres chemins ;
Horace que je prends pour guide,
Présente Therese à mes feux.
Un air naïf, fimple , timide
Vaut mieux que les faveurs d'Armide
Pour l'Amant qui veut être heureux,
Enfant chéri de la Nature ,
Therese , objet de tous ses dons;
Je veux que la Race future,
Te connoisse par mes Chansons,
Si la Fortune qui nous joue,
Dans sa colere a fait ton sort;
Tevoyant au bas de sa Roue ,
Est-il un Mortel qui n'avoue,
Qu'elle est aveugle et qu'elle a tort.
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Résumé : THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
Le texte est une ode intitulée 'THERESE' écrite par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers. L'auteur exprime son amour pour Thérèse, qui inspire ses concerts et ses vers. Il critique ceux qui s'éloignent de la vérité et cherchent des idoles artificielles, préférant la simplicité et la nature. Il cite des exemples de la mythologie et de la littérature, comme Achille et Horace, pour illustrer la pureté des sentiments amoureux. L'auteur rejette les ornements frivoles et les apparences trompeuses, affirmant que son cœur est attiré par la véritable beauté. Il invite les lecteurs à suivre des leçons de simplicité et de naturel, en opposition à l'orgueil et aux fausses valeurs. Thérèse est présentée comme un enfant chéri de la nature, digne d'être connu par les générations futures. L'auteur critique également la fortune aveugle qui peut jouer avec le destin des hommes.
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130
p. 1077-1081
A MADAME la Princesse de Conti, premiere Douairiere.
Début :
Prophanes Nymphes du Permesse [...]
Mots clefs :
Princesse de Conti, Lyre, Faveurs, Respects, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME la Princesse de Conti, premiere Douairiere.
A MADAME la Princesse de Conti ,
premiere Douairiere.
ODE
PRophanes Nymphes du Permesse
Je ne veux plus suivre vos pas ,
Trop long-temps vos trompeurs app.
Ont séduit ma folle jeunesse ;
Plus j'approche du Monument ,
Plus je vois sans déguisement ,
Combien vos faveurs sont à craindre ,
Et ma maison est un flambeau ,
Dont l'éclat n'est jamais si beau ,
Que lorsqu'il est prêt de s'éteindre.
Tantôt sur un ton langoureux ,
Vous avez ajusté ma Lyre ,
Dont souvent mon tendre délire ,
Atiré des sons dangereux ,
Tantôt plus charmé pour Athénes ,
Des traits lancez par Démosthènes ,
Qu'intimidé par ses malheurs ,
Je n'ai pas craint sous vos auspices
De parcourir des, précipices ,
Que vous m'aviez semés de fleurs.
I. Vol.
Que Biiij
1078 MERCURE DE FRANCE
Que de jours remplis d'amertume ,
M'attira le couroux du Ciel ,
Quand je laissai couler le fiel ,
Où vous aviez trempé ma plume !
N'aurois-je pas perdu le jour ,
Dans l'horreur d'un affreux séjour ( a ) ,
Voisin de l'Empire des Manes >
Si mes vœux s'étoient reposez ,
Sus vos Hercules supposez ,
Qu sur vos feintes Arianes ?·
J'addressai mes humbles respects,
Au Dieu qu'adore une Princesse ,
Dont on prise autant la sagesse ,
Qu'on fut charmé de ses attraits ;
Alors , agréable surprise !
L'airain de mes Portes se brise ,
Ma fuite devance les vents ;
Et je vois la plaine liquide ,
M'ouvrir une route solide ,
A travers deux remparts mouvans.
粥
Compare , ô Chantre de la Grèce ,
A ces secrets miraculeux ,
Ceux que ton Héros fabuleux ,
Reçut d'une fausse Déesse ;
(a )Les Isles de fainte Marguerite.
1. Vol. Qui-
JUIN.
1732. 1079
Quiconque a Dieu pour son appui ,
Et ne met son espoir qu'en lui ,
Brave les fureurs de l'envie ;
Parmi les piéges des méchans ,
Au milieu des glaives tranchans ,
Ilne tremble point pour sa vie.
'Armé d'un si puissant secours
J'ai rendu ma course celebre ,
Depuis le Pô , le Tage et l'Ebre,
Jusqu'où Lamstel finit son cours ,
De l'Apennin aux Pirenées ,
J'ai vu des têtes couronnées ,'
Relever mon sort abbatu ;
Souvent les ames généreuses ;
Donnent aux fautes courageuses
Les Eloges de la vertu.
Sorti des Terres étrangeres ,
Od j'ai vû dix ans s'écouler ,
Qu'il m'est doux de ne plus fouler
Que l'héritage de mes Peres. !
Je vis sous leurs antiques toits ,
Qu'aux superbes Palais des Rois ,
Préfere mon ame charmée ,
Ou plus heureux , et plus Chrétien ,
1.Vol, By Mon
1080 MERCURE DE FRANCE.
1
Mon cœur ne se plaint plus de rien
Que d'un peu trop de Renommée.
M
C'est dans cet azyle assuré ,
Que souvent mes erreurs passées
Se sont en foule retracées ,
A mon esprit plus épuré.
C'est-là que ma Lyre profane ,
D'an Roy ( a ) que Dieu prit pour organe
Préferant les sacrez accords ,
J'ai cru que par de saintes rimes ,
Je devois réparer les crimes ;
De celles qui font mes remords.
Vous que vers lui par tant de graces ;
Le Seigneur s'est plû d'attirer ,
Vous qu'on peut bien plus admirer ,
Qu'on ne peut marcher sur vos traces.
Princesse , versez dans mon cœur ,
Pour en ranimer la vigueur ,
Ce feu divin qui vous éclaire ;
Et favorisez un projet ,
Qui peut-être a trop pour objet
Un nouveau désir de vous plaire..
M
Tandis qu'à l'Enfant de Cypris
( a) David.
1. Vol. Ma
JUIN. 1732. 1081
Majeunesse a rendu les armes,
J'ai de vous emprunté les charmes
Que j'ai dépeint dans mes Ecrits ;
'Aujourd'hui qu'ennemi des Fables ,
C'est aux veritez ineffables ,
Que mon Luth veut se consacrer ,
Je prens sur vos vertus augustes,
Celles que des rimes plus justes ,
Ont entrepris de célébrer.
M. D.B
Le 4 Mars 1732.
premiere Douairiere.
ODE
PRophanes Nymphes du Permesse
Je ne veux plus suivre vos pas ,
Trop long-temps vos trompeurs app.
Ont séduit ma folle jeunesse ;
Plus j'approche du Monument ,
Plus je vois sans déguisement ,
Combien vos faveurs sont à craindre ,
Et ma maison est un flambeau ,
Dont l'éclat n'est jamais si beau ,
Que lorsqu'il est prêt de s'éteindre.
Tantôt sur un ton langoureux ,
Vous avez ajusté ma Lyre ,
Dont souvent mon tendre délire ,
Atiré des sons dangereux ,
Tantôt plus charmé pour Athénes ,
Des traits lancez par Démosthènes ,
Qu'intimidé par ses malheurs ,
Je n'ai pas craint sous vos auspices
De parcourir des, précipices ,
Que vous m'aviez semés de fleurs.
I. Vol.
Que Biiij
1078 MERCURE DE FRANCE
Que de jours remplis d'amertume ,
M'attira le couroux du Ciel ,
Quand je laissai couler le fiel ,
Où vous aviez trempé ma plume !
N'aurois-je pas perdu le jour ,
Dans l'horreur d'un affreux séjour ( a ) ,
Voisin de l'Empire des Manes >
Si mes vœux s'étoient reposez ,
Sus vos Hercules supposez ,
Qu sur vos feintes Arianes ?·
J'addressai mes humbles respects,
Au Dieu qu'adore une Princesse ,
Dont on prise autant la sagesse ,
Qu'on fut charmé de ses attraits ;
Alors , agréable surprise !
L'airain de mes Portes se brise ,
Ma fuite devance les vents ;
Et je vois la plaine liquide ,
M'ouvrir une route solide ,
A travers deux remparts mouvans.
粥
Compare , ô Chantre de la Grèce ,
A ces secrets miraculeux ,
Ceux que ton Héros fabuleux ,
Reçut d'une fausse Déesse ;
(a )Les Isles de fainte Marguerite.
1. Vol. Qui-
JUIN.
1732. 1079
Quiconque a Dieu pour son appui ,
Et ne met son espoir qu'en lui ,
Brave les fureurs de l'envie ;
Parmi les piéges des méchans ,
Au milieu des glaives tranchans ,
Ilne tremble point pour sa vie.
'Armé d'un si puissant secours
J'ai rendu ma course celebre ,
Depuis le Pô , le Tage et l'Ebre,
Jusqu'où Lamstel finit son cours ,
De l'Apennin aux Pirenées ,
J'ai vu des têtes couronnées ,'
Relever mon sort abbatu ;
Souvent les ames généreuses ;
Donnent aux fautes courageuses
Les Eloges de la vertu.
Sorti des Terres étrangeres ,
Od j'ai vû dix ans s'écouler ,
Qu'il m'est doux de ne plus fouler
Que l'héritage de mes Peres. !
Je vis sous leurs antiques toits ,
Qu'aux superbes Palais des Rois ,
Préfere mon ame charmée ,
Ou plus heureux , et plus Chrétien ,
1.Vol, By Mon
1080 MERCURE DE FRANCE.
1
Mon cœur ne se plaint plus de rien
Que d'un peu trop de Renommée.
M
C'est dans cet azyle assuré ,
Que souvent mes erreurs passées
Se sont en foule retracées ,
A mon esprit plus épuré.
C'est-là que ma Lyre profane ,
D'an Roy ( a ) que Dieu prit pour organe
Préferant les sacrez accords ,
J'ai cru que par de saintes rimes ,
Je devois réparer les crimes ;
De celles qui font mes remords.
Vous que vers lui par tant de graces ;
Le Seigneur s'est plû d'attirer ,
Vous qu'on peut bien plus admirer ,
Qu'on ne peut marcher sur vos traces.
Princesse , versez dans mon cœur ,
Pour en ranimer la vigueur ,
Ce feu divin qui vous éclaire ;
Et favorisez un projet ,
Qui peut-être a trop pour objet
Un nouveau désir de vous plaire..
M
Tandis qu'à l'Enfant de Cypris
( a) David.
1. Vol. Ma
JUIN. 1732. 1081
Majeunesse a rendu les armes,
J'ai de vous emprunté les charmes
Que j'ai dépeint dans mes Ecrits ;
'Aujourd'hui qu'ennemi des Fables ,
C'est aux veritez ineffables ,
Que mon Luth veut se consacrer ,
Je prens sur vos vertus augustes,
Celles que des rimes plus justes ,
Ont entrepris de célébrer.
M. D.B
Le 4 Mars 1732.
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Résumé : A MADAME la Princesse de Conti, premiere Douairiere.
Le texte est une ode dédiée à Madame la Princesse de Conti. Le poète exprime son désir de se libérer des influences trompeuses des nymphes du Permesse, qui ont séduit sa jeunesse. Il reconnaît la dangerosité de ces influences et compare sa maison à un flambeau dont l'éclat est le plus beau lorsqu'il est prêt à s'éteindre. Le poète évoque les jours d'amertume causés par la colère divine, lorsqu'il a laissé couler le fiel dans ses écrits. Il remercie Dieu pour son soutien, qui lui a permis de surmonter les fureurs de l'envie et les pièges des méchants. Grâce à ce soutien, il a pu rendre sa course célèbre à travers diverses régions d'Europe et a vu des têtes couronnées relever son sort abattu. De retour dans son héritage ancestral, il se plaint seulement d'une trop grande renommée. Le poète souhaite réparer ses erreurs passées par des rimes saintes et demande à la Princesse de Conti de ranimer son cœur avec le feu divin qui l'éclaire. Il aspire à consacrer son luth aux vérités ineffables et à célébrer les vertus augustes de la Princesse.
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131
p. 1941-1953
IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Corisque. Vous m'aimez, Ménalis, à quoy sert ce langage? [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Corisque, Ménalis, Coeur, Berger, Haine, Tendresse, Sentiment, Jardins, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
IDYLL E.
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
Fermer
Résumé : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'idylle 'Idyll E' de Me de Malcrais de la Vigne est dédiée à Bernard le Bouyer de Fontenelle. Elle narre une dispute amoureuse entre Corisque et Ménalis. Corisque accuse Ménalis d'infidélité après l'avoir vue danser avec Philis et interpréter un geste ambigu. Ménalis se défend en expliquant que ses paroles à Philis étaient innocentes et visaient à comparer Corisque favorablement à Daphné. Corisque révèle ensuite que Mirtil, un autre berger, a mal interprété un œillet qu'elle lui avait destiné pour Ménalis, ajoutant à la confusion. Après des échanges passionnés, Corisque et Ménalis se réconcilient. Leur amour est comparé à celui des rossignols, et ils se jurent une fidélité éternelle. Le texte se conclut par une louange à Fontenelle, dont les œuvres sont admirées pour leur subtilité et leur délicatesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
132
s. p.
ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
Début :
Scavantes Nymphes du Permesse, [...]
Mots clefs :
France, Coeur, Amour, Évêque de Metz, Louange, Temple
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
ODE
A M. l'Evêque de Metz , Duc et Pair
S
de France,
Cavantes Nymphes du Permesse ,
Secondez-moi de vos leçons ;
Je veux soutenir la Noblesse ,
De vos immortelles Chansons ;
Dans le doux transport qui m'inspire ,
Je pense déja que ma Lyre,
Traîne les Rochers et les Bois ;
Et que de la Mozelle au Gange ,
A ij Elle
2100 MERCURE DE FRANCE
Elle va porter la loüange ,
Du grand Prélat dont j'ai fait choix.
Coislin , l'ornement de notre âge.
Cefut pour nous un grand bonheur
Quand des Monarques le plus sage
Te choisit pour notre Pasteur ;
D'abord ta sage vigilance ,
Loin de toi bannit l'ignorance ,
Qui se glissoit dans ton Clergé ;
Qui ne sait que dans tes Ecoles ,
Nourri des divines paroles ,
Dans peu de temps il fut changé ?a
Tendre Pere pour tes ouailles ,
Tu ne bornes pas là tes soins ;
Leurs maux déchirant tes entrailles ,
Tu pourvois à tous leurs besoins,
Pour tirer la Fille égarée ,
D'un lieu qui l'a deshonorée ,
Tu fais élever un Saint lieu ;
C'est là que , grace au bon exemple ,
Son cœur souillé devient le Temple ,
De l'amour qu'on doit au vrai Dicu.
Bientôt en faveur du malade ,
Denué de soulagement ,
Ta
OCTOBRE. 1732. 2101
·
Ta charité te persuade,
De faire un vaste logement s
Là , par ta sage prévoyance
I1 reçoit avec abondance ,
Les secours les plus précieux ;
Pour prix de cet amour si tendre ,
N'es-tu pas en droit de prétendre
Une couronne dans les Cieux ?
Par les voix de la Renommée ,
Qui vole en cent climats divers ,
Ta vertu se trouve semée
Dans tous les coins de l'Univers.
Pour la garantir des naufrages,
Qui peuvent suivre les orages ,
Du vaste Ocean où tu cours
La Piété te sert de guide ,
Et te prete un secours solide ,
Contre les vices de nos jours.
Dans ses yeux , la grace allumée ,
D'un feu pur et rempli d'appas
Te fait d'inutile fumée ,
Traiter tous les biens d'ici-bas.
>
Ton cœur ne connoît leur usage ,
Que par le genereux partage ,
Qu'il en accorde aux malheureux ;
A iij Come
2102 MERCURE DE FRANCE
Combien languiroient dans les chaînes,
Qui sont délivrez de leurs peines ,
Par tes dons répandus ( 1 ) sur eux ?
Icy je vois un Seminaire ,
Fondé pour le Clerc indigent ;
Là , des Temples tombez par terre
Relevez par ton zele ardent.
Tel que , dans sa vaste carriere
Le Soleil porte sa lumiere ,
Aux differentes Nations ;
Telles tes bontez secourables ,
S'étendent sur les misérables ,
De toutes les conditions.
Des doux effets de ta largesse ,
Quels sont ces nouveaux monumens !
J'admire ta haute sagesse ,
Dans ces suberbes ( 2 ) bâtimens :
C'est peu d'embellir notre Ville ;
Ils servent de frein et d'azile ;
Le Soldat s'y tient rassemblé ;
( 1 ) Ala naissance de Monseigneur le Dauphin,
il a payé les dettes d'un grand nombre de Prisonniers , qui ont été mis en liberté.
( 2 ) Il afait construire deux grands Corps de
Cazernes , qui forment avec leurs Pavillons , une Place magnifique.
Par
5
OCTOBRE. 1732.
2103 Par tes soins la foible innocence ,
N'est plus en proye à la licence ;
Notre sommeil n'est plus troublé.
Mais de quelle affreuse misere ,
L'humble Artisan est délivré !
Il est maître de son salaire ,
Du Soldat jadis ( 1 ) dévoré ;
Tranquille , à couvert des insultes ;
De cet Hôte , ami des tumultes ,
Il benit l'auteur de son sort ;
Et dans un sort si favorable ,
Il baise la main secourable
Qui l'a fait entrer dans le Port.
C'est pour consacrer la mémoire
De tant de celebres bienfaits ,
Qu'au Ciel nous élevons ta gloire ,
Qui ne s'effacera jamais ;
Parmi des accords magnifiques ,
On n'entend que sacrez Cantiques
Dans les Temples du Dieu jaloux ,
Là, nos cœurs , d'une sainte audace ,
Lui demandent pour toute grace
Que tu vives cent ans pour nous.
( 1 ) Avant qu'il y eut des Cazernes , on fourpissoit aux Soldats le logement , le lit , le bois , la chandelle et toutes les ustancilles du ménage.
Aiiij Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
>
Dans ce jour de réjouissance
Qui ne s'empresse avec ardeur
A marquer la reconnoissance
Qui le pénétre jusqu'au cœur
On ne voit que Tables riantes ,
Que Feux dont les flammes brillantes ,
Font de la nuit un nouveau jour.
Mais tous nos efforts pour te plaire ,
Ne sont qu'une image légere
Des sentimens de notre amour.
O toy , dont le ferme courage ,
A travers les Ondes du Rhin ,
Se fit un glorieux passage ,
Qui nous mit les Palmes ( 1 ) en main ;
Que dis- tu des travaux illustres
Qui sans cesse depuis sept lustres ,
Occupent ton sage héritier ?
Digne fils d'un si noble Pere ,
De la vertu la plus austere ,
Il suit le pénible sentier.
Que dis-tu quand tu consideres
Ce prodige d'humilité
Y
( 1 ) En 1672. son pere Armand du Cambout ;
Duc de Coislin, Pair de France , et Lieutenant General des Armées du Roy , se signala avec éclat an
fameux passage duRhin.
Se
OCTOBRE. 1732 2105
Se plaindre des respects sinceres ,
Que nous rendons à sa bonté ? ,
Dans sa contenance modeste ,
Eclate une vertu celeste ,
En qui nous mettons notre appui
Quel témoignage plus fidele
Qu'un jour il sera le modele ,
De ceux qui viendront après lui
A M. l'Evêque de Metz , Duc et Pair
S
de France,
Cavantes Nymphes du Permesse ,
Secondez-moi de vos leçons ;
Je veux soutenir la Noblesse ,
De vos immortelles Chansons ;
Dans le doux transport qui m'inspire ,
Je pense déja que ma Lyre,
Traîne les Rochers et les Bois ;
Et que de la Mozelle au Gange ,
A ij Elle
2100 MERCURE DE FRANCE
Elle va porter la loüange ,
Du grand Prélat dont j'ai fait choix.
Coislin , l'ornement de notre âge.
Cefut pour nous un grand bonheur
Quand des Monarques le plus sage
Te choisit pour notre Pasteur ;
D'abord ta sage vigilance ,
Loin de toi bannit l'ignorance ,
Qui se glissoit dans ton Clergé ;
Qui ne sait que dans tes Ecoles ,
Nourri des divines paroles ,
Dans peu de temps il fut changé ?a
Tendre Pere pour tes ouailles ,
Tu ne bornes pas là tes soins ;
Leurs maux déchirant tes entrailles ,
Tu pourvois à tous leurs besoins,
Pour tirer la Fille égarée ,
D'un lieu qui l'a deshonorée ,
Tu fais élever un Saint lieu ;
C'est là que , grace au bon exemple ,
Son cœur souillé devient le Temple ,
De l'amour qu'on doit au vrai Dicu.
Bientôt en faveur du malade ,
Denué de soulagement ,
Ta
OCTOBRE. 1732. 2101
·
Ta charité te persuade,
De faire un vaste logement s
Là , par ta sage prévoyance
I1 reçoit avec abondance ,
Les secours les plus précieux ;
Pour prix de cet amour si tendre ,
N'es-tu pas en droit de prétendre
Une couronne dans les Cieux ?
Par les voix de la Renommée ,
Qui vole en cent climats divers ,
Ta vertu se trouve semée
Dans tous les coins de l'Univers.
Pour la garantir des naufrages,
Qui peuvent suivre les orages ,
Du vaste Ocean où tu cours
La Piété te sert de guide ,
Et te prete un secours solide ,
Contre les vices de nos jours.
Dans ses yeux , la grace allumée ,
D'un feu pur et rempli d'appas
Te fait d'inutile fumée ,
Traiter tous les biens d'ici-bas.
>
Ton cœur ne connoît leur usage ,
Que par le genereux partage ,
Qu'il en accorde aux malheureux ;
A iij Come
2102 MERCURE DE FRANCE
Combien languiroient dans les chaînes,
Qui sont délivrez de leurs peines ,
Par tes dons répandus ( 1 ) sur eux ?
Icy je vois un Seminaire ,
Fondé pour le Clerc indigent ;
Là , des Temples tombez par terre
Relevez par ton zele ardent.
Tel que , dans sa vaste carriere
Le Soleil porte sa lumiere ,
Aux differentes Nations ;
Telles tes bontez secourables ,
S'étendent sur les misérables ,
De toutes les conditions.
Des doux effets de ta largesse ,
Quels sont ces nouveaux monumens !
J'admire ta haute sagesse ,
Dans ces suberbes ( 2 ) bâtimens :
C'est peu d'embellir notre Ville ;
Ils servent de frein et d'azile ;
Le Soldat s'y tient rassemblé ;
( 1 ) Ala naissance de Monseigneur le Dauphin,
il a payé les dettes d'un grand nombre de Prisonniers , qui ont été mis en liberté.
( 2 ) Il afait construire deux grands Corps de
Cazernes , qui forment avec leurs Pavillons , une Place magnifique.
Par
5
OCTOBRE. 1732.
2103 Par tes soins la foible innocence ,
N'est plus en proye à la licence ;
Notre sommeil n'est plus troublé.
Mais de quelle affreuse misere ,
L'humble Artisan est délivré !
Il est maître de son salaire ,
Du Soldat jadis ( 1 ) dévoré ;
Tranquille , à couvert des insultes ;
De cet Hôte , ami des tumultes ,
Il benit l'auteur de son sort ;
Et dans un sort si favorable ,
Il baise la main secourable
Qui l'a fait entrer dans le Port.
C'est pour consacrer la mémoire
De tant de celebres bienfaits ,
Qu'au Ciel nous élevons ta gloire ,
Qui ne s'effacera jamais ;
Parmi des accords magnifiques ,
On n'entend que sacrez Cantiques
Dans les Temples du Dieu jaloux ,
Là, nos cœurs , d'une sainte audace ,
Lui demandent pour toute grace
Que tu vives cent ans pour nous.
( 1 ) Avant qu'il y eut des Cazernes , on fourpissoit aux Soldats le logement , le lit , le bois , la chandelle et toutes les ustancilles du ménage.
Aiiij Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
>
Dans ce jour de réjouissance
Qui ne s'empresse avec ardeur
A marquer la reconnoissance
Qui le pénétre jusqu'au cœur
On ne voit que Tables riantes ,
Que Feux dont les flammes brillantes ,
Font de la nuit un nouveau jour.
Mais tous nos efforts pour te plaire ,
Ne sont qu'une image légere
Des sentimens de notre amour.
O toy , dont le ferme courage ,
A travers les Ondes du Rhin ,
Se fit un glorieux passage ,
Qui nous mit les Palmes ( 1 ) en main ;
Que dis- tu des travaux illustres
Qui sans cesse depuis sept lustres ,
Occupent ton sage héritier ?
Digne fils d'un si noble Pere ,
De la vertu la plus austere ,
Il suit le pénible sentier.
Que dis-tu quand tu consideres
Ce prodige d'humilité
Y
( 1 ) En 1672. son pere Armand du Cambout ;
Duc de Coislin, Pair de France , et Lieutenant General des Armées du Roy , se signala avec éclat an
fameux passage duRhin.
Se
OCTOBRE. 1732 2105
Se plaindre des respects sinceres ,
Que nous rendons à sa bonté ? ,
Dans sa contenance modeste ,
Eclate une vertu celeste ,
En qui nous mettons notre appui
Quel témoignage plus fidele
Qu'un jour il sera le modele ,
De ceux qui viendront après lui
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Résumé : ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
Le texte est une ode dédiée à Armand de Coislin, évêque de Metz, Duc et Pair de France. L'auteur invoque les muses pour célébrer la noblesse et la vertu de l'évêque. Il loue la sagesse et la vigilance de Coislin, qui a banni l'ignorance dans son clergé et a fondé des écoles pour former les fidèles. L'évêque est décrit comme un père attentionné pour ses ouailles, prenant soin de leurs besoins spirituels et matériels. Il a construit des lieux saints pour les filles égarées et des logements pour les malades. Sa charité et sa piété sont soulignées, ainsi que son dévouement envers les malheureux et les indigents. L'auteur mentionne également des actions spécifiques de Coislin, comme la fondation d'un séminaire pour les clercs pauvres et la reconstruction de temples. Il admire la sagesse et la générosité de l'évêque, qui a embelli la ville et construit des casernes pour protéger les habitants. L'ode se termine par une prière pour que l'évêque vive longtemps et par des louanges à son fils, qui suit les traces de son père avec humilité et vertu.
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133
p. 2172-2173
A M. Nericault Destouches.
Début :
De nos jours, aimable Terence, [...]
Mots clefs :
Coeur, Art, Plaisir, Scène, Traits, Orgueil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. Nericault Destouches.
A M. Nericault Destouches.
E nos jours,aimable Terence ,
Jouis des applaudissemens ,
Dont le bon goût qui reste en France ,
Et que tu fais revivre, honore tes talens.
Ton Art , ami de la Nature ,
Donne de l'ame à ses portraits ,
Et par une heureuse imposture
De la réalité la feinte a tous les traits.
J'admire dans chaque partie
Ce qui me charme dans le tout ;
La Scene à la Scene assortie
De plaisirs en plaisirs me conduit jusqu'au bout.
Le Philosophe m'interesse ,
La Coquette me divertit ,
Mélite surprend ma tendresse ,
Et je pleure et je ris quand l'Oncle s'attendrit.
La noblesse des caracteres
Me charme dans le Glorieux ;
Com
OCTOBRE. 1732 2173
Combien de mouvemens contraires
Agitent tour à tour son cœur impérieux.
L'orgueil , ce vice détestable ,
Malgré lui se voit confondu ,
9
Que la sœur du Comte est aimable !
Son cœur répare bien tout ce qu'elle a perdu
Par tout, d'ingénieux contrastes
Naissent sous ta féconde main ;
Tu sçais mieux que les Teophrastes ,
Déployer avec art le fond du cœur humain.
Tu découvres de nos caprices
Jusques aux traits les moins connus ;
Ton esprit sçait peindre les vices ,
Et ton cœur sans effort exprime les vertus.
En vain l'envieuse Critique
Maigrit et séche de dépit ,
Lors
Laisse gronder ce monstre étique
que pour te venger tout Paris t'aplaudit.
G. D. V.
E nos jours,aimable Terence ,
Jouis des applaudissemens ,
Dont le bon goût qui reste en France ,
Et que tu fais revivre, honore tes talens.
Ton Art , ami de la Nature ,
Donne de l'ame à ses portraits ,
Et par une heureuse imposture
De la réalité la feinte a tous les traits.
J'admire dans chaque partie
Ce qui me charme dans le tout ;
La Scene à la Scene assortie
De plaisirs en plaisirs me conduit jusqu'au bout.
Le Philosophe m'interesse ,
La Coquette me divertit ,
Mélite surprend ma tendresse ,
Et je pleure et je ris quand l'Oncle s'attendrit.
La noblesse des caracteres
Me charme dans le Glorieux ;
Com
OCTOBRE. 1732 2173
Combien de mouvemens contraires
Agitent tour à tour son cœur impérieux.
L'orgueil , ce vice détestable ,
Malgré lui se voit confondu ,
9
Que la sœur du Comte est aimable !
Son cœur répare bien tout ce qu'elle a perdu
Par tout, d'ingénieux contrastes
Naissent sous ta féconde main ;
Tu sçais mieux que les Teophrastes ,
Déployer avec art le fond du cœur humain.
Tu découvres de nos caprices
Jusques aux traits les moins connus ;
Ton esprit sçait peindre les vices ,
Et ton cœur sans effort exprime les vertus.
En vain l'envieuse Critique
Maigrit et séche de dépit ,
Lors
Laisse gronder ce monstre étique
que pour te venger tout Paris t'aplaudit.
G. D. V.
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Résumé : A M. Nericault Destouches.
L'auteur adresse une lettre à M. Nericault Destouches, le comparant à Terence, un dramaturge célèbre. Il exprime son admiration pour les œuvres de Destouches, soulignant leur fidélité à la nature et leur capacité à donner de l'âme aux portraits. Chaque scène suscite divers sentiments, allant de l'intérêt philosophique au divertissement, en passant par la tendresse et la joie. Les personnages, tels que le Philosophe, la Coquette, Mélite et l'Oncle, sont appréciés pour leur authenticité et leur capacité à émouvoir. Le texte loue également la noblesse des caractères et les contrastes ingénieux présents dans les œuvres de Destouches. L'auteur admire la capacité de Destouches à révéler les caprices humains et à peindre les vices tout en exprimant les vertus. Enfin, il mentionne que la critique envieuse ne peut nuire à la popularité de Destouches, car tout Paris l'applaudit.
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134
p. 2192
MADRIGAL. De Mlle de Malcrais de la Vigne, au Poëte des bords de la Marne, Auteur de l'Ode à sa louange, imprimée dans le Mercure de May 1732.
Début :
Berger, dont l'aimable Musette [...]
Mots clefs :
Berger, Coeur, Sons flatteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL. De Mlle de Malcrais de la Vigne, au Poëte des bords de la Marne, Auteur de l'Ode à sa louange, imprimée dans le Mercure de May 1732.
MADRIGAL.
De Me de Malcrais de la Vigne , au
Poëte des bords de la Marne , Auteur de
l'Ode à sa loйange , imprimée dans le
Mercure de May 1732.
Berger ,dont l'aimable Musette ,
Sçut raisonner pour moi sur un si joli ton ,
Que l'écho de mon cœur sans cesse le repete ;
De dites-moi votre nom.
grace ,
beau Berger ,
Mais non , non , taisez vous: Sur le riant gazon ,
Le hazard se plairoit à nous mener peut- être.
Un cœur n'est pas toûjours son maitre ;
Et vous chantez si tendrement ,
Vos sons flateurs entrent si doucement ,
Non , je ne veux pas vous connoître.
De Me de Malcrais de la Vigne , au
Poëte des bords de la Marne , Auteur de
l'Ode à sa loйange , imprimée dans le
Mercure de May 1732.
Berger ,dont l'aimable Musette ,
Sçut raisonner pour moi sur un si joli ton ,
Que l'écho de mon cœur sans cesse le repete ;
De dites-moi votre nom.
grace ,
beau Berger ,
Mais non , non , taisez vous: Sur le riant gazon ,
Le hazard se plairoit à nous mener peut- être.
Un cœur n'est pas toûjours son maitre ;
Et vous chantez si tendrement ,
Vos sons flateurs entrent si doucement ,
Non , je ne veux pas vous connoître.
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Résumé : MADRIGAL. De Mlle de Malcrais de la Vigne, au Poëte des bords de la Marne, Auteur de l'Ode à sa louange, imprimée dans le Mercure de May 1732.
Le madrigal célèbre un poète des bords de la Marne, auteur de l'Ode publiée en mai 1732. Le locuteur admire la mélodie d'un berger, dont la musique résonne dans son cœur. Il préfère ignorer le nom du berger, se laissant guider par le hasard, et savoure la douceur de sa musique sans connaître son identité.
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135
p. 2407-2409
BOUQUET à Mlle...
Début :
Amour, c'est trop long-tems rester dans le silence; [...]
Mots clefs :
Coeur, Bouquet, Funestes conseils, Secret, Amour, Ardeur , Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET à Mlle...
BOUQUET à Mitte ...
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
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Résumé : BOUQUET à Mlle...
Dans une lettre poétique adressée à Mitte, l'auteur exprime son amour pour une femme nommée Iris. Il révèle qu'il garde cet amour secret depuis plus de six mois, suivant les conseils de Mitte de ne pas révéler ses sentiments directement. L'auteur décrit les moyens subtils qu'il utilise pour montrer son affection, comme fixer son regard sur Iris pour lui faire comprendre son attachement. Il admire la beauté et les charmes d'Iris, notant qu'elle est toujours accompagnée des Grâces, des Rires, des Amours et des Jeux. L'auteur exprime son désir de lui révéler son amour, espérant que ses vers pourront adoucir son cœur. La lettre se conclut par la décision de l'auteur de présenter son cœur à Iris sous forme de bouquet pour sa fête le lendemain.
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136
p. 243[1]-2432
A Mlle de... qui avoit reproché à M. C... ses irrésolutions.
Début :
Si mon coeur est irrésolu, [...]
Mots clefs :
Irrésolutions, Coeur, Inconstance, Raison, Charmer, Aimer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Mlle de... qui avoit reproché à M. C... ses irrésolutions.
M" de... qui avoit reproché à M.C...
ses irrésolutions.
SII mon cœur est irrésolu ,
Ce n'est point signe d'inconstance ;
Vos yeux tant qu'ils voudront , trop surs de leur puissance ,
Exerceront sur lui leur empire absolu.
L'Amour n'a pas besoin d'emploïer tous vos charmes
Pour fixer à jamais l'hommage de mes vœux ,
Mais toujours la raison pour combattre mes feux ,
Dans vos rigueurs trouve ses armes.
Vous aimez trop l'aimable Iris ,
Me dit-elle , écoutez ce que je dis sans cesse
Il faut quitter l'objet dont on est trop épris ,
Quand sa fierté dédaigne une vive tendresse ;
Un jeune cœur que l'amour a surpris ,
S'il ne vit d'esperance, expire de tristesse.
Hélas , après cette leçon,
Elle fuit , quand on voit fuir ainsi la raison ,
On sent revenir sa foiblesse.
Depuis ce temps je crois que le trait qui me blesse ,
Vient d'un dépit vengeur de l'enfant de Cypris
Mais peut-être qu'il s'est mépris ,
Peut-être aussi qu'en parcourant le monde,
Fij Il
£432 MERCURE DE FRANCE
Il cherchoit un mortel qui fut digne de vous ,
Pour l'amener à vos genoux.
Mais lassé de voler sur la terre et sur l'Onde ,
Sans en trouver un seul digne de vous charmer ,
Il a blessé celui qui sçait le mieux aimer.
CARRELET.
ses irrésolutions.
SII mon cœur est irrésolu ,
Ce n'est point signe d'inconstance ;
Vos yeux tant qu'ils voudront , trop surs de leur puissance ,
Exerceront sur lui leur empire absolu.
L'Amour n'a pas besoin d'emploïer tous vos charmes
Pour fixer à jamais l'hommage de mes vœux ,
Mais toujours la raison pour combattre mes feux ,
Dans vos rigueurs trouve ses armes.
Vous aimez trop l'aimable Iris ,
Me dit-elle , écoutez ce que je dis sans cesse
Il faut quitter l'objet dont on est trop épris ,
Quand sa fierté dédaigne une vive tendresse ;
Un jeune cœur que l'amour a surpris ,
S'il ne vit d'esperance, expire de tristesse.
Hélas , après cette leçon,
Elle fuit , quand on voit fuir ainsi la raison ,
On sent revenir sa foiblesse.
Depuis ce temps je crois que le trait qui me blesse ,
Vient d'un dépit vengeur de l'enfant de Cypris
Mais peut-être qu'il s'est mépris ,
Peut-être aussi qu'en parcourant le monde,
Fij Il
£432 MERCURE DE FRANCE
Il cherchoit un mortel qui fut digne de vous ,
Pour l'amener à vos genoux.
Mais lassé de voler sur la terre et sur l'Onde ,
Sans en trouver un seul digne de vous charmer ,
Il a blessé celui qui sçait le mieux aimer.
CARRELET.
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Résumé : A Mlle de... qui avoit reproché à M. C... ses irrésolutions.
Un individu, accusé d'irrésolution, défend son cœur en affirmant que cela ne signifie pas inconstance. Il reconnaît l'influence des yeux de son interlocuteur sur son cœur, mais souligne que l'amour n'a pas besoin de tous les charmes pour se fixer. Cependant, la raison combat ses sentiments, utilisant les rigueurs de cette personne comme armes. Elle met en garde contre un amour excessif pour Iris, conseillant de quitter un objet de tendresse dédaignée pour éviter la tristesse. Après cette leçon, la raison fuit, laissant revenir la faiblesse. L'individu attribue alors ses souffrances à un dépit vengeur de l'Amour, qui aurait cherché en vain un mortel digne de son interlocuteur avant de blesser celui qui aime le mieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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137
p. 2647-2648
BRUNETTE.
Début :
Pour l'adorable Celimene, [...]
Mots clefs :
Feu, Coeur, Charmes, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BRUNETTE.
BRUNETTE.
Pour l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Queje ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon cœur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux
Auprès d'elle l'on est heureux ,"
I. Vol. Fv Sans
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement
Elle me dit d'un ton charmant ,
Out, les Dieux t'ont fait pour me plaire,
Je t'aime tant , &c.
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux
Cher Amant , pour combler mes vœux ,
Répons aux transports de mon aine ;
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant ,
Que mon cœur n'est jamais content.
Par M. Affichard.
Pour l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Queje ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon cœur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux
Auprès d'elle l'on est heureux ,"
I. Vol. Fv Sans
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement
Elle me dit d'un ton charmant ,
Out, les Dieux t'ont fait pour me plaire,
Je t'aime tant , &c.
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux
Cher Amant , pour combler mes vœux ,
Répons aux transports de mon aine ;
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant ,
Que mon cœur n'est jamais content.
Par M. Affichard.
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Résumé : BRUNETTE.
L'auteur exprime un amour intense et constant pour Célimène, la décrivant comme charmante et heureuse. Il mentionne un moment tendre sur le chemin de Cythère où elle lui avoue son amour. Il l'encourage à maintenir sa passion. La lettre est signée M. Affichard et provient du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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138
p. 2797-2803
LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
Début :
Bocace, ton heureuse veine [...]
Mots clefs :
Coeur, Charbonnier, Damnés de Nevers, Plaisirs, Prince Hervé, Périr, Évêque, Confesseur, Soultrai
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
LES DAMNEZ DE NEVERS ,
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçû le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé, Prince doux et facile ,
II. Vol.
Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Lè bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace ;
Plus il s'avance et plus il s'embarasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôte se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un cœur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
III. Vol. SMF
DECEMBRE. 1732. 2799
LA
DE
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout , comme il croit sommeil.
ler ,
Il voit venir d'une vitesse extrême
Un homme noir montant cheval de même
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûrée
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin ,
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume ;
Sous ce grand Chefj'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce cœur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son amitié ;
Les petits soins , l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours ,
11. vol.
J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
1
J'ai tranché moi- même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le cœur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui-même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile,
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Neregrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire ;
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien-tôt arriver sur sa mule ;
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2801
Le bon Evêque plus crédule
Dit qu'il falloit assembler son Senat ;
Dans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Point n'écoutoit Abbés coquets
Moins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
Mais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
L'adroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles.
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
Fonder Convent , mais Convent ayant manse
Abbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
Pour réparer forfait tant odieux
Moines au Chour disent toujours Matine ,
De chants dévots font retentir les cieux ,
Fors dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
Ils en donnent sur ma parole
Pour son argent ; n'en rendront une obole ;
Ce n'est point tout teur
maint grand Prédica
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise voisfait quelques progrès dans Nevers,
II. Vol. Ainsi
2802 MERCURE DE FRANCE
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur ,
Si que le cas Dames sçavoient par cœur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur cœur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhumai nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins * et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ,
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Ele croit l'entendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne et Touraine sont deux Régimens qui
ont été engarnison àNevers,
II. Vel. Des
DECEMBRE. 1732. 2807
Des Guerriers ce sont là les droits ;
Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand-dommage,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ,
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel- les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe
Or moralise qui voudra
;
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais, Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
You 11. Vol.
D
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçû le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé, Prince doux et facile ,
II. Vol.
Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Lè bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace ;
Plus il s'avance et plus il s'embarasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôte se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un cœur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
III. Vol. SMF
DECEMBRE. 1732. 2799
LA
DE
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout , comme il croit sommeil.
ler ,
Il voit venir d'une vitesse extrême
Un homme noir montant cheval de même
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûrée
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin ,
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume ;
Sous ce grand Chefj'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce cœur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son amitié ;
Les petits soins , l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours ,
11. vol.
J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
1
J'ai tranché moi- même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le cœur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui-même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile,
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Neregrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire ;
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien-tôt arriver sur sa mule ;
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2801
Le bon Evêque plus crédule
Dit qu'il falloit assembler son Senat ;
Dans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Point n'écoutoit Abbés coquets
Moins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
Mais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
L'adroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles.
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
Fonder Convent , mais Convent ayant manse
Abbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
Pour réparer forfait tant odieux
Moines au Chour disent toujours Matine ,
De chants dévots font retentir les cieux ,
Fors dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
Ils en donnent sur ma parole
Pour son argent ; n'en rendront une obole ;
Ce n'est point tout teur
maint grand Prédica
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise voisfait quelques progrès dans Nevers,
II. Vol. Ainsi
2802 MERCURE DE FRANCE
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur ,
Si que le cas Dames sçavoient par cœur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur cœur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhumai nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins * et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ,
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Ele croit l'entendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne et Touraine sont deux Régimens qui
ont été engarnison àNevers,
II. Vel. Des
DECEMBRE. 1732. 2807
Des Guerriers ce sont là les droits ;
Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand-dommage,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ,
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel- les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe
Or moralise qui voudra
;
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais, Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
You 11. Vol.
D
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Résumé : LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
Le texte 'Les Damnez de Nevers' est un conte inspiré de l'histoire des Nivernois, rédigé par Guy-Coquille et dédié à Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers. L'œuvre commence par une invocation à Boccace, célèbre pour ses récits, et se concentre sur le Comte Hervé de Nevers, connu pour son règne marqué par les jeux, les plaisirs et l'amour. Un jour, le Comte Hervé, perdu lors d'une chasse, trouve refuge chez un charbonnier. Pendant la nuit, il assiste à une scène surnaturelle où un homme noir, ancien soldat de son aïeul, venge sa mort en tuant une femme cruelle qui l'avait rejeté. Hervé tente d'intervenir mais est averti par le spectre de ne pas s'opposer au destin. Le lendemain, Hervé retourne en ville et raconte l'histoire à ses barons. Un prélat est convoqué et décide de fonder un couvent pour expier l'offense. L'histoire devient célèbre et influence les femmes de Nevers, les incitant à adopter des comportements plus cléments et reconnaissants. Le conte se termine par une réflexion sur la morale, suggérant que chaque récit doit contenir des vérités. L'auteur, Pierre de Frasnai, Trésorier de France à Moulins, conclut en laissant la morale à ceux qui souhaitent l'interpréter.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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139
p. 2814-2817
A Mlle de Malcrais de la Vigne, STANCES IRREGULIERES Pour servir de Réponse à son Madrigal imprimé dans le Mercure d'Octobre 1732.
Début :
Au Parnasse François mon nom est ignoré, [...]
Mots clefs :
Portrait, Injure, Sort, Voeux, Immortelle gloire, Marne, Coeur, Parnasse, Arts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Mlle de Malcrais de la Vigne, STANCES IRREGULIERES Pour servir de Réponse à son Madrigal imprimé dans le Mercure d'Octobre 1732.
A Mile de Malcrais de la Vigne ,
STANCES IRREGULIERES
Pour servir de Réponse à son Madrigal
imprimé dans le Mercure d'Octobre 1732.
AuParnasse François mon nom est ignoré;
Malcrais, de le sçavoir n'ayez aucune envie;
Trouvez bon seulement qu'en stile bigaré
Je vous offre aujourd'hui le Tableau de ma vie.
L'amour propre d'abord y place mon Portrait.
L'attitude n'en est pas sûre , ´
Mais l'air de tête n'est pas laid.
Par certains dons de la Nature
Le correctifest apporté
Aux défauts que dans ma figure
II. Vol. Aux
DECEMBRE. 1732 2815
Exagere l'adversité ,
Et de mes amis l'équité
Me sçait venger de cette injure.
Mon esprit curieux cherche la verité
Dont le charme secret l'attire
Après elle , mon cœur n'aspire
Qu'à la parfaite liberté.
2
Sans accuser le sort , content du necessaire ,
Debarassé des soins qui chargent le vulgaire ,
Je renferme mes vœux dans un petit réduit ,
Loin des Grands , loin des sots , de la pompe et
du bruit
Je n'y songe qu'à satisfaire
Mon penchant pour les Arts , et mon goût solftaire.
A l'ombre des Ormeaux dans mes momens per- dus,
Des champêtres plaisirs je trace des images,
Je veux qu'en ces petits ouvrages
On me retrouve encor quand je ne serai
plus.
Je ressens l'aiguillon de l'immortelle gloire,.
Et pressé du desir d'assurer ma mémoire
Ne pouvant partager les travaux des Guer
Je
riers ,
cultive le Mirthe au défaut des Lauriers.
Mon instinct m'a conduit aux Rives du Permesse ;
Euterpe quelquefois m'y donne des leçons ,
II. Vol Sut
2816 MERCURE DE FRANCE
Sur la Flute de Pan je les redis sans cesse
Aux Driades de nos valons ,
Et je décris les lieux où jadis la tendresse
Dicta mes premieres chansons.
Simple sans être sot , Champenois sans ru- desse ,
'Ami du naturel je cherche quand j'écris
Plus à toucher les cœurs qu'à flatter les esprits.
Pour la Ville , la Cour , les Grands et leur es- time ,
Je n'eus jamais la passion
Que fait naître l'ambition ,
Toujours sur la raison , rarement sur la rime
Je fixe mon attention ,
Et c'est moins la refléxion
Que le sentiment qui m'anime ,
Qui régle mon expression.
Permettez donc, illustre Fée
Qu'ici j'exprime simplement
Que je regrette amerement
Le tems où la bonne Zirphée
Sensible à mon empressement
M'eut des plaines de la Champagne
Jusqu'aux rives de la Bretagne
Transporté par enchantement.
Les cœurs qu'un desir héroïque
Portoit aux sublimes amours ,
Contre l'absence tirannique
II. Vol. Dans
DECEMBRE. 1732. 2817
Dans son Art trouvoient des secours ;
Son Char plus rapide qu'Eole ,
Plus prompt que l'Aigle qui s'envole ,
Les entraînoit vers leur beauté ;
Je sens leurs flâmes les plus vives ;
O Marne ! pourquoi sur tes Rives ,
Suis-je donc encor arrêté ?
Un cœur n'est pas toujours son maître ;
Je sçais qu'il viendroit un moment ,
Où le plaisir de vous connoître ,
Se feroit payer cherement.
Mais pour vous voir , pour vous entendre,
Tout risquer et tout entreprendre ,
Ne me paroît point une erreur.
A vos charmes , Fille divine ,
Dans l'ardeur qui me prédomine ,
Je suis prêt à livrer mon cœur.
STANCES IRREGULIERES
Pour servir de Réponse à son Madrigal
imprimé dans le Mercure d'Octobre 1732.
AuParnasse François mon nom est ignoré;
Malcrais, de le sçavoir n'ayez aucune envie;
Trouvez bon seulement qu'en stile bigaré
Je vous offre aujourd'hui le Tableau de ma vie.
L'amour propre d'abord y place mon Portrait.
L'attitude n'en est pas sûre , ´
Mais l'air de tête n'est pas laid.
Par certains dons de la Nature
Le correctifest apporté
Aux défauts que dans ma figure
II. Vol. Aux
DECEMBRE. 1732 2815
Exagere l'adversité ,
Et de mes amis l'équité
Me sçait venger de cette injure.
Mon esprit curieux cherche la verité
Dont le charme secret l'attire
Après elle , mon cœur n'aspire
Qu'à la parfaite liberté.
2
Sans accuser le sort , content du necessaire ,
Debarassé des soins qui chargent le vulgaire ,
Je renferme mes vœux dans un petit réduit ,
Loin des Grands , loin des sots , de la pompe et
du bruit
Je n'y songe qu'à satisfaire
Mon penchant pour les Arts , et mon goût solftaire.
A l'ombre des Ormeaux dans mes momens per- dus,
Des champêtres plaisirs je trace des images,
Je veux qu'en ces petits ouvrages
On me retrouve encor quand je ne serai
plus.
Je ressens l'aiguillon de l'immortelle gloire,.
Et pressé du desir d'assurer ma mémoire
Ne pouvant partager les travaux des Guer
Je
riers ,
cultive le Mirthe au défaut des Lauriers.
Mon instinct m'a conduit aux Rives du Permesse ;
Euterpe quelquefois m'y donne des leçons ,
II. Vol Sut
2816 MERCURE DE FRANCE
Sur la Flute de Pan je les redis sans cesse
Aux Driades de nos valons ,
Et je décris les lieux où jadis la tendresse
Dicta mes premieres chansons.
Simple sans être sot , Champenois sans ru- desse ,
'Ami du naturel je cherche quand j'écris
Plus à toucher les cœurs qu'à flatter les esprits.
Pour la Ville , la Cour , les Grands et leur es- time ,
Je n'eus jamais la passion
Que fait naître l'ambition ,
Toujours sur la raison , rarement sur la rime
Je fixe mon attention ,
Et c'est moins la refléxion
Que le sentiment qui m'anime ,
Qui régle mon expression.
Permettez donc, illustre Fée
Qu'ici j'exprime simplement
Que je regrette amerement
Le tems où la bonne Zirphée
Sensible à mon empressement
M'eut des plaines de la Champagne
Jusqu'aux rives de la Bretagne
Transporté par enchantement.
Les cœurs qu'un desir héroïque
Portoit aux sublimes amours ,
Contre l'absence tirannique
II. Vol. Dans
DECEMBRE. 1732. 2817
Dans son Art trouvoient des secours ;
Son Char plus rapide qu'Eole ,
Plus prompt que l'Aigle qui s'envole ,
Les entraînoit vers leur beauté ;
Je sens leurs flâmes les plus vives ;
O Marne ! pourquoi sur tes Rives ,
Suis-je donc encor arrêté ?
Un cœur n'est pas toujours son maître ;
Je sçais qu'il viendroit un moment ,
Où le plaisir de vous connoître ,
Se feroit payer cherement.
Mais pour vous voir , pour vous entendre,
Tout risquer et tout entreprendre ,
Ne me paroît point une erreur.
A vos charmes , Fille divine ,
Dans l'ardeur qui me prédomine ,
Je suis prêt à livrer mon cœur.
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Résumé : A Mlle de Malcrais de la Vigne, STANCES IRREGULIERES Pour servir de Réponse à son Madrigal imprimé dans le Mercure d'Octobre 1732.
Le texte est une réponse à un madrigal de Mile de Malcrais de la Vigne, publié dans le Mercure d'octobre 1732. L'auteur, restant anonyme au Parnasse français, dresse un tableau de sa vie. Il décrit son portrait, notant que la nature a atténué ses défauts et que l'adversité accentue ses traits. Il apprécie l'équité de ses amis et aspire à la vérité et à la liberté. L'auteur se satisfait du nécessaire, éloigné des grands et des sots, et se consacre aux arts et à la solitude. Il souhaite laisser une trace par ses œuvres et préfère cultiver la gloire par les arts plutôt que par les guerres. Il se définit comme simple et naturel, cherchant à toucher les cœurs plutôt que flatter les esprits. L'auteur regrette un temps passé avec une certaine Zirphée et exprime son désir de la revoir, prêt à tout risquer pour elle. Il conclut en déclarant son ardeur pour les charmes de cette fille divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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140
p. 50-53
LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
Début :
Travaillant nuit et jour, et calculant sans cesse, [...]
Mots clefs :
Dieu, Plutus, Coeur, Vieillard
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
LES NOCES DEPLUTUS;
CANTATE.
. Ravaillant nuit et jour. et calculant sana
cesse ,
Plutus a quoi quäccablé d’une longue vieil-f
5. lesse, ,
4' grossir ses trésors bornoit tous soe plais,’
strs ;
Insensible aux tendres desirs ,
_ Sans cesse on Pentendoit médite
De PAmour et de son Empire;
-Et PCSprÎt agité d’un orgucillcursouci.
,4 Un jour il ÿexprimoit ainsi_: .
i Perfide Enfant, Dieu de Citherc.
Qii sous les appels séduisans ,
D’unc volupté passagere .
Causes les maux les plus cuisans ,
En vain , ton Sot orgueil sc vante
D’avoir soumis et la Terre ‘e: les Cieux.‘
Je vois d’une ame indiEerentc
Tous res elforts audacieux ;
Mon trésor me plaît et mknchanteg
- De lui seul je suis amoureux, '
Contre moi ta rage imyuissante
r-‘v
' Lance
JANVIER. I735. 51
Lance en vain tes traits dangereux.
Àinsi du fier Plurus la langue satirique
sur PAmour se divertissoit ,
Lorsque ce Dieu ‘qui par hazard passoil
Entcndit son panegyrique; ‘
Vieil insensé , dit-il , transporté de couroux ,
Tu ne braveras pas plus long-tcms ma puise‘
sauce;
Ton coeur percé ale-mille coups
servira de victime à ma juste vengeance.
{l ces mots, dans sa main tenant un trait vaini
queur ,
Çonneis-moi mieux, dit-il , "cède au Dieu d!
_Citherc,
Si tu ne peux Paimer , du moins crains sa co-ë
1ere :
Le trait vole , et soudain il va frapper Il
coeur '
Du vieux Plutus trop témeraire ;
Il ressent tout à coup une amoureuse ara
«leur,
Dont il veut en vain se drfîendre ;
Malgré lui son coeur devient tendre,
Philis par hazard à ses yeux
Présente sa beauté naissante ;
Cette Belle aussi-tôt Penchante,‘
Et ne pouvant résister â ses feux ,
Il implore à son tour , quoique scxagenairç;
Le secours du Dieu de Cithctc , "
Je
3-2 MERCURE DE FRANCE
je te Êéde , dit-il , aimable Dieu dvimour",
Tu m’as soumis à ton Empire 5 ‘ ‘_
Heureux si ce: objet pour qui mon coeur sou
pire _
Me payoit d’un tendre retour !
Vous changez bien-tôt de langage,‘
Dit l’Amour , en riant, vous aimez â votre
âge a
Fi donc! sage Vieillard , fy! vous n’y pensez
pas 5
Vous imaginez-vous que de jeunes apas
‘Puissent devenir le partage
D’un Vieillard décrcpit tel que le Dieu Fine
tus ë
Non , tout Péclat de vos écus
Ne peut ricn sur VolrC Maîtresse ;
i
.
On aimera votre richesse; , .
‘Mais vous serez haï plus que la mort;
Philis sera pourtant unie à votre sort
Par les liens de PHymcnée ,
Mais , malheureux Plutus , quelle est ta destîg‘
née Î’
Je frémis en voyant les sujets de chagrin ,
Q1: pendant ton hymen vont naître dans ton‘
sein. '
Tout vieillard qui se marie ,
S’apprête un cruel ennui;
S’il choisit femme jolie ,
Çe choix n’est pas fait pour lui g
Tout
JANVIER. I733. 5}
Tout â coup la jalousie
Régie tous ses mouvemens 3
Tous les instans de sa vie
Sont des-instans de tourmens.
‘ La vieillesse a‘. la jeunesse
Ne peut jamais convenir ,
Plutus aura sa Maîtresse ,
Mais gare le repentir.
' ‘V. D. G.
CANTATE.
. Ravaillant nuit et jour. et calculant sana
cesse ,
Plutus a quoi quäccablé d’une longue vieil-f
5. lesse, ,
4' grossir ses trésors bornoit tous soe plais,’
strs ;
Insensible aux tendres desirs ,
_ Sans cesse on Pentendoit médite
De PAmour et de son Empire;
-Et PCSprÎt agité d’un orgucillcursouci.
,4 Un jour il ÿexprimoit ainsi_: .
i Perfide Enfant, Dieu de Citherc.
Qii sous les appels séduisans ,
D’unc volupté passagere .
Causes les maux les plus cuisans ,
En vain , ton Sot orgueil sc vante
D’avoir soumis et la Terre ‘e: les Cieux.‘
Je vois d’une ame indiEerentc
Tous res elforts audacieux ;
Mon trésor me plaît et mknchanteg
- De lui seul je suis amoureux, '
Contre moi ta rage imyuissante
r-‘v
' Lance
JANVIER. I735. 51
Lance en vain tes traits dangereux.
Àinsi du fier Plurus la langue satirique
sur PAmour se divertissoit ,
Lorsque ce Dieu ‘qui par hazard passoil
Entcndit son panegyrique; ‘
Vieil insensé , dit-il , transporté de couroux ,
Tu ne braveras pas plus long-tcms ma puise‘
sauce;
Ton coeur percé ale-mille coups
servira de victime à ma juste vengeance.
{l ces mots, dans sa main tenant un trait vaini
queur ,
Çonneis-moi mieux, dit-il , "cède au Dieu d!
_Citherc,
Si tu ne peux Paimer , du moins crains sa co-ë
1ere :
Le trait vole , et soudain il va frapper Il
coeur '
Du vieux Plutus trop témeraire ;
Il ressent tout à coup une amoureuse ara
«leur,
Dont il veut en vain se drfîendre ;
Malgré lui son coeur devient tendre,
Philis par hazard à ses yeux
Présente sa beauté naissante ;
Cette Belle aussi-tôt Penchante,‘
Et ne pouvant résister â ses feux ,
Il implore à son tour , quoique scxagenairç;
Le secours du Dieu de Cithctc , "
Je
3-2 MERCURE DE FRANCE
je te Êéde , dit-il , aimable Dieu dvimour",
Tu m’as soumis à ton Empire 5 ‘ ‘_
Heureux si ce: objet pour qui mon coeur sou
pire _
Me payoit d’un tendre retour !
Vous changez bien-tôt de langage,‘
Dit l’Amour , en riant, vous aimez â votre
âge a
Fi donc! sage Vieillard , fy! vous n’y pensez
pas 5
Vous imaginez-vous que de jeunes apas
‘Puissent devenir le partage
D’un Vieillard décrcpit tel que le Dieu Fine
tus ë
Non , tout Péclat de vos écus
Ne peut ricn sur VolrC Maîtresse ;
i
.
On aimera votre richesse; , .
‘Mais vous serez haï plus que la mort;
Philis sera pourtant unie à votre sort
Par les liens de PHymcnée ,
Mais , malheureux Plutus , quelle est ta destîg‘
née Î’
Je frémis en voyant les sujets de chagrin ,
Q1: pendant ton hymen vont naître dans ton‘
sein. '
Tout vieillard qui se marie ,
S’apprête un cruel ennui;
S’il choisit femme jolie ,
Çe choix n’est pas fait pour lui g
Tout
JANVIER. I733. 5}
Tout â coup la jalousie
Régie tous ses mouvemens 3
Tous les instans de sa vie
Sont des-instans de tourmens.
‘ La vieillesse a‘. la jeunesse
Ne peut jamais convenir ,
Plutus aura sa Maîtresse ,
Mais gare le repentir.
' ‘V. D. G.
Fermer
Résumé : LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
Le texte 'Les Noces de Plutus' raconte l'histoire de Plutus, le dieu de la richesse, qui méprise l'amour et se consacre à l'accumulation de trésors. L'Amour, offensé par les propos de Plutus, décide de se venger en le rendant amoureux de Philis, une jeune femme. Plutus, malgré son âge avancé, implore l'aide de l'Amour pour conquérir Philis. L'Amour, amusé, lui répond que l'amour des jeunes ne peut être partagé par un vieillard. Philis accepte finalement d'épouser Plutus, mais l'Amour prévient ce dernier des tourments à venir. La jalousie et les tourments régiront sa vie, car la vieillesse et la jeunesse sont incompatibles. Plutus obtiendra sa maîtresse, mais devra affronter le repentir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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141
p. 133-145
TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
Début :
Nous n'aurions pas tardé si long temps à donner l'Extrait d'une Tragédie qui [...]
Mots clefs :
Voltaire, Zaïre, Orosmane, Nérestan, Religion, Coeur, Lusignan, Lettre, Soudan, Amour, Mort, Chrétiens, Tragédie, Serment, Soeur, Spectateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
TRAGEDIE DE zArRE;
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
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Résumé : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
La tragédie 'Zaïre' de Voltaire a suscité un grand intérêt à la cour et dans la ville. L'intrigue se concentre sur Lustignam, dernier roi de Jérusalem, détrôné par Saladin, père d'Orosmane. Deux enfants de Lustignam survivent : un garçon et une fille, Zaïre. Élevée dans la religion musulmane, Zaïre devient l'objet de l'amour d'Orosmane. Son frère, Neresman, est également élevé dans le sérail sans connaître ses origines. Orosmane accepte de libérer Neresman en échange de la rançon de dix chevaliers chrétiens. Zaïre obtient la liberté de son père grâce à une croix et une blessure reconnaissables. Le conflit central de la pièce oppose la religion et l'amour. Zaïre promet à Neresman de ne pas épouser Orosmane avant d'être baptisée. Une lettre ambiguë déclenche la jalousie d'Orosmane, menant à une tragédie où il tue Zaïre et se donne la mort. Les critiques soulignent que Voltaire aborde des sujets philosophiques, bien que certains trouvent sa complaisance excessive. La vérification de ses principes est jugée inégale et suscite des passions. Les critiques reprochent à Voltaire d'avoir donné à son héros des expressions trop passionnées et d'avoir fait évoluer son caractère de manière excessive, notamment en le faisant passer de la jalousie à un acte violent. Ils estiment également que le serment central de la pièce est indécent et inexcusable. Les personnages de Lusignan, Chétillon et Nérestan sont bien accueillis, tandis que celui de Zaïre est perçu comme indécis. Les critiques se demandent si Zaïre meurt en tant que chrétienne ou musulmane, et doutent que son amour pour Dieu puisse remplacer un baptême ou une contrition. Nérestan renforce ce doute par des vers adressés à Orosmane. La pièce a été imprimée à Rouen et se vend à Paris chez Bauche.
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142
p. 167-168
A Mlle de Chanville, SONGE.
Début :
Qu'on bâtit en rêvant de Châteaux en Espagne ! [...]
Mots clefs :
Songe, Adieu, Coeur, Richesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Mlle de Chanville, SONGE.
A‘ M”. de Chanvälr ‘, ' i j:
. ‘- SONGEÇ -:
U’on bâtit cnrêrant de Châteauxen-ifisä
pagne Z ‘
Je m’étois cette nuit "fait un destin ;si doux ,
(Ëe tout ce que lïon fruit du pays de Coca-l
gne _ ' s
Etoit millcrfois air-dessous.
‘ ]’avois recouvré ma jeunesse‘, _
Mon esprit , belle Iris , avoir presque‘
. 10m‘ r
“t...
Du vôtre la délicatesse ,
]’étois , comme on dit, fait ai. tout ,1
Et favois du Perou tout l’or et la richesse.
je vous Poifrois avec mon coeur;
Cette offre eut rheureux sort de ne vous pasdé-‘v
laize z
Ê sa‘
‘k8 MERCURE Dl! FRANCHE
Il ne manquait donc plus qu’un point amoÿ
bonheur; - ’
Ijl-lymen alloit y satisfaire.
Mais un maudit réveil, fatal à mes souhaits‘;
A renversé toute Parfaire: '
lTrop fidele portrait‘ du pot i‘ la Laitiere;
A ' rai vû tomber tous mes projets.
Adieu bonlair ,'adieu jeunesse ; l
. Adieu génie, adieu richesse.
fics dons (en. sont allés, comme ils étoient vcê
nus ,
Il me reste pourtant encore l e
ce coeur constant qui_vous adore ,
Mais , tout seul , c’est moins qu’un E51»;
. ‘- SONGEÇ -:
U’on bâtit cnrêrant de Châteauxen-ifisä
pagne Z ‘
Je m’étois cette nuit "fait un destin ;si doux ,
(Ëe tout ce que lïon fruit du pays de Coca-l
gne _ ' s
Etoit millcrfois air-dessous.
‘ ]’avois recouvré ma jeunesse‘, _
Mon esprit , belle Iris , avoir presque‘
. 10m‘ r
“t...
Du vôtre la délicatesse ,
]’étois , comme on dit, fait ai. tout ,1
Et favois du Perou tout l’or et la richesse.
je vous Poifrois avec mon coeur;
Cette offre eut rheureux sort de ne vous pasdé-‘v
laize z
Ê sa‘
‘k8 MERCURE Dl! FRANCHE
Il ne manquait donc plus qu’un point amoÿ
bonheur; - ’
Ijl-lymen alloit y satisfaire.
Mais un maudit réveil, fatal à mes souhaits‘;
A renversé toute Parfaire: '
lTrop fidele portrait‘ du pot i‘ la Laitiere;
A ' rai vû tomber tous mes projets.
Adieu bonlair ,'adieu jeunesse ; l
. Adieu génie, adieu richesse.
fics dons (en. sont allés, comme ils étoient vcê
nus ,
Il me reste pourtant encore l e
ce coeur constant qui_vous adore ,
Mais , tout seul , c’est moins qu’un E51»;
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Résumé : A Mlle de Chanville, SONGE.
Dans le poème 'Songe' de Jean de La Fontaine, le narrateur relate un rêve agréable où il retrouve sa jeunesse, son esprit et sa délicatesse, ainsi que toutes les richesses du Pérou. Il exprime son amour et son désir de faire une offre à une personne nommée Iris. Cependant, ce bonheur est brutalement interrompu par un réveil qui détruit tous ses projets et rêves, le ramenant à la réalité. Il doit alors dire adieu à son bonheur, sa jeunesse, son génie et sa richesse. Malgré cela, il conserve un cœur constant qui adore Iris, bien que cela soit insuffisant sans les autres éléments de son bonheur rêvé.
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143
p. 175-176
LES DEUX AMOURS.
Début :
Certain Enfant qu'avec crainte on caresse, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Amours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES DEUX AMOURS.
LES DEUX , AMOURS.
C
Ertain Enfant qu'avec crainte on caresse
,
Et qu'on connoît à son malin souris ,
Court en tous lieux , précédé par les ris
Mais trop souvent , suivi par la tristesse.
Dans le coeur des humains il entre avec souplesse
,
Habite avec fierté , s'envole avec mépris ?
(Il est un autre Amour, fils craintif de l'estime ;
Soumis dans ses chagrins , constant dans ses
désirs ,
Que la vertu soutient , que la Candeur anime ;
Qui résiste aux rigueurs , et croît par les plai
sirs .
De cet Amour le Flambeau peut paroître ,
Moins
. 76 MERCURE DE FRANCE
Moins éclatant , mais ces jeux sont plus
doux ,
C'est-là le Dieu que mon coeur veut pour
Maître ,
Et je ne veux le servir que pour vous.
C
Ertain Enfant qu'avec crainte on caresse
,
Et qu'on connoît à son malin souris ,
Court en tous lieux , précédé par les ris
Mais trop souvent , suivi par la tristesse.
Dans le coeur des humains il entre avec souplesse
,
Habite avec fierté , s'envole avec mépris ?
(Il est un autre Amour, fils craintif de l'estime ;
Soumis dans ses chagrins , constant dans ses
désirs ,
Que la vertu soutient , que la Candeur anime ;
Qui résiste aux rigueurs , et croît par les plai
sirs .
De cet Amour le Flambeau peut paroître ,
Moins
. 76 MERCURE DE FRANCE
Moins éclatant , mais ces jeux sont plus
doux ,
C'est-là le Dieu que mon coeur veut pour
Maître ,
Et je ne veux le servir que pour vous.
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Résumé : LES DEUX AMOURS.
Le poème 'Les Deux Amours' oppose deux types d'amour. Le premier, enfant malicieux, apporte joie puis tristesse. Le second, fils de l'estime, est constant et soutenu par la vertu. Le poète préfère ce dernier amour, qu'il souhaite servir pour une personne spécifique.
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144
p. 228-230
ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Début :
Que vois-je ? des Amours c'est la Mere cruelle, [...]
Mots clefs :
Dieux, Vénus, Coeur, Horace, Amour, Glicère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
OD E.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
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Résumé : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Le poème 'OD E.' de M. Des-Forges Maillard s'inspire de la XIXème ode du premier livre d'Horace. Le narrateur y exprime son conflit intérieur face à l'amour, qu'il décrit comme une force cruelle perturbant sa tranquillité. Il mentionne que même Bacchus, autrefois son refuge, semble s'allier à l'amour pour le faire succomber. Le narrateur reconnaît l'inutilité de lutter contre ces dieux réunis. Il évoque ensuite son amour pour Glicère, une femme infidèle qui l'a trompé. Malgré ses serments de ne plus l'aimer, il se rend compte que sa beauté et son charme le subjuguent à nouveau. Glicère est décrite avec un teint plus vermeil que la rose et plus blanc que l'ivoire, et un air badin qui l'irrite et l'enflamme. Ses regards perçants et sa douce fureur ébranlent son âme, le rendant incapable de résister. Le narrateur conclut en suppliant Vénus de lui rendre Glicère favorable, promettant un sacrifice sous la forme d'un agneau, premier fruit d'une jeune brebis, s'il obtient son amour.
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145
p. 344-354
Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
La Tragédie d'Omphale parut dans sa nouveauté au mois de Novembre [...]
Mots clefs :
Omphale, Alcide, Iphis, Amour, Argine, Fête, Coeur, Rival, Jeux, Triomphe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
A Tragédie d'Omphale parut dans sa
nouveauté au mois de Novembre
1701. et eut un fort grand succès ; on la
reprit 20. ans après avec assez de réussite.
Elle vient d'être remise au Théatre plus
brillante et mieux accueillie que jamais.
Le Poëme est de feu M. de la Mothe et
la Musique de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy ; voici un
court Extrait de l'Ouvrage :
Le Théatre représente au Prologue un
lieu destiné pour celebrer la gloire de
l'Amour ; les Jeux , les Plaisirs et les Graces
composent sa Cour et les Habitans
de la Terre et des Cieux , à titre de Sujets
, relevent son triomphe. Une Grace
fait l'exposition par ces Vers :
Vous qui suivez l'Amour , Graces , Plaisirs er
Jeux ,
Celebrez avez moi sa puissance et ses charmes s
Chantez ses traits , chantez ses feux ;
Et que vos chants pour lui soient de nouvelles
armes.
Une seconde Grace fait encore l'office
de
FEVRIER
. 1733. · 345
de Coriphée. Les autres Graces forment
le Balet , conjointement avec les Plaisirs
et les Jeux. Junon descend des Cieux ,
elle expose le sujet qui l'oblige à venir
implorer le secours de l'Amour , par cest
Vers :
Dieu puissant, venge moi d'un Mortel qui m'ou
trage ;
Son coeur, dès le berceau, tiriomphe de ma rage,
Må honte et mon dépit croissent par ses travaux;
Blesse Alcide ; il est temps de vaincre ce Héros :
Mais choisit ces traits redoutables ,
Dont tu sçus troubler mon repos ;
Je te pardonne tous mes maux ,
S'il en peut souffrir de semblables.
L'Amour consent à satisfaire Junon ;
il ordonne à la Jalousie qui paroît au
fond du Théatre enchainée dans son Antre
avec la Rage et le Désespoir , de sortir
de leurs fers et d'aller exécuter les
ordres de Junon . Leur obéissance prépare
le sujet de la Tragédie d'Omphale ,
où l'Auteur suppose que la victoire qu'Alcide
va remporter sur l'Amour jaloux ,
est un des plus difficiles travaux que la
Déesse irritée ait imposez à cet odieux
fils d'une Rivale.
Le Théatre représente au premier Ac-,
G iij
د
te
346 MERCURE DE FRANCE
te , des Arcs de triomphe élevez à la
gloire d'Alcide , devant le Temple de
Jupiter son pere. Iphis fait connoître
l'amour secret dont il brûle pour Omphale
, Reine de Lydie. Son Monologue
commence ainsi :
Calme heureux , innocente paix ,
C'est en vain que je vous appelle ;
Calme heureux , innocente paix,
Non , ce n'est plus pour moi que vos plaisirs
sont faits , & c.
,
Un bruit de Trompettes qui se fait
entendre , donne occasion à ce Prince
ami d'Alcide , d'annoncer la Fête qu'Omphale
doit faire celebrer en l'honneur de
ce Héros , qui vient de la rétablir sur
son Trône par la défaite des Rebelles
dont elle avoit été opprimée , et par celle
d'un Monstre horrible.
Alcide vient et ordonne qu'on aille
rassembler les Rebelles domptez , pour
leur faire éprouver la clémence de leur
légitime Souveraine ; on a trouvé que
l'Auteur s'est un peu trop pressé d'annoncer
la Fête du second Acte , dès le
commencement du premier.
Alcide fait connoître à Iphis qu'il aime
Omphale . Iphis est frappé d'une nouvelle
, qui lui donne un Rival si redoutable
FEVRIER . 1733 : 347
table dans un ami si tendrement aimé
il n'oublie rien pour combattre un amour
qui lui est si fatal ; il représente sur tout
à Alcide , qu'il a tout à craindre de la
jalouse Argine , c'est le nom que M. de
la Mothe donne à Manto , fille du celebre
Tiresie ,pour s'accommoder à la dou
ceur que la Poësie Lyrique exige même
dans les noms. Omphale , suivie de ses
Peuples , vient celebrer le triomphe d'Alcide;
elle y invite ses Lydiens par ces Vers:
Chantez le digne fils du plus puissant des Dieux;
Chantez , portez vos voix et son nom jusqu'aux
Cieux , & c.
Alcide interrompt la Fête par ces Vers
adressez à Omphale.
Cessez ces vains honneurs que vous me faites
rendre ;
Je n'entends point ces Chants , je ne voi point
ces Jeux ;
Mes soupirs , malgré moi , vous font assez en
tendre
Qu'un autre prix est l'objet de mes voeux.
Omphale qui fuit un éclaircissement ,
ordonne qu'on vienne avec elle consacrer
les Armes des mutins à Jupiter.
Au second Acte , Omphale , au milieu
de deux Confidentes , comme dans
Giiij Armide ,
348 MERCURE DE FRANCE
Armide , est félicitée sur la victoire que
ses yeux ont remportée sur le coeur du
grand Alcide. Elle reçoit leurs complimens
avec indifference , et leur fait entendre
qu'Iphis est son vainqueur ; ce
Prince vient ; elle veut sonder son coeur .
Iphis annonce à Omphale de la part
d'Alcide , la Fête préparée pour elle ;
Omphale lui dit que c'est en vain que
ce Héros soupire , et qu'il s'est laissé prévenir
par un autre : Iphis ne peut apprendre
sans jalousie que le coeur d'Omphale
est le partage d'un autre ; il parle
en faveur de son ami , n'osant parler pour
lui - même. Cette Scene est très fine de la
part d'Omphale ; mais Iphis paroît un
Amant peu intelligent , on trouve même
qu'il prend le change gratuitement ,
et qu'il se retire désesperé , sans qu'Omphale
ait rien dit d'assez équivoque pour
lui faire entendre qu'elle est offensée de
la déclaration de son amour. Iphis se
retire sans donner le temps à la Reine
de le détromper.
Alcide vient celebrer la Fête qu'il a
fait annoncer par Iphis ; Omphale ordonne
qu'on ôte les chaînes aux Mutins
domptez , puisque le Vainqueur veut bien
leur faire grace ; cette Fête est presque
toute chantée par Alcide , qui se donne
&
aux
FEVRIER . 1733. 349
aux Sujets d'Omphale pour modele de
l'ardeur dont ils doivent brûler pour une.
si aimable Souveraine ; en voici quelques
Vers :
Chantez mille fois ,
L'amour qui m'enchaîne ;
Celebrez mon choix ;
Chantez mille fois ;
Chantez votre Reine ;
Benissez ses loix.
Imitez l'ardeur si fidele ,
Qui brûle mon coeur ;
Imitez l'ardeur et le zele ,
De votre Vainqueur.
Argine vient troubler la Fête ; elle est
portée par un Dragon aîlé ; l'horreur qui
l'annonce fait fuir tout le monde hors
Alcide , à qui elle reproche la préference
qu'il donne à Omphale ; cette Scene est
des plus vives ; et parfaitement executée
par le sieur Chassé et par la Dlle Entier .
Ces deux excellens Sujets partagent également
la gloire du succès de cet Opera.
Cette grande Actrice finit le second Acte
par un morceau de fureur où son action
et sa voix sont également applaudies.
Elle termine cet Acte par la résolution
qu'elle forme de penetrer si Omphale
G v aime
350 MERCURE DE FRANCE
aime Alcide ; c'est ce dernier crime qui
doit la déterminer à perdre une heureuse
Rivale ; on a crû que le crime d'être aimé
auroit dû suffire à sa vengeance , et que
c'étoit le seul à punir.
Omphale se reproche , au troisiéme
Acte , de n'avoir pas déclaré son amour
à Iphis ; Argine vient et se cache pour
sçavoir ce qu'Omphale dit , ou plutôr ce
qu'elle pense , puisque faire un Monologue
et penser sont la même chose,théatralement
parlant Argine se persuade
qu'Omphale aime Alcide ; ce qui l'y
détermine c'est ce Vers :
Un spectacle fatal m'a contrainte au silence,
Argine le fait voir par l'application
qu'elle en fait ; voici comment elle s'exprime
:
Non je n'en doute plus , c'est Alcide qu'elle aime 3
Elle me l'apprend elle - même :
Au moment que mon Art a fait cesser leurs
jeux ,
Elle alloit déclarer ses-feux.
Il s'en faut bien qu'elle soit digne fille
de Tiresie , si son Art n'est pas plus sûr
que ses conjectures ; elle ne balance plus à
se vanger de sa Rivale , et sçachant que
ses Peuples viennent celebrer le jour de
sa
FEVRIER. 1733. 3521
sa naissance , elle en veut faire le jour .
de sa mort ; elle ordonne aux Démons
de l'enchanter quand il en sera temps.
On vient celebrer la Fête en question ;
Omphale se place sur un Trône de fleurs
qu'on lui a dressé . Après la Fête , Omphale
congédie ses Peuples sous prétexte
qu'elle a besoin d'un peu de solitude.
le coeur
"
Argine vient ; elle ordonne aux Esprits
Infernaux d'enchanter sa Rivale ;
ils sortent des Enfers , et secoüent leurs
Torches sur Omphale ; Argine , un poignard
à la main , s'avance pour lui percer
comme on le voit encore dans
Armide. Heureusement pour la victime le
hazard conduit Alcide assez à temps pour
suspendre le coup mortel ; ce qui est
suivi d'une Scene , où nos deux premiers
Acteurs renouvellent les applaudissemens
qu'on leur a si justement prodiguez dans
l'Acte précedent. Les Démons , par l'ordre
d'Argine , enlevent Omphale , sans
qu'Alcide puisse la secourir.
Dans l'Entr'Acte du quatrième Acte
Omphale a fait connoître à Argine qu'Al
cide n'est pas l'objet de son amour , et
c'est cet aveu qui l'a empêchée de périr ;
elle n'a pourtant point nommé Iphis
de peur de le livrer à la colere d'un Ri
val aussi redoutable qu'Alcide ; Iphis ,
dans
G vj
352 MERCURE DE FRANCE
dans un Monologue , fait éclater son désespoir
, mais il ne le porte pas jusqu'à
se donner la mort ; voici la raison qu'il
en donne :
Faut-il que ma douleur me soit encor si chere ,
Que je n'ose en mourant en terminer le cours ?
Cette pensée qu'on a trouvée susceptible
de plaisanterie parodique , amene
pourtant une très jolie maxime ; la voici :
Que nos jours sont dignes d'envie ,
Quand l'Amour répond à nos voeux !
L'amour même le moins heureux ,
Nous attache encore à la vie.
Alcide vient annoncer à Iphis qu'il a
un Rival secrettement aimé ; Iphis s'offre
à le venger , ne sçachant pas qu'il s'agit
de lui - même. Argine vient ; Alcide lui
proteste qu'Omphale est désormais l'objet
de sa haine; il la prie de découvrir
son Rival par le secours des Enfers. Après
quelques reproches mêlez de tendresse et
d'emportemens , Argine consent à satisfaire
Alcide. Elle appelle les Magiciens ,
Ministres de son Art ; ils viennent par
le chemin des Airs : le charme étant fait,
l'Ombre de Tiresie , sans être apperçûë
des Spectateurs , se présenté aux yeux de
Sa
FEVRIER. 1733. 353
sa fille , il lui ouvre le Livre du Destin ;
instruite du sort d'Alcide , elle lui dit :
Tremble , frémi ; va dès ce jour ,
Voir ton Rival heureux au Temple de l'Amour.
Argine expire de douleur , et Alcide
se livre à la vengeance.
Le Théatre représente au cinquiéme
Acte le Temple de l'Amour . Omphale
vient offrir un Sacrifice à ce Maître des
coeurs ; elle croit que ce Dieu l'exauce
puisqu'il lui amene Iphis . Ce Prince lui
demande pardon de la peine que sa présence
lui peut causer , il lui promet de ne
l'en plus importuner ; Omphale le rassure
et lui déclare son amour ; cette Scene
est très - tendre de part et d'autre ; Alcide
vient dans le dessein d'immoler son
heureux Rival . Surpris de voir Iphis ,
il croit qu'il est venu pour venger
l'outrage qu'on fait à son ami ; il l'invite
à recevoir le premier prix de son
zele dans ses embrassemens. Iphis , pressé
par ses remords veut se tuer ; Omphale
lui retient le bras ; Alcide ne doute
plus qu'Iphis ne soit ce Rival qu'elle lui
préfere après quelques combats , il
triomphe de son amour , et consent au
bonheur de son ami . Autrefois Argine
finissoit la Piece ; peut- être a-t'on suppri
mé
354 MERCURE DE FRANCE
donner une
mé son retour pour ne pas
troisiéme imitation d'Armide dans un
même Opera.
nouveauté au mois de Novembre
1701. et eut un fort grand succès ; on la
reprit 20. ans après avec assez de réussite.
Elle vient d'être remise au Théatre plus
brillante et mieux accueillie que jamais.
Le Poëme est de feu M. de la Mothe et
la Musique de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy ; voici un
court Extrait de l'Ouvrage :
Le Théatre représente au Prologue un
lieu destiné pour celebrer la gloire de
l'Amour ; les Jeux , les Plaisirs et les Graces
composent sa Cour et les Habitans
de la Terre et des Cieux , à titre de Sujets
, relevent son triomphe. Une Grace
fait l'exposition par ces Vers :
Vous qui suivez l'Amour , Graces , Plaisirs er
Jeux ,
Celebrez avez moi sa puissance et ses charmes s
Chantez ses traits , chantez ses feux ;
Et que vos chants pour lui soient de nouvelles
armes.
Une seconde Grace fait encore l'office
de
FEVRIER
. 1733. · 345
de Coriphée. Les autres Graces forment
le Balet , conjointement avec les Plaisirs
et les Jeux. Junon descend des Cieux ,
elle expose le sujet qui l'oblige à venir
implorer le secours de l'Amour , par cest
Vers :
Dieu puissant, venge moi d'un Mortel qui m'ou
trage ;
Son coeur, dès le berceau, tiriomphe de ma rage,
Må honte et mon dépit croissent par ses travaux;
Blesse Alcide ; il est temps de vaincre ce Héros :
Mais choisit ces traits redoutables ,
Dont tu sçus troubler mon repos ;
Je te pardonne tous mes maux ,
S'il en peut souffrir de semblables.
L'Amour consent à satisfaire Junon ;
il ordonne à la Jalousie qui paroît au
fond du Théatre enchainée dans son Antre
avec la Rage et le Désespoir , de sortir
de leurs fers et d'aller exécuter les
ordres de Junon . Leur obéissance prépare
le sujet de la Tragédie d'Omphale ,
où l'Auteur suppose que la victoire qu'Alcide
va remporter sur l'Amour jaloux ,
est un des plus difficiles travaux que la
Déesse irritée ait imposez à cet odieux
fils d'une Rivale.
Le Théatre représente au premier Ac-,
G iij
د
te
346 MERCURE DE FRANCE
te , des Arcs de triomphe élevez à la
gloire d'Alcide , devant le Temple de
Jupiter son pere. Iphis fait connoître
l'amour secret dont il brûle pour Omphale
, Reine de Lydie. Son Monologue
commence ainsi :
Calme heureux , innocente paix ,
C'est en vain que je vous appelle ;
Calme heureux , innocente paix,
Non , ce n'est plus pour moi que vos plaisirs
sont faits , & c.
,
Un bruit de Trompettes qui se fait
entendre , donne occasion à ce Prince
ami d'Alcide , d'annoncer la Fête qu'Omphale
doit faire celebrer en l'honneur de
ce Héros , qui vient de la rétablir sur
son Trône par la défaite des Rebelles
dont elle avoit été opprimée , et par celle
d'un Monstre horrible.
Alcide vient et ordonne qu'on aille
rassembler les Rebelles domptez , pour
leur faire éprouver la clémence de leur
légitime Souveraine ; on a trouvé que
l'Auteur s'est un peu trop pressé d'annoncer
la Fête du second Acte , dès le
commencement du premier.
Alcide fait connoître à Iphis qu'il aime
Omphale . Iphis est frappé d'une nouvelle
, qui lui donne un Rival si redoutable
FEVRIER . 1733 : 347
table dans un ami si tendrement aimé
il n'oublie rien pour combattre un amour
qui lui est si fatal ; il représente sur tout
à Alcide , qu'il a tout à craindre de la
jalouse Argine , c'est le nom que M. de
la Mothe donne à Manto , fille du celebre
Tiresie ,pour s'accommoder à la dou
ceur que la Poësie Lyrique exige même
dans les noms. Omphale , suivie de ses
Peuples , vient celebrer le triomphe d'Alcide;
elle y invite ses Lydiens par ces Vers:
Chantez le digne fils du plus puissant des Dieux;
Chantez , portez vos voix et son nom jusqu'aux
Cieux , & c.
Alcide interrompt la Fête par ces Vers
adressez à Omphale.
Cessez ces vains honneurs que vous me faites
rendre ;
Je n'entends point ces Chants , je ne voi point
ces Jeux ;
Mes soupirs , malgré moi , vous font assez en
tendre
Qu'un autre prix est l'objet de mes voeux.
Omphale qui fuit un éclaircissement ,
ordonne qu'on vienne avec elle consacrer
les Armes des mutins à Jupiter.
Au second Acte , Omphale , au milieu
de deux Confidentes , comme dans
Giiij Armide ,
348 MERCURE DE FRANCE
Armide , est félicitée sur la victoire que
ses yeux ont remportée sur le coeur du
grand Alcide. Elle reçoit leurs complimens
avec indifference , et leur fait entendre
qu'Iphis est son vainqueur ; ce
Prince vient ; elle veut sonder son coeur .
Iphis annonce à Omphale de la part
d'Alcide , la Fête préparée pour elle ;
Omphale lui dit que c'est en vain que
ce Héros soupire , et qu'il s'est laissé prévenir
par un autre : Iphis ne peut apprendre
sans jalousie que le coeur d'Omphale
est le partage d'un autre ; il parle
en faveur de son ami , n'osant parler pour
lui - même. Cette Scene est très fine de la
part d'Omphale ; mais Iphis paroît un
Amant peu intelligent , on trouve même
qu'il prend le change gratuitement ,
et qu'il se retire désesperé , sans qu'Omphale
ait rien dit d'assez équivoque pour
lui faire entendre qu'elle est offensée de
la déclaration de son amour. Iphis se
retire sans donner le temps à la Reine
de le détromper.
Alcide vient celebrer la Fête qu'il a
fait annoncer par Iphis ; Omphale ordonne
qu'on ôte les chaînes aux Mutins
domptez , puisque le Vainqueur veut bien
leur faire grace ; cette Fête est presque
toute chantée par Alcide , qui se donne
&
aux
FEVRIER . 1733. 349
aux Sujets d'Omphale pour modele de
l'ardeur dont ils doivent brûler pour une.
si aimable Souveraine ; en voici quelques
Vers :
Chantez mille fois ,
L'amour qui m'enchaîne ;
Celebrez mon choix ;
Chantez mille fois ;
Chantez votre Reine ;
Benissez ses loix.
Imitez l'ardeur si fidele ,
Qui brûle mon coeur ;
Imitez l'ardeur et le zele ,
De votre Vainqueur.
Argine vient troubler la Fête ; elle est
portée par un Dragon aîlé ; l'horreur qui
l'annonce fait fuir tout le monde hors
Alcide , à qui elle reproche la préference
qu'il donne à Omphale ; cette Scene est
des plus vives ; et parfaitement executée
par le sieur Chassé et par la Dlle Entier .
Ces deux excellens Sujets partagent également
la gloire du succès de cet Opera.
Cette grande Actrice finit le second Acte
par un morceau de fureur où son action
et sa voix sont également applaudies.
Elle termine cet Acte par la résolution
qu'elle forme de penetrer si Omphale
G v aime
350 MERCURE DE FRANCE
aime Alcide ; c'est ce dernier crime qui
doit la déterminer à perdre une heureuse
Rivale ; on a crû que le crime d'être aimé
auroit dû suffire à sa vengeance , et que
c'étoit le seul à punir.
Omphale se reproche , au troisiéme
Acte , de n'avoir pas déclaré son amour
à Iphis ; Argine vient et se cache pour
sçavoir ce qu'Omphale dit , ou plutôr ce
qu'elle pense , puisque faire un Monologue
et penser sont la même chose,théatralement
parlant Argine se persuade
qu'Omphale aime Alcide ; ce qui l'y
détermine c'est ce Vers :
Un spectacle fatal m'a contrainte au silence,
Argine le fait voir par l'application
qu'elle en fait ; voici comment elle s'exprime
:
Non je n'en doute plus , c'est Alcide qu'elle aime 3
Elle me l'apprend elle - même :
Au moment que mon Art a fait cesser leurs
jeux ,
Elle alloit déclarer ses-feux.
Il s'en faut bien qu'elle soit digne fille
de Tiresie , si son Art n'est pas plus sûr
que ses conjectures ; elle ne balance plus à
se vanger de sa Rivale , et sçachant que
ses Peuples viennent celebrer le jour de
sa
FEVRIER. 1733. 3521
sa naissance , elle en veut faire le jour .
de sa mort ; elle ordonne aux Démons
de l'enchanter quand il en sera temps.
On vient celebrer la Fête en question ;
Omphale se place sur un Trône de fleurs
qu'on lui a dressé . Après la Fête , Omphale
congédie ses Peuples sous prétexte
qu'elle a besoin d'un peu de solitude.
le coeur
"
Argine vient ; elle ordonne aux Esprits
Infernaux d'enchanter sa Rivale ;
ils sortent des Enfers , et secoüent leurs
Torches sur Omphale ; Argine , un poignard
à la main , s'avance pour lui percer
comme on le voit encore dans
Armide. Heureusement pour la victime le
hazard conduit Alcide assez à temps pour
suspendre le coup mortel ; ce qui est
suivi d'une Scene , où nos deux premiers
Acteurs renouvellent les applaudissemens
qu'on leur a si justement prodiguez dans
l'Acte précedent. Les Démons , par l'ordre
d'Argine , enlevent Omphale , sans
qu'Alcide puisse la secourir.
Dans l'Entr'Acte du quatrième Acte
Omphale a fait connoître à Argine qu'Al
cide n'est pas l'objet de son amour , et
c'est cet aveu qui l'a empêchée de périr ;
elle n'a pourtant point nommé Iphis
de peur de le livrer à la colere d'un Ri
val aussi redoutable qu'Alcide ; Iphis ,
dans
G vj
352 MERCURE DE FRANCE
dans un Monologue , fait éclater son désespoir
, mais il ne le porte pas jusqu'à
se donner la mort ; voici la raison qu'il
en donne :
Faut-il que ma douleur me soit encor si chere ,
Que je n'ose en mourant en terminer le cours ?
Cette pensée qu'on a trouvée susceptible
de plaisanterie parodique , amene
pourtant une très jolie maxime ; la voici :
Que nos jours sont dignes d'envie ,
Quand l'Amour répond à nos voeux !
L'amour même le moins heureux ,
Nous attache encore à la vie.
Alcide vient annoncer à Iphis qu'il a
un Rival secrettement aimé ; Iphis s'offre
à le venger , ne sçachant pas qu'il s'agit
de lui - même. Argine vient ; Alcide lui
proteste qu'Omphale est désormais l'objet
de sa haine; il la prie de découvrir
son Rival par le secours des Enfers. Après
quelques reproches mêlez de tendresse et
d'emportemens , Argine consent à satisfaire
Alcide. Elle appelle les Magiciens ,
Ministres de son Art ; ils viennent par
le chemin des Airs : le charme étant fait,
l'Ombre de Tiresie , sans être apperçûë
des Spectateurs , se présenté aux yeux de
Sa
FEVRIER. 1733. 353
sa fille , il lui ouvre le Livre du Destin ;
instruite du sort d'Alcide , elle lui dit :
Tremble , frémi ; va dès ce jour ,
Voir ton Rival heureux au Temple de l'Amour.
Argine expire de douleur , et Alcide
se livre à la vengeance.
Le Théatre représente au cinquiéme
Acte le Temple de l'Amour . Omphale
vient offrir un Sacrifice à ce Maître des
coeurs ; elle croit que ce Dieu l'exauce
puisqu'il lui amene Iphis . Ce Prince lui
demande pardon de la peine que sa présence
lui peut causer , il lui promet de ne
l'en plus importuner ; Omphale le rassure
et lui déclare son amour ; cette Scene
est très - tendre de part et d'autre ; Alcide
vient dans le dessein d'immoler son
heureux Rival . Surpris de voir Iphis ,
il croit qu'il est venu pour venger
l'outrage qu'on fait à son ami ; il l'invite
à recevoir le premier prix de son
zele dans ses embrassemens. Iphis , pressé
par ses remords veut se tuer ; Omphale
lui retient le bras ; Alcide ne doute
plus qu'Iphis ne soit ce Rival qu'elle lui
préfere après quelques combats , il
triomphe de son amour , et consent au
bonheur de son ami . Autrefois Argine
finissoit la Piece ; peut- être a-t'on suppri
mé
354 MERCURE DE FRANCE
donner une
mé son retour pour ne pas
troisiéme imitation d'Armide dans un
même Opera.
Fermer
Résumé : Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
La tragédie 'Omphale' a été présentée pour la première fois en novembre 1701 et a connu un grand succès. Elle a été reprise 20 ans plus tard avec une réussite notable et a été récemment remise au théâtre avec un accueil encore plus favorable. Le poème est de feu M. de la Mothe et la musique de M. Destouches, surintendant de la musique du roi. L'œuvre commence par un prologue où le théâtre représente un lieu célébrant la gloire de l'Amour. Les Grâces, les Plaisirs et les Jeux composent sa cour, et les habitants de la Terre et des Cieux en sont les sujets. Une Grâce expose le sujet par des vers, et une autre fait office de coriphée. Junon descend des Cieux et implore l'Amour de la venger d'Alcide, qu'elle considère comme un outrage. L'Amour accepte et ordonne à la Jalousie, accompagnée de la Rage et du Désespoir, de se rendre sur Terre pour exécuter les ordres de Junon. Au premier acte, le théâtre montre des arcs de triomphe élevés à la gloire d'Alcide devant le temple de Jupiter. Iphis, ami d'Alcide, révèle son amour secret pour Omphale, reine de Lydie. Alcide annonce une fête en l'honneur d'Omphale, qu'il a rétablie sur son trône après avoir vaincu des rebelles et un monstre. Alcide avoue à Iphis son amour pour Omphale, ce qui plonge Iphis dans le désespoir. Omphale célèbre le triomphe d'Alcide, mais Alcide interrompt la fête pour déclarer son amour à Omphale. Au deuxième acte, Omphale est félicitée pour sa victoire sur le cœur d'Alcide, mais elle révèle qu'Iphis est son véritable vainqueur. Iphis, jaloux, se retire désespéré. Alcide célèbre une fête en l'honneur d'Omphale, mais Argine, fille de Tirésias, vient troubler la fête en reprochant à Alcide sa préférence pour Omphale. Argine décide de se venger en tuant Omphale. Au troisième acte, Omphale se reproche de n'avoir pas déclaré son amour à Iphis. Argine, cachée, interprète mal les paroles d'Omphale et décide de la tuer lors de la fête célébrant la naissance d'Omphale. Alcide intervient juste à temps pour sauver Omphale, mais les Démons enlèvent Omphale sur ordre d'Argine. Dans l'entracte du quatrième acte, Omphale révèle à Argine qu'Alcide n'est pas l'objet de son amour, ce qui la sauve. Iphis exprime son désespoir mais ne se donne pas la mort. Alcide annonce à Iphis qu'il a un rival secret. Argine, après quelques reproches, consent à aider Alcide à découvrir son rival grâce à l'art des Enfers. L'ombre de Tirésias révèle à Argine le sort d'Alcide, ce qui la conduit à expirer de douleur. Au cinquième acte, Omphale offre un sacrifice à l'Amour et rencontre Iphis, qui lui déclare son amour. Alcide, voulant venger son ami, est surpris de voir Iphis et finit par triompher de son amour pour Omphale, permettant ainsi le bonheur de son ami.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
146
p. 411-415
DÉPIT CONTRE LE TEMS. ODE.
Début :
Source des Tourmens que j'endure, [...]
Mots clefs :
Temps, Coeur, Avenir, Jeux, Ris, Mort, Dépit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉPIT CONTRE LE TEMS. ODE.
DE'PIT CONTRE LE TEMS.
S
O D E.
Ource des Tourments que j'endure
,
Cruel ennemi des Mortels ,
Tyran de l'Art , de la Nature ,
Je viens renverser tes Autels .
En vain , tu reçois du vulgaire ,
A ij Des
412 MERCURE DE FRANCE
Des Noms , des Titres glorieux ,
Seroit- ce donc notre misére ,
Qui te rendroit si précieux ?
'Ainsi qu'un Pere impitoïable ,
Qui dévore es propres fruits ,
Je te vois , Temps inexorable ,
Détruire ce que tu produits ,
A moissonner ce qui respire ,
La mort borne ses attentats ;
Le Temps exerce son Empire ,
Sur tous les Etres d'icy-bas .
•
C'est la source toujours féconde ,
De mille changemens divers ;
Les premiers Citoyens du monde ,
Ne virent point notre Univers.
Plus inconstant que le nuage ,
Il est bien plus à redouter ;
Sans cesse il promene l'orage ,
Qui sur nos jours doit éclater.
Plus rapide que l'Hyrondelle ,
Que Flore rappelle à sa Cour ,
Maic
MARS.
413
1733.
s'en faut qu'il soit si fidelle
Quand il s'enfuit , c'est sans retour.
Ainsi que dans un gouffre immense
Mes jours , mes ans se sont perdus ;
Que reste-t-il en ma puissance ?
Un moment qui n'est déją plus .
Sur le teint brillant d'une Aurore ,
Je voïois germer mille fleurs ;
Elle ne faisoient que d'éclore ,
Le Temps a flétri leurs couleurs.
Ce qui fit jadis mes délices ,
N'a plus ni charme ni douceur ;
C'est toi , l'auteur de mes caprices
Qui fais ainsi tourner mon coeur,
Par mille plaintes criminelles
Que l'on n'outrage plus l'Amour ;
C'est toi qui lui prêtes tes aîles ,
Pour disparoître sans retour .
Nos Edifices , nos Portiques ,
Des Dieux prêchent la Majesté ;
Ce sont leurs ruines tragiques
Qui prouvent ta Divinité.
Awiij
414 MERCURE DE FRANCE
Fameux Héros , votre mémoire ,
Auroit triomphé de la mort ;
Le Temps plus sûr de sa victoire ,
L'anéantirà sans effort .
Le plaisir auquel je me livre ,
Vient bien- tôt à se démentir ;
Un moment ne peut garentir
L'autre moment qui le doit suivre.
Envain je cherche à pénétrer
De son avenir les Mysteres ;
Il veut nous cacher nos miseres ,
Il craint de nous y préparer.
Les Ris , les Jeux , troupe fidele ,
Egayoient mes tristes esprits ;
Mais le Temps passe , et cd'un coup d'aile
Dissipe les Jeux et les Ris.
A quelque chagrin suis - je en proye ?
Le cruel paroît s'arrêter ;
Mon coeur nag - t- il dans la joye ?
Il s'empresse de me quitter.
Si quelque fateuse esperance
Me, fait désirer l'avenir ,
Pour
MARS.
41 $ 1733•
Pour retarder ma jouissance ,
Son cours paroît se rallentir.
Sur le present , mon coeur soupire ;
Er l'avenir me fait trembler ;
Le passé même me déchire ;
Il reparoît pour me troubler.
Et quand le poids des ans m'accable ;
Pour me tourmenter de nouveau ,
Dans l'âge le plus vénerable ,
Il me fait rentrer au Berceau.
Cependant son humeur sauvage ,
Ne nous le fait point détester
Il fuit , il vole , et le volage ,
Se fait encore regretter.
Passe , vole , Temps homicide ,
Je n'en verserai point de pleurs ;
Plus ta course devient rapide ,
Plus elle abrége mes malheurs,
Si dans le portrait de tes crimes ,
Mes Vers paroissent sans appas ;
Je craignois de devoir mes Rimes ,
A l'ennemi que je combats.
LE CHAP
S
O D E.
Ource des Tourments que j'endure
,
Cruel ennemi des Mortels ,
Tyran de l'Art , de la Nature ,
Je viens renverser tes Autels .
En vain , tu reçois du vulgaire ,
A ij Des
412 MERCURE DE FRANCE
Des Noms , des Titres glorieux ,
Seroit- ce donc notre misére ,
Qui te rendroit si précieux ?
'Ainsi qu'un Pere impitoïable ,
Qui dévore es propres fruits ,
Je te vois , Temps inexorable ,
Détruire ce que tu produits ,
A moissonner ce qui respire ,
La mort borne ses attentats ;
Le Temps exerce son Empire ,
Sur tous les Etres d'icy-bas .
•
C'est la source toujours féconde ,
De mille changemens divers ;
Les premiers Citoyens du monde ,
Ne virent point notre Univers.
Plus inconstant que le nuage ,
Il est bien plus à redouter ;
Sans cesse il promene l'orage ,
Qui sur nos jours doit éclater.
Plus rapide que l'Hyrondelle ,
Que Flore rappelle à sa Cour ,
Maic
MARS.
413
1733.
s'en faut qu'il soit si fidelle
Quand il s'enfuit , c'est sans retour.
Ainsi que dans un gouffre immense
Mes jours , mes ans se sont perdus ;
Que reste-t-il en ma puissance ?
Un moment qui n'est déją plus .
Sur le teint brillant d'une Aurore ,
Je voïois germer mille fleurs ;
Elle ne faisoient que d'éclore ,
Le Temps a flétri leurs couleurs.
Ce qui fit jadis mes délices ,
N'a plus ni charme ni douceur ;
C'est toi , l'auteur de mes caprices
Qui fais ainsi tourner mon coeur,
Par mille plaintes criminelles
Que l'on n'outrage plus l'Amour ;
C'est toi qui lui prêtes tes aîles ,
Pour disparoître sans retour .
Nos Edifices , nos Portiques ,
Des Dieux prêchent la Majesté ;
Ce sont leurs ruines tragiques
Qui prouvent ta Divinité.
Awiij
414 MERCURE DE FRANCE
Fameux Héros , votre mémoire ,
Auroit triomphé de la mort ;
Le Temps plus sûr de sa victoire ,
L'anéantirà sans effort .
Le plaisir auquel je me livre ,
Vient bien- tôt à se démentir ;
Un moment ne peut garentir
L'autre moment qui le doit suivre.
Envain je cherche à pénétrer
De son avenir les Mysteres ;
Il veut nous cacher nos miseres ,
Il craint de nous y préparer.
Les Ris , les Jeux , troupe fidele ,
Egayoient mes tristes esprits ;
Mais le Temps passe , et cd'un coup d'aile
Dissipe les Jeux et les Ris.
A quelque chagrin suis - je en proye ?
Le cruel paroît s'arrêter ;
Mon coeur nag - t- il dans la joye ?
Il s'empresse de me quitter.
Si quelque fateuse esperance
Me, fait désirer l'avenir ,
Pour
MARS.
41 $ 1733•
Pour retarder ma jouissance ,
Son cours paroît se rallentir.
Sur le present , mon coeur soupire ;
Er l'avenir me fait trembler ;
Le passé même me déchire ;
Il reparoît pour me troubler.
Et quand le poids des ans m'accable ;
Pour me tourmenter de nouveau ,
Dans l'âge le plus vénerable ,
Il me fait rentrer au Berceau.
Cependant son humeur sauvage ,
Ne nous le fait point détester
Il fuit , il vole , et le volage ,
Se fait encore regretter.
Passe , vole , Temps homicide ,
Je n'en verserai point de pleurs ;
Plus ta course devient rapide ,
Plus elle abrége mes malheurs,
Si dans le portrait de tes crimes ,
Mes Vers paroissent sans appas ;
Je craignois de devoir mes Rimes ,
A l'ennemi que je combats.
LE CHAP
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Résumé : DÉPIT CONTRE LE TEMS. ODE.
Le texte 'De'Pit contre le Temps' exprime une critique amère du temps, décrit comme un ennemi cruel et inexorable. Le narrateur accuse le temps de détruire ce qu'il produit, de moissonner ce qui respire et de régner sur tous les êtres terrestres. Il souligne l'inconstance et la rapidité du temps, comparé à un nuage orageux ou à une hirondelle infidèle. Le narrateur déplore la perte de ses jours et de ses années, réduits à un moment éphémère. Il observe comment le temps flétrit les beautés et les plaisirs passés, rendant les délices d'antan sans charme. Le texte met en avant la puissance du temps, capable d'anéantir même la mémoire des héros célèbres. Le narrateur constate que les plaisirs sont éphémères et que le temps disperse les joies et les rires. Il exprime son désarroi face à l'incertitude du futur et à la douleur du passé. Malgré sa cruauté, le temps est paradoxalement regretté lorsqu'il s'enfuit. Le narrateur conclut en acceptant la rapidité du temps, espérant qu'elle abrège ses malheurs. Il craint que ses vers ne soient sans attrait, mais il assume de les écrire contre l'ennemi qu'il combat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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147
p. 431-434
ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Tel qu'au bord du Méandre un Cigne languissant, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Voix, Flamme, Yeux, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
ELEGIE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
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Résumé : ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'élégie de Madame de Malcrais de la Vigne, intitulée 'ELEGIE', exprime la douleur et le désespoir du poète face à l'infidélité de Silvie. Le poète compare son état à celui d'un cygne annonçant sa mort pour décrire sa souffrance après avoir vu Silvie avec un autre homme. Silvie, qui avait autrefois déclaré un amour immuable, avoue ne plus l'aimer et lui conseille de retourner auprès de Cloris. Cette révélation plonge le poète dans la stupeur et la douleur, se comparant à un homme foudroyé. Il met en garde contre la crédulité en amour et exprime son désir de mourir. Le poète maudit ensuite l'Amour, le décrivant comme un tyran cruel, avant de lui demander pardon. Le texte se conclut par la description de Malcrais, inspiré par la voix d'un berger, écrivant cette élégie pour exprimer son martyre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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148
p. 600-601
A SON EMINENCE.
Début :
Sage Dispensateur d'une vaste Puissance, [...]
Mots clefs :
Coeur, Voeux, Cardinal de Fleury
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texteReconnaissance textuelle : A SON EMINENCE.
A SON EMINENCE.
Sage Dispensateur d'une vaste Puissance ,
Qui fait des voeux pour toi , s'acquitte envers la
France
FLEURY , puissent les Dieux ne plus compter les
ans ,
Et puisse leur séjour t'attendre encor long-tems !
Que ta vigueur durable à nos besoins réponde.
Soutien toujours le nom de Bienfaicteur du
Monde.
De l'Europe à ta foy le destin fut remis ,
Et nos Voisins jaloux devinrent nos amis.
Tu rends l'obeïssance et certaine et facile
Le Soldat est payé, le Rentier est tranquille,
Même le Courtisan dispensé de flatter ,
Pour atteindre aux honneurs n'a qu'à les mériter;
Pilote vigilant , joui des vents propices.
D'un Monarque ombrageux essuyant les caprices
,
Armand, voyoit par lui ses projets combattus ;
Lours t'ouvrit son coeur en l'ouvrant aux Vertus.
Possede de ton Roy l'auguste confiance s
Son bonheur t'a placé ; le remps , l'experience ,
Lui font à chaque instant renouveller son choix
Ses regards de tes soins soulagent tout le poids.
L'Histoire , qui souvent prend la haine pour
guide ,
Peint Armand trop severe et Jules trop avide
Veit
Voit-on la cruauté t'inspirer ses transports ?
L'Avarice occupée à compter tes trésors ?
FLEURY , la paix du coeur regne sur ton visage ,
Jamais les Passions n'y forment de nuage ,
Aux Graces ton accueil ajoute un nouveau prix;
Le refus nécessaire est au moins sans mépris ;
Le culte seul en toi trouve un vengeur austeres
La Politique en fait un frein pour le vulgaire ,
Mais il est à tes yeux le vrai devoir des Rois ,
Le principe du bien et la source des Loix.
Poursui sans te lasser ta carriere immortelle ,
Cherche dans ta vertu le seul prix digne d'elles
Les titres, les respects , les éloges pompeux ,
Sont une récompense au - dessous de tes voeux ;
Loin de toi ces Rimeurs que le besoin altere ,
Qui font d'un talent noble- un métier merce
naire ;
Reçoi l'hommage pur que le coeur m'a dicté ;
Mes Vers n'ont d'autre prix que leur sincerité.
Sage Dispensateur d'une vaste Puissance ,
Qui fait des voeux pour toi , s'acquitte envers la
France
FLEURY , puissent les Dieux ne plus compter les
ans ,
Et puisse leur séjour t'attendre encor long-tems !
Que ta vigueur durable à nos besoins réponde.
Soutien toujours le nom de Bienfaicteur du
Monde.
De l'Europe à ta foy le destin fut remis ,
Et nos Voisins jaloux devinrent nos amis.
Tu rends l'obeïssance et certaine et facile
Le Soldat est payé, le Rentier est tranquille,
Même le Courtisan dispensé de flatter ,
Pour atteindre aux honneurs n'a qu'à les mériter;
Pilote vigilant , joui des vents propices.
D'un Monarque ombrageux essuyant les caprices
,
Armand, voyoit par lui ses projets combattus ;
Lours t'ouvrit son coeur en l'ouvrant aux Vertus.
Possede de ton Roy l'auguste confiance s
Son bonheur t'a placé ; le remps , l'experience ,
Lui font à chaque instant renouveller son choix
Ses regards de tes soins soulagent tout le poids.
L'Histoire , qui souvent prend la haine pour
guide ,
Peint Armand trop severe et Jules trop avide
Veit
Voit-on la cruauté t'inspirer ses transports ?
L'Avarice occupée à compter tes trésors ?
FLEURY , la paix du coeur regne sur ton visage ,
Jamais les Passions n'y forment de nuage ,
Aux Graces ton accueil ajoute un nouveau prix;
Le refus nécessaire est au moins sans mépris ;
Le culte seul en toi trouve un vengeur austeres
La Politique en fait un frein pour le vulgaire ,
Mais il est à tes yeux le vrai devoir des Rois ,
Le principe du bien et la source des Loix.
Poursui sans te lasser ta carriere immortelle ,
Cherche dans ta vertu le seul prix digne d'elles
Les titres, les respects , les éloges pompeux ,
Sont une récompense au - dessous de tes voeux ;
Loin de toi ces Rimeurs que le besoin altere ,
Qui font d'un talent noble- un métier merce
naire ;
Reçoi l'hommage pur que le coeur m'a dicté ;
Mes Vers n'ont d'autre prix que leur sincerité.
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Résumé : A SON EMINENCE.
La lettre est adressée à André-Hercule de Fleury, cardinal et principal ministre de Louis XV. L'auteur exprime des vœux pour la longévité et la santé de Fleury, soulignant son rôle bénéfique pour la France et l'Europe. Fleury est loué pour avoir transformé des voisins jaloux en amis et pour avoir assuré la paix et la stabilité. Il est décrit comme un pilote vigilant, capable de gérer les caprices d'un monarque ombrageux. La lettre met en avant la confiance du roi en Fleury, renforcée par le temps et l'expérience. L'auteur conteste les portraits négatifs de l'histoire, affirmant que Fleury est guidé par la vertu et le devoir royal. Il encourage Fleury à poursuivre sa carrière avec la vertu comme seule récompense, rejetant les flatteries et les éloges pompeux. La lettre se conclut par un hommage sincère, valorisant la sincérité des vers écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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149
p. 907-915
RÉFLÉXIONS sur les termes d'Invention et de sentiment, par rapport aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de réponse à la Question proposée sur ce sujet, dans le Mercure de Janvier 1733.
Début :
Les termes d'Invention et de Sentiment expriment avec exactitude ce [...]
Mots clefs :
Sentiment, Invention , Esprit, Coeur, Imagination, Sentiments, Ouvrages d'esprit, Question
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLÉXIONS sur les termes d'Invention et de sentiment, par rapport aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de réponse à la Question proposée sur ce sujet, dans le Mercure de Janvier 1733.
REFLEXIONS sur les termes
d'Invention et de sentiment , par rapport
aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de
réponse à la Question proposée sur ce
sujet , dans le Mercure de Janvier
1733.
LE
Es termes d'Invention et de Sentiment
expriment avec exactitude ce
qu'il y a de plus beau , de plus fin , de
plus délicat dans les Ouvrages d'esprit.
Le Nouveau qui plaît , et le Sensible qui
touche ; deux parties essentielles qui en
font tout le mérite et toute la perfection
.
En effet , un Ouvrage d'efprit n'est
estimable qu'autant qu'il flatte agréablement
l'imagination , qu'il a quelque choses
qui frappe , qui réveille , qui saisit
par sa nouveauté ; soit dans le choix du
sujet , soit dans l'ordonnance des parties,
ou dans la vivacité des pensées , la finesse
du tour , le feu et la surprenante
variété des expressions , c'est alors qu'il
D iij plaît
908 MERCURE DE FRANCE
plaît ; et voilà ce qu'on entend par l'Invention.
Il charme encore plus ; si outre l'Agréable
et le Nouveau , il touche par des
Images sensibles ; s'il peint naïvement
les passions , s'il s'insinuë adroitement
dans le coeur , et donne le mouvement
à ses ressorts secrets , avec tant de délicatesse
, de légéreté et de force en mêmetemps
, que personne ne puisse s'en deffendre
, et que chacun à la simple lecture
, se sente interieurement ému , ébranlé
, emporté par une douce violence C'est
ce qui s'appelle Sentiment , dans un Ouvrage
d'esprit.
L'Invention est distinguée du Sentiment
, en ce que l'une s'arrête à l'esprit
et à l'imagination , et que l'autre va droit
au coeur. L'Invention pourra convaincre,
mais il n'appartient qu'au Sentiment de
persuader , parce que pour persuader , il
faut emporter.le coeur , au lieu que pour
convaincre , il suffit d'éclaires P'efprit et
de lui plaire. Une personne sera forcée de
se rendre à l'évidence , mais il faut que le
sentiment la détermine à suivre volontiers
ses lumieres. L'Invention éblouit
par son brillant, le Sentiment échauffe et
anime par un feu d'autant plus vif qu'il
est plus couvert , et qu'on s'en donne
moins
MAY. 1733. 909
moins de garde . L'Invention ne montre
que des fleurs qui ont leur agrément , le
Sentiment produit des fruits que l'on
goûte avec délices.
>
Delà il est aisé de juger combien le
Sentiment l'emporte sur l'Invention .Celleci
quand elle est toute seule , a toujours ,
malgré ses charmes , quelque chose de
froid , de sec , d'insiple ; au lieu que
celui - la répand dans le fond de l'homme
une onction dont la douceur le ravit ,
l'anime , et se fait mieux sentir , qu'on ne
la peut exprimer.
Quand donc on dit qu'il y a de l'Invention
dans un Traité , dans un Discours
, dans un Poëme, c'est-à- dire, qu'il y
a du nouveau et du beau , soit dans le
choix de la matiere , soit dans l'arrangement
et la fécondité des preuves , soit
dans le tour et la vivacité des figures e
des expressions ; qu'on y admire des traits
brillans , d'heureuses saillies , en un mot,
tout ce qui peut flitter l'esprit et charmer
l'imagination.
Au contraire , un Ouvrage sans Invention
, n'a rien qui picque la curiosité et
qui attire l'attention ; rien que de commun
et de trivial. Un Discours , ou un
Poëme peut être régulier dans toutes ses
parties , châtié , exact , avoir même quel
Dij ques
910 MERCURE DE FRANCE
ques ornemens , sans qu'on y trouve de
Invention , lorsqu'il n'est pas assaisonné
d'un certain sel qui le releveroit , lorsqu'il
n'a pas cet air de nouveauté qui
plaît , lors qu'il n'enchérit pas sur ce
qu'on a pû voir ailleurs dans le même
genre.
Il ne faut pas cependant confondre
l'Invention avec l'affectation , toujours
déplaisante , sur tout dans un Ouvrage
d'esprit. L'Art y doit être tellement couvert
et si -bien ajusté , qu'il imite le plus
beau naturel, qu'il se fasse chercher avant
que d'être apperçu , et qu'il ne se montre
qu'autant qu'il faut pour se faire estimer.
Ainsi l'Invention telle que l'on doit l'entendre
icy , ne consiste pas dans les pointes
, dans les jeux de mots, dans certaines
petites fleurs qui n'ont qu'un faux éclat ,
ni dans une élevation à perte de vûë . Il
faut de vraies beautés , capables de satisfaire
l'Esprit , encore plus que de l'amuser
et le divertir.
Ces beautés de l'Invention qui contentent
l'Esprit , veulent être soutenuës
et animées par le Sentiment qui pénétre
le coeur. Il y a du Sentiment dans un
Ouvrage d'Efprit , lorsqu'il fait en nous
certaines impressions ausquelles on ne
peut se refuser , qu'il emporte la persuasion
,
MA Y. 1733 . 911
sion , et qu'il produit des mouvemens intérieurs
conformes à ceux qu'il represente
, ou qui en sont les effets naturels , de
sorte qu'on se sent touché , émû , attendri
, sans sçavoir comment , ni pouvoir
rendre raison de ce qui se passe dans le
coeur.
>
Ce terme de Sentiment parmi le beau
Monde , se prend encore dans une signi
fication plus étroite , pour la tendresse
que des personnes qui s'aiment expriment
mutuellement dans leurs Ecrits, ou
qui regne dans les Pieces composées exprès
pour l'exciter , mais je m'en tiens à
la signification generale qui renferme
celle cy.
Abondance de Sentiment ne gâte ja
mais un Ouvrage ; au contraire , le trop
d'Invention ou d'Esprit est un deffaut
sur tout dans les sujets passionnez , parce
qu'il n'y a rien qui garde moins d'ordre ,
de mesures , qui s'étudie moins que les
passions un peu violentes. Quide, dit- on ,
est trop ingénieux dans la douleur , il fait
voir de l'Esprit , quand vous n'attendez que
du Sentiment. On remarque dans de trèshabiles
Orateurs , comme dans l'Illustre
M. Fléchier , cet excès d'Invention ou
d'Esprit , des tours un peu trop recherchez
, des figures qui reviennent trop
Dv SOU
9t2 MERCURE DE FRANCE
Souvent, ou qui sont poussées au delà des
bornes . Mais on ne se plaindra jamais de
trouver dans un Auteur trop de Sentimens
, chacun en est insatiable . Plus une
Piéce est animée , touchante, pathétique ,
et plus on la dévore avec avidité.
·Dans une Lettre , dit une personne bien
capable d'en juger , il faut plus de Sentiment
que d'Esprit . En effet , le Sentiment
consiste dans une expression simple et
naturelle , mais en même- temps , noble ,
vive , pénétrante , qui ne donne à l'Espit
qu'autant qu'il faut pour gagner le
coeur , et c'est justement ce qui forme le
style de Lettre ..
Les compositions qui demandent da
sublime , veulent aussi plus d'Invention ;
mais elle doit être tellement ménagée ,
qu'elle n'étouff : pas le sentiment. Il faut
moins , il est vrai de celui cy dans
certains sujets où l'on se propose plus de
plaire et de divertir, que de toucher mais
len fur toujours , et on ne sçauroit jamais.
risquer d'en mettre autant que le
sujet en peut porter. Je ne pense pas
que dans une Piéce , de quelque étendue,
on doive ja nais s'arrêter à l'Esprit , sans
aller au coeur , il est même fort difficile
de plaire qu'on ne s'y insinue par quelque
endroit
L'InvenMAY.
1733. 913
L'Invention et le Sentiment se trouvent
admirablement unis et maniez avec
une adresse incomparable dans l'Enéïde ,
sur tout dans le second Livre , qui represente
les furieux transports de Didon ..
L'Esprit y brille sans affectation , et les
Sentimens y sont copiez d'après nature ;
il semble qu'on voit sous ses yeux le
Spectacle de cette Reine désesperée , au
départ du Héros qu'une genereuse résolution
éloigne à jamais de sa personne .
Il semble qu'on entend ses tendres reproches
, qu'on la voit monter sur le Bucher
, er s'enfoncer le Poignard dans le
sein ; on admire Enée , on plaint Didon ;
PEsprit est charmé , le coeur s'interesse ;:
différentes affections se succedent ; c'est
une espece de ravissement qu'on éprou
ve , à moins que d'être stupide et insensible..
L'Ectiture Sainte dans sa noble simplicité
, montre quelquefois de l'Invention
; on y trouve des figures , des couleurs
, des traits aussi frappans , qu'on en
puisse désirer. Peut- on rien de plus vif
et de plus brillant , par exemple , que la
Description du Cheval , dans le 39 ch ..
de Jobs Il y a certainement de quoi satis
faire l'esprit et l'imagination ..
Mais ces. Livres divins sont sur tout
D.vj
admi
914 MERCURE DE FRANCE
admirabl s par les Sentimens ; c'est en
quoi ils excellent ; les sujets y sont touchez
d'une maniere si naturelle , si insinuante
; les caracteres y sont si justes
les Portraits si parlans , qu'on ne peut se
deffendre d'en ressentir les secretes impressions.
3
Quoi de plus sensible et de plus touchant
que l'histoire de Joseph , r connu
par ses Freres , telle que nous la voyons
décrite dans la Genese ? Toutes les cir
constances y sont amenées avec tant de
justesse et placées dans un jour si favorable
, qu'elles saisissent le coeur et tirent
presque les larmes des yeux . On sent l'embarras
, l'inquietude , les agitations des
freres ; on p´netre le trouble et les remords
d une conscience qui se reveille
dans l'adversité , et qui les force de se reprocher
un crime dont ils reconnoissent
la juste punition . On entre naturellement
dans le coeur de Joseph ; on y découvre
la droiture , la piété , la tendre affection
des freres si dénaturez . On s'imagipour
ne entendre ces paroles qui sont pour
eux , comme un coup de foudre : Je suis
Joseph que vous avez vendu en Egypte.
on diroit que les voilà abbattus , prosternez
, n'osant lever les yeux, se jugeant
des victimes destinées à la mort , pouvant
MAY. 17337
915
vant à peine se rassurer par la douceur
et la bonté de celui dont ils redoutent
la vengeance. Voilà ce que c'est que les
Sentimens dans une narration , qui paroît
toute simple et sans art.
Tel est encore le jugement de Salomon .
La nature même y parle , et c'est la nature
qui produit le sentiment , ou plutôt
qui en est la source feconde ; c'est delà
qu'il se puise , et on ne le trouve point
ailleurs ; de sorte qu'une Piéce , qu'un
Livre où il n'y auroit point de naturek,
n'auroit aussi ni goût ni sentiment.
Voilà , ce me semble , l'idée qu'on attache
communément aux termes d'Invention
et de Sentiment , lorsqu'on parle
des Ouvrages d'Esprit ; c'est l'usage et
Fapplication qu'on voit les personnes
de mérite et éclairées en faire dans les
conversations ou dans leurs Ecrits.
S. L. SIMONNET , Prieur ,
Curé d'Heurgevilly.
Ce 21 Mars 1733 .
d'Invention et de sentiment , par rapport
aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de
réponse à la Question proposée sur ce
sujet , dans le Mercure de Janvier
1733.
LE
Es termes d'Invention et de Sentiment
expriment avec exactitude ce
qu'il y a de plus beau , de plus fin , de
plus délicat dans les Ouvrages d'esprit.
Le Nouveau qui plaît , et le Sensible qui
touche ; deux parties essentielles qui en
font tout le mérite et toute la perfection
.
En effet , un Ouvrage d'efprit n'est
estimable qu'autant qu'il flatte agréablement
l'imagination , qu'il a quelque choses
qui frappe , qui réveille , qui saisit
par sa nouveauté ; soit dans le choix du
sujet , soit dans l'ordonnance des parties,
ou dans la vivacité des pensées , la finesse
du tour , le feu et la surprenante
variété des expressions , c'est alors qu'il
D iij plaît
908 MERCURE DE FRANCE
plaît ; et voilà ce qu'on entend par l'Invention.
Il charme encore plus ; si outre l'Agréable
et le Nouveau , il touche par des
Images sensibles ; s'il peint naïvement
les passions , s'il s'insinuë adroitement
dans le coeur , et donne le mouvement
à ses ressorts secrets , avec tant de délicatesse
, de légéreté et de force en mêmetemps
, que personne ne puisse s'en deffendre
, et que chacun à la simple lecture
, se sente interieurement ému , ébranlé
, emporté par une douce violence C'est
ce qui s'appelle Sentiment , dans un Ouvrage
d'esprit.
L'Invention est distinguée du Sentiment
, en ce que l'une s'arrête à l'esprit
et à l'imagination , et que l'autre va droit
au coeur. L'Invention pourra convaincre,
mais il n'appartient qu'au Sentiment de
persuader , parce que pour persuader , il
faut emporter.le coeur , au lieu que pour
convaincre , il suffit d'éclaires P'efprit et
de lui plaire. Une personne sera forcée de
se rendre à l'évidence , mais il faut que le
sentiment la détermine à suivre volontiers
ses lumieres. L'Invention éblouit
par son brillant, le Sentiment échauffe et
anime par un feu d'autant plus vif qu'il
est plus couvert , et qu'on s'en donne
moins
MAY. 1733. 909
moins de garde . L'Invention ne montre
que des fleurs qui ont leur agrément , le
Sentiment produit des fruits que l'on
goûte avec délices.
>
Delà il est aisé de juger combien le
Sentiment l'emporte sur l'Invention .Celleci
quand elle est toute seule , a toujours ,
malgré ses charmes , quelque chose de
froid , de sec , d'insiple ; au lieu que
celui - la répand dans le fond de l'homme
une onction dont la douceur le ravit ,
l'anime , et se fait mieux sentir , qu'on ne
la peut exprimer.
Quand donc on dit qu'il y a de l'Invention
dans un Traité , dans un Discours
, dans un Poëme, c'est-à- dire, qu'il y
a du nouveau et du beau , soit dans le
choix de la matiere , soit dans l'arrangement
et la fécondité des preuves , soit
dans le tour et la vivacité des figures e
des expressions ; qu'on y admire des traits
brillans , d'heureuses saillies , en un mot,
tout ce qui peut flitter l'esprit et charmer
l'imagination.
Au contraire , un Ouvrage sans Invention
, n'a rien qui picque la curiosité et
qui attire l'attention ; rien que de commun
et de trivial. Un Discours , ou un
Poëme peut être régulier dans toutes ses
parties , châtié , exact , avoir même quel
Dij ques
910 MERCURE DE FRANCE
ques ornemens , sans qu'on y trouve de
Invention , lorsqu'il n'est pas assaisonné
d'un certain sel qui le releveroit , lorsqu'il
n'a pas cet air de nouveauté qui
plaît , lors qu'il n'enchérit pas sur ce
qu'on a pû voir ailleurs dans le même
genre.
Il ne faut pas cependant confondre
l'Invention avec l'affectation , toujours
déplaisante , sur tout dans un Ouvrage
d'esprit. L'Art y doit être tellement couvert
et si -bien ajusté , qu'il imite le plus
beau naturel, qu'il se fasse chercher avant
que d'être apperçu , et qu'il ne se montre
qu'autant qu'il faut pour se faire estimer.
Ainsi l'Invention telle que l'on doit l'entendre
icy , ne consiste pas dans les pointes
, dans les jeux de mots, dans certaines
petites fleurs qui n'ont qu'un faux éclat ,
ni dans une élevation à perte de vûë . Il
faut de vraies beautés , capables de satisfaire
l'Esprit , encore plus que de l'amuser
et le divertir.
Ces beautés de l'Invention qui contentent
l'Esprit , veulent être soutenuës
et animées par le Sentiment qui pénétre
le coeur. Il y a du Sentiment dans un
Ouvrage d'Efprit , lorsqu'il fait en nous
certaines impressions ausquelles on ne
peut se refuser , qu'il emporte la persuasion
,
MA Y. 1733 . 911
sion , et qu'il produit des mouvemens intérieurs
conformes à ceux qu'il represente
, ou qui en sont les effets naturels , de
sorte qu'on se sent touché , émû , attendri
, sans sçavoir comment , ni pouvoir
rendre raison de ce qui se passe dans le
coeur.
>
Ce terme de Sentiment parmi le beau
Monde , se prend encore dans une signi
fication plus étroite , pour la tendresse
que des personnes qui s'aiment expriment
mutuellement dans leurs Ecrits, ou
qui regne dans les Pieces composées exprès
pour l'exciter , mais je m'en tiens à
la signification generale qui renferme
celle cy.
Abondance de Sentiment ne gâte ja
mais un Ouvrage ; au contraire , le trop
d'Invention ou d'Esprit est un deffaut
sur tout dans les sujets passionnez , parce
qu'il n'y a rien qui garde moins d'ordre ,
de mesures , qui s'étudie moins que les
passions un peu violentes. Quide, dit- on ,
est trop ingénieux dans la douleur , il fait
voir de l'Esprit , quand vous n'attendez que
du Sentiment. On remarque dans de trèshabiles
Orateurs , comme dans l'Illustre
M. Fléchier , cet excès d'Invention ou
d'Esprit , des tours un peu trop recherchez
, des figures qui reviennent trop
Dv SOU
9t2 MERCURE DE FRANCE
Souvent, ou qui sont poussées au delà des
bornes . Mais on ne se plaindra jamais de
trouver dans un Auteur trop de Sentimens
, chacun en est insatiable . Plus une
Piéce est animée , touchante, pathétique ,
et plus on la dévore avec avidité.
·Dans une Lettre , dit une personne bien
capable d'en juger , il faut plus de Sentiment
que d'Esprit . En effet , le Sentiment
consiste dans une expression simple et
naturelle , mais en même- temps , noble ,
vive , pénétrante , qui ne donne à l'Espit
qu'autant qu'il faut pour gagner le
coeur , et c'est justement ce qui forme le
style de Lettre ..
Les compositions qui demandent da
sublime , veulent aussi plus d'Invention ;
mais elle doit être tellement ménagée ,
qu'elle n'étouff : pas le sentiment. Il faut
moins , il est vrai de celui cy dans
certains sujets où l'on se propose plus de
plaire et de divertir, que de toucher mais
len fur toujours , et on ne sçauroit jamais.
risquer d'en mettre autant que le
sujet en peut porter. Je ne pense pas
que dans une Piéce , de quelque étendue,
on doive ja nais s'arrêter à l'Esprit , sans
aller au coeur , il est même fort difficile
de plaire qu'on ne s'y insinue par quelque
endroit
L'InvenMAY.
1733. 913
L'Invention et le Sentiment se trouvent
admirablement unis et maniez avec
une adresse incomparable dans l'Enéïde ,
sur tout dans le second Livre , qui represente
les furieux transports de Didon ..
L'Esprit y brille sans affectation , et les
Sentimens y sont copiez d'après nature ;
il semble qu'on voit sous ses yeux le
Spectacle de cette Reine désesperée , au
départ du Héros qu'une genereuse résolution
éloigne à jamais de sa personne .
Il semble qu'on entend ses tendres reproches
, qu'on la voit monter sur le Bucher
, er s'enfoncer le Poignard dans le
sein ; on admire Enée , on plaint Didon ;
PEsprit est charmé , le coeur s'interesse ;:
différentes affections se succedent ; c'est
une espece de ravissement qu'on éprou
ve , à moins que d'être stupide et insensible..
L'Ectiture Sainte dans sa noble simplicité
, montre quelquefois de l'Invention
; on y trouve des figures , des couleurs
, des traits aussi frappans , qu'on en
puisse désirer. Peut- on rien de plus vif
et de plus brillant , par exemple , que la
Description du Cheval , dans le 39 ch ..
de Jobs Il y a certainement de quoi satis
faire l'esprit et l'imagination ..
Mais ces. Livres divins sont sur tout
D.vj
admi
914 MERCURE DE FRANCE
admirabl s par les Sentimens ; c'est en
quoi ils excellent ; les sujets y sont touchez
d'une maniere si naturelle , si insinuante
; les caracteres y sont si justes
les Portraits si parlans , qu'on ne peut se
deffendre d'en ressentir les secretes impressions.
3
Quoi de plus sensible et de plus touchant
que l'histoire de Joseph , r connu
par ses Freres , telle que nous la voyons
décrite dans la Genese ? Toutes les cir
constances y sont amenées avec tant de
justesse et placées dans un jour si favorable
, qu'elles saisissent le coeur et tirent
presque les larmes des yeux . On sent l'embarras
, l'inquietude , les agitations des
freres ; on p´netre le trouble et les remords
d une conscience qui se reveille
dans l'adversité , et qui les force de se reprocher
un crime dont ils reconnoissent
la juste punition . On entre naturellement
dans le coeur de Joseph ; on y découvre
la droiture , la piété , la tendre affection
des freres si dénaturez . On s'imagipour
ne entendre ces paroles qui sont pour
eux , comme un coup de foudre : Je suis
Joseph que vous avez vendu en Egypte.
on diroit que les voilà abbattus , prosternez
, n'osant lever les yeux, se jugeant
des victimes destinées à la mort , pouvant
MAY. 17337
915
vant à peine se rassurer par la douceur
et la bonté de celui dont ils redoutent
la vengeance. Voilà ce que c'est que les
Sentimens dans une narration , qui paroît
toute simple et sans art.
Tel est encore le jugement de Salomon .
La nature même y parle , et c'est la nature
qui produit le sentiment , ou plutôt
qui en est la source feconde ; c'est delà
qu'il se puise , et on ne le trouve point
ailleurs ; de sorte qu'une Piéce , qu'un
Livre où il n'y auroit point de naturek,
n'auroit aussi ni goût ni sentiment.
Voilà , ce me semble , l'idée qu'on attache
communément aux termes d'Invention
et de Sentiment , lorsqu'on parle
des Ouvrages d'Esprit ; c'est l'usage et
Fapplication qu'on voit les personnes
de mérite et éclairées en faire dans les
conversations ou dans leurs Ecrits.
S. L. SIMONNET , Prieur ,
Curé d'Heurgevilly.
Ce 21 Mars 1733 .
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Résumé : RÉFLÉXIONS sur les termes d'Invention et de sentiment, par rapport aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de réponse à la Question proposée sur ce sujet, dans le Mercure de Janvier 1733.
Le texte 'Réflexions sur les termes d'Invention et de sentiment, par rapport aux Ouvrages d'esprit' publié dans le Mercure de Janvier 1733 examine les concepts d'invention et de sentiment dans les œuvres littéraires. L'invention désigne un élément nouveau et agréable qui stimule l'imagination, tandis que le sentiment touche le cœur par des images sensibles et des passions représentées de manière naïve. L'invention convainc l'esprit, mais seul le sentiment persuade en emportant le cœur. Sans le sentiment, l'invention peut sembler froide et sèche, tandis que le sentiment ravive et anime profondément le lecteur. Un ouvrage sans invention manque de curiosité et d'attention, mais un excès d'invention peut être déplaisant, surtout dans les sujets passionnés. Le sentiment, en revanche, ne gâte jamais une œuvre. Le texte distingue l'invention de l'affectation, soulignant que l'art doit imiter le naturel. Les beautés de l'invention doivent être soutenues par le sentiment pour toucher le cœur. Le sentiment est particulièrement crucial dans les lettres et les compositions sublimes, bien que l'invention soit également nécessaire. L'Énéide de Virgile et l'Écriture Sainte sont cités comme exemples d'œuvres où l'invention et le sentiment sont admirablement unis. Le texte conclut en affirmant que le sentiment est essentiel pour donner du goût et de la profondeur à une œuvre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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150
p. 995-997
LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
Début :
Viens, mon aimable Bergere, [...]
Mots clefs :
Pastourelle, Philis, Yeux, Champs, Amour, Coeur, Feux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
LA PASTOURELLE.
COVPLETS.
A Mlle * * * sous le nom de Philis,
Iejns,
mon aimableBergere,
Aves moi dans nos Forêtsj
Allons-y prendre le frais,
Dessus la verte fougere ;
Et que les tendres Zéphirs,
Y rtpettent nos soupirs.
m
Intends-tu la Tourterelle,
Qui gémit sur cet Ormeau?
Ce n'est point d'un feu nouveauj
Dont brule son coeur fîdcllej
Suivons tous deux leur amour,
Jusqu'à notre dernier jour.
m
Ce Ruisseau dans ce Boccage ,
tDe tes yeux est amoureux ; comme moi plci"" de feux, Murmurç
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
COVPLETS.
A Mlle * * * sous le nom de Philis,
Iejns,
mon aimableBergere,
Aves moi dans nos Forêtsj
Allons-y prendre le frais,
Dessus la verte fougere ;
Et que les tendres Zéphirs,
Y rtpettent nos soupirs.
m
Intends-tu la Tourterelle,
Qui gémit sur cet Ormeau?
Ce n'est point d'un feu nouveauj
Dont brule son coeur fîdcllej
Suivons tous deux leur amour,
Jusqu'à notre dernier jour.
m
Ce Ruisseau dans ce Boccage ,
tDe tes yeux est amoureux ; comme moi plci"" de feux, Murmurç
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
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Résumé : LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
La 'Pastourelle' est un poème adressé à une jeune fille nommée Philis. Le narrateur l'invite à se promener dans les forêts pour profiter de la fraîcheur et écouter les soupirs portés par les zéphyrs. Il compare leur amour à celui des tourterelles et exprime son désir de fidélité jusqu'à la fin de leurs jours. Le ruisseau et les échos dans la forêt semblent murmurer des déclarations d'amour, soulignant la constance de son affection. Le narrateur entend également Silvandre, un autre berger, soupirer au fond du bois, et l'écho répète ses plaintes à cause de ses rivaux. Il propose de graver leurs noms sur les écorces vertes pour symboliser leur amour éternel. Le poème célèbre la beauté de Philis, qui attire les fleurs et les divinités printanières. Il exprime l'espoir que leur amour chaste et fidèle soit protégé par le ciel et que les troupeaux de Philis soient à l'abri des dangers. Enfin, il souhaite que leur amour dure aussi longtemps que la nature elle-même.
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