Résultats : 22 texte(s)
Détail
Liste
1
p. [2551]-2554
ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
Début :
Dans l'Isle de Naxos quel bruit vien-je d'entendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Amante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
ARTANE ET THESE'E.
D
CANTATE.
Ans l'Ile de Naxos quel bruit vienje
d'entendre ?
Quel tumulte agite les flots ?
Sur les bords de la Mer , quel mortel va ſe rendre
?
C'eft le Grec qu'a fuivi la fille de Minos.
Ce Héros qui lui doit tout l'éclat de fa gloire
1. Vela AN Va
2552 MERCURE DE FRANCE
Và payer en ce jour
Le plus fidele amour
Far la cruauté la plus noires
語
Fuyez l'amour , jeunes coeurs ;
Quoiqu'il préfente des charmes
De fes plaifirs impofteurs ,
Coule une fource de larmes.
Sous fes pas naiffent des Aeurs ,
Qui furprennent notre vûë ;
De leurs mortelles odeurs
S'exhale un venin qui tuë.
Fayez l'amour , &c.
W
Je le vois ce perfide amant ,
Sur un Rocher affreux conduire fon amante ,
Infenfible à fes pleurs , à fa voix gémiffante
Il s'enyvre à longs traits de fon cruel tourment ;
Envain pour l'arêter Ariane abuſée ,
Par fes embraffemens , veut amolir fon coeur ,
L'Ingrat en s'échapant fe rit de fa langueur,
Elle ne verra plus Thefée.
Un facile amour déplaît,
Un Rigoureux nous engage ,
1. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2553
Un coeur trop tôt fatisfait ,
Vous méprife ou vous outrage,
Pour conferver un amant
Marquez de l'indifference ,
En amour , le plus content
A moins de reconnoiffance,
Un facile , & c.
Sur la rive agitée , en détournant les yeux
Ariane du coeur cherche encor l'infidelle ; ·
Mais il ne paroit plus . A fa douleur mortelle
Succedent des tranfports tendres & furieux ,
Non , à mon lâche coeur , tu n'es pas odieux
Hélas ! & malgré ton parjure ,
Barbare ,je t'appele , &je voudrois te voir...
Approche ... ses regards hâtent mon defefpoir
,
Et je fens terminer les tourmens que fendure
Elle dit , & foudain à la clarté des Cieux ,
Ferme fa paupiere mourante ,
En laiffant par l'ordre des Dieux ,
Cet unique Tableau d'une fidelle amante.
Non , on ne voit plus aimer
Avec tant de violence ;
Iv Val. Aviij
On
2554 MERCURE DE FRANCE
On confent de fe charmer
Sans fe piquer de conftance.
Le plaifir eft de changer;
Se fixer eft efclavage :
L'amant veut fe dégager,
Et l'amante fe dégage.
Non , on ne , &c.
Le Chevalier DE MONTADOR.
D
CANTATE.
Ans l'Ile de Naxos quel bruit vienje
d'entendre ?
Quel tumulte agite les flots ?
Sur les bords de la Mer , quel mortel va ſe rendre
?
C'eft le Grec qu'a fuivi la fille de Minos.
Ce Héros qui lui doit tout l'éclat de fa gloire
1. Vela AN Va
2552 MERCURE DE FRANCE
Và payer en ce jour
Le plus fidele amour
Far la cruauté la plus noires
語
Fuyez l'amour , jeunes coeurs ;
Quoiqu'il préfente des charmes
De fes plaifirs impofteurs ,
Coule une fource de larmes.
Sous fes pas naiffent des Aeurs ,
Qui furprennent notre vûë ;
De leurs mortelles odeurs
S'exhale un venin qui tuë.
Fayez l'amour , &c.
W
Je le vois ce perfide amant ,
Sur un Rocher affreux conduire fon amante ,
Infenfible à fes pleurs , à fa voix gémiffante
Il s'enyvre à longs traits de fon cruel tourment ;
Envain pour l'arêter Ariane abuſée ,
Par fes embraffemens , veut amolir fon coeur ,
L'Ingrat en s'échapant fe rit de fa langueur,
Elle ne verra plus Thefée.
Un facile amour déplaît,
Un Rigoureux nous engage ,
1. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2553
Un coeur trop tôt fatisfait ,
Vous méprife ou vous outrage,
Pour conferver un amant
Marquez de l'indifference ,
En amour , le plus content
A moins de reconnoiffance,
Un facile , & c.
Sur la rive agitée , en détournant les yeux
Ariane du coeur cherche encor l'infidelle ; ·
Mais il ne paroit plus . A fa douleur mortelle
Succedent des tranfports tendres & furieux ,
Non , à mon lâche coeur , tu n'es pas odieux
Hélas ! & malgré ton parjure ,
Barbare ,je t'appele , &je voudrois te voir...
Approche ... ses regards hâtent mon defefpoir
,
Et je fens terminer les tourmens que fendure
Elle dit , & foudain à la clarté des Cieux ,
Ferme fa paupiere mourante ,
En laiffant par l'ordre des Dieux ,
Cet unique Tableau d'une fidelle amante.
Non , on ne voit plus aimer
Avec tant de violence ;
Iv Val. Aviij
On
2554 MERCURE DE FRANCE
On confent de fe charmer
Sans fe piquer de conftance.
Le plaifir eft de changer;
Se fixer eft efclavage :
L'amant veut fe dégager,
Et l'amante fe dégage.
Non , on ne , &c.
Le Chevalier DE MONTADOR.
Fermer
Résumé : ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
La cantate 'Artane et Thésée', publiée dans le Mercure de France en décembre 1730, se déroule sur l'île de Naxos. Thésée, après avoir fui, abandonne Ariane, qui se retrouve seule et désespérée. Malgré sa douleur, Ariane exprime encore son amour pour Thésée, qu'elle qualifie de 'perfide amant'. Thésée, insensible à ses pleurs et supplications, se réjouit de son tourment. Ariane, dans sa souffrance, appelle Thésée et souhaite le voir une dernière fois avant de succomber à sa douleur. Le texte se conclut par la mort d'Ariane, illustrant son amour fidèle. La cantate explore également les dangers de l'amour, mettant en garde contre ses charmes trompeurs et ses conséquences mortelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 2554-2576
SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
Début :
MONSIEUR, Je n'aurois jamais osé doner dans le Mercure de France la suite de l'atirail literaire [...]
Mots clefs :
Enfants, Lettres, Latin, Méthode, Cartes, Mots, Français, Voyelle, Exercice, Apprentissage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
SETIEME LETRE sur la bibliotèque
des enfans , et sur l'atirail literaire
du bureau tipografique.
MONSIEUR ,
Je n'aurois jamais osé doner dans le
Mercare de France la suite de l'atirail literaire
d'un enfant , si des pèrsones de
merite ne m'avoient fait remarquer que
ce journal étoit plus nécessaire et plus
instructif dans les provinces et dans les
patis étrangers que dans la capitale , et
que mon scrupule étoit mal fondé. Tous
les livres , m'a- t- on dit, ne peuvent ni ne
doivent ètre livres amusans , de mode
de
passage , et d'une seule espece de lec
teurs , come les voyages de Gulliver , etc.
I. Fel.
Votre
DECEMBRE. 1730. 2333
Votre ouvrage contient la premiere doc
trine , l'érudition élémentaire , cela sufit ,
m'a-t-on repliqué , pour justifier le motif
de vos petits essais literaires ; les parens
et les maîtres curieus en fait d'éducation
le penseront ainsi ,à Paris mème . Dailleurs
les provinces demandent des bureaus ; il
est donc mieus de leur donér la manière
de les faire faire chès eus à bon marché
que de les mètre dans la nécessité d'en
faire venir de plus chèrs , lentement et à
grans frais. Ces raisons m'ont facilement
détèrminé à tâcher de mètre le lecteur
atentif au fait de la construction , del'intelligence
, et de l'usage des petits meubles
literaires que je propose de livrér de
bone heure aus jeunes enfans , et aus autres
enfans de tout age qui ont le malheur
d'avoir été négligés ou retardés pendant
bien des anées.
§ . 1. Cassète abecédique , pour un enfant
de dens à trois ans , et de tout age.
La cassète abécédique , est le premier
meuble litéraire qu'il faudroit livrer à un
enfant de deus à trois ans . Cete cassète doit
ètre de carton; on peut la renforcer d'une
toile colée en dehors , et mètre des bandes
de parchemin à tous les angles exte
rieurs : la charniere de la cassète doit ètre
de toile , de parchemin , ou de peau , afin
A iiij qu'elle I. Vol.
2556 MERCURE DE FRANCE
qu'elle puisse resister aus mouvemens
Continuels ausquels elle sera exposée ..
Après avoir compassé , coupé , cousu
COlé
, et façoné cète cassète , il faudra l'habiller
de lètres , et de silabes ; enjoliver
tous les coins et toutes les bordures avec
du papier doré , marbré , ou tel autre
qu'on voudra y mètre , pour marquer le
quaré , ou le cadre des faces de la cas
sète. On donera au comancement de l'A
B , C latin , et en petit caractère , la
feuille des premières combinaisons élémantaires
, qu'il faudra faire imprimer
d'un caractère proportioné à la grandeur
de la cassète. Cète feuille est , pour ainsi.
dire , l'abrégé de l'a ,b, c latin , et l'on ne
sauroit y tenir un petit enfant trop lontems
pourvu qu'on ait soin de lui faire
lire sur sa cassète les combinaisons , non
seulement de gauche à droite , mais encore
de droite à gauche ; de haut en bas ,
et de bas en haut , ou en colones , etc.
Le premier des deus petits cotés à
droite , contient les lètres du grand A,B,
C latin , avec leur dénomination , ou le
nom doné et preté à chaque consone pour
rendre selon cète nouvèle métode l'art.
de lire plus aisé : On met donc dans ce
quaré de la cassète , n ° . 1. les voyèles
grandes et petites , et les lètres capitales.
avec leurs noms , Aa , Ee , Ii , Oo ,
I.Vok U u
DECEMBRE. 1730. 2357
3
U u. A , Be , Ceke , De , E , Fe , etc.
que
Le segond des deus petits cotés de la
cassète , à gauche , contient le petit a , b,c
latin , à coté du grand , lètre à lètre ; afin
l'enfant qui conoit bien les grandes
lètres , puisse facilement et presque de lui
mème aprendre ensuite à distinguer les
petites : On met donc , n ° . z . A a , Bb ,
Cc , Dd , etc. on y ajoute les principales
Higatures , les lètres doubles , et quelques
abreviations , sur lesquèles il est inutile
de s'arèter beaucoup de peur de dégouter
l'enfant.
La premiere des grandes faces de la
cassète et sur le devant , contiènt , n° . 3 .
en deus colones , les combinaisons élémentaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
Le dessous de la cassète pouroit avoir
: quatre clous de léton , rivés en dedans ;;
savoir un à chaque angle pour servir de
pié et conserver cete face , sur laquelle ,
et sur cèle du couvercle en dedans , on
peut mètre une bèle crois de JESUS,come
La base , le principe , et la fin de toute action
cretiène.
Le deriere de la cassète contiendra , nº
4.et en deus colones , les combinaisons
du Ba , be , bi , bo , bu , etc. dans lesque
les on fera remarquer les changemiens .
qu'on a crit necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons , Ca
: bokeb AV fo
2558 MERCURE DE FRANCE
fe , fi , co , qu ; Ga , je , ji , go , gu ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , fo , fu ; Ta ,
te , tici , to , tu , etc.
Le dessus du couvercle de la cassète
contiendra , nº. 5. n ° . 6. les combinaisons
du Bla , ble , bli , blo , blu , etc. et cèles
du Bra , bre , bri , bro , bru , etc ... N° 7.
les combinaisons des quatre petites lètres
ressemblantes , b , d , p , q , combinées
avec leurs quatre capitales, et ensuite avec
les cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp ,
Qq , etc. Ba , de , pi , qu , bo , etc.
No. 8. des sons particuliers à la langue
françoise. A l'égard des cinq faces qui restent
au dedans de la cassète , il sufit qu'èles
solent couvertes de papier blanc , pour
faire mieus paroitre les lètres des cartes
que l'enfant y tiendra.
1
Cète cassète servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons et les
jeus des cartes abecediques , qui ont servi
de premier amusement à l'enfant, et qu'il
peut ranger sur une table en les nomant
, jusqu'à ce qu'il soit en état d'avoir
le petit bureau tipografique , sur lequel
il rangera les premieres combinalsons,
Ab , eb , ib , ob , ub , etc. On poura
lui doner ces premieres combinaisons
avec un petit casseau de carton et de sis
logetes , qui entrera dans la cassète , de
mème que les petits cartons élémentaires ,
|
1. Vol. sur
DECEMBRE . 1730. 2559
sur lesquels on aura fait coler les quarés
de la feuille imprimée pour habiller la
cassete ; elle poura aussi servir à tenir une
garniture de bureau pour les persones
curieuses de ce petit atirail literaire.
§ . 2. Foureau ou Tablier du petit bõhome ,
pour l'usage du bureau.
L'on fera à l'enfant un tablier de quelque
bone toile rousse ou grise , afin de
conserver ses habits . Ce tablier poura s'apeler
en badinant , la bavète ou le tablier de
docteur ; il est necessaire pour y faire deus
poches , l'une servira à metre les cartes
des letres et des mots en rouge pour le
latin , et l'autre servira à mèrre les cartes
en noir pour le françois , lorsque l'enfant
comencera de travailler à la table du
bureau de laquèle au reste il ne faut pas
oublier de bien faire abatre la vive arète,à
cause du frotement continuel de l'enfant.
§. 3. Description du premier et petit bureaus
qui sert à la premiere claffe.
Dès qu'un enfant conoit bien les lètres
par l'exercice des jeus de cartes abécédiques
et de la cassete , on peut lui doner
un petit bureau semblable à ceus dont les
directeurs et les comis de la Poste se servent
en province pour ranger les lètres
missives qu'ils mèrent en colones vis - à-
1. Fol.
Αν
via
2560 MERCURE DE FRANCE
vis les lètres initiales des noms ausquels
les missives sont adressées. il faut donc
avoir une table de la largeur de cinq ou
sis cartes rangées , ensorte que cèles des
c'nq voyeles A , E , I , O , U , et des
combinaisons Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
puissent ètre mises en colones sur la largeur
de ce bureau . il doit avoir la longueur
de trente cartes rangées de suite,
plus ou moins , selon le nombre des logetes
que l'on voudra doner à la caisse
de l'imprimerie ; et selon la grandeur des
cartes dont on se servira pour garnir le
bureau . La largeur de la table sera divisée
par quatre ou cinq lignes paralèles , qui
dans la suite serviront d'alignement et:
de reglèt à l'enfant qui doit imprimer oa
composer son tème sur cète table.
و
On peut doner à la table la longueurde
trente cassetins outre l'épaisseur
des montans ou du bois de séparation ;,
ce qu'il est aisé de mesurer : ensuite on
fait les trois liteaus , bandes , regles ou
rebors de la hauteur d'environ quatre pou
ces , ou de la hauteur d'une carte , l'un
de la longueur , et les autres deus pour la
largeur du bureau. Avant que de poserd'une
maniere fixe ou mobile à discretion,.
la tringle , la regle , le long liteau ou rebord
du derriere de la table , il faut lediviser
en trente parties , et marquer le
& Fet milicu
DECEMBRE. 1730. 2560
milieu de chaque partie d'une des lètres de
FABC, observant d'y imprimer la grandeet
la petite lètre ensemble , l'une sous.
Pautre , c'est- à- dire le grand A , sur le
petit as le B capital sur le petit b , et
ainsi de tout l'A BC , depuis les lètres.
Aa , Bb , jusqu'à cèles du Zz , sans oublier
l'Ex , l'a , ni les lètres doubles ,.
&t , ft , fl , etc. de même que les chifres et
les caracteres ou lès signes de la ponctua
tion , etc. que Fon rangera selon l'ordreobservé
dans la planche du bureau tipo
grafique que j'ai fait graver exprès. il sera.
peut-être mieus de doner à l'enfant un
casseau d'un seul rang de logètes , où il
puisse tenir les grandes et les petites kètress ,
Page et la taille décideront entre la trin
gle et le casseau d'un rang de logètes..
Les deus petits liteaus , rebors ou consoles
des cotés n'étant que pour retenir les
cartes , rendre le bureau plus solide , et
pour fermer la caisse , on peut arondir er:
façoner ces deus consoles par le bout , afin
que l'enfant ne puisse en ètre incomode :
après quoi l'on peut clouer les liteaus ou
rebors et metre ce bureau contre un mur
sur deus chaises , sur un chassis , sur deus
petits bancs ou deus petits traitaus dont
les piés soient solides et proportionés à
La taille de l'enfant. On poura , si l'on
eur, metre de petits tiroirs à ce bureau:
La bata
1
2562 MERCURE DE FRANCE
et couvrir la table , d'une basane , d'un
maroquin noir ou d'une toile cirée ; ce qui
n'est pas absolument necessaire, si le bois
est neuf, sans noeuds et bien uni : d'ailleurs
on pouroit faire la table de ce bureau
brisée en deus ; ce qui serviroit pour
les diferens ages et les diferens tèmes de
l'enfant , et mème pour ètre plus facilement
placé contre la muraille et transporté
de la vile à la campagne , come une
table brisée , qui ensuite relevée , ferme
roit la caisse du colombier literaire , et
ocuperoìt moins de place. On poura mètre
un petit rideau de tafetas ou de toile
pour couvrir le colombier quand on ne
s'en servira pas , une toile cirée sera peutètre
d'un mème usage , on doit en tout
chercher l'utilité , la comodité et la propreté.
S. 4. Casse d'imprimerie en colombier à
quatre rans de trente cassetins chacun.
3
Quand l'enfant sera fort sur l'exercice
de la cassète et du premier bureau , on
peut encore pour le divertir en l'instruisant
, lui doner une casse d'imprimerie ,
avec laquèle il composera et décomposera
les silabes , les mots , et les lignes qu'on
lui présentera écrites ou imprimées ; er
cela s'apelera l'exercice du tème en lat`n ou
en françois , selon les lignes et les tèmes
I. Vol.
qu'on
DECEMBRE. 1730. 2563
qu'on lui donera par la suite en ces langues-
là . Cète imprimerie en colombier
est composée d'un casseau qu'on met sur
la table du premier et petit bureau contre
le plus long liteau ou le deriere de cète
table , y étant assés fixe par
des crochets ,
des pitons , des clous à vis , des boutons
ou des chevilles de fer qui traversent l'épaisseur
des deus petits liteaus ou consoles
, et le bois de la premiere et de la derniere
celule : cete casse est divisée en soissante
compartimens, cassetìns, celules , logetes
ou boulins ; c'est-à-dire en deus
rans de trente celules quarées chacun , et
c'est-là le segond bureau ou casseau de la
segonde classe pour le latin , en atendant
la troisième aussi de soissante cassetins
pour le françois , les chiftes , la ponctuation
, l'ortografe des lètres et des sons et
pour la troisiéme classe.
On passera ensuite au quatrième casseau
ou bureau pour le rudiment pratique de
la quatrième classe. Le bureau complet
sera donc de sis rangées de trente cassetins
chacune ; quatre pour l'imprimerie
du latin et du françois , et deus pour le
rudiment. On poura le faire faire tout
d'un tems pour épargner le bois , la hau
teur et la façon du bureau ; en couvrant
d'une housse les rangées superieures
dont l'enfant n'aura pas d'abord l'usage :
I. Vol.
ce
2564 MERCURE DE FRANCE
ce voile piquera sa curiosité et lui donera
de l'impatience pour l'usage des autres
rangées , ainsi qu'on l'a déja dit dans les
letres sur le bureau tipografique , inserées.
dans les mercures des mois de Juin et
de Juillet 1730.
Les logetes doivent ètre un peu plus.
profondes que la longueur des cartes ;
savoir , les trente celules pour ranger et
mètre les petites lètres , les lètres dou-
Bles , etc. et les trente autres celules ou
cassetins pour les grandes lètres ou capitales
, etc. le quaré des celules doit ètre
proportioné à la longueur et à la largeur
des cartes dont on veut se servir ; ensorte:
que l'enfant puisse mètre aisément sa main
dans chaque celule pour y poser ou en
prendre les cartes : on parlera ci - dessous ;
des autresrans de logetes.il faudra marquer
abécédiquement au bureau latin chaque
celule d'en bas de sa petite lètre, et cèle d'ens
haut de sa lètre capitale : après quoi l'on
peut montrer à l'enfant l'art d'imprimer
le tème qu'on lui dicte , ou qu'on lui
done sur une carte ou sur un papier mis
assés haut sur un petit pupitre à jour et
de fil d'archal au milieu de son imprimerie
ou sur la table mème du bureau ; l'on
fera séparer tous les mots avec une carte:
blanche ou par une petite distance , pour
aprendre à l'enfant à distinguer les mots..
La Vali
On
DECEMBRE. 1730. 2565
On ne sauroit croire combien il profite
en imprimant quelques mots sous le dictamen
des uns et des autres , cela lui for
me l'oreille, et lui done ensuite une gran
de facilité pour l'ortografe des ïeus er
d'usage.
,
Il faut qu'il y ait au moins quinze ou
vint lètres dans chaque celule et un
plus grand nombre de voyèles , de liquides
et de certaines consones de plus d'usage
, afin de pouvoir composer plusieurs
lignes de tème tout de suite. Pour rendre
plus large la table du bureau , à mesure
que l'enfant croitra en age et en sience
on peut reculer la caisse de l'imprimerie
ou l'exhausser pour l'apuyer sur le deriere
du bureau , ou pour la metre contre le
mur d'un cabinet , de la chambre de l'enfant
ou autre lieu convenable. Je crois ce
pendant qu'il est mieus que le tout soit
isolé et portatif même au milieu de la
chambre ou du cabinet de l'enfant.
On aura des cartes marquées d'une virgule
pour séparer les mots au comencement
de l'exercice tipografique , afin
d'en rendre à l'enfant la lecture plus aisée
, moins confuse , et de lui aprendre
à distinguer les mots ; il faut mème que
l'enfant lise ou qu'il apèle les virgules et
les poins qui se trouvent dans ses leçons
ce qui l'acoutumera à observér les pauses.
Ja Vola ik
2566 MERCURE DE FRANCE
il ne sera pas mal aussi qu'il nome la quant
tième des pages , à la vue des chifres dont
elles sont cotées : cela sera d'autant plus
alsé , que les chifres entrent dans la com
position des tèmes , et que l'enfant de
trois ans quatre mois dont on a parlé
s'en servolt come il se servott des letres
, quoique tous les chifres fussent en
core dans une seule logere du petit bureau
latin . Le maître pour soulager l'enfant ,
lira à son tour jusqu'à la virgule ou jus
qu'au point.
Tous ceus qui vèront ce bureau et cite
imprimerie pouront dicter et faire imprimer
leurs noms, ou quelques autres mots
et encourager l'enfant à l'exercice du bus
reau qu'il faut continuer pendant lontems
quoique dans la suite l'enfant se serve de
livres pour dire sa leçon en latin et en
François. Le téme étant fait , on regarde
s'il n'y a point de fautes , et l'on montre
à l'enfant la manière de les coriger et de
distribuer les lètres , ou de les remetre
chacune dans sa celule , ce qu'il trouvera
facile aprés avoir su les ranger sur la table
du premier bureau .
S.§. 5. Description du bureau tipografique
latin-françois.
Les montans ou le bois qui forme les
celules
DECEMBRE. 1730. 2567
(
celules de haut en bas en ligne pèrpendiculaire
n'est que de deus à trois lignes
d'épaisseur , excepté le premier et le dernier
qui auront neuf lignes pour fortifier
la caisse , l'assemblage ou le bâti exterieur
; et les traverses ou le bois qui le
croise horisontalement et en rayons est
alternativement , c'est à dire le premier ,
le troisième , le cinquième , et le sétième
de neuf lignes , ou de la hauteur des letres
capitales. si l'enfant est déja un peu
grand , on poura doner neuf lignes à toutes
les traverses pour la comodité des étiquetes
de tous les rans de cassetins , chaque
celule à vide a en tout sens le quaré
long d'une carte tant pour la hauteur que
pour la largeur à vide , avec l'aisance nécessaire
pour le jeu tipografique. La profondeur
d'une celule est come l'étui de
quatre à cinq jeus de cartes ; de manière
que la main puisse les y mètre et les en
tirer facilement . Enfin les dimensions des
cartes doivent regler cèles du bureau et
des casseaus de l'imprimerie , ce qu'un
menuisier doit bien observer , en mesurant
avec exactitude une carte pour chaque
logète, ceus qui ne voudront pas
doner tant de longueur au bureau regleront
les dimensions de leurs cartes
par cèles des logétes du bureau qu'ils comanderont
selon l'endroit où ils le voudront
8
I. Vol.
2568 MERCURE DE FRANCE
€
dront placer , car il faut que la carte ou
la log te donent les dimensions l'une de
l'autre , et c'est ainsi qu'on l'a pratiqué
dans un grand colège pour le bureau d'un
jeune seigneur.
L'auteur dans une planche gravée exprès
done le plan , la description , le dessein
du bureau, des celules ; et des exemples
de la garniture de letres , afin qu'on
voie plus facilement de quèle manière on
doit les distribuer.chacun peut se faire un
plan sans s'asservir à l'abécédique ; si
P'on suit cet ordre , c'est pour faciliter à
-un enfant l'usage des dictionaires , et de
la table des matières des livres qui suivent
aussi l'ordre abécédique .
>
Le premier rang des celules d'en bas ,
- est pour les petites letres apelées ordinal
: rement letres du bas ou mineures ; c'est
pourquoi on l'apèle aussi le petit ordinaìre.
Après les logetes du z , de l' , de
P'è ouvert et de l'é fermé , on metra dans
· la vintneuvième logete les cartes ou les
tèmes donés sur l'histoire , sur la bible ,
sur les génealogies , sur la cronologie et sur
la géografie , et dans la trentième logere
les tèmes qui roulent sur la France , sur
l'Europe etc.
Le segond rang contient les grandes
letres apelées capitales , majeures ou majuscules
que les espagnols apelent aussi
I.Vol
verfales
DECEMBRE. 1730. 2569
versales ; c'est pourquoi on l'apele le grand.
ordinaire la vintneuvième logete sera.
pour les époques , l'histoire sainte , les listes
etc. la trentième pour les époques
P'histoire profane , la fable etc. ou bien on
se contentera de metre en haut les deus
étiquetes hist. s. hist . p. et en bas les autres
deus étiquetes géogr. fable.
5
Le troisième rang est pour toutes les
combinaisons de letres qui donent les mèmes
sons simples qu'exprime le rang des
letres ordinaires ; c'est pourquoi on l'apele
le premier rang composé ; ainsi à la cofone
de l'o et à la logete du 3 rang , on
met les diftongues oculaires au , ean , qui
en deus ou en trois letres expriment le
pur son de l'o , cette distinction et cet
ordre métodique donent d'abord à l'enfant
des idées inconues à la plupart des
maitres d'école . car s'il m'est permis de
le dire , on ne rougit pas d'ignorer l'algebre
; mais on est très honteus d'ignorer
ce qu'un petit enfant aprend d'abord
au bureau , sur la nature des letres et des
sons de la langue françoise , et ce que
tous les maîtres , tous les regens , et tous
les professeurs devroient savoir . Pour profiter
des logetes de reste , on met à la se
èt à la colone du H le mot magasin expliqué
ailleurs ; à la 10 tèmes à faire ; à
la 11 tèmes faits à la colone du Z , on
DANI. Vol.
met
2570 MERCURE DE FRANCE
met nombres , chifres ou livret ; et aus deus
dernieres les poins de suspension , d'interuption
.... , les paragrafes §§ , les piés
de mouche ¶¶ , les guillemets « » , les
signes de plus , de moins ,
d'égalité , et les traits ou tiréts
que les imprimeurs apelent division , qui
coupent, replient et divisent les mots qu'on;
n'a pu achever au bout de la ligne , ou qui
lient des mots composés, come porte-feuille,
tourne-broche etc. on tiendra tous les autres
signes et les asterisques dans ces deus
derniéres logetes du troisième rang de
cassetins .
Le quatrième rang est pour des sons.
diférens , placés néanmoins dans la colone
de la letre avec laquele ils ont le plus de
raport à l'oreille où à l'euil ; le reste come
poins , virgules , apostrofes , parentèses ,
crochets etc. est mis à discretion dans les
celules vides du 4 rang qu'on apele le
segond rang composé , ensorte que les deus
premiers rans sont dits simples , parceque
leurs celules contiènent les simples letres,
et les deus autres rans sont dits composés ,
parceque leurs celules contiènent de dou
bles consones , de doubles letres , de doubles
sons , et enfin des diftongues par
raport à l'euil ou à l'oreille. Pour profiter
du vide des colones M, N, on y a mis
les diftongues oi et ni , qui reviènent sou
GAL. Vol.
vent
DECEMBRE. 1730. 2571
vent dans les mots des tèmes , des frases ,
ou du discours , et pour distinguer le son
de la voyele è ou of du mot il conoìt , de
la diftongue oi du mot roi , on emploie
l'ì grave , come dans les mots il avoit , ils
portoient etc. et l'on emploie l'i ordinaìre
dans les mots loi , roi etc. ensorte que 1ì
grave servira à indiquer l'è ouvert composé
de deus letres dans les mots françois,
maitre , peine etc. et l'i algu indiquera l'ẻ
fermé composé aussi de deus letres dans
les mots j'ai , je ferai plaisir etc. ce qui
şera tres utile non seulement à l'enfant ,
mais encore aus étrangers et aus gens de
province peu au fait de la prononciation
des e simples , ou composés de plusieurs
letres.
On metra aussi au quatrième rang la
voyele eu au haut de la colone e ,
d'autant
que la prononciation en est presque come
cèle de l'é muet françois ou soutenu et
d'une seule lètre ; au lieu que la difton
gue oculaire eu est dans un sens l'e fran
çois soutenu de deus letres ... Le son
gne françois sera mis à la 7 celule au
haut de la colone g , parceque le mot copar
un g ; en Espagne et en portugal
on le metroit au fi ou au nh , colone
du n...Le son che françois , au mème
rang , et au haut de la colone du jou du
sonjeja , parceque le son françois che ost
I. Vol.
mence
le
2372 MERCURE DE FRANCE
le son fort du foible jes en Alemagne ,
on metroit le che à la colone du sch , parceque
les Alemans n'ont point de jou
le son du ge dans leur langue ... Les sons
ill , lh , ille mouillés , au haut de la colonel
, par raport à l'euil plutot qu'à l'oreille
; car en Italie on le metroit au gli ,
colone du g ... La voyele on au haut de
la colone o , par raport à l'euil plutot qu'à
l'oreilles en Italie , en Efpagne , en Âlemagne
, on metroit l'ou à la colone de l'u
qu'on y prononce on . ceci doit fe pratiquer
de mème pour le grec , l'ebreu
Parabe , et toutes les langues .
> > > , >
On doit metre les cinq voyeles nasales
ã‚é‚í‚õ‚ú¸ avant les chifres , et tout
de suite , pour en faciliter l'usage à l'enfant
qui compose sur la table du bureau .
Les dis chifres arabes seront mis aus dis
dernieres logétes avec des chifres romains
pour composer en françois et en latin .
c'est cète rangée de trente cassetins qui
a obligé à en doner autant aus autres
rans. on doit encore dire ici qu'on ne
sépare pas toujours par des virgules ou
par des poins les diférentes combinat
sons ou les diférens signes indiqués pour
la mème logete dans la planche du bureau
, parceque l'on a craint que le lecteur
n'imaginât ces virgules et ces poins
être nécessaires sur les cartes des mèmes
I. Vol.
logetes,
DECEMBRE. 1730. 257 3
logètes , come , par exemple, le point des
cartes marquées d'un c. au dessous de
la logete des chifres VI , 6.
La logète du magasin , du suplement.
ou du plein bureau , apelée la bureaulade
sert à l'enfant pour mètre les mots et les
tèmes composés , lorsque la table du bureau
est pleine , ou que l'enfant pressé
permet qu'un autre range les cartes après
qu'il a lui seul composé le tème , le tout
pour diversifier , et plaire en instruisant,
bien loin de dégouter. on trouvera à
peu près de mème la raison de chaque
chose , si l'on veut bien se doner la peìne
d'y faire un peu d'atention , come on
l'a déja dit bien des fois dans la manière
d'apeler les letres et les sons simples ou
composés par raport aus ieus ou à l'oreille.
§. 6. Garniture ou assortiment de cartes
Pour les quatre rans de casseins du bureau
tipografique.
Pour garnir le bureau tipografique , il
faudra mètre sur des cartes séparément
non seulement les lètres , mais encore
leurs diférentes combinaisons pour exprimer
les sons simples ou composés , ce qui
servira beaucoup à l'ortografe des ieus et
de l'oreille , et donera plus de facilité et
de varieté pour le jeu tipografique , que
I. Vol. B n'en
2574 MERCURE DE FRANCE
n'en pouroit doner une imprimerie ordinaire.
D'ailleurs l'avantage de pouvoir
lire et composer en latin et en françois
dès le premier jour de l'exercice , est un
avantage qui fera toujours taire les esprits
prévenus , incapables avec les métodes
vulgaires de montrer l'ortografe et
le latin à un petit enfant , avant qu'il
comance d'aprendre à écrire un autre
avantage du bureau , c'est de soulager les
maitres, les régens, et les professeurs , en
leur formant de bons écoliers , et les rendant
en moins de tems plus fermes sur
la téorie et sur la pratique des premiers
élemens literaires, que ne le sont ordinalrement
la plupart des enfans condanés à
Particulation des anciènes métodes , ce
qui démontre l'utilité et la compatibilité
de l'exercice du bureau avec tous les devoirs
des meilleurs colèges.
TABLE des letres , des sons simples ;
des sons composés et des combinaisons
necessaires pour la garniture du bureau
tipografique.
GARNITURE,
Logetes.
a
aa. à. á. â. a. ǎ. af. ha. has. aë.
ê.
с ce. è . é. ë.
iii. . . . . . I. if. hi. ic,
e. ĕ. ef. he.
I
I. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2575
ô. ō. ŏ. ef. ho. hof. au. cau. haw
ooo. ò. 6.
u uu. ù. ú. ü. û. ũ . ŭ, uſ. hu. huſ, cu. ".
b bb. be, bd..hr .
с cc. ç . &t . c'. ce.
ddd. d'. de. 2ª.
fff. ph. ft. fs. ff. fi . ffi . ft. ft. pht. phth. phr.
phl. phe.
ggggu. ga. go . gh. ghe, gue.
hha. he, hi. hơ. hư. hy . heu . hai. hon.
kke. ky. que. ca, co. cu. qu.
1 11. P. le .
mmm. m. m³, m². m. m²®, m¹è, me, m², meat.
n
Me. MM .
nn. ñ. n'. n ° . n. ne.
P PP. pe. pn. pt. ps. PP.
q cq. qua, que , qui, quo . qu. qu'. quæ . q;, qui
r rr. rh. r'. re. " . RR..
iss. fl. fs, sl. fc. fç.fl. ff. sph. fph. fg. fi . fm.
ſp. ſq. ſqu. ft. fth . ffi. se. ſe. ci. ce. i. S. st.
• fee SS. ç.
t tt. th. thrh.thl. t '. te. .. a. &e. Ato. Au.
V v. w. W. ve. Ve.
Je. j'.ge. gi. ginta.
X x. xc. gz. kf. xc. xfc.
yhy. ys. yf. hys. ii. iï.-ÿ.
Z z. ze.
ง.0
ès. èf. cis. ci. ey. al. ay. ais. aî. aient.oiens
oi. oy. hai. hay. ols. oit.
é aí . oe. oe. &. &. ét. Æ. E.
eu eû. eus . heu . `oeu. oei,
I. Vol. Bij
OW
2576 MERCURE DE FRANCE
Ou ou. où. ouf. oû . hou.
ch ch. che,
gn gn. gn. gne. gne.
lh_lhe . il. ill. ille . lle. 1.
ã an. a. é: hen. em . han. hã. aën, aon , ham,
èn. èm. ein . èí. eim. hin . hĩ ein .
1 in. im. ain aim. aĩ. ein . eĩ. ìn , ain.
Õ on . om, hon . hõ . hom
ū un. um . hum . hun , hũ, cũ .
Diftongues.
Oi ois. oĩ. oin. oy. hoi . hoy oic.
ui uis. uĩ. uin, uy. hui. huy. uic.
Suplement.
a
ante 60ante. 20ª.
i 20leme , ier.
f Fin. Finis.
Įginta 30. 40ginia .
Ponctuation. , ; : . ? !
Chifres. 0. 1. 2. ༣. 4.
·
+
5. 6. 7. 8.
I. II. III. IV. V. VI. VII . VIII.
9. 0. 10 .....
IX. X.
31. & c.
XXXI. & c.
Signes . ( ) .. [ ] *. §. ¶. + ----
တ
& &c.
des enfans , et sur l'atirail literaire
du bureau tipografique.
MONSIEUR ,
Je n'aurois jamais osé doner dans le
Mercare de France la suite de l'atirail literaire
d'un enfant , si des pèrsones de
merite ne m'avoient fait remarquer que
ce journal étoit plus nécessaire et plus
instructif dans les provinces et dans les
patis étrangers que dans la capitale , et
que mon scrupule étoit mal fondé. Tous
les livres , m'a- t- on dit, ne peuvent ni ne
doivent ètre livres amusans , de mode
de
passage , et d'une seule espece de lec
teurs , come les voyages de Gulliver , etc.
I. Fel.
Votre
DECEMBRE. 1730. 2333
Votre ouvrage contient la premiere doc
trine , l'érudition élémentaire , cela sufit ,
m'a-t-on repliqué , pour justifier le motif
de vos petits essais literaires ; les parens
et les maîtres curieus en fait d'éducation
le penseront ainsi ,à Paris mème . Dailleurs
les provinces demandent des bureaus ; il
est donc mieus de leur donér la manière
de les faire faire chès eus à bon marché
que de les mètre dans la nécessité d'en
faire venir de plus chèrs , lentement et à
grans frais. Ces raisons m'ont facilement
détèrminé à tâcher de mètre le lecteur
atentif au fait de la construction , del'intelligence
, et de l'usage des petits meubles
literaires que je propose de livrér de
bone heure aus jeunes enfans , et aus autres
enfans de tout age qui ont le malheur
d'avoir été négligés ou retardés pendant
bien des anées.
§ . 1. Cassète abecédique , pour un enfant
de dens à trois ans , et de tout age.
La cassète abécédique , est le premier
meuble litéraire qu'il faudroit livrer à un
enfant de deus à trois ans . Cete cassète doit
ètre de carton; on peut la renforcer d'une
toile colée en dehors , et mètre des bandes
de parchemin à tous les angles exte
rieurs : la charniere de la cassète doit ètre
de toile , de parchemin , ou de peau , afin
A iiij qu'elle I. Vol.
2556 MERCURE DE FRANCE
qu'elle puisse resister aus mouvemens
Continuels ausquels elle sera exposée ..
Après avoir compassé , coupé , cousu
COlé
, et façoné cète cassète , il faudra l'habiller
de lètres , et de silabes ; enjoliver
tous les coins et toutes les bordures avec
du papier doré , marbré , ou tel autre
qu'on voudra y mètre , pour marquer le
quaré , ou le cadre des faces de la cas
sète. On donera au comancement de l'A
B , C latin , et en petit caractère , la
feuille des premières combinaisons élémantaires
, qu'il faudra faire imprimer
d'un caractère proportioné à la grandeur
de la cassète. Cète feuille est , pour ainsi.
dire , l'abrégé de l'a ,b, c latin , et l'on ne
sauroit y tenir un petit enfant trop lontems
pourvu qu'on ait soin de lui faire
lire sur sa cassète les combinaisons , non
seulement de gauche à droite , mais encore
de droite à gauche ; de haut en bas ,
et de bas en haut , ou en colones , etc.
Le premier des deus petits cotés à
droite , contient les lètres du grand A,B,
C latin , avec leur dénomination , ou le
nom doné et preté à chaque consone pour
rendre selon cète nouvèle métode l'art.
de lire plus aisé : On met donc dans ce
quaré de la cassète , n ° . 1. les voyèles
grandes et petites , et les lètres capitales.
avec leurs noms , Aa , Ee , Ii , Oo ,
I.Vok U u
DECEMBRE. 1730. 2357
3
U u. A , Be , Ceke , De , E , Fe , etc.
que
Le segond des deus petits cotés de la
cassète , à gauche , contient le petit a , b,c
latin , à coté du grand , lètre à lètre ; afin
l'enfant qui conoit bien les grandes
lètres , puisse facilement et presque de lui
mème aprendre ensuite à distinguer les
petites : On met donc , n ° . z . A a , Bb ,
Cc , Dd , etc. on y ajoute les principales
Higatures , les lètres doubles , et quelques
abreviations , sur lesquèles il est inutile
de s'arèter beaucoup de peur de dégouter
l'enfant.
La premiere des grandes faces de la
cassète et sur le devant , contiènt , n° . 3 .
en deus colones , les combinaisons élémentaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
Le dessous de la cassète pouroit avoir
: quatre clous de léton , rivés en dedans ;;
savoir un à chaque angle pour servir de
pié et conserver cete face , sur laquelle ,
et sur cèle du couvercle en dedans , on
peut mètre une bèle crois de JESUS,come
La base , le principe , et la fin de toute action
cretiène.
Le deriere de la cassète contiendra , nº
4.et en deus colones , les combinaisons
du Ba , be , bi , bo , bu , etc. dans lesque
les on fera remarquer les changemiens .
qu'on a crit necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons , Ca
: bokeb AV fo
2558 MERCURE DE FRANCE
fe , fi , co , qu ; Ga , je , ji , go , gu ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , fo , fu ; Ta ,
te , tici , to , tu , etc.
Le dessus du couvercle de la cassète
contiendra , nº. 5. n ° . 6. les combinaisons
du Bla , ble , bli , blo , blu , etc. et cèles
du Bra , bre , bri , bro , bru , etc ... N° 7.
les combinaisons des quatre petites lètres
ressemblantes , b , d , p , q , combinées
avec leurs quatre capitales, et ensuite avec
les cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp ,
Qq , etc. Ba , de , pi , qu , bo , etc.
No. 8. des sons particuliers à la langue
françoise. A l'égard des cinq faces qui restent
au dedans de la cassète , il sufit qu'èles
solent couvertes de papier blanc , pour
faire mieus paroitre les lètres des cartes
que l'enfant y tiendra.
1
Cète cassète servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons et les
jeus des cartes abecediques , qui ont servi
de premier amusement à l'enfant, et qu'il
peut ranger sur une table en les nomant
, jusqu'à ce qu'il soit en état d'avoir
le petit bureau tipografique , sur lequel
il rangera les premieres combinalsons,
Ab , eb , ib , ob , ub , etc. On poura
lui doner ces premieres combinaisons
avec un petit casseau de carton et de sis
logetes , qui entrera dans la cassète , de
mème que les petits cartons élémentaires ,
|
1. Vol. sur
DECEMBRE . 1730. 2559
sur lesquels on aura fait coler les quarés
de la feuille imprimée pour habiller la
cassete ; elle poura aussi servir à tenir une
garniture de bureau pour les persones
curieuses de ce petit atirail literaire.
§ . 2. Foureau ou Tablier du petit bõhome ,
pour l'usage du bureau.
L'on fera à l'enfant un tablier de quelque
bone toile rousse ou grise , afin de
conserver ses habits . Ce tablier poura s'apeler
en badinant , la bavète ou le tablier de
docteur ; il est necessaire pour y faire deus
poches , l'une servira à metre les cartes
des letres et des mots en rouge pour le
latin , et l'autre servira à mèrre les cartes
en noir pour le françois , lorsque l'enfant
comencera de travailler à la table du
bureau de laquèle au reste il ne faut pas
oublier de bien faire abatre la vive arète,à
cause du frotement continuel de l'enfant.
§. 3. Description du premier et petit bureaus
qui sert à la premiere claffe.
Dès qu'un enfant conoit bien les lètres
par l'exercice des jeus de cartes abécédiques
et de la cassete , on peut lui doner
un petit bureau semblable à ceus dont les
directeurs et les comis de la Poste se servent
en province pour ranger les lètres
missives qu'ils mèrent en colones vis - à-
1. Fol.
Αν
via
2560 MERCURE DE FRANCE
vis les lètres initiales des noms ausquels
les missives sont adressées. il faut donc
avoir une table de la largeur de cinq ou
sis cartes rangées , ensorte que cèles des
c'nq voyeles A , E , I , O , U , et des
combinaisons Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
puissent ètre mises en colones sur la largeur
de ce bureau . il doit avoir la longueur
de trente cartes rangées de suite,
plus ou moins , selon le nombre des logetes
que l'on voudra doner à la caisse
de l'imprimerie ; et selon la grandeur des
cartes dont on se servira pour garnir le
bureau . La largeur de la table sera divisée
par quatre ou cinq lignes paralèles , qui
dans la suite serviront d'alignement et:
de reglèt à l'enfant qui doit imprimer oa
composer son tème sur cète table.
و
On peut doner à la table la longueurde
trente cassetins outre l'épaisseur
des montans ou du bois de séparation ;,
ce qu'il est aisé de mesurer : ensuite on
fait les trois liteaus , bandes , regles ou
rebors de la hauteur d'environ quatre pou
ces , ou de la hauteur d'une carte , l'un
de la longueur , et les autres deus pour la
largeur du bureau. Avant que de poserd'une
maniere fixe ou mobile à discretion,.
la tringle , la regle , le long liteau ou rebord
du derriere de la table , il faut lediviser
en trente parties , et marquer le
& Fet milicu
DECEMBRE. 1730. 2560
milieu de chaque partie d'une des lètres de
FABC, observant d'y imprimer la grandeet
la petite lètre ensemble , l'une sous.
Pautre , c'est- à- dire le grand A , sur le
petit as le B capital sur le petit b , et
ainsi de tout l'A BC , depuis les lètres.
Aa , Bb , jusqu'à cèles du Zz , sans oublier
l'Ex , l'a , ni les lètres doubles ,.
&t , ft , fl , etc. de même que les chifres et
les caracteres ou lès signes de la ponctua
tion , etc. que Fon rangera selon l'ordreobservé
dans la planche du bureau tipo
grafique que j'ai fait graver exprès. il sera.
peut-être mieus de doner à l'enfant un
casseau d'un seul rang de logètes , où il
puisse tenir les grandes et les petites kètress ,
Page et la taille décideront entre la trin
gle et le casseau d'un rang de logètes..
Les deus petits liteaus , rebors ou consoles
des cotés n'étant que pour retenir les
cartes , rendre le bureau plus solide , et
pour fermer la caisse , on peut arondir er:
façoner ces deus consoles par le bout , afin
que l'enfant ne puisse en ètre incomode :
après quoi l'on peut clouer les liteaus ou
rebors et metre ce bureau contre un mur
sur deus chaises , sur un chassis , sur deus
petits bancs ou deus petits traitaus dont
les piés soient solides et proportionés à
La taille de l'enfant. On poura , si l'on
eur, metre de petits tiroirs à ce bureau:
La bata
1
2562 MERCURE DE FRANCE
et couvrir la table , d'une basane , d'un
maroquin noir ou d'une toile cirée ; ce qui
n'est pas absolument necessaire, si le bois
est neuf, sans noeuds et bien uni : d'ailleurs
on pouroit faire la table de ce bureau
brisée en deus ; ce qui serviroit pour
les diferens ages et les diferens tèmes de
l'enfant , et mème pour ètre plus facilement
placé contre la muraille et transporté
de la vile à la campagne , come une
table brisée , qui ensuite relevée , ferme
roit la caisse du colombier literaire , et
ocuperoìt moins de place. On poura mètre
un petit rideau de tafetas ou de toile
pour couvrir le colombier quand on ne
s'en servira pas , une toile cirée sera peutètre
d'un mème usage , on doit en tout
chercher l'utilité , la comodité et la propreté.
S. 4. Casse d'imprimerie en colombier à
quatre rans de trente cassetins chacun.
3
Quand l'enfant sera fort sur l'exercice
de la cassète et du premier bureau , on
peut encore pour le divertir en l'instruisant
, lui doner une casse d'imprimerie ,
avec laquèle il composera et décomposera
les silabes , les mots , et les lignes qu'on
lui présentera écrites ou imprimées ; er
cela s'apelera l'exercice du tème en lat`n ou
en françois , selon les lignes et les tèmes
I. Vol.
qu'on
DECEMBRE. 1730. 2563
qu'on lui donera par la suite en ces langues-
là . Cète imprimerie en colombier
est composée d'un casseau qu'on met sur
la table du premier et petit bureau contre
le plus long liteau ou le deriere de cète
table , y étant assés fixe par
des crochets ,
des pitons , des clous à vis , des boutons
ou des chevilles de fer qui traversent l'épaisseur
des deus petits liteaus ou consoles
, et le bois de la premiere et de la derniere
celule : cete casse est divisée en soissante
compartimens, cassetìns, celules , logetes
ou boulins ; c'est-à-dire en deus
rans de trente celules quarées chacun , et
c'est-là le segond bureau ou casseau de la
segonde classe pour le latin , en atendant
la troisième aussi de soissante cassetins
pour le françois , les chiftes , la ponctuation
, l'ortografe des lètres et des sons et
pour la troisiéme classe.
On passera ensuite au quatrième casseau
ou bureau pour le rudiment pratique de
la quatrième classe. Le bureau complet
sera donc de sis rangées de trente cassetins
chacune ; quatre pour l'imprimerie
du latin et du françois , et deus pour le
rudiment. On poura le faire faire tout
d'un tems pour épargner le bois , la hau
teur et la façon du bureau ; en couvrant
d'une housse les rangées superieures
dont l'enfant n'aura pas d'abord l'usage :
I. Vol.
ce
2564 MERCURE DE FRANCE
ce voile piquera sa curiosité et lui donera
de l'impatience pour l'usage des autres
rangées , ainsi qu'on l'a déja dit dans les
letres sur le bureau tipografique , inserées.
dans les mercures des mois de Juin et
de Juillet 1730.
Les logetes doivent ètre un peu plus.
profondes que la longueur des cartes ;
savoir , les trente celules pour ranger et
mètre les petites lètres , les lètres dou-
Bles , etc. et les trente autres celules ou
cassetins pour les grandes lètres ou capitales
, etc. le quaré des celules doit ètre
proportioné à la longueur et à la largeur
des cartes dont on veut se servir ; ensorte:
que l'enfant puisse mètre aisément sa main
dans chaque celule pour y poser ou en
prendre les cartes : on parlera ci - dessous ;
des autresrans de logetes.il faudra marquer
abécédiquement au bureau latin chaque
celule d'en bas de sa petite lètre, et cèle d'ens
haut de sa lètre capitale : après quoi l'on
peut montrer à l'enfant l'art d'imprimer
le tème qu'on lui dicte , ou qu'on lui
done sur une carte ou sur un papier mis
assés haut sur un petit pupitre à jour et
de fil d'archal au milieu de son imprimerie
ou sur la table mème du bureau ; l'on
fera séparer tous les mots avec une carte:
blanche ou par une petite distance , pour
aprendre à l'enfant à distinguer les mots..
La Vali
On
DECEMBRE. 1730. 2565
On ne sauroit croire combien il profite
en imprimant quelques mots sous le dictamen
des uns et des autres , cela lui for
me l'oreille, et lui done ensuite une gran
de facilité pour l'ortografe des ïeus er
d'usage.
,
Il faut qu'il y ait au moins quinze ou
vint lètres dans chaque celule et un
plus grand nombre de voyèles , de liquides
et de certaines consones de plus d'usage
, afin de pouvoir composer plusieurs
lignes de tème tout de suite. Pour rendre
plus large la table du bureau , à mesure
que l'enfant croitra en age et en sience
on peut reculer la caisse de l'imprimerie
ou l'exhausser pour l'apuyer sur le deriere
du bureau , ou pour la metre contre le
mur d'un cabinet , de la chambre de l'enfant
ou autre lieu convenable. Je crois ce
pendant qu'il est mieus que le tout soit
isolé et portatif même au milieu de la
chambre ou du cabinet de l'enfant.
On aura des cartes marquées d'une virgule
pour séparer les mots au comencement
de l'exercice tipografique , afin
d'en rendre à l'enfant la lecture plus aisée
, moins confuse , et de lui aprendre
à distinguer les mots ; il faut mème que
l'enfant lise ou qu'il apèle les virgules et
les poins qui se trouvent dans ses leçons
ce qui l'acoutumera à observér les pauses.
Ja Vola ik
2566 MERCURE DE FRANCE
il ne sera pas mal aussi qu'il nome la quant
tième des pages , à la vue des chifres dont
elles sont cotées : cela sera d'autant plus
alsé , que les chifres entrent dans la com
position des tèmes , et que l'enfant de
trois ans quatre mois dont on a parlé
s'en servolt come il se servott des letres
, quoique tous les chifres fussent en
core dans une seule logere du petit bureau
latin . Le maître pour soulager l'enfant ,
lira à son tour jusqu'à la virgule ou jus
qu'au point.
Tous ceus qui vèront ce bureau et cite
imprimerie pouront dicter et faire imprimer
leurs noms, ou quelques autres mots
et encourager l'enfant à l'exercice du bus
reau qu'il faut continuer pendant lontems
quoique dans la suite l'enfant se serve de
livres pour dire sa leçon en latin et en
François. Le téme étant fait , on regarde
s'il n'y a point de fautes , et l'on montre
à l'enfant la manière de les coriger et de
distribuer les lètres , ou de les remetre
chacune dans sa celule , ce qu'il trouvera
facile aprés avoir su les ranger sur la table
du premier bureau .
S.§. 5. Description du bureau tipografique
latin-françois.
Les montans ou le bois qui forme les
celules
DECEMBRE. 1730. 2567
(
celules de haut en bas en ligne pèrpendiculaire
n'est que de deus à trois lignes
d'épaisseur , excepté le premier et le dernier
qui auront neuf lignes pour fortifier
la caisse , l'assemblage ou le bâti exterieur
; et les traverses ou le bois qui le
croise horisontalement et en rayons est
alternativement , c'est à dire le premier ,
le troisième , le cinquième , et le sétième
de neuf lignes , ou de la hauteur des letres
capitales. si l'enfant est déja un peu
grand , on poura doner neuf lignes à toutes
les traverses pour la comodité des étiquetes
de tous les rans de cassetins , chaque
celule à vide a en tout sens le quaré
long d'une carte tant pour la hauteur que
pour la largeur à vide , avec l'aisance nécessaire
pour le jeu tipografique. La profondeur
d'une celule est come l'étui de
quatre à cinq jeus de cartes ; de manière
que la main puisse les y mètre et les en
tirer facilement . Enfin les dimensions des
cartes doivent regler cèles du bureau et
des casseaus de l'imprimerie , ce qu'un
menuisier doit bien observer , en mesurant
avec exactitude une carte pour chaque
logète, ceus qui ne voudront pas
doner tant de longueur au bureau regleront
les dimensions de leurs cartes
par cèles des logétes du bureau qu'ils comanderont
selon l'endroit où ils le voudront
8
I. Vol.
2568 MERCURE DE FRANCE
€
dront placer , car il faut que la carte ou
la log te donent les dimensions l'une de
l'autre , et c'est ainsi qu'on l'a pratiqué
dans un grand colège pour le bureau d'un
jeune seigneur.
L'auteur dans une planche gravée exprès
done le plan , la description , le dessein
du bureau, des celules ; et des exemples
de la garniture de letres , afin qu'on
voie plus facilement de quèle manière on
doit les distribuer.chacun peut se faire un
plan sans s'asservir à l'abécédique ; si
P'on suit cet ordre , c'est pour faciliter à
-un enfant l'usage des dictionaires , et de
la table des matières des livres qui suivent
aussi l'ordre abécédique .
>
Le premier rang des celules d'en bas ,
- est pour les petites letres apelées ordinal
: rement letres du bas ou mineures ; c'est
pourquoi on l'apèle aussi le petit ordinaìre.
Après les logetes du z , de l' , de
P'è ouvert et de l'é fermé , on metra dans
· la vintneuvième logete les cartes ou les
tèmes donés sur l'histoire , sur la bible ,
sur les génealogies , sur la cronologie et sur
la géografie , et dans la trentième logere
les tèmes qui roulent sur la France , sur
l'Europe etc.
Le segond rang contient les grandes
letres apelées capitales , majeures ou majuscules
que les espagnols apelent aussi
I.Vol
verfales
DECEMBRE. 1730. 2569
versales ; c'est pourquoi on l'apele le grand.
ordinaire la vintneuvième logete sera.
pour les époques , l'histoire sainte , les listes
etc. la trentième pour les époques
P'histoire profane , la fable etc. ou bien on
se contentera de metre en haut les deus
étiquetes hist. s. hist . p. et en bas les autres
deus étiquetes géogr. fable.
5
Le troisième rang est pour toutes les
combinaisons de letres qui donent les mèmes
sons simples qu'exprime le rang des
letres ordinaires ; c'est pourquoi on l'apele
le premier rang composé ; ainsi à la cofone
de l'o et à la logete du 3 rang , on
met les diftongues oculaires au , ean , qui
en deus ou en trois letres expriment le
pur son de l'o , cette distinction et cet
ordre métodique donent d'abord à l'enfant
des idées inconues à la plupart des
maitres d'école . car s'il m'est permis de
le dire , on ne rougit pas d'ignorer l'algebre
; mais on est très honteus d'ignorer
ce qu'un petit enfant aprend d'abord
au bureau , sur la nature des letres et des
sons de la langue françoise , et ce que
tous les maîtres , tous les regens , et tous
les professeurs devroient savoir . Pour profiter
des logetes de reste , on met à la se
èt à la colone du H le mot magasin expliqué
ailleurs ; à la 10 tèmes à faire ; à
la 11 tèmes faits à la colone du Z , on
DANI. Vol.
met
2570 MERCURE DE FRANCE
met nombres , chifres ou livret ; et aus deus
dernieres les poins de suspension , d'interuption
.... , les paragrafes §§ , les piés
de mouche ¶¶ , les guillemets « » , les
signes de plus , de moins ,
d'égalité , et les traits ou tiréts
que les imprimeurs apelent division , qui
coupent, replient et divisent les mots qu'on;
n'a pu achever au bout de la ligne , ou qui
lient des mots composés, come porte-feuille,
tourne-broche etc. on tiendra tous les autres
signes et les asterisques dans ces deus
derniéres logetes du troisième rang de
cassetins .
Le quatrième rang est pour des sons.
diférens , placés néanmoins dans la colone
de la letre avec laquele ils ont le plus de
raport à l'oreille où à l'euil ; le reste come
poins , virgules , apostrofes , parentèses ,
crochets etc. est mis à discretion dans les
celules vides du 4 rang qu'on apele le
segond rang composé , ensorte que les deus
premiers rans sont dits simples , parceque
leurs celules contiènent les simples letres,
et les deus autres rans sont dits composés ,
parceque leurs celules contiènent de dou
bles consones , de doubles letres , de doubles
sons , et enfin des diftongues par
raport à l'euil ou à l'oreille. Pour profiter
du vide des colones M, N, on y a mis
les diftongues oi et ni , qui reviènent sou
GAL. Vol.
vent
DECEMBRE. 1730. 2571
vent dans les mots des tèmes , des frases ,
ou du discours , et pour distinguer le son
de la voyele è ou of du mot il conoìt , de
la diftongue oi du mot roi , on emploie
l'ì grave , come dans les mots il avoit , ils
portoient etc. et l'on emploie l'i ordinaìre
dans les mots loi , roi etc. ensorte que 1ì
grave servira à indiquer l'è ouvert composé
de deus letres dans les mots françois,
maitre , peine etc. et l'i algu indiquera l'ẻ
fermé composé aussi de deus letres dans
les mots j'ai , je ferai plaisir etc. ce qui
şera tres utile non seulement à l'enfant ,
mais encore aus étrangers et aus gens de
province peu au fait de la prononciation
des e simples , ou composés de plusieurs
letres.
On metra aussi au quatrième rang la
voyele eu au haut de la colone e ,
d'autant
que la prononciation en est presque come
cèle de l'é muet françois ou soutenu et
d'une seule lètre ; au lieu que la difton
gue oculaire eu est dans un sens l'e fran
çois soutenu de deus letres ... Le son
gne françois sera mis à la 7 celule au
haut de la colone g , parceque le mot copar
un g ; en Espagne et en portugal
on le metroit au fi ou au nh , colone
du n...Le son che françois , au mème
rang , et au haut de la colone du jou du
sonjeja , parceque le son françois che ost
I. Vol.
mence
le
2372 MERCURE DE FRANCE
le son fort du foible jes en Alemagne ,
on metroit le che à la colone du sch , parceque
les Alemans n'ont point de jou
le son du ge dans leur langue ... Les sons
ill , lh , ille mouillés , au haut de la colonel
, par raport à l'euil plutot qu'à l'oreille
; car en Italie on le metroit au gli ,
colone du g ... La voyele on au haut de
la colone o , par raport à l'euil plutot qu'à
l'oreilles en Italie , en Efpagne , en Âlemagne
, on metroit l'ou à la colone de l'u
qu'on y prononce on . ceci doit fe pratiquer
de mème pour le grec , l'ebreu
Parabe , et toutes les langues .
> > > , >
On doit metre les cinq voyeles nasales
ã‚é‚í‚õ‚ú¸ avant les chifres , et tout
de suite , pour en faciliter l'usage à l'enfant
qui compose sur la table du bureau .
Les dis chifres arabes seront mis aus dis
dernieres logétes avec des chifres romains
pour composer en françois et en latin .
c'est cète rangée de trente cassetins qui
a obligé à en doner autant aus autres
rans. on doit encore dire ici qu'on ne
sépare pas toujours par des virgules ou
par des poins les diférentes combinat
sons ou les diférens signes indiqués pour
la mème logete dans la planche du bureau
, parceque l'on a craint que le lecteur
n'imaginât ces virgules et ces poins
être nécessaires sur les cartes des mèmes
I. Vol.
logetes,
DECEMBRE. 1730. 257 3
logètes , come , par exemple, le point des
cartes marquées d'un c. au dessous de
la logete des chifres VI , 6.
La logète du magasin , du suplement.
ou du plein bureau , apelée la bureaulade
sert à l'enfant pour mètre les mots et les
tèmes composés , lorsque la table du bureau
est pleine , ou que l'enfant pressé
permet qu'un autre range les cartes après
qu'il a lui seul composé le tème , le tout
pour diversifier , et plaire en instruisant,
bien loin de dégouter. on trouvera à
peu près de mème la raison de chaque
chose , si l'on veut bien se doner la peìne
d'y faire un peu d'atention , come on
l'a déja dit bien des fois dans la manière
d'apeler les letres et les sons simples ou
composés par raport aus ieus ou à l'oreille.
§. 6. Garniture ou assortiment de cartes
Pour les quatre rans de casseins du bureau
tipografique.
Pour garnir le bureau tipografique , il
faudra mètre sur des cartes séparément
non seulement les lètres , mais encore
leurs diférentes combinaisons pour exprimer
les sons simples ou composés , ce qui
servira beaucoup à l'ortografe des ieus et
de l'oreille , et donera plus de facilité et
de varieté pour le jeu tipografique , que
I. Vol. B n'en
2574 MERCURE DE FRANCE
n'en pouroit doner une imprimerie ordinaire.
D'ailleurs l'avantage de pouvoir
lire et composer en latin et en françois
dès le premier jour de l'exercice , est un
avantage qui fera toujours taire les esprits
prévenus , incapables avec les métodes
vulgaires de montrer l'ortografe et
le latin à un petit enfant , avant qu'il
comance d'aprendre à écrire un autre
avantage du bureau , c'est de soulager les
maitres, les régens, et les professeurs , en
leur formant de bons écoliers , et les rendant
en moins de tems plus fermes sur
la téorie et sur la pratique des premiers
élemens literaires, que ne le sont ordinalrement
la plupart des enfans condanés à
Particulation des anciènes métodes , ce
qui démontre l'utilité et la compatibilité
de l'exercice du bureau avec tous les devoirs
des meilleurs colèges.
TABLE des letres , des sons simples ;
des sons composés et des combinaisons
necessaires pour la garniture du bureau
tipografique.
GARNITURE,
Logetes.
a
aa. à. á. â. a. ǎ. af. ha. has. aë.
ê.
с ce. è . é. ë.
iii. . . . . . I. if. hi. ic,
e. ĕ. ef. he.
I
I. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2575
ô. ō. ŏ. ef. ho. hof. au. cau. haw
ooo. ò. 6.
u uu. ù. ú. ü. û. ũ . ŭ, uſ. hu. huſ, cu. ".
b bb. be, bd..hr .
с cc. ç . &t . c'. ce.
ddd. d'. de. 2ª.
fff. ph. ft. fs. ff. fi . ffi . ft. ft. pht. phth. phr.
phl. phe.
ggggu. ga. go . gh. ghe, gue.
hha. he, hi. hơ. hư. hy . heu . hai. hon.
kke. ky. que. ca, co. cu. qu.
1 11. P. le .
mmm. m. m³, m². m. m²®, m¹è, me, m², meat.
n
Me. MM .
nn. ñ. n'. n ° . n. ne.
P PP. pe. pn. pt. ps. PP.
q cq. qua, que , qui, quo . qu. qu'. quæ . q;, qui
r rr. rh. r'. re. " . RR..
iss. fl. fs, sl. fc. fç.fl. ff. sph. fph. fg. fi . fm.
ſp. ſq. ſqu. ft. fth . ffi. se. ſe. ci. ce. i. S. st.
• fee SS. ç.
t tt. th. thrh.thl. t '. te. .. a. &e. Ato. Au.
V v. w. W. ve. Ve.
Je. j'.ge. gi. ginta.
X x. xc. gz. kf. xc. xfc.
yhy. ys. yf. hys. ii. iï.-ÿ.
Z z. ze.
ง.0
ès. èf. cis. ci. ey. al. ay. ais. aî. aient.oiens
oi. oy. hai. hay. ols. oit.
é aí . oe. oe. &. &. ét. Æ. E.
eu eû. eus . heu . `oeu. oei,
I. Vol. Bij
OW
2576 MERCURE DE FRANCE
Ou ou. où. ouf. oû . hou.
ch ch. che,
gn gn. gn. gne. gne.
lh_lhe . il. ill. ille . lle. 1.
ã an. a. é: hen. em . han. hã. aën, aon , ham,
èn. èm. ein . èí. eim. hin . hĩ ein .
1 in. im. ain aim. aĩ. ein . eĩ. ìn , ain.
Õ on . om, hon . hõ . hom
ū un. um . hum . hun , hũ, cũ .
Diftongues.
Oi ois. oĩ. oin. oy. hoi . hoy oic.
ui uis. uĩ. uin, uy. hui. huy. uic.
Suplement.
a
ante 60ante. 20ª.
i 20leme , ier.
f Fin. Finis.
Įginta 30. 40ginia .
Ponctuation. , ; : . ? !
Chifres. 0. 1. 2. ༣. 4.
·
+
5. 6. 7. 8.
I. II. III. IV. V. VI. VII . VIII.
9. 0. 10 .....
IX. X.
31. & c.
XXXI. & c.
Signes . ( ) .. [ ] *. §. ¶. + ----
တ
& &c.
Fermer
Résumé : SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
La septième lettre traite de la bibliothèque des enfants et de l'atelier littéraire du bureau typographique. L'auteur, encouragé par des personnes de mérite, décide de publier des essais littéraires destinés aux enfants, jugés nécessaires et instructifs, notamment dans les provinces et à l'étranger. Ces ouvrages visent à fournir une éducation élémentaire et à répondre à la demande des parents et des maîtres curieux d'éducation. L'auteur décrit plusieurs outils pédagogiques : 1. **Cassette abécédique** : Destinée aux enfants de deux à trois ans, elle est fabriquée en carton renforcé et contient des lettres et des syllabes. Elle permet d'apprendre les combinaisons élémentaires de manière ludique. 2. **Tablier du petit bonhomme** : Un tablier avec des poches pour ranger les cartes des lettres et des mots, utile pour protéger les habits de l'enfant pendant ses activités. 3. **Premier petit bureau** : Similaire à ceux utilisés par les directeurs de la Poste, il permet de ranger les lettres et les combinaisons syllabiques. Il est conçu pour être adapté à la taille de l'enfant et peut être fixé contre un mur. 4. **Casse d'imprimerie en colombier** : Utilisée pour composer et décomposer les syllabes, les mots et les lignes. Elle est divisée en compartiments pour organiser les lettres et les signes de ponctuation. L'auteur insiste sur l'importance de ces outils pour l'éducation des enfants, en les rendant accessibles et pratiques. Le bureau typographique est conçu pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il est organisé en cellules contenant des lettres et des signes typographiques, classées abécédiquement avec les petites lettres en bas et les lettres capitales en haut. L'enfant peut imprimer des mots dictés ou donnés sur des cartes, en séparant les mots par des cartes blanches ou des distances pour apprendre à les distinguer. Le bureau évolue avec l'enfant, en reculant ou en exhaussant la caisse de l'imprimerie pour agrandir la table. Des cartes marquées de virgules et de points facilitent la lecture et apprennent les pauses. L'enfant peut également nommer la quantité des pages et utiliser les chiffres, qui entrent dans la composition des thèmes. Les cellules sont organisées en rangs pour les petites lettres, les lettres capitales, les combinaisons de lettres produisant des sons simples, et les sons différents. Des signes typographiques comme les points de suspension, les paragraphes, les guillemets, et les traits d'union sont également inclus. Le texte mentionne l'utilité du bureau pour l'apprentissage de l'orthographe et la facilité qu'il offre pour lire et composer en latin et en français dès le premier jour. Il soulage les maîtres en formant de bons écoliers plus rapidement et efficacement que les méthodes traditionnelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 2577-2581
LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Vos petits becs, Hirondeles badines, [...]
Mots clefs :
Hirondelles, Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
LES HYRONDELES ,
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
Fermer
Résumé : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le poème 'Les Hirondelles, Idylle' de Madame de Malcrais de la Vigne, publié en décembre 1730 dans le Mercure de France, compare les hirondelles à des amants. Ces oiseaux, symbolisant le départ de l'été et l'arrivée de l'hiver, sont admirés pour leur fidélité et leur amour mutuel. Le poète exalte leur union sincère et volontaire, guidée par un amour pur, exempt de remords, de soupçons et de dégoûts. Le texte oppose la vie des hirondelles à celle des humains, en particulier des femmes, qui subissent les outrages du temps et les jugements sociaux. À trente ans, une femme est perçue comme surannée, et à quarante ans, il est honteux qu'elle ressente encore les feux de l'amour. Le poète déplore cette situation où l'honneur et les lois sociales étouffent les sentiments naturels. Le poème se conclut par une invocation aux hirondelles, leur souhaitant un ciel plus clément et exprimant le désir de les suivre. Le poète évoque également un amant, Clidamis, en danger sur les mers, et exprime son angoisse en attendant son retour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 2582-2596
DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
Début :
Premierement, l'Auteur de cette Lettre avertit le Public qu'il s'y est glissé [...]
Mots clefs :
Missel, Mémoires de Trévoux, Diocèse de Chartres, Église, Sacrifice, Jésus, Prêtre, Dieu, Médiateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
DEFFENSE de la Lettre écrite à
M.l'Abbé de Cheret , & inferée dans le
Mercure du mois de May 1729. au´ſujet
du Projet du nouveau Miffel , à l'ufage
du Diocèfe de Chartres ; en reponse à un
Article des Memoires de Trevoux , du
mois d'Aouft de la même année.:
page
Remierement,l'Auteur de cette Let-
P tre avertit le Public qu'il s'y eft glif
fé plufieurs fautes d'Impreffion.Par exemple,
au lieu de Sauveau , il faut lire Fauveau
, c'eft le nom de l'Auteur. A la
864. ligne 1ere , au lieu des trois Mages ,
lifez le trois May. A la page 867.ligne 10.
il faut lire pofita , au lieu de pofita ; fans
compter les fautes de ponctuation , qui
alterent fouvent le fens.
Secondement , l'Imprimeur a'oublié de
marquer à la niarge,vis- à- vis l'endroit où
il eft parlé de Maldonat ; le monument
public , d'où l'on a tiré les Paffages Extraits
de cet Auteur , qui eft la 29 des
Lettres choifies de M. Simon , du Tome
2. de l'édition de 1704. A Roterdam
chez Reinier Leers , pages 180 & 181 .
Les Curieux liront fans doute cette Lettre.
M. Simon y fait l'Analyſe du Traité
I.Vol. manuf
DECEMBRE . 1730. 2583
manufcrit de Maldonat qu'il avoit , fur
les ceremonies en general ; & en particulier
fur les ceremonies de la Meffe . On
y trouvera mot à mot les paffages latins ,
citez dans la Lettre cy - deſſus , & que Maldonat
eft réellement & authentiquement
la caution de la Critique du Doyen de Maintenon.
Quoiqu'on en dife dans les Mémoires
impriméz à Trevoux, au mois d'Aouſt
1729. page 1475. On y trouvera auffi que
ce Sçavant Jéfuite y tient le même langage
,que l'on femble relever dans le Pere
le Brun de l'Oratoire , lorſqu'on cite l'endroit
où il a dit , que toutes les anciennes.
Collectes s'addreffent à Dieu le Pers ; ầ
moins que des gens exceffivement clairvoyans
, ne prétendent que cette Propofition
du P. le Brun , eft plus hardie &
moins ménagée que celle- cy de Maldonat
, rapportée par M. Simon , dans fa
Lettre cy - deffus citée. Numquam Ecclefia
direxit fuas orationes nifi ad Deum
Patrem quod à Chrifio fponfo fuo didicit.
On jugera par cet endroit dont on n'avoit
point parlé; fi loin d'avoir ajouté ,
on n'a pas au contraire fupprimé les
termes de Maldonat , qui pouvoient paroître
un peu forts , & un peu trop étendus
, pour le renfermer dans les Oraifons
& Collectes de la Meffe.
Il ne manque rien à l'Exemplaire que
I. Vol. B¯`vj j'ai
2584 MERCURE DE FRANCE
j'ai dit : M.Simon , dans la derniere page
de cette même Lettre 29. qui commence
à la page 174. & finit à la page 186.
On peut encore lire la Lettre 17. du 1er
tome , du même Auteur. ( C'eft apparemment
la même que Bayle cite , la i 、e
de l'édition de Trévoux , à l'article de
Maldonat ; ) on y trouvera plufieurs particularitez
affez curieufes au fujet des Ouvrages
MS S. de Maldonat. Comme les
Continuateurs de Morery nous affurent
dans l'édition de 1725. que M. Simon
a laiffé en mourant , fes Ecrits & fes Papiers
à la Bibliotheque de la Cathedrale
de Rouen. Le Manufcrit en queſtion de
M. Simon pourroit peut - être s'y trouver.
D'ailleurs , puifque M. Simon dans fa
17 Lettre cy-deffus , nous marque , qu'il
n'a rien vû de plus exact fur les Ouvrages
MSS. de Maldonat , qu'un Recueil
qu'il a vû , & qui étoit entre les mains
de M. Dubois , Docteur de Sorbonne ,
qui a fait imprimer quelques opufcules
de Maldonat en 1677. & qui eft l'Auteur
de l'Epître dédicatoire , & du Difcours
qui fuit , qui font à la tête de ces Opufcules.
On peut vérifier les citations cydeffus
, fur ce Recueil de M. Dubois , en
s'informant de ceux qui en font les Poffeffeurs
: Mais , au refte , fi malgré tout cela,
on ne vouloir point encore que Maldo-
1. Vol.
nat
DECEMBRE . 1730. 2585
nat fut notre caution , on en trouvera
d'autres qui le valent bien , & qui ne le
tier.dront point à deshonneur,
3° . On remarquera que l'Auteur de la
Lettre à M. l'Abbé de Cheret , n'ayant
pû , dans les bornes étroites de fa Lettre ,
renfermer toutes les preuves & authori
tez qu'il avoit en main , pour appuyer la
propofition qu'il a avancée , que les Colfectes
de la Meffe , doivent réguliérement
s'addreffer au Pere Eternel . Il pric
le public d'y fuppléer , en recourant à
l'excellent Traité de Ritibus Ecclefia du
Préfident Duranti , Auteur dont l'Ouvrage
eft generalement cftimé & regardé
comme un des meilleurs dans ce genre
de Litterature.
Duranti , dans le chap. 16. du 2. Liv.
de Ritibus Ecclefie , num. 12. 13. 14. 15.
16. & 17. de l'Edition de Cologne en
1592. pag. 385. auffi-bien que dans le ch.
31. du même livre , num. 8. pag. 464.
comme encore , ch . 33. num . 2. pag.49 3 .
& ch. 48. n. 1. pag. 635. foutient cette
même Theſe , & la prouve à fon ordinaire,
par les authoritez des Peres & des Auteurs
Eccléfiaftiques , des différens fiécles
de l'Eglife , en faifant voir la Tradition
fur ce dogme. On peut bien croire , qu'il
n'oublie pas le Capitule 23. du 3 Concile
I. Vol. de
2586 MERCURE DE FRANCE
de Carthage , que l'on a cité dans la Lettre
de M. l'Abbé de Cheret.
Mais afin que l'on ne croye pas que ce
foit là un Reglement des Evêques d'Af
frique , fur un point de difcipline , qui
ait changé dans les fiecles fuivans ; on
trouvera dans cet Auteur des Palages
tres-formels de prefque tous les fiecles de
l'Eglife , depuis ce Concile , qui tiennent
le même langage, Comme ont fait S.Fulgence
, lib. 2. ad Monimum , quaft. 1 .
Charlemagne , in fragmentis de Ritibus
Ecclefia veteris. Alcuin , femel atq . iterùm
de Divinis Officiis . cap. de celebratione
Miffa. Radulphus Tungrefis , de Canonis
obferv . prop. 23. Florus Magifter in Exegefi
Miffa: Micrologus : Stephanus Eduenfis.
lib. de Sacram. Altaris. Odo Cameracenfis
in expof. facri Canonis . S. Bernardus
, ou plutôt Guill. à S. Theodorico ,
lib. de amore Dei , cap. 8. & plures alii.
Je me contenterai de rapporter icy
quelques-uns de ces paffages , qui font fi
formels & fi précis , pour la preuve de la
propofition dont il s'agit , que je n'ai pas
la force de les fupprimer. Ils m'échappent
malgré moi. Voici comme parle , aunom
de tous les autres , Florus Magifter , in expofitione
Miffa fur ces mots : Te igitur ,
clementiffime Pater. Dirigiturhac oratio , dit
I. Vol.
cet
DECEMBRE. 1730. 2587
1
tet Auteur : Sicut reliqua Orationes juxta
Regulam fidei & morem Ecclefiæ ad Clementiffimum
Patrem ...... & hoc perJefum
Chriftum Filium tuum , Dominum noftrum ,
per quem , omnis fupplicatio , & petitio noftra
, ad Deum dirigi debet , tanquam per
verum mediatorem, & æternum Sacerdotem .
Le même Auteur , fur ces mots : Per
Dominum noftrum , de l'Oraiſon : Libera
nos , ajoute encore , quod utique certâ ras
tione ut fæpè dictum eft , Catholica concelebrat
Ecclefia, propter illud utique Sacramen▾
tum , quod Mediator Dei & hominum
factus eft homo Chriftus , & c.
,
L'Auteur , nommé Micrologue , ch. 5.
Oratio quidem ad Patrem dirigenda eft.
Juxta Domini Praeceptum , & c. Le même
Auteur , au ch. 6. de Conclufione oratio
dit encore : Concludimus orationes
per Dominum noftrum videlicet Patrem
orando
per Filium , juxta ejufdem Filii preceptum.
Le même Duranti , lib . 2. cap.48.pag.
635. rapporte encore un long Paffage ,
tiré des Capitulaires de Charlemagne , qui
femble être comme la bafe & le fondement
de cette Théologie des anciens.
Carolus Magnus in fragmentis de Ritibus
veteris Ecclefia : ut ad folum Patrem dirigatur
oratio : cùm totius fanita Trinitatis ,
ficnt una eft deitas , ita aqualis honor &
I. Vol. glori
2588 MERCURE DE FRANCE
glorificatio debeatur. Id Apoftoli, per eos,ordinante
Spiritu , fanxerunt , ut qui multorum
Deorum errores , unius Dei Pradicatione
, nitebantur evellere , fub Trinitatis
Sacramento , uni Perfona , in Sacrificiorum
ritu , fupplicare decernerent rectif
fime ergo conftitutum , ut quia Pater, &
Filius , & Spiritusfanctus , unius deitatis ,
unius naturæ , unius ſubſtantia , unius de- .
nique poteftatis exiftant , una ex eis Perfona,
propter unitatis Myfterium retinendum,
in facrificio invocaretur.
·
J
Combien de Dogmes , fur lefquels la
tradition n'eft pas plus claire , plus précife
& plus conftante ? Ne voit - on pas
d'abord que fi l'Auteur de l'Article en
queftion , des Mémoires de Trévoux
croit avoir droit de foupçonner l'Au--
teur de la Lettre , de croire que le Nom
de Dieu et proprement affecté au Pere,
& ne fe peut donner directement au Fils,
& de chercher à favorifer les nouveaux
Ariens ou Sociniens , pour avoir foutenus
la Theſe cy-deffus ( quoiqu'il ait répeté
plufieurs fois dans fa Lettre , que le
Fils étoit également Dieu comme le
Pere ; fi cela ne fuffit pas , on ajoutera
encore qu'il eft confubftantiel au Pere ,
& qu'il eft prêt de verfer fon fang ,
pour la confeffion de cette verité capi
tale de notre Foy. Ne voit- on pas , dis-
I.Vol.
je ,
DECEMBRE. 1730. 2589
›
je , que ce reproche & ces foupçons doivent
tomber également fur tous les Auteurs
cy- deffus citez ; & même à plus jufte titre
? Mais S. Fulgence , lib. 2. ad Monimum
, quæft. 1. raiſonnoit bien differemment
, fuivant en cela les Regles d'une
dialectique , bien plus conforme à l'efprit
de l'Evangile , & à la doctrine des
Saints Peres. Voicy comme il réfutoit ces
fauffes conféquences : Neque enim, dit il
prajudicium Filio , vel Spiritui fan &to comparatur,
dùm ad Patris perfonam precatio
ab offerente dirigitur , cujus confummatio
dum Filii & Spiritus fancti complectitur
nomen ; oftendit nullum effe in Trinitate difcrimen;
quia dùm ad folius Patris perfonam,
honoris fermo dirigitur , benè credentis fede ,
tota Trinitas honoratur , & cum ad Patrem
litantis deftinatur intentio , facrificii munus ,
omni Trinitati , uno eodemque offertur litantis
officio. Ne peut- on pas , après cela ,
en fe plaignant , fe fervir des termes
d'Optat de Mileve : Paganum vocas , ditil
, eum qui Deum Patrem per Filium ejus
ante altare oraverit , lib. 3 .
On voit par tous ces Paffages & par
les authoritez cy- deffus rapportées
que ces anciens Auteurs ne s'embaraf
foient guere des objections que l'on fait
dans les Mémoires de Trevoux , contre
cette Theſe , en difant que ce raiſonne-
I. Vol. ment
2590 MERCURE DE FRANCE
...
ment meneroit trop loin , qu'on doit
avoir égard non feulement au Sacrifice ,
mais encore au Sacrement , qui eft lié
étroitement au Sacrifice..
qu'on
doit trouver bon que des Collectes , où
l'on a en vûë le fruit du Sacrement , &
la participation à la victime , foient
quelquefois addreffées à JESUS- CHRIST
&c. Comme ces anciens font les garants
de l'Auteur de la Lettre , c'eft à eux ,
pour ainsi dire , à répondre pour lui
s'il eft neceffaire.
Mais s'il paroît que la principale objection
qu'on propofe avec un air de
triomphe & de confiance contre la Thefe
de l'Auteur de la Lettre , qu'apparemment
on a cru être une idée nouvelle
& particuliere , & n'avoir , aucun font
dement dans l'antiquité & la tradition
de l'Eglife. Il' paroît , dis -je , que la prin
cipale objection que l'on fait , & que l'on
croioit ne retomber que fur l'Auteur de
cette Lettre , eft que l'on addreffe à J.C.
en toutes les Meffes , les trois Oraifons
qui précedent immédiatement la Com
munion du Prêtre , & que c'eſt encore à
J. C. que s'addreffe l'Agnus Dei , & la
priere : Corpus tuum quodfumpfi.
Pour répondre à cette objection , il
eft bon de faire attention , 1°. à une remarque
que nous fait faire le Micrologue,
1. Vol. &
DECEMBRE 1730. 2391
,
& après lui Raoul ou Radulphe de Tongres
, fur ces mêmes Orailons. On ne
manqueroit pas de la trouver trop hardie
, fi on l'avançoit aujourd'hui pour la
premiere fois , dira - t- on ; cependant
que les fiecles où ont vécu ces Auteurs
fuffent trop délicats , & trop critiques.
Orationem dit Radulphe de Tongres,
quam inclinati dicimus , antequam communiamus
, non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione habemus fcilicet hanc Domine
Jefu Chrifte , qui, &c. ac illud Corpus
& Sanguis Domini noftri Jefu Chrifti , quod
dicimus cum aliis Euchariftiam diftribuimus.
Sunt & alia multe orationes , quafquidem
ad Pacem & Communionem , privatim frequentant,
fed fecundum Micrologum, cap.18,
diligentiores antiquarum traditionum obfer
vatores , nos in hujufmodi privatis oratio.
nibus , brevitati ftudere docuerunt : potiuf
que publicis Precibus , in officio Miffa occupare
voluerunt. Nam B. Innocentius
Papa fcribens B. Auguftino & Aurelis
Epifcopis , afferit , quod nos plus communibus
& publicis , quam fingularibus & privatis
orationibus proficere poterimus.
On peut inférer de cette obfervation,
que ces Oraifons ne fe difoient pas encore
à la Meffe du temps du troifiéme
Concile de Carthage , & qu'ainfi fon Or
donnance du Capitule 23.cy- deffus citée,
I.Vol. n'étoit
2592 MERCURE DE FRANCE
n'étoit point encore contredite , par la
forme & la difpofition de ces Oraifons de
la Communion qui s'addreffent à Jefus-
Chrift. Auffi le Pere le Brun foutient - il
que ces trois Oraiſons n'ont pas plus de
fept à huit cens ans d'antiquité.
2.Ces Oraifons femblent être particulie
res pour la perfonne même du Prêtre ,
qui étant fur le point de communier
quitte , pour ainfi dire , l'action du Sacrifice
, & le perfonage de Sacrificateur,
pour adorer & prier Jefus- Chrift pour
foy même, avant que de le recevoir. C'eſt
pour cela apparemment , qu'il parle au
fingulier dans ces Oraifons ; l'Eglife qui
a adopté ces Prieres , qui nous viennent
des pratiques de dévotion de quelques
particuliers , felon les deux Auteurs cydeffus
: Non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione, n'a pas cru apparemment qu'elles
fuffent à rejetter & condamnables ,
pour cela feul , qu'elles n'entrent peut-être
pas fi parfaitement dans l'action & le caractere
du Sacrifice , que les autres Collectes
& Oraifons , dans lefquelles le Peuple
s'unit au Prêtre , & s'affocie avec lui
pour offrir & participer au Sacrifice . Or il
ne s'agit que des Collectes & Oraifons de
la Meffe , lefquelles doivent exprimer les
voeux & les priéres de l'Eglife & du peuple.
I.Vol. De
DECEMBRE . 1730. 259 3
De même encore l'Agnus Dei , étant
une adoration de Jefus- Chriſt , comme
Agneau qui efface les péchez du monde ,
l'invocation n'en doit point être féparée ;
autrement on ſembleroit ignorer ſa Divinité
, & ne l'a pas reconnoître. Par cette
priére de l'Agnus Dei, & par ces Oraifons
de la Communion du Prêtre , nous pratiquons
ce que demande S. Auguftin , fur
le Pleaume 98. comme le remarque Duranti
, page 685. Sane hâc précatione obfervamus
quod Auguftinus ad Pfalmum 98 .
feribit , nemo carnem Chrifti manducat , nifi
priùs adoraverit : adorationem autem , &
oratio confequitur,quare hanc precationem &
eas que fequuntur,ad ipfum Chriftum conver
timus , dicentes : Agnus Dei , qui tollis peccata
mundi .
Au reste , quoique Fuxta Regulam fidei.
& morem Ecclefia , comme parlent les
Auteurs cy - deffus , les Oraifons de la
Meffe doivent s'adreffer au Pere Eternel ;
s'enfuit-il de - là qu'on ne puiffe jamais
adreffer fes Prieres à Jefus-Chrift ? Nullement
; car puifqu'il eft également Dieu ,
comme le Pere , il mérite également nos
voeux , nos hommages & nos Prieres . On
vient de le voir dans les Paffages de Charlemagne
& de S. Fulgence , cy- deffus rapportez
; mais c'est qu'il y a , felon les faints
Peres & les Théologiens , une certaine
oeconomie à obſerver. L'ex2594
MERCURE DE FRANCE
L'extrême difproportion & la diftance
infinie qu'il y a de notre baffeffe , notre
néant , notre indignité , à la Divinité
qui feule peut remplir nos befoins , a formé
la néceffité d'un Médiateur , pour
nous approcher de Dieu , & en être
pour ainfi-dire, plus à portée. Jefus Chriſt
Dieu & Homme , eft ce Médiateur qui
touche & joint ces deux extrémitez : Vnus
Médiator Dei & hominum , homo Chrif
tus Jefus. C'eſt lui qui nous fert comme
de degré pour nous élever & nous faire
arriver jufqu'à Dieu . Or c'eft précisément
felon fon humanité & en tant qu'homme,
que J.C. nous rend cet office, fuivant
S. Auguftin , Lib. de Peccato Originali ,
Cap. 28. Per hoc prodeft Chriftus , quia eft
Mediator ad vitam ; non autem per hoc Mediator
eft , quod aqualis eft Patri ; per hoc
enim , quantum Pater, tantùm & ipfe diftat
à nobis : & quomodo erit medietas , ubi
eadem diftantia eft. Ideò Apoftolus non ait ,
unus Mediator Dei & hominum Chriftus
Fefus , fed homo Chriftus Jefus : per hoc ergo
Mediator, per quod homo , &c. Si nous
confiderons Jefus - Chrift comme Dieu ,
la Priere qui lui eft adreffée eft alors ,
per ipfum implenda , comme parlent les
Théologiens ; fi nous le regardons comme
homme, la Priere eft alors , per ipfum impetranda.
Comme donc c'eft proprement .
7
L. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2595
1
dans le faint Sacrifice de la Mefle que J.C.
exerce cet office de Médiateur ; que fon
humanité , qui y eft le Sacrifice , eft la
médiatrice & la caufe méritoire ; il s'enfuit
que l'on confidere principalement
alors Jefus- Chrift fous le refpect & la
précifion d'homme , & qu'ainfi ce n'eft
point directement à J. C. mais par J. C.
qu'on doit alors adreffer les Prieres à Dieu
le Pere , autrement c'eſt ſortir du caractere
& de l'economie de ce Sacrifice ;
c'eft à Dieu le Pere , ou fi l'on veut à toute
la fainte Trinité , qu'on offre le Sacrifice
pour obtenir des graces & des
bienfaits , par la médiation de l'humanité
de J. C. qui y eft immolée , lequel on ne
confidere alors , à proprement parler ,
que comme Agneau , Victime , Holocaufte
, Prêtre , Ambaffadeur , Suppliant
Médiateur , & c.
Or n'eft-ce pas , pour ainfi - dire , pren
dre le change & varier , que de s'adreffer
dans cette action , à l'Agneau , à la
Victime , à l'Holocaufte , au Suppliant
même? & c. Les Collectes de la Melle font
comme des Actes de pouvoir & des pro-.
curations que le Peuple donne au Prêtre
d'agir en fon nom , pour négocier , pour
ainfi dire , la paix avec Dieu ; elles pechent
donc dans la forme & elles font
défectueufes quand elles ne s'adreffent
à celui avec qui on a à traiter,
pas
2596 MERCURE DE FRANCE
-. Enfin c'eft par Jefus- Chrift , en lui
& avec lui , que l'on offre ce Sacrifice
à Dieu le Pere , mais non pas à Jefus-
Chrift même , qui foutient alors un
caractere tout different , comme on l'a
déja dit tant de fois . Per ipfum , & cum
ipfo , & in ipfo , eft tibi Deo Patri , &c.
Lefquelles paroles Duranti regarde comme
la conclufion & l'abregé du Canon de
la Meffe : Ecce , dit- il , præclara Canonis
conclufio , quâ ex ordine , qua in hoc Sacrificio
peraguntur , compreffius recenfentur.
Par cette oeconomie , l'action du Sacrifice
en eft plus clairement exprimée ; car comme
dans le Sacrifice , le Prêtre , le Suppliant
, le Médiateur , &c . doivent être
diftinguez de celui à qui on facrifie , en
addreffant le Sacrifice à Dieu le Pere , par
Jefus- Chriſt , Prêtre Suppliant , Médiateur
; cette diftinction fe fait mieux fentir
que fi ce Sacrifice étoit addreffé par
Jeſus- Chrift, à Jeſus- Chrift même en tant
que Dieu.
Voilà les Reflexions que l'Auteur de
la Lettre à M. l'Abbé de Cheret , a crû
devoir communiquer au Public fur cette
matiere , tant pour fa propre juftification ,
que pour un plus grand éclairciffement
de la theſe qu'on a avancée , fans vouloir,
aù refte , s'écarter en tout ceci de la regle.
d'une parfaite foumiffion au jugement
de l'Eglife.
ODE
M.l'Abbé de Cheret , & inferée dans le
Mercure du mois de May 1729. au´ſujet
du Projet du nouveau Miffel , à l'ufage
du Diocèfe de Chartres ; en reponse à un
Article des Memoires de Trevoux , du
mois d'Aouft de la même année.:
page
Remierement,l'Auteur de cette Let-
P tre avertit le Public qu'il s'y eft glif
fé plufieurs fautes d'Impreffion.Par exemple,
au lieu de Sauveau , il faut lire Fauveau
, c'eft le nom de l'Auteur. A la
864. ligne 1ere , au lieu des trois Mages ,
lifez le trois May. A la page 867.ligne 10.
il faut lire pofita , au lieu de pofita ; fans
compter les fautes de ponctuation , qui
alterent fouvent le fens.
Secondement , l'Imprimeur a'oublié de
marquer à la niarge,vis- à- vis l'endroit où
il eft parlé de Maldonat ; le monument
public , d'où l'on a tiré les Paffages Extraits
de cet Auteur , qui eft la 29 des
Lettres choifies de M. Simon , du Tome
2. de l'édition de 1704. A Roterdam
chez Reinier Leers , pages 180 & 181 .
Les Curieux liront fans doute cette Lettre.
M. Simon y fait l'Analyſe du Traité
I.Vol. manuf
DECEMBRE . 1730. 2583
manufcrit de Maldonat qu'il avoit , fur
les ceremonies en general ; & en particulier
fur les ceremonies de la Meffe . On
y trouvera mot à mot les paffages latins ,
citez dans la Lettre cy - deſſus , & que Maldonat
eft réellement & authentiquement
la caution de la Critique du Doyen de Maintenon.
Quoiqu'on en dife dans les Mémoires
impriméz à Trevoux, au mois d'Aouſt
1729. page 1475. On y trouvera auffi que
ce Sçavant Jéfuite y tient le même langage
,que l'on femble relever dans le Pere
le Brun de l'Oratoire , lorſqu'on cite l'endroit
où il a dit , que toutes les anciennes.
Collectes s'addreffent à Dieu le Pers ; ầ
moins que des gens exceffivement clairvoyans
, ne prétendent que cette Propofition
du P. le Brun , eft plus hardie &
moins ménagée que celle- cy de Maldonat
, rapportée par M. Simon , dans fa
Lettre cy - deffus citée. Numquam Ecclefia
direxit fuas orationes nifi ad Deum
Patrem quod à Chrifio fponfo fuo didicit.
On jugera par cet endroit dont on n'avoit
point parlé; fi loin d'avoir ajouté ,
on n'a pas au contraire fupprimé les
termes de Maldonat , qui pouvoient paroître
un peu forts , & un peu trop étendus
, pour le renfermer dans les Oraifons
& Collectes de la Meffe.
Il ne manque rien à l'Exemplaire que
I. Vol. B¯`vj j'ai
2584 MERCURE DE FRANCE
j'ai dit : M.Simon , dans la derniere page
de cette même Lettre 29. qui commence
à la page 174. & finit à la page 186.
On peut encore lire la Lettre 17. du 1er
tome , du même Auteur. ( C'eft apparemment
la même que Bayle cite , la i 、e
de l'édition de Trévoux , à l'article de
Maldonat ; ) on y trouvera plufieurs particularitez
affez curieufes au fujet des Ouvrages
MS S. de Maldonat. Comme les
Continuateurs de Morery nous affurent
dans l'édition de 1725. que M. Simon
a laiffé en mourant , fes Ecrits & fes Papiers
à la Bibliotheque de la Cathedrale
de Rouen. Le Manufcrit en queſtion de
M. Simon pourroit peut - être s'y trouver.
D'ailleurs , puifque M. Simon dans fa
17 Lettre cy-deffus , nous marque , qu'il
n'a rien vû de plus exact fur les Ouvrages
MSS. de Maldonat , qu'un Recueil
qu'il a vû , & qui étoit entre les mains
de M. Dubois , Docteur de Sorbonne ,
qui a fait imprimer quelques opufcules
de Maldonat en 1677. & qui eft l'Auteur
de l'Epître dédicatoire , & du Difcours
qui fuit , qui font à la tête de ces Opufcules.
On peut vérifier les citations cydeffus
, fur ce Recueil de M. Dubois , en
s'informant de ceux qui en font les Poffeffeurs
: Mais , au refte , fi malgré tout cela,
on ne vouloir point encore que Maldo-
1. Vol.
nat
DECEMBRE . 1730. 2585
nat fut notre caution , on en trouvera
d'autres qui le valent bien , & qui ne le
tier.dront point à deshonneur,
3° . On remarquera que l'Auteur de la
Lettre à M. l'Abbé de Cheret , n'ayant
pû , dans les bornes étroites de fa Lettre ,
renfermer toutes les preuves & authori
tez qu'il avoit en main , pour appuyer la
propofition qu'il a avancée , que les Colfectes
de la Meffe , doivent réguliérement
s'addreffer au Pere Eternel . Il pric
le public d'y fuppléer , en recourant à
l'excellent Traité de Ritibus Ecclefia du
Préfident Duranti , Auteur dont l'Ouvrage
eft generalement cftimé & regardé
comme un des meilleurs dans ce genre
de Litterature.
Duranti , dans le chap. 16. du 2. Liv.
de Ritibus Ecclefie , num. 12. 13. 14. 15.
16. & 17. de l'Edition de Cologne en
1592. pag. 385. auffi-bien que dans le ch.
31. du même livre , num. 8. pag. 464.
comme encore , ch . 33. num . 2. pag.49 3 .
& ch. 48. n. 1. pag. 635. foutient cette
même Theſe , & la prouve à fon ordinaire,
par les authoritez des Peres & des Auteurs
Eccléfiaftiques , des différens fiécles
de l'Eglife , en faifant voir la Tradition
fur ce dogme. On peut bien croire , qu'il
n'oublie pas le Capitule 23. du 3 Concile
I. Vol. de
2586 MERCURE DE FRANCE
de Carthage , que l'on a cité dans la Lettre
de M. l'Abbé de Cheret.
Mais afin que l'on ne croye pas que ce
foit là un Reglement des Evêques d'Af
frique , fur un point de difcipline , qui
ait changé dans les fiecles fuivans ; on
trouvera dans cet Auteur des Palages
tres-formels de prefque tous les fiecles de
l'Eglife , depuis ce Concile , qui tiennent
le même langage, Comme ont fait S.Fulgence
, lib. 2. ad Monimum , quaft. 1 .
Charlemagne , in fragmentis de Ritibus
Ecclefia veteris. Alcuin , femel atq . iterùm
de Divinis Officiis . cap. de celebratione
Miffa. Radulphus Tungrefis , de Canonis
obferv . prop. 23. Florus Magifter in Exegefi
Miffa: Micrologus : Stephanus Eduenfis.
lib. de Sacram. Altaris. Odo Cameracenfis
in expof. facri Canonis . S. Bernardus
, ou plutôt Guill. à S. Theodorico ,
lib. de amore Dei , cap. 8. & plures alii.
Je me contenterai de rapporter icy
quelques-uns de ces paffages , qui font fi
formels & fi précis , pour la preuve de la
propofition dont il s'agit , que je n'ai pas
la force de les fupprimer. Ils m'échappent
malgré moi. Voici comme parle , aunom
de tous les autres , Florus Magifter , in expofitione
Miffa fur ces mots : Te igitur ,
clementiffime Pater. Dirigiturhac oratio , dit
I. Vol.
cet
DECEMBRE. 1730. 2587
1
tet Auteur : Sicut reliqua Orationes juxta
Regulam fidei & morem Ecclefiæ ad Clementiffimum
Patrem ...... & hoc perJefum
Chriftum Filium tuum , Dominum noftrum ,
per quem , omnis fupplicatio , & petitio noftra
, ad Deum dirigi debet , tanquam per
verum mediatorem, & æternum Sacerdotem .
Le même Auteur , fur ces mots : Per
Dominum noftrum , de l'Oraiſon : Libera
nos , ajoute encore , quod utique certâ ras
tione ut fæpè dictum eft , Catholica concelebrat
Ecclefia, propter illud utique Sacramen▾
tum , quod Mediator Dei & hominum
factus eft homo Chriftus , & c.
,
L'Auteur , nommé Micrologue , ch. 5.
Oratio quidem ad Patrem dirigenda eft.
Juxta Domini Praeceptum , & c. Le même
Auteur , au ch. 6. de Conclufione oratio
dit encore : Concludimus orationes
per Dominum noftrum videlicet Patrem
orando
per Filium , juxta ejufdem Filii preceptum.
Le même Duranti , lib . 2. cap.48.pag.
635. rapporte encore un long Paffage ,
tiré des Capitulaires de Charlemagne , qui
femble être comme la bafe & le fondement
de cette Théologie des anciens.
Carolus Magnus in fragmentis de Ritibus
veteris Ecclefia : ut ad folum Patrem dirigatur
oratio : cùm totius fanita Trinitatis ,
ficnt una eft deitas , ita aqualis honor &
I. Vol. glori
2588 MERCURE DE FRANCE
glorificatio debeatur. Id Apoftoli, per eos,ordinante
Spiritu , fanxerunt , ut qui multorum
Deorum errores , unius Dei Pradicatione
, nitebantur evellere , fub Trinitatis
Sacramento , uni Perfona , in Sacrificiorum
ritu , fupplicare decernerent rectif
fime ergo conftitutum , ut quia Pater, &
Filius , & Spiritusfanctus , unius deitatis ,
unius naturæ , unius ſubſtantia , unius de- .
nique poteftatis exiftant , una ex eis Perfona,
propter unitatis Myfterium retinendum,
in facrificio invocaretur.
·
J
Combien de Dogmes , fur lefquels la
tradition n'eft pas plus claire , plus précife
& plus conftante ? Ne voit - on pas
d'abord que fi l'Auteur de l'Article en
queftion , des Mémoires de Trévoux
croit avoir droit de foupçonner l'Au--
teur de la Lettre , de croire que le Nom
de Dieu et proprement affecté au Pere,
& ne fe peut donner directement au Fils,
& de chercher à favorifer les nouveaux
Ariens ou Sociniens , pour avoir foutenus
la Theſe cy-deffus ( quoiqu'il ait répeté
plufieurs fois dans fa Lettre , que le
Fils étoit également Dieu comme le
Pere ; fi cela ne fuffit pas , on ajoutera
encore qu'il eft confubftantiel au Pere ,
& qu'il eft prêt de verfer fon fang ,
pour la confeffion de cette verité capi
tale de notre Foy. Ne voit- on pas , dis-
I.Vol.
je ,
DECEMBRE. 1730. 2589
›
je , que ce reproche & ces foupçons doivent
tomber également fur tous les Auteurs
cy- deffus citez ; & même à plus jufte titre
? Mais S. Fulgence , lib. 2. ad Monimum
, quæft. 1. raiſonnoit bien differemment
, fuivant en cela les Regles d'une
dialectique , bien plus conforme à l'efprit
de l'Evangile , & à la doctrine des
Saints Peres. Voicy comme il réfutoit ces
fauffes conféquences : Neque enim, dit il
prajudicium Filio , vel Spiritui fan &to comparatur,
dùm ad Patris perfonam precatio
ab offerente dirigitur , cujus confummatio
dum Filii & Spiritus fancti complectitur
nomen ; oftendit nullum effe in Trinitate difcrimen;
quia dùm ad folius Patris perfonam,
honoris fermo dirigitur , benè credentis fede ,
tota Trinitas honoratur , & cum ad Patrem
litantis deftinatur intentio , facrificii munus ,
omni Trinitati , uno eodemque offertur litantis
officio. Ne peut- on pas , après cela ,
en fe plaignant , fe fervir des termes
d'Optat de Mileve : Paganum vocas , ditil
, eum qui Deum Patrem per Filium ejus
ante altare oraverit , lib. 3 .
On voit par tous ces Paffages & par
les authoritez cy- deffus rapportées
que ces anciens Auteurs ne s'embaraf
foient guere des objections que l'on fait
dans les Mémoires de Trevoux , contre
cette Theſe , en difant que ce raiſonne-
I. Vol. ment
2590 MERCURE DE FRANCE
...
ment meneroit trop loin , qu'on doit
avoir égard non feulement au Sacrifice ,
mais encore au Sacrement , qui eft lié
étroitement au Sacrifice..
qu'on
doit trouver bon que des Collectes , où
l'on a en vûë le fruit du Sacrement , &
la participation à la victime , foient
quelquefois addreffées à JESUS- CHRIST
&c. Comme ces anciens font les garants
de l'Auteur de la Lettre , c'eft à eux ,
pour ainsi dire , à répondre pour lui
s'il eft neceffaire.
Mais s'il paroît que la principale objection
qu'on propofe avec un air de
triomphe & de confiance contre la Thefe
de l'Auteur de la Lettre , qu'apparemment
on a cru être une idée nouvelle
& particuliere , & n'avoir , aucun font
dement dans l'antiquité & la tradition
de l'Eglife. Il' paroît , dis -je , que la prin
cipale objection que l'on fait , & que l'on
croioit ne retomber que fur l'Auteur de
cette Lettre , eft que l'on addreffe à J.C.
en toutes les Meffes , les trois Oraifons
qui précedent immédiatement la Com
munion du Prêtre , & que c'eſt encore à
J. C. que s'addreffe l'Agnus Dei , & la
priere : Corpus tuum quodfumpfi.
Pour répondre à cette objection , il
eft bon de faire attention , 1°. à une remarque
que nous fait faire le Micrologue,
1. Vol. &
DECEMBRE 1730. 2391
,
& après lui Raoul ou Radulphe de Tongres
, fur ces mêmes Orailons. On ne
manqueroit pas de la trouver trop hardie
, fi on l'avançoit aujourd'hui pour la
premiere fois , dira - t- on ; cependant
que les fiecles où ont vécu ces Auteurs
fuffent trop délicats , & trop critiques.
Orationem dit Radulphe de Tongres,
quam inclinati dicimus , antequam communiamus
, non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione habemus fcilicet hanc Domine
Jefu Chrifte , qui, &c. ac illud Corpus
& Sanguis Domini noftri Jefu Chrifti , quod
dicimus cum aliis Euchariftiam diftribuimus.
Sunt & alia multe orationes , quafquidem
ad Pacem & Communionem , privatim frequentant,
fed fecundum Micrologum, cap.18,
diligentiores antiquarum traditionum obfer
vatores , nos in hujufmodi privatis oratio.
nibus , brevitati ftudere docuerunt : potiuf
que publicis Precibus , in officio Miffa occupare
voluerunt. Nam B. Innocentius
Papa fcribens B. Auguftino & Aurelis
Epifcopis , afferit , quod nos plus communibus
& publicis , quam fingularibus & privatis
orationibus proficere poterimus.
On peut inférer de cette obfervation,
que ces Oraifons ne fe difoient pas encore
à la Meffe du temps du troifiéme
Concile de Carthage , & qu'ainfi fon Or
donnance du Capitule 23.cy- deffus citée,
I.Vol. n'étoit
2592 MERCURE DE FRANCE
n'étoit point encore contredite , par la
forme & la difpofition de ces Oraifons de
la Communion qui s'addreffent à Jefus-
Chrift. Auffi le Pere le Brun foutient - il
que ces trois Oraiſons n'ont pas plus de
fept à huit cens ans d'antiquité.
2.Ces Oraifons femblent être particulie
res pour la perfonne même du Prêtre ,
qui étant fur le point de communier
quitte , pour ainfi dire , l'action du Sacrifice
, & le perfonage de Sacrificateur,
pour adorer & prier Jefus- Chrift pour
foy même, avant que de le recevoir. C'eſt
pour cela apparemment , qu'il parle au
fingulier dans ces Oraifons ; l'Eglife qui
a adopté ces Prieres , qui nous viennent
des pratiques de dévotion de quelques
particuliers , felon les deux Auteurs cydeffus
: Non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione, n'a pas cru apparemment qu'elles
fuffent à rejetter & condamnables ,
pour cela feul , qu'elles n'entrent peut-être
pas fi parfaitement dans l'action & le caractere
du Sacrifice , que les autres Collectes
& Oraifons , dans lefquelles le Peuple
s'unit au Prêtre , & s'affocie avec lui
pour offrir & participer au Sacrifice . Or il
ne s'agit que des Collectes & Oraifons de
la Meffe , lefquelles doivent exprimer les
voeux & les priéres de l'Eglife & du peuple.
I.Vol. De
DECEMBRE . 1730. 259 3
De même encore l'Agnus Dei , étant
une adoration de Jefus- Chriſt , comme
Agneau qui efface les péchez du monde ,
l'invocation n'en doit point être féparée ;
autrement on ſembleroit ignorer ſa Divinité
, & ne l'a pas reconnoître. Par cette
priére de l'Agnus Dei, & par ces Oraifons
de la Communion du Prêtre , nous pratiquons
ce que demande S. Auguftin , fur
le Pleaume 98. comme le remarque Duranti
, page 685. Sane hâc précatione obfervamus
quod Auguftinus ad Pfalmum 98 .
feribit , nemo carnem Chrifti manducat , nifi
priùs adoraverit : adorationem autem , &
oratio confequitur,quare hanc precationem &
eas que fequuntur,ad ipfum Chriftum conver
timus , dicentes : Agnus Dei , qui tollis peccata
mundi .
Au reste , quoique Fuxta Regulam fidei.
& morem Ecclefia , comme parlent les
Auteurs cy - deffus , les Oraifons de la
Meffe doivent s'adreffer au Pere Eternel ;
s'enfuit-il de - là qu'on ne puiffe jamais
adreffer fes Prieres à Jefus-Chrift ? Nullement
; car puifqu'il eft également Dieu ,
comme le Pere , il mérite également nos
voeux , nos hommages & nos Prieres . On
vient de le voir dans les Paffages de Charlemagne
& de S. Fulgence , cy- deffus rapportez
; mais c'est qu'il y a , felon les faints
Peres & les Théologiens , une certaine
oeconomie à obſerver. L'ex2594
MERCURE DE FRANCE
L'extrême difproportion & la diftance
infinie qu'il y a de notre baffeffe , notre
néant , notre indignité , à la Divinité
qui feule peut remplir nos befoins , a formé
la néceffité d'un Médiateur , pour
nous approcher de Dieu , & en être
pour ainfi-dire, plus à portée. Jefus Chriſt
Dieu & Homme , eft ce Médiateur qui
touche & joint ces deux extrémitez : Vnus
Médiator Dei & hominum , homo Chrif
tus Jefus. C'eſt lui qui nous fert comme
de degré pour nous élever & nous faire
arriver jufqu'à Dieu . Or c'eft précisément
felon fon humanité & en tant qu'homme,
que J.C. nous rend cet office, fuivant
S. Auguftin , Lib. de Peccato Originali ,
Cap. 28. Per hoc prodeft Chriftus , quia eft
Mediator ad vitam ; non autem per hoc Mediator
eft , quod aqualis eft Patri ; per hoc
enim , quantum Pater, tantùm & ipfe diftat
à nobis : & quomodo erit medietas , ubi
eadem diftantia eft. Ideò Apoftolus non ait ,
unus Mediator Dei & hominum Chriftus
Fefus , fed homo Chriftus Jefus : per hoc ergo
Mediator, per quod homo , &c. Si nous
confiderons Jefus - Chrift comme Dieu ,
la Priere qui lui eft adreffée eft alors ,
per ipfum implenda , comme parlent les
Théologiens ; fi nous le regardons comme
homme, la Priere eft alors , per ipfum impetranda.
Comme donc c'eft proprement .
7
L. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2595
1
dans le faint Sacrifice de la Mefle que J.C.
exerce cet office de Médiateur ; que fon
humanité , qui y eft le Sacrifice , eft la
médiatrice & la caufe méritoire ; il s'enfuit
que l'on confidere principalement
alors Jefus- Chrift fous le refpect & la
précifion d'homme , & qu'ainfi ce n'eft
point directement à J. C. mais par J. C.
qu'on doit alors adreffer les Prieres à Dieu
le Pere , autrement c'eſt ſortir du caractere
& de l'economie de ce Sacrifice ;
c'eft à Dieu le Pere , ou fi l'on veut à toute
la fainte Trinité , qu'on offre le Sacrifice
pour obtenir des graces & des
bienfaits , par la médiation de l'humanité
de J. C. qui y eft immolée , lequel on ne
confidere alors , à proprement parler ,
que comme Agneau , Victime , Holocaufte
, Prêtre , Ambaffadeur , Suppliant
Médiateur , & c.
Or n'eft-ce pas , pour ainfi - dire , pren
dre le change & varier , que de s'adreffer
dans cette action , à l'Agneau , à la
Victime , à l'Holocaufte , au Suppliant
même? & c. Les Collectes de la Melle font
comme des Actes de pouvoir & des pro-.
curations que le Peuple donne au Prêtre
d'agir en fon nom , pour négocier , pour
ainfi dire , la paix avec Dieu ; elles pechent
donc dans la forme & elles font
défectueufes quand elles ne s'adreffent
à celui avec qui on a à traiter,
pas
2596 MERCURE DE FRANCE
-. Enfin c'eft par Jefus- Chrift , en lui
& avec lui , que l'on offre ce Sacrifice
à Dieu le Pere , mais non pas à Jefus-
Chrift même , qui foutient alors un
caractere tout different , comme on l'a
déja dit tant de fois . Per ipfum , & cum
ipfo , & in ipfo , eft tibi Deo Patri , &c.
Lefquelles paroles Duranti regarde comme
la conclufion & l'abregé du Canon de
la Meffe : Ecce , dit- il , præclara Canonis
conclufio , quâ ex ordine , qua in hoc Sacrificio
peraguntur , compreffius recenfentur.
Par cette oeconomie , l'action du Sacrifice
en eft plus clairement exprimée ; car comme
dans le Sacrifice , le Prêtre , le Suppliant
, le Médiateur , &c . doivent être
diftinguez de celui à qui on facrifie , en
addreffant le Sacrifice à Dieu le Pere , par
Jefus- Chriſt , Prêtre Suppliant , Médiateur
; cette diftinction fe fait mieux fentir
que fi ce Sacrifice étoit addreffé par
Jeſus- Chrift, à Jeſus- Chrift même en tant
que Dieu.
Voilà les Reflexions que l'Auteur de
la Lettre à M. l'Abbé de Cheret , a crû
devoir communiquer au Public fur cette
matiere , tant pour fa propre juftification ,
que pour un plus grand éclairciffement
de la theſe qu'on a avancée , fans vouloir,
aù refte , s'écarter en tout ceci de la regle.
d'une parfaite foumiffion au jugement
de l'Eglife.
ODE
Fermer
Résumé : DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
Le texte est une défense d'une lettre adressée à l'abbé de Cheret concernant un projet de nouveau missel pour le diocèse de Chartres, en réponse à un article des Mémoires de Trévoux d'août 1729. L'auteur signale plusieurs fautes d'impression et de ponctuation dans la lettre et mentionne que l'imprimeur a omis de référencer Maldonat, dont les extraits proviennent des Lettres choisies de M. Simon, tome 2, édition de 1704. Il invite les lecteurs à consulter cette lettre pour l'analyse du traité manuscrit de Maldonat sur les cérémonies de la messe. L'auteur souligne que Maldonat et le père Le Brun de l'Oratoire partagent la même critique concernant les collectes de la messe adressées à Dieu le Père. Il précise que l'exemplaire de la lettre de M. Simon est complet et que d'autres preuves peuvent être trouvées dans le traité de Ritibus Ecclesiae du président Duranti, qui soutient que les collectes de la messe doivent être adressées au Père Éternel, appuyé par des autorités ecclésiastiques et des traditions de l'Église. L'auteur réfute les objections des Mémoires de Trévoux en citant des auteurs anciens comme Florus, Charlemagne et Alcuin, qui confirment cette tradition. Il conclut en affirmant que les objections des Mémoires de Trévoux ne tiennent pas compte des traditions anciennes et des pratiques liturgiques établies. Le texte traite également des prières et des oraisons dans la liturgie de la messe, en particulier celles adressées à Jésus-Christ. L'Église a adopté ces prières, issues des pratiques de dévotion de certains particuliers, sans les rejeter ou les condamner, bien qu'elles ne s'intègrent pas parfaitement dans l'action et le caractère du sacrifice. Les collectes et oraisons de la messe doivent exprimer les vœux et les prières de l'Église et du peuple. L'Agnus Dei, une adoration de Jésus-Christ comme Agneau qui efface les péchés du monde, ne doit pas être séparée de l'invocation. Les prières de la communion du prêtre et de l'Agnus Dei suivent les enseignements de saint Augustin, qui insiste sur l'adoration de Jésus-Christ avant de recevoir son corps. Les oraisons de la messe doivent s'adresser au Père Éternel, mais cela n'exclut pas de prier Jésus-Christ, qui est également Dieu et mérite nos vœux et nos hommages. Jésus-Christ, en tant que Médiateur, permet aux humains de s'approcher de Dieu. Dans le sacrifice de la messe, c'est l'humanité de Jésus-Christ qui est considérée comme médiatrice et cause méritoire. Les prières doivent donc être adressées à Dieu le Père par l'intermédiaire de Jésus-Christ, conformément à l'économie du sacrifice. Les collectes de la messe sont des actes de pouvoir et des procurations que le peuple donne au prêtre pour négocier avec Dieu. Elles doivent s'adresser à celui avec qui on a à traiter, c'est-à-dire Dieu le Père, par l'intermédiaire de Jésus-Christ. Cette distinction est essentielle pour exprimer clairement l'action du sacrifice. L'auteur de la lettre à M. l'Abbé de Cheret communique ces réflexions pour justifier sa position et éclairer la thèse avancée, tout en restant soumis au jugement de l'Église.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 2597-1602
ODE Sur la gloire des Saints, à l'occasion de la Ceremonie faite pour la Canonisation des S. S. Stanislas Kostka & Louis de Gonzague.
Début :
Esclaves de la renomée, [...]
Mots clefs :
Canonisation, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, Saints
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE Sur la gloire des Saints, à l'occasion de la Ceremonie faite pour la Canonisation des S. S. Stanislas Kostka & Louis de Gonzague.
O DE
Sur la gloire des Saints , à l'occafion de la
Ceremonie faite pour la Canonifation des
SS. Stanislas Koftka & Louis de Gonzague.
Esclaves de la
renommée ,
Dont la frivole paffion ,
N'a point d'autre occupation ,
Que de pourfuivre une fumée ;
Que votre fort me ſemble dur ,
Quand l'efpoir d'un nom moins obſcur
De votre fang vous rend prodigues ;
Quand pour vivre dans l'avenir
Vous trainez parmi les fatigues ,
Des jours que les regrets ne font plus revenir,
Couverts d'une noble pouffiere ,
En vain vous cherchez les hazards ,
En vain vous voit -on des beaux arts;
-Courir l'épineuſe carriere ;
Souvent l'honneur capricieux ,
Echappe aux voeux ambitieux ,
Qui s'obftinent à le pourſuivre ;'
De fes partifans empreffez ,
I. Vol. C Com
2598 MERCURE DE FRANCE
Combien en voyons- nous furvivre ,
A leur gloire expirante , à leurs noms éclipfez !
>
Mais je veux que les Deftinées ,
Vous réfervent un fort plus doux ,
Qu'honoré long-temps après vous
Votre nom brave les années ;
O foins ! O déplorable effort ,
Qui n'a pour objet que le fort
D'un Cefar , ou d'un Alexandre !
Eh ! que fervent à ces Héros ,
Les honneurs qu'on rend à leur cendre ,
Quand l'ire du Seigneur les inonde à grands flots ?
W
Venez , venez ; de plus furs guides
Vous découvriront en ce jour ,
La route qui mené au ſéjour ,
Des biens , & des honneurs folides ,
Voyez STANISLAS , & LOUIS ,
Offrir à VOS yeux éblouis ,
La vraye image de la gloire ;
Tandis qu'à l'envi nos Autels ,
Confacrent ici leur mémoire ,
Ils regnent dans l'Olimpe , heureux, grands , immortels.
Ils n'ont point tenté ces conquêtes ,
Qui font triompher nos Guerriers :
1. Vol. Ils
DECEMBRE . 1730. 2599
Ils ont dédaigné ces Lauriers ,
Dont nos Sçavans parent leurs têtes
Chercher Dieu dans l'obfcurité ,
Gouter fa paix , ſa verité ,
Voilà leur fçavoir , leur étude :
Ils n'ont combatu que leur coeur :
Guerre de toutes la plus rude ,
Où l'ennemi qu'on frappe eft cher à ſon vainqueur
?
L'un dans la fleur de fa jeuneffe ,
Voit avec un noble dédain
Et le titre de Souverain ,
Et les droits flateurs de l'aineffe .
Il rougiroit de s'abaiffer
A des grandeurs qu'on voit paſſer
Comme l'éclair qui fend la nuë.
Pour arriver à la fplendeur ,
Que l'oeil mortel n'a point connue ,
C'est dans l'abbaiffement qu'il cherche fa gran
deur.
Victime de l'Amour Célefte ,
L'autre a tout ſouffert , tout quitté ;
Haï tour à tour , & flatté ,
D'un monde que fon coeur détefte.
Non , l'Enfer & tous les affauts ,
Ni tous les biens , ni tous les maux ,
N'ébranleront point fa conftance :
1. Vole Cij 31
2600 MERCURE DE FRANCE
Il franchit tout , il eft au port ,
Mais , redoublant ta violence ,
Là , tu l'attens, Amour, pour lui donner la moit.
潞
Il eſt donc jufte qu'en nos Faſtes ,
Leurs noms occupent déformais ,
Un rang que n'obtinrent jamais
Les grands exploits , les projets vaftes.
S'ils n'euffent tendu vers les Cieux ,
De tant de Princes leurs Ayeux ,
Ils auroient fubi la fortune ,
Et dans un éternel oubli ,
Peut-être une tombe commune ,
Tiendroit avec leur corps leur nom enſeveli.
Aujourd'hui du haut de leurs Trônes ;
Combien verront - ils à leurs pieds ,
De Souverains humiliez ,
Venir déposer leurs Couronnes !
C'est pour eux que brillent ces feux ,
Que l'air retentit de nos voeux ,
Que cette pompe orne nos Temples .
Et par mille organes divers ,
C'eſt leur gloire , c'eſt leurs exemples ,
Que la voix du Seigneur propoſe à l'Univers.
O qui me donnera des aîles,
I. Vol. Pour
DECEMRBE . 1730. 2601
"
Pour m'élever jufqu'au féjour ,
Où le Jufte enyvré d'amour ,
Brille de fplendeurs éternelles !
Lieux éclatans d'or & d'azur ,
Quand donc s'écroulera le mur
Qui me fépare de vos fêtes !
Jamais ne verrai - je , grands Saints ,
Ces Diadêmes fur vos têtes ,
Que de fa propre main l'Eternel vous a ceints !
來
Mais votre voix fe fait entendre !
► Mortel , au bonheur des Elus
"
>
•
» Apprends que tes voeux fuperflus ,
» Sans efforts ne peuvent prétendre.
" .. Qui donc t'arrête ? . hâte toi :
» Armé de courage & de foi ,
» Marche , cours , vole fur nos traces
» Et fçache qu'aux Céleftes Choeurs ,
Les enfans d'Adam n'ont de places ,
Qu'à titre de foldats, d'athletes, de vainqueurs
來
C'en eft fait , & mon coeur docile
Se foumet à tout fans regret ;
Trop long- temps il fuivit l'attrait
Des faux biens , de l'honneur fragile.
Brifez-vous , fers injurieux ,
Fers , dont le poids impérieux ,
I. Vo!. Ciij Me
2602 MERCURE DE FRANCE
Me tenoit courbé vers la Terre.
Monde pervers , fens ennemis >
Je vous déclare à tous la guerre :
Qu'attendrois-je de vous quand le Ciel m'eft
promis.
J. F. FLEURIAU , de la Compagnie
de J fus.
Sur la gloire des Saints , à l'occafion de la
Ceremonie faite pour la Canonifation des
SS. Stanislas Koftka & Louis de Gonzague.
Esclaves de la
renommée ,
Dont la frivole paffion ,
N'a point d'autre occupation ,
Que de pourfuivre une fumée ;
Que votre fort me ſemble dur ,
Quand l'efpoir d'un nom moins obſcur
De votre fang vous rend prodigues ;
Quand pour vivre dans l'avenir
Vous trainez parmi les fatigues ,
Des jours que les regrets ne font plus revenir,
Couverts d'une noble pouffiere ,
En vain vous cherchez les hazards ,
En vain vous voit -on des beaux arts;
-Courir l'épineuſe carriere ;
Souvent l'honneur capricieux ,
Echappe aux voeux ambitieux ,
Qui s'obftinent à le pourſuivre ;'
De fes partifans empreffez ,
I. Vol. C Com
2598 MERCURE DE FRANCE
Combien en voyons- nous furvivre ,
A leur gloire expirante , à leurs noms éclipfez !
>
Mais je veux que les Deftinées ,
Vous réfervent un fort plus doux ,
Qu'honoré long-temps après vous
Votre nom brave les années ;
O foins ! O déplorable effort ,
Qui n'a pour objet que le fort
D'un Cefar , ou d'un Alexandre !
Eh ! que fervent à ces Héros ,
Les honneurs qu'on rend à leur cendre ,
Quand l'ire du Seigneur les inonde à grands flots ?
W
Venez , venez ; de plus furs guides
Vous découvriront en ce jour ,
La route qui mené au ſéjour ,
Des biens , & des honneurs folides ,
Voyez STANISLAS , & LOUIS ,
Offrir à VOS yeux éblouis ,
La vraye image de la gloire ;
Tandis qu'à l'envi nos Autels ,
Confacrent ici leur mémoire ,
Ils regnent dans l'Olimpe , heureux, grands , immortels.
Ils n'ont point tenté ces conquêtes ,
Qui font triompher nos Guerriers :
1. Vol. Ils
DECEMBRE . 1730. 2599
Ils ont dédaigné ces Lauriers ,
Dont nos Sçavans parent leurs têtes
Chercher Dieu dans l'obfcurité ,
Gouter fa paix , ſa verité ,
Voilà leur fçavoir , leur étude :
Ils n'ont combatu que leur coeur :
Guerre de toutes la plus rude ,
Où l'ennemi qu'on frappe eft cher à ſon vainqueur
?
L'un dans la fleur de fa jeuneffe ,
Voit avec un noble dédain
Et le titre de Souverain ,
Et les droits flateurs de l'aineffe .
Il rougiroit de s'abaiffer
A des grandeurs qu'on voit paſſer
Comme l'éclair qui fend la nuë.
Pour arriver à la fplendeur ,
Que l'oeil mortel n'a point connue ,
C'est dans l'abbaiffement qu'il cherche fa gran
deur.
Victime de l'Amour Célefte ,
L'autre a tout ſouffert , tout quitté ;
Haï tour à tour , & flatté ,
D'un monde que fon coeur détefte.
Non , l'Enfer & tous les affauts ,
Ni tous les biens , ni tous les maux ,
N'ébranleront point fa conftance :
1. Vole Cij 31
2600 MERCURE DE FRANCE
Il franchit tout , il eft au port ,
Mais , redoublant ta violence ,
Là , tu l'attens, Amour, pour lui donner la moit.
潞
Il eſt donc jufte qu'en nos Faſtes ,
Leurs noms occupent déformais ,
Un rang que n'obtinrent jamais
Les grands exploits , les projets vaftes.
S'ils n'euffent tendu vers les Cieux ,
De tant de Princes leurs Ayeux ,
Ils auroient fubi la fortune ,
Et dans un éternel oubli ,
Peut-être une tombe commune ,
Tiendroit avec leur corps leur nom enſeveli.
Aujourd'hui du haut de leurs Trônes ;
Combien verront - ils à leurs pieds ,
De Souverains humiliez ,
Venir déposer leurs Couronnes !
C'est pour eux que brillent ces feux ,
Que l'air retentit de nos voeux ,
Que cette pompe orne nos Temples .
Et par mille organes divers ,
C'eſt leur gloire , c'eſt leurs exemples ,
Que la voix du Seigneur propoſe à l'Univers.
O qui me donnera des aîles,
I. Vol. Pour
DECEMRBE . 1730. 2601
"
Pour m'élever jufqu'au féjour ,
Où le Jufte enyvré d'amour ,
Brille de fplendeurs éternelles !
Lieux éclatans d'or & d'azur ,
Quand donc s'écroulera le mur
Qui me fépare de vos fêtes !
Jamais ne verrai - je , grands Saints ,
Ces Diadêmes fur vos têtes ,
Que de fa propre main l'Eternel vous a ceints !
來
Mais votre voix fe fait entendre !
► Mortel , au bonheur des Elus
"
>
•
» Apprends que tes voeux fuperflus ,
» Sans efforts ne peuvent prétendre.
" .. Qui donc t'arrête ? . hâte toi :
» Armé de courage & de foi ,
» Marche , cours , vole fur nos traces
» Et fçache qu'aux Céleftes Choeurs ,
Les enfans d'Adam n'ont de places ,
Qu'à titre de foldats, d'athletes, de vainqueurs
來
C'en eft fait , & mon coeur docile
Se foumet à tout fans regret ;
Trop long- temps il fuivit l'attrait
Des faux biens , de l'honneur fragile.
Brifez-vous , fers injurieux ,
Fers , dont le poids impérieux ,
I. Vo!. Ciij Me
2602 MERCURE DE FRANCE
Me tenoit courbé vers la Terre.
Monde pervers , fens ennemis >
Je vous déclare à tous la guerre :
Qu'attendrois-je de vous quand le Ciel m'eft
promis.
J. F. FLEURIAU , de la Compagnie
de J fus.
Fermer
Résumé : ODE Sur la gloire des Saints, à l'occasion de la Ceremonie faite pour la Canonisation des S. S. Stanislas Kostka & Louis de Gonzague.
Le poème célèbre la canonisation des saints Stanislas Kostka et Louis de Gonzague, en critiquant la quête de la renommée terrestre, jugée frivole et éphémère. Il oppose cette gloire passagère à la véritable gloire spirituelle. Les saints sont décrits comme des modèles de vertu, ayant préféré l'humilité et la dévotion aux honneurs mondains. Stanislas Kostka a rejeté les titres et les grandeurs terrestres pour chercher la splendeur divine dans l'abbaisement. Louis de Gonzague a souffert et renoncé à tout pour son amour céleste, restant inébranlable face aux tentations et aux épreuves. Le poème invite les lecteurs à suivre l'exemple des saints, à se libérer des chaînes terrestres et à aspirer à la gloire éternelle. Les noms des saints doivent désormais occuper une place d'honneur, surpassant les exploits terrestres. Leur canonisation est célébrée comme un moment où leur gloire et leurs exemples sont proposés à l'univers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 2602-2614
REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
Début :
Puisque nous voyons tous les jours que les moindres passions de l'ame [...]
Mots clefs :
Corps, Tension, Passions, Organes, Malade, Maladie, Imagination, Affection, Remède, Médecine, Hippocrate
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
REFLEXIONS fur ces paroles
d'Hippoctates , Aphorifme XXXIII.
Section II. In omni morbo mente valere
bonum eft ; contrarium vero malum.
Puifque Uifque nous voyons tous les jours
les moindres paffions de l'ame
occafionnent dans la fanté la mieux établie
mille dérangemens dangereux pour
la vie; pouvons- nous douter que la crainte
ou l'appréhenfion de mourir ne faſſe
de plus grands defordres dans un Malade?
Mais plutôt qui d'entre les hommes , le
plus intrépide même , lorſque le mal eſt
affez férieux , fe fent à l'abri des troubles
qu'une penſée fi affreuſe jette dans
tout le corps ? L'on ne doit donc point
refufer , pour peu que le bien des Malades
tienne à coeur , une attention particuliere
à ces mouvemens de l'ame qui
I. Vol. agiffent
DECEMBRE . 1730. 2603
3.
agiffent fi puiffamment à nos yeux , &
la faine pratique de Medecine ne fçauroit
les abandonner à eux- mêmes fans rendre
les meilleurs remedes de l'Art , ou inutiles
ou pernicieux dans leur ufage. C'eft fur
un fondement fi folide qu'on eft porté à
croire que la plupart des Maladies ne deviennent
ferieufes , intraitables même, que
parce que la crainte , l'abattement , la
frayeur & le defefpoir , font toujours aux
trouffes des pauvres Malades; & que la fermeté
en enleveroit un plus grand nombre à
la Parque, que les Remedes les plus fpecifi
ques,qui ne meritent pas fouvent un nom
fi impofant : de- là vient qu'on a tout fujet
de penfer que dans les moins dangereufes
maladies comme dans celles qui le font
veritablement , on épargneroit plus de
vies au genre humain , fi on s'attachoit
moins àdonner des remedes, qu'à raffures
l'efprit allarmé des Malades.
Pour le convaincre de ce que nous ve
nons d'avancer , il ne faut que jetter les
yeux fur ces mélancoliques hypocondriaques
, fujets à des prétendues vapeurs qui
ne reconnoiffent pour caufe que le vice
de leur imagination ; c'eft ainfi que nous
trouvons quelquefois dans notre pratique
de ces hommes que les biens & les honneurs
inondent de toutes parts , au milieu
des plaifirs , qu'une fanté parfaite-
Cij ment I. Vol.
2604 MERCURE DE FRANCE
&
ment bonne & vigoureufe laiffe gouter
paifiblement à la fleur de leur âge , tomber
tout à coup dans un abattement &
dans une langueur toujours funefte à la
vie , fe rendre infupportables aux autres ,
le devenir à eux mêmes , fe laiffer aller
à des contentions trop longues , à des afflictions
extrêmes ; en un mot , ſe montrer
le jouet de leur imagination par ces récits
ennuyeux des plus legeres circonftances
de leurs maux dont ils accablent ceux
qu'ils engagent férieufement à les entendre
. Des Malades de cette efpece peuventils
trouver du fecours dans l'adminiftration
des remedes , & ne feroit- ce pas pour
lors réfifter à l'experience qui apprend
conftamment au prix de la vie de ceux
qui la confient aux ignorans , que l'abattement
, la langueur de l'efprit , fe guerit
moins par l'ufage des remedes , que par
la diverfité des idées , les converfations ,
les Affemblées des perfonnes enjoüées ,
& fur tout par la fermeté ou le courage
que les bons Medecins ne manquent
jamais de préferer falutairement à tout
autre fecours ? d'ailleurs comme l'oifiveté
leur donne occafion de fe trop écouter
les exercices moderez du corps ne feroient
ils pas pour ces Malades un bon régime.
de vie ? peut être même que la reflexion
fuivante auroit affez de force pour
I. Vol.
préDECEMBRE
. 1730. 2605
prévenir & détourner la foibleffe de leur
imagination .
Il n'eft pas poffible que cette foule de
fonctions qui s'exercent par tant de differens
inftrumens dans une machine auffi délicate
que le corps
de l'homme
, ſe faffent
dans
la fanté
même
la plus
parfaite
d'une
égale
jufteffe
, puifque
tout
de même
que
dans
une
Montre
ou dans
des machines
femblables
le peu de folidité
de la matiere
dont
on conſtruit
les differentes
pieces
qui
les compofent
, les frottemens
des roues
de
leurs
arbres
qui
touchent
par
plufieurs
points
à des furfaces
jamais
planes
ou unies
;
en un mot,mille
caufes
, tant
internes
qu'externes
, font
de très- grands
obftacles
à la
perfection
de leurs
mouvemens
; de même
dans
le corps
humain
les roues
qu'on
y
découvre
, ou , pour
mieux
dire, les mouvemens
circulaires
, foit
dans
les folides
foit
dans
les liquides
, les leviers
, les puiffances
& leur
point
d'appui
, dans
le tems
que
tout
eft en jeu , fe trouvent
fujets
aux
mêmes
imperfections
que
les rouës
& les refforts
de la montre
en mouvement
;
& ces obftacles
font
d'autant
plus
fenfibles
à l'homme
,que
ceux
qui vivent
dans
une
fcrupuleufe
attention
fur
ce qui fe
pafle
au dedans
du corps
, ne fe croyent
malades
que
pour les trop
écouter
.
Si ceux qui fe montrent moins occupez
I. Vol. Cy dans
2606 MERCURE DE FRANCE
dans la pratique de Medecine à guerir
l'efprit,fouvent plus allarmé que le corps
n'eft malade , faifoient attention qu'on
doit toujours envifager dans un malade
la guérifon de deux maladies , dont la
violence ou la durée de tous les tems
qu'elles parcourent , fe répondent exactement
, & que chacune d'elles exige des
fecours differens , fuivant la fuperiorité
que l'une gagne fur l'autre , ils fe défabuferoient
avec plaifir de ce grand nombre
inutile ou meurtrier de remedes , que
Pandore a laiffé échaper , que l'avarice
fait employer , que l'honneur de la profeffion
défaprouve , & que la feule fermeté
dont les malades ont befoin ordi
nairement , ne permet jamais qu'on lui
préfere , fans reprocher les funeftes fuites
d'une fi injufte préférence à ceux qui ne
connoiffent point l'union ou la dépendance
mutuelle de ces deux fubftances qui
compofent l'homme.
Quoique l'union de l'ame avec le corps
doive plutôt paffer pour un fecret réfervé
à la Toute puiffance Divine , que pour
une connoiffance dûe aux plus profondes
recherches de l'efprit humain ; l'heureuſe
témerité des fçavans dans leurs découvertes
a fçû nous engager trop avant , pour
pouvoir nous difpenfer maintenant de
propofer nos conjectures . Cependant pour
I.Vol
AC
DECEMBRE . 1730. 2607
ne pas priver de leurs droits ceux qui pré
tendent en avoir fur cette queftion , nous
ne prendrons que ce qu'il nous faut pour
fatisfaire à notre projet.
Les Loix uniformes , & les raports réciproques
que l'Auteur de la nature a établis
dans l'union de l'ame & du corps ,
maintiennent ces deux fubftances dans
une dépendance mutuelle ; ce qui fait que
l'ame a des affections à l'occafion de certains
mouvemens du Corps, & que celui - ci
exécute des mouvemens , à l'occafion de
certaines affections de l'ame. La vivacité
de ces affections dépend de la violence des
impreffions, des objets externes fur les or
ganes du corps , & l'énergie de la puiffance
de l'ame fur le corps , de la vivacité
de fes affections; l'ame fera parconfequent
d'autant plus vivement affectée que le
.corps fera fortement émû; & le corps fera
d'autant plus puiffamment émû , que l'a
me fera vivement affectée ; le fentiment
interieur & l'expérience journaliere ne
nous permettent point de refufer notre
confentement à des véritez fi fenfibles &
fi connues.
C'eft à la faveur du genre nerveux que
les impreffions des objets externes fur les
organes du corps, d'où dépendent les fenfations
, fe tranfmettent dans le cerveau
jufqu'à l'origine des nerfs . C'eft auffi par
C vi I. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
les mêmes voyes que les paffions de l'ame
agiffent fur la machine .
On peut donc regarder le genre nerveux
, comme un affemblage de petits
cordons difperfez par tout le corps ,
dans
un certain dégré de tenfion que la nature
leur a donné , réünis à la baze du crane ,
dans cet endroit du cerveau , qu'on nomme
moëlle allongée , & que nous appellerons
dans la fuite Emporeum. C'eft- là où
toutes les impreffions faites fur les organes
du corps aboutiffent , qu'on peut
placer le fiége des perceptions de l'âme.
Mais découvre-t- on dans cette parque
tie ? fi ce n'eft un tas de fibrilles fufceptibles
de vibration , capables de fe redreffer
& de fe remettre lorſque la cauſe
qui en a fait perdre la direction , ceſſe
d'agir ? Comment peut- il donc fe faire
que l'ame foit affectée dans les fenfations,
à l'occafion des impreffions faites par les
objets externes fur les organes
du corps ,
ou agir elle-même fur la machine dans,
les paffions ? une fubftance fpirituelle n'eftelle
point à l'abri des atteintes de la matiere
? Et celle - cy fouffrira-t- elle quelque
changement de la part de l'autre ? J'avouë
prefentement , que fi les fçavans fe
payoient moins de raifonnemens ingénieux
, que d'aveus finceres de la foibleffe
du génie , je n'aurois point de hon-
I.Vol
DECEMBRE . 1730. 2609
coup
te de la déclarer à des hommes dans cette
occafion , mais comme elles doivent beauà
la témérité des curieux , elles veulent
encore leur être plus redevables ; ) le
corps ne pouvant donc point agir materiellement
fur l'ame, ni l'ame fur le corps ,
il faut que le Créateur dans l'union de ces
deux fubftances , ait voulu , fuivant les
décrets immuables , qu'à l'occafion d'un
tel mouvement , où bien d'une vibration
plus ou moins forte des fibres de l'Emporeum
, l'ame fut plus ou moins vivement
ébranlée ; & qu'à l'occafion de certaines
perceptions de l'ame , il furvint à ces mêmes
fibres des vibrations dont la force
répondit exactement à la vivacité de ces
perceptions , pour lors le cordon de
nerf continu à la fibre vibrée , fera plus
ou moins tiraillé auffi-bien que les divifions
& les rameaux qui en partent, & qui
vont fe perdre dans les parties du corps.
Ainfi fuppofé maintenant que l'ame foit
vivement affectée ( comme il lui arrive
dans differentes paffions , mais fur tout
dans la crainte ou l'apprehenfion de mourir
) la vibration d'une , ou de plufieurs
fibres de l'Emporeum fera violente, le tiraillement
du cordon de nerf ne le fera
pas
moins, &fes filamens diviſez ,diſperſez dans
a machine , donneront bien - tôt des marques
tres- fenfibles de leur défordre , icy
L. Vol par
2610 MERCURE DE FRANCE
par la tenfion exceffive des membranes ,
par le retréciffement du diametre des
vaiffeaux dont les parois font devenuës
moins dociles aux caufes pulcifiques ; là,
par les douleurs infupportables , les convulfions
d'une ou de plufieurs parties , &
par l'état tonique qui fe prend au reffort
des folides ; d'où fuit le trouble, l'inégalité
de la circulation du fang , de la lymphe ,
leur féjour dans les chairs , ou dans les
vifceres qui s'enflamment , les fécretions
fufpendues , les coctions léfées , abolies
même ; enfin le bouleverfement de tout
le corps , qui fera toujours d'autant plus
puiffant fur les caufes de la vie , que le
moindre effet mentionné fuffit pour la
faire perdre.
il
Il ne fera pas difficile à prefent , de rendre
raifon des differens dégrez de dérangement
& de défordre , qui arrivent au
Corps humain ,à l'occafion des paffions de
l'ame , pour peu qu'on donne fes atten
tions à leur vivacité , à la difpofition des
fibres de l'Emporeum, & à l'état du corps
fain ou malade.
Nous avons déja vû que les affections
de l'ame occafionnent des vibrations dans
les fibres de l'Emporeum , fuivant donc le
different dégré de tenfion , de foupleffe
de rigidité , & de reffort , que la nature
feur a donné , elles font plus ou moins
I. Vol. vibraDECEMBRE
. 1730. 2611
vibratiles. Par exemple : Si l'ame eft vivement
affectée , la vibration que cette affection
occafionnera d'abord dans une ou
plufieurs fibres fera violente ; & fi les
fibres vibrées fe trouvent bien tenduës
naturellement , la force d'une telle fecouffe
produira un double effet. Il en eft à
peu près de même des autres qualitez ,
qu'on attribue à ces fibres qui varient
dans des fujets differens , par rapport au
fexe , à l'âge , au temperamment , & à la
maniere de vivre , & quelquefois dans le
même homme,à raifon de bien des circonftances,
mais fur tout de la frequence des
vibrations , d'où elles ont acquis la difpofition
d'obéir au moindre tremouffement.
Si les organes du corps fe trouvent
dans l'état le plus éloigné de la maladie ,
& que l'imagination ne foit que peu dérangée
, il eft clair que le corps n'en fera
pas fort incommodé ; delà vient qu'on'
voit une foule de mélancoliques , fe
porter d'ailleurs le mieux du monde ;
mais fi dans ce cas l'imagination eft conſiderablement
détraquée, le corps s'appro
chera pour lors de l'état malade , à proportion
que le dérangemeut de l'efprit
fera grand ; je crois même , que ce ne
feroit point fans fondement , fil'on avançoit
que l'imagination vivement frappée
de trifteffe , de crainte , &c . a affez de
I. Vol.
pou2612
MERCURE DE FRANCE
pouvoir fur la machine , pour en occafionner
la ruine.
Si dans un corps peu malade , l'imagination
n'eft que peu allarmée ; ces deux
maladies enſemble ne font point à crain
dre , on s'en releve facilement ; mais fi
dans ce même cas , l'ame eft fortement
agitée , le trouble dans la Machine fera
très -dangereux ; on voit bien fouvent des
malades guériffables par la nature du
mal , devenir incurables , fe défefpérer &
périr malheureuſement par la préférence
qu'on a fait des remedes quelquefois fort
violens , à cette fermeté dont le retour de
la fanté ne pouvoit fe paffer fans la perte
de la vie.
Enfin fi l'imagination & le corps font
tres dérangez , dans un pareil cas le malade
fera défefpéré , pour peu qu'on néglige
de lui donner du courage , ouqu'on
fe ferve des remedes qui le tour
mentent trop.
On voit par toute cetteThéorie que dans
le concours de ces cauſes , l'ame doit agir
fur la Machine , avec un pouvoir inſurmontable
, dont les effets feront par conféquent
très -funeftes.
On reconnoît encore d'où vient que
certaines perfonnes font plus fufceptibles
de chagrin , de trifteffe , d'abattement
de crainte & de defefpoir que bien d'au-
1. Vol. tres
DECEMBRE . 1730. 2613
tres , & en reffentent de plus grands maux
dans l'ufage de la vie.
Puifqu'on ne fçauroit à prefent difconvenir
que la trifteffe & la langueur de
l'efprit, ne dérangent confidérablement la
fanté la plus affurée , & que la crainte &
l'apprehenfion de mourir n'occafionne de
nouveaux défordres dans un malade ;
n'a- t-on pas raifon de penfer que les malades
auroient moins de mal s'ils avoient
moins de peur ? In omni morbo mente valere
bonum eft , contrarium verò malum.
C'eft fur ce principe de la veritable
Médecine , où tout ce que l'avarice de
l'homme a de plus haïffable , & de plus
dangereux dans les moyens qu'elle offre
pour affouvir le défir de groffir fes richeffes
, n'a aucune part , que nous avons
prétendu faire voir :
Premierement , que les gens de notre profeffion
moins ambitieux des biens que jaloux
de leur honneur , doivent s'attirer
des malades de la confiance, plutôt par une
jufte réputation que par une effronterie
odieufe , qui ne peut tourner qu'à leur
confuſion & au malheur de ceux qui ne
diftinguant point le vrai mérite , apprennent
par leur mort violente , à des héritiers
à ne pas les fuivre dans leur funefte
choix .
Secondement , que
I. Vol.
dans les maladies férieu2614
MERCURE DE FRANCE
rieuſes , où les malades craignent fort
pour leur vie , la préfence fréquente ,
mais jamais importune , du Medecin de
confiance , eft plus falutaire qu'un grand
appareil de remedes .
3mt, Et qu'ainfi on ne doit pas faire dif
Aculté de bannir , de retrancher de la
Médecine un grand nombre de remedes ,
non feulement comme inutiles , mais encore
comme très - pernicieux , & le malade
fera guéri pour lors à moins de frais &
plus furement.
Enfin , qu'on n'a confulté , dans le def
fein de mettre au jour ce petit Ouvrage ,
que l'honneur de la profeffion , & le verible
bien des malades.
Par G B. Barrés , de Pezenas , Docteur
en Médecine, de la Faculté de Montpellier.
d'Hippoctates , Aphorifme XXXIII.
Section II. In omni morbo mente valere
bonum eft ; contrarium vero malum.
Puifque Uifque nous voyons tous les jours
les moindres paffions de l'ame
occafionnent dans la fanté la mieux établie
mille dérangemens dangereux pour
la vie; pouvons- nous douter que la crainte
ou l'appréhenfion de mourir ne faſſe
de plus grands defordres dans un Malade?
Mais plutôt qui d'entre les hommes , le
plus intrépide même , lorſque le mal eſt
affez férieux , fe fent à l'abri des troubles
qu'une penſée fi affreuſe jette dans
tout le corps ? L'on ne doit donc point
refufer , pour peu que le bien des Malades
tienne à coeur , une attention particuliere
à ces mouvemens de l'ame qui
I. Vol. agiffent
DECEMBRE . 1730. 2603
3.
agiffent fi puiffamment à nos yeux , &
la faine pratique de Medecine ne fçauroit
les abandonner à eux- mêmes fans rendre
les meilleurs remedes de l'Art , ou inutiles
ou pernicieux dans leur ufage. C'eft fur
un fondement fi folide qu'on eft porté à
croire que la plupart des Maladies ne deviennent
ferieufes , intraitables même, que
parce que la crainte , l'abattement , la
frayeur & le defefpoir , font toujours aux
trouffes des pauvres Malades; & que la fermeté
en enleveroit un plus grand nombre à
la Parque, que les Remedes les plus fpecifi
ques,qui ne meritent pas fouvent un nom
fi impofant : de- là vient qu'on a tout fujet
de penfer que dans les moins dangereufes
maladies comme dans celles qui le font
veritablement , on épargneroit plus de
vies au genre humain , fi on s'attachoit
moins àdonner des remedes, qu'à raffures
l'efprit allarmé des Malades.
Pour le convaincre de ce que nous ve
nons d'avancer , il ne faut que jetter les
yeux fur ces mélancoliques hypocondriaques
, fujets à des prétendues vapeurs qui
ne reconnoiffent pour caufe que le vice
de leur imagination ; c'eft ainfi que nous
trouvons quelquefois dans notre pratique
de ces hommes que les biens & les honneurs
inondent de toutes parts , au milieu
des plaifirs , qu'une fanté parfaite-
Cij ment I. Vol.
2604 MERCURE DE FRANCE
&
ment bonne & vigoureufe laiffe gouter
paifiblement à la fleur de leur âge , tomber
tout à coup dans un abattement &
dans une langueur toujours funefte à la
vie , fe rendre infupportables aux autres ,
le devenir à eux mêmes , fe laiffer aller
à des contentions trop longues , à des afflictions
extrêmes ; en un mot , ſe montrer
le jouet de leur imagination par ces récits
ennuyeux des plus legeres circonftances
de leurs maux dont ils accablent ceux
qu'ils engagent férieufement à les entendre
. Des Malades de cette efpece peuventils
trouver du fecours dans l'adminiftration
des remedes , & ne feroit- ce pas pour
lors réfifter à l'experience qui apprend
conftamment au prix de la vie de ceux
qui la confient aux ignorans , que l'abattement
, la langueur de l'efprit , fe guerit
moins par l'ufage des remedes , que par
la diverfité des idées , les converfations ,
les Affemblées des perfonnes enjoüées ,
& fur tout par la fermeté ou le courage
que les bons Medecins ne manquent
jamais de préferer falutairement à tout
autre fecours ? d'ailleurs comme l'oifiveté
leur donne occafion de fe trop écouter
les exercices moderez du corps ne feroient
ils pas pour ces Malades un bon régime.
de vie ? peut être même que la reflexion
fuivante auroit affez de force pour
I. Vol.
préDECEMBRE
. 1730. 2605
prévenir & détourner la foibleffe de leur
imagination .
Il n'eft pas poffible que cette foule de
fonctions qui s'exercent par tant de differens
inftrumens dans une machine auffi délicate
que le corps
de l'homme
, ſe faffent
dans
la fanté
même
la plus
parfaite
d'une
égale
jufteffe
, puifque
tout
de même
que
dans
une
Montre
ou dans
des machines
femblables
le peu de folidité
de la matiere
dont
on conſtruit
les differentes
pieces
qui
les compofent
, les frottemens
des roues
de
leurs
arbres
qui
touchent
par
plufieurs
points
à des furfaces
jamais
planes
ou unies
;
en un mot,mille
caufes
, tant
internes
qu'externes
, font
de très- grands
obftacles
à la
perfection
de leurs
mouvemens
; de même
dans
le corps
humain
les roues
qu'on
y
découvre
, ou , pour
mieux
dire, les mouvemens
circulaires
, foit
dans
les folides
foit
dans
les liquides
, les leviers
, les puiffances
& leur
point
d'appui
, dans
le tems
que
tout
eft en jeu , fe trouvent
fujets
aux
mêmes
imperfections
que
les rouës
& les refforts
de la montre
en mouvement
;
& ces obftacles
font
d'autant
plus
fenfibles
à l'homme
,que
ceux
qui vivent
dans
une
fcrupuleufe
attention
fur
ce qui fe
pafle
au dedans
du corps
, ne fe croyent
malades
que
pour les trop
écouter
.
Si ceux qui fe montrent moins occupez
I. Vol. Cy dans
2606 MERCURE DE FRANCE
dans la pratique de Medecine à guerir
l'efprit,fouvent plus allarmé que le corps
n'eft malade , faifoient attention qu'on
doit toujours envifager dans un malade
la guérifon de deux maladies , dont la
violence ou la durée de tous les tems
qu'elles parcourent , fe répondent exactement
, & que chacune d'elles exige des
fecours differens , fuivant la fuperiorité
que l'une gagne fur l'autre , ils fe défabuferoient
avec plaifir de ce grand nombre
inutile ou meurtrier de remedes , que
Pandore a laiffé échaper , que l'avarice
fait employer , que l'honneur de la profeffion
défaprouve , & que la feule fermeté
dont les malades ont befoin ordi
nairement , ne permet jamais qu'on lui
préfere , fans reprocher les funeftes fuites
d'une fi injufte préférence à ceux qui ne
connoiffent point l'union ou la dépendance
mutuelle de ces deux fubftances qui
compofent l'homme.
Quoique l'union de l'ame avec le corps
doive plutôt paffer pour un fecret réfervé
à la Toute puiffance Divine , que pour
une connoiffance dûe aux plus profondes
recherches de l'efprit humain ; l'heureuſe
témerité des fçavans dans leurs découvertes
a fçû nous engager trop avant , pour
pouvoir nous difpenfer maintenant de
propofer nos conjectures . Cependant pour
I.Vol
AC
DECEMBRE . 1730. 2607
ne pas priver de leurs droits ceux qui pré
tendent en avoir fur cette queftion , nous
ne prendrons que ce qu'il nous faut pour
fatisfaire à notre projet.
Les Loix uniformes , & les raports réciproques
que l'Auteur de la nature a établis
dans l'union de l'ame & du corps ,
maintiennent ces deux fubftances dans
une dépendance mutuelle ; ce qui fait que
l'ame a des affections à l'occafion de certains
mouvemens du Corps, & que celui - ci
exécute des mouvemens , à l'occafion de
certaines affections de l'ame. La vivacité
de ces affections dépend de la violence des
impreffions, des objets externes fur les or
ganes du corps , & l'énergie de la puiffance
de l'ame fur le corps , de la vivacité
de fes affections; l'ame fera parconfequent
d'autant plus vivement affectée que le
.corps fera fortement émû; & le corps fera
d'autant plus puiffamment émû , que l'a
me fera vivement affectée ; le fentiment
interieur & l'expérience journaliere ne
nous permettent point de refufer notre
confentement à des véritez fi fenfibles &
fi connues.
C'eft à la faveur du genre nerveux que
les impreffions des objets externes fur les
organes du corps, d'où dépendent les fenfations
, fe tranfmettent dans le cerveau
jufqu'à l'origine des nerfs . C'eft auffi par
C vi I. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
les mêmes voyes que les paffions de l'ame
agiffent fur la machine .
On peut donc regarder le genre nerveux
, comme un affemblage de petits
cordons difperfez par tout le corps ,
dans
un certain dégré de tenfion que la nature
leur a donné , réünis à la baze du crane ,
dans cet endroit du cerveau , qu'on nomme
moëlle allongée , & que nous appellerons
dans la fuite Emporeum. C'eft- là où
toutes les impreffions faites fur les organes
du corps aboutiffent , qu'on peut
placer le fiége des perceptions de l'âme.
Mais découvre-t- on dans cette parque
tie ? fi ce n'eft un tas de fibrilles fufceptibles
de vibration , capables de fe redreffer
& de fe remettre lorſque la cauſe
qui en a fait perdre la direction , ceſſe
d'agir ? Comment peut- il donc fe faire
que l'ame foit affectée dans les fenfations,
à l'occafion des impreffions faites par les
objets externes fur les organes
du corps ,
ou agir elle-même fur la machine dans,
les paffions ? une fubftance fpirituelle n'eftelle
point à l'abri des atteintes de la matiere
? Et celle - cy fouffrira-t- elle quelque
changement de la part de l'autre ? J'avouë
prefentement , que fi les fçavans fe
payoient moins de raifonnemens ingénieux
, que d'aveus finceres de la foibleffe
du génie , je n'aurois point de hon-
I.Vol
DECEMBRE . 1730. 2609
coup
te de la déclarer à des hommes dans cette
occafion , mais comme elles doivent beauà
la témérité des curieux , elles veulent
encore leur être plus redevables ; ) le
corps ne pouvant donc point agir materiellement
fur l'ame, ni l'ame fur le corps ,
il faut que le Créateur dans l'union de ces
deux fubftances , ait voulu , fuivant les
décrets immuables , qu'à l'occafion d'un
tel mouvement , où bien d'une vibration
plus ou moins forte des fibres de l'Emporeum
, l'ame fut plus ou moins vivement
ébranlée ; & qu'à l'occafion de certaines
perceptions de l'ame , il furvint à ces mêmes
fibres des vibrations dont la force
répondit exactement à la vivacité de ces
perceptions , pour lors le cordon de
nerf continu à la fibre vibrée , fera plus
ou moins tiraillé auffi-bien que les divifions
& les rameaux qui en partent, & qui
vont fe perdre dans les parties du corps.
Ainfi fuppofé maintenant que l'ame foit
vivement affectée ( comme il lui arrive
dans differentes paffions , mais fur tout
dans la crainte ou l'apprehenfion de mourir
) la vibration d'une , ou de plufieurs
fibres de l'Emporeum fera violente, le tiraillement
du cordon de nerf ne le fera
pas
moins, &fes filamens diviſez ,diſperſez dans
a machine , donneront bien - tôt des marques
tres- fenfibles de leur défordre , icy
L. Vol par
2610 MERCURE DE FRANCE
par la tenfion exceffive des membranes ,
par le retréciffement du diametre des
vaiffeaux dont les parois font devenuës
moins dociles aux caufes pulcifiques ; là,
par les douleurs infupportables , les convulfions
d'une ou de plufieurs parties , &
par l'état tonique qui fe prend au reffort
des folides ; d'où fuit le trouble, l'inégalité
de la circulation du fang , de la lymphe ,
leur féjour dans les chairs , ou dans les
vifceres qui s'enflamment , les fécretions
fufpendues , les coctions léfées , abolies
même ; enfin le bouleverfement de tout
le corps , qui fera toujours d'autant plus
puiffant fur les caufes de la vie , que le
moindre effet mentionné fuffit pour la
faire perdre.
il
Il ne fera pas difficile à prefent , de rendre
raifon des differens dégrez de dérangement
& de défordre , qui arrivent au
Corps humain ,à l'occafion des paffions de
l'ame , pour peu qu'on donne fes atten
tions à leur vivacité , à la difpofition des
fibres de l'Emporeum, & à l'état du corps
fain ou malade.
Nous avons déja vû que les affections
de l'ame occafionnent des vibrations dans
les fibres de l'Emporeum , fuivant donc le
different dégré de tenfion , de foupleffe
de rigidité , & de reffort , que la nature
feur a donné , elles font plus ou moins
I. Vol. vibraDECEMBRE
. 1730. 2611
vibratiles. Par exemple : Si l'ame eft vivement
affectée , la vibration que cette affection
occafionnera d'abord dans une ou
plufieurs fibres fera violente ; & fi les
fibres vibrées fe trouvent bien tenduës
naturellement , la force d'une telle fecouffe
produira un double effet. Il en eft à
peu près de même des autres qualitez ,
qu'on attribue à ces fibres qui varient
dans des fujets differens , par rapport au
fexe , à l'âge , au temperamment , & à la
maniere de vivre , & quelquefois dans le
même homme,à raifon de bien des circonftances,
mais fur tout de la frequence des
vibrations , d'où elles ont acquis la difpofition
d'obéir au moindre tremouffement.
Si les organes du corps fe trouvent
dans l'état le plus éloigné de la maladie ,
& que l'imagination ne foit que peu dérangée
, il eft clair que le corps n'en fera
pas fort incommodé ; delà vient qu'on'
voit une foule de mélancoliques , fe
porter d'ailleurs le mieux du monde ;
mais fi dans ce cas l'imagination eft conſiderablement
détraquée, le corps s'appro
chera pour lors de l'état malade , à proportion
que le dérangemeut de l'efprit
fera grand ; je crois même , que ce ne
feroit point fans fondement , fil'on avançoit
que l'imagination vivement frappée
de trifteffe , de crainte , &c . a affez de
I. Vol.
pou2612
MERCURE DE FRANCE
pouvoir fur la machine , pour en occafionner
la ruine.
Si dans un corps peu malade , l'imagination
n'eft que peu allarmée ; ces deux
maladies enſemble ne font point à crain
dre , on s'en releve facilement ; mais fi
dans ce même cas , l'ame eft fortement
agitée , le trouble dans la Machine fera
très -dangereux ; on voit bien fouvent des
malades guériffables par la nature du
mal , devenir incurables , fe défefpérer &
périr malheureuſement par la préférence
qu'on a fait des remedes quelquefois fort
violens , à cette fermeté dont le retour de
la fanté ne pouvoit fe paffer fans la perte
de la vie.
Enfin fi l'imagination & le corps font
tres dérangez , dans un pareil cas le malade
fera défefpéré , pour peu qu'on néglige
de lui donner du courage , ouqu'on
fe ferve des remedes qui le tour
mentent trop.
On voit par toute cetteThéorie que dans
le concours de ces cauſes , l'ame doit agir
fur la Machine , avec un pouvoir inſurmontable
, dont les effets feront par conféquent
très -funeftes.
On reconnoît encore d'où vient que
certaines perfonnes font plus fufceptibles
de chagrin , de trifteffe , d'abattement
de crainte & de defefpoir que bien d'au-
1. Vol. tres
DECEMBRE . 1730. 2613
tres , & en reffentent de plus grands maux
dans l'ufage de la vie.
Puifqu'on ne fçauroit à prefent difconvenir
que la trifteffe & la langueur de
l'efprit, ne dérangent confidérablement la
fanté la plus affurée , & que la crainte &
l'apprehenfion de mourir n'occafionne de
nouveaux défordres dans un malade ;
n'a- t-on pas raifon de penfer que les malades
auroient moins de mal s'ils avoient
moins de peur ? In omni morbo mente valere
bonum eft , contrarium verò malum.
C'eft fur ce principe de la veritable
Médecine , où tout ce que l'avarice de
l'homme a de plus haïffable , & de plus
dangereux dans les moyens qu'elle offre
pour affouvir le défir de groffir fes richeffes
, n'a aucune part , que nous avons
prétendu faire voir :
Premierement , que les gens de notre profeffion
moins ambitieux des biens que jaloux
de leur honneur , doivent s'attirer
des malades de la confiance, plutôt par une
jufte réputation que par une effronterie
odieufe , qui ne peut tourner qu'à leur
confuſion & au malheur de ceux qui ne
diftinguant point le vrai mérite , apprennent
par leur mort violente , à des héritiers
à ne pas les fuivre dans leur funefte
choix .
Secondement , que
I. Vol.
dans les maladies férieu2614
MERCURE DE FRANCE
rieuſes , où les malades craignent fort
pour leur vie , la préfence fréquente ,
mais jamais importune , du Medecin de
confiance , eft plus falutaire qu'un grand
appareil de remedes .
3mt, Et qu'ainfi on ne doit pas faire dif
Aculté de bannir , de retrancher de la
Médecine un grand nombre de remedes ,
non feulement comme inutiles , mais encore
comme très - pernicieux , & le malade
fera guéri pour lors à moins de frais &
plus furement.
Enfin , qu'on n'a confulté , dans le def
fein de mettre au jour ce petit Ouvrage ,
que l'honneur de la profeffion , & le verible
bien des malades.
Par G B. Barrés , de Pezenas , Docteur
en Médecine, de la Faculté de Montpellier.
Fermer
Résumé : REFLEXIONS sur ces paroles d'Hippoctates, Aphorisme XXXIII. Section II. In omni morbo mente valere bonum est ; contrarium vero malum.
Le texte explore l'impact des émotions et des pensées sur la santé physique, en s'appuyant sur les réflexions d'Hippocrate. Il met en évidence l'importance de la santé mentale dans toute maladie et souligne que les troubles émotionnels peuvent aggraver l'état du patient. Les passions de l'âme, même mineures, peuvent provoquer des désordres corporels dangereux. La crainte ou l'appréhension de la mort est particulièrement néfaste pour les malades. Même les individus les plus intrépides ne sont pas à l'abri des troubles émotionnels lorsqu'ils sont gravement malades. Les médecins doivent donc prêter attention aux mouvements de l'âme, car ils influencent fortement la santé physique. Les maladies deviennent souvent sérieuses et intraitables en raison de la peur, de l'abattement, de la frayeur et du désespoir qui accompagnent les patients. La fermeté et le courage sont souvent plus efficaces que les remèdes spécifiques pour guérir les malades. Le texte illustre cela avec des exemples de mélancoliques hypocondriaques, dont les troubles sont souvent causés par l'imagination plutôt que par des causes physiques. Pour ces patients, les remèdes médicaux sont moins efficaces que les distractions et les activités physiques modérées. Le texte compare également le corps humain à une machine délicate, où divers facteurs internes et externes peuvent perturber son fonctionnement. Il conclut en soulignant l'importance de traiter à la fois le corps et l'esprit dans la pratique médicale. Le texte traite également des interactions entre l'esprit et le corps dans les maladies, mettant en garde contre les tourments excessifs infligés aux malades, qui peuvent les rendre désespérés. La tristesse et la peur perturbent la santé, et les malades souffriraient moins s'ils avaient moins peur. L'auteur critique l'avarice dans la médecine et prône une approche éthique. Les médecins doivent gagner la confiance des patients par leur réputation plutôt que par des méthodes odieuses. Dans les maladies graves, la présence fréquente mais non importune du médecin est plus bénéfique qu'un grand nombre de remèdes. Le texte recommande de bannir les remèdes inutiles et pernicieux pour soigner les malades de manière plus économique et efficace. L'objectif est de promouvoir l'honneur de la profession médicale et le bien-être des patients. L'auteur est G. B. Barrés, Docteur en Médecine de la Faculté de Montpellier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 2614-2616
A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
Début :
Illustre & cher ami, c'est aujourd'hui ta fête ; [...]
Mots clefs :
Ami, Amante, Coeur, Apollon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
A MONSIEUR M. D. M.
B O V QV E T.
I Lluftre & cher ami , c'eft aujourd'hui ta fête ;
Faudra - t - il feulement la chomer dans nos
coeurs ?
A célébrer ce jour il faut que je m'apprête ;
Mais je ne puis t'offrir que des vers ou des
Aeurs.
1. Vola L'Amante
DECEMBRE . 1730. 2615
L'Amante de Zéphire accorde à ma requête
Ce qu'elle a de plus beau dans fes jardins charmans
;
Aufſi -tôt Apollon m'arrête :
Pourquoi , dit - il , des fleurs laiffe - les aux
Amans ;
Leur éclat eft fujet à l'empire du temps ;
Mes Lauriers immortels doivent orner la tête,
Et des Héros & des Sçavans.
Grand Apollon que je révére ,
Plus que la Déité qu'on adore à Cythére
;
Inſpirez moi done en ce jour ,
Des Vers dignes de vous , & dignes de M.... our
As-tu fur le Parnaffe acquis affez de gloire ?
M'a répondu , le Dieu de l'Hélicon
Pour chanter dignement un nom ,
Que j'ai gravé moi-même au Temple de Mé
moire
Tes foins deviendroient fuperflus ;
Contente- toy d'admirer fes ouvrages ,
Ingénieux , galans & fages ;
Car enfin il n'eſt point de ces Sçavans en Us
Difcoureurs ennuyeux , & pédans infipides ,
Dont les Graces jamais n'éclairciffent les rides.
Il fait fouvent fa cour à Minerve , à Venus ,
Et dans l'un & dans l'autre empire
On le recherche , on le défire.
I. Vol. Les
2616 MERCURE DE FRANCE
Les Mufes mieux que toy publieront ſes vertus.
Ami , pour n'être téЛnéraire ,
Il faut donc en fecret te louer & me taire
Souffre au moins
efprit ,
que mon coeur acquitte mon
Et qu'il te rendre un légitime hommage ,
Un coeur fincere te fuffit .
Le mien du moins a l'avantage ,
De fentir toujours ce qu'il dit.
PONCY DE NEUVILLE.
B O V QV E T.
I Lluftre & cher ami , c'eft aujourd'hui ta fête ;
Faudra - t - il feulement la chomer dans nos
coeurs ?
A célébrer ce jour il faut que je m'apprête ;
Mais je ne puis t'offrir que des vers ou des
Aeurs.
1. Vola L'Amante
DECEMBRE . 1730. 2615
L'Amante de Zéphire accorde à ma requête
Ce qu'elle a de plus beau dans fes jardins charmans
;
Aufſi -tôt Apollon m'arrête :
Pourquoi , dit - il , des fleurs laiffe - les aux
Amans ;
Leur éclat eft fujet à l'empire du temps ;
Mes Lauriers immortels doivent orner la tête,
Et des Héros & des Sçavans.
Grand Apollon que je révére ,
Plus que la Déité qu'on adore à Cythére
;
Inſpirez moi done en ce jour ,
Des Vers dignes de vous , & dignes de M.... our
As-tu fur le Parnaffe acquis affez de gloire ?
M'a répondu , le Dieu de l'Hélicon
Pour chanter dignement un nom ,
Que j'ai gravé moi-même au Temple de Mé
moire
Tes foins deviendroient fuperflus ;
Contente- toy d'admirer fes ouvrages ,
Ingénieux , galans & fages ;
Car enfin il n'eſt point de ces Sçavans en Us
Difcoureurs ennuyeux , & pédans infipides ,
Dont les Graces jamais n'éclairciffent les rides.
Il fait fouvent fa cour à Minerve , à Venus ,
Et dans l'un & dans l'autre empire
On le recherche , on le défire.
I. Vol. Les
2616 MERCURE DE FRANCE
Les Mufes mieux que toy publieront ſes vertus.
Ami , pour n'être téЛnéraire ,
Il faut donc en fecret te louer & me taire
Souffre au moins
efprit ,
que mon coeur acquitte mon
Et qu'il te rendre un légitime hommage ,
Un coeur fincere te fuffit .
Le mien du moins a l'avantage ,
De fentir toujours ce qu'il dit.
PONCY DE NEUVILLE.
Fermer
Résumé : A MONSIEUR M. D. M. BOUQUET.
L'auteur adresse une lettre poétique à son ami M. D. M. pour célébrer sa fête. Incapable de lui offrir autre chose, il propose des vers ou des chants. Une amante et Apollon, le dieu des arts, lui suggèrent d'offrir des lauriers immortels plutôt que des fleurs éphémères. Apollon reconnaît la gloire de l'ami et ses qualités littéraires, le décrivant comme ingénieux, galant et sage, apprécié par Minerve et Vénus. L'auteur affirme que les Muses publieront mieux les vertus de son ami et préfère louer cet ami en secret, laissant son cœur exprimer sa sincérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 2616-2620
EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne sur le Journal de Paris sous les Regnes de Charles VI. & Charles VII.
Début :
Le Journal des évenemens arrivés à Paris sous les Regnes de Charles VI. [...]
Mots clefs :
Charles VI, Charles VII, Bourgogne, Histoire de France, Règne, Journal de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne sur le Journal de Paris sous les Regnes de Charles VI. & Charles VII.
EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne
fur le Journal de Paris fous les Regnes de
Charles VI. & Charles VII.
L
E Journal des évenemens arrivés d
Paris fous les Regnes de Charles VI.
& de Charles VII . qui a paru depuis quelques
mois , n'eft pas , Monfieur , de ces
monumens dans lefquels on doive envifager
le ftile. Il n'y a que les faits & les
ufages du fiecle auquel il a été écrit qu'on
puiffe y confiderer avec quelque fatisfaction.
Le langage , quoiqu'ancien , ne l'eft
pas afſez pour fournir beaucoup dequoi
profiter à ceux qui recherchent les origines
de notre Langue. Je ne difcon-
I. Vol.
viendrai
DECEMBRE. 1730. 2617
}
viendrai point cependant qu'on ne puiffe
y trouver dequoi faire encore des Remarques
importantes par rapport à la Langue
Françoile ; mais le principal fruit que je
recueille de la lecture de ces fortes de Mémoires
eft d'y apprendre les Coûtumes
de nos Peres. Il feroit à fouhaiter que
nous euffions un détail auffi ſpecifié des
Régnes précedens : combien ne fçaurions
nous pas de chofes fur lefquelles nous
n'ofons parler que d'une maniere trèsincertaine
?
Le morceau qui eft joint à ce Journal ,
& qui nous repréſente une lifte des Officiers
des Ducs de Bourgogne , étant tiré
de la Chambre des Comptes de Dijon,
eft un bel exemple qu'on donne aux Archiviftes
des autres Chambres des Comptes
& de pareils dépots pour les engager
à enrichir le public de ſemblables détails
qui tous réunis enſemble contribueroient
à former une Hiftoire de France parfaite,
ou au moins plus circonftanciée qu'on
ne l'a cue encore jufqu'ici . C'eft une obligation
infigne que la Bourgogne a à l'Editeur
,d'avoir non-feulement rendu publique
cette lifte , mais encore de l'avoir augmentée
de Notes curieufes & très- inftructives
, & on lui feroit encore plus redevable
s'il en eut fait autant par rapport
au Journal de Paris.
1. Vol.
2618 MERCURE DE FRANCE
Si cet Editeur n'étoit pas décedé dans
le tems de l'impreffion de fon Ouvrage
on auroit pris la liberté de lui demander
quelques éclairciffemens fur certains endroits
de ce Journal , & il auroit pû nous
fatisfaire , en recourant à fon original ou
à celui fur lequel fon Manufcrit a été rédigé.
Un des endroits qui paroiffent exiger
quelque correction eft dans l'un des
Item de la page 200. à l'an 1444. on y
lit ce qui fuit : Item , en icelui tems vint
ung jeune Cordelier à Paris de la nation de
Troyes en Champagne ou d'environ , petit
homme trés-doux regard , & avoit un nommé
Jehan Crete , aagé de vingt & ung an
on environ , lequel fut tenu à ung
leurs prefcheurs qui oncques eut été à Paris
depuis cent ans. On diroit à ce langage
le Cordelier & Jehan Crete feroient
que
des meil
deux perfonnages differens ; cependant
il y a toute apparence que c'eft le même,
& le fens du Difcours paroît demander
que
cela foit ainsi , enforte qu'au lieu de
dire & avoit un nommé Jehan Crete , il
faut fans doute lire & avoit nom Jehan
Crete , ou bien & étoit nommé Jehan Crete.
Je me fuis fouvenu en lifant cet Article
du Journal que j'avois vû ce nom dans
un des Comptes de notre Ville parmi
les langues difertes du quinziéme fiecle ,
& en effet j'y ai trouvé cet éclairciffement
1. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2619
tons ,
dans le compte de Jean Vivien , à l'an
1452. au 27. Juin. A Frere Jehan Crete ,
Frere Mineur , Docteur en Théologie , cent
dix fols , pour ce qu'il a fejourné à Auxerre
quinze jours , durant lequel tems il a chacun
jour prefchié & fermoné pour toujours induire
le peuple à bien faire. Il n'y a point d'accent
fur les voyeles de fon nom , parcequ'alors
l'ufage n'étoit pas d'en mettre ;
mais il y a lieu de croire que ce nom devoit
être terminé par un é accentué , comme
on le prononce encore dans nos Cand'où
probablement ce Cordelier
étoit natif , c'est- à - dire d'entre Troyes &
Auxerre. Je ne m'arrête point à vous faire
remarquer que dans la Table de l'Edition
de ce Journal ce Religieux eft appellé
Jehan de Crete ; le de eft de la pure
liberalité de la perfonne qui a compofé
cette Table , & perfonne n'ambitionne
de fe dire originaire , encore moins natif
d'une Ifle que l'Apôtre a fi bien caracterifée
après les Auteurs Payens. Ceci , au
refte , n'eft qu'une minutie que vous ne
communiquerez qu'autant que vous le
jugerez à propos à celui qui a fuccedé à
l'Editeur du Livre dans la conduite de
l'impreffion .
Je n'acheve point la teneur de l'Article
dans lequel parmi les preuves de réminent
fçavoir de ce Francifcain , il eft
I. Vol.
dit
2620 MERCURE DE FRANCE
dit qu'il poffedoit toute la Legende dorée.
C'étoit alors le Livre favori , & on pouvoit
en débiter les fables fans crainte d'ê
tre critiqué. Heureux le fiecle où l'on
nous a appris à revenir de toutes ces fimplicités
; vous fçavez que c'eſt l'immenfe
travail commencé par le Pere Papebroch ,
Jefuite, & continué par d'autres Ecrivains
de fa Compagnie , qui a mis tous les Sçavans
en train de dérouiller les Legendes
qui avoient befoin de l'être , & de purger
les Hiftoires des Saints de quantité de
traits inventés à plaifir , & ajoûtés après
coup. &c.
Ce 21. Decembre 1729 .
fur le Journal de Paris fous les Regnes de
Charles VI. & Charles VII.
L
E Journal des évenemens arrivés d
Paris fous les Regnes de Charles VI.
& de Charles VII . qui a paru depuis quelques
mois , n'eft pas , Monfieur , de ces
monumens dans lefquels on doive envifager
le ftile. Il n'y a que les faits & les
ufages du fiecle auquel il a été écrit qu'on
puiffe y confiderer avec quelque fatisfaction.
Le langage , quoiqu'ancien , ne l'eft
pas afſez pour fournir beaucoup dequoi
profiter à ceux qui recherchent les origines
de notre Langue. Je ne difcon-
I. Vol.
viendrai
DECEMBRE. 1730. 2617
}
viendrai point cependant qu'on ne puiffe
y trouver dequoi faire encore des Remarques
importantes par rapport à la Langue
Françoile ; mais le principal fruit que je
recueille de la lecture de ces fortes de Mémoires
eft d'y apprendre les Coûtumes
de nos Peres. Il feroit à fouhaiter que
nous euffions un détail auffi ſpecifié des
Régnes précedens : combien ne fçaurions
nous pas de chofes fur lefquelles nous
n'ofons parler que d'une maniere trèsincertaine
?
Le morceau qui eft joint à ce Journal ,
& qui nous repréſente une lifte des Officiers
des Ducs de Bourgogne , étant tiré
de la Chambre des Comptes de Dijon,
eft un bel exemple qu'on donne aux Archiviftes
des autres Chambres des Comptes
& de pareils dépots pour les engager
à enrichir le public de ſemblables détails
qui tous réunis enſemble contribueroient
à former une Hiftoire de France parfaite,
ou au moins plus circonftanciée qu'on
ne l'a cue encore jufqu'ici . C'eft une obligation
infigne que la Bourgogne a à l'Editeur
,d'avoir non-feulement rendu publique
cette lifte , mais encore de l'avoir augmentée
de Notes curieufes & très- inftructives
, & on lui feroit encore plus redevable
s'il en eut fait autant par rapport
au Journal de Paris.
1. Vol.
2618 MERCURE DE FRANCE
Si cet Editeur n'étoit pas décedé dans
le tems de l'impreffion de fon Ouvrage
on auroit pris la liberté de lui demander
quelques éclairciffemens fur certains endroits
de ce Journal , & il auroit pû nous
fatisfaire , en recourant à fon original ou
à celui fur lequel fon Manufcrit a été rédigé.
Un des endroits qui paroiffent exiger
quelque correction eft dans l'un des
Item de la page 200. à l'an 1444. on y
lit ce qui fuit : Item , en icelui tems vint
ung jeune Cordelier à Paris de la nation de
Troyes en Champagne ou d'environ , petit
homme trés-doux regard , & avoit un nommé
Jehan Crete , aagé de vingt & ung an
on environ , lequel fut tenu à ung
leurs prefcheurs qui oncques eut été à Paris
depuis cent ans. On diroit à ce langage
le Cordelier & Jehan Crete feroient
que
des meil
deux perfonnages differens ; cependant
il y a toute apparence que c'eft le même,
& le fens du Difcours paroît demander
que
cela foit ainsi , enforte qu'au lieu de
dire & avoit un nommé Jehan Crete , il
faut fans doute lire & avoit nom Jehan
Crete , ou bien & étoit nommé Jehan Crete.
Je me fuis fouvenu en lifant cet Article
du Journal que j'avois vû ce nom dans
un des Comptes de notre Ville parmi
les langues difertes du quinziéme fiecle ,
& en effet j'y ai trouvé cet éclairciffement
1. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2619
tons ,
dans le compte de Jean Vivien , à l'an
1452. au 27. Juin. A Frere Jehan Crete ,
Frere Mineur , Docteur en Théologie , cent
dix fols , pour ce qu'il a fejourné à Auxerre
quinze jours , durant lequel tems il a chacun
jour prefchié & fermoné pour toujours induire
le peuple à bien faire. Il n'y a point d'accent
fur les voyeles de fon nom , parcequ'alors
l'ufage n'étoit pas d'en mettre ;
mais il y a lieu de croire que ce nom devoit
être terminé par un é accentué , comme
on le prononce encore dans nos Cand'où
probablement ce Cordelier
étoit natif , c'est- à - dire d'entre Troyes &
Auxerre. Je ne m'arrête point à vous faire
remarquer que dans la Table de l'Edition
de ce Journal ce Religieux eft appellé
Jehan de Crete ; le de eft de la pure
liberalité de la perfonne qui a compofé
cette Table , & perfonne n'ambitionne
de fe dire originaire , encore moins natif
d'une Ifle que l'Apôtre a fi bien caracterifée
après les Auteurs Payens. Ceci , au
refte , n'eft qu'une minutie que vous ne
communiquerez qu'autant que vous le
jugerez à propos à celui qui a fuccedé à
l'Editeur du Livre dans la conduite de
l'impreffion .
Je n'acheve point la teneur de l'Article
dans lequel parmi les preuves de réminent
fçavoir de ce Francifcain , il eft
I. Vol.
dit
2620 MERCURE DE FRANCE
dit qu'il poffedoit toute la Legende dorée.
C'étoit alors le Livre favori , & on pouvoit
en débiter les fables fans crainte d'ê
tre critiqué. Heureux le fiecle où l'on
nous a appris à revenir de toutes ces fimplicités
; vous fçavez que c'eſt l'immenfe
travail commencé par le Pere Papebroch ,
Jefuite, & continué par d'autres Ecrivains
de fa Compagnie , qui a mis tous les Sçavans
en train de dérouiller les Legendes
qui avoient befoin de l'être , & de purger
les Hiftoires des Saints de quantité de
traits inventés à plaifir , & ajoûtés après
coup. &c.
Ce 21. Decembre 1729 .
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne sur le Journal de Paris sous les Regnes de Charles VI. & Charles VII.
L'auteur d'une lettre discute du 'Journal des évenemens arrivés à Paris sous les Regnes de Charles VI et de Charles VII'. Il souligne que ce journal, bien qu'il ne soit pas un monument littéraire, offre des faits et des usages du siècle auquel il a été écrit. Le langage ancien, bien que limité pour l'étude des origines de la langue française, permet de comprendre les coutumes des ancêtres. L'auteur regrette l'absence de détails similaires pour les règnes précédents, ce qui laisse de nombreuses incertitudes. Le journal inclut une liste des officiers des Ducs de Bourgogne, tirée de la Chambre des Comptes de Dijon. Cette liste sert d'exemple pour encourager d'autres archivistes à publier des détails similaires, contribuant ainsi à une histoire de France plus complète et circonstanciée. L'éditeur est loué pour avoir enrichi cette liste de notes curieuses et instructives. L'auteur mentionne un passage du journal nécessitant une correction, concernant un jeune Cordelier nommé Jehan Crete. Il trouve des éclaircissements dans les comptes de la ville, confirmant l'existence de ce religieux. Le texte discute également de l'usage des accents et de l'origine probable de Jehan Crete. Enfin, l'auteur note que le franciscain possédait 'La Légende dorée', un livre populaire à l'époque. Il mentionne également les efforts des écrivains pour purifier les histoires des saints des traits inventés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 2620-2621
VERS A M. de Fontenelle.
Début :
O Vous qui sçavez tout, modeste Fontenelle, [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Savant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS A M. de Fontenelle.
VERS
A M. de Fontenelle.
Vous qui fçavez tout , modefte Fontenelle
Vous qui poffedez tous les tons
> De qui la veine ou la cervelle
Quand il vous plaît , égale celle
Des Virgiles ou des Newtons ,
Vous ignorez peut - être un trait à votre hiftoire.
Je voudrois vous le reciter ,
Et par bonheur je n'ai besoin que de mémoire ,
I. Vol.
Car
DECE MBRE. 1730. 262
Car je ne dois que répeter :
Tout au plus j'y fournis la rime ,
Mais pas le moindre coup de lime.
Certain Sçavant du Nord, à la grande Cité,
Uniquement pour vous entreprit un voyage ;
Vous avez maintes fois reçû pareil hommage ,
Sans en tirer de vanité ;
Auffi n'eft- ce pas la nouvelle
Que je veux vous apprendre ici ;
Mais de grace écoutez ceci.
Il arrive à Paris . Où loge Fontenelle ?
Dit- il , dès la Barriere au Commis qui l'ouvroit
Le Commis n'en fçait rien ; le Sçavant le qued
relle :
Surpris il croit qu'on le lui céle ,
Et penfoit qu'à Paris aucun ne l'ignoroit,
Voilà le fait tel qu'on l'a dit
Devant un Prince ( a ) en qui l'efprit ,
Heureux préfent de la Nature ,
Couronne mille autres beaux dons ;
11 dit de l'étranger qu'étonna l'avanture :
*Il nous louoit bien plus que nous ne méritons,
S. A. S. M. le Comte de Clermont,
A M. de Fontenelle.
Vous qui fçavez tout , modefte Fontenelle
Vous qui poffedez tous les tons
> De qui la veine ou la cervelle
Quand il vous plaît , égale celle
Des Virgiles ou des Newtons ,
Vous ignorez peut - être un trait à votre hiftoire.
Je voudrois vous le reciter ,
Et par bonheur je n'ai besoin que de mémoire ,
I. Vol.
Car
DECE MBRE. 1730. 262
Car je ne dois que répeter :
Tout au plus j'y fournis la rime ,
Mais pas le moindre coup de lime.
Certain Sçavant du Nord, à la grande Cité,
Uniquement pour vous entreprit un voyage ;
Vous avez maintes fois reçû pareil hommage ,
Sans en tirer de vanité ;
Auffi n'eft- ce pas la nouvelle
Que je veux vous apprendre ici ;
Mais de grace écoutez ceci.
Il arrive à Paris . Où loge Fontenelle ?
Dit- il , dès la Barriere au Commis qui l'ouvroit
Le Commis n'en fçait rien ; le Sçavant le qued
relle :
Surpris il croit qu'on le lui céle ,
Et penfoit qu'à Paris aucun ne l'ignoroit,
Voilà le fait tel qu'on l'a dit
Devant un Prince ( a ) en qui l'efprit ,
Heureux préfent de la Nature ,
Couronne mille autres beaux dons ;
11 dit de l'étranger qu'étonna l'avanture :
*Il nous louoit bien plus que nous ne méritons,
S. A. S. M. le Comte de Clermont,
Fermer
Résumé : VERS A M. de Fontenelle.
La lettre poétique est adressée à M. de Fontenelle, reconnu pour ses talents littéraires et scientifiques, comparables à ceux de Virgile et Newton. L'auteur évoque un événement survenu en décembre 1730, où un savant du Nord se rend à Paris pour rencontrer Fontenelle. À son arrivée, le savant demande à un commis où loge Fontenelle, mais le commis ignore la réponse. Surpris, le savant pense qu'on se moque de lui, croyant que tout le monde à Paris connaît Fontenelle. Cet épisode est relaté devant le Comte de Clermont, qui commente que le savant étranger loue Fontenelle plus que ce dernier ne le mérite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 2622
LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
Début :
La prédilection, Monsieur, que j'ai toujours euë pour l'Ode du second [...]
Mots clefs :
Traduction, Horace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
LETTRE écrite d'Aix le 30 .
Septembre 1730.
A prédilection , Monfieur , que j'ai
Ltoujours eue pour l'Ode du fecond euë
Livre d'Horace , qui commence par ces
mots Ehen ! fugaces & c. m'a fait lire avec
plaifir dans votre Mercure du mois de
Mars dernier l'Imitation qu'en a faite
M. Moreau de Mantour ; j'écrivis là- deffus
à M.le Marquis d'Eftrozzi de Margon,
avec lequel je fuis en relation de Belles-
Lettres depuis quelque- tems , pour fçavoir
fon fentiment fur cette Traduction,
le priant en même - tems d'avoir la complaifance
de m'en envoyer une de fa façon
en Vers François : la voici ; il fera
peut-être fâché que je la rende publique;
mais fi elle eft digne de votre approbation
, & d'être mife dans votre Mercure;
votre fuffrage me fera un motif fuffifant
calmer fon mécontentement envers
pour
moi . J'ai l'honneur d'être très parfaite
ment &c.
C. D. R.
Septembre 1730.
A prédilection , Monfieur , que j'ai
Ltoujours eue pour l'Ode du fecond euë
Livre d'Horace , qui commence par ces
mots Ehen ! fugaces & c. m'a fait lire avec
plaifir dans votre Mercure du mois de
Mars dernier l'Imitation qu'en a faite
M. Moreau de Mantour ; j'écrivis là- deffus
à M.le Marquis d'Eftrozzi de Margon,
avec lequel je fuis en relation de Belles-
Lettres depuis quelque- tems , pour fçavoir
fon fentiment fur cette Traduction,
le priant en même - tems d'avoir la complaifance
de m'en envoyer une de fa façon
en Vers François : la voici ; il fera
peut-être fâché que je la rende publique;
mais fi elle eft digne de votre approbation
, & d'être mife dans votre Mercure;
votre fuffrage me fera un motif fuffifant
calmer fon mécontentement envers
pour
moi . J'ai l'honneur d'être très parfaite
ment &c.
C. D. R.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
Le 30 septembre 1730, l'auteur admire l'Ode II, 15 d'Horace et son imitation par Moreau de Mantour. Il sollicite l'avis du Marquis d'Eftrozzi de Margon sur cette traduction et lui demande sa propre version en vers français. L'auteur espère que l'approbation du destinataire apaisera le Marquis, potentiellement mécontent de la publication.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 2623-2624
TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
Début :
Le tems fuit, l'âge nous presse, [...]
Mots clefs :
Horace, Vins
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
TRADUCTION
D'une Ode d'Horace :
Eheu ! fugaces , pofthume , pofthume
Labuntur anni & c.
LEE tems fuit , l'âge nous preffe
Il s'écoule à tout moment ;
A la mort , à la vieilleffe
On court fans retardement.
Qu'à Pluton on facrifie
Trois cent victimes par jour ;
Pour Geryon , pour Titye ,
Pour tous il eſt ſans retour.
Tout ce qui vit & reſpire ,
Riches , Pauvres , Bergers , Rois ,
Vers fon tenebreux Empire
Doit naviger une fois.
C'eſt en vain qu'on fuit Bellone }
Le Dieu des Mers irrité ,
Et qu'on craint le vent d'Automne
Si nuifible à la fanté.
Il faut voir le noir Cocite ,
Le cours errant de feseaux ,
I, Vol. Dij
Do
2624 MERCURE DE FRANCE
Des Soeurs la race maudite ,
De Sifyphe les travaux .
On perd tout fur cette rive ,
Femme , maiſons , quels regrets !
Des Arbres que l'on cultive
Rien ne fuit que le cyprès.
Nos heritiers feront gloire
De diffiper tous nos vins ,
Ces vins qu'on ne devoit boire
Que dans les plus grands feftins.
D'une Ode d'Horace :
Eheu ! fugaces , pofthume , pofthume
Labuntur anni & c.
LEE tems fuit , l'âge nous preffe
Il s'écoule à tout moment ;
A la mort , à la vieilleffe
On court fans retardement.
Qu'à Pluton on facrifie
Trois cent victimes par jour ;
Pour Geryon , pour Titye ,
Pour tous il eſt ſans retour.
Tout ce qui vit & reſpire ,
Riches , Pauvres , Bergers , Rois ,
Vers fon tenebreux Empire
Doit naviger une fois.
C'eſt en vain qu'on fuit Bellone }
Le Dieu des Mers irrité ,
Et qu'on craint le vent d'Automne
Si nuifible à la fanté.
Il faut voir le noir Cocite ,
Le cours errant de feseaux ,
I, Vol. Dij
Do
2624 MERCURE DE FRANCE
Des Soeurs la race maudite ,
De Sifyphe les travaux .
On perd tout fur cette rive ,
Femme , maiſons , quels regrets !
Des Arbres que l'on cultive
Rien ne fuit que le cyprès.
Nos heritiers feront gloire
De diffiper tous nos vins ,
Ces vins qu'on ne devoit boire
Que dans les plus grands feftins.
Fermer
Résumé : TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
L'ode d'Horace médite sur la fugacité du temps et l'inévitabilité de la mort. Chaque jour, des victimes sont sacrifiées à Pluton, symbolisant la mort inéluctable pour tous, riches ou pauvres. La mort est inévitable, même en fuyant les dangers. Les damnés, comme Sisyphé, souffrent dans l'au-delà. Sur terre, on perd tout, y compris les biens matériels et les êtres chers. Les héritiers dilapident les biens accumulés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 2624-2628
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, au sujet des anciens Réglemens sur les habits & sur la dépense de bouche, dont il est fait mention dans le Mercure de Septembre 1730.
Début :
Le Public doit vous sçavoir gré, Messieurs, de ce qu'à l'occasion des [...]
Mots clefs :
Règlement, Henri II, Charles IX, Luxe, Habits, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, au sujet des anciens Réglemens sur les habits & sur la dépense de bouche, dont il est fait mention dans le Mercure de Septembre 1730.
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure
, au fujet des anciens Réglemens fur
les habits & fur la dépense de bouche
dont il eft fait mention dans le Mercure
de Septembre 1730,
E Public doit vous fçavoir gré
Meffieurs , de ce qu'à l'occafion des
modes actuellement en ufage dans les
habillemens , vous lui faites part des Reglemens
quefirent autrefois les Rois Henri
II. & Charles IX. pour reprimer le
luxe qui regnoit de leur tems , & pour
empêcher que les conditions & differens
I. Vol,
Etats
DECEMBRE. 1736. 2623
Etats ne fuflent confondus ; ce font des
Ordonnances qui ne fçauroient être trop
connues dans notre fiecle. En paffant
yous déclarez affez votre fentiment fur
les paniers des Dames , & vous l'aviez
déja fait en 1728. mais le petit coup que
vous leur donnez ne fera jamais capable
de les faire tomber . Il en fera comme de
ces eaux qui s'enflent à mesure qu'on les
frappe peut-être auffi qu'à force de s'enfler
il leur arrivera la même choſe qu'à
la Grenouille de la Fable ; il n'en faut
pas tout à fait defefperer.
On voit une infinité d'anciennes repréfentations
de Dames & de Demoiselles
aux vitrages des Eglifes & dans les Tapifferies
gothiques de deux à trois censt
ans ; mais je ne crois pas qu'il s'y en tronve
aucune habillée de la maniere dont eft
celle que vous avez fait graver . Une chofe
qui doit embaraffer ceux qui écrivent
en Latin l'Hiftoire des François & de
leurs ufages , eft le terme qu'ils employeront
pour fignifier cette forte d'habillement.
En vain le chercheroient- ils dans
les Ecrivains du fiecle d'Augufte. Je le
leur donne même à choisir parmi les quatre
cent mots ou environ que le Gloffaire
de la moyenne & bafle Latinité
rapporte à l'article de re veftiaria ; on
croit quelquefois avoir trouvé le mot
D iij fpe- 1. Vol
2626 MERCURE DE FRANCE
Specifique , & lorfque l'on a recours au
paffage d'où il eft tiré , on découvre que
ce qu'on prenoit pour un habit de femme
eft un habit d'homme . C'est ce que
j'ai reconnu au mot jupa qui m'avoit
frappé. En effet plufieurs perfonnes foutiennent
que les habits des hommes ont
été autrefois bien plus variés , plus amples
& plus fuperbes qu'ils ne font communément
, & que le luxe n'eft refté que
dans ceux des femmes. Permettez encore
M M. qu'à l'occafion de ce Catalogue
des anciens habits je vous dife ce qui m'eft
venu en penſée ; il ne feroit peut - être
pas inutile qu'à mesure que vous ferez
préfent au Public d'une nouvelle Eftampe
des modes courantes , quelqu'un d'entre
vous y ajoutât,pour la fatisfaction de ceux
qui font plus curieux des chofes paffées
que des prefentes , un petit éclairciffement
fur ces anciens habillemens ; la matiere
pourroit quelquefois réjouir les efprits
les plus mélancoliques . Pour moi ,
qui ne fuis pas moins curieux de connoître
les Reglemens qui ont été faits
pour moderer la dépenfe de la table que
ceux qui répriment le luxe des habits ou
qui en aboliffent certaines formes , je
fouhaiterois auffi très fort en voir une
compilation imprimée au bout de notre
Apicius François , ce feroit là fa place
I. Vol. naturelle
DECEMBRE . 1730. 2627
naturelle ; vous comprenez de quel Livre
je veux parler. Ce qui a irrité ma curio
fité fur cet article c'eft la lecture que je
viens de faire par hazard d'une Ordonnance
du Roi Philippe le Hardi de l'an
279. émanée à Paris dans fon Lit de
Juſtice , & rapportée en ces termes par
la Chronique de Rouen donnée par le
Pere Labbe : Statutum fuit in Parlamento
Parifiis à Domino Rege Philippo , & ejus
Baronibus , quod nullus poffit dare in fuo
convivio cum potagio præter duo fercula cum
quodam interferculo : & fuit poena appofita
contra omnes fuper hoc delinquentes. Voilà
un Reglement pour tous les Sujets du
Roi , défenſe d'avoir avec le potage au
delà de deux plats , avec un plat d'entremets.
La même défenſe fut réïterée
aux Gens d'Eglife dans un Concile de
Rheims au bout de quelques années ,
encore n'y eft il point fait mention d'entremets
: Statuimus , dit le Canon 5. de
ce Concile tenu en 1304. ut omnes &fingala
perfona Ecclefiaftica Remenfis Provin
cia in fingulis conviviis fint contente potagio
& duobus ferculis , nifi magnitudo perfonarumfupervenientium
aliud requirat. J'ai
traduit le mot ferculum par celui de plat ,
& je ne crois pas qu'on puiffe l'entendre
autrement , parceque s'il falloit rendre
mot par celui de fervice , le Roi ni le
I. Vol. D iiij Conr
2628 MERCURE DE FRANCE
Concile n'auroient pas impofé une grande
mortification en ordonnant de fe contenter
de trois fervices dans chaque repas,
puifqu'à chacun des trois fervices on peut
mettre cinq , fix , dix , douze , quinze
& vingt plats differens. Je fuis & c.
**
V
LA
Ce 13. Novembre 1730.
, au fujet des anciens Réglemens fur
les habits & fur la dépense de bouche
dont il eft fait mention dans le Mercure
de Septembre 1730,
E Public doit vous fçavoir gré
Meffieurs , de ce qu'à l'occafion des
modes actuellement en ufage dans les
habillemens , vous lui faites part des Reglemens
quefirent autrefois les Rois Henri
II. & Charles IX. pour reprimer le
luxe qui regnoit de leur tems , & pour
empêcher que les conditions & differens
I. Vol,
Etats
DECEMBRE. 1736. 2623
Etats ne fuflent confondus ; ce font des
Ordonnances qui ne fçauroient être trop
connues dans notre fiecle. En paffant
yous déclarez affez votre fentiment fur
les paniers des Dames , & vous l'aviez
déja fait en 1728. mais le petit coup que
vous leur donnez ne fera jamais capable
de les faire tomber . Il en fera comme de
ces eaux qui s'enflent à mesure qu'on les
frappe peut-être auffi qu'à force de s'enfler
il leur arrivera la même choſe qu'à
la Grenouille de la Fable ; il n'en faut
pas tout à fait defefperer.
On voit une infinité d'anciennes repréfentations
de Dames & de Demoiselles
aux vitrages des Eglifes & dans les Tapifferies
gothiques de deux à trois censt
ans ; mais je ne crois pas qu'il s'y en tronve
aucune habillée de la maniere dont eft
celle que vous avez fait graver . Une chofe
qui doit embaraffer ceux qui écrivent
en Latin l'Hiftoire des François & de
leurs ufages , eft le terme qu'ils employeront
pour fignifier cette forte d'habillement.
En vain le chercheroient- ils dans
les Ecrivains du fiecle d'Augufte. Je le
leur donne même à choisir parmi les quatre
cent mots ou environ que le Gloffaire
de la moyenne & bafle Latinité
rapporte à l'article de re veftiaria ; on
croit quelquefois avoir trouvé le mot
D iij fpe- 1. Vol
2626 MERCURE DE FRANCE
Specifique , & lorfque l'on a recours au
paffage d'où il eft tiré , on découvre que
ce qu'on prenoit pour un habit de femme
eft un habit d'homme . C'est ce que
j'ai reconnu au mot jupa qui m'avoit
frappé. En effet plufieurs perfonnes foutiennent
que les habits des hommes ont
été autrefois bien plus variés , plus amples
& plus fuperbes qu'ils ne font communément
, & que le luxe n'eft refté que
dans ceux des femmes. Permettez encore
M M. qu'à l'occafion de ce Catalogue
des anciens habits je vous dife ce qui m'eft
venu en penſée ; il ne feroit peut - être
pas inutile qu'à mesure que vous ferez
préfent au Public d'une nouvelle Eftampe
des modes courantes , quelqu'un d'entre
vous y ajoutât,pour la fatisfaction de ceux
qui font plus curieux des chofes paffées
que des prefentes , un petit éclairciffement
fur ces anciens habillemens ; la matiere
pourroit quelquefois réjouir les efprits
les plus mélancoliques . Pour moi ,
qui ne fuis pas moins curieux de connoître
les Reglemens qui ont été faits
pour moderer la dépenfe de la table que
ceux qui répriment le luxe des habits ou
qui en aboliffent certaines formes , je
fouhaiterois auffi très fort en voir une
compilation imprimée au bout de notre
Apicius François , ce feroit là fa place
I. Vol. naturelle
DECEMBRE . 1730. 2627
naturelle ; vous comprenez de quel Livre
je veux parler. Ce qui a irrité ma curio
fité fur cet article c'eft la lecture que je
viens de faire par hazard d'une Ordonnance
du Roi Philippe le Hardi de l'an
279. émanée à Paris dans fon Lit de
Juſtice , & rapportée en ces termes par
la Chronique de Rouen donnée par le
Pere Labbe : Statutum fuit in Parlamento
Parifiis à Domino Rege Philippo , & ejus
Baronibus , quod nullus poffit dare in fuo
convivio cum potagio præter duo fercula cum
quodam interferculo : & fuit poena appofita
contra omnes fuper hoc delinquentes. Voilà
un Reglement pour tous les Sujets du
Roi , défenſe d'avoir avec le potage au
delà de deux plats , avec un plat d'entremets.
La même défenſe fut réïterée
aux Gens d'Eglife dans un Concile de
Rheims au bout de quelques années ,
encore n'y eft il point fait mention d'entremets
: Statuimus , dit le Canon 5. de
ce Concile tenu en 1304. ut omnes &fingala
perfona Ecclefiaftica Remenfis Provin
cia in fingulis conviviis fint contente potagio
& duobus ferculis , nifi magnitudo perfonarumfupervenientium
aliud requirat. J'ai
traduit le mot ferculum par celui de plat ,
& je ne crois pas qu'on puiffe l'entendre
autrement , parceque s'il falloit rendre
mot par celui de fervice , le Roi ni le
I. Vol. D iiij Conr
2628 MERCURE DE FRANCE
Concile n'auroient pas impofé une grande
mortification en ordonnant de fe contenter
de trois fervices dans chaque repas,
puifqu'à chacun des trois fervices on peut
mettre cinq , fix , dix , douze , quinze
& vingt plats differens. Je fuis & c.
**
V
LA
Ce 13. Novembre 1730.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure, au sujet des anciens Réglemens sur les habits & sur la dépense de bouche, dont il est fait mention dans le Mercure de Septembre 1730.
Dans une lettre datée de décembre 1736, adressée aux auteurs du Mercure, l'auteur exprime sa gratitude pour la publication des anciens règlements des rois Henri II et Charles IX, visant à réprimer le luxe vestimentaire et à maintenir la distinction entre les classes sociales. L'auteur commente les paniers portés par les dames, estimant que les critiques ne suffiront pas à les faire disparaître. Il mentionne des représentations anciennes de femmes dans les vitraux et les tapisseries, soulignant la difficulté de trouver un terme latin approprié pour décrire les habits modernes des femmes. L'auteur observe que les habits masculins étaient autrefois plus variés et luxueux. Il suggère aux auteurs du Mercure d'enrichir leurs publications en ajoutant des éclaircissements sur les anciens habits. Il manifeste également un intérêt pour les règlements concernant la dépense de bouche, citant une ordonnance de Philippe le Hardi en 1279 qui limitait les plats servis lors des repas. Une défense similaire fut réitérée lors d'un concile de Reims en 1304 pour les personnes ecclésiastiques. L'auteur traduit le terme 'ferculum' par 'plat' et estime que cette restriction n'imposait pas une grande mortification.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 2628-2631
LA JEUNESSE. ODE.
Début :
Vers le Parnasse un doux penchant m'entraîne ; [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. ODE.
LA
Ce 13. Novembre 1730.
XXXX* X *XX***
JEUNESSE,
O D E.
Ers le Parnaffe un doux penchant m'en
traîne ;
Mon coeur brule d'un feu nouveau ;
Apollon vient m'ouvrir la veine :
Pour feconder un feu fi beau ,
Je ne demande point cet efprit emphatique
Ces mots dont font enflez mille ouvrages divers,
Je ne veux qu'être véridique ;
C'eſt un rare agrément dans un faifeur de vers.
O mortels ! apprenez le fujet qui m'inſpire ;
Un feul , digne de moy , vient s'offrir à mes
yeux :
C'est la Jeuneffe ; ſon délire ,
Pour exercer ma mufe en un champ ſpacieux ;
1. Vola
J'entre
DECEMBRE . 1730. 2629
J'entreprens de prouver , jeuneffe trop aimables
Que tes plus finceres faveurs
Deviennent pour nous tous une fource effroya
ble ,
Des plus affreux malheurs,
Quelle eft cette mer orageufe ,
Qui fe prefente à mes regards ?
Les flots d'une onde impetueufe
M'environnent de toutes parts.
Ciel ! par
même ,
où me ſauver ? ... je me livre moi
Aux périls les plus éminens'::
'Ainfi pour les humains c'eſt une loy fuprême ,
Qu'ils foient de tous leurs maux les premiers
inftrumens..
Cette mer agitée eſt l'état où nous ſommes
Quand les vices en foule affailliffent nos coeurs
Les paffions font pour les hommes ,
Ce que les flots font pour les voyageurs.
En fuyant les Rochers , celebres en nauffrages ,
Le Voyageur fouvent évite le trépas ;
L'homme , au contraire , obéit à l'orage ,
Et parmi les écueils précipite fes pas.
Ce n'eft point l'enfance timide
Que je décrie en mes difcours ;;
Ir Volu Dy Cif
2630 MERCURE DE FRANCE
C'eft la jeuneffe qui pour guide
'Aime les paffions qui la flattent toujours ,
Qui dans une molleffe entiere
Laiffant couler le temps qui fuit ',
Trouve le repentir au bout de la carriere :
Du temps perdu , c'eft tout le fruit .
L'homme mene d'abord une vie innocente ;
L'enfance dans fon coeur n'excite aucuns défirs
L'âge fait naître en lui cette ardeur pétulante ,
Qui l'entraîne vers les plaifirs :
La vieilleffe paroît, les jeux prennent la fuite,
A ces mêmes plaiſirs il ſe voit arraché ,
Et fouffre avec regret que le peché le quitte ,
Ne pouvant le réfoudre à quitter le peché.
A d'auffi grands dangers l'expofe le jeune
âge ,
Venus s'empare de fon coeur ,
Le conduit à fa perte ; un honteux efclavage ,
Souvent devient pour lui le comble du malheur
Et comment pourroit - il éviter les difgraces,
Qui font le prix de fes emportemens ,
Puifque du vice il fuit les traces
Il en doit éprouver les juftes châtimens.
O toy , dont on chérit l'aimable joüiffance r
Toy, dont on vante les douceurs !
I. Vol.
Jeuneffe
DECEMBRE. 1730. 2631
Jeuneffe , je veux mettre en la même balance ,
Tes défagrémens , tes faveurs.
Mais que vois-je ..... les maux dont tu nous
rends la proye ,
Surpaffent de beaucoup tes plus charmans at
traits :
Ah ! que ne pouvons-nous te poffeder fans
joye ,
Pour épargner un jour d'inutiles regrets.
P...
Ce 13. Novembre 1730.
XXXX* X *XX***
JEUNESSE,
O D E.
Ers le Parnaffe un doux penchant m'en
traîne ;
Mon coeur brule d'un feu nouveau ;
Apollon vient m'ouvrir la veine :
Pour feconder un feu fi beau ,
Je ne demande point cet efprit emphatique
Ces mots dont font enflez mille ouvrages divers,
Je ne veux qu'être véridique ;
C'eſt un rare agrément dans un faifeur de vers.
O mortels ! apprenez le fujet qui m'inſpire ;
Un feul , digne de moy , vient s'offrir à mes
yeux :
C'est la Jeuneffe ; ſon délire ,
Pour exercer ma mufe en un champ ſpacieux ;
1. Vola
J'entre
DECEMBRE . 1730. 2629
J'entreprens de prouver , jeuneffe trop aimables
Que tes plus finceres faveurs
Deviennent pour nous tous une fource effroya
ble ,
Des plus affreux malheurs,
Quelle eft cette mer orageufe ,
Qui fe prefente à mes regards ?
Les flots d'une onde impetueufe
M'environnent de toutes parts.
Ciel ! par
même ,
où me ſauver ? ... je me livre moi
Aux périls les plus éminens'::
'Ainfi pour les humains c'eſt une loy fuprême ,
Qu'ils foient de tous leurs maux les premiers
inftrumens..
Cette mer agitée eſt l'état où nous ſommes
Quand les vices en foule affailliffent nos coeurs
Les paffions font pour les hommes ,
Ce que les flots font pour les voyageurs.
En fuyant les Rochers , celebres en nauffrages ,
Le Voyageur fouvent évite le trépas ;
L'homme , au contraire , obéit à l'orage ,
Et parmi les écueils précipite fes pas.
Ce n'eft point l'enfance timide
Que je décrie en mes difcours ;;
Ir Volu Dy Cif
2630 MERCURE DE FRANCE
C'eft la jeuneffe qui pour guide
'Aime les paffions qui la flattent toujours ,
Qui dans une molleffe entiere
Laiffant couler le temps qui fuit ',
Trouve le repentir au bout de la carriere :
Du temps perdu , c'eft tout le fruit .
L'homme mene d'abord une vie innocente ;
L'enfance dans fon coeur n'excite aucuns défirs
L'âge fait naître en lui cette ardeur pétulante ,
Qui l'entraîne vers les plaifirs :
La vieilleffe paroît, les jeux prennent la fuite,
A ces mêmes plaiſirs il ſe voit arraché ,
Et fouffre avec regret que le peché le quitte ,
Ne pouvant le réfoudre à quitter le peché.
A d'auffi grands dangers l'expofe le jeune
âge ,
Venus s'empare de fon coeur ,
Le conduit à fa perte ; un honteux efclavage ,
Souvent devient pour lui le comble du malheur
Et comment pourroit - il éviter les difgraces,
Qui font le prix de fes emportemens ,
Puifque du vice il fuit les traces
Il en doit éprouver les juftes châtimens.
O toy , dont on chérit l'aimable joüiffance r
Toy, dont on vante les douceurs !
I. Vol.
Jeuneffe
DECEMBRE. 1730. 2631
Jeuneffe , je veux mettre en la même balance ,
Tes défagrémens , tes faveurs.
Mais que vois-je ..... les maux dont tu nous
rends la proye ,
Surpaffent de beaucoup tes plus charmans at
traits :
Ah ! que ne pouvons-nous te poffeder fans
joye ,
Pour épargner un jour d'inutiles regrets.
P...
Fermer
Résumé : LA JEUNESSE. ODE.
Le poème 'Jeunesse', écrit en novembre et décembre 1730, exprime le désir de l'auteur de célébrer la jeunesse tout en mettant en garde contre ses dangers. L'auteur souhaite être véridique et éviter les mots emphatiques. Il décrit la jeunesse comme une mer orageuse et impétueuse, susceptible d'entraîner des malheurs. Les vices et les passions sont comparés aux flots qui entourent les voyageurs, poussant souvent l'homme vers les écueils. L'auteur critique la jeunesse qui se laisse guider par des passions flatteuses et trouve le repentir à la fin de sa vie. Il décrit l'évolution de l'homme, de l'innocence de l'enfance à l'ardeur des plaisirs, puis à la vieillesse où les plaisirs s'enfuient. La jeunesse est particulièrement exposée aux dangers, notamment ceux liés à Vénus, qui peuvent mener à un esclavage honteux. L'auteur conclut en soulignant que les maux causés par la jeunesse surpassent ses charmes et regrette de ne pas pouvoir la posséder sans joie pour éviter les regrets futurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 2631-2641
DISCOURS sur ces paroles : Le vice lui-même est forcé de rendre hommage à la vertu.
Début :
Il est si beau d'être vertueux, & la droite raison trouve la vertu si conforme [...]
Mots clefs :
Vice, Vertu, Hommes, Mérite, Force, Vertueux, Ennemi, Hommage, Sentiments, Aveugle, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS sur ces paroles : Le vice lui-même est forcé de rendre hommage à la vertu.
DISCOURS fur ces paroles Le
vice lui-même eft forcé de rendre hom
à la vertu.
mage
Left fi beau d'être vertueux , & la
I droite raifon trouve la vertu fi conforme
à fes premieres idées , qu'il n'y a
pas de quoi s'étonner fi les hommes dans
Tous les âges ont, à l'envi , fouhaité ou affecté
d'être vertueux , & s'ils ont accor
dé à la vertu les plus grands éloges..
L'amour de l'eftime & de la gloire, qui
remue avec tant d'empire & de fuccès les
refforts du coeur de l'homme , l'a toujours
déterminé à chercher fa véritable
grandeur dans le fein de la vertu , où
d'un Phantôme qu'il a pris pour elle.
Dvj Peut I.Vol
2632 MERCURE DE FRANCE
Peut- être que ces hommages confondus
avec les intérêts de l'amour propre , ne:
furent pas affez purs ; mais quoique la
vertu pût en reprouver les intentions
& les motifs , ils ont fervi à publier &
à étendre fa gloire.
i
L'Univers entier a confpiré à relever
fon excellence ; & ceux qui ont ignoré
Dieu même , fe font fait un merite de
la connoître & de la pratiquer.
Les Sages , les Philofophes , les Poë
tes , les Orateurs , les Guerriers & les Politiques
, tous ont voulu être du nombre
de fes amis. Les Arts & les Sciences ont
épuisé leurs talens , ont employé leurs
plus belles couleurs pour la peindre dans
tout fon éclat . Au milieu de tant de
gloire & d'honneur acquis à la vertu , ce
qui la diſtingue effentiellement , c'eſt de
n'avoir jamais trouvé d'autre ennemi que
le vice. Soit envie , chagrin , ou confufion
de la part de cet ennemi , l'oppofi
tion qui regne entre l'aimable vertu , &
ce monftre hydeux fera toujours une
fource de guerre : mais telle eft la fin de
Piniquité , elle fe dément elle- même , &
les traits injurieux du vice ne fervent
qu'à relever la vertu. C'eft ainfi que
contre fon intention il forme , façonne ,
embélit de ces propres mains la Cou
ronne dont il doit ceindre fa tête . Plus-
1. Vola il
DECEMBRE. 1730 : 3633
tâche à la déprifer , plus il la rend aimable
& précieufe , fes fatyres , & fes
dédains font pour elle un Panégyrique.
Ecoutons- le parler , pénétrons fes fentimens
, étudions fes démarches , nous le
verrons par tout forcé de rendre hom
mage à la vertu..
Il n'y a qu'à fe déprévenir , qu'à fixer
le veritable fens , & la valeur des expreffions
dont le vice fe fert pour dégrader
la vertu : Si nous les examinons de près ,
nous trouverons qu'au fond ces vaines
déclamations ne portent que fur l'erreur
& l'aveuglement , qui eft l'apanage du
vice. Ingénieux à fe féduire , il fe forme:
de foles chimeres qu'il prend plaifir à
combattre ; ainfi rehauffe t- il d'autant
plus l'éclatde la veritable vertu , qu'il s'ef
force de groffir les traits dont il peint ces
monftres difformes , qu'il voudroit con--
fondre avec elle. Aveugle , s'il ne peut entierement
fe cacher à fa vive lumiere , il
en détourne ce refte de vûë ; & cherchant
ailleurs les feules apparences de la vertu ,
il penfe triompher , s'il en montre le
vuide. Funefte illufion ! Que n'eft- il per--
mis à l'humble vertu de vaincre fa mo
deftie , elle triompheróit bien glorieufement
à fon tour de cet ennemi obſtiné
à lui nuire : mais il eft une victoire , qui
lui eft plus chere. Bien - tôt cet ennemi
Is-Kobo avouera
1634 MERCURE DE FRANCE
;
avouëra fa défaite, & fera forcé de préparer
le fuperbe Triomphe où il fera traîné
captif. En effet , il fe combat lui -même
& releve la vertu par où il femble voufoir
la détruire.
Il n'apperçoit pas , dit- il , de vraie vertu,
ce ne font que des apparences vaines, une
imitation frivole , un foible crayon qu'il
découvre , au lieu de ce parfait original ;
de cette réalité effective qu'il fe croyoit
en droit de trouver. Qu'if combatte tant
qu'il voudra ces apparences frivoles, qu'il
démafque cette imitation hipocrite , qu'il
confonde ce crayon imparfait. Qu'a- t'elle
à craindre , l'innocente vertu ou plutôt
qu'elle gloire pour elle ; que fon ennemi
apprenne aux hommes à reconnoître fes
véritables traits : & à la diftinguer de ces
phantômes qui ne lui reflemblent que
pour la trahir ! Non le vice ne l'attaque
point ouvertement ; il y auroit trop à
perdre pour lui , & trop de honte à ´effuyer
, de combatre à vifage découvert
contre la vertu , elle qui eft feule aimable
, & qui merite d'être adorée de toute
la terre.
Les combats qu'il lui livre font bien
differens des combats ordinaires. C'eft
par fes éloges qu'il l'attaque , c'est par
les portraits outrez & chimériques qu'il
en fait , qu'il veut l'élever au deffus de la
I. Vol
portée
DECEMBRE. 1730. 2635
portée des hommes , & dégouter ainfi de
fa fuivre fes amis les plus paffionez.
Envain cette fille du ciel vient- elle habiter
parmi les hommes : envain ſe montre-
t- elle avec cette majefté , cette grandeur
, cette nobleffe qui lui eft propre::
envain vient elle étaler aux yeux des
mortels , cette heureufe fimplicité, cette
innocence pure , ce défintereffement genereux
, toutes les qualitez qui forment
fon caractere ; fi elle ne paroît feule , le
vice , par les impoftures , s'atttibuë tout
fon mérite ,
, pour faire difparoitre à nos
yeux fes attraits raviffans.
Ne craignons pas pourtant qu'il lui
faffe du tort ; il ne la méconnoit qu'à
force d'en relever le mérite , & d'en concevoir
de brillantes idées. Conduite , à la
verité , injurieuſe à l'homme vertueux ,
mais toujours glorieufe à la vertu ; il veut
qu'elle foit fans deffaut , qu'elle brille de
toutes parts ,fans obfcurité , fans nuage ;
c'eft peut-être le feul endroit , par où le
vice entretient encore quelque commerce
avec la verité & la lumiere. Il a fauvé du
naufrage de toutes les idées du jufte & du
vrai la feule notion de l'integrité de la
vertu ; refte bien honorable pour elle.
Livrons lui donc fans crainte les
deffauts des hommes vertueux ; avouons
lui , s'il le faut , que malgré leurs efforts,
I.Vol.
ils
2636 MERCURE DE FRANCE
Ils ne peuvent point fe garantir de quelqu'une
de fes atteintes. Nous fçaurons
Bien-tôt les deffendré de ces réproches ;
mais qu'il foit forcé , ce perfécuteur in
jufte , de rendre hommage à la vraie
vertu , dont les deffauts des hommes ne
fçauroient jamais ternir l'éclat nila beauté.
Que dis-je , ne le rend- il pas cet hom-.
mage ? & puifque par tout où il recon →
noit fon empire , il dédaigne de retrouver
la vertu . N'avoue- t-il pas qu'elle lui
eft toujours contraire , & que l'augufte'
privilege dont elle joüit , c'eſt de ne pouvoir
jamais fouffrir aucun commerce , ni
aucune liaiſon avec lui.
Pénétrons encore'fes fentimens en faveur
de la vertu ; ils vont plus loin que
fes paroles ; & cet hommage , tout muet
qu'il eft , ne releve pas ſeulement la verta ,
il honore encore infiniment les hommes
vertueux .
Faifons au vice , pour un inftant , la
plus grande grace que nous puiffions lui
faire ; donnons- lui un peu de bonne foi
& de candeur. Qu'il mette au jour fes
fentimens les plus intimes. Amateurs de
la vertu , voici votre éloge , & un éloge
qui n'eft point flaté . Déja j'apperçois au
fond de fon coeur ce fentiment gravé en¹
caracteres inéfaçables : VOUS ESTES PLUS
JUSTE QUE MOY. La haine , le dépit , l'en--
J. Volo vie
DECEMBRE. 1730. 2637
vie , la jaloufie , n'ont pû étouffer ce cri
interieur. Qu'il eft doux à la vertu & à
fes Partifans , de trouver dans le fein du
vice , de quoi le faire rougir , & fans infulter
à fon impuiffante malice , de quoi
le confondre par un fimple regard.
,
Telle eft cependant la fituation du vice
& de fes efclaves , ils ont beau affecter une
contenance affurée un air content &
tranquille ; on les approfondit , & plus
on les penetre, plus on découvre que s'ils
font capables de tromper, ils ne trompent
pas long- temps , leur gêne & leur contrainte
les trahit.
Paroiffes ici , hommes vicieux , & fouf
frez qu'on voye ce qui fe paffe dans le
fond de votre ame. Eft -il vrai que vous
n'eftimés pas la vertu , & que fes Amateurs
font l'objet de vos mépris , comme
ils le font quelquefois
de vos railleries &
de vos infultes Sçavez -vous bien accor
der vos fentimens
avec vos difcours ?
Quelle contradiction
étrange ! Ils fe fati
guent , ils fuent , ils s'expofent , fe facrifient
pour leurs paffions ; fouvent tout les
contredit , & jamais rien ne les rebute ;
chargés de mille chaînes qui les captivent,
ils perdentleur liberté : n'importe ; habiles
à charmer leur aveugle fureur , ils lui
donnent les noms les plus honorables
;
habileté , grandeur d'ame , nobleffe de
I Vol . coeur
2638 MERCURE DE FRANCÉ
coeur ; eft-il rien qui l'égale ! Mais qu'it
eft douloureux pour eux de ne pouvoir
faire taire une voix importune & fecrete
qui leur rappelle les charmes de l'aima-
Ble vertu, de cette précieuſe indépendan→
ce que la feule vertu donne ! On peut
s'agiter , s'étourdir , détourner les yeux
de ce port , d'où l'on s'eft éloigné par
une fole & aveugle conduite ; mais malgré
foy le coeur y rappelle : tels que dans
ces torrens rapides qui ravagent tout ce
qui s'oppofe à leur courſe , on voit fe
former des tourbillons , où les eaux fe
tournant vers leur fource , femblent fe
repentir de leur violence & porter envie
à la noble tranquillité de ces Fleuves bien
faifants & paifibles , qui répandent par
tout & la fertilité & l'abondance.
L'ambitieux , efclave de fa fortune , facrifie
inutilemment à cette Divinité inconſtante
& aveugle , fon repos & fa vie .
Que ne va-t'il chercher dans la modération
de la vertu , un bonheur qu'il cherche
vainement ailleurs ? bonheur qu'il
apperçoit , qu'il eftime , qu'il honore &
qu'il ne peut fe déterminer de gouter en
paix.
Trifte condition de l'homme vicieux !
toujours contraint de fe fuir lui- même,
d'être toujours en guerre avec fa propre
confcience , & de n'en pouvoir fouf-
I. Vol. frir
DECEMBRE. 1730. 2639
frir le regard critique. C'eft l'hommage
le plus honorable que le vice puiffe fendre
à la vertu , qui en tout bien differente
de lui , s'enveloppe de fon propre mérite ,
& fans courir de dangers , ni effuyer de
fatigues , fans traverſer les mers , ni franchir
les montagnes pour acquerir du relief
, pour fixer fur elle les regards des
hommes , fçait captiver leur eftime ; &
par la même force le vice à fe revêtir
du moins de fes apparences pour fe fau
ver de l'opprobre qui lui eft dû.
Hommage public & intereffant pour
elle. Oui , le vice dont le pouvoir eſt ſi
étendu & fi defpotique , emprunte les
dehors & les démarches de la vertu pour
affermir fon empire.
Ici naît le penible embarras où nous
nous trouvons , lorfqu'il s'agit de diftin
guer au vrai la vertu folide du vice tra
vefti. Tout est égal à nos yeux dans l'un
& dans l'autre. La vertu ne fçauroit faire
un gefte que le vice ne prétende fe rendre
propre, & qu'il ne fçache imiter . Pourroit-
il mieux faire connoître qu'il en fent
le mérite , que de n'ofer fe produire que
fous ces dehors empruntez.
Ne diſons rien de ces Monftres d'iniquité
que le vice met au jour , Monſtres
dont il rougit & qu'il defavoûë ; laiffons
part ces horribles, forfaits que le Soà
I. Vol leil
2640 MERCURE DE FRANCE
leil n'éclaire qu'à regret. Il eft un autre
vice , pour ainfi dire , civilifé , qu'on ne
diftingue de la vertu que par l'intention
qui le fait agir & par les projets qui l'occupent
, c'eft ce vice ainfi déguifé qui
tend hommage à la vertu en fe cachant
fous la vettu même.
Voyez-vous cet homme affable , gracieux
, prévenant ; remarquez cet air em
preffé à vous fervir , cette modeftie dans
fes prétentions , ce dégagement de fes
propres interêts. Ne diriez-vous pas que
c'eft la feule vertu qui le guide ? Non , on
ne s'y trompe plus ; on le laiffe faire , H
cherche à s'élever en fe rabaiffant ; bientôt
, fi la fortune le favorife , il fçait fe
dédommager de tous les facrifices que fa
paffion lui coûte , & on le voit confacrer
au vice les récompenfes de la vertu.
Tout le monde le fçait , & le vice ne
l'ignore pas . La feule vertu a droit de
plaire , elle feule mérite d'être avoiiée de
l'homme né pour être vertueux. Ainfi à
quelque prix que ce foit il faut être vertueux
ou le paroître , fi l'on cherche à
regner dans l'efprit & le coeur des hommes.
Et qui eft- ce qui ne le cherche pas ?
Neceffité indifpenfable aux vicieux mêmes
, & de- là cet hommage forcé que le
vice rend à la vertu ; mais en eft- il moins
glorieux pour elle ?
I. Vol:
DECEMBRE . 1730. 2641
Il n'eft donc plus de prétexte qui autorife
l'homme à ne pas fe ranger du parti de
la vertu . Mille raifons concourent à
prouver fon mérite . Son feul ennemi . le
vice eft forcé de lui rendre hommage. Les
difcours , les fentimens , les oeuvres de
cet ennemi dépofent en fa faveur . Pourquoi
faut-il que nous méconnoiffions nos
vrais interêts ? notre veritable bonheur?
notre folide gloire ?
Videbunt recti & lætabuntur & omnis
iniquitas oppilabit os fuum, Pfal . 106. v. 429
vice lui-même eft forcé de rendre hom
à la vertu.
mage
Left fi beau d'être vertueux , & la
I droite raifon trouve la vertu fi conforme
à fes premieres idées , qu'il n'y a
pas de quoi s'étonner fi les hommes dans
Tous les âges ont, à l'envi , fouhaité ou affecté
d'être vertueux , & s'ils ont accor
dé à la vertu les plus grands éloges..
L'amour de l'eftime & de la gloire, qui
remue avec tant d'empire & de fuccès les
refforts du coeur de l'homme , l'a toujours
déterminé à chercher fa véritable
grandeur dans le fein de la vertu , où
d'un Phantôme qu'il a pris pour elle.
Dvj Peut I.Vol
2632 MERCURE DE FRANCE
Peut- être que ces hommages confondus
avec les intérêts de l'amour propre , ne:
furent pas affez purs ; mais quoique la
vertu pût en reprouver les intentions
& les motifs , ils ont fervi à publier &
à étendre fa gloire.
i
L'Univers entier a confpiré à relever
fon excellence ; & ceux qui ont ignoré
Dieu même , fe font fait un merite de
la connoître & de la pratiquer.
Les Sages , les Philofophes , les Poë
tes , les Orateurs , les Guerriers & les Politiques
, tous ont voulu être du nombre
de fes amis. Les Arts & les Sciences ont
épuisé leurs talens , ont employé leurs
plus belles couleurs pour la peindre dans
tout fon éclat . Au milieu de tant de
gloire & d'honneur acquis à la vertu , ce
qui la diſtingue effentiellement , c'eſt de
n'avoir jamais trouvé d'autre ennemi que
le vice. Soit envie , chagrin , ou confufion
de la part de cet ennemi , l'oppofi
tion qui regne entre l'aimable vertu , &
ce monftre hydeux fera toujours une
fource de guerre : mais telle eft la fin de
Piniquité , elle fe dément elle- même , &
les traits injurieux du vice ne fervent
qu'à relever la vertu. C'eft ainfi que
contre fon intention il forme , façonne ,
embélit de ces propres mains la Cou
ronne dont il doit ceindre fa tête . Plus-
1. Vola il
DECEMBRE. 1730 : 3633
tâche à la déprifer , plus il la rend aimable
& précieufe , fes fatyres , & fes
dédains font pour elle un Panégyrique.
Ecoutons- le parler , pénétrons fes fentimens
, étudions fes démarches , nous le
verrons par tout forcé de rendre hom
mage à la vertu..
Il n'y a qu'à fe déprévenir , qu'à fixer
le veritable fens , & la valeur des expreffions
dont le vice fe fert pour dégrader
la vertu : Si nous les examinons de près ,
nous trouverons qu'au fond ces vaines
déclamations ne portent que fur l'erreur
& l'aveuglement , qui eft l'apanage du
vice. Ingénieux à fe féduire , il fe forme:
de foles chimeres qu'il prend plaifir à
combattre ; ainfi rehauffe t- il d'autant
plus l'éclatde la veritable vertu , qu'il s'ef
force de groffir les traits dont il peint ces
monftres difformes , qu'il voudroit con--
fondre avec elle. Aveugle , s'il ne peut entierement
fe cacher à fa vive lumiere , il
en détourne ce refte de vûë ; & cherchant
ailleurs les feules apparences de la vertu ,
il penfe triompher , s'il en montre le
vuide. Funefte illufion ! Que n'eft- il per--
mis à l'humble vertu de vaincre fa mo
deftie , elle triompheróit bien glorieufement
à fon tour de cet ennemi obſtiné
à lui nuire : mais il eft une victoire , qui
lui eft plus chere. Bien - tôt cet ennemi
Is-Kobo avouera
1634 MERCURE DE FRANCE
;
avouëra fa défaite, & fera forcé de préparer
le fuperbe Triomphe où il fera traîné
captif. En effet , il fe combat lui -même
& releve la vertu par où il femble voufoir
la détruire.
Il n'apperçoit pas , dit- il , de vraie vertu,
ce ne font que des apparences vaines, une
imitation frivole , un foible crayon qu'il
découvre , au lieu de ce parfait original ;
de cette réalité effective qu'il fe croyoit
en droit de trouver. Qu'if combatte tant
qu'il voudra ces apparences frivoles, qu'il
démafque cette imitation hipocrite , qu'il
confonde ce crayon imparfait. Qu'a- t'elle
à craindre , l'innocente vertu ou plutôt
qu'elle gloire pour elle ; que fon ennemi
apprenne aux hommes à reconnoître fes
véritables traits : & à la diftinguer de ces
phantômes qui ne lui reflemblent que
pour la trahir ! Non le vice ne l'attaque
point ouvertement ; il y auroit trop à
perdre pour lui , & trop de honte à ´effuyer
, de combatre à vifage découvert
contre la vertu , elle qui eft feule aimable
, & qui merite d'être adorée de toute
la terre.
Les combats qu'il lui livre font bien
differens des combats ordinaires. C'eft
par fes éloges qu'il l'attaque , c'est par
les portraits outrez & chimériques qu'il
en fait , qu'il veut l'élever au deffus de la
I. Vol
portée
DECEMBRE. 1730. 2635
portée des hommes , & dégouter ainfi de
fa fuivre fes amis les plus paffionez.
Envain cette fille du ciel vient- elle habiter
parmi les hommes : envain ſe montre-
t- elle avec cette majefté , cette grandeur
, cette nobleffe qui lui eft propre::
envain vient elle étaler aux yeux des
mortels , cette heureufe fimplicité, cette
innocence pure , ce défintereffement genereux
, toutes les qualitez qui forment
fon caractere ; fi elle ne paroît feule , le
vice , par les impoftures , s'atttibuë tout
fon mérite ,
, pour faire difparoitre à nos
yeux fes attraits raviffans.
Ne craignons pas pourtant qu'il lui
faffe du tort ; il ne la méconnoit qu'à
force d'en relever le mérite , & d'en concevoir
de brillantes idées. Conduite , à la
verité , injurieuſe à l'homme vertueux ,
mais toujours glorieufe à la vertu ; il veut
qu'elle foit fans deffaut , qu'elle brille de
toutes parts ,fans obfcurité , fans nuage ;
c'eft peut-être le feul endroit , par où le
vice entretient encore quelque commerce
avec la verité & la lumiere. Il a fauvé du
naufrage de toutes les idées du jufte & du
vrai la feule notion de l'integrité de la
vertu ; refte bien honorable pour elle.
Livrons lui donc fans crainte les
deffauts des hommes vertueux ; avouons
lui , s'il le faut , que malgré leurs efforts,
I.Vol.
ils
2636 MERCURE DE FRANCE
Ils ne peuvent point fe garantir de quelqu'une
de fes atteintes. Nous fçaurons
Bien-tôt les deffendré de ces réproches ;
mais qu'il foit forcé , ce perfécuteur in
jufte , de rendre hommage à la vraie
vertu , dont les deffauts des hommes ne
fçauroient jamais ternir l'éclat nila beauté.
Que dis-je , ne le rend- il pas cet hom-.
mage ? & puifque par tout où il recon →
noit fon empire , il dédaigne de retrouver
la vertu . N'avoue- t-il pas qu'elle lui
eft toujours contraire , & que l'augufte'
privilege dont elle joüit , c'eſt de ne pouvoir
jamais fouffrir aucun commerce , ni
aucune liaiſon avec lui.
Pénétrons encore'fes fentimens en faveur
de la vertu ; ils vont plus loin que
fes paroles ; & cet hommage , tout muet
qu'il eft , ne releve pas ſeulement la verta ,
il honore encore infiniment les hommes
vertueux .
Faifons au vice , pour un inftant , la
plus grande grace que nous puiffions lui
faire ; donnons- lui un peu de bonne foi
& de candeur. Qu'il mette au jour fes
fentimens les plus intimes. Amateurs de
la vertu , voici votre éloge , & un éloge
qui n'eft point flaté . Déja j'apperçois au
fond de fon coeur ce fentiment gravé en¹
caracteres inéfaçables : VOUS ESTES PLUS
JUSTE QUE MOY. La haine , le dépit , l'en--
J. Volo vie
DECEMBRE. 1730. 2637
vie , la jaloufie , n'ont pû étouffer ce cri
interieur. Qu'il eft doux à la vertu & à
fes Partifans , de trouver dans le fein du
vice , de quoi le faire rougir , & fans infulter
à fon impuiffante malice , de quoi
le confondre par un fimple regard.
,
Telle eft cependant la fituation du vice
& de fes efclaves , ils ont beau affecter une
contenance affurée un air content &
tranquille ; on les approfondit , & plus
on les penetre, plus on découvre que s'ils
font capables de tromper, ils ne trompent
pas long- temps , leur gêne & leur contrainte
les trahit.
Paroiffes ici , hommes vicieux , & fouf
frez qu'on voye ce qui fe paffe dans le
fond de votre ame. Eft -il vrai que vous
n'eftimés pas la vertu , & que fes Amateurs
font l'objet de vos mépris , comme
ils le font quelquefois
de vos railleries &
de vos infultes Sçavez -vous bien accor
der vos fentimens
avec vos difcours ?
Quelle contradiction
étrange ! Ils fe fati
guent , ils fuent , ils s'expofent , fe facrifient
pour leurs paffions ; fouvent tout les
contredit , & jamais rien ne les rebute ;
chargés de mille chaînes qui les captivent,
ils perdentleur liberté : n'importe ; habiles
à charmer leur aveugle fureur , ils lui
donnent les noms les plus honorables
;
habileté , grandeur d'ame , nobleffe de
I Vol . coeur
2638 MERCURE DE FRANCÉ
coeur ; eft-il rien qui l'égale ! Mais qu'it
eft douloureux pour eux de ne pouvoir
faire taire une voix importune & fecrete
qui leur rappelle les charmes de l'aima-
Ble vertu, de cette précieuſe indépendan→
ce que la feule vertu donne ! On peut
s'agiter , s'étourdir , détourner les yeux
de ce port , d'où l'on s'eft éloigné par
une fole & aveugle conduite ; mais malgré
foy le coeur y rappelle : tels que dans
ces torrens rapides qui ravagent tout ce
qui s'oppofe à leur courſe , on voit fe
former des tourbillons , où les eaux fe
tournant vers leur fource , femblent fe
repentir de leur violence & porter envie
à la noble tranquillité de ces Fleuves bien
faifants & paifibles , qui répandent par
tout & la fertilité & l'abondance.
L'ambitieux , efclave de fa fortune , facrifie
inutilemment à cette Divinité inconſtante
& aveugle , fon repos & fa vie .
Que ne va-t'il chercher dans la modération
de la vertu , un bonheur qu'il cherche
vainement ailleurs ? bonheur qu'il
apperçoit , qu'il eftime , qu'il honore &
qu'il ne peut fe déterminer de gouter en
paix.
Trifte condition de l'homme vicieux !
toujours contraint de fe fuir lui- même,
d'être toujours en guerre avec fa propre
confcience , & de n'en pouvoir fouf-
I. Vol. frir
DECEMBRE. 1730. 2639
frir le regard critique. C'eft l'hommage
le plus honorable que le vice puiffe fendre
à la vertu , qui en tout bien differente
de lui , s'enveloppe de fon propre mérite ,
& fans courir de dangers , ni effuyer de
fatigues , fans traverſer les mers , ni franchir
les montagnes pour acquerir du relief
, pour fixer fur elle les regards des
hommes , fçait captiver leur eftime ; &
par la même force le vice à fe revêtir
du moins de fes apparences pour fe fau
ver de l'opprobre qui lui eft dû.
Hommage public & intereffant pour
elle. Oui , le vice dont le pouvoir eſt ſi
étendu & fi defpotique , emprunte les
dehors & les démarches de la vertu pour
affermir fon empire.
Ici naît le penible embarras où nous
nous trouvons , lorfqu'il s'agit de diftin
guer au vrai la vertu folide du vice tra
vefti. Tout est égal à nos yeux dans l'un
& dans l'autre. La vertu ne fçauroit faire
un gefte que le vice ne prétende fe rendre
propre, & qu'il ne fçache imiter . Pourroit-
il mieux faire connoître qu'il en fent
le mérite , que de n'ofer fe produire que
fous ces dehors empruntez.
Ne diſons rien de ces Monftres d'iniquité
que le vice met au jour , Monſtres
dont il rougit & qu'il defavoûë ; laiffons
part ces horribles, forfaits que le Soà
I. Vol leil
2640 MERCURE DE FRANCE
leil n'éclaire qu'à regret. Il eft un autre
vice , pour ainfi dire , civilifé , qu'on ne
diftingue de la vertu que par l'intention
qui le fait agir & par les projets qui l'occupent
, c'eft ce vice ainfi déguifé qui
tend hommage à la vertu en fe cachant
fous la vettu même.
Voyez-vous cet homme affable , gracieux
, prévenant ; remarquez cet air em
preffé à vous fervir , cette modeftie dans
fes prétentions , ce dégagement de fes
propres interêts. Ne diriez-vous pas que
c'eft la feule vertu qui le guide ? Non , on
ne s'y trompe plus ; on le laiffe faire , H
cherche à s'élever en fe rabaiffant ; bientôt
, fi la fortune le favorife , il fçait fe
dédommager de tous les facrifices que fa
paffion lui coûte , & on le voit confacrer
au vice les récompenfes de la vertu.
Tout le monde le fçait , & le vice ne
l'ignore pas . La feule vertu a droit de
plaire , elle feule mérite d'être avoiiée de
l'homme né pour être vertueux. Ainfi à
quelque prix que ce foit il faut être vertueux
ou le paroître , fi l'on cherche à
regner dans l'efprit & le coeur des hommes.
Et qui eft- ce qui ne le cherche pas ?
Neceffité indifpenfable aux vicieux mêmes
, & de- là cet hommage forcé que le
vice rend à la vertu ; mais en eft- il moins
glorieux pour elle ?
I. Vol:
DECEMBRE . 1730. 2641
Il n'eft donc plus de prétexte qui autorife
l'homme à ne pas fe ranger du parti de
la vertu . Mille raifons concourent à
prouver fon mérite . Son feul ennemi . le
vice eft forcé de lui rendre hommage. Les
difcours , les fentimens , les oeuvres de
cet ennemi dépofent en fa faveur . Pourquoi
faut-il que nous méconnoiffions nos
vrais interêts ? notre veritable bonheur?
notre folide gloire ?
Videbunt recti & lætabuntur & omnis
iniquitas oppilabit os fuum, Pfal . 106. v. 429
Fermer
Résumé : DISCOURS sur ces paroles : Le vice lui-même est forcé de rendre hommage à la vertu.
Le discours met en avant la supériorité de la vertu sur le vice. La vertu est décrite comme intrinsèquement belle et conforme à la raison, ce qui explique pourquoi elle a été aspirée et louée par les hommes de tous les âges. L'amour de l'estime et de la gloire pousse les individus à rechercher la véritable grandeur dans la vertu, bien que leurs motivations puissent parfois être mêlées à l'amour-propre. Le vice, malgré ses tentatives de dénigrer la vertu, ne fait que la magnifier. Les arts, les sciences, les sages, les philosophes, les poètes, les orateurs, les guerriers et les politiques ont tous célébré la vertu. En s'opposant à la vertu, le vice ne fait que renforcer son éclat. Les attaques du vice contre la vertu se retournent contre lui-même, car elles mettent en lumière les qualités de la vertu. Le vice, aveuglé par son propre aveuglement, ne peut cacher la lumière de la vertu. Il est forcé de reconnaître la supériorité de la vertu, même s'il essaie de la déprécier. Les hommes vicieux, malgré leurs efforts pour se déguiser en vertueux, finissent par révéler leur véritable nature. La vertu, par sa simplicité et son innocence, reste inébranlable et mérite d'être adorée. Le texte conclut en affirmant que la vertu est indispensable pour le bonheur et la gloire des hommes. Même le vice, malgré ses efforts pour la dénigrer, est forcé de lui rendre hommage. Il n'y a donc aucune excuse pour ne pas embrasser la vertu, car elle est la seule voie vers le véritable bonheur et la gloire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 2641-2645
IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
Début :
Suivez les doux transports d'une celeste ivresse, [...]
Mots clefs :
Canonisation, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, Collège Louis le Grand, Coeur, Compagnie de Jésus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
IMITATION de l'Ode Latine du
P. Sanadon , adreffée aux Poëtes du
College de Louis le Grand , pendant l'Oc
tave de la Canonifatton des S S. Louis
DE GONZAGUE Staniflas KOSTKA,
Suivez les doux tranfports d'une celeſte ivreffe
Vous dont l'amour du Créateur ,
Mieux que l'arbitre du Permeffe ,
Anime fans effort & l'efprit & le coeur.
Aux pieds du facré Tabernacle ,
Approchez ; un nouveau fpectacle ,
Doit fixer en ce jour vos regards affidus .
Deux Héros au fein de la Gloire
I. Vol. Cou
1642 MERCURE DE FRANCE
Goutent le prix de leur Victoire ,
Et l'Univers charmé célebre leurs vertus.
器
Sur les bords où le Pô répand fes eaux fertiles,
Et que Manto rendit fameux ,
Et dans ces climats plus ftériles ,
Que l'auftere Sarmate a rendu belliqueux ,
Deux Princes au printems de l'âge ,
Mériterent le tendre hommage ,
Qui fait en leur honneur ériger des Autels
La vertu leur fraïant les routes >
Ils fçurent aux céleſtes voutes ,
S'affurer un grand nom parmi les Immortels,
諾
A mes yeux ébloüis une lumiere pure ,
Ouvre les barrieres du Ciel :
Que vois-je foible créature ,
Tu brilles fur un Trône & tu vois l'Eternel
Exemt des malheurs & des vices ,
D'un torrent de faintes délices ,
GONZAGUEà chaque inftant fent inonder fon
coeur :
STANISLAS après une vie
Aux mêmes devoirs affervie ,
D'un vol précipité court au même bonheur.
IGNACE , qui forma leurs coeurs à la fageffe ,
1. Vol.
Dans
DECEMBRE. 1730. 2643
Dans l'étroit fentier des Elus ,
En eux , au gré de fa tendreffe ,
Couronne peu de jours & beaucoup de vertus,
Quelle fplendeur les accompagne ?
La gloire & l'appui de l'Eſpagne ,
XAVIER & BORGIA paroiffent à leur tour.
Au culte de l'efprit immonde,
L'un arracha le nouveau Monde ,
L'autre fçut méprifer les attraits de la Cour,
淡
Le modefte REGIS vers la troupe s'avance
Tel dans fon air & fon maintien ,
Qu'il fe montre aux yeux de la France
Dont il rappelle encor qu'il fut le citoyen.
A leur fuite combien d'Apôtres ,
Se fuccedent les uns aux autres ?
La plus pure vertu régle feule leur rang.
Malgré l'erreur & fes preftiges ,
La foi fur leurs facrés veftiges ,
Eclaira l'Univers inondé de leur fang.
諾
Dans GONZAGUE & KOSTKA tout l'Olympe
révere
Le zele & les talens divers ,
Qu'il a couronnés dans le pere ,
Et par qui les enfans défarment les Enfers.
Formés par les mêmes maximes ,
En ce jour fur des tons fublimes
I. Vol,
Chan
2644 MERCURE DE FRANCE
Chantres ingénieux , multipliés vos airs ,
Et , dociles à vos exemples ,
Que vos éleves dans nos Temples ,
Célebrent un fujet fi propre à leurs Concerts.
Héritiers d'un grand nom confacré dans l'hiftoire
;
On vit GONZAGUE & STANISLAS
Rougir d'un titre , dont la gloire
A le fort pour principe , & pour fin le trépas,
Nés dans le fein de la molleffe ,
Des préjugés de la Nobleffe ,
Leur coeur ne fe fit point un agréable écueil . *
Ils fçavoient que les Grands périſſent ,
Et qu'avec les Héros finiffent
Dans l'horreur du tombeau leur fafte & leur or
gueil.
La Grace qui parut , pour embellir leur ame
Epuifer fes riches tréfors ,
Par les traits d'une vive flamme ,
En dirigea toujours les dociles refforts,
En eux déja les connoiffances ,
Sondoient l'abîme des Sciences ,
Quant à l'efpoir public la mort vint les ravir
Telles à l'afpect de l'Aurore ,
Des rofes fe hâtent d'éclore ,
Que le même Soleil voit naître & fe flétrir,
1.Vol. Mais
DECEMBRE . 1730. 2645
Mais plus que le rapport d'état , d'âge ou d'étude,
Dans leurs penchants & dans leurs moeurs
Même attrait , même exactitude ,
Les rendit l'un & l'autre heureux imitateurs,
L'Ambition au coeur barbare ,
Le Plaifir , enfant du Ténáre ,
Effayerent en vain de captiver leur coeur ,
Leur innocence fous l'écorce ,
Démêla la fatale amorce ,
Qu'aux Mortels , qu'il féduit , offre le Tentateur,
Echappés aux dangers d'un Monde tyrannique ,
Sans crainte , au ſéjour de la paix ,
Dans le fein d'un Dieu magnifique ,
Le plus parfait bonheur les fixe pour jamais,
Tel un Marchand , à qui Porage ,
Dans l'attente d'un promt naufrage ;
A retracé cent fois les horreurs de la mort ,'
Exemt de terreurs & d'allarmes ,
Se livre fans réſerve aux charmes
De contempler fa barque à l'abri dans le porta
F. L. de la Compagnie de Jefus,
P. Sanadon , adreffée aux Poëtes du
College de Louis le Grand , pendant l'Oc
tave de la Canonifatton des S S. Louis
DE GONZAGUE Staniflas KOSTKA,
Suivez les doux tranfports d'une celeſte ivreffe
Vous dont l'amour du Créateur ,
Mieux que l'arbitre du Permeffe ,
Anime fans effort & l'efprit & le coeur.
Aux pieds du facré Tabernacle ,
Approchez ; un nouveau fpectacle ,
Doit fixer en ce jour vos regards affidus .
Deux Héros au fein de la Gloire
I. Vol. Cou
1642 MERCURE DE FRANCE
Goutent le prix de leur Victoire ,
Et l'Univers charmé célebre leurs vertus.
器
Sur les bords où le Pô répand fes eaux fertiles,
Et que Manto rendit fameux ,
Et dans ces climats plus ftériles ,
Que l'auftere Sarmate a rendu belliqueux ,
Deux Princes au printems de l'âge ,
Mériterent le tendre hommage ,
Qui fait en leur honneur ériger des Autels
La vertu leur fraïant les routes >
Ils fçurent aux céleſtes voutes ,
S'affurer un grand nom parmi les Immortels,
諾
A mes yeux ébloüis une lumiere pure ,
Ouvre les barrieres du Ciel :
Que vois-je foible créature ,
Tu brilles fur un Trône & tu vois l'Eternel
Exemt des malheurs & des vices ,
D'un torrent de faintes délices ,
GONZAGUEà chaque inftant fent inonder fon
coeur :
STANISLAS après une vie
Aux mêmes devoirs affervie ,
D'un vol précipité court au même bonheur.
IGNACE , qui forma leurs coeurs à la fageffe ,
1. Vol.
Dans
DECEMBRE. 1730. 2643
Dans l'étroit fentier des Elus ,
En eux , au gré de fa tendreffe ,
Couronne peu de jours & beaucoup de vertus,
Quelle fplendeur les accompagne ?
La gloire & l'appui de l'Eſpagne ,
XAVIER & BORGIA paroiffent à leur tour.
Au culte de l'efprit immonde,
L'un arracha le nouveau Monde ,
L'autre fçut méprifer les attraits de la Cour,
淡
Le modefte REGIS vers la troupe s'avance
Tel dans fon air & fon maintien ,
Qu'il fe montre aux yeux de la France
Dont il rappelle encor qu'il fut le citoyen.
A leur fuite combien d'Apôtres ,
Se fuccedent les uns aux autres ?
La plus pure vertu régle feule leur rang.
Malgré l'erreur & fes preftiges ,
La foi fur leurs facrés veftiges ,
Eclaira l'Univers inondé de leur fang.
諾
Dans GONZAGUE & KOSTKA tout l'Olympe
révere
Le zele & les talens divers ,
Qu'il a couronnés dans le pere ,
Et par qui les enfans défarment les Enfers.
Formés par les mêmes maximes ,
En ce jour fur des tons fublimes
I. Vol,
Chan
2644 MERCURE DE FRANCE
Chantres ingénieux , multipliés vos airs ,
Et , dociles à vos exemples ,
Que vos éleves dans nos Temples ,
Célebrent un fujet fi propre à leurs Concerts.
Héritiers d'un grand nom confacré dans l'hiftoire
;
On vit GONZAGUE & STANISLAS
Rougir d'un titre , dont la gloire
A le fort pour principe , & pour fin le trépas,
Nés dans le fein de la molleffe ,
Des préjugés de la Nobleffe ,
Leur coeur ne fe fit point un agréable écueil . *
Ils fçavoient que les Grands périſſent ,
Et qu'avec les Héros finiffent
Dans l'horreur du tombeau leur fafte & leur or
gueil.
La Grace qui parut , pour embellir leur ame
Epuifer fes riches tréfors ,
Par les traits d'une vive flamme ,
En dirigea toujours les dociles refforts,
En eux déja les connoiffances ,
Sondoient l'abîme des Sciences ,
Quant à l'efpoir public la mort vint les ravir
Telles à l'afpect de l'Aurore ,
Des rofes fe hâtent d'éclore ,
Que le même Soleil voit naître & fe flétrir,
1.Vol. Mais
DECEMBRE . 1730. 2645
Mais plus que le rapport d'état , d'âge ou d'étude,
Dans leurs penchants & dans leurs moeurs
Même attrait , même exactitude ,
Les rendit l'un & l'autre heureux imitateurs,
L'Ambition au coeur barbare ,
Le Plaifir , enfant du Ténáre ,
Effayerent en vain de captiver leur coeur ,
Leur innocence fous l'écorce ,
Démêla la fatale amorce ,
Qu'aux Mortels , qu'il féduit , offre le Tentateur,
Echappés aux dangers d'un Monde tyrannique ,
Sans crainte , au ſéjour de la paix ,
Dans le fein d'un Dieu magnifique ,
Le plus parfait bonheur les fixe pour jamais,
Tel un Marchand , à qui Porage ,
Dans l'attente d'un promt naufrage ;
A retracé cent fois les horreurs de la mort ,'
Exemt de terreurs & d'allarmes ,
Se livre fans réſerve aux charmes
De contempler fa barque à l'abri dans le porta
F. L. de la Compagnie de Jefus,
Fermer
Résumé : IMITATION de l'Ode Latine du P. Sanadon, adressée aux Poëtes du College de Louis le Grand, pendant l'Octave de la Canonisatton des SS. Louis DE GONZAGUE & Stanislas KOSTKA.
Le texte est une imitation d'une ode latine adressée aux poètes du Collège de Louis le Grand lors de la canonisation des saints Louis de Gonzague et Stanislas Kostka. L'ode les invite à célébrer les vertus de ces deux héros en se rapprochant du tabernacle sacré. Elle décrit les lieux de naissance et les vertus des saints, soulignant leur ascension vers les cieux et leur renommée immortelle. Ignace de Loyola est mentionné comme celui qui a formé leurs cœurs à la sagesse, ainsi que d'autres saints comme François Xavier et Alphonse de Liguori, qui ont contribué à la gloire de l'Espagne. L'ode évoque également le saint Jean-Baptiste de Régis et une succession d'apôtres dont la pure vertu éclaire l'univers. Elle met en lumière le zèle et les talents divers des saints, couronnés par l'Olympe, et leur formation par les mêmes maximes. Les saints Gonzague et Kostka sont décrits comme ayant rejeté les préjugés de la noblesse et ayant conscience de la mortalité des grands. Leur grâce les a dirigés vers des connaissances profondes, mais la mort les a ravis prématurément. Leur innocence et leur exactitude les ont rendus heureux imitateurs des vertus chrétiennes. Enfin, l'ode compare leur parcours à celui d'un marchand échappant aux dangers de la mer pour trouver un bonheur parfait dans le sein de Dieu. Le texte se conclut par une référence à la Compagnie de Jésus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 2646-2649
REFLEXIONS.
Début :
Il y a souvent plus de gloire à conserver les choses acquises qu'à les acquerir. [...]
Mots clefs :
Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS.
Ly a ſouvent plus de gloire à con-
Iferver
ferver les chofes acquifes qu'à les acquerir.
La gloria mondana finifee col mondo , e
per nonoi il mondo finiſce col la vita.
La gloire après laquelle on court avec
tant d'empreffement , eft pourtant d'un
foible fecours contre l'indigence.
Le Magnanime eft celui qui fe croit
digne des grandes chofes , & qui ne fe
trompe pas dans le jugement qu'il fair
de foi-même.
Pour conferver le fouvenir des belles
actions , il en faut continuellement rafraîchir
la memoire de nouvelles
,
par
Ön
peut prefque affurer que perfonne
ne parle de nous en notre prefence comme
il en parle en notre abfence , & que
très- peu d'amitiés fubfifteroient , même
des plus anciennes & des plus folidement
établies , fi chacun fçavoit au vrai ce que
J. Vol.
fon
DECEMBRE. 1730. 2647
fon ami dit quelquefois de lui , lorfqu'if
n'eft pas prefent.
Un efprit né cauftique & à qui les paroles
& les écrits coutent peu , reprend
tout ce qui lui donne occafion d'exercer
fon talent favori , Souvent il cenfure , il
blâme des chofes , moins parce qu'elles
lui paroiffent défectueules , que parce
qu'elles lui fourniffent un bon mot.
On ne doit pas être furpris fi nous
nous connoiffons fi peu nous - mêmes .
Quand on eft trop loin d'un objet, on ne
le voit que confufément & rarement tout
entier ; quand on en eft trop près , on ne
voit que lui , il offufque la vue , & on ne
le peut comparer avec les autres .
Les coeurs étroits , les génies bornez ,
mefurent d'ordinaire les chofes qui font
au delà de leur portée fur la mefure de leurs
foibles pénétrations , & fe mocquent des
entrepriſes d'éclat où leur prévoyance &
leurs lumieres ne fçauroient atteindre.
Il eft toûjours bien plus aifé de prévenir
les fautes que de les réparer.
A ne prévoir rien , on eft furpris &
fouvent embarraffé. A prévenir tout ,
1. Vol,
E ij sing
2648 MERCURE DE FRANCE
s'inquieter toûjours fur l'avenir ,
miferable.
C'eft le propre de la pénétration trop
rafinée , de creufer elle- même des précipices
, où ceux qui la prennent pour gui
de , s'égarent prefque toûjours.
Les hommes en general font des aveugles
; leurs deffeins les mieux concertez
en apparence , manquent , pour l'ordi
naire , par les endroits les moins prévus ,
& fouvent même par les moyens qu'on
avoit choifis pour les faire réüffir.
Il eft bien difficile de paroître prudent
lorfqu'on eft malheureux ; car comme on
ne s'attache qu'à l'apparence des chofes ,
l'évenement feul regle d'ordinaire les ju
gemens , & jamais un deffein ne paroît
bien formé ni bien fuivi , lorſque l'iffuë
n'en eft pas heureuſe .
La prévoyance , toute eftimable qu'elle
nous paroît , n'en eft pas moins fille
de la crainte. C'eft une vertu , mais qui
fuppofe la mifere de celui qui la poffede ,
& qui lui fait fentir fans ceffe fon indigence
prochaine,
Il vaut mieux s'expofer à être trompé
I, Vol. quelDECEMBRE.
1730. 2649
quelquefois , que d'avoir mauvaife optnion
de tout le monde. Une défiance
generale feroit même tomber dans plus
de fautes qu'un peu de crédulité.
On doit fe défier de fes doutes autant
que de fa crédulité ; car ceux qui croyent
trop difficilement , s'éloignent auffi fouvent
de la verité , que ceux qui fe livrent
à tout ce qu'on leur raconte.
Moftrare di credere sempre , e dubitar
Sempre , e il migliore ammaeftramente che fo
poffono infegnare per viver ficuro.
Dieu nous garde de ceux aufquels nous
hous fions , nous nous garderons bien
de ceux dont nous nous défions .
Les gens de bien ſont ſouvent la dupa
pe des méchans , pour n'avoir pas affez
mauvaiſe opinion d'eux.
Bien des gens apprennent aux autres
tromper , par la crainte & la défiance
qu'ils témoignent d'être trompez.
Ly a ſouvent plus de gloire à con-
Iferver
ferver les chofes acquifes qu'à les acquerir.
La gloria mondana finifee col mondo , e
per nonoi il mondo finiſce col la vita.
La gloire après laquelle on court avec
tant d'empreffement , eft pourtant d'un
foible fecours contre l'indigence.
Le Magnanime eft celui qui fe croit
digne des grandes chofes , & qui ne fe
trompe pas dans le jugement qu'il fair
de foi-même.
Pour conferver le fouvenir des belles
actions , il en faut continuellement rafraîchir
la memoire de nouvelles
,
par
Ön
peut prefque affurer que perfonne
ne parle de nous en notre prefence comme
il en parle en notre abfence , & que
très- peu d'amitiés fubfifteroient , même
des plus anciennes & des plus folidement
établies , fi chacun fçavoit au vrai ce que
J. Vol.
fon
DECEMBRE. 1730. 2647
fon ami dit quelquefois de lui , lorfqu'if
n'eft pas prefent.
Un efprit né cauftique & à qui les paroles
& les écrits coutent peu , reprend
tout ce qui lui donne occafion d'exercer
fon talent favori , Souvent il cenfure , il
blâme des chofes , moins parce qu'elles
lui paroiffent défectueules , que parce
qu'elles lui fourniffent un bon mot.
On ne doit pas être furpris fi nous
nous connoiffons fi peu nous - mêmes .
Quand on eft trop loin d'un objet, on ne
le voit que confufément & rarement tout
entier ; quand on en eft trop près , on ne
voit que lui , il offufque la vue , & on ne
le peut comparer avec les autres .
Les coeurs étroits , les génies bornez ,
mefurent d'ordinaire les chofes qui font
au delà de leur portée fur la mefure de leurs
foibles pénétrations , & fe mocquent des
entrepriſes d'éclat où leur prévoyance &
leurs lumieres ne fçauroient atteindre.
Il eft toûjours bien plus aifé de prévenir
les fautes que de les réparer.
A ne prévoir rien , on eft furpris &
fouvent embarraffé. A prévenir tout ,
1. Vol,
E ij sing
2648 MERCURE DE FRANCE
s'inquieter toûjours fur l'avenir ,
miferable.
C'eft le propre de la pénétration trop
rafinée , de creufer elle- même des précipices
, où ceux qui la prennent pour gui
de , s'égarent prefque toûjours.
Les hommes en general font des aveugles
; leurs deffeins les mieux concertez
en apparence , manquent , pour l'ordi
naire , par les endroits les moins prévus ,
& fouvent même par les moyens qu'on
avoit choifis pour les faire réüffir.
Il eft bien difficile de paroître prudent
lorfqu'on eft malheureux ; car comme on
ne s'attache qu'à l'apparence des chofes ,
l'évenement feul regle d'ordinaire les ju
gemens , & jamais un deffein ne paroît
bien formé ni bien fuivi , lorſque l'iffuë
n'en eft pas heureuſe .
La prévoyance , toute eftimable qu'elle
nous paroît , n'en eft pas moins fille
de la crainte. C'eft une vertu , mais qui
fuppofe la mifere de celui qui la poffede ,
& qui lui fait fentir fans ceffe fon indigence
prochaine,
Il vaut mieux s'expofer à être trompé
I, Vol. quelDECEMBRE.
1730. 2649
quelquefois , que d'avoir mauvaife optnion
de tout le monde. Une défiance
generale feroit même tomber dans plus
de fautes qu'un peu de crédulité.
On doit fe défier de fes doutes autant
que de fa crédulité ; car ceux qui croyent
trop difficilement , s'éloignent auffi fouvent
de la verité , que ceux qui fe livrent
à tout ce qu'on leur raconte.
Moftrare di credere sempre , e dubitar
Sempre , e il migliore ammaeftramente che fo
poffono infegnare per viver ficuro.
Dieu nous garde de ceux aufquels nous
hous fions , nous nous garderons bien
de ceux dont nous nous défions .
Les gens de bien ſont ſouvent la dupa
pe des méchans , pour n'avoir pas affez
mauvaiſe opinion d'eux.
Bien des gens apprennent aux autres
tromper , par la crainte & la défiance
qu'ils témoignent d'être trompez.
Fermer
Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore plusieurs aspects de la nature humaine, de la gloire et de la prudence. La gloire terrestre est décrite comme éphémère et inefficace contre la pauvreté. La magnanimité est définie comme la capacité de se juger digne de grandes actions sans erreur. Pour préserver la mémoire des belles actions, il est crucial de la rafraîchir régulièrement. Les conversations sur une personne en son absence peuvent nuire aux amitiés. Les esprits critiques cherchent souvent des occasions de censurer ou de blâmer. La connaissance de soi est complexe, car la perception peut être altérée par la distance ou la proximité. Les individus limités méprisent les entreprises qu'ils ne comprennent pas. Prévenir les fautes est plus facile que les réparer, mais une prévoyance excessive peut être nuisible. Les hommes sont souvent aveugles à leurs propres défauts, et la prévoyance est souvent motivée par la crainte. Il est préférable de risquer d'être trompé que de nourrir une défiance générale. La crédulité et la défiance excessive éloignent tous deux de la vérité. Les gens de bien peuvent être dupés par les méchants en raison de leur confiance. Enfin, la méfiance peut encourager les autres à tromper.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 2650
EXPLICATION de l'Enigme & du Logogryphe du mois de Novembre.
Début :
Sous des détours énigmatiques, [...]
Mots clefs :
Ombre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION de l'Enigme & du Logogryphe du mois de Novembre.
EXPLICATION de l'Enigme & du
Logogryphe du mois de Novembre.
Ous des détours énigmatiques ,
Mercure , en vain tu crois cacher la verité
Mon efprit n'eft point démonté
Par aucun de tes fens obliques.
Sans te parler avec orgueil ,
Enigme , Logogryphe , il voit tout d'un coup
d'oeil ,
Et leur voile feroit trois fois encor plus fombre ,
Qu'à fon flambeau foudain difparoîtroit leur
ombre.
Logogryphe du mois de Novembre.
Ous des détours énigmatiques ,
Mercure , en vain tu crois cacher la verité
Mon efprit n'eft point démonté
Par aucun de tes fens obliques.
Sans te parler avec orgueil ,
Enigme , Logogryphe , il voit tout d'un coup
d'oeil ,
Et leur voile feroit trois fois encor plus fombre ,
Qu'à fon flambeau foudain difparoîtroit leur
ombre.
Fermer
18
p. 2650
« On a dû expliquer le second Logogryphe par Courage. [...] »
Début :
On a dû expliquer le second Logogryphe par Courage. [...]
Mots clefs :
Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On a dû expliquer le second Logogryphe par Courage. [...] »
On a dû expliquer le fecond Logo
gryphe par Courage.
gryphe par Courage.
Fermer
19
p. 2650-2651
ENIGME.
Début :
Nous sommes bien des soeurs, mais loin d'être bornées [...]
Mots clefs :
Dents
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Ous fommes bien des foeurs , mais loin d'ètre
bornées Nou
A ne fervir
que
d'ornement ,
Au plus preffant befoin nous fommes deftinées ;
Nous excellons fur tout par notre arrangement.
faire ,
De nos foins l'homme n'a que
Quand de fes ans il commence le cours ;
Mais il obtient notre fecours ,
Dès qu'il lui devient neceffaire,
I. Vol. Si
DECEMBRE. 1730. 2651
Si lorfque l'on nous perd nous pouvions revenir ,
O combien de Neftors paroîtroient rajeunir !
Des termes vainement on trouve l'élegance ;
Sans nous il n'eft point d'Orateurs ;
Voyez quelle eft notre puiſſance ,
Nous aidons à former ces fons vifs & flateurs ;
Dont pour perfuader ou pour toucher les coeurs,
Se fert la plus belle éloquence.
Voilà ce qu'on gagne avec nous..
Pour nous mettre au travail il eft certaines heures
Qui font communes prefqu'à tous :
Nous reffemblons aux fotifes des foux;
Les plus courtes font les meilleures.
Pour avoir differens emplois ,
Par la Nature & l'Art également formées ,
Notre nom paffe quelquefois ,
A des chofes inanimées,
Ous fommes bien des foeurs , mais loin d'ètre
bornées Nou
A ne fervir
que
d'ornement ,
Au plus preffant befoin nous fommes deftinées ;
Nous excellons fur tout par notre arrangement.
faire ,
De nos foins l'homme n'a que
Quand de fes ans il commence le cours ;
Mais il obtient notre fecours ,
Dès qu'il lui devient neceffaire,
I. Vol. Si
DECEMBRE. 1730. 2651
Si lorfque l'on nous perd nous pouvions revenir ,
O combien de Neftors paroîtroient rajeunir !
Des termes vainement on trouve l'élegance ;
Sans nous il n'eft point d'Orateurs ;
Voyez quelle eft notre puiſſance ,
Nous aidons à former ces fons vifs & flateurs ;
Dont pour perfuader ou pour toucher les coeurs,
Se fert la plus belle éloquence.
Voilà ce qu'on gagne avec nous..
Pour nous mettre au travail il eft certaines heures
Qui font communes prefqu'à tous :
Nous reffemblons aux fotifes des foux;
Les plus courtes font les meilleures.
Pour avoir differens emplois ,
Par la Nature & l'Art également formées ,
Notre nom paffe quelquefois ,
A des chofes inanimées,
Fermer
20
p. 2651
LOGOGRYPHE.
Début :
Ma premiere moitié ressemble à la derniere, [...]
Mots clefs :
Coucou
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
MA premiere moitié reffemblé à la derniere
je
Choſe rare , j'ai double cou ,
ne fuis élevé par pere, ni par mere ;
Et paffe pour un franc filou.
J'habite les bois , les bruieres ,
On fçait qu'en dérobant je fais fouvent un don ,
Et quoique j'aye maints confreres ,
Perfonne cependant ne veut porter mon nom.
MA premiere moitié reffemblé à la derniere
je
Choſe rare , j'ai double cou ,
ne fuis élevé par pere, ni par mere ;
Et paffe pour un franc filou.
J'habite les bois , les bruieres ,
On fçait qu'en dérobant je fais fouvent un don ,
Et quoique j'aye maints confreres ,
Perfonne cependant ne veut porter mon nom.
Fermer
22
p. *2652-2652
AUTRE.
Début :
Dans l'Empire Romain je suis très remarquable, [...]
Mots clefs :
Aigle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Ans l'Empire Romain je fuis très remar
quable ,
Mais l'on peut lire dans la Fable ,
Que je fuis placé près d'un Dieu ;
Le feu de mes yeux étincelle.
Orez ma lettre du milieu ,
Vous ne me verrez plus qu'une aile.
D'Orvilliers , de Vernon.
Ans l'Empire Romain je fuis très remar
quable ,
Mais l'on peut lire dans la Fable ,
Que je fuis placé près d'un Dieu ;
Le feu de mes yeux étincelle.
Orez ma lettre du milieu ,
Vous ne me verrez plus qu'une aile.
D'Orvilliers , de Vernon.
Fermer