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1
s. p.
LE PROGRÈS DE L'ART DES JARDINS, Sous le Régne de Louis XIV.
Début :
Quelque éclat que LOUIS ait acquis [...]
Mots clefs :
Prière, Roi, France, Progrès, Art des jardins, Louis XIV, Spectacle
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texteReconnaissance textuelle : LE PROGRÈS DE L'ART DES JARDINS, Sous le Régne de Louis XIV.
LE PROGRES
DE L'ART
DES JARDINS,
Sous le Régne de Louis XIV.
Q+
Velque éclat que Lours ait acquis
par la Guerre ,
Il n'étoit pas toujours armé de sor Tonnere :
Quand la paix importoit au bien de ses Etats ,
Son cœur à ses douceurs ne se refusoit pas.
Aij Ma
2312 MERCURE DE FRANCE
Mais prenant son devoir de plus en plus pous
guide ,
D'un loisir paresseux il abhorroit le vuide ,
Et sans cesse occupé de mille soins nouveaux
Il ne se délassoit qu'à changer de travaux.
Ainsi , lorsque la paix trop long-tems fugi tive
Venoit à ses Lauriers marier son Olive ,
Egalant tour à tour les deux premiers Cé
sars ,
D'un regard favorable il honoroit les Arts.
Que dis- je même au fort des fureurs de Bel
lone
Il les faisoit fleurir à l'abri de son Trône ,
Et comblant les Sçavans et d'honneurs et dø biens ,
Il se les attachoit par les plus doux liens.
Eh! combien d'Arts aussi sous son heureux Ema
pire
A leur perfection n'a- t- on pas sçu conduire
Combien en a- t- on fait éclore d'inconnus ,
Et revenir au jour qui n'étoient déja plus ?
Les fruits presque étouffez au point de leur nais sance
Marquoient de nos Jardins la sterile impuis- sance ,
Ou par un sort semblable à la sterilité ,
Ils ne parvenoient point à leur maturité ;
Ils ne contractoient point ce coloris aimable
Le
NOVEMBRE. 1732. 2319
Le charme des regards , l'ornement de la Tag ble ,
Ni de ce goût exquis les savoureux appas
Dignes de contenter les palais délicats.
A
, peine , à peine même en la saison now
velle >
Par des légumes vils la térre payoit-elle
Des tristes Jardiniers les inutiles soins ;
Et le Ciel dédaignoit la voix de nos besoins.'
LOUIS veut y pourvoir , Lours dont la pruž dence
Egale la grandeur et la vaste puissance
Et dont l'esprit doüé d'un fin discernement
Sçait des talens divers profiter sagement.
Il voit la Quintynie , il le goûte , il l'ad
nime
Par les gages flateurs de la plus haute es time >
Et de ses propres yeux éclairant ses essais ,
Bien-tôt sur ses Jardins il en vit le succês.
Oui , bien-tôt il y vit ces fertiles Parterres ,
Ces Vergers fructueux , ces odorantes Serres ,
Et de ces Espaliers les dons appétissans ,
Par qui la volupté s'offroit à tous les sens.
Mais non c'étoit trop peu que , de la Quin
tynie ,
Ces fortunez Enclos montrassent le génie ,
Louis , qu'un cœur sublime en ses desseins con
duit ,
Aiij Veut
2314 MERCURE DE FRANCE.
Veut que toute la France en partage le fruit.
Aux ordres de son Roi ce grand homme est f
dele ;
D'un Jardinier parfait devenu le modele ,
Il en consigne l'Art dans un Livre fameux ,
Qui jusqu'aux derniers tems instruira nos Ne veux.
C'est là que penetrant jusqu'aux causes pre mieres ?
Au sein de la Nature il porte ses lumieres ,
Et de l'expérience empruntant le secours.
Des antiques erreurs désabuse nos jours.
C'est là qu'il nous prescrit la méthode pr dente
De choisir un terrain propre pour chaque
plante ;
Le moyen d'en connoître et d'en guérir log.
maux ,
Soulager les besoins , corriger les défauts.
C'est là que l'on apprend quelle adroite cul
ture
Peut hâter les progrès de la lente Nature ,
Ou , des Arbres trompeurs prévenant les af- fronts ,
Contraindre leurs rameaux à devenir féconds ;
Rameaux (qui l'auroit crû ) dont la séve as servie
Va se distribuer au gré de notre envie ,.
Et présente les fruits tellement dispersez ,
Qu'à peine avec la main on les eut mieux pla C'est
NOVEMBRE. 1732 2315
' est là qu'on va puiser la divine Science ,
Qui des Astres malins corrige l'influence ,
Par qui sur les Jardins l'hyyer n'a plus da
droits ,
Et dont la Terre enfin semble prendre des
loix.
Mais quelques dons qu'en soi le même esprig
rassemble ,
Il ne peut renfermer tous les talens ensemble.
Embrassant des Jardins la seule utilité ,
Ce Sçavant n'en avoit qu'ébauché la beauté.
Pour couronner l'ouvrage il en falloit u
autre 11
UA
D'un goût fin , délicat , tel enfin que le No
11201
Qui d'un Art enchanteur déployant les se
crets
A la Nature même, ajoutat des attraits.
Vous l'avez éprouvé , Fontainebleau , Versail les :
De vos Palais dorez les pompeuses murail
Jes ,
Et la riche splendeur de vos appartemens
J
Ne font pas tout l'objet de nos ravissemens ;
Et sans vanter ici les insignes spectacles ,
Dont à mille autres Arts vous devez les min
cles ,
L'Art sur qui ce grand Maître a porté le flame beau
tale en vos Jardins un spectacle aussi beau.
A iij C'est
316 MERCURE DE FRANCE
C'est à lui que l'on doit la galante parure
De ces Ifs qu'à son gré l'habile main
gure ,
Et de ces Boulingrains les tapis toujour verds ,
Par qui nous oublions l'outrage des hivers :
C'est à lui que l'on doit ces tentures fleu ries ,
Dont le riant aspect flatte nos rêveries •
Et ces voutes d'Ormeaux , dont le feuillage
épais
Au milieu des chaleurs nous fait goûter le
frais.
C'est à lui que l'on doit ces Cascades bril lantes ,
Et ces superbes Eaux jusqu'au Ciel jaillissan tes ;
Illustres Monumens où nos yeux éblouis
Reconnoissent le Régne et les soins de LOUIS
Priere pour le Roy.
Grand Dieu , qui dans le Roi que la France
pour Maître ,
As versé toutes les vertus
Qui le rendent dignes de l'être ;
Conserve-nous long- tems ce moderne Titus
Augmente d'année en année
Les fruits de son tendre hymenée;
Et fais à nos derniers Neveux ,
( En
NOVEMBRE. 1732. 2317.
( En transmettant son Trône à sa Lignée au
guste )
Goûter l'Empire doux et juste ,
Qui comble aujourd'hui tous nos vœux,
Arboribus morem imposuit Populisque.
Varier. Præd. Rust.
DE L'ART
DES JARDINS,
Sous le Régne de Louis XIV.
Q+
Velque éclat que Lours ait acquis
par la Guerre ,
Il n'étoit pas toujours armé de sor Tonnere :
Quand la paix importoit au bien de ses Etats ,
Son cœur à ses douceurs ne se refusoit pas.
Aij Ma
2312 MERCURE DE FRANCE
Mais prenant son devoir de plus en plus pous
guide ,
D'un loisir paresseux il abhorroit le vuide ,
Et sans cesse occupé de mille soins nouveaux
Il ne se délassoit qu'à changer de travaux.
Ainsi , lorsque la paix trop long-tems fugi tive
Venoit à ses Lauriers marier son Olive ,
Egalant tour à tour les deux premiers Cé
sars ,
D'un regard favorable il honoroit les Arts.
Que dis- je même au fort des fureurs de Bel
lone
Il les faisoit fleurir à l'abri de son Trône ,
Et comblant les Sçavans et d'honneurs et dø biens ,
Il se les attachoit par les plus doux liens.
Eh! combien d'Arts aussi sous son heureux Ema
pire
A leur perfection n'a- t- on pas sçu conduire
Combien en a- t- on fait éclore d'inconnus ,
Et revenir au jour qui n'étoient déja plus ?
Les fruits presque étouffez au point de leur nais sance
Marquoient de nos Jardins la sterile impuis- sance ,
Ou par un sort semblable à la sterilité ,
Ils ne parvenoient point à leur maturité ;
Ils ne contractoient point ce coloris aimable
Le
NOVEMBRE. 1732. 2319
Le charme des regards , l'ornement de la Tag ble ,
Ni de ce goût exquis les savoureux appas
Dignes de contenter les palais délicats.
A
, peine , à peine même en la saison now
velle >
Par des légumes vils la térre payoit-elle
Des tristes Jardiniers les inutiles soins ;
Et le Ciel dédaignoit la voix de nos besoins.'
LOUIS veut y pourvoir , Lours dont la pruž dence
Egale la grandeur et la vaste puissance
Et dont l'esprit doüé d'un fin discernement
Sçait des talens divers profiter sagement.
Il voit la Quintynie , il le goûte , il l'ad
nime
Par les gages flateurs de la plus haute es time >
Et de ses propres yeux éclairant ses essais ,
Bien-tôt sur ses Jardins il en vit le succês.
Oui , bien-tôt il y vit ces fertiles Parterres ,
Ces Vergers fructueux , ces odorantes Serres ,
Et de ces Espaliers les dons appétissans ,
Par qui la volupté s'offroit à tous les sens.
Mais non c'étoit trop peu que , de la Quin
tynie ,
Ces fortunez Enclos montrassent le génie ,
Louis , qu'un cœur sublime en ses desseins con
duit ,
Aiij Veut
2314 MERCURE DE FRANCE.
Veut que toute la France en partage le fruit.
Aux ordres de son Roi ce grand homme est f
dele ;
D'un Jardinier parfait devenu le modele ,
Il en consigne l'Art dans un Livre fameux ,
Qui jusqu'aux derniers tems instruira nos Ne veux.
C'est là que penetrant jusqu'aux causes pre mieres ?
Au sein de la Nature il porte ses lumieres ,
Et de l'expérience empruntant le secours.
Des antiques erreurs désabuse nos jours.
C'est là qu'il nous prescrit la méthode pr dente
De choisir un terrain propre pour chaque
plante ;
Le moyen d'en connoître et d'en guérir log.
maux ,
Soulager les besoins , corriger les défauts.
C'est là que l'on apprend quelle adroite cul
ture
Peut hâter les progrès de la lente Nature ,
Ou , des Arbres trompeurs prévenant les af- fronts ,
Contraindre leurs rameaux à devenir féconds ;
Rameaux (qui l'auroit crû ) dont la séve as servie
Va se distribuer au gré de notre envie ,.
Et présente les fruits tellement dispersez ,
Qu'à peine avec la main on les eut mieux pla C'est
NOVEMBRE. 1732 2315
' est là qu'on va puiser la divine Science ,
Qui des Astres malins corrige l'influence ,
Par qui sur les Jardins l'hyyer n'a plus da
droits ,
Et dont la Terre enfin semble prendre des
loix.
Mais quelques dons qu'en soi le même esprig
rassemble ,
Il ne peut renfermer tous les talens ensemble.
Embrassant des Jardins la seule utilité ,
Ce Sçavant n'en avoit qu'ébauché la beauté.
Pour couronner l'ouvrage il en falloit u
autre 11
UA
D'un goût fin , délicat , tel enfin que le No
11201
Qui d'un Art enchanteur déployant les se
crets
A la Nature même, ajoutat des attraits.
Vous l'avez éprouvé , Fontainebleau , Versail les :
De vos Palais dorez les pompeuses murail
Jes ,
Et la riche splendeur de vos appartemens
J
Ne font pas tout l'objet de nos ravissemens ;
Et sans vanter ici les insignes spectacles ,
Dont à mille autres Arts vous devez les min
cles ,
L'Art sur qui ce grand Maître a porté le flame beau
tale en vos Jardins un spectacle aussi beau.
A iij C'est
316 MERCURE DE FRANCE
C'est à lui que l'on doit la galante parure
De ces Ifs qu'à son gré l'habile main
gure ,
Et de ces Boulingrains les tapis toujour verds ,
Par qui nous oublions l'outrage des hivers :
C'est à lui que l'on doit ces tentures fleu ries ,
Dont le riant aspect flatte nos rêveries •
Et ces voutes d'Ormeaux , dont le feuillage
épais
Au milieu des chaleurs nous fait goûter le
frais.
C'est à lui que l'on doit ces Cascades bril lantes ,
Et ces superbes Eaux jusqu'au Ciel jaillissan tes ;
Illustres Monumens où nos yeux éblouis
Reconnoissent le Régne et les soins de LOUIS
Priere pour le Roy.
Grand Dieu , qui dans le Roi que la France
pour Maître ,
As versé toutes les vertus
Qui le rendent dignes de l'être ;
Conserve-nous long- tems ce moderne Titus
Augmente d'année en année
Les fruits de son tendre hymenée;
Et fais à nos derniers Neveux ,
( En
NOVEMBRE. 1732. 2317.
( En transmettant son Trône à sa Lignée au
guste )
Goûter l'Empire doux et juste ,
Qui comble aujourd'hui tous nos vœux,
Arboribus morem imposuit Populisque.
Varier. Præd. Rust.
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Résumé : LE PROGRÈS DE L'ART DES JARDINS, Sous le Régne de Louis XIV.
Sous le règne de Louis XIV, le roi, connu pour ses conquêtes militaires, appréciait également la paix et les arts. Lors des périodes de tranquillité, il se consacrait au développement des arts et des jardins, honorant les artistes et les savants en leur accordant des honneurs et des biens. Avant l'intervention de Louis XIV, les jardins français étaient stériles et improductifs, avec des fruits rares et de mauvaise qualité. Le roi, avec sa prudence et sa puissance, décida de remédier à cette situation en découvrant et soutenant La Quintinie, un expert en jardinage. Grâce à La Quintinie, les jardins du roi devinrent fertiles et productifs, offrant des parterres, des vergers, des serres et des espaliers. La Quintinie consigna son art dans un livre célèbre, instruisant les générations futures sur la culture des jardins, le choix du terrain, le soin des maladies et les techniques pour hâter la croissance des plantes. Cependant, La Quintinie se concentrait principalement sur l'utilité des jardins. Pour ajouter beauté et charme, un autre expert, probablement André Le Nôtre, fut nécessaire. Ce dernier apporta un goût fin et délicat aux jardins, créant des paysages enchanteurs avec des parures galantes d'ifs, des tapis de boulingrins, des tentures fleuries, des voûtes d'ormeaux, des cascades brillantes et des eaux jaillissantes. Ces éléments devinrent des monuments illustres du règne de Louis XIV. Le texte se termine par une prière pour le roi, demandant à Dieu de conserver Louis XIV et de transmettre son trône à sa lignée auguste, afin que les générations futures puissent continuer à profiter de son règne doux et juste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 2317-2326
LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
Début :
Je suis bien aise, Monsieur, de ne pas vous renvoyer le treizième Volume [...]
Mots clefs :
Pierre de Natalibus, Journal des savants d'Italie, Évêché, Canonisation, Saint
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
LETTRE de M.... sur le siècle où a
vêcu Pierre de Natalibus , sur la situation de son Evêché , et sur la singularité
de son Ouvrage.
E suis bien aise , Monsieur , de ne
JEvous pas renvoyer le treiziéme Volume du Journal des Sçavans d'Italie¸imprimé à Venise , sans vous faire part dequelques-unes de mes remarques. Ce vo- lume contient veritablement bien des
choses qui sont de mon goût. Tels sont
les Extraits de la Dissertation de M. l'Abbé Vignoli , sur l'Epoque de la premiere
année de l'Empereur Severe , qui se voit
sur la Chaire de Marbre de S. Hyppolyte,conservée dans la Bibliotheque Vaticane ; je mets encore de ce nombre ce qui
est rapporté d'après les Ouvrages de
A v M.
2318 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque d'Adria , touchant différens.
Sujets de l'Antiquité Litteraire , et la
Dissertation sur l'Urne sépulcrale d'une
Prafica , avec les Observations sur les Fu
nerailles des Anciens. La découverte des
Fragmens de S. Irenée , inconnus jusqu'ici à tous les Editeurs , et même au Pere
Massuet, m'a paru très digne d'attention,
et on lit avec plaisir les sçavantes Notes.
qui accompagnent ceux d'entre ces Frag--
mens qu'on a jugé à propos d'inserer dans
ce Journal. L'article X. de ce Volume
qui critique quelques endroits de Vos--
sius sur les Historiens Latins , m'a arrêté
davantage. Si dans chaque Nation on entreprenoit de relever les fautes de ce Bi-.
bliothequaire , et de ceux qui sont venus
après lui , on pourroit avoir dans la sui- -
te une connoissance des Ecrivains plus .
éxacte qu'on ne l'a euë jusqu'à présent ,
et encherir de beaucoup sur la Bibliotheque de M. Dupin. J'ai oui dire qu'un
sçavant Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne a conçû le dessein de refondre..
cette Bibliotheque je souhaite que cette nouvelle se trouve veritable.
Entre les trois Auteurs dont on parle
dans les Remarques sur Vossius , j'en ai
choisi un qui est assez obscur dans un
sens , et qui cependant est assez célébre
si
FONOVEMBRE. 1732 2319
si on l'envisage d'un certain côté. C'est
celui que les Ecrivains appellent Petrus de
-Natalibus,et que quelques François se sont
ravisés depuis peu d'appeller Pierre des
Noëls. L'Auteur des Remarques sur Vossius qui ne se nomme pas , m'a paru très
-au fait touchant la Ville d'Equilium, dont
ace Pierre étoit Evêque. Il en décrit la situation d'une maniere très éxacte , et il
-marque soigneusement comment ce nom
Equilium a été corrompu en plusieurs manieres différentes. Il prouve ensuite que
cet Evêché n'a pas été si inconnu que l'a
dit Sandius : que dès le tems du Pape
Jean VIII. il y eut un Pierre d'Equilium,
et un Felix Evêque de la même Ville. Il
en nomme encore d'autres avant et depuis l'Episcopat de Pierre de Natalibus ,
et il assûre quecet Evêché est sous le Patriarchat de Grade. Il nous auroit fait
plaisir de citer quelques anciennes Descriptions des Provinces Ecclesiastiques de
ces pays là. Ces monumens peuvent n'être pas rares en Italie. A son défaut je
vous rapporterai ce que j'en trouve dans
un Manuscrit du treizième siècle, où sont
détaillez tous les Evêchez d'Italie. In
•·Histria supra mare , Patriarchatus Gradensis bos habet suffraganeos ; Castellanum
Torcellanum Aquilensem , Esulanum , Ca2 Avj pru
2320 MERCURE DE FRANCE
prulensem , Closenum , Civitatis nova. Il
est hors de doute que par Esulanum il faut
entendre Equilum. Le Journaliste en convient. On voit dans cette énumération
des sept Evêchez de quoi autoriser de
plus en plus l'Auteur à refuter Ferrari ,
qui a dit dans son Lexicon Geographique qu'Equilum avoit été du Patriarchat
d'Aquilée , et de quoi combattre ceux qui
ont confondu cet Equilum avec Cittanova , qui est située dans le même Pays.
Vossius est ensuite repris avec trèsgrande justice , pour avoir dit que Pierre
Evêque de cette Ville publia vers l'an
1470. quelques Histoires sur les Saints.
C'est à l'époque du tems auquel il le fait
vivre , que l'Anonime Italien en veut
d'abord. Il blâme avec raison Aubert le
Mire , Warton et autres , d'avoir fait vivre cet Evêque jusques vers la fin du XV.
siécle. M. Dupin fait voir , dit- il , beaud'inconstance dans ce qu'il a écrit
sur cet Auteur , et après avoir bien rencontré dans le X. Tome de sa Bibliotheque , il s'explique dans le douzième d'u
ne maniere opposée à ce qu'il avoit avan
cé. C'est ordinairement dans les derniers
volumes que l'on corrige les fautes dans
lesquelles on est tombé : M. Dupin a fait
sout le contraire. Les Bollandistes n'ont
coup
pas
NOVEMBRE. 1732. 2321
pas fait de même car après avoir dit
dans la Préface de leur premier Tome de
Janvier que ce Pierre de Natalibus étoit
contemporain de S. Antonin deFlorence ,
ils assurent dans le premier Tome de Février que cet Evêque est beaucoup plus
ancien que S. Antonin ; ce qui les mit au
fait de l'âge de notre Auteur, fût une Note tirée d'un Exemplaire considérable de
son Catalogus Sanctorum , écrit en 1403.
par un Curé de Saint Raphaël , à la fin
duquel on lisoit ces mots : Petrus Episcopus Venetus scribere inchoat anno M.CCC.
LXIX. die festo S. Bernarbe, adhuc plebanus existens, Sanctorum Apostolorum Venetiarum Diocesis Castellanensis. Opus vero
ad exitum per duxit anno M. CCC. LXXII.
die xxvI. Maiijam creatusEpiscopus Equilinus Provincia Gradensis. Ce peu de lignes démontre clairement que Pierre de Natalibus a vêcu cent, ans plutôt qu'on
n'avoit crû. Le Journaliste ajoûte à cela
que dans la Venise de Sansovino il y a
une Inscription qui marque la bénédiction d'une Chapelle de Saint Michel , faite en 1376. où après l'Evêque de Venise
est nommé Messer Pietro Nadal Vescovo
di Jesolo. Mais je suis surpris que ce Venitien qui paroît avoir tant à cœur de
redresser l'époque du tems auquel vivoit
Pierre
2322 MERCURE DE FRANCE
Pierre Evêque d'Equilum , ou d'Esulum,
ait oublié une preuve qui se tire naturel--
lement de l'Ouvrage même de cet Evêque. Je ne lis guéres cet Ouvrage que:
pour y apprendre jusqu'à quel point on
a défiguré l'Histoire des Saints dans les
siécles où la critique étoit peu éclairée
Mais je ne puis m'empêcher d'avertir que
le Critique de Vossius auroit pû jetter la
vue sur le commencement de la vie de
Saint Yves , et il y auroit vû que Pierre
marque assez clairement le tems auquel il
vivoit. Il débute ainsi sur les actions de
ce saint Curé du Diocèse de Treguier.
Lib. 5. Cap. 21. Ivo Presbyter et novus Confessor apud Trechorensem civitatem claruit ,
indiebus nostris canonizatus per Clementem
Papam sextum. Par là , l'Ecrivain déclare
sans aucune ambiguité qu'il a vêcu sous
le Pontificat de Clement VI. Or ce Pape
Limosin de naissance tint le Siége de
Saint Pierre depuis l'an 1342. jusqu'en
l'an 1352. Donc , Pierre Nadal vivoit au
milieu du XIV. siécle , et non pas du XV.-
et par conséquent il n'a pas été contem---
porain de S. Antonin. Quoique les Ecri
vains varient sur l'année dans laquelle
Clement VI. fit cette cérémonie , il est
toujours vrai de dire qu'elle se trouve
dans l'espace de ces dix années. Quel-
,
4
ques
NOVEMBRE. 1732. 2323
1
ques-uns pourroient faire remonter encore plus haut Pierre Nadal , etassûrer
qu'il a vêcu en même tems que Saint
Yves , c'est - à - dire , à la fin du treiziéme siécle prétendant que c'est ce qu'il a
voulu marquer , en plaçant la virgule none
avant in diebus nostris , mais après. Ce
raisonnement auroit quelque air de vrai
semblance s'il étoit bien certain que Pierre
Nadal eut regardé la Fête- Dieu comme
instituée tout récemment de son tems :
mais en éxaminant de près ce qu'il en dit ,
Lib. V. Cap. 45. on reconnoît que le nuper
ne doit pas être pris à la lettre , et qu'il
pouvoit s'entendre d'une chose déja éloignée , puisqu'il ajoûte tout de suite tune
temporis , ce que l'on ne dit que quand il
y a déja bien du tems que les choses sont
passées. D'un autre côté , l'on ne peut pas
reculer la mort de S. Yves bien avant dans
le XIV. siécle. Ce seroit être ridicule que
de réformer l'époque à laquelle on fixe sa..
mort , par celle du tems auquel les Ins--
criptions ci-dessus rapportées disent que
vivoit Pierre Nadal.Sans recourir à laBulle
de sa Canonisation , qui est le fondement
de son Histoire , on peut prouver par un
Synode de Treguier , qu'il étoit décedé
avant le commencement du Pontificat de
Jean XXII. et par conséquent avant l'an
1316a
2324 MERCURE DE FRANCE
1316. Ce Synode tenu dans l'une des premieres années de ce Pape , comme il pa
roît par son LXIX. Statut , ordonne dans
le soixante et dixième de la part de l'Evêque Diocesain à tous les Curez du Diocèse de Treguier , qu'ils engagent les peuples à obtenir de Dieu par un jeûne extraordinaire , et par une Messe Solemnelle du Saint Esprit , qu'il lui plaise d'operer de nouveaux miracles aux prieres
de Monsieur Yves Hælori. * Ce langage
déclare assez nettement que S. Yves étoit
mort alors , mais qu'il n'étoit pas canonisé , et que les miracles étoient rallentis à
son Tombeau , ou qu'il ne s'y en faisoit .
plus , et que cependant on souhaittoit
qu'ils recommençassent , pour prouver
de plus en plus sa sainteté , à laquelle le
Diocèse de Treguier étoit interessé. Vous
avez dû remarquer cette expression , novus Confessor. Elle désigne un Saint de
nouvelle date , c'est-à- dire , que lorsque
cela a été écrit , Messire Yves Hælori étoit
reconnu depuis peu pour Saint ; de la même maniere que le titre de nova Solemnitas , en parlant de la Fête- Dieu , marque
que les Livres où se trouve cet Epithete
sont écrits peu de tems après l'établisseVoyez ce Synode de Treguier au IV. Tome du
Trésor des Anecdotes du P. Martene , p. 1097.
ment
NOVEMBRE. 1732. 2320
ment de cette Fête.Mais je ne sçai si vous
( avez jamais fait attention que ce saint
Curé est le dernier Personnage d'entre
les Ecclésiastiques de France , et François
de naissance , qui ait été canonisé selon les
formes modernes peu de tems après sa
mort , et que depuis lui il n'y en a eu aucun de même que depuis le siecle de
cette canonisation il n'y a point eu de
Pape François.
•
>
gens ,
Je me suis peut-être étendu plus que
je n'aurois dû , à faire sentir que la vie
de S. Yves peut servir à fixer le tems auquel vivoit Pierre Nadal. Je ne sçai
après tout , si un Auteur qui a été si simple que de canoniser toutes sortes de
en valoit la peine : je ne vous le donne
pour célébre Ecrivain que de ce côté- là.
L'envie d'enfanter un gros volume l'a
porté à y faire entrer sous le nom de Saint
tous ceux qui sont dans la Génealogie de
N. S. selon S. Luc , tous les Juges de
l'Ancien Testament , et à ne point refuser ce titre au Roi Salomon. Il canonise
dans la nouvelle Loi tous les hommes illustres du Catalogue de S. Jerôme , tous
les Ecrivains Ecclésiastiques de Gennade ,
et tous les Empereurs Romains qui passent pour avoir été amis du Christianisme.Iln'y a pas jusqu'àRolland etOlivier,
pré
2326 MERCURE DE FRANCE
·
9
prétendus guerriers du tems de Charle
magne qui ont aussi le titre de Saint. Après -
cet avertissement vous ne serez pas surpris si en ouvrant jamais cet Ouvrage
Vous y appercevez à la fin du mois de
Janvier ces titres De Sancto Sale de
S. Heber , de S Phaleg , de S. Reй : au
premier jour d'Août de S. Salomone Rege
et Prophetâ : et dans l'onziéme Livre , de
Sancta Mamma Regina et Martyre , de
Sanctis Philippo et Philippo Imperatoribus
Martyribus , de Sancto Theodosio Magno ,
و
c. Ceci me meneroit naturellement à
vous parler de l'Ouvrage d'un certain
Carme appellé Zeger- Paul , ou plutôt du
Martyrologe de Tamayo de Salazar , Espagnol , lequel a prétendu trouver dans
Martial un grand nombre de Saints d'Es- ·
pagne. Mais permettez- moi de remettre
cette remarque à une autre occasion , eɛ ^
de finir en vous assurant que je suis , &
Ce 31 Mai 1732.
vêcu Pierre de Natalibus , sur la situation de son Evêché , et sur la singularité
de son Ouvrage.
E suis bien aise , Monsieur , de ne
JEvous pas renvoyer le treiziéme Volume du Journal des Sçavans d'Italie¸imprimé à Venise , sans vous faire part dequelques-unes de mes remarques. Ce vo- lume contient veritablement bien des
choses qui sont de mon goût. Tels sont
les Extraits de la Dissertation de M. l'Abbé Vignoli , sur l'Epoque de la premiere
année de l'Empereur Severe , qui se voit
sur la Chaire de Marbre de S. Hyppolyte,conservée dans la Bibliotheque Vaticane ; je mets encore de ce nombre ce qui
est rapporté d'après les Ouvrages de
A v M.
2318 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque d'Adria , touchant différens.
Sujets de l'Antiquité Litteraire , et la
Dissertation sur l'Urne sépulcrale d'une
Prafica , avec les Observations sur les Fu
nerailles des Anciens. La découverte des
Fragmens de S. Irenée , inconnus jusqu'ici à tous les Editeurs , et même au Pere
Massuet, m'a paru très digne d'attention,
et on lit avec plaisir les sçavantes Notes.
qui accompagnent ceux d'entre ces Frag--
mens qu'on a jugé à propos d'inserer dans
ce Journal. L'article X. de ce Volume
qui critique quelques endroits de Vos--
sius sur les Historiens Latins , m'a arrêté
davantage. Si dans chaque Nation on entreprenoit de relever les fautes de ce Bi-.
bliothequaire , et de ceux qui sont venus
après lui , on pourroit avoir dans la sui- -
te une connoissance des Ecrivains plus .
éxacte qu'on ne l'a euë jusqu'à présent ,
et encherir de beaucoup sur la Bibliotheque de M. Dupin. J'ai oui dire qu'un
sçavant Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne a conçû le dessein de refondre..
cette Bibliotheque je souhaite que cette nouvelle se trouve veritable.
Entre les trois Auteurs dont on parle
dans les Remarques sur Vossius , j'en ai
choisi un qui est assez obscur dans un
sens , et qui cependant est assez célébre
si
FONOVEMBRE. 1732 2319
si on l'envisage d'un certain côté. C'est
celui que les Ecrivains appellent Petrus de
-Natalibus,et que quelques François se sont
ravisés depuis peu d'appeller Pierre des
Noëls. L'Auteur des Remarques sur Vossius qui ne se nomme pas , m'a paru très
-au fait touchant la Ville d'Equilium, dont
ace Pierre étoit Evêque. Il en décrit la situation d'une maniere très éxacte , et il
-marque soigneusement comment ce nom
Equilium a été corrompu en plusieurs manieres différentes. Il prouve ensuite que
cet Evêché n'a pas été si inconnu que l'a
dit Sandius : que dès le tems du Pape
Jean VIII. il y eut un Pierre d'Equilium,
et un Felix Evêque de la même Ville. Il
en nomme encore d'autres avant et depuis l'Episcopat de Pierre de Natalibus ,
et il assûre quecet Evêché est sous le Patriarchat de Grade. Il nous auroit fait
plaisir de citer quelques anciennes Descriptions des Provinces Ecclesiastiques de
ces pays là. Ces monumens peuvent n'être pas rares en Italie. A son défaut je
vous rapporterai ce que j'en trouve dans
un Manuscrit du treizième siècle, où sont
détaillez tous les Evêchez d'Italie. In
•·Histria supra mare , Patriarchatus Gradensis bos habet suffraganeos ; Castellanum
Torcellanum Aquilensem , Esulanum , Ca2 Avj pru
2320 MERCURE DE FRANCE
prulensem , Closenum , Civitatis nova. Il
est hors de doute que par Esulanum il faut
entendre Equilum. Le Journaliste en convient. On voit dans cette énumération
des sept Evêchez de quoi autoriser de
plus en plus l'Auteur à refuter Ferrari ,
qui a dit dans son Lexicon Geographique qu'Equilum avoit été du Patriarchat
d'Aquilée , et de quoi combattre ceux qui
ont confondu cet Equilum avec Cittanova , qui est située dans le même Pays.
Vossius est ensuite repris avec trèsgrande justice , pour avoir dit que Pierre
Evêque de cette Ville publia vers l'an
1470. quelques Histoires sur les Saints.
C'est à l'époque du tems auquel il le fait
vivre , que l'Anonime Italien en veut
d'abord. Il blâme avec raison Aubert le
Mire , Warton et autres , d'avoir fait vivre cet Evêque jusques vers la fin du XV.
siécle. M. Dupin fait voir , dit- il , beaud'inconstance dans ce qu'il a écrit
sur cet Auteur , et après avoir bien rencontré dans le X. Tome de sa Bibliotheque , il s'explique dans le douzième d'u
ne maniere opposée à ce qu'il avoit avan
cé. C'est ordinairement dans les derniers
volumes que l'on corrige les fautes dans
lesquelles on est tombé : M. Dupin a fait
sout le contraire. Les Bollandistes n'ont
coup
pas
NOVEMBRE. 1732. 2321
pas fait de même car après avoir dit
dans la Préface de leur premier Tome de
Janvier que ce Pierre de Natalibus étoit
contemporain de S. Antonin deFlorence ,
ils assurent dans le premier Tome de Février que cet Evêque est beaucoup plus
ancien que S. Antonin ; ce qui les mit au
fait de l'âge de notre Auteur, fût une Note tirée d'un Exemplaire considérable de
son Catalogus Sanctorum , écrit en 1403.
par un Curé de Saint Raphaël , à la fin
duquel on lisoit ces mots : Petrus Episcopus Venetus scribere inchoat anno M.CCC.
LXIX. die festo S. Bernarbe, adhuc plebanus existens, Sanctorum Apostolorum Venetiarum Diocesis Castellanensis. Opus vero
ad exitum per duxit anno M. CCC. LXXII.
die xxvI. Maiijam creatusEpiscopus Equilinus Provincia Gradensis. Ce peu de lignes démontre clairement que Pierre de Natalibus a vêcu cent, ans plutôt qu'on
n'avoit crû. Le Journaliste ajoûte à cela
que dans la Venise de Sansovino il y a
une Inscription qui marque la bénédiction d'une Chapelle de Saint Michel , faite en 1376. où après l'Evêque de Venise
est nommé Messer Pietro Nadal Vescovo
di Jesolo. Mais je suis surpris que ce Venitien qui paroît avoir tant à cœur de
redresser l'époque du tems auquel vivoit
Pierre
2322 MERCURE DE FRANCE
Pierre Evêque d'Equilum , ou d'Esulum,
ait oublié une preuve qui se tire naturel--
lement de l'Ouvrage même de cet Evêque. Je ne lis guéres cet Ouvrage que:
pour y apprendre jusqu'à quel point on
a défiguré l'Histoire des Saints dans les
siécles où la critique étoit peu éclairée
Mais je ne puis m'empêcher d'avertir que
le Critique de Vossius auroit pû jetter la
vue sur le commencement de la vie de
Saint Yves , et il y auroit vû que Pierre
marque assez clairement le tems auquel il
vivoit. Il débute ainsi sur les actions de
ce saint Curé du Diocèse de Treguier.
Lib. 5. Cap. 21. Ivo Presbyter et novus Confessor apud Trechorensem civitatem claruit ,
indiebus nostris canonizatus per Clementem
Papam sextum. Par là , l'Ecrivain déclare
sans aucune ambiguité qu'il a vêcu sous
le Pontificat de Clement VI. Or ce Pape
Limosin de naissance tint le Siége de
Saint Pierre depuis l'an 1342. jusqu'en
l'an 1352. Donc , Pierre Nadal vivoit au
milieu du XIV. siécle , et non pas du XV.-
et par conséquent il n'a pas été contem---
porain de S. Antonin. Quoique les Ecri
vains varient sur l'année dans laquelle
Clement VI. fit cette cérémonie , il est
toujours vrai de dire qu'elle se trouve
dans l'espace de ces dix années. Quel-
,
4
ques
NOVEMBRE. 1732. 2323
1
ques-uns pourroient faire remonter encore plus haut Pierre Nadal , etassûrer
qu'il a vêcu en même tems que Saint
Yves , c'est - à - dire , à la fin du treiziéme siécle prétendant que c'est ce qu'il a
voulu marquer , en plaçant la virgule none
avant in diebus nostris , mais après. Ce
raisonnement auroit quelque air de vrai
semblance s'il étoit bien certain que Pierre
Nadal eut regardé la Fête- Dieu comme
instituée tout récemment de son tems :
mais en éxaminant de près ce qu'il en dit ,
Lib. V. Cap. 45. on reconnoît que le nuper
ne doit pas être pris à la lettre , et qu'il
pouvoit s'entendre d'une chose déja éloignée , puisqu'il ajoûte tout de suite tune
temporis , ce que l'on ne dit que quand il
y a déja bien du tems que les choses sont
passées. D'un autre côté , l'on ne peut pas
reculer la mort de S. Yves bien avant dans
le XIV. siécle. Ce seroit être ridicule que
de réformer l'époque à laquelle on fixe sa..
mort , par celle du tems auquel les Ins--
criptions ci-dessus rapportées disent que
vivoit Pierre Nadal.Sans recourir à laBulle
de sa Canonisation , qui est le fondement
de son Histoire , on peut prouver par un
Synode de Treguier , qu'il étoit décedé
avant le commencement du Pontificat de
Jean XXII. et par conséquent avant l'an
1316a
2324 MERCURE DE FRANCE
1316. Ce Synode tenu dans l'une des premieres années de ce Pape , comme il pa
roît par son LXIX. Statut , ordonne dans
le soixante et dixième de la part de l'Evêque Diocesain à tous les Curez du Diocèse de Treguier , qu'ils engagent les peuples à obtenir de Dieu par un jeûne extraordinaire , et par une Messe Solemnelle du Saint Esprit , qu'il lui plaise d'operer de nouveaux miracles aux prieres
de Monsieur Yves Hælori. * Ce langage
déclare assez nettement que S. Yves étoit
mort alors , mais qu'il n'étoit pas canonisé , et que les miracles étoient rallentis à
son Tombeau , ou qu'il ne s'y en faisoit .
plus , et que cependant on souhaittoit
qu'ils recommençassent , pour prouver
de plus en plus sa sainteté , à laquelle le
Diocèse de Treguier étoit interessé. Vous
avez dû remarquer cette expression , novus Confessor. Elle désigne un Saint de
nouvelle date , c'est-à- dire , que lorsque
cela a été écrit , Messire Yves Hælori étoit
reconnu depuis peu pour Saint ; de la même maniere que le titre de nova Solemnitas , en parlant de la Fête- Dieu , marque
que les Livres où se trouve cet Epithete
sont écrits peu de tems après l'établisseVoyez ce Synode de Treguier au IV. Tome du
Trésor des Anecdotes du P. Martene , p. 1097.
ment
NOVEMBRE. 1732. 2320
ment de cette Fête.Mais je ne sçai si vous
( avez jamais fait attention que ce saint
Curé est le dernier Personnage d'entre
les Ecclésiastiques de France , et François
de naissance , qui ait été canonisé selon les
formes modernes peu de tems après sa
mort , et que depuis lui il n'y en a eu aucun de même que depuis le siecle de
cette canonisation il n'y a point eu de
Pape François.
•
>
gens ,
Je me suis peut-être étendu plus que
je n'aurois dû , à faire sentir que la vie
de S. Yves peut servir à fixer le tems auquel vivoit Pierre Nadal. Je ne sçai
après tout , si un Auteur qui a été si simple que de canoniser toutes sortes de
en valoit la peine : je ne vous le donne
pour célébre Ecrivain que de ce côté- là.
L'envie d'enfanter un gros volume l'a
porté à y faire entrer sous le nom de Saint
tous ceux qui sont dans la Génealogie de
N. S. selon S. Luc , tous les Juges de
l'Ancien Testament , et à ne point refuser ce titre au Roi Salomon. Il canonise
dans la nouvelle Loi tous les hommes illustres du Catalogue de S. Jerôme , tous
les Ecrivains Ecclésiastiques de Gennade ,
et tous les Empereurs Romains qui passent pour avoir été amis du Christianisme.Iln'y a pas jusqu'àRolland etOlivier,
pré
2326 MERCURE DE FRANCE
·
9
prétendus guerriers du tems de Charle
magne qui ont aussi le titre de Saint. Après -
cet avertissement vous ne serez pas surpris si en ouvrant jamais cet Ouvrage
Vous y appercevez à la fin du mois de
Janvier ces titres De Sancto Sale de
S. Heber , de S Phaleg , de S. Reй : au
premier jour d'Août de S. Salomone Rege
et Prophetâ : et dans l'onziéme Livre , de
Sancta Mamma Regina et Martyre , de
Sanctis Philippo et Philippo Imperatoribus
Martyribus , de Sancto Theodosio Magno ,
و
c. Ceci me meneroit naturellement à
vous parler de l'Ouvrage d'un certain
Carme appellé Zeger- Paul , ou plutôt du
Martyrologe de Tamayo de Salazar , Espagnol , lequel a prétendu trouver dans
Martial un grand nombre de Saints d'Es- ·
pagne. Mais permettez- moi de remettre
cette remarque à une autre occasion , eɛ ^
de finir en vous assurant que je suis , &
Ce 31 Mai 1732.
Fermer
Résumé : LETTRE de M.... sur le siécle où a vêcu Pierre de Natalibus, sur la situation de son Evêché, et sur la singularité de son Ouvrage.
La lettre de M.... traite du treizième volume du Journal des Sçavans d'Italie, imprimé à Venise, qui présente plusieurs articles intéressants. Parmi ceux-ci, les extraits de la dissertation de l'abbé Vignoli sur l'époque de la première année de l'empereur Sévère, les ouvrages de l'évêque d'Adria sur divers sujets de l'antiquité littéraire, et la dissertation sur l'urne sépulcrale d'une Praefica sont particulièrement notables. La découverte de fragments de Saint Irénée, inconnus jusqu'alors, est également soulignée. L'auteur critique certains passages de Vossius sur les historiens latins et suggère que relever les fautes de ce bibliothécaire et de ses successeurs pourrait améliorer la connaissance des écrivains. Il mentionne un bénédictin de la Congrégation de Saint Vanne qui envisage de refondre la bibliothèque de M. Dupin. La lettre se concentre ensuite sur Pierre de Natalibus, un auteur obscur mais célèbre dans certains cercles. L'auteur des remarques sur Vossius décrit avec précision la ville d'Equilium, dont Pierre était évêque, et corrige les erreurs sur l'époque de sa vie. Pierre de Natalibus a vécu au milieu du XIVe siècle, sous le pontificat de Clément VI, et non au XVe siècle comme l'ont affirmé certains écrivains. Cette correction est appuyée par des preuves tirées de l'ouvrage même de Pierre et de diverses inscriptions. L'auteur conclut en mentionnant la singularité de l'ouvrage de Pierre de Natalibus, qui canonise un grand nombre de personnages, y compris des figures de l'Ancien Testament et des empereurs romains. Il promet de discuter d'autres ouvrages, comme celui de Zeger-Paul ou du Martyrologe de Tamayo de Salazar, dans une autre lettre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2327-2329
L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Début :
Ne vous étonnez point que du Royaume sombre. [...]
Mots clefs :
Madame Deshoulières, Auteur, Héros, Style, Délicatesse, Imiter
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texteReconnaissance textuelle : L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
L'OMBRE de Madame Deshoulieres
Mad de Malcrais de la Vigne
du Croisic , en Bretagne.
E vous étonnez point que du Royaum NEVOSOmbre sombre ...
On évoque aujourd'hui mon ombre ,
Puisque vous avez fait revivre a deux Héros ,
Pour louer un Auteur fertile en beaux propos
3
Qui sçut en Vers gravez au Temple de mé
moire. ,
Celebrer un des plus grands Rois ,.
Dont la France ait suivi les Loix ,
Et du Lion du Nord vient d'écrire l'histoire g
Auteur digne en effet de sujets aussi grands ,
Que ces deux fameux Conquerants , -
Mais quittons son éloge et travaillons au vôtre
Plus long à faire qu'aucun autre.
C'est à vous seule que j'en veux ,
Jusques dans les Enfers le bruit court qu'au Par nasse ,
Vous avez obtenu ma place ;
La Piece en Vers , adressée par Mule Malcrais , à
M. de Voltaire , Auteur du Poëme de Henry le
Grand , et de l'Histoire de Charles XII. Roy de
Suede. Cette Piece est inserée dans le Mercure du
mois de Juillet 17320-
#328 MERCURE DE FRANCE
On dit que si jamais on a formé des vœux
Pour voir réssusciter mon stile
Ce souhait devient inutile ,
Et qu'on retrouve dans vos Vers ,
Les
graces , les
beautez
et les talents
divers
,
Dont
j'étois
autrefois
si
richement
pourvûë
,
Les
regrets
de ma
mort
,
désormais
superflus
,
Font
que
dans
le monde
on
n'est
plus
Si fâché
de
m'avoir
perduë.
Comme moi du vif erjoüement ,
Vous avez la délicatesse ;
Du goût et du discernement ,
Vous avez comme moi ,
l'admirable justesse.
Soit que la tendre a Euterpe , aux amoureux
transports ,
Exerce votre heureux génie ;
Sois que l'illustre & Polimnie,
Vous inspire à son tour de plus nobles accords .
Et d'une façon admirable ,
Vous fasse regretter la perte irréparable
D'un Pere bien aimé , descendu chez les Mortse
Qu'il devoit être cher à toute sa famille ,
Si l'on en doit juger par son aimable fille !
Mlle Malcrais a fait une Idille fort jolie , in
vitulée: Les Hirondelles. Euterpe est la Muse PasBoralle.
b Muse de l'Ode. Mlle Malcrais afait unefore belle Ode sur la mort de son Pøre,
Mais
NOVEMBRE. 17327 2324
Mais tirons le rideau sur de tristes objets ¿
Vos Vers dans un gai badinage,
Imitant de Marot l'agréable langage ,
M'offrent de plus riants sujets ;
Tantôt d'un Astrologue ignare , e
Vous nous contez un plaisant trait ,
Tantôt d'un Capucin d d'une figure rare ,
Vous offrez à nos yeux le grotesque portrait.
Ah ! que j'aime à vous voir réprimere du Meri cure ,
Les ridicules Ennemis ;
It certes il vous est plus qu'à d'autres permis,
De détruire en deux mots leur injuste Censure.
Quoiqu'en vous on puisse avouer
Mille autres choses à louer ,
Je me tais , car mon interprete
Est las d'une si longue traitte.
Dans sa bouche mes Vers deviendroient af deffaut :
Depuis que vous avez herité de mes graces ,
Il n'appartient qu'à vous de marcher sur mes traces ,
at de m'imiter comme il faut,
Par M. PESSELIER, de la Ferté
Sous-Jouare,
• Pieces en Vers Marotiques. L'Almanach de Nante, d le Frere Chichon.
´e Piece , intitulée : Les Censeurs du Mercure
Mad de Malcrais de la Vigne
du Croisic , en Bretagne.
E vous étonnez point que du Royaum NEVOSOmbre sombre ...
On évoque aujourd'hui mon ombre ,
Puisque vous avez fait revivre a deux Héros ,
Pour louer un Auteur fertile en beaux propos
3
Qui sçut en Vers gravez au Temple de mé
moire. ,
Celebrer un des plus grands Rois ,.
Dont la France ait suivi les Loix ,
Et du Lion du Nord vient d'écrire l'histoire g
Auteur digne en effet de sujets aussi grands ,
Que ces deux fameux Conquerants , -
Mais quittons son éloge et travaillons au vôtre
Plus long à faire qu'aucun autre.
C'est à vous seule que j'en veux ,
Jusques dans les Enfers le bruit court qu'au Par nasse ,
Vous avez obtenu ma place ;
La Piece en Vers , adressée par Mule Malcrais , à
M. de Voltaire , Auteur du Poëme de Henry le
Grand , et de l'Histoire de Charles XII. Roy de
Suede. Cette Piece est inserée dans le Mercure du
mois de Juillet 17320-
#328 MERCURE DE FRANCE
On dit que si jamais on a formé des vœux
Pour voir réssusciter mon stile
Ce souhait devient inutile ,
Et qu'on retrouve dans vos Vers ,
Les
graces , les
beautez
et les talents
divers
,
Dont
j'étois
autrefois
si
richement
pourvûë
,
Les
regrets
de ma
mort
,
désormais
superflus
,
Font
que
dans
le monde
on
n'est
plus
Si fâché
de
m'avoir
perduë.
Comme moi du vif erjoüement ,
Vous avez la délicatesse ;
Du goût et du discernement ,
Vous avez comme moi ,
l'admirable justesse.
Soit que la tendre a Euterpe , aux amoureux
transports ,
Exerce votre heureux génie ;
Sois que l'illustre & Polimnie,
Vous inspire à son tour de plus nobles accords .
Et d'une façon admirable ,
Vous fasse regretter la perte irréparable
D'un Pere bien aimé , descendu chez les Mortse
Qu'il devoit être cher à toute sa famille ,
Si l'on en doit juger par son aimable fille !
Mlle Malcrais a fait une Idille fort jolie , in
vitulée: Les Hirondelles. Euterpe est la Muse PasBoralle.
b Muse de l'Ode. Mlle Malcrais afait unefore belle Ode sur la mort de son Pøre,
Mais
NOVEMBRE. 17327 2324
Mais tirons le rideau sur de tristes objets ¿
Vos Vers dans un gai badinage,
Imitant de Marot l'agréable langage ,
M'offrent de plus riants sujets ;
Tantôt d'un Astrologue ignare , e
Vous nous contez un plaisant trait ,
Tantôt d'un Capucin d d'une figure rare ,
Vous offrez à nos yeux le grotesque portrait.
Ah ! que j'aime à vous voir réprimere du Meri cure ,
Les ridicules Ennemis ;
It certes il vous est plus qu'à d'autres permis,
De détruire en deux mots leur injuste Censure.
Quoiqu'en vous on puisse avouer
Mille autres choses à louer ,
Je me tais , car mon interprete
Est las d'une si longue traitte.
Dans sa bouche mes Vers deviendroient af deffaut :
Depuis que vous avez herité de mes graces ,
Il n'appartient qu'à vous de marcher sur mes traces ,
at de m'imiter comme il faut,
Par M. PESSELIER, de la Ferté
Sous-Jouare,
• Pieces en Vers Marotiques. L'Almanach de Nante, d le Frere Chichon.
´e Piece , intitulée : Les Censeurs du Mercure
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Résumé : L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Madame Malcrais de la Vigne adresse une pièce en vers à Voltaire, célèbre pour ses œuvres 'Le Poème de Henri le Grand' et 'L'Histoire de Charles XII, Roi de Suède'. Elle exprime son admiration pour Voltaire et compare ses talents littéraires aux siens, affirmant avoir obtenu une place au Parnasse. Madame Malcrais loue la délicatesse, le goût et le discernement de Voltaire, et mentionne qu'il a écrit une idylle intitulée 'Les Hirondelles' et une ode sur la mort de son père. La pièce évoque également des anecdotes légères sur un astrologue et un capucin, et admire la capacité de Voltaire à réprimer les ridicules ennemis. Madame Malcrais conclut en reconnaissant que Voltaire a hérité de ses grâces et qu'il est désormais le seul à pouvoir marcher sur ses traces.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2330-2339
CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
Début :
Ces Montages, d'une conformation singuliere, ont plus de 12 toises d'élévation [...]
Mots clefs :
Montmartre, Butte de Chaumont, Crément de Rivière, Montagnes, Colline, Formation, Pierres
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texteReconnaissance textuelle : CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
CONJECTURES sur la formation de
Montmartre, et de la Butte de
Chaumont, près Paris.
Es Montagnes , d'une conformation
Csinguliere,ont plus de 12 toises d'élevation dans leur plus grande coupe, qui
est vis- à-vis l'une de l'autre. Elles sont
toutes composées de lits ou de couches
posées les unes sur les autres , à peu près
comme le sont les Couches qui composent le Crément de Riviere. La seule dif
férence sensible qu'il y a entre le Crément de Riviere et cette matiere , c'est
que le Crément de Riviere n'a point de
Pierres , au lieu que dans ces Montagnes
il y a plusieurs lits ou bancs de Pierre.
Ces Montagnes sont divisées en deux,
par des bancs de pierre brûlée. La partie
inférieure est composée de plusieurs bancs
de pierre à plâtre. On a trouvé plusieurs
fois dans cette partie , des Ossemens , et
même un Squelette humain tout entier.
J'ai eu d'un Ouvrier , l'Os d'une côte
enchassée dans une pierre qui en avoit
été tirée.
La Partie supérieure des pierres brû
lées
NOVEMBRE. 1732 (23
$
fées , est composée comme la premiere ,
de plusieurs bancs de pierres à plâtre. On
trouve aussi des Ossemens dans cette par--
tie - cy , au dessus de laquelle il y a des
lits ou feuillets de terre , tout comme
ceux du Crément de Riviere.
Après ce petit détail , on croit pouvoir
proposer quelques conjectures , persuadé
que si on n'a pas pensé juste , on pourra
au moins donner occasion à quelque personne plus habile de découvrir la véritable cause Physique de ces Montagnes ,
qui ne sont certainement point un ouvrage de la création.
L'idée la plus naturelle qui se présente
d'abord sur leur origine , c'est qu'elles
sont un crément ou un atterrissement
,de la Riviere de Seine ; mais l'élevation
de ces Montagnes , et les Pierres qu'on y
découvre, ne favorisent pas cette conjecture.
A l'égard des Pierres , la difficulté paroît d'abord plus grande qu'elle n'est en
effet ; parce que pour peu qu'on fasse réfléxion qu'il se trouve des Ossemens dans
le plus bas banc , on n'aura pas de peine
à se persuader que ces bancs n'y ont pas
toujours été , et qu'ils ne sont qu'une pétrification qui a été faite , non seulement
après la formation du Crément , mais enCore
2332 MERCURE DE FRANCE
core dans un tems où ce terrain étoit fréquenté par des hommes et par des animaux.
Il est bien plus difficile d'expliquer
commentun Crément a pû fe former dans
un endroit où il seroit absurde de supposer que les eaux de la Seine se soient
jamais élevées. Cependant je crois que si
on veut se donner la peine d'examiner
ce que j'ai pensé là- dessus , on y trouve
vera quelque probabilité.
Je suppose d'abord que l'endroit où
sont à présent ces Montagnes , étoit dans
les premiers tems aussi enfoncé dans la
terre qu'il est à present élevée au dessus.
Au moïen de cette supposition assez naturelle , on donnera une explication sensible de tout ce qu'on a remarqué dans
ces Montagnes , qui ne faisoient autrefois
qu'un Corps ou une Colline , qui n'étoit
séparée ( autant qu'on croit pouvoir le
conjecturer) que par une fente ou ouver
ture de la Colline , à l'endroit de Monfaucon.
Il ne sera pas bien difficile ensuite de
concevoir comment s'est formé un Crémentdans un endroit bas, auprès d'une
grande Riviere Quand je dis près, je suppose que le Marais qui étoit entre ce fond
t la Seine, étoit dans ce tems- là bien
moins
NOVEMBRE. 1732 2335
moins élevé , qu'il n'est aujourd'hui. Et
que c'étoit plutôt un Etang ou même un
Lac aussi profond. Or la formation du
Crément de cette Colline, étant supposée
faite naturellement dans un Lac , la difficulté ne consiste plus qu'à faire voir
comment cet endroit a pû s'élever jusqu'à
former des Montagnes , dont on ne voit
aujourd'hui qu'une partie. Il me paroît
que cette élevation a pû se faire par le
feu; les Pierres brûlées le prouvent et font
présumer un Volcan au dessous . L'élevation est tres-singuliere en ce que cette
Colline a été élevée toute d'une piece ,
et a même conservé son Niveau. Ce qui
a pû se faire par un torrent de feu trèsprofond , lequel en soulevant cette masse,
se fit une ouvertute par laquelle il s'éleva jusqu'aux bancs brûlez où il forma un
secondtorrent de feu ; et ce qui empêcha
cette Colline de s'élever davantage , c'est ,
si on peut hazarder cette conjecture , que
ce second torrent de feu se trouvant au
dessus des terres des environs ( comme il
est aisé de le voir ) perdit sa force par les
ouvertures qu'il trouvoit de toutes parts.
D'où l'on peut encore conjecturer que la
Partie Occidentale de cette Colline , n'étant plus soutenue par ce second torrent
de feu , s'affaissa et se sépara ( apparem- B ment
2334 MERCURE DE FRANCE
ment vers Monfaucon) de la Partie Orientale , soûtenuë par le feu qui continuoit
à brûler. Cela paroît vrai-semblable , parce qu'on voit à Chaumont huit bancs de
pierres brûlées , au lieu qu'on n'en voit
que deux , depuis Chaumont jusqu'à Montmartre.
Il sembleroit que le nom de cette Butte
de Chaumont , a conservé la memoire de
cet Evenement. Le nom de Montfaucon
ne paroît pas marquer si expressément
cette fente de la Montagne ; cependant il
est vrai de dire que ce Roc étoit bien bas
pour avoir pris son nom des Oyseaux de
Proye qui n'habitent que les Montagnes
les plus élevées.
Au reste , si la Colline ne se remit point
dans la même place qu'elle occupoit avant
son élevation ; il y a apparence que c'est
parce que le Volcan ayant soulevé unbien
plus grand espace que celui qui fût élevé , et qui sortit hors de la terre , les bancs
qui ne furent que soulevez , retomberent
dès qu'ils furent séparez des bancs élevez.
Cette supposition fait conjecturer pourquoi la Colline, en s'affaissant ,n'a pas repris la place qu'elle occupoit auparavant,
et qui suivant les apparences , est restée
vuide.
L'effet de ce Volcan en long , a donné
Occa-
NOVEMBRE. 1732. 2335
occasion à une nouvelle conjecture. C'est
que ce Volcan pourroit bien avoir suivi
le cours de la Seine , et en élevant d'espace en espace de nouvelles Taupinieres ,
avoir engagé cette Riviere à serpenter
comme elle fait. On a remarqué qu'audessus de Séve , sur le chemin de Versailles , le bouleversement de la Montagne ,
paroît sensible dans les endroits où l'on
tire des Pierres. On reconnoît dans le dérangement de cette Montagne un effet
pareilà ceux que causent les Volcans , plutôt qu'un ouvrage de la création. Si cette
nouvelle conjecture est aussi vraie qu'elle
paroît vrai-semblable , on peut dire que
cet accident a procuré deux grands avantages à Paris. Le premier , pour la construction de cette grande Ville par le Platre qu'elle en tire à très grand marché;
et le second , pour la facilité de la navigation ; car il est certain que si le cours de
la Seine étoit plus droit , il seroit plus rapide et moins profond.
>
On ne sçauroit attribuer aux eaux du
Déluge la formation de cette Colline, parce que le Déluge n'ayant duré qu'un an
il n'est pas vrai - semblabl d'admettre
dans un terme si court , la formation de
cette prodigieuse quantité de feüillers ,
qui n'ont pu se former que dans plusieurs
siecies.
Bij Au
2336 MERCURE DE FRANCE
Au reste , on ne doit point croire que
les Ossemens qu'on trouve icy , ayent pû
y avoir été jettez long- tems après la formation et l'élevation de cette Colline ,
comme on pourroit le conjecturer de plusieurs autres endroits des environs de Paris où il y a des Fondrieres dans lesquelles les Ossemens qu'on a jettez , se sont
pétrifiez ; car supposant le fait , tel qu'on
me l'a rapporté , je soutiens que la même
chose n'a pû arriver icy , parce que la
terre qui est au dessus de ces bancs , doit
être regardée comme une terre vierge et
à laquelle on n'a point touché depuis sa
formation , étant impossible qu'elle fut
feuilletée , comme elle est , si ón y avoit
touché. Si on n'est pas entré dans un plus
grand détail au sujet d'une Colline si extraordinaire , c'est parce qu'on ne la connoît que par le rapport des Ouvriers, ou
par ce qu'on en a pû voir soi - même en
passant.
Dans le grand nombre d'exemples que
je pourrois rapporter , pour confirmer
mes conjectures, j'ai choisi celui de Monte
Nuovo, qui fut formé dans le Lac Lucrin
au Royaume de Naples , il y a près de
200 ans. Je me flate que ceux qui voudront comparer la formation de ces Montagnes,ne penseront pas que la difference
qui
NOVEMBRE. 1732 2337
qui s'y trouve, soit suffisante pour faire rejetter mes conjectures. Je ne sçais pas mêmesi les circonstances qu'on a remarquées,
leur paroîtront laisser une entiere liberté
de s'en éloigner.
La nuit du 29 au 30 Septembre , l'an
1538. la terre accoucha d'un Montagne,
» qui depuis a toujours été nommée
» Monte Nuovo. Ceux qui l'ont mesurée
» disent qu'elle a 400 toises de hauteur
» perpendiculaire , et 3000 pas de tour ,
» ou un peu davantage. Les Naturalistes
» ont remarqué plusieurs manieres dont
quelques Montagnes se sont formées
» quelquefois par des tremblemens de ter-
>> re , quelquefois par des vents , quelque-
» fois par des dégorgemens sousterrains ,
»à peu près comme quand une Taupe
» pousse la terre , et fait élever ces peti-
» tes Buttes , qu'on appelle Taupinieres.
» C'est par cette derniere voie que s'est
»forméle Monte Nuovo , aussi bien que
» l'autre Montagne que je vous ai repré-
» sentée au milieu de l'ancienne Fondriere
» du Mont-Vésuve. Le Monte Nuovo a
» dit- on , un Gouffre de so pas de dia-
» metre au milieu de sa cime ; ce qui
» prouve assez sa naissance par irruption ;
» mais il n'a jetté ni feu ni flamme, ni fait
» aucun désordre depuis ceux que causa
›
В iij un
2338 MERCURE DE FRANCE
un si prodigieux et un si douloureux enfantement, la Terre en trembla , la Mer
s'en recula, le Lac Lucrin en fut presque
comblé, des Eglises, des Maisons furent
> embrasées et englouties , plusieurs hom-
» mes périrent et quantité de bêtes. Il se
» fit un bouleversement effroïable dans
tous les environs. Voiage d'Italie , de
Misson, tom. 2. pag, 73. 4º Edit.
Voyez le Cappachio Antichita di Pozzuolo , cap. 20. pag. 164 , qui dit que co
Monte Nuovo couvrit Tripergole , et com
bla le Lac Lucrin presque tout entier ; il
ajoute queGerminioBergio, qui addressa une
Relation en Vers de cet Evenement, dont
il avoit été témoin , au Pape Paul III.
donne de hauteur à cette Montagne 30
Stades, Ce mot Stadium, ne peut désigner
que le Staiolo ou Stadiolo , mesure usitée
en Italie pour l'Arpentage , qui est la dixième partie de la Chaine , et d'environ
5 Palmes. La Palme de Naples * est de
9 pouces 8 lig. , et le Staiolo de Naples
sera de 4 pieds , 10 pouces, 4 lignes et les 30 Staioli font 146 pieds environ , ou
plus de 24 toises. On donne environ trois
mille de tour à cette Montagne.
J'ai appris de bonne part que le même
Mesure de la Terre , de M. Cassini , pag.251.
Bou-
NOVEMBRE. 1732. 2339
Bouleversement se voit dans d'autres Montagnes,qui sont le long de la Seine. De plus
on voit sensiblement un soulevement de
terre entre Montmartre et Séve Ce soulevement est resté à peu près de la maniere qu'il a été fait lors du Volcan. On ne
sera pas surpris qu'il ne se soit pas affaissé après le Volcan , si on suppose qu'il ya
des bancs de pierres , comme par tous les
environs. Ce soulevement est aisé à reconnoître par son élevation , par sa direction entre ces deux endroits , et par
des Allées d'Arbres qu'on y a plantez .
Montmartre, et de la Butte de
Chaumont, près Paris.
Es Montagnes , d'une conformation
Csinguliere,ont plus de 12 toises d'élevation dans leur plus grande coupe, qui
est vis- à-vis l'une de l'autre. Elles sont
toutes composées de lits ou de couches
posées les unes sur les autres , à peu près
comme le sont les Couches qui composent le Crément de Riviere. La seule dif
férence sensible qu'il y a entre le Crément de Riviere et cette matiere , c'est
que le Crément de Riviere n'a point de
Pierres , au lieu que dans ces Montagnes
il y a plusieurs lits ou bancs de Pierre.
Ces Montagnes sont divisées en deux,
par des bancs de pierre brûlée. La partie
inférieure est composée de plusieurs bancs
de pierre à plâtre. On a trouvé plusieurs
fois dans cette partie , des Ossemens , et
même un Squelette humain tout entier.
J'ai eu d'un Ouvrier , l'Os d'une côte
enchassée dans une pierre qui en avoit
été tirée.
La Partie supérieure des pierres brû
lées
NOVEMBRE. 1732 (23
$
fées , est composée comme la premiere ,
de plusieurs bancs de pierres à plâtre. On
trouve aussi des Ossemens dans cette par--
tie - cy , au dessus de laquelle il y a des
lits ou feuillets de terre , tout comme
ceux du Crément de Riviere.
Après ce petit détail , on croit pouvoir
proposer quelques conjectures , persuadé
que si on n'a pas pensé juste , on pourra
au moins donner occasion à quelque personne plus habile de découvrir la véritable cause Physique de ces Montagnes ,
qui ne sont certainement point un ouvrage de la création.
L'idée la plus naturelle qui se présente
d'abord sur leur origine , c'est qu'elles
sont un crément ou un atterrissement
,de la Riviere de Seine ; mais l'élevation
de ces Montagnes , et les Pierres qu'on y
découvre, ne favorisent pas cette conjecture.
A l'égard des Pierres , la difficulté paroît d'abord plus grande qu'elle n'est en
effet ; parce que pour peu qu'on fasse réfléxion qu'il se trouve des Ossemens dans
le plus bas banc , on n'aura pas de peine
à se persuader que ces bancs n'y ont pas
toujours été , et qu'ils ne sont qu'une pétrification qui a été faite , non seulement
après la formation du Crément , mais enCore
2332 MERCURE DE FRANCE
core dans un tems où ce terrain étoit fréquenté par des hommes et par des animaux.
Il est bien plus difficile d'expliquer
commentun Crément a pû fe former dans
un endroit où il seroit absurde de supposer que les eaux de la Seine se soient
jamais élevées. Cependant je crois que si
on veut se donner la peine d'examiner
ce que j'ai pensé là- dessus , on y trouve
vera quelque probabilité.
Je suppose d'abord que l'endroit où
sont à présent ces Montagnes , étoit dans
les premiers tems aussi enfoncé dans la
terre qu'il est à present élevée au dessus.
Au moïen de cette supposition assez naturelle , on donnera une explication sensible de tout ce qu'on a remarqué dans
ces Montagnes , qui ne faisoient autrefois
qu'un Corps ou une Colline , qui n'étoit
séparée ( autant qu'on croit pouvoir le
conjecturer) que par une fente ou ouver
ture de la Colline , à l'endroit de Monfaucon.
Il ne sera pas bien difficile ensuite de
concevoir comment s'est formé un Crémentdans un endroit bas, auprès d'une
grande Riviere Quand je dis près, je suppose que le Marais qui étoit entre ce fond
t la Seine, étoit dans ce tems- là bien
moins
NOVEMBRE. 1732 2335
moins élevé , qu'il n'est aujourd'hui. Et
que c'étoit plutôt un Etang ou même un
Lac aussi profond. Or la formation du
Crément de cette Colline, étant supposée
faite naturellement dans un Lac , la difficulté ne consiste plus qu'à faire voir
comment cet endroit a pû s'élever jusqu'à
former des Montagnes , dont on ne voit
aujourd'hui qu'une partie. Il me paroît
que cette élevation a pû se faire par le
feu; les Pierres brûlées le prouvent et font
présumer un Volcan au dessous . L'élevation est tres-singuliere en ce que cette
Colline a été élevée toute d'une piece ,
et a même conservé son Niveau. Ce qui
a pû se faire par un torrent de feu trèsprofond , lequel en soulevant cette masse,
se fit une ouvertute par laquelle il s'éleva jusqu'aux bancs brûlez où il forma un
secondtorrent de feu ; et ce qui empêcha
cette Colline de s'élever davantage , c'est ,
si on peut hazarder cette conjecture , que
ce second torrent de feu se trouvant au
dessus des terres des environs ( comme il
est aisé de le voir ) perdit sa force par les
ouvertures qu'il trouvoit de toutes parts.
D'où l'on peut encore conjecturer que la
Partie Occidentale de cette Colline , n'étant plus soutenue par ce second torrent
de feu , s'affaissa et se sépara ( apparem- B ment
2334 MERCURE DE FRANCE
ment vers Monfaucon) de la Partie Orientale , soûtenuë par le feu qui continuoit
à brûler. Cela paroît vrai-semblable , parce qu'on voit à Chaumont huit bancs de
pierres brûlées , au lieu qu'on n'en voit
que deux , depuis Chaumont jusqu'à Montmartre.
Il sembleroit que le nom de cette Butte
de Chaumont , a conservé la memoire de
cet Evenement. Le nom de Montfaucon
ne paroît pas marquer si expressément
cette fente de la Montagne ; cependant il
est vrai de dire que ce Roc étoit bien bas
pour avoir pris son nom des Oyseaux de
Proye qui n'habitent que les Montagnes
les plus élevées.
Au reste , si la Colline ne se remit point
dans la même place qu'elle occupoit avant
son élevation ; il y a apparence que c'est
parce que le Volcan ayant soulevé unbien
plus grand espace que celui qui fût élevé , et qui sortit hors de la terre , les bancs
qui ne furent que soulevez , retomberent
dès qu'ils furent séparez des bancs élevez.
Cette supposition fait conjecturer pourquoi la Colline, en s'affaissant ,n'a pas repris la place qu'elle occupoit auparavant,
et qui suivant les apparences , est restée
vuide.
L'effet de ce Volcan en long , a donné
Occa-
NOVEMBRE. 1732. 2335
occasion à une nouvelle conjecture. C'est
que ce Volcan pourroit bien avoir suivi
le cours de la Seine , et en élevant d'espace en espace de nouvelles Taupinieres ,
avoir engagé cette Riviere à serpenter
comme elle fait. On a remarqué qu'audessus de Séve , sur le chemin de Versailles , le bouleversement de la Montagne ,
paroît sensible dans les endroits où l'on
tire des Pierres. On reconnoît dans le dérangement de cette Montagne un effet
pareilà ceux que causent les Volcans , plutôt qu'un ouvrage de la création. Si cette
nouvelle conjecture est aussi vraie qu'elle
paroît vrai-semblable , on peut dire que
cet accident a procuré deux grands avantages à Paris. Le premier , pour la construction de cette grande Ville par le Platre qu'elle en tire à très grand marché;
et le second , pour la facilité de la navigation ; car il est certain que si le cours de
la Seine étoit plus droit , il seroit plus rapide et moins profond.
>
On ne sçauroit attribuer aux eaux du
Déluge la formation de cette Colline, parce que le Déluge n'ayant duré qu'un an
il n'est pas vrai - semblabl d'admettre
dans un terme si court , la formation de
cette prodigieuse quantité de feüillers ,
qui n'ont pu se former que dans plusieurs
siecies.
Bij Au
2336 MERCURE DE FRANCE
Au reste , on ne doit point croire que
les Ossemens qu'on trouve icy , ayent pû
y avoir été jettez long- tems après la formation et l'élevation de cette Colline ,
comme on pourroit le conjecturer de plusieurs autres endroits des environs de Paris où il y a des Fondrieres dans lesquelles les Ossemens qu'on a jettez , se sont
pétrifiez ; car supposant le fait , tel qu'on
me l'a rapporté , je soutiens que la même
chose n'a pû arriver icy , parce que la
terre qui est au dessus de ces bancs , doit
être regardée comme une terre vierge et
à laquelle on n'a point touché depuis sa
formation , étant impossible qu'elle fut
feuilletée , comme elle est , si ón y avoit
touché. Si on n'est pas entré dans un plus
grand détail au sujet d'une Colline si extraordinaire , c'est parce qu'on ne la connoît que par le rapport des Ouvriers, ou
par ce qu'on en a pû voir soi - même en
passant.
Dans le grand nombre d'exemples que
je pourrois rapporter , pour confirmer
mes conjectures, j'ai choisi celui de Monte
Nuovo, qui fut formé dans le Lac Lucrin
au Royaume de Naples , il y a près de
200 ans. Je me flate que ceux qui voudront comparer la formation de ces Montagnes,ne penseront pas que la difference
qui
NOVEMBRE. 1732 2337
qui s'y trouve, soit suffisante pour faire rejetter mes conjectures. Je ne sçais pas mêmesi les circonstances qu'on a remarquées,
leur paroîtront laisser une entiere liberté
de s'en éloigner.
La nuit du 29 au 30 Septembre , l'an
1538. la terre accoucha d'un Montagne,
» qui depuis a toujours été nommée
» Monte Nuovo. Ceux qui l'ont mesurée
» disent qu'elle a 400 toises de hauteur
» perpendiculaire , et 3000 pas de tour ,
» ou un peu davantage. Les Naturalistes
» ont remarqué plusieurs manieres dont
quelques Montagnes se sont formées
» quelquefois par des tremblemens de ter-
>> re , quelquefois par des vents , quelque-
» fois par des dégorgemens sousterrains ,
»à peu près comme quand une Taupe
» pousse la terre , et fait élever ces peti-
» tes Buttes , qu'on appelle Taupinieres.
» C'est par cette derniere voie que s'est
»forméle Monte Nuovo , aussi bien que
» l'autre Montagne que je vous ai repré-
» sentée au milieu de l'ancienne Fondriere
» du Mont-Vésuve. Le Monte Nuovo a
» dit- on , un Gouffre de so pas de dia-
» metre au milieu de sa cime ; ce qui
» prouve assez sa naissance par irruption ;
» mais il n'a jetté ni feu ni flamme, ni fait
» aucun désordre depuis ceux que causa
›
В iij un
2338 MERCURE DE FRANCE
un si prodigieux et un si douloureux enfantement, la Terre en trembla , la Mer
s'en recula, le Lac Lucrin en fut presque
comblé, des Eglises, des Maisons furent
> embrasées et englouties , plusieurs hom-
» mes périrent et quantité de bêtes. Il se
» fit un bouleversement effroïable dans
tous les environs. Voiage d'Italie , de
Misson, tom. 2. pag, 73. 4º Edit.
Voyez le Cappachio Antichita di Pozzuolo , cap. 20. pag. 164 , qui dit que co
Monte Nuovo couvrit Tripergole , et com
bla le Lac Lucrin presque tout entier ; il
ajoute queGerminioBergio, qui addressa une
Relation en Vers de cet Evenement, dont
il avoit été témoin , au Pape Paul III.
donne de hauteur à cette Montagne 30
Stades, Ce mot Stadium, ne peut désigner
que le Staiolo ou Stadiolo , mesure usitée
en Italie pour l'Arpentage , qui est la dixième partie de la Chaine , et d'environ
5 Palmes. La Palme de Naples * est de
9 pouces 8 lig. , et le Staiolo de Naples
sera de 4 pieds , 10 pouces, 4 lignes et les 30 Staioli font 146 pieds environ , ou
plus de 24 toises. On donne environ trois
mille de tour à cette Montagne.
J'ai appris de bonne part que le même
Mesure de la Terre , de M. Cassini , pag.251.
Bou-
NOVEMBRE. 1732. 2339
Bouleversement se voit dans d'autres Montagnes,qui sont le long de la Seine. De plus
on voit sensiblement un soulevement de
terre entre Montmartre et Séve Ce soulevement est resté à peu près de la maniere qu'il a été fait lors du Volcan. On ne
sera pas surpris qu'il ne se soit pas affaissé après le Volcan , si on suppose qu'il ya
des bancs de pierres , comme par tous les
environs. Ce soulevement est aisé à reconnoître par son élevation , par sa direction entre ces deux endroits , et par
des Allées d'Arbres qu'on y a plantez .
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Résumé : CONJECTURES sur la formation de Montmartre, et de la Butte de Chaumont, près de Paris.
Le texte examine la formation des montagnes de Montmartre et de la Butte de Chaumont près de Paris, qui s'élèvent de plus de 12 toises. Ces formations géologiques sont constituées de couches superposées similaires à celles du Crément de Riviere, mais elles contiennent également des bancs de pierre. Des ossements humains ont été découverts dans les couches inférieures et supérieures, séparés par des bancs de pierre brûlée. L'auteur propose plusieurs hypothèses sur l'origine de ces montagnes. La première hypothèse, selon laquelle elles seraient un crément ou un atterrissement de la Seine, est rejetée en raison de leur élévation et de la présence de pierres. La pétification des bancs de pierre est notée comme étant postérieure à la formation du crément. L'auteur suggère que la région était initialement enfoncée et que le crément s'est formé dans un lac ou un étang profond. L'élévation des montagnes serait due à un volcan souterrain, comme le prouvent les pierres brûlées. Ce volcan aurait soulevé la colline, créant une ouverture par laquelle un second torrent de feu s'est élevé, séparant la colline en deux parties. Le texte mentionne également des observations similaires sur d'autres montagnes le long de la Seine et compare la formation de Montmartre à celle du Monte Nuovo en Italie, formé il y a près de 200 ans. L'auteur conclut que les ossements trouvés dans les montagnes n'ont pas été déposés après leur formation, car la terre au-dessus des bancs est considérée comme vierge.
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5
p. 2339-2342
LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Début :
La Mode et la Nature un jour, [...]
Mots clefs :
Fard, Amour, Art, Nature, Masque, Attraits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
LE PROCEZ DU FARD,
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
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Résumé : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Le texte 'Le Procez du Fard' met en scène une allégorie où la Mode et la Nature sont jugées par le Tribunal d'Amour. La Mode, vêtue de manière ostentatoire, se présente comme le jouet du caprice, tandis que la Nature, simplement ornée, accuse la Mode de corrompre ses œuvres et d'altérer les traits de l'Amour. La Mode choisit G... comme modèle pour démontrer son pouvoir, mais l'Amour révèle la beauté naturelle de G..., comparée à l'aube. La Mode crée ensuite des œuvres postiches, défigurant une héroïne d'opéra, tandis que l'Amour construit un temple pour la beauté naturelle. L'Amour critique l'art passager de la Mode, qui séduit mais ne plaît pas durablement, et affirme que l'art constant de plaire appartient à la Nature. La Nature est comparée à une belle femme, G..., dont les jours de sérénité peuvent être couverts par l'art jaloux de la Mode. L'Amour encourage la Nature à purifier les beautés et à chercher une guérison dans la gaieté.
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6
p. 2342-2359
LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
Début :
Vous me pressez, Monsieur, de vous dire ce que je pense du Spectacle de [...]
Mots clefs :
Spectacle de la nature, Auteur, Titre, Vraisemblance, Poème dramatique, Dialogues, Descriptions, Caractère, Curiosité, Défauts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime , au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature , &c.
V
Ous me pressez , Monsieur , de vous
dire ce que je pense du Spectacle, de
la Nature; et même de vous en donner
une idée. Je ne puis m'en deffendre, puisqueje vous l'ai promis , et que je vous
suis redevable à cet égard. Mais , Monsieur , permettez- moi de vous l'avoüer
j'ai quelque peine à m'y résoudre. Cet
Ouvrage a pour objet des matieres sur
lesquelles j'aurois besoin d'être instruit
moi-même , bien loin d'être en état d'en
porter un jugement. Le nom de l'Auteur,
que vous connoissez sans doute , est si
respectable , son érudition est si profonde , et son mérite si généralement reconnu , qu'il seroit témeraire d'en dire du
mal , et inutile d'en dire du bien. Vous
vous contenterez donc , s'il vous plaît
de quelques légeres réfléxions sur la for-
>
me
NOVEMBRE. 1732. 2343
mede l'Ouvrage. Je conte que vous en
jugerez bien-tôt par vous-même ; la seule
énumération des sujets qui y sont traitez ,
ne manquera pas de piquer votre curiosité,que l'obscurité du titre a peut-être ralentie. Au reste , je vous dirai en passant
quesi vous voulez de la premiere Edition
vous n'avez point de temps à perdre. Le
débit en est si prodigieux que vous seriez
peut-être obligé d'attendre la seconde , à
Jaquelle on se prépare.
Vous allez d'abord me demander pourquoi ce débit si prompt? Je sçai que vous
vous défiez de cet empressement du pu- .
blic, depuis que vous avez vû des ouvra
ges reçûs avec avidité dans leur naissance , et presque aussi- tôt oubliez et même
méprisez. Je ne crois pas , Monsieur, que
le Spectacle de la Nature ait un sort aussi
bizarre. En voici la raison. Ceux qui ont
souffert cette ignominieuse révolution
n'avoient de mérite que la forme , et les
véritables Sçavans n'y ont jamais trouvé
une véritable solidité ; au lieu qu'on peut
dire la solidité est l'ame de celui- ci ;
que et si on osoit y reprendre quelques deffauts , ce seroit dans la forme seule qu'on
croiroit les appercevoir.
L'Auteur assure avoir essayé d'en écarter la
tristesse , et au lieu d'un Discours suivi ou d'un
B vj enchaî-
2344 MERCURE DE FRANCE
enchaînement de Dissertations qui emmenent
souvent le dégoût et l'ennui , il a cru devoir
prendre le Stile de Dialogue , qui est de tous le
plus naturel et le plus propre à attacher toutes
sortes de Lecteurs. Preface.
La Scene est une Maison de Campagne,
où un jeune homme sortant de Seconde
pour entrer en Réthorique , passe une
partie de ses Vacances chez un Gentilhomme, qui ayant étudié à fond la Nature , se plaît à lui en développer les secrets les plus curieux . Le Curé du lieu ,
grand Physicien , se joint à eux. L'Epouse
même du Gentilhomme vient aussi prendre, et quelquefois donner des Leçons.
Du caractere dont je vous connois , cette
Scene , ces Personnages , ne vous plaisent
gueres. Quant à moi , vous devinez aisé
ment ma pensée là - dessus. L'Auteur s'est
proposé d'imiter les Entretiens du PereBouhours ; ne vous attendez pas que je
décide s'il égale ou s'il surpasse son modele ; je réserve ce jugement à des personnes plus capables que moi , de sentir
les beautez de l'un , et d'appercevoir les
deffauts de l'autre. Je vous dirai seulement qu'il me semble que les anciens .
avoient attrapé bien mieux que nous l'art
d'interesser les Lecteurs dans leurs Dialogues ; en introduisant sur la Scene des
Personnages d'un mérite connu et distin
NOVEMBRE. 1732 234
3
tingué , et même qui eussent réussi dans le
genre d'étude dont ils les faisoient parler.
Cette précaution me paroît pleine de prudence , et rien de plus sensé que la rai
son que Ciceron en donne : Genus hoc Ser
monumpositum in hominum veterum authoritate , et eorum illustrium , plus nescio quo
pacto videtur haberegravitatis. De amicitia.
Le choix qu'ils faisoient n'étoit pas moins
sage ; dans un Dialogue sur la vieillesse
Ciceron introduit Caton , l'homme le
plus vieux et le plus sage de son siécle
Dans un autre Dialogue , où il est traitté
de l'Amitié, il fait parler Lælius, qui par
sa prudence avoit mérité le surnom de
Sage , et s'étoit rendu encore plus illus
tre par l'amitié tendre et sincere , qui l'avoit étroitement uni à Scipion . De pareils
Héros sont bien capables d'attacher un
Lecteur sensible ; on oublie entierement
l'Auteur lui-même ; on croit être présent
à l'entretien, on s'imagine voir ces grands
hommes , et les entendre. En effet , quel
est le but d'un Dialogue ? Ne peut on
pas le regarder comme un véritable Poë
me Dramatique , dont le sujet plus paisible et plus tranquille que ceux qui occu
pent nos Théatres , se diversifie , suivant
la difference de l'objet de l'étude de ses
Héros. Tout le monde exige dans ces
>
deux
2346 MERCURE DE FRANCE
deux genres d'écrire , le naturel dans les
personnages , la vraisemblance dans la
Scene , pourquoi n'exigeroit- on pas aussi des mœurs , des passions , une espéce d'intrigue , un nœud , un dénouement , que
la diversité des opinions , les préjugez ,
les différentes raisons , l'évidence enfin et
la verité formeroient ? Je m'arrête au caractere seul des Interlocuteurs , je crois
que c'est une partie essentielle du Dialogue, et pour y réussir , je suis persuadé
qu'il n'est pas possible de se dispenser de
mettre en pratique le précepte d'Horace ,
dont l'application me semble naturelle, et l'usage également nécessaire dans le Dialogue comme dans la Tragédie.
Rectius Iliacum carmen deducis in actus ,
Quam siproferres ignota , indictaque primus.
Art. Poët.
Conserver les différens caracteres sans
que jamais ils se démentent, est un point
Indispensable dans le Poënre Dramatique,
et par conséquent dans le Dialogue qui en
est une espéce. Dans l'un comme dans
l'autre il est plus aisé de peindre un portrait naturel , un caractere connu , que
d'en imaginer un et le soutenir; car, comme le dit fort bien Horace :
Diffi-
NOVEMBRE. 1732. 2347
Difficile est propriè communia dicere.
Il vaut donc bien mieux employer des
Interlocuteurs connus d'ailleurs , et estimez,que des noms supposez et sans réalitez. Ces derniers n'ont rien qui interesse le Lecteur. Je ne suis pas attentif à
leurs fautes , parce que je n'ai pas une gran
de idée de leur sçavoir. Le Dialogue sur
l'éloquence attribué à M. de Fenelon ,
d'ailleurs si plein de refléxions solides, me
paroît bien froid quand je le considere
comme Dialogue. Ce n'est pas que les caracteres ne soient bien conservez. Mais
Ce caractere que je n'attribuë à personne ,.
m'échape à chaque moment , et je ne me
hâte point de prendre parti ni pour l'un
ni pour l'autre. Que m'importe que A
soit d'un sentiment , et B d'un autre ?
Un Crassus , dont l'éloquence , les talens,
la réputation étoient connus. Un Antoine , célébre, sçavant , estimé , me frappent
bien davantage. C'est à ces grands hommes à définir l'Eloquence , puisqu'ils la
possed nt à fond ; c'est à eux à me décou
vrir les routes qui peuvent y conduire ;
ils les ont pratiquées eux mêmes , et leur
gloire nous assûre du succès. C'est à eux
qu'il appartient de décider du mérite des
Auteurs , ils ont réüni tous les suffrages ,
et
2348 MERCURE DE FRANCE
et personne ne balance sur leur mérite..
Je les consulte avec confiance , je les écoute avec avidité , et pour moi , réussir ou
leur plaire , c'est à peu près la même chose.
.
On nous donna il y a environ deux
ans une Physique en Dialogue , et on
vient de la réimprimer ; cet Ouvrage est
estimé , je l'ai lû même avec fruit. Mais
quelque excellent , quelqu'utile qu'il
soit , il n'a pas laissé de m'ennuier. Les
Interlocuteurs qu'on me présente sont
des gens que je ne connois point ; et qui
plus est , que je n'ai aucun interêt de
connoître. C'est , me dit-on , un grand
génie , c'est un homme plein de vertu
de candeur , d'esprit. Je ne sens point à
son nom les mouvemens qu'excitent en
moi les noms respectables des grands hom
mes. Ariste et Eudoxe ne font pas la même impression que feroient Descartes
Rohault , Gassendi. La conversation de
ceux- ci me plairoit , me charmeroit ; l'interêt qu'ils auroient à se défendre , m'interesseroit moi- même. L'àrdeur avec laquelle ils soutiendroient leurs opinionsm'animeroit. Persuadé que la dispute seroit réelle et sérieuse , je la suivrois avec:
plus de soin : l'amour propre seroit mê--
me de la partie , il entreroit dans ce jeu
il
NOVEMBRE. 1732. 2349
I augmenteroit mon plaisir et mes charmes . Je serois ravi d'être comme arbitre
entre de puissans Rivaux , et de décider
moi-même , ou de juger de leurs raisons.
Je le répéte , un Dialogue froid me glace , un Dialogue animé me transporte.
J'aurois lû les Entretiens Physiques avec
bien plus de plaisir , si j'y eusse vû disputer Descartes Gassendi , Rohault
Mrs Arnauld , Regis , le Pere Malebranche , ou quelqu'autres dont la réputation célebre me donnat une idée avantageuse
de leur sçavoir.
2
Les Dialogues même du Spectacle de la
Nature auroient pû trouver place dans les
momens de loisir de ces grands Hommes.
N'est- il pas même plus vraisemblable que
c'est à l'éxamen curieux de ce détail des
objets exterieurs de la Nature , qu'ils em
ployerent les intervalles de leurs pénibles
études , qu'il n'est vraisemblable qu'il ait
fait l'occupation réguliere des vacances
d'un jeune homme. Non, je ne puis croire
qu'un jeune homme dans le feu de l'âge ,
susceptible des plaisirs de la Chasse , avide des Jeux et des divertissemens, ait volontairement sacrifié à la Philosophie des
momens si doux , si désirez , si ennemis
de toute application. Se peut- il faire qu'il
ait écouté de sang freid des Dissertations
Sur
2550 MERCURE DE FRANCE
sur mille choses ausquelles les jeunes gens
ne sont pas si sensibles qu'on le voudroit
faire croire. L'Auteur qui n'est plus dans
le feu de lajeunesse,a sans doute oublié la
vivacité de cet âge. Quelques particularitez ezpliquées en differentes occasions que
présente le hazard , peuvent plaire ; mais
des Conférences réglées , des Assemblées
Académiques , et cela entre des personnes
d'âge et de condition si différentes ; en verité, l'Auteur y a- t-il bien pensé ?
Le premier entretien qui sert d'intro
duction , et qui est une longue exposition
des princip's physiques ne devoit pas avoir
bien des charmes pour un jeune homme.
Les descriptions anatomiques , ennuiantes
et souvent inintelligibles , les Sermons
mêne , et les moralitez assez frequentes
ne sont pas du goût de la Jeunesse. Aussi
notre jeune Chevalier , quoique le Heros
de la Piéce , dort cependant presque toujours , et laisse parler les autres. Il est
vrai qu'on veut mettre à profit jusqu'à
son sommeil , ses réveries paroissent quelquefois si agréables , qu'on veut même
rester en sa place ; au reste , il est toujours de bon accord , c'est-à- dire , qu'il
paroît que c'est moins par inclination.
que par complaisance qu'il se trouve à
toutes ces assemblées. Ons'apperçoit néanmoins
NOVEMBRE. 1732. 2301
moins qu'on a tâché d'égayer son personage , en insérant de tems en tems des
traits qu'on a voulu rendre plaisans. Mais
le plus souvent tout cela paroît forcé et
ne coule point de source. Ce n'est point
le cœur qui parle. Le sujet est traité sérieusement , quoiqu'on se soit proposé de
le traiter gayement. Ce sont toujours les
mêmes personnages , et presque toujours
les mêmes transitions. Le Gentilhomme
et son Epouse qui ont presque toujours
du monde à leur table , n'ont pas le talent de retenir quelqu'un , et de lui faire
faire une débauche académique. Cemoïen
auroit diversifié l'ordre et les matieres
sans déranger la suite et l'enchaînement
des sujets qu'on se proposoit d'approfon
dir. Je ne sçai si l'Auteur a voulu se peindre dans le personnage du Curé , il se
trouve trop sçavant et en même tems
trop amateur de la morale. Ces deux talens sont si rarement réunis ensemble ,
que bien loin de paroître vraisemblables
il semble qu'ils soient incompatibles. Il
connoît àfond toute la nature ; mais un
Curé aussi attaché à ses devoirs aussi.
éxact à les remplir qu'on veut nous le représenter , a-t'il le tems de développer
tous ces mysteres. Il est , dit- on , en miême-tems plein de pieté et de Religion
›
›
>
:
je
2352 MERCURE DE FRANCE
.
je veux bien le croire ; mais ce n'est pas
parce que lorsqu'il s'agit d'une partie de
Pêche , il soutient qu'étant chargé de la
péche des hommes il ne doit point assister à celle des poissons. On le dit charitable , désinteressé et plein de tendresse
pour son troupeau , j'y souscris ; mais ce
n'est pas , parce qu'au sujet de l'amour
des bêtes pour leurs petits , on fait un
froid panegyrique de sa charité , ce n'est
pas parce qu'on compare ses soins pastorals à ceux de ces animaux.
Le caractere du Comte me paroit un
peu obscur. Je ne vois pas bien ce qui le
domine , ni même ce qui le compose. II.
a servi long- tems , et jouit de la paix de
puis bien des années ; ainsi il ne doit pas.
être jeune. Cependant on ne voit point
cette démangeaison naturelle aux personnes de son âge et de sa condition à raconter differens traits arrivez durant sa jeunesse , durant ses voyages , durant son
service. Pour vous dire, en un mot, ce que
je pense de la Dame , on met bien des
choses dans sa bouche , qui, ce me semble,
auroient bien mieux convenues dans celle
du jeune homme.Ses colations spirituelles.
sont des tours déja usez , les exclamations.
qui se font à ce sujet me semblent bien
déplacées. Je n'aime guéres non plus ni sa
filasse
NOVEMBRE. 1732. 2353
filasse , ni sa filandiere. Je ne voudrois pas
la voir tant parler , ou je la voudrois entendre parler plus souvent. Enfin je trouve trop d'ignorance dans sa science , et
trop de science dans son ignorance. Au
reste , Monsieur , tout ce que je viens de
vous dire ne détruit point ce que j'ai
avancé au commencement de ma Lettre ,
que ce Livre est très-utile et très curieux.
Dans cette premiere partie , nous avons
quinze Entretiens , les huit premiers ont
les Insectes pour objet , le neuvième est
-sur les Coquillages , le 10. et 11. sur les
Oyseaux , le 12. sur les Animaux terrestres , le 13. sur les Poissons , le 14. et 15.
sur les Plantes. Ce qui regarde les Insectes est plus étendu , et paroît travaillé
avec plus de soin que les autres morceaux,
qu'on diroit que l'Auteur a voulu simplement ébaucher.
Vous sentez bien , Monsieur , queje
ne puis vous faire le détail des faits curieux
qui y sont rapportez ; quand même j'en
transcrirois quelques-uns, vous ne pouriez
en juger équitablement. C'est à l'obscurité de la matiere et non à la capacité de
1'Auteur qu'il faut s'en prendre , si bien
des circonstances ne sont pas exposées
avec la netteté qu'il seroit à souhaitter ,
si la curiosité n'est pas satisfaite par 'tout.
Mais
2334 MERCURE DE FRANCE
Mais comme je ne puis me dispenser de
vous rapporter quelques échantillons
pour vous mettre en état de mieux connoître l'ouvrage , je choisirai deux morceaux entierement du génie de l'Auteur ,
car il déclare que les Remarques et les
Observations Physiques ne sont point de
lui. Je vous rapporterai donc deux portraits qui me paroissent d'un goût bien
different. Ils sont suivis tous deux d'une
morale où je n'ai pas trouvé le même sel ,
la même force , la même justesse , soit
pour la place qui leur a été choisie , soit
pour ce qui les occasionne , soit pour la
maniere dont ils sont éxecutez. Le premier endroit est tiré du morceau favori
de l'Auteur , je veux dire du Traité des
Insectes. On venoit de parler de la Féve
ou Crysalide dans lesquelles les chenilles
s'ensevelissent elles- mêmes pour revivre
ensemble dans une nouvelle forme et
comme d'une nouvelle vie.
C'est le Curé qui parle , page 56. Qu'on ouvre,
dit-il une de ces Crysalides , dont l'état est le
passage de la forme de Chenille à celle de Papil
len , vous n'y trouverez sur tout au commencement, qu'une bouillie ou une sorte de pourriture apparente où tout est confondu. C'est cependant
dans cette pourriture , qu'est le germe d'une meilleure vic, Ces humeurs transpirent peu à peu
au travers de la pellicule qui les couvre , la
pelii-
NOVEMBRE. 1732. 2355
•
pellicule acquiert insensiblement une couleur plus
vermeille , les traits qui étoient confus commen
cent à se démêler au travers du fourreau qui se
créve , la tête se dégage, les artéres s'allongent
les pattes et les aîles s'étendent , enfin le papillion vole , et ne conserve rien de son premier
état. La chenille qui s'est changée en nimphe, et
le papilon qui en sort , sont deux animaux to: alement differens . Le premier n'avoit rien que de
terrestre , et rampoit avec pesanteur , le second
est l'agilité même , il ne tient plus à la terre , il
dédaigne en quelque sorte de s'y poser ; le pre- mier étoit hérissé , et souvent d'un aspect hydeux ; l'autre est paré des plus vives couleurs.
Le premier se bornoit stupidement à une nourriture grossiere ; celui - ci va de fleur en fleur , il
vit de miel et de rosée , et varie continuellement
ses plaisirs. Il jouit en liberté de toute la Nature , et il l'embellit lui - même. La Comtesse.
M. le Prieur , voilà une image bien agréable de
notte résurrection. Le Prieur. Toute la Nature
est pleine d'images sensibles des choses célestes
et des veritez les plus sublimes. Il y a un profit
certain à l'étudier , et c'est une Théologie qui
est toujours bien reçûë , parce qu'elle est toujours
entendue. Le plus grand de tous les Maîtres , ou
plutôt notre unique Maître , nous a enseigné
cette méthode, en tirant la plupart de ses instructions des objets les plus communs que la Nature
lui présentoit , et il nous a mon ré en particulier
l'image de sa résurrection dans le grain de fro
ment qui demeure seul , tant qu'il n'est pas mort,
mais qui etant pourri et mort en terre produit
beaucoup de fruit.
9
Cette Morale semble convenir a sez
bien dans la bouche d'un Curé , mais
étoit-
2356 MERCURE DE FRANCE
étoit-ce à la Dame de faire l'application
de la résurrection des hommes à celles
des chenilles ? Au reste , on voit ici, surtout dans le commencement une vivacité
dans l'expression , un choix dans les termes , capables de charmer le Lecteur le
plus difficile. C'est encore M. le Curé qui
nous fournira l'autre portrait , je ne préviendrai pas votre jugement. Chacun s'étoit engagé à faire connoître la nature
d'un animal particulier. Voici comme le
Curé s'acquitte de sa dette.
Celui dont je veux vous faire l'éloge , dit-il ,
a des qualitez tout-à-fait singulieres.... Tout.
le monde abandonne l'Asne , je le veux prendre
sous ma protection. Vû d'une certaine façon.
cet animal me plaît , et j'espere montrer que bien loin d'avoir besoin d'indulgence ou d'apologie , il peut être l'objet d'un éloge raisonnable.
L'Asne , je l'avoue , n'a pas les qualitez brillantes , mais il les a solides... Il n'a pas la voix
tout-à- fait belle , ni l'air noble , ni des manieres
fort vives.... point d'air rengorgé , point de suffisance , il va uniment son chemin.... nul
apprêt pour son repas..... tout ce qu'on lui
donne est bien reçû... Si on l'oublie , et qu'on
l'attache un peu loin de l'herbe , il prie son maître le plus pathétiquement qu'il lui est possible de
pourvoir à ses besoins aussi- bien est- il juste qu'il
vive , il y employe toute sa Réthorique... Ses Occupations se ressentent de la bassesse de ceux
qui les mettent en œuvre mais le jugement que
Fon porte de l'âne et du maître sont également
injustes.... Nous ne pouvons en aucune sorte
9
ni
NOVEMBRE. 1732. 2357
·
ni en aucun tems , ni dans aucune condition
nous passer du Païsan et de l'Artisan. Ces gens
sont comme l'ame et le nerf de la République
et le soutien de notre vie. C'est d'eux que nous tirons de quoi remplir à chaque instant quelqu'un de nos besoins. Nos maisons , nos habits , nos
meubles et notre nourriture , tout vient d'eux.
Or , où en seroient réduits les Vignerons , les
Jardiniers , les maisons et la plupart des gens de campagne , c'est- à- dire , les deux tiers des
hommes , s'il . leur falloit d'autres hommes ou
des chevaux pour le transport de leurs mar
chandises et des matieres qu'ils employent. L'Asne est sans cesse à leurs secours , il porte le fruit,
les herbages , les peaux de bêtes , le charbon , le
bois , la tuile , la brique , le plâtre , la chaux , la
paille , et le fumier. Une courte comparaison achevera de vous faire mieux sentir l'utilité de
ses services , et les tirera en quelque sorte de leur obscurité. Le Cheval ressemble assez à ces Nations qui aiment le bruit et le fracas , qui sautent et dansent toujours , qui s'occupent beaucoup des dehors , et qui mettent de l'enjoument
par tout... L'Asne au contraire ressemble à ces
peuples naturellement épais et pacifiques , qui connoissent leur labourage , et rien de plus,vont leur train sans distraction , et achevent d'un air
sérieux et opiniâtre , tout ce qu'ils ont une fois .
entrepris.
Je ne sçai ce que vous en pensez , mais
cet éloge ne ressemble- t- il pas un peu à
ceux qu'on nous débita avec tant d'impudence l'année derniere. Il pourroit plaire
à ces Auteurs singuliers , qui réduisent
toute l'éloquence à l'Exposition , c'est- àC dire,
2358 MERCURE DE FRANCE
dire , à la répétition de la même chose en
différens termes. Mais à qui cette idée
peut-elle plaire ? Quant à l'éloge , n'auroit on pas mieux fait de le donner comme une déclamation du jeune Candidat
de Rhetorique, que comme les refléxions.
d'un homme qu'on veut faire regarder
comme plein de bon sens. Bien des gens
ont crû trouver du mistere dans la comparaison , mais il ne faut pas prêter à
l'Auteur trop de malice.
Je vous crois actuellement au. fait du
style et du genre de l'Ouvrage ; ces deux
échantillons suffisent pour en juger. Il est
bon cependant d'ajoûter qu'il y en a plus
d'une façon que d'une autre. Tout ce que
j'en conclus , c'est que l'Ouvrage n'est
pas également bien soûtenu , défaut commun aux plus excellentes productions de
l'esprit humain qui se ressent toujours de
sa foiblesse.
Interdumque bonus dormitat Homerus.
La forme auroit besoin de l'exactitude
que je suppose que l'Auteur agardée dans
les faits et les découvertes.
Au reste , il n'a point eu en vûë de
nous donner des Dialogues parfaits , mais
de piquer notre curiosité , et de la satisfaire
NOVEMBRE. 1732. 2359
faire innocemment. On peut dire qu'il
le fait , et par les traits curieux qu'il rap-.
porte , et par ceux qu'il nous a dérobés.
C'étoit là son but , et on peut assûrer
qu'il y est arrivé. Je ne voudrois pas cependant le dire à lui- même , ce seroit
me brouiller entierement avec lui. Il est
de ces sortes de gens qui ne peuvent entendre dire que leur Ouvrage est parfait ,
qui ne sont jamais plus contents que lorsqu'on leur montre des défauts réels , et
qui ne peuvent s'empêcher de ressentir
une secrete indignation contre ceux qui
les flattent , ou même qui les ménagent.
Je souhaitte à notre France un Peuple
de pareils Auteurs. Je suis , &c.
Ce 25 Septembre 1732
V
Ous me pressez , Monsieur , de vous
dire ce que je pense du Spectacle, de
la Nature; et même de vous en donner
une idée. Je ne puis m'en deffendre, puisqueje vous l'ai promis , et que je vous
suis redevable à cet égard. Mais , Monsieur , permettez- moi de vous l'avoüer
j'ai quelque peine à m'y résoudre. Cet
Ouvrage a pour objet des matieres sur
lesquelles j'aurois besoin d'être instruit
moi-même , bien loin d'être en état d'en
porter un jugement. Le nom de l'Auteur,
que vous connoissez sans doute , est si
respectable , son érudition est si profonde , et son mérite si généralement reconnu , qu'il seroit témeraire d'en dire du
mal , et inutile d'en dire du bien. Vous
vous contenterez donc , s'il vous plaît
de quelques légeres réfléxions sur la for-
>
me
NOVEMBRE. 1732. 2343
mede l'Ouvrage. Je conte que vous en
jugerez bien-tôt par vous-même ; la seule
énumération des sujets qui y sont traitez ,
ne manquera pas de piquer votre curiosité,que l'obscurité du titre a peut-être ralentie. Au reste , je vous dirai en passant
quesi vous voulez de la premiere Edition
vous n'avez point de temps à perdre. Le
débit en est si prodigieux que vous seriez
peut-être obligé d'attendre la seconde , à
Jaquelle on se prépare.
Vous allez d'abord me demander pourquoi ce débit si prompt? Je sçai que vous
vous défiez de cet empressement du pu- .
blic, depuis que vous avez vû des ouvra
ges reçûs avec avidité dans leur naissance , et presque aussi- tôt oubliez et même
méprisez. Je ne crois pas , Monsieur, que
le Spectacle de la Nature ait un sort aussi
bizarre. En voici la raison. Ceux qui ont
souffert cette ignominieuse révolution
n'avoient de mérite que la forme , et les
véritables Sçavans n'y ont jamais trouvé
une véritable solidité ; au lieu qu'on peut
dire la solidité est l'ame de celui- ci ;
que et si on osoit y reprendre quelques deffauts , ce seroit dans la forme seule qu'on
croiroit les appercevoir.
L'Auteur assure avoir essayé d'en écarter la
tristesse , et au lieu d'un Discours suivi ou d'un
B vj enchaî-
2344 MERCURE DE FRANCE
enchaînement de Dissertations qui emmenent
souvent le dégoût et l'ennui , il a cru devoir
prendre le Stile de Dialogue , qui est de tous le
plus naturel et le plus propre à attacher toutes
sortes de Lecteurs. Preface.
La Scene est une Maison de Campagne,
où un jeune homme sortant de Seconde
pour entrer en Réthorique , passe une
partie de ses Vacances chez un Gentilhomme, qui ayant étudié à fond la Nature , se plaît à lui en développer les secrets les plus curieux . Le Curé du lieu ,
grand Physicien , se joint à eux. L'Epouse
même du Gentilhomme vient aussi prendre, et quelquefois donner des Leçons.
Du caractere dont je vous connois , cette
Scene , ces Personnages , ne vous plaisent
gueres. Quant à moi , vous devinez aisé
ment ma pensée là - dessus. L'Auteur s'est
proposé d'imiter les Entretiens du PereBouhours ; ne vous attendez pas que je
décide s'il égale ou s'il surpasse son modele ; je réserve ce jugement à des personnes plus capables que moi , de sentir
les beautez de l'un , et d'appercevoir les
deffauts de l'autre. Je vous dirai seulement qu'il me semble que les anciens .
avoient attrapé bien mieux que nous l'art
d'interesser les Lecteurs dans leurs Dialogues ; en introduisant sur la Scene des
Personnages d'un mérite connu et distin
NOVEMBRE. 1732 234
3
tingué , et même qui eussent réussi dans le
genre d'étude dont ils les faisoient parler.
Cette précaution me paroît pleine de prudence , et rien de plus sensé que la rai
son que Ciceron en donne : Genus hoc Ser
monumpositum in hominum veterum authoritate , et eorum illustrium , plus nescio quo
pacto videtur haberegravitatis. De amicitia.
Le choix qu'ils faisoient n'étoit pas moins
sage ; dans un Dialogue sur la vieillesse
Ciceron introduit Caton , l'homme le
plus vieux et le plus sage de son siécle
Dans un autre Dialogue , où il est traitté
de l'Amitié, il fait parler Lælius, qui par
sa prudence avoit mérité le surnom de
Sage , et s'étoit rendu encore plus illus
tre par l'amitié tendre et sincere , qui l'avoit étroitement uni à Scipion . De pareils
Héros sont bien capables d'attacher un
Lecteur sensible ; on oublie entierement
l'Auteur lui-même ; on croit être présent
à l'entretien, on s'imagine voir ces grands
hommes , et les entendre. En effet , quel
est le but d'un Dialogue ? Ne peut on
pas le regarder comme un véritable Poë
me Dramatique , dont le sujet plus paisible et plus tranquille que ceux qui occu
pent nos Théatres , se diversifie , suivant
la difference de l'objet de l'étude de ses
Héros. Tout le monde exige dans ces
>
deux
2346 MERCURE DE FRANCE
deux genres d'écrire , le naturel dans les
personnages , la vraisemblance dans la
Scene , pourquoi n'exigeroit- on pas aussi des mœurs , des passions , une espéce d'intrigue , un nœud , un dénouement , que
la diversité des opinions , les préjugez ,
les différentes raisons , l'évidence enfin et
la verité formeroient ? Je m'arrête au caractere seul des Interlocuteurs , je crois
que c'est une partie essentielle du Dialogue, et pour y réussir , je suis persuadé
qu'il n'est pas possible de se dispenser de
mettre en pratique le précepte d'Horace ,
dont l'application me semble naturelle, et l'usage également nécessaire dans le Dialogue comme dans la Tragédie.
Rectius Iliacum carmen deducis in actus ,
Quam siproferres ignota , indictaque primus.
Art. Poët.
Conserver les différens caracteres sans
que jamais ils se démentent, est un point
Indispensable dans le Poënre Dramatique,
et par conséquent dans le Dialogue qui en
est une espéce. Dans l'un comme dans
l'autre il est plus aisé de peindre un portrait naturel , un caractere connu , que
d'en imaginer un et le soutenir; car, comme le dit fort bien Horace :
Diffi-
NOVEMBRE. 1732. 2347
Difficile est propriè communia dicere.
Il vaut donc bien mieux employer des
Interlocuteurs connus d'ailleurs , et estimez,que des noms supposez et sans réalitez. Ces derniers n'ont rien qui interesse le Lecteur. Je ne suis pas attentif à
leurs fautes , parce que je n'ai pas une gran
de idée de leur sçavoir. Le Dialogue sur
l'éloquence attribué à M. de Fenelon ,
d'ailleurs si plein de refléxions solides, me
paroît bien froid quand je le considere
comme Dialogue. Ce n'est pas que les caracteres ne soient bien conservez. Mais
Ce caractere que je n'attribuë à personne ,.
m'échape à chaque moment , et je ne me
hâte point de prendre parti ni pour l'un
ni pour l'autre. Que m'importe que A
soit d'un sentiment , et B d'un autre ?
Un Crassus , dont l'éloquence , les talens,
la réputation étoient connus. Un Antoine , célébre, sçavant , estimé , me frappent
bien davantage. C'est à ces grands hommes à définir l'Eloquence , puisqu'ils la
possed nt à fond ; c'est à eux à me décou
vrir les routes qui peuvent y conduire ;
ils les ont pratiquées eux mêmes , et leur
gloire nous assûre du succès. C'est à eux
qu'il appartient de décider du mérite des
Auteurs , ils ont réüni tous les suffrages ,
et
2348 MERCURE DE FRANCE
et personne ne balance sur leur mérite..
Je les consulte avec confiance , je les écoute avec avidité , et pour moi , réussir ou
leur plaire , c'est à peu près la même chose.
.
On nous donna il y a environ deux
ans une Physique en Dialogue , et on
vient de la réimprimer ; cet Ouvrage est
estimé , je l'ai lû même avec fruit. Mais
quelque excellent , quelqu'utile qu'il
soit , il n'a pas laissé de m'ennuier. Les
Interlocuteurs qu'on me présente sont
des gens que je ne connois point ; et qui
plus est , que je n'ai aucun interêt de
connoître. C'est , me dit-on , un grand
génie , c'est un homme plein de vertu
de candeur , d'esprit. Je ne sens point à
son nom les mouvemens qu'excitent en
moi les noms respectables des grands hom
mes. Ariste et Eudoxe ne font pas la même impression que feroient Descartes
Rohault , Gassendi. La conversation de
ceux- ci me plairoit , me charmeroit ; l'interêt qu'ils auroient à se défendre , m'interesseroit moi- même. L'àrdeur avec laquelle ils soutiendroient leurs opinionsm'animeroit. Persuadé que la dispute seroit réelle et sérieuse , je la suivrois avec:
plus de soin : l'amour propre seroit mê--
me de la partie , il entreroit dans ce jeu
il
NOVEMBRE. 1732. 2349
I augmenteroit mon plaisir et mes charmes . Je serois ravi d'être comme arbitre
entre de puissans Rivaux , et de décider
moi-même , ou de juger de leurs raisons.
Je le répéte , un Dialogue froid me glace , un Dialogue animé me transporte.
J'aurois lû les Entretiens Physiques avec
bien plus de plaisir , si j'y eusse vû disputer Descartes Gassendi , Rohault
Mrs Arnauld , Regis , le Pere Malebranche , ou quelqu'autres dont la réputation célebre me donnat une idée avantageuse
de leur sçavoir.
2
Les Dialogues même du Spectacle de la
Nature auroient pû trouver place dans les
momens de loisir de ces grands Hommes.
N'est- il pas même plus vraisemblable que
c'est à l'éxamen curieux de ce détail des
objets exterieurs de la Nature , qu'ils em
ployerent les intervalles de leurs pénibles
études , qu'il n'est vraisemblable qu'il ait
fait l'occupation réguliere des vacances
d'un jeune homme. Non, je ne puis croire
qu'un jeune homme dans le feu de l'âge ,
susceptible des plaisirs de la Chasse , avide des Jeux et des divertissemens, ait volontairement sacrifié à la Philosophie des
momens si doux , si désirez , si ennemis
de toute application. Se peut- il faire qu'il
ait écouté de sang freid des Dissertations
Sur
2550 MERCURE DE FRANCE
sur mille choses ausquelles les jeunes gens
ne sont pas si sensibles qu'on le voudroit
faire croire. L'Auteur qui n'est plus dans
le feu de lajeunesse,a sans doute oublié la
vivacité de cet âge. Quelques particularitez ezpliquées en differentes occasions que
présente le hazard , peuvent plaire ; mais
des Conférences réglées , des Assemblées
Académiques , et cela entre des personnes
d'âge et de condition si différentes ; en verité, l'Auteur y a- t-il bien pensé ?
Le premier entretien qui sert d'intro
duction , et qui est une longue exposition
des princip's physiques ne devoit pas avoir
bien des charmes pour un jeune homme.
Les descriptions anatomiques , ennuiantes
et souvent inintelligibles , les Sermons
mêne , et les moralitez assez frequentes
ne sont pas du goût de la Jeunesse. Aussi
notre jeune Chevalier , quoique le Heros
de la Piéce , dort cependant presque toujours , et laisse parler les autres. Il est
vrai qu'on veut mettre à profit jusqu'à
son sommeil , ses réveries paroissent quelquefois si agréables , qu'on veut même
rester en sa place ; au reste , il est toujours de bon accord , c'est-à- dire , qu'il
paroît que c'est moins par inclination.
que par complaisance qu'il se trouve à
toutes ces assemblées. Ons'apperçoit néanmoins
NOVEMBRE. 1732. 2301
moins qu'on a tâché d'égayer son personage , en insérant de tems en tems des
traits qu'on a voulu rendre plaisans. Mais
le plus souvent tout cela paroît forcé et
ne coule point de source. Ce n'est point
le cœur qui parle. Le sujet est traité sérieusement , quoiqu'on se soit proposé de
le traiter gayement. Ce sont toujours les
mêmes personnages , et presque toujours
les mêmes transitions. Le Gentilhomme
et son Epouse qui ont presque toujours
du monde à leur table , n'ont pas le talent de retenir quelqu'un , et de lui faire
faire une débauche académique. Cemoïen
auroit diversifié l'ordre et les matieres
sans déranger la suite et l'enchaînement
des sujets qu'on se proposoit d'approfon
dir. Je ne sçai si l'Auteur a voulu se peindre dans le personnage du Curé , il se
trouve trop sçavant et en même tems
trop amateur de la morale. Ces deux talens sont si rarement réunis ensemble ,
que bien loin de paroître vraisemblables
il semble qu'ils soient incompatibles. Il
connoît àfond toute la nature ; mais un
Curé aussi attaché à ses devoirs aussi.
éxact à les remplir qu'on veut nous le représenter , a-t'il le tems de développer
tous ces mysteres. Il est , dit- on , en miême-tems plein de pieté et de Religion
›
›
>
:
je
2352 MERCURE DE FRANCE
.
je veux bien le croire ; mais ce n'est pas
parce que lorsqu'il s'agit d'une partie de
Pêche , il soutient qu'étant chargé de la
péche des hommes il ne doit point assister à celle des poissons. On le dit charitable , désinteressé et plein de tendresse
pour son troupeau , j'y souscris ; mais ce
n'est pas , parce qu'au sujet de l'amour
des bêtes pour leurs petits , on fait un
froid panegyrique de sa charité , ce n'est
pas parce qu'on compare ses soins pastorals à ceux de ces animaux.
Le caractere du Comte me paroit un
peu obscur. Je ne vois pas bien ce qui le
domine , ni même ce qui le compose. II.
a servi long- tems , et jouit de la paix de
puis bien des années ; ainsi il ne doit pas.
être jeune. Cependant on ne voit point
cette démangeaison naturelle aux personnes de son âge et de sa condition à raconter differens traits arrivez durant sa jeunesse , durant ses voyages , durant son
service. Pour vous dire, en un mot, ce que
je pense de la Dame , on met bien des
choses dans sa bouche , qui, ce me semble,
auroient bien mieux convenues dans celle
du jeune homme.Ses colations spirituelles.
sont des tours déja usez , les exclamations.
qui se font à ce sujet me semblent bien
déplacées. Je n'aime guéres non plus ni sa
filasse
NOVEMBRE. 1732. 2353
filasse , ni sa filandiere. Je ne voudrois pas
la voir tant parler , ou je la voudrois entendre parler plus souvent. Enfin je trouve trop d'ignorance dans sa science , et
trop de science dans son ignorance. Au
reste , Monsieur , tout ce que je viens de
vous dire ne détruit point ce que j'ai
avancé au commencement de ma Lettre ,
que ce Livre est très-utile et très curieux.
Dans cette premiere partie , nous avons
quinze Entretiens , les huit premiers ont
les Insectes pour objet , le neuvième est
-sur les Coquillages , le 10. et 11. sur les
Oyseaux , le 12. sur les Animaux terrestres , le 13. sur les Poissons , le 14. et 15.
sur les Plantes. Ce qui regarde les Insectes est plus étendu , et paroît travaillé
avec plus de soin que les autres morceaux,
qu'on diroit que l'Auteur a voulu simplement ébaucher.
Vous sentez bien , Monsieur , queje
ne puis vous faire le détail des faits curieux
qui y sont rapportez ; quand même j'en
transcrirois quelques-uns, vous ne pouriez
en juger équitablement. C'est à l'obscurité de la matiere et non à la capacité de
1'Auteur qu'il faut s'en prendre , si bien
des circonstances ne sont pas exposées
avec la netteté qu'il seroit à souhaitter ,
si la curiosité n'est pas satisfaite par 'tout.
Mais
2334 MERCURE DE FRANCE
Mais comme je ne puis me dispenser de
vous rapporter quelques échantillons
pour vous mettre en état de mieux connoître l'ouvrage , je choisirai deux morceaux entierement du génie de l'Auteur ,
car il déclare que les Remarques et les
Observations Physiques ne sont point de
lui. Je vous rapporterai donc deux portraits qui me paroissent d'un goût bien
different. Ils sont suivis tous deux d'une
morale où je n'ai pas trouvé le même sel ,
la même force , la même justesse , soit
pour la place qui leur a été choisie , soit
pour ce qui les occasionne , soit pour la
maniere dont ils sont éxecutez. Le premier endroit est tiré du morceau favori
de l'Auteur , je veux dire du Traité des
Insectes. On venoit de parler de la Féve
ou Crysalide dans lesquelles les chenilles
s'ensevelissent elles- mêmes pour revivre
ensemble dans une nouvelle forme et
comme d'une nouvelle vie.
C'est le Curé qui parle , page 56. Qu'on ouvre,
dit-il une de ces Crysalides , dont l'état est le
passage de la forme de Chenille à celle de Papil
len , vous n'y trouverez sur tout au commencement, qu'une bouillie ou une sorte de pourriture apparente où tout est confondu. C'est cependant
dans cette pourriture , qu'est le germe d'une meilleure vic, Ces humeurs transpirent peu à peu
au travers de la pellicule qui les couvre , la
pelii-
NOVEMBRE. 1732. 2355
•
pellicule acquiert insensiblement une couleur plus
vermeille , les traits qui étoient confus commen
cent à se démêler au travers du fourreau qui se
créve , la tête se dégage, les artéres s'allongent
les pattes et les aîles s'étendent , enfin le papillion vole , et ne conserve rien de son premier
état. La chenille qui s'est changée en nimphe, et
le papilon qui en sort , sont deux animaux to: alement differens . Le premier n'avoit rien que de
terrestre , et rampoit avec pesanteur , le second
est l'agilité même , il ne tient plus à la terre , il
dédaigne en quelque sorte de s'y poser ; le pre- mier étoit hérissé , et souvent d'un aspect hydeux ; l'autre est paré des plus vives couleurs.
Le premier se bornoit stupidement à une nourriture grossiere ; celui - ci va de fleur en fleur , il
vit de miel et de rosée , et varie continuellement
ses plaisirs. Il jouit en liberté de toute la Nature , et il l'embellit lui - même. La Comtesse.
M. le Prieur , voilà une image bien agréable de
notte résurrection. Le Prieur. Toute la Nature
est pleine d'images sensibles des choses célestes
et des veritez les plus sublimes. Il y a un profit
certain à l'étudier , et c'est une Théologie qui
est toujours bien reçûë , parce qu'elle est toujours
entendue. Le plus grand de tous les Maîtres , ou
plutôt notre unique Maître , nous a enseigné
cette méthode, en tirant la plupart de ses instructions des objets les plus communs que la Nature
lui présentoit , et il nous a mon ré en particulier
l'image de sa résurrection dans le grain de fro
ment qui demeure seul , tant qu'il n'est pas mort,
mais qui etant pourri et mort en terre produit
beaucoup de fruit.
9
Cette Morale semble convenir a sez
bien dans la bouche d'un Curé , mais
étoit-
2356 MERCURE DE FRANCE
étoit-ce à la Dame de faire l'application
de la résurrection des hommes à celles
des chenilles ? Au reste , on voit ici, surtout dans le commencement une vivacité
dans l'expression , un choix dans les termes , capables de charmer le Lecteur le
plus difficile. C'est encore M. le Curé qui
nous fournira l'autre portrait , je ne préviendrai pas votre jugement. Chacun s'étoit engagé à faire connoître la nature
d'un animal particulier. Voici comme le
Curé s'acquitte de sa dette.
Celui dont je veux vous faire l'éloge , dit-il ,
a des qualitez tout-à-fait singulieres.... Tout.
le monde abandonne l'Asne , je le veux prendre
sous ma protection. Vû d'une certaine façon.
cet animal me plaît , et j'espere montrer que bien loin d'avoir besoin d'indulgence ou d'apologie , il peut être l'objet d'un éloge raisonnable.
L'Asne , je l'avoue , n'a pas les qualitez brillantes , mais il les a solides... Il n'a pas la voix
tout-à- fait belle , ni l'air noble , ni des manieres
fort vives.... point d'air rengorgé , point de suffisance , il va uniment son chemin.... nul
apprêt pour son repas..... tout ce qu'on lui
donne est bien reçû... Si on l'oublie , et qu'on
l'attache un peu loin de l'herbe , il prie son maître le plus pathétiquement qu'il lui est possible de
pourvoir à ses besoins aussi- bien est- il juste qu'il
vive , il y employe toute sa Réthorique... Ses Occupations se ressentent de la bassesse de ceux
qui les mettent en œuvre mais le jugement que
Fon porte de l'âne et du maître sont également
injustes.... Nous ne pouvons en aucune sorte
9
ni
NOVEMBRE. 1732. 2357
·
ni en aucun tems , ni dans aucune condition
nous passer du Païsan et de l'Artisan. Ces gens
sont comme l'ame et le nerf de la République
et le soutien de notre vie. C'est d'eux que nous tirons de quoi remplir à chaque instant quelqu'un de nos besoins. Nos maisons , nos habits , nos
meubles et notre nourriture , tout vient d'eux.
Or , où en seroient réduits les Vignerons , les
Jardiniers , les maisons et la plupart des gens de campagne , c'est- à- dire , les deux tiers des
hommes , s'il . leur falloit d'autres hommes ou
des chevaux pour le transport de leurs mar
chandises et des matieres qu'ils employent. L'Asne est sans cesse à leurs secours , il porte le fruit,
les herbages , les peaux de bêtes , le charbon , le
bois , la tuile , la brique , le plâtre , la chaux , la
paille , et le fumier. Une courte comparaison achevera de vous faire mieux sentir l'utilité de
ses services , et les tirera en quelque sorte de leur obscurité. Le Cheval ressemble assez à ces Nations qui aiment le bruit et le fracas , qui sautent et dansent toujours , qui s'occupent beaucoup des dehors , et qui mettent de l'enjoument
par tout... L'Asne au contraire ressemble à ces
peuples naturellement épais et pacifiques , qui connoissent leur labourage , et rien de plus,vont leur train sans distraction , et achevent d'un air
sérieux et opiniâtre , tout ce qu'ils ont une fois .
entrepris.
Je ne sçai ce que vous en pensez , mais
cet éloge ne ressemble- t- il pas un peu à
ceux qu'on nous débita avec tant d'impudence l'année derniere. Il pourroit plaire
à ces Auteurs singuliers , qui réduisent
toute l'éloquence à l'Exposition , c'est- àC dire,
2358 MERCURE DE FRANCE
dire , à la répétition de la même chose en
différens termes. Mais à qui cette idée
peut-elle plaire ? Quant à l'éloge , n'auroit on pas mieux fait de le donner comme une déclamation du jeune Candidat
de Rhetorique, que comme les refléxions.
d'un homme qu'on veut faire regarder
comme plein de bon sens. Bien des gens
ont crû trouver du mistere dans la comparaison , mais il ne faut pas prêter à
l'Auteur trop de malice.
Je vous crois actuellement au. fait du
style et du genre de l'Ouvrage ; ces deux
échantillons suffisent pour en juger. Il est
bon cependant d'ajoûter qu'il y en a plus
d'une façon que d'une autre. Tout ce que
j'en conclus , c'est que l'Ouvrage n'est
pas également bien soûtenu , défaut commun aux plus excellentes productions de
l'esprit humain qui se ressent toujours de
sa foiblesse.
Interdumque bonus dormitat Homerus.
La forme auroit besoin de l'exactitude
que je suppose que l'Auteur agardée dans
les faits et les découvertes.
Au reste , il n'a point eu en vûë de
nous donner des Dialogues parfaits , mais
de piquer notre curiosité , et de la satisfaire
NOVEMBRE. 1732. 2359
faire innocemment. On peut dire qu'il
le fait , et par les traits curieux qu'il rap-.
porte , et par ceux qu'il nous a dérobés.
C'étoit là son but , et on peut assûrer
qu'il y est arrivé. Je ne voudrois pas cependant le dire à lui- même , ce seroit
me brouiller entierement avec lui. Il est
de ces sortes de gens qui ne peuvent entendre dire que leur Ouvrage est parfait ,
qui ne sont jamais plus contents que lorsqu'on leur montre des défauts réels , et
qui ne peuvent s'empêcher de ressentir
une secrete indignation contre ceux qui
les flattent , ou même qui les ménagent.
Je souhaitte à notre France un Peuple
de pareils Auteurs. Je suis , &c.
Ce 25 Septembre 1732
Fermer
Résumé : LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
Le texte est une lettre critique du R. P. G. Minime concernant le livre 'Spectacle de la Nature'. L'auteur de la lettre exprime sa difficulté à juger l'ouvrage en raison de la profondeur et du respectabilité de son auteur. Il souligne que le livre traite de matières complexes et que l'érudition de l'auteur est largement reconnue. La lettre mentionne également la popularité rapide du livre, dont la première édition se vend très vite, et que l'auteur a choisi le style de dialogue pour rendre le sujet plus accessible et attachant. Le 'Spectacle de la Nature' se déroule dans une maison de campagne où un jeune homme, un gentilhomme érudit, le curé du lieu et l'épouse du gentilhomme discutent des secrets de la nature. L'auteur de la lettre critique le choix des personnages, trouvant qu'ils manquent de distinction et de mérite connu, contrairement aux dialogues antiques qui introduisaient des personnages illustres. Il estime que les dialogues modernes devraient également respecter des règles de vraisemblance et de naturel. La lettre critique également la crédibilité des personnages et leur interaction. Le jeune homme, héros de l'histoire, semble souvent désintéressé et endormi, tandis que les autres personnages, bien que savants, manquent de charme et de diversité. Le curé, par exemple, est décrit comme trop savant et trop moralisateur pour être crédible. Le comte, un autre personnage, est jugé obscur et peu défini. L'auteur de la lettre regrette que les dialogues ne soient pas plus animés et intéressants, et qu'ils manquent de la vivacité et de l'intérêt que l'on pourrait attendre d'un jeune homme. La critique mentionne deux portraits tirés du livre : l'un sur la métamorphose des chenilles en papillons, utilisé comme métaphore de la résurrection, et l'autre sur l'âne, présenté comme un animal utile et souvent méprisé. L'auteur de la critique trouve ces portraits intéressants mais note des défauts dans la forme et le style de l'ouvrage. Il conclut que le livre, bien que non parfait, réussit à piquer la curiosité du lecteur et à la satisfaire de manière innocente. L'auteur de la critique exprime également son admiration pour les auteurs qui préfèrent recevoir des critiques constructives plutôt que des flatteries.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 2360-2361
EPITAPHE D'UN YVROGNE Sur les Bouts-Rimez proposez dans le Mercure de Mai dernier.
Début :
Cy gît Paul. qui sembloit ne vivre que pour boire, [...]
Mots clefs :
Épitaphe, Ivrogne, Boire, Foire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITAPHE D'UN YVROGNE Sur les Bouts-Rimez proposez dans le Mercure de Mai dernier.
EPITAPHE
D'UN YVROGNE
Sur les Bouts- Rimez proposez dans le Mercure de Mai dernier.
Cxgît Paul , qui sembloit ne vivre que pour
Habile à depenser , non à faire
boire
butin •
Parlant fort mal François , encor moins bien latin,
Mais criant aussi haut qu'un Charlatan en foire
Meilleur gourmet qu'aucun qu'ait vu naître la
poire
Yvre , il marchoit de nuit , sans craindre le lutin
Vêtu d'un long pourpoint doublé de vieux satin .
Il aimoit cent fois mieux un Harang qu'une poire.
rabot;
que nabot ,
Ne sçachant manier ny bêche ny
Il vendit tout son fonds , plus courtois
Et le pauvre homme enfin dévint comme une
souche
Mais s'il prit quelquefois un Roe pour un batemwo,
Un
NOVEMBRE. 1732 2361
UnClocher pour un Arbre, un lac pour unruisseau,
Jainais pour du Nectar il ne prît du vin
F. M. F.
D'UN YVROGNE
Sur les Bouts- Rimez proposez dans le Mercure de Mai dernier.
Cxgît Paul , qui sembloit ne vivre que pour
Habile à depenser , non à faire
boire
butin •
Parlant fort mal François , encor moins bien latin,
Mais criant aussi haut qu'un Charlatan en foire
Meilleur gourmet qu'aucun qu'ait vu naître la
poire
Yvre , il marchoit de nuit , sans craindre le lutin
Vêtu d'un long pourpoint doublé de vieux satin .
Il aimoit cent fois mieux un Harang qu'une poire.
rabot;
que nabot ,
Ne sçachant manier ny bêche ny
Il vendit tout son fonds , plus courtois
Et le pauvre homme enfin dévint comme une
souche
Mais s'il prit quelquefois un Roe pour un batemwo,
Un
NOVEMBRE. 1732 2361
UnClocher pour un Arbre, un lac pour unruisseau,
Jainais pour du Nectar il ne prît du vin
F. M. F.
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Résumé : EPITAPHE D'UN YVROGNE Sur les Bouts-Rimez proposez dans le Mercure de Mai dernier.
L'épitaphe de Paul, datée de novembre 1732, le décrit comme un ivrogne dépensier, mauvais en français et en latin, mais bon gourmet. Il vendit ses biens et mourut pauvre, préférant l'alcool aux activités manuelles. Il se trompait souvent sur des objets, sauf sur le vin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 2361-2362
« S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
Début :
S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...]
Mots clefs :
Études sérieuses, Savants, Plaisirs, Délasser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux litteraires , sans sortir du Cabinet , en mettant à la place des Etudes sérieuses , qui
les occupent ordinairement , des sujets
plus simples et propres à égayer utilement et l'Auteur et les Lecteurs , c'est
particulierement dans la Saison où nous
sommes , Saison destinée aux innocens
plaisirs de la Campagne , et à donner un
relâche nécessaire aux plus importantes
Occupations de la Ville. C'est dans cet
esprit , sans doute , que M. C. occupé
toute l'année à remplir dignement un
Ministere qui n'a pour objet que le bien
public , et qui a déja orné ce Journal
de très-bonnes choses a composé la
Piéce qui suit. » Le sujet , dit-il lui- même , en nous l'envoyant , est extrême-
»ment simple, mais j'ai tâché de l'égayer
»et même de l'orner par l'assemblage de
<»presque tout ce qui a été dit là- dessus
>
par les Grammairiens , les Historiens
»les Naturalistes , les Poëtes , &c. ainsi
»avant que de juger si j'ai eu raison , ou
Ciij non,
2362 MERCURE DE FRANCE
» non d'employer à cette production
»quelques momens de loisir.
,
Perlege quodcumque est , quid Epistola lecta no- cebit ?
OVID.
les occupent ordinairement , des sujets
plus simples et propres à égayer utilement et l'Auteur et les Lecteurs , c'est
particulierement dans la Saison où nous
sommes , Saison destinée aux innocens
plaisirs de la Campagne , et à donner un
relâche nécessaire aux plus importantes
Occupations de la Ville. C'est dans cet
esprit , sans doute , que M. C. occupé
toute l'année à remplir dignement un
Ministere qui n'a pour objet que le bien
public , et qui a déja orné ce Journal
de très-bonnes choses a composé la
Piéce qui suit. » Le sujet , dit-il lui- même , en nous l'envoyant , est extrême-
»ment simple, mais j'ai tâché de l'égayer
»et même de l'orner par l'assemblage de
<»presque tout ce qui a été dit là- dessus
>
par les Grammairiens , les Historiens
»les Naturalistes , les Poëtes , &c. ainsi
»avant que de juger si j'ai eu raison , ou
Ciij non,
2362 MERCURE DE FRANCE
» non d'employer à cette production
»quelques momens de loisir.
,
Perlege quodcumque est , quid Epistola lecta no- cebit ?
OVID.
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Résumé : « S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
Le texte explore la possibilité pour les savants de se détendre en abordant des sujets légers, notamment durant l'été, propice aux plaisirs de la campagne et au repos des occupations urbaines. L'exemple de M. C. illustre cette réflexion. Malgré ses responsabilités ministérielles et ses contributions à un journal, M. C. a composé une pièce sur un sujet simple. Pour égayer et enrichir cette œuvre, il a intégré des éléments tirés des grammairiens, historiens, naturalistes, poètes et autres auteurs. M. C. invite les lecteurs à juger de la pertinence de cette approche avant de conclure sur l'utilisation de son temps libre pour cette production. Le texte se termine par une citation en latin d'Ovide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 2362-2379
LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
Début :
Quoi ! Monsieur, vous qui aimez tant l'Ail, et qui avez occasion d'en [...]
Mots clefs :
Ail, Grammairien , Singulier, Cuisinier, Philosophe, Poètes latins, Pluriel, Proverbe grec
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
LETTRE sur l'Ail , écrite par M. CocQUARD , Avocat au Parlement de Dijon
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
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Résumé : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
La lettre, datée du 15 septembre 1732, est écrite par M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon, à un destinataire non nommé. L'auteur aborde la confusion entre les termes 'ails' et 'aulx' en français. Selon Vaugelas, les noms terminant en 'ail' ou 'al' ne prennent pas 'aulx' au pluriel. Cependant, des grammairiens comme Richelet et Furetière divergent sur cette règle. L'Académie Française et Furetière préfèrent 'aulx', tandis que Richelet note que 'ails' est plus courant. Cocquard recommande d'utiliser 'ail' au singulier pour éviter toute ambiguïté. L'auteur partage ensuite une expérience personnelle où il a été incommodé par une grande quantité d'ail lors d'un repas chez son destinataire. Il décrit les désagréments causés par l'odeur de l'ail, notamment lors d'une messe et lors de rencontres sociales. Il mentionne des références littéraires et historiques, comme Horace et Pline, pour illustrer les effets négatifs de l'ail. La lettre se termine par une réflexion sur l'usage de l'ail chez les paysans et les raisons historiques de cette pratique. Dans une autre lettre, datée de novembre 1732, l'auteur exprime son aversion profonde pour l'ail. Il préfère recevoir des coups plutôt que de consommer de l'ail, même en le mangeant cuit. À son retour, il a renouvelé l'interdiction à sa cuisinière d'utiliser de l'ail dans les sauces ou les ragoûts. L'auteur se flatte que son refus de l'ail soit loué, contrairement à l'avare décrié par Aristophane. Il prévoit de faire afficher au-dessus de la cheminée de sa cuisine un tableau avec l'inscription 'NE M'ANGE NI AIL NI FEVES', traduction d'un proverbe grec. L'auteur anticipe les arguments en faveur de l'ail, notamment son utilisation en médecine, mais les réfute en citant les mauvaises qualités de l'ail mentionnées par Pline. Il souligne également l'étymologie du mot 'ail' et son impact négatif sur la terre et les oiseaux. Le texte mentionne des références historiques et littéraires, comme Plutarque, Horace, et Médée, pour illustrer la nocivité de l'ail. L'auteur conclut en craignant que ses observations supplémentaires sur l'ail n'incitent son destinataire à faire une imprécation contre lui.
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10
p. 2379-2380
« M. Cocquard nous permettra, s'il lui plaît, d'ajouter une Remarque à ses [...] »
Début :
M. Cocquard nous permettra, s'il lui plaît, d'ajouter une Remarque à ses [...]
Mots clefs :
Ajouter, Remarque
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texteReconnaissance textuelle : « M. Cocquard nous permettra, s'il lui plaît, d'ajouter une Remarque à ses [...] »
. Cocquard nous permettra , s'il lui
plaît , d'ajouter une Remarque à ses cu
rieuses Recherches. Nous l'empruntons
du Sçavant Bochart. Les Habitans d'As
talon , Ville Maritime de la Palestine , et
Patrie du Grand Herode , faisoient, dit- il,
unsi grand cas de l'Ail et des Oignons ;
qu'une espece d'Oignons , qui approche
I Remarque sur l'Ode 3. liv. 5. d'Horace,
2 Dissertat. polit.
V3 Most. a. 1. 5. Ie
2380 MERCURE DE FRANCE
de l'Ail , a été appellée de leur nom Asλovaîov et ce sont nos Echalotes , lesquelles tirent visiblement leur nom de
ce mot Grec.
plaît , d'ajouter une Remarque à ses cu
rieuses Recherches. Nous l'empruntons
du Sçavant Bochart. Les Habitans d'As
talon , Ville Maritime de la Palestine , et
Patrie du Grand Herode , faisoient, dit- il,
unsi grand cas de l'Ail et des Oignons ;
qu'une espece d'Oignons , qui approche
I Remarque sur l'Ode 3. liv. 5. d'Horace,
2 Dissertat. polit.
V3 Most. a. 1. 5. Ie
2380 MERCURE DE FRANCE
de l'Ail , a été appellée de leur nom Asλovaîov et ce sont nos Echalotes , lesquelles tirent visiblement leur nom de
ce mot Grec.
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Résumé : « M. Cocquard nous permettra, s'il lui plaît, d'ajouter une Remarque à ses [...] »
Le savant Bochart note que les habitants d'Ashkelon, ville maritime de Palestine et patrie du roi Hérode, consommaient beaucoup d'ail et d'oignons. Une variété d'oignons, proche de l'ail, était nommée Ascalovion, terme grec désignant les échalotes actuelles. Le texte mentionne aussi une œuvre d'Horace et une dissertation politique.
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11
p. 2380-2381
BOUTS-RIMEZ du Mercure de May 1732. remplis sur ces Vers d'Horace.
Début :
Plus un Yvrogne boit, plus il demande à boire, [...]
Mots clefs :
Boire, Foire, Ivrogne, Horace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUTS-RIMEZ du Mercure de May 1732. remplis sur ces Vers d'Horace.
BOUTS- RIMEZ du Mercure de
May 1732. remplis sur ces Vers
d'Horace.
Qui fit , Mecenas , ut nemo quam sibi sortem ;
Seu ratio dederit , seu fors objecerit , illâ
Contentus vivat , ¿c,
PLus un Yvrogne boit , plus il demande à
Le Soldat n'est jamais content de son
boire
butin,
Pour changer son état , chacun met son latin
Par des tours quelquefois pis que ceux de la foire.
Le Jeune batelier veut voguer sur la
Sans sçavoir s'il le peut , comme un petit
loire :
lutin
La Coquette en Damas veut troquer son satin
Tout est plus inconstant que l'Arbre où pend la poire.
Cefut ainsi qu'Adam * méprisant son rabot ,
* Maître Adam étoit Menuisier de Nevers, et un
Devint
NOVEMBR E. 1732. 2381
Devint un grand Auteur d'un Ouvrier nabot
Et par ce changement fit l'honneur de sa souche.
Souvent l'ambition est semblable au
Qui pour trop hazarder périt sur le
Tel croit bien voir son but qui ne le
Ornement du siecle où nous sommes ,
Vous n'aurez rien de moi , sinon
Que pour les Vers et pour le nom ,
Vous êtes le premier des hommes.
Bateau ,
Ruisseau
voit qu'en louche.
GROUSTEL DUCHESNE'
May 1732. remplis sur ces Vers
d'Horace.
Qui fit , Mecenas , ut nemo quam sibi sortem ;
Seu ratio dederit , seu fors objecerit , illâ
Contentus vivat , ¿c,
PLus un Yvrogne boit , plus il demande à
Le Soldat n'est jamais content de son
boire
butin,
Pour changer son état , chacun met son latin
Par des tours quelquefois pis que ceux de la foire.
Le Jeune batelier veut voguer sur la
Sans sçavoir s'il le peut , comme un petit
loire :
lutin
La Coquette en Damas veut troquer son satin
Tout est plus inconstant que l'Arbre où pend la poire.
Cefut ainsi qu'Adam * méprisant son rabot ,
* Maître Adam étoit Menuisier de Nevers, et un
Devint
NOVEMBR E. 1732. 2381
Devint un grand Auteur d'un Ouvrier nabot
Et par ce changement fit l'honneur de sa souche.
Souvent l'ambition est semblable au
Qui pour trop hazarder périt sur le
Tel croit bien voir son but qui ne le
Ornement du siecle où nous sommes ,
Vous n'aurez rien de moi , sinon
Que pour les Vers et pour le nom ,
Vous êtes le premier des hommes.
Bateau ,
Ruisseau
voit qu'en louche.
GROUSTEL DUCHESNE'
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Résumé : BOUTS-RIMEZ du Mercure de May 1732. remplis sur ces Vers d'Horace.
Le poème 'Bouts-Rimés' du Mercure de mai 1732 explore l'insatisfaction humaine et l'ambition. Il commence par une citation d'Horace sur la difficulté de se contenter de son sort. Le texte illustre cette idée à travers plusieurs exemples : un ivrogne qui, plus il boit, plus il en demande ; un soldat jamais satisfait de son butin ; un jeune batelier voulant naviguer sur la Loire sans savoir s'il en est capable ; et une coquette désirant échanger son satin pour du damas. Ces comportements sont comparés à l'inconstance d'un arbre fruitier. Le poème mentionne également Maître Adam, un menuisier de Nevers devenu grand auteur, illustrant comment l'ambition peut transformer une personne. Le texte se conclut par une réflexion sur l'ambition excessive, qui peut mener à la perte, et par une déclaration d'admiration pour Groustel Duchesne, qualifié comme le premier des hommes en matière de vers et de nom.
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12
p. 2381-2387
ETABLISSEMENT d'une Académie Royale des Belles Lettres, à la Rochelle. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 20 Août 1732.
Début :
Il y a depuis plusieurs années dans la Ville de la Rochelle, une Société de [...]
Mots clefs :
Académie royale des belles-lettres, La Rochelle, Société de gens de Lettres, Lettres patentes, Académiciens honoraires, nommer, Académiciens titulaires, Assemblée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETABLISSEMENT d'une Académie Royale des Belles Lettres, à la Rochelle. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 20 Août 1732.
ETABLISSEMENT d'une Académie
Royale des Belles Lettres , à la Rochelle.
Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville
le 20 Août 1732.
Iville Rochelle , une Société de
Ly a depuis plusieurs années dans la
Gens de Lettres , dont l'objet est de se
perfectionner dans les connoissances qui
concernent l'Eloquence et la Poësie . Cette
Société a enfin obtenu des Lettres Patendes bons Poëtes du dernier siecle. Voici une Allusion quifutfaite à son nom par M. le Comte de
Saint Aignan.
D tes
2382 MERCURE DE FRANCE
>
tes à l'instar des autres Corps Académiques du Royaume, par lesquelles le Roy,
en approuvant un dessein qui tend à distinguer cette Ville par la Litterature
comme elle l'est par l'étendue et par l'éclat de son commerce , authorise les Assemblées et les Reglemens necessaires
pour maintenir l'ordre et la splendeur de
la nouvelle Académie.
A la fin des Lettres Patentes en forme
d'Edit, donné à Versailles au mois d'Août
1732. est un Etat des Personnes que S. M.
a nommées pour composer l'Académie
Royale ; le Roy se réservant de nommer
encore pour une fois seulement, cinquante Personnes , à mesure que les sujets se
présenteront pour faire le nombre de 30
Personnes conformement aux Lettres
Patentes.
Académiciens honoraires.
MESSIEURS.
L'Evêque de la Rochelle.
Le *** Commandant dans la Ville.
Bignon , Intendant de la Généralité.
Le Marquis de Bourzac..
Le Président du Présidial.
Le Lieutenant General.
Le Procureur du Roy
Le
NOVEMBRE, 1732. 2383
Le Maire de la Ville.
L'Abbé de Langery.
Académiciens Titulaires.
MESSIEURS le Marquis de la Cheva
Leraye. Boutiron Avocat. Cadoret Chanolne et Conseiller au Présidial, Cadoret de
Beaupreau Conseiller au Présidial. De
Hillerin Doyen du Chapitre. De Hillerin
Trésorier du Chapitre. De Chassiron
Conseiller d'honneur. Darger Chanoine.
Fontaine Lieutenant particulier. L'Abbé
Girouard. Girard de Bellevue Assesseur.
Gastumaux Négociant. L'Abbé de Moncrif Theologal. Robert de Beaurepaire
Conseiller au Présidial. Regnaud Avocat.
Valin Avocat.
+
Fait et arrêté , à Versailles le 24º jour
d'Avril 1732. Signé , LOUIS. Etplus
bas, PHELYPPE AUX.
Suivent aussi les Statuts que le Roy
veut et ordonne être observez par l'Académie.
Ils sont au nombre de xxxv. dont le
premier porte qu'elle sera composée de
Xxx Académiciens, nez dans le Païs d'Aunix ,ou de Pere de la même Province. On
les choisira , s'il se peut , résidents dans la
même Ville de la Rochelle. On pourra
Dij nean-
2384 MERCURE DE FRANCE
néanmoins élire des personnes de la Province domiciliées ailleurs , ou des Etrangers établis et demeurant dans cette Ville, par la considération de leur merite.
Les fonctions du Directeur , du Chancelier , et de deux Secretaires , sont réglées par les Articles III. IV. et V. Les
autres Articles concernent les fonctions
l'ordre , et la police de l'Académie. Fait
et arrêté à Versailles le même jour 24.
Avril 1732. Signé , Phelyppeaux.
Ces Lettres Patentes furent envoyées à
la Societé Litteraire par M. Bignon , Intendant de la Rochelle , qui étoit alors
à Paris ,avec une de ses Lettres , dattée du
premier Juillet , par laquelle il paroît que
S. A. S. M. le Prince de Conti , Protecteur de l'Académie , les lui avoit addressées.
On en fit pour la premiere fois la lecture dans une Assemblée tenuë le 14 Juillet. L'Abbé de Moncrif , l'un des nouveaux Académiciens nommez par le Roi,
en prit occasion de faire son remerciment à M M. de la Societé Litteraire, qui
l'avoient admis depuis peu dans leur
Compagnie , et l'avoient chargé de porter la parole à M. l'Intendant , à l'occasion des services qu'il venoit de rendre
pendant son séjour à Paris , pour l'expé- dition
NOVEMBRE. 1732. 2385
dition des Lettres Patentes. Ce Discours
fut extrêmement goûté par sa délicatesse
et par sa précision , rien n'y fut cependant oublié de tout ce qui devoit natu
rellement y entrer. On écouta surtout
avec une attention singuliere ce que dit
l'Académicien au sujet de la * Princesse à
qui l'Académie doit son Auguste Protecteur , et en particulier l'article qui concerne le Prince.
Prince charmant , dit- il , reste précieux et
unique d'Ayeux si dignes de l'amour des
François , en particulier des Provinces voisines dont ils ont été les Peres , et les Mat
tres. Prince en qui l'on a vu des dispositions
toujours si fort au- dessus de son âge , un espritjuste , penetrant , dont éclatent tous les
jours des traits d'un naturel si heureux , que
nous ne devons point douter de voir se réunir
en lui avec le sang des Condés , des Contys ,
toutes les perfections glorieuses qu'ont partagées tant de Heros dont il est descendu. Aussi le Ciel semble en avoir pris un soin si
singulier, qu'il a fait naître pour le former
un de ces Hommes rares , dont le génie vaste, l'imagination féconde , la solidité du ju
gement , font un de ses plus parfaits Ouvrages. C'est Mentor lui- même , dont les sages
* S. A. S. la Princesse de Conty.
* M. De la Chevaleraye.
*
Diij leçons
2386 MERCURE DE FRANCE
Leçons , et l'active vigilance ont donné aux
dispositions si admirables du jeune Prince
tout l'éclat dont elles étoient susceptibles.
M. Gastumaux , Directeur de la Societé Litteraire , quoique non prévenu sur
le Discours dont on vient de parler , fit
sur le champ une Réponse qui contenta
tous les Auditeurs.
•
?
Le 18 du même mois l'Académie s'étant
' assemblée , M. Regnaud , Avocat , à la
tête de tous les Membres , prononça à
l'Hôtel de Ville un Discours qui mériteroit d'être transcrit ici en son entier ; c'est
ce que les bornes d'unExtrait ne sçauroient
permettre , et ce qu'on tâchera de réparer dans la suite. Če Discours reçût tous
les applaudissemens qu'il méritoit.
Le 25. l'Abbé de Moncrif , choisi par
l'Académie , comme on l'a déja dit , pour
marquer sa reconnoissance à M. Bignon ",
s'acquitta de cette fonction par un autre
Discours , qui en son genre n'étoit pas inferieur à celui du même Académicien
dont il est parlé ci - dessus.
Le 28. M. de Chassiron , Conseiller
d'Honneur au Présidial , complimenta
au nom et à la tête de l'Académie
M. de Chambon , Lieutenant pour le Roi
dans la Ville et Château de la Rochelle
Commandant en l'absence du Gouverneur
NOVEMBRE. 1732. 2387
neur , et Académicien honoraire. On ne
peut parler plus dignement ni en moins
de paroles sut ce sujet.
Comme M. l'Evêque de la Rochelle
n'étoit pas dans la Ville , l'Académie jugea à propos de lui écrire pour lui faire
part de son érection , &c. La Lettre ne
contient rien que de beau et de mesuré.
Elle est dattée du même jour 18 Juillet ,
et signée de MM. l'Abbé de Moncrif
Darger , Fontaine , Cadoret , de Chassiron , Gastumeau , Valin , Regnaud , et
Cadoret de Beaupreau.
Royale des Belles Lettres , à la Rochelle.
Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville
le 20 Août 1732.
Iville Rochelle , une Société de
Ly a depuis plusieurs années dans la
Gens de Lettres , dont l'objet est de se
perfectionner dans les connoissances qui
concernent l'Eloquence et la Poësie . Cette
Société a enfin obtenu des Lettres Patendes bons Poëtes du dernier siecle. Voici une Allusion quifutfaite à son nom par M. le Comte de
Saint Aignan.
D tes
2382 MERCURE DE FRANCE
>
tes à l'instar des autres Corps Académiques du Royaume, par lesquelles le Roy,
en approuvant un dessein qui tend à distinguer cette Ville par la Litterature
comme elle l'est par l'étendue et par l'éclat de son commerce , authorise les Assemblées et les Reglemens necessaires
pour maintenir l'ordre et la splendeur de
la nouvelle Académie.
A la fin des Lettres Patentes en forme
d'Edit, donné à Versailles au mois d'Août
1732. est un Etat des Personnes que S. M.
a nommées pour composer l'Académie
Royale ; le Roy se réservant de nommer
encore pour une fois seulement, cinquante Personnes , à mesure que les sujets se
présenteront pour faire le nombre de 30
Personnes conformement aux Lettres
Patentes.
Académiciens honoraires.
MESSIEURS.
L'Evêque de la Rochelle.
Le *** Commandant dans la Ville.
Bignon , Intendant de la Généralité.
Le Marquis de Bourzac..
Le Président du Présidial.
Le Lieutenant General.
Le Procureur du Roy
Le
NOVEMBRE, 1732. 2383
Le Maire de la Ville.
L'Abbé de Langery.
Académiciens Titulaires.
MESSIEURS le Marquis de la Cheva
Leraye. Boutiron Avocat. Cadoret Chanolne et Conseiller au Présidial, Cadoret de
Beaupreau Conseiller au Présidial. De
Hillerin Doyen du Chapitre. De Hillerin
Trésorier du Chapitre. De Chassiron
Conseiller d'honneur. Darger Chanoine.
Fontaine Lieutenant particulier. L'Abbé
Girouard. Girard de Bellevue Assesseur.
Gastumaux Négociant. L'Abbé de Moncrif Theologal. Robert de Beaurepaire
Conseiller au Présidial. Regnaud Avocat.
Valin Avocat.
+
Fait et arrêté , à Versailles le 24º jour
d'Avril 1732. Signé , LOUIS. Etplus
bas, PHELYPPE AUX.
Suivent aussi les Statuts que le Roy
veut et ordonne être observez par l'Académie.
Ils sont au nombre de xxxv. dont le
premier porte qu'elle sera composée de
Xxx Académiciens, nez dans le Païs d'Aunix ,ou de Pere de la même Province. On
les choisira , s'il se peut , résidents dans la
même Ville de la Rochelle. On pourra
Dij nean-
2384 MERCURE DE FRANCE
néanmoins élire des personnes de la Province domiciliées ailleurs , ou des Etrangers établis et demeurant dans cette Ville, par la considération de leur merite.
Les fonctions du Directeur , du Chancelier , et de deux Secretaires , sont réglées par les Articles III. IV. et V. Les
autres Articles concernent les fonctions
l'ordre , et la police de l'Académie. Fait
et arrêté à Versailles le même jour 24.
Avril 1732. Signé , Phelyppeaux.
Ces Lettres Patentes furent envoyées à
la Societé Litteraire par M. Bignon , Intendant de la Rochelle , qui étoit alors
à Paris ,avec une de ses Lettres , dattée du
premier Juillet , par laquelle il paroît que
S. A. S. M. le Prince de Conti , Protecteur de l'Académie , les lui avoit addressées.
On en fit pour la premiere fois la lecture dans une Assemblée tenuë le 14 Juillet. L'Abbé de Moncrif , l'un des nouveaux Académiciens nommez par le Roi,
en prit occasion de faire son remerciment à M M. de la Societé Litteraire, qui
l'avoient admis depuis peu dans leur
Compagnie , et l'avoient chargé de porter la parole à M. l'Intendant , à l'occasion des services qu'il venoit de rendre
pendant son séjour à Paris , pour l'expé- dition
NOVEMBRE. 1732. 2385
dition des Lettres Patentes. Ce Discours
fut extrêmement goûté par sa délicatesse
et par sa précision , rien n'y fut cependant oublié de tout ce qui devoit natu
rellement y entrer. On écouta surtout
avec une attention singuliere ce que dit
l'Académicien au sujet de la * Princesse à
qui l'Académie doit son Auguste Protecteur , et en particulier l'article qui concerne le Prince.
Prince charmant , dit- il , reste précieux et
unique d'Ayeux si dignes de l'amour des
François , en particulier des Provinces voisines dont ils ont été les Peres , et les Mat
tres. Prince en qui l'on a vu des dispositions
toujours si fort au- dessus de son âge , un espritjuste , penetrant , dont éclatent tous les
jours des traits d'un naturel si heureux , que
nous ne devons point douter de voir se réunir
en lui avec le sang des Condés , des Contys ,
toutes les perfections glorieuses qu'ont partagées tant de Heros dont il est descendu. Aussi le Ciel semble en avoir pris un soin si
singulier, qu'il a fait naître pour le former
un de ces Hommes rares , dont le génie vaste, l'imagination féconde , la solidité du ju
gement , font un de ses plus parfaits Ouvrages. C'est Mentor lui- même , dont les sages
* S. A. S. la Princesse de Conty.
* M. De la Chevaleraye.
*
Diij leçons
2386 MERCURE DE FRANCE
Leçons , et l'active vigilance ont donné aux
dispositions si admirables du jeune Prince
tout l'éclat dont elles étoient susceptibles.
M. Gastumaux , Directeur de la Societé Litteraire , quoique non prévenu sur
le Discours dont on vient de parler , fit
sur le champ une Réponse qui contenta
tous les Auditeurs.
•
?
Le 18 du même mois l'Académie s'étant
' assemblée , M. Regnaud , Avocat , à la
tête de tous les Membres , prononça à
l'Hôtel de Ville un Discours qui mériteroit d'être transcrit ici en son entier ; c'est
ce que les bornes d'unExtrait ne sçauroient
permettre , et ce qu'on tâchera de réparer dans la suite. Če Discours reçût tous
les applaudissemens qu'il méritoit.
Le 25. l'Abbé de Moncrif , choisi par
l'Académie , comme on l'a déja dit , pour
marquer sa reconnoissance à M. Bignon ",
s'acquitta de cette fonction par un autre
Discours , qui en son genre n'étoit pas inferieur à celui du même Académicien
dont il est parlé ci - dessus.
Le 28. M. de Chassiron , Conseiller
d'Honneur au Présidial , complimenta
au nom et à la tête de l'Académie
M. de Chambon , Lieutenant pour le Roi
dans la Ville et Château de la Rochelle
Commandant en l'absence du Gouverneur
NOVEMBRE. 1732. 2387
neur , et Académicien honoraire. On ne
peut parler plus dignement ni en moins
de paroles sut ce sujet.
Comme M. l'Evêque de la Rochelle
n'étoit pas dans la Ville , l'Académie jugea à propos de lui écrire pour lui faire
part de son érection , &c. La Lettre ne
contient rien que de beau et de mesuré.
Elle est dattée du même jour 18 Juillet ,
et signée de MM. l'Abbé de Moncrif
Darger , Fontaine , Cadoret , de Chassiron , Gastumeau , Valin , Regnaud , et
Cadoret de Beaupreau.
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Résumé : ETABLISSEMENT d'une Académie Royale des Belles Lettres, à la Rochelle. Extrait d'une Lettre écrite de cette Ville, le 20 Août 1732.
En août 1732, une lettre de La Rochelle annonce la création de l'Académie Royale des Belles Lettres. Depuis plusieurs années, une société de gens de lettres s'était formée dans cette ville pour se perfectionner en éloquence et poésie. Cette société a obtenu des Lettres Patentes du roi, qui approuvent son projet de distinguer La Rochelle par la littérature, à l'image de son commerce. Le roi autorise les assemblées et les règlements nécessaires pour maintenir l'ordre et la splendeur de la nouvelle Académie. Les Lettres Patentes, datées d'août 1732, nomment les premiers académiciens, incluant l'évêque de La Rochelle, l'intendant Bignon, et plusieurs notables locaux. Le roi se réserve le droit de nommer cinquante personnes supplémentaires pour atteindre un total de trente académiciens. Les statuts de l'Académie, au nombre de trente-cinq, régissent son fonctionnement. Ils stipulent que les académiciens doivent être nés ou résidents dans la province d'Aunis, ou domiciliés à La Rochelle. Les rôles du directeur, du chancelier, et des secrétaires sont également définis. Les Lettres Patentes ont été envoyées à la société littéraire par l'intendant Bignon, qui les avait reçues du prince de Conti, protecteur de l'Académie. La première lecture des Lettres Patentes a eu lieu le 14 juillet 1732, lors d'une assemblée où l'abbé de Moncrif a remercié la société littéraire et l'intendant pour leurs services. Plusieurs discours ont été prononcés par les nouveaux académiciens pour marquer leur reconnaissance et leur engagement. Notamment, M. Regnaud a prononcé un discours à l'Hôtel de Ville le 18 juillet, et l'abbé de Moncrif a adressé un discours à M. Bignon le 25 juillet. Le 28 juillet, M. de Chassiron a complimenté M. de Chambon, lieutenant du roi et académicien honoraire. Une lettre a également été envoyée à l'évêque de La Rochelle pour l'informer de l'érection de l'Académie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2387-2388
EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
Début :
Jeune Gossin, reçois pour tendre hommage, [...]
Mots clefs :
Gossin, Hommage, Actrice, Théâtre-Français, Zaïre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin , Actrice du Théatre François , sur
la Tragédie de Zaïre , dont elle jonë le
principal Rôle.
J'
Eune Gossin , reçois pour tendre ho
mage ,
Reçoi mes Vers au Théatre applaudis ,
Protege- les , Zaïre est ton Ouvrage ;
Il est à toi puisque tu l'embellis :
Ce sont tes yeux , ces yeux si pleins de charmes ,
Qui du Critique ont fait tomber les armes ;
Ton seul aspect adoucit les Censeurs ;
D iiij L'Il-
2388 MERCURE DE FRANCE
L'Illusion , cette Reine des cœurs ,
Marche à ta suite, inspire les allarmes ,
Les sentimens , les regrets , les douleurs ,
Le doux plaisir de répandre des larmes ;
Le Dieu des Vers qu'on alloit dédaigner
Est par ta voix aujourd'hui sûr de plaire.
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere
Est par tes yeux bien plus sûr de régner.
Entre ces Dieux désormais tu vas vivre :
'Helas ! long- tems je les suivis tous deux ;
Il en est un que je ne puis plus suivre :
Heureux cent fois le Mortel amoureux,
Qui tous les jours peut te voir et t'entendre,
Que tu reçois avec un souris tendre ;
Qui voit son sort écrit dans tes beaux yeux ,
Qui meurt d'amour , qui te plaît , qui t'a dore ,
Qui pénetré de cent plaisirs divers ,
A tes genoux oubliant l'Univers ,
Parle d'amour et t'en reparle encore!
Mais malheureux qui n'en parle qu'en Vers.
la Tragédie de Zaïre , dont elle jonë le
principal Rôle.
J'
Eune Gossin , reçois pour tendre ho
mage ,
Reçoi mes Vers au Théatre applaudis ,
Protege- les , Zaïre est ton Ouvrage ;
Il est à toi puisque tu l'embellis :
Ce sont tes yeux , ces yeux si pleins de charmes ,
Qui du Critique ont fait tomber les armes ;
Ton seul aspect adoucit les Censeurs ;
D iiij L'Il-
2388 MERCURE DE FRANCE
L'Illusion , cette Reine des cœurs ,
Marche à ta suite, inspire les allarmes ,
Les sentimens , les regrets , les douleurs ,
Le doux plaisir de répandre des larmes ;
Le Dieu des Vers qu'on alloit dédaigner
Est par ta voix aujourd'hui sûr de plaire.
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere
Est par tes yeux bien plus sûr de régner.
Entre ces Dieux désormais tu vas vivre :
'Helas ! long- tems je les suivis tous deux ;
Il en est un que je ne puis plus suivre :
Heureux cent fois le Mortel amoureux,
Qui tous les jours peut te voir et t'entendre,
Que tu reçois avec un souris tendre ;
Qui voit son sort écrit dans tes beaux yeux ,
Qui meurt d'amour , qui te plaît , qui t'a dore ,
Qui pénetré de cent plaisirs divers ,
A tes genoux oubliant l'Univers ,
Parle d'amour et t'en reparle encore!
Mais malheureux qui n'en parle qu'en Vers.
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Résumé : EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
Dans une épître, Voltaire félicite Mlle Gossin, actrice du Théâtre Français, pour son interprétation dans la tragédie 'Zaïre'. Il admire son talent, affirmant qu'il embellit l'œuvre et désarme les critiques. Mlle Gossin incarne l'Illusion, suscitant diverses émotions telles que l'alarme, les sentiments, les regrets et les douleurs, ainsi que le plaisir de verser des larmes. Sa voix redonne au théâtre son pouvoir de plaire. Voltaire compare l'amour du théâtre à l'amour divin, soulignant que Mlle Gossin est chérie par le Dieu d'Amour. Il exprime l'envie de ceux qui peuvent la voir et l'entendre quotidiennement, contrastant avec la condition malheureuse de ceux qui ne peuvent exprimer leur amour que par des vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 2389-2397
CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
Début :
Je ne vous parle plus, Monsieur, d'Oran, ni de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment instruit [...]
Mots clefs :
Oran, Sigonius, Bibliothèques, République des Lettres, Ouvrage, M. Argelati, Histoire, Antiquité, André Doria
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
CINQUIEME LETTRE de M. D.
L. R. écrite à M le Marquis de B.
dans laquelle , à l'occasion d'Oran , et
d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonius , &C.
J
2
E ne vous parle plus , Monsieur , d'Oran ni
de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment ins
truit de toutes les circonstances de la conquête
de ces deux Places, et des suites qu'elle a eues jus
qu'à présent. La saison où nous sommes défend
L'attendre d'autres progrès avant le retour du
Printemps. Vous sçavez , sans doute , Monsieur , que dès le commencement du mois de
Septembre la Mer Mediterranée n'est presque
plus praticable du côté de la Barbarie , et qu'il
en coûta cher à l'Empereur Charles V. lorsqu'il
entreprit en personne, au mois d'Octobre 1541 .
La Conquête d'Alger , avec une puissante Flote
qui périt miserablement sur ces Côtes. Laissons
donc pour quelque- tems les Affaires d'Affrique.
Oran sçaura bien- en attendant , se soutenir
avec un si brave * Gouverneur, contre les foibles
efforts des Maures. C'est inutilement qu'ils ont
attaqué depuis quelques tems le Fort de S. André , c'est avec aussi peu de succès qu'ils ont
cru faire une diversion importante en engageant
le Roi de Maroc à faire de nouveaux efforts contre la Ville de Ceuta , efforts favorisez par la
*Le Marquis de Santa-Crux.
D v
déser-
1 2390 MERCURE DE FRANCE
* désertion et par la trahison d'unSeigneur Espagnol , que sa conscience punit peut être déja , et
que le Ciel confondra un jour. Mettons plutôt
Monsieur , à la place d'Exploits guerriers , qui
ne sont pas de saison , quelque chose qui ne soie
guéres moins de votre ressort , et qui puisse vous
Occuper agréablement dans le séjour que vous continuez de faire dans vos Terres.
>
Un sujet se présente ici naturellement , et qui
un raport indirect à celui que je suis obligé de
quitter ou de suspendre. J'ai eu l'honneur de
vous parler dans ma derniere Lettre du Sçavant
Jesuite , Charles Sigonius , Auteur de la vie d'André Doria , et je vous ai dit , ce me semble
qu'il n'est pas aisé d'assembler tous ses Ouvra→
ges , qui sont cependant considérables , cet Au- teur n'ayant traité que de grands sujets et
Payant toujours fait habilement, ils manquent aut
jourdhui dans plusieurs bonnes Bibliotheques , et
les Provinces en sont presque entierement de
pourvûës. Comme je me plaignois de cette disette,
et que je faisois des vœux pour une nouvelle Edia
tion , j'ai été agréablement surpris par la récep
tion d'un Imprimé latin de 8. pages in- 4. pu
blié à Milan il y a quelques mois , qui contient
le plan d'une belle Edition de Sigonius , laquelle
se fait actuellement dans cette Ville. C'est, Monsieur , de quoi j'aurai l'honneur de vous rendre
compte dans ma Lettre d'aujourd'hui.
L'Auteur de cette entreprise est M. Argelati ,
Homme du premier mérite , et des plus connus
dans la République des Lettres , singulierement par la part qu'il à au vaste Recueil des Ecrivains
de l'Histoire d'Italie Il est Directeur de la Sa
*Le Duc de Riperda.
cieté
NOVEMBRE. 1732 2391
cieté Palatine , Académie des plus celébres de
l'Europe , fondée à Milan par le Comte Archin
to , Neveu du Cardinal- Archevêque de ce même ´nom.
M. Argelati commence dans son Ecrit adressé
à tous les Sçavans de l'Europe , par relever le
mérite litteraire de Sigonius , reconnu de tout
le monde sçavant , et le prix de ses Ouvrages ,
imprimez plus d'une fois , tant en Italie que
dans le reste de l'Europe , ce qui n'a pas empê
ché , dit-il , qu'ils ne soient devenus enfin d'une
grande rareté , au regret des habiles gens , et
surtout des amateurs de l'Antiquité. Il y a longtems que notre Sçavant s'étoit proposé de remé
dier à cet inconvenient, en donnant une nouvelle
Edition de Sigonius ; il s'y est enfin déterminé ,
et il a mis la main à l'œuvre dans les conjonctures , et par les considerations énoncées assez au
long dans son Programme que je me dispense de répéter ici.
Je n'obmettrai pas cependant une circonstance bien louable , qui marque un grand désinteressement et un pareil amour pour les Lettres ,
c'est que pour accelerer cette Edition, et pour le
ver toute difficulté , M. Argelati s'est mis en
état de fournir de son propre fonds tout ce qui
peut être nécessaire à l'éxecution de son entreprise , pour ne faire aucun tort aux Membres de
Ja Societé Palatine ni au Public , ne Palatinorum
Sociorum , dit- il , rationes diverterem in aliam causam , vel postrema comuni cura priorem aliquantisperpublico cum incommodo turbarem.
Le premier soin du sçavant Editeur a été de rechercher et d'assembler en un corps , non- seulement tous les Ouvrages imprimez de Sigonius ,
dont quelques-uns sont devenus très-rares , mais
D vj encore
2392 MERCURE DE FRANCE
encore ceux qui n'ont jamais vu le jour : ce qu'il n'a pû faire par lui-même a été éxecuté par des
Amis sçavans et éclairez. Visite de Bibliotheques, d'Archives publiques et particulieres , rien
n'a été oublié ; ce qui a été suivi d'un succès
auquel M. Argelati avoue que la grande réputa tion de Sigonius a eu beaucoup de part , particulierement à l'égard des Ouvrages Manuscrits de
notre Auteur , dont cette nouvelle Edition sera enrichie dans les derniers volumes.
L'ordre et la coutume demandoient de mettre
à la tête de l'Edition un abregé de la vie du celébre Sigonius. Personne ne pouvoit mieux s'en
acquitter , dit M. Argelati , que M. L. A. Muratori , qui outre son rate sçavoir et sa sagacité ,
se trouve être de la même Ville de Modene , Paarie de Sigonius , et par conséquent plus à portée
qu'un autre de prendre des instructions domesiques et sûres. Le succès de ce travail a été audelà de tout ce qu'on pouvoit attendre de M. Muratori. Ceux qui aiment à s'instruire de l'Histoire Litteraire et personnelle de certains Sçavans ,
trouveront, sans doute,de quoi se contenter dans le travail dont il s'est chargé au sujet de Sigonius. Sur quoi M. Argelati lui marque une parfaite reconnoissance.
Le premier volume de la nouvelle Edition commence par les Fastes Consulaires de cet Auteur.
Tout le monde connoît l'importance et la necessité des Fastes Consulaires , on sçait aussi en combien d'embarras et de difficultez ils ont souvent jetté les amateurs de l'Antiquité. On avoit
lieu de croire que cet Ouvrage , si pénible en soi,
avoit été rendu parfait par le travail de Sigonius:
mais comme depuis sa mort , on a déterré quan
tité de Monumens Antiques , et qu'on en désouyre
NOVEMBRE. 1732. 2393
couvre encore tous les jours , on s'en est servi
pour perfectionner encore davantage , pour corriger même en plusieurs endroits l'Ouvrage du docte Ecrivain, C'est un soin dont a bien voulu
se charger , à la priere de M. Argelati , le R. P.
Joseph- Marie Stampa de Côme , Clerc Régulier
de la Congrégation des Somasques , qui a fait entrer dans cette Edition toutes les Observations
des plus célebres Critiques sur le sujet en question, sçavoir celles du P. Petau, de Pighius , d'Almelowen , qui ont plus servi à confirmer qu'à
corriger les Fastes de Sigonius , celles de Mezabarba , du P. Pagi , de M. de Tillemont , du P. Blanchini , et suivant l'ordre des tems , celles
du Cardinal Noris , de M. Reland , de Cuspinien , et de Panvinius , sans oublier les propres
Observations du P. Stampa , qui n'a pas toujours
souscrit à toutes les Remarques de ces grands
Critiques , et qui a donné de son fonds une belle
Dissertation préliminaire , et d'autres Discours
remplis d'érudition sur cette matiere , à quoi il
faut ajoûter la continuation des mêmes Fastes ,
qu'il a conduits depuis la mort d'Auguste , Epoque où Sigonius s'étoit arrêté , jusqu'à l'Empire
de Diocletien et de Max imien. Autre Epoque où
commence un second Ouvrage de notre Auteur,,
dont on va parler , et qui acheve de remplir le
premier Tome.
Cet Ouvrage , divisé en plusieurs Livres , est
tout historique , et regarde l'Empire d'Occident ,
de Occidentali Imperio. Il a été revû et illustré
par un sçavant Benedictin du Mont- Cassin, nommé le P. Dom Janvier Salinas , Napolitain.
M. Arlegati fait ici un court éloge de la capacité
de ce Religieux , dont le travail immense doit Stre
2394 MERCURE DE FRANCE
1
être d'un grand secours
à ceux qui étudieront cet
autre Quvrage de Sigonius
.
Le second Volume contiendra en XX
. Livres
P'Histoire du Regne d'Italie
, de REGNO ITALIE
C'est la revision de ce grand Ouvrage
, qui occupe actuellement M. Argelati , aidé des lumieres et du travail infatigable de M. Joseph- Antoi
ne Saxi
, Préfet de la Bibliotheque Ambroisienne. Ce travail sera sans doute d'une grande utilité à cette partie de l'Edition de Sigonius , on
en peut juger par le témoignage qu'en rend l'Editeur , il est magnifique et fort étendu dans le
Programme Latin
.
,
M. Argelati déclare ensuite qu'il n'a fait encore aucun arrangement à l'égard des autres
Ouvrages de Sigonius
, mais que chacun de ces
Ouvrages paroîtra dans cette Edition avec les
Notes et les Observations qui lui conviennent
soit anciennes et déja publiées
, soit nouvelles et
fournies par de sçavans Hommes
. Par exemple
,
à l'égard des Traitez intitulez de Antiquo Jure Civium Romanorum , Italia ac Provinciarum,
de Judiciis. De Binis Comitiis et Lege curiata.
On aura dans la nouvelle Edition
, non
-seulement les Annotations de Grævius , répandues
dans son Trésor des Antiquitez Romaines
, mais
encore les Prolegomenes du sçavant Horatius
Blanci
. Jurisconsulte Romain
, et les Commentaires suivis de Jean Maderni de Milan , autre
fameux Jurisconsulte
.
,
et.
Pour ce qui regarde les Livres de Atheniensium,
eorumque ac Lacedamoniorum Temporibus
, P'Illustre Editeur nous apprend qu'ils ont occupé la
capacité d'un Homme de Lettres des plus versez dans la connoissance des Langues Orientales , et
dans celle de l'Histoire
, lequel s'est enfin renda
NOVEMBRE. 1732. 2395
du à ses instances réïterées , à condition qu'il ne
seroit point nommé ; rare exemple de modestie , consentant avec peine qu'on nommât seulement la Compagnie de Jesus , dont il est mem
bre. Surquoi M. Argelati prend occasion de
marquer en ces termes , sa reconnoissance generale et particuliere : Hoc erit perpetua laudis argumentum; nam sicut cœtus iste Lucidissimas quot in cœlo stellas doctrinarum omnium faces enumerat.
ita cuique me devotum beneficiorum acceptorum memoria perpetuo profiteor.
Sigonius ne s'est pas contenté de traiter l'Histoire et l'Antiquité prophane. Il a aussi écrit sur
la Republique des Hebreux , et des Commentaires
sur l'Histoire de Sulpice Severe , qui ont été publiez de son vivant ; sans compter huit Livres entiers de l'Histoire de l'Eglise , qu'il avoit composez , et qu'on ne desespere pas de retrouver. Le
tout ensemble pourra former un volume entier ,
séparé des autres , suivant le plan de l'habile Editeur , qui a eu soin d'enrichir les deux premiers Ouvrages des Notes et des Eclaircissemens dont
ils avoient besoin.
Il marque là-dessus sa parfaité reconnoissance
envers M. l'Abbé Laurent Maffei , si connu par
ses Ouvrages , et particulierement par ses Re- marques sur le 4° Tome d'Anastase le Bibliotequaire. Ce Docte Abbé s'est en effet donné de
grands soins pour ce qui regarde les Livres de
la République des Hebreux , et les Commentalres sur Sulpice Severe , lesquels servent beaucoup pour l'intelligence du premier Ouvrage.
Nul n'étoit plus propre que lui pour ce travail
ni plus à portée de profiter de plusieurs secours ;
singulierement de celui de la Biblioteque du Comte Charles Archinto , l'une des plus belles et des
mieux fournies dè l'Italic,
Majs
2396 MERCURE DE FRANCE
Mais ce que M. Argelati a le plus affectionné
entre les Ouvrages de Sigonius , c'est ce que cet
Auteur a écrit de la Ville de Boulogne , Patrie de
l'Editeur , qui a quelque rapport à l'Histoire
tant sacrée que prophane. Il s'est présenté plusieurs Sçavans Boulonnois , que le même amour
de la Patrie a portés à concourir là - dessus, avec
M. Argelati. Deux de ces Sçavans , Auteurs de
plusieurs Ouvrages imprimez , ont principalement mis la main à l'œuvre : sçavoir , le R. P.
Louis Rabbi Servite , qui a revû tout ce qui concerne l'Histoire Sainte ; et M. Alexandre Machiavelli, fameux Jurisca soulte , qui s'est donné
le mêmesoin pour l'Histoire prophane.
A l'égard de la Vie du Celebre André Doria
écrite par Sigonius, M Argelati ne s'est déchargé sur personne du soin de la revoir et d'y faire
les augmentations convenables ; il s'est attaché
sur tout à y ajouter les Traitez, les Négociations
et les autres Actes publics des affaires importan
tes ausquelles ce grand Capitaine a eu part. Ces Monumens ont été tirez des Archives de la République de Gennes, et obligemment communiquez par M. Mutius , à qui la Garde en est confiée , et qui aime beaucoup les Lettres et les
Sçavans.
Je ne doute pas , Monsieur , que M. Argelati
ne voye aussi , avec plaisir , peut-être avec quel- que profit,certaines circonstances de la Vie d'André Doria , qui sont dans les Lettres que je me suis donné l'honneur de vous écrire au sujet de
la conquête d'Oran , et qui sont omises dans
Sigonius : La Médaille , par exemple , frappée
en son honneur , que j'ai fait graver , et la Statue de Marbre qui lui a été érigée , qu'on peut
• Mercure de Septembre 1732.
faire
NOVEMBRE. 1732. 2397
faire graver dans la nouvelle Edition ; à quoi je
dois ajoûter deux beaux Portraits du même An
dré Doria , qui ont été peints , l'un par Sébas
tien Vénitien Frate del Piombo , vers l'année
1540 et l'autre par Agnolo Bronzino , Peintre
de réputation , Eleve de Piantorme , vers 1550.
lesquels doivent être à Gennes , dans le Palais
Doria.
Sigonius ayant aussi écrit la Vie de Scipion , et celle de P. Emile , sur les Monumens Histori-'
ques , Grecs et Latins , M. Argelati s'est pareillement appliqué à les revoir et à les perfectionner.
Enfin le Sçavant Editeur s'est entierement prêté
à la revision, à la Critique et à l'illustration du Traité , intitulé : Judicium de Romana Historia
Scriptoribus : Ouvrage que plusieurs Critiques ont douté être veritablement de Sigonius. M. Argelati y a épuisé sa patience et n'a rien oublié pour le rendre utile ; nouvelles Cartes Géographiques ,
plus exactes que les premieres , Tables et Indices
tres amples , enfin tout ce qui peut concourir à
rendre un Ouvrage parfait , a été employé.
Voilà , Monsieur , l'Exposition la plus exacte
et la plus abrégée que je puis vous faire de l'entreprise et du labeur de M. Argelati , sur les Euvres de Sigonius , tirée de son Programme Latin.
Je ne doute pas que vous n'en soyicz édifié , ainsi
que de sa générosité et de son désinteressement. Ilfinit , en marquant sa parfaite reconnoissance
envers Sa Majesté Imperiale , Auguste Protec
trice de la Société Palatine de Milan , sous les
Auspices de laquelle , lui et tous les Membres de
cette Académie , travaillent heureusement à l'avancement des Lettres , et en particulier à la perfection de l'Histoire, Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 25 Octobre 1732
L. R. écrite à M le Marquis de B.
dans laquelle , à l'occasion d'Oran , et
d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonius , &C.
J
2
E ne vous parle plus , Monsieur , d'Oran ni
de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment ins
truit de toutes les circonstances de la conquête
de ces deux Places, et des suites qu'elle a eues jus
qu'à présent. La saison où nous sommes défend
L'attendre d'autres progrès avant le retour du
Printemps. Vous sçavez , sans doute , Monsieur , que dès le commencement du mois de
Septembre la Mer Mediterranée n'est presque
plus praticable du côté de la Barbarie , et qu'il
en coûta cher à l'Empereur Charles V. lorsqu'il
entreprit en personne, au mois d'Octobre 1541 .
La Conquête d'Alger , avec une puissante Flote
qui périt miserablement sur ces Côtes. Laissons
donc pour quelque- tems les Affaires d'Affrique.
Oran sçaura bien- en attendant , se soutenir
avec un si brave * Gouverneur, contre les foibles
efforts des Maures. C'est inutilement qu'ils ont
attaqué depuis quelques tems le Fort de S. André , c'est avec aussi peu de succès qu'ils ont
cru faire une diversion importante en engageant
le Roi de Maroc à faire de nouveaux efforts contre la Ville de Ceuta , efforts favorisez par la
*Le Marquis de Santa-Crux.
D v
déser-
1 2390 MERCURE DE FRANCE
* désertion et par la trahison d'unSeigneur Espagnol , que sa conscience punit peut être déja , et
que le Ciel confondra un jour. Mettons plutôt
Monsieur , à la place d'Exploits guerriers , qui
ne sont pas de saison , quelque chose qui ne soie
guéres moins de votre ressort , et qui puisse vous
Occuper agréablement dans le séjour que vous continuez de faire dans vos Terres.
>
Un sujet se présente ici naturellement , et qui
un raport indirect à celui que je suis obligé de
quitter ou de suspendre. J'ai eu l'honneur de
vous parler dans ma derniere Lettre du Sçavant
Jesuite , Charles Sigonius , Auteur de la vie d'André Doria , et je vous ai dit , ce me semble
qu'il n'est pas aisé d'assembler tous ses Ouvra→
ges , qui sont cependant considérables , cet Au- teur n'ayant traité que de grands sujets et
Payant toujours fait habilement, ils manquent aut
jourdhui dans plusieurs bonnes Bibliotheques , et
les Provinces en sont presque entierement de
pourvûës. Comme je me plaignois de cette disette,
et que je faisois des vœux pour une nouvelle Edia
tion , j'ai été agréablement surpris par la récep
tion d'un Imprimé latin de 8. pages in- 4. pu
blié à Milan il y a quelques mois , qui contient
le plan d'une belle Edition de Sigonius , laquelle
se fait actuellement dans cette Ville. C'est, Monsieur , de quoi j'aurai l'honneur de vous rendre
compte dans ma Lettre d'aujourd'hui.
L'Auteur de cette entreprise est M. Argelati ,
Homme du premier mérite , et des plus connus
dans la République des Lettres , singulierement par la part qu'il à au vaste Recueil des Ecrivains
de l'Histoire d'Italie Il est Directeur de la Sa
*Le Duc de Riperda.
cieté
NOVEMBRE. 1732 2391
cieté Palatine , Académie des plus celébres de
l'Europe , fondée à Milan par le Comte Archin
to , Neveu du Cardinal- Archevêque de ce même ´nom.
M. Argelati commence dans son Ecrit adressé
à tous les Sçavans de l'Europe , par relever le
mérite litteraire de Sigonius , reconnu de tout
le monde sçavant , et le prix de ses Ouvrages ,
imprimez plus d'une fois , tant en Italie que
dans le reste de l'Europe , ce qui n'a pas empê
ché , dit-il , qu'ils ne soient devenus enfin d'une
grande rareté , au regret des habiles gens , et
surtout des amateurs de l'Antiquité. Il y a longtems que notre Sçavant s'étoit proposé de remé
dier à cet inconvenient, en donnant une nouvelle
Edition de Sigonius ; il s'y est enfin déterminé ,
et il a mis la main à l'œuvre dans les conjonctures , et par les considerations énoncées assez au
long dans son Programme que je me dispense de répéter ici.
Je n'obmettrai pas cependant une circonstance bien louable , qui marque un grand désinteressement et un pareil amour pour les Lettres ,
c'est que pour accelerer cette Edition, et pour le
ver toute difficulté , M. Argelati s'est mis en
état de fournir de son propre fonds tout ce qui
peut être nécessaire à l'éxecution de son entreprise , pour ne faire aucun tort aux Membres de
Ja Societé Palatine ni au Public , ne Palatinorum
Sociorum , dit- il , rationes diverterem in aliam causam , vel postrema comuni cura priorem aliquantisperpublico cum incommodo turbarem.
Le premier soin du sçavant Editeur a été de rechercher et d'assembler en un corps , non- seulement tous les Ouvrages imprimez de Sigonius ,
dont quelques-uns sont devenus très-rares , mais
D vj encore
2392 MERCURE DE FRANCE
encore ceux qui n'ont jamais vu le jour : ce qu'il n'a pû faire par lui-même a été éxecuté par des
Amis sçavans et éclairez. Visite de Bibliotheques, d'Archives publiques et particulieres , rien
n'a été oublié ; ce qui a été suivi d'un succès
auquel M. Argelati avoue que la grande réputa tion de Sigonius a eu beaucoup de part , particulierement à l'égard des Ouvrages Manuscrits de
notre Auteur , dont cette nouvelle Edition sera enrichie dans les derniers volumes.
L'ordre et la coutume demandoient de mettre
à la tête de l'Edition un abregé de la vie du celébre Sigonius. Personne ne pouvoit mieux s'en
acquitter , dit M. Argelati , que M. L. A. Muratori , qui outre son rate sçavoir et sa sagacité ,
se trouve être de la même Ville de Modene , Paarie de Sigonius , et par conséquent plus à portée
qu'un autre de prendre des instructions domesiques et sûres. Le succès de ce travail a été audelà de tout ce qu'on pouvoit attendre de M. Muratori. Ceux qui aiment à s'instruire de l'Histoire Litteraire et personnelle de certains Sçavans ,
trouveront, sans doute,de quoi se contenter dans le travail dont il s'est chargé au sujet de Sigonius. Sur quoi M. Argelati lui marque une parfaite reconnoissance.
Le premier volume de la nouvelle Edition commence par les Fastes Consulaires de cet Auteur.
Tout le monde connoît l'importance et la necessité des Fastes Consulaires , on sçait aussi en combien d'embarras et de difficultez ils ont souvent jetté les amateurs de l'Antiquité. On avoit
lieu de croire que cet Ouvrage , si pénible en soi,
avoit été rendu parfait par le travail de Sigonius:
mais comme depuis sa mort , on a déterré quan
tité de Monumens Antiques , et qu'on en désouyre
NOVEMBRE. 1732. 2393
couvre encore tous les jours , on s'en est servi
pour perfectionner encore davantage , pour corriger même en plusieurs endroits l'Ouvrage du docte Ecrivain, C'est un soin dont a bien voulu
se charger , à la priere de M. Argelati , le R. P.
Joseph- Marie Stampa de Côme , Clerc Régulier
de la Congrégation des Somasques , qui a fait entrer dans cette Edition toutes les Observations
des plus célebres Critiques sur le sujet en question, sçavoir celles du P. Petau, de Pighius , d'Almelowen , qui ont plus servi à confirmer qu'à
corriger les Fastes de Sigonius , celles de Mezabarba , du P. Pagi , de M. de Tillemont , du P. Blanchini , et suivant l'ordre des tems , celles
du Cardinal Noris , de M. Reland , de Cuspinien , et de Panvinius , sans oublier les propres
Observations du P. Stampa , qui n'a pas toujours
souscrit à toutes les Remarques de ces grands
Critiques , et qui a donné de son fonds une belle
Dissertation préliminaire , et d'autres Discours
remplis d'érudition sur cette matiere , à quoi il
faut ajoûter la continuation des mêmes Fastes ,
qu'il a conduits depuis la mort d'Auguste , Epoque où Sigonius s'étoit arrêté , jusqu'à l'Empire
de Diocletien et de Max imien. Autre Epoque où
commence un second Ouvrage de notre Auteur,,
dont on va parler , et qui acheve de remplir le
premier Tome.
Cet Ouvrage , divisé en plusieurs Livres , est
tout historique , et regarde l'Empire d'Occident ,
de Occidentali Imperio. Il a été revû et illustré
par un sçavant Benedictin du Mont- Cassin, nommé le P. Dom Janvier Salinas , Napolitain.
M. Arlegati fait ici un court éloge de la capacité
de ce Religieux , dont le travail immense doit Stre
2394 MERCURE DE FRANCE
1
être d'un grand secours
à ceux qui étudieront cet
autre Quvrage de Sigonius
.
Le second Volume contiendra en XX
. Livres
P'Histoire du Regne d'Italie
, de REGNO ITALIE
C'est la revision de ce grand Ouvrage
, qui occupe actuellement M. Argelati , aidé des lumieres et du travail infatigable de M. Joseph- Antoi
ne Saxi
, Préfet de la Bibliotheque Ambroisienne. Ce travail sera sans doute d'une grande utilité à cette partie de l'Edition de Sigonius , on
en peut juger par le témoignage qu'en rend l'Editeur , il est magnifique et fort étendu dans le
Programme Latin
.
,
M. Argelati déclare ensuite qu'il n'a fait encore aucun arrangement à l'égard des autres
Ouvrages de Sigonius
, mais que chacun de ces
Ouvrages paroîtra dans cette Edition avec les
Notes et les Observations qui lui conviennent
soit anciennes et déja publiées
, soit nouvelles et
fournies par de sçavans Hommes
. Par exemple
,
à l'égard des Traitez intitulez de Antiquo Jure Civium Romanorum , Italia ac Provinciarum,
de Judiciis. De Binis Comitiis et Lege curiata.
On aura dans la nouvelle Edition
, non
-seulement les Annotations de Grævius , répandues
dans son Trésor des Antiquitez Romaines
, mais
encore les Prolegomenes du sçavant Horatius
Blanci
. Jurisconsulte Romain
, et les Commentaires suivis de Jean Maderni de Milan , autre
fameux Jurisconsulte
.
,
et.
Pour ce qui regarde les Livres de Atheniensium,
eorumque ac Lacedamoniorum Temporibus
, P'Illustre Editeur nous apprend qu'ils ont occupé la
capacité d'un Homme de Lettres des plus versez dans la connoissance des Langues Orientales , et
dans celle de l'Histoire
, lequel s'est enfin renda
NOVEMBRE. 1732. 2395
du à ses instances réïterées , à condition qu'il ne
seroit point nommé ; rare exemple de modestie , consentant avec peine qu'on nommât seulement la Compagnie de Jesus , dont il est mem
bre. Surquoi M. Argelati prend occasion de
marquer en ces termes , sa reconnoissance generale et particuliere : Hoc erit perpetua laudis argumentum; nam sicut cœtus iste Lucidissimas quot in cœlo stellas doctrinarum omnium faces enumerat.
ita cuique me devotum beneficiorum acceptorum memoria perpetuo profiteor.
Sigonius ne s'est pas contenté de traiter l'Histoire et l'Antiquité prophane. Il a aussi écrit sur
la Republique des Hebreux , et des Commentaires
sur l'Histoire de Sulpice Severe , qui ont été publiez de son vivant ; sans compter huit Livres entiers de l'Histoire de l'Eglise , qu'il avoit composez , et qu'on ne desespere pas de retrouver. Le
tout ensemble pourra former un volume entier ,
séparé des autres , suivant le plan de l'habile Editeur , qui a eu soin d'enrichir les deux premiers Ouvrages des Notes et des Eclaircissemens dont
ils avoient besoin.
Il marque là-dessus sa parfaité reconnoissance
envers M. l'Abbé Laurent Maffei , si connu par
ses Ouvrages , et particulierement par ses Re- marques sur le 4° Tome d'Anastase le Bibliotequaire. Ce Docte Abbé s'est en effet donné de
grands soins pour ce qui regarde les Livres de
la République des Hebreux , et les Commentalres sur Sulpice Severe , lesquels servent beaucoup pour l'intelligence du premier Ouvrage.
Nul n'étoit plus propre que lui pour ce travail
ni plus à portée de profiter de plusieurs secours ;
singulierement de celui de la Biblioteque du Comte Charles Archinto , l'une des plus belles et des
mieux fournies dè l'Italic,
Majs
2396 MERCURE DE FRANCE
Mais ce que M. Argelati a le plus affectionné
entre les Ouvrages de Sigonius , c'est ce que cet
Auteur a écrit de la Ville de Boulogne , Patrie de
l'Editeur , qui a quelque rapport à l'Histoire
tant sacrée que prophane. Il s'est présenté plusieurs Sçavans Boulonnois , que le même amour
de la Patrie a portés à concourir là - dessus, avec
M. Argelati. Deux de ces Sçavans , Auteurs de
plusieurs Ouvrages imprimez , ont principalement mis la main à l'œuvre : sçavoir , le R. P.
Louis Rabbi Servite , qui a revû tout ce qui concerne l'Histoire Sainte ; et M. Alexandre Machiavelli, fameux Jurisca soulte , qui s'est donné
le mêmesoin pour l'Histoire prophane.
A l'égard de la Vie du Celebre André Doria
écrite par Sigonius, M Argelati ne s'est déchargé sur personne du soin de la revoir et d'y faire
les augmentations convenables ; il s'est attaché
sur tout à y ajouter les Traitez, les Négociations
et les autres Actes publics des affaires importan
tes ausquelles ce grand Capitaine a eu part. Ces Monumens ont été tirez des Archives de la République de Gennes, et obligemment communiquez par M. Mutius , à qui la Garde en est confiée , et qui aime beaucoup les Lettres et les
Sçavans.
Je ne doute pas , Monsieur , que M. Argelati
ne voye aussi , avec plaisir , peut-être avec quel- que profit,certaines circonstances de la Vie d'André Doria , qui sont dans les Lettres que je me suis donné l'honneur de vous écrire au sujet de
la conquête d'Oran , et qui sont omises dans
Sigonius : La Médaille , par exemple , frappée
en son honneur , que j'ai fait graver , et la Statue de Marbre qui lui a été érigée , qu'on peut
• Mercure de Septembre 1732.
faire
NOVEMBRE. 1732. 2397
faire graver dans la nouvelle Edition ; à quoi je
dois ajoûter deux beaux Portraits du même An
dré Doria , qui ont été peints , l'un par Sébas
tien Vénitien Frate del Piombo , vers l'année
1540 et l'autre par Agnolo Bronzino , Peintre
de réputation , Eleve de Piantorme , vers 1550.
lesquels doivent être à Gennes , dans le Palais
Doria.
Sigonius ayant aussi écrit la Vie de Scipion , et celle de P. Emile , sur les Monumens Histori-'
ques , Grecs et Latins , M. Argelati s'est pareillement appliqué à les revoir et à les perfectionner.
Enfin le Sçavant Editeur s'est entierement prêté
à la revision, à la Critique et à l'illustration du Traité , intitulé : Judicium de Romana Historia
Scriptoribus : Ouvrage que plusieurs Critiques ont douté être veritablement de Sigonius. M. Argelati y a épuisé sa patience et n'a rien oublié pour le rendre utile ; nouvelles Cartes Géographiques ,
plus exactes que les premieres , Tables et Indices
tres amples , enfin tout ce qui peut concourir à
rendre un Ouvrage parfait , a été employé.
Voilà , Monsieur , l'Exposition la plus exacte
et la plus abrégée que je puis vous faire de l'entreprise et du labeur de M. Argelati , sur les Euvres de Sigonius , tirée de son Programme Latin.
Je ne doute pas que vous n'en soyicz édifié , ainsi
que de sa générosité et de son désinteressement. Ilfinit , en marquant sa parfaite reconnoissance
envers Sa Majesté Imperiale , Auguste Protec
trice de la Société Palatine de Milan , sous les
Auspices de laquelle , lui et tous les Membres de
cette Académie , travaillent heureusement à l'avancement des Lettres , et en particulier à la perfection de l'Histoire, Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 25 Octobre 1732
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.
La cinquième lettre de M. D. au Marquis de B. aborde les récentes conquêtes d'Oran et de Marsalquibir, soulignant que la saison rend impossible toute nouvelle avancée militaire avant le printemps. L'auteur évoque les difficultés rencontrées par l'Empereur Charles V lors de la conquête d'Alger en 1541 et espère qu'Oran, sous la gouvernance du Marquis de Santa-Crux, pourra résister aux attaques maures. Le texte change ensuite de sujet pour discuter de la nouvelle édition des œuvres de Carlo Sigonio (Sigonius), un savant jésuite. Les œuvres de Sigonius, bien que considérées comme importantes, sont rares et difficiles à trouver. Une nouvelle édition est en cours à Milan, dirigée par M. Argelati, un homme de lettres renommé. Cette édition inclut non seulement les œuvres imprimées de Sigonius, mais aussi des manuscrits inédits. M. Argelati a rassemblé ces œuvres avec l'aide de savants et de bibliothèques publiques et privées. L'édition est enrichie par des contributions de plusieurs érudits, comme le Père Joseph-Marie Stampa pour les Fastes Consulaires, et le Père Dom Janvier Salinas pour l'histoire de l'Empire d'Occident. Le second volume traitera de l'histoire du règne d'Italie, révisée par M. Joseph-Antoine Saxi. Chaque ouvrage sera accompagné de notes et d'observations, anciennes et nouvelles, fournies par des savants. M. Argelati a également révisé et perfectionné plusieurs écrits de Sigonius, notamment la vie de Scipion et celle de P. Émile, en se basant sur des monuments historiques grecs et latins. Il a travaillé sur la révision critique et l'illustration du traité 'Judicium de Romana Historia Scriptoribus', dont l'authenticité avait été remise en question. Pour ce traité, Argelati a ajouté des cartes géographiques plus exactes, des tables et des indices amples afin de rendre l'ouvrage parfait. Le texte mentionne également des portraits d'André Doria, peints par Sébastien Vénitien Frate del Piombo vers 1540 et par Agnolo Bronzino vers 1550, conservés à Gênes dans le Palais Doria. Enfin, Argelati exprime sa reconnaissance envers Sa Majesté Impériale, protectrice de la Société Palatine de Milan, sous l'égide de laquelle il et les membres de l'Académie travaillent à l'avancement des lettres et à la perfection de l'histoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 2398
« Nous avons averti dans le précédent Mercure que le premier Volume de l'Edition, dont il est [...] »
Début :
Nous avons averti dans le précédent Mercure que le premier Volume de l'Edition, dont il est [...]
Mots clefs :
Souscrire, Volume, Édition, Libraire
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texteReconnaissance textuelle : « Nous avons averti dans le précédent Mercure que le premier Volume de l'Edition, dont il est [...] »
Nous avons averti dans le précédent Mercure
que le premier Volume de l'Edition , dont il est
parlé dans cette Lettre , se trouve chez le Sr Debure, fils, Libraire, Quai des Augustins, à l'Image
S. Germain , lequel délivrera des Billets de Souscription , signez de M. Argelati , à ceux qui vou- droient souscrire pour les Volumes suivans. Nous
ajouterons icy que toute l'Edition ensemble sera
des vol. in fol. avec des Figures tres- bien gravées , et qu'on trouvera chez le même Libraire
le Prospectus, dont il est parlé dans la Lettre; avec l'Instruction concernant les Souscriptions, et tout
le détail necessaire aux Acquereurs de cet Ouvrage.
que le premier Volume de l'Edition , dont il est
parlé dans cette Lettre , se trouve chez le Sr Debure, fils, Libraire, Quai des Augustins, à l'Image
S. Germain , lequel délivrera des Billets de Souscription , signez de M. Argelati , à ceux qui vou- droient souscrire pour les Volumes suivans. Nous
ajouterons icy que toute l'Edition ensemble sera
des vol. in fol. avec des Figures tres- bien gravées , et qu'on trouvera chez le même Libraire
le Prospectus, dont il est parlé dans la Lettre; avec l'Instruction concernant les Souscriptions, et tout
le détail necessaire aux Acquereurs de cet Ouvrage.
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Résumé : « Nous avons averti dans le précédent Mercure que le premier Volume de l'Edition, dont il est [...] »
Le premier volume d'une édition est disponible chez le libraire Sr Debure, fils, Quai des Augustins. Les souscriptions pour les volumes suivants sont possibles auprès de ce libraire, qui délivrera des billets signés par M. Argelati. L'édition comprendra plusieurs volumes in-folio avec des figures gravées de haute qualité. Un prospectus et des instructions détaillées sont disponibles pour les acquéreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 2398-2399
LA CHENILLE ET LA FEMME, FABLE.
Début :
Chenille, effroyable animal, [...]
Mots clefs :
Chenille, Femme, Papillon, Toilette
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texteReconnaissance textuelle : LA CHENILLE ET LA FEMME, FABLE.
{ LA CHENILLE ET LA FEMME
FABLE.
Henille , effroyable animal ,
Dont le voisinage importune ,
Qu'à nos arbres tu fais de mal !
'Ah! Dieux , je crois en sentir une.
La Chenille ayant entendu
Ce qu'une Femme disoit d'elle ,
Sans se fâcher a répondu :
Ma laideur n'est point éternelle ,
Bien-tôt changée en Papillon ,
J'aurai des couleurs admirables ;
Du blanc , du bleu , du vermillon ,
BE
NOVEMBRE. 1732 2399.
LADE
Et je serai des plus aimables. VILLE
BIBLIO
HEQUE
LYON
Plus d'une belle à ce qu'on dit,
Est de moi l'image complette ;
Chenille en sortanr de son lit ,
Papillon après sa toilette.
FABLE.
Henille , effroyable animal ,
Dont le voisinage importune ,
Qu'à nos arbres tu fais de mal !
'Ah! Dieux , je crois en sentir une.
La Chenille ayant entendu
Ce qu'une Femme disoit d'elle ,
Sans se fâcher a répondu :
Ma laideur n'est point éternelle ,
Bien-tôt changée en Papillon ,
J'aurai des couleurs admirables ;
Du blanc , du bleu , du vermillon ,
BE
NOVEMBRE. 1732 2399.
LADE
Et je serai des plus aimables. VILLE
BIBLIO
HEQUE
LYON
Plus d'une belle à ce qu'on dit,
Est de moi l'image complette ;
Chenille en sortanr de son lit ,
Papillon après sa toilette.
Fermer
Résumé : LA CHENILLE ET LA FEMME, FABLE.
La fable 'La Chenille et la Femme' présente une chenille critiquée par une femme pour sa laideur. La chenille répond qu'elle se transformera en papillon aux couleurs admirables. Elle compare ce processus à celui de certaines femmes qui se transforment après leur toilette.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 2399-2407
LETTRE de M. Morand à M. D. L. R. en réponse à celle de M. F. J. Chirurgien de Soissons, sur la Taille.
Début :
J'ai vû sans étonnement, Monsieur, dans le Mercure du mois dernier, la [...]
Mots clefs :
M. Cheselden, Taille latérale, Méthode, Chirurgien, Opérations, Académie royale des sciences, Guérir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Morand à M. D. L. R. en réponse à celle de M. F. J. Chirurgien de Soissons, sur la Taille.
LETTRE de M. Morand à M. D. L. R.
en réponse à celle de M. F. J. Chirur
gien de Soissons , sur la Taille.
J'a
'Ai vû , sans étonnement , Monsieur
dans le Mercure du mois dernier. , la
Lettre de M. F. J. et je réponds sans
peine à ses refléxions : comme ellés paroissent fondées sur ce que dans ma Lettre imprimée dans le Mercure du mois.
d'Août , je ne me suis pas expliqué assez
clairement sur la Méthode de M. Foubert pour la Taille laterale, je commencerai par exposer ici ce que j'ai voulu
dire.
Après avoir appris au Public que dans
le Printems de la présente année 1732. il
y avoit eu quatre tailles à la Méthode de
M. Cheselden faites avec succès , je
croyois devoir l'informer de la suite des
Tailles latérales depuis le détail que vous
en
2040 MERCURE DE FRANCE
ㅋ
en avez donnéen Juillet 1731. et j'en annonçois quatre autres dont deux ont été faites par M. Foubert , avec des changemens dont il a fait part à l'Académie de
Chirurgie. Je n'ai donc pas assez distingué la Taille de M. Foubert , de celle de
M. Cheselden ; si c'est là ma faute , je
déclare que je n'ai englobée celle de
M. Foubert avec les autres , que comme
deux tailles de l'espéce qu'on nomme en
général latérale , relativement au grand
appareil , que je n'ai pas prétendu les confondre pour la Méthode , et que si M.
Foubert trouve mauvais que j'aye fait
usage de ses opérations en faveur de la
Taille latérale , prise relativement au
grand appareil , je serai exact à l'avenir
a ne citer que celles qui seront faites par
la Méthode de M. Cheselden. Pour rectifier dès-à- présent cet endroit , je dirai
que depuis le détail qu'on a lû dans le Mercure de Juillet 1731. où je parle de dixhuit opérations faites par cette Méthode dont quatorze ont réussi , il y en a eu six
de faites , dont cinq ont réussi.
à
Aux risques de déplaire à M. F. J. que
ces listes de guérisons importunent , il
faut cependant en ajoûter une nouvelle.
J'ai taillé le 14 Octobre dernier un homme qui avoit eu plusieurs fluxions et abs
cès
NOVEMBRE. 1732. 2041
ressoit par bonté
cès dans les parties voisines de celles de
la taille. M. Sylva Medecin , et plusieurs
Chirurgiens y étoient présents ; j'ai tiré
une pierre de la grosseur d'un abricot , et
le malade aété guéri sans avoir eu le moindre accident. C'est un homme pour qui
Madame la Princesse de Bouillon s'inte
et par charité.
Je dois encore apprendre au Public que
dans le voyage de M. Cheselden à Paris ,
il dit à un Ministre respectable qu'il étoit
en état de publier la premiere centaine
de ses opérations , que la seconde seroit
bientôt complette , et qu'il n'en avoit encore perdu que neuf. Voilà bien des listes , et bien des sujets d'impatience pour
M. F. J. mais il vaut autant les réunir
toutes sous un même point de vuë , puisqu'il s'agit d'éxaminer à présent si le jugement qu'il en a porté est équitable.
Voici les motifs qui me les ont fait publier.
Toutes les fois qu'il est question d'une
nouvelle Méthode à établir ou à justifier ,
on est necessairement obligé d'entrer dans
des détails qui deviennent inutiles lorsque la méthode est établie ou justifiée , et
il faut nécessairement faire l'énumeration
des faits sur lesquels on veut l'appuyer. Il
n'est donc pas étonnant que j'aye publié les
2042 MERCURE DE FRANCE
les opérations faites en France par la méthode de M. Cheselden , puisqu'elle y est
nouvelle , et que c'est sur un grand nom
bre de faits qu'elle peut être établie. Ainsi
le compliment que M. F. J. fait aux illustres Lithotomistes de Paris est déplacé , parce que le Public , moins attentif sur une Méthode ancienne , a toujours les yeux plus ouverts sur une Méthode nouvelle. L'énumeration de mes
tailles n'est donc pas hors de propos ; je
vais l'autoriser des exemples. par
>
On n'a point fait de procès au célebre
M. Rau , quand il a dit dans un Discours
publié à Leyde , qu'il avoit fait son opération sur 1547. Malades. On n'a point
regardé comme un séducteur du Public
M. Douglas , quand il a donné les nom,
surnom , et âge de ceux sur qui il avoit
pratiqué le haut appareil. On n'a point
dit à M. Cheselden qu'il présentoit les
choses sous une face dangereuse quand à
la suite de sa Méthode , publiée en 1730.
il a donné le catalogue de ceux qu'il
avoit taillés depuis 1727. Cette énumeration de faits ne m'est donc point particuliere , et si c'est une faute , je suis bien
excusable de l'avoir faite après de si grands
hommes.
D'ailleurs , il est évident que ce que
j'ai
NOVEMBRE. 1732. 2403
j'ai produit à cet égard étoit plus en faveur de l'opération que de l'Opérateur
puisqu'à mes opérations j'ai ajoûté celles
de Mrs Perchet , Garengeot , le Cat. C'a
été enfin sans partialité , puisque j'ai
publié les mauvais succès comme les
bons.
,
›
Il faut présentement prouver que j'ay
dû publier ces faits , et que j'ai eu des
motifs très - pressans de le faire. En effet
il sied mal à M. F. J. de dire qu'il valoit
mieux laisser dans l'oubli les faits que je
rapporte que de les divulguer. De bonne foi,
si sur le nombre de 24 Sujets taillés en
France par la méthode de M. Cheselden
dont 19. ont été guéris et 5. sont morts ;
il y en eut eu 19. de morts et 5. guéris
auroit on laissé ces faits dans l'oubli ? Répondre affirmativement , ce seroit ne pas
connoître ce qu'on appelle communément
jalousie de métier. Je n'en veux d'autre
preuve que ce qui s'est passé après la
mort de M. de Janson on a d'abord répandu dans la Gazette d'Hollande du mois de Mai 1731. que l'Opération latérale étoit deffendue en France ;
ensuite le Mercure de France a publié que
sur les inconveniens connus de cette opération , on ne l'avoit point fait cette année dans l'Hôpital de la Charité , afin
que
2404 MERCURE DE FRANCE
que les Pauvres servent d'instruction aux
Eleves sans être leurs victimes. Après de
telles atteintes données à cette Méthode
il est clair que je devois nécessairement
apprendre au Public , que cette opération bien loin d'être deffendue , comme le
disoit la Gazette d'Hollande , venoit d'être faite sur six Sujets. Il falloit nécessairement lui apprendre que cette opération,
bien loin de faire de nos Malades nos victimes , comme le disoit le Mercure , venoit de rendre à la vie cinq des six malades qui l'avoient essuyée ; le Public pru
dent et éclairé trouvera sans doute qu'il
y auroit bien de l'injustice , à ne vouloir
permettre aux Nouvelles publiques de se
charger que des époques qui peuvent être
fatales à une opération , et ne leur pas
permettre d'annoncer ce qui peut en re- hausser le prix.
Je conclurai donc que le jugement de
M. F. J. n'est pas équitable , mes listes
n'auroient été dangereuses que dans le cas
d'une conséquence tirée en faveur de la
Méthode , de l'argument seul des guérisons nombreuses , et c'est ce que je n'ai
point fait ; car à bien approfondir le
sens de la Lettre de M. F. J. il semble insinuer que je ne puis alléguer
que les faits en faveur de la Méthode de
M.
NOVEMBRE. 1732. 240
M. Cheselden. Il faut convenir que bien
d'honnêtes gens s'accommoderoient de
cette preuve ; mais je ne m'en suis point
tenu là , et j'ai pris la chose par plus d'un endroit.
·
M. F. J. ignore , ou peut-être veut
ignorer, qu'après avoir montré à l'Acadé
mie Royale des Sciences les Sujets taillés
par la Méthode de M. Cheselden , j'en ai .
expliqué le manuel conformément aux
notions anatomiques , j'y ai démontré les
parties interessées dans cette opération
fraîches , dessechées , injectées ; j'ai fait le
parallele de cette taille avec les autres ;
j'ai fait voir plus de vingt Planches dessinées pour expliquer la Taille latérale depuis Frere Jacques jusqu'à M. Cheselden ;
j'ai donné un Mémoire fort circonstancié ,
et j'ai promis un Ouvrage en forme sur
cette matiere ; je ne puis donc être accusé d'avoir entamé la chose superficiellement ; et quoiqu'on dise , je ne puis établir les avantages de cette Taille que sur
les raisonnemens et sur les faits ; j'ai produit mes raisonnemens à l'Académie
Royale des Sciences , et j'instruis, le Public des faits à mesure qu'ils arri
vent.
Mais je vois à la fin de la Lettre de
M. F. J. Chirurgien de Soissons , ce qui.
E blesse
24.06 MERCURE DE FRANCE
3
blesse sa délicatesse , et j'y trouve de vio
lens soupçons de croire que nous habitons
la même Ville. L'Académie de S. Côme,
dit-on , ne devoit-elle pas être la dépositaire
de ces faits ? Je réponds uniment qu'avant
que l'Académie de S. Côme fut établie ,
celle des Sciences avoit reçû mes Observations , et j'avoue qu'elle a sur l'autre
un droit d'aînesse bien établi. D'ailleurs
je ne puis marquer trop de reconnoissance à cette Illustre Académie , et je ne
cesserai de publier les bontez qu'elle a eues
pour moi depuis dix ans que j'ai l'honneur d'en être ; c'est elle qui m'a engagé
à comparer les différentes Méthodes de
la Taille , c'est elle qui vraiement libre
depréjugé et d'interêt a fait un examenéquitable de mes Opérations , elle a répandu mes succès , elle m'a consolé dans
mes adversités : quelle eut été mon ingratitude , si je n'eusse pas rapporté à une
Compagnie si digne de respect et d'amour
tout ce qui étoit relatif à une chose entreprise sous ses auspices ? L'Académie des
Sciences devoit donc être dépositaire de
ces faits. Je ne crois pas pour cela avoir
manqué en rien à celle de S. Côme , je défie qu'on puisse me rien reprocher à cet
égard , et mon zele pour seconder les intentions des premiers Chirurgiens du
Roi
NOVEMBRE. 1732 2407
Roi dans ce nouvel et utile établissement,
est trop éclatant pour cela.
Voilà , M. ce que j'ai à répondre à la
Lettre de M. F. J. je ne crains point que
ses phrases sur le biengeneral , &c. en imposent au Public qui est présentement au
faitde tout le mistere. Je suis , Mon
sieur , &c.
AParis ,ce 1o. Novembre 1732.
en réponse à celle de M. F. J. Chirur
gien de Soissons , sur la Taille.
J'a
'Ai vû , sans étonnement , Monsieur
dans le Mercure du mois dernier. , la
Lettre de M. F. J. et je réponds sans
peine à ses refléxions : comme ellés paroissent fondées sur ce que dans ma Lettre imprimée dans le Mercure du mois.
d'Août , je ne me suis pas expliqué assez
clairement sur la Méthode de M. Foubert pour la Taille laterale, je commencerai par exposer ici ce que j'ai voulu
dire.
Après avoir appris au Public que dans
le Printems de la présente année 1732. il
y avoit eu quatre tailles à la Méthode de
M. Cheselden faites avec succès , je
croyois devoir l'informer de la suite des
Tailles latérales depuis le détail que vous
en
2040 MERCURE DE FRANCE
ㅋ
en avez donnéen Juillet 1731. et j'en annonçois quatre autres dont deux ont été faites par M. Foubert , avec des changemens dont il a fait part à l'Académie de
Chirurgie. Je n'ai donc pas assez distingué la Taille de M. Foubert , de celle de
M. Cheselden ; si c'est là ma faute , je
déclare que je n'ai englobée celle de
M. Foubert avec les autres , que comme
deux tailles de l'espéce qu'on nomme en
général latérale , relativement au grand
appareil , que je n'ai pas prétendu les confondre pour la Méthode , et que si M.
Foubert trouve mauvais que j'aye fait
usage de ses opérations en faveur de la
Taille latérale , prise relativement au
grand appareil , je serai exact à l'avenir
a ne citer que celles qui seront faites par
la Méthode de M. Cheselden. Pour rectifier dès-à- présent cet endroit , je dirai
que depuis le détail qu'on a lû dans le Mercure de Juillet 1731. où je parle de dixhuit opérations faites par cette Méthode dont quatorze ont réussi , il y en a eu six
de faites , dont cinq ont réussi.
à
Aux risques de déplaire à M. F. J. que
ces listes de guérisons importunent , il
faut cependant en ajoûter une nouvelle.
J'ai taillé le 14 Octobre dernier un homme qui avoit eu plusieurs fluxions et abs
cès
NOVEMBRE. 1732. 2041
ressoit par bonté
cès dans les parties voisines de celles de
la taille. M. Sylva Medecin , et plusieurs
Chirurgiens y étoient présents ; j'ai tiré
une pierre de la grosseur d'un abricot , et
le malade aété guéri sans avoir eu le moindre accident. C'est un homme pour qui
Madame la Princesse de Bouillon s'inte
et par charité.
Je dois encore apprendre au Public que
dans le voyage de M. Cheselden à Paris ,
il dit à un Ministre respectable qu'il étoit
en état de publier la premiere centaine
de ses opérations , que la seconde seroit
bientôt complette , et qu'il n'en avoit encore perdu que neuf. Voilà bien des listes , et bien des sujets d'impatience pour
M. F. J. mais il vaut autant les réunir
toutes sous un même point de vuë , puisqu'il s'agit d'éxaminer à présent si le jugement qu'il en a porté est équitable.
Voici les motifs qui me les ont fait publier.
Toutes les fois qu'il est question d'une
nouvelle Méthode à établir ou à justifier ,
on est necessairement obligé d'entrer dans
des détails qui deviennent inutiles lorsque la méthode est établie ou justifiée , et
il faut nécessairement faire l'énumeration
des faits sur lesquels on veut l'appuyer. Il
n'est donc pas étonnant que j'aye publié les
2042 MERCURE DE FRANCE
les opérations faites en France par la méthode de M. Cheselden , puisqu'elle y est
nouvelle , et que c'est sur un grand nom
bre de faits qu'elle peut être établie. Ainsi
le compliment que M. F. J. fait aux illustres Lithotomistes de Paris est déplacé , parce que le Public , moins attentif sur une Méthode ancienne , a toujours les yeux plus ouverts sur une Méthode nouvelle. L'énumeration de mes
tailles n'est donc pas hors de propos ; je
vais l'autoriser des exemples. par
>
On n'a point fait de procès au célebre
M. Rau , quand il a dit dans un Discours
publié à Leyde , qu'il avoit fait son opération sur 1547. Malades. On n'a point
regardé comme un séducteur du Public
M. Douglas , quand il a donné les nom,
surnom , et âge de ceux sur qui il avoit
pratiqué le haut appareil. On n'a point
dit à M. Cheselden qu'il présentoit les
choses sous une face dangereuse quand à
la suite de sa Méthode , publiée en 1730.
il a donné le catalogue de ceux qu'il
avoit taillés depuis 1727. Cette énumeration de faits ne m'est donc point particuliere , et si c'est une faute , je suis bien
excusable de l'avoir faite après de si grands
hommes.
D'ailleurs , il est évident que ce que
j'ai
NOVEMBRE. 1732. 2403
j'ai produit à cet égard étoit plus en faveur de l'opération que de l'Opérateur
puisqu'à mes opérations j'ai ajoûté celles
de Mrs Perchet , Garengeot , le Cat. C'a
été enfin sans partialité , puisque j'ai
publié les mauvais succès comme les
bons.
,
›
Il faut présentement prouver que j'ay
dû publier ces faits , et que j'ai eu des
motifs très - pressans de le faire. En effet
il sied mal à M. F. J. de dire qu'il valoit
mieux laisser dans l'oubli les faits que je
rapporte que de les divulguer. De bonne foi,
si sur le nombre de 24 Sujets taillés en
France par la méthode de M. Cheselden
dont 19. ont été guéris et 5. sont morts ;
il y en eut eu 19. de morts et 5. guéris
auroit on laissé ces faits dans l'oubli ? Répondre affirmativement , ce seroit ne pas
connoître ce qu'on appelle communément
jalousie de métier. Je n'en veux d'autre
preuve que ce qui s'est passé après la
mort de M. de Janson on a d'abord répandu dans la Gazette d'Hollande du mois de Mai 1731. que l'Opération latérale étoit deffendue en France ;
ensuite le Mercure de France a publié que
sur les inconveniens connus de cette opération , on ne l'avoit point fait cette année dans l'Hôpital de la Charité , afin
que
2404 MERCURE DE FRANCE
que les Pauvres servent d'instruction aux
Eleves sans être leurs victimes. Après de
telles atteintes données à cette Méthode
il est clair que je devois nécessairement
apprendre au Public , que cette opération bien loin d'être deffendue , comme le
disoit la Gazette d'Hollande , venoit d'être faite sur six Sujets. Il falloit nécessairement lui apprendre que cette opération,
bien loin de faire de nos Malades nos victimes , comme le disoit le Mercure , venoit de rendre à la vie cinq des six malades qui l'avoient essuyée ; le Public pru
dent et éclairé trouvera sans doute qu'il
y auroit bien de l'injustice , à ne vouloir
permettre aux Nouvelles publiques de se
charger que des époques qui peuvent être
fatales à une opération , et ne leur pas
permettre d'annoncer ce qui peut en re- hausser le prix.
Je conclurai donc que le jugement de
M. F. J. n'est pas équitable , mes listes
n'auroient été dangereuses que dans le cas
d'une conséquence tirée en faveur de la
Méthode , de l'argument seul des guérisons nombreuses , et c'est ce que je n'ai
point fait ; car à bien approfondir le
sens de la Lettre de M. F. J. il semble insinuer que je ne puis alléguer
que les faits en faveur de la Méthode de
M.
NOVEMBRE. 1732. 240
M. Cheselden. Il faut convenir que bien
d'honnêtes gens s'accommoderoient de
cette preuve ; mais je ne m'en suis point
tenu là , et j'ai pris la chose par plus d'un endroit.
·
M. F. J. ignore , ou peut-être veut
ignorer, qu'après avoir montré à l'Acadé
mie Royale des Sciences les Sujets taillés
par la Méthode de M. Cheselden , j'en ai .
expliqué le manuel conformément aux
notions anatomiques , j'y ai démontré les
parties interessées dans cette opération
fraîches , dessechées , injectées ; j'ai fait le
parallele de cette taille avec les autres ;
j'ai fait voir plus de vingt Planches dessinées pour expliquer la Taille latérale depuis Frere Jacques jusqu'à M. Cheselden ;
j'ai donné un Mémoire fort circonstancié ,
et j'ai promis un Ouvrage en forme sur
cette matiere ; je ne puis donc être accusé d'avoir entamé la chose superficiellement ; et quoiqu'on dise , je ne puis établir les avantages de cette Taille que sur
les raisonnemens et sur les faits ; j'ai produit mes raisonnemens à l'Académie
Royale des Sciences , et j'instruis, le Public des faits à mesure qu'ils arri
vent.
Mais je vois à la fin de la Lettre de
M. F. J. Chirurgien de Soissons , ce qui.
E blesse
24.06 MERCURE DE FRANCE
3
blesse sa délicatesse , et j'y trouve de vio
lens soupçons de croire que nous habitons
la même Ville. L'Académie de S. Côme,
dit-on , ne devoit-elle pas être la dépositaire
de ces faits ? Je réponds uniment qu'avant
que l'Académie de S. Côme fut établie ,
celle des Sciences avoit reçû mes Observations , et j'avoue qu'elle a sur l'autre
un droit d'aînesse bien établi. D'ailleurs
je ne puis marquer trop de reconnoissance à cette Illustre Académie , et je ne
cesserai de publier les bontez qu'elle a eues
pour moi depuis dix ans que j'ai l'honneur d'en être ; c'est elle qui m'a engagé
à comparer les différentes Méthodes de
la Taille , c'est elle qui vraiement libre
depréjugé et d'interêt a fait un examenéquitable de mes Opérations , elle a répandu mes succès , elle m'a consolé dans
mes adversités : quelle eut été mon ingratitude , si je n'eusse pas rapporté à une
Compagnie si digne de respect et d'amour
tout ce qui étoit relatif à une chose entreprise sous ses auspices ? L'Académie des
Sciences devoit donc être dépositaire de
ces faits. Je ne crois pas pour cela avoir
manqué en rien à celle de S. Côme , je défie qu'on puisse me rien reprocher à cet
égard , et mon zele pour seconder les intentions des premiers Chirurgiens du
Roi
NOVEMBRE. 1732 2407
Roi dans ce nouvel et utile établissement,
est trop éclatant pour cela.
Voilà , M. ce que j'ai à répondre à la
Lettre de M. F. J. je ne crains point que
ses phrases sur le biengeneral , &c. en imposent au Public qui est présentement au
faitde tout le mistere. Je suis , Mon
sieur , &c.
AParis ,ce 1o. Novembre 1732.
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Résumé : LETTRE de M. Morand à M. D. L. R. en réponse à celle de M. F. J. Chirurgien de Soissons, sur la Taille.
M. Morand répond à la lettre de M. F. J., chirurgien de Soissons, publiée dans le Mercure, concernant la méthode de la taille latérale. Il reconnaît n'avoir pas suffisamment distingué la méthode de M. Foubert de celle de M. Cheselden dans sa précédente lettre. Depuis juillet 1731, six opérations supplémentaires ont été réalisées selon la méthode de Cheselden, dont cinq ont été couronnées de succès. Morand mentionne également une opération récente où il a retiré une pierre de la taille d'un abricot avec succès. Morand justifie la publication des détails des opérations en soulignant que toute nouvelle méthode nécessite des preuves concrètes. Il cite des exemples de chirurgiens célèbres qui ont également publié leurs résultats. Ses publications visent à établir la méthode de Cheselden en France et à répondre aux critiques cherchant à discréditer cette technique. Il affirme que ses publications sont nécessaires pour contrer les attaques contre la méthode de Cheselden et pour informer le public des succès obtenus. Morand exprime sa reconnaissance envers l'Académie Royale des Sciences pour son soutien et son examen équitable de ses opérations.
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18
p. 2407-2409
BOUQUET à Mlle...
Début :
Amour, c'est trop long-tems rester dans le silence; [...]
Mots clefs :
Coeur, Bouquet, Funestes conseils, Secret, Amour, Ardeur , Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET à Mlle...
BOUQUET à Mitte ...
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
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Résumé : BOUQUET à Mlle...
Dans une lettre poétique adressée à Mitte, l'auteur exprime son amour pour une femme nommée Iris. Il révèle qu'il garde cet amour secret depuis plus de six mois, suivant les conseils de Mitte de ne pas révéler ses sentiments directement. L'auteur décrit les moyens subtils qu'il utilise pour montrer son affection, comme fixer son regard sur Iris pour lui faire comprendre son attachement. Il admire la beauté et les charmes d'Iris, notant qu'elle est toujours accompagnée des Grâces, des Rires, des Amours et des Jeux. L'auteur exprime son désir de lui révéler son amour, espérant que ses vers pourront adoucir son cœur. La lettre se conclut par la décision de l'auteur de présenter son cœur à Iris sous forme de bouquet pour sa fête le lendemain.
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19
p. 2409
« Noisette, Drapeau et Semaine, sont les mots de l'Enigme, et des deux [...] »
Début :
Noisette, Drapeau et Semaine, sont les mots de l'Enigme, et des deux [...]
Mots clefs :
Noisette, Drapeau, Semaine
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texteReconnaissance textuelle : « Noisette, Drapeau et Semaine, sont les mots de l'Enigme, et des deux [...] »
Noisette , Drapeau et Semaine , sont
les mots de l'Enigme , et des deux Lo
gogryfes d'Octobre,
les mots de l'Enigme , et des deux Lo
gogryfes d'Octobre,
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20
p. 2410
ENIGME.
Début :
Voulez-vous sçavoir ma structure ? [...]
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Voulez- vous sçavoir ma structure
Je suis de plus d'uue couleur ;
J'emprunte plus d'une figure ;
Tantôt d'un More affreux j'imite la noirceur,
Tantôt d'un Adonis , j'étale la blancheur.
Je sçai , comme il me plaît , copier la nature
Soit en beauté, soit en laideur.
Sans recourir aux secrets de Médéc
J'ai le grand art de rajeunir les vieux ,
Par mon secours mainte vieille ridée ,
Afait naître souvent des désirs amoureux.
Mais que mon regne est peu durable !
Malgré tous mes talens , si - tôt que le jour luit
Je parois si déraisonnable ,
Que chacun me quitte et me fuit.
Voulez- vous sçavoir ma structure
Je suis de plus d'uue couleur ;
J'emprunte plus d'une figure ;
Tantôt d'un More affreux j'imite la noirceur,
Tantôt d'un Adonis , j'étale la blancheur.
Je sçai , comme il me plaît , copier la nature
Soit en beauté, soit en laideur.
Sans recourir aux secrets de Médéc
J'ai le grand art de rajeunir les vieux ,
Par mon secours mainte vieille ridée ,
Afait naître souvent des désirs amoureux.
Mais que mon regne est peu durable !
Malgré tous mes talens , si - tôt que le jour luit
Je parois si déraisonnable ,
Que chacun me quitte et me fuit.
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21
p. 2410-2412
LOGOGRYPHE.
Début :
Enfant de la crédulité, [...]
Mots clefs :
Présages
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
Enfant de la crédulité ,
J'ai réglé les projets de plus d'un grand Em²
pire ,
Par moi le Curieux aspire
Apénetrer du tems la sombre obscurité.
A
NOVEMBRE. 1732 2411
Sept lettres font mon tout , les trois premieres
parts
Du Campagnard avide attirent les regards
Sans être le fruit de sa peine ,
Et sur elles souvent roulent d'heureux ház
zards
Entre Tircis et sa Climene.
Du mot qui suit , la Grèce a reconnu le prix ,
Certains de ses Heros en ont tiré leur gloire ;
1. 3. 2. 4. 7. je deviens un pays ,
Objet d'un Conquerant très-vanté dans l'Hisy
toire ;
2. 5. 6. 7. malheur àtout vivant
Qui ressent ma cruelle atteinte ,
L'homme qui s'en alarme implore un Ek
*ment ,
Er peut- être qu'il doit son salut à sa crainte ;
1. 3. 2. 7. sachez que j'ai donné le jour;
6.2. 5. 1. 8. 7. admirés la surprise ;
Pour l'appas de ma friandise
Une Nymphe se livre au rival de l'Amour}
4.3.2. 1. 7. ornemens des Forêts;
Je fus toujours votre ennemie ; .
J'immole sans pitié le Mirte et le Ciprès į
Mais 5. 6. 2. je ( 1 ) suis la vie.
(1) Du verbe suivre,
E iiij 11
412 MERCURE DE FRANCE
Il est de certains jours aux plaisirs destinés ,
Quand 6. 2. 5. et 4. en forment l'épithete ;
Du tabac et du sucre à souffrir condamnés
2. §. 1. 3. tout haut j'annonce la défaite
C'est assez chiffrer , cher Lecteur .
Exeree tes talens , et dans mon tout devine
Le célebre habitant de la double Colline ,
Que sans trop le connoître a chanté maint Auệ teur ;
Mais malgré tous les traits rassemblés par ma plume ,
L'anagrame m'abbaisse à n'être qu'un légume.
Par le Poëte de S. Cloud.
Enfant de la crédulité ,
J'ai réglé les projets de plus d'un grand Em²
pire ,
Par moi le Curieux aspire
Apénetrer du tems la sombre obscurité.
A
NOVEMBRE. 1732 2411
Sept lettres font mon tout , les trois premieres
parts
Du Campagnard avide attirent les regards
Sans être le fruit de sa peine ,
Et sur elles souvent roulent d'heureux ház
zards
Entre Tircis et sa Climene.
Du mot qui suit , la Grèce a reconnu le prix ,
Certains de ses Heros en ont tiré leur gloire ;
1. 3. 2. 4. 7. je deviens un pays ,
Objet d'un Conquerant très-vanté dans l'Hisy
toire ;
2. 5. 6. 7. malheur àtout vivant
Qui ressent ma cruelle atteinte ,
L'homme qui s'en alarme implore un Ek
*ment ,
Er peut- être qu'il doit son salut à sa crainte ;
1. 3. 2. 7. sachez que j'ai donné le jour;
6.2. 5. 1. 8. 7. admirés la surprise ;
Pour l'appas de ma friandise
Une Nymphe se livre au rival de l'Amour}
4.3.2. 1. 7. ornemens des Forêts;
Je fus toujours votre ennemie ; .
J'immole sans pitié le Mirte et le Ciprès į
Mais 5. 6. 2. je ( 1 ) suis la vie.
(1) Du verbe suivre,
E iiij 11
412 MERCURE DE FRANCE
Il est de certains jours aux plaisirs destinés ,
Quand 6. 2. 5. et 4. en forment l'épithete ;
Du tabac et du sucre à souffrir condamnés
2. §. 1. 3. tout haut j'annonce la défaite
C'est assez chiffrer , cher Lecteur .
Exeree tes talens , et dans mon tout devine
Le célebre habitant de la double Colline ,
Que sans trop le connoître a chanté maint Auệ teur ;
Mais malgré tous les traits rassemblés par ma plume ,
L'anagrame m'abbaisse à n'être qu'un légume.
Par le Poëte de S. Cloud.
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22
p. 2412-2413
AUTRE LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis, mon cher Lecteur, fort facile à connoître, [...]
Mots clefs :
Poulet
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE LOGOGRYPHE.
AUTRE LOGOGRYPHE.
E suis, mon cher Lecteur , fort facile à conă noître ,
JE
Chez toi souvent tu me vois naître.
A mes premiers momens on donne mille soins ,
Bien plus heureux pourtant si l'on en donnoit moins.
Pour toi seul par ces soins tu ménages ma vie ,
Et ton avidité bien- tôt me sacrifie.
Si pour me deviner cela ne suffit pas ,
Servons- nous, s'il se peut,du griffique embarras.
Une lettre de moins je vous nomme ma Mere.
Prenés
NOVEMBRE. 1732. 2413
renés un , deux et trois , je nais dans la misere ,
Et ne suis qu'un insecte et très- vil animal.
Quatre , deux , trois , un , cinq , je fais le nom d'un mal.
Quatre, deux , trois et un, craignés mon voisi
. nage ,
Je n'aime que le sang , la mort et le carnage.
Prenés un , deux , le fils d'une Divinité
Reçût chez moi le prix de sa témerité ,
A six ajoûtez deux , et puis trois avec quatre ,
Je suis une Cité toujours prête à combattre.
Quatre , trois avec six , je nomme un instru ment.
Un, deux,quatre , et puis cinq , les bouts du Fir- mament.
Quatre,deux avec fix tu vois une riviere ;
Le bien que chaque enfant hérite de son pere
Et quelque chose encor que l'on doit au ha→
zard.
Mais je crains , cher Lecteur , d'être trop babil- lard ;
Dans mon nom cependant on peut encore lire
Celui d'un certain bruit qu'on n'entend point
sans rire.
Finissons il est tems je suis déja trop long ,
Mon nom est pourtant court , car six lettres
le font.
E suis, mon cher Lecteur , fort facile à conă noître ,
JE
Chez toi souvent tu me vois naître.
A mes premiers momens on donne mille soins ,
Bien plus heureux pourtant si l'on en donnoit moins.
Pour toi seul par ces soins tu ménages ma vie ,
Et ton avidité bien- tôt me sacrifie.
Si pour me deviner cela ne suffit pas ,
Servons- nous, s'il se peut,du griffique embarras.
Une lettre de moins je vous nomme ma Mere.
Prenés
NOVEMBRE. 1732. 2413
renés un , deux et trois , je nais dans la misere ,
Et ne suis qu'un insecte et très- vil animal.
Quatre , deux , trois , un , cinq , je fais le nom d'un mal.
Quatre, deux , trois et un, craignés mon voisi
. nage ,
Je n'aime que le sang , la mort et le carnage.
Prenés un , deux , le fils d'une Divinité
Reçût chez moi le prix de sa témerité ,
A six ajoûtez deux , et puis trois avec quatre ,
Je suis une Cité toujours prête à combattre.
Quatre , trois avec six , je nomme un instru ment.
Un, deux,quatre , et puis cinq , les bouts du Fir- mament.
Quatre,deux avec fix tu vois une riviere ;
Le bien que chaque enfant hérite de son pere
Et quelque chose encor que l'on doit au ha→
zard.
Mais je crains , cher Lecteur , d'être trop babil- lard ;
Dans mon nom cependant on peut encore lire
Celui d'un certain bruit qu'on n'entend point
sans rire.
Finissons il est tems je suis déja trop long ,
Mon nom est pourtant court , car six lettres
le font.
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p. 2414
AUTRE.
Début :
Quatre parts font mon tout, mais sans en rien rabattre [...]
Mots clefs :
Sens
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Uatre parts font mon tout mais sans en
rien rabattre
Ces quatre bien comptez valent cinquante- quatre ;
Quelquefois je suis double , ou seul , ou cinq ;
même un >
Je suis bon ou mauvais , je suis rare et com
mun >
Je suis de tout Païs , à tous je suis utile ,
Je suis imperceptible , et je suis une ville.
J'anime l'Univers , j'en suis l'ame et le corps ,
L'on ne peut rien sans moi ; par de secrets res sorts
Je fais d'un sage un fou , d'un sçavant une bête ;
Je suis souvent trompeur , et n'ai ni pieds ni
tête ;
Enfin en deux endroits très-connus dans Paris
Aujourd'hui je triomphe , ou j'excite les ris
Le C. D. B.
Uatre parts font mon tout mais sans en
rien rabattre
Ces quatre bien comptez valent cinquante- quatre ;
Quelquefois je suis double , ou seul , ou cinq ;
même un >
Je suis bon ou mauvais , je suis rare et com
mun >
Je suis de tout Païs , à tous je suis utile ,
Je suis imperceptible , et je suis une ville.
J'anime l'Univers , j'en suis l'ame et le corps ,
L'on ne peut rien sans moi ; par de secrets res sorts
Je fais d'un sage un fou , d'un sçavant une bête ;
Je suis souvent trompeur , et n'ai ni pieds ni
tête ;
Enfin en deux endroits très-connus dans Paris
Aujourd'hui je triomphe , ou j'excite les ris
Le C. D. B.
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