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Détail
Liste
451
p. 1773-1781
RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Début :
Il est assez dangereux de se déterminer sur cette Question ; on s'expose nécessairement [...]
Mots clefs :
Poésie, Poète, Éloquence, Orateur, Prose, Gloire, Homme, Mérite
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
REPONSE à la Queſtion proposée
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
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Résumé : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Le texte traite de la supériorité de la gloire des orateurs par rapport à celle des poètes. L'auteur commence par souligner les risques de prendre parti dans cette controverse, car cela peut déplaire à l'un ou l'autre camp. Il précise que la question ne porte pas sur la comparaison des mérites personnels, mais sur la gloire associée à chaque profession. L'auteur examine ensuite les efforts nécessaires pour écrire des poèmes et des discours. Les poètes doivent suivre des règles strictes comme la rime et la cadence, ce qui peut limiter leur expression. Les orateurs, en revanche, utilisent un langage plus simple et ordinaire, mais nécessitent également un grand talent et une élocution parfaite. Le texte mentionne que les poètes, comme Boileau, peuvent également exceller dans la prose, mais que les orateurs ne deviennent pas aussi facilement poètes. Cependant, la réputation des grands orateurs comme Cicéron ou Démosthène est comparable à celle des grands poètes comme Virgile ou Homère. L'auteur conclut que la gloire des orateurs est préférable, car ils peuvent gouverner et influencer les hommes par leur éloquence. Les poètes, bien qu'admirés, n'ont pas cette capacité de diriger ou de gouverner. De plus, la poésie est souvent perçue comme un amusement et non comme une activité sérieuse. Enfin, l'orateur doit posséder un ensemble de qualités supplémentaires, comme une bonne mémoire et une prononciation claire, ce qui renforce la préférence pour la gloire des orateurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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452
p. 1786-1787
REMERCIEMENT à M. de Pibrac, Comte de Marigni, qui avoit envoyé à l'Auteur du Lait, avec quelques Historiens & des Poëtes.
Début :
Vous dont l'extrême complaisance [...]
Mots clefs :
Lait, Auteurs, Bibliothèque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMERCIEMENT à M. de Pibrac, Comte de Marigni, qui avoit envoyé à l'Auteur du Lait, avec quelques Historiens & des Poëtes.
REMERCIMENT à M. de Pibrac
, Comte de Marigni , qui avoit envoyé
à l'Auteur , du Lait , avec quelques
Hiftoriens & des Poëtes.
Vous dont l'extrême complaiſance
Veut marquer tous mes jours par de
bienfaits ,
,
nouveaux
PIBRAC vous me mettez enfin dans l'impuiffance
De les reconnoître jamais.
Hier, pour adoucir le mal qui me devore ,
De votre part , Tityre , au lever de l'Aurore ,
Me préfenta du Lait d'une nouvelle Yo (4)
Aujourd'hui cinq Auteurs , favoris de Clio ,
Par votre ordre fuivis de Lucain , de Seneque
Et du Chantre fameux de l'Ile de Chio ( b )
Sont venus fe ranger dans ma Bibliotheque.
(a ) Yo fut changée en Vache . Ovid. 1. 1. Met.
•) Chio fe vantoit d'être la Patrie d'Homere.
Tr
A O UST. 1730. 1780
Trop heureux fi fur leurs Ecrits ,
Formant les enfans de ma veine ,
Je puis dans le beau,feu dont je me fens épris
Chanter dignement mon Mécene !
COCQUARD.
, Comte de Marigni , qui avoit envoyé
à l'Auteur , du Lait , avec quelques
Hiftoriens & des Poëtes.
Vous dont l'extrême complaiſance
Veut marquer tous mes jours par de
bienfaits ,
,
nouveaux
PIBRAC vous me mettez enfin dans l'impuiffance
De les reconnoître jamais.
Hier, pour adoucir le mal qui me devore ,
De votre part , Tityre , au lever de l'Aurore ,
Me préfenta du Lait d'une nouvelle Yo (4)
Aujourd'hui cinq Auteurs , favoris de Clio ,
Par votre ordre fuivis de Lucain , de Seneque
Et du Chantre fameux de l'Ile de Chio ( b )
Sont venus fe ranger dans ma Bibliotheque.
(a ) Yo fut changée en Vache . Ovid. 1. 1. Met.
•) Chio fe vantoit d'être la Patrie d'Homere.
Tr
A O UST. 1730. 1780
Trop heureux fi fur leurs Ecrits ,
Formant les enfans de ma veine ,
Je puis dans le beau,feu dont je me fens épris
Chanter dignement mon Mécene !
COCQUARD.
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Résumé : REMERCIEMENT à M. de Pibrac, Comte de Marigni, qui avoit envoyé à l'Auteur du Lait, avec quelques Historiens & des Poëtes.
L'auteur remercie M. de Pibrac, Comte de Marigni, pour des présents incluant du lait et des ouvrages d'historiens et de poètes. Il a reçu du lait d'une nouvelle vache et des écrits de cinq auteurs favorisés par Clio, Lucain, Sénèque et Homère. Il se réjouit d'utiliser ces œuvres pour former ses propres écrits et honorer son mécène.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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453
p. 1793-1794
Acta Eruditorum, &c. [titre d'après la table]
Début :
ACTA ERUDITORUM, anno M. DCC. XX. publicata, cum [...]
Mots clefs :
Savants, Journaux latins
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Acta Eruditorum, &c. [titre d'après la table]
ACTA ERUDITORUM ,
anno
M. DCC. XX. publicata , cum
S. Cæfareæ Majeftatis & Regis Pol . atque
Electoris Saxoniæ Privilegiis . LYPSIE ,
proftant apud Johan . Graffii hæredes ,
Joh . Frid . Gleditfchii B. Fil . & Thomam
Fritschium , typis Bernhardi- Chriftoph.
Breitkopfii. A. 1720. C'est-à-dire , LES
ACTES DES SCAVANS , publiez à
Lypfic , en l'année 1720. &c. 1. vol. in 4.
de 549. pages , fans les Tables ,
Le Projet dont nous avons parle dans
l'Avertiffement qui eft à la tête d'un
de nos Journaux , ne nous permet pas
d'omettre un Journal qui tient un rang
fi confiderable dans la République des
Lettres. C'est le premier & le plus eftimé
de tous les Journaux Latins . Il continue
fans interruption depuis le mois de Janvier
1794 MERCURE DE FRANCE
>
vier de l'année 1681. Son commencement
eft dû à Othon Menkenius & fa continuation
à un nombre de Sçavans choifis ,
à la tête defquels eft M. Jean Burcard
Menkenius , Confeiller de la Cour du
Roi de Pologne , Electeur de Saxe . Le
fuccès de ce Journal eft toûjours égal , &
c'eft fans fondement qu'on a publié dans
des Nouvelles Litteraires qu'il alloit être
diſcontinué , ou du moins qu'il ne feroit
plus compofé en Langue Latine , mais en
Allemand. Il ne faut pas omettre. que lès
Auteurs ont donné des Supplemens & des
Tables generales de dix en dix ans. Nous
ne croyons pas qu'on puiffe trouver des
Sçavans plus infatigables & plus dévouez
à l'avancement des Lettres.
anno
M. DCC. XX. publicata , cum
S. Cæfareæ Majeftatis & Regis Pol . atque
Electoris Saxoniæ Privilegiis . LYPSIE ,
proftant apud Johan . Graffii hæredes ,
Joh . Frid . Gleditfchii B. Fil . & Thomam
Fritschium , typis Bernhardi- Chriftoph.
Breitkopfii. A. 1720. C'est-à-dire , LES
ACTES DES SCAVANS , publiez à
Lypfic , en l'année 1720. &c. 1. vol. in 4.
de 549. pages , fans les Tables ,
Le Projet dont nous avons parle dans
l'Avertiffement qui eft à la tête d'un
de nos Journaux , ne nous permet pas
d'omettre un Journal qui tient un rang
fi confiderable dans la République des
Lettres. C'est le premier & le plus eftimé
de tous les Journaux Latins . Il continue
fans interruption depuis le mois de Janvier
1794 MERCURE DE FRANCE
>
vier de l'année 1681. Son commencement
eft dû à Othon Menkenius & fa continuation
à un nombre de Sçavans choifis ,
à la tête defquels eft M. Jean Burcard
Menkenius , Confeiller de la Cour du
Roi de Pologne , Electeur de Saxe . Le
fuccès de ce Journal eft toûjours égal , &
c'eft fans fondement qu'on a publié dans
des Nouvelles Litteraires qu'il alloit être
diſcontinué , ou du moins qu'il ne feroit
plus compofé en Langue Latine , mais en
Allemand. Il ne faut pas omettre. que lès
Auteurs ont donné des Supplemens & des
Tables generales de dix en dix ans. Nous
ne croyons pas qu'on puiffe trouver des
Sçavans plus infatigables & plus dévouez
à l'avancement des Lettres.
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Résumé : Acta Eruditorum, &c. [titre d'après la table]
Le texte décrit les 'Acta Eruditorum', un journal savant publié à Leipzig depuis 1720. Connu sous le nom de 'Les Actes des Savants', il est le premier et le plus respecté des journaux en latin. Fondé en janvier 1681 par Othon Menkenius, il est actuellement dirigé par Jean Burcard Menkenius, conseiller de la cour du Roi de Pologne et Électeur de Saxe. Le journal est publié sans interruption et connaît un succès continu. Contrairement à certaines rumeurs, il n'est pas discontinué et reste en langue latine. Les auteurs publient des suppléments et des tables générales tous les dix ans, témoignant de leur engagement pour l'avancement des lettres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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454
p. 1802-1804
« WERNERI JACOBI CLAUSII, Angelus Politianus, sive de ejus vitâ, Scriptis [...] »
Début :
WERNERI JACOBI CLAUSII, Angelus Politianus, sive de ejus vitâ, Scriptis [...]
Mots clefs :
Écrivains grecs, Ange Politien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « WERNERI JACOBI CLAUSII, Angelus Politianus, sive de ejus vitâ, Scriptis [...] »
WERNERI JACOBI CLAUSII , Angelus
Politianus , five de ejus vitâ , Scripris
& Moribus Liber. Magdeburgi , typis
Viduæ Chrift. Salfeldii , 1718. C'eftà-
dire , Differtation de M. Werner , fur
* Cela arriva le 26. Octobre 1$ 30.
la
A O UST. 1730. 1803
fur la Vie , les Ouvrages & les Moeurs de
Politien. A Magdebourg , vol. in- 8 . 1718 .
Le nom de Politien eft fi connu dansla
République des Lettres , qu'il eft inutile
de s'étendre ici fur ce fujet. Nous dirons
feulement que M. Werner a entrepris de
le deffendre contre toutes les accufations
qui lui ont été intentées par plufieurs Sçavans
, principalement contre celle qui eft
la plus grave & la plus dehonorante ,
fçavoir , l'Athéïfme.
JOH. ALBERTI FABRICII , SS.
Th. D. & Prof. publici , Bibliothecæ Græ
cæ Volumen IX. feu Libri V. Pars V. &
ultima.Hamburgi , fumptu Chriftiani Lie
bezeit , 1719. in - 4. C'est - à- dire , neuviéme
Volume , ou cinquième & derniere Partie
du cinquième Livre de la Biblioteque Grecque
de M. Fabricius , vol. in 4. A Hambourg
, 1719.
Entre tous les Ecrivains Grecs dont il
eft parlé dans ce IX Tome , & qui font
la matiere d'un long Extrait dans le Journal
de Lipfic , nous choifirons Pallade ,
Auteur du IV. fiecle , pour donner un
échantillon du grand Ouvrage entrepris
par M. Fabrice. Pallade , originaire de
Galatie, & Difciple d'Evagre de Pont, fut
Evêque d'Helenopolis en Bithynie ; nous
avons de lui une Hiftoire parfaitement
bien
1804 MERCURE DE FRANCE
1
bien écrite , des Moines & des femmes
retirées du monde , qui sétoient rendues
recommandables par la fainteté de leur
vie. Elle eft intitulée Xavsand , ou Hif
toire Laufiaque. Ce nom n'eft pas pris du
fond de fon fujet , mais de celui de Laufus,
Gouverneur de Cappadoce , Chambellan
de l'Empereur Théodofe le jeune,
à qui l'Ouvrage eft adreffé. Cette Hiftoire
également curieufe & édifiante , fut d'abord
donnée en Grec par Meurfius , &
imprimée à Amfterdam en 1619. on la
trouve auffi dans la Bibliotheque des Peres
, Édition de 1680. Ceux qui voudront
être inftruits plus à fond fur cet Auteur
& fur fes Ecrits , pourront confulter au
deffaut de la Bibliotheque Grecque de
M. Fabricius , qui n'eft pas entre les mains
de tout le monde , celles de M. Dupin
& de M. Cave , fçavant Anglois . Nous
nous contenterons d'ajoûter que Dom
Jean-Baptifte Bonnaud , Marfeillois , Benedictin
de la Congrégation de S. Maur,
a entrepris une nouvelle Edition , du même
Auteur, où fera non- feulement le Texte
Grec de Pallade , revû furdes Manufcrits
autentiques , -mais encore une Verfion Latine
& des Notes de fa façon , fans compter
la Vie de Pallade , l'Hiftoire & la Critique
de fes Ouvrages , &c.
Politianus , five de ejus vitâ , Scripris
& Moribus Liber. Magdeburgi , typis
Viduæ Chrift. Salfeldii , 1718. C'eftà-
dire , Differtation de M. Werner , fur
* Cela arriva le 26. Octobre 1$ 30.
la
A O UST. 1730. 1803
fur la Vie , les Ouvrages & les Moeurs de
Politien. A Magdebourg , vol. in- 8 . 1718 .
Le nom de Politien eft fi connu dansla
République des Lettres , qu'il eft inutile
de s'étendre ici fur ce fujet. Nous dirons
feulement que M. Werner a entrepris de
le deffendre contre toutes les accufations
qui lui ont été intentées par plufieurs Sçavans
, principalement contre celle qui eft
la plus grave & la plus dehonorante ,
fçavoir , l'Athéïfme.
JOH. ALBERTI FABRICII , SS.
Th. D. & Prof. publici , Bibliothecæ Græ
cæ Volumen IX. feu Libri V. Pars V. &
ultima.Hamburgi , fumptu Chriftiani Lie
bezeit , 1719. in - 4. C'est - à- dire , neuviéme
Volume , ou cinquième & derniere Partie
du cinquième Livre de la Biblioteque Grecque
de M. Fabricius , vol. in 4. A Hambourg
, 1719.
Entre tous les Ecrivains Grecs dont il
eft parlé dans ce IX Tome , & qui font
la matiere d'un long Extrait dans le Journal
de Lipfic , nous choifirons Pallade ,
Auteur du IV. fiecle , pour donner un
échantillon du grand Ouvrage entrepris
par M. Fabrice. Pallade , originaire de
Galatie, & Difciple d'Evagre de Pont, fut
Evêque d'Helenopolis en Bithynie ; nous
avons de lui une Hiftoire parfaitement
bien
1804 MERCURE DE FRANCE
1
bien écrite , des Moines & des femmes
retirées du monde , qui sétoient rendues
recommandables par la fainteté de leur
vie. Elle eft intitulée Xavsand , ou Hif
toire Laufiaque. Ce nom n'eft pas pris du
fond de fon fujet , mais de celui de Laufus,
Gouverneur de Cappadoce , Chambellan
de l'Empereur Théodofe le jeune,
à qui l'Ouvrage eft adreffé. Cette Hiftoire
également curieufe & édifiante , fut d'abord
donnée en Grec par Meurfius , &
imprimée à Amfterdam en 1619. on la
trouve auffi dans la Bibliotheque des Peres
, Édition de 1680. Ceux qui voudront
être inftruits plus à fond fur cet Auteur
& fur fes Ecrits , pourront confulter au
deffaut de la Bibliotheque Grecque de
M. Fabricius , qui n'eft pas entre les mains
de tout le monde , celles de M. Dupin
& de M. Cave , fçavant Anglois . Nous
nous contenterons d'ajoûter que Dom
Jean-Baptifte Bonnaud , Marfeillois , Benedictin
de la Congrégation de S. Maur,
a entrepris une nouvelle Edition , du même
Auteur, où fera non- feulement le Texte
Grec de Pallade , revû furdes Manufcrits
autentiques , -mais encore une Verfion Latine
& des Notes de fa façon , fans compter
la Vie de Pallade , l'Hiftoire & la Critique
de fes Ouvrages , &c.
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Résumé : « WERNERI JACOBI CLAUSII, Angelus Politianus, sive de ejus vitâ, Scriptis [...] »
Le texte présente deux ouvrages historiques et leurs auteurs. Le premier est une 'Dissertation de M. Werner' sur la vie, les œuvres et les mœurs de Politien, publiée à Magdebourg en 1718. Werner défend Politien contre diverses accusations, notamment celle d'athéisme. Le second ouvrage est le neuvième volume de la 'Bibliothèque Grecque' de JOH. ALBERTI FABRICII, publié à Hambourg en 1719. Ce volume discute de Pallade, un auteur du IVe siècle, originaire de Galatie et disciple d'Evagre de Pont. Pallade fut évêque d'Helenopolis en Bithynie et est connu pour son œuvre 'Xavsand, ou Histoire Lausiaque', une histoire des moines et des femmes retirées du monde. Cette œuvre fut d'abord publiée en grec par Meursius à Amsterdam en 1619 et est également disponible dans la Bibliothèque des Pères (édition de 1680). Dom Jean-Baptiste Bonnaud, un bénédictin, a entrepris une nouvelle édition de l'œuvre de Pallade, incluant le texte grec révisé, une version latine et des notes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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455
p. 1832-1853
Tragedie d'Absalon, [titre d'après la table]
Début :
Nous aurions plutôt donné un Extrait de la Tragédie d'Absalon, si les [...]
Mots clefs :
Absalon, Tragédie, Yeux, Mort, Académie royale des inscriptions et belles-lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragedie d'Absalon, [titre d'après la table]
SPECTACLES.
Ous aurions plutôt donné un Extrait
de la Tragédie d'Abfalon , fi les
repréſentations de cette excellente Piéce
n'avoient été interrompuës par l'indifpotion
de la Dlle du Freſne , qui y jouë trèsbien
le Rôle de Tharés ; cette interruption
a empeché de recueillir les fentimens
mens des Connoiffeurs ; les obfervations
critiques ne fe manifeftent pas tout à
coup , & ce n'eft que dans une plus longue
fuite de Repréſentations , que les découvertes
fe multiplient , & qu'on eft en
état d'en faire un jufte choix . Nous commencerons
par la fimple marche de l'action
, & nous finirons par les refléxions
qui font venues jufqu'à nous.
M. Duché , de l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles-Lettres , eft l'Auteur
d'Abfalon, Tragedie tirée de l'Ecritu
re Sainte . Il excufe dans fa Préface la liberté
qu'il a prife d'adoucir le caractere d'Abfalon
pour le rendre moins odieux ; voici
la raifon qu'il en donne : Un Caractere fi
odieux ne pouvoit être celui d'un Heros de
Tragédie , &c. fon ambition le rend aſſez
criminel pour meriter la mort ; mais il ne l'eft
pas affez pour ne point infpirer quelque
regret quand on le voit mourir ; ainfi en excitant
la pitié , il jette dans le coeur cette
crainte falutaire qui nous fait appréhender.
que de pareilles foibleffes ne nousjettent dans
d'auffi grands malheurs : Cette raiſon eft
d'autant plus fpécieuſe , qu'elle eft fondée
fur les régles prefcrites par Ariftote , qui
veut qu'un Heros de Tragédie ne foit
ni tout-à- fait vertueux , ni tout-à - fait
vicieux ; c'eſt-là ce qui a déterminé M. de
Racine à rendre Phedre moins criminelle
G &
1834 MERCURE DE FRANCE
& Hippolite moins vertueux ; cette régle
n'eft pourtant pas fi fcrupuleufement obfervée
par le grand Corneille dans fa Rodogune
, & l'on ne peut pas dire que la
méchanceté de Cléopatre y foit adoucie.
و
Le fecond fcrupule de M. Duché , c'eſt
d'avoir fait quelque changement auTexte
facré par raport à la mort d'Abfalon ; fcrupule,
dit-il qui fut levé par des perfonnes
refpectables par leur rang & par leur fçavoir.
Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner
fi l'Apologie eft recevable ou non ; il finit
fa Préface par ces mots : Voilà les Objections
principales que l'on me pourroit faire ,
on yen pourroit ajouter d'autres , aufquelles
je ne puis répondre d'avance , ne pouvant
Les prévoir. On les fait aujourd'hui ces
Objections , peut-être font elles d'une
nature à ne pouvoir y répondre que foiblement
; peut- être auffi la Critique qu'on
en fait eft -elle trop fevere ; car on n'a jamais
exercé la cenfure avec tant de rigueur.
On a beau dire qu'il y a plus de
Critiques dans ce fiécle qu'il n'y a de
bons Auteurs ; cela n'empêche pas que
la cenfure n'aille toujours fon train. Le
Lecteur jugera fi les nouvelles objections
que M. Duché n'avoit pû prévoir font
bien ou mal fondées.
Au premier Acte , Abfalon ouvre la
Scene avec Achitophel , l'un des Miniftres
A OUST. 1730. 1835
tres de David. Ce fils rebele à fon Pere
& à fon Roy , ſemble d'abord n'en vouloir
qu'à Joab , General des Armées de
David ; il le foupçonne de vouloir faire
paffer le Sceptre d'Ifraël entre les mains
d'Adonias , fon frere cadet ; on expoſe
la naiffance & les progrès de la révolte
qui a obligé le Roy à fortir de Jerufalem ,
pour chercher un azile dans Manhaïm
lieu de la Scene. David arrive ; Achitophel
prie Abfalon de contraindre fon
courroux contre Joab.
David n'oublie rien pour réconcilier Ab.
falon avec Joab , en difant à fon fils que
le péril qui les menace doit les réunir
contre Amafa , Chef de la révolte ; ce
qui donne lieu à continuer l'expofition .
On apprend dans cette feconde Scene
qu'Amala s'avance avec l'Armée rebelle ;
David craint qu'on n'ait déja donné la
mort à fon fils Adonias , il ne tremble
pas moins pour Maacha , fa femme , &
pour Thares , épouse d'Abfalon qu'il
a remifes entre les mains du fidele Cifai.
Joab le raffure fur le fort d'Adonias , &
lui dit que toute la Tribu de Juda a
pris les armes pour le deffendre. Abfalon
tâche de rendre Joab fufpect à David.
Joab fe juftifie ; il avoue que voyant que
tous leurs fecrets étoient revelez à leurs
Gij com
1836 MERCURE DE FRANCE
communs ennemis , il lui eft échappé de
dire que le Prince auroit pû en avoir fait
confidence à quelque traître dont il ne
s'eft pas défié. David ordonne à Abfalon
d'embraffer Joab , ce qu'il fait avec contrainte.
Abfalon reffent quelques remords
qu'Achitophel prend foin d'étouffer
dans leur naiflance.
Zamri , Confident d'Achitophel , vient
annoncer à Abfalon que la Tribu d'Ephraim
, qui fembloit ne vouloir prendre
aucun parti , vient enfin de fe déclarer
pour lui ; il ajoûte que Cifaï , dont David
a déja parlé comme d'un de fes plus
fideles fujets , conduit un renfort de Soldats
auprès du Roi , & qu'il eft arrivé au
Camp avec la Reine , fa mere , fon époufe
& fa fille. Cette derniere nouvelle
trouble Abfalon ; Achitophel lui recommande
de cacher avec foin fon fecret à
Tharés , malgré tout l'amour qu'il a
pour elle. Abfalon fe retire après avoir
dit à Achitophel qu'il s'abandonne
à lui .
Achitophel ouvre fon coeur à Zamri ;
il lui apprend que tout va lui fucceder ;
Voici comment il s'explique.
Je fçais quel eft ton zele & ta fidelité ;
J'en ai befoin , apprends ce que j'ai projetté.
Dès qu'en ces lieux la nuit fera prête à defcendre
,
A O UST. 1730. 1837
Les Troupes d'Amafa doivent ici fe rendre ;
Et le fignal donné des murs de Manahïm ;
Séba doit foulever les Soldats d'Ephraïm :
1
La garde de David , victime de leur rage ,
Laiffera par fa perte un champ libre au car
nage :
Là , mes yeux de plaifir & de haine enyvrez
Du fang de mes Rivaux feront défalterez.
Tel eft le Plan de la confpiration d'Achitophel
; David feul eft excepté ; on
n'en veut qu'à fon Trône , où l'on veut
placer Abfalon . Zamri craint qu'Abfalon
ne condamne cette entrepriſe par
un refte de vertu . Voici la réponſe d'Achitophel
:
Un Trône acquis ainfi le doit épouventer ,
Et qui le lui donna le lui pourroit ôter.
Le fecond Acte qu'on a jugé un des
plus beaux de la Piece eft commencé par
Abfalon , Tharés & Thamar. Tharés fe
plaint à fon Epoux du peu de joye
qu'il témoigne à fa vûë qui lui étoit autrefois
fi chere ; elle lui reproche fon peu
de confiance , & lui dit qu'il reffent quelque
ennui fecret qu'il n'ofe lui réveler.
Abfalon lui avoue qu'il n'eft pas tranquille
, & la prie de lui permettre de garder
le filence, & de partir d'un féjour où tout
Giij ne
1
1738 MERCURE DE FRANCE
ne refpire qu'horreur ; Tharés lui répond
tendrement :
Que je m'éloigne ainfi de ce que j'aime !
Que ma fuite honteuſe aille juſtifier ,
Ce que vos ennemis ont ofé publier .
Ces paroles étonnent Abfalon , il en
'demande l'explication à Tharés ; elle lui
dit qu'on lui impute la confpiration ;
qu'un inconnu qui l'a abordée dans le
Palais , lui a parlé ainſi :
Zamri vient d'arriver en ces lieux ;
Si le Ciel vous permet de rejoindre mon Maître,
Dites-lui qu'il s'affure au plutôt de ce traitre !
Il fçaura des Hebreux le complot criminel ;
Enfin qu'il craigne tout & même Achitophel
Abfalon allarmé de ce qu'il vient d'entendre
, l'eft bien plus encore quand Tharés
lui dit qu'elle va reveler cet important
fecret , afin qu'on arrête Zamri , &
qu'on le force à tout découvrir au milieu
des fupplices . Cette derniere réfolution
de Tharés détermine Abfalon à lui
faire part de fon fecret ; il fait éloigner
Thamar.
A peine Abfalon a- t- il fait connoître
à Tharés qu'il eft de la confpiration ,
qu'elle l'interrompt par ces mots :
Ah !
AOUST. 1730. 1839
Ah ! je vois tout , Seigneur ,
Epargnez-vous l'horreur de me dire le refte ;
O de mes noirs foupçons , fource affreufe & funeſte
, & c.
Voyant qu'il ne peut renoncer au defir
de regner , elle tâche à le ramener à fon
devoir par ces belles paroles :
Duffiez-vous , moins chéri d'un pere qui vous
aime,
Renoncer fans retour à Sceptre , à Diadême ,
Quels maux, quelles horreurs pouvez - vous com
parer ,
Aux malheurs où ce jour est prêt à vous livrer e
Je veux que tout fuccede au gré de votre envie
Quelle honte à jamais va noircir votre vie a
Que n'ofera-t- on point contre vous publier ?
Le Trône a-t-il des droits pour vous juftifier !
Vous chercherez en vain vous même à vous féduire
Vous verrez quels chemins ont fçû vous y conduire
:
La vertu , le devoir , devenus vos bourreaux,
Au fond de votre coeur porteront leurs flambeaux:
La crainte & les remords vous fuivront fur le
Trône ;
Eh ! quoi , pour être heureux , faut -il une Couronne
?
Eft-ce un affront pour vous de ne la point porter 2
Vos vertus feulement doivent la mériter.
Giiij Rien
1840 MERCURE DE FRANCE
que
Rien n'eft plus pathétique que tout ce
Tharés dit dans cette Scene , mais
voyant que fon Epoux eft inflexible , elle
forme un deffein qui va éclater & qui fait
un des plus grands coups de Théatre
qu'on ait jamais vû.
}
David apprend à Abfalon , que les ennemis
viennent fondre fur fa foible armée;
il ajoûte qu'on a répandu dans fon Camp
un bruit injurieux qu'il traite d'impofture
, n'ofant croire que fon propre Fils
confpire contre lui ; Abſalon ouvre à peine
la bouche pour fe juftifier , que Tharés
dit à David :
Et moi , je crois , Seigneur , ne devoir point vous
taire ,
Que ces bruits font peut - être un avis falutaire ;
Je fçais , je vois quel eft le coeur de mon Epoux :
Mais fçait-on s'il n'eft point de traitre parmi
vous ?
-Sçait-on fi dans ce Camp quelque fecret coupable
,
N'a point pour ſe cacher divulgué cette Fable !
M'en croirez -vous , Seigneur qu'un ferment
folemnel ,
Faffe trembler ici quiconque eft criminel.
Le Ciel , votre péril , ma gloire intereffée..
De ce jufte projet m'inſpire la penſée ,
Atteftez l'Eternel qu'avant la fin du jour ,
Si des traîtres cachez par un jufte retour
'N'obAOUST.
1730. 1841+
N'obtiennent le pardon accordé pour leurs crimes
,
Leurs femmes , leurs enfans , en feront les victimes
:
Que dans le même inftant qu'ils feront décou
verts 1
Leurs parens , dévouez à cent tourmens divers ,
Déchirez par le fer , au feu livrez en proye ,
Payeront tous les maux que le Ciel vous envoye!
Ce ferment fait frémir Abfalon ; David
s'y lie & le confirme ; Tharés le prie
de permettre qu'elle commence toute la
premiere à montrer l'exemple en fe mettant
entre les mains de Joab, pour fervir
d'ôtage de la fidelité de fon Epoux ; elle
s'explique ainfi :
Il faut , Seigneur , que mon exemple étonne ,
Et montre qu'il n'eft point de pardon pour per
fonne.
David confent à ce que Tharés lui propoſe
, &c. Ce bel Acte finit par un court
Monologue que fait Abfalon éperdu . En
voici les deux derniers Vers :
Ah ! que j'éprouve bien en ce fatal moment ,
Que le crime avec ſoi porte fon châtiment !
Le troifiéme Acte a paru chargé de trop
d'actions coup fur coup , & c'eft peut-
Gv être
1842 MERCURE DE FRANCE
être ce qui l'a rendu deffectueux aux yeux
des Spectateurs. Voici dequoi il s'agit.
Achitophel apprend à Zamri que Seba ,
Chef de la Tribu d'Ephraïm doit enlever
Tharés & l'arracher à Joab , pour
calmer la frayeur dont fon ferment indifcret
à rempli Abfalon. Zamri lui parle
d'une Lettre qu ' Amafa vouloit lui écrire,
& lui dit que ce Chef des Rebelles en
ayant été détourné par un tumulte foudain
qui eft arrivé dans l'Armée , il la
remettra peut être en d'autres mains .
L'Auteur fait annoncer cette Lettre , parce
qu'elle doit avoir fon utilité dans la
Piece.
Abſalon veut renoncer à ſon entrepriſe ;
Achitophel le raffure en lui apprenant que
Séba doit enlever Thares & Thamar. Abfalon
raffuré , fe réfout à achever fon
projet.
Tharés vient annoncer à fon Epoux que
le Camp ennemi l'ayant proclamé Roi des
Hebreux , on doit s'affurer de fa perfonne
par l'ordre de Davids elle le preffe de
fuir ; Abfalon la prie de fuivre fes pas.
Tharés fe refufe aux inftances qu'il lui en
fait d'autant plus qu'elle eft prifonniere
& obfervée, Abfalon réduit à s'enfuir
fans Tharés , lui protefte qu'il viendra
bien tôt la demander à Joab avec cent
mille bras , & fe retire,
Un
A O UST. 1730. 1843
3
Un Ifraëlite chargé d'une Lettre pour
Abfalon , la remet entre les mains de
Tharés , qui l'ayant lûë tout bas , témoigne
fa furprife par une exclamation.
David furvient avec la Reine ; il n'ofe
encore foupçonner fon fils de trahiſon , &
dit qu'il veut l'entendre en prefence du
fage Achitophel.
Joab arrive tout confterné ; il apprend
à David qu'il n'eft que trop certain qu'Ab
falon eft coupable. Il le prouve par une
lettre qu'on a furprife , & qui vient du
Camp des Révoltez : En voici le contenu .
Ne craignez point un changement funefte ;
Que tous vos conjurez fe repofent fur moi :
Vos Rivaux périront ; Abfalon fera Roy ;
Donnez-nous le fignal , je vous réponds da
refte.
David ne peut plus douter de la perfidie
de fon Fils. Là Reine rejette tout le
crime fur Tharés , qu'elle accable d'injures
, elle impute à feinte la vertų
qu'elle a fait éclater par un ferment , dont
elle prévoyoit bien, dit - elle , qu'on viendroit
la fauver. Tharés ne répond à ces accufations
que par un nouvel effort de
vertu ; elle donne à David la Lettre qu'el
le n'avoit fait que lire tout bas quand un
Ifraëlite l'a lui a remiſe entre les mains
G vj pour
1844 MERCURE DE FRANCE
pour la rendre à Abfalon : Voici ce qui eft
tracé dans cette Lettre.
Le tems me force à vous écrire ,
A vous entretenir je n'ofe m'expofer.
Pour vous affurer cet Empire ,
Les Soldats d'Ephraïm font prêts à tout ofer.
Le fort menace en vain votre augufte famille ;
Kien ne traverfera vos voeux & nos deffeins ,
Et dans une heure au plus je remets en vos mains
Et votre Epoufe & votre Fille.
Après cette lecture , Tharés juftifie Abfalon
autant qu'elle peut , & rejette fa
faute fur les confeils pernicieux d'Achitophel
. Elle fe retire .
David frappé du foupçon que Tharés
fui a donné fur Achitophel , prie la Reine
de la fuivre , & de tâcher de la faire
parler en employant la douceur,
,
Cifai vient apprendre à David que le
Soldat qu'on a pris , venant du Camp des
rebelles , a parlé à l'afpect des Supplices ,
qu'il a révélé tous les complices, dont Achitophel
eft le Chef. David ordonne à
Joab d'aller s'affurer de la perfonne de ce
perfide Miniftre . Cifaï lui dit qu'il s'eft
fauvé;que Seba même s'eft ouvert un chemin
à la fuite , foûtenu des Soldats d'Ephraim
; il ajoute qu'Amafa fait mine de
s'avan
A O UST. 1730. 1845
s'avancer.Joab raffure David étonné d'une
révolte prefque generale; il ne refpire que
le fang , & veut commencer par le Sacrifice
de Tharés. David condamne ce tranfport
, fur tout par rapport à Tharés dont
la vertu la rend refpectable ; il ordonne à
Joab d'aller tout préparer pour faire une
feure retraite , & à Cifaï d'aller joindre
Abfalon & de le menacer de la mort de
fon époufe s'il ne vient implorer pour
elle la clémence de fon pere ; il permet
qu'Abfalon amene à fa fuite deux mille
hommes , s'en réfervant autant pour la
feureté de cette entrevûë , dont il efpere
un grand fuccès .
Le quatrième Acte difpute de beauté
avec le fecond. Le Lecteur en va juger.
Nous fupprimons les trois premieres Scenes
, pour ne pas allonger cet extrait par
des fuperfluitez. Dans la quatriéme Scene.
David reproche à Abfalon fa perfidie envers
fon Pere & fon Roy, Voici comment
il commence.
Enfin nous voilà feuls , je puis joüir fans peine
Du funefte plaifir de confondre ta haine ,
T'inſpirer de toi-même une équitable horreur ,
Et voir au moins ta honte égaler ta fureur,
Car enfin je connois tes complots homicides ;
Te yoilà dans le rang de ces fameux perfides ,
Dont
1846 MERCURE DE FRANCE
Dont les crimes font feuls la honteufe fplendeur
୮
Et qui fur leurs forfaits bâtiffent leur grandeur ,
&c.
Envain ton naturel altier , audacieux ,
Combattoit dans mon coeur le plaifir de mes
yeux ;
Mon amour l'emportoit , je fentois ma foibleffe:
Que n'a point fait pour toi cette indigne tendreffe
?
Je t'ai vâ fans refpect ni des Loix , ni du fang ›
D'Amnon mon fucceffeur ofer percer le flanc ,
Moins pour venger l'honneur d'une foeur éperduë
,
Que pour perdre un Rival qui te bleffoit la vue ;
Ifrael de ce coup fut long- tems confterné ;
Je devois t'en punir , je te l'ai pardonné.
Abfalon voulant rejetter fon crime fur
Joab qui l'y a forcé par fes fecretes
menées , en faveur d'Adonias fon frere ,
David l'interrompt par ces vers :
Foible & honteux détour !
Ceffe de m'accufer de la lâche injuftice
De fuivre d'un fujer la haine ou le caprice ,
Tu veux me détrôner , tu veux trancher mes
jours.
Abfalon veut en vain le nier, il le conpar
ce qui fuit :
fond
Ouy'
AOUST. 1730.
1847.
Oui , tu le veux , perfide.
Ofes-tu me nier ton deffein parricide ?
Ces Gardes , ces Soldats , qui comblant tes fouhaits
,
Devoient dés cette nuit couronner tes forfaits ,
Qui dépofoient mon Sceptre en ta 'main fangui
naire ,
Traître , le pouvoient - ils , fans la mort de ton
pere ?
Tiens , prends , lis ...
Il lui donne le Billet qui a été furpris
entre les mains d'un Soldat. Abfalon à
cette lecture demeure interdit , & voit
bien qu'Achitophel la conduit plus loin
qu'il ne croyoit , & qu'il ne vouloit.David
continue ainfi :
Moi- même en te parlant , faifi d'un jufte ef
froy ,
Mon trouble & ma douleur m'emportent loin de
moi.
Grand Dieu , voilà ce Fils qu'aveugle en mes demandes
,
Ont obtenu de toi , mes voeux & mes offrandes ,
Je le voi ; tu punis mes defirs indifcrets ;
Eh ! bien , Dieu d'Ifrael , accomplis tes décrets.
Confens-tu qu'à fon gré fa rage fe déploye ?
Yeux-tu que dans mon fang ce perfide le noye ?
J'y
1848 MERCURE DE FRANCE
1
J'y foufcris ; à Abfalon , Ouy , barbare accomplis
ton deffein ;
Aux dernieres horreurs ofe en hardir ta main ; &c
Miniftre criminel de fes juftes vengeances ,
Remplis-les par ma mort; couronne tes offenfes,
Frappe , &c.
Abfalon fe jette tremblant & repentant
aux genoux de fon Pere , qui lui pardonne ,
il exige de lui qu'il nommera tous les
con: lices ; Abfalon y confent dans la Scene
fuivante; il réfifte à Achitophel qui veut
le rembarquer dans la révolte , mais apprenant
de Cifaï que Joab , contre la foy
du Traité entre fon pere & lui , vient de
repouffer Amafa ; fa haine pour Joab fe
reveille & le fait courir aux armes une feconde
fois ; un refte de vertu fait qu'il dit
à Achitophel que ce ne font point ſes
perfides confeils qui le déterminent en ce
moment , & lui deffend de le fuivre .
Achitophel s'affermit dans le crime
& termine cet Acte par un court Monologue
, qui finit par ces Vers :
Tous les Chefs font pour moi , même interêt
les guide :
Marchons , & qu'un combat de notre fort décide.
Si nous ſommes Vainqueurs , Abſalon malgré lui
Se trouvera forcé de payer mon apui :
Si,plus puiffant que nous, l'Enemi nous furmonte,
11
AOUST. 1730. 1849
Il eft un fûr moyen d'enſevelir ma honte ;
Et tout homme à fon gré peut défier le fort
Quand il voit d'un même oeil , & la vie & la mort.'
Nous ne nous arrêterons pas long- tems
fur le dernier Acte . Voici la diftribution
des Scenes qui le compofent . Ciſaï fait
efperer la paix à Thamar , fans qu'on voye
fur quel fondement , puifque les deux
Armées font aux mains.
Tharés vient détruire une efperance fi
équivoque , & l'exhorte à fouffrir avec
conftance la mort , où le Peuple en furie
pourra la condamner , après l'avoir immolée
la premiere. David augmente leur
frayeur ; & croyant que tout eft perdu ,
leur dit qu'il ne vient que pour leur ouvrir
un chemin à la fuite ; il fait entendre
qu'il croit pouvoir les fauver malgré fon
ferment , puifqu'Abfalon en a rempli les
conditions par fon repentir.
Cifaï vient annoncer la victoire à David
, & la mort funefte d'Achitophel qui
s'eft étranglé , voyant que tout étoit perdu
: il ajoute qu'Abfalon à la tête des Rebelles
a refté fufpendu par fes cheveux à
un chêne ; mais que Joab prêt à le fecou-"
rir l'a envoyé vers lui pour lui dire qu'il
le remettroit bientôt entre fes mains & c.
David rend graces au Seigneur de fa victoire
&c. Abfalon mourant fe préfente
aux
1850 MERCURE DE FRANCE
aux yeux
de fon pere , & lui raconte ainfi
fon malheur.
Calmez la douleur qui vous preſſe.
Indigne de vos pleurs & de votre tendreffe ,
Mes odieux complots vous ont trop outragé :
Je meurs ; le Ciel eft juſte , & vous êtes vengé &c.
Les mutins ranimés ont voulu , pleins d'audace,
Rompre les noeuds cruels , auteurs de ma dif
grace ,
Et d'un trait qu'en fureur Joab avoit lancé
Votre malheureux Fils en leurs mains eſt percé.
Il recommande ſa femme & fa fille à
David , & meurt.
Voici les Obfervations critiques dont
nous avons été inftruits.
On a trouvé de beaux Vers dans la
Piéce ; mais le ftile n'y eft pas également
foutenu : l'éloquence y regne plus que l'élegance.
La Verfification a paru fur tout
negligée dans tout ce qui eft expofition .
Le fecond Acte & le quatrième l'emportent
infiniment fur les trois autres , & ont
fait le fuccés de la Piéce. Joab & Achitophel
font les deux perfonnages qui agiffent
le plus ; l'un conduit Abfalon & le
tourne comme il lui plaît , l'autre combat
pour David , qui ne fe détermine à
aller aux Ennemis que lorfqu'il apprend
que tout eft perdu . Abfalon agit un peu
plu
A O UST. 1730. 185 1
plus ; mais il paffe trop legerement du repentir
à la rechute : la haine pour Joab
ne paroît point affez fondée dans le plan.
de l'Auteur ; elle l'eft encore moins dans
le Texte Sacré; on y lit au contraire que ce
fut à Joab qu'il dut fon rappel &fa grace
après le meurtre de fon frere Amnon ."
Pour Joab , dont il n'a tenu qu'à l'Auteur
de faire un vrai Heros , on a trouvé
qu'il étoit injufte & fanguinaire dans le
quatrième Acte , quand il a confeillé à
David de faire périr tous les
parens des
Rebelles , & même Tharés dont la vertu
venoit d'éclater àfes yeux. Voici comment
l'Auteur l'a fait parler.
Marchons ; mais que Tharés accompagne mes
pas :
Que tous ceux que le fang unit à des perfides
Soyent remis en mes mains fous de fideles guides.
Allons , & preſentons à nos féditieux
L'Epouſe d'Abfalon immolée à leurs yeux ;
Faifons faire du refte un horrible carnage &c.
David fent bien lui- même que ce grand
homme dément fon caractere ; il le fait
connoître par cette Réponſe :
Non , Joab , fufpendons un Arrêt fanguinaire:
La vertu de Tharés vaut bien qu'on le differe.
Un Roi, quoiqu'un Sujet ait fait pour l'outrager,
Doit
1852 MERCURE DE FRANCE
Doit fçavoir le punir & non pas fe venger ;
Périffons fans foüiller mon rang ni ma memoire,
Et s'il faut fuccomber, fuccombons avec gloire.
Cette petite réprimande de David ,
juftifie la Critique du Public. La vertu
de Tharés eft celle qui fe foutient avec
le plus de vigueur ; quant à Thamar
on n'a trouvé à dire d'elle ni beaucoup
de bien , ni beaucoup de mal , ainfi on
l'a mife au rang des perfonnages inutiles
Le Rôle de la Reine , outre qu'il n'eft
pas plus utile que celui de Thamar , eft
d'autant plus à retrancher , qu'il eft toutà-
fait odieux par l'injuftice du motif qui
la fait agit. C'eft une haîne de belle- mère
qui fe manifefte à tout propos; fon repentir
guere mieux fondé que fes fautes, elle
dit au cinquiéme Acte, parlant à cette même
Tharés , fi injuftement perfecutée :
n'eft
Dans un temps plus heureux , vous connoîtrez ,
Madame ,
>
Ce que le repentir peut produire en une ame ;
Mes yeux fur vos vertus enfin fe font ouverts.
On ne fçait ce qui a pu occafionner ce
changement de volonté , ce qui eft abfolument
contre les regles. Voilà à peu près
ce que nous avons recueilli du jugement
du Public fur la Tragédie d'Abfalon. Ces
petites taches ne terniffent pas l'éclat de
cette
A O UST . 1730. 185 3
cette Piece , qu'on voit toûjours avec plaifir
, & qui a aujourd'hui un fuccès infini.
Elle eft très - bien repréfentée. Les Rôles de
David , d'Abfalon , d'Achitophel, de Joab ,
&c. y font remplis par les fieurs Sarrazin,
Dufresne , le Grand , du Breuil , &c .
La Dlle Du Frefne réüffit beaucoup dans.
celui de Tharés.
Ous aurions plutôt donné un Extrait
de la Tragédie d'Abfalon , fi les
repréſentations de cette excellente Piéce
n'avoient été interrompuës par l'indifpotion
de la Dlle du Freſne , qui y jouë trèsbien
le Rôle de Tharés ; cette interruption
a empeché de recueillir les fentimens
mens des Connoiffeurs ; les obfervations
critiques ne fe manifeftent pas tout à
coup , & ce n'eft que dans une plus longue
fuite de Repréſentations , que les découvertes
fe multiplient , & qu'on eft en
état d'en faire un jufte choix . Nous commencerons
par la fimple marche de l'action
, & nous finirons par les refléxions
qui font venues jufqu'à nous.
M. Duché , de l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles-Lettres , eft l'Auteur
d'Abfalon, Tragedie tirée de l'Ecritu
re Sainte . Il excufe dans fa Préface la liberté
qu'il a prife d'adoucir le caractere d'Abfalon
pour le rendre moins odieux ; voici
la raifon qu'il en donne : Un Caractere fi
odieux ne pouvoit être celui d'un Heros de
Tragédie , &c. fon ambition le rend aſſez
criminel pour meriter la mort ; mais il ne l'eft
pas affez pour ne point infpirer quelque
regret quand on le voit mourir ; ainfi en excitant
la pitié , il jette dans le coeur cette
crainte falutaire qui nous fait appréhender.
que de pareilles foibleffes ne nousjettent dans
d'auffi grands malheurs : Cette raiſon eft
d'autant plus fpécieuſe , qu'elle eft fondée
fur les régles prefcrites par Ariftote , qui
veut qu'un Heros de Tragédie ne foit
ni tout-à- fait vertueux , ni tout-à - fait
vicieux ; c'eſt-là ce qui a déterminé M. de
Racine à rendre Phedre moins criminelle
G &
1834 MERCURE DE FRANCE
& Hippolite moins vertueux ; cette régle
n'eft pourtant pas fi fcrupuleufement obfervée
par le grand Corneille dans fa Rodogune
, & l'on ne peut pas dire que la
méchanceté de Cléopatre y foit adoucie.
و
Le fecond fcrupule de M. Duché , c'eſt
d'avoir fait quelque changement auTexte
facré par raport à la mort d'Abfalon ; fcrupule,
dit-il qui fut levé par des perfonnes
refpectables par leur rang & par leur fçavoir.
Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner
fi l'Apologie eft recevable ou non ; il finit
fa Préface par ces mots : Voilà les Objections
principales que l'on me pourroit faire ,
on yen pourroit ajouter d'autres , aufquelles
je ne puis répondre d'avance , ne pouvant
Les prévoir. On les fait aujourd'hui ces
Objections , peut-être font elles d'une
nature à ne pouvoir y répondre que foiblement
; peut- être auffi la Critique qu'on
en fait eft -elle trop fevere ; car on n'a jamais
exercé la cenfure avec tant de rigueur.
On a beau dire qu'il y a plus de
Critiques dans ce fiécle qu'il n'y a de
bons Auteurs ; cela n'empêche pas que
la cenfure n'aille toujours fon train. Le
Lecteur jugera fi les nouvelles objections
que M. Duché n'avoit pû prévoir font
bien ou mal fondées.
Au premier Acte , Abfalon ouvre la
Scene avec Achitophel , l'un des Miniftres
A OUST. 1730. 1835
tres de David. Ce fils rebele à fon Pere
& à fon Roy , ſemble d'abord n'en vouloir
qu'à Joab , General des Armées de
David ; il le foupçonne de vouloir faire
paffer le Sceptre d'Ifraël entre les mains
d'Adonias , fon frere cadet ; on expoſe
la naiffance & les progrès de la révolte
qui a obligé le Roy à fortir de Jerufalem ,
pour chercher un azile dans Manhaïm
lieu de la Scene. David arrive ; Achitophel
prie Abfalon de contraindre fon
courroux contre Joab.
David n'oublie rien pour réconcilier Ab.
falon avec Joab , en difant à fon fils que
le péril qui les menace doit les réunir
contre Amafa , Chef de la révolte ; ce
qui donne lieu à continuer l'expofition .
On apprend dans cette feconde Scene
qu'Amala s'avance avec l'Armée rebelle ;
David craint qu'on n'ait déja donné la
mort à fon fils Adonias , il ne tremble
pas moins pour Maacha , fa femme , &
pour Thares , épouse d'Abfalon qu'il
a remifes entre les mains du fidele Cifai.
Joab le raffure fur le fort d'Adonias , &
lui dit que toute la Tribu de Juda a
pris les armes pour le deffendre. Abfalon
tâche de rendre Joab fufpect à David.
Joab fe juftifie ; il avoue que voyant que
tous leurs fecrets étoient revelez à leurs
Gij com
1836 MERCURE DE FRANCE
communs ennemis , il lui eft échappé de
dire que le Prince auroit pû en avoir fait
confidence à quelque traître dont il ne
s'eft pas défié. David ordonne à Abfalon
d'embraffer Joab , ce qu'il fait avec contrainte.
Abfalon reffent quelques remords
qu'Achitophel prend foin d'étouffer
dans leur naiflance.
Zamri , Confident d'Achitophel , vient
annoncer à Abfalon que la Tribu d'Ephraim
, qui fembloit ne vouloir prendre
aucun parti , vient enfin de fe déclarer
pour lui ; il ajoûte que Cifaï , dont David
a déja parlé comme d'un de fes plus
fideles fujets , conduit un renfort de Soldats
auprès du Roi , & qu'il eft arrivé au
Camp avec la Reine , fa mere , fon époufe
& fa fille. Cette derniere nouvelle
trouble Abfalon ; Achitophel lui recommande
de cacher avec foin fon fecret à
Tharés , malgré tout l'amour qu'il a
pour elle. Abfalon fe retire après avoir
dit à Achitophel qu'il s'abandonne
à lui .
Achitophel ouvre fon coeur à Zamri ;
il lui apprend que tout va lui fucceder ;
Voici comment il s'explique.
Je fçais quel eft ton zele & ta fidelité ;
J'en ai befoin , apprends ce que j'ai projetté.
Dès qu'en ces lieux la nuit fera prête à defcendre
,
A O UST. 1730. 1837
Les Troupes d'Amafa doivent ici fe rendre ;
Et le fignal donné des murs de Manahïm ;
Séba doit foulever les Soldats d'Ephraïm :
1
La garde de David , victime de leur rage ,
Laiffera par fa perte un champ libre au car
nage :
Là , mes yeux de plaifir & de haine enyvrez
Du fang de mes Rivaux feront défalterez.
Tel eft le Plan de la confpiration d'Achitophel
; David feul eft excepté ; on
n'en veut qu'à fon Trône , où l'on veut
placer Abfalon . Zamri craint qu'Abfalon
ne condamne cette entrepriſe par
un refte de vertu . Voici la réponſe d'Achitophel
:
Un Trône acquis ainfi le doit épouventer ,
Et qui le lui donna le lui pourroit ôter.
Le fecond Acte qu'on a jugé un des
plus beaux de la Piece eft commencé par
Abfalon , Tharés & Thamar. Tharés fe
plaint à fon Epoux du peu de joye
qu'il témoigne à fa vûë qui lui étoit autrefois
fi chere ; elle lui reproche fon peu
de confiance , & lui dit qu'il reffent quelque
ennui fecret qu'il n'ofe lui réveler.
Abfalon lui avoue qu'il n'eft pas tranquille
, & la prie de lui permettre de garder
le filence, & de partir d'un féjour où tout
Giij ne
1
1738 MERCURE DE FRANCE
ne refpire qu'horreur ; Tharés lui répond
tendrement :
Que je m'éloigne ainfi de ce que j'aime !
Que ma fuite honteuſe aille juſtifier ,
Ce que vos ennemis ont ofé publier .
Ces paroles étonnent Abfalon , il en
'demande l'explication à Tharés ; elle lui
dit qu'on lui impute la confpiration ;
qu'un inconnu qui l'a abordée dans le
Palais , lui a parlé ainſi :
Zamri vient d'arriver en ces lieux ;
Si le Ciel vous permet de rejoindre mon Maître,
Dites-lui qu'il s'affure au plutôt de ce traitre !
Il fçaura des Hebreux le complot criminel ;
Enfin qu'il craigne tout & même Achitophel
Abfalon allarmé de ce qu'il vient d'entendre
, l'eft bien plus encore quand Tharés
lui dit qu'elle va reveler cet important
fecret , afin qu'on arrête Zamri , &
qu'on le force à tout découvrir au milieu
des fupplices . Cette derniere réfolution
de Tharés détermine Abfalon à lui
faire part de fon fecret ; il fait éloigner
Thamar.
A peine Abfalon a- t- il fait connoître
à Tharés qu'il eft de la confpiration ,
qu'elle l'interrompt par ces mots :
Ah !
AOUST. 1730. 1839
Ah ! je vois tout , Seigneur ,
Epargnez-vous l'horreur de me dire le refte ;
O de mes noirs foupçons , fource affreufe & funeſte
, & c.
Voyant qu'il ne peut renoncer au defir
de regner , elle tâche à le ramener à fon
devoir par ces belles paroles :
Duffiez-vous , moins chéri d'un pere qui vous
aime,
Renoncer fans retour à Sceptre , à Diadême ,
Quels maux, quelles horreurs pouvez - vous com
parer ,
Aux malheurs où ce jour est prêt à vous livrer e
Je veux que tout fuccede au gré de votre envie
Quelle honte à jamais va noircir votre vie a
Que n'ofera-t- on point contre vous publier ?
Le Trône a-t-il des droits pour vous juftifier !
Vous chercherez en vain vous même à vous féduire
Vous verrez quels chemins ont fçû vous y conduire
:
La vertu , le devoir , devenus vos bourreaux,
Au fond de votre coeur porteront leurs flambeaux:
La crainte & les remords vous fuivront fur le
Trône ;
Eh ! quoi , pour être heureux , faut -il une Couronne
?
Eft-ce un affront pour vous de ne la point porter 2
Vos vertus feulement doivent la mériter.
Giiij Rien
1840 MERCURE DE FRANCE
que
Rien n'eft plus pathétique que tout ce
Tharés dit dans cette Scene , mais
voyant que fon Epoux eft inflexible , elle
forme un deffein qui va éclater & qui fait
un des plus grands coups de Théatre
qu'on ait jamais vû.
}
David apprend à Abfalon , que les ennemis
viennent fondre fur fa foible armée;
il ajoûte qu'on a répandu dans fon Camp
un bruit injurieux qu'il traite d'impofture
, n'ofant croire que fon propre Fils
confpire contre lui ; Abſalon ouvre à peine
la bouche pour fe juftifier , que Tharés
dit à David :
Et moi , je crois , Seigneur , ne devoir point vous
taire ,
Que ces bruits font peut - être un avis falutaire ;
Je fçais , je vois quel eft le coeur de mon Epoux :
Mais fçait-on s'il n'eft point de traitre parmi
vous ?
-Sçait-on fi dans ce Camp quelque fecret coupable
,
N'a point pour ſe cacher divulgué cette Fable !
M'en croirez -vous , Seigneur qu'un ferment
folemnel ,
Faffe trembler ici quiconque eft criminel.
Le Ciel , votre péril , ma gloire intereffée..
De ce jufte projet m'inſpire la penſée ,
Atteftez l'Eternel qu'avant la fin du jour ,
Si des traîtres cachez par un jufte retour
'N'obAOUST.
1730. 1841+
N'obtiennent le pardon accordé pour leurs crimes
,
Leurs femmes , leurs enfans , en feront les victimes
:
Que dans le même inftant qu'ils feront décou
verts 1
Leurs parens , dévouez à cent tourmens divers ,
Déchirez par le fer , au feu livrez en proye ,
Payeront tous les maux que le Ciel vous envoye!
Ce ferment fait frémir Abfalon ; David
s'y lie & le confirme ; Tharés le prie
de permettre qu'elle commence toute la
premiere à montrer l'exemple en fe mettant
entre les mains de Joab, pour fervir
d'ôtage de la fidelité de fon Epoux ; elle
s'explique ainfi :
Il faut , Seigneur , que mon exemple étonne ,
Et montre qu'il n'eft point de pardon pour per
fonne.
David confent à ce que Tharés lui propoſe
, &c. Ce bel Acte finit par un court
Monologue que fait Abfalon éperdu . En
voici les deux derniers Vers :
Ah ! que j'éprouve bien en ce fatal moment ,
Que le crime avec ſoi porte fon châtiment !
Le troifiéme Acte a paru chargé de trop
d'actions coup fur coup , & c'eft peut-
Gv être
1842 MERCURE DE FRANCE
être ce qui l'a rendu deffectueux aux yeux
des Spectateurs. Voici dequoi il s'agit.
Achitophel apprend à Zamri que Seba ,
Chef de la Tribu d'Ephraïm doit enlever
Tharés & l'arracher à Joab , pour
calmer la frayeur dont fon ferment indifcret
à rempli Abfalon. Zamri lui parle
d'une Lettre qu ' Amafa vouloit lui écrire,
& lui dit que ce Chef des Rebelles en
ayant été détourné par un tumulte foudain
qui eft arrivé dans l'Armée , il la
remettra peut être en d'autres mains .
L'Auteur fait annoncer cette Lettre , parce
qu'elle doit avoir fon utilité dans la
Piece.
Abſalon veut renoncer à ſon entrepriſe ;
Achitophel le raffure en lui apprenant que
Séba doit enlever Thares & Thamar. Abfalon
raffuré , fe réfout à achever fon
projet.
Tharés vient annoncer à fon Epoux que
le Camp ennemi l'ayant proclamé Roi des
Hebreux , on doit s'affurer de fa perfonne
par l'ordre de Davids elle le preffe de
fuir ; Abfalon la prie de fuivre fes pas.
Tharés fe refufe aux inftances qu'il lui en
fait d'autant plus qu'elle eft prifonniere
& obfervée, Abfalon réduit à s'enfuir
fans Tharés , lui protefte qu'il viendra
bien tôt la demander à Joab avec cent
mille bras , & fe retire,
Un
A O UST. 1730. 1843
3
Un Ifraëlite chargé d'une Lettre pour
Abfalon , la remet entre les mains de
Tharés , qui l'ayant lûë tout bas , témoigne
fa furprife par une exclamation.
David furvient avec la Reine ; il n'ofe
encore foupçonner fon fils de trahiſon , &
dit qu'il veut l'entendre en prefence du
fage Achitophel.
Joab arrive tout confterné ; il apprend
à David qu'il n'eft que trop certain qu'Ab
falon eft coupable. Il le prouve par une
lettre qu'on a furprife , & qui vient du
Camp des Révoltez : En voici le contenu .
Ne craignez point un changement funefte ;
Que tous vos conjurez fe repofent fur moi :
Vos Rivaux périront ; Abfalon fera Roy ;
Donnez-nous le fignal , je vous réponds da
refte.
David ne peut plus douter de la perfidie
de fon Fils. Là Reine rejette tout le
crime fur Tharés , qu'elle accable d'injures
, elle impute à feinte la vertų
qu'elle a fait éclater par un ferment , dont
elle prévoyoit bien, dit - elle , qu'on viendroit
la fauver. Tharés ne répond à ces accufations
que par un nouvel effort de
vertu ; elle donne à David la Lettre qu'el
le n'avoit fait que lire tout bas quand un
Ifraëlite l'a lui a remiſe entre les mains
G vj pour
1844 MERCURE DE FRANCE
pour la rendre à Abfalon : Voici ce qui eft
tracé dans cette Lettre.
Le tems me force à vous écrire ,
A vous entretenir je n'ofe m'expofer.
Pour vous affurer cet Empire ,
Les Soldats d'Ephraïm font prêts à tout ofer.
Le fort menace en vain votre augufte famille ;
Kien ne traverfera vos voeux & nos deffeins ,
Et dans une heure au plus je remets en vos mains
Et votre Epoufe & votre Fille.
Après cette lecture , Tharés juftifie Abfalon
autant qu'elle peut , & rejette fa
faute fur les confeils pernicieux d'Achitophel
. Elle fe retire .
David frappé du foupçon que Tharés
fui a donné fur Achitophel , prie la Reine
de la fuivre , & de tâcher de la faire
parler en employant la douceur,
,
Cifai vient apprendre à David que le
Soldat qu'on a pris , venant du Camp des
rebelles , a parlé à l'afpect des Supplices ,
qu'il a révélé tous les complices, dont Achitophel
eft le Chef. David ordonne à
Joab d'aller s'affurer de la perfonne de ce
perfide Miniftre . Cifaï lui dit qu'il s'eft
fauvé;que Seba même s'eft ouvert un chemin
à la fuite , foûtenu des Soldats d'Ephraim
; il ajoute qu'Amafa fait mine de
s'avan
A O UST. 1730. 1845
s'avancer.Joab raffure David étonné d'une
révolte prefque generale; il ne refpire que
le fang , & veut commencer par le Sacrifice
de Tharés. David condamne ce tranfport
, fur tout par rapport à Tharés dont
la vertu la rend refpectable ; il ordonne à
Joab d'aller tout préparer pour faire une
feure retraite , & à Cifaï d'aller joindre
Abfalon & de le menacer de la mort de
fon époufe s'il ne vient implorer pour
elle la clémence de fon pere ; il permet
qu'Abfalon amene à fa fuite deux mille
hommes , s'en réfervant autant pour la
feureté de cette entrevûë , dont il efpere
un grand fuccès .
Le quatrième Acte difpute de beauté
avec le fecond. Le Lecteur en va juger.
Nous fupprimons les trois premieres Scenes
, pour ne pas allonger cet extrait par
des fuperfluitez. Dans la quatriéme Scene.
David reproche à Abfalon fa perfidie envers
fon Pere & fon Roy, Voici comment
il commence.
Enfin nous voilà feuls , je puis joüir fans peine
Du funefte plaifir de confondre ta haine ,
T'inſpirer de toi-même une équitable horreur ,
Et voir au moins ta honte égaler ta fureur,
Car enfin je connois tes complots homicides ;
Te yoilà dans le rang de ces fameux perfides ,
Dont
1846 MERCURE DE FRANCE
Dont les crimes font feuls la honteufe fplendeur
୮
Et qui fur leurs forfaits bâtiffent leur grandeur ,
&c.
Envain ton naturel altier , audacieux ,
Combattoit dans mon coeur le plaifir de mes
yeux ;
Mon amour l'emportoit , je fentois ma foibleffe:
Que n'a point fait pour toi cette indigne tendreffe
?
Je t'ai vâ fans refpect ni des Loix , ni du fang ›
D'Amnon mon fucceffeur ofer percer le flanc ,
Moins pour venger l'honneur d'une foeur éperduë
,
Que pour perdre un Rival qui te bleffoit la vue ;
Ifrael de ce coup fut long- tems confterné ;
Je devois t'en punir , je te l'ai pardonné.
Abfalon voulant rejetter fon crime fur
Joab qui l'y a forcé par fes fecretes
menées , en faveur d'Adonias fon frere ,
David l'interrompt par ces vers :
Foible & honteux détour !
Ceffe de m'accufer de la lâche injuftice
De fuivre d'un fujer la haine ou le caprice ,
Tu veux me détrôner , tu veux trancher mes
jours.
Abfalon veut en vain le nier, il le conpar
ce qui fuit :
fond
Ouy'
AOUST. 1730.
1847.
Oui , tu le veux , perfide.
Ofes-tu me nier ton deffein parricide ?
Ces Gardes , ces Soldats , qui comblant tes fouhaits
,
Devoient dés cette nuit couronner tes forfaits ,
Qui dépofoient mon Sceptre en ta 'main fangui
naire ,
Traître , le pouvoient - ils , fans la mort de ton
pere ?
Tiens , prends , lis ...
Il lui donne le Billet qui a été furpris
entre les mains d'un Soldat. Abfalon à
cette lecture demeure interdit , & voit
bien qu'Achitophel la conduit plus loin
qu'il ne croyoit , & qu'il ne vouloit.David
continue ainfi :
Moi- même en te parlant , faifi d'un jufte ef
froy ,
Mon trouble & ma douleur m'emportent loin de
moi.
Grand Dieu , voilà ce Fils qu'aveugle en mes demandes
,
Ont obtenu de toi , mes voeux & mes offrandes ,
Je le voi ; tu punis mes defirs indifcrets ;
Eh ! bien , Dieu d'Ifrael , accomplis tes décrets.
Confens-tu qu'à fon gré fa rage fe déploye ?
Yeux-tu que dans mon fang ce perfide le noye ?
J'y
1848 MERCURE DE FRANCE
1
J'y foufcris ; à Abfalon , Ouy , barbare accomplis
ton deffein ;
Aux dernieres horreurs ofe en hardir ta main ; &c
Miniftre criminel de fes juftes vengeances ,
Remplis-les par ma mort; couronne tes offenfes,
Frappe , &c.
Abfalon fe jette tremblant & repentant
aux genoux de fon Pere , qui lui pardonne ,
il exige de lui qu'il nommera tous les
con: lices ; Abfalon y confent dans la Scene
fuivante; il réfifte à Achitophel qui veut
le rembarquer dans la révolte , mais apprenant
de Cifaï que Joab , contre la foy
du Traité entre fon pere & lui , vient de
repouffer Amafa ; fa haine pour Joab fe
reveille & le fait courir aux armes une feconde
fois ; un refte de vertu fait qu'il dit
à Achitophel que ce ne font point ſes
perfides confeils qui le déterminent en ce
moment , & lui deffend de le fuivre .
Achitophel s'affermit dans le crime
& termine cet Acte par un court Monologue
, qui finit par ces Vers :
Tous les Chefs font pour moi , même interêt
les guide :
Marchons , & qu'un combat de notre fort décide.
Si nous ſommes Vainqueurs , Abſalon malgré lui
Se trouvera forcé de payer mon apui :
Si,plus puiffant que nous, l'Enemi nous furmonte,
11
AOUST. 1730. 1849
Il eft un fûr moyen d'enſevelir ma honte ;
Et tout homme à fon gré peut défier le fort
Quand il voit d'un même oeil , & la vie & la mort.'
Nous ne nous arrêterons pas long- tems
fur le dernier Acte . Voici la diftribution
des Scenes qui le compofent . Ciſaï fait
efperer la paix à Thamar , fans qu'on voye
fur quel fondement , puifque les deux
Armées font aux mains.
Tharés vient détruire une efperance fi
équivoque , & l'exhorte à fouffrir avec
conftance la mort , où le Peuple en furie
pourra la condamner , après l'avoir immolée
la premiere. David augmente leur
frayeur ; & croyant que tout eft perdu ,
leur dit qu'il ne vient que pour leur ouvrir
un chemin à la fuite ; il fait entendre
qu'il croit pouvoir les fauver malgré fon
ferment , puifqu'Abfalon en a rempli les
conditions par fon repentir.
Cifaï vient annoncer la victoire à David
, & la mort funefte d'Achitophel qui
s'eft étranglé , voyant que tout étoit perdu
: il ajoute qu'Abfalon à la tête des Rebelles
a refté fufpendu par fes cheveux à
un chêne ; mais que Joab prêt à le fecou-"
rir l'a envoyé vers lui pour lui dire qu'il
le remettroit bientôt entre fes mains & c.
David rend graces au Seigneur de fa victoire
&c. Abfalon mourant fe préfente
aux
1850 MERCURE DE FRANCE
aux yeux
de fon pere , & lui raconte ainfi
fon malheur.
Calmez la douleur qui vous preſſe.
Indigne de vos pleurs & de votre tendreffe ,
Mes odieux complots vous ont trop outragé :
Je meurs ; le Ciel eft juſte , & vous êtes vengé &c.
Les mutins ranimés ont voulu , pleins d'audace,
Rompre les noeuds cruels , auteurs de ma dif
grace ,
Et d'un trait qu'en fureur Joab avoit lancé
Votre malheureux Fils en leurs mains eſt percé.
Il recommande ſa femme & fa fille à
David , & meurt.
Voici les Obfervations critiques dont
nous avons été inftruits.
On a trouvé de beaux Vers dans la
Piéce ; mais le ftile n'y eft pas également
foutenu : l'éloquence y regne plus que l'élegance.
La Verfification a paru fur tout
negligée dans tout ce qui eft expofition .
Le fecond Acte & le quatrième l'emportent
infiniment fur les trois autres , & ont
fait le fuccés de la Piéce. Joab & Achitophel
font les deux perfonnages qui agiffent
le plus ; l'un conduit Abfalon & le
tourne comme il lui plaît , l'autre combat
pour David , qui ne fe détermine à
aller aux Ennemis que lorfqu'il apprend
que tout eft perdu . Abfalon agit un peu
plu
A O UST. 1730. 185 1
plus ; mais il paffe trop legerement du repentir
à la rechute : la haine pour Joab
ne paroît point affez fondée dans le plan.
de l'Auteur ; elle l'eft encore moins dans
le Texte Sacré; on y lit au contraire que ce
fut à Joab qu'il dut fon rappel &fa grace
après le meurtre de fon frere Amnon ."
Pour Joab , dont il n'a tenu qu'à l'Auteur
de faire un vrai Heros , on a trouvé
qu'il étoit injufte & fanguinaire dans le
quatrième Acte , quand il a confeillé à
David de faire périr tous les
parens des
Rebelles , & même Tharés dont la vertu
venoit d'éclater àfes yeux. Voici comment
l'Auteur l'a fait parler.
Marchons ; mais que Tharés accompagne mes
pas :
Que tous ceux que le fang unit à des perfides
Soyent remis en mes mains fous de fideles guides.
Allons , & preſentons à nos féditieux
L'Epouſe d'Abfalon immolée à leurs yeux ;
Faifons faire du refte un horrible carnage &c.
David fent bien lui- même que ce grand
homme dément fon caractere ; il le fait
connoître par cette Réponſe :
Non , Joab , fufpendons un Arrêt fanguinaire:
La vertu de Tharés vaut bien qu'on le differe.
Un Roi, quoiqu'un Sujet ait fait pour l'outrager,
Doit
1852 MERCURE DE FRANCE
Doit fçavoir le punir & non pas fe venger ;
Périffons fans foüiller mon rang ni ma memoire,
Et s'il faut fuccomber, fuccombons avec gloire.
Cette petite réprimande de David ,
juftifie la Critique du Public. La vertu
de Tharés eft celle qui fe foutient avec
le plus de vigueur ; quant à Thamar
on n'a trouvé à dire d'elle ni beaucoup
de bien , ni beaucoup de mal , ainfi on
l'a mife au rang des perfonnages inutiles
Le Rôle de la Reine , outre qu'il n'eft
pas plus utile que celui de Thamar , eft
d'autant plus à retrancher , qu'il eft toutà-
fait odieux par l'injuftice du motif qui
la fait agit. C'eft une haîne de belle- mère
qui fe manifefte à tout propos; fon repentir
guere mieux fondé que fes fautes, elle
dit au cinquiéme Acte, parlant à cette même
Tharés , fi injuftement perfecutée :
n'eft
Dans un temps plus heureux , vous connoîtrez ,
Madame ,
>
Ce que le repentir peut produire en une ame ;
Mes yeux fur vos vertus enfin fe font ouverts.
On ne fçait ce qui a pu occafionner ce
changement de volonté , ce qui eft abfolument
contre les regles. Voilà à peu près
ce que nous avons recueilli du jugement
du Public fur la Tragédie d'Abfalon. Ces
petites taches ne terniffent pas l'éclat de
cette
A O UST . 1730. 185 3
cette Piece , qu'on voit toûjours avec plaifir
, & qui a aujourd'hui un fuccès infini.
Elle eft très - bien repréfentée. Les Rôles de
David , d'Abfalon , d'Achitophel, de Joab ,
&c. y font remplis par les fieurs Sarrazin,
Dufresne , le Grand , du Breuil , &c .
La Dlle Du Frefne réüffit beaucoup dans.
celui de Tharés.
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Résumé : Tragedie d'Absalon, [titre d'après la table]
Le texte présente une critique de la tragédie 'Abfalon' de M. Duché, membre de l'Académie Royale des Inscriptions & Belles-Lettres. L'auteur justifie dans sa préface les libertés prises pour adoucir le caractère d'Abfalon, afin de le rendre moins odieux et de susciter la pitié du public, conformément aux règles aristotéliciennes. Il mentionne également des changements apportés au texte sacré concernant la mort d'Abfalon, justifiés par des personnes respectables. La pièce commence avec Abfalon et Achitophel, ministre de David. Abfalon, rebelle à son père et roi, soupçonne Joab, général des armées de David, de vouloir transférer le sceptre à Adonias, son frère cadet. David tente de réconcilier Abfalon avec Joab, mais Abfalon essaie de semer la discorde. Achitophel et Zamri, son confident, préparent une conspiration pour placer Abfalon sur le trône. Tharés, épouse d'Abfalon, découvre la conspiration et tente de le dissuader, mais il reste déterminé. Dans le deuxième acte, Tharés apprend à Abfalon qu'elle est au courant de la conspiration et menace de révéler le secret. Abfalon lui avoue alors sa participation. Tharés propose un serment pour démasquer les traîtres et se livre elle-même à Joab en otage de la fidélité de son époux. Abfalon est troublé par cette situation. Le troisième acte est jugé trop chargé en actions. Achitophel rassure Abfalon en lui annonçant l'enlèvement de Tharés et Thamar par Séba. Tharés informe Abfalon qu'il a été proclamé roi par le camp ennemi et le presse de fuir. Abfalon s'enfuit après avoir promis de revenir chercher Tharés. David découvre la trahison d'Abfalon grâce à une lettre interceptée et accuse Tharés de complicité, mais elle maintient sa vertu. Dans le quatrième acte, David reproche à Abfalon sa perfidie et révèle les complots homicides. Abfalon tente de rejeter la faute sur Joab, mais David le confronte avec des preuves. Abfalon se repent et nomme les complices, mais se révolte à nouveau après l'attaque de Joab contre Amaasa. Achitophel incite à la révolte. Dans le dernier acte, Cisaï espère la paix, mais Tharés exhorte à souffrir la mort avec confiance. David annonce un chemin de fuite et Cifaï annonce la victoire et la mort d'Achitophel et d'Absalon. Abfalon, mourant, se présente à David et recommande sa femme et sa fille avant de mourir. La critique mentionne que la pièce contient de beaux vers mais un style inégal, avec des personnages comme Joab et Achitophel particulièrement marquants. La vertu de Tharés est soulignée, tandis que les rôles de Thamar et de la Reine sont jugés inutiles ou odieux. La pièce est bien représentée et appréciée du public.
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456
p. 1853-1856
La Réünion forcée, Comédie, &c. [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation d'une petite Comédie [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Comtesse, Procureur, Maître
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Réünion forcée, Comédie, &c. [titre d'après la table]
Les Comédiens Italiens donnerent la
premiere Repréfentation d'une petite Comédie
en Profe, en un Acte , avec un Divertiffement
; elle a pour titre la Réunion
forcée. Cette Piece ne promet pas un grand
fuccès , le Lecteur en va juger par la legere
idée que nous en allons donner.
Une Comteffe fur le retour , ayant
époufé un jeune Cavalier appellé Damon ,
qui n'a pas pour elle les égards qu'elle s'en
étoit promis , veut fe venger de lui par
le divorce ; elle ouvre la Scene avec fa
fuivante Finette , qui la flatte d'un fort
plus heureux qui fuivra le gain de fon
procès. M.du Doffier, fon Procureur , vient
lui annoncer un triomphe prématuré ,
qui n'exifte que dans fon imagination , &
qu'il dit infaillible
P'heureuſe difpofition
qu'il dit avoir mife dans ce Procès.
Sur cette frivole efperance , il ofe parler
d'Amour & d'Hymen à la Comteffe , qui
reçoit fa déclaration avec fierté , attendu
par
l'inegalté
1854 MERCURE DE FRANCE
l'inegalité des conditions. Du Doſſier a
recours à Finette ; & pour la mettre dans
fes interêts , il lui promet de lui faire
époufer l'Avenir , fon Maître Clerc, Finette
, non moins fiere que fa Maîtreffe ,
ne veut pas d'un Clerc de Procureur pour
Mari. Du Doffier lui promet de le mettre
en poffeffion d'une belle & bonne Charge
d'Huiffier à Verge. Finette l'accepte à ce
prix , mais elle doute que fa Maîtreſſe
puiffe fe réfoudre à époufer un Procureur ;
elle dit à du Doffier que le gout de la
Comteffe feroit plutôt pour un Financier,
ce qui détermine du Doffier à revenir ſe
prefenter à elle fous le nom & l'habit
d'un frere qu'il a dans la Finance , appellé
M. du Zero. Il execute fon projet ,
& fous le nom de Financier il eft parfaitement
bien reçû de la Comteffe . Damon
fon jeune mary , vient troubler leur naiffante
intelligence ; il demande à la Comteffe
cent piftoles dont il a befoin , &
qu'il veut avoir fur le champ ; les injures
ne font épargnées de part & d'autre ;
M.du Zero , pour faire fa cour à la Comteffe
, donne un billet au porteur de mille
francs , que Finette reçoit malgré fa Maîtreffe.
Oronte , pere de Damon , vient annoncer
à la Comteffe fa Bru , qu'elle a perdu
fon Procès tout au long , & qu'on vient
de
A O UST. 1730. 1855
de la déclarer non - recevable ; elle ſe plaint
de l'injustice de fes premiers Juges, & dit
qu'elle en veut appeller. Damon fait le
doucereux auprès d'elle & la détermine
à fe réconcilier avec lui ; elle y confent ;
le faux du Zero redemande fon Billet à
Finette, qui le garde comme étant de bonne
prife ; l'Avenir reconnoît fon Maître
du Doffier , fous les habits de du Zero. La
Piece finit par un Divertiffement qu'on
trouvé trop bien amené ; cette
Fête a été préparée par l'étourdi Damon ;
c'eſt à proprement parler une nouvelle
infulte qu'il fait à la Comteſſe ſa femme ;
on en peut juger par ce premier Air
qu'on chante :
n'a
pas
Au premier âge ,
On méprifoit les biens ;
L'Amour feul formoit les liens ,
D'un heureux mariage :
Plutus ne regnoit point encor ;
Ce Dieu , Maître à prefent de notre destinée ,
Nous vend au poids de l'or ,
Le plus trifte Hymenée,
Le Vaudeville eft fur le même ton ;
en voici deux Couplets .
Femme riche & fur le retour ,
Voit croître les Amans près d'elle ;
Filla
1856 MERCURE DE FRANCE
Fille fans biens , mais jeune & belle ,
Les voit déferter de la Cour ,
Point d'argent , point de mariage ;
Argent & vieilleffe , on dit bon ;
Sans argent , jeuneſſe , on dit non :
C'eſt aujourd'hui l'uſage.
Arlequin au Parterre.
"
Si chacun de vous eft content ;
Qu'aujourd'hui l'on vous ait fait rire ,
Oh ! Meffieurs , vous n'avez qu'à dire ;
Apportez-nous bien de l'argent :
Point d'argent , adieu le courage ;
Quand j'en vois beaucoup , je dis bon ;
Mais quand j'en vois peu , je dis non :
Je fuis dans cet uſage.
La Mufique du Divertiſſement eſt toûjours
de M. Mouret.
premiere Repréfentation d'une petite Comédie
en Profe, en un Acte , avec un Divertiffement
; elle a pour titre la Réunion
forcée. Cette Piece ne promet pas un grand
fuccès , le Lecteur en va juger par la legere
idée que nous en allons donner.
Une Comteffe fur le retour , ayant
époufé un jeune Cavalier appellé Damon ,
qui n'a pas pour elle les égards qu'elle s'en
étoit promis , veut fe venger de lui par
le divorce ; elle ouvre la Scene avec fa
fuivante Finette , qui la flatte d'un fort
plus heureux qui fuivra le gain de fon
procès. M.du Doffier, fon Procureur , vient
lui annoncer un triomphe prématuré ,
qui n'exifte que dans fon imagination , &
qu'il dit infaillible
P'heureuſe difpofition
qu'il dit avoir mife dans ce Procès.
Sur cette frivole efperance , il ofe parler
d'Amour & d'Hymen à la Comteffe , qui
reçoit fa déclaration avec fierté , attendu
par
l'inegalté
1854 MERCURE DE FRANCE
l'inegalité des conditions. Du Doſſier a
recours à Finette ; & pour la mettre dans
fes interêts , il lui promet de lui faire
époufer l'Avenir , fon Maître Clerc, Finette
, non moins fiere que fa Maîtreffe ,
ne veut pas d'un Clerc de Procureur pour
Mari. Du Doffier lui promet de le mettre
en poffeffion d'une belle & bonne Charge
d'Huiffier à Verge. Finette l'accepte à ce
prix , mais elle doute que fa Maîtreſſe
puiffe fe réfoudre à époufer un Procureur ;
elle dit à du Doffier que le gout de la
Comteffe feroit plutôt pour un Financier,
ce qui détermine du Doffier à revenir ſe
prefenter à elle fous le nom & l'habit
d'un frere qu'il a dans la Finance , appellé
M. du Zero. Il execute fon projet ,
& fous le nom de Financier il eft parfaitement
bien reçû de la Comteffe . Damon
fon jeune mary , vient troubler leur naiffante
intelligence ; il demande à la Comteffe
cent piftoles dont il a befoin , &
qu'il veut avoir fur le champ ; les injures
ne font épargnées de part & d'autre ;
M.du Zero , pour faire fa cour à la Comteffe
, donne un billet au porteur de mille
francs , que Finette reçoit malgré fa Maîtreffe.
Oronte , pere de Damon , vient annoncer
à la Comteffe fa Bru , qu'elle a perdu
fon Procès tout au long , & qu'on vient
de
A O UST. 1730. 1855
de la déclarer non - recevable ; elle ſe plaint
de l'injustice de fes premiers Juges, & dit
qu'elle en veut appeller. Damon fait le
doucereux auprès d'elle & la détermine
à fe réconcilier avec lui ; elle y confent ;
le faux du Zero redemande fon Billet à
Finette, qui le garde comme étant de bonne
prife ; l'Avenir reconnoît fon Maître
du Doffier , fous les habits de du Zero. La
Piece finit par un Divertiffement qu'on
trouvé trop bien amené ; cette
Fête a été préparée par l'étourdi Damon ;
c'eſt à proprement parler une nouvelle
infulte qu'il fait à la Comteſſe ſa femme ;
on en peut juger par ce premier Air
qu'on chante :
n'a
pas
Au premier âge ,
On méprifoit les biens ;
L'Amour feul formoit les liens ,
D'un heureux mariage :
Plutus ne regnoit point encor ;
Ce Dieu , Maître à prefent de notre destinée ,
Nous vend au poids de l'or ,
Le plus trifte Hymenée,
Le Vaudeville eft fur le même ton ;
en voici deux Couplets .
Femme riche & fur le retour ,
Voit croître les Amans près d'elle ;
Filla
1856 MERCURE DE FRANCE
Fille fans biens , mais jeune & belle ,
Les voit déferter de la Cour ,
Point d'argent , point de mariage ;
Argent & vieilleffe , on dit bon ;
Sans argent , jeuneſſe , on dit non :
C'eſt aujourd'hui l'uſage.
Arlequin au Parterre.
"
Si chacun de vous eft content ;
Qu'aujourd'hui l'on vous ait fait rire ,
Oh ! Meffieurs , vous n'avez qu'à dire ;
Apportez-nous bien de l'argent :
Point d'argent , adieu le courage ;
Quand j'en vois beaucoup , je dis bon ;
Mais quand j'en vois peu , je dis non :
Je fuis dans cet uſage.
La Mufique du Divertiſſement eſt toûjours
de M. Mouret.
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Résumé : La Réünion forcée, Comédie, &c. [titre d'après la table]
Le texte relate la première représentation de 'La Réunion forcée', une comédie en prose des Comédiens Italiens. La pièce, en un acte, raconte l'histoire d'une comtesse souhaitant divorcer de son mari, Damon, en raison de son manque de respect. Encouragée par sa servante, Finette, et son procureur, M. du Dossier, elle refuse les avances de ce dernier en raison de la différence de leurs conditions sociales. M. du Dossier, se faisant passer pour un financier, M. du Zero, tente de séduire la comtesse. Damon interrompt leur entretien en réclamant de l'argent, ce qui provoque des échanges tendus. M. du Zero offre un billet de mille francs à la comtesse via Finette. Oronte, le père de Damon, annonce que la comtesse a perdu son procès. Damon convainc alors la comtesse de se réconcilier. M. du Zero réclame son billet, mais Finette le garde. La pièce se conclut par un divertissement organisé par Damon, incluant des airs et des couplets sur l'amour et l'argent, avec une musique de M. Mouret.
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457
p. 1856-1864
La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Début :
Le 2 Août, on representa au College de Louis le Grand, pour la Distribution [...]
Mots clefs :
Théâtre, Ballet, Ridicule, Dieu, Armée, Mort, Collège de Louis le Grand, Histoire, Tyran, Prince, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 Août , on reprefenta au College
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
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Résumé : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 août 1730, la tragédie 'Maurice, Empereur d'Orient' a été représentée au Collège de Louis le Grand pour la distribution des prix. Cette tragédie, suivie d'un ballet, raconte l'histoire de Maurice, empereur de Constantinople, tourmenté par des remords pour avoir laissé périr de nombreux sujets qu'il aurait pu sauver. Il prie Dieu de lui faire expier son crime dans ce monde plutôt que dans l'autre. Sa prière est exaucée, et il est déchu de son trône par Phocas, qui le fait emprisonner. Maurice meurt en confessant la justice de Dieu. L'intrigue se déroule en cinq actes. Dans le premier acte, Maurice, après avoir fait arrêter Germain, le beau-père de son fils Theodore, sur la base d'une lettre anonyme, découvre que Philippicus, son beau-frère, est le véritable coupable. Il libère Germain et prépare une armée pour réprimer la révolte de Phocas. Maurice, effrayé par un songe, décide de sauver ses enfants plutôt que lui-même. Theodore refuse de fuir et veut défendre le trône. Dans le deuxième acte, Maurice est abandonné par ses troupes et capturé par Phocas. Germain, irrité par son emprisonnement, introduit Phocas dans le palais. Alcime, confident de Phocas, annonce la défaite de Maurice et de Theodore. Phocas tente de faire livrer Justin, le fils cadet de Maurice, mais ce dernier refuse de tomber dans le piège. Dans le troisième acte, Philippicus et Germain découvrent les intentions de Phocas. Priscus, gouverneur de Justin, sauve le jeune prince en le faisant passer pour son propre fils, Heraclius. Phocas, trompé, ne reconnaît pas Justin. Dans le quatrième acte, Germain, réalisant les ambitions de Phocas, se joint à Philippicus pour le combattre. Phocas, effrayé par la fierté d'Heraclius, décide de le faire périr. Justin, échappant à Priscus, réclame son père et son nom. Phocas, apprenant la révolte de Germain soutenue par Philippicus et Priscus, suspend l'exécution de Justin. Dans le cinquième et dernier acte, Phocas triomphe de Germain et de Theodore, mais épargne Philippicus et Priscus en raison de leur respect au sein de l'armée. Maurice, amené chargé de fers, confesse ses fautes et demande que ses enfants soient épargnés. Phocas fait exécuter Theodore et Justin sous les yeux de Maurice, qui prédit à Phocas un châtiment divin. Le théâtre se ferme par un éloge du roi. La tragédie est suivie d'un ballet satirique sur le ridicule des hommes, divisé en quatre parties : leurs caractères, leurs entreprises, leurs déguisements et leurs amusements. Minerve et Momus tentent de corriger les défauts humains, mais sans grand succès. Le ballet se conclut par une réconciliation entre Minerve et Momus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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458
p. 1864
« Les Comédiens François représenterent le 5. Août, la Tragédie du Cid, telle [...] »
Début :
Les Comédiens François représenterent le 5. Août, la Tragédie du Cid, telle [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Le Cid
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François représenterent le 5. Août, la Tragédie du Cid, telle [...] »
Les Comédiens François repréfenterent
le 5. Août , la Tragédie du Cid , telle
que M. Rouffeau l'avoit fait jouer & imprimer
à Bruxelles. On en a retranché
quelques Rôles inutiles , comme celui de
FInfante. Ce changement a paru raiſonnable
; il n'en a coûté que fort peu de
Vers au Réformateur , pour faire les liaifons
neceffaires
le 5. Août , la Tragédie du Cid , telle
que M. Rouffeau l'avoit fait jouer & imprimer
à Bruxelles. On en a retranché
quelques Rôles inutiles , comme celui de
FInfante. Ce changement a paru raiſonnable
; il n'en a coûté que fort peu de
Vers au Réformateur , pour faire les liaifons
neceffaires
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459
p. 1864-1868
Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 20. Juillet, l'Opera Comique de la Foire S. Laurent, donna la premiere Représentation de [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Foire Saint-Laurent, Vaudeville, Coeur, Cavalier
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texteReconnaissance textuelle : Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Le 20. Juillet , l'Opera Comique de la Foire
S. Laurent , donna la premiere Repréſentation de
la Piece nouvelle , Les deux Suivantes , dont voici
en peu de mots le Sujet.
Lucinde a une fille fort aimable , qu'elle doit
marier à M. Orgon , Gentilhomme de Province
lequel doit arriver inceffamment chez fa future
Belle- mere pour finir ce Mariage. Ce Gentilhomme
n'a qu'un fils nommé Leandre , qui a quitté
la Maifon de fon pere pour voyager , & dont
ce pere eft fort en peine , n'ayant eu aucune de fes
nouvelles depuis qu'il eft parti ; c'eft ce qui lui
fait prendre la réfolution de fe remarier , croyant
d'avoir perdu le feul fils qu'il avoit. Le hazard
fait que Leandre fe trouve dans un Bal avec la
fille de Lucinde , nommée Flavie , accompagnée
de fa Suivante Lifette ; ils ne font pas long- tems
A O UST. 1730. 1865
à faire connoiffance , & ne fe féparent qu'à regret
à la fin du Bal. Léandre , qui eft fort en peine de
revoir Flavie , trouve le moyen de parler à Liſette
pour l'engager de le fervir auprès de fa Maîtreffe;
cette Suivante promet à Leandre de le fervir dans
fes amours , & l'expedient qu'elle trouve eft de
feindre de vouloir quitter fa Maîtreffe fous prétexte
qu'elle va fe marier , & de donner une autre
Suivante de fa main à Flavie . C'est justement
Léandre qu'elle fait traveftir en Suivante , & la
préfente à Lucinde & à fa fille. La fauffe Suivante
fous le nom de Clarice , eſt reçûë avec toute forte
d'agrémens dans la maiſon , comme venant
de la main de Lifette , qu'on eft bien fâché de
perdre , Flavie , fur tout , trouve cette nouvelle
Suivante fort à fon gré , ayant , dit-elle , beaucoup
de l'air & des manieres d'un Cavalier qu'elle
a vû depuis peu au Bal. Cependant Léandre a
tout le temps d'entretenir fa belle Maîtreffe , quoique
celle-ci ne le connoiffe pas encore pour
´P'homme du Bal ; mais Lifette qui furvient , &
qui craint à tous momens que cette fauffe Suivante
ne foit découverte , déclare à Flavie le traveſtiſſement
, & lui apprend que c'eſt Léandte.
Lucinde n'est détrompée de la fourberie qu'à
l'arrivée d'Orgon , qui ayant defcendu chez Lucinde
, a trouvé dans le jardin Flavie, tête- à- tête
avec un Cavalier , c'est justement Clarice qui
avoit quitté l'habit de Suivante pour reprendre
le fien on fait entendre à la mere que Clarice s'eft
déguifée en Cavalier pour réjouir fa jeune Maîtreffe
; on dit la même chofe à Orgon , qui eft
fort irrité d'avoir trouvé Flavie avec un Cavalier ;
on lui prefente enfin la fauffe Suivante, mais il eſt
bien étonné de trouver en elle Léandre fon fils ,
qu'il croyoit perdu. Lifette vient découvrir la
fourberie dont elle s'eft mêlée , & on n'eſt pas
Hv long1866
MERCURE
DE FRANCE
Jong -temps à conclure le Mariage de ces deux
Amans , qui font enfin parvenus à s'époufer par
cette Métamorphofe amoureufe . La Piece finit
par un Divertiffement qui eft terminé par un
Vaudeville de la compofition de M. Gilliers. En
yoici quelques Couplets .
VAUDEVILLE
.
Quar
Uand de fes feux unjeune coeur ,
D'un ton flateur
Nous affure ,
Croyez-moi , répondons toujours ,
A fes difcours ,
Turelure .
Mettez -vous bien cela ,
La ;
Jeunes Fillettes ,
Songez que tout Amant ;
Ment ,
Dans fes fleuretes.
Ton petit minois fans deffaut ,
M'a rendu chaud
Comme braife ;
Toujours brulant pour tes appas
Guillot n'eft pas
A fon aife.
Je mourrai de fouci ,
Si
Ta
A O UST . 1730. 1767
Ta rigueur dure ,
De ton coeur fais-moi donc
Don ,
Je t'en conjure.
Pour moi ton coeur n'eft point ingrat
Mais fans Contrat ,
Point d'affaire ;
C'est un trompeur que Cupidon ,
Et la Raifon ,
Me függere
Qu'on n'a de ce vaurien
Rien ,
Quand la Bérgere ,
Donne à quelque garçon ,
Son
Coeur fans Notaire.
Maître d'un joli Jardinet,
f
Lucas y fait
Peu d'ouvrage ,
7
Et quand quelqu'un veut ſe mêler
D'y travailler ,
Il fait rage ,
N'a-t-il pas , ce Butord
Tort ,
Quand il nous prive
D'un bien que ce Balourd ,
H vj
Lourd
1
1868 MERCURE DE FRANCE
C
Lourt
Très-mal cultive.
Pour nous aimer , trinquons fouvent }
L'amour ſe prend
Dans le verre ;
Les coeurs forment des noeuds en vain
Si le bon vin
Ne les ferre ,
Cela ne tient jamais
Mais ,
La fimpatie ,
Quand Bacchus l'entretient ;
Tient
Toute la vie.
Maris , voulez-vous fuir l'affront ;
Qu'à votre front ,
On peut faire ;
Au logis ne léfinez point ,
C'eft - là le point
Neceffaire ;
On eft pour vous conſtant
Tant ,
Que rien ne chomme ;
Qui ménage l'argent ,
Jean
Bien- tôt fe nomme.
S. Laurent , donna la premiere Repréſentation de
la Piece nouvelle , Les deux Suivantes , dont voici
en peu de mots le Sujet.
Lucinde a une fille fort aimable , qu'elle doit
marier à M. Orgon , Gentilhomme de Province
lequel doit arriver inceffamment chez fa future
Belle- mere pour finir ce Mariage. Ce Gentilhomme
n'a qu'un fils nommé Leandre , qui a quitté
la Maifon de fon pere pour voyager , & dont
ce pere eft fort en peine , n'ayant eu aucune de fes
nouvelles depuis qu'il eft parti ; c'eft ce qui lui
fait prendre la réfolution de fe remarier , croyant
d'avoir perdu le feul fils qu'il avoit. Le hazard
fait que Leandre fe trouve dans un Bal avec la
fille de Lucinde , nommée Flavie , accompagnée
de fa Suivante Lifette ; ils ne font pas long- tems
A O UST. 1730. 1865
à faire connoiffance , & ne fe féparent qu'à regret
à la fin du Bal. Léandre , qui eft fort en peine de
revoir Flavie , trouve le moyen de parler à Liſette
pour l'engager de le fervir auprès de fa Maîtreffe;
cette Suivante promet à Leandre de le fervir dans
fes amours , & l'expedient qu'elle trouve eft de
feindre de vouloir quitter fa Maîtreffe fous prétexte
qu'elle va fe marier , & de donner une autre
Suivante de fa main à Flavie . C'est justement
Léandre qu'elle fait traveftir en Suivante , & la
préfente à Lucinde & à fa fille. La fauffe Suivante
fous le nom de Clarice , eſt reçûë avec toute forte
d'agrémens dans la maiſon , comme venant
de la main de Lifette , qu'on eft bien fâché de
perdre , Flavie , fur tout , trouve cette nouvelle
Suivante fort à fon gré , ayant , dit-elle , beaucoup
de l'air & des manieres d'un Cavalier qu'elle
a vû depuis peu au Bal. Cependant Léandre a
tout le temps d'entretenir fa belle Maîtreffe , quoique
celle-ci ne le connoiffe pas encore pour
´P'homme du Bal ; mais Lifette qui furvient , &
qui craint à tous momens que cette fauffe Suivante
ne foit découverte , déclare à Flavie le traveſtiſſement
, & lui apprend que c'eſt Léandte.
Lucinde n'est détrompée de la fourberie qu'à
l'arrivée d'Orgon , qui ayant defcendu chez Lucinde
, a trouvé dans le jardin Flavie, tête- à- tête
avec un Cavalier , c'est justement Clarice qui
avoit quitté l'habit de Suivante pour reprendre
le fien on fait entendre à la mere que Clarice s'eft
déguifée en Cavalier pour réjouir fa jeune Maîtreffe
; on dit la même chofe à Orgon , qui eft
fort irrité d'avoir trouvé Flavie avec un Cavalier ;
on lui prefente enfin la fauffe Suivante, mais il eſt
bien étonné de trouver en elle Léandre fon fils ,
qu'il croyoit perdu. Lifette vient découvrir la
fourberie dont elle s'eft mêlée , & on n'eſt pas
Hv long1866
MERCURE
DE FRANCE
Jong -temps à conclure le Mariage de ces deux
Amans , qui font enfin parvenus à s'époufer par
cette Métamorphofe amoureufe . La Piece finit
par un Divertiffement qui eft terminé par un
Vaudeville de la compofition de M. Gilliers. En
yoici quelques Couplets .
VAUDEVILLE
.
Quar
Uand de fes feux unjeune coeur ,
D'un ton flateur
Nous affure ,
Croyez-moi , répondons toujours ,
A fes difcours ,
Turelure .
Mettez -vous bien cela ,
La ;
Jeunes Fillettes ,
Songez que tout Amant ;
Ment ,
Dans fes fleuretes.
Ton petit minois fans deffaut ,
M'a rendu chaud
Comme braife ;
Toujours brulant pour tes appas
Guillot n'eft pas
A fon aife.
Je mourrai de fouci ,
Si
Ta
A O UST . 1730. 1767
Ta rigueur dure ,
De ton coeur fais-moi donc
Don ,
Je t'en conjure.
Pour moi ton coeur n'eft point ingrat
Mais fans Contrat ,
Point d'affaire ;
C'est un trompeur que Cupidon ,
Et la Raifon ,
Me függere
Qu'on n'a de ce vaurien
Rien ,
Quand la Bérgere ,
Donne à quelque garçon ,
Son
Coeur fans Notaire.
Maître d'un joli Jardinet,
f
Lucas y fait
Peu d'ouvrage ,
7
Et quand quelqu'un veut ſe mêler
D'y travailler ,
Il fait rage ,
N'a-t-il pas , ce Butord
Tort ,
Quand il nous prive
D'un bien que ce Balourd ,
H vj
Lourd
1
1868 MERCURE DE FRANCE
C
Lourt
Très-mal cultive.
Pour nous aimer , trinquons fouvent }
L'amour ſe prend
Dans le verre ;
Les coeurs forment des noeuds en vain
Si le bon vin
Ne les ferre ,
Cela ne tient jamais
Mais ,
La fimpatie ,
Quand Bacchus l'entretient ;
Tient
Toute la vie.
Maris , voulez-vous fuir l'affront ;
Qu'à votre front ,
On peut faire ;
Au logis ne léfinez point ,
C'eft - là le point
Neceffaire ;
On eft pour vous conſtant
Tant ,
Que rien ne chomme ;
Qui ménage l'argent ,
Jean
Bien- tôt fe nomme.
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Résumé : Les deux Suivantes, Comédie, [titre d'après la table]
Le 20 juillet 1730, l'Opéra Comique de la Foire Saint-Laurent a présenté pour la première fois la pièce 'Les deux Suivantes'. L'intrigue se concentre sur Lucinde, qui organise le mariage de sa fille Flavie avec M. Orgon, un gentilhomme de province. Orgon a un fils, Léandre, parti en voyage, dont il est sans nouvelles, ce qui le pousse à envisager de se remarier. Par hasard, Léandre rencontre Flavie lors d'un bal et en tombe amoureux. Pour la revoir, il convainc Lisette, la suivante de Flavie, de l'aider en se déguisant en suivante. Lisette présente Léandre, déguisé en Clarice, à Lucinde et Flavie. Flavie trouve Clarice charmante et remarque qu'elle ressemble à un cavalier rencontré au bal. Lisette révèle finalement à Flavie la véritable identité de Clarice. Lorsque Orgon arrive, il découvre Flavie en compagnie de Léandre, déguisé en cavalier. Lisette avoue alors son rôle dans la supercherie. Orgon, irrité, reconnaît finalement Léandre comme son fils. La pièce se conclut par le mariage de Léandre et Flavie, suivi d'un divertissement et d'un vaudeville composé par M. Gilliers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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460
p. 1962-1967
ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
Début :
Le Pere Jean Antoine du Cerceau est mort subitement à Veret, le quatréme [...]
Mots clefs :
Histoire, Ouvrage, Compagnie de Jésus, Recueil, Jean-Antoine du Cerceau, Mort
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texteReconnaissance textuelle : ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
ELOGE du R. P. du Cerceau de la
Compagnie de Jefus.
L
E Pere Jean Antoine du Cerceau eft
mort fubitement à Veret , le quatriéme
de Juillet de cette année , âgé d'environ
60, ans. Il éroit né à Paris , l'an 1670 .
& il étoit né Poëte. Il fe diftingua de
bonne heure dans la Compagnie de Jefus
où Dieu l'avoit appellé , par des Poëmes
dont les Connoiffeurs admirerent la Verfification
& la Latinité. Les fujets de ces
Poëmes font les Poules , les Papillons , Baltazar
& l'Enfant Prodigue , Piéce de Thea
tre qu'il a traduite en Vers François , &
qui
SEPTEMBRE . 1730. 1963
qui repréſentée plufieurs fois , a toujours
fait répandre beaucoup de larmes . On a
un Recueil de fes Vers Latins.
,
Il quitta bientôt les Mufes Latines trop
férieufes ingrat à leurs bienfaits , il fe
livra entierement à fon génie qui le portoit
à une Poëfie familiere , fans baffeffe
naïve avec efprit , negligée en apparence,
& travaillée en effet , délicate & piquante
, qui retient quelques termes anciens
de Marot , & qui copie plus exactement
fa maniere de penfer que fon langage.
Le P. du Cerceau étoit original en ce
genre d'écrire ; le Recueil de fes Ouvrages
a été imprimé plufieurs fois chez
Etienne , fans nom d'Auteur ; on y apprend
que les Mufes badines lui atirerent
d'affez grands chagrins . Ses Poëfies ne font
pas les feuls fruits d'un génie heureux ;
les Lettres d'un Abbé à Eudoxe fur l'Apologie
des Provinciales ; deux petites Satyres,
où regne la meilleure plaifanterie , & la
Critique de l'Hiftoire des Flagellan's , écrite
en Latin par l'Abbé Boileau , prouvent
que fa Profe avoit toute la vivacité &
toute la fineffe de fes Vers.
Le P. du Cerceau n'étoit pas borné à
cette efpece d'Ouvrage , dont la délicateffe
fait tout le prix ; il s'élevoit quand
il vouloit en prendre la peine. L'Oraifon
du Dauphin prononcée à Bourges , & imprimée
1964 MERCURE DE FRANCE
primée , ne laiffe pas douter qu'il n'eut
tenu un rang parmi les Orateurs , fi l'éloquence
avoit eu pour lui les attraits de la
Poëfie.
Son efprit étoit de ces efprits faciles
qui prennent aifément toutes les formes .
Sa Compagnie s'eft fervie de fa plume
contre l'étonnante calomnie de Breft , fi
temerairement entrepriſe , fi pleinement
découverte & fi folemnellement jugée.
Les Factums font de lui.
Engagé par quelques circonftances à
donner l'Hiftoire de la derniere Révolution
de Perfe fur d'excellens Mémoires ; cẹt
Ouvrage achevé en peu de tems fait regreter
qu'il n'ait donné au Public que cette
Hiftoire.
,
Ceux entre les mains defquels fes papiers
font tombés pourroient rendre public
un Ouvrage auquel il ne manque
que cinq ou fix pages ; c'eft l'Hiftoire de
Nicolo Gabrins , fils d'une Lavandiere
qui entreprit l'an 1447. de rétablir la République
Romaine. Cet évenement peu
connu , joint les agréables furprifes du
Roman à la verité de l'Hiftoire , on s'étonnera
qu'il n'ait pas mis la derniere
. main à un Ouvrage prefque fini 25. ans
avant fa mort , ceux qui s'en étonneront
n'ont pas connu le Pere du Cerceau ; fon
eſprit lui a rendu de grands fervices , par
recon
J
SEPTEMBRE . 1730. 1965
reconnoiffance il ne le contraignoit pas ,
il en fuivoit avec trop de complaifance
les mouvemens les moins reglés ; combien
d'ouvrages a t'il commencés tandis
qu'une certaine impetuofité d'imagination
duroit , il les pouffoit avec vigueur , il y
employoit les jours & les nuits ; dès que
cette imagination un peu capricieuſe fe
refroidiffoit , il les abandonnoit & les
oublioit entierement. La lifte de fes Ouvrages
commencés feroit longue ; on y
verroit des Commentaires François fur
Horace , fur les Lettres de Pline , fur les
Dialogues de Ciceron de la Nature des
Dieux , aucun des trois n'a paffé quelques
cayers . Il a pouffé plus loin des Ouvrages
d'un moindre projet , entr'autres un
Effai fur le caractere du ftile Poëtique & un
Traité de la Perspective . On n'auroit pas
dû attendre un Traité de Mathematique
d'un homme que les Belles Lettres ont
occupé toute la vie ; mais , je l'ai déja dit,
fon efprit prenoit toutes les formes . Divers
Extraits qu'on lit dans les Mémoires
de Trévoux , aufquels il a travaillé plufieurs
années , en differens tems , prouvent
que les recherches les plus épineufes
ne l'effrayoient pas , & qu'il en foûtenoit
la peine , pourvû qu'il ne fallut pas la
foûtenir long tems. Engagé fur la fin de
fa vie à défendre une explication d'Horacc
1966 MERCURE DE FRANCE
race qu'il avoit fuggerée au P. Sanadon
il est entré dans ce que l'ancienne Mufique
a de plus profond , & de plus inacceffible
; il y a porté la lumiere , & repouffé
les attaques d'un fçavant Adverfaire
avec tant de force que la victoire eft
encore douteuſe ; il aimoit la Mufique ,
jufqu'à la pratiquer , & il a compofé plufieurs
Airs.
La plupart des Pièces que les Penfionnaires
du College de Louis le Grand
jouënt chaque année font de lui ; ils ont
repréfenté plus d'une fois avec un fuccès
conftant Lefaux Duc de Bourgogne , Efope
au College , l'Ecole des Peres , le Point
d'honneur & les Confins. Le fort du
Philofophe à la mode , du Riche imaginaire
& d'Euloge a été moins heureux. Le
Pere du Cerceau cheififfoit bien fon fujet;
il peignoit à merveille le ridicule ; fes caracteres
étoient foutenus ; fon Comique
n'étoit jamais plat ; mais il ſe laiffoit preffer
; il croquoit quelquefois fes Tableaux
& fa Verfification fe fentoit trop de la
précipitation de fon travail ; il auroit
égalé les meilleurs Comiques s'il avoit pû
retoucher fes Piéces , fon génie un peu
trop libertin ne le lui permettoit pas . Les
qualités de fon coeur le rendoient encore
plus eſtimable que la beauté de fon efprit;
il étoit d'un commerce doux & aifé , fans
ambi.
SEPTEMBRE . 1730. 1967
ambition & incapable d'envie. On le
voyoit avec plaifir dans le grand monde ,
& il ne le cherchoit pas : eftimé dans fon
Corps dont il rempliffoit les devoirs fans
oftentation. Les larmes du Prince de Conti
fon Eleve , font l'éloge & de l'illuftre Dif
ciple & du Maître.
Compagnie de Jefus.
L
E Pere Jean Antoine du Cerceau eft
mort fubitement à Veret , le quatriéme
de Juillet de cette année , âgé d'environ
60, ans. Il éroit né à Paris , l'an 1670 .
& il étoit né Poëte. Il fe diftingua de
bonne heure dans la Compagnie de Jefus
où Dieu l'avoit appellé , par des Poëmes
dont les Connoiffeurs admirerent la Verfification
& la Latinité. Les fujets de ces
Poëmes font les Poules , les Papillons , Baltazar
& l'Enfant Prodigue , Piéce de Thea
tre qu'il a traduite en Vers François , &
qui
SEPTEMBRE . 1730. 1963
qui repréſentée plufieurs fois , a toujours
fait répandre beaucoup de larmes . On a
un Recueil de fes Vers Latins.
,
Il quitta bientôt les Mufes Latines trop
férieufes ingrat à leurs bienfaits , il fe
livra entierement à fon génie qui le portoit
à une Poëfie familiere , fans baffeffe
naïve avec efprit , negligée en apparence,
& travaillée en effet , délicate & piquante
, qui retient quelques termes anciens
de Marot , & qui copie plus exactement
fa maniere de penfer que fon langage.
Le P. du Cerceau étoit original en ce
genre d'écrire ; le Recueil de fes Ouvrages
a été imprimé plufieurs fois chez
Etienne , fans nom d'Auteur ; on y apprend
que les Mufes badines lui atirerent
d'affez grands chagrins . Ses Poëfies ne font
pas les feuls fruits d'un génie heureux ;
les Lettres d'un Abbé à Eudoxe fur l'Apologie
des Provinciales ; deux petites Satyres,
où regne la meilleure plaifanterie , & la
Critique de l'Hiftoire des Flagellan's , écrite
en Latin par l'Abbé Boileau , prouvent
que fa Profe avoit toute la vivacité &
toute la fineffe de fes Vers.
Le P. du Cerceau n'étoit pas borné à
cette efpece d'Ouvrage , dont la délicateffe
fait tout le prix ; il s'élevoit quand
il vouloit en prendre la peine. L'Oraifon
du Dauphin prononcée à Bourges , & imprimée
1964 MERCURE DE FRANCE
primée , ne laiffe pas douter qu'il n'eut
tenu un rang parmi les Orateurs , fi l'éloquence
avoit eu pour lui les attraits de la
Poëfie.
Son efprit étoit de ces efprits faciles
qui prennent aifément toutes les formes .
Sa Compagnie s'eft fervie de fa plume
contre l'étonnante calomnie de Breft , fi
temerairement entrepriſe , fi pleinement
découverte & fi folemnellement jugée.
Les Factums font de lui.
Engagé par quelques circonftances à
donner l'Hiftoire de la derniere Révolution
de Perfe fur d'excellens Mémoires ; cẹt
Ouvrage achevé en peu de tems fait regreter
qu'il n'ait donné au Public que cette
Hiftoire.
,
Ceux entre les mains defquels fes papiers
font tombés pourroient rendre public
un Ouvrage auquel il ne manque
que cinq ou fix pages ; c'eft l'Hiftoire de
Nicolo Gabrins , fils d'une Lavandiere
qui entreprit l'an 1447. de rétablir la République
Romaine. Cet évenement peu
connu , joint les agréables furprifes du
Roman à la verité de l'Hiftoire , on s'étonnera
qu'il n'ait pas mis la derniere
. main à un Ouvrage prefque fini 25. ans
avant fa mort , ceux qui s'en étonneront
n'ont pas connu le Pere du Cerceau ; fon
eſprit lui a rendu de grands fervices , par
recon
J
SEPTEMBRE . 1730. 1965
reconnoiffance il ne le contraignoit pas ,
il en fuivoit avec trop de complaifance
les mouvemens les moins reglés ; combien
d'ouvrages a t'il commencés tandis
qu'une certaine impetuofité d'imagination
duroit , il les pouffoit avec vigueur , il y
employoit les jours & les nuits ; dès que
cette imagination un peu capricieuſe fe
refroidiffoit , il les abandonnoit & les
oublioit entierement. La lifte de fes Ouvrages
commencés feroit longue ; on y
verroit des Commentaires François fur
Horace , fur les Lettres de Pline , fur les
Dialogues de Ciceron de la Nature des
Dieux , aucun des trois n'a paffé quelques
cayers . Il a pouffé plus loin des Ouvrages
d'un moindre projet , entr'autres un
Effai fur le caractere du ftile Poëtique & un
Traité de la Perspective . On n'auroit pas
dû attendre un Traité de Mathematique
d'un homme que les Belles Lettres ont
occupé toute la vie ; mais , je l'ai déja dit,
fon efprit prenoit toutes les formes . Divers
Extraits qu'on lit dans les Mémoires
de Trévoux , aufquels il a travaillé plufieurs
années , en differens tems , prouvent
que les recherches les plus épineufes
ne l'effrayoient pas , & qu'il en foûtenoit
la peine , pourvû qu'il ne fallut pas la
foûtenir long tems. Engagé fur la fin de
fa vie à défendre une explication d'Horacc
1966 MERCURE DE FRANCE
race qu'il avoit fuggerée au P. Sanadon
il est entré dans ce que l'ancienne Mufique
a de plus profond , & de plus inacceffible
; il y a porté la lumiere , & repouffé
les attaques d'un fçavant Adverfaire
avec tant de force que la victoire eft
encore douteuſe ; il aimoit la Mufique ,
jufqu'à la pratiquer , & il a compofé plufieurs
Airs.
La plupart des Pièces que les Penfionnaires
du College de Louis le Grand
jouënt chaque année font de lui ; ils ont
repréfenté plus d'une fois avec un fuccès
conftant Lefaux Duc de Bourgogne , Efope
au College , l'Ecole des Peres , le Point
d'honneur & les Confins. Le fort du
Philofophe à la mode , du Riche imaginaire
& d'Euloge a été moins heureux. Le
Pere du Cerceau cheififfoit bien fon fujet;
il peignoit à merveille le ridicule ; fes caracteres
étoient foutenus ; fon Comique
n'étoit jamais plat ; mais il ſe laiffoit preffer
; il croquoit quelquefois fes Tableaux
& fa Verfification fe fentoit trop de la
précipitation de fon travail ; il auroit
égalé les meilleurs Comiques s'il avoit pû
retoucher fes Piéces , fon génie un peu
trop libertin ne le lui permettoit pas . Les
qualités de fon coeur le rendoient encore
plus eſtimable que la beauté de fon efprit;
il étoit d'un commerce doux & aifé , fans
ambi.
SEPTEMBRE . 1730. 1967
ambition & incapable d'envie. On le
voyoit avec plaifir dans le grand monde ,
& il ne le cherchoit pas : eftimé dans fon
Corps dont il rempliffoit les devoirs fans
oftentation. Les larmes du Prince de Conti
fon Eleve , font l'éloge & de l'illuftre Dif
ciple & du Maître.
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Résumé : ÉLOGE du R. P. du Cerceau de la Compagnie de Jesus.
Le Père Jean Antoine du Cerceau, né à Paris en 1670, est décédé subitement à Veret le 4 juillet 1730 à l'âge d'environ 60 ans. Il était poète et membre de la Compagnie de Jésus. Ses poèmes en latin étaient admirés pour leur versification et leur latinité. Ses sujets de prédilection incluaient les poules, les papillons, Baltazar, et une pièce de théâtre traduite en vers français, 'L'Enfant Prodigue', qui a connu plusieurs représentations réussies. Du Cerceau a ensuite abandonné la poésie latine pour se consacrer à une poésie familière, naïve et spirituelle, caractérisée par une apparence négligée mais travaillée. Il a publié plusieurs recueils de ses œuvres, souvent sans nom d'auteur, et a écrit des lettres, des satires et des critiques littéraires. Son esprit versatile lui permettait de s'adapter à divers genres littéraires. Il a également écrit des discours, comme l'oraison du Dauphin prononcée à Bourges, et a contribué à des écrits contre la calomnie de Brest. Engagé par des circonstances, il a rédigé l'histoire de la dernière révolution de Perse et a commencé plusieurs autres ouvrages, dont une histoire de Nicolò Gabrins, qu'il n'a pas achevée. Du Cerceau a également composé des airs de musique et a écrit des pièces de théâtre jouées par les pensionnaires du Collège de Louis le Grand. Ses qualités humaines, telles que sa douceur et son absence d'ambition, étaient remarquables. Les larmes du Prince de Conti, son élève, témoignent de l'estime et de l'affection qu'il inspirait.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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461
p. 1998-2001
Les quatre Facardins &c. [titre d'après la table]
Début :
LES QUATRE FACARDINS, Conte. Par M. le Comte Antoine Hamilton. [...]
Mots clefs :
Conte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Les quatre Facardins &c. [titre d'après la table]
LES QUATRE FACARDINS , Conte.
Par M. le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Jean François
Joffe 1730. in 12. de 328. pages.
Cet Ouvrage prefque tout écrit en Profe
, & fort facilement , commence par des
Vers dont nous nous bornerons à mettre
ici quelques Strophes.
Faut- il après le Renard blane ,
Aprés fleur d'Epine la blonde
Après Tarare fon Amant ,
Par un nouveau déc hainement ,
Faire encor troter à la ronde
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1999
Et l'heritiere d'Aſtrakan ·
Et le Prince de Trebizonde ?
Les Contes ont eu pour un tems
Des Lecteurs & des partifans ;
La Cour même en devint avide,
Et les plus celebres Romans
Pour les moeurs & les fentimens ,
Depuis Cyrus jufqu'à Zaïde ,
Ont vû languir leurs ornemens
Et cette lecture infipide
L'emporter fur leurs agrémens.
En vain des bords fameux d'Itaque
Le fage & renommé Mentor
Vint nous enrichir du tréfor
Que renferme fon Telemaque ;
En vain l'art de fon Precepteur
Etale avec délicateffe
Dans ce Roman de rare eſpèce
Ce qu'ont d'utile ou de trompeur
La politique & la tendreffe ,
Et cette fatale douceur
( Tendre fille de la moleffe )
Dont s'enyvre un Heros vainqueur
Aux pieds d'une jeune Maitreffe ,
Ou d'une habile Enchantereffe ,
Telle que les peint ce Docteur
É ij
E Inftruit
2000 MERCURE DE FRANCE
Inftruit de l'humaine foibleffe ,
Et curieux imitateur
Du ftile & des Fables de Grece,
La vogue qu'il eut dura peu ,
Et las de ne pouvoir comprendre
Les mifteres qu'il met en jeu ,
On courut au Palais les rendre
Et l'on s'empreffa d'y reprendre
Le Rameau d'or & l'Oifeau bleu :
Enfuite vinrent de Syrie
Volumes de Contes fans fin ,
Où l'on avoit mis à deffein
L'orientale Allegorie ,
Les Enigmes & le génie
Du Talmudiſte & du Rabbin ;
Et ce bon goût de leur Patrie ,
Qui loin de fe perdre en chemin
Parut fortant de chez Barbin
Plus Arabe qu'en Arabic,
- Mais enfin , graces au bon fens ;
Cette inondation fubite
De Califes & de Sultans ,
Qui formoit fa nombreuſe ſuite ,
Deformais en tous lieux profcrite ,
N'endort que les petits enfans,
Ce
SEPTEMBRE . 1730. 2001
Ce fut dans cette Paix profonde
Que moi , miferable pecheur ,
Je m'aviſai d'être l'Auteur
D'un fatras qu'on lut par le monde
Je l'entrepris en badinant ,
Et je fourrai dans cet Ouvrage
Ce qu'a de plus impertinent
Des Contes le vain étalage ;
Mais je ne fus pas affez fage
Pour m'en tenir à ce fragment ,
J'y joignis un fecond étage.
Pour marquer les abfurdités
De ces recits mal inventés ,
Un Effai peut être excufable ;
Mais dans ces Effais repetés
L'Ecrivain lui-même eſt la Fable
Des Contes qu'il a critiqués.
Par M. le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Jean François
Joffe 1730. in 12. de 328. pages.
Cet Ouvrage prefque tout écrit en Profe
, & fort facilement , commence par des
Vers dont nous nous bornerons à mettre
ici quelques Strophes.
Faut- il après le Renard blane ,
Aprés fleur d'Epine la blonde
Après Tarare fon Amant ,
Par un nouveau déc hainement ,
Faire encor troter à la ronde
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1999
Et l'heritiere d'Aſtrakan ·
Et le Prince de Trebizonde ?
Les Contes ont eu pour un tems
Des Lecteurs & des partifans ;
La Cour même en devint avide,
Et les plus celebres Romans
Pour les moeurs & les fentimens ,
Depuis Cyrus jufqu'à Zaïde ,
Ont vû languir leurs ornemens
Et cette lecture infipide
L'emporter fur leurs agrémens.
En vain des bords fameux d'Itaque
Le fage & renommé Mentor
Vint nous enrichir du tréfor
Que renferme fon Telemaque ;
En vain l'art de fon Precepteur
Etale avec délicateffe
Dans ce Roman de rare eſpèce
Ce qu'ont d'utile ou de trompeur
La politique & la tendreffe ,
Et cette fatale douceur
( Tendre fille de la moleffe )
Dont s'enyvre un Heros vainqueur
Aux pieds d'une jeune Maitreffe ,
Ou d'une habile Enchantereffe ,
Telle que les peint ce Docteur
É ij
E Inftruit
2000 MERCURE DE FRANCE
Inftruit de l'humaine foibleffe ,
Et curieux imitateur
Du ftile & des Fables de Grece,
La vogue qu'il eut dura peu ,
Et las de ne pouvoir comprendre
Les mifteres qu'il met en jeu ,
On courut au Palais les rendre
Et l'on s'empreffa d'y reprendre
Le Rameau d'or & l'Oifeau bleu :
Enfuite vinrent de Syrie
Volumes de Contes fans fin ,
Où l'on avoit mis à deffein
L'orientale Allegorie ,
Les Enigmes & le génie
Du Talmudiſte & du Rabbin ;
Et ce bon goût de leur Patrie ,
Qui loin de fe perdre en chemin
Parut fortant de chez Barbin
Plus Arabe qu'en Arabic,
- Mais enfin , graces au bon fens ;
Cette inondation fubite
De Califes & de Sultans ,
Qui formoit fa nombreuſe ſuite ,
Deformais en tous lieux profcrite ,
N'endort que les petits enfans,
Ce
SEPTEMBRE . 1730. 2001
Ce fut dans cette Paix profonde
Que moi , miferable pecheur ,
Je m'aviſai d'être l'Auteur
D'un fatras qu'on lut par le monde
Je l'entrepris en badinant ,
Et je fourrai dans cet Ouvrage
Ce qu'a de plus impertinent
Des Contes le vain étalage ;
Mais je ne fus pas affez fage
Pour m'en tenir à ce fragment ,
J'y joignis un fecond étage.
Pour marquer les abfurdités
De ces recits mal inventés ,
Un Effai peut être excufable ;
Mais dans ces Effais repetés
L'Ecrivain lui-même eſt la Fable
Des Contes qu'il a critiqués.
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Résumé : Les quatre Facardins &c. [titre d'après la table]
Le texte présente 'Les Quatre Facardins', un conte écrit par le Comte Antoine Hamilton et publié à Paris en 1730. L'ouvrage, principalement en prose et facile à lire, commence par des vers. Il met en scène des personnages tels que l'héritière d'Astrakan et le Prince de Trebizonde. Le conte discute de la popularité passée des contes et des romans, qui ont été remplacés par d'autres lectures. Malgré l'arrivée d'œuvres comme 'Télémaque' de Fénelon, la vogue des contes a décliné, laissant place à des volumes de contes orientaux. L'auteur, se présentant comme un 'misérable pécheur', avoue avoir écrit ce 'fatras' par badinage, y incluant des éléments impertinents des contes. Il reconnaît également avoir ajouté un second niveau à son ouvrage pour critiquer les absurdités des récits mal inventés, tout en admettant que ces essais répétés font de lui-même la fable des contes qu'il critique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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462
p. 2018-2019
Morts de quelques Sçavans [titre d'après la table]
Début :
Jean-Antoine de Barras de la Penne, Commandeur de l'Ordre Militaire de S. Louis, premier [...]
Mots clefs :
Littérature, Histoire, Belles-lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Morts de quelques Sçavans [titre d'après la table]
Jean-Antoine de Barras de la Penne , Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis , premier
Chef d'Eſcadre des Galeres du Roi , Inſpecteur
des Conftructions , & Commandant au Port
de Marfeille, mourut dans cette Ville,le 18. Juillet
dernier , âgê de près de 80. ans. M. de Barras
étoit d'Arles & d'une ancienne Maiſon de Provence.
Il s'eft diftingué par fon zele & par fon
attachement au fervice , ainfi que par fes lumieres
& par les connoiffances qu'il avoit acquifes
dans les Mathématiques , fur tout dans l'Hydro- .
graphie & dans tout ce qui concernoit particulierement
fa Profeffion. Il a compofé des Memoires
Hiftoriques & Critiques fur les divers
Ordres de Rames dans les Galeres des Anciens ,
& d'autres Memoires fur la force & l'utilité des
Galeres en particulier , & fur l'importance de la
Marine en general , en plufieurs Volumes qui
n'ont pas été imprimez & qui méritent de voir
le jour.
N. Moulat , Avocat & ancien Affeffeur de
Marfeille , mourut le même jour dans cette Ville
âgé
.
SEPTEMBRE . 1730. 2019
agé d'environ so . ans . Outre le fçavoir dont il
étoit rempli fur toutes les matieres de fa Profeffion
, qu'il a exercée avec beaucoup d'honneur
il a cultivé toute fa vie les Belles- Lettres , & en
particulier la Poëfie pour laquelle il avoit un ta
lent particulier. Député à la Cour en l'année
1715. pour des affaires importantes de la Ville
de Marfeille , il compofa cette belle Ode à la
gloire du Maréchal de Villars , qui fut eftiméd
des connoiffeurs , & qui lui attira des applaudiffemens
légitimes . C'eſt dans ce même temps que
M. Moulat forma à Paris avec un autre Marfeillois
de fes amis , le premier Projet d'un établiffement
Académique à Marseille , ainfi qu'il a été
dit dans le Mercure de France du mois de Décembre
1728. fecond volume , page 2811 .
François de Rémerville , Seigneur de S. Quentin
, de l'Académie Royale des Belles - Lettres de
Marſeille , mourut à Apt en Provence , fa Patrie,"
fur la fin du même mois de Juillet, âgé d'environ
80. ans, il a donné au Public plufieurs Ouvrages de
Litterature , & en a laiffé plufieurs autres de fa
compofition fur l'Hiftoire de Provence , dans laquelle
il étoit très - verfé , auffi- bien que dans l'Hif
toire Généalogique des Maifons illuftres & des
Familles diftinguées de cette Province.
de l'Ordre Militaire de S. Louis , premier
Chef d'Eſcadre des Galeres du Roi , Inſpecteur
des Conftructions , & Commandant au Port
de Marfeille, mourut dans cette Ville,le 18. Juillet
dernier , âgê de près de 80. ans. M. de Barras
étoit d'Arles & d'une ancienne Maiſon de Provence.
Il s'eft diftingué par fon zele & par fon
attachement au fervice , ainfi que par fes lumieres
& par les connoiffances qu'il avoit acquifes
dans les Mathématiques , fur tout dans l'Hydro- .
graphie & dans tout ce qui concernoit particulierement
fa Profeffion. Il a compofé des Memoires
Hiftoriques & Critiques fur les divers
Ordres de Rames dans les Galeres des Anciens ,
& d'autres Memoires fur la force & l'utilité des
Galeres en particulier , & fur l'importance de la
Marine en general , en plufieurs Volumes qui
n'ont pas été imprimez & qui méritent de voir
le jour.
N. Moulat , Avocat & ancien Affeffeur de
Marfeille , mourut le même jour dans cette Ville
âgé
.
SEPTEMBRE . 1730. 2019
agé d'environ so . ans . Outre le fçavoir dont il
étoit rempli fur toutes les matieres de fa Profeffion
, qu'il a exercée avec beaucoup d'honneur
il a cultivé toute fa vie les Belles- Lettres , & en
particulier la Poëfie pour laquelle il avoit un ta
lent particulier. Député à la Cour en l'année
1715. pour des affaires importantes de la Ville
de Marfeille , il compofa cette belle Ode à la
gloire du Maréchal de Villars , qui fut eftiméd
des connoiffeurs , & qui lui attira des applaudiffemens
légitimes . C'eſt dans ce même temps que
M. Moulat forma à Paris avec un autre Marfeillois
de fes amis , le premier Projet d'un établiffement
Académique à Marseille , ainfi qu'il a été
dit dans le Mercure de France du mois de Décembre
1728. fecond volume , page 2811 .
François de Rémerville , Seigneur de S. Quentin
, de l'Académie Royale des Belles - Lettres de
Marſeille , mourut à Apt en Provence , fa Patrie,"
fur la fin du même mois de Juillet, âgé d'environ
80. ans, il a donné au Public plufieurs Ouvrages de
Litterature , & en a laiffé plufieurs autres de fa
compofition fur l'Hiftoire de Provence , dans laquelle
il étoit très - verfé , auffi- bien que dans l'Hif
toire Généalogique des Maifons illuftres & des
Familles diftinguées de cette Province.
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Résumé : Morts de quelques Sçavans [titre d'après la table]
En juillet 1730, trois personnalités marseillaises sont décédées. Jean-Antoine de Barras de la Penne, Commandeur de l'Ordre de Saint-Louis, Chef d'Escadre des Galères du Roi, Inspecteur des Constructions et Commandant au Port de Marseille, est mort à Marseille le 18 juillet à près de 80 ans. Originaire d'Arles, il était connu pour son zèle, son attachement au service et ses compétences en mathématiques, notamment en hydrographie. Il a rédigé des mémoires sur les ordres de rames dans les galères des Anciens, la force et l'utilité des galères, ainsi que sur l'importance de la marine, mémoires non imprimés mais méritant de l'être. Le même jour, Nicolas Moulat, avocat et ancien assesseur de Marseille, est décédé à Marseille à environ 60 ans. Moulat était reconnu pour son savoir juridique et sa passion pour les Belles-Lettres, notamment la poésie. En 1715, il a composé une ode à la gloire du Maréchal de Villars et a proposé la création d'une académie à Marseille. François de Rémerville, Seigneur de Saint-Quentin et membre de l'Académie Royale des Belles-Lettres de Marseille, est mort à Apt en Provence à la fin du mois de juillet à environ 80 ans. Il a publié plusieurs ouvrages de littérature et laissé des œuvres sur l'histoire de Provence et l'histoire généalogique des familles distinguées de cette province.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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463
p. 2020-2022
« L'Académie Royale de Musique reprit le 31. Août l'Opera d'Hesione qu'on [...] »
Début :
L'Académie Royale de Musique reprit le 31. Août l'Opera d'Hesione qu'on [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Académie Royale de Musique reprit le 31. Août l'Opera d'Hesione qu'on [...] »
SPECTACLES.
' Académie Royale de Mufique reprit
le 31. Août l'Opera d'Hefione qu'on
avoit remis au Théatre en Septembre
*729 . La Dile Le Maure qui avoit quitté
le Théatre au mois d'Août 1727. y chanta
le Rôle dHefione avec beaucoup d'applaudiffement.
Le Public paroît fort fatisfait
de la rentrée de cette Actrice
dont la belle & grande voix a toujours
fait un extrême plaifir.;
La même Académie voulant prendre
part à l'allegreffe publique pour la Naiſ
fance de Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
fit faire des feux & des illuminations devant
la principale Porte le jour que le Te
Deum fut chanté à Notre- Dame , & donna
le 4. Septembre l'Opera gratis au Public.
On joua le Balet du Carnaval & de
la Folie qui fatisfit parfaitement une foule
de peuple qui étoit accouruë de tous les
differens Quartiers de Paris , & qui avoit
commencé dès midi à fe placer. Malgré
ce grand concours tout fe paffa fans confufion
ni defordre par les bons ordres que
les nouveaux Directeurs de l'Académie
avoient donnés.
La même Académie donna le ro. par
extraordinaire le Bal fur le Théatre de
l'Opera ; il fut précedé d'un Concert
compofé de Choeurs & de Simphonies
choifies .
En apprenant à ceux de nos Lecteurs
qui l'ignorent la rentrée de la Dlle Le
Maure à l'Opera , nous fommes bien fûrs
du plaifir que cette nouvelle leur fera ;
F mais
2022 MERCURE DE FRANCE
mais c'eſt à regret que nous leur annon
cerons la retraite du S, Thevenard & de la
Die Prevost , deux Sujets inimitables , l'un
dans le noble & le beau chant & l'autre dans
la danfe legere & gracieufe. Ils ont fait pen
dant très long tems les plaifirs du Public,
qui a toûjours honoré leurs talens de
beaucoup d'applaudiffemens , & il y a
lieu de croire qu'il n'en perdra pas fi tôt le
fouvenir. Leurs penfions viageres font reglées
à 1500.livres & à rooo. livres .
' Académie Royale de Mufique reprit
le 31. Août l'Opera d'Hefione qu'on
avoit remis au Théatre en Septembre
*729 . La Dile Le Maure qui avoit quitté
le Théatre au mois d'Août 1727. y chanta
le Rôle dHefione avec beaucoup d'applaudiffement.
Le Public paroît fort fatisfait
de la rentrée de cette Actrice
dont la belle & grande voix a toujours
fait un extrême plaifir.;
La même Académie voulant prendre
part à l'allegreffe publique pour la Naiſ
fance de Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
fit faire des feux & des illuminations devant
la principale Porte le jour que le Te
Deum fut chanté à Notre- Dame , & donna
le 4. Septembre l'Opera gratis au Public.
On joua le Balet du Carnaval & de
la Folie qui fatisfit parfaitement une foule
de peuple qui étoit accouruë de tous les
differens Quartiers de Paris , & qui avoit
commencé dès midi à fe placer. Malgré
ce grand concours tout fe paffa fans confufion
ni defordre par les bons ordres que
les nouveaux Directeurs de l'Académie
avoient donnés.
La même Académie donna le ro. par
extraordinaire le Bal fur le Théatre de
l'Opera ; il fut précedé d'un Concert
compofé de Choeurs & de Simphonies
choifies .
En apprenant à ceux de nos Lecteurs
qui l'ignorent la rentrée de la Dlle Le
Maure à l'Opera , nous fommes bien fûrs
du plaifir que cette nouvelle leur fera ;
F mais
2022 MERCURE DE FRANCE
mais c'eſt à regret que nous leur annon
cerons la retraite du S, Thevenard & de la
Die Prevost , deux Sujets inimitables , l'un
dans le noble & le beau chant & l'autre dans
la danfe legere & gracieufe. Ils ont fait pen
dant très long tems les plaifirs du Public,
qui a toûjours honoré leurs talens de
beaucoup d'applaudiffemens , & il y a
lieu de croire qu'il n'en perdra pas fi tôt le
fouvenir. Leurs penfions viageres font reglées
à 1500.livres & à rooo. livres .
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Résumé : « L'Académie Royale de Musique reprit le 31. Août l'Opera d'Hesione qu'on [...] »
Le 31 août, l'Académie Royale de Musique a repris l'opéra *Hippolyte* au théâtre, après une remise en scène en septembre 1729. La Dlle Le Maure, de retour après une absence depuis août 1727, a interprété le rôle principal avec succès, recevant de nombreux applaudissements pour sa belle et puissante voix. Pour célébrer la naissance du Duc d'Anjou, l'Académie a organisé des feux d'artifice et des illuminations le jour du Te Deum à Notre-Dame. Le 4 septembre, l'opéra *Le Carnaval et la Folie* a été offert gratuitement au public, satisfaisant une foule venue de divers quartiers de Paris. Malgré l'affluence, l'organisation a assuré un déroulement sans confusion. L'Académie a également présenté un ballet extraordinaire précédé d'un concert de chœurs et symphonies. Le retour de la Dlle Le Maure a été salué, tandis que le retrait de M. Thévenard et de la Dlle Prévost a été annoncé avec regret. Leurs pensions viagères sont fixées à 1500 livres et 1000 livres respectivement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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464
p. 2022-2032
Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Début :
Le 24. Août, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opera Comique donna une petite [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Amour, Paris, Dieu, Reine, Province, Roi, Apollon, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Le 24. Août , veille de la Fête de Saint
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
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Résumé : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Le 24 août 1730, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opéra Comique a présenté une pièce en vaudeville intitulée 'Le Bouquet du Roi' en l'honneur de la naissance du Duc d'Anjou. Cette pièce, écrite par M. Panard et accompagnée de la musique de M. Gillier, se compose de trois entrées. Dans la première entrée, la Ville de Paris, personnifiée et accompagnée de sa suite, invite ses habitants à célébrer la fête du roi. Elle chante les bienfaits du ciel et la joie apportée par la naissance du prince. Les habitants expriment leur allégresse par des danses. Dans la seconde entrée, les députés des principales provinces de France rejoignent la Ville de Paris pour partager leur joie. Chaque province forme un ballet et exprime son désir de voir le nouveau prince comme héritier. La Normandie et la Gascogne rivalisent pour cet honneur, mais la Ville de Paris assure que chaque province aura son prince. La troisième entrée est précédée de trois scènes. L'Opéra Comique se plaint à la Ville de Paris de ne plus être visité dans le faubourg. La Ville répond en reprochant à l'Opéra Comique son silence. L'Opéra Comique rétorque qu'il a toujours été zélé et raconte une visite au Parnasse où Apollon était occupé. L'Amour intervient alors, affirmant qu'il est le seul à pouvoir aider. Il promet d'aller présenter les vœux au roi après une fête des Arts. Les Arts, dirigés par l'Amour, élèvent un trophée à la gloire du roi, représentant la famille royale. La Ville de Paris chante ensuite l'image auguste et brillante des souverains. La décoration du trophée est bien imaginée et exécutée. Les Arts forment un ballet général suivi d'un vaudeville où chaque art exprime son rôle et son admiration pour le roi. Le 1er septembre, ce spectacle a été donné gratuitement à l'occasion de la naissance du Duc d'Anjou. La journée a également inclus une comédie, un bal et des illuminations, se déroulant sans désordre et au grand contentement du public. Le 5 septembre, l'Opéra Comique a présenté deux nouvelles pièces en un acte : 'L'Amour Marin' et 'L'Espérance'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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465
p. 2022-2032
Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, [titre d'après la table]
Début :
Le 24. Août, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opera Comique donna une petite [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Amour, Paris, Dieu, Reine, Province, Roi, Apollon, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, [titre d'après la table]
Le 24. Août , veille de la Fête de Saint
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Fermer
466
p. 2032-2033
« Le premier de ce mois, les Comédiens Italien firent éclater leur joye pour la [...] »
Début :
Le premier de ce mois, les Comédiens Italien firent éclater leur joye pour la [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Naissance du duc d'Anjou
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le premier de ce mois, les Comédiens Italien firent éclater leur joye pour la [...] »
Le premier de ce mois , les Comédiens
Italiens firent éclater leur joye pour la
Naiffance de Monfeigneur le Duc D'ANJou
, avec beaucoup de zele. On alluma
des Feux & on fit des Illuminations dans
les deux ruës où font les Portes de l'Hôtel
de Bourgogne ; ils donnerent gratisle
même jour à une nombreuſe Affemblée
, les trois Comédies des Payfans de
Qualité , du Triomphe de Plutus , & du
May , ornées de Divertiffemens qui fatisfirent
extrémement les Spectateurs. Le
feur Charpentier , excellent Joueur de
Mufette
SEPTEMBRE . 1730. 2033
Mulette , n'y contribua pas peu par les
differens Airs qu'il joüa.
Italiens firent éclater leur joye pour la
Naiffance de Monfeigneur le Duc D'ANJou
, avec beaucoup de zele. On alluma
des Feux & on fit des Illuminations dans
les deux ruës où font les Portes de l'Hôtel
de Bourgogne ; ils donnerent gratisle
même jour à une nombreuſe Affemblée
, les trois Comédies des Payfans de
Qualité , du Triomphe de Plutus , & du
May , ornées de Divertiffemens qui fatisfirent
extrémement les Spectateurs. Le
feur Charpentier , excellent Joueur de
Mufette
SEPTEMBRE . 1730. 2033
Mulette , n'y contribua pas peu par les
differens Airs qu'il joüa.
Fermer
Résumé : « Le premier de ce mois, les Comédiens Italien firent éclater leur joye pour la [...] »
Le 1er septembre 1730, les Comédiens Italiens célébrèrent la naissance du Duc d'Anjou. Des feux et des illuminations furent allumés dans les rues menant à l'Hôtel de Bourgogne. Ils offrirent trois comédies gratuites : 'Les Paysans de Qualité', 'Le Triomphe de Plutus' et 'Le May'. Les représentations incluaient des divertissements et des airs interprétés par Charpentier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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467
p. 2033-2053
LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Début :
Un Acteur François & Trivelin de la Comédie Italienne, se rencontrent par [...]
Mots clefs :
Arlequin, Divorce, Sergent, Théâtre, Procureur, Maître, Épouse, Époux, Comédies, Coeur, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Le 11. les mêmes Comédiens donnerent
une Piece nouvelle en trois Actes
avec des Divertiffemens , de la compofi
tion des fieurs Dominique & Romagnefy,
qui a pour titre , la Foire des Poëtes , l'Ifle
du Divorce & la Sylphide , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Voici
l'Extrait de chacune.
LA FOIRE DES POETES.
Un Acteur François & Trivelin de la
Comédie Italienne , fe rencontrent par
hazard , & ſe demandent réciproquement
comment ils ont pû pénetrer dans cet
azile ; Trivelin lui dit qu'il n'a rien de
caché pour lui , & qu'il veut bien fatisfaire
fa curiofité : Vous fçavez , ajoûte-t-il , que
nous en avons très-mal agi avec M les
Auteurs , qui picquez de nos Airs , ont
quitté Paris , dans la refolution de ne nous
plus donner de nouveautez ; que depuis leur
retraite nos Théatres ! anguiffent , &c. &
qu'il vient de la part de fa Troupe , ménager
un raccommodement ; Apollon ,
continue- t-il , a recueilli les Nouriffons
des Mufes , & leur a fait bâtir un Hôtel
magnifique , dans lequel il les entretient
& les nourrit , & tout ce qu'ils vendent
"
eft
2034 MERCURE
DE FRANCE
eft pour leurs menus plaifirs ; après une
defcription comique,l'Acteur François dit
qu'il a befoin d'une Tragédie , & prie
Trivelin de lui préter de l'argent pour
faire cette amplette ; Trivelin s'excufe fur
le befoin qu'il a de deux Comédies &
d'un Prologue , & qu'il fera bienheureux
s'il a de quoi payer une bonne Scene ,
n'ayant fur lui que quinze livres. Après
cette Scene , Trivelin dit à l'Acteur de
le fuivre , & qu'il va le conduire à l'Hôtel
des Poëtes , où ils tiennent une espece
de Foire.
Le Théatre change & repréfente un
Caffe rempli de Poëtes ; on chante en
choeur les paroles fuivantes :
Verfez de ce Caffé charmant ,
H eft notre unique aliment.
Un Poëte.
C'eft vous , aimable breuvage ,
Qui ranimez tous les efprits ;
Si-tôt que nous vous avons pris ,
Des Dieux nous parlons le langage ;
Nous rimons tous à qui mieux mieux,
Et faifis d'une docte extafe ,
Nous nous élevons juſqu'aux Cieux :
L'Onde que fit jaillir Pegaze ,
N'a rien de fi délicieux.
Verfez de ce Caffé charmant , &c.
訂
SEPTEMBRE. 1730. 2035
Il s'éleve auffi - tôt une difpute entre les
Poëtes. Les uns foutiennent que le Caffe
cauſe des infomnies ; les autres , qu'il fait
dormir. Après une courte Differtation ,
Trivelin & l'Acteur François s'avancent ,
les Poëtes offrent leur Marchandife ; l'Acteur
François demande une Tragédie , &
Trivelin deux Comédies & un Prologue ;
un Poëte en propofe une à l'Acteur , qu'il
foutient excellente ; un autre offre à Trivelin
deux Comédies ; ils fe retirent pour
en faire la lecture .
Une jeune fille vient demander à un
Poëte des Couplets de Chanſon pour fe
mocquer de fon Amant , qui eft trop timide
; le Poëte lui donne les Couplets
fuivans , qu'elle chante fur l'Air : Daphnis
m'aimoit fi tendrement.
Quand mon Amant me fait la cour ,
Il languit , il pleure , il ſoupire ,
Et paffe avec moi tout le jour ,
A me raconter fon martyre.
Ah! s'il le paffoit autrement
Il me plairoit infiniment.
L'autre jour dans un Bois charmant ;
Ecoutant chanter la Fauvette ,
Il me demanda tendrement ,
M'aimes-tu , ma chere Liſette :
2036 MERCURE DE FRANCE
Je lui dis , oui , je t'aime bien :
Il ne me demanda plus rien.
Puifque j'ai fait naître tes feux
Rien ne flate plus mon envie ,
Je fuis , reprit -il , trop heureux ;
O jour le plus beau de ma vie
Et répetoit à chaque inſtant ,
C'en eft affez , je fuis content.
De cet Amant plein de froideur
Il faut que je me dédommage ,
J'en veux un , qui de mon ardeur ,
Sçache faire un meilleur ufage ,
Qu'il foit heureux à chaque inftant
Et qu'il ne foit jamais content .
La jeune fille , fatisfaite des Couplets
après les avoir payez au Poëte , s'en retourne
en les chantant ; Trivelin revient.
avec l'Auteur qui lui a propofé les deux.
Comedies , il lui dit qu'il les trouve affez
jolies ; mais qu'il a befoin d'un Prologue ,
fur quoi l'Auteur lui répond : Comme
vous faites ufage de tout, voyez prendre leçon
à nos Apprentifs Poëtes , peut-être vous.
fervirez vous de cette idée pour un Prologue
Trivelin y confent ; auffi- tôt le Profeffeur
de Poëfie s'avance & chante ces paroles
Son
SEPTEMBRE. 1730. 2037
Son Profeffor di Poëfia ,
Della divina freneſia ,
Mon Art inſpire les tranſports ;
I miei canti ,
Sono incanti ;
I dotti , glignoranti ,.
Tout cft charmé de mes accords,
Venité miei cari ,
Scolari ,
A prender lezione ,
Dal dottor Lanternone.
Les Apprentifs Poëtes forment une Danfe
; le Profeffeur interroge un de fes Ecoliers
; ils dialoguent en chantant.
Le Profeffeur.
Pour être Poëte à prefent ,
Quel eft le talent neceffaire ?
L'Ecolier.
Il faut être plaisant ,
Quelquefois médifant ;
Et toujours plagiaire.
Le Profeffeur
Non e quefto ;
Dite preſto ,
Cio che bifogna far ,
Per ben verfificar.
L'E
2038 MERCURE DE FRANCE
-L'Ecolier.
Rimar , rimar , rimar .
Le Profeſſeur.
Bravo ; bene , bene , bene.
De qui faites- vous plus d'eftime ,
De la faifon ou de la rime
་
L'Ecolier.
La rime , fans comparaiſon ,
Doit l'emporter fur la raiſon.
Le Profeffeur.
Pourquoi cette diſtinction ?
L'Ecolier.
C'est qu'on entend toûjours la rime
Et qu'on n'entend point la raiſon,
Le Profeffeurs
Bravo ; bene , bene , bene.
Pour faire une Piece Lyrique ,
Autrement dit, un Opera nouveau,
Que faut-il pour le rendre beau ?
L'Ecolier.
De mauvais Vers & de bonne Mufique ,
Le Profeffeur.
Bravo ; bene , &c. \\
L'E
SEPTEMBRE. 1730 : 2039
Dans une Tragedie , Ouvrage d'importance ,
Que faut- il pour toucher les coeurs ?
L'Ecolier.
Un fonge , une reconnoiffance ,
Un récit & de bons Acteurs.
Le Profeffeur.
Bravo , bene , &c.
Auffi- tôt on entend une Symphonie
brillante. Le Profeffeur dit que c'eft Minerve
qui defcend ; la Folie paroît dans
le moment , & chante en s'adreffant aux
Poëtes,
Ingrats , me méconnoiffez -vous ?
N'eft- ce pas moi qui vous infpire ?
Qui dans vos tranſports les plus fous
Ay foin de monter votre Lyre ?
Allons , allons , fubiffez tous ;
Le joug de mon aimable empire
Et que chacun à mes genoux ,
S'applaudiffe de fon délire.
Viva , viva la Pazzia ,
La madre dell' allegria ,
Souveraine de tous les coeurs
Et la Minerve des Auteurs,
La Folie conduit les Poëtes à Paris
qui
2040 MERCURE DE FRANCE
qui eft , dit- elle , leur vrai féjour , tous
la fuivent en danfant avec elle & en
chantant :
Viva , viva la Pazzia , &c.
L'ISLE DU DIVORCE.
Valere & Arlequin fon Valet , arrivent
fur le Théatre d'un air triſte , & après
s'être regardez l'un & l'autre , Valere lui
demande s'il s'ennuye autant que lui , à
quoi Arlequin répond que c'eſt à peu près
la même chofe ; Valere ſoupire & témoi
gne les regrets que lluuii ccaauuffee llaa perte de
Silvia , fon Epoufe , qu'il a quittée, malgré
la vertu & fa fidelité , pour fe conformer
aux Coûtumes de l'Ifle , qui autorife
le divorce. Arlequin , à l'imitation
de Valere , marque le chagrin qu'il ref
fent d'avoir abandonné Colombine ; ne
fuis-je pas un grand coquin , ajoûte-t-il , d'avoir
épousé une feconde femme , fans avoir
du moins enterré la premiere. Après avoir
oppofé le caractere d'Orphife à celui
de Silvia , la douceur de Colombine
à l'humeur acariatre de Lifette ; Orphife
& Lifette arrivent ; & comme Orphiſe
de fon côté n'a plus de gout pour Valere ,
elle s'adreffe à Arlequin , & Lifette parle
à Valere. Après une courte converfation ,
Orphife fait des reproches à Valere , &
Lifette
SEPTEMBRE . 1730. 2041
pas
Lifette à Arlequin ; ils fe querellent &
Le trouvent tous les deux très - haïffables,
Orphile dit à Valere qu'il n'en faut
refter là , & que s'il fe prefente une occafion
favorable de fe défunir , il en faudra
profiter ; Nous ne ferons pas affez
heureux , reprend Valere ; pourquoi , Mr ,
répond Orphife ? S'il arrive quelque Vaif
feau étranger.... Hé bien , Mad , s'il en
arrive , dit Valere ; ah ! je vois bien , contínuë
Orphiſe , que vous ignorez une par
tie des coûtumes du Pays , donnez - moi
feulement votre parole ah ! de tout mon
coeur, répond Valere. Orphife fur cette,
affurance fe retire , Lifette en fait de mê
me ; Arlequin & Valere voyant arriver
Silvia & Colombine , s'écartent pour en
tendre leurs difcours.
Silvia , qui croit être feule avec fa Suivante
, fait éclater les fentimens de l'époufe
la plus vertueufe , en fe plaignant
de la perfidie de Valere , qui l'a inhumainement
abandonnée en profitant de l'u
fage établi dans l'Ifle ; Colombine ſe repent
de l'avoir imitée , & de ne s'être pas
vengée du traitre Arlequin ; Valere charmé
de la conftance de fon Epoufe , l'aborde
en la priant de pardonner fon indif
cretion : Je fçai trop , dit-il , que ma pre--
fence ne peut qu'irriter votre jufte colere contre
un ingrat qui ne méritoit pas le bonheur dont il
2042 MERCURE DE FRANCE
ajoui , il n'étoit pas ,fans doute , d'un grand
prix , répond Silvia , puifque vous y avez
fifacilement renoncé? Arlequin dit des douceurs
à Colombine , qui affecte un air de
fierté dont il n'eft pas content . Dans cette
Scene Valere témoigne fon repentir , &
prie inftamment Silvia , s'il fe preſente
quelque favorable occafion de refferrer
leurs noeuds , de ne point s'oppofer à fa
félicité ; Silvia ſe rend enfin à les inftances
, & lui dit que ce n'eft pas d'aujour
d'hui qu'il connoît fon coeur. Valere veut
rentrer avec elle ; mais Silvia le lui deffend
; Non , Valere , dit - elle , reftez ; la
bienfeance condamne jufqu'à l'entretien que
nous avons ensemble , & je ne veux pas
perdre l'estime d'un homme qui a été mon
Epoux ; fi par quelque heureux évenement
vous pouviez brifer la chaîne qui vous attache
à ma Rivale , j'accepterai votre main
je n'aurai d'autre reproche à mefaire que
celui d'avoir trop aimé un ingrat.
Valere fe retire , content de l'affurance
que lui a donnée Silvia ; Colombine veut
fuivre fa Maîtreffe , mais Arlequin l'arrête
en la priant d'avoir pitié d'un amour
renaiffant , qui peut-être n'a pas encore
long-temps à vivre. Après une Scene affez
plaifante Valere.revient avec le Chef de
Ifle , qui lui dit que fon efperance eft
vaine , & que pour donner lieu à un fe
cond
SEPTEMBRE. 1730. 2043
cond divorce il faudroit que des Etrangers
débarquaffent dans l'Ifle , & qu'ils con+
fentiflent à former d'autres engagemens ;
que pour lors , non -feulement lui , mais
tous les Epoux du Pays pourroient , à leur
exemple , le démarier ; Arlequin lui dit
que moyennant un fi beau Privilege, l'Iffe
doit être extrémement peuplée , à quoi
le Chef répond qu'elle n'eft pas encore
connue , que le hazard feul y fait abor
der , & que quand ils y font débarquez
il y avoit so. ans qu'il n'y avoit paru de
Vaiffeaux étrangers.
Orphiſe arrive & annonce à Valere qu'il
vient d'arriver un Vaiffeau étranger ; Arle
quin fe réjouit de cette agréable nouvelle
en fe mocquant du Chef de l'Ifle. Un Infulaire
donne avis à ce Chef qu'il n'y a que
deux femmes dans le Vaiffeau, que l'une eft
l'épouſe d'un Marchand Drapier de Paris,
& que l'autre eft une veuve qui a été ma
riée quatre fois , & qui dit qu'elle n'en
veut pas davantage , M & M Droguer
arrivent en plaignant leur fort & en difant
que les fupplices les plus affreux ne
les forceront point à s'abandonner. Ils
fe témoignent l'amour le plus violent
ce qui fait perdre aux autres l'efperance
de fe démarier ; mais Valere fair tant par
fes difcours féducteurs , qu'il perfuade la
vieille à quitter fon mari ; Orphife de
fon
2044 MERCURE DE FRANCE
fon côté engage M Droguet à brifer
fa chaîne ; Me Droguet , dans l'efperance
d'époufer Valere , quitte fon époux , &
M.Droguet comptant s'unir avec Orphiſe,
fait divorce avec fa femme.
Après ce divorce , Silvia paroît ; Valere
la reprend , Orphiſe quitte M. Droguet en
difant qu'elle va offrir à Dorante une main
qu'il attend avec impatience ; Arlequin
époufe Colombine , & Lifette s'en va pour
en faire autant avec Trivelin ; M. & Me
Droguet reftent très-furpris de cette avanture
; Qu'allons nous devenir , dit Mc Droguet
, vous pouvez vous reprendre , ajoûte
le Chef de l'Ifle , mais cela vous fera compté
pour un divorce : Oh , non , reprennent- ils ,
il vaut mieux attendre ; nous ne sommes pas
venus ici pour abolir les loix. Les maris &
les femmes de l'Ile arrivent pour faire
divorce ; ils forment le Divertiffement
composé de Danfes & d'un Vaudeville.
LA STLPHIDE,
Le Théatre repréfente l'Appartement
d'Erafte. Une Sylphide & une Gnomide y
entrent dans le même moment ; la Sylphide
pofe une Corbeille fur la table , de
même que la Gnomide ; elles font furprifes
de fe rencontrer & fe demandent réciproquement
ce qu'elles viennent faire
dans
SEPTEMBRE. 1730. 2045
dans la chambre d'Erafte . La Gnomide
dit que fon Amant l'attire en ce lieu à
la Sylphide ajoûte que le feul defir.de
yoir le fien l'a conduite dans cet Appartement
; elles fe croient Rivales ; mais
après une petite difpute leurs foupçons
font diffipez ; la Sylphide découvre à la
Gnomide les tendres fentimens pour Erafte
, & la Gnomide avoue fa paffion pour
Arlequin fon Valet. La Sylphide raconte
qu'elle avoit fait partie avec deux Sylphides
de fes amies , de fe rendre vifibles ;
qu'elles allerent fe promener aux Thuilleries,
& que ce fut dans ce Jardin qu'elle
vit Erafte pour la premiere fois , qu'elle
le trouva fi charmant , qu'elle ne put
s'empêcher de l'aimer. Elle fait une agréa
ble defcription des differens Cavaliers
qu'elle vit à cette Promenade ; elle dit
enfuite qu'elle craint que les charmes d'une
de fes Compagnes n'ayent eu plus de
pouvoir que les fiens fur le coeur d'Erafte ,
& que cette incertitude l'accable. Vous
faites injure à vos attraits , répond la Gnomide
; pour moi , je ne me fuis point encore
offerte aux regards de mon Amant , l'éclat
de mes appas ne l'a point ébloui ; c'est dans
une cave profonde où je le vis pour la premiere
fois & où il s'enyvroit avec tant de
grace qu'il auroit charmé la pus infenfible :
mais Erafte vient ici avec fon Valet , écar-
1ons-nous pour les entendre. G Erafte
2046 MERCURE DE FRANCE
1
Erafte en entrant apperçoit la corbeille;
il demande à Arlequin qui l'a lui a envoyée
; Arlequin répond qu'il n'en fçait
rien ; Erafte la découvre , & voit qu'elle
eft remplie de fleurs : Il vaudroit mieux ,
dit Arlequin , qu'elle fut pleine d'argent ,
cela ferviroit à merveille à raccommoder vos
affaires qui font furieufement dérangées . Arlequin
apperçoit auffi l'autre corbeille qui
eft remplie de trufes , avec le nom d'Arlequin
au- deffus ; il eft fort en peine de
fçavoir d'où vient ce préfent ; & après
avoir rêvé un inftant : Ces fleurs , ajoûtet'il
, ont été fans doute envoyées par. Clarice
, votre Epouse future : Ne me parle
point de Clarice , répond Erafte : Comment
continue Arlequin , avez- vous oublié
votre fortune dépend de ce mariage , qu'il
peut feul nous mettre à couvert des poursui
tes de vos Créanciers & des miens , car vous
n'êtes riche qu'en efperance . Votre Oncle eft,
à la verité , entre les mains d'une demie dou
zaine de Medecins ; mais comme ces Meffieurs
ne font jamais de la même opinion
ils ne font point d'accord fur les remedes , le
malade n'en prend point , & par confequent
il peut encore aller loin . Erafte lui dit qu'u
ne paffion violente s'eft emparée de fon
ae , & que rien ne peut l'en arracher
qu'il a vu aux Thuilleries la plus adorable
perfonne du monde ; Arlequin comque
bat
SEPTEMBRE . 1730. 2047
coups
bat toutes les raifons , la Sylphide qui eft
préfente & inviſible , le menace de
de bâton ; Arlequin croit que c'eſt fon
Maître qui lui parle , ce qui fait un jeu
de Théatre des plus comiques. La Gnomide
auffi invifible , donne de petits fouflets
à Arlequin , qu'il croir recevoir de
fon Maître enfin après plufieurs lazzi
très plaifans , deux Créanciers arrivent ,
& demandent à Erafte ce qui leur eſt dû ,
celui ci leur fait un accueil peu gracieux,
ce qui oblige les Créanciers de menacer
Erafte de le pourfuivre en Juftice ; . &
dans le tems qu'ils veulent partir , la
Sylphide & la Gnomide , toûjours invifibles
, donnent chacune aux deux Créanciers
une bourſe qui contient le payement
de chacun ; un des deux Créanciers
après avoir compté fon argent rend à
Erafte quatre louis qu'il a trouvé de plus;
ils fe retirent , en le priant très civilement
d'excufer leur vivacité ; Arlequin croit
fon Maître leur a donné cet argent;
que
Erafte dit qu'il ne fçait ce que tout cela
fignifie &c.
Un Sergent & un Procureur arrivent ;
le Procureur dit qu'il vient de la part
d'Oronte , pere de Clarice , pour fçavoir
quand il veut époufer fa fille. Le Sergent
porte une affignation à Arlequin de
part d'un Cabaretier des Porcherons , la
Gij
Arle
2048 MERCURE DE FRANCE
Arlequin refufe de la prendre. Erafte
donne de mauvaifes raifons au Procureur,
ce qui lui fait dire qu'il le pourfuivra
pour lui faire payer le dédit de vingt mille
ecus qu'il a fait au pere de Clarice . Le
Sergent préfente l'affignation à Arlequin ,
qui ne veut point abfolument la recevoir;
la Gnomide invifible donne un fouflet au
Sergent , & déchire l'Exploit ; le Sergent
fe met en colere contre Arlequin , après
quoi la Gnomide fait difparoître le Ser
gent , qui s'abîme fous le Théatre , & la
Sylphide fait voler le Procureur dans les
airs. Ce fpectacle effraye Erafte ; Arlequin
lui dit qu'il ne voit rien là que de très
naturel , un Sergent qui va au Diable &
un Procureur qui vole. La Gnomide fait
encore quelques niches à Arlequin qui
fort tout épouvanté ; Erafte refte très
étonné de tout ce qu'il vient de voir ;
la Sylphide invifible foupire , & a une
converfation avec Erafte qui la prend pour
un efprit ; la Sylphide l'affure qu'elle
Paime : Vous m'aimez , répond Erafte , eftce
que les efprits peuvent aimer ? ils n'ont
point corps : cette question me fait bien
voir que vous en avez un , répond la Sylphide
: Oui, Monfieur , ils aiment , & avec
d'autant plus de délicateffe que leur amour eft
détaché des fens , que leur flamme eft pure
& fubfifte d'elle-même , fans que les défirs
de
ou
SEPTEMBRE. 1730. 2049
ou les dégoûts l'augmentent ou la diminuent :
Mais je m'étonne , ajoûte Erafte , que Sça
chant ce qui fe paffe dans mon coeur , vous
me faffiez l'aven de votre tendreffe ; car enfin
vous n'ignorez pas qu'il eft rempli de la
plus violente paffion qu'un Amant ait jamais
pu reffentir : Je fuis , dit la Sylphide , une
de ces trois Dames que vous avez vûës aux
Thuilleries ; vous en aimez une : Quoi ! ces
Dames fi charmantes , repart Erafte , font
des Sylphides ! Eb peut- il y en avoir ? La
Sylphide le prie de ne point faire comme
le commun des hommes , qui doutent
des chofes , parce qu'ils ne les comprennent
pas . Erafte la conjure de fe montrer
: Je me rends , ajoûte la Sylphide , &
vais m'expofer à être la victime de votre obftination
allez aux Thuilleries , vous m'y
verrez avec une de mes Compagnes , ne m'y
parlez point , & venez m'inftruire ici de
votre fort & du mien.
Erafte obéit , & part . La Sylphide refte,
& dit qu'Erafte ne trouvera aux Thuilleries
que les deux Sylphides fes amies ,
& que fans fe commettre , elle fera inftruite
de ſes ſentimens . Arlequin revient
dans l'Appartement de fon Maître ;
ne l'y trouvant point , il dit qu'il fera
allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide
furvient , & appelle Arlequin qui
tremble de peur ne voyant perfonne avec
Giij lui
2050 MERCURE DE FRANCE
lui ; la Gnomide le raffure , & lui fait
l'aveu de fa tendreffe , en lui difant qu'elle
eft une habitante de la terre , une Gnomide
qui éprife de fes charmes a quitté
fa patrie pour le rendre le plus heureux
de tous les mortels ; elle lui dit qu'elle a
de grands tréfors à la difpofition , & qu'elle
veut lui en faire part , après quoi la Gnomide
le quitte & l'affure qu'elle va pren
dre un corps , & qu'elle s'offrira bientôt
à fes yeux : Prenez le bien joli , s'écrie
Arlequin , fur tout n'oubliez pas les tréfors
, car fans cela je n'ai que faire de vous
& c.
Erafte revient des Thuilleries ; Arle
quin lui raconte fa converſation avec la
Ġnomide. Erafte eft au defefpoir de ce
qu'il n'a point vû aux Thuilleries l'objet
qu'il adore la Sylphide convaincuë de
Famour d'Erafte fe rend vifible , & paroît
à fes yeux. Erafte tranfporté de joye la
reconnoit , & l'affure de toute fa tendreffe.
Arlequin trouve les Sylphides fort jolies,
mais il croit fa Gnomide bien plus belle ,
& la prie de paroitre avec fon teint de
lys & de rofes : la Gnomide fe rend vifibles
Arlequin en la voyant s'écrie : Ah!
d'eft une taupe , il ne veut point d'elle : la
Gnomide pleure , & fe defefpere : Que je
fuis malheureufe , dit- elle , dd''êêttrree obligée
d'étrangler un fi joli petit homme c'eft notre
coutume
SEPTEMBRE. 1730. 2051
,
coûtume , ajoûte- t'elle , quand nous aimons
un ingrat , nous l'étranglons d'abord . Cette
menace oblige Arlequin de fe rendre : il
lui demande les tréfors qu'elle lui a promis
dans le moment on voit fortir de la
terre un vaſe rempli de richeffes immenfes
: Arlequin ne refifte plus , & dit qu'il
ne fera pas la premiere beauté que les richeffes
auront féduite. Je ne vous Promets
point de tréfors ; dit la Sylphide à Erafte ',
mais les douceurs que je vous promets vaudront
bien les préfens de la Gnomide : venez,
Erafte , je vais dans un inftant vous tranf
porter dans le Palais dont vous devez être
le Maître. La Gnomide s'abîme avec Arlequin
. Le Théatre change , & repréſente
le Palais de la Sylphide , il paroît placé
dans les airs. Cette décoration qui eft du
S' Le Maire , connu par d'autres Ouvrages
de cette efpece , eft une des plus bril
lantes qui ait encore parû , & fait un effet
merveilleux. Ce Palais eft rempli de Sylphes
& de Sylphides qui forment un Divertiffement
tres gracieux. La Dle Silvia
& le S Romagnefy danfent une Entrée
qui a été trés goûtée , de même que la
Die Thomaffin dans celle qu'elle danfe.
La Mufique , qui a été trés applaudie , eft
de M. Mouret , & la compofition du Bálet
qu'on a trouvé brillant , eft de M. Mar
cel.
VAUDEVILLE.
Dans une heureufe
intelligence ,
Nous goutons le fort le plus doux
L'envie & la médifance
Ne réfident point chez nous :
Mortels , quelle difference è
Vivez-vous ainfi parmi nous ?
Exemts de toute défiance ;
Rien n'inquiete nos Epoux ;
Certains de notre conftance
Ils ne font jamais jaloux :
Mortels , quelle difference & c.
Les faveurs que l'Amour difpenfe
Ne fe revelent point chez nous ;
Plus on garde le filence ,
Et plus les plaifirs font doux :
François , quelle difference &c.
Nous joüiffons de l'innocence
Tant que nous fommes fans Epoux ,
Sans marquer d'impatience
De former un noeud fi doux :
Filles , quelle difference &c ,
Bien
SEPTEMBRE. 1730. 2053
-Bien loin d'encenfer l'opulence ,
Ici nous nous eftimons tous ;
L'égalité nous difpenfe
D'un foin indigne de nous :
Flateurs , quelle difference &c.
Un pauvre Auteur dont l'efperance
Eft de vous attirer chez nous ,
Eft plus trifte qu'on ne penſe
Quand fa Piéce a du deffous :
Pour lui quelle difference ,
Lorſque vous applaudiffez tous !
une Piece nouvelle en trois Actes
avec des Divertiffemens , de la compofi
tion des fieurs Dominique & Romagnefy,
qui a pour titre , la Foire des Poëtes , l'Ifle
du Divorce & la Sylphide , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Voici
l'Extrait de chacune.
LA FOIRE DES POETES.
Un Acteur François & Trivelin de la
Comédie Italienne , fe rencontrent par
hazard , & ſe demandent réciproquement
comment ils ont pû pénetrer dans cet
azile ; Trivelin lui dit qu'il n'a rien de
caché pour lui , & qu'il veut bien fatisfaire
fa curiofité : Vous fçavez , ajoûte-t-il , que
nous en avons très-mal agi avec M les
Auteurs , qui picquez de nos Airs , ont
quitté Paris , dans la refolution de ne nous
plus donner de nouveautez ; que depuis leur
retraite nos Théatres ! anguiffent , &c. &
qu'il vient de la part de fa Troupe , ménager
un raccommodement ; Apollon ,
continue- t-il , a recueilli les Nouriffons
des Mufes , & leur a fait bâtir un Hôtel
magnifique , dans lequel il les entretient
& les nourrit , & tout ce qu'ils vendent
"
eft
2034 MERCURE
DE FRANCE
eft pour leurs menus plaifirs ; après une
defcription comique,l'Acteur François dit
qu'il a befoin d'une Tragédie , & prie
Trivelin de lui préter de l'argent pour
faire cette amplette ; Trivelin s'excufe fur
le befoin qu'il a de deux Comédies &
d'un Prologue , & qu'il fera bienheureux
s'il a de quoi payer une bonne Scene ,
n'ayant fur lui que quinze livres. Après
cette Scene , Trivelin dit à l'Acteur de
le fuivre , & qu'il va le conduire à l'Hôtel
des Poëtes , où ils tiennent une espece
de Foire.
Le Théatre change & repréfente un
Caffe rempli de Poëtes ; on chante en
choeur les paroles fuivantes :
Verfez de ce Caffé charmant ,
H eft notre unique aliment.
Un Poëte.
C'eft vous , aimable breuvage ,
Qui ranimez tous les efprits ;
Si-tôt que nous vous avons pris ,
Des Dieux nous parlons le langage ;
Nous rimons tous à qui mieux mieux,
Et faifis d'une docte extafe ,
Nous nous élevons juſqu'aux Cieux :
L'Onde que fit jaillir Pegaze ,
N'a rien de fi délicieux.
Verfez de ce Caffé charmant , &c.
訂
SEPTEMBRE. 1730. 2035
Il s'éleve auffi - tôt une difpute entre les
Poëtes. Les uns foutiennent que le Caffe
cauſe des infomnies ; les autres , qu'il fait
dormir. Après une courte Differtation ,
Trivelin & l'Acteur François s'avancent ,
les Poëtes offrent leur Marchandife ; l'Acteur
François demande une Tragédie , &
Trivelin deux Comédies & un Prologue ;
un Poëte en propofe une à l'Acteur , qu'il
foutient excellente ; un autre offre à Trivelin
deux Comédies ; ils fe retirent pour
en faire la lecture .
Une jeune fille vient demander à un
Poëte des Couplets de Chanſon pour fe
mocquer de fon Amant , qui eft trop timide
; le Poëte lui donne les Couplets
fuivans , qu'elle chante fur l'Air : Daphnis
m'aimoit fi tendrement.
Quand mon Amant me fait la cour ,
Il languit , il pleure , il ſoupire ,
Et paffe avec moi tout le jour ,
A me raconter fon martyre.
Ah! s'il le paffoit autrement
Il me plairoit infiniment.
L'autre jour dans un Bois charmant ;
Ecoutant chanter la Fauvette ,
Il me demanda tendrement ,
M'aimes-tu , ma chere Liſette :
2036 MERCURE DE FRANCE
Je lui dis , oui , je t'aime bien :
Il ne me demanda plus rien.
Puifque j'ai fait naître tes feux
Rien ne flate plus mon envie ,
Je fuis , reprit -il , trop heureux ;
O jour le plus beau de ma vie
Et répetoit à chaque inſtant ,
C'en eft affez , je fuis content.
De cet Amant plein de froideur
Il faut que je me dédommage ,
J'en veux un , qui de mon ardeur ,
Sçache faire un meilleur ufage ,
Qu'il foit heureux à chaque inftant
Et qu'il ne foit jamais content .
La jeune fille , fatisfaite des Couplets
après les avoir payez au Poëte , s'en retourne
en les chantant ; Trivelin revient.
avec l'Auteur qui lui a propofé les deux.
Comedies , il lui dit qu'il les trouve affez
jolies ; mais qu'il a befoin d'un Prologue ,
fur quoi l'Auteur lui répond : Comme
vous faites ufage de tout, voyez prendre leçon
à nos Apprentifs Poëtes , peut-être vous.
fervirez vous de cette idée pour un Prologue
Trivelin y confent ; auffi- tôt le Profeffeur
de Poëfie s'avance & chante ces paroles
Son
SEPTEMBRE. 1730. 2037
Son Profeffor di Poëfia ,
Della divina freneſia ,
Mon Art inſpire les tranſports ;
I miei canti ,
Sono incanti ;
I dotti , glignoranti ,.
Tout cft charmé de mes accords,
Venité miei cari ,
Scolari ,
A prender lezione ,
Dal dottor Lanternone.
Les Apprentifs Poëtes forment une Danfe
; le Profeffeur interroge un de fes Ecoliers
; ils dialoguent en chantant.
Le Profeffeur.
Pour être Poëte à prefent ,
Quel eft le talent neceffaire ?
L'Ecolier.
Il faut être plaisant ,
Quelquefois médifant ;
Et toujours plagiaire.
Le Profeffeur
Non e quefto ;
Dite preſto ,
Cio che bifogna far ,
Per ben verfificar.
L'E
2038 MERCURE DE FRANCE
-L'Ecolier.
Rimar , rimar , rimar .
Le Profeſſeur.
Bravo ; bene , bene , bene.
De qui faites- vous plus d'eftime ,
De la faifon ou de la rime
་
L'Ecolier.
La rime , fans comparaiſon ,
Doit l'emporter fur la raiſon.
Le Profeffeur.
Pourquoi cette diſtinction ?
L'Ecolier.
C'est qu'on entend toûjours la rime
Et qu'on n'entend point la raiſon,
Le Profeffeurs
Bravo ; bene , bene , bene.
Pour faire une Piece Lyrique ,
Autrement dit, un Opera nouveau,
Que faut-il pour le rendre beau ?
L'Ecolier.
De mauvais Vers & de bonne Mufique ,
Le Profeffeur.
Bravo ; bene , &c. \\
L'E
SEPTEMBRE. 1730 : 2039
Dans une Tragedie , Ouvrage d'importance ,
Que faut- il pour toucher les coeurs ?
L'Ecolier.
Un fonge , une reconnoiffance ,
Un récit & de bons Acteurs.
Le Profeffeur.
Bravo , bene , &c.
Auffi- tôt on entend une Symphonie
brillante. Le Profeffeur dit que c'eft Minerve
qui defcend ; la Folie paroît dans
le moment , & chante en s'adreffant aux
Poëtes,
Ingrats , me méconnoiffez -vous ?
N'eft- ce pas moi qui vous infpire ?
Qui dans vos tranſports les plus fous
Ay foin de monter votre Lyre ?
Allons , allons , fubiffez tous ;
Le joug de mon aimable empire
Et que chacun à mes genoux ,
S'applaudiffe de fon délire.
Viva , viva la Pazzia ,
La madre dell' allegria ,
Souveraine de tous les coeurs
Et la Minerve des Auteurs,
La Folie conduit les Poëtes à Paris
qui
2040 MERCURE DE FRANCE
qui eft , dit- elle , leur vrai féjour , tous
la fuivent en danfant avec elle & en
chantant :
Viva , viva la Pazzia , &c.
L'ISLE DU DIVORCE.
Valere & Arlequin fon Valet , arrivent
fur le Théatre d'un air triſte , & après
s'être regardez l'un & l'autre , Valere lui
demande s'il s'ennuye autant que lui , à
quoi Arlequin répond que c'eſt à peu près
la même chofe ; Valere ſoupire & témoi
gne les regrets que lluuii ccaauuffee llaa perte de
Silvia , fon Epoufe , qu'il a quittée, malgré
la vertu & fa fidelité , pour fe conformer
aux Coûtumes de l'Ifle , qui autorife
le divorce. Arlequin , à l'imitation
de Valere , marque le chagrin qu'il ref
fent d'avoir abandonné Colombine ; ne
fuis-je pas un grand coquin , ajoûte-t-il , d'avoir
épousé une feconde femme , fans avoir
du moins enterré la premiere. Après avoir
oppofé le caractere d'Orphife à celui
de Silvia , la douceur de Colombine
à l'humeur acariatre de Lifette ; Orphife
& Lifette arrivent ; & comme Orphiſe
de fon côté n'a plus de gout pour Valere ,
elle s'adreffe à Arlequin , & Lifette parle
à Valere. Après une courte converfation ,
Orphife fait des reproches à Valere , &
Lifette
SEPTEMBRE . 1730. 2041
pas
Lifette à Arlequin ; ils fe querellent &
Le trouvent tous les deux très - haïffables,
Orphile dit à Valere qu'il n'en faut
refter là , & que s'il fe prefente une occafion
favorable de fe défunir , il en faudra
profiter ; Nous ne ferons pas affez
heureux , reprend Valere ; pourquoi , Mr ,
répond Orphife ? S'il arrive quelque Vaif
feau étranger.... Hé bien , Mad , s'il en
arrive , dit Valere ; ah ! je vois bien , contínuë
Orphiſe , que vous ignorez une par
tie des coûtumes du Pays , donnez - moi
feulement votre parole ah ! de tout mon
coeur, répond Valere. Orphife fur cette,
affurance fe retire , Lifette en fait de mê
me ; Arlequin & Valere voyant arriver
Silvia & Colombine , s'écartent pour en
tendre leurs difcours.
Silvia , qui croit être feule avec fa Suivante
, fait éclater les fentimens de l'époufe
la plus vertueufe , en fe plaignant
de la perfidie de Valere , qui l'a inhumainement
abandonnée en profitant de l'u
fage établi dans l'Ifle ; Colombine ſe repent
de l'avoir imitée , & de ne s'être pas
vengée du traitre Arlequin ; Valere charmé
de la conftance de fon Epoufe , l'aborde
en la priant de pardonner fon indif
cretion : Je fçai trop , dit-il , que ma pre--
fence ne peut qu'irriter votre jufte colere contre
un ingrat qui ne méritoit pas le bonheur dont il
2042 MERCURE DE FRANCE
ajoui , il n'étoit pas ,fans doute , d'un grand
prix , répond Silvia , puifque vous y avez
fifacilement renoncé? Arlequin dit des douceurs
à Colombine , qui affecte un air de
fierté dont il n'eft pas content . Dans cette
Scene Valere témoigne fon repentir , &
prie inftamment Silvia , s'il fe preſente
quelque favorable occafion de refferrer
leurs noeuds , de ne point s'oppofer à fa
félicité ; Silvia ſe rend enfin à les inftances
, & lui dit que ce n'eft pas d'aujour
d'hui qu'il connoît fon coeur. Valere veut
rentrer avec elle ; mais Silvia le lui deffend
; Non , Valere , dit - elle , reftez ; la
bienfeance condamne jufqu'à l'entretien que
nous avons ensemble , & je ne veux pas
perdre l'estime d'un homme qui a été mon
Epoux ; fi par quelque heureux évenement
vous pouviez brifer la chaîne qui vous attache
à ma Rivale , j'accepterai votre main
je n'aurai d'autre reproche à mefaire que
celui d'avoir trop aimé un ingrat.
Valere fe retire , content de l'affurance
que lui a donnée Silvia ; Colombine veut
fuivre fa Maîtreffe , mais Arlequin l'arrête
en la priant d'avoir pitié d'un amour
renaiffant , qui peut-être n'a pas encore
long-temps à vivre. Après une Scene affez
plaifante Valere.revient avec le Chef de
Ifle , qui lui dit que fon efperance eft
vaine , & que pour donner lieu à un fe
cond
SEPTEMBRE. 1730. 2043
cond divorce il faudroit que des Etrangers
débarquaffent dans l'Ifle , & qu'ils con+
fentiflent à former d'autres engagemens ;
que pour lors , non -feulement lui , mais
tous les Epoux du Pays pourroient , à leur
exemple , le démarier ; Arlequin lui dit
que moyennant un fi beau Privilege, l'Iffe
doit être extrémement peuplée , à quoi
le Chef répond qu'elle n'eft pas encore
connue , que le hazard feul y fait abor
der , & que quand ils y font débarquez
il y avoit so. ans qu'il n'y avoit paru de
Vaiffeaux étrangers.
Orphiſe arrive & annonce à Valere qu'il
vient d'arriver un Vaiffeau étranger ; Arle
quin fe réjouit de cette agréable nouvelle
en fe mocquant du Chef de l'Ifle. Un Infulaire
donne avis à ce Chef qu'il n'y a que
deux femmes dans le Vaiffeau, que l'une eft
l'épouſe d'un Marchand Drapier de Paris,
& que l'autre eft une veuve qui a été ma
riée quatre fois , & qui dit qu'elle n'en
veut pas davantage , M & M Droguer
arrivent en plaignant leur fort & en difant
que les fupplices les plus affreux ne
les forceront point à s'abandonner. Ils
fe témoignent l'amour le plus violent
ce qui fait perdre aux autres l'efperance
de fe démarier ; mais Valere fair tant par
fes difcours féducteurs , qu'il perfuade la
vieille à quitter fon mari ; Orphife de
fon
2044 MERCURE DE FRANCE
fon côté engage M Droguet à brifer
fa chaîne ; Me Droguet , dans l'efperance
d'époufer Valere , quitte fon époux , &
M.Droguet comptant s'unir avec Orphiſe,
fait divorce avec fa femme.
Après ce divorce , Silvia paroît ; Valere
la reprend , Orphiſe quitte M. Droguet en
difant qu'elle va offrir à Dorante une main
qu'il attend avec impatience ; Arlequin
époufe Colombine , & Lifette s'en va pour
en faire autant avec Trivelin ; M. & Me
Droguet reftent très-furpris de cette avanture
; Qu'allons nous devenir , dit Mc Droguet
, vous pouvez vous reprendre , ajoûte
le Chef de l'Ifle , mais cela vous fera compté
pour un divorce : Oh , non , reprennent- ils ,
il vaut mieux attendre ; nous ne sommes pas
venus ici pour abolir les loix. Les maris &
les femmes de l'Ile arrivent pour faire
divorce ; ils forment le Divertiffement
composé de Danfes & d'un Vaudeville.
LA STLPHIDE,
Le Théatre repréfente l'Appartement
d'Erafte. Une Sylphide & une Gnomide y
entrent dans le même moment ; la Sylphide
pofe une Corbeille fur la table , de
même que la Gnomide ; elles font furprifes
de fe rencontrer & fe demandent réciproquement
ce qu'elles viennent faire
dans
SEPTEMBRE. 1730. 2045
dans la chambre d'Erafte . La Gnomide
dit que fon Amant l'attire en ce lieu à
la Sylphide ajoûte que le feul defir.de
yoir le fien l'a conduite dans cet Appartement
; elles fe croient Rivales ; mais
après une petite difpute leurs foupçons
font diffipez ; la Sylphide découvre à la
Gnomide les tendres fentimens pour Erafte
, & la Gnomide avoue fa paffion pour
Arlequin fon Valet. La Sylphide raconte
qu'elle avoit fait partie avec deux Sylphides
de fes amies , de fe rendre vifibles ;
qu'elles allerent fe promener aux Thuilleries,
& que ce fut dans ce Jardin qu'elle
vit Erafte pour la premiere fois , qu'elle
le trouva fi charmant , qu'elle ne put
s'empêcher de l'aimer. Elle fait une agréa
ble defcription des differens Cavaliers
qu'elle vit à cette Promenade ; elle dit
enfuite qu'elle craint que les charmes d'une
de fes Compagnes n'ayent eu plus de
pouvoir que les fiens fur le coeur d'Erafte ,
& que cette incertitude l'accable. Vous
faites injure à vos attraits , répond la Gnomide
; pour moi , je ne me fuis point encore
offerte aux regards de mon Amant , l'éclat
de mes appas ne l'a point ébloui ; c'est dans
une cave profonde où je le vis pour la premiere
fois & où il s'enyvroit avec tant de
grace qu'il auroit charmé la pus infenfible :
mais Erafte vient ici avec fon Valet , écar-
1ons-nous pour les entendre. G Erafte
2046 MERCURE DE FRANCE
1
Erafte en entrant apperçoit la corbeille;
il demande à Arlequin qui l'a lui a envoyée
; Arlequin répond qu'il n'en fçait
rien ; Erafte la découvre , & voit qu'elle
eft remplie de fleurs : Il vaudroit mieux ,
dit Arlequin , qu'elle fut pleine d'argent ,
cela ferviroit à merveille à raccommoder vos
affaires qui font furieufement dérangées . Arlequin
apperçoit auffi l'autre corbeille qui
eft remplie de trufes , avec le nom d'Arlequin
au- deffus ; il eft fort en peine de
fçavoir d'où vient ce préfent ; & après
avoir rêvé un inftant : Ces fleurs , ajoûtet'il
, ont été fans doute envoyées par. Clarice
, votre Epouse future : Ne me parle
point de Clarice , répond Erafte : Comment
continue Arlequin , avez- vous oublié
votre fortune dépend de ce mariage , qu'il
peut feul nous mettre à couvert des poursui
tes de vos Créanciers & des miens , car vous
n'êtes riche qu'en efperance . Votre Oncle eft,
à la verité , entre les mains d'une demie dou
zaine de Medecins ; mais comme ces Meffieurs
ne font jamais de la même opinion
ils ne font point d'accord fur les remedes , le
malade n'en prend point , & par confequent
il peut encore aller loin . Erafte lui dit qu'u
ne paffion violente s'eft emparée de fon
ae , & que rien ne peut l'en arracher
qu'il a vu aux Thuilleries la plus adorable
perfonne du monde ; Arlequin comque
bat
SEPTEMBRE . 1730. 2047
coups
bat toutes les raifons , la Sylphide qui eft
préfente & inviſible , le menace de
de bâton ; Arlequin croit que c'eſt fon
Maître qui lui parle , ce qui fait un jeu
de Théatre des plus comiques. La Gnomide
auffi invifible , donne de petits fouflets
à Arlequin , qu'il croir recevoir de
fon Maître enfin après plufieurs lazzi
très plaifans , deux Créanciers arrivent ,
& demandent à Erafte ce qui leur eſt dû ,
celui ci leur fait un accueil peu gracieux,
ce qui oblige les Créanciers de menacer
Erafte de le pourfuivre en Juftice ; . &
dans le tems qu'ils veulent partir , la
Sylphide & la Gnomide , toûjours invifibles
, donnent chacune aux deux Créanciers
une bourſe qui contient le payement
de chacun ; un des deux Créanciers
après avoir compté fon argent rend à
Erafte quatre louis qu'il a trouvé de plus;
ils fe retirent , en le priant très civilement
d'excufer leur vivacité ; Arlequin croit
fon Maître leur a donné cet argent;
que
Erafte dit qu'il ne fçait ce que tout cela
fignifie &c.
Un Sergent & un Procureur arrivent ;
le Procureur dit qu'il vient de la part
d'Oronte , pere de Clarice , pour fçavoir
quand il veut époufer fa fille. Le Sergent
porte une affignation à Arlequin de
part d'un Cabaretier des Porcherons , la
Gij
Arle
2048 MERCURE DE FRANCE
Arlequin refufe de la prendre. Erafte
donne de mauvaifes raifons au Procureur,
ce qui lui fait dire qu'il le pourfuivra
pour lui faire payer le dédit de vingt mille
ecus qu'il a fait au pere de Clarice . Le
Sergent préfente l'affignation à Arlequin ,
qui ne veut point abfolument la recevoir;
la Gnomide invifible donne un fouflet au
Sergent , & déchire l'Exploit ; le Sergent
fe met en colere contre Arlequin , après
quoi la Gnomide fait difparoître le Ser
gent , qui s'abîme fous le Théatre , & la
Sylphide fait voler le Procureur dans les
airs. Ce fpectacle effraye Erafte ; Arlequin
lui dit qu'il ne voit rien là que de très
naturel , un Sergent qui va au Diable &
un Procureur qui vole. La Gnomide fait
encore quelques niches à Arlequin qui
fort tout épouvanté ; Erafte refte très
étonné de tout ce qu'il vient de voir ;
la Sylphide invifible foupire , & a une
converfation avec Erafte qui la prend pour
un efprit ; la Sylphide l'affure qu'elle
Paime : Vous m'aimez , répond Erafte , eftce
que les efprits peuvent aimer ? ils n'ont
point corps : cette question me fait bien
voir que vous en avez un , répond la Sylphide
: Oui, Monfieur , ils aiment , & avec
d'autant plus de délicateffe que leur amour eft
détaché des fens , que leur flamme eft pure
& fubfifte d'elle-même , fans que les défirs
de
ou
SEPTEMBRE. 1730. 2049
ou les dégoûts l'augmentent ou la diminuent :
Mais je m'étonne , ajoûte Erafte , que Sça
chant ce qui fe paffe dans mon coeur , vous
me faffiez l'aven de votre tendreffe ; car enfin
vous n'ignorez pas qu'il eft rempli de la
plus violente paffion qu'un Amant ait jamais
pu reffentir : Je fuis , dit la Sylphide , une
de ces trois Dames que vous avez vûës aux
Thuilleries ; vous en aimez une : Quoi ! ces
Dames fi charmantes , repart Erafte , font
des Sylphides ! Eb peut- il y en avoir ? La
Sylphide le prie de ne point faire comme
le commun des hommes , qui doutent
des chofes , parce qu'ils ne les comprennent
pas . Erafte la conjure de fe montrer
: Je me rends , ajoûte la Sylphide , &
vais m'expofer à être la victime de votre obftination
allez aux Thuilleries , vous m'y
verrez avec une de mes Compagnes , ne m'y
parlez point , & venez m'inftruire ici de
votre fort & du mien.
Erafte obéit , & part . La Sylphide refte,
& dit qu'Erafte ne trouvera aux Thuilleries
que les deux Sylphides fes amies ,
& que fans fe commettre , elle fera inftruite
de ſes ſentimens . Arlequin revient
dans l'Appartement de fon Maître ;
ne l'y trouvant point , il dit qu'il fera
allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide
furvient , & appelle Arlequin qui
tremble de peur ne voyant perfonne avec
Giij lui
2050 MERCURE DE FRANCE
lui ; la Gnomide le raffure , & lui fait
l'aveu de fa tendreffe , en lui difant qu'elle
eft une habitante de la terre , une Gnomide
qui éprife de fes charmes a quitté
fa patrie pour le rendre le plus heureux
de tous les mortels ; elle lui dit qu'elle a
de grands tréfors à la difpofition , & qu'elle
veut lui en faire part , après quoi la Gnomide
le quitte & l'affure qu'elle va pren
dre un corps , & qu'elle s'offrira bientôt
à fes yeux : Prenez le bien joli , s'écrie
Arlequin , fur tout n'oubliez pas les tréfors
, car fans cela je n'ai que faire de vous
& c.
Erafte revient des Thuilleries ; Arle
quin lui raconte fa converſation avec la
Ġnomide. Erafte eft au defefpoir de ce
qu'il n'a point vû aux Thuilleries l'objet
qu'il adore la Sylphide convaincuë de
Famour d'Erafte fe rend vifible , & paroît
à fes yeux. Erafte tranfporté de joye la
reconnoit , & l'affure de toute fa tendreffe.
Arlequin trouve les Sylphides fort jolies,
mais il croit fa Gnomide bien plus belle ,
& la prie de paroitre avec fon teint de
lys & de rofes : la Gnomide fe rend vifibles
Arlequin en la voyant s'écrie : Ah!
d'eft une taupe , il ne veut point d'elle : la
Gnomide pleure , & fe defefpere : Que je
fuis malheureufe , dit- elle , dd''êêttrree obligée
d'étrangler un fi joli petit homme c'eft notre
coutume
SEPTEMBRE. 1730. 2051
,
coûtume , ajoûte- t'elle , quand nous aimons
un ingrat , nous l'étranglons d'abord . Cette
menace oblige Arlequin de fe rendre : il
lui demande les tréfors qu'elle lui a promis
dans le moment on voit fortir de la
terre un vaſe rempli de richeffes immenfes
: Arlequin ne refifte plus , & dit qu'il
ne fera pas la premiere beauté que les richeffes
auront féduite. Je ne vous Promets
point de tréfors ; dit la Sylphide à Erafte ',
mais les douceurs que je vous promets vaudront
bien les préfens de la Gnomide : venez,
Erafte , je vais dans un inftant vous tranf
porter dans le Palais dont vous devez être
le Maître. La Gnomide s'abîme avec Arlequin
. Le Théatre change , & repréſente
le Palais de la Sylphide , il paroît placé
dans les airs. Cette décoration qui eft du
S' Le Maire , connu par d'autres Ouvrages
de cette efpece , eft une des plus bril
lantes qui ait encore parû , & fait un effet
merveilleux. Ce Palais eft rempli de Sylphes
& de Sylphides qui forment un Divertiffement
tres gracieux. La Dle Silvia
& le S Romagnefy danfent une Entrée
qui a été trés goûtée , de même que la
Die Thomaffin dans celle qu'elle danfe.
La Mufique , qui a été trés applaudie , eft
de M. Mouret , & la compofition du Bálet
qu'on a trouvé brillant , eft de M. Mar
cel.
VAUDEVILLE.
Dans une heureufe
intelligence ,
Nous goutons le fort le plus doux
L'envie & la médifance
Ne réfident point chez nous :
Mortels , quelle difference è
Vivez-vous ainfi parmi nous ?
Exemts de toute défiance ;
Rien n'inquiete nos Epoux ;
Certains de notre conftance
Ils ne font jamais jaloux :
Mortels , quelle difference & c.
Les faveurs que l'Amour difpenfe
Ne fe revelent point chez nous ;
Plus on garde le filence ,
Et plus les plaifirs font doux :
François , quelle difference &c.
Nous joüiffons de l'innocence
Tant que nous fommes fans Epoux ,
Sans marquer d'impatience
De former un noeud fi doux :
Filles , quelle difference &c ,
Bien
SEPTEMBRE. 1730. 2053
-Bien loin d'encenfer l'opulence ,
Ici nous nous eftimons tous ;
L'égalité nous difpenfe
D'un foin indigne de nous :
Flateurs , quelle difference &c.
Un pauvre Auteur dont l'efperance
Eft de vous attirer chez nous ,
Eft plus trifte qu'on ne penſe
Quand fa Piéce a du deffous :
Pour lui quelle difference ,
Lorſque vous applaudiffez tous !
Fermer
Résumé : LA FOIRE DES POETES. / L'ISLE DU DIVORCE. / LA SYLPHIDE. / VAUDEVILLE.
Le 11 septembre 1730, les comédiens Dominique et Romagnésy ont présenté une pièce en trois actes intitulée 'La Foire des Poètes, l'Île du Divorce & la Sylphide'. Cette œuvre a été bien accueillie par le public. Dans le premier acte, 'La Foire des Poètes', un acteur français et Trivelin de la Comédie Italienne se rencontrent et discutent de la situation des auteurs ayant quitté Paris, laissant les théâtres sans nouveautés. Trivelin explique qu'Apollon a recueilli les enfants des Muses et leur a construit un hôtel magnifique. Ils se rendent à cet hôtel où une foire est organisée. Les poètes chantent les louanges du café, qui inspire leurs vers. Une dispute éclate sur les effets du café, et les poètes offrent leurs œuvres à l'acteur et à Trivelin. Une jeune fille demande des couplets pour se moquer de son amant timide. Trivelin trouve les comédies proposées jolies mais a besoin d'un prologue. Un professeur de poésie donne une leçon sur l'art poétique, et la Folie conduit les poètes à Paris. Dans le deuxième acte, 'L'Île du Divorce', Valère et Arlequin regrettent d'avoir quitté leurs épouses respectives, Silvia et Colombine, pour se conformer aux coutumes de l'île autorisant le divorce. Silvia et Colombine expriment leur chagrin. Le chef de l'île explique que pour divorcer, il faut que des étrangers consentent à former de nouveaux engagements. Un vaisseau étranger arrive avec deux femmes, dont une veuve mariée quatre fois. Valère persuade la veuve de quitter son mari, et Orphise engage M. Droguet à faire de même. Silvia reprend Valère, et Arlequin épouse Colombine. Les habitants de l'île demandent le divorce, formant un divertissement composé de danses et d'un vaudeville. Dans le troisième acte, 'La Sylphide', le théâtre représente l'appartement d'Éraste. Une sylphide et une gnomide y entrent, chacune apportant une corbeille. Elles découvrent qu'elles aiment respectivement Éraste et Arlequin. La sylphide raconte qu'elles ont décidé de se rendre visibles et se sont promenées aux Tuileries. Éraste, après avoir vu une femme aux Tuileries, en tombe amoureux. Des créanciers et un procureur arrivent, exigeant des paiements. La sylphide et la gnomide interviennent en donnant de l'argent aux créanciers et en faisant disparaître le procureur. La sylphide se révèle à Éraste et lui avoue son amour. La gnomide avoue son amour à Arlequin et lui promet des trésors. La sylphide emmène Éraste dans son palais aérien, où un ballet et une musique sont présentés, soulignant les différences entre les mortels et les êtres surnaturels en termes de confiance et de bonheur.
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468
p. 2053
« Les Comédiens François ont été des premiers à marquer leur zele & leur joye à [...] »
Début :
Les Comédiens François ont été des premiers à marquer leur zele & leur joye à [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Naissance du duc d'Anjou
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François ont été des premiers à marquer leur zele & leur joye à [...] »
Les Comédiens François ont été des pre
miers à marquer leur zele & leur joye à
T'occafion de la Naiffance du Duc d'An
jou , par des feux , des Illuminations &
par la Repréſentation gratis de la Comé
die du Feftin de Pierre.
Ils ont remis au Théatre depuis peu la
Comédie de la Fille Capitaine , qui eft
fort bien repréſentée.
Le 23. de ce mois , ils remirent la Tra
gédie de Bajazet , dans laquelle la femme
du S Le Grand , Comédien du Roi ,
qui n'étoit jamais montée fur le Théatre,
joia le Rôle de Roxane , & fut fort applaudie.
miers à marquer leur zele & leur joye à
T'occafion de la Naiffance du Duc d'An
jou , par des feux , des Illuminations &
par la Repréſentation gratis de la Comé
die du Feftin de Pierre.
Ils ont remis au Théatre depuis peu la
Comédie de la Fille Capitaine , qui eft
fort bien repréſentée.
Le 23. de ce mois , ils remirent la Tra
gédie de Bajazet , dans laquelle la femme
du S Le Grand , Comédien du Roi ,
qui n'étoit jamais montée fur le Théatre,
joia le Rôle de Roxane , & fut fort applaudie.
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Résumé : « Les Comédiens François ont été des premiers à marquer leur zele & leur joye à [...] »
Les Comédiens François ont célébré la naissance du Duc d'Anjou avec des feux, des illuminations et des représentations gratuites, dont Le Festin de Pierre. Ils ont joué La Fille Capitaine et Bajazet, où l'épouse du comédien du Roi, le Sieur Le Grand, a interprété Roxane pour la première fois, recevant des applaudissements chaleureux.
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469
p. 2205-2210
REFLEXIONS.
Début :
Dans les Athées, s'il est vrai qu'il y en ait, la corruption du coeur précede [...]
Mots clefs :
Savant, Athéisme, Athées, Esprit, Lumières, Intérêt
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS,
Ans les Athées , s'il eſt vrai qu'il y
en ait , la corruption du coeur précede
prefque toujours l'égarement de l'ef
prit , & un mépris orgueilleux des fentimens
populaires les détermine à une opinion
finguliere qui flate leur vanité plus
qu'elle ne perfuade leur raifon .
Dans quelque égarement que tombe
l'efprit humain , il eft impoffible d'éteindre
entierement la lumiere qui nous découvre
l'existence de Dieu , Créateur du
monde &c. & un Athée a , pour ainfi dire,
grand interêt de l'être pour calmer les
juftes
2206 MERCURE DE FRANCE
juftes frayeurs d'une confcience allarmée.
C'eſt un très grand abus de croire que
les maximes Evangeliques ne font guere
compatibles avec de grandes lumieres
& qu'il n'eft rien de fi voifin de l'irréligion
qu'un génie fublime & élevé.
On appelle Athées ceux qui par leurs
'difcours & leurs actions paroiffent fouhaiter
qu'il n'y ait point de Dieux , afin
de n'avoir point de fujet de craindre les
châtimens qu'ils méritent leurs impiétés
& leurs defordres. Dixit infipiens in
corde fuo , non eft Deus,
par
Ce n'eft pas l'incrédulité qui produit le
libertinage ; on affecte d'être incrédule
parcequ'on veut être libertin : on commence
par fuivre fon penchant , & puis
on cherche à le juftifier.
L'homme qui a de l'efprit , & qui con•
fulte les autres , n'eft prefque qu'un demi
homme ; mais celui qui n'en a point , &
qui ne prend confeil de perfonne n'eſt
pas homme.
Il eft difficile de bien choifir ceux à
qui on veut demander confeil : celui des
yieillards eft lent , timide & douteux : la
jeuneffe
OCTOBRE. 1730. 2207
jeuneffe en donne de legers , de violens,
de teméraires ; fi on confulte les Sçavans,
on eft fatigué de leurs longs difcours , &
choqué de leur opiniâtreté : fi on confulte
les ignorans , on eft maître de leurs
avis , mais on en tire peu de lumieres :
fi on s'adreffe aux pauvres , leurs confeils
feront intereffés ; fi on s'adreffe aux riches
, il y aura trop de hauteur & de du
reté dans le parti qu'ils propoferont ; nos
parens , nos domeftiques , pour mieux
nous flater , nous tromperont : les étran
gers ne le donneront pas la peine d'exa
miner la matiere & délibereront fans
attention , ne prenant nul interêt en la
choſe. Plufieurs confeillers embaraffent
peu de confeillers ne fuffifent pas.
2
Qui confulte une fois veut s'éclaircir ;
qui confulte deux fois cherche à douter.
Les Sçavans font pour l'ordinaire dédaigneux
pour les ignorans , & ils font
mal , car ils prouvent par là combien ils
leur reffemblent encore.
L'imitation fervile eft blâmable ; mais
un homme d'efprit fçait habilement fe
rendre propres , & faire paffer dans fes
Ouvrages les beautés de ceux qui l'ont
devancé. On honore ceux qu'on imitę
ayce
1
2208 MERCURE DE FRANCE
avec art ; & un Auteur , même celebre ,
qui feroit profeffion étroite de n'imiter
perfonne , rarement meriteroit-il d'être
imité .
Sur les faits hiſtoriques que nous apprenons
,ou que nous lifons dans les livres
nous devons toujours être en garde contre
l'incertitude qui flatte fans ceffe notre
vanité ; car nous aimons à entendre
nos connoiffances , & quand la verité fe
dérobe à nos recherches , nous nous contentons
de la trouver remplacée par la
fiction que notre crédulité réalife , l'erreur
nous paroiffant moins à craindre
que l'ignorance.
Les hommes d'un gout fûr & délicat
ne font jamais contens de leurs Ouvrages ;
ils ont une fi haute idée de la perfection,
qu'ils ne croyent jamais y être parvenus .
On ne doit pas faire dépendre fes idées
de fon goût ; il faut prendre des guides
plus furs , la raifon & l'experience.
La décadence des Sciences & des Arts
eft fort à craindre ; car on commence à
outrer tout. Le goût des beautés fimples
& naturelles fe perd ; il faudra déformais
du bizarre , de l'étranger & du mefquin
pour
OCTOBRE. 1730. 2209
pour nous toucher ; plus d'un obftacle
s'oppose à la guerilon du mauvais gout.
Le défaut des Medecins , les génies fuperieurs
, tels qu'il en faudroit pour ramener
les efprits, font rares; & quand il s'en
trouve , ils voyent le mal , ils le blâment.
& fe laiffent cependant entraîner par la
foule à laquelle ils veulent plaire : on aime
le nouveau & le fingulier , on ſe ſçait
bon gré de ne pas marcher fur les pas de
fes prédeceffeurs . La défenſe du mauvais
gout devient un interêt de nation ; d'ail.
leurs, quand on pourroit le guerir, quelle
méthode fuivre dans une entrepriſe fi
difficile , où le malade croit être dans une
parfaite fanté , & regarde le Medecin
comme celui qui a befoin de remede ? fi
quelqu'un s'apperçoit de l'erreur commune
, ofera-t'il l'attaquer ? ofera - t'il
s'écarter des routes par où l'on parvient
à la réputation la plus brillante ? ne crain
dra- t'il point de s'expoſer à la dériſion .
On voit tous les jours de petits génies
vuides de lumieres & d'efprit , & pleins
d'amour propre , fe montrer difficiles &
même critiquer hautement dáns les Sciences
& dans les Arts les nouveautés qui
paroiffent , pour ſe faire une réputation
de gens d'efprit & de gout , fe flattant
qu'en attaquant des Auteurs & des Ou-
E vrages
2210 MERCURE DE FRANCE
yrages celebres , on fera grand cas de leurs
remarques , & qu'on les mettra , finon
au deffus , au moins à coté des plus ha
biles.
& و
Quelques Sçavans pleins de bonne opinion
de leurs études , difent par tout , &
croyent même que tout est trouvé
cela parce qu'ils fe perfuadent avec complaifance
qu'ils n'ont plus rien à appren
dre. Ils méprifent hautement les nouvelles
découvertes , & ne daignent pas
les examiner , crainte de fe convaincre
d'une préfomption qui les flate.
Un efprit vain & de mauvaiſe trempe,
quoique cultivé d'ailleurs , parle de tout
avec confiance , & ne peut juger fainement
de rien ; les frais qu'il fait en lecture
& en effort de mémoire , pour paroître
habile , font prefque autant de nouvelles
couches de ridicule qu'il fe donne;
l'orgueil & l'impertinence percent au
travers ; enforte qu'on peut dire avec
Moliere :
Un fot fçavant eft fot plus qu'un fot ignorant.
Et avec un Poëte plus moderne , M.
Pope.
Tel eft devenu fat à force de lecture
Qui n'eut été que fot en fuivant la nature.
Ans les Athées , s'il eſt vrai qu'il y
en ait , la corruption du coeur précede
prefque toujours l'égarement de l'ef
prit , & un mépris orgueilleux des fentimens
populaires les détermine à une opinion
finguliere qui flate leur vanité plus
qu'elle ne perfuade leur raifon .
Dans quelque égarement que tombe
l'efprit humain , il eft impoffible d'éteindre
entierement la lumiere qui nous découvre
l'existence de Dieu , Créateur du
monde &c. & un Athée a , pour ainfi dire,
grand interêt de l'être pour calmer les
juftes
2206 MERCURE DE FRANCE
juftes frayeurs d'une confcience allarmée.
C'eſt un très grand abus de croire que
les maximes Evangeliques ne font guere
compatibles avec de grandes lumieres
& qu'il n'eft rien de fi voifin de l'irréligion
qu'un génie fublime & élevé.
On appelle Athées ceux qui par leurs
'difcours & leurs actions paroiffent fouhaiter
qu'il n'y ait point de Dieux , afin
de n'avoir point de fujet de craindre les
châtimens qu'ils méritent leurs impiétés
& leurs defordres. Dixit infipiens in
corde fuo , non eft Deus,
par
Ce n'eft pas l'incrédulité qui produit le
libertinage ; on affecte d'être incrédule
parcequ'on veut être libertin : on commence
par fuivre fon penchant , & puis
on cherche à le juftifier.
L'homme qui a de l'efprit , & qui con•
fulte les autres , n'eft prefque qu'un demi
homme ; mais celui qui n'en a point , &
qui ne prend confeil de perfonne n'eſt
pas homme.
Il eft difficile de bien choifir ceux à
qui on veut demander confeil : celui des
yieillards eft lent , timide & douteux : la
jeuneffe
OCTOBRE. 1730. 2207
jeuneffe en donne de legers , de violens,
de teméraires ; fi on confulte les Sçavans,
on eft fatigué de leurs longs difcours , &
choqué de leur opiniâtreté : fi on confulte
les ignorans , on eft maître de leurs
avis , mais on en tire peu de lumieres :
fi on s'adreffe aux pauvres , leurs confeils
feront intereffés ; fi on s'adreffe aux riches
, il y aura trop de hauteur & de du
reté dans le parti qu'ils propoferont ; nos
parens , nos domeftiques , pour mieux
nous flater , nous tromperont : les étran
gers ne le donneront pas la peine d'exa
miner la matiere & délibereront fans
attention , ne prenant nul interêt en la
choſe. Plufieurs confeillers embaraffent
peu de confeillers ne fuffifent pas.
2
Qui confulte une fois veut s'éclaircir ;
qui confulte deux fois cherche à douter.
Les Sçavans font pour l'ordinaire dédaigneux
pour les ignorans , & ils font
mal , car ils prouvent par là combien ils
leur reffemblent encore.
L'imitation fervile eft blâmable ; mais
un homme d'efprit fçait habilement fe
rendre propres , & faire paffer dans fes
Ouvrages les beautés de ceux qui l'ont
devancé. On honore ceux qu'on imitę
ayce
1
2208 MERCURE DE FRANCE
avec art ; & un Auteur , même celebre ,
qui feroit profeffion étroite de n'imiter
perfonne , rarement meriteroit-il d'être
imité .
Sur les faits hiſtoriques que nous apprenons
,ou que nous lifons dans les livres
nous devons toujours être en garde contre
l'incertitude qui flatte fans ceffe notre
vanité ; car nous aimons à entendre
nos connoiffances , & quand la verité fe
dérobe à nos recherches , nous nous contentons
de la trouver remplacée par la
fiction que notre crédulité réalife , l'erreur
nous paroiffant moins à craindre
que l'ignorance.
Les hommes d'un gout fûr & délicat
ne font jamais contens de leurs Ouvrages ;
ils ont une fi haute idée de la perfection,
qu'ils ne croyent jamais y être parvenus .
On ne doit pas faire dépendre fes idées
de fon goût ; il faut prendre des guides
plus furs , la raifon & l'experience.
La décadence des Sciences & des Arts
eft fort à craindre ; car on commence à
outrer tout. Le goût des beautés fimples
& naturelles fe perd ; il faudra déformais
du bizarre , de l'étranger & du mefquin
pour
OCTOBRE. 1730. 2209
pour nous toucher ; plus d'un obftacle
s'oppose à la guerilon du mauvais gout.
Le défaut des Medecins , les génies fuperieurs
, tels qu'il en faudroit pour ramener
les efprits, font rares; & quand il s'en
trouve , ils voyent le mal , ils le blâment.
& fe laiffent cependant entraîner par la
foule à laquelle ils veulent plaire : on aime
le nouveau & le fingulier , on ſe ſçait
bon gré de ne pas marcher fur les pas de
fes prédeceffeurs . La défenſe du mauvais
gout devient un interêt de nation ; d'ail.
leurs, quand on pourroit le guerir, quelle
méthode fuivre dans une entrepriſe fi
difficile , où le malade croit être dans une
parfaite fanté , & regarde le Medecin
comme celui qui a befoin de remede ? fi
quelqu'un s'apperçoit de l'erreur commune
, ofera-t'il l'attaquer ? ofera - t'il
s'écarter des routes par où l'on parvient
à la réputation la plus brillante ? ne crain
dra- t'il point de s'expoſer à la dériſion .
On voit tous les jours de petits génies
vuides de lumieres & d'efprit , & pleins
d'amour propre , fe montrer difficiles &
même critiquer hautement dáns les Sciences
& dans les Arts les nouveautés qui
paroiffent , pour ſe faire une réputation
de gens d'efprit & de gout , fe flattant
qu'en attaquant des Auteurs & des Ou-
E vrages
2210 MERCURE DE FRANCE
yrages celebres , on fera grand cas de leurs
remarques , & qu'on les mettra , finon
au deffus , au moins à coté des plus ha
biles.
& و
Quelques Sçavans pleins de bonne opinion
de leurs études , difent par tout , &
croyent même que tout est trouvé
cela parce qu'ils fe perfuadent avec complaifance
qu'ils n'ont plus rien à appren
dre. Ils méprifent hautement les nouvelles
découvertes , & ne daignent pas
les examiner , crainte de fe convaincre
d'une préfomption qui les flate.
Un efprit vain & de mauvaiſe trempe,
quoique cultivé d'ailleurs , parle de tout
avec confiance , & ne peut juger fainement
de rien ; les frais qu'il fait en lecture
& en effort de mémoire , pour paroître
habile , font prefque autant de nouvelles
couches de ridicule qu'il fe donne;
l'orgueil & l'impertinence percent au
travers ; enforte qu'on peut dire avec
Moliere :
Un fot fçavant eft fot plus qu'un fot ignorant.
Et avec un Poëte plus moderne , M.
Pope.
Tel eft devenu fat à force de lecture
Qui n'eut été que fot en fuivant la nature.
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Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore divers aspects de la nature humaine et de la société, en se concentrant sur la foi, la raison et les comportements sociaux. Il commence par aborder l'athéisme, affirmant que la corruption morale précède souvent l'incrédulité. Même les athées ressentent le besoin de croire en Dieu pour apaiser leur conscience. Le texte critique l'idée que les enseignements évangéliques soient incompatibles avec une grande intelligence, soulignant que l'incrédulité sert souvent de justification au libertinage. Le texte discute également de la difficulté de choisir des conseillers fiables. Chaque groupe a ses défauts : les vieillards sont lents, les jeunes sont téméraires, les savants sont opiniâtres, et les ignorants manquent de lumières. Il met en garde contre l'incertitude et la vanité qui conduisent à préférer la fiction à la vérité. Ensuite, il traite de la décadence des sciences et des arts, attribuée à un goût excessif pour le bizarre et l'étranger. Les médecins et les esprits supérieurs, bien qu'ils voient le mal, se laissent entraîner par la foule. Le texte critique ceux qui se croient supérieurs et méprisent les nouvelles découvertes, ainsi que les esprits vains qui parlent de tout avec confiance sans véritable connaissance. Enfin, le texte cite Molière et Pope pour illustrer que la vanité et l'impertinence peuvent rendre un savant ridicule.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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470
p. 2211
ENIGME.
Début :
Ne cherche point à me connoître ; [...]
Mots clefs :
Énigme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
NE cherche point à me connoitre į
Je payerois trop cher ta curiofité ;
Mon effence dépend de mon obſcurité ,
Et fi l'on me découvre, alors je ceffe d'être.
L'on tombe d'accord néanmoins
Que mon pere prudent & fage
M'ayant mis un maſque au viſage ,
Tel qui veut me l'ôter fouvent y perd les foins:
Mais pourquoi me flater d'une efperance vaine
Helas un fort capricieux ,
Pour rendre ma perte certaine
Me place ici devant tes yeux.
Par M. de Morteffaignes de Pradelles.
NE cherche point à me connoitre į
Je payerois trop cher ta curiofité ;
Mon effence dépend de mon obſcurité ,
Et fi l'on me découvre, alors je ceffe d'être.
L'on tombe d'accord néanmoins
Que mon pere prudent & fage
M'ayant mis un maſque au viſage ,
Tel qui veut me l'ôter fouvent y perd les foins:
Mais pourquoi me flater d'une efperance vaine
Helas un fort capricieux ,
Pour rendre ma perte certaine
Me place ici devant tes yeux.
Par M. de Morteffaignes de Pradelles.
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471
p. 2232-2237
Réponse du Soufleur de la Comedie de Roüen, à la Lettre, &c. [titre d'après la table]
Début :
RÉPONSE du Soufleur de la Comédie de Roüen, à la Lettre du Garçon de [...]
Mots clefs :
Souffleur, Théâtre, Amour, Acteur, Voix, Comédie de Rouen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Réponse du Soufleur de la Comedie de Roüen, à la Lettre, &c. [titre d'après la table]
REPONSE du Soufleur de la Comédie
de Rouen , à la Lettre du Garçon de
Caffe. A Paris , Quai de Conti , chez Tabarie
, 16 30. broch . in 12. de 71 pages.
L'Auteur s'applique d'abord à détourner
fon ami Claude , de l'envie qu'il a de
devenir homme de Lettres. Qu'est- ce
qu'un fçavant qui ne connoît que fes
Livres & fon Cabinet ? lui dit- il , le mérite
feul ne fuffit pas ; il faut fçavoir prévenir
& fupplanter un Rival , fe faire
adroitement une foule de partifans qui
Vous
OCTOBRE. 1730. 22 3 3
vous entoure , vous flate & rabaiffe les
autres. Il faut avoir l'art de s'infinuer , de
fe faire valoir , de pallier fon ignorance,
& de fe faire même un mérite de ce qu'on
ne fçait pas.
En parlant des talens des Comédiens ,
dans la feconde Lettre , page 14. on applaudit
& on blâme tous les jours par fimples
préjugez , dit l'Auteur , la bonne
mine , un fon de voix , un air gracieux
quelques difpofitions qui femblent promettre
, préviennent fouvent & captivent
les fuffrages ; celui -la eft rejetté par le même
caprice qui fait grace à l'autre , &c.
On blâme enfuite les acteurs qui font
outrez dans leur déclamation , qui expriment
la douleur comme le défelpoir , au
lieu de peindre la trifteffe & l'abattement,
par des plaintes moderées , par des regrets
& des gémiffemens , &c . On blâme
encore ceux qui expriment la tendreffe
par ce qui convient à la douleur ; le caractere
de l'amour étant la timidité , l'im
patience , la langueur , les foupirs en
Aammez , & c.
Quelle fimplicité , quelle vraifem -blance
, dit - on enfuite en parlant du feu
feur Baron ; mais que cette fimplicité
étoit majestueuſe ! il fembloit à l'aifance
avec laquelle il foutenoit fes caracteres
auguftes , que la grandeur lui fut natu-
F
relle a
1
2234 MERCURE DE FRANCE
relle , qu'il fut né pour commander aux
autres . En un mot , on l'eut pris pour
le
Prince même au milieu de fon Palais .
Bien éloigné d'appuyer fur chaque vers &
fur chaque mot , & de faire briller avec
affectation les beautez qui pouvoient
frapper , il ne montroit les penfées que
par les fentimens , ou s'il relevoit quelque
fens ou quelque expreffion , c'étoit
de celles qui femblent cachées , & qui ne
fe produilent point aflez d'elles-mêmes.
Lorfque cet Acteur foupiroit , fe plaignoit
, aimoit , entroit en fureur , tous
les mouvemens étoient tels que fon
amour , fa fureur , fa crainte , &c. paroiffoient
véritables . Il fçavoit caracteriſer
toutes ces paffions , par ce qu'elles ont de
particulier , & non feulement il ne les
confondoit point les unes avec les autres ;
mais il les diftinguoit en elles-mêmes par
mille circonftances propres aux perfonnages
dont il étoit revêtu ; on découvroit
même au milieu de fes tranſports un combat
de Héros & de l'homme paffionné , de
fa fermeté naturelle & du penchant qui
l'entraîne ; enfin un mélange de fa
gran
deur & de fa foibleffe.
En parlant de la Die, le Couvreur , on
lit à la page 31. Jamais elle ne fe préſentoit
fur le Théatre qu'elle ne parut penétrée
; fes yeux annonçoient ce qu'elle
alloit
OCTOBRE . 1730. 2235
alloit dire , fa crainte & fes foupirs étoient
peints fur fon vifage. Au furplus , elle difpofoit
à fon gré de fon coeur & de fes fentimens.
Elle paffoit fans peine de la violence
à une tranquilité parfaite , de la
tendreffe à la fureur , d'une frayeur fubite
au déguiſement , &c . fon vifage étoit fuc-.
ceffivement ferein , trouble , foumis
fier , abbatu , menaçant , emporté , plein
de compaffion . Dans tous ces mouvemens
, le fpectateur la fuivoit fans réfiltance
; il étoit auffi touché qu'elle- même
, fa furpriſe faififfoit , on craignoit
on gemiffoit , on trembloit avec elle , on
pleuroit même avant que de voir couler
fes larmes. Cela n'eft point furprenant
c'eft qu'on ne voyoit rien en elle qui ne
parut réel & effectif. Sa voix fembloit
moins s'exprimer que fon coeur ; mais
elle accordoit toûjours la paffion avec le
caractere general , fans jamais oublier
l'un pour l'autre. Elle étoit noble au milieu
de fes tranfports , fa fierté égaloit
celle de fon perfonnage fans l'outrer ;
Phedre étoit livré à fes fureurs & à fon
amour , fans être au- deffous de fa grandeur.
Mile le Couvreur qui s'étoit formée fur
Baron ( tout le monde ne conviendra pas de
cela ) le contentoit d'être naturelle fans
affecter cette fimplicité. Elle évitoit
Fij l'enflure ;
trop
2236 MERCURE DE FRANCE
1
Fenflure ; mais elle ne defcendoit jamais
au- deffous de la grandeur heroïque. Elle
étoit fimple , fi vous voulez , parce que
la nature a quelque chofe d'aifé , qui approche
de la fimplicité , mais non pas
fimple , comme le fieur Baron . Le fond
de fon jeu étoit naturel , elle rejettoit
tout ce qui peut paroître outré , recherché
, ambitieux , mais elle ne lui refufoit
point certain ornement capable de ren-
Are l'action plus brillante & plus majeftueufe
: enfin pour exprimer entierement
ce que je penfe , je comparerai le gout
de :
la déclamation à celui de la parure dans
les Dames , & je dirai que fans tomber dans
F'excès des unes qui accablent leurs vifages
d'un mélangé de coloris empruntez
ni dans l'indifference des autres qui méprifent
tout ce qui eft étranger à la nature
, elle imitoit celles qui relevent avec
modeftie l'éclat de leur beauté naturelle.
En effet le fimple n'eft neceffaire qu'autant
qu'il faut éviter l'enflure des vers
le naturel eft d'une neceffité indifpenfa
ble dans toutes les parties .
A la page 52. en parlant du Parterre &
des Spectateurs qui décident, on y lit : La
Comédie eft fouvent remplie de gens fans
goût qui ne fçavent rire que d'une farce ,
d'une pointe , d'une poliffonnerie ; la Foire
leur conviendroit beaucoup mieux qu'un
Spectacle
OCTOBRE 1730. 2237
Spectacle plus férieux . Cependant comme
les plus fous font toûjours les plus hardis
& les plus prompts à juger , c'eft fouvent
une femblable cohue qui fifle , ou
qui applaudit au premier caprice.
que
me ,
و
Il eft bien plus aife , continue l'Auteur ,
de remarquer les défauts des Comédiens
de faire mieux ; en effet , il faut tant
de parties pour faire un parfait Acteur
même un bon , qu'il n'eft pas furprenant
qu'il y enait fi peu. Celui- ci aura de l'amais
il manque de voix. Un autre a
tout ce qu'il faut , mais il n'a point de
repréſentation . Il faut donc raffembler la
voix , la mine , les entrailles , le feu , une
longue pratique , une décence naturelle
mille autres petites qualitez dont le défaut
ne faifit point d'abord , mais qui ne
laiffe point de faire un tort imperceptible
au bon qui fe rencontre d'ailleurs. Delà
on conclud , que nous ne devons rebuter
qu'un Acteur , qui après une longue habitude
au Theatre refte opiniâtre dans fes
défauts, fans acquerir aucun talent. Il faut
au contraire fupporter celui qui travaille
à fe corriger , & l'encourager lorfqu'il
fait bien . Mais il feroit à fouhaiter que le
public accordât fon fuffrage avec plus de
difcernement,& n'applaudit qu'au mérite.
de Rouen , à la Lettre du Garçon de
Caffe. A Paris , Quai de Conti , chez Tabarie
, 16 30. broch . in 12. de 71 pages.
L'Auteur s'applique d'abord à détourner
fon ami Claude , de l'envie qu'il a de
devenir homme de Lettres. Qu'est- ce
qu'un fçavant qui ne connoît que fes
Livres & fon Cabinet ? lui dit- il , le mérite
feul ne fuffit pas ; il faut fçavoir prévenir
& fupplanter un Rival , fe faire
adroitement une foule de partifans qui
Vous
OCTOBRE. 1730. 22 3 3
vous entoure , vous flate & rabaiffe les
autres. Il faut avoir l'art de s'infinuer , de
fe faire valoir , de pallier fon ignorance,
& de fe faire même un mérite de ce qu'on
ne fçait pas.
En parlant des talens des Comédiens ,
dans la feconde Lettre , page 14. on applaudit
& on blâme tous les jours par fimples
préjugez , dit l'Auteur , la bonne
mine , un fon de voix , un air gracieux
quelques difpofitions qui femblent promettre
, préviennent fouvent & captivent
les fuffrages ; celui -la eft rejetté par le même
caprice qui fait grace à l'autre , &c.
On blâme enfuite les acteurs qui font
outrez dans leur déclamation , qui expriment
la douleur comme le défelpoir , au
lieu de peindre la trifteffe & l'abattement,
par des plaintes moderées , par des regrets
& des gémiffemens , &c . On blâme
encore ceux qui expriment la tendreffe
par ce qui convient à la douleur ; le caractere
de l'amour étant la timidité , l'im
patience , la langueur , les foupirs en
Aammez , & c.
Quelle fimplicité , quelle vraifem -blance
, dit - on enfuite en parlant du feu
feur Baron ; mais que cette fimplicité
étoit majestueuſe ! il fembloit à l'aifance
avec laquelle il foutenoit fes caracteres
auguftes , que la grandeur lui fut natu-
F
relle a
1
2234 MERCURE DE FRANCE
relle , qu'il fut né pour commander aux
autres . En un mot , on l'eut pris pour
le
Prince même au milieu de fon Palais .
Bien éloigné d'appuyer fur chaque vers &
fur chaque mot , & de faire briller avec
affectation les beautez qui pouvoient
frapper , il ne montroit les penfées que
par les fentimens , ou s'il relevoit quelque
fens ou quelque expreffion , c'étoit
de celles qui femblent cachées , & qui ne
fe produilent point aflez d'elles-mêmes.
Lorfque cet Acteur foupiroit , fe plaignoit
, aimoit , entroit en fureur , tous
les mouvemens étoient tels que fon
amour , fa fureur , fa crainte , &c. paroiffoient
véritables . Il fçavoit caracteriſer
toutes ces paffions , par ce qu'elles ont de
particulier , & non feulement il ne les
confondoit point les unes avec les autres ;
mais il les diftinguoit en elles-mêmes par
mille circonftances propres aux perfonnages
dont il étoit revêtu ; on découvroit
même au milieu de fes tranſports un combat
de Héros & de l'homme paffionné , de
fa fermeté naturelle & du penchant qui
l'entraîne ; enfin un mélange de fa
gran
deur & de fa foibleffe.
En parlant de la Die, le Couvreur , on
lit à la page 31. Jamais elle ne fe préſentoit
fur le Théatre qu'elle ne parut penétrée
; fes yeux annonçoient ce qu'elle
alloit
OCTOBRE . 1730. 2235
alloit dire , fa crainte & fes foupirs étoient
peints fur fon vifage. Au furplus , elle difpofoit
à fon gré de fon coeur & de fes fentimens.
Elle paffoit fans peine de la violence
à une tranquilité parfaite , de la
tendreffe à la fureur , d'une frayeur fubite
au déguiſement , &c . fon vifage étoit fuc-.
ceffivement ferein , trouble , foumis
fier , abbatu , menaçant , emporté , plein
de compaffion . Dans tous ces mouvemens
, le fpectateur la fuivoit fans réfiltance
; il étoit auffi touché qu'elle- même
, fa furpriſe faififfoit , on craignoit
on gemiffoit , on trembloit avec elle , on
pleuroit même avant que de voir couler
fes larmes. Cela n'eft point furprenant
c'eft qu'on ne voyoit rien en elle qui ne
parut réel & effectif. Sa voix fembloit
moins s'exprimer que fon coeur ; mais
elle accordoit toûjours la paffion avec le
caractere general , fans jamais oublier
l'un pour l'autre. Elle étoit noble au milieu
de fes tranfports , fa fierté égaloit
celle de fon perfonnage fans l'outrer ;
Phedre étoit livré à fes fureurs & à fon
amour , fans être au- deffous de fa grandeur.
Mile le Couvreur qui s'étoit formée fur
Baron ( tout le monde ne conviendra pas de
cela ) le contentoit d'être naturelle fans
affecter cette fimplicité. Elle évitoit
Fij l'enflure ;
trop
2236 MERCURE DE FRANCE
1
Fenflure ; mais elle ne defcendoit jamais
au- deffous de la grandeur heroïque. Elle
étoit fimple , fi vous voulez , parce que
la nature a quelque chofe d'aifé , qui approche
de la fimplicité , mais non pas
fimple , comme le fieur Baron . Le fond
de fon jeu étoit naturel , elle rejettoit
tout ce qui peut paroître outré , recherché
, ambitieux , mais elle ne lui refufoit
point certain ornement capable de ren-
Are l'action plus brillante & plus majeftueufe
: enfin pour exprimer entierement
ce que je penfe , je comparerai le gout
de :
la déclamation à celui de la parure dans
les Dames , & je dirai que fans tomber dans
F'excès des unes qui accablent leurs vifages
d'un mélangé de coloris empruntez
ni dans l'indifference des autres qui méprifent
tout ce qui eft étranger à la nature
, elle imitoit celles qui relevent avec
modeftie l'éclat de leur beauté naturelle.
En effet le fimple n'eft neceffaire qu'autant
qu'il faut éviter l'enflure des vers
le naturel eft d'une neceffité indifpenfa
ble dans toutes les parties .
A la page 52. en parlant du Parterre &
des Spectateurs qui décident, on y lit : La
Comédie eft fouvent remplie de gens fans
goût qui ne fçavent rire que d'une farce ,
d'une pointe , d'une poliffonnerie ; la Foire
leur conviendroit beaucoup mieux qu'un
Spectacle
OCTOBRE 1730. 2237
Spectacle plus férieux . Cependant comme
les plus fous font toûjours les plus hardis
& les plus prompts à juger , c'eft fouvent
une femblable cohue qui fifle , ou
qui applaudit au premier caprice.
que
me ,
و
Il eft bien plus aife , continue l'Auteur ,
de remarquer les défauts des Comédiens
de faire mieux ; en effet , il faut tant
de parties pour faire un parfait Acteur
même un bon , qu'il n'eft pas furprenant
qu'il y enait fi peu. Celui- ci aura de l'amais
il manque de voix. Un autre a
tout ce qu'il faut , mais il n'a point de
repréſentation . Il faut donc raffembler la
voix , la mine , les entrailles , le feu , une
longue pratique , une décence naturelle
mille autres petites qualitez dont le défaut
ne faifit point d'abord , mais qui ne
laiffe point de faire un tort imperceptible
au bon qui fe rencontre d'ailleurs. Delà
on conclud , que nous ne devons rebuter
qu'un Acteur , qui après une longue habitude
au Theatre refte opiniâtre dans fes
défauts, fans acquerir aucun talent. Il faut
au contraire fupporter celui qui travaille
à fe corriger , & l'encourager lorfqu'il
fait bien . Mais il feroit à fouhaiter que le
public accordât fon fuffrage avec plus de
difcernement,& n'applaudit qu'au mérite.
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Résumé : Réponse du Soufleur de la Comedie de Roüen, à la Lettre, &c. [titre d'après la table]
Le texte est une réponse du Soufleur de la Comédie de Rouen à une lettre du Garçon de Café, publiée à Paris en octobre 1730. L'auteur commence par dissuader son ami Claude de devenir homme de lettres, affirmant que le mérite seul ne suffit pas et qu'il est nécessaire de savoir se faire valoir et pallier son ignorance. L'auteur critique ensuite les préjugés du public qui applaudit ou blâme les comédiens en fonction de leur apparence ou de leur voix plutôt que de leur talent. Il condamne les acteurs qui surjouent la douleur ou la tendresse et loue la simplicité et la vraisemblance dans le jeu. Le texte évoque deux acteurs célèbres : le sieur Baron, connu pour sa majesté et sa capacité à caractériser les passions de manière nuancée, et la demoiselle Le Couvreur. Cette dernière maîtrisait les transitions entre différents états émotionnels sans jamais perdre sa grandeur héroïque. Elle évitait l'enflure et l'affectation, tout en ajoutant un ornement naturel à son jeu. Enfin, l'auteur critique le public, souvent composé de gens sans goût, qui jugent hâtivement les comédiens. Il souligne la difficulté de devenir un bon acteur, nécessitant une combinaison de nombreuses qualités, et appelle à un jugement plus discernant du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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472
p. 2255-2256
Saluste avec des Notes, &c. [titre d'après la table]
Début :
C. CRISPI SALLUSTII OPERA : qua extant ad usum Scholarum Universitatis Parisiensis. 1 vol. [...]
Mots clefs :
Salluste, Notes, Commentaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Saluste avec des Notes, &c. [titre d'après la table]
C. CRISPI SALLUSTII OPERA : qua extant ad
ufum Scholarum Univerfitatis Parifienfis . Ivol.
in 12.Parifiis apud Joannem Defaint , Bibliopol.
Jurat. &c. viâ S. J. Bellovacenfis 1729.
Nous ne manquions pas d'Editions de Sallufte,
accompagnées ou de Commentaires ou de Notes,
mais nous en manquions du merite de celle- cy ,
dans laquelle l'Editeur n'ayant en vue que l'uti
lité particuliere de la jeuneffe , n'a rien épargné
pour arriver à un but fi loüable , & fi fouvent
négligé par ceux qui n'ont penfé qu'à briller
dans cette carriere & à faire parade d'une vaine
érudition. Ce n'eft pas cependant que les perfonnes
avancées dans les Humanitez , les Maîtres
mêmes ne puiffent lire utilement & agréablement
les Notes courtes & choifies , dont le nouvel
Editeur a accompagné le Texte de Sallufte.
Une affez courte Préface dans laquelle il rend
compte de fes intentions, & de l'execution de fon
travail , mérite d'être lûë . On y trouve auffi un
précis de la vie de Sallufte , & un jugement de
cet Hiftorien. Nous ne rapporterons rien de fa
Critique , parce que la latinité de l'Editeur eft fi
purs
2256 MERCURE
DE FRANCE
pure , fon expreffion fi énergique , qu'il y auroit
de la témerité à nous , & de la perte pour le public , fi nous préfumions de bien rendre en
françois tous les traits avec lefquels ce parfait
imitateur de Sallufte a peint fon Auteur.
Contentons -nous de faire connoître Sallufte
des traits équivalens , que nous emprunterons par
d'un celebre Ecrivain François.
םיכ
30
82
Parmi les Hiftoriens Latins , Sallufte a l'air
grand, l'efprit jufte,le fens admirable. Perfonne
n'a mieux exprimé le ftyle fenfé , exact , auftere
de Thucydide. Il eft dur quelquefois dans fes
expreffions , mais il n'eft point fade ; ſa brieveté
lui ôte un peu de fa clarté . Il n'a rien de faux
» dans fes manieres , & il donne du poids à tout
» ce qu'il dit . Ses fentimens font toujours beaux ,
fes moeurs ne fuffent pas bonnes ; car quoique
il déclame fans ceffe contre le vice , & il parle
toujours bien de la vertu . Je le trouve un peu
trop chagrin contre fa Patrie , & mal penfant
contre fon prochain : du refte c'eft un fort
grand Homme. C'eft ainfi que s'exprime le
P. Rapin , dans fes Reflexions fur l'Hiſtoire , art .
28. en rendant admirablement bien ce qu'Avîude
mots de Sal- gelle & Lactance ont dit en peu
lufte , & en ajoutant fon propre jugement ſur cet
Hiftorien .
B3
02
Il nous refte à dire que le Libraire de fon côté
a employé dans cette nouvelle Edition toute la
fagacité de fon Art pour la rendre correcte , &
pour ainfi dire , fort gracieufe , par la beauté &
la netteté des caracteres. N'oublions pas que les
Notes font de M. Heuzet , qui a profeflé avec
réputation au Collège de Beauvais , & qui a donné
les Selecta Hiftoria tum è veteri Teftamento,
cum è prophanis Scriptoribus , qui eft entre les
mains de tout le monde.
ufum Scholarum Univerfitatis Parifienfis . Ivol.
in 12.Parifiis apud Joannem Defaint , Bibliopol.
Jurat. &c. viâ S. J. Bellovacenfis 1729.
Nous ne manquions pas d'Editions de Sallufte,
accompagnées ou de Commentaires ou de Notes,
mais nous en manquions du merite de celle- cy ,
dans laquelle l'Editeur n'ayant en vue que l'uti
lité particuliere de la jeuneffe , n'a rien épargné
pour arriver à un but fi loüable , & fi fouvent
négligé par ceux qui n'ont penfé qu'à briller
dans cette carriere & à faire parade d'une vaine
érudition. Ce n'eft pas cependant que les perfonnes
avancées dans les Humanitez , les Maîtres
mêmes ne puiffent lire utilement & agréablement
les Notes courtes & choifies , dont le nouvel
Editeur a accompagné le Texte de Sallufte.
Une affez courte Préface dans laquelle il rend
compte de fes intentions, & de l'execution de fon
travail , mérite d'être lûë . On y trouve auffi un
précis de la vie de Sallufte , & un jugement de
cet Hiftorien. Nous ne rapporterons rien de fa
Critique , parce que la latinité de l'Editeur eft fi
purs
2256 MERCURE
DE FRANCE
pure , fon expreffion fi énergique , qu'il y auroit
de la témerité à nous , & de la perte pour le public , fi nous préfumions de bien rendre en
françois tous les traits avec lefquels ce parfait
imitateur de Sallufte a peint fon Auteur.
Contentons -nous de faire connoître Sallufte
des traits équivalens , que nous emprunterons par
d'un celebre Ecrivain François.
םיכ
30
82
Parmi les Hiftoriens Latins , Sallufte a l'air
grand, l'efprit jufte,le fens admirable. Perfonne
n'a mieux exprimé le ftyle fenfé , exact , auftere
de Thucydide. Il eft dur quelquefois dans fes
expreffions , mais il n'eft point fade ; ſa brieveté
lui ôte un peu de fa clarté . Il n'a rien de faux
» dans fes manieres , & il donne du poids à tout
» ce qu'il dit . Ses fentimens font toujours beaux ,
fes moeurs ne fuffent pas bonnes ; car quoique
il déclame fans ceffe contre le vice , & il parle
toujours bien de la vertu . Je le trouve un peu
trop chagrin contre fa Patrie , & mal penfant
contre fon prochain : du refte c'eft un fort
grand Homme. C'eft ainfi que s'exprime le
P. Rapin , dans fes Reflexions fur l'Hiſtoire , art .
28. en rendant admirablement bien ce qu'Avîude
mots de Sal- gelle & Lactance ont dit en peu
lufte , & en ajoutant fon propre jugement ſur cet
Hiftorien .
B3
02
Il nous refte à dire que le Libraire de fon côté
a employé dans cette nouvelle Edition toute la
fagacité de fon Art pour la rendre correcte , &
pour ainfi dire , fort gracieufe , par la beauté &
la netteté des caracteres. N'oublions pas que les
Notes font de M. Heuzet , qui a profeflé avec
réputation au Collège de Beauvais , & qui a donné
les Selecta Hiftoria tum è veteri Teftamento,
cum è prophanis Scriptoribus , qui eft entre les
mains de tout le monde.
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Résumé : Saluste avec des Notes, &c. [titre d'après la table]
Le texte décrit une édition des œuvres de Salluste, publiée en 1729 à Paris par Joannem Desaint. Cette édition est particulièrement utile pour les jeunes étudiants grâce à sa clarté et son utilité. Les notes courtes et choisies accompagnant le texte sont également bénéfiques pour les personnes avancées dans les humanités. La préface de l'éditeur, qui explique ses intentions et l'exécution de son travail, mérite d'être lue. Elle contient un précis de la vie de Salluste et un jugement sur cet historien. Salluste est présenté comme un historien latin majeur, doté d'un esprit juste et d'un sens admirable. Son style est comparé à celui de Thucydide, bien qu'il puisse parfois être dur et peu clair en raison de sa brièveté. Ses sentiments sont toujours nobles, mais ses mœurs ne sont pas toujours bonnes. Il est critique envers sa patrie et son prochain, mais reste un grand homme selon le Père Rapin. L'édition est également louée pour la correction et l'élégance de ses caractères. Les notes sont de M. Heuzet, professeur réputé au Collège de Beauvais, connu pour ses 'Selecta Historia'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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473
p. 2273-2277
Le Caprice d'Erato, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 28. Septembre, l'Académie Royale de Musique reprit l'Opera d'Alcione, [...]
Mots clefs :
Apollon, Académie royale de musique, Chants, Erato
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Caprice d'Erato, &c. [titre d'après la table]
SPECTACLES.
E 28. Septembre , l'Académie Royale
de Mufique reprit l'Opera d'Alcione
dont on a donné l'Extrait dans le premier
volume du mois de Juin dernier ,
& le 8. de ce mois on en retrancha le Prologue,
& on donna à la place, à la fin de
la Piece , un Divertiffement d'un Acte ,
intitulé , Le Caprice d'Erato , lequel avoiť
été compofé l'année paffée à l'occafion
de la Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN.
Ce Divertiffement a été exccuté
plufieurs fois avec fuccès à la Cour , en
prefence de Leurs Majeftez : Les paroles
font de la compofition de M. Fufelier ,
& la Mufique de M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Mufique du Roi ; voici en
peu de mots le Sujet :
Erato & fes Eleves font entendre leurs
Chants dans des lieux que le Heros de la
France honore fouvent de fa prefence ;
Apollon même anime leurs Concerts,
Minerve vient leur annoncer un nouveau
fujet de fête ; c'eft la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin . Elle s'exprime ainfi :
Louis, à vos Concerts offre un objet nouveau ;
Il
2274 MERCURE DE FRANCE
Il vous donne un Dauphin ; tous les Dieux-l'environnent
;
Les Vertus gardent fon Berceau ;
Les Graces le couronnent .
Apollon ranime Erato & fes Eleves par
ces deux Vers :
Chantez ; de votre fort celebrez les appas ;
Mortels , tous les plaiſirs vont voler fur vos pas.
Minerve fe joint à Apollon , & fait une
feconde Invitation ; le Choeur repete les
deux Vers qu'Apollon a chantez. Erato
commence la Fête par ces Vers , qu'elle
adreffe à fes Eleves.
+3
Par mille Chants nouveaux,fignalons notre hom
mage ;
C'eft ainfi qu'Erato peut exprimer fes voeux
Terpficore , venez , embelliffez nos jeux.
De cent objets divers traçons ici l'image ;
Exprimons nos tranſports dans un caprice heu
reux .
Ces derniers Vers font l'expofition du
Divertiffement ; Terpficore feconde les
Chants d'Erato par fes Danfes legeres.
Erato.
De la faifon nouvelle ,
Je vais vous peindre le retour;
´
De
OCTOBRE. 1730. 2275
De Bergers amoureux , qu'une Troupe fidele ,
Vienne avec moi celebrer ce beau jour.
Après quelques Chants & quelques
Danfes, une Bergere chante cet Air :
Le Printems regne enfin dans ce charmant féjour;
En faveur des plaiſirs il ranime l'ombrage ;
Et déja l'Amant ſuit l'Amour
Qui l'appelle fous le feuillage.
>
Le caprice d'Erato s'étend jufqu'aux Enfers
; mais comme cette Mufe juge bien
qu'une Fête infernale ne convient pas au
fujet qu'elle veut celebrer , elle dit :
Reftez, Monftres affreux , dans le fond des En
fers ;
Refpectez les plaisirs qui charment l'Univers.
Ce bruit infernal lui donne occafion"
de faire regner le fommeil qui doit fervir
à le calmer. Au fommeil fuccedent des
Bacchantes ; une Eleve d'Erato chante ces
quatre Vers :
Bacchus , ne tarde pas ; regne , viens nous faifir ,
De ta douce folie , heureux qui fent les charmes ,
A la trifte Raifon tu ne ravis les armes ,
Que pour les donner au Plaifir .
Erato ordonne une Symphonie qui imi-
το
2276 MERCURE DE FRANCE
te le chant des Oifeaux : elle chante ces
quatre Vers :
Oifeaux , que vos Concerts m'enchantent fur ces
bords !
Vous chantez le Dieu qui m'engage ;
Lorfqu'on a de l'Amour éprouvé les tranſports ,
On entend bien votre langage.
Diane vient le joindre à la Fête ; on entend
une Fanfare de Cors de Chaffe ; on
chante ces deux Couplets :
Diane , tes Jeux ont fçu plaire ,
Au plus charmant des Rois ;
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Il a fait oublier Adonis dans Cythere.
Amour , vous volez fur les traces ,
Du plus charmant des Rois :
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Venus dans fes Jardins ne trouve plus les Graces:
Apollon invite Erato & fes Eleves à
fignaler toujours leur zele pour le Roi .
La Fête finit par ces Vers que Minerve
chante :
Zéphirs , quittez la Cour de Flore ,
Pour le beau Lys qui vient d'éclores
L'éclat de ce Lys précieux ,
Dans
OCTOBRE . 1730. 2277
2.
Dans cent climats va fe répandre ;
La terre pouvoit- elle attendre ,
Un plus riche préfent des Cieux ?
Zéphirs , &c.
Auprès de cette aimable Fleur ,
Volez fur les bords de la Seine
Et que votre plus douce haleine
Conferve à jamais fa fraîcheur;
Zéphirs , &c.
Ces Couplets font fuivis d'un Choeur
dont Apollon fournit le fujet.
E 28. Septembre , l'Académie Royale
de Mufique reprit l'Opera d'Alcione
dont on a donné l'Extrait dans le premier
volume du mois de Juin dernier ,
& le 8. de ce mois on en retrancha le Prologue,
& on donna à la place, à la fin de
la Piece , un Divertiffement d'un Acte ,
intitulé , Le Caprice d'Erato , lequel avoiť
été compofé l'année paffée à l'occafion
de la Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN.
Ce Divertiffement a été exccuté
plufieurs fois avec fuccès à la Cour , en
prefence de Leurs Majeftez : Les paroles
font de la compofition de M. Fufelier ,
& la Mufique de M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Mufique du Roi ; voici en
peu de mots le Sujet :
Erato & fes Eleves font entendre leurs
Chants dans des lieux que le Heros de la
France honore fouvent de fa prefence ;
Apollon même anime leurs Concerts,
Minerve vient leur annoncer un nouveau
fujet de fête ; c'eft la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin . Elle s'exprime ainfi :
Louis, à vos Concerts offre un objet nouveau ;
Il
2274 MERCURE DE FRANCE
Il vous donne un Dauphin ; tous les Dieux-l'environnent
;
Les Vertus gardent fon Berceau ;
Les Graces le couronnent .
Apollon ranime Erato & fes Eleves par
ces deux Vers :
Chantez ; de votre fort celebrez les appas ;
Mortels , tous les plaiſirs vont voler fur vos pas.
Minerve fe joint à Apollon , & fait une
feconde Invitation ; le Choeur repete les
deux Vers qu'Apollon a chantez. Erato
commence la Fête par ces Vers , qu'elle
adreffe à fes Eleves.
+3
Par mille Chants nouveaux,fignalons notre hom
mage ;
C'eft ainfi qu'Erato peut exprimer fes voeux
Terpficore , venez , embelliffez nos jeux.
De cent objets divers traçons ici l'image ;
Exprimons nos tranſports dans un caprice heu
reux .
Ces derniers Vers font l'expofition du
Divertiffement ; Terpficore feconde les
Chants d'Erato par fes Danfes legeres.
Erato.
De la faifon nouvelle ,
Je vais vous peindre le retour;
´
De
OCTOBRE. 1730. 2275
De Bergers amoureux , qu'une Troupe fidele ,
Vienne avec moi celebrer ce beau jour.
Après quelques Chants & quelques
Danfes, une Bergere chante cet Air :
Le Printems regne enfin dans ce charmant féjour;
En faveur des plaiſirs il ranime l'ombrage ;
Et déja l'Amant ſuit l'Amour
Qui l'appelle fous le feuillage.
>
Le caprice d'Erato s'étend jufqu'aux Enfers
; mais comme cette Mufe juge bien
qu'une Fête infernale ne convient pas au
fujet qu'elle veut celebrer , elle dit :
Reftez, Monftres affreux , dans le fond des En
fers ;
Refpectez les plaisirs qui charment l'Univers.
Ce bruit infernal lui donne occafion"
de faire regner le fommeil qui doit fervir
à le calmer. Au fommeil fuccedent des
Bacchantes ; une Eleve d'Erato chante ces
quatre Vers :
Bacchus , ne tarde pas ; regne , viens nous faifir ,
De ta douce folie , heureux qui fent les charmes ,
A la trifte Raifon tu ne ravis les armes ,
Que pour les donner au Plaifir .
Erato ordonne une Symphonie qui imi-
το
2276 MERCURE DE FRANCE
te le chant des Oifeaux : elle chante ces
quatre Vers :
Oifeaux , que vos Concerts m'enchantent fur ces
bords !
Vous chantez le Dieu qui m'engage ;
Lorfqu'on a de l'Amour éprouvé les tranſports ,
On entend bien votre langage.
Diane vient le joindre à la Fête ; on entend
une Fanfare de Cors de Chaffe ; on
chante ces deux Couplets :
Diane , tes Jeux ont fçu plaire ,
Au plus charmant des Rois ;
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Il a fait oublier Adonis dans Cythere.
Amour , vous volez fur les traces ,
Du plus charmant des Rois :
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Venus dans fes Jardins ne trouve plus les Graces:
Apollon invite Erato & fes Eleves à
fignaler toujours leur zele pour le Roi .
La Fête finit par ces Vers que Minerve
chante :
Zéphirs , quittez la Cour de Flore ,
Pour le beau Lys qui vient d'éclores
L'éclat de ce Lys précieux ,
Dans
OCTOBRE . 1730. 2277
2.
Dans cent climats va fe répandre ;
La terre pouvoit- elle attendre ,
Un plus riche préfent des Cieux ?
Zéphirs , &c.
Auprès de cette aimable Fleur ,
Volez fur les bords de la Seine
Et que votre plus douce haleine
Conferve à jamais fa fraîcheur;
Zéphirs , &c.
Ces Couplets font fuivis d'un Choeur
dont Apollon fournit le fujet.
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Résumé : Le Caprice d'Erato, &c. [titre d'après la table]
Le 28 septembre, l'Académie Royale de Musique a repris l'opéra 'Alcione'. Le 8 octobre, le prologue de cet opéra a été supprimé et remplacé par un divertissement intitulé 'Le Caprice d'Erato'. Ce divertissement avait été composé l'année précédente pour célébrer la naissance du Dauphin et avait déjà été exécuté avec succès à la cour en présence du roi et de la reine. Les paroles étaient de M. Fuzelier et la musique de M. de Blamont, surintendant de la musique du roi. Le sujet du divertissement met en scène Erato et ses élèves chantant dans des lieux honorés par le héros de la France. Apollon anime leurs concerts, tandis que Minerve annonce la naissance du Dauphin. Elle déclare que Louis offre un Dauphin, entouré de tous les dieux, avec les Vertus gardant son berceau et les Grâces le couronnant. Apollon et Minerve invitent à célébrer cet événement. Erato commence la fête en exprimant ses vœux et en invitant Terpsichore à embellir leurs jeux. Le divertissement inclut des chants et des danses, une bergère chantant un air sur le printemps, et une référence aux Enfers, rapidement écartée pour revenir aux plaisirs. Des Bacchantes apparaissent, suivies d'une symphonie imitant le chant des oiseaux. Diane rejoint la fête, et Apollon invite Erato et ses élèves à continuer leur zèle pour le roi. La fête se termine par des couplets chantés par Minerve, célébrant la naissance du Dauphin et invitant les Zéphyrs à protéger cette 'aimable Fleur'.
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474
p. 2277-2279
« Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
Début :
Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...]
Mots clefs :
Théâtre, Opéra comique, Comédiens-Italiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
Le 26. de ce mois , on donna la premiere
Repréſentation de Pyrrhus , nouvel
Opera , qui fut fort bien reçû du Public.
On en parlera plus au long dans le
prochain Mercure .
Le 29. Septembre , l'Opera Comique
donna la premiere Repréſentation d'une
petite Piece d'un Acte en Vaudevilles , &
un Divertiffement , ayant pour titre le
Sylphe fuppofe. Cette Piece fut continuée
les deux jours fuivans , ce qui fit la clôture
du Théatre. 3
Les Comédiens Italiens ont annoncé
unc
2278 MERCURE DE FRANCE
une Piece nouvelle , fous le titre du
Triomphe de l'Interêt.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François remirent au Théatre
la Tragédie de la Mort de Pompée , dans
laquelle la De Le Grand remplit le Rôle
de Cornelie , & fut encore plus applaudie
que dans celui de Roxane qu'elle avoit
joué peu de jours auparavant. C'eſt une
grande perfonne bien faite qui a de la
voix & une belle repréſentation.
Le 8. ils donnerent la Tragédie de
Phedre , dont la Dme de la Traverſe , petite
fille du feu fieur Baron , joua le
principal Rôle ; elle y fut beaucoup applaudie.
C'eft une grande & belle per-
Tonne qui pare bien le Théatre , avec l'air
noble , une grande voix & une belle prononciation.
Quelques jours après , elle
joua le Rôle de Roxane , dans la Tragédie
de Bajazet , & elle y fut encore plus
applaudie. Elle a auffi joué le Rôle d'Ariane
, avec plus de fuccès .
Le 13. on donna fur le même Théatre
le Flateur , Comédie en Profe & en cinq
Actes , de M. Rouffeau, que le Public revoit
avec beaucoup de plaifir.Elle eſt très
bien repréſentée par les fieurs Quinaut ,
Duchemin , Dubreuil , Poiffon & Armand
, & par les Diles Labat & du Bocage.
OCTOBRE. 1730. 2279
ge. Cette Piéce parut dans la nouveauté
y a près de 30. ans ; on l'avoit repriſe
en 1717 & en 1721. au mois d'Avril.
il
On repete actuellement la Comédie
nouvelle du Prince de Noifi ; & les Rôles
de la Tragédie nouvelle de Brutus , par
M. de Voltaire , font diftribués.
Repréſentation de Pyrrhus , nouvel
Opera , qui fut fort bien reçû du Public.
On en parlera plus au long dans le
prochain Mercure .
Le 29. Septembre , l'Opera Comique
donna la premiere Repréſentation d'une
petite Piece d'un Acte en Vaudevilles , &
un Divertiffement , ayant pour titre le
Sylphe fuppofe. Cette Piece fut continuée
les deux jours fuivans , ce qui fit la clôture
du Théatre. 3
Les Comédiens Italiens ont annoncé
unc
2278 MERCURE DE FRANCE
une Piece nouvelle , fous le titre du
Triomphe de l'Interêt.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François remirent au Théatre
la Tragédie de la Mort de Pompée , dans
laquelle la De Le Grand remplit le Rôle
de Cornelie , & fut encore plus applaudie
que dans celui de Roxane qu'elle avoit
joué peu de jours auparavant. C'eſt une
grande perfonne bien faite qui a de la
voix & une belle repréſentation.
Le 8. ils donnerent la Tragédie de
Phedre , dont la Dme de la Traverſe , petite
fille du feu fieur Baron , joua le
principal Rôle ; elle y fut beaucoup applaudie.
C'eft une grande & belle per-
Tonne qui pare bien le Théatre , avec l'air
noble , une grande voix & une belle prononciation.
Quelques jours après , elle
joua le Rôle de Roxane , dans la Tragédie
de Bajazet , & elle y fut encore plus
applaudie. Elle a auffi joué le Rôle d'Ariane
, avec plus de fuccès .
Le 13. on donna fur le même Théatre
le Flateur , Comédie en Profe & en cinq
Actes , de M. Rouffeau, que le Public revoit
avec beaucoup de plaifir.Elle eſt très
bien repréſentée par les fieurs Quinaut ,
Duchemin , Dubreuil , Poiffon & Armand
, & par les Diles Labat & du Bocage.
OCTOBRE. 1730. 2279
ge. Cette Piéce parut dans la nouveauté
y a près de 30. ans ; on l'avoit repriſe
en 1717 & en 1721. au mois d'Avril.
il
On repete actuellement la Comédie
nouvelle du Prince de Noifi ; & les Rôles
de la Tragédie nouvelle de Brutus , par
M. de Voltaire , font diftribués.
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Résumé : « Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
En octobre 1730, plusieurs événements marquants ont eu lieu dans le monde du théâtre. Le 26 octobre, l'opéra 'Pyrrhus' a été bien accueilli par le public. Le 29 septembre, l'Opéra Comique a présenté 'Le Sylphe supposé', une pièce en vaudevilles, jouée pendant trois jours consécutifs, marquant ainsi la clôture de la saison théâtrale. Les comédiens italiens ont annoncé une nouvelle pièce intitulée 'Le Triomphe de l'Intérêt'. Au début du mois, les comédiens français ont repris la tragédie 'La Mort de Pompée', avec Madame de Le Grand dans le rôle de Cornélie, acclamée pour sa performance. Le 8 octobre, 'Phèdre' a été jouée, avec Madame de la Traverse dans le rôle principal, qui a également été très applaudie. Elle a ensuite interprété Roxane dans 'Bajazet' et Ariane avec succès. Le 13 octobre, la comédie 'Le Flateur' de M. Rouffeau a été représentée avec enthousiasme par une distribution notable. Des répétitions étaient en cours pour la comédie nouvelle 'Le Prince de Noisi' et la distribution des rôles pour la tragédie nouvelle 'Brutus' de M. de Voltaire était en cours.
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475
p. 2382-2398
LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
Début :
Lorsque vous m'avez fait l'honneur, Monsieur, de me proposer la question [...]
Mots clefs :
Poètes, Poésie, Orateur, Éloquence, Discours, Homère, Expression, Force, Vérité, Racine, Homme, Esprit, Âme, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
LETTRE fur la gloire des Orateurs
& des Poëtes.
Lorfque vous m'avez fait l'honneur
Monfieur , de me propofer la queftion
, fçavoir : Si la gloire des Orateurs eft
preferable à celle des Poëtes , je l'avois déja
lue dans le Mercure du mois du Juin
premier Volume. Il eft certain que ceux
qui excellent dans des fujets difficiles , &
en même-tems très utiles , & très agréa
bles , acquierent plus de gloire & d'honneur
que ceux qui excellent dans des fujets
qui le font beaucoup moins. Pour ju
ger plus fainement de la queſtion dont il
s'agit , il fuffit d'examiner deux chofes ;
la
NOVEMBRE . 1730. 2383
la premiere
quel eft celui de ces deux
genres du Difcours ou de la Poëfie qui
demande plus de talens
pour y exceller
& la feconde : quel eft le plus utile & le
plus agréable.
*
a Les Poëtes comme les Orateurs fe
propofent
d'inftruire
& de plaire , tous leurs efforts tendent à cette même fin
mais ils y arrivent les uns & les autres
par des voyes bien differentes . b L'inven
tion , la difpofition
, l'élocution
, la mémoire
& la prononciation
font tout le mérite des Orateurs. La Poëfie eft affujetie
à un bien plus grand nombre de regles.
Le Poëte Epique doit d'abord former
un plan ingénieux
de toute la fuite
de fon action , en tranfportant
dès l'entrée
fon Lecteur au milieu , ou prefque à la fin
du fujet , en lui laiffant croire qu'il n'a
plus qu'un pas à faire pour voir la conclufion
de l'action , en faifant naître enfuite
mille obftacles qui la reculent , &
qui irritent les defirs du Lecteur , en lui
rappellant
les évenemens
qui ont précedé
,
, par des récits placés avec bienfeance,
en les amenant enfin avec des liaiſons &
à Cic. de Oratore.
b Quintil.
* Arift. Poët.
Horat. Art. Poët.
-
Defpr. Art. Poës.
Cüiti des
2384 MERCURE DE FRANCE
des préparations qui reveillent fa curiofité
, qui l'intereffent de plus en plus ,
qui l'entretiennent dans une douce inquiétude
, & le menent de ſurpriſe en
furprife jufqu'au dénouement ; récits cu
rieux , expreffions vives & furprenantes ,
defcriptions riches & agréables , compa
raifons nobles , difcours touchans , incidens
nouveaux , rencontres inopinées ,
paffions bien peintes ; joignez à cela une
ingénieufe diftribution de toutes ces parties
, avec une verfification harmonieuſe ,
pure & variée ; voilà des beautés prefque
toutes inconnuës à l'Orateur . * Ciceron
lui - même , d'ailleurs fi rempli d'eſtime
pour l'Eloquence , ne peut pas s'empêcher
de mettre la Poëfie beaucoup au- deffus
de la Profe : elle eft , dit- il , un enthoufiafme
un tranfport divin qui éleve
P'homme au- deffus de lui-même ; les vers
que nous avons de lui , quoique mauvais
, nous font bien voir le cas qu'il
faifoit de la Poëfie , il fit auffi tout ce qu'il
pût pour y réuffir ; mais tout grand Órateur
qu'il étoit, il n'avoit pas affez d'imagination
, & il manquoit des autres talens
neceffaires pour devenir un bon
Poëte.
,
Il faut affurément de grands talens
* De Orati
pour
NOVEMBRE . 1730. •
238 5
pour faire un bon Orateur , de la fécondité
dans l'invention , de la nobleffe dans
les idées & dans les fentimens , de l'ima
gination , de la magnificence & de la hardieffe
dans les expreffions . Les mêmes talens
font neceffaires à la Poëfie ; mais il
faut les poffeder dans un degré bien plus.
parfait pour y réuffir ; elle cherche les
penfées & les expreffions les plus nobles,
elle accumule les figures les plus hardies,
elle multiplie les comparaifons & les
images les plus vives , elle parcourt la
nature , & en épuife les richeffes pour
peindre ce qu'elle fent , elle ſe plaît à im→
primer à fes paroles le nombre , la mefu
re & la cadence ; la Poëfie doit être élevée
& foutenue par tout ce qu'on peut imaginer
de plus vif & de plus ingenieux ; en
un mot , elle change tout , mais elle le
change en beau:
* Là pour nous enchanter tout eft mis en
usage ;
Tout prend un corps , une ame , un eſprit , un
viſage ;
·Chaque vertu devient une Divinité ;
Minerve eft la prudence , & Venus la beauté,
Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerres
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre .
Un orage terrible aux yeux des Matelois
* Defer. Art. Poët. Chant 111.
(
C v C'efe
2386 MERCURE DE FRANCE
Ceft Neptune en couroux qui gourmande les
flots.
Echo n'eft plus un fon qui dans l'air retentiffe,
C'est une Nymphe en pleurs qui fe plaint de
Narciffe.
'Ainfi dans cet amas de nobles fictions
Le Poëte s'égaye en mille inventions ,
Orne , éleve , embellit , agrandit toutes chofes,
Et trouve fous fa main des fleurs toujours éclo
Jes
La Profe n'oblige pas à tant de frais ,
& ne prépare pas à tant de chofes ; au
contraire il faut que l'imagination regne
dans les Vers , & s'ils ne font rehauffés
par quelque penfées fublimes , ou fines &
délicates , ils font froids & languiffans ; la
Poëfie ne fouffre rien de médiocre : ainfi
ce n'eſt pas fans raison que l'on a comparé
les Poëtes aux Cavaliers à caufe du feu &
de la rapidité qui animent la Poëſie , &
les Orateurs aux Fantaffins qui marchent
plus tranquilement & avec moins de bruit.
D'ailleurs la Poëfie s'exerce fur toutes
fortes de genres , le badin , le férieux , le
comique le tragique , l'héroïque. Le
foin des troupeaux , les beautés de la nature
& les plaifirs ruftiques en font fouvent
les plus nobles fujets. Enfin Moïſe
Ifaïe , David ne trouverent que la Poëfie
digne de chanter les louanges du Créa-
,
teur
NOVEMBRE . 1730. 2387
teur , de relever fes divins attributs & de
celebrer fes bienfaits ; les Dieux de la Fa
ble , les Héros , les fondateurs des Villes
& les liberateurs de la Patrie auroient
dédaigné tout autre langage ; la Poëfic
feule étoit capable de celebrer leur gloire
& leurs exploits. * Auffi ne fe fervoit- on
anciennement que de la Poëfie : tout jufqu'à
l'hipire même étoit écrit en Vers ,
& l'on ne commença que fort tard à employer
la Profe . La Nature comme épuifée
ne pouvant plus foutenir le langage
fublime de la Poëfie , fut obligée d'avoir
recours à un Difcours moins cadencé &
moins difficile.
Tous les bons connoiffeurs , entr'autres
le P. Bouhours , le P. Rapin , le P. Le
Boffu & M. Daubignac conviennent que
le Poëme Epique eft le chef- d'oeuvre de
l'efprit humain. Avons - nous quelque
harrangue où il y ait tant de fublime ,
d'élevation & de jugement que dans
P'Iliade ou l'Eneide. L'Eloquence ellemême
n'est jamais employée avec plus
d'éclat & plus de fuccès que lors qu'elle
eft foutenue par la Poëffe. Y a - t'il en
effet quelque genre d'Eloquence dont les
Poëmes d'Homere ne fourniffent des mo
deles parfaits ? c'eft chez lui que les Ora-
* Plutarq
C vj teurs
2388 MERCURE DE FRANCE
teurs ont puifé les regles & les beautés
de leur art , ce n'eft qu'en l'imitant qu'ils
ont acquis de la gloire . Pour fe convaincre
de cette verité il fuffit de jetter les
yeux fur quelques unes de fes Harangues
, & l'on conviendra fans peine qu'elles
font au- deffus des plus belles de Ciceron
& de Demofthenes auffi bien que des Modernes.
Les Harangues d'Uliffe de Phenix
& d'Ajax qui furent députés par
l'Armée des Grecs vers Achile pour l'engager
à reprendre les armes , font de ce
genre. Il faut voir a l'art admirable avec
lequel Homere fait parler le Prince d'Ithaque
: il paroît d'abord embaraffé & timide
, les yeux fixes & baiffés , fans geſte
& fans mouvement , ayant affaire à un
homme difficile & intraitable , il employe
des manieres infinuantes , douces & touchantes
; mais quand il s'eft animé ce n'eſt
plus le même homme , & femblable à un
torrent qui tombe avec impétuofité du
haut d'un rocher , il entraîne tous les efprits
par la force de fon éloquence. Les
deux autres ne parlent pas avec moins
d'art moins de force & d'adreffe , & il
eft remarquable que chaque perfonage
parle toujours felon fon caractere , ce qui¹
fait une des principales beautés du Poëa
Il. III. 2. 16. 224
me
NOVEMBRE . 1730 : 238 g*
me Epique. Rien n'eft plus éloquent que
le petit Difcours d'Antiloque à Achile ,
par lequel il lui apprend la mort de Pa
trocle . L'endroit a où Hector prêt d'aller
au combat, fait ſes adieux à Andromaque
& embraffe Aftianax , eft un des plus
beaux & des plus touchans. M. Racine
en a imité une partie dans l'endroit où
Andromaque parle ainfi à ſa confidente :
bab ! de quel fouvenir viens- tu frapper mon
ame !
Quoi ! Cephife , j'irai voir expirer encor
Ce fils , ma feule joye , & l'image d'Hector ?
Ce fils que de fa flamme il me laiſſa pourgage?
Helas je m'en fonviens , le jour que son courage
Lui fit chercher Achille , ou plutôt le trépas ,
Il demanda fon fils , & le prit dans fes bras :
Chere Epouse ( dit- il , en effuyant mes larmes )
J'ignore quelfuccès lè fort garde à mes armes ,
Je te laiffe mon fils , pour gage de ma fòi ;
S'il me perdje prétends qu'il me retrouve en
toi;
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eſt chere
Montre au fils à quel point tu chériffois le
pere.
Le Difcours de Priam à Achille
a Il VI. 390. 494 •
b Androm . Act. 117. Scen. VIII.
, par
lequel
2390 MERCURE DE FRANCE
lequel il lui demande le corps de fon fils
Hector , renferme encore des beautés admirables.
Pour les bien fentir il faut fe
rappeller le caractere d'Achille , brufque,
violent & intraitable ; mais il étoit fils
& avoit un pere , & c'eft par où Priam
commence & finit fon difcours . Etant entré
dans la tente d'Achille , il ſe jette à
fes genoux , lui baife la main ; Achille
eft fort furpris d'un fpectacle fi imprévu ,
tous ceux qui l'environnent font dans le
même étonnement & gardent un profond
filence . Alors Priam prenant la parole :
Divin Achille , dit-il , fouvenez - vous
que vous avez un pere avancé en âge comme
moi , & peut- être de même accablé de
maux , fans fecours & fans appui ; mais il
fait que vous vivez , & la douce efperance
de revoir bientôt un fils tendrement aimé le
foutient & le confole : & moi le plus infortuné
des peres de cette troupe nombreufe d'enfans
dont j'étois environné , je n'en ai confervé
aucun : j'en avois cinquante quand les
Grecs aborderent fur ce rivage , le cruel Mars
me les aprefque tous ravis : l'unique qui me
reftoit , feule reffource de ma famille & de
Troye , mon cher Hector , vient d'expirer
fous votre bras vainqueur en deffendant genereuſementfa
Patrie. Je viens ici chargé de
* II. XXIV. 48ĥ
préfens
4
NOVEMBRE. 1730. 239T
prefens pour racheter fon corps : Achille
Taiffez- vous fléchir par le fouvenir de votre
pere , par le refpect que vous devez aux
Dieux , par la vie de mes cruels malheurs
Fut-il jamais un pere plus à plaindre que
moi qui fuis obligé de baifer une main bomicide
, encore fumante du fang de mes enfans.
par
C'eſt la nature même qui s'exprime
la bouche de ce venerable Vieillard
& quelque impitoyable que fut Achille ,
Il ne pût refifter à un Difcours fi touchant,
le doux nom de pere lui arracha des lar
mes. Il eft aifé de comprendre que la Profe
fait perdre à ce Difcours une partie de fa
beauté , il a bien plus de grace & de force
revêtu de tout l'éclat des expreffions
Poëtiques. Il y a dans Homere une infinité
d'autres endroits , peut- être encore
plus beaux ; mais il faut fe borner.
L'éloquence de la Chaire & du Barreau
font affurément d'une grande utilité,
& il faut convenir qu'on a bien de l'obligation
à ceux qui veulent bien y em-
.ployer leurs talens. Mais après tout tous
nos Orateurs enfemble ne fourniroient
pas un endroit qui exprimât avec tant,
d'éclat , de nobleffe & d'élevation la gran
deur & la puiffance du fouverain Maître
de l'Univers que ces Vers de Racine.
Que
2392 MERCURE DE FRANCE
a Que peuvent contre lui tous les Rois de la
terre i
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre,
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à ſe montrer ;
Il parle , dans la poudre il les fait tous renfrer.
Au feul fon de fa voix la mer fuit , le Ciel
tremble ;
Il voit comme un néant tout l'Univers enfemble
,
Et les foibles Mortels , vains jouets du trépas ,
Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoienz
pas.
Que de grandeur ! que de nobleffe !
qui ne fent que les mêmes penfées tournées
en Profe par une habile main perdroient
toute leur grace & toute leur force.
Voici un endroit dans le même goût,
tiré d'un de nos plus celebres Orateurs.
O Dieu terrible , mais jufte dans vos confeils
fur les enfans des hommes , vous difpofez
& des Vainqueurs & des Victoires pour
accomplir vos volontés & faire craindre vos
jugemens votre puiſſance renverse ceux que
votre puissance avoit élevés : vous immolez
à votre fouveraine grandeur de grandes victimes
, & vous frappez quand il vous plaît
ces têtes illuftres que vous avez tant de fois
couronnées..
a Efther Att. II. Scen. K
Cee
NOVEMBRE. 1730. 2393
Cet endroit , quoique grand , eft bien
au-deffous des Vers de Racine , c'eſt cependant
un des plus grands efforts de
l'éloquence de M. Flechier, a Cet autre
trait du même Poëte , quoiqu'en un feul
Vers , n'eſt pas moins inimitable à l'Orateur.
b Je crains Dieu , cher Abner , & n'ai point
d'autre crainte.
Pour prouver fans réplique combien
la Poëfie prête à PEloquence , que l'on
mette en Profe les morceaux les plus éloquens
des Poëtes , qu'on les revête de
toutes les expreffions les plus brillantes ;
& l'on jugera aifément combien ils per
dent dans ce changement. Je pourrois
en donner des exemples d'Homere , de
Sophocle & des autres Poëtes , & citer
tous nos Traducteurs ; mais je renvoye
au feul récit de Theramene dans la Tragédie
de Phedre de Racine , & je prie les
partifans de l'éloquence de la Profe de le
rendre fans l'harmonie des Vers auffi touchant
, auffi vif , j'ajoûte même auffi effrayant
qu'il l'eft dans ce Poëte. Qu'un
habile Poëte, au contraire , prenne les endroits
les plus éloquens & les plus pathe
a Oraif. Funebre de M. de Turr.
b Athalie , A &t . 1. Scen. X.
tiques
2394 MERCURE DE FRANCE
tiques de Demofthenes & de Ciceron
qu'il les pare de tous les ornemens de ce
même recit de Theramene , & l'on juge
ra alors combien ils y auront gagné.
Y a t'il quelque chofe qui foit fi propre
à infpirer des fentimens nobles & genereux
fur la Religion que ce que Cor
neille fait dire à Polieucte ; les mêmes Y
chofes en Profe feroient belles, fans doute,
mais bien plus froides & plus languiffantes.
Quelle eft la Harangue qui renferme
une plus belle morale que celle que
Rouffeau a inferée dans fon Ode fur la
Fortune ? trouve- t'on quelque part la ve
tité accompagnée de tant d'agrémens &
de tant de force.
Fortune dont la main couronné
Les forfaits les plus inoùis ,
Du faux éclat qui t'environne
Serons-nous toujours éblouis ;
Jufques à quand , trompeuſe Idole
D'un culte honteux & frivole
Honorerons- nous tes Autels ?
Verra t'on toujours tes caprices
Confacrés par les facrifices ,
Et par l'hommage des mortels . &c.
Toute la fuite de cette Ode renfermé
une infinité de traits admirables ; je pourois
NOVEMBRE. 1730. 2395
rois ajoûter encore les Odes facrées du
même Auteur qui font bien au - deffus de
celle ci , les Pleaumes de Madame Des
Houllieres , ceux de Malherbe &c . où l'on
trouve des traits que l'éloquence la plus
vive ne sçauroit imiter. Mais fi on vouloit
rapporter tout ce qu'il y a de plus
beau tant en Vers qu'en Proſe , on ne finiroit
point.
On s'ennuye du moins en beaucoup
d'endroits d'un beau Sermon qui contient
les mêmes penſées fur les mêmes fujets
, qui annonce les mêmes verités
qu'une Piece de Poëfie , les vers nous y
rendent beaucoup plus fenfibles , on eſt
plus
plus touché , on entre plus dans toutes
les paffions du Poëte , on s'efforce de la
fuivre , on ſe plaît à fes expreffions , on
aime fes penfées qu'on tâche de retenir ,
on fe fait même un plaifir & un honneur
de les reciter. L'éloquence férieuſe de
F'Orateur fait bien moins d'impreffion
que ces peintures vives & naturelles
du vice que
le Poëte fçait rendre fi méprifable
, & ce n'eft
fans raifon que
Rouffeau a dit que
pas
Des fictions la vive liberté
Peint fouvent mieux l'austere verité
Que neferoit la froideur Monacale
D'une lugubre & pefante morale.
En
2396 MERCURE DE FRANCË
cette
En effet , rien ne touche le coeur de
l'homme , rien n'eft capable de lui faire
impreffion que ce qui lui plaît ; la Poëfie
nous montre la verité avec un viſage
doux & riant , par là elle l'infinue adroitement
entraînés par le plaifir , nous
entrons infenfiblement dans les fentimens
du Poëte , dans fes maximes ; nous prenons
de lui cette nobleffe , cette grandeur
d'ame , ce défintereffement
haine de l'injuftice & cet amour de la
vertu qui éclatent de toutes parts dans
fes Vers. La verité , au contraire , dite
par un Orateur , nous paroît bien plus
fevere , elle n'eft pas accompagnée de ces
graces , de ces ornemens , enfin de toutes
čes beautés qui la rendent aimable , l'efprit
fe ferme à fa voix , & fi quelquefois
on l'écoute , ce n'eft que par un grand
effort de la raifon. Quelqu'un dira peutêtre
que l'éloquence oratoire eft plus utile
à l'Orateur pour fa fortune , & on aura
raifon de dire comme Bachaumont :
a Non non , les doctes damoiselles
N'eurent jamais un bon morceau
Et ces vieilles fempiternelles
Ne burent jamais que de l'eau.
Les Poëtes ont toujours été bien éloia
Voyage de Bach. & de la Chapelle.
gnés
NOVEMBRE. 1730. 2397
grés de cette avidité qui fait dire à tant
de
gens
•
Quærenda pecunia primùm eft
Virtus poft nummos.
Je ne doute point que les gens d'efprit
& de bon goût , les Heros & fur tout le
beau fexe, à qui la Poëfie a fait tant d'honneur
, & dont elle a fi fouvent relevé la
beauté & le mérite , ne préferent la gloire
des Poëtes à celle des Orateurs , &
quand je n'aurois que leur fuffrage j'aurois
toujours celui de la plus brillante
partie du monde . Au refte , on peut encore
juger de la gloire des Poëtes par l'eftime
& la veneration qu'ont eûs pour eux
de tout tems les hommes les plus illuftres
& les plus grands Princes. b Ptolomée
Philopator fit élever un Temple à Homere
; il l'y plaça fur un Trône , & fit repréfenter
autour de lui les fept Villes qui
Te difputoient l'honneur de fa naiffance.
c. Alexandre avoit toujours l'Iliade fous
le chevet de fon lit , enfermé dans la caffete
de Cyrus. d Hyparque , Prince des
Athéniens , envoya une Galere exprès
chercher Anacréon pour faire honneur à
b Elien.
Plutarq. in Vita Alexand.
Elien,
yous
2398 MERCURE DE FRANCE
fa Patrie. Hyeron de Syracufe voulut
avoir Pindare & Simonide à fa Cour .
& perfonne n'ignore que dans le fac
de Thebes Alexandre ordonna qu'on
épargnat la maiſon & la famille du pre
mier des deux Poëtes que je viens de nommer.
On fçait le crédit qu'eurent Virgile
& Horace à la Cour d'Augufte , & enfin
l'eftime particuliere dont Louis XIV. a
toujours honoré nos Poëtes François , Mais
pourquoi chercher de nouvelles preuves?
Le langage des hommes égalera- t'il jamais
le langage des Dieux ? Je fens bien
que je dois me borner à ce petit nombre
de réfléxions , quoiqu'il foit difficile d'être
court en parlant des beautés de la
Poëfie , où l'on trouve tant de choſes qui
enchantent que l'on en pourroit dire ce
que difoit Tibulle de toutes les actions
de fa Maîtreffe
Componit furtim , fubfequiturque decor.
J'ai l'honneur d'être & c .
& des Poëtes.
Lorfque vous m'avez fait l'honneur
Monfieur , de me propofer la queftion
, fçavoir : Si la gloire des Orateurs eft
preferable à celle des Poëtes , je l'avois déja
lue dans le Mercure du mois du Juin
premier Volume. Il eft certain que ceux
qui excellent dans des fujets difficiles , &
en même-tems très utiles , & très agréa
bles , acquierent plus de gloire & d'honneur
que ceux qui excellent dans des fujets
qui le font beaucoup moins. Pour ju
ger plus fainement de la queſtion dont il
s'agit , il fuffit d'examiner deux chofes ;
la
NOVEMBRE . 1730. 2383
la premiere
quel eft celui de ces deux
genres du Difcours ou de la Poëfie qui
demande plus de talens
pour y exceller
& la feconde : quel eft le plus utile & le
plus agréable.
*
a Les Poëtes comme les Orateurs fe
propofent
d'inftruire
& de plaire , tous leurs efforts tendent à cette même fin
mais ils y arrivent les uns & les autres
par des voyes bien differentes . b L'inven
tion , la difpofition
, l'élocution
, la mémoire
& la prononciation
font tout le mérite des Orateurs. La Poëfie eft affujetie
à un bien plus grand nombre de regles.
Le Poëte Epique doit d'abord former
un plan ingénieux
de toute la fuite
de fon action , en tranfportant
dès l'entrée
fon Lecteur au milieu , ou prefque à la fin
du fujet , en lui laiffant croire qu'il n'a
plus qu'un pas à faire pour voir la conclufion
de l'action , en faifant naître enfuite
mille obftacles qui la reculent , &
qui irritent les defirs du Lecteur , en lui
rappellant
les évenemens
qui ont précedé
,
, par des récits placés avec bienfeance,
en les amenant enfin avec des liaiſons &
à Cic. de Oratore.
b Quintil.
* Arift. Poët.
Horat. Art. Poët.
-
Defpr. Art. Poës.
Cüiti des
2384 MERCURE DE FRANCE
des préparations qui reveillent fa curiofité
, qui l'intereffent de plus en plus ,
qui l'entretiennent dans une douce inquiétude
, & le menent de ſurpriſe en
furprife jufqu'au dénouement ; récits cu
rieux , expreffions vives & furprenantes ,
defcriptions riches & agréables , compa
raifons nobles , difcours touchans , incidens
nouveaux , rencontres inopinées ,
paffions bien peintes ; joignez à cela une
ingénieufe diftribution de toutes ces parties
, avec une verfification harmonieuſe ,
pure & variée ; voilà des beautés prefque
toutes inconnuës à l'Orateur . * Ciceron
lui - même , d'ailleurs fi rempli d'eſtime
pour l'Eloquence , ne peut pas s'empêcher
de mettre la Poëfie beaucoup au- deffus
de la Profe : elle eft , dit- il , un enthoufiafme
un tranfport divin qui éleve
P'homme au- deffus de lui-même ; les vers
que nous avons de lui , quoique mauvais
, nous font bien voir le cas qu'il
faifoit de la Poëfie , il fit auffi tout ce qu'il
pût pour y réuffir ; mais tout grand Órateur
qu'il étoit, il n'avoit pas affez d'imagination
, & il manquoit des autres talens
neceffaires pour devenir un bon
Poëte.
,
Il faut affurément de grands talens
* De Orati
pour
NOVEMBRE . 1730. •
238 5
pour faire un bon Orateur , de la fécondité
dans l'invention , de la nobleffe dans
les idées & dans les fentimens , de l'ima
gination , de la magnificence & de la hardieffe
dans les expreffions . Les mêmes talens
font neceffaires à la Poëfie ; mais il
faut les poffeder dans un degré bien plus.
parfait pour y réuffir ; elle cherche les
penfées & les expreffions les plus nobles,
elle accumule les figures les plus hardies,
elle multiplie les comparaifons & les
images les plus vives , elle parcourt la
nature , & en épuife les richeffes pour
peindre ce qu'elle fent , elle ſe plaît à im→
primer à fes paroles le nombre , la mefu
re & la cadence ; la Poëfie doit être élevée
& foutenue par tout ce qu'on peut imaginer
de plus vif & de plus ingenieux ; en
un mot , elle change tout , mais elle le
change en beau:
* Là pour nous enchanter tout eft mis en
usage ;
Tout prend un corps , une ame , un eſprit , un
viſage ;
·Chaque vertu devient une Divinité ;
Minerve eft la prudence , & Venus la beauté,
Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerres
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre .
Un orage terrible aux yeux des Matelois
* Defer. Art. Poët. Chant 111.
(
C v C'efe
2386 MERCURE DE FRANCE
Ceft Neptune en couroux qui gourmande les
flots.
Echo n'eft plus un fon qui dans l'air retentiffe,
C'est une Nymphe en pleurs qui fe plaint de
Narciffe.
'Ainfi dans cet amas de nobles fictions
Le Poëte s'égaye en mille inventions ,
Orne , éleve , embellit , agrandit toutes chofes,
Et trouve fous fa main des fleurs toujours éclo
Jes
La Profe n'oblige pas à tant de frais ,
& ne prépare pas à tant de chofes ; au
contraire il faut que l'imagination regne
dans les Vers , & s'ils ne font rehauffés
par quelque penfées fublimes , ou fines &
délicates , ils font froids & languiffans ; la
Poëfie ne fouffre rien de médiocre : ainfi
ce n'eſt pas fans raison que l'on a comparé
les Poëtes aux Cavaliers à caufe du feu &
de la rapidité qui animent la Poëſie , &
les Orateurs aux Fantaffins qui marchent
plus tranquilement & avec moins de bruit.
D'ailleurs la Poëfie s'exerce fur toutes
fortes de genres , le badin , le férieux , le
comique le tragique , l'héroïque. Le
foin des troupeaux , les beautés de la nature
& les plaifirs ruftiques en font fouvent
les plus nobles fujets. Enfin Moïſe
Ifaïe , David ne trouverent que la Poëfie
digne de chanter les louanges du Créa-
,
teur
NOVEMBRE . 1730. 2387
teur , de relever fes divins attributs & de
celebrer fes bienfaits ; les Dieux de la Fa
ble , les Héros , les fondateurs des Villes
& les liberateurs de la Patrie auroient
dédaigné tout autre langage ; la Poëfic
feule étoit capable de celebrer leur gloire
& leurs exploits. * Auffi ne fe fervoit- on
anciennement que de la Poëfie : tout jufqu'à
l'hipire même étoit écrit en Vers ,
& l'on ne commença que fort tard à employer
la Profe . La Nature comme épuifée
ne pouvant plus foutenir le langage
fublime de la Poëfie , fut obligée d'avoir
recours à un Difcours moins cadencé &
moins difficile.
Tous les bons connoiffeurs , entr'autres
le P. Bouhours , le P. Rapin , le P. Le
Boffu & M. Daubignac conviennent que
le Poëme Epique eft le chef- d'oeuvre de
l'efprit humain. Avons - nous quelque
harrangue où il y ait tant de fublime ,
d'élevation & de jugement que dans
P'Iliade ou l'Eneide. L'Eloquence ellemême
n'est jamais employée avec plus
d'éclat & plus de fuccès que lors qu'elle
eft foutenue par la Poëffe. Y a - t'il en
effet quelque genre d'Eloquence dont les
Poëmes d'Homere ne fourniffent des mo
deles parfaits ? c'eft chez lui que les Ora-
* Plutarq
C vj teurs
2388 MERCURE DE FRANCE
teurs ont puifé les regles & les beautés
de leur art , ce n'eft qu'en l'imitant qu'ils
ont acquis de la gloire . Pour fe convaincre
de cette verité il fuffit de jetter les
yeux fur quelques unes de fes Harangues
, & l'on conviendra fans peine qu'elles
font au- deffus des plus belles de Ciceron
& de Demofthenes auffi bien que des Modernes.
Les Harangues d'Uliffe de Phenix
& d'Ajax qui furent députés par
l'Armée des Grecs vers Achile pour l'engager
à reprendre les armes , font de ce
genre. Il faut voir a l'art admirable avec
lequel Homere fait parler le Prince d'Ithaque
: il paroît d'abord embaraffé & timide
, les yeux fixes & baiffés , fans geſte
& fans mouvement , ayant affaire à un
homme difficile & intraitable , il employe
des manieres infinuantes , douces & touchantes
; mais quand il s'eft animé ce n'eſt
plus le même homme , & femblable à un
torrent qui tombe avec impétuofité du
haut d'un rocher , il entraîne tous les efprits
par la force de fon éloquence. Les
deux autres ne parlent pas avec moins
d'art moins de force & d'adreffe , & il
eft remarquable que chaque perfonage
parle toujours felon fon caractere , ce qui¹
fait une des principales beautés du Poëa
Il. III. 2. 16. 224
me
NOVEMBRE . 1730 : 238 g*
me Epique. Rien n'eft plus éloquent que
le petit Difcours d'Antiloque à Achile ,
par lequel il lui apprend la mort de Pa
trocle . L'endroit a où Hector prêt d'aller
au combat, fait ſes adieux à Andromaque
& embraffe Aftianax , eft un des plus
beaux & des plus touchans. M. Racine
en a imité une partie dans l'endroit où
Andromaque parle ainfi à ſa confidente :
bab ! de quel fouvenir viens- tu frapper mon
ame !
Quoi ! Cephife , j'irai voir expirer encor
Ce fils , ma feule joye , & l'image d'Hector ?
Ce fils que de fa flamme il me laiſſa pourgage?
Helas je m'en fonviens , le jour que son courage
Lui fit chercher Achille , ou plutôt le trépas ,
Il demanda fon fils , & le prit dans fes bras :
Chere Epouse ( dit- il , en effuyant mes larmes )
J'ignore quelfuccès lè fort garde à mes armes ,
Je te laiffe mon fils , pour gage de ma fòi ;
S'il me perdje prétends qu'il me retrouve en
toi;
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eſt chere
Montre au fils à quel point tu chériffois le
pere.
Le Difcours de Priam à Achille
a Il VI. 390. 494 •
b Androm . Act. 117. Scen. VIII.
, par
lequel
2390 MERCURE DE FRANCE
lequel il lui demande le corps de fon fils
Hector , renferme encore des beautés admirables.
Pour les bien fentir il faut fe
rappeller le caractere d'Achille , brufque,
violent & intraitable ; mais il étoit fils
& avoit un pere , & c'eft par où Priam
commence & finit fon difcours . Etant entré
dans la tente d'Achille , il ſe jette à
fes genoux , lui baife la main ; Achille
eft fort furpris d'un fpectacle fi imprévu ,
tous ceux qui l'environnent font dans le
même étonnement & gardent un profond
filence . Alors Priam prenant la parole :
Divin Achille , dit-il , fouvenez - vous
que vous avez un pere avancé en âge comme
moi , & peut- être de même accablé de
maux , fans fecours & fans appui ; mais il
fait que vous vivez , & la douce efperance
de revoir bientôt un fils tendrement aimé le
foutient & le confole : & moi le plus infortuné
des peres de cette troupe nombreufe d'enfans
dont j'étois environné , je n'en ai confervé
aucun : j'en avois cinquante quand les
Grecs aborderent fur ce rivage , le cruel Mars
me les aprefque tous ravis : l'unique qui me
reftoit , feule reffource de ma famille & de
Troye , mon cher Hector , vient d'expirer
fous votre bras vainqueur en deffendant genereuſementfa
Patrie. Je viens ici chargé de
* II. XXIV. 48ĥ
préfens
4
NOVEMBRE. 1730. 239T
prefens pour racheter fon corps : Achille
Taiffez- vous fléchir par le fouvenir de votre
pere , par le refpect que vous devez aux
Dieux , par la vie de mes cruels malheurs
Fut-il jamais un pere plus à plaindre que
moi qui fuis obligé de baifer une main bomicide
, encore fumante du fang de mes enfans.
par
C'eſt la nature même qui s'exprime
la bouche de ce venerable Vieillard
& quelque impitoyable que fut Achille ,
Il ne pût refifter à un Difcours fi touchant,
le doux nom de pere lui arracha des lar
mes. Il eft aifé de comprendre que la Profe
fait perdre à ce Difcours une partie de fa
beauté , il a bien plus de grace & de force
revêtu de tout l'éclat des expreffions
Poëtiques. Il y a dans Homere une infinité
d'autres endroits , peut- être encore
plus beaux ; mais il faut fe borner.
L'éloquence de la Chaire & du Barreau
font affurément d'une grande utilité,
& il faut convenir qu'on a bien de l'obligation
à ceux qui veulent bien y em-
.ployer leurs talens. Mais après tout tous
nos Orateurs enfemble ne fourniroient
pas un endroit qui exprimât avec tant,
d'éclat , de nobleffe & d'élevation la gran
deur & la puiffance du fouverain Maître
de l'Univers que ces Vers de Racine.
Que
2392 MERCURE DE FRANCE
a Que peuvent contre lui tous les Rois de la
terre i
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre,
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à ſe montrer ;
Il parle , dans la poudre il les fait tous renfrer.
Au feul fon de fa voix la mer fuit , le Ciel
tremble ;
Il voit comme un néant tout l'Univers enfemble
,
Et les foibles Mortels , vains jouets du trépas ,
Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoienz
pas.
Que de grandeur ! que de nobleffe !
qui ne fent que les mêmes penfées tournées
en Profe par une habile main perdroient
toute leur grace & toute leur force.
Voici un endroit dans le même goût,
tiré d'un de nos plus celebres Orateurs.
O Dieu terrible , mais jufte dans vos confeils
fur les enfans des hommes , vous difpofez
& des Vainqueurs & des Victoires pour
accomplir vos volontés & faire craindre vos
jugemens votre puiſſance renverse ceux que
votre puissance avoit élevés : vous immolez
à votre fouveraine grandeur de grandes victimes
, & vous frappez quand il vous plaît
ces têtes illuftres que vous avez tant de fois
couronnées..
a Efther Att. II. Scen. K
Cee
NOVEMBRE. 1730. 2393
Cet endroit , quoique grand , eft bien
au-deffous des Vers de Racine , c'eſt cependant
un des plus grands efforts de
l'éloquence de M. Flechier, a Cet autre
trait du même Poëte , quoiqu'en un feul
Vers , n'eſt pas moins inimitable à l'Orateur.
b Je crains Dieu , cher Abner , & n'ai point
d'autre crainte.
Pour prouver fans réplique combien
la Poëfie prête à PEloquence , que l'on
mette en Profe les morceaux les plus éloquens
des Poëtes , qu'on les revête de
toutes les expreffions les plus brillantes ;
& l'on jugera aifément combien ils per
dent dans ce changement. Je pourrois
en donner des exemples d'Homere , de
Sophocle & des autres Poëtes , & citer
tous nos Traducteurs ; mais je renvoye
au feul récit de Theramene dans la Tragédie
de Phedre de Racine , & je prie les
partifans de l'éloquence de la Profe de le
rendre fans l'harmonie des Vers auffi touchant
, auffi vif , j'ajoûte même auffi effrayant
qu'il l'eft dans ce Poëte. Qu'un
habile Poëte, au contraire , prenne les endroits
les plus éloquens & les plus pathe
a Oraif. Funebre de M. de Turr.
b Athalie , A &t . 1. Scen. X.
tiques
2394 MERCURE DE FRANCE
tiques de Demofthenes & de Ciceron
qu'il les pare de tous les ornemens de ce
même recit de Theramene , & l'on juge
ra alors combien ils y auront gagné.
Y a t'il quelque chofe qui foit fi propre
à infpirer des fentimens nobles & genereux
fur la Religion que ce que Cor
neille fait dire à Polieucte ; les mêmes Y
chofes en Profe feroient belles, fans doute,
mais bien plus froides & plus languiffantes.
Quelle eft la Harangue qui renferme
une plus belle morale que celle que
Rouffeau a inferée dans fon Ode fur la
Fortune ? trouve- t'on quelque part la ve
tité accompagnée de tant d'agrémens &
de tant de force.
Fortune dont la main couronné
Les forfaits les plus inoùis ,
Du faux éclat qui t'environne
Serons-nous toujours éblouis ;
Jufques à quand , trompeuſe Idole
D'un culte honteux & frivole
Honorerons- nous tes Autels ?
Verra t'on toujours tes caprices
Confacrés par les facrifices ,
Et par l'hommage des mortels . &c.
Toute la fuite de cette Ode renfermé
une infinité de traits admirables ; je pourois
NOVEMBRE. 1730. 2395
rois ajoûter encore les Odes facrées du
même Auteur qui font bien au - deffus de
celle ci , les Pleaumes de Madame Des
Houllieres , ceux de Malherbe &c . où l'on
trouve des traits que l'éloquence la plus
vive ne sçauroit imiter. Mais fi on vouloit
rapporter tout ce qu'il y a de plus
beau tant en Vers qu'en Proſe , on ne finiroit
point.
On s'ennuye du moins en beaucoup
d'endroits d'un beau Sermon qui contient
les mêmes penſées fur les mêmes fujets
, qui annonce les mêmes verités
qu'une Piece de Poëfie , les vers nous y
rendent beaucoup plus fenfibles , on eſt
plus
plus touché , on entre plus dans toutes
les paffions du Poëte , on s'efforce de la
fuivre , on ſe plaît à fes expreffions , on
aime fes penfées qu'on tâche de retenir ,
on fe fait même un plaifir & un honneur
de les reciter. L'éloquence férieuſe de
F'Orateur fait bien moins d'impreffion
que ces peintures vives & naturelles
du vice que
le Poëte fçait rendre fi méprifable
, & ce n'eft
fans raifon que
Rouffeau a dit que
pas
Des fictions la vive liberté
Peint fouvent mieux l'austere verité
Que neferoit la froideur Monacale
D'une lugubre & pefante morale.
En
2396 MERCURE DE FRANCË
cette
En effet , rien ne touche le coeur de
l'homme , rien n'eft capable de lui faire
impreffion que ce qui lui plaît ; la Poëfie
nous montre la verité avec un viſage
doux & riant , par là elle l'infinue adroitement
entraînés par le plaifir , nous
entrons infenfiblement dans les fentimens
du Poëte , dans fes maximes ; nous prenons
de lui cette nobleffe , cette grandeur
d'ame , ce défintereffement
haine de l'injuftice & cet amour de la
vertu qui éclatent de toutes parts dans
fes Vers. La verité , au contraire , dite
par un Orateur , nous paroît bien plus
fevere , elle n'eft pas accompagnée de ces
graces , de ces ornemens , enfin de toutes
čes beautés qui la rendent aimable , l'efprit
fe ferme à fa voix , & fi quelquefois
on l'écoute , ce n'eft que par un grand
effort de la raifon. Quelqu'un dira peutêtre
que l'éloquence oratoire eft plus utile
à l'Orateur pour fa fortune , & on aura
raifon de dire comme Bachaumont :
a Non non , les doctes damoiselles
N'eurent jamais un bon morceau
Et ces vieilles fempiternelles
Ne burent jamais que de l'eau.
Les Poëtes ont toujours été bien éloia
Voyage de Bach. & de la Chapelle.
gnés
NOVEMBRE. 1730. 2397
grés de cette avidité qui fait dire à tant
de
gens
•
Quærenda pecunia primùm eft
Virtus poft nummos.
Je ne doute point que les gens d'efprit
& de bon goût , les Heros & fur tout le
beau fexe, à qui la Poëfie a fait tant d'honneur
, & dont elle a fi fouvent relevé la
beauté & le mérite , ne préferent la gloire
des Poëtes à celle des Orateurs , &
quand je n'aurois que leur fuffrage j'aurois
toujours celui de la plus brillante
partie du monde . Au refte , on peut encore
juger de la gloire des Poëtes par l'eftime
& la veneration qu'ont eûs pour eux
de tout tems les hommes les plus illuftres
& les plus grands Princes. b Ptolomée
Philopator fit élever un Temple à Homere
; il l'y plaça fur un Trône , & fit repréfenter
autour de lui les fept Villes qui
Te difputoient l'honneur de fa naiffance.
c. Alexandre avoit toujours l'Iliade fous
le chevet de fon lit , enfermé dans la caffete
de Cyrus. d Hyparque , Prince des
Athéniens , envoya une Galere exprès
chercher Anacréon pour faire honneur à
b Elien.
Plutarq. in Vita Alexand.
Elien,
yous
2398 MERCURE DE FRANCE
fa Patrie. Hyeron de Syracufe voulut
avoir Pindare & Simonide à fa Cour .
& perfonne n'ignore que dans le fac
de Thebes Alexandre ordonna qu'on
épargnat la maiſon & la famille du pre
mier des deux Poëtes que je viens de nommer.
On fçait le crédit qu'eurent Virgile
& Horace à la Cour d'Augufte , & enfin
l'eftime particuliere dont Louis XIV. a
toujours honoré nos Poëtes François , Mais
pourquoi chercher de nouvelles preuves?
Le langage des hommes égalera- t'il jamais
le langage des Dieux ? Je fens bien
que je dois me borner à ce petit nombre
de réfléxions , quoiqu'il foit difficile d'être
court en parlant des beautés de la
Poëfie , où l'on trouve tant de choſes qui
enchantent que l'on en pourroit dire ce
que difoit Tibulle de toutes les actions
de fa Maîtreffe
Componit furtim , fubfequiturque decor.
J'ai l'honneur d'être & c .
Fermer
Résumé : LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
La lettre compare la gloire des orateurs à celle des poètes, en soulignant que ceux qui excellent dans des sujets difficiles, utiles et agréables acquièrent plus de renommée. Pour évaluer cette question, l'auteur propose d'examiner le talent requis et l'utilité de chaque domaine. Les poètes et les orateurs visent à instruire et à plaire, mais par des moyens différents. Les orateurs se distinguent par l'invention, la disposition, l'élocution, la mémoire et la prononciation. La poésie, quant à elle, est soumise à plus de règles et nécessite un plan ingénieux, des descriptions riches et des expressions vives. Cicéron, bien qu'il admire l'éloquence, reconnaît la supériorité de la poésie, qu'il décrit comme un enthousiasme divin. La poésie demande des talents plus élevés, tels que la fécondité dans l'invention, la noblesse des idées et une imagination riche. Elle transforme tout en beauté et utilise des fictions nobles pour enchanter le lecteur. La poésie s'exerce dans divers genres, du badin au sérieux, et a été utilisée par des figures bibliques comme Moïse et David pour chanter les louanges du Créateur. Les anciens utilisaient la poésie pour tous les écrits, y compris l'histoire, et n'ont commencé à utiliser la prose que plus tard. Des experts comme le Père Bouhours et le Père Rapin conviennent que le poème épique est le chef-d'œuvre de l'esprit humain. Les harangues d'Homère sont citées comme des modèles parfaits d'éloquence, surpassant même celles de Cicéron et Démosthène. Par exemple, la harangue d'Ulysse à Achille est louée pour son art et sa force. Enfin, la lettre compare des extraits de la poésie de Racine et de l'éloquence de Flechier, concluant que les pensées poétiques, même traduites en prose, perdent de leur grâce et de leur force. La poésie est ainsi présentée comme supérieure en termes de sublimité, d'élévation et de jugement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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476
p. 2432-2441
LETTRE écrite à M. D. L. R. au sujet de l'Histoire Litteraire de Lyon, composée par le R. P. de Colonia, de la Compagnie de Jesus. Second Volume.
Début :
Ne vous impatientez plus, Monsieur, vous recevrez incessamment le second [...]
Mots clefs :
Histoire littéraire, Lyon, Église, Auteurs, Auteurs lyonnais, Historien, Abbaye, Lettres
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. D. L. R. au sujet de l'Histoire Litteraire de Lyon, composée par le R. P. de Colonia, de la Compagnie de Jesus. Second Volume.
LETTRE écrite à M. D. L. R. aufujet
de l'Hiftoire Litteraire de Lyon , composée
par le R. P. de Colonia , de la Compagnie
de Jefus. Second Volume.
N
E vous impatientez plus , Monfieur,
vous recevrez inceffamment le fecond
Volume de l'Hiftoire de Lyon
compofée par le R. P. de Colonia. Lorf
que vous verrez ce fecond Volume vous
ne vous plaindrez pas du temps que le
Libraire à employé à le faire paroître.
Vous ferez au contraire furpris de la diligence
avec laquelle il en a acceleré l'impreffion.
Il eft imprimé , comme le premier
, à Lyon , chez Fr. Rigolet . Il eſt
dédié pareillement à M" les Prévôt des
Marchands, Echevins de la Ville de Lyon ,
Préfidens , Juges , &c. au nombre defquels
on voit avec plaifir le celebre M. Broffette,
La fuite de l'Hiftoire de Lyon appartenoit
de droit au Corps de Ville , encore
plus que le commencement ; les deux
derniers fiecles de cette Hiftoire ont feuls
fourni à l'Auteur une moiffon plus abondante
que les quinze premiers ; & ce qui
doit intereffer plus directement ce Corps
de
NOVEMBRE. 1730. 2438
de Ville , c'eft , dit notre Hiftorien , que
parmi tous les celebres Lyonnois dont on
fait connoître les Ouvrages , il s'en trouve
un grand nombre qui ont avec cet ilfuftre
Corps des relations plus particufieres
& plus intimes que celles que donne
une même Patrie. Le P. de Colonia'
nous avertit que plufieurs d'entre eux
ont occupé dans leur temps les mêmes
places dans ce Corps , & qu'on voit leurs
Portraits dans le magnifique Hôtel de la'
Ville de Lyon , & que leurs noms font
écrits dans les Faftes Confulaires ; mais
ces Monumen's domeftiques & muets ,
ajoûte l'Auteur , qui ont perpetué leur
mémoire dans la Ville de Lyon , ne fuf
fifoient pas pour les illuftrer chez les Na
tions étrangères , cela étoit réfervé à l'é
legante plume du Pere de Colonia , &
c'est par cette Hiftoire Litteraire qu'on y
parviendra ..
On trouvé à la tête de ce Volume un
Avertiffement' , par lequel le R. P. de
Colonia nous apprend qu'il avoit d'abord
eu la pensée , en travaillant à ce fecond
Volume , d'y faire entrer un certain nom
bre de celebres Lyonnois , qui fe font le
plus diftingués dans les beaux Arts. Getté
Ville a produit dans ces derniers temps
des Sculpteurs , des Peintres , des Graveurs
& des Architectes , dont les pet-
Ev fonae
2434 MERCURE DE FRANCE
fonalitez , dit le P. de C. qu'on aime
fort aujourd'hui , auroient orné les deux
derniers fiecles de l'Hiftoire Litteraire de
Lyon ; en effet , Monfieur , les noms do
Stella , du petit Bernard , de Coylevox ,
des Couftous , auroient eu de quoi piquer
la curiofité des perfonnes qui ont
du gout pour les Arts Liberaux. Tous
ces hommes recommandables par leurs
divers talens , & aufquels il faut joindre
les Audran , Etienne , Defrochers , &c.
auroient pû figurer avec honneur dans
cet Ouvrage ; mais deux raifons qui ont
paru
folides à l'Auteur , l'ont empêché
de les y placer. La premiere , dit - il , eft
que ce qui concerne fimplement les beaux
Arts , lui a paru une matiere étrangere à
une Hiftoire Litteraire qui doit fe renfermer
dans les Sciences. La deuxième eft la
crainte qu'il a euë de groffir trop ce Volume
en cherchant à l'enrichir. Vous voyez ,
Monfieur , que le fçavant Jefuite penfe
bien differemment de vous fur l'objet
d'une Hiftoire Litteraire , vous êtes perfuadé
que les Sciences & les Arts ne doi
vent , pour ainfi dire , faire qu'un corps.
dans une Hiftoire Litteraire ; fi vous étiez
à portée de difcuter ce fentiment avec
Hiftorien de la Ville de Lyon , je vous
inviterois à le faire.
Ce fecond Volume a encore de commun
NOVEMBRE. 1730. 2435
mun avec le premier , qu'il eft divité par
fiecles , les fiecles font divifez par Chapitres
, & enfin les Chapitres par Paragraphes
: ordre qui ne peut manquer de répandre
de la clarté fur tout l'Ouvrage.
Le P. de Colonia reconnoît de bonne
foi que le nouveau fiecle où il entre
dans ce Volume , c'eft à -dire le feptiéme
& le huitième , n'eft gueres propre de
fon fonds à fervir de montre pour cette
feconde partie de l'Hiftoire Litteraire de
Lyon. La fterilité Litteraire , dit-il , a été
très grande. L'Auteur en tire les caufes
des fréquentes irruptions que les Sarrafins
d'Espagne & d'Afrique avec leurs
effroyables Armées , firent dans nos plus
belles Provinces, des ravages qu'y caufe
rent nos propres armées, alors prefqu'auffi
formidables que celles des ennemis , de
la foibleffe de la plupart de nos Rois , de
la Tyranie des Maires du Palais , & en
particulier de celle d'Ebroin ; des Guerres
Civiles , des inondations , des maladiescontagieufes
, &c. tout cela enfemble concourut
à étouffer generalement dans les
efprits l'amour de l'étude & le
gour des
bonnes Lettres ; de forte qu'on ne voit
paroître aucun Auteur Lyonnois fur la
Scene dans toute l'Hiftoire Litteraire du
feptiéme & du huitiéme fiecle. Mais on
ne fera pas furpris de cette ftérilité , fi on
E vj fale
2436 MERCURE DE FRANCE
fait reflexion , avec notre Hiftorien , que
la France elle- même , & la France toute
entiere , ne fournit à peine durant tout
ce temps-là que trois ou quatre Auteurs ,
dont les Ecrits & le nom même foient
venus jufqu'à nous .
C'eft pour remplir une partie de ce
vuide que le P. de Colonia fait l'Hiftoire
du Commerce Litteraire du Pape Grégoire
le Grand , avec Etherius , Archevêque
de Lyon ; ce qui donne lieu à l'Auteur de
publier plufieurs faits qui regardent ce
dernier , & de les éclaircir en relevant les
erreurs qu'on a débitées à ſon ſujet.
Deux Evenemens confiderables lui fourniffent
une ample matiere pour le fecond
Chapitre de ce fiecle. Le premier eft la
fondation ou plutôt le rétabliffement de
la celebre Abbaye d'Aifnay , dont la Reine
Brunehault voulut être la Reftauratrice ..
Le fecond Evenement eft la dépofition
de S. Didier. Le premier donne occafion
de faire l'Hiftoire abregée , mais claire ,
de la celebre Abbaye d'Aifnay , de faire
remarquer fon antiquité , l'étimologie des
fon nom , les Regles qu'on y a embraffées,
dont celle de S.. Martin eft la plus ancienne
, celle de S. Benoît , felon l'Auteur ,,
n'y ayant été adoptée que dans le douzié.
me & treiziéme fiecle.
Une chofe qui paroît finguliere dans
cette
7
NOVEMBRE. 1730. 2437
cette Abbaye , c'eft une antique Chapelle,
bâtie en l'honneur de l'Immaculée Conception
, d'où l'Auteur prend occafion d'é
claircir ce que l'ancienne Tradition nous
apprend fur ce fujet.
Les faits rapportez dans le refte de ce
fiecle regardent la Ville de Lyon en par
ticulier. On y traite de la fondation de
quelques Eglifes , entr'autres de celle de
S. Etienne , de Sainte Croix & l'Eglife
Métropolitaine de S. Jean - Baptifte. Jo
pafferai legerement fur ce que l'Auteur
dit de ces deux premieres ; mais il y a
dans la troifiéme des fingularitez qui mé
ritent de n'être pas obmifes dans cette
Lettre. Une des principales , ce font deux
Croix qu'on voit en tout temps aux deux
extrémitez de l'Autel , elles font , felon
le P. de Colonia , un Monument du treiziéme
fiecle , Monument qui nous a conférvé
la mémoire de la réunion de l'Eglife
Latine & de l'Eglife Grecque , quis
fe fit dans cette même Eglife en 1274 .
Les habits de pourpre dont font revêtues
quelques figures qu'on voit repréfentées
fur d'anciennes vitres de l'Eglifes
font connoître que c'étoit- là anciennement
l'habit ordinaire des Chanoines dè
cette Métropole , ce qui donne lieu au
P. de C. de remarquer que le Pape Inno
cent IV. qui réfida fix ou fept ans dans
Lyon
2438 MERCURE DE FRANCE
Lyon , adopta cet habit & le donna à fes
Cardinaux .
De l'Eglife Cathédrale , le P. de C. paffe
à celle de S. Jean , & une des fingularitez
de cette Eglife c'eft le Jubilé qu'on y
gagne toutes les fois que la Fête de faint
Jean- Baptifte fe rencontre le même jour
que la Fête du S. Sacrement , ce qui n'eſt
arrivé qu'une fois chaque fiecle depuis
l'établiffement de cette derniere Fête.
Le neuviéme fiecle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon , a été un peu plus fertile pour
les Lettres. Leydrade , quarante-fixiéme
Archevêque de Lyon , Bibliothecaire de
Charlemagne , & un de fes principaux
Favoris , fut également le Réparateur de la
plupart des Lieux Saints , le Reſtaurateur
des Sciences , & le Réformateur de l'Of
fice divin de l'Eglife de Lyon.
Les erreurs que Felix d'Urgel répandoit
de fon temps , donnerent occafion à
Leydrade de fignaler fon zele , auquel Ur
gel fit tant d'attention , qu'il fit abjuration
de fon Herefie ; mais il ne perfevera
pas long- temps dans fes bons fentimens.
S. Agobard , Florus , & S, Remi , tous
Archevêques de Lyon , fe fignalerent par
leurs Ecrits & par les Adverfaires qu'ils
eurent à combattre. Les erreurs que Felix
d'Urgel débitoit du temps de Leydrade ,
donnerent occafion à ce dernier de fignaler
fon
NOVEMBRE. 1730. 2439
fon zele , il écrivit , & S. Agobard après
lui , contre ces erreurs , lefquelles , pour
le temps , ne laifferent pas d'occafionner
plufieurs Ecrits , dont l'Hiſtorien fait le
dénombrement.
Jean Scot , furnommé Erigene , fut
l'objet du zele, ou plutôt de l'indignation
de Florus. Enfin S. Remy , Archevêque
de Lyon , fe fignala par divers emplois ,
par les avantages qu'il procura à fon Egli
Te & par le foin dont il fut chargé de
répondre à ce que trois Evêques avoient
écrit à Amolon , au fujet de Godercalque.
L'Hiftoire parte enfuite de la Lettre dogmatique
de cet Archevêque , & de fon
Traité contre les quatre fameux Articles
de Quiercy.
Le dixième fiecle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon retombé dans la ſtérilité , fait
voir la viciffitude des chofes humaines.
Cette ftérilité a engagé l'Hiftorien à net
parler de ce fiecle que conjointement avec
l'onzième , ainfi qu'il en a ufé à l'égard
du feptiéme & du huitiéme. Ce qui regarde
Halinard , foixante-cinquiéme Arvêque
de Lyon , & Humbert fon fucceffeur
, Hugues & S. Jubin ou Gebin , rempliffent
une bonne partie de ce fiecle
avec l'Hiftoire du féjour de S. Anfelme
de Cantorbery à Lyon. Ce qui donne occafion
au P.de Colonia de narrer des chofes
bien curieufes. Le
2440 MERCURE DE FRANCE
Le douzième fiecle ne prefente encore
rien fur les Lettres humaines ; mais la
celebre Lettre dogmatique que S. Bernard
écrivit à l'Eglife Metropolitaine de
Lyon , & les Relations oppofées des Auteurs
Lyonnois fur les Pauvres de Lyon ,
& fur leur fameux Chef Pierre Valdo
Bourgeois de cette Ville , le bien & le mal
qu'on en a dit , font les principaux ob
jets des recherches du P. de C. Il prend
de-là occafion de faire connoître le caractere
de S. Bernard & fes intimes liaifons
avec l'Eglife de Lyon , fans oublier
l'Hiftoire de la Fête de l'Immaculée Conception
; il rapporte d'après le P. Martene
, un fait curieux , arrivé à Dijon ,
lequel prouve , felon l'Hiftorien , que les
Dominicains celebroient anciennement là
Fête de l'Immaculée Conception.
Comme le treiziéme & le quitorziémé
fiecles ont encore été ftériles en Auteurs
qui puiffent illuftrer la Bibliotheque Lyonnoife,
c'eft ainfi que le P. de C. appelle
quelquefois fon Hiftoire Litteraire : l'HIL
torien a trouvé à propos de n'en parler
que conjointement l'un avec l'autre , &
de fe répandre fur ce qui peut intereffer
THiftoire generale : Ainfi le premier Concile
general tenu fous Innocent IV. fait
un des plus beaux objets & des plus confiderables
de cette Hiftoire , le P. de C.-
}
NOVEMBRE . 1730. 2441
en fait un Article curieux par les diverfes
circonftances qu'il rapporte. Il en agit de
même à l'égard d'un autre Concile qui
fut indiqué à Lyon par Théalde ou Thi
bauld , ancien Chanoine de l'Eglife Métropolitaine
de Lyon, & depuis Pape, connu
fous le nom de Grégoire X. Enfin trois
Auteurs , plus ou moins connus , comme
le dit le P. de C. achevent de remplir le
vuide de ces deux fiecles . Parmi ces Auteurs
il y a deux Cardinaux , Bernard Aygler
& Jean de la Grange , autrement dit
le Cardinal d'Amiens , & le troiſieme eft
une perfonne de l'autre fexe, diftinguée par
une éminente pieté. C'eft la vertueufe Marguerite
, Chartreufe . On ne connoît plus ,
dit le P. de C. ni leur perfonne , ni leurs
Ecrits, ce qui l'engage à les faire connoître
lui-même & à entrer dans un détail circonftancié
de ce qui regarde ces trois Sujets,
Nous donnerons la fuite de cette Lettre
dans le prochain Mercure.
de l'Hiftoire Litteraire de Lyon , composée
par le R. P. de Colonia , de la Compagnie
de Jefus. Second Volume.
N
E vous impatientez plus , Monfieur,
vous recevrez inceffamment le fecond
Volume de l'Hiftoire de Lyon
compofée par le R. P. de Colonia. Lorf
que vous verrez ce fecond Volume vous
ne vous plaindrez pas du temps que le
Libraire à employé à le faire paroître.
Vous ferez au contraire furpris de la diligence
avec laquelle il en a acceleré l'impreffion.
Il eft imprimé , comme le premier
, à Lyon , chez Fr. Rigolet . Il eſt
dédié pareillement à M" les Prévôt des
Marchands, Echevins de la Ville de Lyon ,
Préfidens , Juges , &c. au nombre defquels
on voit avec plaifir le celebre M. Broffette,
La fuite de l'Hiftoire de Lyon appartenoit
de droit au Corps de Ville , encore
plus que le commencement ; les deux
derniers fiecles de cette Hiftoire ont feuls
fourni à l'Auteur une moiffon plus abondante
que les quinze premiers ; & ce qui
doit intereffer plus directement ce Corps
de
NOVEMBRE. 1730. 2438
de Ville , c'eft , dit notre Hiftorien , que
parmi tous les celebres Lyonnois dont on
fait connoître les Ouvrages , il s'en trouve
un grand nombre qui ont avec cet ilfuftre
Corps des relations plus particufieres
& plus intimes que celles que donne
une même Patrie. Le P. de Colonia'
nous avertit que plufieurs d'entre eux
ont occupé dans leur temps les mêmes
places dans ce Corps , & qu'on voit leurs
Portraits dans le magnifique Hôtel de la'
Ville de Lyon , & que leurs noms font
écrits dans les Faftes Confulaires ; mais
ces Monumen's domeftiques & muets ,
ajoûte l'Auteur , qui ont perpetué leur
mémoire dans la Ville de Lyon , ne fuf
fifoient pas pour les illuftrer chez les Na
tions étrangères , cela étoit réfervé à l'é
legante plume du Pere de Colonia , &
c'est par cette Hiftoire Litteraire qu'on y
parviendra ..
On trouvé à la tête de ce Volume un
Avertiffement' , par lequel le R. P. de
Colonia nous apprend qu'il avoit d'abord
eu la pensée , en travaillant à ce fecond
Volume , d'y faire entrer un certain nom
bre de celebres Lyonnois , qui fe font le
plus diftingués dans les beaux Arts. Getté
Ville a produit dans ces derniers temps
des Sculpteurs , des Peintres , des Graveurs
& des Architectes , dont les pet-
Ev fonae
2434 MERCURE DE FRANCE
fonalitez , dit le P. de C. qu'on aime
fort aujourd'hui , auroient orné les deux
derniers fiecles de l'Hiftoire Litteraire de
Lyon ; en effet , Monfieur , les noms do
Stella , du petit Bernard , de Coylevox ,
des Couftous , auroient eu de quoi piquer
la curiofité des perfonnes qui ont
du gout pour les Arts Liberaux. Tous
ces hommes recommandables par leurs
divers talens , & aufquels il faut joindre
les Audran , Etienne , Defrochers , &c.
auroient pû figurer avec honneur dans
cet Ouvrage ; mais deux raifons qui ont
paru
folides à l'Auteur , l'ont empêché
de les y placer. La premiere , dit - il , eft
que ce qui concerne fimplement les beaux
Arts , lui a paru une matiere étrangere à
une Hiftoire Litteraire qui doit fe renfermer
dans les Sciences. La deuxième eft la
crainte qu'il a euë de groffir trop ce Volume
en cherchant à l'enrichir. Vous voyez ,
Monfieur , que le fçavant Jefuite penfe
bien differemment de vous fur l'objet
d'une Hiftoire Litteraire , vous êtes perfuadé
que les Sciences & les Arts ne doi
vent , pour ainfi dire , faire qu'un corps.
dans une Hiftoire Litteraire ; fi vous étiez
à portée de difcuter ce fentiment avec
Hiftorien de la Ville de Lyon , je vous
inviterois à le faire.
Ce fecond Volume a encore de commun
NOVEMBRE. 1730. 2435
mun avec le premier , qu'il eft divité par
fiecles , les fiecles font divifez par Chapitres
, & enfin les Chapitres par Paragraphes
: ordre qui ne peut manquer de répandre
de la clarté fur tout l'Ouvrage.
Le P. de Colonia reconnoît de bonne
foi que le nouveau fiecle où il entre
dans ce Volume , c'eft à -dire le feptiéme
& le huitième , n'eft gueres propre de
fon fonds à fervir de montre pour cette
feconde partie de l'Hiftoire Litteraire de
Lyon. La fterilité Litteraire , dit-il , a été
très grande. L'Auteur en tire les caufes
des fréquentes irruptions que les Sarrafins
d'Espagne & d'Afrique avec leurs
effroyables Armées , firent dans nos plus
belles Provinces, des ravages qu'y caufe
rent nos propres armées, alors prefqu'auffi
formidables que celles des ennemis , de
la foibleffe de la plupart de nos Rois , de
la Tyranie des Maires du Palais , & en
particulier de celle d'Ebroin ; des Guerres
Civiles , des inondations , des maladiescontagieufes
, &c. tout cela enfemble concourut
à étouffer generalement dans les
efprits l'amour de l'étude & le
gour des
bonnes Lettres ; de forte qu'on ne voit
paroître aucun Auteur Lyonnois fur la
Scene dans toute l'Hiftoire Litteraire du
feptiéme & du huitiéme fiecle. Mais on
ne fera pas furpris de cette ftérilité , fi on
E vj fale
2436 MERCURE DE FRANCE
fait reflexion , avec notre Hiftorien , que
la France elle- même , & la France toute
entiere , ne fournit à peine durant tout
ce temps-là que trois ou quatre Auteurs ,
dont les Ecrits & le nom même foient
venus jufqu'à nous .
C'eft pour remplir une partie de ce
vuide que le P. de Colonia fait l'Hiftoire
du Commerce Litteraire du Pape Grégoire
le Grand , avec Etherius , Archevêque
de Lyon ; ce qui donne lieu à l'Auteur de
publier plufieurs faits qui regardent ce
dernier , & de les éclaircir en relevant les
erreurs qu'on a débitées à ſon ſujet.
Deux Evenemens confiderables lui fourniffent
une ample matiere pour le fecond
Chapitre de ce fiecle. Le premier eft la
fondation ou plutôt le rétabliffement de
la celebre Abbaye d'Aifnay , dont la Reine
Brunehault voulut être la Reftauratrice ..
Le fecond Evenement eft la dépofition
de S. Didier. Le premier donne occafion
de faire l'Hiftoire abregée , mais claire ,
de la celebre Abbaye d'Aifnay , de faire
remarquer fon antiquité , l'étimologie des
fon nom , les Regles qu'on y a embraffées,
dont celle de S.. Martin eft la plus ancienne
, celle de S. Benoît , felon l'Auteur ,,
n'y ayant été adoptée que dans le douzié.
me & treiziéme fiecle.
Une chofe qui paroît finguliere dans
cette
7
NOVEMBRE. 1730. 2437
cette Abbaye , c'eft une antique Chapelle,
bâtie en l'honneur de l'Immaculée Conception
, d'où l'Auteur prend occafion d'é
claircir ce que l'ancienne Tradition nous
apprend fur ce fujet.
Les faits rapportez dans le refte de ce
fiecle regardent la Ville de Lyon en par
ticulier. On y traite de la fondation de
quelques Eglifes , entr'autres de celle de
S. Etienne , de Sainte Croix & l'Eglife
Métropolitaine de S. Jean - Baptifte. Jo
pafferai legerement fur ce que l'Auteur
dit de ces deux premieres ; mais il y a
dans la troifiéme des fingularitez qui mé
ritent de n'être pas obmifes dans cette
Lettre. Une des principales , ce font deux
Croix qu'on voit en tout temps aux deux
extrémitez de l'Autel , elles font , felon
le P. de Colonia , un Monument du treiziéme
fiecle , Monument qui nous a conférvé
la mémoire de la réunion de l'Eglife
Latine & de l'Eglife Grecque , quis
fe fit dans cette même Eglife en 1274 .
Les habits de pourpre dont font revêtues
quelques figures qu'on voit repréfentées
fur d'anciennes vitres de l'Eglifes
font connoître que c'étoit- là anciennement
l'habit ordinaire des Chanoines dè
cette Métropole , ce qui donne lieu au
P. de C. de remarquer que le Pape Inno
cent IV. qui réfida fix ou fept ans dans
Lyon
2438 MERCURE DE FRANCE
Lyon , adopta cet habit & le donna à fes
Cardinaux .
De l'Eglife Cathédrale , le P. de C. paffe
à celle de S. Jean , & une des fingularitez
de cette Eglife c'eft le Jubilé qu'on y
gagne toutes les fois que la Fête de faint
Jean- Baptifte fe rencontre le même jour
que la Fête du S. Sacrement , ce qui n'eſt
arrivé qu'une fois chaque fiecle depuis
l'établiffement de cette derniere Fête.
Le neuviéme fiecle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon , a été un peu plus fertile pour
les Lettres. Leydrade , quarante-fixiéme
Archevêque de Lyon , Bibliothecaire de
Charlemagne , & un de fes principaux
Favoris , fut également le Réparateur de la
plupart des Lieux Saints , le Reſtaurateur
des Sciences , & le Réformateur de l'Of
fice divin de l'Eglife de Lyon.
Les erreurs que Felix d'Urgel répandoit
de fon temps , donnerent occafion à
Leydrade de fignaler fon zele , auquel Ur
gel fit tant d'attention , qu'il fit abjuration
de fon Herefie ; mais il ne perfevera
pas long- temps dans fes bons fentimens.
S. Agobard , Florus , & S, Remi , tous
Archevêques de Lyon , fe fignalerent par
leurs Ecrits & par les Adverfaires qu'ils
eurent à combattre. Les erreurs que Felix
d'Urgel débitoit du temps de Leydrade ,
donnerent occafion à ce dernier de fignaler
fon
NOVEMBRE. 1730. 2439
fon zele , il écrivit , & S. Agobard après
lui , contre ces erreurs , lefquelles , pour
le temps , ne laifferent pas d'occafionner
plufieurs Ecrits , dont l'Hiſtorien fait le
dénombrement.
Jean Scot , furnommé Erigene , fut
l'objet du zele, ou plutôt de l'indignation
de Florus. Enfin S. Remy , Archevêque
de Lyon , fe fignala par divers emplois ,
par les avantages qu'il procura à fon Egli
Te & par le foin dont il fut chargé de
répondre à ce que trois Evêques avoient
écrit à Amolon , au fujet de Godercalque.
L'Hiftoire parte enfuite de la Lettre dogmatique
de cet Archevêque , & de fon
Traité contre les quatre fameux Articles
de Quiercy.
Le dixième fiecle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon retombé dans la ſtérilité , fait
voir la viciffitude des chofes humaines.
Cette ftérilité a engagé l'Hiftorien à net
parler de ce fiecle que conjointement avec
l'onzième , ainfi qu'il en a ufé à l'égard
du feptiéme & du huitiéme. Ce qui regarde
Halinard , foixante-cinquiéme Arvêque
de Lyon , & Humbert fon fucceffeur
, Hugues & S. Jubin ou Gebin , rempliffent
une bonne partie de ce fiecle
avec l'Hiftoire du féjour de S. Anfelme
de Cantorbery à Lyon. Ce qui donne occafion
au P.de Colonia de narrer des chofes
bien curieufes. Le
2440 MERCURE DE FRANCE
Le douzième fiecle ne prefente encore
rien fur les Lettres humaines ; mais la
celebre Lettre dogmatique que S. Bernard
écrivit à l'Eglife Metropolitaine de
Lyon , & les Relations oppofées des Auteurs
Lyonnois fur les Pauvres de Lyon ,
& fur leur fameux Chef Pierre Valdo
Bourgeois de cette Ville , le bien & le mal
qu'on en a dit , font les principaux ob
jets des recherches du P. de C. Il prend
de-là occafion de faire connoître le caractere
de S. Bernard & fes intimes liaifons
avec l'Eglife de Lyon , fans oublier
l'Hiftoire de la Fête de l'Immaculée Conception
; il rapporte d'après le P. Martene
, un fait curieux , arrivé à Dijon ,
lequel prouve , felon l'Hiftorien , que les
Dominicains celebroient anciennement là
Fête de l'Immaculée Conception.
Comme le treiziéme & le quitorziémé
fiecles ont encore été ftériles en Auteurs
qui puiffent illuftrer la Bibliotheque Lyonnoife,
c'eft ainfi que le P. de C. appelle
quelquefois fon Hiftoire Litteraire : l'HIL
torien a trouvé à propos de n'en parler
que conjointement l'un avec l'autre , &
de fe répandre fur ce qui peut intereffer
THiftoire generale : Ainfi le premier Concile
general tenu fous Innocent IV. fait
un des plus beaux objets & des plus confiderables
de cette Hiftoire , le P. de C.-
}
NOVEMBRE . 1730. 2441
en fait un Article curieux par les diverfes
circonftances qu'il rapporte. Il en agit de
même à l'égard d'un autre Concile qui
fut indiqué à Lyon par Théalde ou Thi
bauld , ancien Chanoine de l'Eglife Métropolitaine
de Lyon, & depuis Pape, connu
fous le nom de Grégoire X. Enfin trois
Auteurs , plus ou moins connus , comme
le dit le P. de C. achevent de remplir le
vuide de ces deux fiecles . Parmi ces Auteurs
il y a deux Cardinaux , Bernard Aygler
& Jean de la Grange , autrement dit
le Cardinal d'Amiens , & le troiſieme eft
une perfonne de l'autre fexe, diftinguée par
une éminente pieté. C'eft la vertueufe Marguerite
, Chartreufe . On ne connoît plus ,
dit le P. de C. ni leur perfonne , ni leurs
Ecrits, ce qui l'engage à les faire connoître
lui-même & à entrer dans un détail circonftancié
de ce qui regarde ces trois Sujets,
Nous donnerons la fuite de cette Lettre
dans le prochain Mercure.
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Résumé : LETTRE écrite à M. D. L. R. au sujet de l'Histoire Litteraire de Lyon, composée par le R. P. de Colonia, de la Compagnie de Jesus. Second Volume.
La lettre annonce la publication imminente du second volume de l'Histoire Littéraire de Lyon, rédigée par le R. P. de Colonia de la Compagnie de Jésus. Ce volume, imprimé à Lyon chez Fr. Rigolet, est dédié aux Prévôt des Marchands et aux Echevins de la Ville de Lyon, et mentionne notamment M. Broffette. L'auteur observe que les deux derniers siècles de l'histoire lyonnaise ont fourni plus de matière que les quinze premiers, en raison de la présence de nombreux Lyonnois célèbres ayant des relations avec le Corps de Ville. Initialement, le Père de Colonia avait prévu d'inclure des artistes lyonnais distingués dans les beaux-arts, mais il a choisi de se concentrer uniquement sur les sciences pour cette histoire littéraire. Le volume est structuré par siècles, chapitres et paragraphes pour faciliter la compréhension. Les septième et huitième siècles sont marqués par une stérilité littéraire due à diverses perturbations, telles que les invasions, les guerres civiles et les épidémies. L'auteur traite également de la fondation de l'abbaye d'Ainay et de la déposition de Saint Didier. Le neuvième siècle voit une reprise littéraire avec des figures comme Leydrade, S. Agobard, Florus et S. Remi. Les dixième et onzième siècles retombent dans la stérilité, bien que des personnages comme Halinard et Humbert soient mentionnés. Le douzième siècle est marqué par la lettre dogmatique de Saint Bernard et les relations concernant Pierre Valdo. Enfin, les treizième et quatorzième siècles sont également stériles en auteurs, mais l'auteur discute des conciles généraux et de quelques auteurs mineurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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477
p. 2469-2479
Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 26. Octobre, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere Representation [...]
Mots clefs :
Pyrrhus, Académie royale de musique, Théâtre, Amour, Coeur, Projet, Jeux, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
E 26. Octobre , l'Académie Royale
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
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Résumé : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 26 octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Pyrrhus' de M. Fermelhuis, accompagnée de la musique de M. Royer. Le prologue se déroule au Palais de Mars, où Mars souhaite relancer la guerre en Europe. Minerve annonce la naissance d'un dauphin qui apportera la paix, mais Mars et Minerve se disputent l'honneur de son éducation. Jupiter intervient pour partager la gloire entre eux. La pièce commence avec Ismène, confidente de Polixène, fille de Priam, qui félicite Polixène pour sa victoire sur le cœur de Pyrrhus. Polixène avoue son amour pour Pyrrhus mais décide de lui ôter tout espoir. Les Troyens célèbrent leur liberté, mais Polixène les reproche leur lâcheté. Pyrrhus, irrité par la rigueur de Polixène, est tourmenté par un songe où l'ombre de son père lui ordonne de sacrifier Polixène. Acamas, amoureux de Polixène, tente de convaincre Pyrrhus de l'oublier. Eriphile, amoureuse de Pyrrhus, promet son aide à Acamas mais menace Pyrrhus. Lors des jeux organisés par Pyrrhus, un tremblement de terre révèle l'ombre d'Achille, qui exige le sacrifice de Polixène. Pyrrhus, déchiré, demande à Acamas de faire partir Polixène. Eriphile, jalouse, utilise ses pouvoirs pour semer la discorde. Polixène, malgré les efforts de Pyrrhus pour la retenir, décide de se sacrifier pour sauver Pyrrhus et son peuple. Elle se frappe et meurt, laissant Pyrrhus désemparé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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478
p. 2479-2482
Décorations, [titre d'après la table]
Début :
Cet Opéra n'ayant eu que 7 representation, on reprit Thesée le jeudi 9 de ce [...]
Mots clefs :
Opéra, Décorations, Thésée, Colonnes, Tombeau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Décorations, [titre d'après la table]
Cet Opéra n'ayant eu que 7 reprefentations
, on reprit Thefée le jeudi 9 de ce
mois , en attendant Phaeton , qu'on prépare.
Au refte quoique cet Ouvrage n'ait
pas eu le fuccès qu'on en efperoit , il doit`
faire honneur au Poëte & au Muficien par
les beaux morceaux qu'on y trouve . Les
Déco-
G iiij
2480 MERCURE DE FRANCE
Décorations en ont été trouvées tres bekles
& tres- bien entenduës. Les habits en
font riches , bien caracteriſez & de bon
gout. Trois de ces décorations meritent
une attention particuliere . Celle du premier
Acte , qui fait un effet admirable
eft une Gallerie tres - vafte , d'ordre Ionique
, richement ornée , avec des Colonnes
& des Contrepilaftres en marbre compoſé.
Les ornemens en or , avec ftatues & basreliefs
. La Gallerie eft terminée par 10
Arcades fort exhauffées , cinq de chaque
côté , foûtenuës par des colonnes qui
forment un efpace tres- grand par où en
tre le jour , lequel produit des échape
mens de lumieres tres- bien entendus.
Entre les Arcades , il y a de grandes , colonnes
ifolées & des contrepilaftres , avec
leurs Piedeftaux & Entablemens , entre
lefquels font des Statues. Le Plafond eft
à compartimens , dans le gout antique
fort riche, lequel par la perfpective trompe
fi- bien les yeux , qu'il paroît de niveau
d'un bout à l'autre, Le tout enfemble
fait une fongueur confiderable
proportionnée à la hauteur , & forme
plan poffible pour l'execution réelle .
On voit au troifiéme Acte , un Antre
ou Souterrain affreux , dont le fond s'ouvrant
tout d'un coup , on découvre les
un
>
Enfers
NOVEMBRE. 1730. 2481.
Enfers ,formez par plufieurs tranfparans
& entremêlez de flâmes naturelles ; le
tout composé d'une maniere qu'il n'y a
aucun rifque pour le feu.. Les trois Eumenides
paroiffent au milieu des flames ;
ee moment eft furprenant & plein d'horreur.
Les Spectateurs en ont été frapez.
23
Le Tombeau du cinquième Acte, étoit
une grande Colonnade circulaire , percée
àjour , avec les entre colonnes fpacieufes
pour voir tout leTombeau dans le milieu ...
Une moitié du Tombeau étoit en Sculpture
de relief, & l'autre en plate peinture ,
mais toute deux liées avec un tel art, qu'ili
paroiffoit tout de ronde boffe , & forme:
piramidalement ; il commençoit par un
Socle au bas qui portoit un Piedeftal
avec un bas - relief à chaque côté du
Piedeſtal , où l'on voyoit des figures enchaînées
de ronde boffe , grandes comme
nature , & deux Lions couchez fur le
Piedestal , qui portoient le Maufolée ,
terminé par des Trophées d'armes &
furmonté par une Urne de Lapis , envi
ronnée d'unFefton , pittorefquement jetté
ainfi . que le refte ; tout le Tombeau étoit
de Marbre précieux , & de Bronze doré
ayant 15 pieds d'hauteur , fur ro de lar
geur par le bas. Tous ces Ouvrages font
de M. Servandoni , qui donne tous les
jours de nouvelles marques de fon habi
Teré Gx L'Opera
2482 MERCURE DE FRANCE
L'Opera de Thefée avoit été remis au
Théatre au mois de Decembre de l'année
derniere . La De le Maure chante le rôle
d'Eglé avec beaucoup d'aplaudiffement.
Le 12 , le fieur Dupré, cy- devant Danfeur
de la même Academie , qui avoit
quitté le Théatre en 1722. & que le Pu
blic regrettoit fort , reparut & danfa dans
le fecond & le troifiéme Acte du même
Opera , avec l'applaudiffement d'une tresnombreuſe
affemblée . Sa danfe eft noble
vive & légere, & il exprime parfaitement
les differens caracteres , animez & violens.
Il est arrivé depuis peu de Pologne . It
doit refter à Paris cet Hyver , & il danfera
à l'Opera pendant ce temps-là .
Le même jour , il y eut à l'Opera le Bal
public , que l'Academie donne tous les
ans à la S. Martin, & qu'on continuë pendant
differens jours juſqu'à l'Avent. On
le reprend ordinairement à la fête des
Rois.
, on reprit Thefée le jeudi 9 de ce
mois , en attendant Phaeton , qu'on prépare.
Au refte quoique cet Ouvrage n'ait
pas eu le fuccès qu'on en efperoit , il doit`
faire honneur au Poëte & au Muficien par
les beaux morceaux qu'on y trouve . Les
Déco-
G iiij
2480 MERCURE DE FRANCE
Décorations en ont été trouvées tres bekles
& tres- bien entenduës. Les habits en
font riches , bien caracteriſez & de bon
gout. Trois de ces décorations meritent
une attention particuliere . Celle du premier
Acte , qui fait un effet admirable
eft une Gallerie tres - vafte , d'ordre Ionique
, richement ornée , avec des Colonnes
& des Contrepilaftres en marbre compoſé.
Les ornemens en or , avec ftatues & basreliefs
. La Gallerie eft terminée par 10
Arcades fort exhauffées , cinq de chaque
côté , foûtenuës par des colonnes qui
forment un efpace tres- grand par où en
tre le jour , lequel produit des échape
mens de lumieres tres- bien entendus.
Entre les Arcades , il y a de grandes , colonnes
ifolées & des contrepilaftres , avec
leurs Piedeftaux & Entablemens , entre
lefquels font des Statues. Le Plafond eft
à compartimens , dans le gout antique
fort riche, lequel par la perfpective trompe
fi- bien les yeux , qu'il paroît de niveau
d'un bout à l'autre, Le tout enfemble
fait une fongueur confiderable
proportionnée à la hauteur , & forme
plan poffible pour l'execution réelle .
On voit au troifiéme Acte , un Antre
ou Souterrain affreux , dont le fond s'ouvrant
tout d'un coup , on découvre les
un
>
Enfers
NOVEMBRE. 1730. 2481.
Enfers ,formez par plufieurs tranfparans
& entremêlez de flâmes naturelles ; le
tout composé d'une maniere qu'il n'y a
aucun rifque pour le feu.. Les trois Eumenides
paroiffent au milieu des flames ;
ee moment eft furprenant & plein d'horreur.
Les Spectateurs en ont été frapez.
23
Le Tombeau du cinquième Acte, étoit
une grande Colonnade circulaire , percée
àjour , avec les entre colonnes fpacieufes
pour voir tout leTombeau dans le milieu ...
Une moitié du Tombeau étoit en Sculpture
de relief, & l'autre en plate peinture ,
mais toute deux liées avec un tel art, qu'ili
paroiffoit tout de ronde boffe , & forme:
piramidalement ; il commençoit par un
Socle au bas qui portoit un Piedeftal
avec un bas - relief à chaque côté du
Piedeſtal , où l'on voyoit des figures enchaînées
de ronde boffe , grandes comme
nature , & deux Lions couchez fur le
Piedestal , qui portoient le Maufolée ,
terminé par des Trophées d'armes &
furmonté par une Urne de Lapis , envi
ronnée d'unFefton , pittorefquement jetté
ainfi . que le refte ; tout le Tombeau étoit
de Marbre précieux , & de Bronze doré
ayant 15 pieds d'hauteur , fur ro de lar
geur par le bas. Tous ces Ouvrages font
de M. Servandoni , qui donne tous les
jours de nouvelles marques de fon habi
Teré Gx L'Opera
2482 MERCURE DE FRANCE
L'Opera de Thefée avoit été remis au
Théatre au mois de Decembre de l'année
derniere . La De le Maure chante le rôle
d'Eglé avec beaucoup d'aplaudiffement.
Le 12 , le fieur Dupré, cy- devant Danfeur
de la même Academie , qui avoit
quitté le Théatre en 1722. & que le Pu
blic regrettoit fort , reparut & danfa dans
le fecond & le troifiéme Acte du même
Opera , avec l'applaudiffement d'une tresnombreuſe
affemblée . Sa danfe eft noble
vive & légere, & il exprime parfaitement
les differens caracteres , animez & violens.
Il est arrivé depuis peu de Pologne . It
doit refter à Paris cet Hyver , & il danfera
à l'Opera pendant ce temps-là .
Le même jour , il y eut à l'Opera le Bal
public , que l'Academie donne tous les
ans à la S. Martin, & qu'on continuë pendant
differens jours juſqu'à l'Avent. On
le reprend ordinairement à la fête des
Rois.
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Résumé : Décorations, [titre d'après la table]
L'opéra mentionné a été représenté sept fois avant la reprise de 'Thésée' le 9 novembre. Malgré son manque de succès, il est apprécié pour ses beaux morceaux, ses décorations et ses costumes riches et bien caractérisés. Trois décorations sont particulièrement notables : celle du premier acte, représentant une galerie ornée de colonnes ioniques, d'ornements en or et de statues ; celle du troisième acte, montrant un antre avec des flammes naturelles et les Érinyes ; et celle du cinquième acte, un tombeau circulaire avec des sculptures en relief et des peintures formant une pyramide. Ces œuvres sont de M. Servandoni. 'Thésée' avait été remis au théâtre en décembre précédent. La De la Maure a interprété avec succès le rôle d'Églé. Le 12 novembre, le danseur Dupré est revenu et a dansé dans 'Thésée', recevant les applaudissements du public. Le même jour, le bal public annuel de l'Académie a eu lieu à l'Opéra.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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479
p. 2482-2490
Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Début :
Le Samedi, 4 de ce mois, les Comédiens François donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Prince, Druide, Chasseur, Amour, Sang, Ennemi, Mort, Bonheur, Comédie, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le Samedi , 4 de ce mois , les Comé
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
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Résumé : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le 4 novembre 1730, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Prince de Noifi', une comédie en prose en trois actes avec un prologue et trois intermèdes. Les rôles principaux étaient interprétés par le Sieur Dufrene, les Dames Labat et Dangeville la jeune, cette dernière jouant un rôle masculin sous le nom de Poinçon. Sa performance, alliée à son charme et à sa vivacité, a été acclamée. La pièce, écrite par M. d'Aiguebere, critique les jugements hâtifs sur les œuvres théâtrales. Le prologue se moque de ceux qui prétendent juger une pièce sans l'avoir vue ou qui s'imaginent qu'il ne faut rien retrancher, même les absurdités. L'intrigue se déroule dans les jardins du chef des Druides, où une statue de Cléopâtre est présente. Le Druide révèle à sa fille Alie qu'il a volé un glaive enchanté à Merlin, capable d'écrire des réponses. Un oracle prédit que le bonheur d'Alie dépend de la mort du Prince de Noifi, fils de Merlin. Le Druide décide de protéger Alie en la confiant à Poinçon, un génie vigilant. Plusieurs personnages tentent de séduire Alie, notamment le Géant Moulineau et le Prince de Noifi déguisé en chasseur. Alie, malgré ses résistances, finit par avouer son amour pour le Prince. Après un tournoi, le Prince est blessé mais survit, tue le Géant et épouse Alie. La pièce se conclut par une fête célébrant leur union.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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480
p. 2490-2492
« Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Début :
Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...]
Mots clefs :
Comédien, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Le Jeudi 9. de ce mois , la Dile Poilfon
, Epoufe du Sr Poiffon , Comédien
du Roi, laquelle n'avoit jamais joué laComédie
, fit le Rôle d'Hermione dans la
Tragédie d'Andromaque , & fut généralement
applaudie. Elle a joué depuis leRôle
de
NOVEMBRE. 1730. 249
de Tharés dans la Tragédie d'Abfalon de
feu M. Duché , & elle a été encore plus
applaudie. C'eſt un jeune perfonne d'une
taille médiocre , mais d'une figure noble,
& très agréable ; elle a beaucoup de feu ,
le fon de la voix beau ; elle prononce
très bien. Le Rôle d'Iphigénie
qu'elle a joué depuis a confirmé la bonne
opinion qu'on a d'elle . Dans la même
Tragédie , la Dile Duclos , qui depuis
quelque- tems n'avoit paru , joue le Rôle
de Clitemnestre , au grand contentement
du Public , qui eſt toujours charmé de ſa
belle voix , de fes pleurs & des autres
heureux talens qu'elle a pour la déclamation
. La De Labat , qui joue le Rôle
d'Eryphile , y eft genéralement applaudie,
ainfi que le S Dufrefne qui remplit celui
d'Achille , & le S Sarrazin celui d'Agamemnon.
Le 8 , de ce mois , les mêmes Comédiens
joüerent à la Cour la Tragédie de
Britannicus , & la petite Comédie des Vendanges
de Surefne. Le 14. la Comédie du
Flateur , & le 16. la Mort de Pompée ,
Tragédie de P. Corneille , & la Coupe
enchantée.
Le 9. les Comédiens Italiens jouerent à Verfailles
Démocrite Prétendu Fou & la Silphide.
Ces deux Piéces furent très-bien repréfentées &
fort
2492 MERCURE DE FRANCE
fort goûtées de la Reine & de toute la Cour...
, Epoufe du Sr Poiffon , Comédien
du Roi, laquelle n'avoit jamais joué laComédie
, fit le Rôle d'Hermione dans la
Tragédie d'Andromaque , & fut généralement
applaudie. Elle a joué depuis leRôle
de
NOVEMBRE. 1730. 249
de Tharés dans la Tragédie d'Abfalon de
feu M. Duché , & elle a été encore plus
applaudie. C'eſt un jeune perfonne d'une
taille médiocre , mais d'une figure noble,
& très agréable ; elle a beaucoup de feu ,
le fon de la voix beau ; elle prononce
très bien. Le Rôle d'Iphigénie
qu'elle a joué depuis a confirmé la bonne
opinion qu'on a d'elle . Dans la même
Tragédie , la Dile Duclos , qui depuis
quelque- tems n'avoit paru , joue le Rôle
de Clitemnestre , au grand contentement
du Public , qui eſt toujours charmé de ſa
belle voix , de fes pleurs & des autres
heureux talens qu'elle a pour la déclamation
. La De Labat , qui joue le Rôle
d'Eryphile , y eft genéralement applaudie,
ainfi que le S Dufrefne qui remplit celui
d'Achille , & le S Sarrazin celui d'Agamemnon.
Le 8 , de ce mois , les mêmes Comédiens
joüerent à la Cour la Tragédie de
Britannicus , & la petite Comédie des Vendanges
de Surefne. Le 14. la Comédie du
Flateur , & le 16. la Mort de Pompée ,
Tragédie de P. Corneille , & la Coupe
enchantée.
Le 9. les Comédiens Italiens jouerent à Verfailles
Démocrite Prétendu Fou & la Silphide.
Ces deux Piéces furent très-bien repréfentées &
fort
2492 MERCURE DE FRANCE
fort goûtées de la Reine & de toute la Cour...
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Résumé : « Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Le 9 novembre 1730, Madame Poilfon, épouse d'un comédien du Roi, débuta sur scène dans le rôle d'Hermione dans la tragédie d'Andromaque et fut applaudie. Elle interpréta ensuite Tharés dans la tragédie d'Absalon de Duché, recevant encore plus d'applaudissements. Madame Poilfon est décrite comme une jeune femme de taille moyenne, au visage noble et agréable, avec beaucoup de feu et une belle voix. Son rôle d'Iphigénie confirma l'excellente opinion du public à son égard. Dans la même tragédie, Madame Duclos joua Clitemnestre, ravissant le public par sa belle voix et ses talents de déclamation. Madame Labat, dans le rôle d'Éryphile, et Monsieur Dufresne, dans celui d'Achille, furent également applaudis, ainsi que Monsieur Sarrazin dans le rôle d'Agamemnon. Le 8 novembre, les comédiens jouèrent à la Cour la tragédie de Britannicus et la comédie des Vendanges de Sureau. Le 14, ils interprétèrent La Comédie du Flateur, et le 16, La Mort de Pompée de Pierre Corneille et La Coupe enchantée. Les comédiens italiens jouèrent à Versailles Démocrite Prétendu Fou et La Silphide, deux pièces très bien représentées et appréciées par la Reine et la Cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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481
p. 2492-2494
Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 8. de ce mois, les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation d'une Comédie [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Comédie, Théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Le 8. de ce mois , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Repréfentation d'une Comédie
nouvelle en Vers libres , en un Acte , avec quelques
Vaudevilles & un Divertiffement de M. Mouret
, intitulée , Le Triomphe de l'interêt. Le
fonds de la Piéce confifte en ceci : l'Interêt ,
qu'on perfonifie , s'applaudit en préſence de Mereure
du crédit & du pouvoir qu'il a en France.
Mercure lui apprend que l'Honneur ,ſon ennemi
irréconciliable , fe prépare à l'attaquer , & qu'il
a réfolu de lui faire une vive guerre. L'Interêt
frappé de cette nouvelle , fort à l'inftant pour raf
fembler toutes fes troupes & fe mettre en état.
de repouffer les efforts de fon ennemi. Maïs
auparavant il prie Mercure de vouloir bien donner
audiance en fa place à tous ceux qui viendront
dans fon Palais pour le confulter ou lui
demander quelque grace. La premiere perfonne
qui paroît eft Fanchon , Grifette qui n'a rien ,
petite brune qui veut faire fortune ; elle demande
à Mercure un protecteur qui lui aide à
débuter fur la Scene Françoife. M. Jacquin , riche
Caiffier , ſe préfente ; & comme il aime beau--
coup , le chant , il détermine Fanchon pour le
Théatre de l'Opera , & lui donne auffi tôt des
diamans pour la parer. Cette Scene eft mêlée de
Vaudevilles & d'Airs férieux .
Un vieux Soldat vient enfuite , & demande un
emploi de finance que Mercure lui accorde. Arlequin
, au contraire , qui vient après , ne demande
rien , & déclare qu'il eft neutre entre l'Interêt
& l'Honneur , c'est - à- dire , qu'il n'eft partifan
ni de l'un ni de l'autre , & que fa fantaific
eft ſon ſeul guide ; c'eft là qu'il dit ce Vers heureux
:
L'interet eft Normand & l'Honneur eft Gafcon.
C'eft
NOVEMBRE. 1730. 2493
C'eft en vain que Mercure veut l'attirer au
parti de l'Interêt ; Arlequin le regarde comme
un fuborneur qui pourroit le corrompre , &
s'enfuit.
M. Jacquin & Fanchon reviennent , mais auf
brouillés qu'ils étoient bien enſemble peu de tems
auparavant. Le fujet de la brouillerie eft que
Fanchon ne veut point rendre les diamans que
M. Jacquin foutient lui avoir prêtés & non donnés.
Mercure juge en faveur de Fanchon . Après
ces Scenes diverſes , l'Interêt revient fur le Théatre
, & dit qu'il a inventé un ftratagême pour
confondre fon Ennemi , & lui enlever tous fes
partifans ; il fait la revue de fes Troupes ; l'Honneur
paroît , & en fait autant ; mais fur le point
de combatre on tire le rideau , & l'Interêt fait
paroître aux yeux des Soldats de l'Honneur des
Fleuves d'or & d'argent , des Cafcades de perles
& de diamans , & enfin leur étale toutes les richeffes.
A cet afpect tous les Soldats de l'Honneur
défertent , & paffent du côté de l'Interé : qui
celebre fon Triomphe par un magnifique Diver 、
tiffement.
Cette Piéce a été genéralement applaudie . Il y
a long- tems qu'on n'a vu un concours fi prodigieux
de fpectateurs , & un fuccès fi plein , fi parfait
& fi foutenu. On y trouve beancoup d'efprit
& de fel , une verfification aiſée & élegante ,
& même des ménagemens , car Fanchon ne prétend
avoir gagné les diamans que par les Récitatifs
& les Arietes , & M. Jacquin en convient
de bonne foi. On doit imprimer cette Piéce
lorfqu'elle paroîtra , nous en pourrons donner
un Extrait plus étendu. L'Auteur eft M. Du
Caftre d'Aurigny , âgé de 18. ans , qui à l'age
de 16. a donné au Public un Abregé de l'Hifsoire
de France , imprimé à Paris , chez Le Gras,
&
,
2494 MERCURE DE FRANCE
& qui eft eftimée. Il a donné cet Eté au Théatre
François la Comédie intitulée : La Tragédie en
Profe , ou la Tragédie extravagante , petite
Piéce bien écrite , comme nous l'avons dit alors,
mais qui n'a eu qu'un fuccès médiocre. Enfin il
fera paroître le mois prochain une Hiſtoire Galante
& Héroïque , intitulée Les Avantures d'Ariftée
de Telafie en 2. vol . chez là Veuve
Guillaume. La même Libraire vendra fa Comédie
en même -tems.
la premiere Repréfentation d'une Comédie
nouvelle en Vers libres , en un Acte , avec quelques
Vaudevilles & un Divertiffement de M. Mouret
, intitulée , Le Triomphe de l'interêt. Le
fonds de la Piéce confifte en ceci : l'Interêt ,
qu'on perfonifie , s'applaudit en préſence de Mereure
du crédit & du pouvoir qu'il a en France.
Mercure lui apprend que l'Honneur ,ſon ennemi
irréconciliable , fe prépare à l'attaquer , & qu'il
a réfolu de lui faire une vive guerre. L'Interêt
frappé de cette nouvelle , fort à l'inftant pour raf
fembler toutes fes troupes & fe mettre en état.
de repouffer les efforts de fon ennemi. Maïs
auparavant il prie Mercure de vouloir bien donner
audiance en fa place à tous ceux qui viendront
dans fon Palais pour le confulter ou lui
demander quelque grace. La premiere perfonne
qui paroît eft Fanchon , Grifette qui n'a rien ,
petite brune qui veut faire fortune ; elle demande
à Mercure un protecteur qui lui aide à
débuter fur la Scene Françoife. M. Jacquin , riche
Caiffier , ſe préfente ; & comme il aime beau--
coup , le chant , il détermine Fanchon pour le
Théatre de l'Opera , & lui donne auffi tôt des
diamans pour la parer. Cette Scene eft mêlée de
Vaudevilles & d'Airs férieux .
Un vieux Soldat vient enfuite , & demande un
emploi de finance que Mercure lui accorde. Arlequin
, au contraire , qui vient après , ne demande
rien , & déclare qu'il eft neutre entre l'Interêt
& l'Honneur , c'est - à- dire , qu'il n'eft partifan
ni de l'un ni de l'autre , & que fa fantaific
eft ſon ſeul guide ; c'eft là qu'il dit ce Vers heureux
:
L'interet eft Normand & l'Honneur eft Gafcon.
C'eft
NOVEMBRE. 1730. 2493
C'eft en vain que Mercure veut l'attirer au
parti de l'Interêt ; Arlequin le regarde comme
un fuborneur qui pourroit le corrompre , &
s'enfuit.
M. Jacquin & Fanchon reviennent , mais auf
brouillés qu'ils étoient bien enſemble peu de tems
auparavant. Le fujet de la brouillerie eft que
Fanchon ne veut point rendre les diamans que
M. Jacquin foutient lui avoir prêtés & non donnés.
Mercure juge en faveur de Fanchon . Après
ces Scenes diverſes , l'Interêt revient fur le Théatre
, & dit qu'il a inventé un ftratagême pour
confondre fon Ennemi , & lui enlever tous fes
partifans ; il fait la revue de fes Troupes ; l'Honneur
paroît , & en fait autant ; mais fur le point
de combatre on tire le rideau , & l'Interêt fait
paroître aux yeux des Soldats de l'Honneur des
Fleuves d'or & d'argent , des Cafcades de perles
& de diamans , & enfin leur étale toutes les richeffes.
A cet afpect tous les Soldats de l'Honneur
défertent , & paffent du côté de l'Interé : qui
celebre fon Triomphe par un magnifique Diver 、
tiffement.
Cette Piéce a été genéralement applaudie . Il y
a long- tems qu'on n'a vu un concours fi prodigieux
de fpectateurs , & un fuccès fi plein , fi parfait
& fi foutenu. On y trouve beancoup d'efprit
& de fel , une verfification aiſée & élegante ,
& même des ménagemens , car Fanchon ne prétend
avoir gagné les diamans que par les Récitatifs
& les Arietes , & M. Jacquin en convient
de bonne foi. On doit imprimer cette Piéce
lorfqu'elle paroîtra , nous en pourrons donner
un Extrait plus étendu. L'Auteur eft M. Du
Caftre d'Aurigny , âgé de 18. ans , qui à l'age
de 16. a donné au Public un Abregé de l'Hifsoire
de France , imprimé à Paris , chez Le Gras,
&
,
2494 MERCURE DE FRANCE
& qui eft eftimée. Il a donné cet Eté au Théatre
François la Comédie intitulée : La Tragédie en
Profe , ou la Tragédie extravagante , petite
Piéce bien écrite , comme nous l'avons dit alors,
mais qui n'a eu qu'un fuccès médiocre. Enfin il
fera paroître le mois prochain une Hiſtoire Galante
& Héroïque , intitulée Les Avantures d'Ariftée
de Telafie en 2. vol . chez là Veuve
Guillaume. La même Libraire vendra fa Comédie
en même -tems.
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Résumé : Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Le 8 novembre 1730, les Comédiens Italiens ont présenté 'Le Triomphe de l'intérêt', une comédie en vers libres écrite par M. Mouret. La pièce met en scène l'Interêt personnifié, qui se félicite de son influence en France. Mercure informe l'Interêt que l'Honneur, son ennemi, se prépare à l'attaquer. L'Interêt rassemble ses troupes et demande à Mercure d'accorder audience à ceux qui viennent le consulter. Plusieurs personnages apparaissent, dont Fanchon, une jeune femme désirant faire fortune au théâtre, aidée par M. Jacquin, un riche cafetier amoureux du chant. Un vieux soldat obtient un emploi de finance, tandis qu'Arlequin déclare sa neutralité entre l'Interêt et l'Honneur. Fanchon et M. Jacquin se disputent à propos de diamants prêtés, et Mercure tranche en faveur de Fanchon. L'Interêt révèle un stratagème pour séduire les partisans de l'Honneur en leur montrant des richesses, entraînant la défection des soldats de l'Honneur. La pièce a été acclamée par le public et a connu un succès durable. L'auteur, M. Du Castre d'Aurigny, est un jeune homme de 18 ans ayant déjà publié un abrégé de l'histoire de France et une comédie intitulée 'La Tragédie en Prose'. Il prépare également une 'Histoire Galante & Héroïque' intitulée 'Les Aventures d'Aristée de Télasie'.
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482
p. 2494
« On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...] »
Début :
On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...]
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texteReconnaissance textuelle : « On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...] »
On a appris de Vienne que le 4. de ce mois ;
on y repréſenta fur le Théatre du Palais un nouvel
Opera Italien , intitulé Caïus Fabricius , de
la compofition du Sr Antoine Caldara , Sous-
Maître de Mufique de la Chapelle de l'Empereur.
on y repréſenta fur le Théatre du Palais un nouvel
Opera Italien , intitulé Caïus Fabricius , de
la compofition du Sr Antoine Caldara , Sous-
Maître de Mufique de la Chapelle de l'Empereur.
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483
p. 2494-2496
Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Début :
Le Théâtre Anglois vient de faire une perte aussi grande que celle que le Théâtre François a [...]
Mots clefs :
Théâtre anglais, Mort, Abbaye de Westminster, Anne Oldfield, Actrice
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texteReconnaissance textuelle : Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Le Théatre Anglois vient de faire une perte
auffi grande que celle que le Théatre François a
faite depuis peu. Miftris Anne Oldfield , c'eftà-
dire , De Anne de Vieux Champ , celebre Actrice
du Théatre Anglois de Druylane , mourut
à Londres , le 23. Octobre dernier , vieux ftile .
âgée d'environ 48. ans ; mais elle ne paroiffoit
pas à beaucoup près cet âge. C'étoit une trèsbelle
perfonne , d'une taille avantageufe , l'air &
la preftance noble , & une phifionomie prévenante.
Elle excelloit , tant dans le Tragique que
dans le Comique ; elle exprimoit les mouvemens
de l'ame dans le premier genre avec beaucoup de
force , de dignité & de naturel , & dans l'autre
avec beaucoup de legereté & de fineffe , fur tout
dans les Rôles de Coquetes , qu'elle rendoit d'une
maniere tout à fait originale & inimitable . Elle
avoit tant de talens & elle faifoit tant de plaifir ,
que quand elle avoit accepté un Rôle dans une
Piéce , on étoit affaré de fa réuffite,
M.
NOVEMBRE. 1730. 2495
Mlle Oldfield avoit beaucoup d'efprit & de politeffe
, & fur tout un gout admirable pour la
parure & les ajuftemens . Les Dames de la premiere
qualité ne fe trouvoient bien miſes , de
bon air & noblement , qu'en l'imitant ou en la
confultant. Elles la recherchoient avec empreffement
, & les perfonnes de la plus grande diftinction
fe faifoient un plaifir de l'avoir . Elle eft generalement
regretée à laCour & à la Ville.On jugerá
du cas qu'on faifoit de ſes talens & de fon
mérite par fes Funerailles.
Son corps fut mis en parade dans la Chambre
dite de Jerufalem , à Weſtminſter & y reſta quelques
jours , d'où il fut porté dans l'Abbaye de
Weſtminſter avec une grande pompe. Les coins
du Poifle étoient foutenus par Milords Delaware
& Harvey , par Mss Dorington , Hedges & Cari,
Ecuyers , & par le Capitaine Elliot. M. Manwearing
, fon fils aîné , affifté de M. Sharp , faifoit
les honneurs du deuil. Le Docteur Barker officia
à cette ceremonie funebre.
La Dle Oldfield a nommé pour Executeurs
Teftamentaires le Colonel Churchill , Mrs Hod
ges & Scharp , & un autre Gentilhomme ; &
elle a legué à chacun d'eux vingt livres fterlins
, en cas qu'ils vouluffent bien l'accepter ,
pour leurs frais de deuil. Elle a laiffé fa Maiſon
qu'elle avoit dans la ruë Groveſnore , où elle
faifoit fa demeure & où elle eft morte , avec
tous les meubles qui y étoient , & toutes fes
Pierreries , dont la valeur montoit à 11000 .
livres fterlins , à M. Chirchill , fon fils- cadet ,
& à l'aîné le refte de fes biens qui Yont trèsconfiderables.
On fçait que Weſtminſter eft un grand Fauxbourg
ou une Cité près de Londres , qui dépendoit
autrefois d'une celebre Abbaye de S. Benoît,
fondée
2496 MERCURE DE FRANCE
fondée par Henry III. L'Eglife de cette Abbaye
dédiée à S. Pierre , a été changée en un Temple
destiné à l'exercice de la Religion Anglicane , &
c'est là que depuis long-temps les Rois d'Angleterre
ont été couronnez & qu'ils ont choifi leurs
Sépultures. On y voit des Maufolées très - magnifiques
en bronze & en Marbre. Les plus confiderables
font ceux d'Henry VII . & de la Reine
fon époufe . C'eft-là auffi qu'on voit les Tombeaux
de plufieurs perfonnes illuftres & celebres dans
tous les états , comme les Butler , les Priors
les S. Evremont , les Nevvtons , &c. & les Drydens
, les Johnfons , les Congreves , celebres Poëtes
Dramatiques Anglois, dont l'illuftre deffuntea tant
fait valoir & relevé les Ouvrages. Ceux qui voudront
voir de plus grands éloges de cette admiableActrice,
n'auront qu'à voir le Spectateurr Anglois
& le Babillard de Mrs Addiſon & Stecle.
auffi grande que celle que le Théatre François a
faite depuis peu. Miftris Anne Oldfield , c'eftà-
dire , De Anne de Vieux Champ , celebre Actrice
du Théatre Anglois de Druylane , mourut
à Londres , le 23. Octobre dernier , vieux ftile .
âgée d'environ 48. ans ; mais elle ne paroiffoit
pas à beaucoup près cet âge. C'étoit une trèsbelle
perfonne , d'une taille avantageufe , l'air &
la preftance noble , & une phifionomie prévenante.
Elle excelloit , tant dans le Tragique que
dans le Comique ; elle exprimoit les mouvemens
de l'ame dans le premier genre avec beaucoup de
force , de dignité & de naturel , & dans l'autre
avec beaucoup de legereté & de fineffe , fur tout
dans les Rôles de Coquetes , qu'elle rendoit d'une
maniere tout à fait originale & inimitable . Elle
avoit tant de talens & elle faifoit tant de plaifir ,
que quand elle avoit accepté un Rôle dans une
Piéce , on étoit affaré de fa réuffite,
M.
NOVEMBRE. 1730. 2495
Mlle Oldfield avoit beaucoup d'efprit & de politeffe
, & fur tout un gout admirable pour la
parure & les ajuftemens . Les Dames de la premiere
qualité ne fe trouvoient bien miſes , de
bon air & noblement , qu'en l'imitant ou en la
confultant. Elles la recherchoient avec empreffement
, & les perfonnes de la plus grande diftinction
fe faifoient un plaifir de l'avoir . Elle eft generalement
regretée à laCour & à la Ville.On jugerá
du cas qu'on faifoit de ſes talens & de fon
mérite par fes Funerailles.
Son corps fut mis en parade dans la Chambre
dite de Jerufalem , à Weſtminſter & y reſta quelques
jours , d'où il fut porté dans l'Abbaye de
Weſtminſter avec une grande pompe. Les coins
du Poifle étoient foutenus par Milords Delaware
& Harvey , par Mss Dorington , Hedges & Cari,
Ecuyers , & par le Capitaine Elliot. M. Manwearing
, fon fils aîné , affifté de M. Sharp , faifoit
les honneurs du deuil. Le Docteur Barker officia
à cette ceremonie funebre.
La Dle Oldfield a nommé pour Executeurs
Teftamentaires le Colonel Churchill , Mrs Hod
ges & Scharp , & un autre Gentilhomme ; &
elle a legué à chacun d'eux vingt livres fterlins
, en cas qu'ils vouluffent bien l'accepter ,
pour leurs frais de deuil. Elle a laiffé fa Maiſon
qu'elle avoit dans la ruë Groveſnore , où elle
faifoit fa demeure & où elle eft morte , avec
tous les meubles qui y étoient , & toutes fes
Pierreries , dont la valeur montoit à 11000 .
livres fterlins , à M. Chirchill , fon fils- cadet ,
& à l'aîné le refte de fes biens qui Yont trèsconfiderables.
On fçait que Weſtminſter eft un grand Fauxbourg
ou une Cité près de Londres , qui dépendoit
autrefois d'une celebre Abbaye de S. Benoît,
fondée
2496 MERCURE DE FRANCE
fondée par Henry III. L'Eglife de cette Abbaye
dédiée à S. Pierre , a été changée en un Temple
destiné à l'exercice de la Religion Anglicane , &
c'est là que depuis long-temps les Rois d'Angleterre
ont été couronnez & qu'ils ont choifi leurs
Sépultures. On y voit des Maufolées très - magnifiques
en bronze & en Marbre. Les plus confiderables
font ceux d'Henry VII . & de la Reine
fon époufe . C'eft-là auffi qu'on voit les Tombeaux
de plufieurs perfonnes illuftres & celebres dans
tous les états , comme les Butler , les Priors
les S. Evremont , les Nevvtons , &c. & les Drydens
, les Johnfons , les Congreves , celebres Poëtes
Dramatiques Anglois, dont l'illuftre deffuntea tant
fait valoir & relevé les Ouvrages. Ceux qui voudront
voir de plus grands éloges de cette admiableActrice,
n'auront qu'à voir le Spectateurr Anglois
& le Babillard de Mrs Addiſon & Stecle.
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Résumé : Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Le Théâtre Anglois a récemment perdu Mistress Anne Oldfield, connue sous le nom de De Anne de Vieux Champ, décédée à Londres le 23 octobre 1730 à l'âge d'environ 48 ans. Actrice renommée du Théâtre Anglois de Drury Lane, elle était célèbre pour sa beauté, sa taille avantageuse et sa présence noble. Anne Oldfield excellait dans les rôles tragiques et comiques, exprimant les émotions avec force et dignité dans le tragique, et légèreté et finesse dans le comique. Sa popularité assurait souvent le succès des pièces dans lesquelles elle jouait. Appréciée pour son esprit et sa politesse, elle était consultée par les dames de la haute société pour leur tenue. Ses funérailles, marquées par une grande pompe, ont eu lieu à l'Abbaye de Westminster, où son corps a été exposé avant d'être inhumé. La cérémonie a été dirigée par le Docteur Barker et plusieurs personnalités notables y ont assisté. Dans son testament, Anne Oldfield a légué sa maison de la rue Grovesnore à son fils cadet et le reste de ses biens à son fils aîné.
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484
p. 2622
LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
Début :
La prédilection, Monsieur, que j'ai toujours euë pour l'Ode du second [...]
Mots clefs :
Traduction, Horace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
LETTRE écrite d'Aix le 30 .
Septembre 1730.
A prédilection , Monfieur , que j'ai
Ltoujours eue pour l'Ode du fecond euë
Livre d'Horace , qui commence par ces
mots Ehen ! fugaces & c. m'a fait lire avec
plaifir dans votre Mercure du mois de
Mars dernier l'Imitation qu'en a faite
M. Moreau de Mantour ; j'écrivis là- deffus
à M.le Marquis d'Eftrozzi de Margon,
avec lequel je fuis en relation de Belles-
Lettres depuis quelque- tems , pour fçavoir
fon fentiment fur cette Traduction,
le priant en même - tems d'avoir la complaifance
de m'en envoyer une de fa façon
en Vers François : la voici ; il fera
peut-être fâché que je la rende publique;
mais fi elle eft digne de votre approbation
, & d'être mife dans votre Mercure;
votre fuffrage me fera un motif fuffifant
calmer fon mécontentement envers
pour
moi . J'ai l'honneur d'être très parfaite
ment &c.
C. D. R.
Septembre 1730.
A prédilection , Monfieur , que j'ai
Ltoujours eue pour l'Ode du fecond euë
Livre d'Horace , qui commence par ces
mots Ehen ! fugaces & c. m'a fait lire avec
plaifir dans votre Mercure du mois de
Mars dernier l'Imitation qu'en a faite
M. Moreau de Mantour ; j'écrivis là- deffus
à M.le Marquis d'Eftrozzi de Margon,
avec lequel je fuis en relation de Belles-
Lettres depuis quelque- tems , pour fçavoir
fon fentiment fur cette Traduction,
le priant en même - tems d'avoir la complaifance
de m'en envoyer une de fa façon
en Vers François : la voici ; il fera
peut-être fâché que je la rende publique;
mais fi elle eft digne de votre approbation
, & d'être mife dans votre Mercure;
votre fuffrage me fera un motif fuffifant
calmer fon mécontentement envers
pour
moi . J'ai l'honneur d'être très parfaite
ment &c.
C. D. R.
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Résumé : LETTRE écrite d'Aix le 30. Septembre 1730.
Le 30 septembre 1730, l'auteur admire l'Ode II, 15 d'Horace et son imitation par Moreau de Mantour. Il sollicite l'avis du Marquis d'Eftrozzi de Margon sur cette traduction et lui demande sa propre version en vers français. L'auteur espère que l'approbation du destinataire apaisera le Marquis, potentiellement mécontent de la publication.
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485
p. 2662-2667
SUITE de l'Extrait de l'Histoire Litteraire de la Ville de Lyon du Pere de Colonia.
Début :
Le quinziéme siécle commence à être assez varié. Guy, Pape, & Mathieu [...]
Mots clefs :
Histoire littéraire, Lyon, Cardinal, Lettres, Imprimerie
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Extrait de l'Histoire Litteraire de la Ville de Lyon du Pere de Colonia.
SUITE de PExtrait de l'Hiftoire Litte
raire de la Ville de Lyon du Pere -
de Colonia:
L
nego-
E quinziéme fiécle commence à être
affez varié. Guy , Pape , & Mathieu
Thomaffin,fçavans Lyonnois, en occupent
le commencement. Le premiar étoit Jurifconfulte
, & Mathieu Thomaffin ſe diftingua
furtout dans une fameufe
ciation dont Louis XI. le chargea. Cette
negociation , fuivant le P. de Colonia
a produit un rare Manufcrit dont il a
jugé à propos de donner une notice. On
en conferve l'Original dans les Archives
de la Chambre des Comptes de Grenoble
, dont Thomaffin fut Preſident. Ce
rare Manufcrit porte pour titre : Regiftre
Delphinal , fait par le commandement du
Prince Louis Dauphin , par Mathieu Thomaffin
de Lyon , Confeiller Delphinal , &çi
Le venerable Gerfon n'eft'
pas Lyonnois
de naiffance ; mais comme il avoit
choifi la Ville de Lyon pour le lieu de fa
retraite , & qu'il y a paffe les dix dernie
res années de la vie , le P. de Colonia en
parle fort au long , en fe bornant cependant
à ce qui eft de fon ſujet , c'eſt-à-dire ,
à ce qui eft de particulier pour l'Hiftoire
de Lyon dans la vie de cet illuftre Chan-
I. Vol. cclier
DECEMBRE. 1730. 2663
celier de l'Univerfité de Paris , l'Hiftoire
du Cardinal Louis Allemand , connu fous
le nom du Cardinal d'Arles , & furtout
par la grande entrepriſe qu'il fit pour être
Pape , occupe une bonne partie du quinziéme
fiécle , lequel eft terminé par un
détail affez circonftancié du rétabliſſement
des Sciences dans cette grande Ville . Les
circonftances en font curieufes , & meri
tent toute votre attention .
Nous voici enfin arrivez au feize &
dix- feptiéme fiécle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon , c'est - à- dire , à l'âge d'or de
la Litterature dans Lyon . L'Hiſtorien
donne d'abord une idée de la Litte
rature en general du feiziéme fiécle , &
il entre dans le détail des caufes qui l'ont
fait fleurir dans Lyons ce qui lui donne'
lieu de parler des Pienfes Comedies que les
Religieux jouerent , en préfence de Louis
XII. & de la Reine Anne de Bretagne.
A ces pieufes Comedies , dit notre Hiftotien
, fuccéda l'avanture finguliere du
nouveau Mercure ou du nouvel Apollonius
, qui parut à Lyon l'an 1501. & qui
par fa fcience univerfelle , & par fes rares
fecrets , étonna très fort Louis XII. &
toute fa Cour. » C'étoit un Italien nommé
Jean , qui fe faifoit annoncer fous
» le nom de nouvel Apollonius , ou de
nouveau Mercure , & qui fe vantoit de
I.Vols réunig
£664 MERCURE DE FRANCE
» réünir dans fa feule perfonne toute la
» fcience qu'avoient jamais eue les plus fçavans
Auteurs Hebreux, Grecs , & Latins.
» Le nouveau Mercure prétendoit fçavoir
toutes les profondeurs & les fineffes de
l'Art , tant vanté de la tranfmutation
» des Métaux ; il poffedoit parfaitement
» la Magie naturelle , & c. Il fit deux préfens
au Roi , fçavoir , une épée d'une fabrique
toute finguliere & remplie de cent
quatre- vingt couteaux ; & un bouclier ,
au milieu duquel on voyoit un miroir
magique , fabriqué comme l'épée , fous
certaines conftellations , & c. Le détail de
cette avanture , qui étonna fort la Cour
de Louis XII. merite que vous la lifież
en entier dans cette Hiftoire.
Le P. de Colonia paffe enfuite à l'Aca
démie Litteraire de Fourviere , ou de l'An
gelique ; il indique les Auteurs qui en ont
fait mention , les Membres qui la compo
foient , les études qu'on y faifoit , & termine
cet article par quelques Remarquès
fur le Prefident de l'Ange , qui a donné
fon nom à la maiſon , où cette Academie
s'affembloit. Il n'eft pas poffible , Monfieur
, d'entrer dans le détail de tout ce
qui s'eft paffé de curieux & d'intereffan't
pour l'Hiftoire Litteraire de Lyon dan's
ces deux derniers fiécles , fans exceder de
beaucoup les bornes d'une Lettre .
I.Vol.
Vouts
DECEMBRE . 1730. 2665
Vous avez vû que l'Hiftorien ne fe
borne pas à faire mention dans fon Ou
vrage des Sçavans nés à Lyon , le Chancelier
Gerfon , quoi qu'étranger à cette
Ville , comme je l'ai déja dit , ne laiffe pas
de figurer dans fon Hiftoire par le long
fejour qu'il y a fait , & par les fçavans
Ouvrages qu'il y a compofez ; il en eft
de même de Clement Marot. Le P. de
Colonia remarque que ce Poëte , pendant
un féjour affez long qu'il fit dans Lyon
mit la Jeuneffe de cette Ville dans le
gout
de la Poëfie Françoife , & qu'elle alloit
en prendre des leçons dans fa maiſon .
Marot ne fe borna pas à marquer fon inclination
pour la Ville de Lyon pendant
qu'il y demeura , il voulut que la pofterité
eut connoiffance du féjour qu'il y
avoit fait , & il ne quitta cette fameufe
Ville qu'en lui faifant un folennel adieu
& en compofant des Vers à fon honneur
celui de fes habitans confervant
encore après fon départ des relations particulieres
avec les gens de Lettres qu'il
avoit laiffez . C'eft ce que le P. de Colonia
fait fentir avec fon attention ordinaire.
Le P. de Colonia fait enfuite paffer
comme en revue les Sçavans de l'un & de
l'autre fexe qui ont pris naiffance dans
Lyon , & qui font en grand nombre
I. Vol.
on
2666 MERCURE DE FRANCE
on voit ici avec plaifir parmi les femmes ,
Claudine & Sybille Seve , Jeanne Gaildarde
, Louife Labbé , Clemence de Bourges
, les Vouté , les Du Perrat , les Duchoul
, & c . L'Hiſtolre de l'Imprimerie de
Lyon vient enfuite , ce qui donne occafion
de parler de Jean Trerchel , premier
modele & pere de l'Imprimerie
Lyonoife , & des premiers Ouvrages qui
fortirent de fa preffe ; on n'oublie pas
Joffe Bade , qui après avoir exercé longtems
l'Art de l'Imprimerie à Lyon , alla
le pratiquer à Paris , où il établit le celebre
Pralum Afcenfianum. Sebaftien Gri
phius , &c.
On voit avec plaifir l'éloge , ou plutôt
Hiftoire entiere du College de la Trinité
de Lyon , tant de l'ancien que du nouveau
, occupé par les R R. PP. Jefuites,
& dont le P. de Colonia fait un détail curieux
, en rapportant beaucoup de particularitez
concernant les gens de Lettres
qui l'ont habité , ou qui en font fortis
tant pour ce qui regarde la Poëfie , l'Hiftoire
, la Grammaire , que les Humanitez
, &c. L'Hiftorien termine enfin fon
fçavant Ouvrage par une Notice ample
& curieufe de la Bibliotheque de ce fameux
College dans laquelle on voir
beaucoup d'éditions des plus rares & des
plus anciennes telles font un Tite-
,
I. Vol.
Live
O
DECEMBRE
. 1730. 2667
"
Live en deux volumes in folio , fur un
beau vélin hiftorié , & d'une parfaite confervation
, imprimé en 1470. à Venife par
Vincent de Spire . La Bible de Gryphius
& les Commentaires de Dolet. Le Talmud
mis au jour à Veniſe par Daniel Bombergue
, & un nombre infini d'autres éditions
de très - grande conféquence . Elles
peuvent , à la verité , le trouver dans les
autres Bibliotheques : mais en voici une
que l'Hiftorien croit pouvoir appeller
unique en Europe , du moins en France
où elle n'a paruë que cette année 1730,
c'eft une Hiftoire generale de la Chine en
30. volumes imprimez à Pe- kin,en beau
papier & en beaux caracteres Chinois.
Chaque volume a quatorze pouces de long
fur fept de large , &c. On y voit aufli les
Lettres originales de Sixte V. écrites par le
Cardinal Sadolet , que le P.de Colonia fe
prépare de donner au Public. A la Notice
de la Bibliotheque qui paroît très curieuſe ,
le P. de Colonia en joint une du curieux
Cabinet du même College , qui ne merite
pas moins l'attention des Antiquaires
mais ce feroit ôter à la defcription de
l'Auteur beaucoup de fon merite, que de
la donner en abregé ; c'eft pourquoi je
ne crois pouvoir faire mieux. que de
Vou
renvoyer à l'Ouvrage même.
Je fuis , &c.
raire de la Ville de Lyon du Pere -
de Colonia:
L
nego-
E quinziéme fiécle commence à être
affez varié. Guy , Pape , & Mathieu
Thomaffin,fçavans Lyonnois, en occupent
le commencement. Le premiar étoit Jurifconfulte
, & Mathieu Thomaffin ſe diftingua
furtout dans une fameufe
ciation dont Louis XI. le chargea. Cette
negociation , fuivant le P. de Colonia
a produit un rare Manufcrit dont il a
jugé à propos de donner une notice. On
en conferve l'Original dans les Archives
de la Chambre des Comptes de Grenoble
, dont Thomaffin fut Preſident. Ce
rare Manufcrit porte pour titre : Regiftre
Delphinal , fait par le commandement du
Prince Louis Dauphin , par Mathieu Thomaffin
de Lyon , Confeiller Delphinal , &çi
Le venerable Gerfon n'eft'
pas Lyonnois
de naiffance ; mais comme il avoit
choifi la Ville de Lyon pour le lieu de fa
retraite , & qu'il y a paffe les dix dernie
res années de la vie , le P. de Colonia en
parle fort au long , en fe bornant cependant
à ce qui eft de fon ſujet , c'eſt-à-dire ,
à ce qui eft de particulier pour l'Hiftoire
de Lyon dans la vie de cet illuftre Chan-
I. Vol. cclier
DECEMBRE. 1730. 2663
celier de l'Univerfité de Paris , l'Hiftoire
du Cardinal Louis Allemand , connu fous
le nom du Cardinal d'Arles , & furtout
par la grande entrepriſe qu'il fit pour être
Pape , occupe une bonne partie du quinziéme
fiécle , lequel eft terminé par un
détail affez circonftancié du rétabliſſement
des Sciences dans cette grande Ville . Les
circonftances en font curieufes , & meri
tent toute votre attention .
Nous voici enfin arrivez au feize &
dix- feptiéme fiécle de l'Hiftoire Litteraire
de Lyon , c'est - à- dire , à l'âge d'or de
la Litterature dans Lyon . L'Hiſtorien
donne d'abord une idée de la Litte
rature en general du feiziéme fiécle , &
il entre dans le détail des caufes qui l'ont
fait fleurir dans Lyons ce qui lui donne'
lieu de parler des Pienfes Comedies que les
Religieux jouerent , en préfence de Louis
XII. & de la Reine Anne de Bretagne.
A ces pieufes Comedies , dit notre Hiftotien
, fuccéda l'avanture finguliere du
nouveau Mercure ou du nouvel Apollonius
, qui parut à Lyon l'an 1501. & qui
par fa fcience univerfelle , & par fes rares
fecrets , étonna très fort Louis XII. &
toute fa Cour. » C'étoit un Italien nommé
Jean , qui fe faifoit annoncer fous
» le nom de nouvel Apollonius , ou de
nouveau Mercure , & qui fe vantoit de
I.Vols réunig
£664 MERCURE DE FRANCE
» réünir dans fa feule perfonne toute la
» fcience qu'avoient jamais eue les plus fçavans
Auteurs Hebreux, Grecs , & Latins.
» Le nouveau Mercure prétendoit fçavoir
toutes les profondeurs & les fineffes de
l'Art , tant vanté de la tranfmutation
» des Métaux ; il poffedoit parfaitement
» la Magie naturelle , & c. Il fit deux préfens
au Roi , fçavoir , une épée d'une fabrique
toute finguliere & remplie de cent
quatre- vingt couteaux ; & un bouclier ,
au milieu duquel on voyoit un miroir
magique , fabriqué comme l'épée , fous
certaines conftellations , & c. Le détail de
cette avanture , qui étonna fort la Cour
de Louis XII. merite que vous la lifież
en entier dans cette Hiftoire.
Le P. de Colonia paffe enfuite à l'Aca
démie Litteraire de Fourviere , ou de l'An
gelique ; il indique les Auteurs qui en ont
fait mention , les Membres qui la compo
foient , les études qu'on y faifoit , & termine
cet article par quelques Remarquès
fur le Prefident de l'Ange , qui a donné
fon nom à la maiſon , où cette Academie
s'affembloit. Il n'eft pas poffible , Monfieur
, d'entrer dans le détail de tout ce
qui s'eft paffé de curieux & d'intereffan't
pour l'Hiftoire Litteraire de Lyon dan's
ces deux derniers fiécles , fans exceder de
beaucoup les bornes d'une Lettre .
I.Vol.
Vouts
DECEMBRE . 1730. 2665
Vous avez vû que l'Hiftorien ne fe
borne pas à faire mention dans fon Ou
vrage des Sçavans nés à Lyon , le Chancelier
Gerfon , quoi qu'étranger à cette
Ville , comme je l'ai déja dit , ne laiffe pas
de figurer dans fon Hiftoire par le long
fejour qu'il y a fait , & par les fçavans
Ouvrages qu'il y a compofez ; il en eft
de même de Clement Marot. Le P. de
Colonia remarque que ce Poëte , pendant
un féjour affez long qu'il fit dans Lyon
mit la Jeuneffe de cette Ville dans le
gout
de la Poëfie Françoife , & qu'elle alloit
en prendre des leçons dans fa maiſon .
Marot ne fe borna pas à marquer fon inclination
pour la Ville de Lyon pendant
qu'il y demeura , il voulut que la pofterité
eut connoiffance du féjour qu'il y
avoit fait , & il ne quitta cette fameufe
Ville qu'en lui faifant un folennel adieu
& en compofant des Vers à fon honneur
celui de fes habitans confervant
encore après fon départ des relations particulieres
avec les gens de Lettres qu'il
avoit laiffez . C'eft ce que le P. de Colonia
fait fentir avec fon attention ordinaire.
Le P. de Colonia fait enfuite paffer
comme en revue les Sçavans de l'un & de
l'autre fexe qui ont pris naiffance dans
Lyon , & qui font en grand nombre
I. Vol.
on
2666 MERCURE DE FRANCE
on voit ici avec plaifir parmi les femmes ,
Claudine & Sybille Seve , Jeanne Gaildarde
, Louife Labbé , Clemence de Bourges
, les Vouté , les Du Perrat , les Duchoul
, & c . L'Hiſtolre de l'Imprimerie de
Lyon vient enfuite , ce qui donne occafion
de parler de Jean Trerchel , premier
modele & pere de l'Imprimerie
Lyonoife , & des premiers Ouvrages qui
fortirent de fa preffe ; on n'oublie pas
Joffe Bade , qui après avoir exercé longtems
l'Art de l'Imprimerie à Lyon , alla
le pratiquer à Paris , où il établit le celebre
Pralum Afcenfianum. Sebaftien Gri
phius , &c.
On voit avec plaifir l'éloge , ou plutôt
Hiftoire entiere du College de la Trinité
de Lyon , tant de l'ancien que du nouveau
, occupé par les R R. PP. Jefuites,
& dont le P. de Colonia fait un détail curieux
, en rapportant beaucoup de particularitez
concernant les gens de Lettres
qui l'ont habité , ou qui en font fortis
tant pour ce qui regarde la Poëfie , l'Hiftoire
, la Grammaire , que les Humanitez
, &c. L'Hiftorien termine enfin fon
fçavant Ouvrage par une Notice ample
& curieufe de la Bibliotheque de ce fameux
College dans laquelle on voir
beaucoup d'éditions des plus rares & des
plus anciennes telles font un Tite-
,
I. Vol.
Live
O
DECEMBRE
. 1730. 2667
"
Live en deux volumes in folio , fur un
beau vélin hiftorié , & d'une parfaite confervation
, imprimé en 1470. à Venife par
Vincent de Spire . La Bible de Gryphius
& les Commentaires de Dolet. Le Talmud
mis au jour à Veniſe par Daniel Bombergue
, & un nombre infini d'autres éditions
de très - grande conféquence . Elles
peuvent , à la verité , le trouver dans les
autres Bibliotheques : mais en voici une
que l'Hiftorien croit pouvoir appeller
unique en Europe , du moins en France
où elle n'a paruë que cette année 1730,
c'eft une Hiftoire generale de la Chine en
30. volumes imprimez à Pe- kin,en beau
papier & en beaux caracteres Chinois.
Chaque volume a quatorze pouces de long
fur fept de large , &c. On y voit aufli les
Lettres originales de Sixte V. écrites par le
Cardinal Sadolet , que le P.de Colonia fe
prépare de donner au Public. A la Notice
de la Bibliotheque qui paroît très curieuſe ,
le P. de Colonia en joint une du curieux
Cabinet du même College , qui ne merite
pas moins l'attention des Antiquaires
mais ce feroit ôter à la defcription de
l'Auteur beaucoup de fon merite, que de
la donner en abregé ; c'eft pourquoi je
ne crois pouvoir faire mieux. que de
Vou
renvoyer à l'Ouvrage même.
Je fuis , &c.
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Résumé : SUITE de l'Extrait de l'Histoire Litteraire de la Ville de Lyon du Pere de Colonia.
Le texte présente un aperçu de l'histoire littéraire de Lyon aux quinzième et seizième siècles. Au quinzième siècle, plusieurs figures notables se distinguent, notamment Guy, Pape, et Mathieu Thomassin, un savant lyonnais. Thomassin est particulièrement connu pour une négociation importante menée pour Louis XI, dont un manuscrit rare est conservé aux Archives de la Chambre des Comptes de Grenoble. Le chanoine Gerfom, bien que étranger à Lyon, y a passé les dix dernières années de sa vie et est mentionné pour ses contributions. L'histoire du Cardinal Louis Allemand, connu sous le nom de Cardinal d'Arles, est également notable. Le seizième siècle est décrit comme l'âge d'or de la littérature lyonnaise. Des pièces de théâtre étaient jouées par des religieux devant Louis XII et la reine Anne de Bretagne. En 1501, un Italien nommé Jean, se faisant appeler le nouveau Mercure ou Apollonius, a impressionné la cour de Louis XII par ses connaissances universelles et ses secrets rares. Jean prétendait maîtriser la transmutation des métaux et la magie naturelle, et il a offert au roi une épée et un bouclier aux propriétés magiques. Le texte évoque également l'Académie littéraire de Fourvière, ou de l'Ange, et ses membres, ainsi que l'imprimerie lyonnaise, avec des figures comme Jean Trerchel et Josse Bade. L'histoire du Collège de la Trinité de Lyon, occupé par les Jésuites, est détaillée, ainsi que sa bibliothèque contenant des éditions rares et anciennes. Parmi les ouvrages notables, on trouve un exemplaire du Tite-Live imprimé en 1470 à Venise, la Bible de Gryphius, et une histoire générale de la Chine en 30 volumes imprimée à Pékin. Le texte se termine par une mention des lettres originales de Sixte V écrites par le Cardinal Sadolet.
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486
p. 2680-2683
Ouvertures des Academies, &c. / Extrait du Mémoire sur les Phospheres nouveaux, [titre d'après la table]
Début :
Le 14. Novembre, l'Académie Royale des Belles-Lettres tint son Assemblée [...]
Mots clefs :
Académie royale des belles-lettres, Académie royale des sciences, Phosphore, Pierre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ouvertures des Academies, &c. / Extrait du Mémoire sur les Phospheres nouveaux, [titre d'après la table]
Le 14. Novembre , l'Académie Royale
'des Belles Lettres tint fon Affemblée
publique après deux mois de vacances ;
S. E. M. le Cardinal de Fleuri , Acadé--
micien honoraire , y préfida. M. l'Abbé
Sevin ouvrit la féance par la Relation
de fon Voyage litteraire dans le Levant .
L'Abbé Gedoin lut enfuite la Préface qu'il
doit mettre à la tête de fa Traduction
de Paufanias ; après quoi M. le Cardinal
de Fleuri ayant été obligé de partir pour
Verſailles , M. l'Abbé Bignon prit fa pla
ce , & l'Abbé Salier lut pour l'Abbé-
Bannier une Differtation Mythologiquefur
les Déeffes Meres , & l'Abbé Souchay·
termina la féance par une autre fur les
Pfylles.
Le 15. Novembre , l'Académie Royale
des Sciences fit auffi fa rentrée publique
à laquelle M. de Maison , Préfident à
Mortier , Académicien honoraire , pré-
La.Kala
fida .
DECEMBRE. 1730. 2681!
fida. M. de Fontenelle , Secrétaire , lut less
Eloges de M M. Maraldi & Bianchini
& donna un Catalogue raifonné & curieux
des Ouvrages de ces deux illuftres»
Académiciens , morts depuis peu.
M. de Reaumur lut enfuite un Mé
moire fur les Termometres , & parla d'u
ne efpece particuliere de fon invention¸
plus parfaits que les autres.-
M. du Fay lut un Mémoire fur la découverte
qu'il a faite d'un grand nombre
de Phofphores nouveaux , dont l'effet eft
femblable à celui de la pierre de Boulo--
gne. Jufques à préfent on ne connoiffoit
que cette pierre & une préparation chimique
connue fous le nom de Phoſphore
hermetique de Balduinus , qui euffent la
proprieté de s'impregner des rayons de la
lumiere , en les expofant au jour , & de
conferver cette lumiere, étant portés dans
l'obſcurité ; enſorte qu'il femble que ce
foient des charbons de feu embrafés fansaucune
chaleur.
La pierre de Boulogne & cette prépa
ration chimique ont été celebrées à l'envi
par un grand nombre d'Auteurs de
tous Pays , & on s'eft beaucoup plus appliqué
à deviner ce qu'il pouvoit y avoir
de fingulier dans cette pierre qu'à cher--
cher s'il n'y en avoit point d'autres qui
euffent la même proprieté. Enfin M. du
Lo Vol Fay
2682 MERCURE DE FRANCE
و
Fay s'en eft avifé , & le fuccès a de beaucoup
paffe fon attente ; car il a trouvé
un nombre infini de matieres de toute
efpece qui font précisément tous les mêmes
effets que la fameufe pierre de Boulogne
; & ce qu'il y a d'avantageux , c'eſt
que ces matieres ne font pas rares ; car
toutes les efpeces de gyps ou pierres à
plâtre , les albâtres les felenites , les
pierres à chaux , tous les marbres indifferemment
, les écailles d'huitre , les coquilles
d'oeuf , les os d'animaux ; enfin
toutes les matieres qui peuvent être calcinées
font dans ce cas ; il fuffit de les
mettre dans un creufet de placer le
creufet dans une forge , & de les chaufer
vivement pendant une demie heure ou
trois quarts d'heure : fi on manque la
premiere fois , il n'y a qu'à recommencer
une feconde , ou même une troifiéme , &
on réuffit.
و
M. Dufay ayant tenté la même choſe
fur les pierres de taille , les moilons , la
pierre de liais , la marne , les bols &c.
aucune ne lui réuffit ; mais il imagina de
les diffoudre dans l'Eau- forte , comme
on fait la craye dans le Phoſphore de
Balduinus , & toutes lui réuffirent par
cette voye. Il eut le même fuccès en employant
les cendres de toutes fortes de
bois , des feuilles , de la paille , enfin de
\ I. Val.
toutes
DECEMBRE . 1730. 2683
OF
།
ce
off
de
me
de
Jar
de
tes
les
A
1
toutes les matieres combuftibles.
Voici la préparation : il prend quelqu'une
de ces pierres , terres ou cendres ,
il les fait diffoudre dans l'Eau forte ; it
fait évaporer & deffecher la diffolution
& prend un morceau de cette matiere
feche qu'il met dans un creufet , & le
fait chauffer à peu près comme fi l'on
fondoit du plomb ; la matiere fe gonfle ,
fume , & fe deffeche une feconde fois , &
le Phoſphore eft préparé ; il n'y a qu'à
expoſer le creufet à la lumiere du jour ,
& le porter dans l'obſcurité. Voilà donc
toutes les matieres qui fe peuvent trouver
fur la terre devenues fufceptibles de
lumiere , il n'y a que les pierres dures ,
telles que les cailloux , agathes &c. & les
métaux qui n'ayent point encore réuffi à
M. Dufay ; mais il ne defefpere pas d'y
parvenir. Il ajouta enfuite les effets finguliers
que font quelques- uns de ces
Phofphores dans l'eau , l'efprit de vin
l'huile , l'eau-forte , les liqueurs alkalines
&c. mais nous ne le fuivrons point
dans ce détail . Enfin , il indiqua quelques
unes des experiences qu'il y auroit encore
à faire , & exhorta les Phyficiens à y
travailler auffi de leur côté , perfuadé
qu'elles peuvent mener à des découvertes.
importantes fur la nature de la lumiere.
'des Belles Lettres tint fon Affemblée
publique après deux mois de vacances ;
S. E. M. le Cardinal de Fleuri , Acadé--
micien honoraire , y préfida. M. l'Abbé
Sevin ouvrit la féance par la Relation
de fon Voyage litteraire dans le Levant .
L'Abbé Gedoin lut enfuite la Préface qu'il
doit mettre à la tête de fa Traduction
de Paufanias ; après quoi M. le Cardinal
de Fleuri ayant été obligé de partir pour
Verſailles , M. l'Abbé Bignon prit fa pla
ce , & l'Abbé Salier lut pour l'Abbé-
Bannier une Differtation Mythologiquefur
les Déeffes Meres , & l'Abbé Souchay·
termina la féance par une autre fur les
Pfylles.
Le 15. Novembre , l'Académie Royale
des Sciences fit auffi fa rentrée publique
à laquelle M. de Maison , Préfident à
Mortier , Académicien honoraire , pré-
La.Kala
fida .
DECEMBRE. 1730. 2681!
fida. M. de Fontenelle , Secrétaire , lut less
Eloges de M M. Maraldi & Bianchini
& donna un Catalogue raifonné & curieux
des Ouvrages de ces deux illuftres»
Académiciens , morts depuis peu.
M. de Reaumur lut enfuite un Mé
moire fur les Termometres , & parla d'u
ne efpece particuliere de fon invention¸
plus parfaits que les autres.-
M. du Fay lut un Mémoire fur la découverte
qu'il a faite d'un grand nombre
de Phofphores nouveaux , dont l'effet eft
femblable à celui de la pierre de Boulo--
gne. Jufques à préfent on ne connoiffoit
que cette pierre & une préparation chimique
connue fous le nom de Phoſphore
hermetique de Balduinus , qui euffent la
proprieté de s'impregner des rayons de la
lumiere , en les expofant au jour , & de
conferver cette lumiere, étant portés dans
l'obſcurité ; enſorte qu'il femble que ce
foient des charbons de feu embrafés fansaucune
chaleur.
La pierre de Boulogne & cette prépa
ration chimique ont été celebrées à l'envi
par un grand nombre d'Auteurs de
tous Pays , & on s'eft beaucoup plus appliqué
à deviner ce qu'il pouvoit y avoir
de fingulier dans cette pierre qu'à cher--
cher s'il n'y en avoit point d'autres qui
euffent la même proprieté. Enfin M. du
Lo Vol Fay
2682 MERCURE DE FRANCE
و
Fay s'en eft avifé , & le fuccès a de beaucoup
paffe fon attente ; car il a trouvé
un nombre infini de matieres de toute
efpece qui font précisément tous les mêmes
effets que la fameufe pierre de Boulogne
; & ce qu'il y a d'avantageux , c'eſt
que ces matieres ne font pas rares ; car
toutes les efpeces de gyps ou pierres à
plâtre , les albâtres les felenites , les
pierres à chaux , tous les marbres indifferemment
, les écailles d'huitre , les coquilles
d'oeuf , les os d'animaux ; enfin
toutes les matieres qui peuvent être calcinées
font dans ce cas ; il fuffit de les
mettre dans un creufet de placer le
creufet dans une forge , & de les chaufer
vivement pendant une demie heure ou
trois quarts d'heure : fi on manque la
premiere fois , il n'y a qu'à recommencer
une feconde , ou même une troifiéme , &
on réuffit.
و
M. Dufay ayant tenté la même choſe
fur les pierres de taille , les moilons , la
pierre de liais , la marne , les bols &c.
aucune ne lui réuffit ; mais il imagina de
les diffoudre dans l'Eau- forte , comme
on fait la craye dans le Phoſphore de
Balduinus , & toutes lui réuffirent par
cette voye. Il eut le même fuccès en employant
les cendres de toutes fortes de
bois , des feuilles , de la paille , enfin de
\ I. Val.
toutes
DECEMBRE . 1730. 2683
OF
།
ce
off
de
me
de
Jar
de
tes
les
A
1
toutes les matieres combuftibles.
Voici la préparation : il prend quelqu'une
de ces pierres , terres ou cendres ,
il les fait diffoudre dans l'Eau forte ; it
fait évaporer & deffecher la diffolution
& prend un morceau de cette matiere
feche qu'il met dans un creufet , & le
fait chauffer à peu près comme fi l'on
fondoit du plomb ; la matiere fe gonfle ,
fume , & fe deffeche une feconde fois , &
le Phoſphore eft préparé ; il n'y a qu'à
expoſer le creufet à la lumiere du jour ,
& le porter dans l'obſcurité. Voilà donc
toutes les matieres qui fe peuvent trouver
fur la terre devenues fufceptibles de
lumiere , il n'y a que les pierres dures ,
telles que les cailloux , agathes &c. & les
métaux qui n'ayent point encore réuffi à
M. Dufay ; mais il ne defefpere pas d'y
parvenir. Il ajouta enfuite les effets finguliers
que font quelques- uns de ces
Phofphores dans l'eau , l'efprit de vin
l'huile , l'eau-forte , les liqueurs alkalines
&c. mais nous ne le fuivrons point
dans ce détail . Enfin , il indiqua quelques
unes des experiences qu'il y auroit encore
à faire , & exhorta les Phyficiens à y
travailler auffi de leur côté , perfuadé
qu'elles peuvent mener à des découvertes.
importantes fur la nature de la lumiere.
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Résumé : Ouvertures des Academies, &c. / Extrait du Mémoire sur les Phospheres nouveaux, [titre d'après la table]
Le 14 novembre 1730, l'Académie Royale des Belles Lettres reprit ses activités après deux mois de pause avec une assemblée publique présidée par le Cardinal de Fleury. L'Abbé Sevin débuta la séance en relatant son voyage littéraire dans le Levant. Ensuite, l'Abbé Gedoin présenta la préface de sa traduction de Pausanias. Après le départ du Cardinal de Fleury, l'Abbé Bignon prit la présidence. L'Abbé Salier lut une dissertation mythologique sur les Déesses Mères pour l'Abbé Bannier, et l'Abbé Souchay conclut la séance avec une dissertation sur les Phylles. Le 15 novembre, l'Académie Royale des Sciences tint également sa rentrée publique, sous la présidence de M. de Maison. M. de Fontenelle, en tant que Secrétaire, lut les éloges de MM. Maraldi et Bianchini et présenta un catalogue de leurs ouvrages. M. de Réaumur lut un mémoire sur les thermomètres, présentant une nouvelle invention plus perfectionnée. M. Du Fay lut un mémoire sur la découverte de nombreux nouveaux phosphores, dont les effets sont similaires à ceux de la pierre de Boulogne. Ces nouveaux phosphores incluent diverses matières telles que le gypse, les albâtres, les sélénites, les pierres à chaux, les marbres, les écailles d'huître, les coquilles d'œuf, les os d'animaux et toutes les matières combustibles. M. Du Fay mentionna que certaines pierres dures et métaux n'ont pas encore été transformés en phosphores, mais il espère y parvenir. Il parla également des effets singuliers de certains phosphores dans divers liquides et encouragea les physiciens à poursuivre ces recherches pour découvrir des propriétés importantes de la lumière.
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487
p. 2687-2689
« Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
Début :
Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Comédiens-Italiens, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
U commencement de ce mois les
Comédiens François ont remis au
Théatre une petie Piece d'un Acte , intitulée
Crifpin bel efprit , qu'on n'avoit
joüée depuis très - long - temps , & qu'on
revoit avec beaucoup de plaifir. Elle eft
imprimé fous le nom de la Thuillerie ,
ancien Comédien ; mais on affure que feu
I. Vol. l'Abbé
2688 MERCURE DE FRANCÈ
l'Abbé Abeille en eft Auteur , ainfi que
des Tragédies d'Hercule & de Soliman ,
qu'on voit aufli imprimées fous le même
nom .
Le Lundi 11. de ce mois , on donna
an Theatre François la premiere Repréfentation
de la Tragédie de Brutus , de
M. de Voltaire , qui fut extrémement applaudie
par une très belle & très- nombreufe
Affemblée . Nous en parlerons plus
au long dans le fecond Volume de ce
mois .
Les Comédiens François repréſenterent
à la Cour le Mardi 5. Décembre la Comédie
de l'Esprit folet.
Le 7. la Tragédie de Medée , de M. de
Longepierre , & la petite Comédie de
Crifpin Rival de fon Maître.
Le 12. D. Japhet d'Armenie.
Le 14. Bajazet & Crifpin bel Efprit.
Le 19. les Menechmes & la Comteffe
'd'Efcarbagnas:
Le 2. Décembre , les Comédiens Italien ,
repréſenterent à la Cour la Sylphide , la
petite Piece nouvelle du Triomphe de
'Interêt,& la Parodie du MaryJoueur & de
la Femme Bigotte , Scenes Italiennes , chantées
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin 1729. Cette Parodie qui a fait
beaucoup de plaifir à la Cour , n'eft joüée
I. Vol
que
DECEMBRE 1730. 268**
que par la De Silvia & le fieurTheveneau
qui y ont été fort applaudis.
Le 9. ils reprefenterent les Amans réunis
& les Paifans de qualité.
Le 16. Timon le Misantrope & le Por
trait.
Le 21. l'Académie Royalé de Mufique
remit au Théatre l'Opera de Phaeton, qui
n'avoit pas été joué depuis le mois de
Novembre 1721. Cette Piece qui vient
d'être remife d'une maniere très- brillante
en habits & en décorations , a été reçuë
très favorablement du Public. On en parlera
plus au long , fur tout des Decorations
, qui font l'admiration de tous les
Spectateurs.
Comédiens François ont remis au
Théatre une petie Piece d'un Acte , intitulée
Crifpin bel efprit , qu'on n'avoit
joüée depuis très - long - temps , & qu'on
revoit avec beaucoup de plaifir. Elle eft
imprimé fous le nom de la Thuillerie ,
ancien Comédien ; mais on affure que feu
I. Vol. l'Abbé
2688 MERCURE DE FRANCÈ
l'Abbé Abeille en eft Auteur , ainfi que
des Tragédies d'Hercule & de Soliman ,
qu'on voit aufli imprimées fous le même
nom .
Le Lundi 11. de ce mois , on donna
an Theatre François la premiere Repréfentation
de la Tragédie de Brutus , de
M. de Voltaire , qui fut extrémement applaudie
par une très belle & très- nombreufe
Affemblée . Nous en parlerons plus
au long dans le fecond Volume de ce
mois .
Les Comédiens François repréſenterent
à la Cour le Mardi 5. Décembre la Comédie
de l'Esprit folet.
Le 7. la Tragédie de Medée , de M. de
Longepierre , & la petite Comédie de
Crifpin Rival de fon Maître.
Le 12. D. Japhet d'Armenie.
Le 14. Bajazet & Crifpin bel Efprit.
Le 19. les Menechmes & la Comteffe
'd'Efcarbagnas:
Le 2. Décembre , les Comédiens Italien ,
repréſenterent à la Cour la Sylphide , la
petite Piece nouvelle du Triomphe de
'Interêt,& la Parodie du MaryJoueur & de
la Femme Bigotte , Scenes Italiennes , chantées
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin 1729. Cette Parodie qui a fait
beaucoup de plaifir à la Cour , n'eft joüée
I. Vol
que
DECEMBRE 1730. 268**
que par la De Silvia & le fieurTheveneau
qui y ont été fort applaudis.
Le 9. ils reprefenterent les Amans réunis
& les Paifans de qualité.
Le 16. Timon le Misantrope & le Por
trait.
Le 21. l'Académie Royalé de Mufique
remit au Théatre l'Opera de Phaeton, qui
n'avoit pas été joué depuis le mois de
Novembre 1721. Cette Piece qui vient
d'être remife d'une maniere très- brillante
en habits & en décorations , a été reçuë
très favorablement du Public. On en parlera
plus au long , fur tout des Decorations
, qui font l'admiration de tous les
Spectateurs.
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Résumé : « Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
En décembre 1730, les Comédiens Français ont repris la pièce 'Crifpin bel esprit', attribuée à l'Abbé Abeille, et ont présenté pour la première fois 'Brutus' de Voltaire, qui a reçu un accueil enthousiaste. Les Comédiens Français ont également joué plusieurs pièces à la Cour, dont 'l'Esprit follet', 'Médée', 'Crifpin Rival de son Maître', 'D. Japhet d'Arménie', 'Bajazet', 'les Ménéchmes' et 'la Comtesse d'Escarbagnas'. Les Comédiens Italiens ont représenté des œuvres comme 'la Sylphide', 'le Triomphe de l'Intérêt', et des parodies du 'Mari Joueur' et de 'la Femme Bigotte'. Ils ont également joué 'les Amans réunis', 'les Paysans de qualité', 'Timon le Misantrope' et 'le Portrait'. L'Académie Royale de Musique a repris l'opéra 'Phaéton', absent des scènes depuis novembre 1721, avec des décors et des costumes remarquables, suscitant l'admiration du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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488
p. 2689-2719
LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
Début :
Ne rougissez pas, Madame, d'avoir été si peu sensible aux beautez qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Amour, Théâtre, Mort, Auteur, Beauté, Frère, Hymen, Colère, Justice, Yeux, Corneille, Monologue, Seigneur, Amant, Âme, Roi, Crime, Sentiments, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
LETTRE de Mr de ... , à Mde de ...
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
Fermer
Résumé : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
La lettre examine la tragédie 'Venceslas' de Rotrou, reconnue par Corneille comme une œuvre majeure. L'auteur admire les grandes beautés de la pièce, mais note que certaines qualités autrefois admirées ne sont plus aussi impressionnantes aujourd'hui. Rotrou est considéré comme le créateur du poème dramatique en France, tandis que Corneille en est le restaurateur. L'auteur analyse des extraits de la pièce, notamment une scène où Venceslas, suivi de ses fils Ladislas et Alexandre, ouvre l'acte. Il critique certains vers pour leur archaïsme ou leur vulgarité, tout en admirant les pensées profondes exprimées. Il mentionne des défauts dans l'expression et des beautés dans les idées, mais note que certains passages dévaluent le caractère pompeux du drame. La lettre explore également les relations complexes entre les personnages, notamment les sentiments ambigus de Ladislas, qui est à la fois craint et aimé malgré ses vices. L'auteur admire certaines tirades de Venceslas, qui contiennent des beautés de détail, mais critique les défauts de fond de la pièce. Dans l'Acte II, Théodore, Infante de Moscovie, commence avec Caffandre, Duchesse de Cunisberg. Caffandre refuse la demande en mariage de Ladislas, le qualifiant d'ennemi de sa gloire et de suborneur. Ladislas tente d'apaiser sa colère, mais Caffandre révèle les turpitudes des amours de Ladislas. Ladislas propose ensuite à Caffandre une couronne, mais elle réagit avec indignation, refusant d'être l'objet d'une flamme impudique. Ladislas, voyant l'inflexibilité de Caffandre, s'emporte et menace de se venger. L'Infante, qui aime secrètement le Duc, est peinée d'apprendre que le Duc aime Caffandre. L'Acte III est jugé défectueux, notamment en raison de scènes indignes et de dialogues imprudents de Ladislas. Ladislas promet au Duc de ne plus s'opposer à son hymen avec Caffandre, mais une altercation avec son père, le Roi, conduit à son arrestation. Dans l'Acte IV, un songe de l'Infante révèle une vision funeste. Ladislas apparaît blessé, ayant tenté de tuer le Duc par jalousie. Le Duc survit, et Caffandre demande vengeance pour la mort de l'Infant. La pièce se conclut par des révélations dramatiques et des déclarations émotionnelles intenses. Venceslas, le roi, ordonne l'exécution de son fils Ladislas, coupable d'un crime, malgré les supplications de l'Infante et du Duc. L'Infante exige que le Duc se contente de la grâce de Ladislas, et le Duc renonce à l'objet de son amour en faveur de son ennemi. Venceslas exprime sa douleur face à la perte de ses deux fils. Dans une scène poignante, Venceslas et Ladislas partagent un moment émouvant avant l'exécution. Ladislas reconnaît ses fautes mais trouve la vertu de se soumettre à son sort. Venceslas, malgré les supplications, refuse la grâce à Ladislas, même face aux larmes de l'Infante et à la générosité de Cassandre. Il abdique finalement sous la pression du peuple, bien que cette décision soit critiquée pour son manque de sagesse et de justice. La pièce se termine par une réflexion sur la récompense du crime et l'oppression de la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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489
p. 2834
EPIGRAMME. Pour répondre à M. L. G. A. D. L. O. S qui se plaignit par un Sonnet en Bouts-Rimez, imprimé dans le premier Volume du Mercure de Décembre 1729. que Mlle de Bellefont, eût donné sous son nom une Enigme sur les Bas, qu'il dit lui appartenir. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
Début :
La Demoiselle de Vernon, [...]
Mots clefs :
Poème
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texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME. Pour répondre à M. L. G. A. D. L. O. S qui se plaignit par un Sonnet en Bouts-Rimez, imprimé dans le premier Volume du Mercure de Décembre 1729. que Mlle de Bellefont, eût donné sous son nom une Enigme sur les Bas, qu'il dit lui appartenir. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
EPIGRAMME.
Pour répondre à M. L. G. A. D. L. O.S
qui fe plaignit par un Sonnet en Bouts-
Rimez , imprimé dans le premier Volume
du Mercure de Décembre 1729.
que Mile de Bellefont , eût donné fous
fon nom une Enigme fur les Bas , qu'il
dit lui appartenir . Par Mlle de Malcrais
de la Vigne.
LA Demoifelle de Vernon ,
Eut tort de donner fous fon nom ,
Votre Poëme Enigmatique ;
Mais avec le beau Sexe il faut filer plus doux ;
Vous fçavez que quand on fe pique,
Ce n'eft pas le moyen de réüffir chez nous .
Cependant radouciffez - vous.
Si votre Verve trop cauſtique ,
Pour un fi petit vol entre en fi grand couroux ,
Qu'eût elle fait , Monfieur , pour un Poëme
Epique.
Pour répondre à M. L. G. A. D. L. O.S
qui fe plaignit par un Sonnet en Bouts-
Rimez , imprimé dans le premier Volume
du Mercure de Décembre 1729.
que Mile de Bellefont , eût donné fous
fon nom une Enigme fur les Bas , qu'il
dit lui appartenir . Par Mlle de Malcrais
de la Vigne.
LA Demoifelle de Vernon ,
Eut tort de donner fous fon nom ,
Votre Poëme Enigmatique ;
Mais avec le beau Sexe il faut filer plus doux ;
Vous fçavez que quand on fe pique,
Ce n'eft pas le moyen de réüffir chez nous .
Cependant radouciffez - vous.
Si votre Verve trop cauſtique ,
Pour un fi petit vol entre en fi grand couroux ,
Qu'eût elle fait , Monfieur , pour un Poëme
Epique.
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Résumé : EPIGRAMME. Pour répondre à M. L. G. A. D. L. O. S qui se plaignit par un Sonnet en Bouts-Rimez, imprimé dans le premier Volume du Mercure de Décembre 1729. que Mlle de Bellefont, eût donné sous son nom une Enigme sur les Bas, qu'il dit lui appartenir. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
Mlle de Malcrais de la Vigne écrit une épigramme en réponse à M. L. G. A. D. L. O. S., qui accusait Mlle de Bellefont d'avoir publié une énigme lui appartenant. Elle critique Mlle de Vernon pour avoir publié ce poème sous son nom et conseille de traiter les femmes avec plus de délicatesse. Elle reconnaît l'offense de M. L. G. A. D. L. O. S. mais se questionne sur sa réaction face à un poème épique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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489
490
p. 2878-2887
La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Début :
LA HENRIADE, nouvelle édition revûë, corrigée & augmentée de beaucoup, [...]
Mots clefs :
Henriade, Yeux, Dieux, Poème, Auteur, Ouvrage, Coeur, Vers
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texteReconnaissance textuelle : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
LA HENRIADE , nouvelle édition , revûë
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
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Résumé : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Le texte présente une nouvelle édition de 'La Henriade' de Voltaire, publiée en décembre 1730 à Londres. Cette édition, en format in-8, compte 349 pages et est accompagnée d'une préface de 24 pages. Elle est également disponible en format in-4 avec des estampes et sera livrée aux souscripteurs sans frais supplémentaires. La préface inclut une histoire abrégée des événements sur lesquels est fondée la fable du poème, ainsi que l'idée et l'esprit du poème. Voltaire a commencé 'La Henriade' en 1717 à l'âge de 19 ans, alors qu'il était prisonnier à la Bastille. Il a écrit plusieurs œuvres en prison, dont 'La Henriade', initialement composée de six chants. Seul le second chant, traitant des massacres de la Saint-Barthélemy, a été conservé. Une première édition informelle et tronquée est parue en 1723 sous le nom de 'La Ligue'. En 1726, Voltaire a trouvé en Angleterre un soutien général et a publié 'La Henriade' sous son véritable nom, en dix chants. Depuis, il a apporté de nombreux changements au poème, considérant cette nouvelle édition comme la moins mauvaise des précédentes, bien qu'elle soit encore loin de la perfection. Le poème commence par une description du héros Henri IV et de ses exploits. Il inclut des réflexions sur la justice divine et le sort des âmes après la mort. Voltaire a également modifié certains passages pour inclure des références à des concepts scientifiques, comme l'attraction newtonienne. Le poème se termine par la reconnaissance d'Henri IV comme roi légitime et la soumission de ses adversaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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491
p. 2887-2900
Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
Début :
ELEGIES de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poësie & quelques [...]
Mots clefs :
Élégie, Amour, Poésie, Tendresse, Coeur, Femmes, Auteur, Vertu, Hommes, Crime
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
ELEGIES de M. L. B. C. avec un
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
Fermer
Résumé : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Élégies' de M. le Blanc, membre de la Société Académique des Arts, a été publié à Paris en 1731. Il comprend un discours sur le genre de la poésie élégiaque et plusieurs pièces de l'auteur. Contrairement aux élégies habituellement ennuyeuses, celles-ci ne le sont pas. Le discours de M. le Blanc sur l'élégie a été unanimement approuvé par les gens de lettres. Il justifie le mépris souvent réservé à ce genre de poésie, qu'il définit comme la plainte d'un amour mécontent. Il souligne que la plainte est naturelle à l'homme et qu'une plainte amoureuse est toujours intéressante, citant des exemples comme le IVe Livre de Virgile et le 'Pastor Fido'. M. le Blanc explique que l'élégie doit être naturelle et remplie de sentiments, rejetant les ornements frivoles. Il rend hommage aux élégiaques latins comme Tibulle, Properce et Ovide, et critique les auteurs français qui ne réussissent pas dans ce genre, souvent parce qu'ils le considèrent comme un rudiment de la poésie. L'auteur affirme que les erreurs des autres lui ont servi d'instruction et que le véritable but de la poésie est de corriger les hommes et de faire respecter la vertu. Les élégies de M. le Blanc se distinguent par leur style et leur fond nouveaux. Il choisit de peindre les violences de l'amour plutôt que ses douleurs, estimant que l'amour doit inspirer soit l'amour, soit la crainte. Il fait parler uniquement des femmes dans ses élégies, car le langage de l'amour convient mieux à leur bouche. L'ouvrage contient douze élégies, chacune d'environ cent vers, qualifiées de 'monologues de tragédie'. Deux extraits sont présentés : l'élégie 'Fulvie', où une amante se plaint de la trahison de son amant, et l'élégie 'Thamire', où une femme exprime son amour pour son époux parti à la guerre. Ces élégies sont marquées par des sentiments forts et des réflexions profondes sur l'amour et la vertu. Le recueil contient également d'autres élégies et poèmes divers, riches en beautés. Il est dédié à Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Clermont. Le poète exprime son admiration et son incapacité à décrire les vertus du prince, comparant son propre manque de courage à sa jeunesse. Il mentionne que Virgile, avant de chanter les exploits d'Auguste, avait chanté les bergers et leurs lois, suggérant humblement qu'il espère un jour pouvoir chanter les bienfaits et les vertus du prince s'il obtient du succès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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492
p. 2925-2935
Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
La Tragédie nouvelle de Brutus, de M. de Voltaire, fut représentée à la [...]
Mots clefs :
Voltaire, Théâtre, Brutus , Titus, Vol, Homme, Père, Fille, Fils, Passion
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texteReconnaissance textuelle : Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
A Tragédie nouvelle de Brutus , de
M. de Voltaire , fut repréſentée à la
Cour le Samedi 30. de ce mois , avec un
très-grand fuccès ; on la donna le lendemain
fur le Théatre François pour la neu
viéme fois , & toujours avec beaucoup
d'applaudiffemens.
La Scene de cette Piéce dont nous
avons promis de parler , fe paffe dans le
Capitole. Les principaux perfonnages font
Brutus , Conful , Titus , fon fils , & Tullie,
fille de Tarquin. Les S Sarrazin , Du
Freſne , & la Dile Du Frefne rempliffent
ces trois Rôles . Ceux de Valerius Publicola
, deuxième Conful , de Proculus , de
Meffala , Romain , conjuré dans le parti
de Tarquin , d'Aruns , Ambaffadeur du
Roi d'Etrurie , d'Albin , fon Confident,
& d'Argine , Confidente de Tullie , font
remplis par les Srs Grandval , Dubreuil ,
Montmenil , Le Grand , Berci , & la De
Jouvenot , fans parler des fix Senateurs .
, ,
La Piéce commence par une Affemblée
du Senat , où l'on introduit un Ambaffadeur
de Porfenna & de Tarquin . Ce Miniftre
remontre tout ce qu'un Royalite
II. Vol.
zelé
2926 MERCURE DE FRANCE
zelé peut dire en faveur des droits des
Souverains. Le Conful Brutus répond
tout ce qu'un Republicain rigide doit
dire pour le Peuple Romain. Il s'exprime
ainfi :
Nous avons fait , Aruns , en lui rendant hommage
,
Serment d'obéiffance , & non pas d'efclavage ,
Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces
lieux ,
Le Senat à fes pieds faifant pour lui des voeux ,
Songez qu'en ces lieux même , à cet Autel augufte
,
Devant ces mêmes Dieux il jura d'être juſte ;
De fon peuple & de lui tel étoit le lien.
Il nous rend nos fermens quand il trahit le fien
Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidele
Rome n'eſt plus fujette , & lui ſeul eft rebelle.
Aruns.
Ah ! quand il feroit vrai que l'abfolu pouvoir
Eut entraîné Tarquin par delà fon devoir ,
Qu'il en eut trop ſuivi l'amorce enchantereffe ,
Quel homme eft fans erreur , & quel Roi fans
foibleffe ?
Eft- ce à vous de prétendre au droit de le punir ?
Vous nés tous fes Sujets , vous faits pour obéir?
Un fils ne s'arme point contre un coupable pere
Il détourne les yeux , le plaint & le revere.
II. Vol.
Les
DECEMBRE. 1730. 2927
Les droits des Souverains font - ils moins précieux
?
Nous fommes leurs enfans , leurs Jages font les
Dieux ;
Si le Ciel quelquefois les donne en fa coleré ,
N'allez pas mériter un préfent plus fevere ,
Trahir toutes les loix en voulant les vanger ,
Et renverser l'Etat au lieu de le changer .
Inftruit par le malheur
l'homme ,
› ce grand Maitre de
Tarquin fera plus jufte & plus digne de Rome ;
Vous pouvez
raffermir par un accord heureux
Des Peuples & des Rois les legitimes noeuds ,
Et faire encor fleurir la liberté publique
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.
Brutus plein de fes fentimens refuſe la
paix au nom du Sénat , quoiqu'affiegé
par deux Rois . Le Sénat jure fur l'Autel
de Mars de ne jamais admettre les Tarquins
dans Rome ; l'Ambaffadeut jure
fur le même Autel une guerre éternelle
aux Romains. Cependant ce Miniftre demande
fierement qu'on lui remette Tullie,
fille de Tarquin , jeune Princeffe qui n'avoit
pû fe fauver de Rome dans le commencement
de la Guerre civile , & que
le Sénat faifoit élever chez la femme de
Brutus le Sénat ordonne qu'on rende à
Tarquin fa fille & tous fes biens ; & Bru-
II. Vol.
tus
2928 MERCURE DE FRANCE
tus , l'organe du Sénat , dit à ce Miniftre:
Qu'à Tarquin déformais rien ne refte en ces
lieux
Que la haine de Rome & le couroux des Dieux ;
Pour emporter au Camp l'or qu'il faut y conduire
Rome vous donne un jour , ce tems doit vous
fuffire .
Ma Maiſon cependant eſt votre fûreté &c.
Ce Miniftre ayant donc la liberté de
refter un jour dans Rome veut employer
ce tems à ruiner la liberté des Romains ;
il avoit depuis long- tems une fecrete cor
refpondance avec un Citoyen nommé
Meffala , homme adroit & intrépide ,
qui defefperant de faire fa fortune fous
le gouvernement fevere d'une Républi
que , vouloit s'élever en rappelant les Tirans.
C'eft un vrai confpirateur.
Maître de fon fecret , & maître de lui-même ,
Impenetrable & calme en fa fureur extrême ;
Il a déja gagné quelques amis ; mais ,
dit- il , à l'Ambaffadeur :
Ne prétendez pas
Qu'en aveugles Sujets ils fervent des ingrats ;
Ils ne fe piquent point du devoir fanatique
De fervir de victime au pouvoir defpotique ,
II. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1730. 2929.
Ni du zele inſenſé de courir au trépas
Pour venger un Tiran qui ne les connoît pas.
Tarquin promet beaucoup ; mais devenu leur
maître ,
Il les oublira tous , ou les craindra peut -être :
Je connois trop les Grands dans le malheur
amis ,
;
Ingrats dans la fortune , & bientôt ennemis..
Nous fommes de leur gloire un inftrument fervile
Rejetté par dédain dès qu'il eft inutile ,
Et brifé fans pitié s'il devient dangereux.
Meffala avoit befoin d'un Chef digne
de pareils conjurés , affez illuftre par fa
naiffance pour le faire obéir , affez.courageux
pour faire réuffir l'entreprife ,
affez hardi même pour forcer le Roi ,
Même après le fuccés à leur tenir la foi.
Titus , fils du Conful Brutus , jeune
homme impétueux dans fes défirs , qui
venoit de triompher des deux Rois , mais
qui n'avoit pû obtenir le Confulat , pa-'
roit à ces deux conjurés un homme propre
à mettre à la tête de leur parti . Titus,
à la verité , aime tendrement Rome &
fon
pere ; il eft le plus grand ennemi des
Rois , il adore la liberté , mais il eft piqué
contre le Sénat ; & Meffala a découvert
qu'il a depuis long- tems une paſſion fu-
II. Vol.
rieufe
29 30 MERCURE DE FRANCE
rieule
pour la fille de Tarquin : Titus a
été jufqu'à préfent le maître de fa paffion ;
mais il y peut fuccomber. Meffala ajoute :
Dans le champ de la gloire il ne fait que d'en
trer ,
Il y marche en aveugle , on l'y peut égarer ;
La bouillante Jeuneffe eft facile à féduire .
Cependant Tullie , cette fille de Tarquin
, nourriffoit depuis long- tems une
inclination fecrette pour le jeune Titus ;
elle vouloit haïr l'ennemi de fon pere &
le fils de Brutus ; mais elle l'aimoit d'autant
plus , qu'il ne fouffroit plus qu'il pa-.
rut en fa préfence depuis que la Guerre
étoit déclarée . Ainfi Titus & Tullie s'adorant
l'un l'autre , & n'ofant fe voir
combattoient en fecret leur paffion . Enfin
le moment arrive qui doit les féparer
pour jamais ; alors Titus entraîné malgré
lui vers Tullie , vient pour lui dire un
éternel adieu , & l'aveu de fon amour lui
échape .
Ce feu que jufqu'alors il avoit fçû contraindre
S'irrite en s'échapant , & ne peut plus s'éteindre
L'adroit Ambaffadeur qui fçait bientôt
à quelles agitations Titus eft livré , faifit
ces momens pour tenter fa fidelité ; il
oppofe tous les artifices à la hauteur im
II. Vol. pétueufe
DECEMBRE. 1730. 2931
pétueufe de Titus ; il lui repréfente la
trifte feverité d'une République & tous
les charmes d'une Cour , il effaye de
l'attendrir pour Tarquin ; enfin il lui dit
que Tarquin avoit autrefois le deffein de
lui donner fa fille Tullie en mariage.
L'Ambaffadeur en lui parlant ainfi , obferve
attentivement l'émotion involontaire
du jeune Romain. Meffala , ce Chef
de conjurés , vient encore envenimer la
bleffure de Titus. L'Ambaffadeur fait plus,
il a découvert la paffion de Tullie , & il
veut s'en fervir pour fes deffeins. Oui ,
dit il ,
N'attendons des humains rien que par leur foibleffe.
Il ne perd point de tems , il envoye
un homme fûr au Camp de Tarquin ; ce
Courrier rapporte une Lettre du Roi ;
l'Ambaffadeur donne la Lettre à la Princeffe
: elle lit , elle voit avec furpriſe que
fon pere lui permet
de refufer le Roi de
Ligurie qu'elle devoit époufer , & que
c'eft à Titus qu'il la deftine ; qu'en un
mot il ne tient qu'à Titus de rappeler
Tarquin , de regner avec lui & d'époufer
Tullie. Cette Princeffe à la lecture de
cette Lettre eft partagée entre le trouble
& la joye , entre la défiance & l'efpoir ;
l'Ambafladeur la raffure & l'encourage ;
ĮI. Ful
1
2932 MERCURE DE FRANCE
il lui dit que Titus eft déja ébranlé , qu'il
eft prêt à relever le Trône de Tarquin
qu'un mot de la bouche va tout achever.
La jeune Princeffe pleine de l'efperance
de rétablir fon pere & d'être unie avec
fon Amant , envoye chercher Titus , lui
fait lire cette Lettre ; mais quelle furprife
& quelle douleur pour elle ! Titus
eft penetré d'horreur à l'afpect de ce billet
de Tarquin , par lequel on lui propoſe de
trahir Brutus & Rome. Son Amante s'écrie
:
Infpirez -lui , grands Dieux , le parti qu'il doit
prendre.
Mon choix eft fait.
Titus.
Tullie.
Eh bien ! crains -tu de me l'apprendre ♣
Parle , ofe mériter ta grace ou mon courroux ;
Quel fera ton deftin ?
Titus.
D'être digne de vous ,
Digne encor de moi-même , à Rome encor fidele
,
Brulant
d'amour
pour
vous , de
combattre
pour
elle ,
D'adorer vos vertus , mais de les imiter ,
De vous perdre , Madame , & de yous mériter &c.
II. Vol
Ац
DECEMBRE. 1730. 2933-
Au milieu de cette conteftation douloureuſe
, Brutus arrive , & dit à Tullie
qu'il faut partir ; déja même il l'emmene.
Titus defefperé arrête un moment l'Ambaffadeur
qui feint de vouloir partir , &
qui jouir tranquilement du trouble affreux
de cet Amant ; Titus lui demande
un moment d'entretien , & le prie de
retarder le départ d'une heure. C'eſt pendant
ce court efpace de tems que Meffala
fe découvre enfin à Titus , c'eft alors qu'il
lui apprend que Tiberinus , fon propre
frere
,
eft de la conjuration . Titus fe
trouve réduit à être le délateur ou le
complice de fon frere. Dans ce moment
même l'Ambaffadeur lui fait dire que
Tullie l'attend ; il parle à Tullie pour la
derniere fois , & c'est là que cedant à fa
paffion , penetré d'amour , d'horreur &
de remords , & fe trouvant dans le cas
de dire : Video meliora proboque , deteriora
fequor , il dit à Tullie :
› Eh hien , cruelle , il faut vous fatisfaire ;
Le crime en eft affreux ; mais j'y cours pour vous
plaire ;
D
t plus malheureux que dans ma paffion ;
Mon coeur n'a pour excufe aucune illufion ,
Que je ne goute point dans ce défordre extrême
Le trifte & vain plaifir de me tromper moimême
,
11. Vol, Que
2934 MERCURE DE FRANCE
Que l'amour aux forfaits me force de voler ,
Que vous m'avez vaincu fans pouvoir m'aveugler
,
Et qu'encor indigné de l'ardeur qui m'anime ,
Je chéris la vertu , mais j'embraffe le crime .
Haiffez-moi , fuyez , quittez un malheureux
Qui meurt d'amour pour vous , & detefte ſes
feux & c .
A peine Titus emporté par tant de paſfions
a -t'il promis de trahir Rome , que
Brutus inftruit qu'on doit donner un affaut
la nuit même,vient remettre le commandement
de la Ville de la part du
Sénat entre les mains de Titus même ; le
defeſpoir de Titus augmente à cette marque
de confiance ; une cruelle irréfolution
l'agite ; fon pere en eft étonné ; mais
dans le moment même le fecond Conful
annonce à Brutus que l'on confpire . On
n'a encore que des foupçons , & ces foupçons
ne tombent point fur les fils de Brutus.
On affemble le Sénat ; l'Ambaffadeur
y vient rendre compte de fa conduite
; Brutus le renvoye avec mépris &
avec horreur. On renouvelle les fermens
de punir fans remiffion quiconque auroit
confpiré en faveur des Rois ; Brutus qui
fait ce ferment eft bien éloigné de croire
fes Enfans coupables ; il apprend au milieu
du Sénat même que Tiberinus eft un
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1730. 2935
des conjurés ; l'inftant d'après il apprend
que fon cher fils Titus , le Deffenfeur de
Rome , eft le Chef de la Confpiration .
Tiberinus eft tué en fe deffendant , avec
quelques complices . Titus qui avoit horreur
d'un crime qu'il n'avoit pas même
confommé , & dont il n'avoit été coupable
qu'un inftant , vient s'accuſer devant
fon Pere ; Brutus qui l'aime tendrement
le condamne à la mort en pleurant , &
Titus reçoit fon Arrêt en grand Homme.
Tullie defefperée ſe tuë . Ainfi finit cette
Piéce que l'on regarde dans Paris comme
l'Ouvrage Dramatique que M. de Voltaire
ait le mieux écrit , mais qui exige
une grande execution , extrêmement difficile
& neceffaire , pour avoir un long
fuccès au Théatre.
M. de Voltaire , fut repréſentée à la
Cour le Samedi 30. de ce mois , avec un
très-grand fuccès ; on la donna le lendemain
fur le Théatre François pour la neu
viéme fois , & toujours avec beaucoup
d'applaudiffemens.
La Scene de cette Piéce dont nous
avons promis de parler , fe paffe dans le
Capitole. Les principaux perfonnages font
Brutus , Conful , Titus , fon fils , & Tullie,
fille de Tarquin. Les S Sarrazin , Du
Freſne , & la Dile Du Frefne rempliffent
ces trois Rôles . Ceux de Valerius Publicola
, deuxième Conful , de Proculus , de
Meffala , Romain , conjuré dans le parti
de Tarquin , d'Aruns , Ambaffadeur du
Roi d'Etrurie , d'Albin , fon Confident,
& d'Argine , Confidente de Tullie , font
remplis par les Srs Grandval , Dubreuil ,
Montmenil , Le Grand , Berci , & la De
Jouvenot , fans parler des fix Senateurs .
, ,
La Piéce commence par une Affemblée
du Senat , où l'on introduit un Ambaffadeur
de Porfenna & de Tarquin . Ce Miniftre
remontre tout ce qu'un Royalite
II. Vol.
zelé
2926 MERCURE DE FRANCE
zelé peut dire en faveur des droits des
Souverains. Le Conful Brutus répond
tout ce qu'un Republicain rigide doit
dire pour le Peuple Romain. Il s'exprime
ainfi :
Nous avons fait , Aruns , en lui rendant hommage
,
Serment d'obéiffance , & non pas d'efclavage ,
Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces
lieux ,
Le Senat à fes pieds faifant pour lui des voeux ,
Songez qu'en ces lieux même , à cet Autel augufte
,
Devant ces mêmes Dieux il jura d'être juſte ;
De fon peuple & de lui tel étoit le lien.
Il nous rend nos fermens quand il trahit le fien
Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidele
Rome n'eſt plus fujette , & lui ſeul eft rebelle.
Aruns.
Ah ! quand il feroit vrai que l'abfolu pouvoir
Eut entraîné Tarquin par delà fon devoir ,
Qu'il en eut trop ſuivi l'amorce enchantereffe ,
Quel homme eft fans erreur , & quel Roi fans
foibleffe ?
Eft- ce à vous de prétendre au droit de le punir ?
Vous nés tous fes Sujets , vous faits pour obéir?
Un fils ne s'arme point contre un coupable pere
Il détourne les yeux , le plaint & le revere.
II. Vol.
Les
DECEMBRE. 1730. 2927
Les droits des Souverains font - ils moins précieux
?
Nous fommes leurs enfans , leurs Jages font les
Dieux ;
Si le Ciel quelquefois les donne en fa coleré ,
N'allez pas mériter un préfent plus fevere ,
Trahir toutes les loix en voulant les vanger ,
Et renverser l'Etat au lieu de le changer .
Inftruit par le malheur
l'homme ,
› ce grand Maitre de
Tarquin fera plus jufte & plus digne de Rome ;
Vous pouvez
raffermir par un accord heureux
Des Peuples & des Rois les legitimes noeuds ,
Et faire encor fleurir la liberté publique
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.
Brutus plein de fes fentimens refuſe la
paix au nom du Sénat , quoiqu'affiegé
par deux Rois . Le Sénat jure fur l'Autel
de Mars de ne jamais admettre les Tarquins
dans Rome ; l'Ambaffadeut jure
fur le même Autel une guerre éternelle
aux Romains. Cependant ce Miniftre demande
fierement qu'on lui remette Tullie,
fille de Tarquin , jeune Princeffe qui n'avoit
pû fe fauver de Rome dans le commencement
de la Guerre civile , & que
le Sénat faifoit élever chez la femme de
Brutus le Sénat ordonne qu'on rende à
Tarquin fa fille & tous fes biens ; & Bru-
II. Vol.
tus
2928 MERCURE DE FRANCE
tus , l'organe du Sénat , dit à ce Miniftre:
Qu'à Tarquin déformais rien ne refte en ces
lieux
Que la haine de Rome & le couroux des Dieux ;
Pour emporter au Camp l'or qu'il faut y conduire
Rome vous donne un jour , ce tems doit vous
fuffire .
Ma Maiſon cependant eſt votre fûreté &c.
Ce Miniftre ayant donc la liberté de
refter un jour dans Rome veut employer
ce tems à ruiner la liberté des Romains ;
il avoit depuis long- tems une fecrete cor
refpondance avec un Citoyen nommé
Meffala , homme adroit & intrépide ,
qui defefperant de faire fa fortune fous
le gouvernement fevere d'une Républi
que , vouloit s'élever en rappelant les Tirans.
C'eft un vrai confpirateur.
Maître de fon fecret , & maître de lui-même ,
Impenetrable & calme en fa fureur extrême ;
Il a déja gagné quelques amis ; mais ,
dit- il , à l'Ambaffadeur :
Ne prétendez pas
Qu'en aveugles Sujets ils fervent des ingrats ;
Ils ne fe piquent point du devoir fanatique
De fervir de victime au pouvoir defpotique ,
II. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1730. 2929.
Ni du zele inſenſé de courir au trépas
Pour venger un Tiran qui ne les connoît pas.
Tarquin promet beaucoup ; mais devenu leur
maître ,
Il les oublira tous , ou les craindra peut -être :
Je connois trop les Grands dans le malheur
amis ,
;
Ingrats dans la fortune , & bientôt ennemis..
Nous fommes de leur gloire un inftrument fervile
Rejetté par dédain dès qu'il eft inutile ,
Et brifé fans pitié s'il devient dangereux.
Meffala avoit befoin d'un Chef digne
de pareils conjurés , affez illuftre par fa
naiffance pour le faire obéir , affez.courageux
pour faire réuffir l'entreprife ,
affez hardi même pour forcer le Roi ,
Même après le fuccés à leur tenir la foi.
Titus , fils du Conful Brutus , jeune
homme impétueux dans fes défirs , qui
venoit de triompher des deux Rois , mais
qui n'avoit pû obtenir le Confulat , pa-'
roit à ces deux conjurés un homme propre
à mettre à la tête de leur parti . Titus,
à la verité , aime tendrement Rome &
fon
pere ; il eft le plus grand ennemi des
Rois , il adore la liberté , mais il eft piqué
contre le Sénat ; & Meffala a découvert
qu'il a depuis long- tems une paſſion fu-
II. Vol.
rieufe
29 30 MERCURE DE FRANCE
rieule
pour la fille de Tarquin : Titus a
été jufqu'à préfent le maître de fa paffion ;
mais il y peut fuccomber. Meffala ajoute :
Dans le champ de la gloire il ne fait que d'en
trer ,
Il y marche en aveugle , on l'y peut égarer ;
La bouillante Jeuneffe eft facile à féduire .
Cependant Tullie , cette fille de Tarquin
, nourriffoit depuis long- tems une
inclination fecrette pour le jeune Titus ;
elle vouloit haïr l'ennemi de fon pere &
le fils de Brutus ; mais elle l'aimoit d'autant
plus , qu'il ne fouffroit plus qu'il pa-.
rut en fa préfence depuis que la Guerre
étoit déclarée . Ainfi Titus & Tullie s'adorant
l'un l'autre , & n'ofant fe voir
combattoient en fecret leur paffion . Enfin
le moment arrive qui doit les féparer
pour jamais ; alors Titus entraîné malgré
lui vers Tullie , vient pour lui dire un
éternel adieu , & l'aveu de fon amour lui
échape .
Ce feu que jufqu'alors il avoit fçû contraindre
S'irrite en s'échapant , & ne peut plus s'éteindre
L'adroit Ambaffadeur qui fçait bientôt
à quelles agitations Titus eft livré , faifit
ces momens pour tenter fa fidelité ; il
oppofe tous les artifices à la hauteur im
II. Vol. pétueufe
DECEMBRE. 1730. 2931
pétueufe de Titus ; il lui repréfente la
trifte feverité d'une République & tous
les charmes d'une Cour , il effaye de
l'attendrir pour Tarquin ; enfin il lui dit
que Tarquin avoit autrefois le deffein de
lui donner fa fille Tullie en mariage.
L'Ambaffadeur en lui parlant ainfi , obferve
attentivement l'émotion involontaire
du jeune Romain. Meffala , ce Chef
de conjurés , vient encore envenimer la
bleffure de Titus. L'Ambaffadeur fait plus,
il a découvert la paffion de Tullie , & il
veut s'en fervir pour fes deffeins. Oui ,
dit il ,
N'attendons des humains rien que par leur foibleffe.
Il ne perd point de tems , il envoye
un homme fûr au Camp de Tarquin ; ce
Courrier rapporte une Lettre du Roi ;
l'Ambaffadeur donne la Lettre à la Princeffe
: elle lit , elle voit avec furpriſe que
fon pere lui permet
de refufer le Roi de
Ligurie qu'elle devoit époufer , & que
c'eft à Titus qu'il la deftine ; qu'en un
mot il ne tient qu'à Titus de rappeler
Tarquin , de regner avec lui & d'époufer
Tullie. Cette Princeffe à la lecture de
cette Lettre eft partagée entre le trouble
& la joye , entre la défiance & l'efpoir ;
l'Ambafladeur la raffure & l'encourage ;
ĮI. Ful
1
2932 MERCURE DE FRANCE
il lui dit que Titus eft déja ébranlé , qu'il
eft prêt à relever le Trône de Tarquin
qu'un mot de la bouche va tout achever.
La jeune Princeffe pleine de l'efperance
de rétablir fon pere & d'être unie avec
fon Amant , envoye chercher Titus , lui
fait lire cette Lettre ; mais quelle furprife
& quelle douleur pour elle ! Titus
eft penetré d'horreur à l'afpect de ce billet
de Tarquin , par lequel on lui propoſe de
trahir Brutus & Rome. Son Amante s'écrie
:
Infpirez -lui , grands Dieux , le parti qu'il doit
prendre.
Mon choix eft fait.
Titus.
Tullie.
Eh bien ! crains -tu de me l'apprendre ♣
Parle , ofe mériter ta grace ou mon courroux ;
Quel fera ton deftin ?
Titus.
D'être digne de vous ,
Digne encor de moi-même , à Rome encor fidele
,
Brulant
d'amour
pour
vous , de
combattre
pour
elle ,
D'adorer vos vertus , mais de les imiter ,
De vous perdre , Madame , & de yous mériter &c.
II. Vol
Ац
DECEMBRE. 1730. 2933-
Au milieu de cette conteftation douloureuſe
, Brutus arrive , & dit à Tullie
qu'il faut partir ; déja même il l'emmene.
Titus defefperé arrête un moment l'Ambaffadeur
qui feint de vouloir partir , &
qui jouir tranquilement du trouble affreux
de cet Amant ; Titus lui demande
un moment d'entretien , & le prie de
retarder le départ d'une heure. C'eſt pendant
ce court efpace de tems que Meffala
fe découvre enfin à Titus , c'eft alors qu'il
lui apprend que Tiberinus , fon propre
frere
,
eft de la conjuration . Titus fe
trouve réduit à être le délateur ou le
complice de fon frere. Dans ce moment
même l'Ambaffadeur lui fait dire que
Tullie l'attend ; il parle à Tullie pour la
derniere fois , & c'est là que cedant à fa
paffion , penetré d'amour , d'horreur &
de remords , & fe trouvant dans le cas
de dire : Video meliora proboque , deteriora
fequor , il dit à Tullie :
› Eh hien , cruelle , il faut vous fatisfaire ;
Le crime en eft affreux ; mais j'y cours pour vous
plaire ;
D
t plus malheureux que dans ma paffion ;
Mon coeur n'a pour excufe aucune illufion ,
Que je ne goute point dans ce défordre extrême
Le trifte & vain plaifir de me tromper moimême
,
11. Vol, Que
2934 MERCURE DE FRANCE
Que l'amour aux forfaits me force de voler ,
Que vous m'avez vaincu fans pouvoir m'aveugler
,
Et qu'encor indigné de l'ardeur qui m'anime ,
Je chéris la vertu , mais j'embraffe le crime .
Haiffez-moi , fuyez , quittez un malheureux
Qui meurt d'amour pour vous , & detefte ſes
feux & c .
A peine Titus emporté par tant de paſfions
a -t'il promis de trahir Rome , que
Brutus inftruit qu'on doit donner un affaut
la nuit même,vient remettre le commandement
de la Ville de la part du
Sénat entre les mains de Titus même ; le
defeſpoir de Titus augmente à cette marque
de confiance ; une cruelle irréfolution
l'agite ; fon pere en eft étonné ; mais
dans le moment même le fecond Conful
annonce à Brutus que l'on confpire . On
n'a encore que des foupçons , & ces foupçons
ne tombent point fur les fils de Brutus.
On affemble le Sénat ; l'Ambaffadeur
y vient rendre compte de fa conduite
; Brutus le renvoye avec mépris &
avec horreur. On renouvelle les fermens
de punir fans remiffion quiconque auroit
confpiré en faveur des Rois ; Brutus qui
fait ce ferment eft bien éloigné de croire
fes Enfans coupables ; il apprend au milieu
du Sénat même que Tiberinus eft un
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1730. 2935
des conjurés ; l'inftant d'après il apprend
que fon cher fils Titus , le Deffenfeur de
Rome , eft le Chef de la Confpiration .
Tiberinus eft tué en fe deffendant , avec
quelques complices . Titus qui avoit horreur
d'un crime qu'il n'avoit pas même
confommé , & dont il n'avoit été coupable
qu'un inftant , vient s'accuſer devant
fon Pere ; Brutus qui l'aime tendrement
le condamne à la mort en pleurant , &
Titus reçoit fon Arrêt en grand Homme.
Tullie defefperée ſe tuë . Ainfi finit cette
Piéce que l'on regarde dans Paris comme
l'Ouvrage Dramatique que M. de Voltaire
ait le mieux écrit , mais qui exige
une grande execution , extrêmement difficile
& neceffaire , pour avoir un long
fuccès au Théatre.
Fermer
Résumé : Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
La pièce 'Brutus' de Voltaire a été représentée à la Cour le 30 décembre avec un grand succès, puis au Théâtre Français le lendemain pour la neuvième fois, toujours avec beaucoup d'applaudissements. L'action se déroule au Capitole de Rome et met en scène Brutus, consul, Titus, son fils, et Tullie, fille de Tarquin. Les rôles principaux sont interprétés par les acteurs Sarrazin, Du Fresne, et la Dile Du Fresne. La pièce commence par une assemblée du Sénat où un ambassadeur de Porfenna et de Tarquin défend les droits des souverains. Brutus répond en faveur du peuple romain, affirmant que le serment d'obéissance ne signifie pas esclavage. L'ambassadeur argue que les droits des souverains sont précieux et que les Romains doivent obéir. Brutus refuse la paix au nom du Sénat et jure de ne jamais admettre les Tarquins à Rome. L'ambassadeur demande la remise de Tullie, et le Sénat accepte de la rendre ainsi que ses biens. Meffala, un citoyen romain, correspond secrètement avec l'ambassadeur pour ruiner la liberté des Romains. Il cherche un chef pour sa conjuration et choisit Titus, fils de Brutus, qui est impétueux et jaloux du Sénat. Titus aime Tullie, et est tenté par l'ambassadeur et Meffala de trahir Rome. Tullie, de son côté, aime Titus malgré elle. L'ambassadeur tente de séduire Titus en lui offrant le trône de Tarquin et la main de Tullie. Après une lutte intérieure, Titus décide de rester fidèle à Rome. Brutus, informé d'une conjuration, découvre que Titus et son frère Tiberinus en font partie. Tiberinus est tué en se défendant, et Titus, après avoir avoué son crime, est condamné à mort par son père. Tullie, désespérée, se suicide. La pièce est considérée comme l'œuvre dramatique la plus réussie de Voltaire, mais elle nécessite une grande maîtrise pour être bien interprétée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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493
p. 2935-2941
L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Début :
Le 29. Decembre le Roi honora de sa présence l'Opera de Phaëton, qui fut [...]
Mots clefs :
Décorations, Colonnes, Arcades, Soleil, Lumière, Galerie, Vestibules, Phaëton, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Le 29. Decembre le Roi honora de
fa préfence l'Opera de Phaeton , qui fut
executé dans fa plus grande perfection :
on danfa par extraordinaire à la fin dư
Divertiffement du quatriéme Acte le Pas
de Trois , dont on a déja parlé , exécuté
par les Srs Blondi , Dumoulin le jeune , &
la Dile Camargo . S. M. étoit placée dans
fa Loge, accompagnée des Ducs de Charoft
, de la Roche-Foucault & d'Harcourt;
les autres Loges du même côté étoient
occupées par les autres Seigneurs & Officiers
de fa Maiſon, H Nous
=
2936 MERCURE DE FRANCE
Nous avons affez parlé de cet Opera la
derniere fois qu'il fut remis au Théatre
au mois de Novembre 1721 , des paroles,
de la Muſique , du Ballet , des Habits &
des Décorations de ce tems- là , avec une
Deſcription particuliere de celle du Palais
du Soleil.
Dans cette repriſe les habits ſont très
magnifiques & très bien caracteriſés . Les
Balets,toujours compofés par le St Blondi,
font auffi ingénieux que variés.
Les principaux Danfeurs font les fieurs
Dumoulin , Dupré , Malterre & Laval ,
& la De Camargo en Egyptienne , termine
le Divertiffement du cinquième
Acte. Les principaux Rôles dans la Tragedie
de Lybie , de Theone & de Climene
font remplis par les Diles Antier , le
-Maure & Erremens ; ceux de Phaëton
d'Epaphus , de Protée & du Soleil fort
repréſentés par les fieurs Tribou , Chaſſe,
Dun & du Mas.
A l'égard des deux principales Décorations
dont nous avons à parler , celle
du fecond Acte repréfente une des Entrées
d'un Palais du Roy d'Egypte , d'ordre
Dorique. On y voit une grande Arcade
de chaque côté , aux côtez deſquelles
font deux Colonnes , dont l'entrecolonne
eft d'un Diametre & demi
felon l'ordre Dorique.
II. Vol. Après
DECEMBRE . 1730. 2937
Après les Arcades on voit un Veftibule
qui forme un quarré , fe reliant avec les
autres Colonnes . Ce Veftibule eft foutenu
par huit Colonnes , efpacées de 4
Diametres au milieu , & fur les côtez ,
d'un Diamétre & demi ; & fous le Veftibule
, de chaque côté , il y a deux autres
Arcades , comme les premieres , ayant
3 diametres de large , & 3 quarts de colonnes
& 8 diametres de haut.
Les Colonnes ont 2 pieds 3 pouces de
diametre ; elles pofent fur un Socle, font
canelées jufqu'au tiers , & font de marbre
d'Egypte , ainfi que la frife , les chapiteaux
, les bazes & les triglifles , faits en
confole , font de bronze , ainfi que le
refte des ornemens.
Ce Veftibule porte une grande Terraſſe
avec une Balustrade , qui fuppofe après
l'efcalier , conduire dans le reste du Palais
; & à travers le Veftibule , on voit
une continuation d'Arcades , portées
par des Colonnes qui ne fe voyent qu'obliquement.
L'habile Architecte fuppofe
par là y en avoir autant de l'autre côté
en fimetrie , & ce point de vûë qui eft
tres - pictorefque & tres- ingénieulement
imaginé , fait parfaitement l'effet qu'il
doit faire. L'air de grandeur & de noble
fimplicité de cette magnifique décoration
la font admirer par tous les Spectateurs
II. Vol.
inte-
Hij
2938 MERCURE DE FRANCE
intelligens. Elle eſt éclairée par une lumiere
douce qui donne le repos & le relief
convenable à toutes les parties. La
Perfpective & le Clair- obfcur y font employez
avec un art infini . On a remarqué,
Tans doute , que cette décoration fait un
parfait contraſte avec celle dont nous alfons
parler ; ce qui marque le génie &
l'habileté du fieur Servandoni , qui a fait
l'une & l'autre.
Le Palais du Soleil , au 4° Acte , eft tresélevé,
& ouvert en plufieurs endroits ; il
paroît à la vûë d'un vafte prodigieux par
la quantité des Colonnes & des Arcades
qui s'y trouvent , & qui fuppofent conduire
dans Pimmenfe étendue des nuages
qui paroiffent porter le Palais , & qui s'y
introduifent de toutes parts.
Le Thrône du Soleil eft placé au fond
d'une grande Galerie , ornée à droite &
à gauche d'une colonade d'ordre Compofite
, & entre les colonnes font de
grandes & magnifiques arcades .
Derriere le Thrône eft une Baluftrade
circulaire , à hauteur d'appui , au deffus
de laquelle ou voit plufieurs Divinitez
& grand nombre de Génies ; partie perfonnages
vivans , partie figures en relief,
imitant parfaitement le naturel.
Au delà de la Balustrade fe voyent
grandes Arcades , portées par des Co-
II.Vol
lonDECEMBRE
. 1730. 29 39
·
lonnes couplées , qui forment des ouvertures
pour
aller , par un plan de niveau
, derriere les colonnes de la Galerie,
& qui, font voir par la Perfpective un
magnifique Salon , formé par des Arcades
, foutenues par des Colonnes , de
même que la Galerie.
Vers le milieu de la Galerie , on commence
à monter au Thrône du Soleil ; on
y trouve une Baluftrade interrompuë au
milieu par trois marches , pour monter
fur un grand Palier , après lequel font
trois autres marches & un fecond Palier ,
par lequel on arrive par trois autres marches
circulaires au Thrône du Soleil. Ce
fecond Palier eft à niveau des bazes des
colonnes .
Toutes les colonnes font torfes , portées
par des piedeftaux compofez ; leurs chapiteaux
& entablemens font auffi compofez
pour placer les ornemens & les pierreries
dont ils font enrichis .
Le plafond de la Galerie eft en ceintre,
formé d'une colonne à l'autre , & enrichi
de feftons & autres ornemens . Entre
les travées font des ouvertures ovales
par où entrent les nuées , & aux bas côtez
du plafond , entre chaque colonne
il y a des médaillons , chacun reprefentant
quelque Attribut du Soleil .
>
Le Thrône eſt d'une forme prefque py.
II. Vol. Hij rami
2940 MERCURE DE FRANCE
ramidale & majeftueufe , il eft entouré
par derriere de rayons , formez avec du
tranfparent de gazes d'or , à travers lefquelles
on voit une lumiere fi vive & fi
brillante , que les yeux ont peine à en
foutenir l'éclat . Cette lumiere fort du
Thrône , & fe rependant de tous côtez ,
éclaire le Salon , la Galerie & tout le refte
de la Décoration , laquelle paroît fi chargée
d'or & de pierreries , de differentes
couleurs , comme Diamans , Rubis , Topafes
, Emeraudes , Perles , Lapis , &c.
qu'il eft impoffible d'imaginer quelque
chofe qui approche de fa richeſſe & de fa
fplendeur.
Ces Pierreries , qui font au nombre de
plus de 7000. & dont les plus petites
ont au moins un pouce & demi de diametre
, jettent à la lumiere un éclat & un
brillant prodigieux , tant par rapport à
leurs formes convexes , concaves & à facettes
, que par le grand poly & les cou
leurs tranfparentes qu'on leur a données.
Le public voit tous les jours avec beaucoup
de plaifir & de nouveaux applaudiffemens
, ce pompeux & refplandiffant
Spectacle , aujourd'hui le plus magnifique
de l'Europe ; le Roy qui a voulu
le voir, a témoigné publiquement en avoir
été tres fatisfait.
Le fieur Servandoni , Florentin , dont
II. Vol Dous
DECEMBRE. 1730. 2941
nous avons eu occaſion de parler tant de
fois , & dont nous avons donné des def
criptions des décorations qu'il a faites .
comme celle du Palais de Ninus , le Tem
ple de Minerve , les Champs élizées dans
Proferpine , la vafte Galerie dans Pyrrhus
la Calcade ou Torrent avec fluctuation ;
la chute du Nil , ou grande Cafcade ;
une Forêt , & c . & plufieurs autres Décorations
qui ont été generalement ap
plaudies & reconnues poffibles dans l'execation
réelle , felon les Regles de l'Architecture
. Il a fait auffi le Feu d'artifice
fur la Riviere,à l'occafion de la naiffance
de Monfeigneur le Dauphin ; les Plans &
Profils , pour bâtir l'Eglife des Grands
Auguftins ; pour un Arc de Triomphe à
la Porte de la Conference ; pour un nou
veau Théatre avec toutes fes dépendances
; le modele d'un Temple fait par
coupe de pierres , au nombre de plus de
fooo. toutes les parties le foutenant par
la coupe des pierres . Tous ces deffeins &
modeles qui lui ont été ordonnez par la
Cour , ont attiré chez lui grand nombre
de Seigneurs & de Curieux de diftinction,
qui l'ont honoré de leurs aplaudiffemens.
Il a fait encore au Château de Trenel
pour la Ducheffe d'Orleans plufieurs Ou
vrages que tous les Princes du Sang &
Seigneurs de la Cour ont vû avec une
finguliere fatisfaction .
fa préfence l'Opera de Phaeton , qui fut
executé dans fa plus grande perfection :
on danfa par extraordinaire à la fin dư
Divertiffement du quatriéme Acte le Pas
de Trois , dont on a déja parlé , exécuté
par les Srs Blondi , Dumoulin le jeune , &
la Dile Camargo . S. M. étoit placée dans
fa Loge, accompagnée des Ducs de Charoft
, de la Roche-Foucault & d'Harcourt;
les autres Loges du même côté étoient
occupées par les autres Seigneurs & Officiers
de fa Maiſon, H Nous
=
2936 MERCURE DE FRANCE
Nous avons affez parlé de cet Opera la
derniere fois qu'il fut remis au Théatre
au mois de Novembre 1721 , des paroles,
de la Muſique , du Ballet , des Habits &
des Décorations de ce tems- là , avec une
Deſcription particuliere de celle du Palais
du Soleil.
Dans cette repriſe les habits ſont très
magnifiques & très bien caracteriſés . Les
Balets,toujours compofés par le St Blondi,
font auffi ingénieux que variés.
Les principaux Danfeurs font les fieurs
Dumoulin , Dupré , Malterre & Laval ,
& la De Camargo en Egyptienne , termine
le Divertiffement du cinquième
Acte. Les principaux Rôles dans la Tragedie
de Lybie , de Theone & de Climene
font remplis par les Diles Antier , le
-Maure & Erremens ; ceux de Phaëton
d'Epaphus , de Protée & du Soleil fort
repréſentés par les fieurs Tribou , Chaſſe,
Dun & du Mas.
A l'égard des deux principales Décorations
dont nous avons à parler , celle
du fecond Acte repréfente une des Entrées
d'un Palais du Roy d'Egypte , d'ordre
Dorique. On y voit une grande Arcade
de chaque côté , aux côtez deſquelles
font deux Colonnes , dont l'entrecolonne
eft d'un Diametre & demi
felon l'ordre Dorique.
II. Vol. Après
DECEMBRE . 1730. 2937
Après les Arcades on voit un Veftibule
qui forme un quarré , fe reliant avec les
autres Colonnes . Ce Veftibule eft foutenu
par huit Colonnes , efpacées de 4
Diametres au milieu , & fur les côtez ,
d'un Diamétre & demi ; & fous le Veftibule
, de chaque côté , il y a deux autres
Arcades , comme les premieres , ayant
3 diametres de large , & 3 quarts de colonnes
& 8 diametres de haut.
Les Colonnes ont 2 pieds 3 pouces de
diametre ; elles pofent fur un Socle, font
canelées jufqu'au tiers , & font de marbre
d'Egypte , ainfi que la frife , les chapiteaux
, les bazes & les triglifles , faits en
confole , font de bronze , ainfi que le
refte des ornemens.
Ce Veftibule porte une grande Terraſſe
avec une Balustrade , qui fuppofe après
l'efcalier , conduire dans le reste du Palais
; & à travers le Veftibule , on voit
une continuation d'Arcades , portées
par des Colonnes qui ne fe voyent qu'obliquement.
L'habile Architecte fuppofe
par là y en avoir autant de l'autre côté
en fimetrie , & ce point de vûë qui eft
tres - pictorefque & tres- ingénieulement
imaginé , fait parfaitement l'effet qu'il
doit faire. L'air de grandeur & de noble
fimplicité de cette magnifique décoration
la font admirer par tous les Spectateurs
II. Vol.
inte-
Hij
2938 MERCURE DE FRANCE
intelligens. Elle eſt éclairée par une lumiere
douce qui donne le repos & le relief
convenable à toutes les parties. La
Perfpective & le Clair- obfcur y font employez
avec un art infini . On a remarqué,
Tans doute , que cette décoration fait un
parfait contraſte avec celle dont nous alfons
parler ; ce qui marque le génie &
l'habileté du fieur Servandoni , qui a fait
l'une & l'autre.
Le Palais du Soleil , au 4° Acte , eft tresélevé,
& ouvert en plufieurs endroits ; il
paroît à la vûë d'un vafte prodigieux par
la quantité des Colonnes & des Arcades
qui s'y trouvent , & qui fuppofent conduire
dans Pimmenfe étendue des nuages
qui paroiffent porter le Palais , & qui s'y
introduifent de toutes parts.
Le Thrône du Soleil eft placé au fond
d'une grande Galerie , ornée à droite &
à gauche d'une colonade d'ordre Compofite
, & entre les colonnes font de
grandes & magnifiques arcades .
Derriere le Thrône eft une Baluftrade
circulaire , à hauteur d'appui , au deffus
de laquelle ou voit plufieurs Divinitez
& grand nombre de Génies ; partie perfonnages
vivans , partie figures en relief,
imitant parfaitement le naturel.
Au delà de la Balustrade fe voyent
grandes Arcades , portées par des Co-
II.Vol
lonDECEMBRE
. 1730. 29 39
·
lonnes couplées , qui forment des ouvertures
pour
aller , par un plan de niveau
, derriere les colonnes de la Galerie,
& qui, font voir par la Perfpective un
magnifique Salon , formé par des Arcades
, foutenues par des Colonnes , de
même que la Galerie.
Vers le milieu de la Galerie , on commence
à monter au Thrône du Soleil ; on
y trouve une Baluftrade interrompuë au
milieu par trois marches , pour monter
fur un grand Palier , après lequel font
trois autres marches & un fecond Palier ,
par lequel on arrive par trois autres marches
circulaires au Thrône du Soleil. Ce
fecond Palier eft à niveau des bazes des
colonnes .
Toutes les colonnes font torfes , portées
par des piedeftaux compofez ; leurs chapiteaux
& entablemens font auffi compofez
pour placer les ornemens & les pierreries
dont ils font enrichis .
Le plafond de la Galerie eft en ceintre,
formé d'une colonne à l'autre , & enrichi
de feftons & autres ornemens . Entre
les travées font des ouvertures ovales
par où entrent les nuées , & aux bas côtez
du plafond , entre chaque colonne
il y a des médaillons , chacun reprefentant
quelque Attribut du Soleil .
>
Le Thrône eſt d'une forme prefque py.
II. Vol. Hij rami
2940 MERCURE DE FRANCE
ramidale & majeftueufe , il eft entouré
par derriere de rayons , formez avec du
tranfparent de gazes d'or , à travers lefquelles
on voit une lumiere fi vive & fi
brillante , que les yeux ont peine à en
foutenir l'éclat . Cette lumiere fort du
Thrône , & fe rependant de tous côtez ,
éclaire le Salon , la Galerie & tout le refte
de la Décoration , laquelle paroît fi chargée
d'or & de pierreries , de differentes
couleurs , comme Diamans , Rubis , Topafes
, Emeraudes , Perles , Lapis , &c.
qu'il eft impoffible d'imaginer quelque
chofe qui approche de fa richeſſe & de fa
fplendeur.
Ces Pierreries , qui font au nombre de
plus de 7000. & dont les plus petites
ont au moins un pouce & demi de diametre
, jettent à la lumiere un éclat & un
brillant prodigieux , tant par rapport à
leurs formes convexes , concaves & à facettes
, que par le grand poly & les cou
leurs tranfparentes qu'on leur a données.
Le public voit tous les jours avec beaucoup
de plaifir & de nouveaux applaudiffemens
, ce pompeux & refplandiffant
Spectacle , aujourd'hui le plus magnifique
de l'Europe ; le Roy qui a voulu
le voir, a témoigné publiquement en avoir
été tres fatisfait.
Le fieur Servandoni , Florentin , dont
II. Vol Dous
DECEMBRE. 1730. 2941
nous avons eu occaſion de parler tant de
fois , & dont nous avons donné des def
criptions des décorations qu'il a faites .
comme celle du Palais de Ninus , le Tem
ple de Minerve , les Champs élizées dans
Proferpine , la vafte Galerie dans Pyrrhus
la Calcade ou Torrent avec fluctuation ;
la chute du Nil , ou grande Cafcade ;
une Forêt , & c . & plufieurs autres Décorations
qui ont été generalement ap
plaudies & reconnues poffibles dans l'execation
réelle , felon les Regles de l'Architecture
. Il a fait auffi le Feu d'artifice
fur la Riviere,à l'occafion de la naiffance
de Monfeigneur le Dauphin ; les Plans &
Profils , pour bâtir l'Eglife des Grands
Auguftins ; pour un Arc de Triomphe à
la Porte de la Conference ; pour un nou
veau Théatre avec toutes fes dépendances
; le modele d'un Temple fait par
coupe de pierres , au nombre de plus de
fooo. toutes les parties le foutenant par
la coupe des pierres . Tous ces deffeins &
modeles qui lui ont été ordonnez par la
Cour , ont attiré chez lui grand nombre
de Seigneurs & de Curieux de diftinction,
qui l'ont honoré de leurs aplaudiffemens.
Il a fait encore au Château de Trenel
pour la Ducheffe d'Orleans plufieurs Ou
vrages que tous les Princes du Sang &
Seigneurs de la Cour ont vû avec une
finguliere fatisfaction .
Fermer
Résumé : L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Le 29 décembre, le roi assista à la représentation de l'opéra 'Phaéton', exécuté avec une grande perfection. À la fin du quatrième acte, un 'Pas de Trois' fut dansé par Blondi, Dumoulin le jeune et la dame Camargo. Le roi était accompagné des ducs de Charost, de la Roche-Foucault et d'Harcourt, tandis que les autres loges étaient occupées par divers seigneurs et officiers de la maison royale. L'opéra 'Phaéton' avait déjà été repris en novembre 1721, avec des descriptions détaillées des paroles, de la musique, du ballet, des habits et des décorations. Les habits étaient magnifiques et bien caractérisés. Les ballets, composés par Blondi, étaient ingénieux et variés. Les principaux danseurs incluaient Dumoulin, Dupré, Malterre, Laval et la dame Camargo, qui dansait le rôle d'une Égyptienne. Dans la tragédie de 'Lybie', les rôles principaux étaient interprétés par les dames Antier, le Maure et Erremens, et les sieurs Tribou, Chasse, Dun et du Mas. Les décorations étaient particulièrement remarquables. Le second acte représentait une entrée d'un palais du roi d'Égypte d'ordre dorique, avec des arcades et des colonnes en marbre d'Égypte, éclairées par une lumière douce. Le palais du Soleil, au quatrième acte, était très élevé et ouvert, avec de nombreuses colonnes et arcades. Le trône du Soleil, placé au fond d'une grande galerie, était entouré de colonnes composites et d'arcades magnifiques. La galerie menait à un salon formé par des arcades et des colonnes, avec un plafond en voûte enrichi de festons et d'ornements. Le trône avait une forme pyramidale et majestueuse, entouré de rayons transparents diffusant une lumière vive. La décoration était riche en or et en pierreries, au nombre de plus de 7000, jetant un éclat prodigieux. Le public applaudit ce spectacle magnifique, et le roi témoigna publiquement sa satisfaction. L'architecte Servandoni, Florentin, était reconnu pour ses nombreuses décorations applaudies et ses réalisations architecturales, telles que le feu d'artifice pour la naissance du Dauphin, les plans pour l'église des Grands Augustins, et divers ouvrages au château de Trianon pour la duchesse d'Orléans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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494
p. 2942
« Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...] »
Début :
Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...]
Mots clefs :
Comédie italienne
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texteReconnaissance textuelle : « Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...] »
Le 28 Décembre , le fieur Théveneau
Chanteur de la Comédie Italienne , depuis
plus de 12 ans , qui outre fes talens
pour la Mufique & le Chant , en a en-
Tore beaucoup pour la Déclamation &
l'action Théatrale , a été reçû dans cette
Troupe. On ne doute pas qu'il ne devienne
un tres bon fujet.
Chanteur de la Comédie Italienne , depuis
plus de 12 ans , qui outre fes talens
pour la Mufique & le Chant , en a en-
Tore beaucoup pour la Déclamation &
l'action Théatrale , a été reçû dans cette
Troupe. On ne doute pas qu'il ne devienne
un tres bon fujet.
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495
p. [1]-9
LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
Début :
Ayant donc pris quelque repos, [...]
Mots clefs :
Sieur de la Rapinière, Humour, Comédie, Troupe de théâtre , Ville du Mans, Mésaventures , Improvisation, Costumes , Représentation, Tumulte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
LE ROMAN COMIQUE,
CHAPITRE SECOND.
.
POEM E.
Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere:
ADIO Yant donc pris quelque repos ,
A Je vais vous dire en peu
de mots
Que le sieur de la Rapiniere ,
Etoit le Rieur ordinaire
De la bonne Ville du Mans ;
L'on trouve partout de ces gens ,
C'ef
2 MERCURE DE FRANCE.
1
C'est une race trés- fertile ,
Il n'est point de petite Ville ,
Qui n'ait son Rieur importun
Et Paris n'en a pas pour un ;
Souvent le nombre en est extrême`,
Dans chaque quartier , & moi-même ,
Si j'avois voulu , l'on sçait bien ,
Que je le serois dans le mien ,
Mais depuis trop long-tems je gronde ,
Contre les vanitez du monde ,
Et c'eft un fort vilain métier
2
D'être le Rieur d'un quartier.
Revenons à la Rapiniere ,
Qui pour mieux entrer en matiere ,
Reprit la conversation ,
Que les coups et l'émotion ,
Avoient d'abord interrompuë ,
Dans le beau milieu de la ruë
Et s'adressant au sieur Destin ,?
'
" Qui décrotoit son Brodequin ,
Lui conta mainte baliverne ,
Et demanda si la Caverne ,´
Monsieur de la Rancune et lui ,
Dont il vouloit être l'appui ,
Pouvoient composer une Troupe ,
Et s'ils avoient le vent en poupe ;
Notre Troupe , répondit- il ,
En fronçant un peu le sourcil ,
Vaut
JANVIER. 1731.
Vaut bien , sans outrer la louange
Et celle du Prince d'Orange,
Et celle du Duc d'Epernon .
Nous ne manquons pas
de renom
*
Nous déclamons tous avec grace ;
Mais , hélas ! par une disgrace
Qui nous est arrivée à Tours
Je m'en ressouviendrai toujours ,
Car la récolte étoit fertile ,
Dans cette grande et belle,Ville ,
Ou notre étourdi de Portier ,
A mis à mort un Fuzelier ,
De l'Intendant de la Province ,
Sçachant l'Ordonnance du Prince
Chacun s'est enfui tout ému
2
Le pied droit chaussé , l'autre nu ,
Dans un assez triste équipage ,
Comme vous voyez , j'en enrage ;
Les Fuzeliers de l'Intendant ,
A la Fleche en on fait autant ,,
Dit le sieur de la Rapiniere ,
Ventrebleu , dit la Tripotiere ,,
Ces gens me causent des transports .
Que le diable soit dans leurs corps ,
Qu'après mainte et mainte nazarde
Le feu S. Antoine les arde.
Ils méritent ce châtiment ;
Quel terrible dérangement }
97
Au
1
4
MERCURE DE FRANCE.
Aujourd'hui par leur perfidie,
Nous n'aurons point la Comedie ;
Ah ! tout cela ne seroit rien ,
Répond le vieux Comédien ,
Ma peine seroit moins fatale ,
Si j'avois la clef d'une Male,
Où sont la plupart des habits ;
Je serais vraiment bien d'avis ,
De ne pas rester inutile ,
Pour plaire à Messieurs de la Ville ,
Trois ou quatre jours sans faço n ,
Avant de gagner Alençon ,
Où notre Troupe doit se rendre.
Comme on ne devoit pas s'attendre
A cette réponse , aussi - tôt ,
Le sieur Lieutenant de Prévôt ,
Offrit
gayement à la Caverne ,
Robbe qui n'étoit pas moderne ,
Puisque sa femme et ses enfans ,
S'en servoient depuis quatorze ans ;
De son côté la Tripotiere ,
Qui cherchoit à se satisfaire ,
Dit que chez elle on avoit mis ,
gage deux ou trois habits ,
Fort propres pour la Mascarade ,
Que Destin et son Camarade ,
Pouvoient aisément s'en saisir,
Que cela lui feroit plaisir ;
En
Mais
JANVIER.
1731.
Mais quelqu'un de la Compagnie',
Ajoûta que la Comedie ,
Seroit tout d'un coup
aux abois ,
N'étant pour cet effet que
trois ;
Oh oh ! s'écria la Rancune ,
L'avanture est assez commune
Sur les leçons de mon Ayeul ,
Je joue une Piece moi seul ,
Je puis faire sans grande peine ,'
En même-temps le Roi , la Reine ,
Aussi-bien que l'Ambassadeur ;
Je sçai tous les Rôies par coeur
Par exemple dans une Scene ,
Qui doit commencer par la Reine ,
Je garde un moment le tacet ,
Après quoi je parle en faucet ;
Pour l'Ambassadeur je nazonne ,
En me tournant vers ma Couroe ,
Que je mets sur un Tabouret ;
Cependant admirez ce trait :
Pour le Roi , sans aucun cortege ,
Je prens ma Couronne et mon Siege ,
Et grossissant un peu ma voix ,
Je
MERCURE DE FRANCE.
Je parle avec beaucoup de poids ,
Mais qu'ainsi ne soit pour vous plaire ,
Nous voulons bien vous satisfaire
Par un plat de notre métier ;
Messieurs contentez le Chartier ,
Avant qu'il aille à l'Ecurie ,
Et payez notre Hôtellerie J
*
Fournissez à chacun l'habit ,
Et nous joueront avant la nuit ;
Sur ma parole on m'en doit croire ,
Ou bien ma foi nous allons boire ,
Chacun quatre coups seulement ,
Puis reposer tranquilement ;
Car nous n'avons point de l'année
Fait une si grande journée.
Un tel parti si bien conçu ,
Unanimement fut reçû ,
Et le diable de Rapiniere ,
Malicieux à l'ordinaire ,
Dit que sans chercher au taudis ,
Il falloit prendre les habits ,
De deux jeunes gens de la Ville ,
Que la chose étoit fort facile ,
Parce
JANVIER. 1731 .
>
Farce que ces deux jeunes gens ,
Dans le Tripot joüeroient long-temps;
Que la Caverne pourroit faire ,
Avec son habit ordinaire ,
Tel personnage qu'on voudroit ,
Que partout elle passeroit ,
Soit dans une Piece tragique ,
Soit dans une Piece comique ;
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait
Les Comédiens en effet ,
Vuiderent bien vîte une pinte ,
La mesure parut succinte ,
Et s'emparant desdits habits ,
Ils furent bien- tôt travestis ;
L'Assemblée étant fort grossie ,
Par la meilleure Bourgeoisie ,
Prit place dans un Galetas ,
Dont le plancher étoit très-bas ;
On leva d'abord un drap sale ,
D'une maniere originale ,
Et l'on vit sur un matelas ,
Le Destin qui paroissoit las ,
Le Corbillon de quelque Nonne ,
Lui servoit alors de Couronne ,
Il n'avoit pas de quoi choisir ,
Donc il faloit bien s'en servir ;
Se frotant les yeux et l'oreille ,
Comme un homme qui se réveille ,
's MERCURE DE FRANCE.
Il fit un peu le rencheri ,
Et sur un ton de Mondori ,
Parce qu'il étoit à la mode ,
Récita le Rôle d'Herode ,
Qui commence par ces cinq mots ,
Ombre qui troubles mon repos.
Il déclama d'un grand courage ;
Et l'emplâtre de son visage ,
N'empêcha pas qu'on ne vît bien ,
Qu'il étoit bon Comedien ;
La Caverne fit à merveille ,
L'on n'avoit point vû sa pareille ,
Et tout le monde l'approuva ,
Dans les Rôles qu'elle joua ,
De Mariane et de Salome ;
La Rancune n'étoit pas homme ,
A ne point plaire au Spectateur ,
Aussi parut-il bon Acteur ,
En montrant beaucoup de noblesse ,
Dans plusieurs Rôles de la Piece ,
On alloit tirer le Rideau
Ce n'étoit pas la le moins beau ,
Quand le diable , qui rien n'oublie ,
Fit finir cette Tragedie ,
Non-pas par la cruelle mort ,
De Mariane qu'on plaint fort
Ni par les desespoirs d'Hérode ;
Mais si le sieur Scaron ne brode ,
Y
Ce
JANVIER.
1731 .
Ce fut par mille coups complets ,
Du poing , des pieds , sans les soufflets
Par des juremens effroyables ,
Que n'auroient pas fait tous les diables
Dans une telle occasion ,
Et par une information ,
Que fit le sieur la Rapiniere ,
Fort expert en cette matiere ,
Et plus sçavant que .... mais ,
hola !
Notre Chapitre finit là.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée à Vernon.
La suite pour les Mercures suivans.
CHAPITRE SECOND.
.
POEM E.
Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere:
ADIO Yant donc pris quelque repos ,
A Je vais vous dire en peu
de mots
Que le sieur de la Rapiniere ,
Etoit le Rieur ordinaire
De la bonne Ville du Mans ;
L'on trouve partout de ces gens ,
C'ef
2 MERCURE DE FRANCE.
1
C'est une race trés- fertile ,
Il n'est point de petite Ville ,
Qui n'ait son Rieur importun
Et Paris n'en a pas pour un ;
Souvent le nombre en est extrême`,
Dans chaque quartier , & moi-même ,
Si j'avois voulu , l'on sçait bien ,
Que je le serois dans le mien ,
Mais depuis trop long-tems je gronde ,
Contre les vanitez du monde ,
Et c'eft un fort vilain métier
2
D'être le Rieur d'un quartier.
Revenons à la Rapiniere ,
Qui pour mieux entrer en matiere ,
Reprit la conversation ,
Que les coups et l'émotion ,
Avoient d'abord interrompuë ,
Dans le beau milieu de la ruë
Et s'adressant au sieur Destin ,?
'
" Qui décrotoit son Brodequin ,
Lui conta mainte baliverne ,
Et demanda si la Caverne ,´
Monsieur de la Rancune et lui ,
Dont il vouloit être l'appui ,
Pouvoient composer une Troupe ,
Et s'ils avoient le vent en poupe ;
Notre Troupe , répondit- il ,
En fronçant un peu le sourcil ,
Vaut
JANVIER. 1731.
Vaut bien , sans outrer la louange
Et celle du Prince d'Orange,
Et celle du Duc d'Epernon .
Nous ne manquons pas
de renom
*
Nous déclamons tous avec grace ;
Mais , hélas ! par une disgrace
Qui nous est arrivée à Tours
Je m'en ressouviendrai toujours ,
Car la récolte étoit fertile ,
Dans cette grande et belle,Ville ,
Ou notre étourdi de Portier ,
A mis à mort un Fuzelier ,
De l'Intendant de la Province ,
Sçachant l'Ordonnance du Prince
Chacun s'est enfui tout ému
2
Le pied droit chaussé , l'autre nu ,
Dans un assez triste équipage ,
Comme vous voyez , j'en enrage ;
Les Fuzeliers de l'Intendant ,
A la Fleche en on fait autant ,,
Dit le sieur de la Rapiniere ,
Ventrebleu , dit la Tripotiere ,,
Ces gens me causent des transports .
Que le diable soit dans leurs corps ,
Qu'après mainte et mainte nazarde
Le feu S. Antoine les arde.
Ils méritent ce châtiment ;
Quel terrible dérangement }
97
Au
1
4
MERCURE DE FRANCE.
Aujourd'hui par leur perfidie,
Nous n'aurons point la Comedie ;
Ah ! tout cela ne seroit rien ,
Répond le vieux Comédien ,
Ma peine seroit moins fatale ,
Si j'avois la clef d'une Male,
Où sont la plupart des habits ;
Je serais vraiment bien d'avis ,
De ne pas rester inutile ,
Pour plaire à Messieurs de la Ville ,
Trois ou quatre jours sans faço n ,
Avant de gagner Alençon ,
Où notre Troupe doit se rendre.
Comme on ne devoit pas s'attendre
A cette réponse , aussi - tôt ,
Le sieur Lieutenant de Prévôt ,
Offrit
gayement à la Caverne ,
Robbe qui n'étoit pas moderne ,
Puisque sa femme et ses enfans ,
S'en servoient depuis quatorze ans ;
De son côté la Tripotiere ,
Qui cherchoit à se satisfaire ,
Dit que chez elle on avoit mis ,
gage deux ou trois habits ,
Fort propres pour la Mascarade ,
Que Destin et son Camarade ,
Pouvoient aisément s'en saisir,
Que cela lui feroit plaisir ;
En
Mais
JANVIER.
1731.
Mais quelqu'un de la Compagnie',
Ajoûta que la Comedie ,
Seroit tout d'un coup
aux abois ,
N'étant pour cet effet que
trois ;
Oh oh ! s'écria la Rancune ,
L'avanture est assez commune
Sur les leçons de mon Ayeul ,
Je joue une Piece moi seul ,
Je puis faire sans grande peine ,'
En même-temps le Roi , la Reine ,
Aussi-bien que l'Ambassadeur ;
Je sçai tous les Rôies par coeur
Par exemple dans une Scene ,
Qui doit commencer par la Reine ,
Je garde un moment le tacet ,
Après quoi je parle en faucet ;
Pour l'Ambassadeur je nazonne ,
En me tournant vers ma Couroe ,
Que je mets sur un Tabouret ;
Cependant admirez ce trait :
Pour le Roi , sans aucun cortege ,
Je prens ma Couronne et mon Siege ,
Et grossissant un peu ma voix ,
Je
MERCURE DE FRANCE.
Je parle avec beaucoup de poids ,
Mais qu'ainsi ne soit pour vous plaire ,
Nous voulons bien vous satisfaire
Par un plat de notre métier ;
Messieurs contentez le Chartier ,
Avant qu'il aille à l'Ecurie ,
Et payez notre Hôtellerie J
*
Fournissez à chacun l'habit ,
Et nous joueront avant la nuit ;
Sur ma parole on m'en doit croire ,
Ou bien ma foi nous allons boire ,
Chacun quatre coups seulement ,
Puis reposer tranquilement ;
Car nous n'avons point de l'année
Fait une si grande journée.
Un tel parti si bien conçu ,
Unanimement fut reçû ,
Et le diable de Rapiniere ,
Malicieux à l'ordinaire ,
Dit que sans chercher au taudis ,
Il falloit prendre les habits ,
De deux jeunes gens de la Ville ,
Que la chose étoit fort facile ,
Parce
JANVIER. 1731 .
>
Farce que ces deux jeunes gens ,
Dans le Tripot joüeroient long-temps;
Que la Caverne pourroit faire ,
Avec son habit ordinaire ,
Tel personnage qu'on voudroit ,
Que partout elle passeroit ,
Soit dans une Piece tragique ,
Soit dans une Piece comique ;
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait
Les Comédiens en effet ,
Vuiderent bien vîte une pinte ,
La mesure parut succinte ,
Et s'emparant desdits habits ,
Ils furent bien- tôt travestis ;
L'Assemblée étant fort grossie ,
Par la meilleure Bourgeoisie ,
Prit place dans un Galetas ,
Dont le plancher étoit très-bas ;
On leva d'abord un drap sale ,
D'une maniere originale ,
Et l'on vit sur un matelas ,
Le Destin qui paroissoit las ,
Le Corbillon de quelque Nonne ,
Lui servoit alors de Couronne ,
Il n'avoit pas de quoi choisir ,
Donc il faloit bien s'en servir ;
Se frotant les yeux et l'oreille ,
Comme un homme qui se réveille ,
's MERCURE DE FRANCE.
Il fit un peu le rencheri ,
Et sur un ton de Mondori ,
Parce qu'il étoit à la mode ,
Récita le Rôle d'Herode ,
Qui commence par ces cinq mots ,
Ombre qui troubles mon repos.
Il déclama d'un grand courage ;
Et l'emplâtre de son visage ,
N'empêcha pas qu'on ne vît bien ,
Qu'il étoit bon Comedien ;
La Caverne fit à merveille ,
L'on n'avoit point vû sa pareille ,
Et tout le monde l'approuva ,
Dans les Rôles qu'elle joua ,
De Mariane et de Salome ;
La Rancune n'étoit pas homme ,
A ne point plaire au Spectateur ,
Aussi parut-il bon Acteur ,
En montrant beaucoup de noblesse ,
Dans plusieurs Rôles de la Piece ,
On alloit tirer le Rideau
Ce n'étoit pas la le moins beau ,
Quand le diable , qui rien n'oublie ,
Fit finir cette Tragedie ,
Non-pas par la cruelle mort ,
De Mariane qu'on plaint fort
Ni par les desespoirs d'Hérode ;
Mais si le sieur Scaron ne brode ,
Y
Ce
JANVIER.
1731 .
Ce fut par mille coups complets ,
Du poing , des pieds , sans les soufflets
Par des juremens effroyables ,
Que n'auroient pas fait tous les diables
Dans une telle occasion ,
Et par une information ,
Que fit le sieur la Rapiniere ,
Fort expert en cette matiere ,
Et plus sçavant que .... mais ,
hola !
Notre Chapitre finit là.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée à Vernon.
La suite pour les Mercures suivans.
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Résumé : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
Le texte extrait du 'Roman Comique' intitulé 'Quel homme étoit le Sieur de la Rapinière' présente le Sieur de la Rapinière comme le 'Rieur ordinaire' de la ville du Mans, une figure connue dans de nombreuses villes. Il fait partie d'une troupe de comédiens qui se retrouvent en difficulté après qu'un portier ait tué un Fuzelier à Tours, forçant les comédiens à fuir. La troupe, composée de la Rapinière, Destin, la Caverne, la Tripotiere et la Rancune, se trouve confrontée à un problème : ils manquent d'habits pour jouer. Ils décident alors d'emprunter les vêtements de deux jeunes gens de la ville pour se déguiser et monter une pièce devant une assemblée de bourgeois. La représentation commence, mais elle est interrompue par une bagarre déclenchée par le diable, mettant fin à la tragédie. Le chapitre se termine sans conclusion définitive, laissant la suite des événements à découvrir dans les prochains numéros du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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496
p. 35-48
LETTRE d'un Grammairien de Provence, sur le Bureau Tipographique.
Début :
Est-il licite de vous demander, Monsieur, pourquoi et comment [...]
Mots clefs :
Charlatans, Bureau typographique, Méthode vulgaire, Grammaire, Apprentissage, Scepticisme, Mémoire, Rigueur, Langues
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Grammairien de Provence, sur le Bureau Tipographique.
LETTRE d'un Grammairien de Provence
, fur le Bureau Tipographique.
E
St-il licite de vous demander , Monsieur
>
pourquoi et comment tant de
charlatans de la République des Lettres
sont écoutés à la Cour et à la Ville ? Votre
Mercure parle toujours de quelqu'un
de ces Messieurs ; divertissent- ils donc le
Public à ses dépens ? Jadis des fols et des
bouffons augmentoient le nombre des
domes
36 MERCURE DE FRANCE.
domestiques des grands Seigneurs , ensuite
par un meilleur goût , on préfera
les Menétriers , les Troubadours , les Baladins
et les Saltinbanques ; ne seroit- ce
point aujourd'hui le tour des Charlatans ?
il semble qu'ils soient devenus à la mode,
( car en France , comme vous sçavez ) la
mode est l'ame et le mobile presque de
tout , et on dit que Paris seul pourroit
fournir plus de troupes de Charlatans
que tout le Royaume ensemble.
·
Je ne vous parle point ici , Monsieur ,
des prétendus inventeurs de la Pierre.
Philosophale , de la Quadrature du Cercle
, du mouvement perpetuel , des longitudes
etc. je n'y prens aucun interêt ;
mais je vous avouë que je ne puis comprendre
comment des gens de Lettres
donnent dans de pareils travers , et comment
ils peuvent être non -seulement tolerés
et protegés, mais encore quelquefois
récompensés.
On dit que tous les jours vous êtes regalés
d'Affiches nouvelles qui annoncent
au Public des Phénomenes litteraires ;
par l'une on promer de mettre une femme
, une nourisse , un Suisse même , en
état de montrer à un François la Langue
Latine en peu de tems , par le secret ou
le moyen de quelques Monosillabes techniques
et de quelques signe sou herissons
hyeroglifiques.
Un
JANVIER. 1731. 37
Un autre Auteur donne les Sciences
dévoilées et le moyen d'apprendre le Latin
et les Sciences sans le secours d'aucun
Maître ; il donne l'art d'enseigner
le Latin aux petits enfans en les divertissant
, et sans qu'ils s'en apperçoivent :
ce même Auteur dit qu'il ne faut pas
plus de six mois pour apprendre le Latin
et faire son droit , six mois pour être en
état d'entrer dans un Seminaire
mois pour le Latin qui regarde la Medecine.
Je m'imagine qu'avec de tels secrets
on ne manque pas de faire rouler carosse
& c .
trois
Ce qui me revolte le plus en lisant votre
Mercure , c'est d'y trouver un de ces
Charlatans qui affecte de décrier les méthodes
des autres pour donner plus de
crédit à la sienne , et l'élever sur le débris
des autres. Il parle toujours d'un
rudiment pratique de bois , par le moyen
duquel il promet de mieux montrer que
les autres la silabisation , l'orthographe
et les rudimens de la Langue Latine . On
dit que ce Bureau pour un enfant de
deux à trois ans a plus d'une toise de
long , et si ce Bureau si nécessaire pour
l'instruction d'un enfant , croit à mesure
que l'écolier avance en âge , il lui
faudra cinq ou six toises avant que
l'enfant
en quitte l'usage ; à ce
compte là
C le
38 MERCURE DE FRANCE
les jeux de paume vont devenir prodigieusement
chers , car où placer ces machines
de bois à moins qu'on n'ait de
grandes Sales , ou des Galeries telles que
celles des Princes et des grands Seigneurs
une voye plus abregée , à mon avis , ce
seroit d'habiter une Bibliotheque. En atrendant
que je sçache bien la construction
de cette machine , je vous suplie de ne pas
me refuser les éclaircissemens que je vous
demande ; car il appert visiblement que
tet Auteur ignore lui-même ce qu'il veur
montrer aux autres .
Quelle plaisante route n'est- ce point
de faire pratiquer une fausse orthographe
qu'il appelle l'orthographe de l'oreille,
pour parvenir enfin à la veritable or
thographe des yeux ou de l'usage ? A quoi
bon ce détour ? Est-ce là cette simplicité
dont il se pique tant ? La méthode vulgaire
n'est- elle pas plus simple d'aller
droit à la veritable orthographe , sans
chercher les détours qu'indique ce rudiment
de bois car enfin c'est abuser de
la tolerance et de la liberté dont on jouit
dans la République des Lettres , que de
donner ainsi au Public une méthode bizarre
et embarassante sur le nom des lettres
, sur la sillabisation , sur l'ortographe
et sur le rudiment de la Langue Latine
, pendant que nous avons d'excellentes
JANVIER. 1731. 39
lentes méthodes sur chacune de ces parties.
Pourquoi les abandonne - t'on , et
pourquoi leur préferer le - sistême de la
chienne lettrée de la Foire , puisque selon
l'exposé de l'Auteur , un enfant travaille
à ce nouveau Bureau de la même
maniere que la chienne en question ; l'enfant
, à ce qu'on dit , prend dans son Bureau
les lettres dont il a besoin pour composer
un mot tout comme la chienne les
prend sur le pavé ou sur le plancher , et
les donne à son Maître,suivant l'ordre de
l'orthographe
, ainsi que l'enfant
les range
l'une après l'autre sur la table de son
Bureau ; et si l'un et l'autre fait est bien
constant , n'y auroit- il point quelque mistere
que nous ne sçaurions penetrer , et
qui n'est entendu que par ces nouveaux
maîtres et par leurs éleves ? Je me défie
extrêmement
de ces merveilles .
Quoiqu'à la rigueur , je ne doute nullement
qu'on ne puisse dresser un enfant
à ces sortes de jeux comme on dresse un
chien ou tout autre animal. Il me reste
toujours un scrupule dont je sens bien
que je ne guerirai que par ma propre experience
, ou par le témoignage de personnes
sensées , et sans prévention ; je
serois curieux , par exemple , de sçavoir
si un enfant dressé par cette nouvelle.
façon pourroit lire dans un Livre impricij
mé
MERCURE DE FRANCE
mé à Paris , et qu'il n'auroit jamais vû ?
ces faits une fois posés , je passe à ce
prétendu rudiment pratique , et je voudrois
sçavoir si ce rudiment de bois , futil
d'ébene , ou de quelqu'autre bois plus
précieux , apprendra à l'enfant les principes
de la Langue Latine suivis , observés
, et scrupuleusement pratiqués depuis
tant de siecles ? nos maîtres qui n'avoient
point ces moyens prestigieux , ne sontils
pas parvenus à un dégré de sçavoir
auquel nous avons bien de la peine à atteindre
, et finalement auquel tous ces
beaux esprits à rechercher ne parviendront
jamais ? Quoi ! nous aurons passé
bien des années à nous tourmenter pour
apprendre des choses que nous sentons
ne sçavoir pas encore bien dans un âge
avancé , et des enfans de quatre ou cinq
des Gouvernantes , des domestiques
apprendront en jouant ce qui nous a
couté tant de peines , tant de pleurs et
et de fatigues ? nous faudra- t'il remettre
à la Croix de pardieu , sous peine d'être
repris par des enfans ?
ans ,
Que je crains , Monsieur , qu'à force
de vouloir rendre les Sciences aisées , on
ne les rende trop communes , et qu'on
ne méprise les Sçavans par la facilité que
l'on aura à tout âge et en toute condition
de se mettre de niveau avec eux.
En
JANVIER. 1731. 41
En verité , Monsieur , on a bien peu d'é
gard pour des personnes qui ont vieilli
sur les livres , et qui se livrent avec tant
de zele à l'instruction de la jeunesse. On
se livre trop aisément à de nouveaux
venus qui nous ravissent nos droits par
des jeux et par des prestiges , car je ne
sçaurois nommer autrement ces inventions
phantastiques.
Despautere , Hannibal Quadret , le
P. Pomey et tant d'autres auront donc
travaillé inutilement pour la Jeunesse
si l'on suit d'autres routes que celles qu'ils
nous ont marquées. L'experience journaliere
nous apprend que la voye de la récitation
et d'apprendre par coeur est la
plus sure pour exercer la mémoire des
enfans ; nous voyons avec satisfaction que
des enfans sçavent à peine lire qu'ils
nous recitent sans faute leur Mufa , leur
Penelope , la femme d'Ulisse , leur Templum
, Pater, Fructus , Cornu , Dies , et
tous les Paradigmes des Rudimens , nous
voyons qu'ils retiennent avec un succès
égal toutes les concordances , les difficultes
sur la particule On , sur le Que relatif
ou particule , les quatre Questions de
lieu , celles de tems , les régimes des Verbes
Celo , rogo , doceo , moneo , posco , flagito
, ceux de refert et interest , des Verbes ,
piget , pudet , penitet , enfin tout ce qu'il,
Ciij y
42 MERCURE DE FRANCE
ya de plus épineux dans la Grammaire
et dans la Syntaxe , et après cela on viendra
nous débiter des préceptes qui sont
de vrais paradoxes , pour ne rien dire
de plus , ceux qui les débitent seront
crus , seront suivis , tandis que l'on rira
de nos raisonnemens et que nos Ecoles
seront desertes : Que deviendra le fruit
de nos veilles et de nos travaux ? Permettez
-moi , Monsieur , de m'écrier ici avec
un Ancien : 0 tempora ! ô mores !
Avant que de finir ma Lettre
, agréez
,
Monsieur
, que je vous demande
un éclaircissement
sur le titre ridicule
que cet Au-
`teur
avoit
dabord
donné
à sa nouvelle
méthode
, l'A , B , C de Candiac
; ce titre
porte
bien
avec
lui un caractere
de
vision
; car ou ce Candiac
est un nom
propre
de Ville
, ou de personne
, quelque
ce puisse
être des deux
, je dis qu'il
est absurde
de vouloir
ériger
ses visions
en dogmes
litteraires
, au préjudice
de
la doctrine
reçuë
depuis
tant de tems
par
lés plus habiles
Maîtres
; et si cette
voye
a lieu il sera donc
permis
à chacun
de
donner
ses idées
au Public
comme
des
régles
infaillibles
. Je n'aurai
donc
qu'à
donner
må maniere
de montrer
à lire et
le Latin
sous le nom de l'A , B , C , ou
du rudiment
de Ventabrén
, un autre
donnera
la Grammaire
d'Auron
, et quelqu'autre
1
JANVIER. 1731. 43
qu'autre aussi la Sintaxe de Vitrole ; tour
le monde doit sentir les inconveniens d'un
tel abus et le ridicule de pareilles maximes.
Cette reflexion m'en fait naître une
autre que je ne dois pas obmettre , vous
jugerez de sa valeur . Toute personne qui
n'est point née à Paris ou à Blois a mauvaise
grace de vouloir donner des regles
d'orthographe françoise , et qui ne possede
pas le Grec et le Latin ne peut écrire
correctement et suivant l'étimologie des
mots françois qui dérivent de ces deux
Langues. Laissons donc à nos Professeurs
des Universités du Royaume , et sur tout
à ceux de notre Capitale , le soin de nous
donner des regles pour la prononciation
et pour l'orthographe françoise ; nourris
depuis leur enfance dans les Langues oríginales
, ils sçavent mieux que tout au
tre la vraye source du françois , ils en
sçavent mieux la prononciation , ils ont
vieilli dans l'étude du Grec et du Latin .
Plus j'y pense , plus je suis frappé de
la singularité du titre de ce nouveau sistême
, l'A , B , C de Candiac , la Biblio
theque des enfans ; un livre ne sçauroit
être une Bibliotheque , car une Bibliotheque
est une grande chambre , ou appartement
où l'on met des livres de touté
de tout genre ; or un Livre sur
C iiij
espece ,
l'a
4 MERCURE DE FRANCE
l'a , b , c , pour des enfans ne sçauroit
composer une Bibliotheque. Ce titre me
fait ressouvenir d'une Epigramme du fameux
Owen , le Martial Anglois , contre.
un certain Rider , Auteur d'un Lexicon
qu'il avoit donné au Public sous le titre
de Bibliotheque ; ne pourroit on pas en
faire une application à ce nouveau sistême
? La voici :
Quid sibi ridendi vult Bibliotheca , Rideri
Unus enim non est Bibliotheca liber ;
Verborum cum theca fit hac , non theca Librorum
,
Lexicon hoc dici , Dictio theca potest.
Un Livre seul est- il une Bibliotheque
Ma foi , Rider , cette pensée est Grecque ;
Tu ne me comprens pas ; voici donc mes raisons;
Ton Livre tout au plus est de mots un repaire ;.
Une aire au plus de Dictions ;
Nommons-le donc Dictionnaire .
Ce Bureau à niches de bois peut encore
moins passer pour une Bibliotheque
puisqu'on n'y doit mettre que des verbes
, des noms substantifs , des adjectifs ,
des indéclinables ; et ces niches continssent-
elles tous les substantifs imaginables ,
ne donneront jamais à un enfant la connoissance
de la nature du substantif , de
l'adjectif, du verbe &c.
Ca
JANVIER. 1731 45
Ce Bureau , ce Colombier , puisque
Colombier y a , ne rendra jamais un enfant
imperturbable sur les déclinaisons ,
les conjugaisons et les genres , sur les concordances
, car si , par exemple , je viens à
lui demander de quel genre est pileus
sçaura t'il me le dire ? et s'il le dit , sera:
t'il en état de répondre au da regulam ?
ce sera là pour lui un langage inconnu
son Bureau ne pouvant lui fournir cette:
maxime si courte , si usitée dans nos Ecoles
, et qui est le fruit des veilles du co…
riphée des Grammairiens.
Omne viro soli quod convenit esto virile .
Mais sans entrer dans ce détail qui
mettroit en déroute ces nouveaux Maîtres
, et leur Bureau en éclats , je me
borne à un raisonnement que peu de
personnes sont en état de faire , parceque
peu de gens prennent un aussi grand
interêt à ces sortes de matieres.
Tout ce qu'un enfant instruit par cette
méthode acquerra de connoissance de la
Langue Latine , de la Grammaire et de
la Syntaxe, ne sera qu'une mémoire locale:
artificielle et méchanique du substantif ,
de l'adjectif et de toutes les parties d'o
raison ; mais il n'aura jamais ce qu'on
appelle la mémoire spirituelle et métaphisique
de ce que ces mots signifient..
Cv Car
46 MERCURE DE FRANCE
Car enfin , lors qu'on lui aura ôté son
Bureau , ses logettes , et qu'on lui demandera
ce que c'est qu'un substantif , un
adjectif , un Verbe &c. il sera entierement
dérouté , et manquant de l'outil
ou de l'instrument qui lui donnoit ce
dont il avoit besoin , il ne sçaura que
devenir. Mais quelle difference à l'égard
d'un enfant instruit par l'ingénieuse méthode
du Rudiment ? avec son Quadret ,
et sans son Quadret , avec son Despautere
, ou sans son Despautere , il répondra
positivement , et ad rem , sur tout ce
qu'on pourra lui demander , parce qu'il
sçaura que ces définitions sont dans ces
Livres , qu'on les lui a expliquées , qu'il
les a apprises par coeur , et vous les recitera
même sans faute , sa mémoire qu'on
a cultivée avec tant de soin ne sçauroit
lui manquer dans une pareille occasion.
C'est , au reste , se tromper lourdement
et donner dans une erreur manifeste , de
croire qu'il faille cultiver autre chose que
la mémoire dans les enfans ; c'est là tout
leur fonds , leur ame , leur esprit n'est
point encore assez formé pour pouvoir
faire toutes les opérations qui conduisent
à l'intelligence . Donnez leur donc beaucoup
de mots beaucoup de termes à
apprendre par coeur , faites les leur recizer
souvent , et vous en ferez des prodi-
>
ga
JANVIER. 1731. 47
ges . On perdra son tems et sa peine quand
on voudra leur donner l'intelligence des
définitions , leur en faire comprendre le
sens ; le tems de les entendre viendra
toujours assez tôt , ne vint-il qu'à l'âge
de quinze ou vingt ans , et c'est justement
alors que leur esprit formé commence
à sentir la valeur des termes qu'ils
ont appris avant ce tems là , et que leur
mémoire conserve comme en depôt ; car
ce n'est que la mémoire qui nous rend
sçavans , et nous fait paroître tels . Autant
que je puis m'en ressouvenir un Ancien
Fa dit avant moi nous ne sommes sçavans
qu'autant que nous avons de la mémoire.
Que ces Tipographistes me font de compassion
, et que je plains les personnes
qui ont à essuyer leurs visions ! Tenonsnous-
en à nos anciennes maximes ; sui
vons les traces qu'on nous a frayées , et
marchons par la voye qu'ils nous ont
indiquée , dussions nous ne jamais arteindre
au but où nous tendons. Et quoique
puisse dire' Seneque , les hommes font
toujours bien de suivre la foule : errer
avec de grands Maîtres , c'est suivre la
bonne tou
, et j'ose le dire , c'e
jours ou presque toujours errer , que
suivre de nouvelles routes . En attendant
C vj
de
l'hort
48 MERCURE DE FRANCE
l'honneur de votre Réponse , j'ai celui
d'être &c.
A Ventabrén , ce 2. Octobre 1730 .
, fur le Bureau Tipographique.
E
St-il licite de vous demander , Monsieur
>
pourquoi et comment tant de
charlatans de la République des Lettres
sont écoutés à la Cour et à la Ville ? Votre
Mercure parle toujours de quelqu'un
de ces Messieurs ; divertissent- ils donc le
Public à ses dépens ? Jadis des fols et des
bouffons augmentoient le nombre des
domes
36 MERCURE DE FRANCE.
domestiques des grands Seigneurs , ensuite
par un meilleur goût , on préfera
les Menétriers , les Troubadours , les Baladins
et les Saltinbanques ; ne seroit- ce
point aujourd'hui le tour des Charlatans ?
il semble qu'ils soient devenus à la mode,
( car en France , comme vous sçavez ) la
mode est l'ame et le mobile presque de
tout , et on dit que Paris seul pourroit
fournir plus de troupes de Charlatans
que tout le Royaume ensemble.
·
Je ne vous parle point ici , Monsieur ,
des prétendus inventeurs de la Pierre.
Philosophale , de la Quadrature du Cercle
, du mouvement perpetuel , des longitudes
etc. je n'y prens aucun interêt ;
mais je vous avouë que je ne puis comprendre
comment des gens de Lettres
donnent dans de pareils travers , et comment
ils peuvent être non -seulement tolerés
et protegés, mais encore quelquefois
récompensés.
On dit que tous les jours vous êtes regalés
d'Affiches nouvelles qui annoncent
au Public des Phénomenes litteraires ;
par l'une on promer de mettre une femme
, une nourisse , un Suisse même , en
état de montrer à un François la Langue
Latine en peu de tems , par le secret ou
le moyen de quelques Monosillabes techniques
et de quelques signe sou herissons
hyeroglifiques.
Un
JANVIER. 1731. 37
Un autre Auteur donne les Sciences
dévoilées et le moyen d'apprendre le Latin
et les Sciences sans le secours d'aucun
Maître ; il donne l'art d'enseigner
le Latin aux petits enfans en les divertissant
, et sans qu'ils s'en apperçoivent :
ce même Auteur dit qu'il ne faut pas
plus de six mois pour apprendre le Latin
et faire son droit , six mois pour être en
état d'entrer dans un Seminaire
mois pour le Latin qui regarde la Medecine.
Je m'imagine qu'avec de tels secrets
on ne manque pas de faire rouler carosse
& c .
trois
Ce qui me revolte le plus en lisant votre
Mercure , c'est d'y trouver un de ces
Charlatans qui affecte de décrier les méthodes
des autres pour donner plus de
crédit à la sienne , et l'élever sur le débris
des autres. Il parle toujours d'un
rudiment pratique de bois , par le moyen
duquel il promet de mieux montrer que
les autres la silabisation , l'orthographe
et les rudimens de la Langue Latine . On
dit que ce Bureau pour un enfant de
deux à trois ans a plus d'une toise de
long , et si ce Bureau si nécessaire pour
l'instruction d'un enfant , croit à mesure
que l'écolier avance en âge , il lui
faudra cinq ou six toises avant que
l'enfant
en quitte l'usage ; à ce
compte là
C le
38 MERCURE DE FRANCE
les jeux de paume vont devenir prodigieusement
chers , car où placer ces machines
de bois à moins qu'on n'ait de
grandes Sales , ou des Galeries telles que
celles des Princes et des grands Seigneurs
une voye plus abregée , à mon avis , ce
seroit d'habiter une Bibliotheque. En atrendant
que je sçache bien la construction
de cette machine , je vous suplie de ne pas
me refuser les éclaircissemens que je vous
demande ; car il appert visiblement que
tet Auteur ignore lui-même ce qu'il veur
montrer aux autres .
Quelle plaisante route n'est- ce point
de faire pratiquer une fausse orthographe
qu'il appelle l'orthographe de l'oreille,
pour parvenir enfin à la veritable or
thographe des yeux ou de l'usage ? A quoi
bon ce détour ? Est-ce là cette simplicité
dont il se pique tant ? La méthode vulgaire
n'est- elle pas plus simple d'aller
droit à la veritable orthographe , sans
chercher les détours qu'indique ce rudiment
de bois car enfin c'est abuser de
la tolerance et de la liberté dont on jouit
dans la République des Lettres , que de
donner ainsi au Public une méthode bizarre
et embarassante sur le nom des lettres
, sur la sillabisation , sur l'ortographe
et sur le rudiment de la Langue Latine
, pendant que nous avons d'excellentes
JANVIER. 1731. 39
lentes méthodes sur chacune de ces parties.
Pourquoi les abandonne - t'on , et
pourquoi leur préferer le - sistême de la
chienne lettrée de la Foire , puisque selon
l'exposé de l'Auteur , un enfant travaille
à ce nouveau Bureau de la même
maniere que la chienne en question ; l'enfant
, à ce qu'on dit , prend dans son Bureau
les lettres dont il a besoin pour composer
un mot tout comme la chienne les
prend sur le pavé ou sur le plancher , et
les donne à son Maître,suivant l'ordre de
l'orthographe
, ainsi que l'enfant
les range
l'une après l'autre sur la table de son
Bureau ; et si l'un et l'autre fait est bien
constant , n'y auroit- il point quelque mistere
que nous ne sçaurions penetrer , et
qui n'est entendu que par ces nouveaux
maîtres et par leurs éleves ? Je me défie
extrêmement
de ces merveilles .
Quoiqu'à la rigueur , je ne doute nullement
qu'on ne puisse dresser un enfant
à ces sortes de jeux comme on dresse un
chien ou tout autre animal. Il me reste
toujours un scrupule dont je sens bien
que je ne guerirai que par ma propre experience
, ou par le témoignage de personnes
sensées , et sans prévention ; je
serois curieux , par exemple , de sçavoir
si un enfant dressé par cette nouvelle.
façon pourroit lire dans un Livre impricij
mé
MERCURE DE FRANCE
mé à Paris , et qu'il n'auroit jamais vû ?
ces faits une fois posés , je passe à ce
prétendu rudiment pratique , et je voudrois
sçavoir si ce rudiment de bois , futil
d'ébene , ou de quelqu'autre bois plus
précieux , apprendra à l'enfant les principes
de la Langue Latine suivis , observés
, et scrupuleusement pratiqués depuis
tant de siecles ? nos maîtres qui n'avoient
point ces moyens prestigieux , ne sontils
pas parvenus à un dégré de sçavoir
auquel nous avons bien de la peine à atteindre
, et finalement auquel tous ces
beaux esprits à rechercher ne parviendront
jamais ? Quoi ! nous aurons passé
bien des années à nous tourmenter pour
apprendre des choses que nous sentons
ne sçavoir pas encore bien dans un âge
avancé , et des enfans de quatre ou cinq
des Gouvernantes , des domestiques
apprendront en jouant ce qui nous a
couté tant de peines , tant de pleurs et
et de fatigues ? nous faudra- t'il remettre
à la Croix de pardieu , sous peine d'être
repris par des enfans ?
ans ,
Que je crains , Monsieur , qu'à force
de vouloir rendre les Sciences aisées , on
ne les rende trop communes , et qu'on
ne méprise les Sçavans par la facilité que
l'on aura à tout âge et en toute condition
de se mettre de niveau avec eux.
En
JANVIER. 1731. 41
En verité , Monsieur , on a bien peu d'é
gard pour des personnes qui ont vieilli
sur les livres , et qui se livrent avec tant
de zele à l'instruction de la jeunesse. On
se livre trop aisément à de nouveaux
venus qui nous ravissent nos droits par
des jeux et par des prestiges , car je ne
sçaurois nommer autrement ces inventions
phantastiques.
Despautere , Hannibal Quadret , le
P. Pomey et tant d'autres auront donc
travaillé inutilement pour la Jeunesse
si l'on suit d'autres routes que celles qu'ils
nous ont marquées. L'experience journaliere
nous apprend que la voye de la récitation
et d'apprendre par coeur est la
plus sure pour exercer la mémoire des
enfans ; nous voyons avec satisfaction que
des enfans sçavent à peine lire qu'ils
nous recitent sans faute leur Mufa , leur
Penelope , la femme d'Ulisse , leur Templum
, Pater, Fructus , Cornu , Dies , et
tous les Paradigmes des Rudimens , nous
voyons qu'ils retiennent avec un succès
égal toutes les concordances , les difficultes
sur la particule On , sur le Que relatif
ou particule , les quatre Questions de
lieu , celles de tems , les régimes des Verbes
Celo , rogo , doceo , moneo , posco , flagito
, ceux de refert et interest , des Verbes ,
piget , pudet , penitet , enfin tout ce qu'il,
Ciij y
42 MERCURE DE FRANCE
ya de plus épineux dans la Grammaire
et dans la Syntaxe , et après cela on viendra
nous débiter des préceptes qui sont
de vrais paradoxes , pour ne rien dire
de plus , ceux qui les débitent seront
crus , seront suivis , tandis que l'on rira
de nos raisonnemens et que nos Ecoles
seront desertes : Que deviendra le fruit
de nos veilles et de nos travaux ? Permettez
-moi , Monsieur , de m'écrier ici avec
un Ancien : 0 tempora ! ô mores !
Avant que de finir ma Lettre
, agréez
,
Monsieur
, que je vous demande
un éclaircissement
sur le titre ridicule
que cet Au-
`teur
avoit
dabord
donné
à sa nouvelle
méthode
, l'A , B , C de Candiac
; ce titre
porte
bien
avec
lui un caractere
de
vision
; car ou ce Candiac
est un nom
propre
de Ville
, ou de personne
, quelque
ce puisse
être des deux
, je dis qu'il
est absurde
de vouloir
ériger
ses visions
en dogmes
litteraires
, au préjudice
de
la doctrine
reçuë
depuis
tant de tems
par
lés plus habiles
Maîtres
; et si cette
voye
a lieu il sera donc
permis
à chacun
de
donner
ses idées
au Public
comme
des
régles
infaillibles
. Je n'aurai
donc
qu'à
donner
må maniere
de montrer
à lire et
le Latin
sous le nom de l'A , B , C , ou
du rudiment
de Ventabrén
, un autre
donnera
la Grammaire
d'Auron
, et quelqu'autre
1
JANVIER. 1731. 43
qu'autre aussi la Sintaxe de Vitrole ; tour
le monde doit sentir les inconveniens d'un
tel abus et le ridicule de pareilles maximes.
Cette reflexion m'en fait naître une
autre que je ne dois pas obmettre , vous
jugerez de sa valeur . Toute personne qui
n'est point née à Paris ou à Blois a mauvaise
grace de vouloir donner des regles
d'orthographe françoise , et qui ne possede
pas le Grec et le Latin ne peut écrire
correctement et suivant l'étimologie des
mots françois qui dérivent de ces deux
Langues. Laissons donc à nos Professeurs
des Universités du Royaume , et sur tout
à ceux de notre Capitale , le soin de nous
donner des regles pour la prononciation
et pour l'orthographe françoise ; nourris
depuis leur enfance dans les Langues oríginales
, ils sçavent mieux que tout au
tre la vraye source du françois , ils en
sçavent mieux la prononciation , ils ont
vieilli dans l'étude du Grec et du Latin .
Plus j'y pense , plus je suis frappé de
la singularité du titre de ce nouveau sistême
, l'A , B , C de Candiac , la Biblio
theque des enfans ; un livre ne sçauroit
être une Bibliotheque , car une Bibliotheque
est une grande chambre , ou appartement
où l'on met des livres de touté
de tout genre ; or un Livre sur
C iiij
espece ,
l'a
4 MERCURE DE FRANCE
l'a , b , c , pour des enfans ne sçauroit
composer une Bibliotheque. Ce titre me
fait ressouvenir d'une Epigramme du fameux
Owen , le Martial Anglois , contre.
un certain Rider , Auteur d'un Lexicon
qu'il avoit donné au Public sous le titre
de Bibliotheque ; ne pourroit on pas en
faire une application à ce nouveau sistême
? La voici :
Quid sibi ridendi vult Bibliotheca , Rideri
Unus enim non est Bibliotheca liber ;
Verborum cum theca fit hac , non theca Librorum
,
Lexicon hoc dici , Dictio theca potest.
Un Livre seul est- il une Bibliotheque
Ma foi , Rider , cette pensée est Grecque ;
Tu ne me comprens pas ; voici donc mes raisons;
Ton Livre tout au plus est de mots un repaire ;.
Une aire au plus de Dictions ;
Nommons-le donc Dictionnaire .
Ce Bureau à niches de bois peut encore
moins passer pour une Bibliotheque
puisqu'on n'y doit mettre que des verbes
, des noms substantifs , des adjectifs ,
des indéclinables ; et ces niches continssent-
elles tous les substantifs imaginables ,
ne donneront jamais à un enfant la connoissance
de la nature du substantif , de
l'adjectif, du verbe &c.
Ca
JANVIER. 1731 45
Ce Bureau , ce Colombier , puisque
Colombier y a , ne rendra jamais un enfant
imperturbable sur les déclinaisons ,
les conjugaisons et les genres , sur les concordances
, car si , par exemple , je viens à
lui demander de quel genre est pileus
sçaura t'il me le dire ? et s'il le dit , sera:
t'il en état de répondre au da regulam ?
ce sera là pour lui un langage inconnu
son Bureau ne pouvant lui fournir cette:
maxime si courte , si usitée dans nos Ecoles
, et qui est le fruit des veilles du co…
riphée des Grammairiens.
Omne viro soli quod convenit esto virile .
Mais sans entrer dans ce détail qui
mettroit en déroute ces nouveaux Maîtres
, et leur Bureau en éclats , je me
borne à un raisonnement que peu de
personnes sont en état de faire , parceque
peu de gens prennent un aussi grand
interêt à ces sortes de matieres.
Tout ce qu'un enfant instruit par cette
méthode acquerra de connoissance de la
Langue Latine , de la Grammaire et de
la Syntaxe, ne sera qu'une mémoire locale:
artificielle et méchanique du substantif ,
de l'adjectif et de toutes les parties d'o
raison ; mais il n'aura jamais ce qu'on
appelle la mémoire spirituelle et métaphisique
de ce que ces mots signifient..
Cv Car
46 MERCURE DE FRANCE
Car enfin , lors qu'on lui aura ôté son
Bureau , ses logettes , et qu'on lui demandera
ce que c'est qu'un substantif , un
adjectif , un Verbe &c. il sera entierement
dérouté , et manquant de l'outil
ou de l'instrument qui lui donnoit ce
dont il avoit besoin , il ne sçaura que
devenir. Mais quelle difference à l'égard
d'un enfant instruit par l'ingénieuse méthode
du Rudiment ? avec son Quadret ,
et sans son Quadret , avec son Despautere
, ou sans son Despautere , il répondra
positivement , et ad rem , sur tout ce
qu'on pourra lui demander , parce qu'il
sçaura que ces définitions sont dans ces
Livres , qu'on les lui a expliquées , qu'il
les a apprises par coeur , et vous les recitera
même sans faute , sa mémoire qu'on
a cultivée avec tant de soin ne sçauroit
lui manquer dans une pareille occasion.
C'est , au reste , se tromper lourdement
et donner dans une erreur manifeste , de
croire qu'il faille cultiver autre chose que
la mémoire dans les enfans ; c'est là tout
leur fonds , leur ame , leur esprit n'est
point encore assez formé pour pouvoir
faire toutes les opérations qui conduisent
à l'intelligence . Donnez leur donc beaucoup
de mots beaucoup de termes à
apprendre par coeur , faites les leur recizer
souvent , et vous en ferez des prodi-
>
ga
JANVIER. 1731. 47
ges . On perdra son tems et sa peine quand
on voudra leur donner l'intelligence des
définitions , leur en faire comprendre le
sens ; le tems de les entendre viendra
toujours assez tôt , ne vint-il qu'à l'âge
de quinze ou vingt ans , et c'est justement
alors que leur esprit formé commence
à sentir la valeur des termes qu'ils
ont appris avant ce tems là , et que leur
mémoire conserve comme en depôt ; car
ce n'est que la mémoire qui nous rend
sçavans , et nous fait paroître tels . Autant
que je puis m'en ressouvenir un Ancien
Fa dit avant moi nous ne sommes sçavans
qu'autant que nous avons de la mémoire.
Que ces Tipographistes me font de compassion
, et que je plains les personnes
qui ont à essuyer leurs visions ! Tenonsnous-
en à nos anciennes maximes ; sui
vons les traces qu'on nous a frayées , et
marchons par la voye qu'ils nous ont
indiquée , dussions nous ne jamais arteindre
au but où nous tendons. Et quoique
puisse dire' Seneque , les hommes font
toujours bien de suivre la foule : errer
avec de grands Maîtres , c'est suivre la
bonne tou
, et j'ose le dire , c'e
jours ou presque toujours errer , que
suivre de nouvelles routes . En attendant
C vj
de
l'hort
48 MERCURE DE FRANCE
l'honneur de votre Réponse , j'ai celui
d'être &c.
A Ventabrén , ce 2. Octobre 1730 .
Fermer
Résumé : LETTRE d'un Grammairien de Provence, sur le Bureau Tipographique.
Un grammairien de Provence critique la prolifération de charlatans dans la République des Lettres, notant qu'ils sont écoutés à la Cour et en ville. Il compare ces individus aux fous et bouffons d'antan, soulignant que la mode en France favorise leur ascension. Le grammairien exprime son incompréhension face à la tolérance et au soutien accordés à ces charlatans, qui promettent des méthodes révolutionnaires pour apprendre le latin et d'autres sciences. Il mentionne des affiches annonçant des méthodes rapides pour apprendre le latin, telles que l'utilisation de monosyllabes techniques et de signes hiéroglyphiques. Un auteur prétend enseigner le latin et les sciences sans maître, en divertissant les enfants. Un autre charlatan utilise un rudiment pratique de bois pour enseigner la syllabisation et l'orthographe, mais le grammairien trouve cette méthode absurde et inutile. Le grammairien déplore que ces méthodes soient préférées aux méthodes traditionnelles éprouvées. Il craint que la facilité d'accès aux connaissances ne dévalue les savants et leurs efforts. Il critique également le titre ridicule donné à une nouvelle méthode, 'l'A, B, C de Candiac', et compare cette méthode à un dictionnaire plutôt qu'à une bibliothèque. Le grammairien conclut que les connaissances acquises par ces méthodes ne seront que mécaniques et locales, sans véritable compréhension des concepts. Le texte oppose ensuite un enfant non instruit à un enfant formé par la méthode du 'Rudiment', utilisant des ouvrages comme le 'Quadret' et le 'Despautere'. L'enfant instruit peut répondre précisément aux questions grâce à sa mémoire bien cultivée, où il a appris par cœur les définitions expliquées dans ces livres. L'auteur affirme que se concentrer uniquement sur la mémoire est essentiel chez les enfants, car leur esprit n'est pas encore suffisamment développé pour comprendre les définitions. Il recommande d'apprendre beaucoup de mots et de termes par cœur et de les réciter souvent pour en faire des prodiges. Selon lui, essayer de donner aux enfants une compréhension des définitions est une perte de temps, car ils comprendront leur sens plus tard, vers quinze ou vingt ans. L'auteur exprime également sa compassion pour les imprimeurs qui propagent des idées nouvelles et préfère suivre les anciennes maximes et les traces des maîtres. Il conclut en soulignant que suivre la foule et les méthodes éprouvées est préférable à explorer de nouvelles voies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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497
p. 48-49
EPITRE A Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, sur son Idille des Hirondelles, inserée dans le premier Volume du Mercure de Decembre 1730.
Début :
N'Allez point vous fâcher de ce qu'un inconnu [...]
Mots clefs :
Épître, Mlle de Malcrais de la Vigne, Hirondelles, Idylle, Parnasse, Apollon
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE A Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, sur son Idille des Hirondelles, inserée dans le premier Volume du Mercure de Decembre 1730.
EPITRE
A Mile de Malcrais de la Vigne , du
Croisic en Bretagne , sur son Idille des
Hirondelles , inserée dans le premier Volume
du Mercure de Decembre 1730 .
N'Allez point vous facher de ce qu'un inconnu
Sans quelque aveu de vous ose ainsi vous écrire ,
Donnez - vous la peine de lire ,
Vous lui pardonnerez quand vous aurez tout lû..
On est zelé quand on estime ;
Clidamis vous l'apprit ; le dirai - je en passant >-
Votre Hirondelle nous l'apprend .
C'est par vous que l'amour avec la raison rime
Ah ! que l'on aime la raison
-
Quand ce Dieu lui fait sa leçon !
Mais je reviens bien vîte au motif qui m'anime
Il vous regarde de trop près.
Je crains qu'en ce moment sur vos jours on n'át→
tente ;
Votre Hirondelle , helas ! cette Idille charmante
Vous fait sur le Parnasse un terrible procés..
Vous
JANVIER. 1731. 49
Vous sçaurez qu'elle est parvenuë
En droite ligne au Mont facré ;.
Apollon après l'avoir luë
Aux doctes Soeurs a déclaré
Qu'il nommoit sa dixiéme Muse:
L'aimable & digne de Malcrais ;
C'est le plus juste des Arrêts ..
Chacune cependant est comme une „ Méduse ;;
On ne voit plus que des serpens
En place des lauriers qui leur ceignoient la tête ,
Et j'ai lû sur leurs fronts et dans leurs yeux ar
dens
Contre vous tout ce qui s'apprête.
La jalouse fureur porte par tout leurs pas ;
Une femme est alors capable de tout faire ;
Plus d'un Neftor l'a dit ; mais je ne le crois pas,
Quoiqu'il en soit , on doit prevenir leur colere :
L'avis est important ; voyez ce qu'il faut faire ; .
Mais s'il y falloit joindre & mon zele & mes
soins ,
De mon foible pouvoir je romprois la limite
Pour rendre vos yeux les témoins
Du cas que je fais du mérite.
Carrelet d'Hauteculle.
A Mile de Malcrais de la Vigne , du
Croisic en Bretagne , sur son Idille des
Hirondelles , inserée dans le premier Volume
du Mercure de Decembre 1730 .
N'Allez point vous facher de ce qu'un inconnu
Sans quelque aveu de vous ose ainsi vous écrire ,
Donnez - vous la peine de lire ,
Vous lui pardonnerez quand vous aurez tout lû..
On est zelé quand on estime ;
Clidamis vous l'apprit ; le dirai - je en passant >-
Votre Hirondelle nous l'apprend .
C'est par vous que l'amour avec la raison rime
Ah ! que l'on aime la raison
-
Quand ce Dieu lui fait sa leçon !
Mais je reviens bien vîte au motif qui m'anime
Il vous regarde de trop près.
Je crains qu'en ce moment sur vos jours on n'át→
tente ;
Votre Hirondelle , helas ! cette Idille charmante
Vous fait sur le Parnasse un terrible procés..
Vous
JANVIER. 1731. 49
Vous sçaurez qu'elle est parvenuë
En droite ligne au Mont facré ;.
Apollon après l'avoir luë
Aux doctes Soeurs a déclaré
Qu'il nommoit sa dixiéme Muse:
L'aimable & digne de Malcrais ;
C'est le plus juste des Arrêts ..
Chacune cependant est comme une „ Méduse ;;
On ne voit plus que des serpens
En place des lauriers qui leur ceignoient la tête ,
Et j'ai lû sur leurs fronts et dans leurs yeux ar
dens
Contre vous tout ce qui s'apprête.
La jalouse fureur porte par tout leurs pas ;
Une femme est alors capable de tout faire ;
Plus d'un Neftor l'a dit ; mais je ne le crois pas,
Quoiqu'il en soit , on doit prevenir leur colere :
L'avis est important ; voyez ce qu'il faut faire ; .
Mais s'il y falloit joindre & mon zele & mes
soins ,
De mon foible pouvoir je romprois la limite
Pour rendre vos yeux les témoins
Du cas que je fais du mérite.
Carrelet d'Hauteculle.
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Résumé : EPITRE A Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, sur son Idille des Hirondelles, inserée dans le premier Volume du Mercure de Decembre 1730.
L'épître est adressée à Mile de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, et traite de son œuvre 'Idille des Hirondelles' publiée dans le premier volume du Mercure de décembre 1730. L'auteur inconnu exprime son admiration pour le travail de Mile de Malcrais, soulignant l'harmonie entre l'amour et la raison. Il manifeste une inquiétude pour la sécurité de Mile de Malcrais, craignant des menaces en raison du succès de son œuvre. L'auteur rapporte que l''Idille des Hirondelles' a été acclamée par Apollon, qui l'a déclarée digne d'être sa dixième Muse, suscitant ainsi la jalousie des autres Muses. Comparées à Méduse, elles voient des serpents à la place de lauriers. L'auteur met en garde contre la fureur jalouse des femmes et offre son soutien pour protéger Mile de Malcrais. L'épître est datée de janvier 1731 et signée Carrelet d'Hauteculle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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498
p. 76-87
RÉPONSE à l'Esprit en if, de M. l'Abbé L*** inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730.
Début :
Parbleu ! vous faites l'apprentif, [...]
Mots clefs :
Satire, Critique, Inventif, Ironie, Grammaire, Style, Excessif
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à l'Esprit en if, de M. l'Abbé L*** inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730.
REPONSE à l'Epitre en If , de
M. l'Abbé L *** inserée dans le Mercure
du mois d'Août 1730 .
Parbleu Arbleu ! vous faites l'apprentif ,
Et vous montrez le plus chetif,
Malgré l'amusant narratif,
Et le parfait compositif ,
De votre versificatif !
Quoi ! sans aucun émulatif,
Et quittant tout ostentatif ,
Yous êtes annonciatif¸
Que votre renonciatif ,
Est causé par le défestif ,
Du litteraire plumitif ,
Qui n'ayant plus de munitif ,λ
De ces mots qui riment en If ,
Vous rend assez peu restrictif a
Et vous vous tenez inactif ,
Dans ce honteux limitatif?
Mais dans votre imaginatif ,
Ou si l'on veut intellectif ,
Vous n'avez donc pas d'argent vif
Le Dieu Phoebus inspiratif ,
Est donc sourd à tout rogatif
Et d'Hélicon le libatif ,
N'est
JANVIER.
77 1731.
N'est pas pour vous excitatif?
Sans quoi votre cerveau fictif,
Cedant à son operatif,
Auroit été plus inventif;
Et de bien des mots créatif
Dans ce même terminatif,
Dont par aisé cumulatif ,
Vous auriez fait un productif,
A notre gré prolongatif ,
Et de tout Lecteur adoptif.
Des Noms et Pronoms l'ablatif
Auffi bien que le genitif ,
Et des Verbes le gerondif ,
Sans oublier le fubjonctif ,
Et même tout nom possessif ,
Auroient par incorporatif ,
Beaucoup augmenté l'électif,,
De votre borné collectif.
En nous décrivant l'ornatif
Et l'arrangé décoratif ,
De ce repas saturatif,
Qui se trouvant appetitif ,
Vous rendit par trop repletif ,
Ce gros Prieur figuratif,
De son corps peu maceratif ,
"
Ains pour le repas propensif,
L'auroit rendu prorogatif ,
En faisant faire innovatif,
D'assiete , avec exhibitif,
D
D'um
48 MERCURE DE FNANCE
D'un plat garni d'un rôt de bif,
Délicieux et tentatif ,
Malgré le surérogatif ,
Dont son couteau très-incisif
Ayant fait un prompt dissectif,
Vous auriez eu le traditif
Avec pressant invitatif ,
Poussé jusques à l'injonctif ,
D'un morceau très - manducatif ,
Et d'appétit imitatif,
Le vin non falsificatif ,
Dans un sceau de glace immersif ,
Et dans votre verre effusif,
Frais et non réverberatif,
Eut été plus incitatif,
De boire par iteratif , 愿
Et vous cût rendu locutif,
Par forme de gratulatif.
Sur sa fraîcheur exclamatif.
Puis du dessert expectatif ,
Il falloit être informatif,
De quel Vignoble émanatif ,
Ce vin étoit transpositif ;
A combien par supputatif ,
Se montoit le rétributif ,
Du Prieural habitatif ,
S'il avoit un attributif ,
De quelque revenu censif ;
Que coutoit le réparatik ; -
Et
JANVIER.
79 1731.
1
Et de combien par exactif ,
Aux Décimes contributif ,
Il en souffroit le vexatif ,
Sous quel bon Saint invocatif ,
De son Clocher dominatif,
Il se trouvoit occupatif,
Et depuis quel tems obtentif;
Si dans l'Eglise un positif, *
Au maître Autel oppositif ,
Avoit un Jeu bien diversif,
Et de tous sons imitatif;
Si lors de son visitatif ,
Son jeune cheval impassif ,
Faisoit frequent évolutif ,
S'il avoit pas bien progressif.
Et de ce discours mutatif,
Vous l'auriez comme indignatif,
Vû faire le renovatif,
De fait au long explicatif ,
( Avec plus d'un imprécatif,
En terme non mitigatif , )
De certain procès dévictif ,
Qu'un Chicaneur supplicatif,
En Cour de Rome impétratif,
D'un Bref dont l'intitulatif,
Est celui de dévolutif,
Lui fit jadis comme intrusif,
* Petite Orgue posée au bas de la grande.
Par
80 MERCURE DE FRANCE
Par exploit interpellatif,
En haîne du révocatif ,
D'un sien accord permutatif ,
Et contre les Loix extorsif ;
Sur quoi par trop inattentif
Le Chicaneur machinatif ,
Surprit Jugement forclusif;
Mais que par un évocatif,
Suivi d'un examinatif ,
Et d'un très - exact révisif ,
De son droit verificatif ,
Il avoit le procuratif,
D'un bon Arrêt manutentif,
Et de frais adjudicatif,
Dont il étoit exultatif,
Et son Plaideur tribulatif;
Que pourtant fort inclinatif ,
A prévenir tout discussif ,
Et d'âge non retrogressif,
Il formoit le méditatif”,
De faire son résignatif ,
Avec un sur moderatif,
Irritament stipulatif,
Et dans l'Acte même insertif,,
D'une pension rétentif ,
Revétu d'homologatif ,
Non sujet à rétractatif.
- Là , cessant le contemplatif ,
Et de son discours irruptif,.
Votre
JANVIER.
< 1731 .
Votre perçant lamentatif ,
L'auroit rendu stupefactif,
Et vraiment mortificatif ,
De ses fàcheux révolutif,
Vous voyant plaindre d'excessif ,
Et trop incommode oppressif,
D'un violent suffocatif
D'estomac extenuatif;
Qu'en Medecin transformatif,
Et toujours irrésolutif ,
Dans son avis vacillatif ,
Il eût traité d'opilatif,
Et même de vaporatif ,
Venant de ventre inflammatif.
Votre pouls moins élevatif ,
Votre coeur peu palpitatif ,
Eût fait son préoccupatif ;
Sans songer au fomentatif ,
Il eût proposé l'inflictif ,
D'un sanglant scarificatif ;
Et malgré votre déjectif ,
Selon vous , évacuatif ,
Vous auriez par intercessif,
Crainte d'aucun imputatif,
Avalé l'amer infusif ,
D'un gros de Séné transfusif ,
Violent et répercussif,
Avec Sel évaporatif,
Mineral
82 MERCURE DE FRANCE
Mineral et vegetatif,
Qu'il eût dit spécificatif,
Pour operer le digestif,
Par son effet dissolutif,
Et parfaitement abstersif.
Après ce premier purgatif,
Votre sang peu circulatif ,
Et devenu fermentatif ,
Auroit souffert l'introductif
Du remede carminatif ,
Et même du palliatif ;
Quoique du mal peu suppreffif,
Et presque toujours abusif ,
Pour n'être assez liberatif.
Enfin rendant le relatif ,
( A l'aide d'un suppositif ,
Un peu forcé , mais extensif. )
Pour le Lecteur désolatif,
Vous vous seriez , par disjonctif ,
De la terre en mer translatif ,
Embarqué près du Château- d'If , *
Dans un Vaisseau navigatif,
Dont un gros tems tempestatif ,
Ayant fait un rude implusif,
Sur un Rocher laceratif,
Vous auriez , peur du sumèrsif,
Sauté promptement dans l'esquif,
Au gré des eaux dérivatif,
Isle près de Marseille,
酥
JANVIER.
83 1731. Et de
tout secous privatif ,
Ne portant jamais Papefif , *
Et n'ayant besoin d'accoursif ;
Ou seul , et très - anxiatif ,
De mort prochaine appréhensif,
Au bon saint Nicolas votif ,
Et de tous Saints imploratif ,
Mécreant , après maint estrif,
Fer à la main décolatif,
Et très-souvent mutilatif,
Ayant Pair exterminatif ,
Et le geste verberatif,
Vous auroient pris comme furtif
Et comme espion putatif
De son fait dissimulatif,
Mis avec cordon coactif
Vos mains enserré conjonctif ,
Presque jusqu'au dislocatif ;
Et par l'effet consecutif,
Aussi l'on veut subsecutif,
D'un secret déliberatif ,
De votre sort définitif ,
Vous auroient sans exhortatif ,
Et differant votre occisif ,
Traîné dans leur Ville Eleatif.
Là vous auriez vû le Cherif ,
* Partie superieure de la grand Voile.
Passage de la Proie à la Poupe.
* Elcatif, Ville d'Arabie.
Qu'on
84 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on dit se nommer Ilgerif ,
Plus fier qu'en France aucun Baillif
L'oeil fixe et jamais conversif
Avec un air rebarbatif
Et le verbe haut et jussif ,
Sans le moindre salutatif,
Vous faire l'abord primitif,
( Ainsi qu'on traite un fugitif, )
Don cruel et numératif,
Sans aucun modificatif ,•
De cent coups d'un bâton massif
Qui des pieds est le destructif ,
Ensuite un interrogatif
Très- sec & très-instigatif,
Par quel veritable motif
Chez lui vous étiez adventif,
De quel Pays étiez natif,
De quel Peuple fréquentatif,
De quel pere generatif,
Et de quel nom appellatif,
Avec certain observatif,
Que fussiez surtout attentif
Dans tout votre déclaratif ,
A n'être du vrai corruptif ,
Mais bien très fidele instructif :
Qu'autrement très reprehensif,
Il feroit faire un erectif,
De votre col très - suspensif ,
Après quoi du corps divisif
Chaque
JANVIER.
85 1731.
Chaque membre séparatif
Occuperoit son locatif
Au bout d'un piquet plantatif .
Si mieux vous n'aimiez l'éversif
D'un plomb fondu plus que frictif ,
Ou qu'un grand brasier très- arsif,
De tout votre corps abstractif,
Fût de vos os calcinatif.
A ce barbare conclusif,
De l'un et l'autre alternatif,
Votre fang coagulatif
Vous eut causé le convulsif ;
Et n'étant rien moins qu'obstructif ,
Un subit et promt soustractif ,
Pour chaque nez très-offensif,
Tout autant qu'un suppuratif ,
Auroit par multiplicatif,
Gâté le purificatif
De votre linge deffensif.
Puis sur la fin constitutif,
Après un simple affirmatif,
De verité confirmatif ,
Vous auriez fait un responsif
Pour votre salut solutif ,
Et votre représentatif
N'ayant rien que de probatif,
Et pas aucun fait négatif ,
Nous aurions vû notre Cherif,
Devenu plus adulatif,
E Yous
8 % MERCURE DE FRANCE.
Vous faire communicatif ,
Ou plutôt gratificatif ,
Par forme de restauratif ,
D'un Sorbet bon et potatif,
Et nullement alteratif .
Dieu vous donne bon reversif ,
Et vous garde du suggestif ,
De tout heritier présomptif ,
Qui , sous un faux démonstratif.
N'aimant que votre successif ,
Et craignant le subrogatif ,
De tout Acte substitutif,
Voudroit avoir l'institutif,
Sans aucun mot dérogatif ,
D'un testament nuncupatif
Pour l'universel lucratif
De maint contract pignoratif.
Or sus , pour peu que processif
Soyez , ou bien vindicatif,
Vous me rendrez le respectif ,
Lequel ( sauf le restitutif )
J'attends en froid speculatif.
Auteur de ces Rimes en If ,
Soyez un peu mémoratif,
Que par avis iteratif,
On affranchit tout productif,
Au Mercure destinatif,
Sans
JANVIER. 1731
Sans quoi le plus bel inventif,
Sera mis au rebutatif.
Soyez aussi plus attentif ,
A ne broncher sur l'élisif ;
Cela rend le Vers bien chetif ,
Mais nous avons fait corrrectif.
M. l'Abbé L *** inserée dans le Mercure
du mois d'Août 1730 .
Parbleu Arbleu ! vous faites l'apprentif ,
Et vous montrez le plus chetif,
Malgré l'amusant narratif,
Et le parfait compositif ,
De votre versificatif !
Quoi ! sans aucun émulatif,
Et quittant tout ostentatif ,
Yous êtes annonciatif¸
Que votre renonciatif ,
Est causé par le défestif ,
Du litteraire plumitif ,
Qui n'ayant plus de munitif ,λ
De ces mots qui riment en If ,
Vous rend assez peu restrictif a
Et vous vous tenez inactif ,
Dans ce honteux limitatif?
Mais dans votre imaginatif ,
Ou si l'on veut intellectif ,
Vous n'avez donc pas d'argent vif
Le Dieu Phoebus inspiratif ,
Est donc sourd à tout rogatif
Et d'Hélicon le libatif ,
N'est
JANVIER.
77 1731.
N'est pas pour vous excitatif?
Sans quoi votre cerveau fictif,
Cedant à son operatif,
Auroit été plus inventif;
Et de bien des mots créatif
Dans ce même terminatif,
Dont par aisé cumulatif ,
Vous auriez fait un productif,
A notre gré prolongatif ,
Et de tout Lecteur adoptif.
Des Noms et Pronoms l'ablatif
Auffi bien que le genitif ,
Et des Verbes le gerondif ,
Sans oublier le fubjonctif ,
Et même tout nom possessif ,
Auroient par incorporatif ,
Beaucoup augmenté l'électif,,
De votre borné collectif.
En nous décrivant l'ornatif
Et l'arrangé décoratif ,
De ce repas saturatif,
Qui se trouvant appetitif ,
Vous rendit par trop repletif ,
Ce gros Prieur figuratif,
De son corps peu maceratif ,
"
Ains pour le repas propensif,
L'auroit rendu prorogatif ,
En faisant faire innovatif,
D'assiete , avec exhibitif,
D
D'um
48 MERCURE DE FNANCE
D'un plat garni d'un rôt de bif,
Délicieux et tentatif ,
Malgré le surérogatif ,
Dont son couteau très-incisif
Ayant fait un prompt dissectif,
Vous auriez eu le traditif
Avec pressant invitatif ,
Poussé jusques à l'injonctif ,
D'un morceau très - manducatif ,
Et d'appétit imitatif,
Le vin non falsificatif ,
Dans un sceau de glace immersif ,
Et dans votre verre effusif,
Frais et non réverberatif,
Eut été plus incitatif,
De boire par iteratif , 愿
Et vous cût rendu locutif,
Par forme de gratulatif.
Sur sa fraîcheur exclamatif.
Puis du dessert expectatif ,
Il falloit être informatif,
De quel Vignoble émanatif ,
Ce vin étoit transpositif ;
A combien par supputatif ,
Se montoit le rétributif ,
Du Prieural habitatif ,
S'il avoit un attributif ,
De quelque revenu censif ;
Que coutoit le réparatik ; -
Et
JANVIER.
79 1731.
1
Et de combien par exactif ,
Aux Décimes contributif ,
Il en souffroit le vexatif ,
Sous quel bon Saint invocatif ,
De son Clocher dominatif,
Il se trouvoit occupatif,
Et depuis quel tems obtentif;
Si dans l'Eglise un positif, *
Au maître Autel oppositif ,
Avoit un Jeu bien diversif,
Et de tous sons imitatif;
Si lors de son visitatif ,
Son jeune cheval impassif ,
Faisoit frequent évolutif ,
S'il avoit pas bien progressif.
Et de ce discours mutatif,
Vous l'auriez comme indignatif,
Vû faire le renovatif,
De fait au long explicatif ,
( Avec plus d'un imprécatif,
En terme non mitigatif , )
De certain procès dévictif ,
Qu'un Chicaneur supplicatif,
En Cour de Rome impétratif,
D'un Bref dont l'intitulatif,
Est celui de dévolutif,
Lui fit jadis comme intrusif,
* Petite Orgue posée au bas de la grande.
Par
80 MERCURE DE FRANCE
Par exploit interpellatif,
En haîne du révocatif ,
D'un sien accord permutatif ,
Et contre les Loix extorsif ;
Sur quoi par trop inattentif
Le Chicaneur machinatif ,
Surprit Jugement forclusif;
Mais que par un évocatif,
Suivi d'un examinatif ,
Et d'un très - exact révisif ,
De son droit verificatif ,
Il avoit le procuratif,
D'un bon Arrêt manutentif,
Et de frais adjudicatif,
Dont il étoit exultatif,
Et son Plaideur tribulatif;
Que pourtant fort inclinatif ,
A prévenir tout discussif ,
Et d'âge non retrogressif,
Il formoit le méditatif”,
De faire son résignatif ,
Avec un sur moderatif,
Irritament stipulatif,
Et dans l'Acte même insertif,,
D'une pension rétentif ,
Revétu d'homologatif ,
Non sujet à rétractatif.
- Là , cessant le contemplatif ,
Et de son discours irruptif,.
Votre
JANVIER.
< 1731 .
Votre perçant lamentatif ,
L'auroit rendu stupefactif,
Et vraiment mortificatif ,
De ses fàcheux révolutif,
Vous voyant plaindre d'excessif ,
Et trop incommode oppressif,
D'un violent suffocatif
D'estomac extenuatif;
Qu'en Medecin transformatif,
Et toujours irrésolutif ,
Dans son avis vacillatif ,
Il eût traité d'opilatif,
Et même de vaporatif ,
Venant de ventre inflammatif.
Votre pouls moins élevatif ,
Votre coeur peu palpitatif ,
Eût fait son préoccupatif ;
Sans songer au fomentatif ,
Il eût proposé l'inflictif ,
D'un sanglant scarificatif ;
Et malgré votre déjectif ,
Selon vous , évacuatif ,
Vous auriez par intercessif,
Crainte d'aucun imputatif,
Avalé l'amer infusif ,
D'un gros de Séné transfusif ,
Violent et répercussif,
Avec Sel évaporatif,
Mineral
82 MERCURE DE FRANCE
Mineral et vegetatif,
Qu'il eût dit spécificatif,
Pour operer le digestif,
Par son effet dissolutif,
Et parfaitement abstersif.
Après ce premier purgatif,
Votre sang peu circulatif ,
Et devenu fermentatif ,
Auroit souffert l'introductif
Du remede carminatif ,
Et même du palliatif ;
Quoique du mal peu suppreffif,
Et presque toujours abusif ,
Pour n'être assez liberatif.
Enfin rendant le relatif ,
( A l'aide d'un suppositif ,
Un peu forcé , mais extensif. )
Pour le Lecteur désolatif,
Vous vous seriez , par disjonctif ,
De la terre en mer translatif ,
Embarqué près du Château- d'If , *
Dans un Vaisseau navigatif,
Dont un gros tems tempestatif ,
Ayant fait un rude implusif,
Sur un Rocher laceratif,
Vous auriez , peur du sumèrsif,
Sauté promptement dans l'esquif,
Au gré des eaux dérivatif,
Isle près de Marseille,
酥
JANVIER.
83 1731. Et de
tout secous privatif ,
Ne portant jamais Papefif , *
Et n'ayant besoin d'accoursif ;
Ou seul , et très - anxiatif ,
De mort prochaine appréhensif,
Au bon saint Nicolas votif ,
Et de tous Saints imploratif ,
Mécreant , après maint estrif,
Fer à la main décolatif,
Et très-souvent mutilatif,
Ayant Pair exterminatif ,
Et le geste verberatif,
Vous auroient pris comme furtif
Et comme espion putatif
De son fait dissimulatif,
Mis avec cordon coactif
Vos mains enserré conjonctif ,
Presque jusqu'au dislocatif ;
Et par l'effet consecutif,
Aussi l'on veut subsecutif,
D'un secret déliberatif ,
De votre sort définitif ,
Vous auroient sans exhortatif ,
Et differant votre occisif ,
Traîné dans leur Ville Eleatif.
Là vous auriez vû le Cherif ,
* Partie superieure de la grand Voile.
Passage de la Proie à la Poupe.
* Elcatif, Ville d'Arabie.
Qu'on
84 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on dit se nommer Ilgerif ,
Plus fier qu'en France aucun Baillif
L'oeil fixe et jamais conversif
Avec un air rebarbatif
Et le verbe haut et jussif ,
Sans le moindre salutatif,
Vous faire l'abord primitif,
( Ainsi qu'on traite un fugitif, )
Don cruel et numératif,
Sans aucun modificatif ,•
De cent coups d'un bâton massif
Qui des pieds est le destructif ,
Ensuite un interrogatif
Très- sec & très-instigatif,
Par quel veritable motif
Chez lui vous étiez adventif,
De quel Pays étiez natif,
De quel Peuple fréquentatif,
De quel pere generatif,
Et de quel nom appellatif,
Avec certain observatif,
Que fussiez surtout attentif
Dans tout votre déclaratif ,
A n'être du vrai corruptif ,
Mais bien très fidele instructif :
Qu'autrement très reprehensif,
Il feroit faire un erectif,
De votre col très - suspensif ,
Après quoi du corps divisif
Chaque
JANVIER.
85 1731.
Chaque membre séparatif
Occuperoit son locatif
Au bout d'un piquet plantatif .
Si mieux vous n'aimiez l'éversif
D'un plomb fondu plus que frictif ,
Ou qu'un grand brasier très- arsif,
De tout votre corps abstractif,
Fût de vos os calcinatif.
A ce barbare conclusif,
De l'un et l'autre alternatif,
Votre fang coagulatif
Vous eut causé le convulsif ;
Et n'étant rien moins qu'obstructif ,
Un subit et promt soustractif ,
Pour chaque nez très-offensif,
Tout autant qu'un suppuratif ,
Auroit par multiplicatif,
Gâté le purificatif
De votre linge deffensif.
Puis sur la fin constitutif,
Après un simple affirmatif,
De verité confirmatif ,
Vous auriez fait un responsif
Pour votre salut solutif ,
Et votre représentatif
N'ayant rien que de probatif,
Et pas aucun fait négatif ,
Nous aurions vû notre Cherif,
Devenu plus adulatif,
E Yous
8 % MERCURE DE FRANCE.
Vous faire communicatif ,
Ou plutôt gratificatif ,
Par forme de restauratif ,
D'un Sorbet bon et potatif,
Et nullement alteratif .
Dieu vous donne bon reversif ,
Et vous garde du suggestif ,
De tout heritier présomptif ,
Qui , sous un faux démonstratif.
N'aimant que votre successif ,
Et craignant le subrogatif ,
De tout Acte substitutif,
Voudroit avoir l'institutif,
Sans aucun mot dérogatif ,
D'un testament nuncupatif
Pour l'universel lucratif
De maint contract pignoratif.
Or sus , pour peu que processif
Soyez , ou bien vindicatif,
Vous me rendrez le respectif ,
Lequel ( sauf le restitutif )
J'attends en froid speculatif.
Auteur de ces Rimes en If ,
Soyez un peu mémoratif,
Que par avis iteratif,
On affranchit tout productif,
Au Mercure destinatif,
Sans
JANVIER. 1731
Sans quoi le plus bel inventif,
Sera mis au rebutatif.
Soyez aussi plus attentif ,
A ne broncher sur l'élisif ;
Cela rend le Vers bien chetif ,
Mais nous avons fait corrrectif.
Fermer
Résumé : RÉPONSE à l'Esprit en if, de M. l'Abbé L*** inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730.
Le texte est une réponse à une épître de l'abbé L*** publiée dans le Mercure d'août 1730. L'auteur critique l'épître pour son manque d'originalité et d'inspiration, soulignant ce point en utilisant des termes rimant en 'if'. Il reproche à l'abbé de ne pas avoir exploité pleinement les ressources linguistiques disponibles, telles que les noms, pronoms, verbes et autres formes grammaticales. L'auteur imagine ensuite diverses situations où l'abbé aurait pu enrichir son texte en décrivant des détails spécifiques, comme un repas, un procès ou une maladie. Il critique également l'abbé pour son manque d'imagination et de créativité, le comparant à un médecin incapable de diagnostiquer correctement. L'auteur raconte ensuite une histoire fictive où l'abbé, après avoir été capturé et torturé, finit par obtenir une récompense sous forme de sorbet. Il conclut en conseillant à l'abbé d'être plus attentif et productif dans ses écrits pour éviter que ses efforts ne soient rejetés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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499
p. 87-93
RÉFLEXIONS sur la conjecture proposée, touchant la correction d'un endroit des traductions d'Horace.
Début :
En raisonnant ces jours passez avec un Grammairien, sur la [...]
Mots clefs :
Traduction, Horace, Grammaire, Traducteurs, Cornicula, Conjecture, Journal des savants, Hésiode
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS sur la conjecture proposée, touchant la correction d'un endroit des traductions d'Horace.
REFLEXIONS sur la conjecture
proposée , touchant la correction d'un endroit
des traductions d'Horace.
N raisonnant ces jours passez avec
ENun Gramairien , sur la remarque inprimée
dans le Mercure de Juin , page
1350. la premiere pensée qui m'est venue
a été , qu'il n'est nullement deffendu de
s'opposer au torrent des Traducteurs ou
Interpretes des Aureurs Classiques. Je suis
ensuite allé plus loin , et j'ai cru qu'il
étoit necessaire de faire sentir aux Imprimeurs
le tort qu'ils ont de faire copier
souvent les fautes des manuscrits. Il n'est
pas
étonnant
, disois
-je , que
ceux
qui
lisent
Cornicula
dans
Horace
, traduisent
ce terme
par
celui
de Corneille
. Peut
-être
n'ont
-ils pas
bien
examiné
s'il
faut
veritablement
lire
Cornicula
dans
ce Poëte
,
et si ce
mot
a toujours
été
écrit
ainsi
.
Dès
lors
je
suis
tombé
d'accord
avec
E ij
l'Au-
-
88 MERCURE DE FRANCE.
sert pour
l'Auteur de la conjecture proposée , que
le mot Cornix écarte tout- à- fait l'idée de
Geai ; mais sans user du détour dont il se
faire valoir son sentiment, voicy
la pensée que je hazardois. Je ne prétendois
point qu'il en dût être autrement
de Cornicula par rapport à Cornix , que
de graculus par rapport à gracus et de
hædulus par rapport à heedus. Je présumois
seulement que le substantif corvus
avoit pû avoir dans l'antiquité ses diminutifs
, de même que ces trois autres coravec
l'autre avant
nix ,, gracus et hædus , et qu'ainsi on a pû
'dire corviculus et corvicula. Il seroit ennuyeux
de produire une infinité d'exemples
où l'on voit que la lettre n a été
prise pour la lettre . Ces méprises sont
venues de la ressemblance que l'une avoit
que dans l'écriture latine
on eut inventé une v consone pour
le besoin , et chez les grecs même la ressemblance
de ces deux caracteres est si
grande, que je lisois encore dernierement
dans le Journal des Sçavans du mois de
Juillet, que c'est sur le principe de cette
conformité que M. l'Abbé Sévin s'appuye
pour avoir la veritable lecture d'un
passage d'Hésiode ; ensorte qu'au lieu
de Dion genos , il faut lire, selon lui , Dion
genos.
Dans le texte de notre Poëte , il ne s'agit
JANVIER. 1731. 89
git point de race divine , mais de race.
corvine. Le Geai étant donc compris sub
genere corvino , selon l'Auteur de la Remarque
, qui me paroissoit suffisainment
autorisée , en ce que les bons Dictionaires
rendent le xoλe d'Esope , par le
terme Graculus . J'en concluois que si
Graculus signifie un Geai , xoxoids est
surement cet oiseau , et non pas la Corneille.
Mais comme il n'est pas certain
que graculus soit le Geai . C'est ce qui
doit arrêter toutes les consequences qu'on
pourroit tirer en supposant la chose.
D'ailleurs , la conjecture par laquelle on
prétendoit qu'Horace a mis originaire
ment corvicula, ne peut se soutenir , parce
que le Poëte , pour faire son vers , a
du mettre un mot dont la seconde syllabe
fût longue. Or la seconde de corvi
cula ( si ce mot existoit ) seroit breve , suivant
les regles des dérivez.
Comment donc ajuster tout cela : Ce
ne sera point en suivant l'auteur de la
conjecture dans tous les raisonnemens
qu'il fait , mais seulement dans quelques-
uns. Il a raison d'improuver ceux
qui croyent qu'Horace et Phédre ont
voulu désigner un oiseau different , et ilne
faut pas s'imaginer que le graculus
de celui- ci , soit different du cornicula du
premier.
E iij L'Augo
MERCURE DE FRANCE.
L'Auteur doit , selon moi , revenir au
sentiment de Furetiere , qui dit que
graculus n'est point le Geai. A la verité
son Dictionaire ne renferme point de
Dissertation pour le prouver ; mais je
suis persuadé qu'il n'a pas pris la négative
sur cet article sans avoir de bonnes
raisons . Laissons donc les Traducteurs
d'Horace dans l'usage de prendre l'oiseau
de la fable pour une corneille ; et
tâchons seulement d'empêcher ceux qui
dans la suite traduiront Phédre , de rendre
le mot graculus par celui de Geai .
Déja il faut avouer que le terme latin
n'a pas grande affinité avec le françois
et c'est un assez grand fondement pour
douter.
J'avoue encore une fois que le noλorde
κολοιός
des Grees , et le graculus des Latins sont
le même oiseau. Il faut attribuer à
gram
eulus tout ce que les Grecs ont dit du ca
quet importun et désagréable du xoxoide.
figure des grands parleurs , qui cherchent
leurs semblables, et qui se plaisent à s'at-
Troupper pour faire grand bruit. Si le
Geai aime à jazer , le Graculus se plait à
grailler. Ces deux sortes d'oiseaux sont
loquaces, pour ainsi dire , et cependant ils
sont differens. Je n'ai point dans ma solitude
tous les Livres des Auteurs Payens
des premiers temps , qui ont parlé de ces
SOEJANVIER.
1731. 9:19
sortes d'animaux ; mais parmi quelques
collections que j'ai faites des Ecrivains
des moyens temps , je trouve un Historien
du huitième siècle , Auteur de la
Vie de S. Frichoux ou Fructueux , Archevêque
de Brague , en Portugal , mort
en 665 , lequel s'exprime ainsi : Nigras
parvasque aves quas usitato nomine vulgus
graculas vocitat , mansuetas in Monasterio
babuisse perhibetur. Il est important de
remarquer icy que selon ce texte , graculus
ou gracula est un oiseau de couleur
noire. Or le Geai n'est pas un oiseau
noir ; il est varié dans sa couleur.
Outre cela le but de l'Auteur de la
fable n'eût pas été assez sensible , ni le
sujer assez exactement traité , s'il eut
pris pour le fond de sa moralité un oi
seau qui eut eu un plumage de diver
ses couleurs , et qui n'eut point été laid
à voir. Il vouloit representer un oiseau
different du Paon, generalement en tou
tes choses , un oiseau peu agréable à la
uë , un oiseau d'un plumage uniforme
et de couleur lugubre et triste , lequet
dégouté de sa propre laideur , qui le faisoit
mépriser , avoit entrepris de se mé
tamorphoser en un autre oiseau infiniment
mieux habillé .
Sur le fondement de la disproportion
des deux oiseaux , la morale étoit ensuite
E iiij bien
92 MERCURE DE FRANCE.
*
bien plus sensible, et tomboit bien plus
visiblement sur ceux qui honteux de leur
pauvreté ou de la sterilité de leurs_talens
, se parent et s'ornent des biens et
des productions d'autrui . Je conclus
donc tout au contraire de la remarque.
inserée dans le Mercure , que ce sont les
Traducteurs de Phédre qui ont tort , et
non pas ceux d'Horace ; et qu'il ne faudroit
point intituler cette fable du Geai
glorieux , mais de la Corneille glorieuſe. Il
me paroît que l'Auteur a eu intention
de parler d'un oiseau semblable à nos
Corneilles. Il ne seroit peut-être pas même
hors de vrai-semblance que cet oinommé
par l'un de nos Auteurs
Latins , graculus , et par l'autre cornicula,
fut la Pie. On trouve dans cet oiseau
la loquacité reconnue par les Anciens.
dans le graculus , et elle est d'une espece
noire. Outre cela c'est un oiseau
qu'on apprivoise facilement ; cela convient
avec le texte de l'Auteur de la
Vie de S, Fructueux , qui écrivoit il y a
mille ans .
seau ,
. La Corneille dont il est fait mention
dans la Vie de S. Sour , Hermite en Périgord
, au sixième siècle , étoit un oiseau
domestique ; mais le nom de Cornicula
employé par l'Ecrivain de cette Vie , fait
croire qu'elle étoit de la couleur de nos
"
CorJANVIER.
1731. 93
Corneilles , et par consequent si on veut
allier en quelque maniere la domesticité
de cet oiseau avec sa couleur , on peut
dire que c'est la Pie . Il est vrai que la Pie:
et le Geal se ressemblent aussi du côté
de la domesticité ; peut-être est- ce pour
cela que les vocabulaires du moyen
temps , tels que celui de Papias de Lom.
bardie , identifient Gaius , Gaia , avec
Picus et Pica. Mais il y a trop de difference
du côté de la couleur , pour pou-.
voir dire que l'un soit l'autre. Et comme
dans la fable , c'est de la variété du
plumage qu'il est question , autant ques
principe de la beauté, je reviens toujours
à dire que l'animal le plus triste en couleur
et le plus laid en plumage , est celui
que nos Poëtes ont eu en vue , et non cefui
dont le plumage est aussi varié que
l'est celui du Geai . Et puisqu'il n'est pas .
rare de trouver des Geais blancs , trèsagréables
à la vue ; c'est une justice
qu'on doit rendre à cette espece d'oiseau
que de ne la pas mettre dans la catégorie:
des oiseaux naturellement laids , qui ont
besoin d'emprunter du Paon ,de quoi se
farder et s'embellir ..
que
Ce 2. Aouft 1730 ..
proposée , touchant la correction d'un endroit
des traductions d'Horace.
N raisonnant ces jours passez avec
ENun Gramairien , sur la remarque inprimée
dans le Mercure de Juin , page
1350. la premiere pensée qui m'est venue
a été , qu'il n'est nullement deffendu de
s'opposer au torrent des Traducteurs ou
Interpretes des Aureurs Classiques. Je suis
ensuite allé plus loin , et j'ai cru qu'il
étoit necessaire de faire sentir aux Imprimeurs
le tort qu'ils ont de faire copier
souvent les fautes des manuscrits. Il n'est
pas
étonnant
, disois
-je , que
ceux
qui
lisent
Cornicula
dans
Horace
, traduisent
ce terme
par
celui
de Corneille
. Peut
-être
n'ont
-ils pas
bien
examiné
s'il
faut
veritablement
lire
Cornicula
dans
ce Poëte
,
et si ce
mot
a toujours
été
écrit
ainsi
.
Dès
lors
je
suis
tombé
d'accord
avec
E ij
l'Au-
-
88 MERCURE DE FRANCE.
sert pour
l'Auteur de la conjecture proposée , que
le mot Cornix écarte tout- à- fait l'idée de
Geai ; mais sans user du détour dont il se
faire valoir son sentiment, voicy
la pensée que je hazardois. Je ne prétendois
point qu'il en dût être autrement
de Cornicula par rapport à Cornix , que
de graculus par rapport à gracus et de
hædulus par rapport à heedus. Je présumois
seulement que le substantif corvus
avoit pû avoir dans l'antiquité ses diminutifs
, de même que ces trois autres coravec
l'autre avant
nix ,, gracus et hædus , et qu'ainsi on a pû
'dire corviculus et corvicula. Il seroit ennuyeux
de produire une infinité d'exemples
où l'on voit que la lettre n a été
prise pour la lettre . Ces méprises sont
venues de la ressemblance que l'une avoit
que dans l'écriture latine
on eut inventé une v consone pour
le besoin , et chez les grecs même la ressemblance
de ces deux caracteres est si
grande, que je lisois encore dernierement
dans le Journal des Sçavans du mois de
Juillet, que c'est sur le principe de cette
conformité que M. l'Abbé Sévin s'appuye
pour avoir la veritable lecture d'un
passage d'Hésiode ; ensorte qu'au lieu
de Dion genos , il faut lire, selon lui , Dion
genos.
Dans le texte de notre Poëte , il ne s'agit
JANVIER. 1731. 89
git point de race divine , mais de race.
corvine. Le Geai étant donc compris sub
genere corvino , selon l'Auteur de la Remarque
, qui me paroissoit suffisainment
autorisée , en ce que les bons Dictionaires
rendent le xoλe d'Esope , par le
terme Graculus . J'en concluois que si
Graculus signifie un Geai , xoxoids est
surement cet oiseau , et non pas la Corneille.
Mais comme il n'est pas certain
que graculus soit le Geai . C'est ce qui
doit arrêter toutes les consequences qu'on
pourroit tirer en supposant la chose.
D'ailleurs , la conjecture par laquelle on
prétendoit qu'Horace a mis originaire
ment corvicula, ne peut se soutenir , parce
que le Poëte , pour faire son vers , a
du mettre un mot dont la seconde syllabe
fût longue. Or la seconde de corvi
cula ( si ce mot existoit ) seroit breve , suivant
les regles des dérivez.
Comment donc ajuster tout cela : Ce
ne sera point en suivant l'auteur de la
conjecture dans tous les raisonnemens
qu'il fait , mais seulement dans quelques-
uns. Il a raison d'improuver ceux
qui croyent qu'Horace et Phédre ont
voulu désigner un oiseau different , et ilne
faut pas s'imaginer que le graculus
de celui- ci , soit different du cornicula du
premier.
E iij L'Augo
MERCURE DE FRANCE.
L'Auteur doit , selon moi , revenir au
sentiment de Furetiere , qui dit que
graculus n'est point le Geai. A la verité
son Dictionaire ne renferme point de
Dissertation pour le prouver ; mais je
suis persuadé qu'il n'a pas pris la négative
sur cet article sans avoir de bonnes
raisons . Laissons donc les Traducteurs
d'Horace dans l'usage de prendre l'oiseau
de la fable pour une corneille ; et
tâchons seulement d'empêcher ceux qui
dans la suite traduiront Phédre , de rendre
le mot graculus par celui de Geai .
Déja il faut avouer que le terme latin
n'a pas grande affinité avec le françois
et c'est un assez grand fondement pour
douter.
J'avoue encore une fois que le noλorde
κολοιός
des Grees , et le graculus des Latins sont
le même oiseau. Il faut attribuer à
gram
eulus tout ce que les Grecs ont dit du ca
quet importun et désagréable du xoxoide.
figure des grands parleurs , qui cherchent
leurs semblables, et qui se plaisent à s'at-
Troupper pour faire grand bruit. Si le
Geai aime à jazer , le Graculus se plait à
grailler. Ces deux sortes d'oiseaux sont
loquaces, pour ainsi dire , et cependant ils
sont differens. Je n'ai point dans ma solitude
tous les Livres des Auteurs Payens
des premiers temps , qui ont parlé de ces
SOEJANVIER.
1731. 9:19
sortes d'animaux ; mais parmi quelques
collections que j'ai faites des Ecrivains
des moyens temps , je trouve un Historien
du huitième siècle , Auteur de la
Vie de S. Frichoux ou Fructueux , Archevêque
de Brague , en Portugal , mort
en 665 , lequel s'exprime ainsi : Nigras
parvasque aves quas usitato nomine vulgus
graculas vocitat , mansuetas in Monasterio
babuisse perhibetur. Il est important de
remarquer icy que selon ce texte , graculus
ou gracula est un oiseau de couleur
noire. Or le Geai n'est pas un oiseau
noir ; il est varié dans sa couleur.
Outre cela le but de l'Auteur de la
fable n'eût pas été assez sensible , ni le
sujer assez exactement traité , s'il eut
pris pour le fond de sa moralité un oi
seau qui eut eu un plumage de diver
ses couleurs , et qui n'eut point été laid
à voir. Il vouloit representer un oiseau
different du Paon, generalement en tou
tes choses , un oiseau peu agréable à la
uë , un oiseau d'un plumage uniforme
et de couleur lugubre et triste , lequet
dégouté de sa propre laideur , qui le faisoit
mépriser , avoit entrepris de se mé
tamorphoser en un autre oiseau infiniment
mieux habillé .
Sur le fondement de la disproportion
des deux oiseaux , la morale étoit ensuite
E iiij bien
92 MERCURE DE FRANCE.
*
bien plus sensible, et tomboit bien plus
visiblement sur ceux qui honteux de leur
pauvreté ou de la sterilité de leurs_talens
, se parent et s'ornent des biens et
des productions d'autrui . Je conclus
donc tout au contraire de la remarque.
inserée dans le Mercure , que ce sont les
Traducteurs de Phédre qui ont tort , et
non pas ceux d'Horace ; et qu'il ne faudroit
point intituler cette fable du Geai
glorieux , mais de la Corneille glorieuſe. Il
me paroît que l'Auteur a eu intention
de parler d'un oiseau semblable à nos
Corneilles. Il ne seroit peut-être pas même
hors de vrai-semblance que cet oinommé
par l'un de nos Auteurs
Latins , graculus , et par l'autre cornicula,
fut la Pie. On trouve dans cet oiseau
la loquacité reconnue par les Anciens.
dans le graculus , et elle est d'une espece
noire. Outre cela c'est un oiseau
qu'on apprivoise facilement ; cela convient
avec le texte de l'Auteur de la
Vie de S, Fructueux , qui écrivoit il y a
mille ans .
seau ,
. La Corneille dont il est fait mention
dans la Vie de S. Sour , Hermite en Périgord
, au sixième siècle , étoit un oiseau
domestique ; mais le nom de Cornicula
employé par l'Ecrivain de cette Vie , fait
croire qu'elle étoit de la couleur de nos
"
CorJANVIER.
1731. 93
Corneilles , et par consequent si on veut
allier en quelque maniere la domesticité
de cet oiseau avec sa couleur , on peut
dire que c'est la Pie . Il est vrai que la Pie:
et le Geal se ressemblent aussi du côté
de la domesticité ; peut-être est- ce pour
cela que les vocabulaires du moyen
temps , tels que celui de Papias de Lom.
bardie , identifient Gaius , Gaia , avec
Picus et Pica. Mais il y a trop de difference
du côté de la couleur , pour pou-.
voir dire que l'un soit l'autre. Et comme
dans la fable , c'est de la variété du
plumage qu'il est question , autant ques
principe de la beauté, je reviens toujours
à dire que l'animal le plus triste en couleur
et le plus laid en plumage , est celui
que nos Poëtes ont eu en vue , et non cefui
dont le plumage est aussi varié que
l'est celui du Geai . Et puisqu'il n'est pas .
rare de trouver des Geais blancs , trèsagréables
à la vue ; c'est une justice
qu'on doit rendre à cette espece d'oiseau
que de ne la pas mettre dans la catégorie:
des oiseaux naturellement laids , qui ont
besoin d'emprunter du Paon ,de quoi se
farder et s'embellir ..
que
Ce 2. Aouft 1730 ..
Fermer
Résumé : RÉFLEXIONS sur la conjecture proposée, touchant la correction d'un endroit des traductions d'Horace.
Le texte traite d'une conjecture sur la correction d'un terme dans les traductions d'Horace, en se concentrant sur le mot 'Cornicula' et sa possible confusion avec 'Corneille'. L'auteur souligne que les traducteurs et imprimeurs reproduisent souvent les erreurs des manuscrits, ce qui peut entraîner des traductions incorrectes. Il examine la possibilité que 'Cornicula' soit un diminutif de 'corvus' (corbeau), de même que 'graculus' est un diminutif de 'gracus' (geai). Il mentionne des erreurs courantes dans l'écriture latine et grecque, où la lettre 'n' est souvent confondue avec la lettre 'u'. Le texte aborde également la fable d'Ésope et la traduction du terme grec 'xoλe' par 'Graculus'. L'auteur conclut que 'graculus' ne désigne pas le geai mais plutôt la corneille, en se basant sur des descriptions historiques et des dictionnaires. Il cite un historien du VIIIe siècle qui décrit 'graculus' comme un oiseau noir, ce qui correspond mieux à la corneille qu'au geai. L'auteur critique les traducteurs de Phèdre qui traduisent 'graculus' par 'geai' et propose que la fable devrait être intitulée 'La Corneille glorieuse' plutôt que 'Le Geai glorieux'. Il suggère que l'oiseau en question pourrait être la pie, qui est noire et loquace, et qui correspond mieux aux descriptions historiques. Enfin, l'auteur insiste sur l'importance de la couleur et de l'apparence des oiseaux dans la fable, concluant que l'oiseau décrit est probablement la pie, en raison de son plumage uniforme et sombre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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500
p. 98-106
Ouvrages manuscrits de l'Abbé Renaudot, [titre d'après la table]
Début :
OUVRAGES manuscrits d'Eusebe Renaudot, de l'Académie Françoise. Extrait [...]
Mots clefs :
Eusèbe Renaudot, Critique, Manuscrits, Publication, Mémoires, Érudition, Lettres, R. P. Niceron
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ouvrages manuscrits de l'Abbé Renaudot, [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS, BC,
UVRAGES manuscrits d'Eusebe
Renaudot , de l'Académie Fran-
,
çoise . Extrait d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure , le 1 Decembre 1730. I
En continuant de donner des Extraits
des Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des
Hommes Illuftres dans la République des
Lettres , & c. recueillis par le R.P. Niceron
, à mesure que chaque volume paroît
, j'ai gouté les choix que vous avez
faits , et je n'ai point désaprouvé les libertez
que vous avez prises en quelques
occasions en faveur de la verité , et pour
l'instruction du Public , persuadé que
l'Editeur même des Mémoires ne peut
que vous en sçavoir bon gré.
On est cependant surpris que dans votre
dernier Extrait qui regarde Eusebe
Renaudot , vous n'ayiez point relevé les.
termes trop durs , dont cet Editeur s'est
servi en parlant de la critique du R. P.de:
Premare , de la Compagnie de Jesus , sur
l'ouvrage de l'Abbé Renaudot , qui concerne
la Chine. Ces termes ont paru
d'auJANVIER.
1731 .
d'autant plus impropres et outrez à plu
sieurs personnes désinteressées , que le
P. de Prémare lui - même , en ne pensant
pas , comme notre Sçavant , sur le sujet
en question , le traite cependant avec
toute la politesse possible , et ne sort jamais
des bienseances. Il est à croire quesi
le livre du P. de Prémare avoit paru
du vivant de l'Abbé Renaudot , celui- cy
auroit pu répondre et donner des éclaireissemens
qui auroient peut-être satisfait
et le Public et son illustre Adversaire.
Le P. Niceron a eu raison en parlant
des Ouvrages manuscrits du Sçavant
Abbé , de dire que leur nombre surpasse
de beaucoup celui des Ouvrages imprimez
; les Benedictins de S. Germain des.
Prez ne les possedent pas encore , mais
cela n'empêche pas qu'on ne sçache bien
en quoi consistent ces Manuscrits . Ap--
paremment l'Editeur des Mémoires n'a
pas pû pénétrer jusques - là . Il est juste
que le public profite de la facilité que
j'ai eue , non seulement d'en voir plu--
sieurs fois le Catalogue , mais encore d'en
prendre une copie du vivant et de l'agrément
de l'Auteur. Je vous envoye cette
copie , et vous pouvez compter qu'elle
est exacte.
Euse
235165
TOO MERCURE DE FRANCE.
EUSEBII Renaudot , Opera Manuscripta
, et nondum edita .
2
L. De Nestorianis et Nestorianæ
Sectæ propagatione ,
vol. cum Apographis.
II. De Jacobitarum circà duarum
in Christo naturarum
unionem sententiâ , Apo- ,
graphum duntaxat..
III. Excerpta variorum Theologorum
Jacobitarum , quibus
suam ipsi doctrinam
explicant de naturarum duarum
in unam coalitione ,
Apographum.
IV. De hymno Trysagio..
V. De Ecclesiâ Copticâ.
VI. Excerptum ex Codice Vaticano
Quæstionum secundùm
doctrinam Ecclesiæ
Copticæ , cum Apographo.
VII. De Linguâ Copticâ tractatus
diversus ab eo quem Author
, Tom. II. Lyturgiarum
Orientalium edidit.
VIII . De Ecclesiâ Æthyopicâ cum
Apographo.
IX. Item. de eâdem
Æthiopicâ.
X. De Maronitis..
Ecclesia
XI..
JANVIER. 1731 口
XI. De Nestorianis cum Apographo
, sed imperfecto.
XII. De Melchitis.
f
XIII. De Theologiâ Orientali .
XIV. De Fide , Moribus et Institurtis
Christianorum Orientalium.
XV. De Eucharistiâ , ubi .
1. Orientalium Theologorum doctrina
de transmutatione elementorum in Corpus
et Sanguinem Christi. *
2. Observationes ad relata huc usque
testimonia, tàm ex publicis officiis, quàm
ex Theologis Orientalibus circa doctrinam
præsentiæ realis.
3. Observationes singulares de modo
transmutationis elementorum in Corpus
et Sanguinem Christi .
A 4. Observationes singulares de modo
transmutationis Corporis et Sanguinis
Christi , comparatione ducta ab Incarnationis
Mysterio.
XVI. De Liturgiis Orientalibus .
XVII. De Poenitentiâ.
XVIII. De Sacris Ordinationibus
Apographum duntaxat : ubi
De Subdiaconis.
De Diaconis..
De Presbyteris , sed imperfectum
.
XIX. Observationes circà quædam
capita
For MERCURE DE FRANCE
X X.
capita exposita Orientalium
de Sacramentis doctrinæ.
De Sacramento Baptismi secundùm
Melchitas , Jaco
bitas et Nestorianos .
XXI. Officium Baptismi secundùm
Ritum Ecclesiæ Alexandrinæ
Copticæ , cum notis .
XXII. Officium Baptismi Sancti ex
codice Colbertino Syriaco
6068. cum notis .
XXIII. Canon prescriptus à Patre
nostro Sancto Abbate Petro
Episcopo Bahuse , pro
consecratione noviBaptismi.
XXIV. De Circumcisione quæ ab
Ægyptiis, Jacobitis et Ætiopibus
observatur .
XXV. De Sacramento Confirmationis.
XXVI. De Sacramento Poenitentiæ
ejusque administrandi apud
Orientales disciplinâ.
XXVII. Ex tractatu Barsabi Dyonisii,
2
Episcopi Amidensis, de suscipiendis
Poenitentibus observationes
XXVIII. Ordo Reconciliationis Poenirentium
compositus à Mar-
Jesuibb , catholico Nestoriano.
XXIX .
JANVIER. 1731. 109
XXIX . Canones Poenitentiales Syrorum
Jacobitarum.
X X X. Ordo observandus circà eos
qui faciunt Confessionem.
XXXI. Orationes Poenitentiales varia
( cuncta hæc quatuor suis
cum Apographis. )
XXXI I. De oleo infirmorum , seu Extremâ-
Unctione.
XXXIII. De Sacris Ordinationibus cum
suo Apographo.
XXXIV . Officium ordinationis Episcoporum
secundùm Ritum
Ecclesiæ Jacobiticæ Alexandrinæ.
X X X V. Officia ordinationum sub ritu
Jacobitarum Orientis, bina,
quorum unum altero proli
xius est..
XXXV I. Admonitio ad ordinandos.
XXXVII. Officium ordinationis Chorepiscoporum
cum notis .
XXXVIII. In officia ordinationum ...
Jacobiticæ , Notæ.
XXXIX. De Sacramento Matrimonii.
X L. Ordo ad sponsalia celebranda
secundùm Ritum Ecclesiæ
coptica Alexandrina.
XLI. Officium Nuptialis benedictionis
secundùm ritum
Ecclesiæ Jacobitica.
XLIE
T04 MERCURE DE FRANCE
-XLII. De collectione Canonum Met
chitarum , seu eorum Christianorum
qui Græci generis
sunt et arabicè loquuntur.
XLIII. De Canonum Nicanorum
Arabicorum authoritate
Apographum duntaxat .
XLIV. De veteri Canonum codice
•
Syne Magni Ducis Etruriæ.
. XLV. De collectionibus Canonum
Orientalibus.
XLVI. De Canonum collectione Cyrilli
filii Laclak , Patriarcha
Alexandrini .
XLVII. De Canonum collectione Gabrielis
filii Tarik, Patriarcha
Alexandrini.
XLVIII. Collectio Canonum Æthyopica.
XLIX . De collectione Canonum quæ
apud Jacobitas in usu est.
De Calendario Ecclesiæ Jacobitica
Alexandrinæ.
L.
L I.
LIL
De Imaginum ' cultu Orientalium
doctrina.
De Linguam vulgarium in
Sacris usu .
LIII. De Scripturæ Sacræ Versionibus
quæ apud Orientales in
usu sunt.
LIV. Iterùm de fide , moribus et
instiJANVIER.
1731. 105
:
L V.
institutisEcclesiarum Orientis
; ubi , de fide apud Orientales
Schismaticos et Hæreticos
propagandâ.
De ratione agendi cum Orientalibus,
Hæreticis , Schismaticis
, ut ad fidem Catholicam
adducantur.
LV I. De Missionibus ad Orientis
Ecclesias faciendis : Triplex
opus cum suis Apographis.
Opuscula aliquot adversus recentiores quosdam
Scriptores heterodoxos et alios.
1. Réplique à l'Apologiste de M.Ludolf.
z. Adversùs Miscellanea Thomæ Smith
Angli .
3. Adversùs Sebastum Trapezuntium .
4. Dissertatio Apologetica adversùs Simeonem
Josephum Assemanum Maronitam
Bibliothecæ Orientalis Scriptorem
.
-'s . Tourneforlii Relationes castigatæ , in
quæ Christianorum his Orientis ritus
spectant.
OPUSCULA ALIA .
6. De Barbaricis Aristotelicorum librorum
interpretationibus.
7. Mémoire pour l'Academie des Inscriptions.
8.
08 MERCURE DE FRANCE
:
8. Du titre de Princeps Juventutis.
9. Mémoire envoyé à Rome au P. Laderchi.
40. De l'antiquité desVersions Orientales
de l'Ecriture Sainte .
OPUSCULA NON ABSOLUTA.
11. Dosithei Patriarchæ Jerosolimitani
adversùs Cariophilum opusculi translatio
imperfecta pauca desunt .
12. Du Mahometisme et de ses progrès .
13. Des Ecrivains Mahometans , tant Arabes
que Bretons et Turcs .
J'aurois pû ajouter ici l'Epitaphe qui
doit être mise sur le Tombeau de notre
Sçavant , mais ce seroit , ce me semble ,
trop entreprendre. Deux personnes trèsdistinguées
, l'une par son éminente Dignité
, l'autre par une érudition reconnuë
de toute l'Europe , en ont composé
chacun une. On choisira apparemment
celle qui conviendra le mieux. A l'égard
des Ouvrages Manuscrits qui font le sujet
de cette Lettre , l'Eglise et la République
des Lettres , ont un égal intérêt
d'en avoir bientôt la publication.
Je la souhaite plus que personne et je
suis toujours , & c.
DES BEAUX ARTS, BC,
UVRAGES manuscrits d'Eusebe
Renaudot , de l'Académie Fran-
,
çoise . Extrait d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure , le 1 Decembre 1730. I
En continuant de donner des Extraits
des Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des
Hommes Illuftres dans la République des
Lettres , & c. recueillis par le R.P. Niceron
, à mesure que chaque volume paroît
, j'ai gouté les choix que vous avez
faits , et je n'ai point désaprouvé les libertez
que vous avez prises en quelques
occasions en faveur de la verité , et pour
l'instruction du Public , persuadé que
l'Editeur même des Mémoires ne peut
que vous en sçavoir bon gré.
On est cependant surpris que dans votre
dernier Extrait qui regarde Eusebe
Renaudot , vous n'ayiez point relevé les.
termes trop durs , dont cet Editeur s'est
servi en parlant de la critique du R. P.de:
Premare , de la Compagnie de Jesus , sur
l'ouvrage de l'Abbé Renaudot , qui concerne
la Chine. Ces termes ont paru
d'auJANVIER.
1731 .
d'autant plus impropres et outrez à plu
sieurs personnes désinteressées , que le
P. de Prémare lui - même , en ne pensant
pas , comme notre Sçavant , sur le sujet
en question , le traite cependant avec
toute la politesse possible , et ne sort jamais
des bienseances. Il est à croire quesi
le livre du P. de Prémare avoit paru
du vivant de l'Abbé Renaudot , celui- cy
auroit pu répondre et donner des éclaireissemens
qui auroient peut-être satisfait
et le Public et son illustre Adversaire.
Le P. Niceron a eu raison en parlant
des Ouvrages manuscrits du Sçavant
Abbé , de dire que leur nombre surpasse
de beaucoup celui des Ouvrages imprimez
; les Benedictins de S. Germain des.
Prez ne les possedent pas encore , mais
cela n'empêche pas qu'on ne sçache bien
en quoi consistent ces Manuscrits . Ap--
paremment l'Editeur des Mémoires n'a
pas pû pénétrer jusques - là . Il est juste
que le public profite de la facilité que
j'ai eue , non seulement d'en voir plu--
sieurs fois le Catalogue , mais encore d'en
prendre une copie du vivant et de l'agrément
de l'Auteur. Je vous envoye cette
copie , et vous pouvez compter qu'elle
est exacte.
Euse
235165
TOO MERCURE DE FRANCE.
EUSEBII Renaudot , Opera Manuscripta
, et nondum edita .
2
L. De Nestorianis et Nestorianæ
Sectæ propagatione ,
vol. cum Apographis.
II. De Jacobitarum circà duarum
in Christo naturarum
unionem sententiâ , Apo- ,
graphum duntaxat..
III. Excerpta variorum Theologorum
Jacobitarum , quibus
suam ipsi doctrinam
explicant de naturarum duarum
in unam coalitione ,
Apographum.
IV. De hymno Trysagio..
V. De Ecclesiâ Copticâ.
VI. Excerptum ex Codice Vaticano
Quæstionum secundùm
doctrinam Ecclesiæ
Copticæ , cum Apographo.
VII. De Linguâ Copticâ tractatus
diversus ab eo quem Author
, Tom. II. Lyturgiarum
Orientalium edidit.
VIII . De Ecclesiâ Æthyopicâ cum
Apographo.
IX. Item. de eâdem
Æthiopicâ.
X. De Maronitis..
Ecclesia
XI..
JANVIER. 1731 口
XI. De Nestorianis cum Apographo
, sed imperfecto.
XII. De Melchitis.
f
XIII. De Theologiâ Orientali .
XIV. De Fide , Moribus et Institurtis
Christianorum Orientalium.
XV. De Eucharistiâ , ubi .
1. Orientalium Theologorum doctrina
de transmutatione elementorum in Corpus
et Sanguinem Christi. *
2. Observationes ad relata huc usque
testimonia, tàm ex publicis officiis, quàm
ex Theologis Orientalibus circa doctrinam
præsentiæ realis.
3. Observationes singulares de modo
transmutationis elementorum in Corpus
et Sanguinem Christi .
A 4. Observationes singulares de modo
transmutationis Corporis et Sanguinis
Christi , comparatione ducta ab Incarnationis
Mysterio.
XVI. De Liturgiis Orientalibus .
XVII. De Poenitentiâ.
XVIII. De Sacris Ordinationibus
Apographum duntaxat : ubi
De Subdiaconis.
De Diaconis..
De Presbyteris , sed imperfectum
.
XIX. Observationes circà quædam
capita
For MERCURE DE FRANCE
X X.
capita exposita Orientalium
de Sacramentis doctrinæ.
De Sacramento Baptismi secundùm
Melchitas , Jaco
bitas et Nestorianos .
XXI. Officium Baptismi secundùm
Ritum Ecclesiæ Alexandrinæ
Copticæ , cum notis .
XXII. Officium Baptismi Sancti ex
codice Colbertino Syriaco
6068. cum notis .
XXIII. Canon prescriptus à Patre
nostro Sancto Abbate Petro
Episcopo Bahuse , pro
consecratione noviBaptismi.
XXIV. De Circumcisione quæ ab
Ægyptiis, Jacobitis et Ætiopibus
observatur .
XXV. De Sacramento Confirmationis.
XXVI. De Sacramento Poenitentiæ
ejusque administrandi apud
Orientales disciplinâ.
XXVII. Ex tractatu Barsabi Dyonisii,
2
Episcopi Amidensis, de suscipiendis
Poenitentibus observationes
XXVIII. Ordo Reconciliationis Poenirentium
compositus à Mar-
Jesuibb , catholico Nestoriano.
XXIX .
JANVIER. 1731. 109
XXIX . Canones Poenitentiales Syrorum
Jacobitarum.
X X X. Ordo observandus circà eos
qui faciunt Confessionem.
XXXI. Orationes Poenitentiales varia
( cuncta hæc quatuor suis
cum Apographis. )
XXXI I. De oleo infirmorum , seu Extremâ-
Unctione.
XXXIII. De Sacris Ordinationibus cum
suo Apographo.
XXXIV . Officium ordinationis Episcoporum
secundùm Ritum
Ecclesiæ Jacobiticæ Alexandrinæ.
X X X V. Officia ordinationum sub ritu
Jacobitarum Orientis, bina,
quorum unum altero proli
xius est..
XXXV I. Admonitio ad ordinandos.
XXXVII. Officium ordinationis Chorepiscoporum
cum notis .
XXXVIII. In officia ordinationum ...
Jacobiticæ , Notæ.
XXXIX. De Sacramento Matrimonii.
X L. Ordo ad sponsalia celebranda
secundùm Ritum Ecclesiæ
coptica Alexandrina.
XLI. Officium Nuptialis benedictionis
secundùm ritum
Ecclesiæ Jacobitica.
XLIE
T04 MERCURE DE FRANCE
-XLII. De collectione Canonum Met
chitarum , seu eorum Christianorum
qui Græci generis
sunt et arabicè loquuntur.
XLIII. De Canonum Nicanorum
Arabicorum authoritate
Apographum duntaxat .
XLIV. De veteri Canonum codice
•
Syne Magni Ducis Etruriæ.
. XLV. De collectionibus Canonum
Orientalibus.
XLVI. De Canonum collectione Cyrilli
filii Laclak , Patriarcha
Alexandrini .
XLVII. De Canonum collectione Gabrielis
filii Tarik, Patriarcha
Alexandrini.
XLVIII. Collectio Canonum Æthyopica.
XLIX . De collectione Canonum quæ
apud Jacobitas in usu est.
De Calendario Ecclesiæ Jacobitica
Alexandrinæ.
L.
L I.
LIL
De Imaginum ' cultu Orientalium
doctrina.
De Linguam vulgarium in
Sacris usu .
LIII. De Scripturæ Sacræ Versionibus
quæ apud Orientales in
usu sunt.
LIV. Iterùm de fide , moribus et
instiJANVIER.
1731. 105
:
L V.
institutisEcclesiarum Orientis
; ubi , de fide apud Orientales
Schismaticos et Hæreticos
propagandâ.
De ratione agendi cum Orientalibus,
Hæreticis , Schismaticis
, ut ad fidem Catholicam
adducantur.
LV I. De Missionibus ad Orientis
Ecclesias faciendis : Triplex
opus cum suis Apographis.
Opuscula aliquot adversus recentiores quosdam
Scriptores heterodoxos et alios.
1. Réplique à l'Apologiste de M.Ludolf.
z. Adversùs Miscellanea Thomæ Smith
Angli .
3. Adversùs Sebastum Trapezuntium .
4. Dissertatio Apologetica adversùs Simeonem
Josephum Assemanum Maronitam
Bibliothecæ Orientalis Scriptorem
.
-'s . Tourneforlii Relationes castigatæ , in
quæ Christianorum his Orientis ritus
spectant.
OPUSCULA ALIA .
6. De Barbaricis Aristotelicorum librorum
interpretationibus.
7. Mémoire pour l'Academie des Inscriptions.
8.
08 MERCURE DE FRANCE
:
8. Du titre de Princeps Juventutis.
9. Mémoire envoyé à Rome au P. Laderchi.
40. De l'antiquité desVersions Orientales
de l'Ecriture Sainte .
OPUSCULA NON ABSOLUTA.
11. Dosithei Patriarchæ Jerosolimitani
adversùs Cariophilum opusculi translatio
imperfecta pauca desunt .
12. Du Mahometisme et de ses progrès .
13. Des Ecrivains Mahometans , tant Arabes
que Bretons et Turcs .
J'aurois pû ajouter ici l'Epitaphe qui
doit être mise sur le Tombeau de notre
Sçavant , mais ce seroit , ce me semble ,
trop entreprendre. Deux personnes trèsdistinguées
, l'une par son éminente Dignité
, l'autre par une érudition reconnuë
de toute l'Europe , en ont composé
chacun une. On choisira apparemment
celle qui conviendra le mieux. A l'égard
des Ouvrages Manuscrits qui font le sujet
de cette Lettre , l'Eglise et la République
des Lettres , ont un égal intérêt
d'en avoir bientôt la publication.
Je la souhaite plus que personne et je
suis toujours , & c.
Fermer
Résumé : Ouvrages manuscrits de l'Abbé Renaudot, [titre d'après la table]
Le 1er décembre 1730, Eusèbe Renaudot adresse une lettre aux auteurs du Mercure de France pour commenter les extraits des 'Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la République des Lettres' recueillis par le Père Niceron. Renaudot approuve les libertés prises par les auteurs en faveur de la vérité et de l'instruction du public. Cependant, il critique le dernier extrait le concernant, estimant que l'éditeur des Mémoires a utilisé des termes trop durs à propos de la critique du Père de Prémare sur l'ouvrage de l'Abbé Renaudot concernant la Chine. Renaudot souligne que le Père de Prémare a traité le sujet avec politesse et bienséance, contrairement à l'éditeur. La lettre met également en lumière les nombreux ouvrages manuscrits d'Eusèbe Renaudot, dont le nombre excède largement celui des ouvrages imprimés. Ces manuscrits couvrent divers sujets théologiques et liturgiques orientaux, ainsi que des observations et des réponses à des écrivains hétérodoxes. Renaudot fournit une copie exacte du catalogue de ces manuscrits et espère qu'ils seront bientôt publiés, dans l'intérêt de l'Église et de la République des Lettres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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