Résultats : 9 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 74-104
Sujets de neuf Opéra qui ont tous esté representez à Venise depuis le mois de Ianvier de la presente année, avec les Noms de ceux qui ont composé les Pieces & la Musique : la Description des Changemens de Theatre, & de toutes les Machines. [titre d'après la table]
Début :
Si le Voyage n'estoit point si long, je luy [...]
Mots clefs :
Opéra, Venise, Scène, Décoration, Ouverture, Théâtre, Machine, Changement, Enseigne, Musique, Salle, Théâtre Grimani, Acte, Ballet, Théâtre Zane
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Sujets de neuf Opéra qui ont tous esté representez à Venise depuis le mois de Ianvier de la presente année, avec les Noms de ceux qui ont composé les Pieces & la Musique : la Description des Changemens de Theatre, & de toutes les Machines. [titre d'après la table]
Si le Voyage n'eſtoit point ſi long , je luy confeillerois d'aller tous les ans
paſſer le Carnaval à Venife ,
elle y auroit contentement , &
la diverſité des Opéra nou- veauxquis'y reprefentent ,luy
E ij
32 LE MERCURE
fourniroit ſouvent de nouveaux plaifirs. Il yen a eu cet- te année neufdiferens fur cinq Theatres. J'ay appris des par- ticularitez de quelques-uns ,
qui valentbienque je vous les faſſe ſçavoir. Elles ſervirontdu moins à vous donner quelque idée de ces grands Spectacles ,
& à vous rendre preſente en quelque forte à ce que l'éloignement des Lieux ne vous permet point de voir.
Le premier de ces Opéra a
eſté le Totila , de la compofi- tion de Mateo Neris. Ila paru fur le Theatre Grimani de S.
Jean & S. Paul , avec un fuc- cés digne de la beauté de l'Ou- vrage. Chaque Acte avoit di- vers changemens de Scenes.
L'Ouverturedu premierſe fai- foit par une petite Chambre
GALANT. 53 avec un Lit ſur lequel un En- fant dormoit. Clelie paroiſſoit auprés de luy tenant un poi- gnard qu'elle ſembloit prefſte à luy enfoncer dans le ſein. La Chambre diſparoiſſoit tout- à- coup , &le Theatre reprefen- toit unedes Places de Rome,
environnée de Palais d'une
ſtructure admirable.Totila entroit ſuivy de fes Troupes , l'E- pée & le Flambeau à la main ,
Trompetes fonnantes , avec
leurs Enſeignes. Ces Palais s'embraſoient les uns apres les autres. On en voyoit tomber les pieces à meſure quela fla- me s'y attachoit , mais avecun artifice ſi ſuprenant , &qui ap- prochoit tellementde la natu-- re , qu'il n'y avoit perſonne qui ne cruſt qu'ils brûloient veri- tablement.Ledefordre regnoit
E iij
54 LE MERCVRE partout ,&dans cette confu- fion , Marſia Fille de Servius ,
cherchant à ſe ſauver des Soldats qui la pourſuivoient , ſe jettoit parunefeneftre,&tom- boit évanoüie entre les bras de
Totila qui la recevoit. La troi- fiéme Scene avoit pourDéco- ration une Salle de l'Apparte- ment de Clelie ; & celle de la
quatriéme eſtoit une Ruë où l'on voyoit une Tour , & une des Portes de Rome en éloignement. Des Eſclaves con- duiſoient de loin unElephant d'une grandeur démeſurée. Il ſembloit tout couvert d'or ; &
ce qui cauſa autant d'admira- tion que de ſurpriſe , c'eſt que cét Elephant s'eſtant arreſté ,
s'ouvrit au fondes Trompetes,
&ſe ſepara en pluſieurs par- ties , qui firentparoiſtre Belif
GALANT.
55 faire , Lepide , Cinna , une Troupe nombreuſe de Soldats
avec leur Armes &leurs Bou
cliers , des Trompetes , &des Enſeignes dont toute laScene fut remplie. Onyvitdu moins cent cinquantePerſonnes tout àla fois. Jugez avec quel ordre ils devoient avoir efté rangez
les uns fur les autres , & avec
combien d'adreſſe il falloit
qu'oneuſt entremêlé les Boucliers, lesArmes,les Enſeignes &les Trompetes pour former le corps de ceprodigieux Ele- phant. Cét Acte finiſſoit par une Danfe de Cavaliers monzez fur de veritables Chevaux.
La premiere Scene du Se- cond ſe paſſoit dans la Court d'un Palais , qui faifoit place à
une Mer. On découvroit la
Plage, & l'armée Navale de
1
38 LE MERCVRE Totila , avec la Ville de Rome en éloignement. Des Soldats en fortoient comme en triomphe , faiſant marcher devant euxdesEſclaves &des Prifonniers , tandis que les autres rempliſſoient les Vaiſſeaux des Dépoüilles &des Tréſors dont ils s'eſtoientenrichis au Sacde
cette fameuſe Ville. Une Tempeſte accompagnée de Ton- nerres & d'Eclairs les pouſſoit contre des Ecüeils , ils s'y bri- foient & s'abifmoient les uns
apres les autres.Il n'y avoit rien de mieux repreſenté que ce Naufrage. D'effroyables cris qu'on entendoit retentir , fai- foient connoiſtre le deſeſpoir deceuxqui ſe perdoient , &on en voyoit une partie qui ſejet- tant à la nage , tâchoit de ga- gnerlebord. La derniere Sce
GALANT. 59 neavoit unBois pourDécora- tion,&elle ſe paſſoit dansune Nuit éclairée d'une Lune qui ſe couvroit peu à peu de nua- ges , & laiſſoit enfin le Ciel
entierement obſcurcy. Une Entréede Soldats attaquez/par
deuxOurs finiſoit l'Acte. BIB
LYON
Le troiſième faiſoit paro tred'abordune Plaine où l'Ar
mée des Romains eftoit campée d'un coſté , & de l'autre ondécouvroit la Ville deRome avec un Pont ſur la Brêche. DesChariots chargezdes Dépoüilles des Ennemis paf- foient fur ce pont , ils eftoient tirez par de veritables Che- vaux ,&Beliſſaire entroit en ſuite par cetteBrêche avecſes Gens montez comme luy fur des Chevaux vivans, La Scene
ſuivante ſe repreſentait dans
60 LE MERCVRE
**
une Salle d'un riche & magnifique Palais. Puis on voyoit unegrande Court qui ſe chan- geoit en un Theatre chargé d'un grand Peuple , qui s'y eſtoit placé pour voir le Tour- noy des Quatre Elemens. Ce Tournoy commençoit par la Quadrille de Junon , qui re- preſentant l'Air , y paroifſoit fur une Nuë. Cibelle comme
Déeſſe de la Terre , y ame- noit dans une Machine force
Cavaliers armez , & diſpoſez à bien ſoûtenir ſes intereſts.
La Région du Feu s'ouvroit en fuite , & on y voyoit Plu- ton qui conduiſoit ſa Troupe dans une autre Machine. Neptune prenoit le parti de l'Eau,
&fa Quadrille fortoit d'une vaſte Mer , dont l'agitation n'eſtoit pas l'objet le moins
GAL ANT. 61
1
agreable aux yeux. Je ne vous dis riendes Jouſtes qui ſe fai- foient avec une adreſſe merveilleuſe , &qui estoient ter- minées par l'arrivée de la Paix,
qui venoit en Machine comme ces autres Divinitez , &
qui mettoit d'accord tous les Combatans ; ce qui n'empé- choit pas que le Spectacle ne finît par un Combat de Vvan- dales contre les Romains , &
par un autredePaſteurs contre des Bêtes farouches.
Avoüez , Madame , que fi le Totila ſe joüoit à Paris, vous ne vous defendriez pas de quitter la Province pourquel- ques jours. Tant de beautez meriteroient bien de vous attirer, &je croy quevous n'au- riez pas moins de curiofité pour l'Astiage , qui a eſté
62 LE MERCVREle ſecond Opéra repreſenté l'Hyver dernier à Veniſe fur le meſme Theatre Grimani.
Le Sujet a eſté pris de celuy que leCavalierAppoloni avoit déja traité avec tant d'applau- diſſement , & les Décorations ont paru admirables. La pre- miere Scene eftoit le Camp d'une Armée entiere , où des
Soldats faifoient l'ouverture
par une Danſe Pyrrique , ac- compagnée d'une ſimphonie merveilleuſe. Cette Danſe
eſtoit interrompuë par l'arri- vée d'une Princeſſe ,ſuivie de
quelques Officiers Generaux
de fon Armée, tous à cheval.
Onvoyoit en ſuite une Salle richement parée, dont unEn- fer horrible prenoit la place.
Caron y paſſoit les Amesdans ſa Barque. L'Ombre de Cirene
GALANT. 63
Jar THERM LYON
ne Femme d'Aſtiage , s'offroit en ſonge à ce Prince, & tout Enfer diſparoiffoit au mo- ment de fon réveil. Une Prifon fuccedoit à ces divers
changemens , qui estoient fui- vis d'une Décoration de
dins délicieux , d'où lesTours de la Priſon ſe découvroient
Le ſecond Acte s'ouvroit par unegrandePlace ornéed'Arcs de Triomphe ; & les autres Scenes offroient une Veuë de
Maiſons, celle d'une Court, &
en ſuite tout ce que le Tem- ple de Diane peut avoir de plus pompeuxdansſa ftructu- re. Un lieu où il ſembloit que la Nature n'avoit rien laiſſe à
-defirer pour les Délices , fai- foit la premiere Décoration du Troiſieme Acte ; aprés la- - quelle onvoyoit un Salon du
i
Tome VI. F
64 LE MERCVRE Palais du Roy', qui ſe chan geoit en une efpece de Porti- que , d'où l'on avoit communi- cation au lieu où les Beſtes
eſtoient enfermées. Le dernier
changement de Theatre fai- foit voir une Salle toute brillante de Criftaux , & ce magnifique Spectacle eſtoit em- belly de deux Entrées outre
celledes Soldats quiouvroit le
premier Acte. Il yen avoitune dePages au Second, &le tout eſtoit terminé par une autre deDemons qui s'enfuyoient à
l'aſpect d'une divinité. Le Seigneur Iean Bonaventure Vi- viani , Maître de Chapelle de l'Empereur à Inſpruk , avoit pris foin de la Muſique. La compoſition en estoit merveil- leuſe , & l'execution en avoit
eſté entrepriſe par les pre
GALANT. 65 miers Muficiens de l'Europe ,
&par les plus excellés Joüeurs d'Inſtrumens de l'un &del'autre Sexe , pour leſquels on avoit fait une dépenſe prodi- gieuſe, car il yavoit telleMu- ſicienne àquil'ondonnoit plus de quatre cens Piſtoles pour ſon Carnaval. C'eſt le moyen de ne manquer pas de belles Voix; & il ne faut pas s'éton- mer apres des liberalitez fi ac- commodantes; fi tant de Per- ſonnes s'apliquentàl'envy à ſe rendre parfaites dans la Muſique.
Nicomede en Bithinie , dedié
àl'Imperatrice Eleonor , a fui- vy ces deux Opéra. Le Do- teur Matheo Giannini en
avoit fait les Vers , & il a paru fur le Theatre Zane de S.Moïſe avec un applaudiſement fi
Fij
66 LE MERCURE
general , que tous ceux qui Pontveurepreſenter,ontavoué quejamais Piece n'avoit cu ny tant d'inventions galantes &
fines , ny tant de choſes capa- bles de plaire &detoucher le.
gouft des plus délicats. Com- melesMachines que ce grand Sujet demandoit n'auroient pu s'executer dans le petit eſpace d'un Theatre ordinaire , on s'eſt contentédes Décorations
&des Changemens de Scenes qu'ony a faites les plus belles &les plus riches qu'ont ait ja- mais veuës. Le premier Acte finiffoit par un Balet de Tail- leurs de pierre. Ils tenoient chacun leur Marteaux & leurs
Ciſeaux,&faifoient leurs mouvemens en cadence autour
d'une Statuë de Nicomede,
qu'ils ſembloient achever en
GALANT. 67 dançant; mais tout celad'une maniere fi bien concertée ,
qu'on ne pouvoit rien voirde plusjufte. Une entrée de Paï- sās&de laboureurs avec leurs
Bêches &leurs Hoyaux finif- foit l'Acte ſuivant; &la fecon-
✓ de Scene du Troifiéme eſtoit
agreablement interrompuëpar uneDanſe de plufieursHéros,
qui fe ſouvenant de leurs anciennes amours , prenoient chacun un bout des cordons
de diverſes couleurs qui pen- doientauxbranches d'unMirteélevé au milieu du Theatre.
Iln'y avoit riende ſi divertif- fant que de les voir ſe mefler &ſe démefler les uns d'avec
les autres , cequ'ils faifoientde diferentes manieres , & toûjours avec une adreſſe qui at- tiroit les acclamations de tout
Fiij
68 LE MERCVRE
le monde. La Muſique de cér Opéra eſtoit du tres-excellent Cavalier Charles Groffi , Maî- tre de Chapelle de la Serenif- fime Republique..C'eſt undes Hõmesdumonde qui poffede le mieux cettte Science. Iln'a.
rien fait qui ne porte les mar- ques d'une haute capacité ,&
ſi elle a paru avec tantd'avan- tage pour luy dans l'Opéra de Nicomede , elle n'a pas eſté moins admirée dans celuyd'Io- cafte Reyne d'Armenie , qu'on adonné encor fur le meſme:
Theatre Zane avec un tresgrandfuccés. LeDocteurMo- niglia qui en avoit fait les Vers,
en a remporté beaucoup de gloire. Je ne vous diray point
toutes les beautez de cette Pie--
ce. Les Décorations ſurpre- noient, les Machines en étoient
1
GALANT. 69
admirables , la Muſique par- faite , & l'execution merveilLeufe..
Jules Cefaren Egypte , afours ny le ſujetdu cinquiémeOpé- ra qui a efté repreſenté ſur le fameux Theatre Vendramino
de S.Sauveur. Les Vers étoient
du Seigneur Buffani, & la Mu- fiquedela compoſitiondu Sei- gneur Antoine Sartorio , Maî- tre deChapelle du Duc Jean- Fredericde Brunſvic &de Lunebourg,Ducd'Hanover.Cér Opéra n'a pas eſté moins ap- plaudi que celuy & Antonin &
de Pompejan, compoſé par les meſmes Autheurs , donné fur le meſme Theatre , &chanté
par les plus excellentes Voix.
LesVers,laMufique,lesDé- corations , les Machines , tout yestoit admirable; & il n'en
70 LE MERCVRE faut point d'autre preuve que le grand concours de monde quis'yeſt toûjours trouvé pour le voir.
Il yen a eu encor deux au- tres fur un des anciens Theatres de Veniſe. Je ne vous en
puisdire ny les Sujets , ny le Nomde ceux qui ont compo- ſe les Vers & la Muſique je vous diray ſeulement que ce grand nombre de Spectacles n'a point empeſché l'Etabliſ- fement d'un Theatre tout nouveau , appellé le Theatre de SaintAnge.
C
On n'y a donné cette an- née qu'un ſeulOpéra, qui fait le neufiéme de ceux dont j'a- vois à vous parler. Il avoſt pourSujet le Raviſſement d'Helene , & eftoit chanté comme tous les autres par de tres.
GALANT. 7
d'Inci
habiles Muſiciens. La beauté
de leurs Voix répondoit par- faitement au profond ſçavoir de l'excellent SeigneurDomi- nique Freſchi, MaîtredeCha- pelle à Vicenze , qui en avoit compoſe la Muſique. Je n'ay point ſceu le Nom de l'Au theur des Vers , & tout c
qu'onm'a pûdire , c'est que la Piece eftoit remplie dens en fort grand nombre,&
fort égalemens beaux &fur- prenans. Il n'y avoit riende fi magnifique que les Décora- tions. On y admiroit ſur tout une Grote, qui faiſoit undes plus agreables ornemens du Palais d'Oenone. Elle estoit
embellie de Fontaines vives.
&de Jets d'eau naturels , & fi vous voulez bien rappeller l'image de toutes les choses.
*72 LE MERCVRE queje viensdevous ébaucher legerement , vous aurez peine à concevoir qu'on ſe refolve àfaire tantde dépenſes &tant d'appreſts pourdes Spectacles qui ne paroiſſentque pendant deux mois , & qu'une ſeule Ville puiſſe fournir afſez de Spectateurs pour ſatisfaire aux fraisdetant de diferentesPerſonnes qu'on yemploye. Aufſi nabandonne-t-on rien auPublic de cette nature qui n'a- proche de la perfection. Il n'y apoint de talent affoupi que F'émulation ne réveille. C'est
àqui emportera le prix ſur les autres. Onne ſe negligepoint,
parce qu'on craint d'être fur- monté &que ſi on laiſſoir
échaper quelque choſe de bas ou de foible , ce qu'on verroit de plus achevé,en feroit trop
د
GALANT. 73 4
alfément appercevoir les de- fauts. Lapeine ſuivroit incon- tinent , & le manque de fuc- cés de ces Ouvrages negligez en feroit perdre toute la dé- penſe. On ne les repreſente jamais qu'en Janvier & Fe- vrier , c'eſt àdire pendant tout le tempsduCarnaval. J'aypris mesmeſures pour en avoirdes nouvelles tous lesAns, afin de
vous en faire part ; & j'eſpere les avoir beaucoupplûtoſt que je ne les ay euës cette année.
Cen'eſt pas ſeulement à Ve- nife que les Opéra ſont en re- gne. Il s'en fait preſque dans toutes les Villes d'Italie , &
les Troubles de Meſſine n'ont
point empeſche qu'on n'y ait donné ce pompeux Divertif- ſement àM le Mareſchal Duc
deVivonne.C'eſt uneglorieuſe
74 LE MERCURE marquede la merveilleuſe pré- voyance du Roy , qui entre- tient ſi bien l'abondance dans
un lieu où regne la Guerre ,
queles Plaiſirs n'en ſont point
bannis.
paſſer le Carnaval à Venife ,
elle y auroit contentement , &
la diverſité des Opéra nou- veauxquis'y reprefentent ,luy
E ij
32 LE MERCURE
fourniroit ſouvent de nouveaux plaifirs. Il yen a eu cet- te année neufdiferens fur cinq Theatres. J'ay appris des par- ticularitez de quelques-uns ,
qui valentbienque je vous les faſſe ſçavoir. Elles ſervirontdu moins à vous donner quelque idée de ces grands Spectacles ,
& à vous rendre preſente en quelque forte à ce que l'éloignement des Lieux ne vous permet point de voir.
Le premier de ces Opéra a
eſté le Totila , de la compofi- tion de Mateo Neris. Ila paru fur le Theatre Grimani de S.
Jean & S. Paul , avec un fuc- cés digne de la beauté de l'Ou- vrage. Chaque Acte avoit di- vers changemens de Scenes.
L'Ouverturedu premierſe fai- foit par une petite Chambre
GALANT. 53 avec un Lit ſur lequel un En- fant dormoit. Clelie paroiſſoit auprés de luy tenant un poi- gnard qu'elle ſembloit prefſte à luy enfoncer dans le ſein. La Chambre diſparoiſſoit tout- à- coup , &le Theatre reprefen- toit unedes Places de Rome,
environnée de Palais d'une
ſtructure admirable.Totila entroit ſuivy de fes Troupes , l'E- pée & le Flambeau à la main ,
Trompetes fonnantes , avec
leurs Enſeignes. Ces Palais s'embraſoient les uns apres les autres. On en voyoit tomber les pieces à meſure quela fla- me s'y attachoit , mais avecun artifice ſi ſuprenant , &qui ap- prochoit tellementde la natu-- re , qu'il n'y avoit perſonne qui ne cruſt qu'ils brûloient veri- tablement.Ledefordre regnoit
E iij
54 LE MERCVRE partout ,&dans cette confu- fion , Marſia Fille de Servius ,
cherchant à ſe ſauver des Soldats qui la pourſuivoient , ſe jettoit parunefeneftre,&tom- boit évanoüie entre les bras de
Totila qui la recevoit. La troi- fiéme Scene avoit pourDéco- ration une Salle de l'Apparte- ment de Clelie ; & celle de la
quatriéme eſtoit une Ruë où l'on voyoit une Tour , & une des Portes de Rome en éloignement. Des Eſclaves con- duiſoient de loin unElephant d'une grandeur démeſurée. Il ſembloit tout couvert d'or ; &
ce qui cauſa autant d'admira- tion que de ſurpriſe , c'eſt que cét Elephant s'eſtant arreſté ,
s'ouvrit au fondes Trompetes,
&ſe ſepara en pluſieurs par- ties , qui firentparoiſtre Belif
GALANT.
55 faire , Lepide , Cinna , une Troupe nombreuſe de Soldats
avec leur Armes &leurs Bou
cliers , des Trompetes , &des Enſeignes dont toute laScene fut remplie. Onyvitdu moins cent cinquantePerſonnes tout àla fois. Jugez avec quel ordre ils devoient avoir efté rangez
les uns fur les autres , & avec
combien d'adreſſe il falloit
qu'oneuſt entremêlé les Boucliers, lesArmes,les Enſeignes &les Trompetes pour former le corps de ceprodigieux Ele- phant. Cét Acte finiſſoit par une Danfe de Cavaliers monzez fur de veritables Chevaux.
La premiere Scene du Se- cond ſe paſſoit dans la Court d'un Palais , qui faifoit place à
une Mer. On découvroit la
Plage, & l'armée Navale de
1
38 LE MERCVRE Totila , avec la Ville de Rome en éloignement. Des Soldats en fortoient comme en triomphe , faiſant marcher devant euxdesEſclaves &des Prifonniers , tandis que les autres rempliſſoient les Vaiſſeaux des Dépoüilles &des Tréſors dont ils s'eſtoientenrichis au Sacde
cette fameuſe Ville. Une Tempeſte accompagnée de Ton- nerres & d'Eclairs les pouſſoit contre des Ecüeils , ils s'y bri- foient & s'abifmoient les uns
apres les autres.Il n'y avoit rien de mieux repreſenté que ce Naufrage. D'effroyables cris qu'on entendoit retentir , fai- foient connoiſtre le deſeſpoir deceuxqui ſe perdoient , &on en voyoit une partie qui ſejet- tant à la nage , tâchoit de ga- gnerlebord. La derniere Sce
GALANT. 59 neavoit unBois pourDécora- tion,&elle ſe paſſoit dansune Nuit éclairée d'une Lune qui ſe couvroit peu à peu de nua- ges , & laiſſoit enfin le Ciel
entierement obſcurcy. Une Entréede Soldats attaquez/par
deuxOurs finiſoit l'Acte. BIB
LYON
Le troiſième faiſoit paro tred'abordune Plaine où l'Ar
mée des Romains eftoit campée d'un coſté , & de l'autre ondécouvroit la Ville deRome avec un Pont ſur la Brêche. DesChariots chargezdes Dépoüilles des Ennemis paf- foient fur ce pont , ils eftoient tirez par de veritables Che- vaux ,&Beliſſaire entroit en ſuite par cetteBrêche avecſes Gens montez comme luy fur des Chevaux vivans, La Scene
ſuivante ſe repreſentait dans
60 LE MERCVRE
**
une Salle d'un riche & magnifique Palais. Puis on voyoit unegrande Court qui ſe chan- geoit en un Theatre chargé d'un grand Peuple , qui s'y eſtoit placé pour voir le Tour- noy des Quatre Elemens. Ce Tournoy commençoit par la Quadrille de Junon , qui re- preſentant l'Air , y paroifſoit fur une Nuë. Cibelle comme
Déeſſe de la Terre , y ame- noit dans une Machine force
Cavaliers armez , & diſpoſez à bien ſoûtenir ſes intereſts.
La Région du Feu s'ouvroit en fuite , & on y voyoit Plu- ton qui conduiſoit ſa Troupe dans une autre Machine. Neptune prenoit le parti de l'Eau,
&fa Quadrille fortoit d'une vaſte Mer , dont l'agitation n'eſtoit pas l'objet le moins
GAL ANT. 61
1
agreable aux yeux. Je ne vous dis riendes Jouſtes qui ſe fai- foient avec une adreſſe merveilleuſe , &qui estoient ter- minées par l'arrivée de la Paix,
qui venoit en Machine comme ces autres Divinitez , &
qui mettoit d'accord tous les Combatans ; ce qui n'empé- choit pas que le Spectacle ne finît par un Combat de Vvan- dales contre les Romains , &
par un autredePaſteurs contre des Bêtes farouches.
Avoüez , Madame , que fi le Totila ſe joüoit à Paris, vous ne vous defendriez pas de quitter la Province pourquel- ques jours. Tant de beautez meriteroient bien de vous attirer, &je croy quevous n'au- riez pas moins de curiofité pour l'Astiage , qui a eſté
62 LE MERCVREle ſecond Opéra repreſenté l'Hyver dernier à Veniſe fur le meſme Theatre Grimani.
Le Sujet a eſté pris de celuy que leCavalierAppoloni avoit déja traité avec tant d'applau- diſſement , & les Décorations ont paru admirables. La pre- miere Scene eftoit le Camp d'une Armée entiere , où des
Soldats faifoient l'ouverture
par une Danſe Pyrrique , ac- compagnée d'une ſimphonie merveilleuſe. Cette Danſe
eſtoit interrompuë par l'arri- vée d'une Princeſſe ,ſuivie de
quelques Officiers Generaux
de fon Armée, tous à cheval.
Onvoyoit en ſuite une Salle richement parée, dont unEn- fer horrible prenoit la place.
Caron y paſſoit les Amesdans ſa Barque. L'Ombre de Cirene
GALANT. 63
Jar THERM LYON
ne Femme d'Aſtiage , s'offroit en ſonge à ce Prince, & tout Enfer diſparoiffoit au mo- ment de fon réveil. Une Prifon fuccedoit à ces divers
changemens , qui estoient fui- vis d'une Décoration de
dins délicieux , d'où lesTours de la Priſon ſe découvroient
Le ſecond Acte s'ouvroit par unegrandePlace ornéed'Arcs de Triomphe ; & les autres Scenes offroient une Veuë de
Maiſons, celle d'une Court, &
en ſuite tout ce que le Tem- ple de Diane peut avoir de plus pompeuxdansſa ftructu- re. Un lieu où il ſembloit que la Nature n'avoit rien laiſſe à
-defirer pour les Délices , fai- foit la premiere Décoration du Troiſieme Acte ; aprés la- - quelle onvoyoit un Salon du
i
Tome VI. F
64 LE MERCVRE Palais du Roy', qui ſe chan geoit en une efpece de Porti- que , d'où l'on avoit communi- cation au lieu où les Beſtes
eſtoient enfermées. Le dernier
changement de Theatre fai- foit voir une Salle toute brillante de Criftaux , & ce magnifique Spectacle eſtoit em- belly de deux Entrées outre
celledes Soldats quiouvroit le
premier Acte. Il yen avoitune dePages au Second, &le tout eſtoit terminé par une autre deDemons qui s'enfuyoient à
l'aſpect d'une divinité. Le Seigneur Iean Bonaventure Vi- viani , Maître de Chapelle de l'Empereur à Inſpruk , avoit pris foin de la Muſique. La compoſition en estoit merveil- leuſe , & l'execution en avoit
eſté entrepriſe par les pre
GALANT. 65 miers Muficiens de l'Europe ,
&par les plus excellés Joüeurs d'Inſtrumens de l'un &del'autre Sexe , pour leſquels on avoit fait une dépenſe prodi- gieuſe, car il yavoit telleMu- ſicienne àquil'ondonnoit plus de quatre cens Piſtoles pour ſon Carnaval. C'eſt le moyen de ne manquer pas de belles Voix; & il ne faut pas s'éton- mer apres des liberalitez fi ac- commodantes; fi tant de Per- ſonnes s'apliquentàl'envy à ſe rendre parfaites dans la Muſique.
Nicomede en Bithinie , dedié
àl'Imperatrice Eleonor , a fui- vy ces deux Opéra. Le Do- teur Matheo Giannini en
avoit fait les Vers , & il a paru fur le Theatre Zane de S.Moïſe avec un applaudiſement fi
Fij
66 LE MERCURE
general , que tous ceux qui Pontveurepreſenter,ontavoué quejamais Piece n'avoit cu ny tant d'inventions galantes &
fines , ny tant de choſes capa- bles de plaire &detoucher le.
gouft des plus délicats. Com- melesMachines que ce grand Sujet demandoit n'auroient pu s'executer dans le petit eſpace d'un Theatre ordinaire , on s'eſt contentédes Décorations
&des Changemens de Scenes qu'ony a faites les plus belles &les plus riches qu'ont ait ja- mais veuës. Le premier Acte finiffoit par un Balet de Tail- leurs de pierre. Ils tenoient chacun leur Marteaux & leurs
Ciſeaux,&faifoient leurs mouvemens en cadence autour
d'une Statuë de Nicomede,
qu'ils ſembloient achever en
GALANT. 67 dançant; mais tout celad'une maniere fi bien concertée ,
qu'on ne pouvoit rien voirde plusjufte. Une entrée de Paï- sās&de laboureurs avec leurs
Bêches &leurs Hoyaux finif- foit l'Acte ſuivant; &la fecon-
✓ de Scene du Troifiéme eſtoit
agreablement interrompuëpar uneDanſe de plufieursHéros,
qui fe ſouvenant de leurs anciennes amours , prenoient chacun un bout des cordons
de diverſes couleurs qui pen- doientauxbranches d'unMirteélevé au milieu du Theatre.
Iln'y avoit riende ſi divertif- fant que de les voir ſe mefler &ſe démefler les uns d'avec
les autres , cequ'ils faifoientde diferentes manieres , & toûjours avec une adreſſe qui at- tiroit les acclamations de tout
Fiij
68 LE MERCVRE
le monde. La Muſique de cér Opéra eſtoit du tres-excellent Cavalier Charles Groffi , Maî- tre de Chapelle de la Serenif- fime Republique..C'eſt undes Hõmesdumonde qui poffede le mieux cettte Science. Iln'a.
rien fait qui ne porte les mar- ques d'une haute capacité ,&
ſi elle a paru avec tantd'avan- tage pour luy dans l'Opéra de Nicomede , elle n'a pas eſté moins admirée dans celuyd'Io- cafte Reyne d'Armenie , qu'on adonné encor fur le meſme:
Theatre Zane avec un tresgrandfuccés. LeDocteurMo- niglia qui en avoit fait les Vers,
en a remporté beaucoup de gloire. Je ne vous diray point
toutes les beautez de cette Pie--
ce. Les Décorations ſurpre- noient, les Machines en étoient
1
GALANT. 69
admirables , la Muſique par- faite , & l'execution merveilLeufe..
Jules Cefaren Egypte , afours ny le ſujetdu cinquiémeOpé- ra qui a efté repreſenté ſur le fameux Theatre Vendramino
de S.Sauveur. Les Vers étoient
du Seigneur Buffani, & la Mu- fiquedela compoſitiondu Sei- gneur Antoine Sartorio , Maî- tre deChapelle du Duc Jean- Fredericde Brunſvic &de Lunebourg,Ducd'Hanover.Cér Opéra n'a pas eſté moins ap- plaudi que celuy & Antonin &
de Pompejan, compoſé par les meſmes Autheurs , donné fur le meſme Theatre , &chanté
par les plus excellentes Voix.
LesVers,laMufique,lesDé- corations , les Machines , tout yestoit admirable; & il n'en
70 LE MERCVRE faut point d'autre preuve que le grand concours de monde quis'yeſt toûjours trouvé pour le voir.
Il yen a eu encor deux au- tres fur un des anciens Theatres de Veniſe. Je ne vous en
puisdire ny les Sujets , ny le Nomde ceux qui ont compo- ſe les Vers & la Muſique je vous diray ſeulement que ce grand nombre de Spectacles n'a point empeſché l'Etabliſ- fement d'un Theatre tout nouveau , appellé le Theatre de SaintAnge.
C
On n'y a donné cette an- née qu'un ſeulOpéra, qui fait le neufiéme de ceux dont j'a- vois à vous parler. Il avoſt pourSujet le Raviſſement d'Helene , & eftoit chanté comme tous les autres par de tres.
GALANT. 7
d'Inci
habiles Muſiciens. La beauté
de leurs Voix répondoit par- faitement au profond ſçavoir de l'excellent SeigneurDomi- nique Freſchi, MaîtredeCha- pelle à Vicenze , qui en avoit compoſe la Muſique. Je n'ay point ſceu le Nom de l'Au theur des Vers , & tout c
qu'onm'a pûdire , c'est que la Piece eftoit remplie dens en fort grand nombre,&
fort égalemens beaux &fur- prenans. Il n'y avoit riende fi magnifique que les Décora- tions. On y admiroit ſur tout une Grote, qui faiſoit undes plus agreables ornemens du Palais d'Oenone. Elle estoit
embellie de Fontaines vives.
&de Jets d'eau naturels , & fi vous voulez bien rappeller l'image de toutes les choses.
*72 LE MERCVRE queje viensdevous ébaucher legerement , vous aurez peine à concevoir qu'on ſe refolve àfaire tantde dépenſes &tant d'appreſts pourdes Spectacles qui ne paroiſſentque pendant deux mois , & qu'une ſeule Ville puiſſe fournir afſez de Spectateurs pour ſatisfaire aux fraisdetant de diferentesPerſonnes qu'on yemploye. Aufſi nabandonne-t-on rien auPublic de cette nature qui n'a- proche de la perfection. Il n'y apoint de talent affoupi que F'émulation ne réveille. C'est
àqui emportera le prix ſur les autres. Onne ſe negligepoint,
parce qu'on craint d'être fur- monté &que ſi on laiſſoir
échaper quelque choſe de bas ou de foible , ce qu'on verroit de plus achevé,en feroit trop
د
GALANT. 73 4
alfément appercevoir les de- fauts. Lapeine ſuivroit incon- tinent , & le manque de fuc- cés de ces Ouvrages negligez en feroit perdre toute la dé- penſe. On ne les repreſente jamais qu'en Janvier & Fe- vrier , c'eſt àdire pendant tout le tempsduCarnaval. J'aypris mesmeſures pour en avoirdes nouvelles tous lesAns, afin de
vous en faire part ; & j'eſpere les avoir beaucoupplûtoſt que je ne les ay euës cette année.
Cen'eſt pas ſeulement à Ve- nife que les Opéra ſont en re- gne. Il s'en fait preſque dans toutes les Villes d'Italie , &
les Troubles de Meſſine n'ont
point empeſche qu'on n'y ait donné ce pompeux Divertif- ſement àM le Mareſchal Duc
deVivonne.C'eſt uneglorieuſe
74 LE MERCURE marquede la merveilleuſe pré- voyance du Roy , qui entre- tient ſi bien l'abondance dans
un lieu où regne la Guerre ,
queles Plaiſirs n'en ſont point
bannis.
Fermer
Résumé : Sujets de neuf Opéra qui ont tous esté representez à Venise depuis le mois de Ianvier de la presente année, avec les Noms de ceux qui ont composé les Pieces & la Musique : la Description des Changemens de Theatre, & de toutes les Machines. [titre d'après la table]
Le texte met en lumière les opéras représentés à Venise pendant le Carnaval, recommandant de s'y rendre chaque année pour apprécier la diversité des spectacles. Neuf opéras différents ont été joués dans cinq théâtres. Parmi eux, 'Totila' de Mateo Neris, représenté au théâtre Grimani de Saint-Jean et Saint-Paul, se distingue par ses changements de scènes impressionnants et ses décors sophistiqués, tels qu'une chambre avec un enfant dormant, des places de Rome en flammes, et un éléphant se transformant en soldats. D'autres opéras mentionnés incluent 'Astiage', 'Nicomède en Bithynie', 'Ioaspe Reine d'Arménie', 'Jules César en Égypte', et 'Le Ravissement d'Hélène'. Chaque opéra est loué pour ses décors, machines, musique et exécution. Le texte souligne également l'émulation et la perfection recherchée dans ces spectacles, qui attirent un grand nombre de spectateurs malgré les coûts élevés. Les artistes craignent de négliger certains aspects de leur travail par peur des critiques, ce qui peut entraîner des défauts immédiatement perçus et la perte des efforts investis. Les opéras sont généralement représentés en janvier et février. L'auteur mentionne avoir pris des mesures pour obtenir des nouvelles des opéras chaque année afin de les partager. Les opéras ne sont pas seulement populaires à Venise, mais aussi dans toutes les villes d'Italie. Même à Messine, malgré les troubles, un opéra a été donné en l'honneur du Maréchal Duc de Vivonne, démontrant la prévoyance du roi qui maintient l'abondance et les plaisirs même en temps de guerre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 318-323
Comédies nouvelles, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens François représentent depuis un mois une Tragédie intitulée [...]
Mots clefs :
Tragédie, Comédien, Larmes, Pièces, Représentation, Bon goût, Vérité, Auteur, Acte, Personnages, Comédie, Vices
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comédies nouvelles, [titre d'après la table]
Les Comédiens François repréfentent
depuis un mois une
Tragédie intitulée Andronic. Cet
Ouvrage eft le charme de la Cour
& de Paris. Il tire des larmes des
plus infenfibles ; & l'ona rien vû
depuis long temps , qui ait eu un
auffi grand fuccés. La Comédie
de l'Ufurier , qu'on jouë alterGALANT.
319
nativement avec cette Piéce , n'a
pas efté traitée d'abord fi favorablement
, & plufieurs ont imité
le Marquis de la Critique de l'E .
cole des Femmes. C'eft le fort
des Piéces qui reprennent les vices,
d'eftre condamnées dans les
premieres Repréſentations. Le
chagrin de fe reconnoiftre dans
des Portraits genéraux , & de
s'accufer en fecret des defauts .
qu'on blâme , oblige ceux qui fe
les reprochent à eux -meſmes , à ›
décrier une Piéce , afin d'empêcher
qu'on ne la voye ; mais les
Gens finceres & de bon gouft,
rétabliffent dans la fuite ce que
ces Critiques intéreffez ont tâché
d'abatre . C'est ce qui ne
pouvoit manquer à l'Ufurier, puis
que la Piéce paffe pour bien
320 MERCURE
écrite , & bien conduire , & qu'on
Y rit depuis le commencement
jufques à la fin , fans qu'il y ait
ny fade plaifancerie , ny équivoque
dont la modeftie puiffe eftre
bleffée. Ainfi l'on n'y peut rire
que de la verité des chofes qu'on
y dit en reprenant les defauts des
Hommes . Ces fortes de chofes
ne peuvent rendre un Autheur
blâmable . Quand on fera voir
que de certains Courtifans font
gueux par leur faute , loin de s'en
fâcher,ils doivent remercier ceux
qui en leur faifant ouvrir les yeux ,
leur donnent moyen d'éviter leur
ruine entiere. Il eft fi vray qu'on
n'a pas eu deffein de choquer la
Cour dans cette Piéce , qu'apres
avoir donné dans un Acte un Por.
trait des Courtiſans qui vivent
GALANT. 321
1
dans le defordre, on en donne un
dans l'Acte qui fuit , entièrement
à l'avantage de la Cour. On s'eft
réché fur ce que dans cette Piéce
on avoit mis des Abb.z fur le
Théatre ; mais fi ceux qui critiquent
cet endroit , l'avoient bien
examiné , ils connoiftroient que
le Perfonnage qu'ils prennent
pour un Abbé , n'eft qu'un des
Ufurpateurs de ce Tître , qui s'en
fervent feulement afin d'eftre
mieux receus dans les Compagnies
; de forte qu'on ne peut
faire aucune comparaifon de ce
Perfonnage avec un veritable
Abbé. D'ailleurs quand c'en feroit
un , on ne pourroit alleguer
qu'il defigne particulierement
aucun Abbé , puis qu'il dit des
chofes genérales , & qui ne peu
322 MERCURE
"
vent eftre appliquées à une mef
me Perfonne. Cela fait voir
que
c'eft fort injuftement que l'on
impute à un Particulier ce qui en
regarde plus de cent . Il en eft de
mefme des Banquiers dont on
parle dans la Piéce. Il cft certain
que l'Autheur n'en a eu aucun
en veuë , mais feulement les vices
de leur Profeffion. Ceux qui prêtent
à ufure , peuvent ne fe pas
corriger pour cela , mais le Pu
blic fera du moins averty de
beaucoup de chofes qu'il doit
éviter à leur égard . Cette maniere
de corriger les vices a efté
trouvée fi utile de tout temps ,
que les Anciens fe fervoient de
Mafques femblables à ceux dont
ils vouloient faire voir les - defauts,
afin de les faire remarquer
GALANT. 323
au Public Il n'en eft pas de mê
me aujourd'huy ; & l'on n'attaque
à la Comédie que les vices,
& non pas les Hommes.
depuis un mois une
Tragédie intitulée Andronic. Cet
Ouvrage eft le charme de la Cour
& de Paris. Il tire des larmes des
plus infenfibles ; & l'ona rien vû
depuis long temps , qui ait eu un
auffi grand fuccés. La Comédie
de l'Ufurier , qu'on jouë alterGALANT.
319
nativement avec cette Piéce , n'a
pas efté traitée d'abord fi favorablement
, & plufieurs ont imité
le Marquis de la Critique de l'E .
cole des Femmes. C'eft le fort
des Piéces qui reprennent les vices,
d'eftre condamnées dans les
premieres Repréſentations. Le
chagrin de fe reconnoiftre dans
des Portraits genéraux , & de
s'accufer en fecret des defauts .
qu'on blâme , oblige ceux qui fe
les reprochent à eux -meſmes , à ›
décrier une Piéce , afin d'empêcher
qu'on ne la voye ; mais les
Gens finceres & de bon gouft,
rétabliffent dans la fuite ce que
ces Critiques intéreffez ont tâché
d'abatre . C'est ce qui ne
pouvoit manquer à l'Ufurier, puis
que la Piéce paffe pour bien
320 MERCURE
écrite , & bien conduire , & qu'on
Y rit depuis le commencement
jufques à la fin , fans qu'il y ait
ny fade plaifancerie , ny équivoque
dont la modeftie puiffe eftre
bleffée. Ainfi l'on n'y peut rire
que de la verité des chofes qu'on
y dit en reprenant les defauts des
Hommes . Ces fortes de chofes
ne peuvent rendre un Autheur
blâmable . Quand on fera voir
que de certains Courtifans font
gueux par leur faute , loin de s'en
fâcher,ils doivent remercier ceux
qui en leur faifant ouvrir les yeux ,
leur donnent moyen d'éviter leur
ruine entiere. Il eft fi vray qu'on
n'a pas eu deffein de choquer la
Cour dans cette Piéce , qu'apres
avoir donné dans un Acte un Por.
trait des Courtiſans qui vivent
GALANT. 321
1
dans le defordre, on en donne un
dans l'Acte qui fuit , entièrement
à l'avantage de la Cour. On s'eft
réché fur ce que dans cette Piéce
on avoit mis des Abb.z fur le
Théatre ; mais fi ceux qui critiquent
cet endroit , l'avoient bien
examiné , ils connoiftroient que
le Perfonnage qu'ils prennent
pour un Abbé , n'eft qu'un des
Ufurpateurs de ce Tître , qui s'en
fervent feulement afin d'eftre
mieux receus dans les Compagnies
; de forte qu'on ne peut
faire aucune comparaifon de ce
Perfonnage avec un veritable
Abbé. D'ailleurs quand c'en feroit
un , on ne pourroit alleguer
qu'il defigne particulierement
aucun Abbé , puis qu'il dit des
chofes genérales , & qui ne peu
322 MERCURE
"
vent eftre appliquées à une mef
me Perfonne. Cela fait voir
que
c'eft fort injuftement que l'on
impute à un Particulier ce qui en
regarde plus de cent . Il en eft de
mefme des Banquiers dont on
parle dans la Piéce. Il cft certain
que l'Autheur n'en a eu aucun
en veuë , mais feulement les vices
de leur Profeffion. Ceux qui prêtent
à ufure , peuvent ne fe pas
corriger pour cela , mais le Pu
blic fera du moins averty de
beaucoup de chofes qu'il doit
éviter à leur égard . Cette maniere
de corriger les vices a efté
trouvée fi utile de tout temps ,
que les Anciens fe fervoient de
Mafques femblables à ceux dont
ils vouloient faire voir les - defauts,
afin de les faire remarquer
GALANT. 323
au Public Il n'en eft pas de mê
me aujourd'huy ; & l'on n'attaque
à la Comédie que les vices,
& non pas les Hommes.
Fermer
Résumé : Comédies nouvelles, [titre d'après la table]
Les Comédiens Français jouent depuis un mois la tragédie 'Andronic', qui connaît un grand succès à la cour et à Paris. La comédie 'L'Ufurier', alternée avec 'Andronic', a d'abord été mal reçue, certains critiques la comparant à la critique de l'École des Femmes. Les pièces dénonçant les vices sont souvent mal accueillies lors des premières représentations, car les spectateurs se reconnaissent dans les portraits tracés. Cependant, les gens sincères et de bon goût finissent par rétablir la réputation de la pièce. 'L'Ufurier' est bien écrite et offre un rire constant sans recourir à des plaisanteries fades ou blessantes. Le rire provient de la vérité des choses reprochées aux hommes. La pièce ne vise pas à choquer la cour, alternant entre des portraits de courtisans vivant dans le désordre et des portraits flatteurs de la cour. Les critiques ont également reproché la présence d'abbés sur scène, mais le personnage en question est un usurpateur du titre. Les banquiers mentionnés ne sont pas visés individuellement, mais leurs vices professionnels sont mis en lumière pour avertir le public. Cette méthode de correction des vices est jugée utile et a été utilisée par les Anciens pour faire remarquer les défauts au public. Aujourd'hui, on attaque les vices et non les hommes à la comédie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 127-143
Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 17. Decembre, les Comédiens François remirent au Théatre Ino & [...]
Mots clefs :
Esclave, Mort, Roi, Acte, Princesse, Prisonnier, Hymen, Théâtre, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
E 17. Décembre , les Comédiens
François remirent au Théâtre lw> &
Melicene , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la pre
mière fois avec un grand succès Tan
1713. oh la reprit sept ou -huit ans
après -, mais par des circonstances dont
on ne íçauroir rendre raison , les Re
présentations n'en furent pas nombreu-
: . „ se*;
*i8 MERCURE DE FRANCÈ. ,
ses } elle vienc de rentrer dans fes droits^
Sc les larmes qu'elle fait répandre dé^-
pol'ent en fa faveur. A cette occasion' ,
nous avons ctíi qu'il, ne seroi.c pas hors
de propos de faice voir dans quelle
source l'Auteur a puisé son sujec. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préfaces
La Tragédie d' lai fut une de celles
cjíii firent remporter des- prix a Euripide-y
le tems qui mus' a dérobé- une partie des
Ouvrages de ce grand Poète , r? a pas lais
sé venir jusqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit te
sujet me 'ne , fi Hygitt , Ajf-anvbi d' Augufie,
n'avait pris foin de nous le con^
server dans fa quatrième- Fable , qu'il nousa
laijsée fius' le titre d'Inv d'Euripide ,■
où nous apprennons qu' Aihamas , Sou
verain d'une punie de- la- Thessalie , eut
deux Enfans d'Ino , fin Epouse , & deux
autres ensuite de Themifto qu'iL épousa'
*nffi > qu'Ino , sa première femme , étant
mllie shr le V.arnafi* y pour célébrer ItJ
Fêtes de Bacchus ,,Athamas: envoya de
ses gens qui la lui amenèrent , & trouva
moyen de- la garder près de lui commt
une personne inconnue ; Themtjlo cepen
dant fut informée qu'elle y ètoit , fans:
pouvoir la connoure , & forma le dessein
de faire périr les Enfans de cette pretiHtrt
femme d'Athamas elle la prit
J ANVIER. 1730. *n
elle-rneme pour Confidente , & pour com
plice de son dejfeia , la regardant comme
une Esclave qui apparemment saijoit au
près des quatre enfans d'Athamas , —
qu'on iUvoit ensemble , les fonilions dt
Gouvernante \ afin de ne se point mépren
dre au ehoix qu'elle avoit a faire dt.s
deux qu'elle vouloìt immoler , Themifta
dit k fa Rivale de donner des vêter/:ens
blancs aux deux derniers enfans du Roy t
G7* cThabiller de noir ceux de la prirmiere
femme ; Ino fit le contraire ; Themifio
tua ses propres Fils 5 elle recennut fin
erreur , & fe tua elle-même de desespoir.
Voilà, pour ainsi dire, le germe de la Tra^
ge'die dont nous allons donner l'Extrair.On,
croiroit que c'est par modestie qucM .de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention > mais il nous ap
prend lui même que c'est par un autrç
motif qu'il s'y est déterniinét Voici com
ment il s'explique.
Ce sujet n'eft donc point tout entier
de mon invenùon , & il efl surprenant
que dans un tems ou beaucoup de per
sonnes d'une érudition très- profonde dans
P Antiquité , marquent tant de goût pour le
Théâtre , il ne s'en soit presque point
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
tomme un Roman tout-A-fait nouveau ,
& tiré dans toutes fis parties de mon ima
gination*
t3P MERCURE DE FRANCE.
gination. Ne diroit-on pas par le foiti
que M. de la Grange prend de se jus
tifier , qu'il craint qu'on ne lui impure
à faute ce qui devroit,lui faire honneur,
ëc qu'il croit qu'il est: plus glorieux d'a
voir lû que de créér ? il fait pourtant
Voir par la manière dont il a traité son
sujet , qu'il est; capable de l'avoir inventé.
Voici comment il dispose sa Fable, & se
la rend originale.
Un Roi de Thessalie n'ayant laisse
qu'une fille après fa mort , Athamas
usurpa le Throne fur cette Princesse.
Themiflée , fille du Gouverneur à'Euridicê
, c'-est le nom de la Princesse , se
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager son Throne & son
lit avec elle ; jl ne put le faire fans ré
pudier. Ino , fa première femme, Sf fille
de Cadmus. Themistée voulant assurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres se
crets pour faire pérjr Melicerte qu'on
avoir dérobé à fa fureur ; ce Melicerte
éroit fils d'Athamas & d'Ino. Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themistée , quoiqu'elle eut manqué son
coup -, elle fit élever Euridice dans une
tour } elle la destinoit à Palamede , c'est
le nom de ee Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lie ; elle donna à cette Princesse
une
JANVIER. ï7Jo. n»
une Esclave -pour Gouvernante. Cette
Esclave e'toit Ino elle même , qui croyoir
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
gene'ral de fa mort. Cependant Melicerte;,
échapé aux recherches de ses affalìins ,
respirok sous le nom KAlcidamas , i&
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
assiegeoit Pelle , Capitale de la Thessa
lie , pour vanger fa fille Ino. Pelle est
je lieu de ta Scène. Alcidamas & Euri
dice s'aiment par une simple vûe pro
duite par le hazard pendant le siège. Al
cidamas est fait prisonnier dans une at
taque où tout ícmbloit l'assurer d'une
pleine Victoire -, Themistée apprend en
même-rems que cet illustre prisonnier
est ce même Melicerte "dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la pre'tenduë Esclave , mere
de Melicerre •■> Ino fait fçavoir à Atha-
»nas par une lettre dont elle charge la
Princesse Euridice , qu'Alcidamas est son
fils Melicerte ; cela produit des recon-
. rioissances .très-touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe passe dans le
sems que Themistée est dans le Temple,
ou elle ordonne les apprêts du mariage
île son fils Palamede avec Euridice ,
íille du légitime Roi de Thessalie. The
mistée ayant appris qu'Athamas a vu Sc
jccoftr
.13* MERCURE DE f R AN CE.
reconnu son fils Melicerte , entreprend
Je faire périr ce Rival de son fils ; elle
.charge fa fidelle Esclave de l'envoyer sur
quelque prétexte , dans un lieu obscur ,
où elle ì'attendra pour le poignarder -,
Ino y envoyé Palamede au lieu de Me
licerte ; & par cette méprise , Themistéc
' plonge dans le sein de son propre fils
£e fer qu'elle croit porter dans le Xein
du fils de ía Rivale ; elle reconnoît ea
raéme-tems -son crime , ôc le véritable
fort de fa prétendue Esclave , & se tue
Je désespoir , peu regrettée d'Athamas ,
*jui depuis long-tems n'étoit occupé que
Je fa chere lno. Cet Argument servira
à rendre la distribution des Actes &
des Scènes plus' claire , &c les Scènes ea
íeront moins chargées d'expositions.
Themistée commence la Tragédie avec
.son fils Palamede. L'Exposition du sujet
est partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on "l'a mise dans l'Argurhent.
Un secours arrive à Athamas , & con
duit par Thrafile , frère de Themistée , #
.donne lieu à cette femme ambitieuse de
découvrir pour la première fois à soa
fils le grand dessein qu'elle a formé de
puis long-tems de lui faire épouser l'hcjitiere
légitime de la Couronne en la
personne de la Princesse Euridice. L' Au
teur connoìc trop bien le Théâtre pouc
ne
J A N ViER. 1729^ lîï
BC .pas donner des raisons à Thémistés
pour faire édater ptéciíement cn ce jour
un secret qu'elle a toûjoun caché : voici
corame ,elle s'explique.
Il est temps quand tout nous favorise,
Que jc fasse éclater cette illustre entreprise.
U n'est pas vrai , à la rigueur , que tout
favorise Thémistée , le secours que Thra-
£[e vient de lui amener , quelque considé
rable qu'elle le fasse , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers ;
Eh bien, mon fils, le fort changera-t'il de face?
Pouvons- nous espérer de sauver cette Place ?
Mais d'une espérance naislante^lle passe
bientôt à une sécurité qui va jusqu'à la
persuasion, puisqu'en finissant la première
Scène, elle dit >
Du succès que j'attends je fuis persuadée.
Le grand deísein de Thémistée ne con
siste pas seulement à faire épouser la Prin
cesse Euridice à son fils > mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Cou
ronne ; ahdication dont Clarigene , le plus
fidèle de ses Sujets l'a détourné jusqu'à
ce jour.
Thémiilée fait connoître ses intentions
G à
*54 MERCURE DE FRANCE,
à Euridice , & exhorte l'Esclave qui lui «
■tenu lieu de Gouvernante dans la Touc
d'où elle fort pour la première fois,
i la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promesse de sa liberté.
Palamede n'eisuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très-peu sa
lissait. L'Esclave inconnue loué la Prin
cesse de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet assez té
méraire pous aspirer à son Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la peiv
sonne de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours. £no pat
ixn premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de son époux ; mais Cla
rigene l'en détourne par prudence ; il
l'instruit de ce qui se passe dans J'arméa
des Aiïìegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas » ïno soupçonne que c'eù sou
' fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erteur,& lui
apprend que Thémistée a fait périr Meli
certe. Cet Acte finit par une promesse que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymcn
de Palamede avec Euridice & ['abdication
d'Athamas.Il est encore parlé dans ect Acte
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice.
Au second Acte , Clarigene , dans un
JMonologue, se confirme dans la noble
résolution de périr plutôt que de trahir les
ëaterçci; de son Roi. Âthae
JANVIER. 1730; rffS
Athamas , pour k première fois qu'il
.paroît , témoigne des remords qui tien
nent de la fureur son caractère devienc
plus raisonnable dans le reste de la Piece,
par les différentes situations où il se trou
ve. La mort prétendue' d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'esperancç /
.'de retrouver cette fidèle Epouse, injustes
ment répudiée, donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans soncaracteresï
cela n'empêche pas qu'il ne soit imbécile»
Clatigene a beau l'exhorrer à ne point
abdiquer la Couronne , par les raisons les
plus pressantes, il persiste dans son dessein,
& n'excuse sa foiblesse que par ces Vers:
•Maître encor dubandeau qu'ils veulent m'ar»
racher .
Moi-même de mon front je le veux détacher :
;Faisons voir qu'un grand coeur aisément le
dédaigne ,
|Lt sçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne.
Il confirme à Thémistée qui arrive , l'esperance
dont il l'a flatée ; Clarígene plus
Roi que le Roi même , ose persister en
présence de Thémistée dans le conseil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémistée affecte de répandre , le portent
à dice d'Ujti ton absçlu à Clarigene :
G i} Cla,
ij* MERCURE DE FRANCE, ^
Glarigene, suivei l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémistée
en est vivement picquée , 8ç Athamas sem
ble presque ['approuver par son silence..
Clarigene qui érpit sorti par ordre du Roi,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le secours amené par Thraíîle.
Thémistée en est déconcertée j mais une
seconde nouvelle que son fils lui apporte
de ^emprisonnement d'Alcidamas , qui
a suivi la mort de Thraíîle ,1a console en
partie & lui fait jurer ia mort d'Alcida-
~mas. Euridice , troublée du danger de son
Amant, prend une résolution digne d'elle,
qu'elle témoigne par çes Vers , qui finis
sent le second Acte ? . ' ;
Allons, quelque malheur que le destin m'zpr
prête,
D'une tête si chere écartons la tempête.
Le péril est pressant , volons à son secours ,
Et conservons fa vie aux dépens de mes jours.
C'est dès la première Scène du troisiè
me Acte , que le grand intérêt commen
ce. L'Esclave à qui Thémistée se confie ,
lui apprend qu'Euridice consent enfin
par ses foins à l'Hymen de son fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la li
berté du jeune Alcidamas ; ce grand
sacrifice
Janvier* 1730. n?
sacrifice persuade à Thémistéc qu'AÍcidamas
est aimé de la Princesse > Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien
d'autres foins quand elle apprend de
Thémistée que cet Alcidamas estMélicerte
8£ que" Lycus , áutrefois chargé de fa môrt
& récemment échappé des prisons de Cad~
mus , vient de lui révéler ce grand secret j
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémistée à suspendre sa ven
geance jusqu'après l'Hymen de son fils
avec Euridice & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi meme ; ce dernier
Conseil, qui a un air de fidélité, confir
me Thémistée dans la croyance où elle
est que fa prétendue Esclave est inviola
blement attachée à ses intérêts.
Euridice vient ; Thémistée dissimulant»
par le Conseil d'Ino , lui promet la liberté
d' Alcidamas au moment qu'elle aura épou
sé son fils.
Euridice gémit du sacrifice que l'Amouí
exige d'elle , pour sauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle proteste ..qu'elle se donnera la mort
après avoir sauvé la vie à son Amant. La
fausse Esclave lui conseille de feindre , Sc
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémistéc feint elle-même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque pro
messe qu'elle ait faite de lui rendre la li-
G iij berté.
MERCURE DE FRANCE;-
berté. Euridice frémit à cette funeste nou*
velle , Ino la rassure áutanc qu'elle peutpar
ces deux Vers :
te Ciel dans- mes projets ne me trahira pas,
Madame, .& je répons des jours d'Alcidamas; *
Euridice déplòre son sort dans un coure
Ivlonologue.Melicerte, qui apparemmenc
ti'Á que la Cour pour prison , vient se pré
senter aux yeux d'Euridice -, il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçue de la violence
qu'on vouloir lui faire, l'aroit déterminée
à tout entreprendre pour l'aífranchir d'un-
Hymen odieux ; il lui déclare son amoùr
qu'il s'impute à témérité, ignorant de quel
sang les Dieux l'ont fait naître» Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convena*-
fale à son rang.
Ino, sous le nom de Cléonc, vient
rassurer ces deux Amants ; Melicerte est
emû à sa vûè', il reçoit la promesse qu'elle
íui fait de le sauver , comme un Oracle
prononcé par une Divinité -, la fausse Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour son fils Mélicerte-, elle prie.
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'instruire d'un
important secret •, Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas présenter
elle-même au Rói ; elle lui répond qu'elle
ne doit se montrer à ses jeux que lorsJANVIË&.
17 3 0. ijf
«ju'ìl sera le Maître dans ce Palais , Sc
affranchi de la tyrannie de Thémistée.
Touc le monde convient que le quatriè
me est le plus bel Acte de la Piece , Athamas
même 4 qui jusqu'ici en a paru le
personnage le plus deífectueux, reprend
un nouveau caractère ; Clarigene lc rcconnoît
par ces Vers :
Je reconriois mon Koi dans ce noble dessein ,
Que les Dieux appaiscz ont mis dans votra'
sein ;
Par eux en ce moment votre aine est inspiríèV
Aux conseils d'une femme elle n'est plus li*
vrée,
Et fous de noirs chagrins trop long-temps*
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu.
Ce qui obligé Clarigene à parler ainíf
à Athamss c'est la noble résolution qu'il
lui témoigne de protéger le faux Alcidarnas
contre la fureurde Thémistée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui;
Vient de se faire en lui , à un songe dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui pré
sentant d'une main Alcidamas & de l'au
tre son fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
son réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
manière à ne pouvoir s'y tromper •> mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a poinc
douté qpe ce ne fût ion Ombre , qui , fi-
G iuj deic
pi 4.0 MERCURE DE FRANCE:
"ëelle-même dans les Enfers , venoit lui aniï
«oncer k mort } comme la fin de ses mal
heurs.
Euridiee vient présenter au Roi he
feillet dont la fausse Esclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient.
West-tu pas satisfait , impitoyable Epoux- ,
Des maux que m' a faits ton courroux-*
Sans ajoûter à ma misère
L'horreur de voir mon fils prisonnier daus ta-
Cour ,
Perdre enfij la clarté du jour
far la cruauté de son pere.
La lecture de ce billet n'avok jamais
tant touché que dans cette derniere re
prise d'Ino & Mdicerte , ce qui fait
©eaucoup d'honneur au sieur Sarrazin ,
^ui joué le Rôle d'Athamas. Le Roi or
donne à- Clarigene d-'allet chercher le
prisonnier î la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils est très-touchante. Acha
rnas ordonne à Melicerte d'éviter la Furie
de Themistéc par une prompte fuite. Me
licerte ne veut point partir fans amener
avec lui l'Efclave qui lui a causé tant
d'émotion dans l'Acte précédent. Ino
vient j son fils la reconnoîc pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de ses
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. *4i,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi .
Celles qui de mes yeux s'échapeiit malgré
moi;
Cet excés de bonté , ces marques de tendresse,
Un secret mouvement qui pour vous m'interesse
>
Madame , tout m'apprend que si je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin se deffendre de lui
avouer qu'elle est sa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themistée arrive > elle a appris qu'Arhamàs
a reconnu le prisonnier pour sort
fils ; elle en est au desespoir -, elle soup
çonne la fausse Cleone de cette trahison,
& lui demande pour preuve de son in
nocence de conduire fous un faux pré
texte , Melicerte dans un endroit obscur,
où elle le va attendre pour le poignar
der. C'est là un grand coup de Théâtre;
mais en n'auroic pas voulu que Themis
tée eut soupçonné Cleone , parcequ'ellë
lie doit pas lui confier cette derniere en
treprise , si elle se doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins imjaortante.-.
Gv Nous
1*4* MERCURE DE FRANCE.'
Nous passerons légèrement fur ce der
nier Acte , & nous n'en dirons que ce.-
qui sert à dénouer une Piéce qui n'est
que trop charge'e d'action. Palamede
vaincu , (a propose d'accabler son RivalJ.
sous fa chute par un noble desespoir.
On a retranché une Scène , où Licus:
paroissoit pour la première fois , 6c qui-:
étoit tout- à-fait inutile. Palàmede faic:
connoître que Themistéc l'attend v il estï
à présumer que c'est la fausse Cleone qui;
J'envoye à l'endroit. obscur où Themistéee
doit poignarder. Melicerte* Athamas 8C:
Eutidice viennent s'applaudir de la vic
toire que Melicerte a remportée fur ses:
Ennemis. T.hemistée vient annoncer à .
Athamas que Melicerte n'est plus-,
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
Melicerte paroîc ; mais on a trouvéqu'il
venoit un peu trop tard desabuser -
Athamas , qui ne disant , ni ne faisant :
rien pendant qu'on lui annonçoit la mortt
de son fils -, retomboit dans ion premier -
caractère, La vue de Melicerte donne
d'étranges soupçons à Themistée , dootr
les coups ont été rrompés. .
Ino vient changer ses soupçons cn cer*
titude -, elle lui apprend qu'elle a poi
gnardé son propre fils. La reconnoissinct •
entre Athamas & Ino ne produit pas un
Etaad effet , parcequ'elle se fait dans une :
sitttttioat
JANVIER. 1730. i4î
situation funeste , qui fait diversion ì
Pinterêt qui en pourroit résulter. Themistée
se tue , après une prédiction ,
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de se passer.
On a trouve' la Versification de cette
Tragédie tm peu foible ; mais on ne
peut pas refuser à l'Auteur Penrente du
Théâtre qu'il a portée au plus haut degré,
La ' Lecouvrcitr & le Sr Ditval ,
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux deThemifiée 6c d'Euriâice
, font joiiez par les D"" Balicour 8c
du Frcsne , & celui de Palamede , pat ic
ST Duchemin fils.
François remirent au Théâtre lw> &
Melicene , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la pre
mière fois avec un grand succès Tan
1713. oh la reprit sept ou -huit ans
après -, mais par des circonstances dont
on ne íçauroir rendre raison , les Re
présentations n'en furent pas nombreu-
: . „ se*;
*i8 MERCURE DE FRANCÈ. ,
ses } elle vienc de rentrer dans fes droits^
Sc les larmes qu'elle fait répandre dé^-
pol'ent en fa faveur. A cette occasion' ,
nous avons ctíi qu'il, ne seroi.c pas hors
de propos de faice voir dans quelle
source l'Auteur a puisé son sujec. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préfaces
La Tragédie d' lai fut une de celles
cjíii firent remporter des- prix a Euripide-y
le tems qui mus' a dérobé- une partie des
Ouvrages de ce grand Poète , r? a pas lais
sé venir jusqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit te
sujet me 'ne , fi Hygitt , Ajf-anvbi d' Augufie,
n'avait pris foin de nous le con^
server dans fa quatrième- Fable , qu'il nousa
laijsée fius' le titre d'Inv d'Euripide ,■
où nous apprennons qu' Aihamas , Sou
verain d'une punie de- la- Thessalie , eut
deux Enfans d'Ino , fin Epouse , & deux
autres ensuite de Themifto qu'iL épousa'
*nffi > qu'Ino , sa première femme , étant
mllie shr le V.arnafi* y pour célébrer ItJ
Fêtes de Bacchus ,,Athamas: envoya de
ses gens qui la lui amenèrent , & trouva
moyen de- la garder près de lui commt
une personne inconnue ; Themtjlo cepen
dant fut informée qu'elle y ètoit , fans:
pouvoir la connoure , & forma le dessein
de faire périr les Enfans de cette pretiHtrt
femme d'Athamas elle la prit
J ANVIER. 1730. *n
elle-rneme pour Confidente , & pour com
plice de son dejfeia , la regardant comme
une Esclave qui apparemment saijoit au
près des quatre enfans d'Athamas , —
qu'on iUvoit ensemble , les fonilions dt
Gouvernante \ afin de ne se point mépren
dre au ehoix qu'elle avoit a faire dt.s
deux qu'elle vouloìt immoler , Themifta
dit k fa Rivale de donner des vêter/:ens
blancs aux deux derniers enfans du Roy t
G7* cThabiller de noir ceux de la prirmiere
femme ; Ino fit le contraire ; Themifio
tua ses propres Fils 5 elle recennut fin
erreur , & fe tua elle-même de desespoir.
Voilà, pour ainsi dire, le germe de la Tra^
ge'die dont nous allons donner l'Extrair.On,
croiroit que c'est par modestie qucM .de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention > mais il nous ap
prend lui même que c'est par un autrç
motif qu'il s'y est déterniinét Voici com
ment il s'explique.
Ce sujet n'eft donc point tout entier
de mon invenùon , & il efl surprenant
que dans un tems ou beaucoup de per
sonnes d'une érudition très- profonde dans
P Antiquité , marquent tant de goût pour le
Théâtre , il ne s'en soit presque point
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
tomme un Roman tout-A-fait nouveau ,
& tiré dans toutes fis parties de mon ima
gination*
t3P MERCURE DE FRANCE.
gination. Ne diroit-on pas par le foiti
que M. de la Grange prend de se jus
tifier , qu'il craint qu'on ne lui impure
à faute ce qui devroit,lui faire honneur,
ëc qu'il croit qu'il est: plus glorieux d'a
voir lû que de créér ? il fait pourtant
Voir par la manière dont il a traité son
sujet , qu'il est; capable de l'avoir inventé.
Voici comment il dispose sa Fable, & se
la rend originale.
Un Roi de Thessalie n'ayant laisse
qu'une fille après fa mort , Athamas
usurpa le Throne fur cette Princesse.
Themiflée , fille du Gouverneur à'Euridicê
, c'-est le nom de la Princesse , se
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager son Throne & son
lit avec elle ; jl ne put le faire fans ré
pudier. Ino , fa première femme, Sf fille
de Cadmus. Themistée voulant assurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres se
crets pour faire pérjr Melicerte qu'on
avoir dérobé à fa fureur ; ce Melicerte
éroit fils d'Athamas & d'Ino. Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themistée , quoiqu'elle eut manqué son
coup -, elle fit élever Euridice dans une
tour } elle la destinoit à Palamede , c'est
le nom de ee Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lie ; elle donna à cette Princesse
une
JANVIER. ï7Jo. n»
une Esclave -pour Gouvernante. Cette
Esclave e'toit Ino elle même , qui croyoir
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
gene'ral de fa mort. Cependant Melicerte;,
échapé aux recherches de ses affalìins ,
respirok sous le nom KAlcidamas , i&
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
assiegeoit Pelle , Capitale de la Thessa
lie , pour vanger fa fille Ino. Pelle est
je lieu de ta Scène. Alcidamas & Euri
dice s'aiment par une simple vûe pro
duite par le hazard pendant le siège. Al
cidamas est fait prisonnier dans une at
taque où tout ícmbloit l'assurer d'une
pleine Victoire -, Themistée apprend en
même-rems que cet illustre prisonnier
est ce même Melicerte "dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la pre'tenduë Esclave , mere
de Melicerre •■> Ino fait fçavoir à Atha-
»nas par une lettre dont elle charge la
Princesse Euridice , qu'Alcidamas est son
fils Melicerte ; cela produit des recon-
. rioissances .très-touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe passe dans le
sems que Themistée est dans le Temple,
ou elle ordonne les apprêts du mariage
île son fils Palamede avec Euridice ,
íille du légitime Roi de Thessalie. The
mistée ayant appris qu'Athamas a vu Sc
jccoftr
.13* MERCURE DE f R AN CE.
reconnu son fils Melicerte , entreprend
Je faire périr ce Rival de son fils ; elle
.charge fa fidelle Esclave de l'envoyer sur
quelque prétexte , dans un lieu obscur ,
où elle ì'attendra pour le poignarder -,
Ino y envoyé Palamede au lieu de Me
licerte ; & par cette méprise , Themistéc
' plonge dans le sein de son propre fils
£e fer qu'elle croit porter dans le Xein
du fils de ía Rivale ; elle reconnoît ea
raéme-tems -son crime , ôc le véritable
fort de fa prétendue Esclave , & se tue
Je désespoir , peu regrettée d'Athamas ,
*jui depuis long-tems n'étoit occupé que
Je fa chere lno. Cet Argument servira
à rendre la distribution des Actes &
des Scènes plus' claire , &c les Scènes ea
íeront moins chargées d'expositions.
Themistée commence la Tragédie avec
.son fils Palamede. L'Exposition du sujet
est partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on "l'a mise dans l'Argurhent.
Un secours arrive à Athamas , & con
duit par Thrafile , frère de Themistée , #
.donne lieu à cette femme ambitieuse de
découvrir pour la première fois à soa
fils le grand dessein qu'elle a formé de
puis long-tems de lui faire épouser l'hcjitiere
légitime de la Couronne en la
personne de la Princesse Euridice. L' Au
teur connoìc trop bien le Théâtre pouc
ne
J A N ViER. 1729^ lîï
BC .pas donner des raisons à Thémistés
pour faire édater ptéciíement cn ce jour
un secret qu'elle a toûjoun caché : voici
corame ,elle s'explique.
Il est temps quand tout nous favorise,
Que jc fasse éclater cette illustre entreprise.
U n'est pas vrai , à la rigueur , que tout
favorise Thémistée , le secours que Thra-
£[e vient de lui amener , quelque considé
rable qu'elle le fasse , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers ;
Eh bien, mon fils, le fort changera-t'il de face?
Pouvons- nous espérer de sauver cette Place ?
Mais d'une espérance naislante^lle passe
bientôt à une sécurité qui va jusqu'à la
persuasion, puisqu'en finissant la première
Scène, elle dit >
Du succès que j'attends je fuis persuadée.
Le grand deísein de Thémistée ne con
siste pas seulement à faire épouser la Prin
cesse Euridice à son fils > mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Cou
ronne ; ahdication dont Clarigene , le plus
fidèle de ses Sujets l'a détourné jusqu'à
ce jour.
Thémiilée fait connoître ses intentions
G à
*54 MERCURE DE FRANCE,
à Euridice , & exhorte l'Esclave qui lui «
■tenu lieu de Gouvernante dans la Touc
d'où elle fort pour la première fois,
i la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promesse de sa liberté.
Palamede n'eisuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très-peu sa
lissait. L'Esclave inconnue loué la Prin
cesse de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet assez té
méraire pous aspirer à son Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la peiv
sonne de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours. £no pat
ixn premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de son époux ; mais Cla
rigene l'en détourne par prudence ; il
l'instruit de ce qui se passe dans J'arméa
des Aiïìegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas » ïno soupçonne que c'eù sou
' fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erteur,& lui
apprend que Thémistée a fait périr Meli
certe. Cet Acte finit par une promesse que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymcn
de Palamede avec Euridice & ['abdication
d'Athamas.Il est encore parlé dans ect Acte
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice.
Au second Acte , Clarigene , dans un
JMonologue, se confirme dans la noble
résolution de périr plutôt que de trahir les
ëaterçci; de son Roi. Âthae
JANVIER. 1730; rffS
Athamas , pour k première fois qu'il
.paroît , témoigne des remords qui tien
nent de la fureur son caractère devienc
plus raisonnable dans le reste de la Piece,
par les différentes situations où il se trou
ve. La mort prétendue' d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'esperancç /
.'de retrouver cette fidèle Epouse, injustes
ment répudiée, donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans soncaracteresï
cela n'empêche pas qu'il ne soit imbécile»
Clatigene a beau l'exhorrer à ne point
abdiquer la Couronne , par les raisons les
plus pressantes, il persiste dans son dessein,
& n'excuse sa foiblesse que par ces Vers:
•Maître encor dubandeau qu'ils veulent m'ar»
racher .
Moi-même de mon front je le veux détacher :
;Faisons voir qu'un grand coeur aisément le
dédaigne ,
|Lt sçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne.
Il confirme à Thémistée qui arrive , l'esperance
dont il l'a flatée ; Clarígene plus
Roi que le Roi même , ose persister en
présence de Thémistée dans le conseil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémistée affecte de répandre , le portent
à dice d'Ujti ton absçlu à Clarigene :
G i} Cla,
ij* MERCURE DE FRANCE, ^
Glarigene, suivei l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémistée
en est vivement picquée , 8ç Athamas sem
ble presque ['approuver par son silence..
Clarigene qui érpit sorti par ordre du Roi,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le secours amené par Thraíîle.
Thémistée en est déconcertée j mais une
seconde nouvelle que son fils lui apporte
de ^emprisonnement d'Alcidamas , qui
a suivi la mort de Thraíîle ,1a console en
partie & lui fait jurer ia mort d'Alcida-
~mas. Euridice , troublée du danger de son
Amant, prend une résolution digne d'elle,
qu'elle témoigne par çes Vers , qui finis
sent le second Acte ? . ' ;
Allons, quelque malheur que le destin m'zpr
prête,
D'une tête si chere écartons la tempête.
Le péril est pressant , volons à son secours ,
Et conservons fa vie aux dépens de mes jours.
C'est dès la première Scène du troisiè
me Acte , que le grand intérêt commen
ce. L'Esclave à qui Thémistée se confie ,
lui apprend qu'Euridice consent enfin
par ses foins à l'Hymen de son fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la li
berté du jeune Alcidamas ; ce grand
sacrifice
Janvier* 1730. n?
sacrifice persuade à Thémistéc qu'AÍcidamas
est aimé de la Princesse > Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien
d'autres foins quand elle apprend de
Thémistée que cet Alcidamas estMélicerte
8£ que" Lycus , áutrefois chargé de fa môrt
& récemment échappé des prisons de Cad~
mus , vient de lui révéler ce grand secret j
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémistée à suspendre sa ven
geance jusqu'après l'Hymen de son fils
avec Euridice & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi meme ; ce dernier
Conseil, qui a un air de fidélité, confir
me Thémistée dans la croyance où elle
est que fa prétendue Esclave est inviola
blement attachée à ses intérêts.
Euridice vient ; Thémistée dissimulant»
par le Conseil d'Ino , lui promet la liberté
d' Alcidamas au moment qu'elle aura épou
sé son fils.
Euridice gémit du sacrifice que l'Amouí
exige d'elle , pour sauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle proteste ..qu'elle se donnera la mort
après avoir sauvé la vie à son Amant. La
fausse Esclave lui conseille de feindre , Sc
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémistéc feint elle-même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque pro
messe qu'elle ait faite de lui rendre la li-
G iij berté.
MERCURE DE FRANCE;-
berté. Euridice frémit à cette funeste nou*
velle , Ino la rassure áutanc qu'elle peutpar
ces deux Vers :
te Ciel dans- mes projets ne me trahira pas,
Madame, .& je répons des jours d'Alcidamas; *
Euridice déplòre son sort dans un coure
Ivlonologue.Melicerte, qui apparemmenc
ti'Á que la Cour pour prison , vient se pré
senter aux yeux d'Euridice -, il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçue de la violence
qu'on vouloir lui faire, l'aroit déterminée
à tout entreprendre pour l'aífranchir d'un-
Hymen odieux ; il lui déclare son amoùr
qu'il s'impute à témérité, ignorant de quel
sang les Dieux l'ont fait naître» Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convena*-
fale à son rang.
Ino, sous le nom de Cléonc, vient
rassurer ces deux Amants ; Melicerte est
emû à sa vûè', il reçoit la promesse qu'elle
íui fait de le sauver , comme un Oracle
prononcé par une Divinité -, la fausse Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour son fils Mélicerte-, elle prie.
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'instruire d'un
important secret •, Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas présenter
elle-même au Rói ; elle lui répond qu'elle
ne doit se montrer à ses jeux que lorsJANVIË&.
17 3 0. ijf
«ju'ìl sera le Maître dans ce Palais , Sc
affranchi de la tyrannie de Thémistée.
Touc le monde convient que le quatriè
me est le plus bel Acte de la Piece , Athamas
même 4 qui jusqu'ici en a paru le
personnage le plus deífectueux, reprend
un nouveau caractère ; Clarigene lc rcconnoît
par ces Vers :
Je reconriois mon Koi dans ce noble dessein ,
Que les Dieux appaiscz ont mis dans votra'
sein ;
Par eux en ce moment votre aine est inspiríèV
Aux conseils d'une femme elle n'est plus li*
vrée,
Et fous de noirs chagrins trop long-temps*
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu.
Ce qui obligé Clarigene à parler ainíf
à Athamss c'est la noble résolution qu'il
lui témoigne de protéger le faux Alcidarnas
contre la fureurde Thémistée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui;
Vient de se faire en lui , à un songe dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui pré
sentant d'une main Alcidamas & de l'au
tre son fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
son réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
manière à ne pouvoir s'y tromper •> mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a poinc
douté qpe ce ne fût ion Ombre , qui , fi-
G iuj deic
pi 4.0 MERCURE DE FRANCE:
"ëelle-même dans les Enfers , venoit lui aniï
«oncer k mort } comme la fin de ses mal
heurs.
Euridiee vient présenter au Roi he
feillet dont la fausse Esclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient.
West-tu pas satisfait , impitoyable Epoux- ,
Des maux que m' a faits ton courroux-*
Sans ajoûter à ma misère
L'horreur de voir mon fils prisonnier daus ta-
Cour ,
Perdre enfij la clarté du jour
far la cruauté de son pere.
La lecture de ce billet n'avok jamais
tant touché que dans cette derniere re
prise d'Ino & Mdicerte , ce qui fait
©eaucoup d'honneur au sieur Sarrazin ,
^ui joué le Rôle d'Athamas. Le Roi or
donne à- Clarigene d-'allet chercher le
prisonnier î la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils est très-touchante. Acha
rnas ordonne à Melicerte d'éviter la Furie
de Themistéc par une prompte fuite. Me
licerte ne veut point partir fans amener
avec lui l'Efclave qui lui a causé tant
d'émotion dans l'Acte précédent. Ino
vient j son fils la reconnoîc pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de ses
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. *4i,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi .
Celles qui de mes yeux s'échapeiit malgré
moi;
Cet excés de bonté , ces marques de tendresse,
Un secret mouvement qui pour vous m'interesse
>
Madame , tout m'apprend que si je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin se deffendre de lui
avouer qu'elle est sa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themistée arrive > elle a appris qu'Arhamàs
a reconnu le prisonnier pour sort
fils ; elle en est au desespoir -, elle soup
çonne la fausse Cleone de cette trahison,
& lui demande pour preuve de son in
nocence de conduire fous un faux pré
texte , Melicerte dans un endroit obscur,
où elle le va attendre pour le poignar
der. C'est là un grand coup de Théâtre;
mais en n'auroic pas voulu que Themis
tée eut soupçonné Cleone , parcequ'ellë
lie doit pas lui confier cette derniere en
treprise , si elle se doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins imjaortante.-.
Gv Nous
1*4* MERCURE DE FRANCE.'
Nous passerons légèrement fur ce der
nier Acte , & nous n'en dirons que ce.-
qui sert à dénouer une Piéce qui n'est
que trop charge'e d'action. Palamede
vaincu , (a propose d'accabler son RivalJ.
sous fa chute par un noble desespoir.
On a retranché une Scène , où Licus:
paroissoit pour la première fois , 6c qui-:
étoit tout- à-fait inutile. Palàmede faic:
connoître que Themistéc l'attend v il estï
à présumer que c'est la fausse Cleone qui;
J'envoye à l'endroit. obscur où Themistéee
doit poignarder. Melicerte* Athamas 8C:
Eutidice viennent s'applaudir de la vic
toire que Melicerte a remportée fur ses:
Ennemis. T.hemistée vient annoncer à .
Athamas que Melicerte n'est plus-,
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
Melicerte paroîc ; mais on a trouvéqu'il
venoit un peu trop tard desabuser -
Athamas , qui ne disant , ni ne faisant :
rien pendant qu'on lui annonçoit la mortt
de son fils -, retomboit dans ion premier -
caractère, La vue de Melicerte donne
d'étranges soupçons à Themistée , dootr
les coups ont été rrompés. .
Ino vient changer ses soupçons cn cer*
titude -, elle lui apprend qu'elle a poi
gnardé son propre fils. La reconnoissinct •
entre Athamas & Ino ne produit pas un
Etaad effet , parcequ'elle se fait dans une :
sitttttioat
JANVIER. 1730. i4î
situation funeste , qui fait diversion ì
Pinterêt qui en pourroit résulter. Themistée
se tue , après une prédiction ,
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de se passer.
On a trouve' la Versification de cette
Tragédie tm peu foible ; mais on ne
peut pas refuser à l'Auteur Penrente du
Théâtre qu'il a portée au plus haut degré,
La ' Lecouvrcitr & le Sr Ditval ,
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux deThemifiée 6c d'Euriâice
, font joiiez par les D"" Balicour 8c
du Frcsne , & celui de Palamede , pat ic
ST Duchemin fils.
Fermer
Résumé : Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte du Mercure de France de janvier 1730 relate la représentation de la tragédie 'Mélicerte' de M. de la Grange, initialement jouée en 1713 et reprise après plusieurs années. La pièce s'inspire d'une tragédie d'Euripide et d'un récit d'Hygin, un auteur antique, qui raconte comment Themisto, la seconde épouse d'Athamas, roi de Thessalie, tente de tuer les enfants de la première épouse, Ino. La tragédie de M. de la Grange adapte cette histoire en introduisant des personnages et des événements originaux, tels que la princesse Euridice et Mélicerte, le fils caché d'Athamas et d'Ino, qui survit et commande l'armée sous le nom d'Alcidamas. L'intrigue se développe autour de la princesse Euridice, qui déplore son sort dans un cour. Mélicerte se révèle à elle et lui déclare son amour, prêt à la libérer d'un mariage odieux. Ino, sous le nom de Cléone, rassure les amants et promet de sauver Mélicerte en le faisant reconnaître par Athamas comme son fils. Euridice remet un écrit à Athamas, révélant un important secret. Athamas, inspiré par un songe où il voit Ino avec Alcidamas et Mélicerte, décide de protéger Mélicerte contre Themisto. La reconnaissance entre Athamas et Mélicerte est émouvante. Ino révèle sa véritable identité à Mélicerte et l'oblige à fuir avec Clarigene. Themisto, apprenant la reconnaissance de Mélicerte par Athamas, est désespérée et soupçonne Cléone de trahison. Elle tente de poignarder Mélicerte, mais échoue. Ino révèle à Themisto qu'elle a poignardé son propre fils, Palamède. La reconnaissance entre Athamas et Ino est peu marquée. Themisto se tue après une prédiction. La tragédie explore les thèmes de la vengeance, de l'amour et de la trahison, avec des personnages complexes et des intrigues entremêlées. La versification de la tragédie est jugée faible, mais l'auteur est reconnu pour son talent théâtral. Les rôles principaux sont interprétés par Penrente, Lecouvreur, et le Sr Ditval, tandis que ceux de Themisto et d'Euridice sont joués par les D'' Balicour et du Fresne, et celui de Palamède par le Sr Duchemin fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 1139-1152
Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le Jeudi 21. de ce mois, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Scène, Avertissement, Musique, Paroles, Satire, Acte, Fête, Amour, Bergers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
LRO
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
Fermer
Résumé : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Le 21 mai, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de 'Endymion', une pastorale héroïque sans prologue. Les paroles sont de M. de Fontenelle et la musique de M. de Blamont. Un avertissement précède le poème imprimé, indiquant que cette pièce diffère de ce que le public avait connu jusqu'alors. L'intrigue commence avec Pan, suivi d'un Satyre et de Lycoris, qui tentent de dissuader Pan de son amour pour Diane. Diane apparaît ensuite et Ismene, une bergère amoureuse d'Endymion, demande à Diane de la recevoir parmi ses Nymphes. Diane, bien que sceptique, accepte après qu'Ismene avoue encore aimer Endymion. Diane exprime ensuite son amour secret pour Endymion et met en garde Ismene sur son choix. Dans le second acte, Endymion consacre un temple à Diane, exprimant son amour de manière détournée. Diane impose silence aux bergers qui déclament contre l'amour. Dans le troisième acte, Pan croit que Diane est amoureuse de lui et prépare une fête en son honneur. Endymion, jaloux, décide de redemander Ismene à Diane. Diane, blessée, dissimule sa douleur et refuse de rendre Ismene. Le quatrième acte voit Ismene exprimer sa tristesse et son amour persistant pour Endymion. Diane annonce à Ismene qu'Endymion la redemande, mais Ismene refuse de quitter Diane. Endymion, en obtenant Ismene, est désespéré et révèle son amour pour Diane. Diane, troublée, doit partir pour remplacer le Soleil. Dans le cinquième acte, Diane retrouve Endymion dans une grotte et lui avoue son amour. Ils décident de cacher leur amour au reste du monde. L'Amour apparaît et ordonne que leur amour soit célébré dans ces lieux. La pièce se termine par une célébration de l'amour triomphant. Les rôles principaux sont interprétés par la Dlle. Pelissier et le sieur Tribou, avec des décors du Signor Alexandre Mauri. Par ailleurs, le texte mentionne le retour de Salé à Paris en juillet prochain. Le 28 du mois précédent, les comédiens François ont joué la tragédie de Britannicus. Lors de cette représentation, Mademoiselle Gossin, une jeune actrice ayant récemment joué en province au théâtre de Lille, a interprété le rôle de Junie pour la première fois. Elle a été acclamée par le public, qui a noté son amélioration à chaque représentation. Mademoiselle Gossin est décrite comme ayant une jolie figure, une voix agréable et une grande intelligence. Elle a également joué les rôles de Chimène dans Le Cid, Monime dans Mithridate, Andromaque dans Andromaque, Iphigenie dans Iphigénie, et Agnès dans L'École des femmes. De plus, elle danse et chante des couplets dans la comédie italienne Italie Galante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 227-235
EXTRAIT du Maître de musique.
Début :
Les trois principaux acteurs de cette piece, sont Lambert, maître de Musique, [...]
Mots clefs :
Maître de musique, Actrice, Pudeur, Acte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Maître de musique.
EXTRAIT du Maître de mufique.
Les trois principaux acteurs de cette
piece , font Lambert , maître de Mufique ,
joué par M. Rochard , Laurette fon écoliere
, repréſentée par Madame Favart , &.
Tracolin entrepreneur d'Opéra , joué par
M. Chanville.
Lambert ouvre le premier acte avec Laurette
& débute en grondant , par cet air.
Ah ! quel martire !
Sans ceffe inftruire !
Cent fois redire ,
Sans rien produire ,
C'est toujours pire.
Eh , laiffe- moi ,
Va , tais-toi .
Laurette fe fâche à ſon tour , & fon
maître lui dit :
- Mademoiſelle joue au mieux l'impertinente
Et pour faire dans peu l'actrice d'importance
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
Il ne lui manque plus , ma foi , que du talent ,
Encor fouvent on s'en difpenfe ,
En mettant à la place un ton bien infolent.
Elle lui répond :
En ce cas là , Monfieur , je fuis en bonne école ,
Je puis très-bien l'apprendre ici de vous.
Lambert fe met ici au clavecin. Laurette
crie exprès méchamment au lieu de chanter
, il l'interrompt en difant :
Chanteur qui pour mieux nous féduire
Youlez être à la fois agréable & touchant
Que l'haleine du doux zéphire ,
Qui , de fa Flore , à l'oreille foupire ,
Soit l'image de votre chant.
Eh ! crois - moi , renvoyons aux halles
Tous ces chantres bruyans , qui fçavent feulement
De leurs grands cris remplir nos falles.
Excellente leçon pour tous nos théâtres !
Laurette chante de nouveau & chante bien,
Lambert témoigne qu'il eft content , & lui
promet , fi elle continue de la rendre dans
peu une actrice parfaite. On annonce Tracolin
comme un perfonnage ridicule. Il
entre , & après avoir embraffé Lambert , il
regarde Laurette , & s'informe quel eft ce
n
A OU ST . 1755- 229
charmant objet . Lambert lui répond que
c'eft un fujet qu'il éleve pour le théâtre .
Tracolin fe récrie : quelle mine ! quel jeu !
quelle voix ! Lambert lui demande s'il l'a
entendue . Non , réplique- t - il .
Nous autres gens de l'art ,
Nous n'avons pour cela befoin que d'un regard ,
Et nous jugeons d'une voix par la vûe.
D'ailleurs , ajoûte - t - il ,
Avec un tel minois ,
A-t-on jamais manqué de voix.
Il fe répand en fleurettes, qui donnent d'au
tant plus de jaloufie à Lambert , que Laurette
y répond par cet Air toujours applaudi .
Suis - je bien pour une actrice 2
Vrai , fuis- je bien ?
Dites moi fans artifice ,
Croyez - vous qu'on applaudiffe
Ce maintien ?
Suis- je bien
Je n'ofe me flatter de rien.
Croyez - vous qu'on applaudiffe ,
Qu'en public je réuffiffe ?
Mais hélas !
N'ai- je pas
L'air trop novice , eh ?
Pour une actrice , eh ?
Pour la couliffe ,
eh ?
Je n'ofe me flatter de rien.
236 MERCURE DE FRANCE .
Tracolin paroît fi tranfporté d'entendre
Laurette , qu'il l'embraffe , & la demande à
fon maître qui la lui refuſe. On vient chercher
Lambert de la part d'une Ducheffe. II
eft obligé de fortir malgré lui , & de laiffer
Tracolin feul avec fon écoliere . Tracolin
fait fa tendre déclaration , Laurette
joue l'Agnès en diſant ,
Air. La pudeur qui me guide,
Me rend timide.
Je n'ofe lever les yeux
Si quelque curieux
Auprès de moi fe place ,
Et me regarde en face ,
Je fuis toute honteufe de cela.
Ma langue s'embarraffe ,
En lui difant , de grace ,
Souffrez , Monfieur , que je paffe ,
Je ne puis refter là
Où me voilà.
La pudeur , & c.
Si quelque téméraire
Pourfuit trop loin l'affaire ,
Moi , qui fuis bonne , & ne me fâche guere ,
J'excite ma colere
Et lui dis d'un ton fevere ,
Mais finirez-vous donc , Monfieur ,
Sçachez qu'on eft fille d'honneur ,
Scachez qu'on a de la pudeur.
A O UST . 1755. 23-1
Tracolin lui offre fa fortune avec fa
main , & fe jette à fes genoux , Lambert
revient & le furprend avec Laurette . Il fait
éclater fa jaloufie , & commence le beau
trio qui finit le premier acte. Ce morceau
eft fi triomphant , & les paroles font fi
bien coupées , que nous croyons obliger
le lecteur de les inférer ici dans leur entier.
Il eft bon d'ailleurs de les donner pour
modele.
TRIO EN DIALOGUE.
Lambert.
Le feu me monte au viſage ,
Voilà donc tout l'avantage
D'avoir formé fon bas âge,
Pour le prix de tant de foins ,
Cette volage
Avec un autre s'engage .
Quel outrage !
Et mes yeux en font témoins.
Je bravois déja l'orage ,
Quand le vent qui devient fort ,
Et qui fait rage ,
Me repouffe du rivage.
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Laurette.
Je guettais dans un bocage
232 MERCURE DE FRANCE.
Un oifeau d'un beau plumage.
Un chaffeur fonnant du cor ,
Faifant tapage ,
L'effarouche & lui fait prendre l'effor.
Quel trifte fort !
Enfemble.
Soins perdus inutile effort !
Lambert.
J'avois formé fon bas âge.
Tracolin,
J'avois fait un bon voyage ,
Laurette.
Je le guettois au paffage.
Ensemble.
Laurette.
Un chaffeur fonnant du cor ;
Faifant tapage ,
Lui fait prendre fon effor.
Tracolin .
Je touchois prefqu'au rivage
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Lambert.
En voilà tout l'avantage.
Quel outrage !
Méritois-je un pareil fort.
A O UST.
233 ·1755.
Seul. Un autre
aujourd'hui l'engage ,
La volage.
Tracolin .
Je touchois prefqu'au rivage.
Quel dommage !
Laurette.
Moi, j'allois le mettre en cage.
Tracolin.
Quel dommage !
Lambert.
La volage !
Ensemble.
Laurette.
Un chaffeur fonnant du cot,
Faifant
tapage ,
Lui fait prendre
fon effor.
Tracolin .
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Lambert.
Quel outrage !
Meritois-je un pareil fort ?
Tracolin.
J'allois entrer dans le port.
Laurette.
Moi , j'allois le mettre en cage i
bisfeul.
234 MERCURE DE FRANCE .
Il prend l'effor.
Quel trifte fort !
Ce premier acte eft très- brillant & rempli
d'airs agréables .
Lambert , qui revient avec Laurette ,
commence le ſecond acte par cet Air qui
exprime fi bien fon dépit jaloux.
Non , je fuis trop en colere ,
Me diras-tu le contraire ?
Quand moi -même j'ai vu le téméraire ,
Qui te faifoit les yeux doux !
Pourquoi faire
Etoit-il à tes genoux ?
Vaine rufe !
Mauvaiſe excufe !
Me crois-tu donc affez bufe
Pour m'en laiffer amufer ?
Mais voilà comme on s'abuſe ,
Quand on penfe m'abufer.
Laurette perfifte à fe juftifier & l'amene
par degrés au point de l'obliger à demander
grace lui- même. Cette fcene eft parfaitement
bien traitée & filée avec beaucoup
d'art. Lambert eft furpris à fon tour
par Tracolin aux genoux de Laurette , qui
dit à ce dernier qu'il furvient à propos , &
qu'elle avoit befoin de fa préfence pour
faire connoître fes fentimens. Tracolin fe
A O UST . 1755. 235
fatte alors de fe voir choifi . Lambert tremble
au contraire de ne l'être point. Laurette
les défabuſe tous deux , en donnant
la main à fon maître . Tracolin fe retire
confus , & Lambert ravi , chante avec Laurette
un Duo qui termine la piece. Elle eſt
imprimée , & fe vend chez la veuve Delormel
, rue du Foin , & chez Prault , fils ,
quai de Conti ; le prix eft de 24 fols.
Les trois principaux acteurs de cette
piece , font Lambert , maître de Mufique ,
joué par M. Rochard , Laurette fon écoliere
, repréſentée par Madame Favart , &.
Tracolin entrepreneur d'Opéra , joué par
M. Chanville.
Lambert ouvre le premier acte avec Laurette
& débute en grondant , par cet air.
Ah ! quel martire !
Sans ceffe inftruire !
Cent fois redire ,
Sans rien produire ,
C'est toujours pire.
Eh , laiffe- moi ,
Va , tais-toi .
Laurette fe fâche à ſon tour , & fon
maître lui dit :
- Mademoiſelle joue au mieux l'impertinente
Et pour faire dans peu l'actrice d'importance
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
Il ne lui manque plus , ma foi , que du talent ,
Encor fouvent on s'en difpenfe ,
En mettant à la place un ton bien infolent.
Elle lui répond :
En ce cas là , Monfieur , je fuis en bonne école ,
Je puis très-bien l'apprendre ici de vous.
Lambert fe met ici au clavecin. Laurette
crie exprès méchamment au lieu de chanter
, il l'interrompt en difant :
Chanteur qui pour mieux nous féduire
Youlez être à la fois agréable & touchant
Que l'haleine du doux zéphire ,
Qui , de fa Flore , à l'oreille foupire ,
Soit l'image de votre chant.
Eh ! crois - moi , renvoyons aux halles
Tous ces chantres bruyans , qui fçavent feulement
De leurs grands cris remplir nos falles.
Excellente leçon pour tous nos théâtres !
Laurette chante de nouveau & chante bien,
Lambert témoigne qu'il eft content , & lui
promet , fi elle continue de la rendre dans
peu une actrice parfaite. On annonce Tracolin
comme un perfonnage ridicule. Il
entre , & après avoir embraffé Lambert , il
regarde Laurette , & s'informe quel eft ce
n
A OU ST . 1755- 229
charmant objet . Lambert lui répond que
c'eft un fujet qu'il éleve pour le théâtre .
Tracolin fe récrie : quelle mine ! quel jeu !
quelle voix ! Lambert lui demande s'il l'a
entendue . Non , réplique- t - il .
Nous autres gens de l'art ,
Nous n'avons pour cela befoin que d'un regard ,
Et nous jugeons d'une voix par la vûe.
D'ailleurs , ajoûte - t - il ,
Avec un tel minois ,
A-t-on jamais manqué de voix.
Il fe répand en fleurettes, qui donnent d'au
tant plus de jaloufie à Lambert , que Laurette
y répond par cet Air toujours applaudi .
Suis - je bien pour une actrice 2
Vrai , fuis- je bien ?
Dites moi fans artifice ,
Croyez - vous qu'on applaudiffe
Ce maintien ?
Suis- je bien
Je n'ofe me flatter de rien.
Croyez - vous qu'on applaudiffe ,
Qu'en public je réuffiffe ?
Mais hélas !
N'ai- je pas
L'air trop novice , eh ?
Pour une actrice , eh ?
Pour la couliffe ,
eh ?
Je n'ofe me flatter de rien.
236 MERCURE DE FRANCE .
Tracolin paroît fi tranfporté d'entendre
Laurette , qu'il l'embraffe , & la demande à
fon maître qui la lui refuſe. On vient chercher
Lambert de la part d'une Ducheffe. II
eft obligé de fortir malgré lui , & de laiffer
Tracolin feul avec fon écoliere . Tracolin
fait fa tendre déclaration , Laurette
joue l'Agnès en diſant ,
Air. La pudeur qui me guide,
Me rend timide.
Je n'ofe lever les yeux
Si quelque curieux
Auprès de moi fe place ,
Et me regarde en face ,
Je fuis toute honteufe de cela.
Ma langue s'embarraffe ,
En lui difant , de grace ,
Souffrez , Monfieur , que je paffe ,
Je ne puis refter là
Où me voilà.
La pudeur , & c.
Si quelque téméraire
Pourfuit trop loin l'affaire ,
Moi , qui fuis bonne , & ne me fâche guere ,
J'excite ma colere
Et lui dis d'un ton fevere ,
Mais finirez-vous donc , Monfieur ,
Sçachez qu'on eft fille d'honneur ,
Scachez qu'on a de la pudeur.
A O UST . 1755. 23-1
Tracolin lui offre fa fortune avec fa
main , & fe jette à fes genoux , Lambert
revient & le furprend avec Laurette . Il fait
éclater fa jaloufie , & commence le beau
trio qui finit le premier acte. Ce morceau
eft fi triomphant , & les paroles font fi
bien coupées , que nous croyons obliger
le lecteur de les inférer ici dans leur entier.
Il eft bon d'ailleurs de les donner pour
modele.
TRIO EN DIALOGUE.
Lambert.
Le feu me monte au viſage ,
Voilà donc tout l'avantage
D'avoir formé fon bas âge,
Pour le prix de tant de foins ,
Cette volage
Avec un autre s'engage .
Quel outrage !
Et mes yeux en font témoins.
Je bravois déja l'orage ,
Quand le vent qui devient fort ,
Et qui fait rage ,
Me repouffe du rivage.
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Laurette.
Je guettais dans un bocage
232 MERCURE DE FRANCE.
Un oifeau d'un beau plumage.
Un chaffeur fonnant du cor ,
Faifant tapage ,
L'effarouche & lui fait prendre l'effor.
Quel trifte fort !
Enfemble.
Soins perdus inutile effort !
Lambert.
J'avois formé fon bas âge.
Tracolin,
J'avois fait un bon voyage ,
Laurette.
Je le guettois au paffage.
Ensemble.
Laurette.
Un chaffeur fonnant du cor ;
Faifant tapage ,
Lui fait prendre fon effor.
Tracolin .
Je touchois prefqu'au rivage
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Lambert.
En voilà tout l'avantage.
Quel outrage !
Méritois-je un pareil fort.
A O UST.
233 ·1755.
Seul. Un autre
aujourd'hui l'engage ,
La volage.
Tracolin .
Je touchois prefqu'au rivage.
Quel dommage !
Laurette.
Moi, j'allois le mettre en cage.
Tracolin.
Quel dommage !
Lambert.
La volage !
Ensemble.
Laurette.
Un chaffeur fonnant du cot,
Faifant
tapage ,
Lui fait prendre
fon effor.
Tracolin .
Quel dommage !
J'allois entrer dans le port.
Lambert.
Quel outrage !
Meritois-je un pareil fort ?
Tracolin.
J'allois entrer dans le port.
Laurette.
Moi , j'allois le mettre en cage i
bisfeul.
234 MERCURE DE FRANCE .
Il prend l'effor.
Quel trifte fort !
Ce premier acte eft très- brillant & rempli
d'airs agréables .
Lambert , qui revient avec Laurette ,
commence le ſecond acte par cet Air qui
exprime fi bien fon dépit jaloux.
Non , je fuis trop en colere ,
Me diras-tu le contraire ?
Quand moi -même j'ai vu le téméraire ,
Qui te faifoit les yeux doux !
Pourquoi faire
Etoit-il à tes genoux ?
Vaine rufe !
Mauvaiſe excufe !
Me crois-tu donc affez bufe
Pour m'en laiffer amufer ?
Mais voilà comme on s'abuſe ,
Quand on penfe m'abufer.
Laurette perfifte à fe juftifier & l'amene
par degrés au point de l'obliger à demander
grace lui- même. Cette fcene eft parfaitement
bien traitée & filée avec beaucoup
d'art. Lambert eft furpris à fon tour
par Tracolin aux genoux de Laurette , qui
dit à ce dernier qu'il furvient à propos , &
qu'elle avoit befoin de fa préfence pour
faire connoître fes fentimens. Tracolin fe
A O UST . 1755. 235
fatte alors de fe voir choifi . Lambert tremble
au contraire de ne l'être point. Laurette
les défabuſe tous deux , en donnant
la main à fon maître . Tracolin fe retire
confus , & Lambert ravi , chante avec Laurette
un Duo qui termine la piece. Elle eſt
imprimée , & fe vend chez la veuve Delormel
, rue du Foin , & chez Prault , fils ,
quai de Conti ; le prix eft de 24 fols.
Fermer
Résumé : EXTRAIT du Maître de musique.
Le texte présente la pièce de théâtre 'Le Maître de musique', qui met en scène trois personnages principaux : Lambert, maître de musique interprété par M. Rochard, Laurette, écolière jouée par Madame Favart, et Tracolin, entrepreneur d'opéra incarné par M. Chanville. La pièce commence par une altercation entre Lambert et Laurette, qui répond avec impertinence aux réprimandes de son maître. Lambert décide alors de lui donner une leçon de chant, et Laurette finit par bien chanter, ce qui satisfait Lambert. Tracolin fait ensuite son entrée et est immédiatement séduit par Laurette, ce qui suscite la jalousie de Lambert. Tracolin tente de séduire Laurette, mais Lambert les surprend et exprime sa jalousie dans un trio. Dans le second acte, Lambert, toujours jaloux, est apaisé par Laurette. Tracolin, qui surprend Lambert aux genoux de Laurette, est déçu, tandis que Lambert est ravi. Laurette clarifie la situation en donnant la main à Lambert, laissant Tracolin confus. La pièce se termine par un duo chanté entre Lambert et Laurette. La pièce est disponible à l'achat chez la veuve Delormel et Prault, fils, au prix de 24 sols.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 198-213
COMEDIE ITALIENNE. / Extrait de la Bohémienne.
Début :
LES Comédiens Italiens ont donné neuf représentations du Derviche, / Dans le premier Acte, le théatre représente une place publique. Nise & Brigani [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Comédie italienne, Comédiens-Italiens, Bohémienne, Acte, Théâtre, Tambour, Rôle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMEDIE ITALIENNE. / Extrait de la Bohémienne.
COMEDIE ITALIENNE.
ES Comédiens Italiens ont donné
LES neuf repréſentations du Derviche
après lefquelles l'Auteur l'a retiré pour le
faire remettre cet hiver. M. Dehelfe y a
parfaitement rendu fon rôle , & nous ne
doutons pas que la piece & l'Acteur ne
reçoivent toujours les mêmes applaudiffemens.
Nous donnerons l'extrait de cette
Comédie , dès qu'elle fera imprimée .
Les mêmes Comédiens ont repris la Bohémienne
qui n'a rien perdu des graces de
la nouveauté ; en voici l'extrait que nous
avions annoncé.
NOVEMBRE. 1755. 199
Extrait de la Bohémienne.
Dans le premier Acte , le théatre repréfente
une place publique. Nife & Brigani
fon frere , ouvrent la premiere fcene gaiement
par ce duo .
Duo. Colla fpe me del goder.
Dans l'espérance
On
peut
Du plaifir ,
d'avance
Se réjouir ;
Mais les foucis de l'avenir
Sont des tourmens qu'il faut bannir.
Brigani ſe plaint que la faim le preffe ,
& qu'on ne vit pas d'efpoir. Sa four le
confole en l'affurant qu'ils vont être inceffamment
riches. Tu connois bien , ditelle
, Calcante , ce gros Marchand que tu
viens de voir à la foire de Bologne , il
fera notre reffource. Je veux quitter l'état
de fourberies : Mais , lui répond Brigani ,
Si nous fommes adroits , nous fommes indigens.
Comment veux-tu changer de vie ?
Avons-nous le moyen d'être d'honnêtes gens.
Nife.
Mon frere , nous l'aurons par un bon mariage ,
Lorfque l'on a des attraits en partage ,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Et qu'on a l'art de s'en fervir ,
Tous les coeurs font à nous , on n'a plus qu'à
choifir.
Brigani lui dit que les vieillards ne font
pas foumis à fon pouvoir ; Nife le défabufe
par cette tirade , où il y a une comparaifon
qui paroît hafardée , mais qui eft
excufable dans la bouche d'une Bohémienne.
Quand nous voulons , ils font à nos genoux ,
Et nous fçavons les rendre doux :
Leurs coeurs plus tendres , plus fenfibles ,
Defléchés par les ans , en font plus combuftibles,
Et comme l'amadoue , un feul regard coquet
Leur fait prendre feu crac ; c'eft un coup de
briquet.
Notre homme eft dans le cas , & fitôt qu'il m'a
vue ,
J'ai porté dans fon ame une atteinte imprévue ,
Il avoit fous fon bras un fac rempli d'argent
Qu'il a ferré bien vîte ,
·
Il faut de cet argent que ta main le délivre ..
Calcante vient , ajoute-t-clle , je l'entend's
à fa toux. Songe à jouer ton rôle. Préparons-
nous. Ils fe retirent au fond duthéatre
, où Brigani va ſe déguiſer en ours.
NOVEMBRE. 1755..201
Calcante paroît , & après avoir renvoyé
un valet muet qui le fuit , il dit qu'il
vient chercher la jeune perfonne , dont
la taille & les yeux fripons l'ont frappé.
Nife , qui l'entend , s'approche , fuivie de
fon frere travefti en ours , & démande
à Calcante s'il veut fçavoir fa bonne aventure
, qu'elle la lui dira . Oui - dà , répondt'il
galamment : C'en eft une déja , quand
on vous voit Montrez-moi vos deux mains,
lui réplique-t -elle . Tandis qu'il les préfente
, Brigani s'avance , & tâche de lui
voler fon argent. Le bon homme qui l'apperçoit
, & qui croit voir un ours , fait
un cri de peur. Nife le raffure , en lui
difant que cet ours eft auffi privé que lui ,
qu'il faute , qu'il danfe comme une perfonne.
Calcante redonne les mains à Nife,
qui s'écrie en les examinant ,
Ariete. Ella può credermi.
Ah ! cette ligne
défigne
Longues années ,
Et fortunées ;
Cent ans au-delà` ;
Oui , oui , mon beau Monfieur vivra ,
Calcante.
Oh ! fans grimoire:
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
2º
Couplet.
On peut vous croire :
Cela fera.
Nife.
Certaine fille ,
gentille ,
Pour vous foupire.
De fon
martyre ,
Qui la guérira ?
Hem hem ? Monfieur la guérira.
Calcante.
Oh ! fans grimoire , &c .
3 ° Couplet.
"
Nife.
... Ah ! je vois une .....
fortune .....
Que rien ne borne
Au Capricorne ,
Eft écrit cela !
Oui , oui , Monfieur fe marira.
Calcante.
Oh vraiment voire ,
On ne peut croire
Ce conte - là .
Nife infifte que Calcante deviendra l'époux
d'une jeune beauté , mais il élude le
difcours & dit que l'argent vaut mieux.
NOVEMBRE. 1755. zoz
Nife alors fait fauter fon ours . Il paroît
charmé de fes lazzis , & propofe à la Bohémienne
de s'en défaire en fa faveur :
elle répond qu'elle le donnera pour trente
ducats , & fait danfer l'ours en même
tems qu'elle chante l'Ariete fuivante .
Ariete. Tre giorni.
Examinez fa grace ;
C'est un petit amour ,
Auffi beau que le jour.
(à l'ours. ) Regardez -nous en face ,
Et faites , mon mignon ,
Un pas de Rigodon.
que
Eh ! fautez donc , fautez donc ,
Brunet , fautez pour Javote ,
Tournez pour Charlote ,
Et faites ferviteur ,
Comme un joli Monfieur.
Donnez-moi la menotte ,
La menotte ,
Et faites ferviteur.
Calcante en donne vingt ducats , elle
lui dit que c'eft bien peu. Il lui répond
fon or eft de l'or ; elle lui réplique que
fon ours eft un ours. Il ajoute quatre ducats
à la fomme. Elle les reçoit , en lui
proteftant que fi elle n'étoit pas dans l'indigence
, elle le lui donneroit pour rien ,
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
tant elle a d'attachement pour lui. Il l'af
fure que de fon côté , il l'aime auffi à la
folie , ajoutant qu'elle vienne le voir quel
quefois , & qu'il lui donnera ... des confeils.
Nife après avoir dit tout bas , le
vieux vilain ! chante tout haut cetre
Ariete :
Si caro ben farette.
Oui , vous ferez fans cefle
L'objet de ma tendreffe :
Déja pour vous , mon coeur s'empreffe ;;
Et je le fens fauter ,,
Palpiter.
àpart.. Voyez qu'il eſt aimable ! .
Agréable !
Pour enflâmer mon coeur !
Pour être mon vainqueur !
Elle s'en vas
Pendant l'Ariete , le faux ours vole la
bourfe de Calcante , défait fon collier
s'enfuit , & laiffe fa chaîne dans la main.
du vieux Marchand qui , voulant faire
fauter l'ours , s'apperçoit trop tard de fa
fuite , & court de tous côtés en chantant :
Ariete. Maledetti , quanti fiete..
Ah ! mon ours a pris la fuite !
Courons vite , courons vîte ,
1
NOVEMBRE. 1755. 205
: Miférable !
L'ai - je pu laiffer fauver ?
Mais où diable
Le trouver , & c.
Nife revient , & lui demande ce qui
l'oblige à crier , il répond que c'eft fon
ours qui s'eft échappé. Elle lui dit de ne
fonger qu'à Nife , qu'elle vaut bien un
ours. Il réplique que ce n'eft pas le tems
de rire. Elle dit à part que ce fera bien une
autre crife , quand il s'appercevra qu'on a
volé fa bourfe ; elle ajoute tout haut , em
le regardant tendrement , qu'elle comptoit
fur fon amour. Calcante lui répond
par cette Ariete charmante :
Madam' lafciate mi in liberta.
Oh ! laiffez donc mon coeur par charité ,.
Oh ! laiffez donc mon coeur en liberté .
(à part.) Qu'elle eft pouponne !
Mon coeur fe donne
Malgré ma volonté.
( haut ) Oh ! laiffez donc , & c.
Pefte de mine
Qui me lutine !
Pefte de mine
Qui m'affaffine !!
Fut- on jamais plus tourmenté
Oh ! laiffez donc , &c,
206 MERCURE DE FRANCE.
Quel martyre !
J'expire ,
En vérité .
Oh ! morbleu , c'en eft trop ; prends donc ma
liberté.
Nife s'écrie qu'il a la fienne en échange,
& qu'elle le préfere aux jeunes gens les
plus aimables . Oui , ajoute- elle :
Je les détefte tous. Si vous fçaviez combien
Tous ces Meffieurs m'ont attrapée.
Calcante & Nife terminent le premier
par cet agréable duo . Ace
Nife.
Mon coeur , ô cher Calcante
Dans une forge ardente
Eft battu nuit & jour.
Tous les marteaux d'amour
Le battent nuit & jour.
Calcante.
O Dieux ! qu'elle eſt ma gloire !
En figne de victoire ,
L'Amour bat du tambour.
Mon coeur eft le tambour ,
Eft le tambour d'amour.
NOVEMBRE. 1755. 207
•
Nife.
Tiens , tiens , mets ta main là ;
Sens-tu ? tipeti , tipeta.
Calcante.
Ah ! comme ton coeur va;
Et toi , ma belle enfant ,
Sens-tu ? patapan.
Ensemble.
Tipe , tape ,
Comme il frappe.
Calcante . Dis-moi , pour qui l'amour
Bat-il fur mon coeur le tambour.
Nife. Dis-moi , pour qui l'amour
Bat-il fur mon coeur nuit & jour.
Nife .
Dis toi-même.
Calcante & Nife.
C'est que j'aime.
Qui fans que j'en diſe rien ,
Tu le devines bien.
Dans le fecond Acte le théatre repréfente
des ruines & des mafures abandonnées.
208 MERCURE DE FRANCE.
Nife & Brigani en habit de Bohémien ,
ouvrent cet Acte. Elle chante l'Ariete fuivante
en éclatant de rire fi naturellement ,
que tous les fpectateurs rient avec elle..
Si raviva.
Je n'en puis plus , laiffe- moi rire .....
Rien n'eft égal à fon martyre a
Il vient , il va , depuis une heure
Il jure , il pleure ,
Ib en mourra.
Ah ah ah !
Brigani lui fait entendre que l'argent
eft la feule idole du vieillard , & qu'il va
renoncer à l'amour . Non, lui répond Niſe.
L'avarice a beau fe défendre ,.
L'Amour et le tyran des autres paffions.
Elle le preffe en même tems d'aller changer
de figure pour la feconder avec leurs.
camarades dans le rôle de Magicienne
qu'elle va jouer. Nife refte feule . Calcante
paroît défefpéré & chante l'Ariete fuivante
, fans voir Nife .
Che Orror ! che Spavento !
Je perds fans reffource
Ma bourſe, ma bourſe ;
NOVEMBRE. 1755. 209
Vivrai -je fans elle !
Fortune cruelle !
Eft-ce affez m'accabler ?
Puis- je , cruelle ,
Vivre fans elle ?
Fortune cruelle ,
Je vais m'étrangler.
O perte funefte !
La faim , la foif, & la rage , & la pefte
Ont moins de rigueur que mon fort.
L'espoir qui te reſte ,
Calcante , c'est la mort.
Dès qu'il apperçoit Nife , il l'implore
pour retrouver fa bourfe. Elle lui dit
qu'elle va tâcher de le fervir , mais qu'elle
a befoin de fa préfence , & qu'elle
craint qu'il n'ait peur. Il protefte qu'il af
fronteroit le diable pour r'avoir fon argent.
Nife alors conjure l'enfer & particulierement
Griffifer qui en eft le caiffier.
Brigani paroît en longue robe noire ,
avec une grande perruque armée de cornes
, une barbe touffue , & des griffes aux
pieds & aux mains . Nife lui demande s'il
a la bourſe , il répond qu'oui . Calcante
prie le faux diable de la lui rendre ; celuici
lui réplique que fa bourſe lui appartient,
que c'est un argent mal acquis , & lui
propofe un accommodement , c'eft que
210 MERCURE DE FRANCE.
Calcante époufe Nife , & que fa bourſe
lui fervira de dot. Le vieux Marchand ne
veut pas y conſentir. Griffifer appelle fes
camarades pour punir ce refus. Des Bohémiens
déguiſés en diables , beaux , viennent
épouvanter Calcante , qui exprime
fon effroi mortel par l'Ariete qui fuit :
Perfidi perfidi.
Au fecours ! Ah ! je tremble !
Ici l'enfer s'affemble !
O Dieux ! c'eft fait de moi,
Ah ! je meurs d'effroi
De grace .
Mon fang fe glace.
A l'aide , je trépaffe.
à Nife. Daignez me fecourir
Je me fens mourir.
Au fecours , & c.
Nife lui dit avec douceur , m'époufezvous
? Je goûte affez la chofe , répart le
bonhomme que ces Meffieurs fe retirent ;
fais-moi voir ma bourfe , & tu feras contente.
Elle fait éloigner les Bohémiens
& commande à Griffifer de faire briller à
leurs yeux la bourfe , de Calcante . Il accourt
, & montre la bourſe , en diſant :
Lucifer vous ordonne
NOVEMBRE. 1755. 211
D'être époux , & dans le moment ,
Ou redoutez le plus dur châtiment.
Le Diable faire un mariage , le récrie
Calcante , il devroit l'empêcher. Brigani
répond plaifamment :
Il fçait fes intérêts.
C'eſt lui qui préſide au ménage ,
Et ce n'eſt pas à toi de fonder ſes decrets.
Nife alors joue la tendreffe , en difant
qu'elle ne veut pas que Calcante l'épouſe
malgré lui ; qu'elle l'aime trop pour caufer
fon malheur , & qu'elle va lui rendre
la bourfe. Brigani lui déclare , que fi
elle n'eft épousée , il faut qu'elle périffe ;
qu'elle peut rendre la bourſe à ce prix.
Elle la donne à Calcante , & feint de s'évanouir
entre fes bras. Le barbon attendri
, s'écrie : voilà ma main ! Je ne ſouffrirai
pas que tu perdes le jour. Nife revient
de fa fauffe pâmoifon , & le bonhomme
dit :
Allons , figurons - nous que la bourfe eft fa dot.
On n'a du moins rien ôté de la fomme ?
Ce dernier vers prouve que l'avarice ne
veut rien perdre , & qu'elle est toujours la
paffion dominante . Brigani répond que
212 MERCURE DE FRANCE.
la fomme eft entiere , & qu'il eft un
diable honnête homme . Et l'ours , demande
Calcante ? Vous le voyez en moi , répart
le frere de Nife , en fe démafquant , je
fuis le diable , l'ours & Brigani . Vous
m'avez attrapé , s'écrie le vieillard :
Mais Nife eft fi jolie ,
Qu'en la voyant , il n'eſt rien qu'on n'oublie .
Ils s'embraffent & terminent la piece
par ce joli Tiio.
Calcante.
Toujours prefte ,
Toujours lefte
Près de toi l'on me verra ,
>
La , la , la , mon amour s'augmentera.
Nife à Calcante.
Ma chere ame ,
Je me pâme
Du plaifir d'être ta femme ;
Ah ! que Nife t'aimera ,
La , la , la , la , la..
·Brigani à part.
Le bonhomme je l'admirė ;
Et de rire
J'étouffe , en voyant cela.
La, la , la.
NOVEMBRE. 1755. 213
Nife.
Vive l'allégreffe ,
Tu peux croire que fans ceffe ,
Ma tendreffe
Durera.
Ensemble.
Que l'on chante , que l'on fête
Nife. Les douceurs qu'Hymen apprête.
Le bonhomme que j'ai-là !
Calcante. Quel tréfor je trouve - là !
Le bonhomme que voilà .
>
Brigani.
Ta la , la , la.
Nife.
Ta femme t'adorera ,
à part. T'endormira .
Calcante Ma flame s'augmentera ,
Brigani.
Madame t'adorera ,
Te menera .
Cette fin refpire une joie folle qui fe
communique à tous les fpectateurs. On
ne peut la bien rendre qu'au théatre , ni
la bien fentir qu'à la répréſentation.
ES Comédiens Italiens ont donné
LES neuf repréſentations du Derviche
après lefquelles l'Auteur l'a retiré pour le
faire remettre cet hiver. M. Dehelfe y a
parfaitement rendu fon rôle , & nous ne
doutons pas que la piece & l'Acteur ne
reçoivent toujours les mêmes applaudiffemens.
Nous donnerons l'extrait de cette
Comédie , dès qu'elle fera imprimée .
Les mêmes Comédiens ont repris la Bohémienne
qui n'a rien perdu des graces de
la nouveauté ; en voici l'extrait que nous
avions annoncé.
NOVEMBRE. 1755. 199
Extrait de la Bohémienne.
Dans le premier Acte , le théatre repréfente
une place publique. Nife & Brigani
fon frere , ouvrent la premiere fcene gaiement
par ce duo .
Duo. Colla fpe me del goder.
Dans l'espérance
On
peut
Du plaifir ,
d'avance
Se réjouir ;
Mais les foucis de l'avenir
Sont des tourmens qu'il faut bannir.
Brigani ſe plaint que la faim le preffe ,
& qu'on ne vit pas d'efpoir. Sa four le
confole en l'affurant qu'ils vont être inceffamment
riches. Tu connois bien , ditelle
, Calcante , ce gros Marchand que tu
viens de voir à la foire de Bologne , il
fera notre reffource. Je veux quitter l'état
de fourberies : Mais , lui répond Brigani ,
Si nous fommes adroits , nous fommes indigens.
Comment veux-tu changer de vie ?
Avons-nous le moyen d'être d'honnêtes gens.
Nife.
Mon frere , nous l'aurons par un bon mariage ,
Lorfque l'on a des attraits en partage ,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Et qu'on a l'art de s'en fervir ,
Tous les coeurs font à nous , on n'a plus qu'à
choifir.
Brigani lui dit que les vieillards ne font
pas foumis à fon pouvoir ; Nife le défabufe
par cette tirade , où il y a une comparaifon
qui paroît hafardée , mais qui eft
excufable dans la bouche d'une Bohémienne.
Quand nous voulons , ils font à nos genoux ,
Et nous fçavons les rendre doux :
Leurs coeurs plus tendres , plus fenfibles ,
Defléchés par les ans , en font plus combuftibles,
Et comme l'amadoue , un feul regard coquet
Leur fait prendre feu crac ; c'eft un coup de
briquet.
Notre homme eft dans le cas , & fitôt qu'il m'a
vue ,
J'ai porté dans fon ame une atteinte imprévue ,
Il avoit fous fon bras un fac rempli d'argent
Qu'il a ferré bien vîte ,
·
Il faut de cet argent que ta main le délivre ..
Calcante vient , ajoute-t-clle , je l'entend's
à fa toux. Songe à jouer ton rôle. Préparons-
nous. Ils fe retirent au fond duthéatre
, où Brigani va ſe déguiſer en ours.
NOVEMBRE. 1755..201
Calcante paroît , & après avoir renvoyé
un valet muet qui le fuit , il dit qu'il
vient chercher la jeune perfonne , dont
la taille & les yeux fripons l'ont frappé.
Nife , qui l'entend , s'approche , fuivie de
fon frere travefti en ours , & démande
à Calcante s'il veut fçavoir fa bonne aventure
, qu'elle la lui dira . Oui - dà , répondt'il
galamment : C'en eft une déja , quand
on vous voit Montrez-moi vos deux mains,
lui réplique-t -elle . Tandis qu'il les préfente
, Brigani s'avance , & tâche de lui
voler fon argent. Le bon homme qui l'apperçoit
, & qui croit voir un ours , fait
un cri de peur. Nife le raffure , en lui
difant que cet ours eft auffi privé que lui ,
qu'il faute , qu'il danfe comme une perfonne.
Calcante redonne les mains à Nife,
qui s'écrie en les examinant ,
Ariete. Ella può credermi.
Ah ! cette ligne
défigne
Longues années ,
Et fortunées ;
Cent ans au-delà` ;
Oui , oui , mon beau Monfieur vivra ,
Calcante.
Oh ! fans grimoire:
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
2º
Couplet.
On peut vous croire :
Cela fera.
Nife.
Certaine fille ,
gentille ,
Pour vous foupire.
De fon
martyre ,
Qui la guérira ?
Hem hem ? Monfieur la guérira.
Calcante.
Oh ! fans grimoire , &c .
3 ° Couplet.
"
Nife.
... Ah ! je vois une .....
fortune .....
Que rien ne borne
Au Capricorne ,
Eft écrit cela !
Oui , oui , Monfieur fe marira.
Calcante.
Oh vraiment voire ,
On ne peut croire
Ce conte - là .
Nife infifte que Calcante deviendra l'époux
d'une jeune beauté , mais il élude le
difcours & dit que l'argent vaut mieux.
NOVEMBRE. 1755. zoz
Nife alors fait fauter fon ours . Il paroît
charmé de fes lazzis , & propofe à la Bohémienne
de s'en défaire en fa faveur :
elle répond qu'elle le donnera pour trente
ducats , & fait danfer l'ours en même
tems qu'elle chante l'Ariete fuivante .
Ariete. Tre giorni.
Examinez fa grace ;
C'est un petit amour ,
Auffi beau que le jour.
(à l'ours. ) Regardez -nous en face ,
Et faites , mon mignon ,
Un pas de Rigodon.
que
Eh ! fautez donc , fautez donc ,
Brunet , fautez pour Javote ,
Tournez pour Charlote ,
Et faites ferviteur ,
Comme un joli Monfieur.
Donnez-moi la menotte ,
La menotte ,
Et faites ferviteur.
Calcante en donne vingt ducats , elle
lui dit que c'eft bien peu. Il lui répond
fon or eft de l'or ; elle lui réplique que
fon ours eft un ours. Il ajoute quatre ducats
à la fomme. Elle les reçoit , en lui
proteftant que fi elle n'étoit pas dans l'indigence
, elle le lui donneroit pour rien ,
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
tant elle a d'attachement pour lui. Il l'af
fure que de fon côté , il l'aime auffi à la
folie , ajoutant qu'elle vienne le voir quel
quefois , & qu'il lui donnera ... des confeils.
Nife après avoir dit tout bas , le
vieux vilain ! chante tout haut cetre
Ariete :
Si caro ben farette.
Oui , vous ferez fans cefle
L'objet de ma tendreffe :
Déja pour vous , mon coeur s'empreffe ;;
Et je le fens fauter ,,
Palpiter.
àpart.. Voyez qu'il eſt aimable ! .
Agréable !
Pour enflâmer mon coeur !
Pour être mon vainqueur !
Elle s'en vas
Pendant l'Ariete , le faux ours vole la
bourfe de Calcante , défait fon collier
s'enfuit , & laiffe fa chaîne dans la main.
du vieux Marchand qui , voulant faire
fauter l'ours , s'apperçoit trop tard de fa
fuite , & court de tous côtés en chantant :
Ariete. Maledetti , quanti fiete..
Ah ! mon ours a pris la fuite !
Courons vite , courons vîte ,
1
NOVEMBRE. 1755. 205
: Miférable !
L'ai - je pu laiffer fauver ?
Mais où diable
Le trouver , & c.
Nife revient , & lui demande ce qui
l'oblige à crier , il répond que c'eft fon
ours qui s'eft échappé. Elle lui dit de ne
fonger qu'à Nife , qu'elle vaut bien un
ours. Il réplique que ce n'eft pas le tems
de rire. Elle dit à part que ce fera bien une
autre crife , quand il s'appercevra qu'on a
volé fa bourfe ; elle ajoute tout haut , em
le regardant tendrement , qu'elle comptoit
fur fon amour. Calcante lui répond
par cette Ariete charmante :
Madam' lafciate mi in liberta.
Oh ! laiffez donc mon coeur par charité ,.
Oh ! laiffez donc mon coeur en liberté .
(à part.) Qu'elle eft pouponne !
Mon coeur fe donne
Malgré ma volonté.
( haut ) Oh ! laiffez donc , & c.
Pefte de mine
Qui me lutine !
Pefte de mine
Qui m'affaffine !!
Fut- on jamais plus tourmenté
Oh ! laiffez donc , &c,
206 MERCURE DE FRANCE.
Quel martyre !
J'expire ,
En vérité .
Oh ! morbleu , c'en eft trop ; prends donc ma
liberté.
Nife s'écrie qu'il a la fienne en échange,
& qu'elle le préfere aux jeunes gens les
plus aimables . Oui , ajoute- elle :
Je les détefte tous. Si vous fçaviez combien
Tous ces Meffieurs m'ont attrapée.
Calcante & Nife terminent le premier
par cet agréable duo . Ace
Nife.
Mon coeur , ô cher Calcante
Dans une forge ardente
Eft battu nuit & jour.
Tous les marteaux d'amour
Le battent nuit & jour.
Calcante.
O Dieux ! qu'elle eſt ma gloire !
En figne de victoire ,
L'Amour bat du tambour.
Mon coeur eft le tambour ,
Eft le tambour d'amour.
NOVEMBRE. 1755. 207
•
Nife.
Tiens , tiens , mets ta main là ;
Sens-tu ? tipeti , tipeta.
Calcante.
Ah ! comme ton coeur va;
Et toi , ma belle enfant ,
Sens-tu ? patapan.
Ensemble.
Tipe , tape ,
Comme il frappe.
Calcante . Dis-moi , pour qui l'amour
Bat-il fur mon coeur le tambour.
Nife. Dis-moi , pour qui l'amour
Bat-il fur mon coeur nuit & jour.
Nife .
Dis toi-même.
Calcante & Nife.
C'est que j'aime.
Qui fans que j'en diſe rien ,
Tu le devines bien.
Dans le fecond Acte le théatre repréfente
des ruines & des mafures abandonnées.
208 MERCURE DE FRANCE.
Nife & Brigani en habit de Bohémien ,
ouvrent cet Acte. Elle chante l'Ariete fuivante
en éclatant de rire fi naturellement ,
que tous les fpectateurs rient avec elle..
Si raviva.
Je n'en puis plus , laiffe- moi rire .....
Rien n'eft égal à fon martyre a
Il vient , il va , depuis une heure
Il jure , il pleure ,
Ib en mourra.
Ah ah ah !
Brigani lui fait entendre que l'argent
eft la feule idole du vieillard , & qu'il va
renoncer à l'amour . Non, lui répond Niſe.
L'avarice a beau fe défendre ,.
L'Amour et le tyran des autres paffions.
Elle le preffe en même tems d'aller changer
de figure pour la feconder avec leurs.
camarades dans le rôle de Magicienne
qu'elle va jouer. Nife refte feule . Calcante
paroît défefpéré & chante l'Ariete fuivante
, fans voir Nife .
Che Orror ! che Spavento !
Je perds fans reffource
Ma bourſe, ma bourſe ;
NOVEMBRE. 1755. 209
Vivrai -je fans elle !
Fortune cruelle !
Eft-ce affez m'accabler ?
Puis- je , cruelle ,
Vivre fans elle ?
Fortune cruelle ,
Je vais m'étrangler.
O perte funefte !
La faim , la foif, & la rage , & la pefte
Ont moins de rigueur que mon fort.
L'espoir qui te reſte ,
Calcante , c'est la mort.
Dès qu'il apperçoit Nife , il l'implore
pour retrouver fa bourfe. Elle lui dit
qu'elle va tâcher de le fervir , mais qu'elle
a befoin de fa préfence , & qu'elle
craint qu'il n'ait peur. Il protefte qu'il af
fronteroit le diable pour r'avoir fon argent.
Nife alors conjure l'enfer & particulierement
Griffifer qui en eft le caiffier.
Brigani paroît en longue robe noire ,
avec une grande perruque armée de cornes
, une barbe touffue , & des griffes aux
pieds & aux mains . Nife lui demande s'il
a la bourſe , il répond qu'oui . Calcante
prie le faux diable de la lui rendre ; celuici
lui réplique que fa bourſe lui appartient,
que c'est un argent mal acquis , & lui
propofe un accommodement , c'eft que
210 MERCURE DE FRANCE.
Calcante époufe Nife , & que fa bourſe
lui fervira de dot. Le vieux Marchand ne
veut pas y conſentir. Griffifer appelle fes
camarades pour punir ce refus. Des Bohémiens
déguiſés en diables , beaux , viennent
épouvanter Calcante , qui exprime
fon effroi mortel par l'Ariete qui fuit :
Perfidi perfidi.
Au fecours ! Ah ! je tremble !
Ici l'enfer s'affemble !
O Dieux ! c'eft fait de moi,
Ah ! je meurs d'effroi
De grace .
Mon fang fe glace.
A l'aide , je trépaffe.
à Nife. Daignez me fecourir
Je me fens mourir.
Au fecours , & c.
Nife lui dit avec douceur , m'époufezvous
? Je goûte affez la chofe , répart le
bonhomme que ces Meffieurs fe retirent ;
fais-moi voir ma bourfe , & tu feras contente.
Elle fait éloigner les Bohémiens
& commande à Griffifer de faire briller à
leurs yeux la bourfe , de Calcante . Il accourt
, & montre la bourſe , en diſant :
Lucifer vous ordonne
NOVEMBRE. 1755. 211
D'être époux , & dans le moment ,
Ou redoutez le plus dur châtiment.
Le Diable faire un mariage , le récrie
Calcante , il devroit l'empêcher. Brigani
répond plaifamment :
Il fçait fes intérêts.
C'eſt lui qui préſide au ménage ,
Et ce n'eſt pas à toi de fonder ſes decrets.
Nife alors joue la tendreffe , en difant
qu'elle ne veut pas que Calcante l'épouſe
malgré lui ; qu'elle l'aime trop pour caufer
fon malheur , & qu'elle va lui rendre
la bourfe. Brigani lui déclare , que fi
elle n'eft épousée , il faut qu'elle périffe ;
qu'elle peut rendre la bourſe à ce prix.
Elle la donne à Calcante , & feint de s'évanouir
entre fes bras. Le barbon attendri
, s'écrie : voilà ma main ! Je ne ſouffrirai
pas que tu perdes le jour. Nife revient
de fa fauffe pâmoifon , & le bonhomme
dit :
Allons , figurons - nous que la bourfe eft fa dot.
On n'a du moins rien ôté de la fomme ?
Ce dernier vers prouve que l'avarice ne
veut rien perdre , & qu'elle est toujours la
paffion dominante . Brigani répond que
212 MERCURE DE FRANCE.
la fomme eft entiere , & qu'il eft un
diable honnête homme . Et l'ours , demande
Calcante ? Vous le voyez en moi , répart
le frere de Nife , en fe démafquant , je
fuis le diable , l'ours & Brigani . Vous
m'avez attrapé , s'écrie le vieillard :
Mais Nife eft fi jolie ,
Qu'en la voyant , il n'eſt rien qu'on n'oublie .
Ils s'embraffent & terminent la piece
par ce joli Tiio.
Calcante.
Toujours prefte ,
Toujours lefte
Près de toi l'on me verra ,
>
La , la , la , mon amour s'augmentera.
Nife à Calcante.
Ma chere ame ,
Je me pâme
Du plaifir d'être ta femme ;
Ah ! que Nife t'aimera ,
La , la , la , la , la..
·Brigani à part.
Le bonhomme je l'admirė ;
Et de rire
J'étouffe , en voyant cela.
La, la , la.
NOVEMBRE. 1755. 213
Nife.
Vive l'allégreffe ,
Tu peux croire que fans ceffe ,
Ma tendreffe
Durera.
Ensemble.
Que l'on chante , que l'on fête
Nife. Les douceurs qu'Hymen apprête.
Le bonhomme que j'ai-là !
Calcante. Quel tréfor je trouve - là !
Le bonhomme que voilà .
>
Brigani.
Ta la , la , la.
Nife.
Ta femme t'adorera ,
à part. T'endormira .
Calcante Ma flame s'augmentera ,
Brigani.
Madame t'adorera ,
Te menera .
Cette fin refpire une joie folle qui fe
communique à tous les fpectateurs. On
ne peut la bien rendre qu'au théatre , ni
la bien fentir qu'à la répréſentation.
Fermer
Résumé : COMEDIE ITALIENNE. / Extrait de la Bohémienne.
Le texte traite des représentations théâtrales de comédiens italiens. La pièce 'Le Derviche' a été retirée après neuf représentations pour être reprogrammée l'hiver suivant. L'acteur M. Dehelfe a été particulièrement acclamé dans son rôle, et la pièce ainsi que l'acteur sont attendus avec le même enthousiasme. Un extrait de cette comédie sera publié dès qu'elle sera imprimée. Les mêmes comédiens ont également repris la pièce 'La Bohémienne', qui a conservé toute sa fraîcheur et ses charmes. Le texte fournit un extrait détaillé du premier acte de 'La Bohémienne'. La scène se déroule sur une place publique où Nise et Brigani, frère et sœur, discutent de leur situation. Nise assure Brigani qu'ils seront bientôt riches grâce à un marchand nommé Calcante. Brigani exprime son scepticisme, mais Nise propose de changer de vie par un bon mariage, utilisant ses charmes pour séduire les vieillards. Calcante apparaît, attiré par Nise, et se laisse convaincre par elle de consulter sa bonne aventure. Brigani, déguisé en ours, tente de voler l'argent de Calcante, mais est découvert. Nise rassure Calcante et lui prédit une longue vie et un mariage avec une jeune beauté. Calcante, plus intéressé par l'argent, achète l'ours déguisé. Pendant que Calcante est distrait, Brigani vole la bourse de Calcante et s'enfuit. Dans le second acte, Nise et Brigani, déguisés en bohémiens, continuent leurs ruses. Calcante, désespéré, cherche sa bourse volée. Nise, déguisée en magicienne, conjure l'enfer pour retrouver la bourse. Brigani, déguisé en diable, propose à Calcante d'épouser Nise en échange de la bourse. Après des hésitations, Calcante accepte et épouse Nise. La pièce se termine par une scène joyeuse où les personnages expriment leur allégresse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 178
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON a donné le 15 Janvier la troisiéme représentation du Milicien , Comédie [...]
Mots clefs :
Comédie, Musique, Acte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
Fermer
Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
Le 15 janvier, la comédie 'Le Milicien', une pièce en un acte mêlée d'ariettes, a été représentée après une interruption due à l'indisposition d'une actrice. Le 26 janvier, la comédie 'Guy de Chefne ou la Fête des Druides', également en un acte et mêlée d'ariettes, a été jouée pour la première fois. La musique de cette pièce est composée par M. la Ruette, acteur du théâtre, mais l'auteur des paroles reste inconnu. La pièce a connu un grand succès, appréciée pour son ton agréable, délicat et souvent subtil, tant dans les paroles que dans la musique. Les connaisseurs la considèrent comme une des œuvres les plus charmantes de ce nouveau genre, offrant un divertissement raisonnable et agréable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 208-210
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON a repris sur ce Théâtre Sancho-Pança dans fon Isle, Opéra bouffon [...]
Mots clefs :
Comédie, Acte, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE..
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
Fermer
Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
En février 1763, plusieurs œuvres théâtrales ont été présentées. Le 4 février, la comédie italienne 'L'Amour Paternel, ou la Suivante reconnaissante' de Carlo Goldoni a été jouée pour la première fois et a été très applaudie. Cependant, elle a été interrompue après la deuxième représentation en raison de l'indisposition de plusieurs acteurs. Le 10 mars, 'La Bagarre', une comédie en un acte mêlée d'ariettes, a été représentée une seule fois et n'a pas été bien accueillie par le public, bien que la musique ait été jugée favorablement. Le 19 mars, 'Le Bon Seigneur', une comédie nouvelle en un acte en prose mêlée d'ariettes, a été donnée sans succès notable. Le 22 mars, 'L'Amour Paternel' a été rejoué avec succès. Le 24 mars, 'Arlequin cru mort', une comédie italienne en un acte de Goldoni, a été représentée pour la première fois avec beaucoup d'applaudissements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 189-190
De BERLIN, le 7 Mai 1763.
Début :
Depuis la ratification du Traité de Paix entre le Roi de Prusse et l'Impératrice Reine, [...]
Mots clefs :
Traité de paix, Roi de Prusse, Impératrice Reine, Ratification, Articles, Alliés, Acte, Signature, Approbation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De BERLIN, le 7 Mai 1763.
De BERLIN , le 7 Mai 1763.
Depuis la ratification du Traité de Paix entre
le Roi de Prufe & l'Impératrice Reine , ies
Plénipotentiaires respectifs des deux Puiffances ons
figné un Acte féparé dont voici la teneur.
Sa Majefté l'Impératrice Reine Apoftolique
de Hongrie & de Bohême , & Sa Majefté le
Roi de Prufle , étant convenus par l'Article XX .
du Traité de Paix conclu entre elles , & daté
du 15 Février 1763 , de comprendre dans ce
Traité de Paix leurs Alliés & Amis ; & s'étant
réſervé de les nommer dans un Acte féparé qui
auroit la même force que ledit Traité principal ,
& qui feroit également ratifié par les Hautes-
Parties contractantes. Sa Majesté l'impératrice
Reine Apoftolique de Hongrie & Bohême & Sa
Majefté le Roi de Pruffe ne voulant point différer
de faire connoître leurs intentions à cetégard,
déclarent qu'elles comprennent nommément &
expreflément dans le fufdit Traité de Paix du 15
Février 1763 , leurs Alliés & Amis ; fçavoir, de la
part de Sa Majefté l'Imperatrice Reine Apoftolique
de Hongrie & de Bohême , Sa Majesté le Roi
Très-Chrétien , Sa Majefté le Roi de Suede ,
Sa Majefté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe
& tous les Princes & Etats de l'Empire qui ſont
190 MERCURE DE FRANCE .
ou fes Alliés ou fes Amis ; & de la part de
Sa Majesté . Pruffienne , le Roi de la Grande-
Bretagne , Electeur de Hanovre , le Séréniffime
Duc de Brunfwick- Lunebourg , & le Séréniſſime
Landgrave de Heffe Caffel ,
Les Hautes-Parties contractantes comprennent
auffi dans le fufdit Traité de Paix du 15 Février
1763 , Sa Majefté l'Impératrice de toutes les
Ruffies en vertu des liens d'amitié qui fub
fiftent entre - elle & fes deux Hautes- Parties
contractantes , & de l'intérêt que Sadite Majefté
a témoigné prendre au rétabliffement de la
tranquillité en Allemagne .
En foi de quoi , Nous , les Plénipotentiaires
de Sa Majesté l'Impératrice Reine & de Sa Majefté
le Roi de Prufle , avons , en vertu de nos
pleins pouvoirs & inftructions , figné le préſent
Acte , qui aura la même force que s'il étoit inféré
mot pour mots dans le Traité de Paix du
15 Février 1763 , & qui fera également ratifié
par les Hautes- Parties contractantes . Fait à
Drefde le 12 Mars & à Berlin le 20 Mars 1763 :
L'exemplaire de la Cour de Vienne eft figné ,
Henri-Gabriel de Collenbach , & de celai de
Berlin , Ewald- Fréderic de Hertzberg.
Depuis la ratification du Traité de Paix entre
le Roi de Prufe & l'Impératrice Reine , ies
Plénipotentiaires respectifs des deux Puiffances ons
figné un Acte féparé dont voici la teneur.
Sa Majefté l'Impératrice Reine Apoftolique
de Hongrie & de Bohême , & Sa Majefté le
Roi de Prufle , étant convenus par l'Article XX .
du Traité de Paix conclu entre elles , & daté
du 15 Février 1763 , de comprendre dans ce
Traité de Paix leurs Alliés & Amis ; & s'étant
réſervé de les nommer dans un Acte féparé qui
auroit la même force que ledit Traité principal ,
& qui feroit également ratifié par les Hautes-
Parties contractantes. Sa Majesté l'impératrice
Reine Apoftolique de Hongrie & Bohême & Sa
Majefté le Roi de Pruffe ne voulant point différer
de faire connoître leurs intentions à cetégard,
déclarent qu'elles comprennent nommément &
expreflément dans le fufdit Traité de Paix du 15
Février 1763 , leurs Alliés & Amis ; fçavoir, de la
part de Sa Majefté l'Imperatrice Reine Apoftolique
de Hongrie & de Bohême , Sa Majesté le Roi
Très-Chrétien , Sa Majefté le Roi de Suede ,
Sa Majefté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe
& tous les Princes & Etats de l'Empire qui ſont
190 MERCURE DE FRANCE .
ou fes Alliés ou fes Amis ; & de la part de
Sa Majesté . Pruffienne , le Roi de la Grande-
Bretagne , Electeur de Hanovre , le Séréniffime
Duc de Brunfwick- Lunebourg , & le Séréniſſime
Landgrave de Heffe Caffel ,
Les Hautes-Parties contractantes comprennent
auffi dans le fufdit Traité de Paix du 15 Février
1763 , Sa Majefté l'Impératrice de toutes les
Ruffies en vertu des liens d'amitié qui fub
fiftent entre - elle & fes deux Hautes- Parties
contractantes , & de l'intérêt que Sadite Majefté
a témoigné prendre au rétabliffement de la
tranquillité en Allemagne .
En foi de quoi , Nous , les Plénipotentiaires
de Sa Majesté l'Impératrice Reine & de Sa Majefté
le Roi de Prufle , avons , en vertu de nos
pleins pouvoirs & inftructions , figné le préſent
Acte , qui aura la même force que s'il étoit inféré
mot pour mots dans le Traité de Paix du
15 Février 1763 , & qui fera également ratifié
par les Hautes- Parties contractantes . Fait à
Drefde le 12 Mars & à Berlin le 20 Mars 1763 :
L'exemplaire de la Cour de Vienne eft figné ,
Henri-Gabriel de Collenbach , & de celai de
Berlin , Ewald- Fréderic de Hertzberg.
Fermer
Résumé : De BERLIN, le 7 Mai 1763.
Le 7 mai 1763, à Berlin, les représentants du Roi de Prusse et de l'Impératrice Reine ont signé un acte séparé après la ratification du Traité de Paix. Cet acte, conforme à l'Article XX du Traité de Paix du 15 février 1763, inclut les alliés des deux puissances. L'Impératrice Reine de Hongrie et de Bohême a nommé comme alliés le Roi Très-Chrétien, le Roi de Suède, le Roi de Pologne et Électeur de Saxe, ainsi que tous les Princes et États de l'Empire ou leurs alliés. Le Roi de Prusse a désigné comme alliés le Roi de Grande-Bretagne et Électeur de Hanovre, le Duc de Brunswick-Lunebourg, et le Landgrave de Hesse-Cassel. L'Impératrice de toutes les Russies est également incluse en raison des liens d'amitié et de l'intérêt pour la tranquillité en Allemagne. L'acte, signé à Dresde le 12 mars et à Berlin le 20 mars 1763, a la même force que le Traité principal et sera ratifié par les parties contractantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer