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1
p. 1350-1363
LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
Début :
Je continue, Monsieur, de vous donner ce que je vous ai promis sur le [...]
Mots clefs :
Corneille d'Angleterre, Comédies, Tragédies, Réformer , Critique du théâtre anglais, Trois unités, Poètes modernes, Shakespeare
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
LETTRE écrite de Londres , sur quel
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
La lettre, écrite à Londres en juin 1731, discute des poètes dramatiques anglais. L'auteur mentionne Benjamin Johnson, contemporain de Shakespeare, qui a brillé sous les règnes de Jacques I et de Charles I. Surnommé le 'Corneille d'Angleterre', Johnson a tenté de réformer le théâtre anglais avec succès. Ses comédies, telles que 'Bartholomew-Fair' et 'Le Renard', sont particulièrement admirées. Johnson est reconnu pour sa modestie et son évitement des sujets impurs. Ses pièces respectent les unités de temps, de lieu et d'action, bien que les critiques anglais ne considèrent pas cela comme un défaut. Johnson est comparé à Molière pour sa capacité à peindre les passions humaines. Le texte évoque également John Milton, auteur de 'Samson Agoniste' et du 'Paradis perdu'. Jean Dryden, poète dramatique anglais mort en 1700, est mentionné pour ses œuvres, bien que certaines soient accusées de plagiat. Dryden a écrit des tragédies et des comédies, et a tenté de justifier la représentation du vice dans ses œuvres. Il a également écrit une dissertation sur la poésie dramatique, discutant des mérites des anciens et des modernes. D'autres poètes comme Philips et Row sont mentionnés pour leurs contributions au théâtre anglais. Philips est connu pour sa tragédie 'Andromaque', une imitation de celle de Racine. Row, quant à lui, a écrit plusieurs pièces respectant les règles du bon sens, bien qu'elles pèche contre les règles d'Aristote. Joseph Addison, poète anglais né en 1671 et mort en 1729, est le fils de Lancelot Addison. Il a écrit en latin et en anglais. Ses œuvres principales incluent le recueil 'Muse Anglicane', des poèmes comme 'La Paix de Riswick', 'La Résurrection', et des traductions de l'Énéide et des Métamorphoses. Addison a également écrit des lettres en vers, des odes, et des dissertations sur des sujets variés. Ses écrits sont marqués par un bon sens et une sensibilité qui touchent même les spectateurs les plus insensibles. Addison a également contribué à des publications comme le 'Spectateur' et le 'Tuteur'. William Congreve, poète comique anglais, est célèbre pour ses pièces de théâtre. Aveugle et vivant en 1721, ses œuvres sont souvent jouées avec un grand succès, notamment auprès des dames. Ses pièces, imprimées en trois volumes en 1710, sont connues pour leur esprit et leur capacité à peindre différents personnages. Parmi ses meilleures œuvres, on trouve 'Le vieux Garçon', 'L'Homme de mauvaise foi', 'Amour pour Amour', et 'Le Deuil de la nouvelle Mariée'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1182-1183
« On apprend de Venise, que J. B. Pasqualini, a achevé d'imprimer la nouvelle [...] »
Début :
On apprend de Venise, que J. B. Pasqualini, a achevé d'imprimer la nouvelle [...]
Mots clefs :
Londres, Shakespeare, Histoire byzantine, Marbres d'Arundel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On apprend de Venise, que J. B. Pasqualini, a achevé d'imprimer la nouvelle [...] »
On apprend de Venise , que J. B. Pasqualini
, a achevé d'imprimer la nouvelle
Edition de l'Histoire Bizantine , en 22 .
vol. in -fol. et qu'il commence à debiter
le 23. vol. de cet ample Recueil .
On écrit de Londres , que Guillaume
Bowyer y a imprimé le Supplement aux
Marbres d' Arundel ou d'Oxfort , que M.
Maittaire a publié depuis peu sous ce ti-
· I. Vol. tre,
JUIN. 1734. 1183
tre : Appendix ad Marmora Academia
Oxionensis , sive graca trium Marmorum
recens repertorum Inscriptiones , cum Latina
Versione et Notis 1733 .
On a fait depuis peu à Londres une
Edition complette de Pieces de Theatre
de Shakespear, avec des Notes de M.
7heobald , en 7. vol . in 8. en Anglois.
, a achevé d'imprimer la nouvelle
Edition de l'Histoire Bizantine , en 22 .
vol. in -fol. et qu'il commence à debiter
le 23. vol. de cet ample Recueil .
On écrit de Londres , que Guillaume
Bowyer y a imprimé le Supplement aux
Marbres d' Arundel ou d'Oxfort , que M.
Maittaire a publié depuis peu sous ce ti-
· I. Vol. tre,
JUIN. 1734. 1183
tre : Appendix ad Marmora Academia
Oxionensis , sive graca trium Marmorum
recens repertorum Inscriptiones , cum Latina
Versione et Notis 1733 .
On a fait depuis peu à Londres une
Edition complette de Pieces de Theatre
de Shakespear, avec des Notes de M.
7heobald , en 7. vol . in 8. en Anglois.
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Résumé : « On apprend de Venise, que J. B. Pasqualini, a achevé d'imprimer la nouvelle [...] »
À Venise, J. B. Pasqualini a publié une nouvelle édition de l'Histoire Byzantine en 22 volumes, avec un 23e en distribution. À Londres, Guillaume Bowyer a imprimé un supplément aux Marbres d'Arundel, contenant des inscriptions grecques traduites en latin, publié en 1733. Londres a également vu la parution des œuvres complètes de Shakespeare en 7 volumes, annotées par M. Theobald.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 62-69
NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Début :
ALEXANDRE. Oui, je sens toujours, Socrate, un [...]
Mots clefs :
Socrate, Alexandre le Grand, Spectacle, Shakespeare, Nature, Héros, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
NOUVEAU DIALOGUE
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
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Résumé : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Le texte relate un dialogue imaginaire entre Socrate et Alexandre le Grand. Alexandre exprime son plaisir de rencontrer Socrate, mais ce dernier est occupé avec l'ombre d'un poète tragique. Socrate reconnaît la distinction d'Alexandre et affirme que les poètes fournissent les sujets que les héros incarnent. Alexandre est surpris par l'intérêt de Socrate pour le théâtre et les poètes. Socrate explique que le théâtre est son école et qu'il y puise des leçons sur la nature humaine, citant des dramaturges comme Sophocle, Euripide, Aristophane et Shakespeare. Alexandre critique Shakespeare, le qualifiant de singulier plutôt que sublime, et parle de l'anglomanie. Socrate défend Shakespeare en soulignant que les grands talents appartiennent à tous les pays. Alexandre reproche à Shakespeare de mélanger le grotesque et le sublime, mais Socrate argue que cela reflète la nature humaine. Alexandre insiste sur le fait que les peintres et les poètes doivent choisir la belle nature, tandis que Socrate compare cela au choix des goûts et des passions. Alexandre conclut en disant que représenter l'humanité de manière défavorable l'avilit sans la réformer. Socrate comprend qu'Alexandre préfère ne pas voir ses défauts exposés.
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