Les Comédiens représenterent le 11.
de ce mois une Piece nouvelle intitulée
PItalie Galante , ou les Contes . Ce sont
trois Comédies differentes , où M. Delamotte
, s'est fait un plaisir d'accomoder
au Théatre , et de ramener aux bonnes
moeurs er aux bienséances , trois Contes
de la Fontaine ; l'Oraison de S. Julien
Richard Minutolo , et le Magnifique.
*
L'Oraison de S. Julien changée en Talisman
, dont on avoit déja vû trois Répre
sentations il y a quelques années , fût r‹ -
ceue avec beaucoup de plaisir.
Le Magnifique en deux Actes , eût le
succès le plus eclatant qu'un Autheur
puisse souhaitter : mais il arriva à Minu
tolo l'inconvenient de n'être pas entendu .
Un
MAY. 1737 TIT
Un des Acteurs principaux , et même le
plus nécessaire pour faire entendre la
Piéce , fût surpris d'une extinction de
voix , qui ne lui permit pas de prononcer
un seul mot de son Rôle : le tumulte que
ce contre-temps excita dans l'Assemblée ,
ne laissa point entendre les autres Acteurs:
ainsi l'on peut dire que la Piéce ne fût
pas representée ce jour- là ; elle le fut deux
jours aprés , et elle fut géneralement aplau
die. Le Public donne de jour en jour de
nouvelles louanges à tout l'ouvrage , et
le trouve digne de son Auteur
Chaque Piéce est ornée d'un Divertis
sement , la Musique est vive , enjoüée ,
ou tendre , selon que les caractéres l'éxigent
: elle est de M. Quinaut. Le Balet est
galand , et comique : il est de M. Dangeville.
La Fête de Renaud d'Ast est un Bal.
Le Vaudeville roule sur les Talismans ,
en voici deux Couplets.
Four surmonter l'Indifference ,
Il est tant de secrets charmants.
Faut il que contre l'Inconstance
L'Amour n'ait point de Talismans.
Pour bon gîte et bonne avanture
Faut-il
1154 MERCURE DE FRANCE
Faut- il des Aneaux et des Sorts ?
Soyez aimable , et je vous jure ,
Vous ne coucherez pas déhors.
La Fête de Minutolo est une Fête cham
pêtre. Le Vaudeville roule fur le bonheur
des Bergers , en voici trois Couplets:
Vous de qui la Richesse
Flate en vain les désirs ,
Vous cherchés les plaisirs ,
Et les manqués sans cesse ;
Nos Amours sont tout nôtre bien
Et nous ne vous envions rien.
Le Ciel a fait aux Hommes
Des Destins differents :
Vous paroissez contens :
Mais c'est nous qui le sommes ,
Nos Amours & c.
Au Parterre .
Si nos soins , pour vous plaire ,
N'avoient pas été vains ,
Vous auriés dans vos mains
Nôtre plus doux salaire ;
Vos
MAY. 1731
1159
Vos plaisirs sont tout nôtre bien
Hors delà nous n'envions rien.
2
La Fête du Magnifique : ce sont differents
Peuples qui offrent à Lucille les Richesses
de leur pays. Le Vaudeville rou
le sur la Magnificence. En voiçi trois
Couplets:
L'Amant avare et tiranique
Verra rebutter ses désirs :
Mais si l'Amour a des plaisirs ;
Ils sont pour l'Amant Magnifique,
Donnés , Amants ; mais donnés bien
Donner mal , c'est ne donner rien.
粥
La maniere ajoûte au service :
Il faut que les dons soient adroits ;
Les présens même quelquefois
Offensent plus que l'avarice .
Donnés , Amants &c.
Au Parters .
ន
W
Soyez avares de Critiques ,
Si vous ne sortés pas contens :
Ce n'est qu'en applaudissemen,
Qu'il
156 MERCURE DE FRANCE
Qu'il vous sied d'être Magnifiques.
Applaudissez pour nôtre bien :
Critiqués , mais si peu que rien.
Ce Couplet , que chante la Dlle. Gossin
avec beaucoup de grace, est fort applaudi :
les autres Couplets sont chantez vivement
et trés-bien exprimez . Les Dilles . Labate .
et Dangeville
font un très grand plaisir
dans le Balet , au milieu duquel la petite
Dlle. Dubreuil, en Sauve-Souris , danse ,
toujours; poursuivie
par ceux qui veulent
l'attrapper. Toutes ces Piéces, au reste,sont
trés bien représentées. Ce qui a fait remarquer
par plusieurs bons connoisseurs
que depuis fort long- temps , il n'y avoit
cu à la Comédie Françoise , tant ni de si
excellens sujets . Nous nous abstenons de
les nommer icy de peur de décourager
ceux dont les talens ne sont pas encore dévelopés
, et dont le Public empêche souvent
les progrés par trop peu d'indulgence.